l'annuaire des ptt comme moyen d'investigation géographique
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L'annuaire des PTT comme moyen d'investigation geographique
Jean-Luc Piveteau
Autant qu'un signe, le telephone est un moyen de
puissance. Sa geographie se profile donc sur deux
plans, Tun statique, l'autre dynamique: eile reflete
une certaine structuration de l'espace existant; eile
donne la mesure d'activites regionales differenciees,avec des poles de croissance et des secteurs ä de¬
veloppement lent.
Au Service de cette double investigation generale¬ment confondue, l'on exploite les informations quiconcernent le trafic des conversations. L'analyseconduit ä en distinguer deux aspects complemen-taires. Le volume des Communications donnees et
recues par les diverses agglomerations permet de
classer ces dernieres selon une certaine hierarchie(cette hierarchie urbaine dont les approches multi¬ples restent toujours tangentes ä la realite). L'orien¬tation des flux, second aspect majeur, precise les
lignes de force de ces relations d'interdependancepar l'indication des «tropismes» de chaque localite.
Malheureusement, la documentation statistique des
PTT, pour abondante, rigoureuse, et, ä tant d'e-gards primordiale qu'elle soit, ne fait connaitre, en
detail, ni les volumes ni les flux. L'administrationdes telephones n'effectue pas systematiquement la
mesure des seconds. Elle ne l'entreprend qu'en cas
de besoin, lorsque, dans un secteur particulier, l'en-combrement des lignes appelle un reamenagementdes circuits. Quant aux volumes, comptes eux, au
contraire, mensuellement, ils ne s'appliquent pourainsi dire jamais ä une seule localite ä la fois. La
circonscription elementaire, le «reseau local»,
comprend dans la generalite des cas plusieurs com¬munes d'importance demographique et economiquedifferente. La strueture complexe des connections
telephoniques s'oppose ä des denombrements infe-rieurs ä cette unite administrative. Au surplus, pourles agglomerations de quelque importance elles
jouent toutes un röle de relais telephonique: central
nodal, central terminal interurbain, central de con¬centration interurbaine les memes difficultestechniques fönt obstacle ä la distinetion entre le
trafic local, c'est-ä-dire entrant dans et sortant de
la ville meme, et le trafic de transit.
Le recours ä l'annuaire des abonnes, assurement,ne peut en rien combler les lacunes touchant notreconnaissance des flux au niveau de la localite. Par
contre, et lä est la justif ication de cet article, il per¬
met d'acquerir une image spatiale plus fine de l'e-quipement telephonique, avec tout ce que celui-cirecele de signification.
1. Un 'Instrument d'approche de contenu urbain
C'est toutefois par un autre aspect de son utilisa-tion que nous commencerons.Les Services des PTT n'ont jamais cherche, ä notreconnaissance, ä etablir une quelconque typologiede leurs clients. Ils ignorent la part d'equipement et
celle du trafic qui reviennent ä chaque grand
groupe economique ou social. L'annuaire combleen grande partie ce vide: l'indication qu'il nousdonne de l'activite de chaque abonne nous aide ä
definir les contours d'un support socio-economiquede l'emploi du telephone. Au surplus, ä satisfairecette curiosite sociologique, nous prenons la me¬
sure de l'annuaire considere comme Instrumentgeographique servant ä l'approche du contenu ur¬bain ou villageois. Sous ce rapport, en effet, il at-teindra une representativite variable selon que les
abonnements se repartiront plus ou moins propor-tionnellement ä chaque categorie de la population,ou selon qu'ils demeureront dans une inegaledistribution plus ou moins constants d'une loca¬lite ä l'autre.La demarche que nous avons suivie est, dans son
principe, simple. Nous avons confronte les diffe¬rents groupes socio-professionnels de l'annuaireavec ceux du recensement civil ce dernier ser¬vant evidemment dereference1. Le travail, pourtant,fut long et delicat. Long, car nous avons utilise unmode de classement encore peu usuel, qui n'a ja¬mais fait l'objet de recapitulations officielles: il
nous a fallu proceder fiche par fiche, abonne parabonne. La division ternaire des statistiques föde¬rales nous est en effet apparue beaucoup trop som-maire pour le but que nous poursuivions. Nous
avons adopte, moyennant de legeres retouches, les
six rubriques distinguees par MM. R. Girod et J.-F.
