l’infirmière et l’intimité du malade hospitalisé le respect de l’être humain ne saurait...

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RECHERCHE L’infirmière et l’intimité du malade hospitalisé par Marie-Christine PARNEIX Marie-Christine PARNEIX Surveillante CHR Limoges

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  • RECHERCHE

    L’infirmière

    et

    l’intimité du malade hospitalisé

    par

    Marie-Christine PARNEIX

    Marie-Christine PARNEIX

    Surveillante CHR Limoges

  • Sommaire

    Avant-propos 23

    Introduction 24

    PREMIERE PARTIE : Intimité et Soins Infirmiers 25

    Chapjtre 1 : Intimité 25

    Chapitre 2 : Les Soins Infirmiers : une atteinte à l’intimité du malade 29

    Chapitre 3 : Hypothèse de travail 33

    DEUXIEME PARTIE : L’Enquête 34

    Chapitre 1 : Méthodologie d’enquête 34

    Chapitre 2 : Analyse des résultats d’enquête 36

    Chapitre 3 : Synthèse des résultats 66

    TROISIEME PARTIE : Propositions 67

    Conclusion 71

    Annexes 72

    Bibliographie 73

    ***

    2 2 Recherche en soins infirmiers No9 Juin 1987

  • Avant-propos

    Pourquoi avoir choisi un thème ayant trait à l’intimité du malade ?

    Deux faits m’y ont amenées,: le premier est lié à l’expérience de la maladie que j’ai pu faire, lesecond correspond à la préoccupation qui a été la mienne à la suite de cette expérience, dans ma

    profession d’intïrmikre.

    Etre obligée de soutirer des informations me concernant, concernant mon corps malade, n’existerque comme un cas intéressant, ne pouvoir parler à personne de mon angoisse parce que cela nefaisait pas partie du traitement, sont autan? d’éléments que j’ai ressentis comme frustrants, déper-sonnalisants, destructeurs.

    La maladie m’a fait prendre conscience de ce que pouvait représenter le viol de l’intimité danssa dimension corporelle et psychologique et l’importance que pouvait revêtir le besoin de solitudepour me retrouver, me recréer, exister à nouveau.

    En découvrant ce que pouvait être le besoin d’intimité pour moi, j’ai découvert le besoin d’in-timité de l’autre ; ce que j’avais ressenti en tant que malade, un autre malade pouvait leressentir ; ce que j’avais vécu en tant que malade, un autre malade pouvait le vivre.

    Je me suis alors posé la question de savoir si dans mon exercice professionnel j’avais tenu comptede ce que pouvait être l’intimité des malades que je soignais.

    Etant moi-même sensibilisée à ce problème, j’ai essayé de faire prendre conscience aux soignantsqui m’entouraient de ce que pouvait représenter pour un malade le fait de se retrouver nu sur unlit aux yeux et à la vue de tous, le fait d’être dépossédé de son corps, de son esprit, de tout ce quifait sa vie, (des objets personnels, des photos), le fait de ne pouvoir parler à personne de ce qu’ilressen ta i t .

    Soigner, c’est prendre en considération tous ces éléments, de façon à ce que le malade puissevivre une hospitalisation et non la subir.

    La maladie cela n’arrive pas qu’aux autres. A un moment où à un autre, chacun d’entre nouspeut se retrouver dans un lit d’hôpital.

    Vivre l’expérience de la maladie, lorsqu’on est soi-même soignant, permet d’avoir une concep-tion différente de ce que peut être la maladie, le soin, le malade.

    A partir de ces constatations, il m’est apparu que le malade hospitalisé a besoin de conserver sonintimité, mais que pour le soigner, l’infirmière a besoin de connaître une part au moins de cette in-timité.

    Le but de ce travail sera de formuler un certain nombre de propositions permettant à ces deuxbesoins, intimité d’une part, connaissance d’autre part, à priori contradictoire, de coexister à la foispour le mieux-être du patient et une plus grande effkacité du soignant.

    L’infirmière et l’intimité du malade hospitalisé 2 3

  • ‘/ Introduction

    La personne qui, parce qu’elle ‘est malade, est amenée à séjourner en milieu hospitalier, peutressentir l’hospitalisation avec angoisse. En effet, ne vient:elle pas là pour un problème de santé’dontelle ignore bien souvent l’importance, la gravité, les conséquences ? N’est-elle pas amenée à subi,des examens, recevoir des traitements dont la conduite lui échappe en partie ou totalement ?

    Etre à la’fois coupé de ses habitudes quotidiennes, de son environnement familial et social, setrouver dans l’incertitude de ce que sera son avenir sans pouvoir même contrôler son présent, im-plique un état de dépendance que seule la préservation d’une part au moins de son intimité, de sonêtre, de ses repères, peut atténuer.

    Si la préservation de son intimité est nécessaire à tout homme pour vivre en société, elle l’estencore pour le malade qui est transplanté dans une micro-société, l’hôpital, qui lui est étrangère.

    Or, il nous est apparu que les soignants négligent l’intimité du malade alors qu’ils devraient yprêter une attention toute particulière. Malade parmi les malades, il n’est plus qu’un cas parmid’autres et ses réactions intimes ne sont prises en compte que dans la mesure où elles ont une inci-dence directe sur les soins apportés par l’infirmière.

    L’intimité, à la fois besoin universel de l’homme et besoin individuel de tout homme, n’est pasrespectée. Outre le fait que cette situation accroît encore l’angoisse du malade face à I’hospi,tali-sation, elle ne peut que nuire à la qualité des soins qui ne sont plus que de simples “réparationsmécaniques”...

    Le respect de l’être humain ne saurait s’accommoder de comportements faisant abstraction detout ce qui fait son être, son originalité et sa valeur, tout ce qui fait son intimité.

    Tenir compte de l’intimité du malade, c’est se donner les moyens de le soigner dans les meilleuresconditions possibles. C’est considérer l’individu au-delà de la maladie, et non seulement la maladied’un individu.

    II nous a semblé que ce problème d’atteinte à l’intimité du malade était essentiellement lié aumanque de relation infirmière-malade. En effet, on ne peut pas rcspectcr ce que l’on ne connaît paset s’il n’y a pas relation, il ne peut y avoir connaissance de l’intimité de l’autre.

    D’où l’hypothèse que nous formulons :

    Pour pouvoir aller au-delà de l’hypothèse et analyser objecdvement une situation, nous avonsrencontré des personnes hospitalisées et des infirmières. Ces entretiens nous ont permis de savoircomment les unes et les autres vivent ou ont vécu le problème qui nous préoccupe, et de voir si notrehypothèse était vérifiée ou non.

    Souvent limitée à l’idée de pudeur qui n’en est qu’une composante, l’intimité de l’être humainest une notion beaucoup plus vaste. II nous a donc paru essentiel dans un premier,temps, et pourbien comprendre son importance pour le malade hospitalisé, d’en définir les différents aspects, depréciser les faits qui ncw ont amenée à parier d’atteinte à l’intimité dans les soins infirmiers et àformuler notre hypothèse de travail.

    A partir de là, nous avons analysé les comportements des infirmières et des malades, sans tou-tefois nous pencher réellement sur l’influence des structures sur ces dinërents comportements, pro-blème qui nous paraît à lui seul faire l’objet d’un autre travail de recherche.

    Enfin, nous avons formulé différentes propositions permettant une amélioration de la qualité dessoins infirmier en milieu hospitalier et par là m2me une amélioration de la qualité de vie du maladehospitalisé.

    24 Recherche

  • PREMIERE PARTIE : Intimité et Soins Inlïrmiers

    Chapitre 1 : Intimité.

    Avant d’aller plus avant dans ce travail, nous allons tenter de définir la notion d’intimité.

    1.1. - L’intimité : un besoin de l’homme

    Alan BATES définit l’inlimité comme :

    L’intimité esi un besoin de l’homme au même titre que celui de respirer, boire ou manger.Quelque soi1 sa culture, quelque soit la société dans laquelle il vit, B l’inrérieur de chacune d’elles,des règles assurent l’inlimiré du groupe ou de l’individu. L’homme vit en société, mais pour préser-ver la survie du groupe, pour pouvoir exister lui-même au sein du groupe, il a besoin de se préserver,d’exister en tant qu’individu.

    Dans “La Dimension Cachée”, Edward T. HALL rnonlre comment l’homme, tout commel’animal, a besoin de délimiter un territoire dans lequel il peut se réfugier, espace nécessaire à sonéquilibre. Cei espace peut varier selon les individus el selon les cul~res. HALL démontre commentce qu’il appelle la distance intime, c’est-à-dire quinze à quarante centimètres séparant deux indivi-dus, peut être ressentie différemment selon les civilisations.

    Ainsi, les Américains ressentent une gêne physique extrcme lorsque des étrangers se trouvem àcette dista,nce alors que “pousser çt jouer des coudes en publics sont des traits caracté&iques de laculture du Moyen-Orient” 2

    L’inlimilé de l’espace, si elle varie avec les cultures, est cependant un élément indispensable ila survie de l’individu, sinon, à un momenl ou à un autre, la tension entre les hommes est telle,qu’elle entraîne des phénomènes d’agressivité. Cet élément nous semble imporknt à signaler puisquenous allons parler de I’inGmité du malade en milieu hospitalier. En effet, nous pouvons nous poserla question de savoir si cetle notion d’espace, d’espace intime concernant le malade, est envisagéeet prise en compte par les soignants.

    Si elle est indispensable, l’intimité n’est cependant pas un état déiïnilif. Si elle l’était, l’hommese rewouveraic dans un isolement social el affectif, unç solitude qui pourrait amener une délério-ration el une mort émorionnelle.

    En effet, l’homme a besoin de vivre en groupe pur acquérir une richesse émotionnelle. C’est zitravers la confrontadon avec aukui, l’expérience, que l’homme va se vivre et apprendre à s econnaître. C’est dans la relation avec l’autre que l’homme va prendre conscience de ce que repré-sente pour lui l’intimilé, qu’il va décider de dire ou ne pas dire des faits, des idées, des sentimentsle concernant.

    Le besoin d’intimité, s’il n’est pas définitif, peut se faire sendr à un moment précis pour per-meure à l’homme de s’adapter à une situation nouvelle, .A des srimuli nouveaux. C’est ce que nousallons maintenant envisager à travers les différentes fonctions de l’intimité.

