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L'APPORT DE LA THERAPIE FAMILIALE EN MEDECINE GENERALE SYSTEMIQUE Extrait du Espace d'échanges du site IDRES sur la systémique http://www.systemique.be/spip/article.php3?id_article=303 L'APPORT DE LA THERAPIE FAMILIALE EN MEDECINE GENERALE SYSTEMIQUE - SAVOIR THÉORIQUE - Échanges à partir d'articles , bibliothèque, dictionnaire et concepts de la systémique - Article donné par son auteur pour stimuler des échanges - Date de mise en ligne : lundi 5 novembre 2007 Description : Résumé : L'apport de la thérapie familiale en médecine générale systémique. Sur le phénomène de croyance comme organisateur des processus de chronicisation : état d'une recherche. L'auteur décrit une recherche conduite sur la construction d'un lien thérapeutique systémique en médecine générale. Se référant aux travaux de H. Maturana et F. Varela, il met en évidence les différents niveaux de coordinations d'actions dont un jeu de couplage trop dysharmonique peut engendrer des pathologies intéressant la médecine générale. Il montre ensuite comment un médecin généraliste systémicien peut, à partir d'une réflexion-action sur le processus de croyance, réguler une des difficultés majeures en médecine générale : la récurrence chronicisante de pathologies allant du plus « fonctionnel » au plus « organique ». Summary : Contribution of family therapy to systemic general medicine : on belief phenomenon as organizer of chroniciting processes : present state of a Copyright © Espace d'échanges du site IDRES sur la systémique Page 1/21

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L'APPORT DE LA THERAPIE FAMILIALE EN MEDECINE GENERALE SYSTEMIQUE

Extrait du Espace d'échanges du site IDRES sur la systémique

http://www.systemique.be/spip/article.php3?id_article=303

L'APPORT DE LA THERAPIE

FAMILIALE EN MEDECINE

GENERALE SYSTEMIQUE- SAVOIR THÉORIQUE - Échanges à partir d'articles , bibliothèque, dictionnaire et concepts de la systémique - Article donné par son auteur

pour stimuler des échanges -

Date de mise en ligne : lundi 5 novembre 2007

Description :

Résumé : L'apport de la thérapie familiale en médecine générale systémique. Sur le phénomène de croyance comme organisateur des processus de chronicisation

: état d'une recherche. L'auteur décrit une recherche conduite sur la construction d'un lien thérapeutique systémique en médecine générale. Se référant aux travaux

de H. Maturana et F. Varela, il met en évidence les différents niveaux de coordinations d'actions dont un jeu de couplage trop dysharmonique peut engendrer des

pathologies intéressant la médecine générale. Il montre ensuite comment un médecin généraliste systémicien peut, à partir d'une réflexion-action sur le processus

de croyance, réguler une des difficultés majeures en médecine générale : la récurrence chronicisante de pathologies allant du plus « fonctionnel » au plus «

organique ».

Summary : Contribution of family therapy to systemic general medicine : on belief phenomenon as organizer of chroniciting processes : present state of a

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research. The author describes a research on a systemic therapeutic bond in general medicine. Refering to Maturana and Varela work, he defines the levels of

coordinations of actions, of which too dysharmonic couplings may product pathologies. After what, he shows how a systemician practiker can, with action on

belief process, adjust an important problem in general medicine : the chroniciting recurrence of pathologies, going from the most functional to the most organic.

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Sommaire• L'APPORT DE LA THERAPIE FAMILIALE EN MEDECINE (...)• La question de la traduction• L'efficacité symbolique• Les ressorts de l'efficacité symbolique• Clôture, action et coordination• Coordination d'action• Coordinations sociales d'actions• coordinations linguistiques d'actions• coordinations culturelles d'actions• coordinations linguallaxiques d'actions• Décoordination sémantique de coordination (...)• Quand mon cerveau gauche ignore ce à quoi (...)• De l'observateur qui s'observe observant, (...)• De l'enchevêtrement à l'émergence d'une complexité• Une vision renouvelée du double bind• Perception et représentation• Redéploiement de l'hypothèse fondatrice• La croyance• La chronicisation• La règle du jeu• La thérapie systémique au secours du médecin (...)• Construire des outils médicaux, autour du (...)• Processus de croyance et processus identitaires• Rituels, maladie, thérapie• Les petits travaux• La maladie, ses définitions, sa polysémie• La prescription « impérative cryptique » de (...)• L'orientation des travaux 1996-97• les contextes immédiats des processus de (...)• Comment aborder ces trois types de chronicisation• Comment prévenir ces trois types de chronicisation• Les préalables• Conclusion provisoire

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Sur le phénomène de croyance comme organisateur des processus de chronicisation : état d'unerecherche.

Jean-Paul GAILLARD

Mots clés : Médecine générale - Coordinations d'actions - Croyance - Prédiction - Réalisation automatique deprédiction - Savoir -Mythe - Rituel - Double bind - Triple bind - Polysémie de la maladie - Petits travaux -Prescriptions « impératives cryptiques » - Prévention en médecine générale.

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Key words : General medicine - Coordinations of actions - Belief - Prediction - Automatic realization of prediction -Knowledge - Myth - Ritual - Double bind - Triple bind - Polysemy of illness - Little works - « Commanding cryptic »prescriptions - Preventive general medicine.

Depuis dix années, nous conduisons une recherche-action systémique autour de la pratique de la médecinegénérale. Cette recherche-action nous a d'emblée amenés à nous heurter de front à la question de la croyance et dusavoir, non seulement dans les registres épistémologiques (Gaillard 1994), mais aussi concernant les effetsphysiologiques sur l'homme du processus de croyance et, donc, dans la production et dans le maniements d'outilspour la pensée et pour l'action thérapeutique en médecine générale.

La question qui sous-tend la problématique de notre recherche, est celle-ci : Quelles sont les conditions danslesquelles un humain voit se coupler en lui des structures biologiques et psychologiques, pour lesquelles il est admispar les modèles standards en biologie et en psychologie, qu'elle ne peuvent pas se coupler ? Et quels sont les effetsde ces couplages ? Il est donc clair que cette recherche intéresse à la fois la psychologie et la médecine.

La question de la traduction.

Ce couplage entre psychologie et médecine a d'emblée posé un problème de traduction, au sens de Bruno Latour etMichel Calon (1990). La traduction, au sens de Latour, est un processus « qui lie des énoncés et des enjeux a prioriincommensurables », un lien à partir duquel des sciences diverses, des techniques et des disciplines praticienness'associent, se combinent et produisent de nouveaux champs d'investigation et d'action. Pour ce qui nous concerne,ce qui doit se lier, ce sont : - les objectifs d'un chercheur en psychologie clinique, - les préoccupations quotidiennesdes médecins généralistes, Ce que nous espérons de ce couplage, c'est l'émergence d'une épistémologie et d'unepratique médico-psychologique intégrant la complexité du vivant. Et la science qui, à nos yeux, traverse et relie cesdeux registres avec une extrême pertinence et avec une grande force, est la biologie de modèle autopoïétique.

Ce fait ne suffit évidemment pas, pour que le modèle autopoïétique soit adopté comme étant « la structure qui relie», par l'ensemble des protagonistes : l'association de ces trois champs produit d'abord du remue-ménage ! Desénoncés et des enjeux a priori incommensurables, s'entrechoquent allègrement et nous continuons de vérifierquotidiennement ce qu'en écrit Latour : « Cette chaîne de traduction se construit dans la controverse : elle est leproduit d'une histoire qui en forme le contenu ». ce problème de traduction n'est pas un problème latéral : il est lecoeur même de notre travail de chercheurs, de praticiens et d'enseignants.