Rouiller2;1. classe dirigeante (professions liberales, haute fi-nance, chefs de grandes entreprises, universitaires,etc. ..); 2. classe moyenne nous l'avons subdi-visee en «independants» d'une part, avec princi-palement les artisans et les commercants, et «agri-
culteurs» d'autre part; 3. cadres; 4. employes; 5.
ouvriers qualifies et semi qualifies; 6. travailleurssubalternes, groupes sous le vocable de «manoeu-vres». Ces clivages refletent avant tout une certainehierarchie sociale, fondee sur le revenu, le degrede formation, les responsabilites confiees, la marged'autonomie. Mais il s'y integre des notions de
genre de vie propre ä chaque categorie, et, dans
une moindre mesure, les distinctions economiquesclassiques (agriculteurs, ouvriers, employes, cadres).
Si, dans la majorite des cas, la Ventilation des pro-fessions s'effectue sans guere d'hesitation, eile preteencore trop souvent ä ambiguite. Teile personnequi s'intitule «menuisier» entre-t-elle dans la cate¬
gorie des artisans, ou ce qui, verification faite,est le plus frequent dans celle des ouvriers spe-cialises? Doit-on ranger un «directeur» sans autre
epithete determinante parmi les dirigeants ou les in-dependants? Tel «fonctionnaire federale» parmi les
«cadres» ou les «employes»? Et ainsi de suite. Les
choix delicats ne manquent pas.En outre, une fraction variable des abonnes n'in-dique pas de profession. La proportion change se¬
lon les communes: de 0 ä 35%, la moyenne se si-tuant aux alentours de 15%. Omission contra-riante, car eile diminue la valeur significative de
l'annuaire. II faut se garder, toutefois, de sureva-luer la deperdition d'informations. Une bonne partde ces abonnes correspond ä des «inactifs» au sens
classique du terme: des veuves sans metier, beau¬
coup de retraites. Un nombre plus restreint corres¬pond aux gens qui jugent preferable de ne pas
s'identifier professionnellement: ils se recrutent,semble-t-il, aux deux extremes de l'echelle sociale.
Les detenteurs de residences secondaires, enfin,constituent un troisieme groupe, important dans les
localites ä vocation touristique, negligeable ailleurs.
Ces faiblesses delimitees, il n'en demeure pas
moins possible de degager plusieurs constantes.Les «dirigeants» ont, dans leur quasi-totalite, le
telephone; ä l'inverse, les «manceuvres» en sont de-
pourvus. La proportion des abonnes oscille, autourde 15%, en milieu ouvrier. Elle est plus forte chez
les cadres que chez les employes, et chez les inde-pendants que chez ces derniers (5 cas sur 6). Ces
similitudes n'empechent pas les diagrammes de con-server leur personnalite. Ils ne se superposent pas.
Faut-il attribuer leurs divergences au hasard? Les
mettre en relation avec la taille des localites choi-sies, ou avec les regions auxquelles ces localites ap-partiennent? Autant de questions qui requereraientd'elargir d'abord la base d'information. Mais l'on
peut avancer d'ores et dejä que si l'annuaire paraitrepresentatif du contenu socio-economique d'une
region en ce qui concerne les classes dirigeantes(dans tous les pays, du moins, oü le telephone tient
une place analogue ä celle qu'il tient en Suisse), il
semble ne l'etre que trop inegalement d'une agglo¬meration ä une autre, ä l'egard des categories res-tantes, pour qu'on l'utilise plus qu'ä titre indicatif.