    L’Infïrmière et I’intimité du malade hospitalisé

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  • 1.1.1. - Fonctions de l’intimité

    Pour définir les différentes fonctions de l’intimilé, nous nous sommes inspirée d’un ouvrage pré-ckdemrnent cité : “Les Comportements humains - Conccpis et Application aux Soins Infirmiers”~i

    1.1.1.1. - L’autonomie personnelle

    L’intimité c’est tout ce qui fait la vie de l’individu. C’est ce qui lui est propre. C’est ce qui faitson singularisme. En effet, si le besoin d’intimité existe chez tout individu, chaque individu a uneconception de l’intimité qui lui est propre. L’intimité, c’est aussi le fait que chaque homme est uni-que dans sa Eayon d’être, sa façon de vivre, sa façon de penser, sa façon de prendre en charge sa vieet son devenir d’homme.

    Cette idée s’oppose à la tendance qu’ont les soignants de considérer un malade &xnme üneespèce stéréotypée” ayant les mêmes pensées, les mêmes désirs, les mêmes réactions.

    1.1.1.2. - La libération émotionnelle

    La libération émoti&melle permet à l’homme de se laisser aller à ses sentiments, ses émotions,pour pouvoir supporter une vie, une réalité qui peut être diftïcile.

    Cela peut être le fait de pouvoir pleurer aussi longtemps et plus fort qu’on en a envie sans rendrecompte à personne, simplement parce qu’on a besoin de libérer un surplus d’angoisse, de tristesseOU d’amçrtume.

    Cela peut ètre aussi le fait de manifester sa. joie, sa colère, de façon violente, spontanée, irrai-sonnée.

    Mais cette possibilité, indispensable à un Stre humain,,à un moment précis, pour être lui-mêmesans les barrières et les normes qu’impose la société, est-elle donnée à un malade ? A-t-il le droit etla possibilit6 de pleurer, de se retrouver seul, d’exprimer ses sentiments dans un milieu aseptisé etrigiditîé ?

    1.1.1.3. - L’auto-évaluation

    L’auto-évaluation est le processus par lequel l’homme est capable d’intégrer ses expériences etd’en acquérir une vision significative. C’est ainsi qu’à un moment ou à un autre l’individu peutavoir besoin de se retrouver seul pour faire le point sur une maladie, un deuil, un quelconque évé-nement ayant une incidence sur sa vie. Ce moment privilégié permet de faire un travail sur soi-même, d’intégrer une réalité, un événement qui peut paraître insupportable et insurmontable. Cemoment permet d’évaluer les faits, de les analyser, de les relativiser si, besoin. Cette confrontationavec lui-même montre de quoi l’homme est capable face à l’annonce d’une maladie grave, de lamort d’un être cher ou d’un événement autre risquant de bousculer un mode de vie, un mode depensée, une vie tout entière.

    Ce phénomène d’auto-évaluation nous semble fondamental pour comprendré ce qui peut sepasser chez un malade lorsqu’il apprend la vérité sur sa maladie.

    Lui permettre d’être seul pour se retrouver, faire le point avec lui-même, intégrer une vérité quifait mal, c’est aussi cela soigner, prendre soin de quelqu’un.

    Recherche

  • 1.1.1.4. - Bénéficier d’une communication limitée et protégée

    L’intimité de l’individu doit pouvoir bénéficier d’une communication limitée et protégée.

    Le fait de communiquer avec autrui engage déjà une pari de cette intimité. Communiquer avecautrui, c’est commencer à donner un peu de soi-lnême s’il n’existe pas vraiment la notion de conti-dence. Dire à l’autre, c’est d’une certaine facou aussi, se dire.

    Mais le fait pour I’homme de dire quelque chose d’important, de fondamental sur un plan mo-ral, philosophique, physique, doit pouvoir bénéficier de la certitude que ce qu’il dit ne sera pas 16pété. C’est ainsi que certaines caiégories socio-professionnelles telles que les avocats, les prêtres, lesmédecins es professions para-médicales, sont tenues au secret professionnel. La notion de sec~ctprofessionnel a été instaurée dans l’intérêt de celui qui confie, de façon à garantir le secret sur tuutcc qu’il a pu dire, ce qu’il a pu faire, ce qu’il a pu dévoiler sur lui-même.

    La violakm du secret professionnel est passible d’une juridiction pénale. La loi garantit doit

  • social, individualiste, subversif. L’état fera alors tout pour que cette intimité n’existe pas, car elleest alors synonyme d’opposition ou, de dissidence.

    Dans les états démocratiques, il existe une publicité relative de l’ttat, des débats publics, la li-bertk d’kociation, de réunion, Paradoxalement, alors que beaucoup d’informations sont renduespubliques, l’intimité, la vie privée de l’individu est préservée.

    Dans ces systèmes démocratiques, la notion d’individualité est respectée car elle est à la basemême du système. Individualité, intimité et liberté sont liées. Elles sont ce qui permet à l’hommed’accepter le groupe, la société, de vivre avec, de créer.

    En prenant l’exemple de ces deux systèmes politiques,-nous pouvons nous demander si, d’unecertaine façon, l’hôpital n’est pas un endroit où règne un système totalitaire et où l’individualité, lebesoin d’intimité, sont considérés comme déviants.

    Dans ce cas, l’intimité ne peut être respectée puisqu’elle s’oppose au systématique, au palpable,au contrôlable.

    L’intimité, c’est en effet, une part de la liberté individuelle de l’homme. C’est ce qui lui appar-tient au plus profond de lui-même et. qu’il pense ne pas devoir ou ne pas pouvoir divulguer à n’im-porte qui. C’est cette part du choix qui existe en tout homme, qui fait à la fois sa valeur et savulnérabilité.

    Nous venons d’envisager ce qu’était l’intimité, ses fonctions et ses variables. Nous allons à présentnous pencher sur ce que peut être l’intimité pour le malade.

    1.2. - L’intimité et le malade

    1.2.1. - Etre malade

    Le malade est quelqu’un qui à un moment donné de son existence ne peut assurer seul la satis-faction d’un ou de plusieurs de ses besoins. Ces besoins peuvent être physiques, mentaux, psychoaffectifs.

    C’est quelqu’un qui à un moment de sa vie va être en état de régression, de dépendance. Lebesoin d’intimité sera alors d’autant plus grand que le malade aura besoin de retrouver des pointsde repère qui lui sont propres, qui sont liés à son existence, à sa façon d’être, pour affronter la si-tuation qui est la sienne.

    Le malade n’est pas quelqu’un de désincarné, de mythique. II est quelqu’un qui existe, quisouffre, qui a peur, qui vit. L’homme malade existe d’abord en tant qu’homme. La maladie est unmoment de sa vie, dans sa vie. II a un passé, il a un présent à travers ce qu’il peut vivre, ce qu’ilpeut être dans sa maladie. Il a un futur. L’homme n’est-il pas avant tout un être en projet ?

    Et comme le dit le Docteur OSLER :

    1.2.2. - Les différents aspects de l’intimité du malade.

    Différents éléments constituent l’intimité du malade.

  • 1.2.2.1. - L’intimité corporelle

    Nous appelons intimité corporelle la façon dont le malade vhit son corps malade, la façon dontil ressent les soins qui peuvent être donnés à ce corps. Le corps malade ne correspond plus toujoursà l’image que l’individu peut avoir de son corps. Ce corps peut être déformé, amaigri, amputé.Quelle peut être la réaction du patient qui n’aime plus son corps, ne le reconnaît plus, et le voitmis à nu ?

    A ce moment-là, pudeur et intimité ne font qu’un. Mais, le soignant sait-il encore ce que re-présente la pudeur pour le malade ?

    1.2.2.2. - L’intimité psychique, affective, intellectuelle

    Dans cette dimension psychologique de l’intimité, nous envisageons ce qui fait la réalité dumalade, ce qu’il est en tant qu’être humain, en tant qu’individu. Ce qu’il est par rapport à un passé,à sa vie, à ses expériences vécues. Ce qu’il est par rapport à son présent, à d’éventuels problèmes liésà son hospitalisation. Ce qu’il est par rapport à son futur, à des projets éventuels. Comment en tantque malade voit-il son avenir ?

    Son intimité, c’est aussi tout ce qu’il est dans sa vie sociale, familiale, professionnelle. C’est toutce que représente pour lui la famille, la profession. C’est tout ce qui fait ses joies, ses problèmes, sesenvies, ses insatisfactions par rapport à ces différents pôles d’intérêt.

    L’intimité, c’est aussi la façon dont le malade au plus profond de son être vit sa maladie, sa vie,la façon dont il appréhende la mort. Que représente pour lui la maladie ? Quelles sont ses angoissespar rapport à celle-ci ? Quelle signification ont la vie et la mort pour ce patient ?

    D’autres éléments nous semblent importants à préciser par rapport à cette notion d’intimitépsycho log ique .

    Dans ce qui constitue l’intimité du malade, il nous faut faire une part à tout ce qui fait laconscience que le malade a ses droits en tant qu’être humain. C’est le droit à l’information, le droitau respect, le droit à la vérité, le droit aux soins et à la qualité de ceux-ci. C’est aussi le droit à lasolitude à laquelle il peut aspirer pour se retrouver, faire la point par rapport à sa maladie, parrapport au désir de savoir la vérité, par rapport à ce qu’a été sa vie et ce que peut être sa mort.

    A un moment ou à un autre, la malade peut avoir envie de parler et il a besoin que ce qu’il ditsoit communiqué de façon limitée. Le malade doit pouvoir à un moment ou à un autre confier cequ’il ressent, ce qu’il vit, ce qu’il pense à une infirmière. Pour cela, il doit pouvoir avoir confianceen la personne à laquelle il s’adresse et être sûr que ce qu’il dit ne sera pas répété. La discrétion doitêtre garantie par la notion de secret professionnel auquel est tenu tout personnel infirmier.

    Nous avons envisagé successivement ce que pouvait être l’intimité corporelle, l’intimité psycho-logique. Nous allons maintenant définir ce qu’est l’intimité morale.

    1.2.2.3. - Intimité morale

    Dans cette idée d’intimité morale, nous placerons les croyances philosophiques, les opinions po-litiques, la religion.

    L’intimité morale fait que l’homme, à partir de ses croyances, de ses opinions philosophiques,religieuses, va avoir une attitude, une vie différente de celle d’un autre. Admettre l’intimité del’autre, c’est aussi admettre sa différence et la respecter. Suivant la conception qu’il a de l’homme,de la vie, d,e la mort, la façon dont un patient vivra l’hospitalisation, la maiadie, peut être différentede celle d’un autre.

    L’individu malade vit dans une société donnée, avec des références morales qui sont les siennes.Pour soigner, il nous semble impossible de laisser de côté les éléments socio-culturels, philosophiquesou moraux d’un individu. Le p&sonnel soignant aurait tendance à envisager le malade comme isolé,dans un cadre donné, l%ôpital, et comme objet de soin. La notion d’intimité qui fait la spécitïcittde chaque individu s’oppose à celle d’objet. Etre conscient de l’intimité de l’autre, du malade, c’estne plus le considérer comme objet de soins, mais comme sujet.