L'efficacité symbolique.

Les fondements de cette recherche sont parfaitement résumés dans le concept d'efficacité symbolique de ClaudeLévi-Strauss (1958). Plus que des hypothèses, ce sont des constats très robustes, très peu contestables ; le travailconsiste donc, non pas à les défendre, ils n'en ont pas besoin ; le travail consiste, dans un premier temps, à mettreen évidence dans la pratique médicale et psychologique, ces faits non contestables, mais jamais encore envisagésen liaison avec cette pratique ; dans un second temps, développer les implications logiques et pratiques de cesconstats et, dans un troisième temps, produire les outils cliniques permettant d'intégrer ces faits dans le soin médicalet dans la pratique psychologique.

L'efficacité symbolique est un objet appartenant à l'ethnologie. En tant que tel, il ne gène personne en psychologie eten médecine : Lévi-Strauss l'a proposé en 1949 et confirmé en 1958 dans son Anthropologie structurale, sans

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soulever de tempête durable. Mais dès qu'on tente d'introduire cet objet dans la pratique médicale et psychologique,la panique s'installe, la mauvaise foi se le dispute à la violence des propos, jusqu'à ce que les fauteurs de troublerenoncent. Il en a toujours été de même avec les travaux de Léon Chertok (1965-89) sur les effets physiologiques del'hypnose. Je crois avoir montré (Gaillard 1995) que cette effervescence anxieuse signale un conflit de paradigmes.

Lévi-Strauss résume le concept d'efficacité symbolique en quelques mots :

« L'intégrité physique ne résiste pas à la dissolution de la personnalité sociale ».

En bref, un sujet à qui un agent social et culturel supposé savoir et supposé pouvoir dit : « tu vas mourir », meurt.Cela ressemble à un miracle négatif, tout comme on recense assez régulièrement des miracles positifs, à Lourdesou à l'hôpital.

Nous avons mis en évidence, après le Pr. jean Bernard, que ce phénomène est en fait un phénomène banal dansnos sociétés : jean Bernard a nommé cela le syndrome du colonel Chabert (Bernard 1992). Ce phénomèned'efficacité symbolique co-produit, très régulièrement et en toute méconnaissance des protagonistes, de la mort, dela maladie, de la chronicisation, de l'amélioration, de la guérison et de la bonne santé. Il nous semblait doncimportant, dès lors qu'il était identifié, de l'étudier et, pour autant qu'il est possible, de l'intégrer dans la pratiquemédicale et psychologique.

L'effet Chabert s'observe facilement dans notre société. Le médecin cancérologue, par exemple, en estquotidiennement l'acteur principal ou le témoin aveugle et sourd. Nous avons donc travaillé là dessus, à partir despréoccupations quotidiennes du médecin généraliste, et nous avons, par exemple, construit et validé un protocoled'annonce et de suivi d'un diagnostic grave, de façon que, non seulement l'action du médecin ne soit pas iatrogène,mais qu'elle favorise l'émergence de processus d'auto-guérison.

Les ressorts de l'efficacité symbolique.

L'évidence voudrait que le véhicule majeur de l'efficacité symbolique soit le langage, puisque c'est après uneprédiction du chaman que l'homme meurt. Levi-Strauss, en chercheur rigoureux, ne s'en est pas tenu à l'évidence eta observé que, à ce discours, se combinait la mise en oeuvre de rituels collectifs et de jeux mimiquesinter-individuels.

Il semble donc que les processus destructeurs de l'intégrité biologique de celui que j'appelle le mort-désigné,émergent de ce couplage récursif entre la prédiction du supposé savoir et cette combinaison d'actes collectifs. Ilrestait donc, pour que cette combinaison devienne un objet de science, à la formaliser : nous allons voir que lestravaux d'Humberto Maturana et de Francisco Varela fournissent l'essentiel de cette formalisation.

J'ai montré, dans un travail précédent (Gaillard 1994), que l'efficacité symbolique s'appuie sur un phénomènecognitivo-affectif précis : l'acte de croyance, couplé avec le processus de réalisation automatique de prédiction. Defait, le chaman croit dans sa sorcellerie, le mort-désigné croit dans le dire de son chaman et dans ce que ce dernierincarne ; et la communauté tout entière croit que l'homme va mourir, puisque le chaman, dans lequel ils croient, l'aprédit. [1]

Cette remarque n'est pas triviale ; sa formalisation pose des problèmes paradigmatiques, sa prise en compte esttechniquement très délicate et impose des limites strictes à l'action du praticien, qui doit développer une conscience

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aiguë des effets de prédiction, et distinguer clairement les effets de croyance, des effets de savoir, les effets deprédiction étant liés à la croyance et non au savoir. J'ai déjà développé le problème, considérable, du barrageépistémologique qui interdit radicalement aux praticiens témoins des processus physiologiques liés aux effets decroyances, de les voir et, s'ils les voient, de s'en souvenir (Chertok 1965, Gaillard 1995). La connaissance qu'ils enacquièrent (registre du savoir), se montre de peu de poids devant le barrage de leurs croyances, qu'on peut résumerainsi : l'organique peut influencer le psychologique qui n'est qu'un artefact, mais l'inverse est impossible.

Qu'est-ce qui, donc, fait la différence entre effet de savoir et effet de croyance ? Indubitablement, une croyancesuffisamment partagée produit des effets, faciles à observer (Bernard 1992), de destruction ou de restauration del'intégrité somatique ou psychique. Ce type d'effets souligne clairement l'existence de couplages entre du «psychique » et de « l'organique » ; il nous semble donc impératif, si nous souhaitons formaliser ces effets, dedisposer d'un modèle qui n'opère aucune impasse, à quelque niveau que ce soit, sur les fonctionnements humains.

Le modèle autopoïétique offre un cadre théorique et expérimental robuste à ce que nous appelons fonctionnementsinternes, relations, interrelations et interactions dans quoi les phénomènes de croyances s'insèrent. Ces objets sontdécrits en termes de coordinations d'actions (Maturana, Varela 1996).

Clôture, action et coordination.

Le modèle autopoïétique décrit les système vivants comme des entités opérationnellement closes (Varela 1989),c'est-à-dire qu'ils sont doués d'identité, d'unité et d'autonomie (aisément repérables dans l'espace et dans le temps)et que leur organisation est caractérisée par des processus auto-générés à travers une dépendance récursive desbases processuelles que sont les cellules, puis les organes, puis les grandes fonctions I.H.N. (immunitaireshormonales nerveuses), avec leurs nourritures.

Cette clôture opérationnelle implique deux caractéristiques : l'auto-information et l'auto-organisation, qu'on résumeen terme d'autoréférence du vivant. De quoi s'agit-il ?

Lorsque deux êtres vivants, par exemple deux humains A et B, se couplent, A influence B qui influence A, les deuxétant eux mêmes influencés par C le milieu non biotique (Maturana 1990).

