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L’alcool en milieu étudiant Actes du séminaire du 28 novembre 2007 (Louvain-la-Neuve) Photo © Isopix

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Page 1: L’alcool en milieu étudiant

L’alcool en milieu étudiant

Actes du séminaire du 28 novembre 2007

(Louvain-la-Neuve)

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Page 2: L’alcool en milieu étudiant

2 | L’ALCOOL EN MILIEU ÉTUDIANT, ACTES DU SÉMINAIRE DU 28 NOVEMBRE 2007

LE CONTEXTE GÉNÉRAL

Le point de vue de la Ministre de la Santé

Introduction

La consommation de bière, et parfois d’alcools plusforts fait effectivement partie intégrante du folk-lore étudiant. Nous avons tous l’un ou l’autre sou-venir de moments festifs de notre vie d’étudiant.Si la consommation d’alcool est souvent synonymede convivialité, de plaisir et de liberté, elle se révèle,en cas de dépendance, être une véritable maladiede société. Il existe une culture de l’alcool et unebanalisation du produit. Dans certaines familles,on boit de l’alcool pour se désaltérer. Et chez detrès nombreuses personnes, la prise d’alcool est,avant tout, un mode de fonctionnement qui aideà faire face aux problèmes de la vie quotidienne.Cependant, la consommation d’alcool n’est pasun acte banal.Ce qui fait l’attrait de l’alcool, c’est qu’il agit sur lesystème nerveux. A faible dose, il permet de sedétendre, soulage temporairement les angoisses,anesthésie les émotions, lève les inhibitions, donnede l’assurance et comble le sentiment de vide.C’est sans doute pour ces raisons que, pour lesjeunes, l’alcool semble avant tout associé à la fête,à l’amusement à la convivialité, aux copains. Forceest de constater que la consommation d’alcoolconcerne une population de plus en plus jeune etque l’arrivée massive sur le marché de nouveauxproduits alcoolisés et leur cohorte de discourspublicitaires adaptés vise surtout à rencontrerles jeunes afin de fidéliser une clientèle.Les jeunes de la tranche d’âge 15-24 ans sontaussi nombreux que les adultes à boire, soit84 %. A 15 ans, 76 % des jeunes garçons et fillesde la région bruxelloise et 70 % des Wallons ontbu au moins une fois de l’alcool dans l’année.Les quantités bues posent aussi question : 15 %des jeunes consomment entre 8 et 14 verres d’al-cool par semaine et 7% sont déjà de gros buveurs(plus de 22 verres par semaine); un Wallon de 15ans consomme en moyenne 7 verres d’alcool parsemaine et un Flamand de 17-18 ans, 18 verres.

Ces chiffres interpellent une ministre qui a encharge la santé, et la pousse à mettre en placedes actions de prévention.Lors de votre colloque de mai 2004 « Les jeuneset l’alcool, vers un réseau » vous avez exprimé lesouhait de poursuivre votre travail. C’est grâce àcela qu’est né le projet « Les jeunes et l’alcool enCommunauté française, vers une consommationplus responsable, moins risquée... », projet portépar 9 associations et subsidié en initiative du Gou-vernement de la Communauté française.Ce projet rappelle que l’approche de préventionne doit pas viser à stigmatiser le produit, à le pro-hiber ou à viser l’abstinence, ni pour autant àbanaliser la consommation d’alcool et les stra-tégies commerciales. Une action menée sur lapeur et la diabolisation de l’alcool n’a aucuneefficacité. De même, une approche informative,neutre, objective, centrée uniquement sur le pro-duit n’a soit aucun effet, soit un effet négatif.Les approches de prévention seront centréessur le jeune et s’inscriront dans une perspectivede développement personnel et de goût devivre. Il conviendrait de promouvoir la concep-tion et la diffusion d’outils ludiques (bandesdessinées, DVD, sites internet...) propres àmettre en garde les jeunes de tous âges sur lesméfaits de l’alcool. Ces outils pourraient êtrediffusés tout autant dans les écoles par exemplepar les points d’appui aux écoles en matière deprévention des assuétudes, que dans les milieuxde vie des jeunes, que dans le commerce.Revoir la pratique du sport en enseignementsupérieur comme outil propre à induire unedynamique de santé et de dépassement de soiafin de faire contrepoids à la « défonce » appa-raît aussi comme une piste de prévention àexploiter. Une matinée comme celle qu’orga-nise Univers santé et le Groupe porteur « Jeuneset alcool » aujourd’hui en y associant la Fédéra-

tion des étudiants francophones permet d’abor-der cette thématique de manière coordonnéeen y impliquant les principaux intéressés.La promotion de la santé à l’école est une descompétences de la Ministre Fonck.Les points santé organisés dans l’Enseignementsupérieur, de par leur proximité avec les étudiants,ne peuvent faire l’économie de cette probléma-tique. Ils sont d’une grande utilité et agissentau cœur des établissements. Pouvoir profiter d’uneréflexion aussi pointue que celle guidée par votreexpérience pratique sera d’une grande utilité pourles professionnels des points santé. Ils se verrontoutillés pour aborder ces questions et seront euxaussi acteurs de prévention.La consommation d’alcool en Belgique étant bieninstallée dans les comportements des quadragé-naires et au-delà, des mesures continues et àmener sur le long terme doivent être menées,une vaste campagne de prévention débutera enjanvier 2008 1, elle visera toute la population.Dans le cadre de la Conférence interministé-rielle et de l’élaboration du Plan national alcool,la Ministre a tenu à associer au groupe de tra-vail l’expertise d’Univers santé. Leur connais-sance et leur travail de terrain les positionnenten professionnels sur la question.La prévention des méfaits de l’alcool est une thé-matique réellement importante pour la Ministre.Elle tient vraiment à féliciter tous les acteursde terrain et plus particulièrement Univers santéqui œuvre depuis tant d’années à préserver lecapital santé de nos jeunes étudiants.

Brigitte Charles, Cabinet de la MinistreCatherine Fonck

1 Il s’agit de la campagne médiatique ‘Vrai ou faux’ de

l’asbl iDA (information sur les drogues et l’alcool).

Voir C. De Bock, ‘Alcool et autres drogues, le vrai et le

faux’, Education Santé n° 232, mars 2008.

Récemment encore, Arte consacrait une soiréethématique à la question de la consommationproblématique d’alcool chez les jeunes, avec troisreportages réalisés en Allemagne. Le premierdécrivait le travail des services d’urgences hospi-talières confrontés tous les week-ends à des comaséthyliques chez des adolescents de plus en plusjeunes; le deuxième épinglait la très grande effi-cacité des producteurs d’alcool pour capter cesnouveaux consommateurs et la relative impuis-

sance du milieu de la prévention, dont les moyensne sont pas du tout à la hauteur de ce ‘nouveau’défi de santé publique; le troisième enfin s’atta-chait à des parents ayant perdu leur fille lors d’unesoirée dramatiquement bien arrosée.Même si les modalités de consommation peu-vent varier d’un pays à l’autre, le phénomène estgénéralisé, et la Belgique, avec sa culture brassi-cole ancestrale, n’est évidemment pas en reste.La présente plaquette, qui rend compte d’un

séminaire organisé en novembre de l’année pas-sée à Louvain-la-Neuve, a pour ambition de vousaider à mieux cerner la problématique spécifiquede l’alcool en milieu étudiant, un milieu parti-culièrement exposé à la soif des jeunes adultes,et à la soif de profits des producteurs de bières etautres apéritifs omniprésents sur nos campus.Bonne lecture.

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Le point de vue de la Ministre de l’Enseignement supérieur

La consommation d’alcool par les étudiants del’enseignement supérieur peut se révéler dansde nombreux cas préoccupante, même si,comme l’invitation à ce séminaire le rappelaitjustement, elle fait partie intégrante du folkloreétudiant. Il y a dès lors lieu de s’interroger surles risques encourus par la minorité d’étudiantssusceptibles de présenter une consommationproblématique, ainsi que sur les politiques deprévention menées au sein de nos institutionsd’enseignement supérieur, lesquelles bénéficie-ront certainement de l’échange de bonnes pra-tiques qui se déroulera en fin de matinée, lorsdes ateliers.Une récente étude montre qu’entre 500.000et 600.000 Belges souffrent à l’heure actuelled’alcoolisme, ce qui constitue environ 5 % dela population 1. L’alcoolo-dépendance toucheprincipalement la tranche des 45-55 ans maisforce est de constater que de plus en plus dejeunes y sont malheureusement confrontés, ceciétant bien souvent renforcé par l’arrivée sur lemarché depuis une bonne dizaine d’années dece que l’on appelle les « alcopops », à savoirces boissons alcoolisées prenant la forme et legoût de simples limonades.On assiste en outre de plus en plus à une bana-lisation et parfois même à une forme de culturede l’alcool... Dans de nombreux cas, la prised’alcool est avant tout un mode de fonction-nement susceptible d’aider à faire face aux pro-blèmes de la vie quotidienne. En effet, l’actionque l’alcool opère sur le système nerveux per-met à la personne de se détendre, de soula-ger temporairement ses angoisses ou encore,d’anesthésier partiellement les émotions...Les étudiants du supérieur, pouvant notam-ment être tiraillés entre la jouissance d’une majo-rité et d’une liberté fraîchement acquises, undésir d’intégration au sein de leurs condisciples,la recherche de leurs propres limites et le stressdes périodes de blocus et d’examens, consti-tuent donc a priori un groupe fortement sou-mis aux risques de l’addiction éthylique ou àd’autres risques sanitaires ou nuisances.Il est dès lors du ressort des autorités politiques,académiques et étudiantes de promouvoir lasanté auprès des étudiants et de les prévenirdes risques, bien souvent banalisés, qu’ils sontsusceptibles d’encourir à terme. De nombreusespolitiques et actions d’information et de sou-tien sont déjà bien entendu menées en lamatière, et votre présence ce mercredi matinmontre que le secteur de l’enseignement supé-

rieur est fortement sensibilisé par cette problé-matique.Mais il reste essentiel de régulièrement affinerces actions en confrontant les différentes réali-tés et expériences de terrain. Il peut se révélernotamment très utile de se mettre à la place del’étudiant, d’adopter son point de vue, afinde définir des politiques de prévention plus effi-caces, prenant réellement en compte la condi-tion et la culture étudiantes, sans négliger ouminimiser celles-ci.Madame la Ministre Simonet tient tout parti-culièrement à remercier le groupe porteur« Jeunes et alcool » ainsi que la Fédération des

étudiantes et étudiants francophones pour l’or-ganisation de cette matinée d’échanges sur cedélicat sujet sociétal dont on ne parle pas assez.La Ministre sera particulièrement attentive auxconclusions de vos travaux et vous remerciecordialement, toutes et tous, d’avoir acceptéde faire bénéficier de votre expérience les auto-rités et acteurs concernés par cette probléma-tique.