    L’hiïrmière et l’intimité du malade hospitalisé

  • Chapitre 2 : Les Soins Infirmiers : une atteinte à l’intimité du malade

    Le problème qui se pose à nous est le suivant :

    Dans les soins infirmiers, il existe une atteinte à l’intimité du malade. A partir de faits relevésdans notre exercice professionnel, nous pouvons dire que ces atteintes à l’intimité peuvent êtreconsidérées de deux façons :

    - Ce que nous appelons les atteintes gratuites à I’intimité.- Ce que nous appelons les atteintes à l’intimité nécessitées par le fait de soigner.

    2.1. - Les atteintes gratuites à l’intimité

    Ce que nous appelons les atteintes gratuites à l’intimité, c’est le fait d’entrer dans l’in&% desmalades sans que cela soit utile pour les soigner.

    2.1.1. -- L’intimité de l’espace

    Ainsi, en milieu hospitalier, l’intimité de l’espace du malade n’est pas respectée. Le personne1entre dans la chambre du malade le plus souvent sans frapper. Celle-ci n’est pas l’espace du malademais un lieu que les soignants investissent et parfois mème envahissent. Les allées et venues des dif-férents membres du personne1 se succèdent, deux ou trois personnes entrent dans la chambre alorsqu’une seule est nécessaire pour’effectuer un soin. Dans les chambres à plusieurs lits, les maladespeuvent à peine organiser leur espace. Quand ils l’ont fait, les objets personnels sont alors gênantspour faire le ménage. On les déplace, on les manipule. Ces objets sont souvent ce qui relie le maladeà sa vie, à ce qui se passe à l’extérieur de l’hôpital. Ce sont ses points de repère et à l’hôpital, biensouvent, on n’en tient pas compte.

    De la même façon que le soignant ne respecte par l’intimité de l’espace et les objets des malades,il ne respecte pas non plus l’intimité de leur vie privée.

    2.1.2. - L’intimité de la vie privée

    2.1.2~1. - L’inventaire des vêtements

    La vie privée des malades est “déballée” en même temps que les vêtements lors d’un inventairede ceux-ci. C’est ainsi que l’on voit des soignants sortir d’une valise ou d’un sac et compter tous lesv&tements et sous-vêtements du malade. De là à ce que le malade s’excuse de n’avoir pas de vête-ments assez coquets et chics, il n’y a qu’un pas. L’inventaire des vêtemetits, ce n’est pas seulementle fait de compter le nombre de chemises et de culottes, mais c’est aussi la possibilité de percevoirles conditions de vie, d’hygiène d’un malade. Cela peut être un excellent moyen pour cataloguer lesmalades, dès leur arrivée dans un service, selon le contenu de leur valise.

    Un inventaire, cela veut dire : des personnes étrangères qui touchent, qui regardent des élé-ments révélateurs de la vie d’un malade. C’est voir ce qui habituellement est caché, les sous-vêtements exposés aux yeux et à la vue de tous, après avoir été souvent “déballés” par des mainsétrangères qui n’attachent plus beaucoup d’importance à ce qui est devenu un geste routinier.

    Le malade entre-t-il dans un lieu de soin ou entre-t-il dans un lieu de détention où les gardiensinspecteraient ses vêtements ? C’es~t la question que nous pouvons nous poser.

    Si en réalisant un inventaire, le personnel soignant entre dans la vie privée des malades, quel-quefois même sans s’en rendre compte, à d’autres moments, le désir d’en savoir plus sur les patientspour satisfaire une curiosité personnelle est bien présent, et bien conscient,

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    Recherche

  • 2.1.2.2. - Les Questions indiscrètes

    Ainsi, nous pouvons entendre des infirmières dire à un malade :‘Voire femme n’est pas uenue oous uoir aujourd’hui ? -Mais qui était la dame qui uous a renduvirile ? Cest votrefille ?”

    De quel droit l’infirmière se permet-elle de poser ces sortes de questions ? Les visites que reçoitle malade font partie de sa vie et il n’a de compte à rendre à personne.

    Le soignant est constamment présent dans ce qui fait la vie d’un malade à l’hôpital, et il sepermet, en plus, d’entrer dans la vie privée du malade, non pour l’aider, mais pour en savoir plusà des fins personnelles.

    Si le ,malade &Pond à la question posée, que ferons-nous de cette réponse ? L’utiliserons-nouspour mieux le soigner ou, au contraire, nous contenterons-nous d’avoir appris quelque chose de plussur sa vie.

    Qu’est-ce qui est le plus important pour soigner un malade ? savoir si ce malade reçoit des vi-sites, ou savoir qui sont ces visites.

    2.1.3. - L’htimité corporelle

    Deux éléments, pudeur et morcellement du corps, nous semblent importants à traiter en ce quiconcerne les atteintes à l’inlimité corporelle du malade.

    2.1.3.1. - La Pudeur

    La notion de pudeur est liée d’une part à un phénomène socio-culturel, d’autre part à un phé-nomène individuel. L’idée de pudeur corporelle évolue. Ainsi, au début du siècle, il n’était pas en-visageable pour une femme de découvrir sa cheville. Nous vivons actuellement à une époque où lesseins nus sur une plage font partie de la vie courante. La notion de pudeur est donc liée à celle detabous d’une société. Dans la mesure où les tabous évoluent, la pudeur fait de même.

    La pudeur corporelle est également rattachée à l’image de la sexualité. Un corps mis à nu, n’estpas seulement un “objet” anatomique, mais également un “objet” de désir.

    Comment peut réagir un malade à qui une infirmière réalise un sondage vésical devant plusieurspersonnes ? L’infirmière fait un geste technique, mais d’autres personnes regardent. Ce corps mis ànu, observé, comment le malade le perçoit-t-il ? Sa pudeur à ce moment-là peut être atteinte. Maisil peut exister aussi l’impression que ce corps n’existe que comme objet à qui on fait des choses, sanstenir compte de ce que cela peut représenter pour lui.

    2.1.3.2. - Morcellement du corps

    Le deuxième élément qu’il nous a semblé important d’envisager, c’est le fait qu’à une époqueoù les soignants parlent beaucoup de soins individualisés, les intïrmièrçs ont encore tendance àtraiter I’organe malade sans tenir compte du malade.

    C’est ainsi que l’infirmière va se pencher sur I’ulcère variqueux, le traiter avec les produits et lespommades prescrites, mais sans expliquer au malade comment sa plaie évolue, sans la lui montrer.Ce qui intéresse I’infirmière, c’est l’ulcère variqueux sur lequel elle va exercer une technique bienrodée. Ce n’est pas le malade et la façon dont il peut voir cette plaie qui vont poser problème àl’infirmière. Le malade arrive à l’hôpital avec un corps souffrant, l’infirmière lui renvoie l’imaged’un corps décpupé selon la pathologie. Le malade a l’image d’un corps qui est le sien, son imageintime, et le soignant ne lui renvoie que l’image d’une partie de ce corps, Et si le malade rejette cettepartie du corps malade, que se passe-t-il ?

    II existe alors deux visions opposées : celle du soignant qui ne s’intéresse qu’à la partie du corpsmalade, celle du malade, qui, lui, veut exister par tout ce qui fait son corps vivant,

    L’infirmière se situe alors en technicienne, en spécialiste d’un soin, alors que le malade attendquelqu’un qui aide l’individu souffrant qu’il est à ce moment donné de sa vie.

    L’infirmière et l’intimité du malade hospitalisé

  • Et comme le dit Bernard SHAW :

    Nous avons envisagé les atteintes gratuites à l’intimité, mais nous pouvons aussi nous demandersi le fait de soigner n’amène pas à un moment ou à un autre à entrer dans l’intimité du malade,mais dans un but précis, celui de soigner.

    2.2. - Les atteintes à l’intimité du malade liées aux soins;

    2.2.1. - Les selles

    Lorsqu’une infirmière demande à un malade combien de ‘fois par jour il va à la selle, celui-cipeut juger cette question indiscrète et estimer que cette situation intime ne regarde personne d’autreque lui. Pourtant, si la fonction d’élimination est perturbée, il est important que l’infirmière le sachepour pouvoir y apporter une réponse adaptée.

    2.2.2. - Le Poids

    De la méme façon, demander son poids ou faire peser un malade à son arrivée à l’hôpital peutêtre perçu comme une atteinte à son intimité. En général, un individu n’aime pas dévoiler sonpoids. C’est très souvent un sujet tabou, lié à l’image du corps et à l’éloge de la minceur qui est lanôtre dans la société contemporaine. Voir son poids inscrit sur une feuille de température, c’est aussivoir afficher ce que l’on cache parce que cela ne correspond pas forcément à ce que l’on voudraitêtre, à l’image que l’on voudrait~ avoir de soi-même.

    Pourtant le poids fait partie des surveillances que l’infirmière doit exercer. Aussi, elle doit pou-voir connaître cette donnée, de façon à entreprendre des actions avec le malade, ou pour exercerune surveillance par rapport à un traitement donné.~

    2.2.3. - La Boisson

    Demander à un malade ce qu’il boit, ce qu’il mange, c’est entrer dans son mode de vie, dans sonmilieu socio-culturel.~ Sinon pourquoi les malades seraient-ils aussi réticents à confier ce qu’ils boi-vent. Là encore, nous entrons dans le domaine de la morale. Si un malade boit deux ou trois litresde vin par jour, osera-t-il le dire à l’infirmière ? N’aura-t-il pas l’impression que c’est mal, que’celane correspond pas aux normes établies ?

    Or, là encore, il est important que l’infirmière sache ce que le malade boit de façon à pouvoirprendre en compte cet élément pour le soigner, pour l’aider psychologiquement si on est amené dansle traitement à le priver d’alcool.

    2.2.4. - Les Soins du Corps du Malade

    Soigner, c’est aussi avoir une r+tion au corps du malade par le toucher, le contact physique.

    Lorsqu’une infirmière fait la toilette d’un malade qui ne peut la faire seul, il peut se poser àcelui-ci deux problèmes : celui de la dépendance physique et celui de voir son corps lavé, manipulépar d’autres mains que les siennes.

    Le problème de la dépendance existe dans la mesure où le malade accepte mal le fait de nepouvoir satisfaire seul son besoin d’hygiène. II est obligé d’avoir recours à une personne étrangère,une soignante, certes, mais une étrangère tout de même.

    Lorsque nous parlons d’étranger, nous voulons dire à la fois la personne qu’on ne connaît paset celle qui est “étrange”, différente de nous.