La clôture fait que les perturbations de A vers B et les réactions de B sont strictement contingentes. En effet, B neperçoit pas les perturbations de A mais seulement les effets que son organisme (système sensori-moteur) lui permetde saisir. Si A me jette de la peinture au visage, mes capacités perceptives et cognitives ont de quoi faire, mais si Am'irradie avec le plutonium qu'il a mis dans ses poches, à mes yeux il ne fait rien d'autre que de rester près de moi,car, pour mes capacités percepto-cognitives, l'irradiation n'est pas une perturbation.

L'action de A et celle de B sont donc contingentes l'une à l'autre. Dans la vie quotidienne, nous décidons que nouspouvons nous fier à que ce que nous appelons « mon intention », bien que la psychanalyse et la thérapie systémiquenous aient largement montré que cette prétention est, le plus souvent, exorbitante. De même, nous prétendonscouramment avoir accès à l'intention de l'autre à notre égard.

La caractéristique de clôture opérationnelle des systèmes vivants est assez facile à mettre en évidence et cela a étéfait (Maturana, Varela 1974-1997) ; nous n'y reviendrons pas ici.

Nous nous intéresserons, en revanche, à deux choses : comment nos actions se coordonnent-elles malgré tout de

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façon suffisamment viable ? Et comment se fait-il que, malgré le manque d'efficacité de nos prévisions quant auxintentions de l'autre et le manque de pertinence dans l'auto-explication de nos propres motifs, nous persistions àaffirmer l'inverse ?

Coordination d'action.

Ainsi, pour que, entre l'action de A et l'action de B, il y ait coordination, il ne suffit pas qu'il y ait couplage entre eux :un couplage implique une perturbation contingente réciproque, une influence circulaire d'un système vivant sur unautre système vivant, mais pas nécessairement une coordination de ces actions. De fait, il est facile de montrer quela coordination émerge de la récurrence des mêmes perturbations, et que, de cette coordination émerge lasignification. Ce que Daniel Stern appelle l'accordage entre mère et nourrisson est une illustration de laco-construction de coordinations d'actions : en quelques semaines, émerge entre eux un « je sais quoi faire à cetinstant ! ». De même, pour ce que Winnicott décrivait comme un processus circulaire et non comme un étatindividuel préconstruit : une mère suffisamment bonne.

Coordinations sociales d'actions.

Pour que cette coordination d'action devienne un phénomène social, il faut et il suffit que ce modèle de perturbationsréciproques A inter B suffisamment redondantes, s'étende à un groupe ; elles entraînent des réactions qui, bien quetoujours contingentes, montrent un niveau de redondance équivalent. Nous sommes alors devant un jeu decoordinations récurrentes d'actions sociales, qui dessinent une danse collective, dont les diverses figures deviennentassez largement prédictibles (apprentissage niveau 1 pour Bateson). L'expérimentation en psychologie animale ethumaine montre que ce que nous appelons cohérence sociale ou cohérence du groupe, n'existe et ne perdure qu'àpartir d'un degré suffisant de coordination des actions. Tous les animaux sociaux fonctionnent de cette façon. Lesfourmis, par exemple, opèrent cette coordination à travers la trophollaxis, c'est-à-dire un flux continu de messageschimiques.

coordinations linguistiques d'actions.

Les humains ne sont pas la seule espèce à opérer des coordinations linguistiques d'actions. En fait, beaucoup demammifères sociaux le font : cela consiste à opérer des coordinations d'actions à distance, au moyen d'un lexiqueplus ou moins étendu de signaux vocaux ou gestuels, la communication gestuelle montrant la même valeurlinguistique qu'une vocalisation (et même qu'une verbalisation : cf la LSF). A ce niveau, un langage n'a qu'une valeuropératoire, instrumentale.

A l'évidence, l'humanité a structuré ce niveau de coordination d'action sur le même modèle que la trophollaxis : ainsi,de même que les fourmis sont reliées par un filet chimique, les humains sont en permanence reliés par un vaste filetde langage, qui produit un bruit de fond permanent, que nous appelons souvent bain de langage et dont laredondance et la récurrence ont pour effet de générer un lien permanent et de faire émerger entre humainspartageant ce bain une identité commune. Ils ne différeraient en cela guère des fourmis, si les particularitésmorphologiques de ce bruit de fond permanent ne donnaient matière à une complexification infinie en termes devariété de messages et s'il ne se produisait sans discontinuer dans le corps de chaque individu, sous la forme d'undiscours intérieur permanent, un message permanent à soi-même.

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coordinations culturelles d'actions.

Il nous faut encore distinguer entre comportements sociaux et comportement culturels. Les coordinations culturellesd'actions impliquent un rapport suffisamment développé à la mimesis, l'apprentissage par observation-imitation del'autre. Certains singes et certains oiseaux manifestent des coordinations culturelles d'actions en ceci que nouspouvons observer chez eux une transmission horizontale d'apprentissages, suivie d'une stabilité transgénérationnellede ces comportements acquis. Cher l'homme, les coordinations culturelles d'actions se définissent à travers deuxcourants conflictuels : la tradition et l'innovation.

coordinations linguallaxiques d'actions.

Chez l'homme, au delà des coordinations comportementales d'actions, des coordinations sociales d'actions, descoordinations linguistiques d'actions et des coordinations culturelles d'actions, il y a les coordinations linguistiques decoordinations d'actions, ou coordinations linguallaxiques d'actions. A ce niveau, le langage échappe à la simpledimension instrumentale, pour former un univers de ponctuation et de connotation des autres niveaux decoordinations d'actions, une métastructure.

Décoordination sémantique de coordinationlinguallaxique d'actions.

Cette particularité du langage humain : complexification infinie en termes de messages ponctuant d'autresmessages, génère un niveau supplémentaire, probablement le plus récent dans l'évolution humaine : ladécoordination sémantique de coordination linguistiques de coordinations d'actions, qui est une métastructure demétastructure.

C'est le registre de la production du savoir, univers émergent de la linguallaxis qui, grâce à l'invention de l'écriture,produit un effet radical de déconnexion entre le corps humain et le discours humain. Ce niveau de décoordination,produit des règles universalisables par lesquels le discours encadre puissamment le système sensori-moteur et endésincarne les effets. Le processus émergent le plus visible de ce niveau de coordination d'action estl'universalisation du discours, la production d'une pensée rationalisante, la science.

Il faut noter que ce registre de la production du savoir est une structure très volatile, probablement du fait de sanon-incarnation. Contrairement à ce que nous pouvons observer pour la croyance, le savoir ne devient probablementjamais partie composante de l'identité d'un humain ; pour ce faire, il doit muter en croyance. Ce processus demutation ne rencontre à l'évidence aucune difficulté : il semble même que le registre de la production du savoir(épistémopoïèse) ne subsiste qu'au prix d'une lutte constante contre cette tendance à la réincarnation du discoursque constitue la croyance. [2]

Nous avons, me semble-t-il, éclairé la première des deux questions posées plus haut : comment nos actions secoordonnent-elles malgré tout de façon suffisamment viable ?

Pour ce qui fait que, malgré le manque récurrent d'efficacité de nos prévisions quant aux intentions de l'autre et depertinence dans l'auto-explication de nos propres motifs, nous persistions à affirmer l'inverse, il semble bien que lacoordination sémantique d'actions y intervienne.

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En fait, cette conviction paraît tenir à une croyance fondamentale : le sens inhérent au discours éclairerait l'ensemblede nos coordinations d'actions ; il en dissoudrait la contingence. Nous croyons que la cohérence des coordinationsd'actions n'émergerait pas de leur récurrence, mais du sens que le discours leur confère. De fait, nous ne sommesjamais longtemps en peine pour donner du sens à une perturbation perçue, fut-elle isolée. Quant à savoir si ce sensaprès coup a de la pertinence...