Anne-Marie Champagne, représentantMadame la Ministre Marie-DominiqueSimonet1 Ceci correspond exactement à la moyenne européenne qui

est de 5 % également.

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Le point de vue de la Fédération des étudiants francophones

Je suis heureux d’être présent à ce séminaire entant que Président de la Fédération des étudiantsfrancophones (FEF). En effet, il est naturel pournotre Fédération d’être partie prenante à tousles événements qui concernent les étudiants.Je comprends néanmoins que certains d’entrevous considèrent a priori que le thème qui nouspréoccupe est bien éloigné de nos considéra-tions habituelles. C’est vrai qu’on est en-dehorsde l’aspect d’interpellation politique et de mobi-lisation que prend souvent notre action et quijalonne le parcours des ministres de l’enseigne-ment supérieur.Pourtant, pour la FEF, la participation à ce sémi-naire comme la participation, depuis quelquesannées, à la Plate-forme « Jeunes et alcool »nous semblait évidente.En effet, les membres de la Fédération des étu-diants francophones sont les nombreux conseilsétudiants organisés dans nos institutions d’en-seignement supérieur. Ces conseils sont pro-fondément impliqués dans la vie de leur École,Institut ou Université; les étudiants qui les com-posent sont quotidiennement au contact deceux qu’ils représentent. Ils participent auxorganes qui gèrent les services aux étudiantsde nos institutions, dont les services de loge-ment et d’aide aux étudiants.La consommation d’alcool est bien entenduune question de santé publique, mais ce seraittraiter cette question de manière bien étroiteque de la voir uniquement en ces termes.Puisque nous sommes à Louvain-la-Neuve, pre-

nons un exemple local et penchons-nous uninstant sur l’exemple des services de logement,qui gèrent entre autres les kots communautairesde nos institutions.Une des vertus principales des logements com-munautaires est l’apprentissage de la vie encommun entre étudiants. Il va de soi que la vieétudiante comprend ses moments d’étude, detensions à l’approche d’examens importants,mais aussi – surtout diront certains – d’entraideet de détente. La façon dont les étudiants gèrentl’organisation de leur vie quotidienne, mais sur-tout de leur vie en commun, définit bien sou-vent la manière dont le groupe qu’ils formentprendra corps.Le plus souvent, cette organisation se déroule sansaccrocs majeurs. Malheureusement, de temps entemps, des conflits sont inévitables, ou, plus tris-tement, les occupants d’un logement sont bienobligés de constater que l’un des leurs semble« s’enfoncer », par exemple dans l’abus d’alcool.Que faire alors ?Le problème est de deux ordres. Il s’agit d’abordd’un problème collectif : les étudiants et les ser-vices concernés doivent gérer les désagrémentset les plaintes que peuvent engendrer les acti-vités étudiantes, comme les sorties ou les fêtes.Ensuite, il nous faut nous pencher sur les situa-tions individuelles. Les écoles et les servicesd’aide aux étudiants doivent donc fréquem-ment se prononcer sur les politiques à adopteren la matière. C’est là que les conseils étudiantsont un rôle à jouer, puisqu’ils sont non seule-

ment consultés, mais prennent également partà la prise de décision.L’exercice quotidien de nos missions nous a per-mis d’accumuler de l’expérience et de dévelop-per de nombreuses compétences. Il nous resteégalement beaucoup à apprendre, c’est pour-quoi nous serons attentifs à ce qui se dira aujour-d’hui.De nos innombrables et souvent laborieuxdébats a émergé une vision de l’enseignementen général et de la condition étudiante en par-ticulier que nous allons esquisser.Nous défendons une vision de l’étudiant commed’un être libre et responsable, et qui mérite quela société l’aide pleinement à réaliser son poten-tiel, ses envies, ses attentes. Nous refusons l’ins-trumentalisation de l’étudiant ou des études.L’étudiant doit d’abord avoir la capacité de seréaliser par son processus d’apprentissage; il n’apas à être l’instrument des intérêts politiques,économiques ou autres qui définissent les rap-ports de force dans notre pays. Les étudiants,en tant que groupe, doivent se prendre en mainet le font bien, ils ne méritent donc pas d’êtrestigmatisés à la suite de problèmes individuels.Notre instinct en matière d’alcool en milieu étu-diant est donc le suivant : reconnaissons les dif-ficultés que peuvent connaître trop d’étudiantsavec l’alcool, et faisons de notre mieux pour yremédier, reconnaissons aussi que la cultureambiante, qui n’est en rien limitée au mondeétudiant, peut exacerber ces difficultés, maisconstatons que lorsque les étudiants s’organi-sent et prennent leur destin en main, ils le fontavec brio. Nous en voulons pour preuve lesinnombrables festivités organisées, financéeset gérées par des étudiants où l’on sert des bois-sons alcoolisées et qui se déroulent, dans l’im-mense majorité des cas, sans incidents majeurs.Le programme d’aujourd’hui semble promet-teur en particulier parce qu’il n’essaie pas d’avoirune approche moralisatrice de l’alcool. En outre,nous apprécions que l’on se soit soucié de faireparticiper des étudiants, ce qui nous sembleimportant car si l’on veut trouver des solutionsà des consommations problématiques d’alcool,il faut d’abord comprendre la culture étudiante.En conclusion, je constaterai qu’à la Fédérationdes étudiants francophones, nous sommes tousles jours les témoins privilégiés du potentiel etdes ressources énormes et de nos étudiants. Ilest dramatique qu’ils le gâchent parfois, maisil serait inacceptable de les brider au nom deleur bien-être.

Mathias El Berhoumi, Président de laFédération des étudiants francophones

Un bel exemple de la féminisation de la consommation d’alcool et d’un marketing ‘approprié’

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L’ALCOOL EN MILIEU ÉTUDIANT, ACTES DU SÉMINAIRE DU 28 NOVEMBRE 2007 | 5

4 Les jeunes issus de milieux socio-économiquement

défavorisés sont en plus grande proportion dans

l’enseignement professionnel et technique que dans le

général.

5 Cette distinction entre les sexes est vraisemblablement à

rattacher à des processus différents de socialisation

masculine et féminine qui vont intensifier des divergences

physiologiques d’origine et façonner un rapport distinct

des adolescents et adolescentes, des personnes de sexe

masculin et féminin au risque et aux produits

psychotropes.

1 Piette et al., Enquête Santé et bien-être des jeunes (1988,

1990, 1992, 1994, 1998, 2002, 2006), Ecole de Santé

Publique, ULB-PROMES.

2 Piette et al., Enquête sur les comportements de santé des

nouveaux étudiants inscrits en 1re candidature à l’ULB

(1998-99, 2001-02, 2004-05), Ecole de Santé Publique,

ULB-PROMES.

3 Bayingana K, Demarest S. et al., Enquête de Santé par

interview 2004, Institut scientifique de santé publique, Service

d’Epidémiologie, Bruxelles, IPH/EPI REPORTS N° 2006 - 034.

6 En 2004-05, 47 % des étudiants rapportent boire de l’alcool

chaque semaine et 8 % déclarent avoir une consommation

d’au moins 10 verres par semaine.

7 Un peu moins de 4 % affirment une consommation

uniquement en semaine.

8 Cette tendance au cumul des produits apparaît déjà chez

les élèves du secondaire, où les consommations multiples

s’accroissent au fur et à mesure de l’adolescence. Les

adolescents passeraient d’une expérimentation segmentée

des produits au cours des premières années du secondaire

pour entrer dans des usages cumulés en fin de secondaire.

L’alcool estudiantin : transition entre l’usage adolescent et adulte ?

Lorsque nous évoquons l’univers étudiant, undes premiers mots qui nous vient à l’esprit est« guindaille », comme si les études étaient, parailleurs, inexorablement attachées à desconsommations gargantuesques d’alcool. Maisqu’en est-il vraiment de la consommation d’al-cool chez les étudiants ? Est-elle particulière-ment élevée ? Sont-ils des consommateurs plusavérés que les adultes ?Vu le peu d’enquêtes à ce sujet en Communautéfrançaise, l’usage estudiantin d’alcool a étéconfronté à l’enquête Santé et bien-être desjeunes d’âge scolaire de la Communauté fran-çaise 1, à l’enquête Santé et bien-être des étu-diants de 1re année de l’ULB 2 et à l’enquête deSanté par interview 3 de la population belge de15 ans et plus. Ce type de confrontation ne per-met évidemment pas d’établir des constatsrigoureux d’un point de vue scientifique (quiexigeraient, entre autres, des procédures stan-dardisées de collecte et d’analyse des données)mais permet, néanmoins, de mettre en évidencedes tendances vraisemblables.

