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  • 8/15/2019 l’Architecture de Wittgenstein Métaphysique, Style Et Expression _ Mathieu Marion

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    L’ARCHITECTURE DE WITTGENSTEIN :MÉTAPHYSIQUE, STYLE ET EXPRESSION

    Mathieu MarionUniversité du Québec à Montréal

    Vous dessinez une porte, regardez ce que vous avez fait et dites : «  plus haut, plus haut, plus haut… oh, parfait  ». (Geste.)Qu’est-ce que c’est  ? Une expression de contentement  ?

     Ludwig Wittgenstein

     L’activité artistique ne fait pas « usage » d’un « langage tout- fait  », elle le « crée » au fur et à mesure.

     Robin George Collingwood 

    Wittgenstein a commenté très brièvement Heidegger en deux occasions : lors d’une conversation

    avec Schlick et Waismann à Vienne en décembre 1929 [WCV, 38-39] et dans le cadre d’une

    dictée à Waismann, datant vraisemblablement de décembre 1932 [D, 35-39]. Dans les deux cas,

    Wittgenstein n’indique pas ses sources, mais il semble ne faire référence qu’à un seul texte de

    Heidegger, celui de la conférence « Qu’est-ce que la métaphysique ? », paru en 1929 [Heidegger 

    1968]. Il n’y a aucun indice permettant de croire que Wittgenstein ait lu d’autres textes de

    Heidegger et il n’avait donc de sa philosophie qu’une connaissance très limitée. Cependant, ses

    remarques contiennent une critique de la métaphysique très instructive, ne serait-ce que pour la

    compréhension de sa propre pensée ; critique dont je me servirai comme point de départ, sans me

     poser la question de savoir si elle s’applique véritablement à Heidegger, car c’est là son côté le

    moins intéressant. Après avoir l’avoir présenté et avoir rapidement montré en quoi elle est liée

    aux positions défendues dans son Tractatus logico-philosophicus, je montrerai dans la première

     partie que Wittgenstein établit dans sa dictée un lien entre cette critique et des considérations sur 

    le style, qui expliquent un des aspects les plus saillants de la « maison Wittgenstein »1, l’absence

     

    1 J’entends ici la maison de la Kundmangasse à Vienne, que Wittgenstein a conçu les plans en collaboration avec lesarchitectes Paul Engelmann et Jacques Groag pour sa sœur Margerethe Stonborough, entre 1926 et 1928, maison quiest aussi connue sous le nom « Palais Stonborough ». Pour des analyses de son architecture et de sa signification

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    totale d’ornements. Dans la seconde partie, je tenterai d’élucider la singularité de cette démarche

    en me concentrant sur la question de l’expression à travers ce que Wittgenstein nomme de

    manière quelque peu grandiloquente le « geste » architectural, ainsi que sur les proportions de sa

    maison. En évitant quelques écueils, j’essaierai d’indiquer la voie à suivre pour mieux

    comprendre les rapports entre œuvre d’art et expression des sentiments selon Wittgenstein.

    1. L’énoncé métaphysique comme faute de style : Heidegger et l’ornement

     Je trouvais cela mauvais. Alors, les artistes dirent : voyez, c'est un ennemi de l'art. Mais ce n'est pas parce que je suis unennemi de l'art que je trouvais cela mauvais, au contraire, c'est 

     parce que je voulais protéger l'art contre ses oppresseurs. Adolf Loos

    La rencontre du 30 décembre 1929 entre Schlick, Waismann et Wittgenstein s’ouvre sur la

    remarque suivante, de Wittgenstein à propos de Heidegger :

    Je puis sans mal me représenter ce que Heidegger veut dire par « être » et « angoisse ». C’est unetendance chez l’homme que de venir se heurter aux limites du langage. Pensez par exemple àl’étonnement devant le fait que quelque chose existe. Étonnement qu’on ne peut exprimer dans laforme d’une question et qui ne comporte pas non plus de réponse. Tout ce que nous aimerions direici ne peut être a priori qu’un non-sens. Nous n’en courons pas moins nous jeter contre les limitesdu langage. [WCV, 38]

    En disant cela, Wittgenstein affiche certes un certain respect envers Heidegger, mais il décrit

    aussi ses propos sur l’être (Sein) et l’angoisse (Angst) comme tombant sous le coup de sa

    critique de la métaphysique dans les dernières pages du Tractatus logico-philosophicus et dans la

    « Conférence sur l’éthique », prononcée le mois précédent à Cambridge. Pour bien comprendre

    le sens de la critique de Wittgenstein, il faut s’arrêter quelques instants sur ce que l’on pourrait

    appeler, en reprenant une expression de Henry Sidgwick, les « sentiments cosmiques » (cosmic

     

     philosophique, voir [Bouveresse 2000, 125-137], [Cometti 1998], [Gebauer 1982a], [Leitner 2000, 2004] et[Wijdeveld 1993].

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    emotions) [Clifford 1886, 394], c’est-à-dire les sentiments suscités lorsqu’un individus considère

    sa position face à la réalité conçue comme un tout.

    Dans sa « Conférence sur l’éthique » [PIII, 17], Wittgenstein admettait avoir ressenti des

    sentiments de ce genre et parlait à leur propos d’une tendance de l’esprit humain qu’il « respecte

     profondément » et qu’il « ne ridiculiserait à aucun prix » [PIII, 19]. Que Wittgenstein puisse

    avoir ressenti de tels sentiments ne fait aucun doute, il suffit de penser à son expérience de

    l’angoisse devant la mort durant la guerre2, ou simplement de relire certaines de ses remarques

    sur la musique, comme celle-ci :

    Beethoven est absolument réaliste ; j’entends par là que sa musique est totalement vraie, je veuxdire : Il voit la vie entièrement comme elle est & puis il l’élève. C’est de la religion de part en part& pas du tout de l’écriture religieuse. C’est pourquoi, pendant que les autres capitulent, il a le pouvoir de consoler de réelles souffrances & il faut se dire qu’avec eux : non, il n’en est vraiment pas ainsi. Il ne berce pas dans un beau rêve, mais il délivre le monde en le voyant tel qu’il est, sousun jour héroïque. [Wittgenstein 1999, 59]

    Wittgenstein aurait plutôt eu tendance à mépriser ceux dont l’esprit est tel qui ne sont pas

    capable de ressentir de telles émotions. Ainsi, Frank Ramsey, avec qui il avait de profonds

    désaccords théoriques, avait selon lui « un mauvais esprit », mais « son âme n’était pas

    mauvaise », parce que son appréciation de la musique relevait selon Wittgenstein de ce genre

    d’émotions [Wittgenstein 1999, 30].