Quand mon cerveau gauche ignore ce à quoi obéitmon cerveau droit.

...il existe une manipulation neuropsychologique (Gazzaniga et Le Doux 1978, Varela 1976) qui éclaire cettequestion, mieux que tous les discours : La section du corps calleux est une opération que nous connaissons tous, quiest pratiquée dans le cas d'épilepsie grave, dans le but de limiter la violence des crises et leur caractère globalementdestructeur pour le cortex. Une manipulation classique consiste à mettre un sujet ayant subi cette intervention dansune position visuelle telle, que ce que voit l'oeil gauche (correspondant au travail du cerveau droit), l'oeil droit(correspondant au travail du cerveau gauche) ne le voit pas et réciproquement. Si l'opérateur montre l'image d'uneclé au cerveau droit, assorti de l'injonction verbale « cherchez cet objet à tâtons parmi ceux qui sont derrière l'écran», le sujet peut trouver la clé. Si l'opérateur, à la place de l'image fait apparaître le mot « une clé », le sujet ne voitrien. l'objet-mot n'existe pas pour le sous-système cerveau droit. Si l'opérateur montre une image pornographique aucerveau gauche, le sujet rougit, s'agite, mais reste incapable d'identifier la cause de sa gêne : l'objet-image n'existepas pour le sous-système cerveau gauche. Il dit : « Ah, docteur, vous avez une drôle de machine ! »

Lorsque la manipulation est faite avec un sujet parfaitement ambidextre, le résultat en est encore plus explicite. Paulest un sujet pour lequel les deux modes de perception-réponse, digital et analogique, sont également possibles àdroite et à gauche. Le corps calleux étant sectionné, ce que fait le cerveau droit n'est pas accessible au cerveaugauche et réciproquement. Nous avons donc affaire, avec Paul, à deux sujets en un.

Dans la situation de manipulation décrite plus haut, on fait apparaître à droite l'injonction écrite « grattez-vous l'oreille». Le sujet droite obéit et se gratte l'oreille. On fait ensuite apparaître à gauche « Pourquoi vous êtes-vous grattél'oreille ? », le sujet gauche répond : « parce qu'elle me démangeait ! »

Que s'est-il passé ?

Le sujet gauche a spontanément oblitéré la coordination d'action droite dont il n'est pas conscient, au moyen d'uncouverture sémantique sans rapport avec elle. Chez Paul, comme chez le sujet à l'image pornographique, il n'existeaucun lien causal entre :

• d'une part ce qu'il fait et pourquoi il le fait,• et d'autre part ce qu'il en dit.

De l'observateur qui s'observe observant, croyantobserver.

En d'autres termes, cette manipulation tend à montrer que l'univers sémantique est un champ autonome, qui émergede la coordination linguallaxique d'action (coordination linguistique de coordination d'action). Ce champ n'est passpontanément connecté aux autres champs de la coordination d'action.

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La conséquence la plus claire et la plus stupéfiante à la fois est celle-ci : la seule chose que les humains soientnormalement en mesure d'observer, c'est eux-mêmes en train d'observer !

De l'enchevêtrement à l'émergence d'une complexité.

parmi tous ces modes d'interrégulation que sont les coordinations d'actions, les connaissances actuelles sur l'humainne permettent d'en exclure aucune, pour le décrire. Nous sommes donc contraints de prendre pour base de réflexionet d'action, cette hypothèse selon laquelle l'ensemble des comportement proprement humains émergent àl'intersection d'un grand nombre de niveaux généraux d'effectuation du vivant, au moins sept :

1- le niveau des réactions non coordonnantes (quand il se heurte à une perturbation rare),

2- le niveau des coordinations d'actions simples, non biotique et biotique (quand il se heurte à des perturbationsmatérielles ou animales suffisamment redondantes, mais non collectives),

3- le niveau des coordinations sociales d'action (jeu de coordinations récurrentes d'actions sociales),

4- le niveau des coordinations culturelles d'action (jeu de coordinations récurrentes d'actions par transmissionimitative horizontale et verticale),

5- le niveau des coordinations linguistiques d'action (coordinations d'actions par le biais de signaux et de symbolesorganisés en lexique),

6- le niveau des coordinations linguistiques de coordinations d'actions, ou linguallaxis, univers de ponctuation de lasignification, qui tend à opacifier l'ensemble des niveaux précédents. De ce niveau de coordinations linguallaxiquesd'actions émerge un monde très particulier, en ce qu'il s'auto-génère à travers un jeu proprement infini designifications autonome. Ce monde est :

7- le niveau de la décoordination sémantique de coordination linguistique de coordinations d'actions, ou univers dusens. Il est puissamment distinct des différents niveaux de l'action, de telle sorte que l'homme manifeste une nettetendance à croire que son univers tout entier se résume à l'univers sémantique et qu'il structure ses interrelations etinteractions dans une totale dépendance à l'univers du sens. A tel point que l'homme semble se caractériser par unephobie de l'absence de sens : la manière la plus humaine d'affronter les limites de la cognition humaine consiste àproduire des univers de sens à l'infini ! [3]Je serais tenté de proposer l'outrance symétrique de celle de RichardDawkins (1980) [4] et dire que l'univers sémantique est à ce point auto-organisé, qu'il utilise l'homme comme uninstrument de son propre développement.

Une vision renouvelée du double bind.

On imagine plus aisément, à partir de ces « au moins sept » niveaux de coordinations d'actions, le polymorphismedu processus de double bind décrit par Bateson. Chacun de ces niveaux de coordination d'action est probablementune entité autonome, opérationnellement close ; ces entités se perturbent mutuellement, par couples ou plus.

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On peut postuler que, dans un système donné, le concert de ces perturbations atteigne facilement un degré derécurrence suffisant pour co-créer une unité composite stable, que nous appelons identité, moi, ou self. En d'autrestermes, le processus de double lien serait un processus relativement constant et pas nécessairement destructeur(Bateson l'avait déjà énoncé), mais il existerait aussi des processus de triple, quadruple, n., liens qui, en tempsnormal, structureraient une mise en tension interniveaux manifestant un degré d'harmonisation suffisant etsuffisamment stable. Le double bind toxique paradigmatique est, selon Bateson, celui qui met en jeu le niveausémantique et un niveau procédural (social ou culturel, p. ex.), car ces couplages président auxdeutéro-apprentissages (apprentissages d'apprentissages) par lesquels nous structurons et stabilisons notre appareilcognitivo-affectif.

il est permis de poser l'hypothèse selon laquelle une dyscoordination récurrente entre d'autres niveaux decoordinations d'actions puissent être à la source d'autres formes de distorsions : cognitive, affective, immunitaire,hormonale, nerveuse. Le « tu vas mourir » du chaman ou du cancérologue me semble analysable en termes dedouble (ou multiple) bind. On peut ainsi poser que les coordinations sociales d'actions (y-compris linguistiques)recouvrent, chez l'homme, un jeu circulaire entre rituels sociaux et rituels communautaires ; que les coordinationsculturelles d'actions (y-compris linguistiques) recouvrent un jeu circulaire entre rituels communautaires et rituelsfamiliaux et que les coordinations linguistiques de coordinations d'actions (linguallaxis) ponctuent, en lesobscurcissant, l'ensemble de ces circularités.