De l’usage adolescent...Au cours de ces dernières années, les consomma-tions régulières d’alcool à l’adolescence touchentune minorité de jeunes et restent relativementstables au cours du temps. La consommation de7 verres ou plus par semaine tourne autour des8 % depuis 1992 et la consommation de plus de2 verres par jour est restée autour des 4 % depuis1988 (figure 1).Les consommations abusives sont, par contre,en légère augmentation. L’enivrement, plus d’unefois au cours de la vie, était déclaré par, respec-tivement, 24 %, en 1994, et 30 %, en 2006, desjeunes de 12 à 20 ans et un usage rapporté d’aumoins 5 verres à au moins 3 occasions au coursdu dernier mois était le fait de 18% de ces jeunesen 2002 et de 20 % en 2006.A l’adolescence, ces usages, et plus particulière-ment les abusifs et réguliers, se développent for-tement avec l’âge et se retrouvent plus marquésdans l’enseignement technique et professionnelque dans le général 4. Néanmoins, ces différences,

plus fortes chez les plus jeunes, ont tendance às’amenuiser avec l’âge. Cette tendance semblese confirmer dans certains usages adultes dont,notamment, les consommations régulières etquotidiennes qui augmentent avec le niveau d’ins-truction (Enquête de santé par Interview 2004).Les différents usages d’alcool, et plus particuliè-rement les usages hebdomadaires et quotidiensimportants, sont rapportés plus fréquemmentpar les garçons que par les filles.Cette différence entre les sexes n’est vraisem-blablement pas propre à l’adolescence. Elleapparaît également dans l’enquête de Santépar interview et dans l’enquête auprès des étu-diants de 1re année de l’ULB tout en étant moinsmarquée auprès de ces derniers. Elle n’est pasnécessairement spécifique à l’alcool et s’appuie,en partie, sur des logiques comportementalesdifférenciées entre les sexes 5. Les adolescentesse distinguent notamment par un rapport à soi,tant physique que psychique, plus probléma-tique (moins bonne confiance en soi, moins

bonne image du corps, plaintes psychosoma-tiques plus fréquentes, etc.) alors que les ado-lescents se particularisent, entre autres, pardavantage de conduites à risque (plus grandsconsommateurs de drogues illicites, port moinsfréquent de la ceinture de sécurité en voiture,plus adeptes de la violence physique, etc.).

...à l’usage étudiantChez les étudiants de 1re année de l’ULB, prèsde la moitié déclare un usage d’alcool au moinshebdomadaire 6, usage qui a toutefois tendanceà diminuer au cours des enquêtes. Cette habi-tude est rapportée comme étant plus fréquentele week-end qu’en semaine 7 où elle est davan-tage le fait d’étudiants vivant en dehors de lasphère familiale. Ce qui donne à penser quel’usage d’alcool chez les étudiants n’est pasnécessairement ou seulement lié au contexteuniversitaire. Les usagers hebdomadaires sontégalement davantage des polyconsommateursque les usagers moins réguliers d’alcool 8.

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6 | L’ALCOOL EN MILIEU ÉTUDIANT, ACTES DU SÉMINAIRE DU 28 NOVEMBRE 2007

La consommation de bière et parfois de spiritueuxfait partie intégrante du folklore étudiant. Maisest-ce pour autant un problème ? Quelles sontles pratiques de consommation des étudiants, etquels sont les facteurs favorisant une consomma-tion parfois déraisonnable ou inadéquate ?

Il ne s’agit pas de diaboliser toute consomma-tion d’alcool, tous les jeunes n’ont pas le mêmeprofil de consommation, et tous les étudiantsne sont pas alcooliques, loin de là! Seule uneminorité présente une consommation problé-matique, mais les risques et les nuisances liés à

l’ivresse concernent une population bien pluslarge.S’interroger et les interroger sur leur consom-mation, les motivations de celle-ci et les nui-sances qui y sont liées constituent sans douteun premier pas éducatif. Même si les compor-

9 Respectivement 25 %, 22 % et 20 % des personnes de 15-24

ans, de 25- 24 ans et de 35-44 ans rapportent une

consommation de 6 verres ou plus le même jour, de

manière au moins hebdomadaire, au cours des 6 derniers

mois (Enquête de Santé par interview 2004).

10 Gill Jan S., Reported levels of alcohol consumption and

binge drinking within the UK undergraduate student

population over the last 25 years, in Alcohol and

Alcoholism, 37(2) :109-120, 2002.

11 Beck F., Legleye S. et al., Les usages de produits psychoactifs

des étudiants, in Psychotropes, 11(3-4) : 31-51, 2005.

L’adoption de conduites abusives en matièred’alcool, mesuré par une consommation de 6verres ou plus le même jour, reste relativementstable entre le début et le milieu de la décen-nie. Elles sont déclarées par un peu plus d’untiers des étudiants comme étant au moins men-suelles et par un peu plus de 15 % comme étantau moins hebdomadaires (figure 2).

...en passant par l’usage adulteComparés aux consommations adultes, il appa-raît que les usages d’alcool, au moins hebdo-madaires, des étudiants ont tendance à s’inscriredans un continuum de croissance débutée àl’adolescence et se poursuivant chez les adultes(figure 3). A l’inverse, les abus au moins men-suels qui se développent fortement au cours del’adolescence ont tendance à culminer chez lesétudiants pour diminuer, par la suite, dans lapopulation adulte 9. Ce point culminant semblerefléter un type de consommation plus fréquentà la fois parmi l’ensemble des jeunes adultespar rapport aux autres tranches d’âge de lapopulation belge et parmi les étudiants par rap-port aux autres jeunes du même âge. Cette dis-tinction entre étudiants et non-étudiantsapparaît, notamment, dans d’autres enquêtesmenées dans des pays avoisinants 10, 11. En ce sens, l’univers estudiantin, avec sesnormes et valeurs propres, semble vraisembla-blement renforcer une tendance à l’abus d’al-cool préexistante chez les adolescents maisne paraît pas jouer un rôle vraiment prépondé-rant dans le développement d’un usage régu-lier, important ou pas, d’alcool.

Damien Favresse, SIPES-ULB (Ecole deSanté Publique)

Les étudiants et l’alcool : pratiques et influences

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tements sont souvent similaires, la réalité dechacun des étudiants et de chacune des insti-tutions est à prendre en considération pourmener réflexions et actions.

De manière généraleL’alcool est très culturellement ancré et valoriséchez nous. Sa consommation est associée à ladétente, la fête, l’amusement... Et à juste titred’ailleurs : pour la grande majorité de la popu-lation, sa consommation n’est pas probléma-tique. C’est le psychotrope le plus commun, leplus accessible et le plus culturellement admisdans notre société, même si, et nous pouvonsnous en réjouir, la quantité bue par an et parhabitant tend à diminuer depuis plus de qua-rante ans.Cependant, cette tendance ne concerne pastoutes les tranches de la population. Depuisquelques années nous remarquons une fémi-nisation et un rajeunissement de la consomma-tion d’alcool ; une augmentation importantedes comportements de « Binge drinking »(consommation jusqu’à l’ivresse, encore appe-lée « biture express ») où l’alcool devient l’élé-ment central, voire exclusif, de la fête ; et lespratiques de polyconsommation restent impor-tantes et sont parfois en augmentation pourcertaines tranches de la population : 35 % desjeunes de 17 ans déclarent consommer alcoolet cannabis, 10 % alcool et médicaments(enquête ESPAD 2005).Les grandes tendances peuvent donc être résu-mées comme suit :ı les jeunes consomment de plus en plus tôt ;ı ils consomment principalement pour l’amu-

sement, parfois pour transgresser, ou plusrarement pour résoudre un mal-être ;

ı la consommation régulière tend à diminuerdans la population générale ;

ı la grande consommation augmente avecl’âge, cette tendance est stable ;

ı les garçons restent les plus grands consom-mateurs même si les filles tendent à boire plusqu’avant ;

ı les parents sont majoritairement au courantet d’accord que leurs enfants consommentdes boissons alcoolisées, ce qui différencie fortl’alcool des autres psychotropes ;

ı le « Binge drinking » ou « Biture express » aug-mente partout en Europe (voir le compterendu des ateliers pour une description plusprécise).

Mais en milieu étudiant, qu’en est-il ?Peut-être pouvons-nous démarrer par quelquesbonnes nouvelles : nous observons une consom-mation responsable et non problématique pourla majorité des étudiants et d’ailleurs certainsétudiants mesurent les risques et les nuisances

liées à la « guindaille » et réagissent (par ex :« nouvelles » 24 h vélos organisées avec uneapproche poussée en réduction des risques,« Top gars » – le « guindailleur responsable »créé par et pour les étudiants, projets associa-tifs des FUCAM...).La proportion d’étudiant(e)s « guindailleurs »réguliers est estimée à environ 25 % à 30 %.Cependant, un étudiant masculin sur dix estconsommateur problématique et trois étudiantsmasculins sur dix déclarent s’adonner au Bingedrinking au moins une fois par semaine – unefille sur dix chez les étudiantes (enquête Asso-ciate Universiteit, octobre 2007). Il semble doncpertinent de poursuivre les actions éducativeset en réduction des risques dans ce milieu spé-cifique.

Qu’en pensent les étudiants ?(Source : ‘L’alcoolisation en milieu estudiantin’Delaunois B., Lizin S., mémoire non publié, UCL,2002)Les études supérieures restent la dimension prin-cipale de la vie de l’étudiant, cette période parti-culière est identifiée comme période de transitionentre le milieu familial et l’entrée dans la vie pro-fessionnelle, c’est une période de responsabilisa-tion, mais aussi une période « festive ».Les représentations de la consommation d’al-cool chez les étudiants restent globalementpositives : la consommation est festive, convi-viale, liée à l’amusement et considérée commeune source de détente.Même si elle est parfois identifiée comme exces-sive par les jeunes eux-mêmes, elle est associéeétroitement à la période des études et doncconsidérée comme transitoire. Une petite mino-rité d’étudiants considère la « guindaille »comme négative car, entre autres, considéréecomme la cause de leur échec scolaire. La bièreest préférée par une majorité de garçons, lesalcopops par une majorité de filles. Et, demanière générale, la consommation d’alcooln’est pas une thématique identifiée commeprioritaire pour l’étudiant, contrairement à lafatigue, au stress ou à l’alimentation parexemple.Toujours selon les étudiants, les facteurs favo-risant la consommation d’alcool sont : larecherche de l’effet, la convivialité, le goût, latradition et la pression des pairs à la surconsom-mation. Les facteurs limitant la consommation :la volonté de garder la maîtrise de soi, les limitesphysiques de l’étudiant, ou encore les effets, cedernier étant à la fois facteur favorisant et limi-tant.Encore selon les jeunes, les facteurs qui pous-sent à la surconsommation sont la valorisationculturelle, la tradition, le folklore, l’impressionde temps libre, la pression des pairs (joutes, « à-fonds », tenir l’alcool), la valorisation de la cuite,

le « coulage » (bières gratuites ou presque),l’accessibilité financière, géographique, légaleet médiatique, ainsi que la pression commer-ciale.Les jeunes eux-mêmes utilisent leurs blogs pourvaloriser et banaliser la surconsommation. Il estparfois de bon ton de se montrer en train « d’af-fonner » ou de vomir. La cuite est parfois conno-tée très positivement.Ces représentations positives autour de l’alcoolet des comportements de consommation, par-fois problématiques, doivent être prises encompte pour réfléchir les actions de préventionet de réduction des risques. Une approche glo-bale, privilégiant l’initiative étudiante, en réduc-tion des risques et/ou des nuisances constitueune piste intéressante et globalement bienacceptée par les étudiants. Il est nécessaire éga-lement de ne pas sous-estimer la force mobili-satrice des étudiants eux-mêmes pour menerdes actions pertinentes, novatrices et originales,pour autant qu’un soutien méthodologique etlogistique puisse leur être offert.

