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Ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité D OCUMENT D’ÉTUDES DARES Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques Les documents d'études sont des documents de travail ; à ce titre, ils n'engagent que leurs auteurs et ne représentent pas la position de la DARES. L’IMPACT DU TRAITEMENT DES ACTIVITÉS OCCASIONNELLES SUR LES DYNAMIQUES D’EMPLOI ET DE CHÔMAGE Convention d’étude DARES- INSEE Hervé HUYGHUES DESPOINTES (1) Florence LEFRESNE (2) Carole TUCHSZIRER (3) N° 43 Mars 2001 (1) - Hervé Huyghues Despointes est statisticien à l'IRES (Institut de Recherches Économiques et Sociales). (2) - Florence Lefresne est chargée de recherches à l'IRES. (3) - Carole Tuchszirer est chargée de recherches à l'IRES. Les auteurs remercient Geneviève Canceill et Marie Wierink pour leur aide et conseils

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Page 1: L’IMPACT DU TRAITEMENT DES ACTIVITÉS OCCASIONNELLES · 5 5 demandeurs d’emploi relèvent de ce régime. On en dénombre 350 000 en 1998, un chiffre élevé puisqu’il représente

Ministèredes affaires sociales,

du travailet de la solidarité

D OCUMENT D’ÉTUDES

DARESDirection de l’animation de la recherche,des études et des statistiques

Les documents d'études sont des documents de travail ;à ce titre, ils n'engagent que leurs auteurs

et ne représentent pas la position de la DARES.

L’IMPACT DU TRAITEMENT

DES ACTIVITÉSOCCASIONNELLES

SUR LESDYNAMIQUES

D’EMPLOI ET DECHÔMAGE

Convention d’étudeDARES- INSEE

Hervé HUYGHUES DESPOINTES (1)Florence LEFRESNE (2)Carole TUCHSZIRER (3)

N° 43 Mars 2001

(1) - Hervé Huyghues Despointes est statisticien à l'IRES (Institut de Recherches Économiqueset Sociales).

(2) - Florence Lefresne est chargée de recherches à l'IRES.(3) - Carole Tuchszirer est chargée de recherches à l'IRES.

Les auteurs remercient Geneviève Canceill et Marie Wierink pour leur aide et conseils

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- Contenu du document -

- Les stratégies d’activation des dépenses “ passives ” dans quatre pays européens : Belgique, Danemark, Pays-Bas, Royaume-Uni………………………….. p. 3 Carole Tuchszirer et Florence Lefresne L’ampleur des situations autorisant le cumul entre indemnités partielles de chômage et revenu d’activité réduite et les basculements récurrents entre la catégorie 1 et la catégorie 6 de l’ANPE conduisent en France à s’interroger sur l’impact du dispositif dit d’activités réduites justifié comme un levier de l’activation des dépenses passives et un tremplin vers l’emploi stable. Le détour par les quatre pays montre qu’il n’existe pas partout d’équivalent fonctionnel du dispositif français et qu’en dépit d’éléments de convergence, se maintiennent d’assez fortes diversités nationales dans les conceptions de l’activation en Europe et les dynamiques stratégiques auxquelles elles donnent lieu.

- Sur la frontière de l’emploi et du chômage…………………………………………….p.37 Hervé Huygues-Despointes A partir d’un traitement quantitatif des données françaises du panel européen des ménages (Eurostat), l’auteur analyse la façon dont s’intègrent les situations mixtes emploi-recherche d’emploi, dans l’itinéraire professionnel des individus. Une typologie de ces itinéraires est proposée. Comparées à leurs homologues respectivement en emploi ou en recherche d’emploi, les personnes dans ces situations mixtes entretiennent des liens plus étroits avec l’emploi précaire. Le passage par ces situations ne modifie pas significativement l’itinéraire professionnel des personnes, au regard des deux populations de référence. - Quatre monographies nationales………………………………………………………p.68 Ces monographies résultent de missions effectuées dans chacun des pays et s’appuient sur une série d’entretiens avec les responsables centraux et locaux des services publics de l’emploi, des organismes gestionnaires de l’assurance chômage et des prestations d’assistance, avec des représentants des organisations syndicales et patronales et des universitaires-experts.

• Belgique : du partage du volume de travail aux mesures actives pour l’emploi : la permanence de situations transitionnelles……………………………………….p.68

Carole Tuchszirer • Danemark : une dynamique d’activation conçue pour lutter contre la récurrence du

chômage…………………………………………………………………………p.91 Carole Tuchszirer • Pays-Bas : Enjeux institutionnels de l’activation et résistance des dépenses passives Florence Lefresne…………………………………………………………………..p. 110 • Royaume-Uni : l’activation au service de la dérégulation du marché du travail

Florence Lefresne…………………………………………………………………. p. 131

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Les “ activités occasionnelles ” dans quatre pays européens : Belgique,

Danemark, Pays-Bas, Royaume-Uni

I- La définition d’une problématique comparative à partir des “ activités réduites ”

I-1 Les limites d’une comparaison terme à terme

Introduit en 1986 pour favoriser le retour à l’emploi des chômeurs, le principe des activités

réduites repose en France, sur l’hypothèse qu’il est préférable d’encourager les chômeurs à

reprendre un emploi même précaire, plutôt que de les laisser s’installer durablement dans le

chômage. Dans l’esprit des promoteurs, ces activités occasionnelles doivent servir de tremplin

professionnel vers la reprise d’un emploi plus durable. C’est en tout cas dans cette optique

que les partenaires sociaux de l’UNEDIC ont décidé d’autoriser le cumul salaires/allocations

de chômage, selon certaines conditions (activités de moins de 136 heures par mois et montant

du cumul inférieur à 70 % du salaire antérieur). Cette règle doit favoriser la réinsertion, le

bénéficiaire demeurant actif dans sa recherche d’emploi. Le cumul n’est autorisé que sur dix-

huit mois, rompant ainsi avec une période où le système d’indemnisation ne reconnaissait que

le binôme emploi / chômage complet.

A l’origine de cette étude figure une interrogation apparemment simple : existe-t-il dans

d’autres pays européens, des dispositifs que l’on puisse comparer à celui des activités réduites

en France ?

Si l’on considère que la principale caractéristique du dispositif français est d’autoriser - pour

une durée déterminée - le cumul entre prestations d’indemnisation du chômage et revenu

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d’activité, dans les quatre pays retenus dans la présente étude, un seul d’entre eux a instauré

un programme analogue à celui mis en place en France. Il s’agit de la Belgique qui dès 1982 a

adopté un mécanisme - “ le temps partiel involontaire pour échapper au chômage ” -

présentant par sa construction réglementaire et l’impact quantitatif qu’il a produit sur les

comportements individuels des chômeurs, de larges similitudes avec le cas français. Au

Danemark, les possibilités de cumul correspondent à un cas précis et limité à la fois dans la

durée et par le ciblage de ses bénéficiaires. Si un chômeur accepte un temps partiel permanent

pour échapper au chômage total, il bénéficie d’un dédommagement financier sous la forme

d’une “ allocation supplémentaire ” de chômage cumulable avec son revenu d’activité, mais

sur une durée ne pouvant excéder un an. Au-delà, le salarié-chômeur choisit entre deux

options : soit il se satisfait de son emploi à temps partiel et renonce à son statut de chômeur et

à l’allocation afférente, soit il maintient sa demande d’emploi à temps plein et il doit, en

contrepartie du maintien de son indemnité chômage, se soumettre aux règles - comme on le

verra très spécifiques - de l’activation dans ce pays.

La prise en compte des activités réduites par le régime d’assurance-chômage en France1

Depuis 1986, il n’est plus exigé du demandeur d’emploi indemnisé qu’il soit totalement privé d’emploi pour prétendre aux allocations du régime d’assurance-chômage. Suivant le principe qu’il convient de ne pas dissuader les travailleurs privés d’emploi de reprendre ou de conserver une activité réduite ou accessoire pouvant faciliter leur réinsertion professionnelle, l’UNEDIC a en effet admis que des demandeurs en activité puissent percevoir un revenu de remplacement. Ce revenu de remplacement est soumis à certaines conditions : 1- L’activité réduite qu’exerce le demandeur d’emploi ne doit pas excéder 136 heures de

travail par mois et ce dernier ne doit pas percevoir grâce à son activité plus de 47 % de ses gains antérieurs( en fait les textes prévoient deux possibilités de cumul selon que l’activité réduite correspond à un emploi accessoire conservé après la perte de son emploi principal ouvrant droit aux allocations, ou qu’elle est reprise après une période de chômage total.. Dans le premier cas, les revenus d’activités ne doivent pas excéder 47 % des gains antérieurs, dans le second cas, ce pourcentage est porté est porté à 70 % du salaire antérieur).

2- Le droit de cumuler prestations de chômage et activité professionnelle est limité dans le temps . La période maximale a été portée en juin 1994 à 18 mois contre 12 mois auparavant.

Depuis 1991, le nombre de demandeurs d’emploi indemnisés par l’UNEDIC au titre du régime des activités réduites a connu une progression sensible. En 1991, 126 000

1 Cf Tuchszirer C. (2000), « L’inéluctable dérive vers les activités réduites », La Revue de l’IRES, n° 33, 2000/3.

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demandeurs d’emploi relèvent de ce régime. On en dénombre 350 000 en 1998, un chiffre élevé puisqu’il représente 17 % des chômeurs couverts par l’assurance-chômage. Une baisse du régime est intervenue en 1995, mais elle a surtout été due au durcissement des conditions d’accès à ce dispositif jusque là en plein essor. Ce dispositif exerce une influence non négligeable sur l’offre de main-d’œuvre précaire. Dans plus de 70 % des cas, les activités réduites sont exercées sur la base de contrats de travail temporaires. Plus précisément, 37 % des demandeurs d’emploi en activités réduites ont obtenu un contrat à durée déterminée ; 35 % sont embauchés en mission d’intérim.

Aux Pays-Bas où le régime d’invalidité permet d’absorber une grande partie du chômage, il

existe toute une gamme de prise en charge de cette invalidité autorisant des situations de

cumul avec un emploi à temps partiel. Au Royaume-Uni, l’indemnisation du chômage a été

utilisée comme support de l’accès à des emplois faiblement rémunérés. Des primes de retour à

l’emploi (Back to work bonus) sont accordées à des chômeurs de plus de trois mois qui

acceptent un travail à temps partiel, le programme Jobmatch offre également une aide pour

six mois à un chômeur de plus de deux ans qui accepte un emploi à temps partiel. De façon

plus significative encore, l’acceptation d’un emploi faiblement rémunéré est encouragée par

un principe d’impôt négatif sur lequel nous reviendrons. Mais ce jeu de prime ou d’allocation

sort formellement du cadre de l’indemnisation du chômage. On voit donc à travers ce premier

aperçu, que la limitation du champ à des dispositifs strictement analogues du point de vue de

leur contenu (ici le cumul salaire + indemnisation chômage) risque d’appauvrir la portée de la

comparaison.