Le fonctionnement humain normal se structurerait donc autour d'un état stable en forme de triple bind. On peutsupposer que, des jeux de tension entre les trois sous systèmes, émerge la consistance de leurs frontières et que,ainsi, couplage ne devienne pas confusion.

Ce que nous appelons psychose pourrait se concevoir, par exemple, en termes de fractalisation interniveaux, parexemple entre les coordinations linguistiques de coordinations d'actions et les coordinations linguistiques d'actions.Un niveau méta (ponctuation) se fondant avec un niveau instrumental (action), le triple bind devient double bindtoxique générateur des comportement de protestations communément appelés psychose.

Perception et représentation.

S'il est un tant soit peu pertinent de prétendre que les hommes sont ensemble gouvernés par l'univers du sens quiest un univers puissamment autoréférentiel, quel statut devons-nous donner à la perception ?

J'ai montré (1994) que l'activité d'écrémage sensitif que constitue une perception est telle que, un sujet en situationnormale, face à une quantité normale de sensations visuelles, auditives, olfactives, tactiles, soit entre 50 et 200aisément listables, en sélectionne en moyenne trois (entre zéro et 6). L'activité perceptive d'un homme consiste doncessentiellement à produire un univers suffisant. L'univers d'un humain semble se réduire à quelques objets à la fois :en fait, ceux dont l'activité enactive du moment a besoin. F. Varela appelle enaction [5] le couplage dynamiqueperception-action. Ce concept nous offre la possibilité de concevoir et de formaliser le rapport entre perception etaction autrement que dans les termes mécanistes et réductionnistes standards : « je perçois, puis j'agis ».Perception et action sont décrits comme un effet co-ontogénétique de dérive naturelle, une spirale à révolutionsmultiples au sein de laquelle perception et action (la mienne et celle des autres auxquels je suis couplé) se modifientsans cesse mutuellement : l'action modifie la perception, elle même modifiée par la modification de l'action, etc.

Pour compléter le modèle animal général pour lequel le concept d'enaction a été inventé, j'ai proposé(1995) de luiassocier le concept de pseudenaction qui intègre l'univers des représentations langagières. En fait, chez l'homme,l'univers de la représentation langagière et l'univers de la perception sont mis en équivalence, de sorte que l'activité

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enactive peut s'engager indifféremment et de la même façon autour d'une perception et autour d'une représentation.

En d'autres termes, le niveau des coordinations linguallaxiques d'actions occupe la même place et participe auxmêmes processus que les niveau physiologiques de coordinations d'actions qui abritent l'activité proprementperceptive. De telle sorte que ce que nous croyons et ce que nous percevons occupent une place équivalente dansnotre cognition. Quant à l'univers du sens, sa déconnexion corporelle et sa puissance autoréférentielle ne le dédientguère à une régulation efficace de ce niveau de confusion.

Redéploiement de l'hypothèse fondatrice.

Il existe des conditions dans lesquelles un humain voit se coupler en lui des structures biologiques etpsychologiques, pour lesquelles il est admis par les modèles standards en biologie et en psychologie, qu'elle nepeuvent pas se coupler.

Cette hypothèse est par avance validée, quant à sa consistance, par la remarque, solidement argumentée, deLévi-Strauss, citée plus haut :

« L'intégrité physique ne résiste pas à la dissolution de la personnalité sociale ». (Lévi-Strauss 1958)

La remarque de Lévi-Strauss étant logiquement réversible en :

L'intégrité physique se constitue et se maintient à la mesure de la constitution et du maintien de la personnalitésociale.

[6] ...hypothèse corrélative, qui suggère que les guérisons dites spontanées non prévisibles (guérisons contre touteattente médicale) procèdent du même effet d'efficacité symbolique fondé sur le processus de croyance. Il fautinsister sur la question de la croyance, car ce n'est que parce que le sujet, le chaman et la communauté croient en laparole du Chaman, que le sujet meurt.

La croyance.

La croyance est un phénomène remarquable. Il est capable d'induire la mort d'un homme ou la disparition d'unetumeur cancéreuse ; il est capable aussi de pousser un homme à n'importe quel type d'action, y-compris les plusfolles, les plus dangereuses ou les plus meurtrières. Le phénomène de croyance est donc doué d'une puissanceextrême sur la physiologie humaine, autant que sur sa psychologie. Il semble se caractériser par une fractalisationinterniveaux telle, que ponctuation et action sont parfaitement confondues et, selon les niveaux en jeu, cettefractalisation [7]peut produire une totale confusion entre la phrase : « Mort aux infidèles ! » ou « Mort aux juifs ! » etl'action de massacrer tout ce qui ressemble à un infidèle ou à un juif, superposant ainsi une ponctuation et une actionmotrice. Elle peut, de même, produire une totale confusion entre la phrase : « Tu es guéri ! » et l'action physiologiquede restauration-cicatrisation d'un organe, superposant ainsi une ponctuation et un processus physiologique.

La chronicisation.

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Le médecin généraliste reçoit en grande quantité des sujets chez lesquels des structures biologiques et desstructures psychologiques semblent s'être couplées de façon durable, avec pour résultat la pérennisation d'unepathologie qui devrait normalement disparaître, son amplification, ou encore la succession ou l'association depathologies plus ou moins floues. Nous avons défini ces cas de figure sous le vocable générique de processus dechronicisation.

La règle du jeu.

J'aime beaucoup Wittgenstein, à cause de son invraisemblable exigence logique. Devant cette suite d'objets deréflexion, je crois qu'il dirait :

« vous ne m'avez pas dit à quel jeu on joue ! Et ce ne sont que les conditions du jeu qui permettront de répondre quel'une ou l'autre (de ces questions) ont quelque chose en commun et de préciser ce qu'elles peuvent avoir encommun. » (Wittgenstein 1965)

La règle du jeu consiste à trouver en quoi les coordinations d'action médicales, liées à l'efficacité symbolique et doncau phénomène de croyance, s'emparent de phénomènes pathogènes (qui sont eux-mêmes éventuellement descoordinations d'actions dysharmoniques), les prolongent, voire même les perpétue, aggravant et parfois co-créant leprocessus de chronicisation.

Sous-entendu : dans quelles conditions les coordinations d'action médicales pourraient-elles briser ces structurestoxiques et promouvoir d'autres structures moins coûteuses pour les sujets concernés ?

La pratique psychanalytique nous a appris que le tissus de sens (coordinations sémantiques d'actions) dont l'hommemanifeste une extraordinaire compulsion à s'envelopper, ne se montre assez protecteur que lorsqu'il estsuffisamment connecté à d'autres niveaux de coordinations d'actions, qu'en psychanalyse on nomme génériquementInconscient.

En d'autres termes, il semble que les décoordination sémantiques de coordinations linguallaxiques d'actions ne semontrent suffisamment opératoires pour garantir l'ontogenèse d'un sujet, que si et seulement si elles sont malgré toutsuffisamment harmonisées avec les autres niveaux de coordinations d'actions.

Les conditions d'un fonctionnement suffisant du système régulateur I.H.N. [8] passeraient donc par des conditionsidentitaires (sociales, culturelles, communautaires, familiales) suffisantes.