La pression commerciale, àtravers la « lorgnette alcool »Depuis une dizaine d’années, malgré quelquesdonnées encourageantes, on observe certainestendances parfois plus préoccupantes : rajeu-nissement et féminisation de la consommationd’une part, et augmentation des comporte-ments de « Binge drinking » d’autre part.Nous pouvons légitimement penser que les stra-tégies marketing ne sont pas étrangères à cestrois tendances : alcopops aux couleurs et goûtsde limonade ; stratégies commerciales agres-sives et ciblées ; ligue sportive au nom d’unebière; offensives marketing en milieu étudiant;multiplication de la pub au cinéma, sur le netet dans les événements largement fréquentéspar les jeunes ; banalisation, normalisation...En effet, la pub (tous produits ou servicesconfondus) est omniprésente dans notre quo-tidien. En moyenne, nous subissons près de 800messages publicitaires par jour, mais si nousconsidérons toutes les formes publicitaires (inter-net, sms, marques visibles dans les films, lesémissions, marques sur les produits en eux-mêmes...) alors ce chiffre peut grimper jusqu’à15.000 messages par jour! Que nous percevonssurtout inconsciemment...Le cerveau a donc du mal à faire le tri, et com-mence à manifester une overdose. Les annon-ceurs doivent dès lors rivaliser d’ingéniosité etde créativité pour sortir du lot, ils adaptent leursstratégies. Une piste éducative consiste donc àdécortiquer, analyser et porter un regard cri-tique sur ces nouvelles formes de communica-tion commerciale.Depuis quelques années, les annonceurs, enparticulier les alcooliers, veulent se donner une

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image éthique et montrer que leurs entreprisesse conforment aux impératifs législatifs, auxenjeux sociaux, voire de santé publique. Maisil ne s’agit là que de nouvelles formes d’argu-mentation commerciale et de sensibilisation dumonde politique afin d’éviter des réglemen-tations plus contraignantes.

Les étudiants, cibles de choixpour les alcooliersDans le monde étudiant, cible importante pourles alcooliers, les pratiques douteuses sontlégions : contrats mirobolants avec les respon-sables de cercles étudiants – avantages en naturejusqu’à des dizaines de fûts gratuits (tous lesprincipaux producteurs de bière) ou des cen-taines de bouteilles (marques de pastis, de rhumou de vodka bien connues) et des sommes ver-sées en cash en début d’année (jusqu’à 5000euros!).Comment refuser... Une aubaine pour les étu-diants! Bien sûr, plus le volume écoulé sur l’an-née est important, plus les avantages grossissent...Pousser à la surconsommation devient donc unbut en soit. Les produits sont parfois écoulés gra-tuitement ou à des prix hors concurrence (pas-tis à 0,25 €, ou bière à 0,50 €), et l’offre d’alcooldevient l’élément déterminant pour choisir sonséjour au ski comme on peut le voir sur les affichespromotionnelles de ces voyages...Le secteur de la distribution n’est pas en reste :à certaines périodes de l’année (décembre oujuin après les examens, en début d’année

lorsque la fête bat son plein...), les rayons seremplissent et les stocks deviennent impression-nants ; régulièrement de nouveaux produitssont testés dans ces surfaces proches des uni-versités et hautes écoles : alcool en tube, « pec-ket pocket » et autres alcopops... Sans oublierle traditionnel « student welcome pack », actionpromotionnelle touchant la plupart des univer-sités et hautes écoles où l’alcool occupe tou-jours une place centrale.

Quelle réglementation ?En Belgique, la législation réglementant la venteet la distribution des boissons alcoolisées estbasée sur trois textes de références datant de1939 et 1983. Avec une législation plus souplepour les boissons fermentées (bières) que pourle vin et les spiritueux. Nous ne sommes paspour rien le pays de la bière, et ça se remarquejusque dans la législation, le lobbying politiquedu secteur a bien fonctionné.Concernant les pratiques commerciales, rienn’existait jusqu’à mai 2005. A cette période, leministre de la santé de l’époque, Rudy Demotte,a souhaité réglementer ces pratiques. Le sec-teur alcool a quant à lui dès lors proposé derédiger une convention privée (signée par lesalcooliers, les brasseurs, l’Horeca, le secteur dela distribution et les associations de consom-mateurs), censée répondre mieux aux attentesdes consommateurs et du monde politique caradoptée par le secteur lui-même, plutôt qued’être imposée par une loi contraignante.

Cela représente une certaine avancée en lamatière étant donné que rien n’existait précé-demment. Mais, outre le texte encore trop flouet trop peu contraignant, la principale dériveréside dans le système même de conventionprivée. En effet, élaborer des codes de bonneconduite de manière à éviter, sciemment,l’adoption d’une loi permet de contourner faci-lement ce qui ne sont que des recommanda-tions dénuées de force contraignante. C’est unetendance générale en Europe. Trouve-t-on nor-mal qu’un secteur puisse rédiger lui-même leslois qui régissent leurs pratiques ? Devons-nousdemander à l’industrie du tabac de réglemen-ter son marché, ou à l’industrie pharmaceu-tique de décider de la politique en matière desoins de santé ?Et qu’en est-il de l’indépendance de l’organede contrôle ? Le JEP (Jury d’Ethique Publicitaire),même si sa composition a été revue dernière-ment, reste constitué principalement d’annon-ceurs, de publicitaires et de médias. Il est doncjuge et partie. Le JEP fait même de la pub pourse faire connaître (de peur de se voir remplacépar un organe de régulation publique, trans-parent, au pouvoir réellement contraignant, etaux missions de service public claires ?), nesoyons pas dupes de la manœuvre.Des exemples de détournement, voire de non-respect de la convention, restent encore trèsfréquents. Ce qui témoigne donc de la faiblessede ce mécanisme. Par exemple, il est dit dansla convention « la publicité pour boissons alcoo-lisées ne peut pas donner une image négativede l’abstinence ou de la sobriété », qu’en est-ilalors de Georges Clooney qui se fait claquerla porte au nez car il n’a pas d’alcool ? Ouencore, « La communication commerciale ne peutsuggérer que la consommation de boissons conte-nant de l’alcool influence positivement les perfor-mances sportives », quid alors de ces jeunes garsqui courent, roulent ou skient derrière descanettes de bière, ou même de notre cham-pionnat de football qui porte carrément le nomd’une bière nationale ?Et les exemples de ce type sont légions. Prisséparément, nous serions tentés de dire quecela reste anodin, mais mises ensembles, cespratiques instillent une vraie culture omnipré-sente de l’alcool, et ce, dès le plus jeune âge.D’ailleurs, nous est-il possible d’envisager unefête, un repas, une soirée sans alcool ?

RecommandationsIl ne s’agit donc pas de prôner une quelconqueforme de prohibition ou de renforcer fortementune législation qui est déjà difficile à appliquersur le terrain, mais bien de privilégier les pisteséducatives, limiter le flou juridique en la matière,et créer un Conseil fédéral de la publicité, quisoit principalement public, au fonctionnement

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transparent et au pouvoir réellement contrai-gnant.En milieu étudiant, quelques pistes éducativespeuvent être envisagées :ı partir des représentations étudiantes ; éviter

toute stigmatisation;ı ne pas diaboliser, mais ne pas banaliser non

plus ;ı privilégier l’éducation participative et le sou-

tien aux initiatives étudiantes ;

ı ne pas fermer les yeux sur les pratiques et favo-riser la cogestion entre étudiants et autoritésacadémiques (charte de bonnes pratiques,convention de collaboration, interdiction decertaines formes de sponsoring);

ı réduire les risques et les nuisances (campagnesde sensibilisation);

ı s’intéresser de plus près aux étudiants ayantune consommation problématique, faireconnaître les lieux d’aide;

ı prêter attention aux polyconsommations (tabac,cannabis, médicaments, XTC, cocaïne...);

ı limiter l’impact des pratiques commerciales ;ı limiter l’hyper-accessibilité géographique et

financière du produit ;ı développer l’esprit critique du consomma-

teur... de pub.