    Dans la « Conférence sur l’éthique », Wittgenstein mentionne deux exemples de sentiments

    cosmiques : « Je m’étonne de l’existence du monde » et « Je suis en sécurité, rien ne peut

    m’affecter, quoi qu’il arrive » [PIII, 15] ; les mêmes sentiments peuvent selon lui aussi être

    exprimés dans un langage religieux, respectivement : « Dieu a créé le monde » et « Je me sens en

    sécurité dans les mains de Dieu » [PIII, 16-17]. Il faut noter que cet « étonnement de l’existence

    du monde » est justement celui qui s’exprime par la question « pourquoi y a-t-il de l’être plutôt

     

    2 Voir le témoignage des « carnets secrets » [Wittgenstein 2001].

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    que rien ? », qu’on retrouve à la toute fin de « Qu’est-ce que la métaphysique ? » [Heidegger 

    1968, 72]. Cet étonnement est aussi équivalent à ce que Wittgenstein appelle « mystique » au

    6.45 de son Tractatus, c’est-à-dire « le sentiment du monde comme totalité bornée ».

    Ce sont ces sentiments et le besoin que l’on peut ressentir de les exprimer qui sont à

    l’origine de la « métaphysique ». En effet, le métaphysicien cherche à intégrer ces sentiments

    cosmiques dans un discours rationnel, sensé en donner, selon le principe de raison suffisante, les

    fondements. Les remarques de Heidegger sur l’angoisse dans « Qu’est-ce que la

    métaphysique ? », auxquelles Wittgenstein fait explicitement référence, sont justement de cet

    ordre :Dans la nuit claire du néant de l’angoisse se montre enfin la manifestation originelle de l’êtrecomme tel : à savoir qu’il y ait de l’être et non pas rien. [Heidegger 1968, 62] (Traductionmodifiée)

    Les sentiments cosmiques se retrouvent chez Heidegger sous la figure des

    « Grundstimmungen », dont l’angoisse fait partie – il y a aussi l’ennui, etc.3 Ces sentiments ont

    selon lui le pouvoir de nous révéler quelque chose sur notre situation face à ce que Wittgenstein

    appelle le « monde comme tout délimité ». Le sens de cette remarque est clair : l’angoisse révèle

    quelque chose, « à savoir qu’il y ait de l’être et non pas rien ». Plus précisément, l’angoisse est

    sensée révéler, selon Heidegger, que le néant est la « condition préalable qui rend possible la

    manifestation de l’être en général » [Heidegger 1968, 62] ; en d’autres termes tout aussi vagues,

    que l’être surgit sur un fond de néant. Dans sa dictée à Waismann de 1932, Wittgenstein en

    donnera une version imagée en parlant d’un « îlot de l’être qui serait entouré de tous côté de la

    mer infinie du néant » [D, 36].

     

    3 Sur cette question, voir [Bollnow 1995].

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    Il faut distinguer l’attitude qu’a pu avoir Wittgenstein envers les sentiments cosmiques de

    sa critique de la métaphysique. Pour lui, le discours métaphysique gâche ces sentiments. Lors de

    la rencontre du 30 décembre 1929, il parle de « bavardage » (Geschwätz) et cite de mémoire

    Saint Augustin, laissant clairement entendre que tout cela n’est que du « non-sens » [WCV, 39].

    Cette attitude faite de respect envers les sentiments cosmiques et de mépris de la métaphysique

    est essentiellement celle de son maître Russell, qu’il suit de près dans son Tractatus4, et pour qui

    ces sentiments inspirent « ce qu’il y de mieux dans l’homme ». Pour Russell, l’attitude du

    mystique envers le monde doit donc être recommandée mais le « credo » du métaphysicien, une

    soi-disant description, doit être rejeté [Russell 1986, 29]. Wittgenstein a poussé sa critique beaucoup plus loin que celle Russell, en développant dans son livre une explication de la

    signification en vertu de laquelle les énoncés de la « métaphysique » ne sont que « non-sens »

    [TLP, 6.54]. Lorsqu’il parle à Schlick et Waismann de sa « Conférence sur l’éthique », le 5

     janvier 1930, il dit clairement :

    L’étonnement devant le fait du monde. Toute tentative pour l’exprimer conduit au non-sens.[WCV, 65]

    Selon les doctrines du Tractatus, vouloir exprimer quelque chose sur le « monde comme

    tout délimité », c’est vouloir per impossibile se placer sub specie æternitatis, c’est-à-dire hors du

    monde, donc, suivant le 5.6, hors du langage, ce qu’il exprime dans le passage cité ci-dessus de

    la rencontre du 30 décembre 1929, mais aussi dans la « Conférence sur l’éthique » [PIII, 19], en

     parlant de « venir se heurter aux limites du langage ». Cet étonnement ne peut pas, selon lui, être

    exprimé dans le langage à moins de produire du non-sens, pour la simple raison que « je ne peux

     pas m’imaginer que le monde n’existe pas » [PIII, 15]. En effet, selon les thèses du Tractatus sur 

    la signification linguistique, si je ne peux pas concevoir ce qui serait le cas pour qu’une

     

    4 Sur cette question, voir [McGuinness 1966].

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     proposition soit fausse, alors celle-ci perd sa propriété essentielle, qui est de pouvoir être soit

    vraie, soit fausse. Les « propositions » que l’on énonce alors sont soit « vides de sens » (Sinnlos),

    comme celles de la logique et des mathématiques ou du non-sens (unsinnig), parce qu’elles

    enfreignent les règles de la syntaxe logique [TLP, 3.325, 5.4733 & 6.54]. C’est à cette dernière

    catégorie qu’appartiennent les tentatives de réponses à ce que Wittgenstein nomme les

    « problèmes de la vie » et toute tentative de discours « métaphysique » fondé sur des sentiments

    cosmiques comme celui de l’étonnement devant l’existence du monde.

    Wittgenstein poursuit son raisonnement ainsi : si on ne peut donc pas répondre à une

    question ou « énigme » du genre de « pourquoi y a-t-il de l’être plutôt que rien ? » par une proposition pourvue de sens, alors la question elle-même ne peut être formulée [TLP, 6.5 &

    6.521]. D’où l’injonction au silence sur laquelle l’ouvrage se clôt : il faut se taire sur ces

    questions et pour réussir à le faire, il faut réaliser que celles-ci sont des questions mal posées, ce

    qui a pour effet aux yeux de Wittgenstein de dissoudre les problèmes. Heidegger apparaît donc

    aux yeux de Wittgenstein comme l’exemple même du métaphysicien qui rompt cette injonction

    et produit ipso facto du non-sens, qu’il décrira plus tard comme des « sons inarticulés » [D, 38].

    Pour Wittgenstein, il faut donc renoncer à cette tendance naturelle à vouloir s’exprimer à propos

    des sentiments cosmiques. Il faut parfois, dira-t-il à propos de McTaggart, « un courage

    héroïque » pour y renoncer [Rhees 1984, 82]. Il en va de même, dans son esprit, de l’art, où « il

    est difficile […] de dire quelque chose d’aussi bon que… ne rien dire » [RM, 79].