2. Un moyen de mesure de
Vequipement telephonique
En revanche, il nous donne acces ä une image finede la distribution des equipements telephoniques.Ce point de vue nous retiendra davantage.Pour une ville, d'abord, il est possible d'etablir ä
l'aide de l'annuaire la proportion des abonnes par
rapport ä la population de chaque quartier. En rai¬
son de ce qui a ete dit quelques lignes plus haut, la
carte que l'on en retire doit refleter une certainerealite sociale.Mais les appareils telephoniques constituent autantde petits poles de rayonnement ou de convergence
ou les deux ä la fois pour les echanges entreles hommes. Ils conferent ä leurs detenteurs des
contacts autres que ceux qu'autorisent la corres-pondance ecrite, les chemins de fer, l'automobile,etc. Le fait donc d'entrer, gräce au telephone,dans un reseau de relations supplementaires vaut
au commercant, ä l'employe qui s'abonne, une po-larite (emettrice-receptrice) au moins virtuelle plus
grande qu'ä son homologue non-abonne dont le ni¬
veau de vie et le volume d'activites sont pourtant,au depart, identiques. La carte en question auradonc une valeur dynamique.A l'interieur d'une commune d'habitat non exclu¬sivement concentre, en second lieu, l'annuaire nous
renseigne sur le nombre d'abonnes par ecart. Sans
doute cela ne prejuge-t-il en rien du trafic existant.Mais, rapporte ä la population des differents ha¬
meaux ou fermes isolees quand on peut la con-naitre ou, dans une approximation commodemais grossiere, au nombre des maisons , le Chiff¬re des postes telephoniques suggere un aspect im¬
portant de la lutte contre Pisolement. Une compa-raison entre differentes regions d'habitat dispersedonnerait tout son sens ä un tel denombrement.Dans le cadre d'un reseau local, enfin et surtout,l'annuaire nous permet certaines analyses riches
d'interet geographique.Gräce ä lui nous pouvons evaluer localite par loca¬lite, et ä une faible marge d'erreur, le nombre des
detenteurs de telephone; autrement dit, «l'equipe-ment» micro-regional; en d'autres termes encore,une certaine mesure du potentiel des relations tele¬
phoniques.L'operation parait simple puisqu'elle consiste ä
denombrer les abonnes particuliers, entreprises,Services publics inscrits sous le vocable de chaquecommune. En realite, des precautions s'imposent.
Carte A
*m
Sio5
20
25
30
35
ä 14,9%ä 19,9%a 24,9%ä 29,9%ä 34,9%ä 39,9%
¦ 40% et plus
Pourcentage des abonnes par rapport ä la popula¬tion active d'apres l'annuaire des PTT.
Carte C
^
m
rj 0 ä 14,9%15 ä 19,9%20 ä 24,9%25 ä 29,9%30 ä 34,9%35 ä 39,9%40" % et plus
Pourcentage des abonnes par rapport ä la popula¬tion active d'apres les statistiques des PTT.
Le rapprochement des deux cartes B et C permet de mesurer la precision qu'apporte Pemploi de l'an¬nuaire dans la connaissance detaillee de la repartition des equipements.
1. Les ecarts ne figurent pas sous le nom de la
commune dont ils fönt partie, mais ä leur place al-phabetique: ce qui representait pour nous une sour¬ce d'informations non negligeable il y a un instant,devient cause de complications. II faut ajouter ces
abonnes disperses ä ceux du chef-lieu de la com¬
mune, si l'on veut effectuer des confrontations sans
equivoque avec les chiffres de population qu'indi-quent les recensements officiels.
2. Un meme abonne apparait souvent plusieursfois: sous son nom; sous une rubrique profession-nelle; sous plusieurs rubriques professionnelles de
sens identique et de formulation differente (notam¬ment quand il songe ä se servir de l'annuaire com¬me d'un instrument de publicite); et, parfois, sous
d'autres postes sans liens avec sa profession: tel est
le cas des gens qui, ä leur occupation principale, ad-
joignent Celles de chef de section, commandant du
feu, officier d'etat civil, president d'une associa-tion ou autres.
Pour depister ces repetitions3 qui gonfleraient in-düment les statistiques, un travail minutieux d'ar-chiviste s'impose. L'on pourrait s'en contenter. II
est preferable, toutefois, d'operer un contröle. Les
PTT fournissent le chiffre global des abonnes d'un
reseau local ainsi que les localites composant ce re¬
seau. II suffit donc d'additionner tous les abonnes
qu'on a releve dans ces dernieres et d'en comparerle total au total officiellement indique pour le re¬
seau local.
Le report sur carte de ces denombrements fournitune premiere idee de l'equipement telephoniquedetaille. Peut-etre meme y trouve-t-on une repliquede ce que donnerait la cartographie du trafic.Celle-ci etant techniquement irrealisable au ni¬
veau communal, l'hypothese demeure inverifiable.En revanche, un rapprochement entre le nombredes abonnes et la population de chaque commune
ou, comme nous l'avons prefere, de la popula¬tion active accroit considerablement la significa-tion de cette etude de l'equipement. A titre d'expe-rience, nous avons examine un ensemble contigude 143 communes, situe dans la zone mediane du
Plateau, sur la frange Orientale du lac de Neuchä¬tel. Relativement homogene par ses conditions phy-siques (encore que les aptitudes naturelles inclinentla partie nord ä se specialiser dans la viticulture et
le maratchage), par son faible dynamisme demogra¬phique, par son armature de petites villes, cette re¬
gion ne l'est plus sous l'angle linguistique, admi-nistratif et religieux: francaise au sud, allemandeau nord, capricieusement partagee entre trois can-tons, une marquetterie confessionnelle plus irre-guliere encore, confirme en eile la forte empreintede l'histoire sur la geographie humaine.De la carte que nous avons dressee, se degagent, ä
l'analyse, un certain nombre de traits (carte A).