Martin de Duve, Directeur d’Univers santé,pour le Groupe porteur « Jeunes et alcool »

QUELQUES RÉALITÉS DE TERRAIN

L’UCL

La consommation d’alcool en milieu étudiantest une réalité de terrain que nous constatonstous chaque jour.Son origine est multiple et certains facteurs ontété rappelés ce matin; il s’agit d’un phénomènequi, au niveau de l’enseignement supérieur,vient après une consommation d’alcool déjàsignificative dans l’enseignement secondaire,que ce soit à l’occasion de fêtes, de rencontres,mais aussi à l’occasion de défis qui sont fré-quents dans la période d’adolescence. La bana-lisation de l’alcool en famille joue aussi un rôle.L’environnement de liberté qui s’offre aux jeunesnotamment lorsqu’ils logent sur les sites uni-versitaires ou ceux des hautes écoles compliquequelque peu le problème car le contrôle socialest plus limité; le contexte du début de l’annéeacadémique favorise également, notammentpar les baptêmes, une consommation d’alcoolmême si la consommation responsable estencouragée par les autorités universitaires etdans certains cas par les responsables de cerclesou de régionales.Nous devons par ailleurs constater dans lescercles étudiants le passage occasionnel de laconsommation festive à des débordements quisont intolérables ; ceux-ci sont parfois favoriséspar les grands alcooliers qui profitent de l’oc-casion pour se constituer une clientèle d’ave-nir (Ricard est un bon exemple, en mettant enavant la convivialité) et ainsi sponsorisent lar-gement les festivités organisées.Nous avons toutefois des responsables conscien-tisés qui développent une action à l’égard detous les étudiants.Dans les réalités de terrain, on constate l’im-pact de plusieurs actions comme « Top gars »,

« Vas-y-mollo », les conséquences positives desthèmes abordés lors des formations des anima-teurs et des responsables de soirées, mais cesactions ne touchent pas toujours le jeune sur leterrain, qui souhaite à certains moments s’écla-ter en abandonnant tout contrôle de lui-même.L’Université a également mis en œuvre la charteAune, la charte de l’animation universitaire étu-diante qui prévoit des règles notamment deslimites de temps pour les soirées, ainsi que lacharte relative aux baptêmes qui permet le bap-tême sans alcool, et envisage plusieurs règlesde bonnes conduites.On peut également signaler l’action menéedepuis deux ans par le Vice-recteur aux affairesétudiantes qui exige de l’étudiant dont l’étatd’ébriété entraîne une aide à rentrer chez luides peines réparatrices au profit de la commu-nauté universitaire.C’est au sein des jeunes eux-mêmes que lesgarde-fous doivent être mis en œuvre et c’estavec eux que nous pouvons penser aux consé-quences des actes d’alcoolisme excessifs sur soiet sur autrui.Certes la prise de risque fait partie de la construc-tion de la personnalité et la tranche d’âge estconcernée dans l’enseignement supérieur.Nous ne pouvons pas interdire aux jeunes deboire mais nous devons mieux les informer surles seuils de consommation à partir desquels ilsmettent leur santé en danger.Nous pourrions dès à présent réfléchir au déve-loppement d’actions comme celle qui a eu lieulors des dernières 24 heures vélo c’est-à-direune place sans alcool pour ceux qui le souhai-tent; chaque été, lors des fêtes de Bayonne quiont une ampleur plus importante que les

24 heures vélo, il existe aussi des lieux qui invi-tent à faire la fête autrement et qui montrentque l’on peut s’amuser sans se saouler et sansse mettre en danger.La pratique a été élargie en maintenant ouverttoute l’année un bar étudiant dans lequel l’al-cool n’a pas droit de cité ; il est fréquenté etceux qui y vont constatent qu’on peut s’amu-ser sans boire ; les jeunes savent aussi que celieu ne connaît pas de bagarre et qu’on n’ymanquera pas de respect l’un vis-à-vis de l’autre.Une autre piste consiste dans une limitation desopen bars, ces lieux où, moyennant un ticketd’entrée relativement modique, l’alcool est servigratuitement et à volonté toute la soirée.Une feuille de route interne aux institutionspourrait dans ce cadre exiger soit une interdic-tion de ces pratiques ou à tout le moins unnécessaire équilibre entre le prix payé et les bois-sons consommées ce qui n’est actuellementpas le cas dans certaines soirées notamment les« Coronas ».Maintenons l’effort de formation, augmentonsla sensibilisation de tous, construisons ensembledes lieux dans lesquels on s’amuse sans consom-mation excessive d’alcool et cela profitera à tousen favorisant le respect de chacun.Nous devons passer d’une société où nous ces-sons de nous poser les uns aux autres la ques-tion « Que faites-vous dans la vie ? » à unesociété où nous nous demandons mutuelle-ment « Que faites-vous de votre vie ? »

Michel Taverne, Directeur del’Administration des affaires étudiantes,Université catholique de Louvain

Deux sites à consommer sans modérationwww.jeunesetalcool.be et www.univers-sante.ucl.ac.be

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Le contexte montois des FUCaM

Pour comprendre tant le phénomène de l’alcoolen milieu étudiant que le sens des mesures prisespour le contenir et le gérer, il importe de saisir lecontexte institutionnel des FUCaM. Les Facultésuniversitaires catholiques de Mons constituentune université de petite taille (1300 étudiants) quiexiste depuis 112 ans. Jusqu’il y a 15 ans, la grandemajorité des étudiants entrant dans l’institutionpassaient par le « baptême », rite initiatique d’en-trée dont l’alcool (la bière particulièrement) étaitun breuvage quasi sacré. Il convient cependantde relever que la consommation d’alcool se dérou-lait dans un cadre estudiantin qui la valorisait maisaussi – dans une certaine mesure – la contrôlait.Les évolutions de la société et de la mentalité deses membres, les attentes individuelles, le rejetde certaines formes d’action collective (...) ontprovoqué aujourd’hui une nette diminution decette pratique de « bleusaille et une minorationdu nombre de « baptisés » (environ 25 % des

étudiants en 1er baccalauréat). Notons bien queles pratiques de consommation d’alcool dépas-sent largement le cadre du cercle étudiant encharge du maintien du folklore. Ce dernier a saisila nécessité de s’ouvrir à la majorité des étudiants(les non-membres), et l’importance de conte-nir les effets collatéraux de l’usage abusif de bois-sons alcoolisées. Ainsi, en 2007, l’institution (viala direction, le CPPT, le personnel...) et les étu-diants ont décidé de mettre en œuvre une poli-tique concertée en cette matière.

Des principes et des objectifsUne institution universitaire porte une respon-sabilité sociale en matière de santé publique etde conscientisation par rapport aux assuétudes,notamment celles qui se développent durantle parcours de l’étudiant. Ce principe est impor-tant parce qu’il cadre l’action institutionnelle,non pas sur un plan contraignant et juridique

(les étudiants sont majeurs et libres de leursactes dans un cadre réglementé) mais sur unplan éthique et éducatif qui pose l’expérienceuniversitaire comme la cristallisation subjective,dans des lieux et à des moments divers, d’ap-prentissages multiples de savoirs, savoir-faire,savoir-être et savoir devenir, pour reprendre unenomenclature classique.Les étudiants ont traduit cela d’une façon pluspragmatique : il y a une vie associative en dehorsdes cours et elle est formatrice; elle génère desamusements qui ne riment pas avec l’abus d’al-cool.

Des actesLes organisateurs des festivités étudiantes,notamment la « bleusaille », ont ainsi ordonnéque cette période d’intégration soit sans alcoolpour les nouveaux arrivants. Lors des autresmanifestations (soirées dansantes, « guin-dailles », sorties collectives...), un cadre sécu-risé est mis en place. Il se marque par la présencede services reconnus de gardiennage, desactions « Bob », des sorties organisées en car,des hébergements possibles, si nécessaire, surles lieux festifs, la consigne (forcée) de clés devoiture, le refus d’entrée aux soirées (sur le site)aux personnes déjà en état d’ébriété...Les – rares – débordements sont sanctionnés parla direction, après instruction du dossier. Ils peu-vent donner lieu à des mesures contraignantesde rétorsion (non-autorisation de soirées, paie-ment des dégâts...) prises unilatéralement par lerectorat.Cette année, un projet associatif (inscrit dansle cursus obligatoire des 3e Bac) de 8 étudiants,« Responsible party » s’est créé avec l’objectifd’inciter les jeunes fêtards à adopter un com-portement plus civique avant et après les soi-rées, en les sensibilisant aux différents problèmesliés à l’abus d’alcool ainsi qu’à un certain res-pect de l’autre et de l’environnement. Cinq axesont été définis : le danger au volant, les rap-ports sexuels non protégés, le respect de l’en-vironnement, la violence, les nuisances sonores.Le tableau ci-dessous présente les activitésmenées et j’ajoute, remarquablement menées. ı distribution de tracts de sensibilisation « Res-

ponsible party » à Mons, à la place du Marchéaux herbes et au Waux-hall. Distribution depréservatifs à ces mêmes endroits ;

ı constitution d’un réseau (Univers santé asbl,Programme de Prévention des assuétudes dela Ville de Mons...);

ı participation des membres du projet à un pro-gramme de formation par le service (susnommé)de la Ville de Mons;

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ı campagne d’affichage dans la ville de Mons(cafés, universités, rues...);

ı organisation d’un concert rock « Respon-sable » au café « Finzerb »;

ı organisation d’une soirée « Responsibleparty ». Concrétisation finale de la campagnede sensibilisation : volume sonore réduit dela sono, verres biodégradables, présence d’unstand Bob...

Une situation toujours préoccupanteCes actions ne doivent pas occulter la pressionconsidérable que les distributeurs et produc-teurs de boissons alcoolisées mettent sur les

associations étudiantes. Les tentations sont mul-tiples et attractives : sponsoring, conditionsexceptionnelles, prêts de mobiliers HORECA,voyages, événements publicitaires, sportifs, cul-turels offerts... De plus, les comportementsconsuméristes des jeunes évoluent (« bingedrinking », consommation d’alcool de plus enplus tôt...) marquant ainsi une difficulté récur-rente et caractéristique de notre société, cellede gérer sans excès, en respect du collectif, saliberté et la relative autonomie y afférente.

Des perspectivesLe travail effectué par les étudiants et l’institu-tion pour conscientiser aux assuétudes et à leurs

effets collatéraux est en cours. Nous pouvonsespérer des résultats sur des court et moyentermes. Cependant, nous agissons de concertdans une société du risque, une société incer-taine, sans garantie d’éventuels dérapages, sanspouvoir anticiper ce que seront les nouvellestendances, les nouveaux comportements. Maisl’essentiel est que nous veillons et agissons, ànotre mesure.