I-2 Le champ et la problématique des activités occasionnelles

Bien que le dispositif dit d’activités réduites ne trouve pas d’équivalent pur dans les quatre

pays retenus, il est toutefois possible de retenir comme champ celui des activités exercées de

façon temporaire et/ou à temps partiel qui font l’objet d’une stimulation financière de leurs

bénéficiaires par les pouvoirs publics ou qui font l’objet de dispositions contraignantes

(obligation de participation sous peine de radiation du chômage entraînant la suspension des

prestations d’assurance ou d’assistance). Le mécanisme de stimulation financière peut

s’exercer de deux façons : par un droit au cumul entre revenu d’activité et prestations de

chômage (maintenues au moins partiellement) ou bien selon un principe d’impôt négatif

garantissant l’incitation financière à la prise d’une activité occasionnelle. Ces dispositions

s’inscrivent dans la démarche dite d’activation des dépenses passives qui semble désormais -

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au moins dans son principe général - acquise par l’ensemble des pays de l’Union, mais n’en

constituent qu’une des dimensions à côté de l’inflexion des systèmes d’indemnisation, du

processus d’accompagnement des demandeurs d’emploi ou encore de réforme des services

publics de l’emploi. Sans avoir à traiter exhaustivement de l’ensemble de ces dimensions de

l’activation, celles-ci constituent néanmoins des variables contextuelles souvent importantes

pour comprendre la mise en œuvre des programmes dits d’activités occasionnelles.

Pour mieux définir notre problématique comparative, revenons sur le débat ouvert en France

par la mise en place du dispositif et les éléments d’évaluation dont on dispose. Deux questions

centrales ce débat sur les activités réduites :

- ce dispositif, qui augmente la fréquence des passages dans le chômage, n’aurait-il pas

tendance à enfermer les chômeurs concernés dans des trappes à travail précaire qui les

éloigneraient de toutes perspectives d’insertion durable ? Une étude réalisée par l’ANPE

en 19982 montre la faible probabilité de sortir du chômage suite à l’exercice d’activités

réduites. Lors de leur interrogation trois mois après le passage en activité réduite, 61 %

des chômeurs sont toujours inscrits à l’ANPE tout en continuant de travailler dans le

cadre de ces activités. Trente pour cent sont des chômeurs à temps complets ayant déclaré

qu’ils ne travaillaient plus. Seuls 9 % des personnes interrogées sont sorties du chômage.

Globalement, le système des activités réduites en France semble donc fonctionner en

circuit fermé et ne constitue pas le tremplin attendu vers l’emploi stable. Ce point est

confirmé par une étude de Hervé Huyghues-Despointes réalisée à l’IRES pour le compte

de la DARES. A partir d’un traitement quantitatif des données françaises du panel

européen des ménages (Eurostat), l’auteur analyse la façon dont s’intègre les situations

mixtes emploi-recherche d’emploi, dans l’itinéraire professionnel des individus.

Comparés à leurs homologues respectivement en emploi ou en recherche d’emploi, les

personnes dans ces situations mixtes entretiennent des liens plus étroits avec l’emploi

précaire. Le passage par ces situations ne modifie pas significativement l’itinéraire

professionnel des personnes, au regard des deux populations de référence ;

- les activités réduites, en rendant socialement supportables des situations où les revenus du

travail sont généralement faibles, ne contribuent-elles pas à la banalisation du travail

précaire sous toutes ces formes, venant ainsi modifier “ la norme de l’emploi dit

2 M. Béraud, “ Les demandeurs d’emploi qui exercent des activités professionnelles réduites ”, Les cahiers de l’ANPE, décembre 1998.

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convenable ” ? Le dispositif exerce une influence non négligeable sur l’offre de main-

d’œuvre précaire. Dans plus de 70 % des cas, les activités réduites sont exercées sur la

base de contrats de travail temporaires. Plus précisément, 37 % des demandeurs d’emploi

en activités réduites ont obtenu un contrat à durée déterminée ; 35 % sont embauchés en

mission d’intérim.

Sous cette double dimension, la problématique des activités réduites trouve un écho dans la

plupart des pays européens. Toutefois, répondre à la première question nécessite une base de

données relativement homogènes dans les quatre pays ; ce qui est loin d’être le cas. Le panel

européen des ménages ne permet pas d’exploitation statistique sur un plan comparatif, et

l’étude précitée n’a donc porté que sur le cas français. Sans pouvoir apporter de réponses

fondées statistiquement, il est toutefois possible de dire si la question est posée et - dans quels

termes - dans chacun des pays ? Nous reviendrons ici sur la finalité des dispositifs d’activités

occasionnelles affichée par les pouvoirs publics. Ces activités sont-elles conçues dans une

stratégie de retour au marché du travail régulier (c’est-à-dire, hors subventions et autres

mécanismes de socialisation des coûts d’embauche dont les activités réduites constituent une

dimension) ou s’inscrivent-elles dans des dynamiques plus défensives pouvant aboutir à des

phénomènes de chômage récurrent dont l’indemnisation constitue le support ?

La seconde question, plus large, est celle des liens qu’entretiennent le marché du travail

activé/marché du travail régulier. L’objectif est ici d’apprécier comment ce lien est pris en

compte dans l’élaboration des politiques instaurées. Les programmes d’activation mis en

place tendent-ils ou non à fragiliser le marché du travail par la remise en cause des normes de

salaires et d’emploi qu’ils peuvent induire ? Y a-t-il une volonté politique de maintenir

étanches ces deux sphères de façon à éviter les effets de “ contagion ” entre emplois

subventionnés et emplois classiques. On pense ici aux nombreux effets d’aubaine largement

dénoncés dans le cas français et notamment à l’occasion des activités réduites3.

3 V.Devillechabrole “ le boom des chômeurs actifs ”, Liaisons sociales, 1998. L’auteur analyse la façon dont les entreprises ont su se servir du cocktail “ allocation de chômage/salaires ” pour mettre en place une gestion plus serrée de la masse salariale. Le papier pointe en outre les nombreux effets de substitution enregistrés entre catégories d’actifs.

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Les débats de plus en plus nourris autour de ces interrogations mobilisent une troisième

question étroitement liée aux deux précédentes : celles des règles qui président à

l’engagement dans des activités occasionnelles. Deux conceptions s’opposent ici :

- la pression exercée sur le retour à l’emploi du demandeur d’emploi est le produit d’un

ensemble de règles non négociées entre le chômeur et les intermédiaires de l’emploi et le

refus de participer à des mesures d’activation entraîne quasi automatiquement la suspension

des allocations de chômage ;

- le retour à l’emploi est fondée sur une contractualisation des droits et des devoirs. Il existe

des engagements réciproques ou chacune des parties (chômeurs et agents des services de

l’emploi) est soumise à l’obligation de respecter les termes du contrat passé. Les sanctions

indemnitaires sont présentes mais la politique d’accompagnement individualisé des chômeurs

vers l’emploi stable reste le principal objectif des dispositifs d’activation .

Compte tenu de leurs accrochages institutionnels multiples - avec le système de protection

sociale, la réglementation du marché du travail, les politiques salariales, le système de

relations professionnelles - les dispositifs dits d’activités occasionnelles reflètent des

cohérences nationales. Mais en même temps, le recul d’une vingtaine d’années de politiques

de l’emploi permet de montrer que ces cohérences sont loin d’être immobiles. La recherche de

nouveaux ajustements institutionnels, voire de nouveaux compromis sociaux, sont souvent au

cœur de la dynamique des politiques d’emploi. Les cohérences sociétales - qui justifient la

présentation des quatre monographies nationales - sont donc soumises à des processus de

changement auxquels contribue désormais la stratégie européenne pour l’emploi, porteuse

d’un certain nombre de normes communes. L’exercice de synthèse auquel nous nous livrons

ici prend le parti de s’écarter d’une présentation par blocs nationaux et de raisonner de façon

transversale à partir des principaux questionnements que font naître la mise en œuvre des

activités occasionnelles. L’ensemble s’articule de la façon suivante. Nous proposons tout

d’abord certaines données de cadrage indispensables à l’analyse, concernent l’évolution

comparées des dépenses pour l’emploi et du chômage, d’une part, et les principales

caractéristiques des systèmes indemnitaires d’autres part (partie II). Puis nous examinons

l’impact et la mise en œuvre des activités occasionnelles sous l’angle des deux questions

précédemment identifiées : celle de la récurrence éventuelle de la précarité dans les itinéraires

des personnes et celle de la protection ou non des normes d’emploi (partie III). Enfin nous

traitons de la troisième question évoquée, celle des règles qui encadrent les activités

occasionnelles et de leur légitimité (partie IV).

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II Eléments de cadrage : évolution des dépenses passives/actives et inflexions des

systèmes indemnitaires

II-1 Dépenses pour l’emploi et évolution du chômage

Nous retenons ici l’indicateur des dépenses affectées au marché du travail construit par

l’OCDE et le taux de chômage standardisé (cf. série de graphiques). L’observation du premier

indicateur dans les quatre pays fait apparaître des contrastes significatifs4 : le Danemark et les

Pays-Bas figurent nettement en tête alors que leur taux de chômage est devenu très faible.

Inversement, l’effort pour l’emploi est très bas au Royaume-Uni y compris lorsque le taux de

chômage est élevé. En Belgique et au Royaume-Uni, le profil d’évolution des dépenses

s’écarte significativement de celui du chômage lorsque s’enclenche la récession du début des

années quatre-vingt-dix, alors qu’inversement, aux Pays-Bas et au Danemark, le niveau de ces

dépenses marque une certaine inertie à la baisse tandis le chômage décline fortement depuis

1994.

Si l’on tient compte de la composition de la dépense (garantie de revenu/mesures actives), on

constate que le Danemark et les Pays-Bas accroissent leurs dépenses actives tandis que cet

effort régresse au Royaume-Uni et stagne en Belgique. La part des dépenses passives dans le

PIB est également sensiblement plus élevée au Danemark et aux Pays-Bas, même si cette part

a diminué sur la dernière période en lien logique avec la chute du taux de chômage.

L’indicateur OCDE ne tient pas compte de certaines dépenses sociales qui peuvent jouer un

rôle très significatif de “ garantie de revenu ” dans une équivalence fonctionnelle de

l’indemnisation-chômage, telles que l’indemnisation des “ invalides ” aux Pays-Bas, par

exemple. Si l’on rapporte le montant des dépenses d’indemnisation au taux de chômage

comme mesure de l’intensité de l’effort d’indemnisation du chômage5, ce ratio apparaît

sensiblement plus élevé et pour les Pays-Bas (0,78 en 1998) pour le Danemark (0,36) que

4 A titre indicatif, nous fournissons également la représentation graphique des dépenses affectées au marché du travail comparées à l’évolution du chômage en France. 5 Cf. Freyssinet, 2000, “ La réduction du taux de chômage : les enseignements des expériences européennes ” , rapport pour le Conseil d’Analyse Economique.

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pour le Royaume-Uni (0,13) ou la Belgique (0,22 en 19966). Le niveau du chômage n’est

donc pas positivement corrélé avec l’effort d’indemnisation du pays.

II-2 Les systèmes indemnitaires : tendances communes et maintien des différences

La volonté de durcir les conditions d’accès et de maintien dans les régimes indemnitaires

constitue le dénominateur commun aux réformes engagées. Deux motivations sont mises en

avant pour justifier cette politique : réduire le coût global de l’indemnisation ; lutter contre la

désincitation au travail. On assiste donc, dans la plupart des pays étudiés, à des processus de

réarticulation plus serrée entre l’indemnisation des chômeurs et les politiques actives

d’emploi. Mais par delà cette orientation commune, les contrastes observés d’un pays à l’autre

sont encore importants en ce qui concerne le degré de prise en charge du risque chômage. Il

importe donc de pondérer les analyses effectuées par la prise en compte des niveaux de

protection indemnitaire effectivement atteints ici et là pour apprécier le sens des stratégies

d’activation déployées. Les politiques de retour à l’emploi initiées en Europe ne sont pas

assises sur un même socle de garanties sociales. Trois variables peuvent illustrer ces

différences : le taux de couverture ; les taux de remplacement ; et les durées d’indemnisation

(pour davantage de précisions sur les systèmes indemnitaires dans les quatre pays, on se

reportera aux annexes 1 à 4).