1. L'equipement telephonique ne se montre pas
proportionnel ä la population active. II varie memedans une mesure sensible, allant de moins de 10%
pour 8 communes ä plus de 40% pour 33 autres.
Carte B
H
?r
15 ä 19,9%20 ä 24,9%25 ä 29,9%30 ä 34,9%35 ä 39,9%40% et plus
rs» presumes parPourcentage des «grands usagersrapport au nombre d'abonnes.
2. La repartition des communes bien equipees est ä
mettre en relation avec l'importance des secteurs
secondaire et tertiaire. La correspondance entre
les taches de forte densite et les agglomerations de
type urbain (Romont, Estavayer, Payerne, Aven¬
ches, Morat, Kerzers) la justifie. Cette correlation,
pourtant, n'explique pas tout.
3. II faut faire intervenir des phenomenes de tou¬
risme, de toute evidence, pour les rivages des lacs
de Neuchätel et de Morat (Chevroux ä Cudrefin,Mur ä Bellerive
4. II semble, enfin, qu'on ne puisse se dispenser de
faire appel ä un etat d'esprit general de la popu¬lation, cause et consequence d'un certain dyna-misme economique, pour expliquer cette coi'nci-dence que l'on observe, par exemple, entre le terri¬toire vaudois et les secteurs d'equipements plus
pousses.II etait interessant de savoir si une correlation exis-tait entre ce niveau d'equipement telephonique et
l'importance des agglomerations4. Nous avons donc
construit un graphic dans lequel les coordonneesde chaque commune sont: en ordonnee, le chiffrede leur population active; en abscisse, le pourcen¬tage d'abonnes par rapport ä cette population ac¬
tive. Le resultat5 montre une forte dispersion. II
n'y a donc pas de relation simple de cause ä effet
entre l'importance des communes et leur equipe¬ment. A taille tres inegale, deux localites peuventaccuser une meme proportion d'abonnes. Un autre
graphique mettant en rapport les pourcentagesd'abonnes avec les communes regroupees, cette
fois-ci, en 7 tranches de grandeurs differentes. II
montre5 une legere croissanced'ensemble de l'indiced'equipement en fonction de la dimension des
localites. A deux anomalies pres. L'une concernele groupe des 42 communes qui rassemblent de
50 ä 100 personnes actives. Le pourcentage d'abon¬nes y est sensiblement plus fort (32%) que dans
les groupes immediatement superieur et inferieur(27%): est-ce lä un pur hasard? L'autre concernele flechissement observe pour Payerne. L'indiced'equipement n'y atteint pas, de loin, celui de
Morat (46% contre 58%), alors que le peuplementy approche du double. Si l'on tient le chiffre de la
population active pour un critere de la centralited'une ville et l'hypothese parait raisonnablel'on doit en conclure que l'equipement telephoniquene croit pas necessairement avec la centralite; si
l'on part de cette autre idee quasi-certaine eile
ne contredit pas d'ailleurs la precedente , selon
laquelle l'equipement telephonique constitue un
facteur de centralite, il apparait, en l'occurrence,que Payerne est moins polarisant que Morat. Signed'un moindre dynamisme? Reflet d'une composi¬tion professionnelle dans laquelle ouvriers, em¬
ployes et manceuvres c'est-ä-dire les categoriesmal pourvues, en general, en telephone tiennentune place numeriquement superieure?
Quoiqu'il en soit de ces hypotheses, les graphiques,et la carte surtout, mettent en evidence une doublestructuration simultanee de l'espace: selon le mode
hierarchique et selon un mode continu. L'articula-tion microregionale s'opere suivant une architec-ture de type «moleculaire» et suivant le principede la täche d'huile. Un meme phenomene doncici celui de l'equipement telephonique peut en-gendrer concurremment des espaces polarises et
des espaces homogenes.