Philippe Scieur, Vice-recteur des FUCaM

La situation aux Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix

« Si le jeune n’arrive pas à être grand dans ses réussites, il sera grand dans l’échec et les prises de risques » (Philippe Jeammet)

Le PSE libre du Brabant wallon

Aux FUNDP à Namur, les activités de loisir estu-diantines sont encadrées par l’institution, prin-cipalement par le Secteur Social.L’Assemblée Générale des Etudiants (AGE) estl’organe officiel de représentation et d’anima-tion des étudiants. Elle coordonne l’activité fes-tive et culturelle en regroupant les différentsacteurs de la vie estudiantine : cercles, kots àprojets, régionales...Dans chaque local de cercle il existe un bar,ouvert de 12 à 18 heures (les locaux de cerclessont la propriété des FUNDP). Le président ducercle doit veiller à y maintenir une consom-mation de bière raisonnable.Les soirées se déroulent soit dans les cercles,soit au « bunker », salle qui peut accueillir 900étudiants. Chaque soirée est organisée par uncomité d’étudiants qui en font d’abord lademande, puis qui sont responsables du bondéroulement de l’activité.La consommation de boissons alcoolisées estréglementée : généralement, seules des bièressont servies, sauf autorisation exceptionnelle.

C’est le secteur social qui négocie les contratsavec les brasseurs, ce qui permet d’opérer unecertaine régulation.Malgré cette organisation, des problèmes peu-vent survenir : violence dans les soirées suite àdes excès de consommation, étudiants qui boi-vent de façon excessive dans les cercles...Fin de l’année 2006-2007, différentes oppor-tunités se sont conjuguées : d’une part la prisede conscience des étudiants organisateurs desoirées et des responsables des FUNDP de lanécessité de faire face à des problèmes liés à laconsommation d’alcool, et d’autre part uneproposition d’intervention de l’asbl Sésame,centre namurois d’accueil et de soins pour toxi-codépendants et proches. Par ailleurs, il exis-tait un souhait de redévelopper des actionsde promotion de la santé au Centre médico-psychologique des FUNDP.Un projet commun s’est élaboré, avec commephilosophie de base de mettre en place unedynamique durable plutôt que de développerune campagne ponctuelle. Le projet privilé-

gie la participation active de la communautéétudiante dans les choix, les décisions et la miseen place d’actions. L’alcool est le point focal,mais l’objectif général vise le bien-être globalde l’étudiant et la consommation responsable,dans une optique de réduction des risques.Les premières étapes du parcours sont réalisées :différentes rencontres entre les professionnels deSésame et les FUNDP (secteur social, étudiants,conseil des affaires sociales...), élaboration d’uneconvention, réunion avec les délégués de l’AGE.Pour le 2e quadrimestre de 2007-2008, desgroupes de discussion avec les étudiants desdifférents cercles, régionales et kots à projetsont mis sur pied. Sésame et le CMP ont éla-boré un canevas de réunion, permettant de cer-ner les attentes et représentations des étudiants.L’analyse du contenu de ces réunions fournira labase des propositions d’action pour le programme.

J-R Honorez, Directeur du Secteur social,J Delville, Directrice du Centre médico-psychologique

Le PSE libre du Brabant wallon, antenne deWavre, a deux écoles de l’enseignement supé-rieur non universitaire sous tutelle (1000 élèves).Ces deux écoles sont installées à Louvain-la-Neuve (sur un site universitaire) dans le Brabantwallon. Il s’agit de l’Institut Cardijn qui forme

des assistants sociaux et de l’ENCBW qui formedes instituteurs et des régents.Nos observations sur le terrain sont du typeempirique et se basent sur :ı les visites médicales ;ı un questionnaire distribué lors de la visite médi-

cale qui sert de point de départ à l’échangeavec l’étudiant ;

ı les échanges lors de notre permanence heb-domadaire en santé à l’ENCBW.

Les étudiants ne semblent pas s’identifiercomme étant alcooliques et ne semblent pas

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LES ATELIERS

considérer qu’ils aient un souci avec l’alcool.Mais ils se questionnent : « Mon comportementvis-à-vis de l’alcool est-il normal ? » « Si aprèsla période de baptême, je ne savais pas m’ar-rêter ? » « Si j’y prends goût ? ».Ils s’inquiètent : boire est « normal » dans la cul-ture estudiantine mais leur grande crainte estde perdre le contrôle d’eux-mêmes.Lors de nos permanences, certains étudiants(très minoritaires) nous ont parlé de leur mau-vaise relation à l’alcool. Celui-ci étant perçucomme la fuite d’un « mal-être » vécu plusintensément. Certains étudiants arrivent dansl’enseignement supérieur après quelqueséchecs, et une mauvaise estime de soi pourraitêtre l’élément central du problème. L’alcool neserait alors que la partie visible de l’iceberg.

Quelles sont nos actions en place et nos perspectives ?La première prévention nous semble être laconstruction d’une bonne estime de soi. Nousabordons déjà régulièrement ce thème avec

nos étudiants et élèves lors d’animations dansnos écoles.Travailler en amont, c’est-à-dire avant l’arrivéedes étudiants dans le Supérieur. En partenariatavec l’Observatoire de la Santé du Hainaut, nousmenons actuellement une enquête dans nosécoles secondaires en vue de mettre des actionspertinentes en place.Notre questionnaire du début de visite médi-cale est une porte d’entrée très intéressantemais il pourrait être retravaillé. Par exemple, laquestion de l’alcool pourrait être plus ciblée.Les étudiants sont très sensibles à garder lecontrôle de leur vie. Démontrer comment lespublicitaires les manipulent semble très efficaceen matière de prévention. Le prix des consom-mations et la responsabilisation des présidentsde cercles et autres responsables de débits deboissons sont également des pistes intéres-santes.Nous veillons à être particulièrement vigilantsà ce sujet lors de nos permanences et lors de lavisite médicale. La thématique de l’alcool est

régulièrement mise en évidence sur nos pointsd’affichage au sein de l’école.Il semblerait que, tant le rapport à l’alcool quel’image de l’alcool évoluent dans notre société.Les filles comme les garçons semblent touchéspar la problématique. En tant que PSE, noussommes donc confrontés à ce problème.

Le PSE a un accès facile aux étudiants et à unesérie d’informations sur leur santé mais n’a quepeu de temps et de moyens pour les « traiter ».De manière ponctuelle et grâce à des partena-riats (Univers Santé, CLPS, OSH), nous avons euet avons l’occasion de recueillir et d’analyser desdonnées concernant la santé des étudiants etde mettre en place des actions pertinentes.Nous sommes interpellés par les étudiants etsommes réceptifs à l’idée de mettre des actionsen place ou tout au moins de proposer une écouteactive et un relais concernant cette question.

Anne-Catherine Jacquet, PSE libre duBrabant wallon

Réduction des risques et des nuisances

Maryse Degraen, chargée de projets à l’asblModus Vivendi, a présenté le travail de son asso-ciation en la matière, en insistant tout d’abordsur la distinction fondamentale entre la réductionde l’usage (prohibition) et la réduction des dom-mages dus aux produits. Il n’importe pas ici quele produit consommé soit licite, comme l’alcool,ou non. Ce qui compte c’est d’offrir aux jeunesune information fiable leur permettant de faireleurs propres choix en connaissance de cause.Pour ce faire, Modus Vivendi est présent depuisde nombreuses années sur des lieux festifs, quisemblent un bon endroit pour délivrer un mes-sage non culpabilisant aux jeunes.L’asbl y distribue une série de mini-brochures

présentant les risques de diverses substances,dont l’alcool. Ces documents visent les consom-mateurs, et non la prévention de l’usage (cer-tains, confondant usage et dommage, y ontd’ailleurs vu une incitation à la consommationplutôt qu’une gestion pragmatique de celle-ci).Une autre caractéristique du travail de l’asbl estde mettre le jeune au cœur du travail de pré-vention, en lui reconnaissant un rôle positif d’ac-teur auprès de ses pairs. Cela a le doubleavantage de favoriser l’acceptation des mes-sages par la ‘cible’, et aussi d’aider dans cer-tains cas l’ ‘émetteur’ à revoir son schéma deconsommation personnelle.L’animateur de l’atelier, Martin de Duve (Uni-

vers santé asbl), a permis ensuite à des étudiantsd’une haute école carolorégienne de témoignerde leur sens des responsabilités par rapportau maintien de l’intégrité et de l’hygiène deslieux de soirées, ainsi que les efforts consentispar rapport aux nuisances sonores.D’autres interventions ont porté sur une « guin-daille éducative » d’un service PSE (qui n’exclutpas de consommer en s’informant), et aussi surl’importance de ne pas ignorer les parents desétudiants.Une intervention a porté sur la situation particu-lière de Mons, qui compte relativement peu d’étu-diants, disséminés dans la ville, et où des jobistespermettent aux permanents de garder le contactavec la réalité du terrain. On y a souligné commechez Modus Vivendi la grande efficacité de distri-bution de matériel d’information aux étudiantspar des étudiants : cela marche 15 à 20 fois mieux!Sans nier les mérites d’une approche réaliste dela réduction des risques, Philippe Bastin (asbl Infor-Drogues) a évoqué l’écueil d’une trop grande dilu-tion de l’autorité, et stigmatisé les dangers depouvoirs publics ‘post-modernes’ qui renonce-raient à leur rôle de régulation en rejetant l’entièreresponsabilités des dégâts de la consommationsur les consommateurs eux-mêmes.

Christian De Bock, journaliste

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L’ALCOOL EN MILIEU ÉTUDIANT, ACTES DU SÉMINAIRE DU 28 NOVEMBRE 2007 | 13

Alcool et santé, quels risques à court, moyen et long terme ?En quoi les équipes PSE sont-elles concernées ?