    L’intérêt de la rencontre du 30 décembre 1929 ne tient cependant pas dans la critique de la

    métaphysique de Heidegger, qui présuppose pour sa validité l’appareillage du Tractatus, que

    Wittgenstein a lui-même rejeté par la suite. Pour en voir la pertinence pour l’architecture de

    Wittgenstein, il faut considérer le second texte concernant Heidegger, soit la dictée intitulée « Le

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    caractère de l’inquiétude », car il y fait un lien très intéressant avec des considérations sur le style

    inspirées de Loos. En raison de sa longueur, ce texte ne peut être cité intégralement. Un premier 

     passage, où Wittgenstein compare sa méthode à la psychanalyse – ce qui implique qu’un

    métaphysicien comme Heidegger a besoin selon lui de se faire soigner –, fait écho à sa

    discussion de décembre 1929 :

    Qui parle d’opposition entre l’être et le néant ou (s’agissant du néant) de quelque chose de primaire vis-à-vis de la négation pense, je crois, à quelque chose comme un îlot de l’être qui seraitentouré de tous côtés de la mer infinie du néant. Ce que nous jetons à cette mer sera dissous dansses eaux, anéanti. Il existe, il est et, sommes-nous tentés de dire : « ça néantise ». En ce sens lerepos serait aussi désigné comme une activité. Comment montrer à quelqu’un que cettecomparaison est la bonne ? On ne peut pas du tout le montrer. Mais s’il est délivré de sonaberration, nous lui aurons fait ce que nous voulions faire. [D, 36].

    Le raisonnement est sensiblement le même : s’il n’est pas possible de montrer que la

    comparaison est la bonne ou non, alors cela suffit à montrer que c’est du non-sens.

    Poursuivant sur ce thème, Wittgenstein remarque qu’il peut paraître étrange que « des

    moyens pour ainsi dire triviaux nous libèrent de profondes inquiétudes philosophiques » [D, 36].

    Selon lui, ces dernières sont liées à un « sentiment de malaise », que le philosophe cherche donc

    à apaiser. Deux choix s’offrent à celui-ci : soit « se jeter contre les limites du langage » et

    concocter une réponse dépourvue de sens, soit réaliser que la source de ce malaise se trouve dans

    notre langage et apprendre ainsi à rejeter la question : on ne peut y répondre, elle est donc mal

     posée. Le problème se dissout et avec lui l’inquiétude s’estompe. Le métaphysicien, en

    l’occurrence Heidegger, choisit la première alternative, à propos de laquelle Wittgenstein fait la

    remarque suivante :

    Je voudrais utiliser la comparaison suivante pour rendre clair le sens de cette manière de voir : parmi tous les troubles de l’intestin, ceux que celui qui est habitué à manger moins qu’un festin nel’exige connaît le mieux, sont justement liés à la faim. Sa première réaction, si jamais il éprouveun de ses dérangements intestinaux, sera de vouloir manger, et cela même s’il éprouve ce trouble parce qu’il a en cette occasion exceptionnelle trop mangé. Ainsi sommes-nous habitués à fairetaire les inquiétudes de l’esprit en réduisant certains énoncés à des énoncés plus fondamentaux.[…] si notre inquiétude vient de l’obscurité qui entoure les rapports grammaticaux dans undomaine du langage donné, nous sommes alors […] tentés, en vertu d’une habitude bien ancrée,d’appliquer le remède inefficace de leur réduction à des énoncés plus fondamentaux […] Nous

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    aimerions commencer en philosophie par quelque chose qui serait le fondement de tout ce quivient après, de toute science, sans pour autant se borner à n’être que « fondement » au sens d’unempilement de briques à la base d’une maison. Nous commettons ici une confusion analogue àcelle qui pourrait surgir du fait que nous qualifions de fondement d’une maison tantôt cette couchede briques sous-jacentes, tantôt la solidité d’une construction. Et de ce dilemme surgit le besoin defaire commencer la philosophie comme par un son inarticulé. La phrase « Le néant néantise » esten un certain sens le substitut d’un tel son inarticulé. La phrase « Je suis conscient de savoir quelque chose de mon savoir » est également un de ses sons inarticulés. [D, 38] (Traductionmodifiée5.)

    L’intérêt de cette dictée tient à ce que Wittgenstein enchaîne ici avec considérations sur le style,

    desquelles on peut conclure que le métaphysicien commet selon lui une faute de style. Lorsqu’on

    connaît le milieu viennois auquel Wittgenstein fait ici allusion, on réalise que cette faute de style

    est aussi une faute éthique au sens où Karl Kraus l’entendait6. Gunter Gebauer avait donc raison

    d’insister sur ce point commun entre la maison et le livre de Wittgenstein : « la purification du

    langage de la corruption morale et esthétique » [Gebauer 1982b, 229]. Wittgenstein établit donc

    un parallèle entre énoncé métaphysique et ornement :

    Le besoin de préfacer nos remarques par de tels énoncés ou slogans est en partie un besoin destyle. À certaines époques de l’histoire, on désire mettre l’accent sur la bordure (Abschluß) en plaçant un corniche sur les maisons et les armoires. On ajoute toutes sortes de pommeaux aux pôles, même lorsque cela n’est pas nécessaire. La pôle ne doit pas simplement s’arrêter. End’autres occasions, ce n’est pas le besoin d’accentuer la bordure mais celui de la masquer habilement. L’objet doit se fondre dans son contexte. Ainsi met-on des passementeries de

    dentelles à la bordure d’une nappe, qui n’étaient à l’origine que de simples découpes dans le tissu, parce qu’on désirait qu’il ne s’arrête pas net. Mais à une autre époque, on donne à la bordure unecouleur qui l’accentue. Il en est exactement de même avec cet argument. On désire par exempleramener la création du monde à un créateur alors qu’en un sens cela n’explique rien et que ce n’estqu’une façon de mettre l’accent sur le commencement. (Cette dernière remarque est du genre de

     

    5 Wittgenstein fera aussi référence à ce « son inarticulé » par lequel on cherche à faire commencer la philosophiedans un passage des Remarques philosophiques de 1931 où il reprend une variante de ce dernier exemple : « Sachant

    quelque chose de mon savoir, j’ai conscience de quelque chose » [Wittgenstein 1975, § 68]. Ce passage apparaît pour la première fois à la fin du MS106 [Wittgenstein 1994a, 191], dont la rédaction date des derniers mois de 1929,donc de l’époque de la « Conférence sur l’éthique » à Cambridge et de la discussion sur Heidegger à Vienne. Il n’y a pas lieu de croire qu’il s’agisse d’une coïncidence.6  Voir [Janik & Toulmin 1978, chap. 3]. Sur cette exigence éthique chez Wittgenstein, voir les commentaires deMaurice O’C. Drury dans [Rhees 1984, 82]. Selon Loos, pour qui l’ornement est un crime – donc moralementrépréhensible –, l’exemple par excellence est le tatouage : « L’homme moderne qui se tatoue est, lui, un criminel ouun dégénéré. […] Les tatoués qui ne se trouvent pas en prison sont des criminels latents ou des aristocratesdégénérés. Quand un tatoué meurt en liberté, c’est qu’il est mort quelques années avant d’avoir commis un crime »[Loos 1979, 198]. Voir aussi [Loos 1979, 219-220].

