l’observatoire de la fashiontech · le client à s’approprier les nouveaux outils et lui...

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1 L’OBSERVATOIRE DE LA FASHIONTECH elon la FEVAD, les Français ont dépensé près de 65 milliards d’euros sur internet en 2015, un chiffre en hausse de 14,3 % par rapport à l’année précédente. Dans son étude de janvier 2016, l’insti- tut CSA montre que l’habillement est le premier poste des achats en ligne, concernant 57 % des e-acheteurs (67 % des 25-34 ans et 65 % des femmes), loin devant les produits culturels (52 %). Cette tendance lourde de digitalisation des ventes de vêtements est-elle annonciatrice de la mort future des magasins ? Les experts pensent au contraire que la distinction entre commerce et e-commerce est artificielle : l’avenir du magasin serait ainsi dans le phygital – contraction de « phy- sique » et de « digital ». Mais le phygital est encore balbutiant. Pour ne plus être simplement digitalisé mais pleinement digital, le magasin de vêtements doit savoir se réinventer et proposer davantage qu’une simple transforma- tion des trois étapes clés du parcours client : la sélection, l’essayage et l’achat. Pour ce faire, il doit résoudre des questions plus sociologiques que technologiques, à savoir la réinvention de sa nature profonde, marquant sa différence et sa complé- mentarité avec l’univers du e-commerce. Le magasin n’est pas encore digital, il n’est que digitalisé La digitalisation du magasin a d’abord été le fait de la digitalisation du client. Hyper-connecté, ce der- nier ne se déplace plus sans son smartphone, sur lequel il compile, commente et compare les diffé- rents produits qu’il rencontre (« social shopping »). Or, alors que les réseaux 3G et 4G ne franchissent pas tous les murs, en particulier dans les magasins, rares sont ceux qui proposent le wifi gratuit. Par cette absence, longtemps motivée par la crainte du « show-rooming » (ces consommateurs qui se ren- seignent en magasin pour acheter dans un second temps en ligne), ce sont les boutiques elles-mêmes qui sacrifient donc des opportunités commerciales. En effet, l’absence de wifi est aujourd’hui autant préjudiciable aux vendeurs, dont les outils sont de plus en plus dépendants d’une connexion Internet, qu’aux clients, qui ne peuvent plus partager leur vie et leurs avis sur les réseaux sociaux comme ils en ont pris l’habitude partout ailleurs. Pour suivre cette tendance, C&A Brésil a lancé « FashionLike », un cintre connecté qui affiche en permanence l’évolu- tion de la popularité d’un produit, encourageant ainsi le client à interagir avec la marque. Le recours aux bornes interactives ou aux tablettes n’est pas une transformation radicale. Généralisés, ces outils, fixes et mobiles, facilitent pour le client la recherche à laquelle il aurait pu se livrer depuis son smartphone : il obtient ainsi, sur un grand écran, l’accès à l’intégralité du catalogue du maga- sin – y compris les tailles et les couleurs qui sont en stock mais pas nécessairement en vitrine. Cependant, sauf à faire un vrai travail de formation et de transformation, auprès des vendeurs, cette solution n’est pas révolutionnaire – même Selon l’IFOP, un internaute sur deux consulte les réseaux sociaux avant de faire un achat. Cette proportion monte à 70 % chez les 18-24 ans, ce qui semble tracer clairement la nouvelle tendance du commerce, particulièrement dans un domaine aussi exposé que la mode. Est-ce pour autant la mort du magasin, écrasé par la vente en ligne ? Au contraire, c’est le modèle ROPO (Research Online, Purchase Offline : recherche digitale, achat physique) qui semble s’imposer. Pour autant, il apparaît clairement à Yann Rivoallan que la boutique en tant que telle doit se transformer, et autrement plus profondément que par une simple retouche « cosmétique ». Car de nombreuses startups entreprennent d’ores et déjà de venir grignoter sur les plates- bandes du magasin : les innovations commencent à effet à déborder la simple vente pour toucher le vendeur, le conseil et même l’essayage… GRAND ANGLE ÉDITO « La distinction entre commerce et e-commerce est artificielle : l’avenir du magasin serait ainsi dans le phygital – contraction de ʻphysiqueʼ et de ʻdigitalʼ. » « RÉENCHANTER LE MAGASIN » « La mort du magasin ? » Chantal Fouqué, Directrice de La Fabrique N°2 - Avril 2016 Regards sur les tendances technos de la mode et de la décoration S