6 Données non disponibles en 1998.

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NB : Les dépenses pour le marché du travail, actives et passives au sens de l’OCDE, sont représentées par des aires et se lisent en % du PIB.

Dépenses pour le marché du travail et chômage en Belgique

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Dépenses pour le marché du travail et chômage au Danemark

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NB : Avant 1990, compte tenu des modalités de l’enquête sur l’emploi danoise, l’OCDE ne calculait pas l’indicateur de “ chômage standardisé ” pour ce pays.

Dépenses pour le marché du travai et chômage au R-U

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Dépenses pour le marché du travail et chômage aux Pays-Bas

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- Au Danemark, en Belgique et dans une moindre mesure aux Pays-Bas, les taux de

couverture de l’assurance chômage sont élevés. A l’inverse, au Royaume-Uni, près de

85 % des chômeurs indemnisés relèvent de prestations sous conditions de ressources

- Quant à la durée de l’indemnisation, on constate d’un pays à l’autre des écarts sensibles.

Au Danemark, les chômeurs sont encore indemnisés pendant quatre ans. Aux Pays-Bas, la

durée d’indemnisation varie entre six mois et cinq ans en fonction de l’ancienneté sur le

marché du travail. En Belgique, il n’y a pas, théoriquement, de limites fixées à la

perception des allocations de chômage. Au Royaume-Uni, en revanche, les prestations de

chômage sans condition de ressources ne sont versées que sur une durée de six mois

depuis la réforme de 1996 (contre une année dans le système précédent). Au-delà, le relais

est pris par des prestations sous condition de ressources versées sur une base familiale..

- En Belgique, le taux de remplacement est en moyenne faible et les niveaux

d’indemnisation peu dispersés car l’indemnité proportionnelle au salaire antérieur est

limitée par des minima et des maxima. Au Danemark, le montant de l’allocation chômage

représente 90 % du dernier salaire ; aux Pays-Bas, il s’élève à 70 %. Mais dans ces deux

pays, comme en Belgique, le niveau de l’indemnisation est plafonné. Au Royaume-Uni,

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l’allocation de recherche d’emploi est forfaitaire et d’un montant relativement faible

(51,40 £ hebdomadaires pour les plus de 25 ans).

Cette diversité, que l’on retrouve dans les programmes d’activation instaurés, ne saurait

toutefois masquer le fait que la tendance dominante en matière indemnitaire est clairement

restrictive.

Des conditions d’accès, de niveau et de durée de l’indemnisation revues à la baisse

Au Danemark, l’ouverture des droits au régime indemnitaire nécessite depuis 1996 d’avoir

préalablement travaillé douze mois au cours des trois dernières années (contre six mois

précédemment). Par ailleurs, le temps passé dans les mesures de la politique de l’emploi n’est

plus pris en compte dans la reconstitution des droits indemnitaires. La réforme de 1994 a en

outre conduit à une entrée de plus en plus précoce dans la phase d’activation. Fixée au terme

de la quatrième année d’indemnisation passive en 1994, elle est intervenue dès fin de la

deuxième année en 1996 puis de la première en 1999. En l’espace de six ans, la durée totale

de perception des allocations de chômage est passée de 7 à 4 ans.

Aux Pays-Bas, comme au Danemark, les mesures restrictives adoptées dans les années quatre-

vingt-dix n’ont pas porté sur les taux d’indemnisation mais sur les conditions d’accès aux

prestations. Pour percevoir les allocations de chômage, il est désormais nécessaire que le

chômeur ait travaillé pendant au moins 52 jours sur quatre des cinq dernières années qui ont

précédé le chômage.

En Belgique, les conditions d’éligibilité (nombre de journées de travail antérieures) ont été

sensiblement relevées notamment pour les jeunes de moins de 26 ans. Des réductions ont été

opérées sur le niveau des prestations tout en préservant les niveaux minima ; elles ont été

obtenues par réduction des maxima ainsi qu’aux dépens des chômeurs “ cohabitants ” (i.e.

chômeur vivant dans un ménage qui bénéficie d’un autre revenu). Quant aux conditions qui

ouvrent accès au travail à temps partiel, avec maintien d’une partie des allocations de

chômage, elles ont également été durcies pour limiter le recours au dispositif.

Au Royaume-Uni, plus d’une trentaine de réformes se sont succédé depuis 1979 pour rendre

plus sévères les règles d’accès à l’indemnisation du chômage. Pour toucher la prestation d’un

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montant forfaitaire, versée sans condition de ressources sur une période de six mois, les

chômeurs doivent se prévaloir d’une durée de cotisation d’au moins un an sans interruption.

Un durcissement des conditions de maintien de l’indemnisation

Ce durcissement a été obtenu par la plus forte exposition des chômeurs au risque de la

radiation. Les pratiques qui visent à contrôler la réalité de la recherche d’emploi se sont

traduites par l’adoption de mécanismes de sanctions pouvant aboutir à suspendre le versement

des allocations de chômage. Au Danemark, et ce depuis 1994, si un chômeur ne se rend pas

aux réunions d’informations prévues, s’il refuse une formation ou une embauche dans le cadre

d’un emploi subventionné, l’Agence pour l’emploi peut exiger du fonds d’assurance-chômage

l’éventuelle suspension de ses droits. En 1996 a été créée une unité spéciale chargée de

contrôler les pratiques des fonds d’assurance-chômage pour inciter ces derniers à être plus

fermes vis-à-vis des chômeurs signalés par les services de l’emploi. Au Royaume-Uni, et

notamment depuis la réforme de 1996, les mesures d’aide à la recherche et à la reprise d’un

emploi sont étroitement liées aux menaces de suspension ou de suppression de

l’indemnisation Le maintien de l’indemnisation chômage (Jobseekers’ Allowance) est ainsi

subordonnée à une série de contraintes et de contrôles. Aux Pays-Bas, une loi contre les abus

des prestations sociales est entrée en vigueur au 1er janvier 1997. Elle prévoit la suspension ou

la suppression de l’indemnisation y compris dans les cas de refus d’entrée dans des dispositifs

de politique active d’emploi. La Belgique s’est également fortement engagée dans la voie des

sanctions indemnitaires. Le tournant a été pris dès la fin des années quatre-vingt-dix. Le Plan

d’accompagnement des chômeurs indemnisés de bas niveau de qualification atteignant six

mois de chômage pour les moins de 25 ans et an pour les plus de 25 ans prévoit une

suspension de l’indemnisation en cas de coopération insuffisante. Le principe de la

présomption d’indisponibilité a fait son entrée dans la législation. Ainsi, une limitation

effective de la durée du droit à l’allocation a été introduite pour les chômeurs de longue durée

“ cohabitants ” (catégorie composée à 80 % de femmes). Ces chômeurs voient leurs

allocations suspendues quand leur ancienneté dans le chômage dépasse 1,5 fois (deux fois

jusqu’en 1996) la durée moyenne de chômage, compte tenu de la région, du sexe et de l’âge.

Toutes ces modifications apportées à la réglementation des cadres indemnitaires nationaux ont

pour effet de réduire le champ d’intervention des systèmes d’assurance-chômage. Il peut en

résulter qu’un nombre croissant de chômeurs bascule des régimes d’assurance vers des

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mécanismes d’assistance. Ce glissement assurance/assistance fait déjà l’objet de débats en

Belgique, aux Pays-Bas et dans une moindre mesure au Danemark. Ce risque est aujourd’hui

relativement limité dans la mesure où le contexte économique est marqué par une reprise

importante de l’emploi et un reflux du chômage. Mais en cas de retournement conjoncturel la

rétraction de l’assurance chômage pourrait avoir pour effet quasi mécanique de transférer vers

l’assistance sociale des personnes hier prises en charge dans le cadre des systèmes

d’assurance . Cette dérive n’est pas sans conséquence sur le fonctionnement du marché du

travail. Le cas du Royaume-Uni peut témoigner d’une telle dérive. Le dépérissement de

l’assurance-chômage au profit des mécanismes d’assistance a directement conduit à

l’adoption de dispositifs d’intéressement à l’emploi (cf. infra).

II-3 Ambiguïté de la stratégie de mobilisation Progressivement, l’accompagnement des chômeurs dans leur itinéraire de recherche d’emploi

a pris un contenu plus actif. Les prestations du service public de l’emploi se sont diversifiées

(développement des techniques de recherche d’emploi, bilans de compétence, remobilisation

psychologique...) et revêtent un caractère de contrainte dans certains pays. Au Danemark,

avant de faire une offre de stimulation d’activité à un demandeur d’emploi, le service public

de l’emploi doit établir un plan d’action personnalisé, en fonction des souhaits et des capacités

des demandeurs d’emploi, ainsi que des besoins du marché du travail. En Belgique, le Plan

d’accompagnement des chômeurs indemnisés de bas niveau de qualification atteignant six

mois de chômage pour les moins de 25 ans et an pour les plus de 25 ans prévoit une

suspension de l’indemnisation en cas de coopération insuffisante. Aux Pays-Bas, tous les

chômeurs sont désormais dirigés vers un guichet unique et font l’objet d’une évaluation de

leur degré d’éloignement du marché du travail déterminant la nature des services et des

programmes dont ils ont besoin. Au Royaume-Uni, lors de leurs visites obligatoires

bimensuelles dans les Jobcentres, les chômeurs doivent témoigner de leurs efforts de

recherche active d’emploi, conformément au Jobseeker’s Agreement signé lors de leur

inscription et fixant les étapes des démarches à effectuer.

L’ensemble de ces mesures relèvent d’une double dimension. D’une part, il s’agit

d’accompagner plus intensément les demandeurs d’emploi, notamment de longue durée, au

moment où leur motivation menace de décliner et où leur “ employabilité ” subit les effets de

l’hystérèse. Cet objectif est au cœur des premières lignes directrices pour l’emploi engageant

les Etats membres depuis le sommet de Luxembourg de 1997. D’autre part, il s’agit de

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contrôler plus étroitement le caractère effectif de la recherche d’emploi et la disponibilité au

travail des chômeurs indemnisés, d’écarter éventuellement de l’indemnisation les chômeurs

jugés non disponibles ou non actif dans leurs recherches. Dans le processus de contrôle du

caractère effectif de la recherche d’emploi, des pressions peuvent être exercées sur le chômeur

pour que ce dernier ajuste ses attentes aux conditions du marché. Etre disponible peut signifier

avoir l’obligation d’accepter un emploi à temps partiel dans une zone de mobilité elle-même

élargie. La notion d’emploi convenable est redéfinie et le droit de refuser une offre d’emploi

au motif qu’elle implique un niveau de qualification et une rétribution inférieure à celle

précédemment attribuée tend à se restreindre. Ainsi au Royaume-Uni, depuis 1989, la notion

a été supprimée pour être remplacée par celle de “ raison valable ” de refuser une offre

d’emploi. Pendant 13 semaines, le chômeur peut refuser un emploi ne correspondant pas à sa

profession habituelle ou à son salaire antérieur. Au-delà de six mois, le chômeur ne peut plus

avoir d’exigence sur le niveau de salaire. En Belgique, le refus d’une offre d’emploi

acceptable (y compris sous la forme d’emploi atypique du point de vue de la durée du travail)

est sanctionné par une suspension de 36 semaines en moyenne des allocations. Aux Pays-Bas

et au Danemark, un emploi de niveau inférieur à celui de la profession antérieure doit être

accepté après six mois de chômage.