Si on assiste, en Europe, à une diminution de laconsommation générale d’alcool depuis 40 ans,la consommation de type « Binge drinking »augmente fortement, se féminise et atteint unpublic de plus en plus jeune.Deux axes principaux de définition existent. Lepremier, quantitatif, indique qu’il s’agit d’uneconsommation de 5 à 6 unités d’alcool dans unmême moment (une soirée par exemple); lesecond, qualitatif, et, a priori, plus adéquat,indique qu’il s’agit d’une consommation jus-qu’à l’ivresse et pour l’ivresse, aboutissant àl’abus et la perte de contrôle.Le Belge est, en regard des autres Européens, unbuveur régulier moyen (15e sur 21), mais il est,par contre, un grand Binge drinker (3e sur 25).A 17 ans, 46 % des jeunes déclarent avoirconsommé de façon excessive (5 verres ou plus)au moins 1 fois durant les derniers 30 jours et2,3 % des jeunes déclarent 10 comportementsde Binge drinking durant les 30 derniers jours,soit un jour sur trois (source : enquête ESPAD2005).Quels sont les risques du Binge drinking ?A court terme, conduites à risqueı conduite de véhicules ;ı actes sexuels risqués (non protégés, non dési-

rés ou encore grossesses non désirées, parvomissement du contraceptif par exemple);

ı violences ;ı autres consommations (polyconsommation

de psychotropes);ı accidents, passages à l’acte suicidaires facili-

tés par le caractère désinhibiteur du produit ;ı ...A moyen terme, effets méconnus mais réels,après un an de comportements de Binge drin-king réguliers en milieu étudiant :ı diminution de l’attention, de la concentra-

tion, de la mémoire ;ı fonctions exécutives amoindries ;ı mais aussi troubles cérébraux : activité réduite

et dérégulée;ı alcool = neurotoxique. En consommation chro-

nique il provoque des lésions structurelles du

cerveau (atrophie, épilepsie); dans le cadre duBinge drinking, il provoque des désordres fonc-tionnels uniquement mais... les sevrages répétésmettent en souffrance le cerveau, et chez lesadolescents ces désordres sont délétères pourla constitution des réseaux neuronaux.

A long termeı désinvestissement scolaire ou professionnel ;ı hypothèse de continuité : l’alcoolisme chro-

nique peut se développer pour une petiteminorité d’étudiants ;

ı dépression, anxiété : s’agit-il d’une cause oud’une conséquence ? Difficile à dire...

Le Binge drinking représente donc un phéno-mène quelque peu inquiétant pour les acteursde la santé publique, de l’éducation et de la jeu-nesse. Mais les données sont encore insuffi-santes pour bien saisir la problématique dansson ensemble ;ı l’abus d’alcool peut également freiner le déve-

loppement synaptique du cerveau chez lesjeunes.

(Source : MAURAGE P., chercheur en neuropsy-chologie, UCL)Pour le Dr Emmanuel Pinto, chef de clinique enpsychiatrie au CHU de Liège, l’alcoolisationaiguë de type Binge drinking et la dépendanceà l’alcool sont deux phénomènes différents. Lesétudiants qui s’adonnent au Binge drinking par-viennent à arrêter de boire pendant le blocus :ils ne sont donc pas dépendants. Toutefois, sile Binge drinker ne deviendra pas forcémentdépendant, l’expérimentation de l’alcool sur lemode Binge drinking et la répétition de l’alcoo-lisation peuvent favoriser l’évolution vers ladépendance.

La prévention : en quoi les équipesPSE sont-elles concernées ?On ne peut pas faire peur aux étudiants en leurdisant qu’ils vont devenir dépendants car tousne le deviennent pas.Une des pistes de prévention consiste à présen-ter aux jeunes les formes de risques qu’ils encou-rent en soulignant, d’une part, les effets immédiats

de la consommation paroxystique (violence, acci-dents, coma...) et d’autre part, les effets à moyenterme, notamment sur leurs capacités à resterefficaces dans leurs études.Il s’agit donc de les responsabiliser individuel-lement sur les risques qu’ils encourent.Les équipes PSE constatent que les jeunes par-lent rarement du problème d’alcool. Ils abordentcette question lorsque se pose un autre problèmecomme la consommation de cannabis, un étatdépressif, des idées noires... Dès lors, commentfaire de la prévention en matière de consomma-tion d’alcool quand on sait que les jeunes nientles problèmes qu’il peut engendrer ?Myriam Provost, médecin des étudiants à l’UCL,pense que les acteurs de première ligne, pré-sents dans les points santé des écoles, peuventêtre proactifs en abordant la consommationd’alcool de manière indirecte. Par exemple, àl’occasion d’une consultation pour excès depoids, le médecin peut insister sur l’apport calo-rique important de l’alcool. Il est aussi possibled’aborder la consommation d’alcool lors dela prescription de médicaments pour lesquelsl’alcool est contre-indiqué.Toujours selon elle, il est important de faireconnaître au sein des institutions des lieux(comme les points d’écoute) où les jeunes peu-vent parler, en toute confidentialité, d’un pro-blème d’alcool concernant un proche, etrecevoir des conseils quant à une manière effi-cace de réagir, de poser des limites.Le Dr Pinto propose de sensibiliser les jeunes surle fait que tous les produits mis à leur disposi-tion sont formatés par les publicitaires et lesalcooliers pour les faire entrer dans une logiquede consommation qui risque de les conduire àla dépendance.Dire aux jeunes qu’ils sont manipulés, privés deleur liberté et qu’ils risquent de déboucher surquelque chose qu’ils ne contrôleront plus estpeut-être plus parlant que d’attirer l’attentionsur les risques pour leur santé physique.

Colette Barbier, journaliste

Le Groupe porteur ‘Jeunes et alcool’ vousinvite à une Table ronde bruxelloise ‘L’al-cool chez les jeunes : qu’en est-il et qu’enfaisons-nous ?’ le 5 novembre 2008.Cette journée s’adresse aux acteurs bruxel-lois de la prévention des assuétudes, aux

culturel de Woluwé-St-Pierre, avenueCharles Thielemans 93, 1150 Bruxelles.L’inscription est de 10 euros et inclut l’ac-cueil, le repas de midi, les documents detravail et les actes de la journée.Renseignements : [email protected]

professionnels de la santé des jeunes ainsiqu’aux représentants des milieux de jeunes.Quatre types d’enjeux seront soulevés en ate-lier : éducatif, économique/législatif, cultu-rel et sanitaire.Cela se passera de 9 à 16 heures au Centre

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ALFA Liège (asbl, Service de santé mentale et de prévention des assuétudes)ı Encadrement des équipes pédagogiques pour

la gestion des situations de crise et suiviı Formation des équipes pédagogiques à la

démarche préventive en vue de développerdes actions, d’utiliser ou créer des outils, à par-tir des ressources locales

ı Pour les équipes PSE : transfert de compétences.Contact : Centre Alfa, rue de la Madeleine 17,4000 Liège. Tél.: 04 223 09 03. Courriel : [email protected] : www.centrealfa.be.

Prospective Jeunesse (asbl, Service de préventiondes assuétudes et de l’usage des psychotropes)ı Formation de 3 jours des équipes pédagogiques

(sensibilisation des adultes-relais à la complexitéde la question des consommations)

ı Accompagnement : expérimenter un projetà partir des ressources locales, appui métho-dologique

ı Supervision d’équipeı Entretiens individuels et familiauxı Centre de documentation (bientôt en ligne)ı Cahiers de Prospective Jeunesse, publication

de l’associationContact : Prospective Jeunesse,

chaussée d’Ixelles 144, 1050 Bruxelles. Tél.: 02 512 17 66. Courriel : [email protected] : www.prospective-jeunesse.be.

Infor-drogues (ASBL, information, aide etconseils quant à la problématique des drogues)ı Permanence téléphonique 24/24h :

02 227 52 52ı e-permanenceı Centre de documentation (bientôt en ligne)ı Aide individuelle pour les usagers de drogues

et leur entourageı Modules de formation pour différents profes-

sionnels ou équipesı Appui méthodologiqueı Accompagnement d’équipes et de projetsı Expertise, organe d’avisı Mise à disposition d’outilsContact : Infor-Drogues, rue du Marteau 19,1000 Bruxelles. Tél.:02 227 52 56. Courriel : [email protected]. Internet : www.infor-drogues.be.

Univers santé (ASBL, information, formation etactions en santé en milieu étudiant et jeune adulte)ı Expertise de l’action « santé » et des démarches

globales en milieu étudiant

ı Coordination du projet « Jeunes et alcool »ı Travail avec les réseauxı Rôle d’interpellation politiqueı Actions de sensibilisation et de réduction des

risques en milieu étudiant (Opération « sta-diers » des 24h vélo, campagne « Top gars »,« alco-test » et carnet « Qu’est-ce que tubois ? », Atout santé « alcool » - fiche d’infor-mations, publication « Les publicitaires saventpourquoi »...)

ı Centre de documentationı Mise à disposition d’outils (affiches, brochures,

tests, préservatifs...)ı Soutien aux initiatives étudiantesContact : Univers santé, Place Galilée 6, 1348 Louvain-la-Neuve. Tél.: 010 47 28 28.Courriel : [email protected] : www.univers-sante.be.

Pour l’ensemble des actions et outils cités ici,plus d’informations sont disponibles sur les sitesinternet respectifs. Par ailleurs, n’hésitez pas ànous contacter afin de voir ensemble les possi-bilités qui s’offrent à vous.

Martin de Duve, Directeur d’Univers santé,pour le Groupe porteur « Jeunes et alcool »

3 Cela s’applique aussi à l’industrie du tabac, voir

http://www.infordrogues.be/pdf/educ_perm/2006/reacti

on_id_rodin_crioc.pdf

1 Et du monde entier puisque cette promotion va toucher

« dans un premier temps » 40 pays :

http://www.championsdrinkresponsibly.com/

2 Voir à ce propos le point de vue d’Infor-Drogues :

http://www.infordrogues.be/id/articles.php ?lng=fr&pg=

156#13. La récente campagne « Alcool & Drogues, le

vrai et le faux » démontre qu’il est possible de tenir un

discours responsable sur cette thématique :

http://www.infordrogues.be/ida/pdf/INFOR_downl_broc

hure.pdf (pages 25 et 26).