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L’OBSERVATOIREDE LA FASHIONTECH

elon la FEVAD, les Français ont dépensé près de 65 milliards d’euros sur internet en 2015, un chiffre en hausse de 14,3 % par rapport à l’année précédente. Dans son étude de janvier 2016, l’insti-tut CSA montre que l’habillement est le premier poste des achats en ligne, concernant 57 % des e-acheteurs (67  % des 25-34 ans et 65  % des femmes), loin devant les produits culturels (52 %). Cette tendance lourde de digitalisation des ventes de vêtements est-elle annonciatrice de la mort future des magasins  ? Les experts pensent au contraire que la distinction entre commerce et e-commerce est artificielle : l’avenir du magasin serait ainsi dans le phygital – contraction de « phy-sique » et de « digital ».Mais le phygital est encore balbutiant. Pour ne plus être simplement digitalisé mais pleinement digital, le magasin de vêtements doit savoir se réinventer et proposer davantage qu’une simple transforma-tion des trois étapes clés du parcours client : la sélection, l’essayage et l’achat. Pour ce faire, il doit résoudre des questions plus sociologiques que technologiques, à savoir la réinvention de sa nature profonde, marquant sa différence et sa complé-mentarité avec l’univers du e-commerce.

Le magasin n’est pas encore digital, il n’est que digitalisé

La digitalisation du magasin a d’abord été le fait de la digitalisation du client. Hyper-connecté, ce der-nier ne se déplace plus sans son smartphone, sur lequel il compile, commente et compare les diffé-rents produits qu’il rencontre (« social shopping »). Or, alors que les réseaux 3G et 4G ne franchissent pas tous les murs, en particulier dans les magasins, rares sont ceux qui proposent le wifi gratuit. Par cette absence, longtemps motivée par la crainte du « show-rooming » (ces consommateurs qui se ren-seignent en magasin pour acheter dans un second temps en ligne), ce sont les boutiques elles-mêmes qui sacrifient donc des opportunités commerciales. En effet, l’absence de wifi est aujourd’hui autant préjudiciable aux vendeurs, dont les outils sont de plus en plus dépendants d’une connexion Internet, qu’aux clients, qui ne peuvent plus partager leur vie et leurs avis sur les réseaux sociaux comme ils en ont pris l’habitude partout ailleurs. Pour suivre cette tendance, C&A Brésil a lancé « FashionLike », un cintre connecté qui affiche en permanence l’évolu-tion de la popularité d’un produit, encourageant ainsi le client à interagir avec la marque.Le recours aux bornes interactives ou aux tablettes n’est pas une transformation radicale. Généralisés, ces outils, fixes et mobiles, facilitent pour le client la recherche à laquelle il aurait pu se livrer depuis son smartphone  : il obtient ainsi, sur un grand écran, l’accès à l’intégralité du catalogue du maga-sin – y compris les tailles et les couleurs qui sont en stock mais pas nécessairement en vitrine. Cependant, sauf à faire un vrai travail de formation et de transformation, auprès des vendeurs, cette solution n’est pas révolutionnaire – même

Selon l’IFOP, un internaute sur deux consulte les réseaux sociaux avant de faire un achat. Cette proportion monte à 70 % chez les 18-24 ans, ce qui semble tracer clairement la nouvelle tendance du commerce, particulièrement dans un domaine aussi exposé que la mode. Est-ce pour autant la mort du magasin, écrasé par la vente en ligne ? Au contraire, c’est le modèle ROPO (Research Online, Purchase Offline : recherche digitale, achat physique) qui semble s’imposer.Pour autant, il apparaît clairement à Yann Rivoallan que la boutique en tant que telle doit se transformer, et autrement plus profondément que par une simple retouche « cosmétique ». Car de nombreuses startups entreprennent d’ores et déjà de venir grignoter sur les plates-bandes du magasin : les innovations commencent à effet à déborder la simple vente pour toucher le vendeur, le conseil et même l’essayage…