Limite de la stratégie : la résistance à l’activité

La stratégie de mobilisation des chômeurs est d’autant plus complexe à mettre en place

qu’elle fait suite, dans certains cas, à des politiques de gestion du chômage par retrait partiel

ou total d’activité. Les politiques de retrait anticipé et définitive du marché du travail,

l’incitation au retrait temporaire, largement financées par l’assurance chômage ont dominé

l’orientation de l’intervention des pouvoirs publics en Belgique dans les années quatre-vingt

marquées par un chômage élevé. Au Danemark, les retraits anticipés du marché du travail

concernent le même nombre de personnes que le chômage officiellement enregistré. En 1998,

soit quatre ans après la réforme qui place l’activation au cœur de la politique de l’emploi, la

part des mesures actives dans la dépense totale pour l’emploi ne représente pas plus du tiers.

Les dépenses passives représentent 64 % de la dépense publique pour l’emploi aux Pays-Bas.

Le poids des dépenses passives consacrées à l’invalidité constitue une spécificité du système

néerlandais où elles ont longtemps joué un rôle de régulateur des restructurations industrielles.

Les coûts induits par ce volume de transfert vers l’inactivité a nourri un large débat social et a

conduit à un ensemble de réformes institutionnelles réalisées ou en cours de réalisation mais

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les résultats de l’activation de ces dépenses passives restent limités et ce retrait massif

d’activité - que ne doivent pas occulter les excellents résultats en matière de chômage -

continue de jouir d’un consensus social assez large. On compte encore, en 1999, 759 000

allocataires de pensions d’invalidité à taux plein, un chiffre près de trois fois supérieur au

nombre de chômeurs enregistrés. Dans le cas britannique où la stratégie de mobilisation des

demandeurs d’emploi est la plus contraignante et où les conditions d’éligibilité aux

indemnités de chômage se sont sensiblement durcies, on assiste paradoxalement à des

phénomènes de découragement voire d’éloignement du marché du travail qui se traduisent par

une baisse des taux d’activité masculins pour les tranches d’âge mûr. De plus en plus de

personnes se décrivent elles-mêmes comme en maladie de longue durée ; leur nombre a

doublé entre 1992 et 1996, atteignant à cette date 2,6 millions de personnes. Celles dont l’état

de santé affecte les capacités de recherche d’emploi et qui étaient antérieurement

comptabilisées dans le chômage ne le sont plus et sont maintenant classées parmi les titulaires

de l’allocation maladie (Sickness benefit) récemment remplacée par l’allocation invalidité

(Incapacity benefit). Cette fuite des chômeurs vers l’aide sociale engendre à son tour un

renforcement des contrôles. Les titulaires de cette allocation depuis plus d’un an devront être

soumis à des tests médicaux au cours desquels ils auront à prouver que non seulement ils ne

sont plus aptes à occuper leur ancien emploi, mais qu’ils ne sont aptes à aucun emploi.

La focalisation des débats nationaux sur les politiques actives de l’emploi doit donc être

relativisée, sinon dans les discours au moins dans les faits, tant l’héritage du passé est encore

présent dans l’évolution des dynamiques nationales. Si la comparaison européenne témoigne

de nouvelles priorités gouvernementales, la tendances à masquer une part du sous-emploi par

des mécanismes de réduction de l’offre de travail est encore bien présente.

III- Trappe à emploi précaire ou protection de l’emploi “ régulier ” ?

L’idée selon laquelle il est préférable de consacrer des ressources budgétaires à l’insertion

professionnelle de chômeurs plutôt qu’au simple maintien même partiel de leurs revenus est

désormais acquise par l’ensemble des pays de l’Union Européenne. Les façons de voir ne sont

néanmoins pas partout les mêmes. Soit l’on considère l’indemnisation comme facteur de

désincitation au travail ; la réduction de son niveau et de sa durée constitue un moyen direct

d’activation des chômeurs ; le durcissement des critères d ’éligibilité vise à accroître l’intérêt

financier d’accepter tout emploi disponible. Soit l’on admet qu’un niveau et une durée

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suffisants d’indemnisation sont nécessaires au processus d’accès à l’emploi, les pouvoirs

publics participant activement, à travers une aide individualisée, à renforcer ce processus. En

pratique les quinze pays de l’Union ont mobilisé l’une et l’autre de ces logiques mais dans des

proportions sensiblement différentes selon leur diagnostic des causes du chômage et de sa

durée. Une série de questions traverse désormais les débats sur l’activation : est-elle conçue

dans une stratégie de retour durable au marché du travail régulier (c’est-à-dire, hors

subventions et autres mécanismes de socialisation des coûts d’embauche) ou débouche-t-elle

sur des itinéraires alternant en boucle activités occasionnelles, passages de plus ou moins

longue durée en emplois subventionnés, chômage indemnisé, sans aboutir à un emploi stable ?

Plus généralement, les programmes d’activation mis en place tendent-ils ou non à fragiliser le

marché du travail par la remise en cause des normes de salaire et d’emploi qu’ils peuvent

induire ?

Le niveau de réponse auquel nous nous situons n’est pas celui de l’évaluation

microéconomique traditionnellement mobilisée pour comparer des trajectoires d’emploi ou de

salaire. Nous cherchons à montrer, d’un point de vue institutionnel, la façon dont chacun des

quatre pays s’est positionné face à ces questions à travers la conception, l’orientation (voire la

réorientation) des politiques d’activation dans le champ des activités occasionnelles. La prise

en compte de ces questions s’est faite à des degrés divers et a donné lieu à des stratégies des

pouvoirs publics plus ou moins cohérentes. Relativement tardive dans deux pays, la Belgique

et les Pays-Bas, elle semble au contraire avoir occupé une place plus centrale au Danemark et

au Royaume-Uni, menant toutefois à des orientations stratégiques pratiquement opposées.

III-1 Le cas belge relativement proche du cas français

Le cas belge est particulièrement intéressant car un principe proche de celui des activités

réduites y a été instauré et en même temps les limites de l’application de ce principe ont été

mises au jour dans un contexte de retournement de conjoncture et de forts effets d’aubaine.

Un chômeur indemnisé qui accepte un emploi à temps partiel reçoit, depuis 1982, sous

certaines conditions, une prestation additionnelle telle que son revenu total excède

l’indemnisation du chômage à plein temps. Le montant du cumul, jugé initialement très

généreux, autorisait un revenu d’environ 80 % du salaire à temps plein et permettait de

“ geler ” pendant la période occupée à temps partiel, les droits indemnitaires accumulés lors

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de la période de chômage précédant cet emploi. En cas de perte d’emploi, le salarié retrouvait

ainsi son statut de chômeur à temps complet et les droits associés. A la fin des années quatre-

vingt, on compte environ 200 000 chômeurs occupés à temps réduits. Compte tenu de forts

effets d’aubaine, dans un contexte de reprise de l’emploi et d’explosion du travail à temps

partiel notamment féminin, les critères d’accès à la mesure ont été rendus plus sévères dans

les années quatre-vingt-dix, et le dispositif est devenu sensiblement moins attractif. Depuis

1990, les “ bénéficiaires ”, qui continuent d’être inscrits comme demandeurs d’emploi à temps

plein, doivent donc justifier d’une recherche d’emploi à temps plein pour pouvoir bénéficier

du cumul. En 1992, la mesure a été sensiblement modifiée : elle autorise dorénavant le cumul

entre temps partiel et maintien des droits indemnitaires accumulés, mais sans indemnisation si

la rémunération issue de l’activité à temps partiel est au-dessus d’un certain plafond. En deçà

de ce plafond, les chômeurs occupés à temps partiel touchent non plus une indemnité de

chômage mais une allocation de garantie de revenu. Trente cinq pour cent des 74 000

bénéficiaires du dispositif en 1998 bénéficient de cette allocation, dont 80 % de femmes.

Par ailleurs, la politique de l’emploi belge connaît toute une gamme de mesures actives

ciblées sur les chômeurs de longue durée, fondées sur l’instrumentation technique et juridique

habituelle : subventions à l’embauche, l’exonération de charges sociales, financement public

d’emplois de proximité. Deux de ces mesures permettent le cumul allocation chômage et

revenu d’activité pour les chômeurs de longue durée : l’ALE et les “ emplois services ”. La

principale mesure d’accès à l’emploi pour les chômeurs de longue durée (plus de deux ans) ;

l’ALE, gérée par les communes qui ont le devoir d’instituer une agence locale de placement,

autorise, sous certaines conditions, le cumul entre allocation de chômage et revenu d’activité

(sur la base d’un horaire mensuel de travail limité à 45 heures). De même, l’une des

principales mesures en direction des chômeurs de très longue durée (plus de cinq ans)

applicable dans le secteur marchand, les “ emplois-services ” proposent des contrats

temporaires à temps partiel ouvrant droit pour l’employeur à exonérations de charges sociales

et à des baisses de salaire du montant de l’indemnisation-chômage.

La dynamique d’activation par le biais des activités réduites fait débat en Belgique parce

qu’elle a contribué à l’extension du temps partiel et de l’emploi temporaire à horaire réduit et

a multiplié les formes juridiques du contournement du contrat de travail régulier. Par ailleurs,

les mesures d’activation ne débouchent pas majoritairement sur la réintégration des chômeurs

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de longue durée et l’enlisement dans les trappes à sous emploi est fréquemment dénoncé par

les instances publiques chargées de l’évaluation de la politique de l’emploi.

Champ des activités occasionnelles dans les quatre pays

PRINCIPES DES

ACTIVITES OCCASION-

-NELLES

BELGIQUE

DANEMARK

PAYS-BAS

ROYAUME-

UNI

Incitations

fiancières par droit de cumul

activité/chômage

Temps partiel pour échapper au chômage Système de cumul généreux et très étendu. Rendu plus sévère d’accès dans les années 1990 mais demeure dispositif charnière de la PPE. Cumul permis dans 2 programmes en dir. dechômeurs longue durée : ALE et Emplois-services

“ Allocation supplé-mentaire ” de chômage cumulable avec revenu d’activité pour les titulaires d’emploi à temps partiel mais sur une durée ne pouvant excéder un an. Au-delà, le salarié-chômeur choisit entre son emploi à temps partiel sans allocation chômage ou l’entrée en activation.

Possibilité de cumul entre prestations d’invalidité partielle et temps partiel. Peu inciatif dans les faits : 20 % des “ invalides ” qui représentent encore 900 000 personnes.

Incitations

financières par subventions directes du

“ bénéficiaire ”

Allocation de garantie de revenu versée aux

chômeurs qui acceptent un temps partiel très faiblement rémunéré.

Peu étendu

Des primes de retour à l’emploi (Back to work bonus) accordées à des chômeurs de + de trois mois qui acceptent un travail à temps partiel, ou encore (Jobmatch) à un chômeur de + de deux ans qui accepte un emploi à temps partiel. Le Working Families Tax Credit permet d’excéder le niveau de garantie de ressources perçues en période de

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chômage.Versé sous condition de ressources aux familles dont au moins un des membres exerce un emploi (minimum 16 heures hebdomadaires).

Contrainte

d’activation

Vives contestations des sanctions indemnitaires par les organisa-tions syndicales. Maintien d’un principe de volontariat dans l’activation des chô-meurs de longue durée

Au-delà de la période d’indemnisation passi-ve ( 1 an pour adultes, 6 mois pour jeunes), tout chômeur est tenu de s’engager dans des programmes de formation ou d’emploi. Les “ job training ” et les “ pool jobs ” (chômeurs de longue durée) sont des contrats à durée déterminée respectant les normes salariales conventionnelles.