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    celles de l’architecte Loos et elle est certainement influencée par lui7.) [D, 38-39] (Traductionmodifiée)

    Wittgenstein dit bien que ce qui vaut pour l’ornement vaut aussi pour la métaphysique. Le lien

    entre les deux porte sur l’analogie entre la bordure en architecture et le commencement en

     philosophie : le style est l’expression d’une attitude envers la bordure, que l’on masque ou que

    l’on met en valeur par l’ornement, tandis que la métaphysique est aussi le résultat d’une attitude

    envers certaines inquiétudes, que l’on calme en cherchant ce « son inarticulé » qui sert de

    commencement ou de « fondement ». Cette analogie et ses conséquences méritent un examen

     plus approfondi que celui que je m’apprête à faire, en me restreignant, parce que je ne suis pas

    sûr qu’elle tienne, à ce qu’elle nous enseigne sur la pensée de Wittgenstein.

    On peut comprendre grâce à cette analogie ce que Wittgenstein entendait par le « travail sur 

    soi » en architecture et en philosophie :

    Le travail en philosophie – comme à beaucoup d’égards, le travail en architecture – est avant toutun travail sur soi-même. C’est travailler à une conception propre. À la façon dont on voit leschoses. (Et à ce qu’on attend d’elles.) [RM, 71]

    Ce « travail sur soi » consiste entre autres à éviter toute facilité :

    La différence entre un bon et un mauvais architecte consiste aujourd’hui en ceci, que le dernier cède à toutes les tentations, tandis que l’architecte authentique leur résiste. [RM, 54]

    Pour Wittgenstein, être décent (anständig) est donc une condition nécessaire à son travail8. Il

    entend par là qu’il faut être décent envers soi-même en étant en mesure de ne pas mentir, c’est-à-

    dire d’exprimer ce que l’on ressent véritablement [RM, 96 & 98-99]. Pour Wittgenstein, être

    indécent aura des conséquences sur le style :

    Mentir sur soi-même à soi-même, mentir sur sa propre souillure doit avoir une influence malsainesur le style, car il en résultera qu’on ne peut pas départager ce qui est authentique de ce qui estfaux dans le style. Ceci peut expliquer l’inauthenticité du style de Mahler, et je cours le mêmedanger. (Remarque manuscrite de 1938 citée dans [Rhees 1984, 174].)

     

    7 Wittgenstein incluait Loos parmi les auteurs qui l’ont influencé [RM, 74], mais la source de cette remarque chezLoos, s’il y en a une, ne m’est pas connue.8 Sur Wittgenstein et l’Anständigkeit, voir [Engelmann 1967, 11] et [Rhees 1984, 192-193].

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    Tout comme il faut, selon Wittgenstein, réussir à taire les inquiétudes philosophiques par 

    une bonne compréhension du langage et non par le Geschwätz, il faut donc trouver une solution

    à un problème architectural en évitant la facilité ou, pour reprendre l’expression de Jacques

    Bouveresse, en évitant « la rhétorique de l’ornementation » [Bouveresse 2000, 125]9. Face à la

    facilité, Wittgenstein fut en effet sans compromis, comme en fait foi la maison de la

    Kundmanngasse, dont le dépouillement fait passer Loos pour un ornemaniste. Parmi les aspects

    de la maison Wittgenstein qui méritent d’être soulevés parce qu’ils relèvent de ces

    considérations, il y a la solution à plusieurs problèmes architecturaux que fournissent les

    colonnes du hall d’entrée, dans le lien aux poutres qu’établissent leurs chapiteaux en retrait et par 

    la transition que deux d’entre elles effectuent entre l’intérieur et l’extérieur. Bernhard Leitner 

     parle à leur propos d’une « esthétique de l’articulation » [Leitner 2004, 209]. La solution est

    recherchée sans ornement et l’absence de l’ornement en permet en retour la transparence et la

    lisibilité10. Ce n’est pas le seul exemple, il suffit de penser à l’ingénieux et unique mécanisme

    des rideaux de fer et les pôles et rideaux qu’ils sont sensés remplacer. En effet, Wittgenstein

    avait interdit à sa sœur de poser des rideaux ou des tapis : le faire aurait été une façon détournée

    de réintroduire l’ornement. En cherchant la solution aux problèmes architecturaux auxquels il

    faisait face avec la même exigence de décence que celle qui présida à la rédaction du Tractatus,

    dont le rejet de l’ornement n’est qu’une des facettes, Wittgenstein pu faire le foyer sur la

     

    9 On peut étendre cette attitude chez Wittgenstein au rejet, en musique, de la recherche d’un effet qui n’est pasimposé par la composition elle-même. Sur ce point, voir [Alber 2000, 179].10 Il faut faire attention ici à ne pas confondre ce sens de la « transparence » au sens où la structure de la maison neserait pas camouflée, car elle l’est, comme le remarque Wijdeveld, qui soupçonne que cela fut probablement lacause de la querelle entre Wittgenstein et le troisième architecte ayant travaillé sur la maison Wittgenstein, JacquesGroag [Wijdeveld 1993, 37 & 150]. En ce sens, l’architecture de Wittgenstein n’« exemplifie » pas directement, ausens de Goodman [Goodman & Elgin 1994, chap. II].

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    résolution formelle de ces problèmes, et il a, selon moi, ouvert le champ à l’expression en évitant

    le Geschwätz et la recherche de l’effet.

    Parler d’« expression » est plutôt mal vu de nos jours. Cependant, je ne pense pas qu’il soit

    inapproprié de le faire dans le cas de Wittgenstein, qui n’était certainement pas un formaliste en

    ces matières11, et qui emploie ce terme avec une régularité déconcertante pour les critiques de

    « l’expressivisme » ; les citations qui suivent le montreront, je crois, à l’envi. Dans la prochaine

    section, j’aimerais poser les jalons d’une lecture de Wittgenstein qui prend au sérieux ce qu’il

    voulait dire lorsqu’il parlait d’« expression ».