GRAND ANGLE ÉDITO

« La distinction entre commerce et e-commerce est artificielle : l’avenir du magasin serait ainsi dans le phygital – contraction de ʻphysiqueʼ et de ʻdigital .̓ »

« RÉENCHANTER LE MAGASIN » « La mort du magasin ? »

Chantal Fouqué, Directrice de La Fabrique

LE LABN°2 - Avril 2016

Regards sur les tendances technos de la mode et de la décoration

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pour Adidas dont le « Virtual Footwear Wall » permet aux consom-mateurs d’explorer les collections de chaussures en 3D et de très près, tout en ayant accès à des contenus texte ou vidéo décrivant les pro-duits. Dans cet univers, la marque de lingerie Undiz fait figure d’exception : elle a ainsi mis en place un système de bornes tactiles sur lesquelles les clients font leur choix qui est alors préparé en réserve et envoyé par un système de pneumatiques dans le magasin. Conçue à l’origine pour son magasin toulousain, dont la surface commerçante était réduite, l’expérience a été renouvelée à Paris, en dépit d’une sur-face plus large, constatant que les clients préféraient ne pas avoir à fouiller dans les rayons.

Le phygital passe par la transformation des trois étapes clés du parcours client : la sélection, l’essayage et l’achat

Les nouvelles technologies permettent de suivre en temps réel les clients et les produits. Les algorithmes et le big data se sont déjà empa-rés des historiques de recherche en ligne d’un client pour le conseiller au cours de ses prochains passages sur le site. L’enjeu est de pouvoir suivre le client physique aussi bien que le client virtuel : Urban Outfitters a ainsi équipé ses points de vente de beacons, des petits capteurs connectés en bluetooth, grâce auxquels le client se voit proposer sur son téléphone portable des publicités et des promotions en lien avec les produits qu’il observe ou à proximité desquels il se trouve. Afin d’as-surer une gestion optimale des stocks en rayon, l’usage des puces RFID permet de suivre le déplacement des articles dans le magasin en temps réel, ce qui améliore autant le taux de réassort et l’inventaire (les ven-deurs peuvent visualiser rapidement et donc replacer et regarnir plus efficacement les vêtements dispersés par les clients) que les garanties d’antivol (les puces RFID sont moins visibles que les plastiques habi-tuellement utilisés comme antivol, font également office de code-barres pour le vêtement et sont désactivables automatiquement, sans manipulation, en caisse).L’essayage du vêtement est au cœur de la réinvention de l’expérience client promise par le phygital. Dès 2002, la boutique Prada de San Francisco proposait dans ses cabines des miroirs dotés de capteurs qui reconnaissaient les puces RFID des vêtements et affichent ainsi en surbrillance des informations sur les caractéristiques du produit ainsi que des suggestions d’articles en cross-selling. En 2014, six centres commerciaux de Carrefour ont été équipés, l’espace d’une semaine, de totems interactifs, qui scannaient les individus à proximité, affi-chaient leur avatar sur un écran et leur permettaient d’essayer virtuellement toute une série d’articles, grâce à la réalité augmentée – un potentiel déjà exploité par Ikea pour permettre à un client de voir comment une pièce de mobilier pourra s’agencer dans son apparte-ment. La cabine d’essayage virtuelle permet d’épargner les files d’attente ou les restrictions d’articles par client : cet aspect ludique et individualisé de l’expérience client se retrouve dans vitrines interac-tives de Burberry au Printemps, permettant au client de recevoir sur son smartphone une histoire personnalisée, ou les vidéos d’Uniqlo, qui se déclenchent pour présenter un produit quand un client en retire le cintre.L’achat est une troisième promesse à concrétiser. En 2013, les maga-sins de vêtements Kate Spade Saturday à New York ont même mis à l’essai une vitrine connectée dans laquelle les passants peuvent vision-ner les différentes pièces disponibles et les acheter via Paypal sans entrer dans la boutique. Cependant, pour en finir avec les