Programmes d’activa-tion en direction des chômeurs de longue durée (ou des jeunes au chômage+ de six mois) essentiellement dans le non-marchand. Loi WIW, emplois Melkert. A temps partiel (32 h) et à salaire horaire plafonné (120% salaire minimum)

Programme New Deal en direction des jeunes chômeurs de + 6 mois, dans le secteur marchand ou non mar-chand. Rémunération au minimum égale à l’allocation de recher-che d’emploi dans le secteur associatif et théoriquement protégé par un salaire minimum de 3,2 livres horaires dans les entreprises

III-2 Le cas hollandais : des enjeux essentiellement institutionnels

Aux Pays-Bas, l’importance et le rôle des régimes de transfert vers l’inactivité - préretraites et

surtout invalidité qui reste très majoritairement de l’invalidité à temps plein – soulignent les

limites des politiques d’activation sans doute trop récentes pour porter leurs fruits. Les coûts

induits par ce volume de transfert vers l’inactivité sont à l’origine d’un large débat social qui a

conduit à un ensemble de réformes aux enjeux très largement institutionnels. Le système de

protection sociale qui semble émerger de ces réformes se caractérise par un retour au contrôle

public des normes (critères d’admission aux régimes de chômage et d’invalidité, d’attribution

des allocations), combiné à une logique de privatisation que l’on repère au niveau de

l’assurance maladie et au niveau des services de placement, de conseil et de formation des

chômeurs bénéficiaires de l’assurance chômage ou des prestations d’assistance.

Un processus de rapprochement institutionnel entre le service de l’emploi, les agences de

l’assurance chômage et les agences municipales de gestion et d’allocation de l’assistance

sociale est actuellement à l’œuvre. L’idée est de rendre conditionnel l’octroi de l’ensemble de

ces prestations à travers la création de Centres régionaux de revenu et de travail (CWI) qui

assureront la gestion du binôme indemnisation/placement. Les CWI deviennent donc la

structure centrale d’accueil des demandeurs sous la forme du guichet unique, chargée de les

classer en quatre catégories selon le degré d’éloignement du marché du travail, le type de

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service dont ils ont besoin, de constituer les dossiers sur lesquels statueront les organismes de

gestion de l’assurance chômage et invalidité ou les bureaux des services municipaux qui

gèrent les prestations d’assistance sociale. Ces évolutions pourraient avoir comme

conséquence que soient déclarées comme demandeurs d’emploi des personnes jusqu’à présent

considérées comme inactives (ou invalides). Elles interviennent dans un contexte de relative

tension du marché du travail où apparaissent des pénuries sectorielles d’emploi.

En dépit de ces bouleversement institutionnels fondés sur la volonté d’activer les dépenses

sociales, il y a tout lieu de penser que subsiste un solide consensus autour du rôle de

régulateur social qu’exerce le retrait d’activité. L’activation ne constitue pas, jusqu’à présent,

un maillon quantitativement significatif de la flexibilité du marché du travail qui fait par

ailleurs l’objet de compromis directement négociés dans le champ des conventions collectives

ou d’accords centraux. Le nombre de bénéficiaires des mesures en légère croissance à la fin

des années quatre-vingt-dix, reste sensiblement inférieur au nombre de chômeurs de longue

durée déclarés (117.000 personnes concernées par les emplois subventionnés – en excluant les

emplois protégés pour les handicapés - en 1999, contre 195.000 chômeurs de longue durée

enregistrés). Il n’est toutefois pas exclu que la question des liens entre politique active et

normes d’emploi se pose à mesure que l’activation sera rendue plus opérationnelle. De Beer et

Luttikhuisen (1998)7 soulignent ainsi le risque de création d’un marché secondaire permanent

à partir des emplois subventionnés8 bien que l’horaire de travail dans ces activité (32 heures)

ait été fixé de façon à maintenir un écart de rémunération suffisant pour stimuler la recherche

d’emploi à plein temps et ainsi éviter les effets de trappe dans les dispositifs spécifiques. Par

ailleurs, on peut penser que la dynamique d’activation par les centres régionaux de travail et

de revenu (CWI), compte tenu des impératifs de placement, pèse en faveur d’un recours accru

aux formes particulières d’emploi (CDD, intérim, travail sur appel) dont il faut noter la forte

croissance sur la dernière décennie.

Enfin, l’activation des bénéficiaires de l’invalidité dont la composition se modifie dans les

sens d’un rajeunissement et d’une féminisation pose le problème plus large des conditions de

7 De Beer P. et Luttikhuizen R., 1998, “ Le “ modèle polder néerlandais : miracle ou mirage ? Réflexions sur le marché du travail et la politique de l’emploi aux Pays-Bas ” in La politique de l’emploi en Europe et aux Etats-Unis, CEE-PUF, pp.113-133. 8 Les auteurs soulignent par ailleurs que seuls 8 % des “ bénéficiaires ” des pools d’emploi en 1994 ont trouvé un emploi “ normal ” quatre ans plus tard. Les “ pools de travail ” créés en 1990 sous la responsabilité des municipalités proposent des emplois d’utilité collective pour un taux de salaire minimum.

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travail et des pressions qu’elles imposent aux salariés. La réduction durable du volume

particulièrement élevé d’invalides passe par une réorganisation du travail dans les entreprises

du secteur privé et du secteur public. Il semble que la situation actuelle du marché du travail

et les pénuries partielles d’offres de travail rendent possibles l’ouverture de négociations sur

ces questions.

III-3 Des orientations stratégiques opposées au Royaume-Uni et au Danemark

Au Royaume-Uni, la logique d’activation n’est pas centralement fondée sur le principe de

Workfare - qui prend d’ailleurs le plus souvent la forme d’un Trainingfare – elle relève d’une

dynamique plus large de pression permanente sur le salaire et les conditions d’emploi –

permise sur certains segments du marché du travail - par le jeu de l’intervention publique. La

mise en place d’un impôt négatif est au cœur de la conception de l’activation comme forme de

subvention à l’emploi précaire. Les activités occasionnelles débordent donc largement du

cadre organisationnel de la politique de l’emploi. Le Family Credit permet au revenu net des

personnes bénéficiaires d’excéder le niveau de garantie de ressources perçues en période de

chômage. Il est versé sous condition de ressources aux familles dont au moins un des

membres exerce un emploi (minimum 16 heures hebdomadaires). Cette mesure favorise

l’acceptation des emplois les plus fragiles, notamment à temps partiel dans le tertiaire non

qualifié et non couvert par la négociation collective. Concernant 788 000 familles, elle est

actuellement relayée par le Working Families Tax Credit qui devrait toucher 500 000 familles

supplémentaires. L’objectif est d’éviter le “ piège du chômage ” caractérisant la situation où le

chômeur n’a pas intérêt à accepter un emploi rémunéré compte tenu des prestations sociales

dont il bénéficie. Mais l’effet produit est d’ouvrir davantage la trappe de la pauvreté : lorsque

les revenus de l’intéressé s’accroissent, l’indemnité se réduit puis disparaît, le salarié n’ayant

d’autre choix que d’accepter les conditions du marché9. La production de working poor

résulte pour partie de cette dynamique enfermant certaines catégories dans des effets

circulaires chômage-emplois précaires10. L’existence d’un salaire minimum constitue un

9 Douze millions de personnes, soit près d’un quart de la population, vivent en état de pauvreté relative, soit près de trois fois plus qu’en 1979, révèle un rapport officiel publié par le ministère des Finances en mars dernier. Une famille y est considérée comme pauvre lorsqu’elle dispose de moins de la moitié du revenu disponible moyen, une fois déduit le coût du logement, soit moins de 199 livres par semaine en 1997 10 Ces effets de confinement sur les bas salaires et de cycles chômage-bas salaires ont été mis en évidence pour les salariés touchant des taux horaires de 4 livres, c’est-à-dire au-dessus du nouveau minimum garanti (Stewart, 1998, “ Low pay, no pay dynamics ”, University of Warwick, in Persistent Poverty and Lifetime Inequality : the Evidence, Proceedinds from a workshop held at HM Treasury, 17th and 18th November.

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rempart indiscutable à la précarisation financière de la main-d’œuvre. Néanmoins, celui-ci

institue un minimum horaire. Or, dans un contexte de fragmentation générale du temps de

travail et de croissance des emplois à temps partiel, très largement concentrés sur certaines

catégories de main-d’œuvre (femmes et jeunes), il tend à s’éloigner de plus en plus de sa

fonction initiale de garantie d’un revenu mensuel. L’effet majeur est celui d’une accentuation

de la segmentation du marché du travail accrue par la faiblesse voire l’absence de la

négociation collective sur certains segments (emplois non qualifiés du tertiaire, emplois à

temps partiel féminin).

La problématique du triangle d’or : Une approche intégrée de la politique de l’emploi

Sources : Ministère du Travail danois, 1999

Au Danemark, à l’inverse, tout est conçu pour que le marché du travail activé ne vienne pas

“ percuter ” le marché du travail régulier en provoquant des effets d’aubaine ou en venant

“ contaminer ” les normes conventionnelles du marché régulier. Les principes de cette

activation résultent en grande partie d’une remise en cause de la politique de l’emploi

expérimentée dans les années quatre-vingt qui ont connu une forte montée du chômage. Cette

marchédu travailrégulier

Lesystème d’assurancechômage

marchédu

travailactivé

Un degré de flexibilité élevéUne forte rotation desemplois

Des prestations dechômage élevées etversées sur unelongue période

Un système de droits etdevoirs vis à vis du marchédu travail.Améliorer les niveaux dequalificationRenforcer le rôle des régions

Mesures pourL’emploiAvant 1994

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politique reposait alors sur un programme principal d’offre d’emplois temporaires en direction

des chômeurs de très longue durée (deux ans) entretenant la récurrence du chômage. En effet,

lorsque l’emploi offert arrivait à terme, le chômeur réunissait les conditions requises pour

bénéficier de l’indemnité de chômage. Puis à l’approche de la période de fin de droits

indemnitaires, il parvenait à renouveler ses droits en participant à nouveau au programme.

Ainsi, conçu comme un instrument actif d’aide au retour à l’emploi, le programme s’est

apparenté dans la réalité à une mesure passive utilisée principalement pour réactiver les droits

indemnitaires. Quarante pour cent des chômeurs alternaient ainsi situations d’emplois

temporaires et chômage sans parvenir à réintégrer le marché du travail régulier. La réforme de

1994 (point culminant du chômage) est conçue pour mettre un terme à ce processus de

récurrence. Elle repose sur une approche systémique qui intègre trois composantes : le marché

du travail régulier, le système d’assurance chômage et le marché du travail dit activé (cf.

graphique). Le compromis au cœur du modèle autorise un haut niveau de flexibilité sur le

marché du travail régulier (coût faible des licenciements, turn-over élevé, les dispositifs

publics de congés temporaires, pour formation ou éducation d’enfants, alimentant ce turn-

over). Cette fluidité du marché du travail accroît les chances d’insertion des chômeurs. Le

système d’indemnisation est amplement réformé. Celle-ci est conçue selon deux périodes

distinctes : une période dite passive (qui a été réduite de quatre à un an entre 1994 et 1999) au

cours de laquelle le chômeur perçoit ses allocation sans devoir particulier ; une période active

durant trois années, au cours de laquelle le maintien d’un droit à l’indemnisation

s’accompagne de nouvelles obligations (formation, contrats aidés dans le secteur privé ou

public). La période d’indemnisation passive permet aux chômeurs les plus “ employables ” de

retrouver un emploi sur le marché régulier sans risquer de “ prendre la place ” des chômeurs

les moins employables sur le marché du travail activé11. Pour lutter contre les effets de

confinement chômage-emplois temporaires, a été introduite une modification des conditions

d’accès au régime indemnitaire (cf. annexe 2) : la période de cotisation préalable a été revue à

la hausse (portée à 52 semaines au cours des trois dernières années), ainsi est-il plus difficile

pour le demandeur d’emploi de différer la période d’activation. Par ailleurs, les bénéficiaires

de l’activation ne peuvent se requalifier au régime d’assurance. Tout est donc mis en œuvre

pour canaliser, au moment utile, le chômeur vers une mesure d’activation qui à son tour doit