    2. Le geste et l’expression

     Nos édifices […] devraient être, en quelque façon, des poèmes. Étienne-Louis Boullée

    Depuis que Georg-Henrik von Wright a comparé en 1958 le style austère et dépouillé de la

    maison Wittgenstein à celui des propositions du Tractatus [von Wright 1989, 11], on a cherché à

    établir des parallèles entre ces deux œuvres. Lothar Rentschler les a cherché à travers une

    approche « sémiotique » débouchant sur des analogies structurales entre la maison et le livre

    [Rentschler 1982, 151 sq.] ; Paul Wijdeveld a proposé plus modestement de retrouver dans

    l’architecture de la maison Wittgenstein l’adage du Tractatus, « Simplex sigillum veri » [TLP,

    5.4541] [Wijdeveld 1993, 166]. Or tout cela n’aboutit, malgré la richesses des analyses de

    l’architecture, que sur des parallèles assez superficiels. Gunter Gebauer a pour sa part cherché à

    établir des liens plus profonds en défendant la thèse selon laquelle Wittgenstein aurait trouvé un

    système symbolique pouvant « exprimer le silence » de la proposition 7 du Tractatus [Gebauer 

     

    11 Une manière de s’en rendre compte est de comparer le passage sur Beethoven cité ci-dessus [Wittgenstein 1999,59], avec la discussion par Peter Kivy de l’idée selon laquelle une composition peut être « profonde » [Kivy 1990].

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    1982b, 220]. Dans « Wittgenstein et l’architecture », Jacques Bouveresse a très bien montré les

    limites de ce genre d’approche, puisque la distinction en « dire » et « montrer » ne peut pas

    véritablement se transférer au langage architectural, et parce qu’il n’y a en outre aucun

    « inexprimable » substantiel que le langage ne pourrait réussir à exprimer mais que nous

    réussirions à exprimer grâce au langage de l’art [Bouveresse 2000, 126 & 133-134]. Selon Jean-

    Pierre Cometti, qui reprend ici la critique de Bouveresse :

    La maison de Wittgenstein ne nous offre pas, à peu de frais, la possibilité de suppléer le langage, pas plus que l’art n’offre le moyen d’annuler, purement et simplement, ses limites présumées. Asouscrire à ce genre d’idées, on ne se méprend pas seulement sur la nature de ce que Wittgenstein pouvait avoir en vue en construisant une maison, mais tout aussi sûrement sur la nature de ce que peut signifier une œuvre architecturale. [Cometti 1998, 25-26]

    Le parallèle que j’ai d’établi ne tombe pas sous le coup de cette critique, d’autant plus qu’il

    a l’avantage de n’être qu’une extension d’une parallèle entre énoncé métaphysique et

    ornementation établi par Wittgenstein lui-même, dans sa critique de Heidegger ; parallèle dont

     j’ai voulu montrer qu’il porte plus sur sa démarche et ses exigences que sur le contenu des deux

    œuvres. Je ne voudrais cependant pas pécher par excès et, dans ce qui suit, j’aimerais poursuivre

    l’analyse de la maison Wittgenstein en changeant quelque peu de registre, c’est-à-dire en ne

    cherchant pas des parallèles substantiels avec le Tractatus là où il n’y en a vraisemblablement

     pas, mais en m’interrogeant au niveau de la théorie esthétique sur la démarche de Wittgenstein,

    et en me concentrant uniquement sur la question de l’expression, que j’aimerais aborder à partir 

    d’un seul aspect de la maison Wittgenstein : les proportions, qui sont selon Bernhard Leitner 

    « les éléments les plus énigmatiques qui confèrent à cette construction sa qualité architecturale »

    [Leitner 2004, 215].

    Les anecdotes racontées par sa sœur Hermine sur les proportions des radiateurs et de

    serrures, calculées au millimètre près, ou encore celle du plafond d’une des pièces dont

    Wittgenstein réclama, une fois les travaux presque achevés, qu’il fut surélevé de trois

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    centimètres, sont bien connues [Rhees 1984, 6-9] ; elles illustrent sa recherche intuitive des

     proportions. Comme Leitner l’a montré, Wittgenstein respecte par endroit des proportions

    classiques, comme dans la longueur du salon et la hauteur des portes métalliques, qui sont dans

    un rapport de 3 :1, tandis que les portes-fenêtres ouvrant sur la terrasse sont dans un rapport de

    2 :3 avec la largeur du salon [Leitner 2004, 215]. Mais les proportions semblent dans l’ensemble

    ne répondre à aucune théorie [Leitner 2000, 183], [Wijdeveld 1993, 143-147]. Leitner a

    rencontré en 1971 le domestique Heinrich Postl, qui a vécu sur le site de la maison Wittgenstein

    à partir de 1928, et celui-ci lui a fournit la seule description que nous connaissions de

    Wittgenstein « en acte ». Postl a raconté à propos de la hauteur et l’écart entre les deux barreauxhorizontaux qui décorent les fenêtres que :

    Wittgenstein avait demandé à deux ouvriers de les tenir longtemps devant la fenêtre et de lesdéplacer de nombreuses fois jusqu’à ce qu’il trouve, debout dans le jardin, la juste mesure : unemesure à vue d’œil. [Leitner 2004, 215], [Leitner 2000, 183]

    Cette façon de déterminer la hauteur et l’écart entre les barreaux horizontaux, qui ne correspond

    à l’application d’aucune règle, est particulièrement fascinante, surtout lorsqu’on l’analyse sous

    l’angle de l’expression. Hélas, les remarques de Wittgenstein sur cette question sont

    fragmentaires et la reconstruction de sa pensée en est d’autant plus ardue. Mieux vaut donc se

    limiter dans un premier temps à quelques remarques dont le but est d’éviter de faire fausse route.

    Il faut d’emblée reconnaître et non occulter le fait que Wittgenstein parle bel et bien

    d’« expression », qu’on le veuille ou non. Selon lui, l’architecture est un « geste » d’un genre

     particulier :

    L’architecture est un geste. Tout mouvement intentionnel du corps humain n’est pas un geste. Pas plus que tout bâtiment construit dans une intention donnée n’est de l’architecture. [RM, 104]

    Or, ce qui distingue le « geste » en architecture, c’est justement qu’il est une forme

    d’expression :

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    Souviens-toi de l’impression que t’a faite une bonne architecture, à savoir l’impression d’exprimer une pensée. Elle aussi, on aimerait la suivre du geste. [RM, 79]

    Reconnaître une expression. En architecture : – on dessine une porte. – Elle est un peu tropgrande » – Vous diriez : « il a le compas dans l’œil ». – Non : il voit que la porte n’a pasl’expression adéquate – elle n’accompli pas le geste adéquat. [LC, 70] (Traduction modifiée.)