La psychanalyse, de ce point de vue, peut donc se définir comme retoucheuse d'enveloppe sémantique, ourecapitonneuse d'humains ! Nous savons qu'elle ne peut pas s'adresser à tous et encore moins se substituer à lamédecine quotidienne. Cette dernière est donc contrainte d'inventer ses propres voies, en matière de retouche dusens et d'harmonisation interniveaux. C'est précisément ce à quoi nous nous employons. Il est clair qu'une tellerecherche ne peut être le fait de médecins seuls : leur formation les exclut des bases nécessaires à laproblématisation de cette recherche. Il est non moins clair que des psychologues sont dans la totale incapacité de laconduire seuls : elle se déploie dans un univers qui n'est pas le leur. La transdisciplinarité s'impose d'elle-même et semontre à ce jour fructueuse !

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La thérapie systémique au secours du médecingénéraliste.

Ma formation de thérapeute systémicien, l'épistémologie qui la sous-tend et la pratique qui en découle, nous sontd'un grand secours, non seulement parce que le modèle autopoïétique est un modèle systémique, mais parce que lathérapie systémique se montre très prolifique dans l'invention et dans l'expérimentation de moyens et d'outilsthérapeutiques grâce auxquels des syndromes très graves peuvent disparaître définitivement en quelques séances.Par exemple, avec l'anorexie mentale on peut obtenir en 8 ou 10 séances d'une heure espacées chacune d'un mois(Gaillard, Clément 1998), ce qu'il est extrêmement difficile, voire souvent impossible, d'obtenir en 1000 séances depsychanalyse sur 8 années et ce qu'on obtient de façon souvent très fragile au prix de protocoles psychiatriques fortmusclés. Il y a donc des clés qui, selon les niveaux auxquels elles s'attaquent, ouvrent certaines portes et d'autrespas.

Construire des outils médicaux, autour duphénomène de croyance.

Nous avons pour hypothèse que ces clés sont à chercher dans les registres de la croyance, c'est-à-dire danscertaines formes d'appariages interniveaux de coordinations d'actions. Les objets thérapeutiques que nousconstruisons doivent donc contenir ces données. La thérapie systémique, comme toutes les formes depsychothérapie, rencontre incessamment le barrage de la croyance ; comme toutes les formes de psychothérapieelle produit des outils tendant à contourner, affronter et même utiliser ce barrage. L'un de ses outils conceptuels ettechniques les plus achevés est l'ensemble norme-mythe-rituel (Ferreira 1966, Minuchin 1974, Neuburger 1988,Rougeul 1989, Caillé 1991). Gregory Bateson et son école, suivi par l'ensemble des chercheurs systémiciens(Halley 1965, Selvini 1975), ont mis en évidence ceci que, dès que plusieurs humains sont durablement couplés engroupe, il émerge du travail entre les divers niveaux de leurs coordinations d'action, un système de règles en actes.

Ce système de règles en acte est appelé rituels. L'histoire que le groupe se raconte sur lui-même et qui prétendcontenir et justifier le système rituel est appelée mythe fondateur.

Processus de croyance et processus identitaires.

Ce système rituel-mythe est l'un des instruments privilégiés du processus de croyance, dans le même temps qu'il estun instrument non moins privilégié du processus identitaire.

la pratique de la psychanalyse, ainsi que celle de la thérapie familiale systémique, nous contraignent, de fait, àl'hypothèse complémentaire selon laquelle les processus de croyance et les processus identitaires sontpuissamment couplés dans leurs fonctionnements.

Quant à la norme, elle n'est qu'une perspective particulière du mythe, un mythe non internalisé. La norme est lesystème mythe-rituel qu'un autre groupe ou un de mes métagroupes m'impose, ou que je m'impose à moi-mêmepour des raisons appartenant au registre du savoir : je ne crois pas aux normes qui s'imposent à moi et auxquelles jeme soumets. Je n'y crois pas, mais je peux les savoir utiles et, pour cela, m'y plier.

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Un sujet adhère à son mythe, il subit ses normes : nous rencontrons la topologie primaire dedans-dehors. Lacroyance est du dedans, le savoir est du dehors ! La logique kleinienne veut que le « dedans », effet d'introjection,soit associé au « bon » et que le « dehors », effet de projection, soit associé au « mauvais ». La passion quemanifestent les humains pour leurs croyances, ainsi que l'aversion dont ils font preuve pour la connaissance,semblent confirmer la dynamique kleinienne.

Pour un thérapeute systémicien, cette remarque d'apparence banale, selon laquelle les processus de croyance et lesprocessus identitaires sont puissamment couplés dans leurs fonctionnements, recèle un potentiel opératoireimportant. En effet, des travaux tels que ceux de Robert Neuburger sur le processus de désappartenance, et ceux deMinuchin et de Rougeul sur le processus d'affiliation, mettent en évidence ceci que les dérives trop éloignées de lamouvance commune sont productrices de pathologies psychologiques graves. De même, la dernière enquêtedécennale INSEE sur la santé en France montre que les chômeurs, dont nous savons qu'ils subissent un fortpréjudice de désappartenance, sont plus et plus souvent malades que la moyenne des Français.

Les observations de Jean Bernard, sur l'effet Chabert, mettent en évidence que la prédiction médicale « tu vasmourir, tu es mort » entraîne, de la part des proches du malade, la suppression des marques identitaires de cedernier. Le processus est en tous points similaire à celui décrit par Lévi-Strauss. Ainsi, les processus morbides quenous avons pu décrire comme effets de l'efficacité symbolique, semblent relever d'un système de production plusvaste, qui est celui de la production de l'identité d'un sujet dans et par sa communauté. L'efficacité symbolique seraitdonc une partie composante du système de co-production identitaire.

Cela n'implique cependant pas que la totalité des processus morbides et des processus de désagrégation identitairerelèvent d'un effet d'efficacité symbolique : d'autres dérives peuvent s'observer.

Rituels, maladie, thérapie.

Les rituels sont des coordinations d'action qu'il est possible d'observer. Erving Goffman l'a fait magistralement avecles rituels dit micro-sociaux (rites d'interactions et comportements mineurs) et les thérapeutes systémicienss'attachent à intégrer dans leur pratique l'observation et la prise en compte en continu des rituels familiaux.

Nous disposons donc d'un outil théorico-pratique consistant, dont il est intéressant de savoir s'il peut s'insérer dansun processus de traduction et s'adapter aux configurations de la pratique en médecine générale. de fait, le médecingénéraliste reçoit le plus souvent des patients seuls et il n'est pas question de le pousser dans les mêmes voies sansissue que celles que l'on peut critiquer pour le groupe Balint (en faire des thérapeutes de famille, comme le Balint ena fait des psychanalystes). Il nous fallait donc inventer des modèles d'intervention systémique dans le cadre d'unerelation médicale duelle.

Les petits travaux.

Ce que, en thérapie systémique, on appelle « petits travaux », a beaucoup inspiré les médecins généralistes dugroupe de recherches. La technique dite des petits travaux a pour but de s'attaquer à des rituels en cause dans laproduction d'un symptôme. Les limites de leur utilisation en thérapie systémique ont été très justement décrites parPhilippe Caillé (1991) ; il semble cependant, qu'en médecine leur effet puisse se montrer plus durable. Ainsi, parexemple, un protocole que l'un d'entre nous exploite actuellement, à base de « petits travaux », s'adresse à desfemmes montrant un syndrome dépressif, pour lesquelles il est rarement question d'impliquer leur conjoint ni leurs

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enfants, la dépression étant puissamment définie comme relevant de problèmes individuels anciens.