11 Il existe sur ce point un débat au Danemark sur le point de savoir si l’activation n’intervient pas trop tard pour certains publics en difficulté (chômeurs dépourvus de formation professionnelle, minorités ethniques…). Les syndicats défendent la thèse du maintien d’une durée d’indemnisation passive au nom d’un droit assurantiel. Les services sociaux qui ont en charge l’assistance sociale (municipalités) défendent la thèse d’une activation

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assurer le retour vers le marché du travail régulier. Les règles du marché du travail activé

sont contrôlées par les partenaires sociaux. D’une part, la norme de salaire d’un emploi

temporaire activé dans le secteur marchand est calée sur la norme conventionnelle ; dans le

secteur non marchand, le bénéficia ire perçoit l’intégralité de ses indemnités chômage, mais

un ajustement par la durée du travail permet de maintenir le taux de salaire horaire en vigueur

dans le secteur public. D’autre part, la création des emplois activés est fortement encadrée

pour éviter les effets d’aubaine ou de substitution (le nombre d’emplois activés dans une

entreprise du secteur privé est subordonné au nombre de salariés, dans certain cas, la création

d’un emploi activé est conditionnée par celle d’un emploi permanent). La cohérence danoise

de la stratégie d’activation repose donc sur une double préoccupation : éviter la récurrence du

chômage ; éviter la création d’un marché du travail aux normes dégradées. Elle maintient par

ailleurs largement ouvert les filets de sécurité de l’assistance sociale pour les chômeurs de très

longue durée ou les publics les moins aisément insérables.

IV- Workfare versus “ économie des droits et des devoirs ”

Dans le principe d’activation, l’accent est généralement mis sur la garantie de revenu que

constitue l’indemnisation chômage - et sur le risque sous-jacent de désincitation au travail -

autorisant en contrepartie la société à imposer aux indemnisés certains types d’activité. Mais

“ cette conception occulte une autre manière de percevoir l’indemnisation chômage : celle

qui mettrait l’accent sur le droit au travail, dont la contrepartie serait pour l’individu sa

disponibilité, l’indemnisation n’intervenant qu’en cas de défaillance de la société à assumer

ce droit ” (Freyssinet, op.cit.). A priori, les cas britannique et danois peuvent servir à illustrer

respectivement ces deux conceptions. Nous voudrions toutefois montrer que chacune de ces

deux configurations nationales recèle plus de complexité qu’il n’y paraît dans l’illustration de

chacune de ces deux conceptions. Les enjeux se situent largement autour des compromis et

des formes de légitimité qui sont associées à la mise en place des politiques d’activation.

IV-1 Le degré de contrainte pesant sur le chômeur n’est pas la variable centrale

Il est assez courant de mobiliser l’expérience britannique pour illustrer la logique de

Workfare. Il convient toutefois de rappeler que cette notion a été systématiquement rejetée par

précoce et pratiquent des politiques préventives de ciblage et de suivi des publics en difficulté avant la fin de la période passive.

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le gouvernement conservateur au motif que l’Etat ne peut devenir l’employeur de dernier

ressort. Néanmoins le Royaume-Uni est sans conteste le pays européens qui a été le plus loin

dans le degré de contrainte d’activation des demandeurs d’emploi, et ce dès la fin des années

quatre-vingt. Il est jusqu’à présent le seul pays en Europe qui applique des sanctions réelles en

cas de refus de participation aux activités prévues obligatoires. Ainsi les jeunes chômeurs de

16 et 17 ans ne peuvent, depuis les Social security acts de 1988 et 1989, prétendre aux

indemnités chômage (Supplementary benefit) dans la mesure où ils ont théoriquement accès à

une place dans un programme de formation. Cette orientation s’est renforcée dans les années

quatre-vingt-dix, notamment pour les chômeurs de longue et très longue durée. Au-delà de six

mois, les chômeurs se voient proposer souvent de manière très contraignante, un travail à

l’essai (Work trial) d’une durée de trois semaines. Au bout de 12 mois, les chômeurs sont

tenus de participer à des dispositifs de formation et d’orientation, les allocations étant

temporairement suspendues en cas de non-participation.. Le Welfare-to-work instauré à

l’automne 1997 incarne une version extrême de l’activation car le refus de participer à

certains programmes d’intérêt général, ou au New deal12 pour les jeunes chômeurs ou les

chômeurs de longue durée entraîne automatiquement la suspension de la prestation de

chômage.

Dans sa philosophie même, la réforme danoise du marché du travail introduite en 1994 se

fonde sur une logique opposée à la logique britannique. Le demandeur d’emploi n’est pas

considéré comme un “ passager clandestin ” potentiel ; il est membre d’une communauté qui

lui confère indissociablement des droits (ceux d’accéder à un service) et des devoirs

(participation à certains programmes de formation ou d’emploi activé). Ce statut se traduit par

un contrat (les “ plans d’action individuels ” ou “ Handling plans ”) qui responsabilise

l’individu et donc garantit son autonomie. La mise en œuvre de plans individualisés suppose

une adaptation du service public de l’emploi aux caractéristiques locales du marché du

travail : des conseils régionaux du marché du travail sont créés renforçant le caractère

tripartite du SPE (organisations patronales et syndicales, autorités locales). Dans cette

économie des droits et des devoirs, l’implication des acteurs locaux est au moins aussi

importante que la responsabilité individuelle du demandeur d’emploi.

12 Pour une description du contenu du programme, nous renvoyons à la monographie britannique.

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L’essentiel, contrairement à ce qui est souvent souligné, ne réside pas dans le caractère

contraignant ou non de l’activation mais d’une part, dans le type d’activité proposée et surtout

dans le “ contrat social ” au fondement de la définition et à l’attribution de ces activités. Dans

la logique scandinave de la politique de l’emploi, l’idée d’activation, conformément au

modèle social démocrate, a toujours été présente et perçue comme un principe de

responsabilité à la fois de la société face au chômage et de l’individu face à l’Etat social.

IV-2 Des enjeux de renégociations des compromis sociaux

L’ordre des politiques de l’emploi est ici directement relié à l’ordre politique au sens large. La

représentation sociale de la justice, de la solidarité, des droits et des devoirs respectifs des

individus et de la société relève bien entendu d’un fort ancrage sociétal. Ces représentations

ne sont d’ailleurs pas figées : les valeurs beveridgiennes de la solidarité et du Welfare State

peuvent céder progressivement le pas à la promotion de l’individualisme incarné par la

campagne récente en faveur du Self-help, au Royaume-Uni. Ces représentations doivent

toujours s’accompagner d’une légitimité sociale parfois fondée sur un renouvellement des

compromis antérieurs. Ainsi aux Pays-Bas, si l’impact de la politique d’activation est restée

somme toute limité compte tenu de la forte inertie des dépenses passives, les enjeux

apparaissent centraux à la fois du point de vue institutionnel (cf. supra) mais aussi en termes

de redéfinition du compromis social au fondement du fameux modèle dont on peut souligner

la relative plasticité. Dans la dernière mouture du projet de réorganisation institutionnelle du

système de protection sociale, le rôle dévolu aux partenaires sociaux n’est pas encore

définitivement arrêté mais le principe d’un dialogue social actif semble acquis (Wierink,

2000)13.

En Belgique, les mesures de l’activation engendrent une assez forte conflictualité.

Initialement, la réglementation prévoyait des sanctions temporaires en cas de refus de

participation mais sous la pression des organisations syndicales, il a été décidé que les

agences locales gérant l’ALE devaient se plier à un principe de volontariat. De même, les

“ emplois-services ”, dans le secteur marchand, ont fait l’objet d’une vive contestation des

13 Wierink M., 2000, “ Réforme des structures de la protection sociale ”, Chronique Internationale de l’IRES, n° 64, mai, pp.26-38

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deux principales centrales syndicales (FGTB14 et CSC15). Ces dernières ont mis l’accent sur le

risque d’institutionnalisation de formes dégradées d’emploi (il s’agit de contrats temporaires à

temps partiel ouvrant droit pour l’employeur à exonérations de charges sociales et à des

baisses de salaire du montant de l’indemnisation-chômage).

Dans le cas britannique, où les politiques d’activation ont été mises en œuvre par les

gouvernements libéraux dans un contexte de marginalisation des organisations syndicales et

d’affaiblissement de la négociation collective, il semble que l’on s’oriente vers un Workfare

plus négocié avec la mise en place du New deal. D’une part, les employeurs devront signer

une convention avec le service local de l’emploi stipulant leur engagement à respecter un

certain nombre de règles : garantie de formation, de non substitution à l’emploi permanent, de

niveau de salaire (au moins égal à la subvention octroyée). D’autre part, le gouvernement

Blair qui a réhabilité le droit de reconnaissance syndicale, incite les organisation

représentative à s’engager, au niveau des entreprises, à signer une charte de bonne conduite

avec les employeurs recourant au programme. La politique de l’emploi pourrait être l’un des

points d’appui d’un certain renouveau des relations professionnelles au Royaume-Uni.

Les formes de légitimation sociale des droits et des devoirs conditionne ainsi la conduite de

l’activation et notamment les règles qui encadrent l’emploi activé. La question essentielle est

alors de savoir en quoi ces règles peuvent ou non percuter celle du marché du travail dans son

ensemble.

Conclusion

Pour conclure, nous voudrions revenir sur la problématique française des activités réduites à

la lumière des enseignements fournis par l’analyse comparative en matière d’activation des

politiques d’emploi. A bien des égards, la politique de l’emploi en France fait apparaître de

larges convergences avec l’exemple belge. La volonté de faire reculer le chômage a donné

lieu dans les deux pays à l’instauration d’un dispositif d’activités temporaires impliquant

fortement l’assurance-chômage dans le développement de formes d’emplois précaires.

Parallèlement à ces dispositifs, les mesures pour l’emploi, ciblées sur des publics spécifiques

14 Fédération Générale des Travailleurs de Belgique 15 Confédération des Syndicats Chrétiens

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(jeunes et chômeurs de longue durée), se sont multipliées au point d’entretenir une certaine

forme de segmentation dans le traitement des publics de chômeurs. Le diagnostic porté sur

l’efficacité de ces mesures est relativement sombre. Ces formes d’activation semblent

maintenir les chômeurs dans un périmètre borné d’un côté par le passage en emplois précaires

ou subventionnés et de l’autre par le retour au chômage indemnisé. Plus inquiétants, ces

phénomènes de récurrence dans le chômage qu’entretiennent les mesures pour l’emploi et le

principe des activités réduites ne semblent guère constituer l’antichambre d’une insertion

durable sur le marché du travail régulier.