    6 KLOTZ (H.P) .-L’Ho-e Mnhde.- Paris. : Mercure de France, 1977, p.13

    3 2

  • C’est ainsi qu’en début d’hospitalisation, l’infirmière peut être perçue comme une étrangère parle malade. D’une part, il ne la connaît pas en tant que personne, elle est l’infirmière, et,. d’autre part,elle lui paraît différente de lui. 11 est malade, elle est soignante ; il arrive dans un monde hospitalierqu’il ne connaît pas, elle,,vit dans ce monde hospitalier.

    Comment l’étrangère peut-elle devenir pour le malade celle qui va donner des soins, la profes-sionnelle ? A partir du moment où il existe une relation avec le malade, à partir du moment où lesgestes que fait l’infirmière, les paroles qu’elle dit ne sont pas stéréotypées, mais tiennent compte dela personne qu’elle soigne.

    Cette idée de soignant-étranger peut donc évoluer entre le début et la fin d’une hospitalisationpar l’intermédiaire de la relation inter-personnelle infirmière-malade. A ce moment-là, le maladen’est plus un malade, mais Monsieur X ou Y qui vit quelque chose de particulier à un momentdonné de sa vie et l’infirmière devient quelqu’un à qui on peut parler si le besoin s’en fait ressentir,qui peut aider si l’on ne peut se débrouiller seul.

    Mais combien de fois avons-nous pu entendre des malades dire avec quelque amertume dans lavoix :

    Souvent pour le malade, le problème est ce quelqu’un d’autre, surtout en début d’hospitali-sation. Même si le soignant est attentionné, attentif au malade, il est encore ce quelqu’un d’autre.Etre lavé par une autre main que 1% sienne, cela veut dire une autre appréhension du corps, celaveut dire des gestes différents de ceux dont on a l’habitude. La main du soignant ne connaît pas lecorps du malade comme il le connaît lui-même. Cette dimension intime du toucher, de la douceurou de la fermelé d’un geste est alors laissée a~ soignant.

    Poser Une sonde à quelqu’un qui n’urine pas, faire un lavement, sont autant de gestes infirmiersqui peuvent être perçus par les malades comme des atteintes à leur intimité corporelle.

    Mais, soigner, c’est aussi cela : accepter que le malade puisse vous percevoir à un moment donnécomme gênant, comme dérangeant, parce qu’associé à l’image de la maladie, de la dépendance,parce qu’entrant dans une intimité qu’il va vouloir cacher par l’agressivité, l’ironie ou l’humour.

    La reconnaissance des besoins d’intimité du,malade va passer par la relation infirmière-malade.C’est elle qui permet de décoder à travers le non-dit ce besoin d’intimité. C’est elle qui permet dele comprendre, d’en accepter les variations selon les individus et les étapes de l’hospitalisation. C’estelle qui permet d’y répondre de façon adaptée, c’est-à-dire ne pas laisser le malade dans une solitudecomplète sous prétexte d’intimité ou au contraire envahir cette intimité pour ne pas laisser le maladedans la solitude. C’est la relat+n qui va permettre de doser et de respecter l’intimité du malade.

    Chapitre 3 : Hypothèse de travail

    A partir des faits relevés : atteintes gratuites à l’intimité, atteintes à l’intimité liées au fait desoigner, et à partir de l’importance de la relation, nous sommes amenée à formuler l’hypothèse sui-vante :

    La rcponse au besoin d’intimité du malade passe par la relation interpersonnelle infirmière-malade.

    Si l’infirmière ne connaît pas ce que peut être Yintimité du malade, elle ne pourra en aucun casla respecter. La notion d’intimité ayant essentiellement une connotation individuelle, l’infirmièrequi n’a pas de relation d’échange avec le malade ne pourra jamais savoir ce qu’est l’intimité d’unmalade donné et par là même ne pourra pas la respecter.

    A la longue, le fait de ne ‘pas tenir compte du besoin d’intimité du malade peut entraîner chezcelui-ci de gros problèmes psychologiques. Il peut ne plus savoir ce qu’il est, qui il est, ne plus avoirconscience de ce qui lui est indispensable et s’abandonner aux soignants qui feront et déciderontpour lui.

    L’hfïrmière et l’intimité du malade hospitalisé

  • Mais comment connaître l’intimité du malade sans la violer ?

    S’il existe un échange, un dialogue, une relation interpersonnelle entre l’infirmière et le malade,la soignante va percevoir des éléments sur l’intimité de ce dernier, Celui-ci, dans la mesure où unclimat de confiance s’est établi, peut aussi dire des choses le concernant, L’homme existe par le re-gard de l’autre, dans la relation avec l’autre. Dans la mesure où il se sent écouté, le malade peutparler de lui, se livrer. Avec l’aide du soignant, il peut aussi prendre conscience de faits importantsconcernant sa maladie, son hospitalisation. A partir du moment où il verbalise une angoisse qui estla sienne, la formule devant une soignante qui écoute, qui comprend, qui aide, l’angoisse devientréalité et peut trouver une réponse. Cette rcponse venant du malade lui-même, l’angoisse étant sonfait et son intimité.

    Mais l’infirmière, à partir du moment où elle connaît l’initimitt: du malade, peut en tenir comptepour le soigner de façon à ce que l’hospitalisation ne soit pas pour lui synonyme de dépersonna-lisation, frustration.

    DEUXIEME PARTIE : L’Enquête

    Dans cette deuxième partie, nous envisageons successivement la méthodologie d’enquête qui aété la nôtre, et l’analyse des résultats.

    Chapitre 1 : Méthodologie d’enquête

    1.1. - Les limites de l’enquête

    1.1.1. - Choix du lieu

    Nous ~YODS choisi de réaliser cette enquête dans le cadre d’un C.H.R. de 2.000 à 2.500 lits.

    1.12. - Choix de la population

    1.1.2.1. - Les infirmières

    Nous souhaitons rencontrer des infirmières des services de chirurgie et de médecine, en omettantvolontairement les services de gérontologie, moyen et long séjour, et de pédiatrie, dans la mesureoù notre étude n’est pas basée sur une tranche d’âge précise de malades (vieillards ou enfants). Nousavons choisi des services dits “actifs”, recevant des malades adultes, de différentes catégories d’âge.

    Pour parler de l’intimité du malade, nous aurions pu envisager de rencontrer des aides-soignantes aussi bien que des infirmières dans la mesure où elles apportent des soins aux maladeset les approchent dans leur intimité. Cependant, pour aborder ce sujet avec le plus de rigueur pos-sible, nous avons décidé de limiter notre enquête à une seule catégorie de personnel soignant.

    En ce qui concerne les infirmières, nous n’avions pas d’exigence quant à l’âge, la date d’obten-tion du diplôme d’état ou le nombre d’années d’activité.

    1.1.2.2. - Les personnes hospitalisées

    Le choix des malades est guidé par plusieurs critères. Ils doivent avoir été hospitalisés dans cemême C.H.R., dans des services de chirurgie ou de médecine. Cela nous paraît indispensable pourqu’il y ait une cohérence dans l’enquête et l’analyse des résultats. L’hospitalisation doit se situerentre 1980 et 1985 de fa~çon à ce que les souvenirs des malades soient les plus précis possibles afind’être exploitables dans le cadre de cette enquête.

    Recherche

  • 1.2. - Choix de la méthode : les entretiens

    Nous avons décidé de réaliser des entretiens avec 15 infirmières et 15 personnes ayant été hos-pitalisées j, le sujet de notre travail se prêtant, nous semble-r-il, beaucoup mieux aux envetiensqu’aux questionnaires. Dans la mesure aussi où notre hypothèse de travail porte sur la relation, ilnous a paru important qu’elle existe à travers les entretiens. Cette méthode nous a permis égalemcncde rencontrer les deux partenaires des soins : les infirmières et les malades.

    Nous avons élaboré les grilles d’entretien autour de deux grands thèmes : l’intimité du maladeet la relation infirmière-malade. Dans la notion d’intimiié du malade, nous avons dégagé troissous-thèmes : l’intimilé de l’espace, du corps, de la vie privée, reflétant, nous semble-t-il ce que peutêtre le besoin d’intimité du malade. Ces deux thèmes : intimité, relation, sont directement liés ànotre hypothèse et sont donc communs aux deux grilles d’entretien.

    Un thème traitant de la charge de travail selon les différents services est abordé dans les entre-tiens avec les infirmières ; ceci pour voir s’il existe des variantes significatives concernant le tempspassé auprès du malade, la perception de son intimité et la relation infirmière-malade.

    En ce qui concerne les entretiens avec les malades, nous avons regroupé dans un mêmethème : “généralités sur l’hospitalisation”, des questions portant sur l’âge, l’année, la durée et leservice d’hospitalisation. Ceci pour envisager les influences éventuelles que peuvent avoir l’âge et ladurée d’hospitalisation sur le besoin d’inlimité du malade.

    1.3. - Déroulement de l’enquête

    L’enquête s’est déroulée entre le 28 Décembre 1985 et le 25 Janvier 1986. Auparavant, nousavons testé nos entretiens auprès d’une infirmière et d’une personne ayant été hospitalisée.

    Nous avons rencontré individuellement quinze infirmières de services de médecine et de chirur-gie, après avoir obtenu l’accord de l’infirmière générale et des surveillantes des services concernés.

    Nous avons présenté le thème de notre mémoire de la façon suivante : “L’infirmière et l’intimitédu malade en milieu hospitalier”. Nous n’avons pas parlé de notre hypothèse de recherche de façonà ne pas influencer les réponses apportées.

    Nous avons rencontré deux infirmières par service, le même jour en règle générale. Dans unservice, une seule infirmière Û accepté de participer à l’entretien.

    Nous a.wns contacté quime personnes ayant été hospitalisées au C.H.R. Nous les avons ren-contrées cheï elles, après avoir pris rendci-vous et présenté l’objet de notre étude. Nous nous sommesentretenue d’une part, avec trois personnes que nous connaissions ; d’autre part, des collègues nousont donné les coordonnées de gens qui accepteraient de nous rencontrer. Enfin, les anciens maladeseux-mêmes nous en ont indiqué d’autres que nous pourrions interviewer.

    Tous les entretiens (infirmières et personnes hospitalisées) ont duré entre 30 et 45 minutes et ontété réalisés avec prise de notes. Celle-ci a été faite pratiquement mot à mot de façon à être le plusobjective possible et reproduire fidèlement ce qui nous était dit. La prise de notes n’a pas gêné ladiscussion dans la mesure où les personnes inkrrogées étaient prévenues.

    Dans tous les cas nous avons expliqué que le contenu des entretiens est totalement anonyme etque ne figurent ni le nom des personnes, ni le lieu où nous les avons rencontrées. Cependant, il afallu le confirmer plusieurs fois à deux infirmières, alors que les malades nous ont dit assumer leursp r o p o s .