    Il disait même de sa maison :

    … la maison que j’ai faite pour Gretl est décidément le produit de […] l’expression d’une grandecompréhension (pour une culture, etc.). [RM, 99]

    Il y a plusieurs raisons d’hésiter à parler d’« expression » chez Wittgenstein. En effet, la

    lecture du Tractatus  pourrait laisser à penser que pour Wittgenstein il n’y aurait rien à exprimer 

    en dehors du langage, donc qu’il n’y a pas lieu de parler d’« expression ». Certes, il n’y a pas

    deux sortes de non-sens pour Wittgenstein : un non-sens syntaxique pur, comme dans « Socrate

    est identique » et une sorte de non-sens inexprimable dans le langage que l’on pourrait réussir à

    exprimer autrement, en le sifflant ou en construisant une maison. Mais cela ne veut pas dire qu’il

    y a pas d’« inexprimable » : cette inférence est un non sequitur  et Wittgenstein énonce d’ailleurs

     – sans ironie – au 6.522 qu’il y a « assurément » quelque chose comme de « l’inexprimable » :

    Il y a assurément de l’inexprimable (Unausprechliches). Il se montre, c’est le mystique. [TLP,6.522] (Traduction modifiée.)

    Cet « inexprimable » n’est certes pas quelque chose que l’on puisse dire de quelque manière que

    ce soit, car nous pourrions à ce moment-là l’exprimer, mais il existe bel et bien ; telle est la

    nature, par exemple, de l’étonnement devant l’existence du monde, dont on ne peut assurément

     pas nier l’existence – au moins chez les autres si on n’est pas en mesure de le ressentir soi-même.

    C’est en effet le propre de ces sentiments cosmiques que d’intimer quelque chose et, comme je

    l’ai montré dans la section précédente, Wittgenstein pensait que toute tentative d’expression de

    ce quelque chose ne produirait que des « sons inarticulés », ce qui ne veut pas dire que ces

    sentiments n’existent pas.

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    En reprenant à Kierkegaard l’idée d’une « communication indirecte », Wittgenstein pensait

    néanmoins que « l’inexprimable » peut être indirectement communiqué dans ce qui est exprimé.

    Dans une lettre à l’architecte Paul Engelmann, Wittgenstein disait, à propos d’un poème

    d’Uhland :

    Si seulement on ne tente pas d’exprimer ce qui est inexprimable, alors rien ne se perd. Bien aucontraire, l’inexprimable est – inexprimablement – contenu dans ce qui est exprimé. [Wittgenstein1986, 209]

    L’exigence éthique en vertu de laquelle l’ornement doit être évité est liée à ces questions : là où

    en philosophie il faut apprendre à se taire pour réussir à intimer quelque chose par l’expression

    indirecte – ce qui était après tout le but éthique du Tractatus – , en architecture il faut éviter le

    discours de l’ornement et exprimer quelque chose par des « gestes » qui ne sont qu’une forme de

    « communication indirecte ». On peut donc dire d’un « geste » architectural qu’il « montre » en

    ce sens bien précis, tout en reconnaissant que ce qui est indirectement communiqué n’est pas de

    l’ordre du « mystique » ou d’un « sentiment cosmique ». Wittgenstein parle d’ailleurs, dans un

     passage déjà cité, de sa maison comme l’expression de « ses bonne manières » ou encore d’une

    « grande compréhension pour une culture » [RM, 99]. On peut pousser encore plus loin et dire de

    l’architecture de Wittgenstein qu’elle « exprime » au sens bien précis que Nelson Goodman

    donne à ce terme, c’est-à-dire qu’elle « exemplifie » indirectement quelque chose [Goodman &

    Elgin 1994, chap. II], si par ce « quelque chose » on entend quelque chose de l’ordre du

    sentiment et de ce qu’on ne peut justement communiquer directement sans courir le risque de

    tomber, selon Wittgenstein, dans l’Unanständigkeit et le Geschwätz concomitant.

    On hésite par ailleurs à parler de nos jours d’expression en art parce qu’on pense le plus

    souvent en terme d’émotions ou de sentiments : l’identification de l’art avec « l’expression des

    sentiments » est une thèse qui a certes un long pedigree, de Platon et Aristote à Croce et Bergson,

    mais qui est considérée aujourd’hui comme une idée désuète, dépassée ; nul ne veut a fortiori

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    l’attribuer à Wittgenstein12. La principale erreur que commettraient les partisans de cette

    identification serait de croire que l’artiste aurait quelque chose comme une émotion toute faite

    dans son esprit – donc en tant qu’objet « privé » – dont il se contenterait, soit de la garder pour 

    lui-même, soit de la communiquer en créant l’artefact qu’est l’œuvre d’art en tant que telle, son

    audience étant en mesure de capturer cette émotion en « décodant » en quelque sorte l’œuvre.

    Cela ressemble fortement à une version de la théorie « idéationniste » du langage, dont Locke a

    donné la version classique, mais qui aurait été réfutée au siècle dernier, entre autres par 

    Wittgenstein dans ses  Recherches philosophiques. Selon cette théorie, le locuteur associe

    mentalement une signification aux mots pour ensuite les extérioriser et son auditeur en comprendle sens en y associant ses propres significations.

    Wittgenstein ne dit-il pas d’ailleurs, à propos de Tolstoï, qui est un partisan bien connu de

    l’identification de l’art avec « l’expression des sentiments » :

    Il y a beaucoup à apprendre de la mauvaise théorie tolstoïenne selon laquelle une œuvre d’arttransmet « un sentiment ». – On pourrait bel et bien nommer l’œuvre d’art, sinon l’expressiond’un sentiment, du moins expression de l’ordre du sentiment, ou expression sentie. Et l’on pourraitdire également que les hommes qui la comprennent vibrent à l’unisson avec elle. On pourrait dire :

    L’œuvre d’art ne veut pas transmettre quelque chose d’autre, mais elle-même. De même que,lorsque je rends visite à quelqu’un, je ne souhaite pas produire en lui simplement tel ou telsentiment, mais avant tout lui rendre visite – et, bien entendu, être moi-même le bienvenu.Mais le comble du non-sens est de dire que l’artiste souhaite que ce qu’il ressent en écrivant,l’autre le ressent en le lisant. Je puis sans doute croire comprendre un poème (par exemple), etcroire le comprendre comme son auteur l’aurait souhaité – mais ce qu’il a bien pu ressentir lui-même en écrivant, c’est le cadet de mes soucis. [RM, 125-126] (Traduction modifiée.)

    On notera que ce n’est pas exactement l’identification de l’art avec expression de sentiments qui

    est visée dans ce passage : ce que Wittgenstein critique est plutôt l’idée que l’émotion que je

     pourrais ressentir devant un paysage au moment où je le photographie, qui reste extrinsèque à la

     photographie même, puisse lui donner une valeur intrinsèque ; ce qui n’est pas la même chose.