Pour sortir de cette impasse, le Danemark a opté pour une stratégie d’activation radicalement

différente puisqu’elle rend désormais impossible tout retour au chômage indemnisé. Tous les

chômeurs, sans exception, intègrent au terme de la première année de chômage une phase

d’activation qui n’offre plus la possibilité de se reconstituer des droits à indemnisation. Le

pari consiste, à l’aide d’un appui personnalisé aux chômeurs, à insérer les demandeurs

d’emploi sur le marché du travail régulier. La cohérence danoise de la stratégie d’activation

repose sur une double préoccupation qu’il convient de méditer : éviter la récurrence du

chômage ; éviter la création d’un marché du travail aux normes dégradées. Un même principe

est à l’origine de la révision des règles indemnitaires entourant l’occupation d’un emploi à

temps partiel indemnisé. Si l’emploi à temps partiel s’inscrit dans la problématique du temps

choisi, il n’ouvre dorénavant plus droit à une indemnisation. Si, à l’inverse, le recours au

temps partiel est involontaire et choisi faute de mieux par le chômeur, celui-ci se voit au terme

de sa première année d’indemnisation partielle dans l’obligation d’intégrer, comme tous les

autres, la phase d’activation devant le conduire à occuper un emploi plus conforme à ses

attentes. A l’opposé de cette stratégie, la politique britannique débouche sur une logique

d’extension du nombre de travailleurs fragilisés que l’instauration récente d’un salaire

minimum horaire ne suffit pas à protéger de la pauvreté compte tenu notamment de la

fragmentation croissante du temps de travail. La dérive du système indemnitaire vers une

logique assistancielle sous conditions de ressources et sur une base familiale conduit les

pouvoirs publics a rechercher des mécanismes d’incitation au travail de plus en plus

sophistiqués mais qui cautionnent l’absence de régulation des normes d’emploi sur le marché

du travail.

Dans ce débat, les Pays-Bas occupent une place à part. La volonté d’activer les dépenses

sociales a donné lieu à une importante refonte institutionnelle des organismes de Sécurité

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Sociale et de placement. Le rapprochement de ces structures, à travers la création des

“ centres de travail et des revenus ” (CWI), a cherché à instaurer une relation plus étroite entre

les dépenses en espèce (prestations sociales) et les dépenses en nature (aide au retour à

l’emploi). Les changements institutionnels s’enracinent dans la volonté des pouvoirs publics

de réduire le poids des dépenses passives, qui a résulté de l’explosion des prestations

d’invalidé ; mais les enjeux apparaissent surtout en termes de redéfinition du partage des

responsabilités entre sphère publique et privée, rôle de l’Etat et des partenaires sociaux plutôt

qu’en termes de dérégulation du marché du travail. Cela ne signifie pas que le thème de la

flexibilité de l’emploi soit absent de la scène sociale, mais il fait l’objet, à un autre niveau, de

négociations entre les partenaires sociaux et constitue une des composantes régulières de la

politique contractuelle.

Le débat sur l’activation des dépenses sociales a donné lieu, dans tous les pays de la

communauté européenne, à des inflexions dans l’orientation des politiques sociales et des

politiques de l’emploi. Au centre de ces inflexions, la façon dont on mobilise l’indemnisation

des chômeurs, que ce soit au titre de l’assurance ou de l’assistance-chômage apparaît

déterminante et marque des différences essentielles entre pays. Le mécanisme des activités

réduites fournit une illustration exemplaire de cette diversité. Il correspond à une forme

d’activation possible qui, en combinant salaire et indemnités, revient à socialiser une fraction

du coût du travail. Cette modalité d’activation a été massivement utilisée en France, en

Belgique mais également au Royaume-Uni à travers des mécanismes d’impôts négatifs. Au

Danemark, ce mécanisme a été proscrit tout simplement parce qu’il était incompatible avec la

nature de la stratégie d’activation mise en œuvre, stratégie fondée, certes, sur la volonté

d’inciter au retour à l’emploi mais dans les conditions du marché régulier. C’est sans doute

l’un des principaux enseignements de cette comparaison européenne. La pluralité des

arrangements institutionnels et réglementaires auxquels donne lieu la mise en place

d’“ activités occasionnelles ” renvoie à des conceptions nationales du fonctionnement du

marché du travail parfois radicalement différentes. Ce sont à la fois ces représentations

nationales du marché du travail et l’ampleur de la place que l’on a voulu réserver à la

couverture sociale du risque-chômage qui ont déterminé la nature et le choix des instruments

à mettre en œuvre dans le cadre des stratégies nationales d’activation.

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ANNEXE 1

Belgique- Un régime indemnitaire hybride

Conformément au modèle bismarckien, le régime d’assurance-chômage repose sur le principe

de la contributivité exige des références de travail relativement élevées pour accéder au

système. Mais, contrairement à ce modèle, le système d’assurance-chômage belge fait

dépendre les conditions d’accès et de maintien dans le régime de la composition

démographique du ménage. Les conditions d’indemnisation sont modulées selon les

caractéristiques du ménage : le chef de famille, le chômeur isolé vivant seul et sans charge de

famille, et le cohabitant, chômeur vivant dans un ménage qui bénéficie d’un autre revenu ;

Pour la catégorie chef de ménage, l’allocation de chômage représente 60% du dernier salaire

brut plafonné (1469,9 euro). Seule cette catégorie de ménage bénéficie de ce taux de

remplacement pour une durée illimitée. Pour les isolés, l’allocation représente durant la

première année 55% de leur dernier salaire. Le principe de la dégressivité s’applique dès le

treizième mois avec un taux de remplacement qui passe à 43%, allocation versée désormais

pour une durée illimitée. La catégorie des cohabitants est la moins bien lotie car ces

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chômeurs sont supposés disposer des ressources émanant des personnes avec lesquelles ils

cohabitent. Au cours de la première année, les prestations de chômage représentent 55% du

dernier salaire perçu. Au bout de douze mois ce taux passe à 35%. Dès le quinzième mois de

chômage, le cohabitant ne perçoit plus qu’une prestation forfaitaire comprise entre 2500 FF

à 3000FF.

L’évolution des conditions d’indemnisation a suivi une voie paradoxale : le nombre de jours

de travail nécessaires pour obtenir l’indemnisation a été augmenté, le contrôle de la

disponibilité s’est fait plus sévère mais en même temps de nouvelles catégories de personnes

ont obtenu le droit de bénéficier d’allocations sans condition de travail préalable. C’est

notamment le cas pour les jeunes qui au sortir d’une période d’études peuvent, après une

période d’attente, bénéficier d’une allocation d’attente.

ANNEXE 2

Le système danois d’assurance-chômage

Le système d’assurance-chômage est fondé sur le volontariat et géré par des associations

privées, très proches des syndicats. Ces fonds de chômage sont organisés par branches

professionnelles et doivent obtenir l’agrément de l’Etat pour voir le jour et doivent regrouper

au moins 5 000 membres pour être agréés par l’Etat. Il existe actuellement 38 fonds

d’assurance-chômage regroupant environ 2,4 millions de membres. Dans la mesure où la

population active compte 2,9 millions de personnes, la plupart des Danois sont donc en

mesure d’être potentiellement couverts contre le risque chômage. L’Etat couvre 80 % des

ressources. Les 20 % restants sont à la charge des salariés et des employeurs par le biais de

cotisations versées aux fonds. Pour avoir droit aux indemnités, un certain nombre de

conditions doivent être remplies.

- Etre affilié pendant au moins un an à un fonds avant la mise au chômage.

- Avoir travaillé pendant 52 semaines au cours des trois dernières années qui ont précédé

le chômage.

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- Etre inscrit comme demandeurs d’emploi auprès de l’Agence nationale pour l’emploi

(AB).

- La durée totale d’indemnisation est actuellement de quatre ans. Cette période est divisée

en une période prestation d’un an et une période active de trois ans.

Le montant de l’allocation de chômage représente 90 % du dernier salaire. Les prestations

sont néanmoins plafonnées à 11 300 DKK par mois ou 136 000 DKK par an (données 1996).

Pour les jeunes en primo insertion sur le marché du travail, s’ils disposent d’une

qualification professionnelle, ils bénéficient d’une allocation spéciale qui représente 82 %

des prestations plafonnées, soit 9 300 DKK par mois ou 111 600 DKK par an.

Quatre-vingt pour cent des chômeurs sont actuellement couverts par ce régime. Les autres,

soit qu’ils n’aient pas pu accéder au régime d’assurance, soient qu’ils aient vu leurs droits

indemnitaires s’épuiser, sont pris en charge par le système d’assistance sociale, géré par les

municipalités. Les prestations délivrées sont soumises à condition de ressources et sont

fonction de la composition démographique du ménage.

ANNEXE 3

Pays-Bas- La loi sur les prestations de chômage (WW) et la loi générale sur l’aide sociale (ABW)

La loi WW concerne toute personne qui, au cours des 39 semaines précédant le chômage a

travaillé au moins 26 semaines (condition relative à la durée d’assurance ouvrant droit à des

prestations). La loi distingue deux cas de figure. Soit l’assuré a perçu un salaire pendant au

moins 52 jours sur quatre des cinq années qui ont précédé le chômage ; dans ce cas il

bénéficie du régime d’assurance assise sur le revenu (70 % du dernier salaire, avec un

plafond journalier qui est de 315,09 NLG au 1er juillet 1999). La durée de versement de la

prestation d’assurance varie entre 6 mois et 5 ans en fonction de l’ancienneté sur le marché

du travail. Au-delà de cette durée de versement, si la personne est encore au chômage, elle

peut prétendre à l’allocation fixe (70 % du salaire minimum) pour une durée maximale de

deux ans. Soit l’assuré ne remplit pas la condition énoncée ci-dessus concernant la durée de

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versement d’un salaire ; dans ce cas il perçoit sur une durée de six mois, une prestation dont

le montant s’élève à 70 % du salaire minimum légal.

Le nombre des chômeurs indemnisés est aujourd’hui pratiquement le même qu’il y a quinze

ans (790 000 en 1982, 770 000 en 1997).

L’assistance sociale ABW assure un revenu minimum à toute personne de plus de 21 ans

résidant régulièrement aux Pays-Bas. Son montant est calculé en fonction de la situation

familiale et soumis à conditions de ressources (les revenus du partenaires et/ou du capital

sont déduits). La norme au 1er juillet 1999 est par exemple de 2129 NLG par mois pour un

couple marié. Les jeunes de moins de 21 ans relevant des services sociaux peuvent se voir

attribuer une aide sociale pendant au maximum un an suivant la fin de leur scolarisation.

Depuis 1997, l’ABW impose à tous ses titulaires une obligation de recherche d’emploi, à

l’exception des parents isolés élevant un enfant de moins de cinq ans et des personnes âgées

de plus de 57 ans et demi.

ANNEXE 4

Royaume-Uni – L’’indemnisation du chômage : entre activation et exclusion

Avant octobre 1996, le Royaume-Uni connaissait deux régimes d’indemnisation. Celui de

l’assurance garantissait une indemnité forfaitaire égale pour tous (Unemployment benefit),

sans conditions de ressource et versée pendant un an16. Celle-ci était assujettie à une durée

de cotisation, si bien qu’une personne n’ayant pas travaillé une année entière avant de

perdre son emploi, pouvait ne pas être indemnisée ou devoir renoncer à une grande partie de

ses droits.

Le régime d’assistance (Income support) d’un montant forfaitaire était attribué sous

condition de ressources pour une durée illimitée.

16 Cette allocation forfaitaire avait été introduite en 1982 après la suppression du Earnings related supplement créé en 1966 qui garantissait une allocation-chômage proportionnelle au revenu.

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37

Le gouvernement conservateur a introduit 32 modifications des règles d’accès à

l’indemnisation chômage depuis 1979, visant à lier plus systématiquement l’indemnisation-

chômage à la recherche active d’emploi.

Depuis 1996, l’allocation de recherche d’emploi (Jobseeker’s allowance17 ou JSA) se

substitue aux deux régimes précédents ; elle est versée sur une période de six mois sans

conditions de ressources aux chômeurs qui remplissent les conditions d’éligibilité de

l’ancienne assurance chômage, contre une année dans le système précédent. Au-delà de six

mois, ou pour les chômeurs n’ayant pas droit au système d’assurance (tels que les primo-

demandeurs), l’octroi de l’indemnisation est conditionné à un examen des ressources

familiales et doit satisfaire aux conditions d’une recherche active d’emploi. Le nouveau

dispositif est accompagné d’un renforcement des contrôles effectués par le service de l’emploi

sur le caractère effectif de la recherche d’emploi. Tout postulant à l’allocation de recherche

d’emploi doit signer avec le service public de l’emploi un contrat définissant ses droits et ses

obligations.