    Les infirmières qui ont soulevé le problème de l’anonymat sont les mêmes qui, lorsque nous lesavons contactées, souhaitaient avoir des entretiens de groupe.

    L’Infnrmière et l’intimité du malade hospitalisé

  • A partir de ces deux faits; nous pouvons nous demander si elles refusaient de s’engager indivi-duellement, si le thème de notre ïraGai les gênait ou ne les intéressait pas, si le fait de parler d’unvécu professionnel ne représentait p&pour elles la trahison d’un certain fonctionnement, d’habitu-des de services.

    Le fait d’avoir souhaité des entretiens de groupe pourrait être alors inlerprkté ~omn~e un moyende se protéger, chacun se cachant derrière les propos de l’autre et ne dévoilant ainsi que ce que legroupe veut bien dévoiler.

    Nous tenons à signaler que nous n’avons pas rencontré d’autres oppositions. Ce que nous re-tiendrons de ces entretiens, c’est, à la fois, le nombre et la richesse des informations recueillies, et ladisponibilité des personnes rencontrées.

    1.4. - Les difficultés rencont+ées

    Nous avons été confrontée à différentes diffkultés lors de l’élaboration des grilles d’entretien etlors du déroulement de l’enquète.

    Nous avons eu beaucoup de mal’à réaliser les grilles d’entretien avec les infirmières, alors quele problème ne s’est pas vraiment posé pour les personnes ayant été hospitalisées. Les thèmes à en-visager étaient très précis dans notre esprit, cependant nous avons eu beaucoup de mal à passer del’idée à l’écritux des questions. Nous pouvons nous demander pourquoi ce problème s’est posé pourles grilles d’entretien des infirmières et non pour celles des malades. En effet, nous sommes uneprofessionnelle, nous~connaissons le monde hospitalier et le mode de fonctionnement des infirmièresdans les services de soin et donc la rédaction des grilles’d’entretien aurait dû en être facilitée. Or,il s’est passé tout le contraire.

    Nous pouvons envisager plusieurs hypothèses face à ce problème :

    - Le manque de recul par rapport à notre fonction de soignante.- La diftïculté à passer du monde de l’abstraction, de l’intellectualisation, au monde du concret,

    de la pratique.- La diffkulté à parler aux infirmières d’un sujet ne touchant pas les soins techniques, mais tou-

    chant leur comportement face au malade.

    Les autres diffkultés, nous les avons rencontrées lors du déroulement de l’enquête.

    Le nombre de malades à rencontrer nous a posé un gros problème. Nous ne connaissions pasautant de personnes ayant été hospitalisées ; aussi avons-nous mis à contribution plusieurs“bonnes-volontés” pour nous aider à trouver ces différents anciens hospitalisés. Ces éléments ont li-mité les possibilités de choix et c’est ainsi que nous avons un grand nombre de personnes qui ontplus de cinquante ans alors que nous n’en avons que deux ayant entre vingt et cinquante ans. Apartir de là, il nous sera donc diffkile de faire une étude précise sur l’influence de l’âge sur le besoind’intimité du malade. Nous n’avons pas été assez rigoureuse dans nos demandes.

    Le fait de faire plusieurs entretiens dans une journée nous a paru à la fois difficile et épuisant.Aussi, nous sommes-nous limitée à voir deux personnes par jour en règle générale, sinon nous nousserions retrouvée, comme au début de cette série d’entretiens, en train de faire une course contre lamontre, ce qui peut nuire à la qualité et à la richesse de ces entretiens, Une personne sentant quevous êtes pressée vous dira sûrement beaucoup moins de choses, et vous serez vous-même beaucoupmoins disponible, attentive.

    Nous avons aussi été confrontée à une des diffkultés inhérente, pour des profanes, à la méthoded’entretien : être capable à travers le flot d’informations apportées, de repérer, de reprendre unthème nous paraissant important afin de pouvoir l’exploiter le mieux possible.

    Nous avons enfin rencontré une dernière diffkulté, celle qui consiste à savoir se situer devant lespersonnes rencontrées, non plus comme une soignante, mais comme une étudiante faisant un travailde recherche. D’où le problkne qui consiste quelquefois à ne pas confondre l’entretien d’enquête etla relation d’aide. Ceci est tout particulièrement vrai pour les personnes ayant été hospitalisées qui,souvent, à travers les entretiens, nous confiaient une partie de leur vie.

  • Chapitre 2 : Analyse des résultats d’enquête

    2.1. - Le dépouillement

    Le d6pouillement a ét6 fait, pour les enrretiens avec les iniïrmi&res, puis avec les malades, ques-tion par question, chacune étant analysée séparément.

    Lors de l’analyse des réponses des malades, nous avons rapproché leurs propos,de ceux des in-firmières lorsqu’ils se rapportaient aux mêmes problèmes.

    Enfin, nous avons synthétisi: l’ensemble des réponses obtenues en les confrontant à notre hypo-thèse de travail.

    2.2. - Analyse des résultats

    2.2.1. - Les entretiens avec les infirmières

    2.2.1.1. - La charge de travail des infirmi&es

    Lc tableau ci-joint regroupe les trois premières queskns postks aux infirmières :

    QUESTION No 1 : Dans quel service travaillez-vous ?QUESTION No 2 : Le service est-il sectorisé 7QUESTION No 3 : De combien de malades avez-vous la charge çn 8 heures de travail ?

    Le but de ces questions est de savoir si la présencç ou non de sectorisation et la charge de travaildes infirmières peut avoir une incidence sur le temps passé auprès de chaque malade.

    TABLEAU RECAPITULATIF

    Légendec : Chirurgiem : Medccincsi. : So ins intcnsifk

    : Absence de sçctariration

    1tj*: Sec tor i sa t ion: Une infirmière à mi-tçmps le matin

    2 : 2 infirmitrcs par jour : 1 le malin, 1 k soir3 : 3 infirmicres par jour : 1 Ic matin, 1 Ic soir, 1 faisant des horaires coup& ou 9h-171~304 : 4 infirmieres par Jour : 2 le matin, 2 Ic soir5 : 5 INFIRMIERES par jour : 3 le matin, 2 le soir

    L’Intïrmière et l’intimité du malade hospitalisé

    - ‘54% 3 7 /

  • Sur 15 iniirmièrçs, 9 rravaillenl en chirurgie, 6 en médecine. Sur 15 services, 7 sont sectorisés,dont 3 de soins inknsifs.

    Dans les services non sectorisés, les infirmières nous ont dit devoir s’occuper de 10~s les maladescL les con*miLre. Par connaître, elles entendent être capables de parler des différentes pathologies etdes probknrs que pçuvent pr&enrrr les malades~sur un plan physique.

    A.parlir de ce tableau, nous pouvons dire que nous n’avons pas été sutEsamment rigoureuse surIr choix des services ; seulement 6 services de médecine pour 9 services de chirurgie. Nous auronsdonc du mal à faire unr analyse très fine des différences qui pourraient exister entre !es deux caté-gories de service.

    Nous tiendrons cependant cornpk- de ce tableau pour analyser la question N” 4.

    QUESTION No 4 : Comtien de temps passez-vous auprès d’un malade en 8 heures de1ravail ?

    SUT 15 infirmières, ils disent que le temps passé auprès des malades “dépend des soins” qu’ilsre

  • - Le rravail administratif (6)

    -on *“use beuucuup de lern*s en paperasserie”

    “le téléphone, le papiers à mcltre ùjour, les rende.wous, 9” prend du lemps”- le manque de personnel (1)

    “On n’es1 pris assez nombrenses, iljüut aller vile.”

    Quatre infirmières apportent des solutions à ce peu de temps passé auprès des malades :

    Lorsqu’elles parlent de soins globaux, ces infirmières parlent de soins réalisés en équipe avecl’aide-soignante, mais pour une d’entre elles, pas de façon r&gulière. Ces soins existent lorsqu’il y asuffisamment de personnel e( surtout pour de “gros malades”.

    - Ladossiers de soin (2) :

    ‘Tout en reconnaissant le dossier de soin el le recueil de donn&s comme un moyen de passer aumoins un peu de temps auprès du malade lors de son arrivée, les infirmières l’évoquent en termed’obligation, de devoir. Ne retombe-t-on pas là, encore dans le fait que pour qu’elle passe du tempsauprès d’un malade, il faut que l’infirmière y soit obligée (soins techniques, dossiers de soins).

    Deux infirmières évoquent les week-end comme permettant de passer plus de temps auprès desmalades :

    En synthèse de ce premier thème traitant de la charge de travail de l’infirmière, il ressort quele temps passé auprès des malades dépend essentiellement de l’imporance du soin technique. Apartir de ce fait,, nous pouvons nous demander si les malades qui n’ont que des soins ponctuels, in-jections, comprimés, perfusions voient réellement l’infirmière, car, comme le disent certaines :“bonjour, bonsoir, et on passe à un autre malade”.

    Le deuxième élément qui nous parail important, c’est le fait que l’infirmière passe beaucoup detemps à faire des travaux de type administratifs. Est-elle secrétaire ou soignante ? Si ces travaux sontune gêne à son travail, ce qui esl dit dans les entretiens, nous pouvons nous demander pourquoi elleles fait. I&l-ce lié aux habitudes de service, au désir de faire plaisir au médecin en lui évitant dutravail, à la peur d’affronler les malades sans ie support du soin ?

    II nous faul aussi constater que dans les services de médecine ou de chirurgie, dans les servicessectorisés ou non, le temps passé auprès du malade est dépendanl de la durée des soins. Or, il nous,semblait que la sectorisation avait été envisagée pour permettre aux soigna.nts de mieux organiserla charge de travail et prendre ainsi le malade dans sa “globalil6”.

    Les deux infirmières ayant évoqué les soins globaux travaillent en service sectorisé, mais en règlegénérale avec des soins sériels. Dans ces cas-là, la sectorisation sert-elle vraiment à quelque chose ?Les réponses apportées dans les entretiens semblent nous prouver le contraire. Tout au moins en CPqui concerne le temps passé auprès du malade.

    et Pin&&té du malade hospitalisé 39

  • 2.2.1.2. - L’intimité du malade

    Nous avons tout d’abord abordé l’intimité de la vie privée. La question posée est la suivante :

    - Etes-vous amenée à connaitre certains éléments de la vie privée d’un malade ? Et si c’est le cas,commerlt en tenez-vous compte ?

    Cette question n’étant pas assez précise, nous avons formulé plusieurs sous-questions :

    Ière Sous-QUESTION : Connaissez-vous le mode,de vie des malades ?

    - Les habitudes alimentaires :

    6 infirmières citent les habitudes alimentaires des malades. Elles sont connues et respectéesdans la mesure où le malad& peut choisir ses aliments. Les goûts et les dégoûts alimentaires sontnotés sur le cahier de soin.