3. Un indicateur qualitatif de l'equipementtelephonique
On peut pousser plus loin encore l'analyse de l'e¬
quipement telephonique. Par la mention qu'ilporte des professions, l'annuaire nous offre l'occa¬sion de distinguer avec vraisemblance deux catego¬ries d'abonnes: ceux qui emploient peu le tele¬
phone, et ceux qui en usent beaucoup. Avec vrai¬semblance, non avec exactitude. Le nombre des
Communications echangees depend en effet pourune part du caractere de chacun. Et cela nous
echappe. Nous ne pouvons pas non plus devinerl'etendue des relations d'un individu sur la seule in-dication de son metier ni apprecier ä la seule lec-ture de sa raison sociale le rayonnement commer-cial d'une entreprise. Enfin, le bareme que nous
avons applique, s'il nous parait plausible, n'est
fonde que sur des intuitions et non pas, faute d'en-quete des PTT sur ce point, sur des comptages.Cette triple occasion d'erreurs nous a pose un pro¬bleme de conscience. Vaut-il mieux laisser inexploi-tee une source d'information aussi conjecturale?Peut-on, au contraire, tirer profit, sous forme de
suggestions, de donnees dont on ne sait au justequelle marge d'incertitude les enveloppe? Nous
avons opte pour la seconde Solution, pensant ques'ils ne sont presentes qu'ä titre d'hypotheses, les
resultats obtenus stimuleront la recherche sans
guere de risque de gauchir la verite.
Dans la categorie inferieure, celle des usagers pre¬sumes faibles ou moyens, nous avons ränge: les re-traites, les employes, les ouvriers, les personnes sans
Signalement professionnel, les membres de l'en-seignement, les agriculteurs, les artisans, les petitscommercants pour ne citer que les principalesrubriques. A la categorie superieure des abonnes
presumes moyens ou grands usagers, nous avonsrattache les professions liberales (medecins, avo-cats, notaires, architectes les administrationset les Services publics (postes, chemins de fer, gen-darmerie, etc.) et toutes les entreprises commercia-les ou industrielles non artisanales. II s'agit lä, onle voit, d'un classement qui n'a rien de communavec les grandes divisions economiques tradition-nelles, ni meme la strueture socio-professionnelleutilisee plus haut.
Quei parti tirer de ce classement dualiste?
II y a une tentation, des l'abord, ä ecarter. Celle quiconsisterait ä evaluer le trafic telephonique qui re-vient ä chaque commune, en adoptant le chiffre des
abonnes de la localite, moyennant l'affectation d'uncertain coefficient (superieur ä Tunke) aux grands
usagers. Les differences qui subsistent ä l'interieurde cette categorie interdisent d'atteindre une preci-sion süffisante.
II faut s'en tenir, moins ambitieusement, ä rappor¬ter le nombre des «grands usagers» au nombre to¬tal d'abonnes par commune. On constate alors quele quotient varie sensiblement d'une localite ä
l'autre. Ce qui nous conduit ä parier d'un degrevariable de concentration ou si l'on prefere de
diffusion pour chaque pole de trafic telepho¬nique. Les agglomerations ä trafic «concentre» se¬
ront les villes, villages ou hameaux pour lesquels la
proportion des grands usagers sera forte quelleque soit l'intensite du trafic lui meme. Les agglo¬merations ä trafic diffus seront, ä l'inverse, Celles
pour lesquelles la proportion des faibles usagerssera grande: peu ou tres abondantes, les Communi¬
cations telephoniques s'y repartiront entre un plus
grand nombre d'abonnes.
Plusieurs petites communes rurales aecusent uneconcentration elevee, ce qui peut s'expliquer par unfaible equipement general. Presque seules, en effet,dans ce cas, les professions tenues ä avoir le tele¬
phone en sont pourvues. Mais le rapport ne faiblitpas dans d'autres communes, elles, bien fournies en
postes. La cause, ici, doit etre recherchee dans la
presence d'un nombre eleve d'aetivites «grandes
usageres» par rapport ä la population totale. Au-trement dit, dans ce second cas, ce n'est pas ä un
effectif important «d'aetifs» sans telephone quel'on doit le fort indice de concentration, mais ä la
multiplication des professions «dynamiques» au
sein de la population active. Les agglomerations ur-baines montrent des contrastes analogues. II sembletoutefois que leur indice decroisse en sens inversede leur trafic pour autant qu'on puisse supposerque celui-ci se calque grossierement sur le nombred'habitants : Payerne a moins de «grands usa¬
gers» que Morat, Morat qu'Avenches, Avenches
qu'Estavayer (Romont deroge ä la regle). Faut-ilimputer ce phenomene ä une representation plusgrande d'ouvriers et d'employes parmi les abon¬nes des plus grandes localites6?