interminables queues du samedi après-midi, les technologies de NFC (Near Field Communication, communication courte distance sans contact) doivent permettre de réduire considérablement le temps d’at-tente en caisse et de rendre l’achat quasi-instantané. En France, le développement des paiements dématérialisés s’est amorcé pour les petits montants mais devrait, sous l’impulsion de géants comme Apple, connaître un coup d’accélération grâce au paiement par télé-phone portable, indirectement par SMS ou directement via NFC. Cette dernière technologie pourra aussi passer par les bracelets et les montres… voire les vêtements, comme l’ont annoncé Visa et MasterCard au Mobile World Congress de 2016.

Le phygital pose des questions plus sociologiques que technologiques

Les technologies sont connues mais elles doivent encore lever certains obstacles. L’intégration des technologies déjà existantes est un pré-re-quis indispensable  : selon une étude Oracle de 2015, 70  % des consommateurs à travers le monde attendent des commerces de détail qu’ils leur fournissent un accès à l’information et aux services similaire au digital. Ce pourquoi les clients continuent cependant de plébisciter les magasins réside dans la capacité de toucher concrète-ment et d’emporter immédiatement les produits : l’instantanéité et la praticité de l’expérience client en magasin doivent donc demeurer au cœur des préoccupations des marchands. Pour la sélection, la diffu-sion des beacons requiert par exemple que chacun ait activé sa connexion Bluetooth et accepté les notifications. Concernant l’es-sayage, alors que l’application « Make-up Genius » de L’Oréal (2014) a montré la voie pour le maquillage, la réalité augmentée ne propose pas une expérience suffisamment fluide pour les vêtements. Surtout, en simplifiant le choix, l’essayage et l’achat des vêtements, la technologie invite à repenser le rôle du vendeur et du magasin. Ce der-nier doit apporter au client quelque chose qu’il ne peut trouver sur Internet : ce n’est donc pas la connaissance du produit, mais davan-tage la qualité du service. Disponible et avenant, le vendeur doit aider le client à s’approprier les nouveaux outils et lui apporter la touche humaine dont le consommateur est privé par les machines. Car pour que le magasin reste central dans le parcours d’achat, il convient d’en faire un véritable lieu de lien social, qui donne une occasion de vivre une expérience et d’être ensemble. La réinvention du point de vente ne peut passer par une simple multiplication des écrans interactifs et des gadgets qui serviraient à impressionner le client, certes friand d’in-novation mais qui en attend une valeur ajoutée. Le réenchantement du commerce de détail (le « retailnment ») va au-delà de la plus grande fluidité de l’expérience client pour insister sur l’expérience enrichie et unique du magasin.

GRAND ANGLE

© D. Delaporte/CCI Paris Ile-de-France

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A vec le développement du numérique, toutes les marques se sont lan-cées sans trop réfléchir

dans les nouveaux outils digitaux, pensant ainsi suivre la tendance et avec elle les clients. Toutes sortes d’innovations ont alors été mises en place : vitrines connectées, sys-tè m e s d e re co n n a i s s a n ce bluetooth, beacons… Or, il est vite apparu que ces innovations d’une part coûtaient chères, d’autre part n’apportaient que peu de résul-tats commerciaux tangibles. En un mot, elles n’étaient qu’un artifice.La raison de cet échec repose sur un malentendu : la digitalisation de la boutique avait en fait déjà commencé depuis longtemps, plus précisément depuis le lance-ment de l’Iphone par Steve Jobs,