    Nous pouvons tout d’abord nous demander pourquoi 6 infirmières seulement envisagent dans leshabitudes de vie les habitudes alimentaires :

    - l’alimentation des malades ne fait pas partie pour elles de son mode de vie.- l’alimentation des malades est devenue une affaire de spécialistes diététiciennes ou hôtelières

    et l’infirmière ne se sent plus concernée.- le malade n’a plus d’habitudes alimentaires à l’hôpital.

    Pour une de ces infirmières :

    Il semble donc à travers cette affirmation que lc malade peut choisir son mode d’alimentation,mais à condition que cela ne dérange pas les habitudes du service.

    Les habitudes du service dekknt-elles devenir celles du malade ?

    - Les habitudes de sommeil :

    12 infirmières demandent au patient ses habitudes de sommeil, mais 15, c’est-à-dire la to-talité des personnes interrogks reconnaissent que le sommeil du malade n’est pas respkcté.

    Les causes données au non respect du sommeil sont :

    - la priorité des soins :

    “si le malade dnrt au momenl des .mins, on ne peut pas en tenir compte”

    “La p&Jritr’ es1 aux soins”

    “Si le malade .xouhnilc se re,fmser et s’il n des soins on n’en tien1 fx~s çomfite. On est à l’usine”- la planification des soins :

    * Les injections de calciparine sont faites en fonction des horaires du service (4)* Les “pansemellls propres” IJ passent avant les “pansements sales”” - (4)

    “Le matin, on le réveille ,benr son fmsemenl, rinon i1.y a un jmblèmc dans l’organisation”* Les surveillances de tension par 3 heures (3), de température (1)

    “si un malade dortjusgu’à 9 heures chez lui, on lui @le loul de même le thermomètre à 6h30”- la présence de plusieurs malades dans la m&ne chambre :

    /,,Recherche

  • “Dans les chambres rl trois lilr, quand on réueille un malade pour un soin, on (en riveille trois”- l’heure précoce des petits déjeuners (4)

    Ce que nous pouvons constater à partir de toutes ces réponses c’est que le sommeil du maladen’est pas respecté. La vie du service s’organise en dehors de lui et non avec lui et cela dans tous lesservices. sectorisés ou non. Ce qui semble importer beaucoup plus que le confort du malade, c’estl’organisation des soins dans un temps donné.

    4 infirmières, cependant, essaient de tenir compte du sommeil du malade ; 3 en revenant plus tardpourj’aire un soin lorsqu’un malade dort, une en éaitunt autant que possible de programmer des soins la nuit.

    Trois soignantes se posent la question de savoir s’il est nécessaire de demander les hàbitudes desommeil des malades dans la mesure où on ne les respecte pas :

    “Connathe le rythme de sommeil ne serl d rien. Ce n’est pas le même à l’hûpitol et on n’en tien1 pascompte”

    “On ne fait que demander, on n’apporte pas de solution adnptée.”Nous pouvons en effet nous poser la question de savoir à quoi servent les questions posées au

    malade sur son sommeil. Nous pouvons aussi nous interroger sur l’importancé que les soignants ac-cordent aux propos des malades dans la mesure oh ce sont eux qui décident de son sommeil et deson rythme de vie.

    - Les habitudes d’hygiène :

    8 infirmières cpnnaissent les habitudes d’hygiène des malades. 7 ne les connaissent pas et ne lesleur demandent pas.

    Les 8 infirmières connaissant les habitudes d’hygiène des malades établissent un recueil de don-nées à leur arrivée.

    4 infirmières estiment gênant de demander aux malades leurs habitudes d’hygiène car :

    - d’une part :

  • répondre à ses besoins, 4 autres que cela ne sert à rien dans la mesure où il n’existe pas de suivi dansles soins ec que cela permel un cataloguage des malades sur des a-priori. i

    Il se pose donc la question de la compréhension du recukil de données et de l’utilisation dudossier de soin. Est-il un moyen ou une finalité ; moyen d’améliorer la vie du malade pendant sonhospitalisation ou finalité, un dossier sur lequel sont notés toutes sortes de renseignements écrits neservant en réalité à personne, ni:ao soignant, ni au malade.

    Nous cans~atons que sur les 15 personnes interrogées, 7 ignorent les habitudes d’hygiène desmalades, 4 autres les connaissent et ,n’ont ,ou ne se donnent pas les moyens de les respecter et 4seulement s’y intéressent.

    - Les loisirs.

    Sur trois infirmières qui parlent des loisirs des malades comme faisant partie de leur mode devie :

    - deux, donnent des informations sur les possibilités offertes par l’hôpital :

    “On leur dit qu’ils peuvent louer une télévision, qu’il y a des ~ezmes, des liures dans le hall. On lesin& à descendre.”

    Mais dans les deux cas, on dit plus qu’on ne demande. On propose mais on ne connaît pas lessouhaits des malades. Les informations données sont les mêmes pour tous.

    - une, pose la question du malade et y répond de façon adaptée :

    “On leur demande s’ils veulent lire desjournaux, .imr qu’ils ne soient .tms coupés du monde extérieur.S’ils le souhaitent, on MI chercher le journal s’ils ne @went .tmy aller seuls.”

    En règle générale, les loisirs des malades sont peu envisagés par les infirmières. Seulement 3 in-firmières sur 15 en parlent. Pourquoi ?

    - Les loisirs sont restreints à l’hàpital- Les malades viennent à l’hôpital pour être soignés. Les loisirs prennent donc une importance

    très secondaire.- Les loisirs deviennent des loisirs institutionnels (la télévision, le tranktor)- Les soignants n’en tiennent pas compte, donc ne les envisagent pas.

    Lorsque les loisirs sont envisagés, ils le font sous forme d’autorisation. Les malades ont le droitou peuvent avoir des loisirs plus ou moins codifiés par les soignants. Or, le loisir est un phénomèneindividuel correspondant à un choix. Le loisir n’est en général pas choisi par hasard, il correspondà ce que l’homme est dans sa vie. C’est en cela que l’on peut le rattacher à la notion d’intimité. Leloisir, pour certains malades, peut être le moyen de mieux vivre leur hospitalisation, pour d’autres,il peut être considéré comme dérisoire parce que cela ne correspond ni à leur état physique, ni à leurétat moral. Les soignants ne peuvent donc pas apporter de réponses stéréotypées, chaque maladeétant diflërent.

    - La profession

    5 infirmières citent la profession du malade.

    Une :“En fonction de & profession, du niaean culturel le ,tmonnel est plus ou moins auennnt. Si c’ast unpaysan, il nltendra de renlrer chez lui pour assurer su besoDu.

    Il mixte une diffence dans la relalion. On prend filus d’égards anec certninespersonncs.”

    Deux :“Cela fait ,$a& des queslions que nous posonr à l’ntim!e du malade.”

    U n e :

    3’ ‘,:

    42-z .-Yb Recherche i

  • “On le mit dans la mesure où le malade mut bien bien le dire. On ne le sait #as loujourr.”

    une :

    10 infirmières n’ont pas parlé de la profession du malade parmi les éléments de sa vie person-nelle. Est-ce parce que la question n’a pas été directement posée, est-ce parce que cela ne revêt pasune grande importance pour elles, parce qu’elles ne considèrent pas la profession comme faisantpartie de la vie privée du malade et faisant plutôt partie de sa fiche signalétique.

    Sur les cinq qui en parlenl :

    Une l’envisage comme un moyen de cataloguer les malades. Suivant la situation socio-professionnelle, il semblerait que les soignants n’aient pas la même attitude, tout au moins sur unplan relaGonne1. Les soignants attacheraient moins d’importance aux besoins et aux demandes d’unmalade paysan qu’à celle d’un malade ayant 5me bonne situation sociale”. Cette phrase soulève leproblème de l’Égalité devant le soin.

    Deux parlent de la situation professionnelle parce qu’elles le relèvent lors de l’entrée du maladedans le service, au même titre que les questions d’ordre administratif.

    Pour une autre, la profession est sue ou n’est pas sue, mais cela dépend du malade et du fait qu’ila envie ou non de le dire. Dans ce cas, le fait de connaître ou non la profession ne joue pas sur lafaçon dont elle soigne le malade.

    La cinquième utilise la profession pour informer, le cas échéant un malade sur le fonctionnementdu miku hospitalier.

    Le fait de citer spontanément, dans ce dernier cas, un paysan ne révèle-t-il pas un à-priori ?Les paysans sont-ils censés tout ignorer du fonctionnement hospitalier, eux et eux seuls ?

    Cette atlitudc nous renvoie d’ailleurs à une autre réponse, celle faisant état de différences derelations avec les malades en fonction de leur milieu socio-professionnel.

    Zème Sous-QUESTION : Informa-vous les malades de la présence d’un aumônier dansl’établissemenl ?

    - 4 infirmières demandent au malade s’il souhaite voir l’aumônier pendant son hospitalisation,el, le cas échéant, le lui transmettent.

    .- 3 infirmières informent les malades qu’il existe un aumônier qui peut les voir s’ils le souhaitent.- Pour les 8 autres personnes, l’information n’est pas faite. Si le malade pose la question, l’infïr-

    mière répond, mais oublie quelquefois de prévenir l’aumônier.

    Dans 8 cas sur 15, si le malade souhaite voir un représentant du culte, il devra le demander. S’ille fait et que sa demande soit transmise, il pourra exercer sa religion, sinon, il devra attendre sasortie pour pouvoir le faire.

    Il semble donc que dans l’ensemble, les infirmières ne se préoccupent pas du problème religieuxdes malades et qu’elles décident en partie de la liberté du malade à exercer son droit au culte. Si laliberté de religion n’est pas envisagée ou n’est pas respectée, c’est une partie de l’intimité moraledes individus qui n’est pas prise en compte. Dans le milieu hospitalier où la maladie et la mort sontomniprésentes, les soignants ne devraient-ils pas considérer les opinions religieuses des malades ?

    3ème Sous-QUESTION : Les malades vous parlent-ils de problèmes très personnels ?

    10 Infirmières disent avoir eu des entretiens avec des malades sur des kjets très personnels.

    D’après ces entretiens, il se dégage plusieurs éléments :

    L’infirmière et l’intimité du malade hospitalisé

  • - Les malades parlent de leurs problèmes j des soignants sans que ceux-ci les,aient incité à parler(4)

    “On peut connaltre du problèmesfamiliaux,Jinanciers, la perte d’un élre cher. C’est eux qui disent,nous, on ne pose pas de questions.”