    Mais peu importe, car il y a déjà un problème avec une réfutation facile, basée sur ce passage, de

     

    12 Pour un exemple d’interprétation de Wittgenstein dissociant sa pensée de cette théorie, voir [Hanfling 1991].

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    l’idée selon laquelle Wittgenstein aurait pensé qu’il y a quelque chose de l’ordre de l’expression

    en art. Ce problème est lié au fait Wittgenstein lui-même s’exprime presque toujours, en

     particulier lorsqu’il parle de musique, en termes d’émotion ou de sentiment (Gefühl). Voici

    quelques exemples :

    … chez certaines gens, chez moi en particulier, l’expression d’une émotion, disons en matièremusicale, est un certain geste. [LC, 80]

    Une expression musicale pleine de sentiment [seelenvolle Ausdruck] – cela, bien entendu, ne sereconnaît pas d’après des règles. [Wittgenstein 1994b, § 695]

    Structure et sentiment dans la musique. Les sentiments accompagnent la saisie d’un morceau demusique comme ils accompagnent les événements de la vie13. [RM, 64]

    Par ailleurs, Wittgenstein s’exprime volontiers en de nombreuses occasions en des termes qui

    laissent entendre un connexion intime entre, par exemple musique et sentiments, comme

    lorsqu’il parle d’une « mélodie courageuse » [RM, 95 & 100]14. De surcroît, les sentiments que

     provoquent en lui certaines compositions musicales sont, si on en juge par les rares remarques où

    il les décrit, à la fois intenses et très complexes ; il n’est pas question de formes élémentaires de

    l’émotion que sont, par exemple, la joie, la peine ou la peur. Le passage sur Beethoven cité dans

    la première section en est un exemple frappant [Wittgenstein 1999, 59]. En voici un autre portant

    sur l’expression de l’ironie, toujours chez Beethoven :

    C’est dans la musique de Beethoven qu’apparaît pour la première fois ce que l’on peut nommer l’expression de l’ironie. Par exemple, dans le premier mouvement de la neuvième. De plus, ils’agit chez lui d’une ironie terrible : quelque chose comme l’ironie du destin. – L’ironie revientchez Wagner, mais sous des atours bourgeois.On pourrait dire que Wagner et Brahms, chacun à sa manière, ont imité Beethoven : mais ce quichez lui était cosmique, devient chez eux simplement terrestre. [RM, 155]

     

    13 Cette remarque pourrait porter à confusion : que les sentiments « accompagnent » un morceau de musique ne veut pas dire pour Wittgenstein qu’ils y sont liés extrinsèquement, et qu’ils auraient un statut causal. Voir là-dessus lanote de Jean-Pierre Cometti, [RM, 174, n. 5].14 Wittgenstein discute la signification de ce genre d’expression dans le § xi de la deuxième partie des  Recherches philosophiques , l’expression choisie étant « mélodie plaintive » [RP, II, § xi, 295]. Le fait qu’il utilise lui-même cegenre d’expression montre bien qu’il a nullement l’intention de montrer en quoi elles seraient fautives, comme lefait Kivy en concluant qu’il n’a pas réussi à leur trouver une justification rationnelle [Kivy 1990].

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    Le contenu de cette remarque et des multiples autres de ce genre est pourtant parfaitement

    réconciliable avec la critique de Tolstoï dès que l’on reconnaît que l’émotion ou le sentiment

    n’est pas dissociable de l’œuvre d’art même et que le processus par lequel l’artiste parvient à

    s’exprimer son sentiment est celui par lequel il réalise son œuvre d’art : son sentiment ne

     préexiste pas à celle-ci. Si on prend soin de lire correctement le passage sur Tolstoï, on réalise

    que Wittgenstein ne dit pas autre chose en parlant de l’œuvre d’art comme « expression sentie »

    (gefühlten Ausdruck), en disant que ceux qui la comprennent « vibrent à l’unisson »

    (gleichermaßen zu ihm schwingen) ou encore que l’œuvre d’art ne transmet pas autre chose

    qu’elle-même – propos qui n’est pas sans rappeler Hanslick – ce « quelque chose » n’étant justement pas purement formel et dénué de sentiments. (C’est la remise en question de cette

    distinction même qui fait justement la valeur de ce passage.) Ce qu’on reproche à la théorie

    traditionnelle, ce n’est pas de parler d’expression d’émotions mais plutôt de séparer l’émotion de

    son expression et d’en faire quelqu’un chose d’indépendant ; il est alors facile, depuis Hanslick,

    de pointer du doigt des exemples de compositions auxquelles on a associé les sentiments les plus

    divers [Hanslick 1986, chap. II]. Il faut cependant éviter ici une non sequitur : reconnaître cela

    n’implique pas qu’il n’y a pas d’émotion en art. Cette conclusion est non seulement bien

    évidemment contredite par les faits, l’expérience de certains sentiments cosmiques est pour 

    Wittgenstein une condition nécessaire de la compréhension de l’art, comme en font foi ses

    nombreuses remarques (comme celles sur Beethoven [Wittgenstein 1999, 59] & [RM, 155]) ; il

    ne faut donc pas, en cherchant à distinguer les vues de Wittgenstein de la théorie traditionnelle

    de l’art comme « expression des émotions », jeter le bébé avec l’eau du bain et faire l’impasse

    sur le concept de sentiment.

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    C’est précisément pour éviter ce divorce entre le sentiment et son expression que

    Wittgenstein a emprunté à Spengler son concept de « physionomie ». L’idée se retrouve dans de

    nombreux passages comme celui-ci, tiré des Recherches philosophiques :

    On peut dire : « Je lis la crainte sur ce visage », mais de toute façon la crainte ne paraît passimplement associée au visage, liée à lui de façon extrinsèque ; elle vit au contraire dans les traitsde ce visage. Si ces traits se modifient un peu, nous pouvons parler d’une modificationcorrespondante de la crainte. [RP, § 537]

    Elle est liée de surcroît aux remarques de Wittgenstein dans la deuxième partie des

     Recherches philosophiques  sur la « vision de l’aspect » et sur l’« expérience vécue de la

    signification d’un mot », qui sont essentielles selon lui pour la compréhension de la poésie et de

    la musique [RP, II § xi, 301]15

    . Wittgenstein établit le parallèle lui-même, ce qui justifie

     pleinement qu’une étude de ces remarques ouvre la voie à une meilleure compréhension de ses

    remarques sur la musique et sur l’art en général :

    « Le but de la musique : communiquer des sentiments. » De façon semblable, nous pourrions direà bon droit : « il a le même visage qu’autrefois », même si, en mesurant, on devait obtenir desrésultats différents16. [RM, 99]

    Une telle étude ne peut bien sûr pas être entreprise dans le cadre de ce texte. Je me contenterai de

    quelques remarques sur la distinction entre deux sens au mot « comprendre », que Wittgenstein

    développe dans la section xi de la deuxième partie des Recherches philosophiques. Il y distingue

    en effet entre signification « primaire » et « secondaire » d’un mot (lorsqu’on dirait, par exemple,

    que « mardi est maigre » et « mercredi est gras »), cette dernière n’étant pas selon lui de l’ordre

    de la métaphore [RP, II § xi, 304]. Lorsqu’il insiste sur l’analogie entre comprendre une phrase

    et « comprendre » une mélodie, ce nouvel usage du mot « comprendre » est « secondaire »

    [Hanfling 1991, 132] :

     

    15  Il faut noter, entre autres, tout au long du § xi, les nombreuses références à la compréhension musicale pour clarifier le propos, par exemple : « La cécité à l’aspect est apparentée au manque ‘d’oreille musicale’ » [RP, II § xi,301]. Bien sûr, Wittgenstein poursuit d’autres buts dans cette section, mes remarques sont tangentielles.