A l'etude de l'equipement proprement dit et sans se
substituer ä celle du volume total des Communica¬tions entrantes et sortantes enregistrees en chaquelieu, cette mesure de la «concentration» presumeedu trafic a donc l'interet d'ajouter une nuance qua¬litative. Mais autant la carte de repartition des
equipements invitait ä distinguer quelques petitesunites homogenes, autant celle des quotients de con¬centration s'y prete mal (carte C). Signe de la com-plexite des phenomenes de relations telephoniques,cette marquetterie est peut-etre aussi l'indice qu'äl'echelle micro-regionale on n'atteint pas toujoursä autant de relative simplicite dans l'organisationdes liens d'interdependance qu'ä celle des grandsensembles regionaux.
Malgre la lenteur de son depouillement et en depitde ses ambiguites, l'annuaire permet donc une ap-proche detaillee de l'aspect le plus subtil de la geo¬graphie des relations, et par de lä, livre des apercussur la trame fine de l'espace humain. II donne, ce
faisant, un avant-goüt de tout ce que revelerait une
exploitation mecanographique des factures payeeschaque annee par les usagers du telephone. Aussi
longtemps que cette derniere entreprise, pour des
raisons peeuniaires principalement, nous demeure-ra inaccessible, il conservera un precieux role de
Suggestion au service de l'investigation regionale.
Notes
1 Afin d'obtenir des comparaisons valables avecles chiffres du recensement federal de decembre1960, nous avons utilise l'edition «196162» de
l'annuaire, qui correspond ä une Situation tele¬
phonique sensiblement contemporaine (fin novem¬bre 1960äfevrier 1961).
2 R. Girod et J.-F. Rouiller: «Milieu social et orien¬tation de la carriere des adolescents» fasc. I, Ge¬
neve, 1963
3 L'erreur contraire, imputable aux personnes quirefusent de laisser inscrire leur nom dans l'annu¬aire, est negligeable.
4 L'indice de groupement eleve de l'habitat, dans
cette partie du pays, permet une assimilation des
effectifs de la commune avec ceux de son chef-lieu.
5 Ces graphiques ont ete presentes devant la sectionde geographie de la S.H.S.N. au congres de septem¬bre 1965.
6 Ceci ne contredit nullement l'hypothese de la
page 4, lignes 42 et suivantes.
Zusammenfassung
Das Telephonabonnenten-Verzeichnis der PTT als
geographisches Forschungsmittel
Der Telephonverkehr interessiert den Geographenin doppelter Hinsicht: einerseits als Phänomen der
menschlichen Beziehungen, anderseits als Zeichenund Faktor der Zentralität beim Studium des städti¬schen Gefüges.Die von der PTT gelieferten statistischen Unterla¬gen bleiben unersetzlich, was Umfang, Richtungund Weite des Telephonverkehrs betrifft. Aber das
Abonnentenverzeichnis stellt eine Informationser¬gänzung dar, welche in einigen Beziehungen «geo¬graphischer» ist als die PTT-Statistik. In der Tat ist
es bis jetzt das einzige Mittel, den sozio-ökonomi-schen und mikro-regionalen Telephonverkehr miteiner gewissen Genauigkeit zu analysieren. Es er¬laubt, durch Vergleich mit den offiziellen Zählun¬gen, jene sozio-professionellen Kategorien kennen¬zulernen, welche den größten Teil des Telephon¬verkehrs ausmachen. Ferner gestattet es, die Ver¬teilung des Telephons einer Region nach Stadtquar¬tieren, nach Orten innerhalb einer Gemeinde und
vor allem gemeindeweise im Rahmen des «Orts¬netzes» wie dies die PTT definiert zu beurtei¬len. Diese Verteilung, bezogen auf die aktive Be¬
völkerung und die Verkehrsvermutungen, welchedie Berufseintragungen der Abonnenten liefern,regt zu verschiedenen Arbeitshypothesen hinsicht¬lich der Raumgliederung und der vielseitigen Kor¬relationen an, die zwischen der Ortschaftengrößeund ihrer Polarität bestehen.