Le médecin généraliste expérimentateur, après avoir pris le soin et le temps d'assurer une alliance thérapeutiquesuffisamment consistante avec sa patiente, lui dit sur le ton empathique qui lui est assez naturel : « Madame, je vaisvous demander de faire quelque chose pour moi... A partir de demain matin 10h30 vous vous rendrez à la pâtisseriede votre rue, vous y achèterez un choux à la crème et vous le mangerez en pensant à moi. » Les patientes adhèrentsans réticence à son injonction et modifient durablement leurs rituels de structuration du quotidien. L'efficacité de cetraitement est la même que celle des antidépresseurs et les choux à la crème ne creusent pas le trou de la sécu.L'effet secondaire indésirable du traitement est le même que l'un de ceux des antidépresseurs : il peut faire grossir.Une patiente a soufflé la solution au médecin généraliste : « Docteur, j'achète une pomme au lieu du choux à lacrème, et je pense à vous de la même façon ! »

Dès la deuxième semaine, il prescrit donc une pomme. Nous sommes en train de rédiger le premier article sur ceprotocole et ses premiers résultats.

La maladie, ses définitions, sa polysémie.

J'ai mis en évidence dans des travaux précédents (1994, 1995) que, au cabinet du médecin généraliste, la distinctionsystématiquement opérée, entre patients organiques et patients fonctionnels est un artifice dénué de fondementsmédicaux fiables. En fait, le problème est d'importance car, quand peut-on décider que le symptôme n'entretientaucun lien pertinent avec les jeux de coordinations d'actions sociales, culturelles, linguallaxiques et sémantiques dusujet considéré ?

La première réponse des médecins généralistes est toujours :

- On peut le décider quand il s'agit d'une infection microbienne ou virale débordant les capacités du systèmeimmunitaire, ou d'une lésion mettant en danger le fonctionnement d'un organe.

En cela, il sont cohérents avec les choix paradigmatiques de la médecine moderne, médecine pasteurienne etmédecine d'urgence, qui ne s'intéresse qu'au niveau organisationnel de l'humain et y excelle, autant qu'elle semontre pauvre et inopérante côté structure.

La physique du chaos souligne que, dès lors qu'une perturbation se perpétue dans un système complexe, il devientimpossible de prédire si ce système se conduira de la même façon que d'autres systèmes de même nature, dans lesmême conditions discernables.

Cette loi de détermination restreinte est vérifiée en biologie par les différences parfois notables, selon les sujets, deréaction aux médications, placebos compris, et de temps de cicatrisation.

De même, il est d'observation triviale de constater que les traitement à visée symptomatique ne montrent d'efficacitérésolutive (et non palliative) que dans un nombre réduit de cas, 10 à 30 % selon mes statistiques (Gaillard 1995). Dans les autres cas, l'amélioration symptomatique se voit minimisée ou annulée par la réapparition à court ou moyenterme du symptôme, ou par l'apparition de symptomatologie nouvelles. C'est ce que nous avons nomméchronicisation du lien thérapeutique. Ce cas de figure se montre très fréquent dans la consultation du médecingénéraliste, il est donc devenu l'objet de nos recherches. Nous avons montré, expérimentation à l'appui (1995),qu'une combinatoire de prescriptions : médicamenteuses, paradoxales et « impératives cryptiques » résolvait très

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favorablement et rapidement des problèmes anciens et graves.

La prescription « impérative cryptique » de rituels.

La prescription « impérative cryptique » de rituels est un mode d'intervention, voisin des petits travaux, que nousavons mis au point et qui est directement fondée sur l'efficacité symbolique du médecin généraliste. Il s'agit d'uneinjonction qui n'est pas nécessairement paradoxale, mais qui ne contient pas son explication, c'est-à-dire qu'elle nepeut pas se référer efficacement au registre du savoir. Par exemple, lorsque le médecin ordonne à son patient de sepromener chaque jour une heure entière avec son épouse, y compris sous la pluie ou la neige, cette prescription estsuffisamment opaque pour que le patient ne puisse pas lui donner d'emblée une explication univoque : il peut se direque le médecin veut qu'il prenne l'air, ou qu'il parle avec sa femme, ou qu'il fasse de l'exercice, ou qu'il ne reste pasconfiné dans son atelier, etc.

La forme « impérative cryptique » de la prescription a pour but d'éviter au médecin et à son patient de tomber dansl'ornière instructionniste explicative optimisante de la logique de l'ingénieur, toute dédiée au savoir positif. Cettelogique de l'ingénieur, appliquée à l'action médicale, implique la prétention d'instruire un changement dans unsystème en prescrivant des travaux contre-rituels directs sur le mode du savoir positif réparateur. Par exemple, àquelqu'un qui se plaint d'insomnies : « au lieu de vous coucher à 19h30, vous vous coucherez à 22h, parce que, sivous vous éveillez à 1h du matin, c'est que vous vous endormez trop tôt ».

Bien que l'expérience montre que ces stratégies instructionnistes sont inefficaces, et bien que le modèleautopoïétique éclaire les éléments en cause (clôture opérationnelle, auto-information), Le modèle organo-mécanisteorganise si profondément l'épistémologie médicale, que cette question doit faire l'objet d'une vigilance incessante :les médecins croient dans la vertu des relations causales linéaires entre savoir sous sa forme explicative et guérison; les patients, qui le croient tout autant et parfois plus encore, en redemandent et, souvent, la provoquent. Nousavons travaillé (1995) sur la délinéarisation du couple : demande du malade / réponse du médecin généraliste, àtravers l'élaboration du mandat.

Dans le même registre, admettre qu'une prescription, quelle qu'en soit le niveau et la pertinence, n'informe pasl'organisme visé, ne l'instruit pas et n'est pas optimisable, mais qu'elle ne fait que perturber cet organisme, constitueune révision des plus déchirantes pour un médecin qui a grandit dans le paradigme organo-mécaniste cartésien dusoin positif et de la santé comme normalité. Mais c'est à ce prix que les médecins généralistes de notre groupe derecherche font des petits miracles.

Le renoncement à l'optimisation du lien thérapeutique et l'intégration des effets de clôture dans leurs prescriptionsconduit les médecins à réguler leurs médications de façon différente : par exemple, sachant qu'ils ne peuventapporter que perturbation, il considèrent volontiers que « frapper fort » revient à s'exposer à une réponse défensiveforte de l'organisme ; ils ne frappent fort une cible donnée que s'ils ont une raison précise de le faire, alors qu'unmédecin organo-mécaniste le fera plus par principe, parce que « fort », c'est plus efficace que « doucement » ! Lessouches bactériennes antibiorésistantes fabriquées dans les hôpitaux illustrent bien la question et le sérieux de sesenjeux.

L'orientation des travaux 1996-97.

Nos travaux de l'année 1996-97 ont portés sur la question de l'action médicale préventive, après que mes

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expérimentateurs aient assez largement constaté que, si les processus de chronicisation se montrent souventaccessibles à leurs entreprises (par exemple une exploration contextuelle à l'aide d'un génogramme, suivi deprescriptions « impérative cryptique »), il leur semble malgré tout moins coûteux d'empêcher que s'engage leprocessus de chronicisation. Nous avons donc dressé une liste des pathologies récurrentes, pour lesquelles nousallions tenter de construire des outils de prévention.

les contextes immédiats des processus dechronicisati

on.