BonusDeux exemples récents de dérives du secteur

Schumi, la métastase de BobEn avril 2008, les abribus de Bruxelles 1 se sontparés d’un apparent civisme « responsable ».Bacardi et Schumacher nous conseillaient « Sivous sortez ce soir, prenez un taxi ». C’est sympa,on n’y aurait pas pensé tout seul. Après les cam-pagnes « Bob » initiées par les producteurs debière, voici la campagne « Schumi », initiée parun producteur d’alcool fort. Leur point commun :pas de sortie sans alcool 2, beaucoup d’alcool.Votre unique responsabilité est tantôt de dési-gner un Bob, tantôt de payer un taxi.L’affiche s’adresse à nous en anglais, c’est plus

classe. D’ailleurs, on est entre gens branchés, çase voit au premier coup d’œil. Ici pas de bièrepopulaire, ni de slogan macho, encore moins dedéhanchés lascifs, rien que du haut de gamme :alcool blanc ou coquetels délicats savourés entregens riches et responsables. Alors pourquoi unetelle affiche aux arrêts de bus au lieu des pagesen papier glacé des magazines de luxe ?« L’alcool fort c’est ce qu’on boit, nous les cham-pions » voilà la confidence adressée au petit

peuple, « et d’ailleurs plusieurs verres plutôt bienremplis... ». Le but de ce type de campagne estde fixer le véritable enjeu d’identification sur laconsommation d’alcool. Prendre un taxi n’estqu’un conseil et n’est absolument pas mis envaleur puisque l’image du taxi est totalementabsente et sa référence faite dans un anglais com-pliqué pour le commun des mortels.Bref, cette campagne est une preuve supplé-mentaire que la « responsabilité » de l’indus-trie reste bel et bien de vendre ses produits.Même quand elle prétend, de manière hypo-crite, le contraire 3...

Les membres du Groupe porteur « Jeunes etalcool » vous proposent une série d’outils etd’offres de services sur lesquels ils vous est pos-

sible de vous appuyer pour mener à bien desactions de prévention de sensibilisation, ouencore de formation. Les actions, outils et autres

supports ne vous sont pas présentés ici dans ledétail mais les infos sont disponibles aux coor-données ci-dessous.

Offre d’outils et d’accompagnement

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L’ALCOOL EN MILIEU ÉTUDIANT, ACTES DU SÉMINAIRE DU 28 NOVEMBRE 2007 | 15

Infor-Drogues, avec le soutien du groupeporteur ‘Jeunes et alcool’Texte paru dans Education Santé n° 235, juin2008

Vente d’alcool aux moins de 16 ansQuand le simple respect de la loi est qualifié decomportement éthique!Une nouvelle campagne de sensibilisation rela-tive à la consommation d’alcool par les jeunes,vient de voir le jour sous le nom « Respect 16 » 4.Le but annoncé de cette campagne est de don-ner aux distributeurs d’alcool et au secteur del’Horeca des conseils et recommandations pourne pas servir de la bière aux moins de 16 ans.L’idée est de faire passer le message de façonmoins autoritaire, plus « cool ».Il s’agit, a priori, d’une action très positive. L’al-cool est un enjeu de santé publique important,et de nombreuses actions restent à mener dansce domaine. Parmi celles-ci, il est en effet indis-pensable de sensibiliser et de former les acteursde première ligne, dont notamment le person-nel Horeca, quant à leurs responsabilités en lamatière. Une information sur la législation envigueur est tout autant nécessaire, l’interdic-tion de vente aux moins de 16 ans dans lesdébits de boissons étant encore trop souventignorée. Nous pouvons croire aussi que le sec-teur brassicole a intérêt à promouvoir uneconsommation plus responsable de ses produitsafin de ne pas en détériorer l’image.Dans les faits, InBev ne se contente pas de don-ner des conseils aux professionnels mais se per-met également de donner des conseils auxparents dans leur manière d’agir avec leurs ado-lescents. Si, a priori, cette initiative peut sem-bler louable, la forme et le message de cettecampagne suscitent à tout le moins question-nement.En effet, baser cette campagne sur le respect,sans s’attarder – et telle est sa finalité – sur l’in-terdiction légale de servir de la bière aux moinsde 16 ans, n’est pas judicieux. En agissant dela sorte, le jeune pourrait comprendre que ledébat se situe dans un cadre éthique et nondans un cadre légal.Or, la loi interdit la vente d’alcool aux mineurs,en raison des dangers évidents liés à uneconsommation régulière ou abusive d’alcool :conduites à risques, phénomènes de violence,relations sexuelles non protégées ou non dési-rées, dangers psychologiques, accoutumance...et non parce que boire de l’alcool quand on a15 ans ce n’est pas « cool ».L’opérateur (Inbev, et les brasseurs belges)n’adopte pas le bon ton, il stigmatise le jeunedans sa campagne, stimule l’intérêt du public

au produit : le serveur excite le taureau (nous,les consommateurs) avec une bière qu’on essaied’attraper mais qui nous échappe, et cela nousénerve. On peut dès lors s’interroger sur leseffets réels attendus de la campagne : sera-t-elle contre-productive ? D’un point de vue stric-tement commercial l’opérateur aurait tout à ygagner.Dans cette action promotionnelle, ce qui sautesurtout aux yeux c’est que l’opérateur n’a pasla crédibilité nécessaire pour mener ce typed’action. Il est juge et partie : confie-t-on la pré-vention du tabagisme aux cigarettiers 5? Oula prévention des maladies aux firmes pharma-ceutiques 6?Autant l’opérateur est dans une certaine mesurelégitime pour s’adresser directement aux pro-fessionnels du secteur Horeca, autant diffuserdes messages de prévention n’est pas de sonressort. Le CRIOC, les Fedito’s wallonne etbruxelloise et le Groupe porteur « Jeunes etalcool » en Communauté française plaidentpour que ce genre de campagnes de sensibili-sation émane d’organismes totalement indé-pendants des intérêts marchands, et toutparticulièrement, dans le cas de l’alcool, de ceuxdes alcooliers.Autre paradoxe et pas des moindres : commentInBev peut-elle faire de la sensibilisation, touten visant de plus en plus les jeunes dans sescampagnes marketing 7 et en affirmant commele déclare le directeur des brasseurs belges :« Nous sommes fiers des bières que nous brassons

et de l’effet positif qu’elles peuvent avoir dans lavie quotidienne » 8. On peut penser qu’Inbevcherche plus à déplacer le nécessaire débat surla place de l’alcool dans notre société et notreéconomie et à occulter sa part de responsabi-lité dans les consommations nocives d’une par-tie de la population.La grande visibilité médiatique de cette actionne semble dès lors pas s’adresser au public pré-cis du personnel Horeca, mais bien aux médiaset au monde politique afin de s’acheter uneimage d’entreprise responsable et éthique. Laréalité est bien différente : cette entreprisefinance des événements sportifs, utilise des tech-niques pointues pour fidéliser les jeunesconsommateurs (actions spécifiques pour lesmouvements de jeunesse par exemple, ou viades publicités associant alcool, virilité et perfor-mances sportives, sponsoring des cercles étu-diants...) et mène dans les faits toutes actionspouvant augmenter son volume de vente, fidé-liser et renouveler sa clientèle, et garder en l’étatune législation permissive, particulièrementdans le domaine des stratégies marketing.Sentant le vent qui tourne, Inbev cherche-t-il àse prémunir contre la fin de l’autorégulation dusecteur des alcooliers que de nombreux acteursen promotion de la santé et en santé publiquesouhaitent ?En attendant le Plan d’action national alcool(PANA), nous réitérons notre demande pourune législation univoque et mieux contrôlée etdénonçons cette action promotionnelle dediversion de la part des entreprises brassicolesréunies derrière cette campagne.

CRIOC, Fédito’s wallonne et bruxelloise,Groupe porteur ‘Jeunes et alcool’Texte paru dans Education Santé n° 237,septembre 2008

5 C’est déjà arrivé (ndlr)...

6 C’est encore plus fréquent (ndlr)!

7 Les dossiers de l’éducation aux médias n°3, Media

Animations, 2007 : « Les publicitaires savent pourquoi - Les

jeunes, cibles des publicités pour l’alcool » (téléchargeable :

www.jeunesetalcool.be)

8 « Responsible brasseurs », La Libre Belgique, 22/05/084 http://www.respect16.be

Page 16: L’alcool en milieu étudiant

SommaireLe contexte général

Introduction 2

Le point de vue de la Ministre de la Santé, par Brigitte Charles 2

Le point de vue de la Ministre de l’Enseignement supérieur, par Anne-Marie Champagne 3

Le point de vue de la Fédération des étudiants francophones, par Mathias El Berhoumi 4

L’alcool estudiantin : transition entre l’usage adolescent et adulte ?, par Damien Favresse 5

Les étudiants et l’alcool : pratiques et influences, par Martin de Duve 6

Quelques réalités de terrain

L’UCL, par Michel Taverne 9

Le contexte montois des FUCaM, par Philippe Scieur 10

La situation aux Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix, par J.-R. Honorez et J. Delville 11

Le PSE libre du Brabant wallon, par Anne-Catherine Jacquet 11

Les ateliers

Réduction des risques et des nuisances, par Christian De Bock 12

Alcool et santé, quels risques à court, moyen et long terme ? En quoi les équipes PSE sont-elles concernées ?, par Colette Barbier 13

Offre d’outils et d’accompagnement, par Martin de Duve 14

Bonus

Deux exemples récents de dérives du secteur, ‘Schumi, la métastase de Bob’ et la campagne ‘Respect’ à destination de l’Horeca 14

L’alcool en milieu étudiantActes du séminaire du 28 novembre 2007 (Louvain-la-Neuve)

Secrétariat de rédaction : Christian De Bock

Photos et illustrations : Isopix, Fotolia, Univers santé

Mise en page : Muriel Logist

Impression : Impaprint

Tirage : 800 exemplaires

Editeur responsable : Martin de Duve, Place Galilée 6, 1348 Louvain-la-Neuve

Education Santé est un mensuel belge fran-cophone spécialisé en promotion de lasanté. Il s’adresse à un public de relais,professionnels de la santé et du social,enseignants et étudiants... Il paraît 11 foispar an et est disponible exclusivement surabonnement (gratuit pour la Belgique).Education Santé est réalisé dans le cadred’une collaboration entre les mutualitéschrétiennes et socialistes, et bénéficie dusoutien financier de la Communauté fran-çaise.Pour en savoir plus : www.educationsante.be

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