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     Nous parlons de la compréhension d’une phrase au sens où la phrase peut être remplacée par uneautre qui dit la même chose, mais aussi au sens où elle ne peut être remplacée par aucune autre.(Pas plus qu’un thème musical ne peut l’être par un autre.) [RP, § 531]

    Cette signification « secondaire » s’applique aussi à la littérature ; Wittgenstein discute justement

    la lecture d’un poème ou d’un conte « avec sentiment », s’exclamant :

    Quand, en lisant, je prononce ce mot en y mettant de l’expression, il est rempli de signification – « Comment cela est-il possible si la signification est l’usage du mot ? » [RP, II § xi, 303]

    Il y a donc une « expérience vécue de la signification d’un mot » [RP, II § xi, 301] correspondant

    à cette signification « secondaire » et qui est justement celle qui sous-tend la discussion de

    Wittgenstein dans cette section xi de la vision de l’aspect, mais aussi, comme je l’indiquais, son

    approche de compréhension en poésie et en musique. La vision de l’aspect est essentielle, selon

    Wittgenstein, pour faire surgir chez un interlocuteur une nouvelle façon d’interpréter une

    composition musicale ou de lire un poème.  Il faut noter par ailleurs que cette « expérience

    vécue », dans le cas de Wittgenstein et la musique, a tout à voir avec les sentiments cosmiques

    dont je parlais dans la première partie, et cela explique entre autres le contenu des remarques

    déjà citées à propos de Beethoven [Wittgenstein 1999, 59] & [RM, 155].

    Wittgenstein s’est refusé à dire quoi que ce soit sur ces sentiments cosmiques à l’époque du

    Tractatus, en s’appuyant sur une explication de la signification en bout de ligne déficiente, et il

    est quelque peu ironique de le voir chercher par la suite une nouvelle façon d’aborder ces

    questions, toujours sans Geschwätz, à travers les notions de signification « secondaire »,

    d’« expérience vécue de la signification d’un mot » et de « vision de l’aspect ». Lorsqu’il se

     plaint à O’C. Drury qu’il n’a pas espoir d’être compris car il n’a pas été en mesure de dire un

    seul mot sur ce que la musique a signifié dans sa vie [Rhees 1984, 79], on aurait par dépit envie

    de lui dire, si ce n’était trivial, qu’il n’a que lui-même à blâmer. Quoi qu’il en soit, je crois que

     

    16 La formulation de cette remarque peut porter à confusion, puisque Wittgenstein cherche à critiquer le fait que les

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    ces notions s’appliquent de surcroît au « geste » architectural comme « expression » dans les

     passages cités ci-dessus. Je crois que nous avons atteint ici le bon point de vue à partir duquel

    nous pouvons commencer à comprendre non seulement les diverses remarques de Wittgenstein

    sur l’art, mais aussi ce qu’il comprenait lui-même, ne serait que vaguement, par le « geste »

    architectural au moment où il construisait la maison de sa sœur.

    J’aimerais conclure sur une courte remarque concernant le statut de la maison Wittgenstein.

    L’oxonien Robin Collingwood, qui n’est malheureusement plus beaucoup lu de nos jours, fut un

    des rares Anglais à produire une philosophie de l’art du vivant de Wittgenstein ; les deux

    hommes ne se sont croisés qu’à l’occasion de l’entrevue de Wittgenstein pour l’obtention de lachaire de Moore à Cambridge (Collingwood était sur le comité d’embauche). Collingwood, pour 

    qui le rôle social de l’art était justement lié au partage des émotions entre l’artiste et son

    audience, avait développé une distinction fort intéressante et pas du tout « essentialiste » entre

    « art » et « artisanat » [Collingwood 1938, 15sq.]. Il est triste de constater de nos jours que de

    nombreuses discussions de ces concepts n’évitent pas les confusions que les thèses de

    Collingwood avaient pour but d’éviter. Un des traits de sa distinction porte sur le fait que

    l’artisan utilise une recette dans un but déterminé à l’avance, celui de provoquer une émotion

    d’un type particulier (faire peur dans un film d’horreur, susciter la révérence dans un lieu de

    culte, etc.), tandis que l’artiste est d’abord et avant tout quelqu’un qui cherche à clarifier quelque

    chose pour lui-même, le processus de création de l’œuvre d’art n’étant rien d’autre que ce

     processus de clarification ou encore « d’exploration » de ses propres émotions [Collingwood

    1938, 109-111]. Ainsi, lorsque Wittgenstein a déterminé l’écart de barres horizontales des

    fenêtres, debout dans le jardin avec l’aide de deux ouvriers, il cherchait donc à exprimer quelque

     

    sentiments puissent être liés extrinsèquement à la musique, pour être ensuite communiqués.

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    chose dont on ne peut pas dire qu’il en avait autre chose qu’une impression confuse, avant

    d’avoir finalement trouvé l’écart correct. En ce sens-là, son geste était celui d’un artiste et sa

    maison une œuvre d’art17.

    Abréviations

    D  Dictées de Wittgenstein à Waismann et pour Schlick. I. Textes inédits années 1930, Paris, PressesUniversitaires de France, 1997.

    LC  Leçons et conversations sur l’esthétique, la psychologie et l’expérience religieuse, Paris,Gallimard, 1992.

    PIII  Philosophica III , Mauvezin, T. E. R., 2001.RM  Remarques mêlées, Paris, Flammarion 2002.RP  Recherches philosophiques, Paris, Gallimard, 2004.

    TLP Tractatus logico-philosophicus, Paris, Gallimard, 1993.WCV Wittgenstein et le Cercle de Vienne, Mauvezin, T. E. R., 1991.

    Bibliographie

    Alber, M., 2000, Wittgenstein und die Musik , Innsbruck, Haymon.

    Bollnow, O.-F., 1995, Das Wesen der Stimmungen, Francfort, Vittorio Klostermann.

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    17  Je tiens à remercier, pour leurs discussions et commentaires, Jean-Pierre Cometti, Peter Heron, ChinatsuKobayashi, Céline Poisson, Roger Pouivet, et Monique Régimbald-Zeiber.

  • 8/15/2019 l’Architecture de Wittgenstein Métaphysique, Style Et Expression _ Mathieu Marion

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