qui inaugurait l’ère de la connexion absolue. Le téléphone portable est venu transformer tous les moments du quotidien, y compris l’achat de vêtements. Mais l’effet « waouh » sur lequel avaient misé les marques ne leur a absolument pas permis de rattraper le mouvement digital de fond, celui de la plateforme, qui permet à Airbnb de proposer la plus grande gamme de chambres à louer sans posséder un seul hôtel, et celui de la donnée, qui permet à Google de tout savoir de nos habitu-des de consommation sans même avoir à nous poser de questions. Le nouveau retail passe par le même mécanisme : les boutiques doivent pouvoir proposer au client les tailles et les couleurs qui ne sont pas nécessairement en rayons ; elles doivent aussi pouvoir analyser l’ensemble des préférences révélées en ligne par les consommateurs. L’enjeu pour le magasin est donc de disposer des outils qui rendent possible de gérer un stock unique, l’intégralité des produits et l’inté-gralité des clients à travers une seule interface multicanale. Connectées entre elles, les marques peuvent ainsi optimiser leur utilisation des coordonnées et des données clients, garantir des réassorts automa-tiques ou encore organiser leurs collections en fonction des préférences exprimées en ligne. Le site Internet offre en effet un carrefour d’au-dience exceptionnel – une audience supérieure à l’intégralité du trafic dans toutes les boutiques – qui permet une extension du territoire des marques tout aussi exceptionnelle, renforçant notamment leur capa-cité prédictive. La boutique doit donc se concevoir comme un élément parmi d’autres de sa propre digitalisation. C’est sa réalité virtuelle, et non son apparence physique, qu’il faut transformer. Pour autant, il serait aussi faux de penser que la boutique peut rester identique à ce qu’elle est aujourd’hui. En effet, si 90 % des achats de vêtements continuent de se faire en magasin, les clients attendent de celui-ci une expérience différente de celle qu’ils peuvent avoir en ligne. Comme en témoigne le succès d’un Uber ou d’un Airbnb, ils supportent de moins en moins la médiocrité du service. De façon révélatrice, le chiffre d’affaires de la vente de vêtements en magasin a décru plus vite l’an passé (- 2,6 %) que n’a augmenté celui de la vente en ligne (+ 1 %). La qualité de service va donc devenir un atout essentiel des magasins, portée notamment par l’apparition de robots capables de suppléer les employés dans les tâches répétitives et chronophages telles que le pliage des vêtements. Les vendeurs pourront alors se concentrer plei-nement sur leur mission de conseiller stylistique, que le robot n’arrivera pas à remplir. A l’heure actuelle, les outils de réalité augmentée demeurent trop chers à développer pour des collections dont la durée d’exposition est trop courte. Les clients continueront donc d’aller en boutique pour y cher-cher ce qu’ils ne peuvent pas trouver sur Internet : la simplicité de l’essayage mais surtout le ressenti, qu’il s’agisse de l’accueil ou du tou-cher. En effet, que ce soit pour un magasin ou un site Internet, la règle qui domine dans des domaines comme la mode et le luxe est celle de l’émotion. Cette émotion, qui se traduit dans la beauté des photos, la qualité du contact humain ou l’éclat des présentations, doit rester le fil conducteur de toute entreprise dans le vêtement, même pour sa digitalisation. C’est ici le seul artifice qu’elle doit s’autoriser…

VU PAR...

Formé à ESCP Europe, Yann Rivoallan est le co-fondateur de The

Other Store, une agence retail qui accompagne

les marques sur le développement de leurs

ventes en ligne et sur leurs dispositifs "omni-

canal", avec de nombreux clients dans l’univers de la mode et

du luxe comme Naf Naf, Aigle, ou encore Gérard

Darel. Il est un spécialiste de la

convergence numérique des marques.

LE MAGASIN DIGITAL : APPARENCE OU RÉALITÉ ?