    Ces infirmières semblent se défendre de poser des questions aux malades. Le fait de parler estlaissé à l’initiative de ceux-ci. Les infirmières ont-elle peur qu’on les juge indiscrètes ? De laconnaissance de l’intimité à l’indiscrétion il peut n’y avoir qu’un pw si l’infirmière ne sait pas cequ’est l’intimité du malade.

    Nous pouvons aussi nous demander si, pour soigner, tenir compte du malade et de ses problèmes,l’infirmière ne doit pas poser des questions à un moment ou à un autre.

    - Les malades parlent parce qu’on les incite à le faire (2)

    “Je con& des choses SUT la vie ptiu& des gens. Je les incite d parler de leur vie, de leur boulot”

    “Ily a da gens, si ox sait bien les prendre, ils peuuent parler de leur uie Pr&, de leurs probknessexuels. Un malade m’nuait dit qu’il prenail des préwuatfx. Il n’était pas gêné, moi non plus, onR parlé.”

    Inciter les malades à parler c’est tout d’abord avoir compris qu’ils ont besoin de parler et ne leferont pas forcément spontanément. Dans ces réponses, comme dans les précédentes, il ne peut yavoir d’interventions systématiques. Partir du malade, de ses besoins, de la connaissance qu’on a delui pour envisager des actions adaptées et ne pas tomber dans les excès : la solitude ou l’indiscrétion.

    - les malades se confient parce qu’il existe un échange, une discussion avec l’infirmière (2)

    “On est amené à conndlre des choses sur les gens, leur vie familiale, leurs enfanls. Les malades enparlent ; GB vient naturellement en discutant auec eux”

    “On coma2 des choses parce que les malades les disenl. On apprend en discutant mec lapers”n?2e.‘~

    - Les malades se confient à l’infirmière parce qu’elle les écoute (2)

    “lly a des gens qui se confient. Les malades voient quand on a le lemps de les kx&r”

    “si elles senlent qu’ily a de l’koute, elles ont envie de parler”

    L’échange et l’écoute semblent donc favoriser les coniï~ences que le malade peut faire aux soi-gnants. Dans les 10 entretiens que nous avons cités, il ressort que les malades parlent d’eux dans lamesure où d’une façon ou d’une autre, l’infirmière s’intéresse à eux et où il existe une relation entredeux personnes. Le fait de connaître certains éléments très personnels de la vie des malades permetde mieux les comprendre, mieux répondre à leur besoin :

    “On peut rassurer un malade si on sait qu’il angoisse”

    “Si on mil des choses, on peut adopter un çornportement en fondion de ce qu’on mit”

    5 infiimières sur les 15 interviewées connaissent peu les problèmes des malades.

    - Une travaille dans un service de soins intensifs où les malades “sont souvent comateux” et oùla priorité est donnée aux soins.

    - Deux invoquent le temps :

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    -Gb- z-

    4 4 Recherche I

  • L’absei;ce ou le peu de relation infirmière-malade apparaît dans ces 5 entretiens. Dans la mesureoù elles voient peu les malades, ceux-ci ne leur parlent pas ou très peu et elles ne pcuvenl connaîtreleurs problèmes ou les tvénements auxquels ils attachent une importance. Les aides-soignantesrcmplisscnt alors le rôle de l’infirmière. Elles deviennent le trait d’union entre l’infirmière et le ma-lade. Mais ie malade parlera-t-il de la même chose i l’aide-soignante et à l’infirmière, leur fonction,leur rôle, leur responsabilité n’étant pas les mêmes.

    L’iulitmière ne pourrail-l-elle pas avoir de relation directe avec le malade ? Que devient alorssont rôle relationnel ? Que devient la connaissance du malade qu’elle doit avoir ? Se contenterait-elle de ue connaîirc que sa pathologie, ses problèmes médicaux ?

    De ce paragraphe concernant les problèmes personnels des malades, leur vie privée, nous pou-vons rctcnir le fait que pour qu’il existe confidence, il faut qu’il y ait relation personnelle entrel’infirmière es le malade.

    4ème Sous-QUESTION : Faites-vous un inventaire des objets et des vêtements du malade ?

    Dans 6 services, un inventaire des objets personnels est fait. La raison donnée :“ou cm où ily aurai1 des fierles ou dor uuli”

    Ces inventaires sont réalisés par les aides-soignantes. Dans quatre cas, ce sont elles qui sortentles vétcments de la valise, dans les deux autres cas ce sont les malades ou leur famille.

    Dans un service, un inventaire était réalisé par les aida-soignantes. Celles-ci refusent à présentde Ic faire car :

    &tuellement les aides-soignantes ne font que l’inventaire des objets précieux que les maladesveulent garder.

    “Ces1 mieux uécu à condilion qu’on donne des explicalionr”

    On peut noter que ce sont toujours les aides-soignantes qui font cet inventaire. Nous n’avons pasposé la question de savoir pourquoi, ce qui aurait pu apporter des cléments supplémentaires à cetteanalyse. Mais deux infirmiéres nous ont répondu spontanément que

    “les imenlaires son1 fails par les nidewoignanleu parce qu’elles conduisen les malades à leurI~~humhrc”

    L’inventaire ferait-il donc partie de l’accueil du malade ?

    En cc qui concerne le mode de vie des malades il ~‘essort que même si les infirmières connaissentdes éléments sur les habitudes de vie, en règle générale elles n’en tiennent pas compte en raison dela façon dont les soins sont organisés, c’est-à-dire en fonction des impératifs, des règles que se fixentles infirmières et non en fonction des besoins des malades. Ceci est très évident en cc qui concernele sommeil. Les infirmières décident pour les malades cc qu’ils peuvent ou doivent fa& sans savoirla plupart du temps ce qu’eux souhaitent faire.

    L’lntïrmière et l’intimité du malade hospitalisé

  • Le dossier de soin semble, dans certains cas, être non pas une aide pour mieux soigner le malade,mais un moyen de le ficher, de le cataloguer selon les à-priori des infirmières. Nous notons cela enparticulier dans les habitudes d’hygiène.

    Le dernier élément que nous relevons est le fait que la connaissance de la vie du malade, de sesproblèmes, passe par la relation infirmière-malade et permet d’apporter au second des réponses

    adaptées. Ceci confirmerait donc en partie notre hypothèse.

    Nous pouvons dire aussi que la relation infirmière-malade n’est pas toujours présente à l’hôpital.

    L’intimité de l’espace et du corps a été etwisagée à travers la question suivante :

    Pensez-vous que le malade peut se sentir à l’aise dans sa chambre ?

    3 infirmières répondent affirmativement, tout en apportant quelques restrictions :

    “Ils sont plus à ,l’aise en chambre seule” (2)

    “Oui, mais le malade est k@urs gêné. Le pyjama de l’hdpital, le vocabulaire, les examens, lePassage, les re.bas et le leuer tôt. Ilfaut s’adapter. Ce n’es1 pas l’hôj&l qui J’adapte au malade.”

    Le malade est à la fois à l’aise dans la chambre et gêné par le fonctionnement hospitalier. Lafaçon dont il va vivre l’hospitalisation, “à l’aise” ou “gêné” dépend essentiellement de sa volonté etde sa faculté d’adaptation. Le malade va devoir s’adapter aux normes de l’hôpital et des soignants.Son choix semble donc très limité.

    5 infirmières pensent que les malades ne sont pas à l’aise dans leur chambre :

    3 qui travaillent en soins intensifs : parce que la priorité est donnée aux soins, aux surveillances.Le bruit des appareils (scopes, respirateurs) est gênant et les chambres sont vitrées pour assurer unemeilleure surveillance des malades.

    “Le local est trisle, ils n’ont pas d’indépendance, ily a du bruil, les chambres sont nitrées. Il n> apas de toiletle. C’est un uniuers clos. Ils sont coupés de l’extérieur. Il n> a pas de lél~phone.”

    1, parce que :“le malade se sent dépersonnalisé, il se sent un numéro”

    La raison donnée à cette dépersonnalisation est le fait que le malade a du mal à se repérer,“beuucoup de gens entrent et sorlenl, jamais les mêmes”

    1, parce que le malade pense avant tout à sa maladie :

    “Une femme gui a eu une maslcclomie ne peut ,e sentir à l’aise. Elle ne uoil que l’amputation.”

    Les 8 autres infirmières font une très nette différence entre les chambres seules et les chambresà plusieurs lits :

    - Les malades sont plus à l’aise en chambre seule. Les raisons invoquées sont les suivantes :- l’espace (4)

    “En chambre seule, ils onl plus d’es,bace”- une plus grande tranquillité (1)

    “Ils peuvent receuoir, mieux dormir, ils sont plus tranquilles pour certains soins”- la possession de l’espace (3)

    “En chambre seule, les malades s’installent”

    “Ça se passe mieux en chambre seule. Ils ont leurs objets personnels, ils ont plus d’intimité. C’estplus clos”

    - Dans les chambres à plusieurs lits les malades ne sont pas à l’aise. Sont en cause :- le va et vient permanent du personnel (7)

  • “Sans arrêt quelqu’un dans la chambre”

    “Dans les chambres à trois lits, c’est la grosse caualcnde, il y a toujours quelqu’un qui entre et quiSO&’

    - les soins faits à la vue de tous (4)

    “Les soins et les toilettes se font deoant toul le monde”

    “On cache avec les dru@, on fait sortir les familles, mais le malade

  • Nous pouvons noter aussi que le soignant décide pour le malade de la chambre dans laquelle ilva aller, de ses compagnons de chambre. C’est aussi lui qui décide de frapper ‘Ou non, d’entrer oud’attendre une réponse.

    2.2.1.3. - La relation

    Le troisième thème de nos entretiens est celui de la relation. Nous allons l’envisager à travers laquestion suivante :

    - Quelle sorte de relation établissez-vous avec le malade ?

    Pour 12 infirmières, la relation s’établit au moment des soins.

    “seulement des relations ponctuelles, liées aux soins”

    “ily a relation chaque fois qu’ily a soin”

    Lorsque les infirmières parlent de soins, il s’agit d’actes techniques (pansements, pose deperfusions)

    Pour 3 infirmières, la relation peut s’établir à n’importe quel moment :

    “j’aime bien bavarder avec les malades quandj’ai un moment”

    4 infirmières citent aussi un autre moment privilégié de la relation avec le malade : l’accueilde celui-ci :

    Le recueil de données, réalisé à l’arrivée du malade est un moyen d’établir un premier contact.

    “On le connaît mieux. On lui a expliqué des choses il se senl plus en confiance”

    Par la suite, la “relation est plus facile”. Elles connaissent le malade, le malade les connaît.

    Nous pouvons cependant dire que la relation avec le malade s’établit essentiellement pendantle soin. Pourquoi ce moment précis ?