1- Nous avons mis en évidence que beaucoup de ces processus de chronicisation se développent sur fond de deuilnon régulé (morts ou ruptures), c'est-à-dire dans une dynamique de désappartenance (Neuburger 1995) oudésaffiliation. Nous la concevons comme une impossibilité à renoncer à un jeu de coordinations d'actions en positionmajeure dans l'assemblage identitaire. Elle atteint médicalement les adultes comme les enfants.

2- Une seconde partie se développe sur fond de conflit transgénérationnel récurrent entre la génération des grandsparents et la génération des parents. Fractalisation entre coordinations rituelles d'actions propres aux famillesd'origines et coordinations rituelles d'actions propres à la famille actuelle, entretenant un état chronique de crise : elleatteint médicalement les adultes et les enfants.

3- Une troisième partie se développe sur fond de dénutrition culturelle, pauvreté chronique, logements inadéquats.Déchirure trop large dans le filet des coordinations sociales et culturelles d'actions (niveau des normes), induisantune dérive des coordinations familiales (niveau mythique) : elle aussi atteint médicalement les adultes et les enfants.Le chiffrage est en cours, mais nous savons dores et déjà qu'il englobe la très grande majorité des troublesrécurrents inscrits dans un processus de chronicisation, au cabinet du médecin généraliste.

Comment aborder ces trois types de chronicisation ?

1- La chronicisation de premier type peut se travailler autour du concept de greffe mythique (Sibony 1992,Neuburger 1995), qui est un processus de réaffiliation tendant à co-produire de l'identité.

2- Le second type se travaille plus volontiers à partir du génogramme est des prescriptions paradoxales.

3- Le troisième type se travaille en relation souvent directe avec les services sociaux et les associations caritatives,puis en termes de réaffiliation. Dans les trois types de chronicisation, les médecins généralistes expérimentateurssavent conserver l'efficace vital des rituels médicaux. Ils ne perdent jamais le contact avec l'organique dont ils n'ontpas oublié qu'il est une partie composante de poids dans les problèmes amenés par leurs patients. Ils se sont donnépour principe de ne jamais céder, quel que soit leur niveau d'intervention, sur ce qu'ils appellent l'écoute du corps :auscultation, palpation, prise de la TA, explorations fonctionnelles et paracliniques diverses, ainsi que sur l'utilisationpalliative et curative de la pharmacopée.

Lorsqu'il leur arrive de ne pas le faire, c'est sous la forme d'une prescription clairement ciblée : « aujourd'hui, je nevous ausculte pas ! » ou « aujourd'hui, je ne vous donne pas de médicaments ! »

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Comment prévenir ces trois types de chronicisation ?

1- Production et mise en oeuvre d'un protocole de suivi de deuil par le médecin généraliste ; ce protocole englobe lamort d'enfant, de parent ou de proche ; il comprend aussi les fausses-couches et les IVG ; il intègre enfin le deuil dela bonne santé chez les patients atteints de maladies chroniques telles que le diabète.

2- Les conflits transgénérationnels sont détectés précocement, grâce à la procédure d'anamnèse étendueprogressive (Gaillard 1994) systématiquement conduite. Il font alors l'objet d'un travail de génogramme et deprescription combinatoire.

3- Devant le constat de dénutrition culturelle, de pauvreté chronique, de logement inadéquat, le médecin généralisten'hésite pas à affronter le risque de se voir traiter d'assistante sociale par les confrères : il ne se substitueévidemment jamais à l'assistante sociale, mais se met en réseau avec elle et contribue à la progression de sonaction, sans omettre la prescription combinatoire.

Les préalables.

Cela dit, les médecins expérimentateurs ont eu à se résigner devant l'impossibilité d'accéder efficacement à unproblème, fut-il clairement perçu par eux, avant que deux préalables soient construits :

- le temps du déploiement d'une alliance thérapeutique, parfois longue à co-produire (un minimum de cinqconsultations semble s'imposer),

- l'élaboration, et l'éventuelle redéfinition, des limites du mandat donné au médecin par son patient.

Il apparaît donc que les préalables à toute intervention technique soient l'édification de l'alliance thérapeutique,combinée à la mise en relation entre le mandat et les diverses dimensions des troubles présentés par le malade àson médecin généraliste.

Conclusion provisoire.

Le caractère inachevé du présent exposé est le reflet fidèle de notre réalité : nous cherchons, expérimentons,validons, dans un domaine -la médecine générale- essentiellement multiforme et polysémique. Mais comme le disaitFreud, en citant les Ecritures : « Boiter n'est pas péché. ».

Jean-Paul Gaillard 3, rue de la viotte. . 25000 Besançon. France

Thérapeute systémicien, psychanalyste. Maître de conférences université de Savoie. « mailto:[email protected] » [email protected] groupe Franc-Comtois de recherche en médecine générale systémique, Besançon, Montbéliard.

[9].

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celle des malades, qu'on voudrait vaincre et celles dont les thérapeutes sont encombrés. Thérapeute systémicien,psychanalyste, CREHU Université de Franche-Comté. Unité de recherche sur la médecine générale I2EPH. 25000.Besançon. France. Ce texte est une partie du document présenté par J-Paul Gaillard à son jury d'Habilitation àDiriger des Recherches (UBO Brest février 1998).

Post-scriptum :

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[1] Les effets de savoir, tous les psychanalystes le savent pour l'avoir constaté une fois ou l'autre à travers leurs maladresses techniques, ne

produisent aucune influence sur leurs analysants et n'entament pas leurs croyances.

[2] Il me semble intéressant de noter que la croyance actuelle soutenant les développements du savoir, qui est le paradigme constructiviste,

constitue un assouplissement, une ouverture, dans le phénomène de croyance.

[3] Les univers de la religion et de la philosophie l'illustrent assez bien.

[4] Dawkins est l'auteur de la théorie selon laquelle les gènes utilisent l'organisme pour assurer leur survie et leur développement.

[5] Varela F. Op. cit. Le premier mérite du concept d'enaction est de proposer une alternative robuste au modèle représentationnel dit « fort », qui

suppose que tout système vivant doué d'un système nerveux central suffisamment développé possède un système neural de représentations qu'il

consulte et compare avec les objets extérieurs. La représentations langagières, distincte d'une représentation neurale, n'est pas visée par la

critique de Varela.

[6] La définition du terme « personnalité sociale » ne pose pas de problème insoluble, sachant que la suite du texte de Levi-Strauss est une

réflexion sur la régulation de la santé des sujets humains dans les interactions interindividuelles, collectives sociales et culturelles. Je ne crois pas

déformer sa pensée, en suggérant que ces catégories recoupent assez bien les différents niveaux énoncés plus haut.

[7] La propagation de cette harmonisation peut se formaliser à l'aide du modèle percolatif (P.G. de gennes 1976, P. Mandelbrot 1982) : à un

certain seuil, les fonctionnalités de plusieurs sous-systèmes jusqu'alors distinctes, se fractalisent, générant une seule et même fonctionnalité en

général moins complexe que ce qui était précédemment obtenu par couplage des objets distincts. J'utilise ce modèle pour formaliser la dynamique

du temps humain (J-P Gaillard, « le temps de la mémoire » VIII° colloque Identité-Appartenance du CEFA, 1997).

[8] Immunitaire,hormonal,nerveux

[9] Lévi-Strauss C. (1958) Anthropologie structurale. Op. cit. p. 184

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