« Si 90 % des achats de vêtements continuent de se faire en magasin, les clients attendent de celui-ci une expérience différente de celle qu’ils peuvent avoir en ligne. »

Yann Rivoallan, co-fondateur de The Other Store

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4Crédit photo. Publication de La Fabrique – document non contractuel

INNOVATIONS

TROIS STARTUPS QUI TRANSFORMENT L’EXPÉRIENCE CLIENT

Fitle, la cabine d’essayage virtuelleDans la vente en ligne, le vêtement est confronté à un problème de taille : en effet, s’il est difficile de se faire une opinion sur un pan-talon ou un pull sans l’avoir essayé au préalable, le client a encore plus de mal à connaître précisément ses mensurations, qui varient souvent d’un pays à l’autre et d’une marque à l’autre. En janvier 2016, 60 millions de consommateurs constatait même qu’un jean femme de taille 40 pouvait, selon les enseignes de grande consommation, varier de 4 à 6 centimètres en longueur des côtés, à l’entrejambe ou en tour de hanches.La startup Fitle a mis au point une cabine d’es-sayage virtuelle. Grâce à la 3D, elle permet aux internautes d’essayer des vêtements de marques partenaires directement depuis leurs sites. Depuis une application mobile, avec le poids, la taille et quatre photos sous différents angles, il est possible de se créer un double virtuel. L’utilisateur peut ensuite faire essayer à son avatar toutes sortes de vêtements depuis les sites internet de marques partenaires.Pour les enseignes qui sont confrontées à des taux de retour avoisinant les 30 % dans leurs ventes en ligne, comme pour les utilisateurs pour qui renvoyer un produit implique de complexes étapes de remballage de l’article (souvent au prix de nombreux appels au ser-vice client), ce service est un allié précieux : selon Charles Nouboué, son fondateur, il per-met en effet de réduire de 40 % le taux de retour de la marque.

Windowstylist, une solution de réalité augmentée pour les revêtements de fenêtre Unilux est une entreprise hollandaise, leader du marché des moustiquaires depuis sa fon-dation en 1991. Avec les progrès de la technologie, elle a très vite compris l’intérêt qu’il pourrait y avoir à utiliser la réalité aug-mentée pour faire visualiser l’effet produit par ces couvertures d’un type bien particulier et s’est attachée à développer de telles solu-tions, pour les moustiquaires mais également pour tous types de revêtement de fenêtres.Dans les douze mois de son développement, l’application s’est étendue à tous les types de revêtements de fenêtre. Avec Windowstylist, il devient possible de visualiser un produit – volet roulant, volets ou stores – en 3D et en direct dans sa maison. A l’heure de la multi-plication des appareils et des problèmes d’interopérabilité, la solution d’Unilux ne s’est surtout pas limité aux produits de sa maison mère : l’entreprise ne vend d’ailleurs qu’un seul des produits proposés dans l’application. Cette dernière est également gratuite, et d’une facilité d’usage qui permette aussi bien à l’ar-chitecte intérieur qu’à l’utilisateur final de se les approprier. Mais elle n’est pas encore dis-ponible en France…

SoclozSocloz propose aux entreprises de commerce un service additionnel de réservation en ligne d’articles. Sans pré-paiement, les clients peuvent alors récupérer, essayer et éventuel-lement acheter en magasin. Cette offre présente plusieurs avantages : la conservation de l’article pour une période allant de 24 à 48h, l’absence de frais de livraison et la possi-bilité d’essayer le vêtement choisi en ligne. Sans compter les avantages pour la marque : grâce à l’analyse des commandes effectuées sur Internet des attentes et habitudes du client, la start-up peut conseiller aux vendeurs des articles similaires. 40% des clients qui achètent un produit e-réservé repartent avec au moins un article supplémentaire.La start-up compte déjà 50 marques parte-naires (parmi lesquels André, Naf Naf mais aussi la Fnac) qui ont ainsi enregistré un total de 32 millions d’euros d’e-réservations en 2015. Selon Socloz, 86% des e-réservations donnent effectivement lieu à une visite et 70% d’entre elles se soldent par un achat. Autrement dit, 60% des e-réservations sont transformées. L’entreprise permet d’ailleurs aux marques de refuser une e-réservation à un adepte des no-shows ou à un internaute qui utilise une adresse mail jetable. En moyenne, les magasins équipés voient leur chiffre d’affaires augmenter de 3 à 5% grâce à l’apport des e-réservations.