    “On ne peut pas faire un pansement sans parler”

    “c’est un moment ptiuilégié, il existe un contact physique”

    “c’est le moment où on jmse le plus de temps avec le mal,zde”

    Si comme nous l’avons vu précédemment, la relation s’établit essentiellement lors des soins, sile temps passé auprès des malades est le plus important lors des soins, que se passe-t-il pour desmalades qui ont peu de soins techniques ? Dans ce cas-là, la relation int’irmière-malade ne lesconcernerait pas.

    “Un malade qui allait mourir sonnait toutes les cinq minutes pour nous forcer à aller le voir”raconte une infirmière.

    Le mourant avait besoin d’une présence, d’une relation. Il réclamait le seul soin auquel il n’avaitpas droit.

    Dans la mesure aussi où il n’y a que des relations ponctuelles entre l’infirmière et le malade,comment les infkmières peuvent-elles connaître les malades et leur intimité ?

    Pour 12 infirmières, la relation infirmière-malade est basée sur le mode affectif, sur la sympathiequ’inspire le malade :

    “ça d4pend des malades”

    48 ReChC!~Ch~

  • Cet Clément nous paraît intéressant. L’affectivité, la sympathie peuvent effectivement entrerdans la ‘relation, mais nous pouvons nous demander si une relation avec le malade doit être bâtiesur ce seul critère. En effet, dans ce cas-là, que se passe-t-il si le malade n’est pas sympathique àl’infirmière ?

    Le malade sympathique est avant tout le malade qui parle facilement (7)

    Le malade doit correspondre à ce que le soignant attend de lui. Mais les soignants nedevraient-ils pas être plus attentifs aux malades qui ne s’expriment pas, sachant que la verbalisationd’un problème permet à ce problème d’être en partie résolu ?

    Face aux malades qui ont du mal à s’exprimer ou qui ne souhaitent pas le faire, nous ren-controns deux comportements des infirmières :

    - Elles laissent les malades dans leur nutisme.

    “3e ne force pas le5 gens à ‘4arleP

    “certains ne cherchent pas à communiquer,je les laisse”

    ‘yai peu de relations auec les gens renfermés”

    Il semblerait donc que ce soit au malade de faire l’effort de communiquer s’il veut qu’il existeune relation avec l’infirmière. Ce que les infirmières ne savent pas dans le cas présent, c’est à quoicorrespond pour le malade le fait d’être renfermé. Est-ce un besoin profond, un mécanisme de dé-fense, un manque d’écoute et d’attention du personnel qui font que le malade n’a pas envie deparler ? Mais cela, elles ne peuvent le savoir dans la mesure où il n’existe pas de relation.

    - Elles essaient de le faire parler :

    “si le malade eslfermé, on essaie d’entrer en relation avec lui .bar certains moyens (journaux)”

    “il faut le &uler”

    “il faut que la relation uienne de nous, qu’on les fase parier de leurs prolrlèmes”

    Dans ce cas encore, on ne tient pas compte du malade. Cela peut être une bonne chose de le faireparler de ses problèmes, mais à condition de s’être rendu compte qu’il avait besoin d’en parler. Cene peut être en aucun cas une généralité. Le malade peut avoir besoin d’exister en gardant deschoses pour lui.

    Il semblerait qu’il y ait des “trucs” pour faire parler les malades, Mais alors qu’un d’entre euxaura besoin de parler, un autre aura besoin de garder des secrets. Il ne peut y avoir de compor-tements systématiques. Comme le souligne une infirmière :

    “Il faut s’adafiter aux malades. On n’est pas lù pour les changer. Ils sonl ce qu’ils sont”

    La relation avec le malade n’est pas ce qu’elle devrait être. Cette opinion est celle de 9 infïr-mières qui invoquent le temps comme cause principale de cet état de fait :

    “quelquefois, on est obligé de se sauuer quand les gens ueulenl parler, fiarce qu’il y a le kvnp~, lamonlr.?’

    “ce n’est pas l’envie qui nous manque, c’est le lemjx qui bloque la relalion”

    L’infirmière et l’intimité du malade hospitalisé

    g ‘G

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    49 I

  • Les infirmières nous ont dit que les relations avaient lieu surtout au moment des soins, si mêmependant les soins, la relation est dictée par le temps, nous pouvons nous demander ce que les intïr-mières entendent par relation.

    4 infirmières pensent que les aides-soignantes ont plus de relation avec le malade que les infir-mières :

    “Les aides-soignantes ont une relation plus régulière, plus suivie, avec le malade”

    “Les aides-soignantes connaissenl plus de choses sur les malades”

    “Les aides-soignantes sont plus présentes”

    Il semblerait donc dans ce que disent les infirmières, que les aides-soignantes, parce qu’elles ontdes relations plus suivies avec le malade le connaissent mieux.

    A propos de la relation une iniïrmière dit :

    “Nous n’auons muent que des relations ponctuelles mec le malade. Les relations vraies sont rares.S’il y a relation vraie, on peut les aider, on revient SUI nos préjug&, par exemple pourquoi il faisaitla tête, pourquoi il ne parlait~pas”

    Il ressort de ces entretiens que les infirmières ont essentiellement des relations ponctuelles, liéesaux soins. Les relations les plus fréquentes, les plus suivies sont celles qui s’établissent avec des ma-lades demandant beaucoup des soins techniques. Les relations sont essentiellement bâties sur le modeaffectif en fonction du fait que les malades sont ou n’en sympathiques aux infirmières. D’autre part,la relation est beaucoup plus centrée sur ce que les soignants attendent des malades que sur ce quele malade attend ou n’attend pas du soignant.

    Les réponses apportées par les infirmières semblent indiquer qu’elles ne connaissent que ra-rement le malade et qu’elles n’appréhendent pas ce qu’est son intimité.

    LeS deux dernières questions posées aux infirmières :

    - Pensez-vous que les infirmières respectent l’intimité du malade ?- Vous est-il arrivé de ne pas .la respecter ?

    nous ont permis, d’une part, de comparer les réponses à celles apportées précédemment, d’autrepart, de voir ce qu’était, pour les infirmières, l’intimité du malade.

    lère QUESTION : Pensez-vous que les infirmières respectent l’intimité du malade ?

    Les réponses à cette question sont les suivantes :

    “L’intimité n’est pas respectw (9)

    “PUS souwnt” (3)

    “On essaie, mais ce n’est pas toujours fait” (1)“Oui, elle est respectée” (1).

    Sur 15 infirmières interrogées, une seule pense que l’intimité du malade est respectée en milieuhospitalier.

    Les raisons du non respect de l’intimité soulevées par les autres infirmières sont :

    - Le trop grand nombre de personnes entrant dans les chambres. (5)

    “On rentre 20 fois dans les chambres quand on pourrait ne rentrer que 5 fois. On est 15 pour lavisite”

    “Il y a trop de monde qui rentre dans les chambre?

    Recherche

  • Dans ces réponses, le comportement des infirmières n’est pas le seul envisagé. Les différentsmembres du personnel soignant sont en cause, notamment le personnel médical.

    - Les soins techniques (4)

    “On uoit la puthalo&, on est pris par la technique. On passa à côté de /dein de choses, de l’êtrehumain”

    Cet élément nous paraît être en contradiction avec le fait que les infirmières établissent des re-lations lors des soins. En effet, dans ce qui est dit ci-dessus, les soins, la pathologie priment sur larelation. Le malade absent, les infirmières ne voient que le soin.

    - Le temps (3)

    “Quand on esl pressé on ne la kpecte pas”

    “On ne .brend pas le temps, on est ddbordé par le trauail”

    Le temps est le gros problème des infirmières. Elles n’ont pas le temps d’avoir des relations, ellesn’ont pas le temps de considérer l’intimité du malade, elles font une course contre la montre pourréaliser des soins techniques.

    - Le fait qu’on décide pour le malade (3)

    “La structure joue un rôle. Au C.H.U. le malade est un objet. Il est manipulé, palp>d. On ne luidemande par son mis. Il est 10 pour subir”

    “On ne demande pas, on n’eqbliyue pas”

    Certains soignants ont donc conscience du rôle que l’hôpital, eux-mêmes, font jouer au malade.Le malade n’existe plus en tant qu’être pensant, mais en tant qu’objet de soin.

    - L’importance que les infirmières attachent elles-mêmes à la notion d’intimité. (2)

    “Ça dipend de l’importance qu’on y attache, ri c’est important i)our nous”

    “Ça d&end des inznnières, do la façon dont elles considèrent l’intimité”Ces réponses peuvent être rattachées au point précédent. Là encore, le soignant décide pour le

    malade. En effet, il ne considère pas le besoin d’intimité du malade, mais la façon dont il pensel’intimité du malade. Le malade n’a rien k dire, les soignants décident en fait de la légitimité de cequi fait son intériorité, son être profond.

    Si le respect de l’intimité est fonction du bon vouloir ou de l’ouverture d’esprit des infirmières,nous pouvons penser que la notion d’intimité, besoin de l’homme et besoin de tout homme, n’estpas réellement perçue ou dérange dans un’ milieu où les malades doivent tous se ressembler, avoirles mêmes comportements. Comme le dit une infirmière :

    “Si on devait tenir compte de tout fa, on ne poumit plus trauailler”

    Ce cctOUt ça”, n’est-il pas le malade ? Si les infirmières ne peuvent plus travailler en tenantcompte du malade, que signifie alors le mot soigner. Soigner, est-ce considérer un malade danstoutes ses dimensions bio-psycho-sociales ou est-ce travailler sur un individu comme sur unemachine ? Soigner signifierait-il seulement traiter un organe malade ?

    - L’habitude (2)

    “L’inlimité n’est pas respectée à caqe de l’habitude”

    “On est pris par la routine”

    L’habitude, la routine, amèneraient-elles à ne plus voir l’autre comme différent de soi ?

    L’hfirmière et l’intimité du malade hospitalisé

  • L’habitude, la routine amèneraient-elles à considérer tous les malades de la même façon ?

    L’habitude, la routine, amèneraient-elles à ne plus voir ce qui fait la spécificité de chaque ma-lade ?

    - La diffusion d’informations concernant le malade (2)

    “On se dit tout ce qu’on sait SUT un malade. Mais transmettre aux autres pour pemettre de mieuxcomprendre les malades, les aider à vivre”

    “@und quelque chose est très intime, $a ne sorl pas de l’Équipe, mais on est au couranl pour e’uilerles gaffe?’

    Tout le problème du secret professionnel et de la discrétion face au malade est posé.

    Un malade qui parle de lui à une infirmière peut le faire uniquement parce que ceJle-ci est tenueau secret professionnel. De quel droit se permet-elle de diffuser les informations qui lui ont étéconfiées ?

    N’est-ce pas trahir et le malade et le secret professionnel que de dévoil