17 Montant de l’allocation au premier avril 1999 : - 51,40 livres par semaine pour les plus de 25 ans ; - 40,70 livres pour les 18-24 ans ; - 30,45 livres pour les moins de 18 ans.

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38

Sur la frontière de l’emploi et du chômage

Hervé Huyghues Despointes

Le développement des situations de cumul d’un salaire et d’une allocation de chômage a pris depuis

quelques années une importance croissante en France. Fin 1998, 320 000 chômeurs indemnisés dans le

seul régime d’assurance-chômage étaient dans cette situation, soit environ un chômeur indemnisé sur

six. Ce phénomène soulève de nombreuses questions. Pour les éclairer, cette étude mobilise les

données du panel communautaire des ménages qui a été mis en place à l’initiative d’Eurostat pour

étudier la dynamique d’emploi et de revenus dans 14 pays. Par l’étendue de son champ et sa capacité

de prise en compte de situations complexes dans le calendrier rétrospectif mensuel de la version

française de l’enquête, il offre une perspective d’études sur des populations qui se trouvent aux marges

du chômage et de l’emploi.

Il faut souligner d’emblée que cette source ne permet pas, à proprement parler, de saisir le phénomène

des activités réduites, du moins tel qu’il est défini dans la gestion administrative de l’UNEDIC (cumul

d’un salaire et d’une allocation de chômage). En revanche, cette enquête permet d’étudier l’ensemble

des situations caractérisées par la déclaration simultanée, un mois donné, d’un emploi et d’une

recherche d’emploi. C’est la raison pour laquelle nous ferons référence dans la suite non pas aux

personnes exerçant une activité réduite, mais à la population cible définie comme celle passant par un

état mixte emploi-recherche d’emploi. Deux questions principales sont abordées par l’étude. La

première porte sur les itinéraires de cette population cible sur le marché du travail et l’incidence de ces

parcours sur les statuts d’emploi des personnes concernées. La seconde concerne les caractéristiques

de cette population cible et son éventuelle spécificité par rapport à des populations de référence

pertinentes, de façon à mieux repérer les effets du passage par une concomitance d’emploi et de

recherche d’emploi.

Les données utilisées se limitent, dans cette approche exploratoire, à la France. Elles concernent un

peu plus de 15000 individus de 17 ans ou plus ayant répondu à une des trois premières vagues

d’enquête (en 1994, 1995 ou 1996). Nous travaillerons ici sur l’échantillon cylindré des répondants à

chacune des trois premières vagues, soit 11 738 individus.

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39

I. Passer par un état mixte emploi-recherche d’emploi : définition d’une population cible

Un calendrier d’activité rétrospectif recense chaque mois les diverses activités exercées (emploi,

activité indépendante, recherche d’emploi, études, retraite…) et permet de repérer la concomitance

d’un emploi et d’une recherche d’emploi. En excluant les concomitances dues à la juxtaposition

calendaire d’un emploi et d’une recherche d’emploi du fait d’une transition entre ces deux états, on

peut cerner une population à qui il arrive au moins un mois de chercher un emploi alors qu’elle a

occupé ce même mois un emploi à temps partiel ou à temps plein, sur toute la durée de ce mois ou

seulement sur une partie. Il s’agit là d’une population située sur la frontière de l’emploi et du chômage

dont les caractéristiques suscitent l’intérêt, en particulier depuis le développement de « l’activité

réduite » à la suite de la mise en place d’un dispositif d’intéressement permettant à l’allocataire

d’indemnités de chômage d’accroître son revenu par un ou plusieurs emplois à temps partiel18.

La qualité de recension des évènements dans les calendriers d’activité diffère selon les vagues19. Cela

a conduit à se restreindre aux calendriers des deuxième et troisième vagues pour déterminer la

population cible de cette étude portant sur les individus qui y signalent un même mois un emploi et

une recherche d’emploi. Le calendrier rétrospectif de la première vague fournira alors un recul de près

de deux ans (janvier 1993 à septembre 1994) pour distinguer d’éventuels antécédents à des types

d’itinéraire passant au moins un mois sur la frontière de l’emploi et de la recherche d’emploi entre

octobre 1994 et septembre 1996.

Le choix d’une période plus courte diminue la taille de la population cible mais la sélection gagne en

homogénéité dans un contexte de variabilité importante de la structure du marché du travail ; en

particulier, la part de ceux qui occupent un emploi chez les demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE

croît d’environ 2 % par an depuis 199120.

Dans ces conditions, on distingue une population « cible » de 316 individus qui, entre octobre 1994 et

septembre 1996, déclarent au moins un même mois un emploi (CDI/CDD, Temps plein/Temps partiel,

activité secondaire, aide familial) et une indication d’une recherche d’emploi (chômage, nombre de

jours chômés, existence d’offres n’ayant pas abouti). Les transitions entre emploi et demande d’emploi

qui conduiraient à une concomitance de ces deux états sur un mois ne sont pas retenues et sont

simplifiés dans l’état du mois précédent.

18 Depuis 1992, cet emploi doit être de moins de 136 heures mensuelles et apporter un salaire de moins de 70 % du salaire du dernier emploi. Cf Tuchszirer C. (2000), « L’inéluctable dérive vers les activités réduites », La Revue de l’IRES, à paraître. 19 Voir en annexe n° 1 la courbe de la part des chômeurs avec activité sur la période couverte par les 3 vagues. 20 Cette période des 2ème et 3ème vagues correspond d’ailleurs à un palier dans le développement de l’activité réduite des chômeurs indemnisés. Cf. C. Tuchszirer, Ibid. Mais ce n’est pas le cas de la part de ceux qui occupent un emploi chez les demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE qui croît aussi sur cette période, voir la courbe en annexe n°1.

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40

Graphique 1

Itinéraires professionnels incluant un emploi et une recherche d'emploi concomitants entre octobre 94 et septembre 96

0%10%20%30%40%50%60%70%80%90%

100%

janv

-93

avr-9

3

juil-

93

oct-9

3

janv

-94

avr-9

4

juil-

94

oct-9

4

janv

-95

avr-9

5

juil-

95

oct-9

5

janv

-96

avr-9

6

juil-

96

316 individus interrogés dans le panel européen

plein temps

temps partiel

temps plein etrecherche d'emploi

temps partiel etrecherche d'emploi

recherche d'emploi

étudiant, service national

inactivité

Ces itinéraires concernent principalement des individus qui connaissent une perturbation de leur

situation sur le marché du travail pendant la période de suivi ainsi que des individus étudiants en 1993

ou 1994 pour lesquels on observe des périodes d’emploi et de recherche d’emploi simultanées dans

leur mode d’accès au marché du travail.

Le tableau 1 présente les principales caractéristiques de la population étudiée par rapport à divers

critères.

Nettement plus féminine et plus jeune que l’ensemble de la population active en 1994, la population

cible se caractérise du point de vue de la formation par une part plus importante issue de

l’enseignement technique et professionnel court et relativement moins de personnes dépourvues de

formation technique ou supérieure. C’est en somme une population qui est généralement plus souvent

présente sur les segments précaires du marché du travail.

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41

en % population cible population activeHommes 46 53Femmes 54 47

total 100 10017-25 ans 45 2326-35 ans 25 2636-45 ans 18 2746-55 ans 11 18

56 ans et + 1 6total 100 100

pas d'études, primaire 10 12 général secondaire 17 19

technique ou profes. court 35 31technique ou profes. long 10 9

supérieur 28 29total 100 100

revenu mensuel du ménage en 1994 par unité de consom.

inférieur à 5650F 29 16entre 5650 et 9250 F 39 32supérieur à 9250 F 32 52

total 100 100part des revenus d'activité de l'individu dans le revenu du ménage en 1994

moins de 25% 52 33de 25 à 50% 24 24plus de 50% 24 43

total 100 100

Tableau 1 -Structure par sexe, âge, niveau d'études et revenus par rapport à la population active en 1994

Les bas niveaux de revenu du ménage en 1994 y sont sur-représentés par rapport à l’ensemble de la

population active : le revenu de 1994 est inférieur à 10 000 F pour 43 % des individus suivis (contre

24 % dans la population active). Si l’on se réfère à un niveau de vie21 en rapportant le revenu mensuel

du ménage au nombre d’unités de consommation, le niveau de vie le plus bas est atteint par 29 % des

individus au lieu de 16 % dans la population active. De plus, la part des revenus d’activités (salaires,

allocations de chômage) de l’individu enquêté dans le revenu global de son ménage en 1994 est plus

faible que dans la population active : pour la moitié de la population cible (pour un tiers de la

population active), cette part est inférieure à 25 %, ce qui est en partie du à la présence de plus d’un

quart d’étudiants dans la population cible en 1994.

21 Cinq classes de niveau de vie, correspondant à une partition de la population en quintiles, sont distinguées. Le plus bas niveau correspond à un revenu mensuel de moins de 5650 F net par unité de consommation. Les résultats présentés dans les tableaux regroupent ces classes en trois grandes catégories.

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42

Deux approches structurent la conduite de l’étude. La première est fondée sur l’analyse des états

calendaires de cette population. Cette analyse s’appuie sur une classification ascendante hiérarchique

de la population cible réalisée à partir des variables décrivant les situations mensuelles par rapport au

marché du travail entre octobre 1994 et septembre 1996. Elle conduit à une partition en quatre classes,

deux principales d’une centaine d’individus chacune et deux classes de moindre importance qui se

partagent à parts égales le dernier tiers de la population cible. On s’attache d’abord à caractériser les

processus temporels de ces quatre types d’itinéraires, puis on tente de cerner les contours des

différentes populations concernées.

Une seconde approche analyse les caractéristiques de la population cible réduite à une sous-population

qui n’est pas étudiante en début de période de suivi et est donc plus homogène du point de vue du

rapport au marché du travail. Une analyse logit des caractéristiques de cette sous-population a priori

active sur les quatre années de suivi permet d’établir ce qui distingue la population cible par rapport à

plusieurs populations de référence.

II Quatre types d’itinéraires sur la frontière du chômage et de l’emploi

La typologie des itinéraires réalisée par une classification ascendante hiérarchique22 repose sur les

variables décrivant de façon simplifiée les états rencontrés par les enquêtés entre octobre 1994 et

septembre 1996.

Ces états sont :

-une activité (CDI, CDD, activité indépendante) à plein temps seule,

-une activité à temps plein concomitante avec une recherche d’emploi,

-une ou plusieurs activités à temps partiel,

-une ou plusieurs activités à temps partiel en même temps qu’une recherche d’emploi,

-la recherche d’emploi seule,

-les études ou le service national,

-l’inactivité (y compris retraite, maladie…).

22 Ce procédé statistique de classification rapproche les individus qui rencontrent sur la période étudiée des successions d’états analogues.

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43

Quatre classes fournissent une typologie des itinéraires incluant au moins un mois où emploi et

recherche d’emploi sont déclarés simultanément. Les caractéristiques des populations correspondantes

sont présentées dans le tableau 2.

Tableau 2

en % Type 1 Type 2 Type 3 Type 4 population cibleHommes 44 60 20 49 46Femmes 56 40 80 51 54

total 100 100 100 100 10017-25 ans 36 40 38 77 4526-35 ans 25 26 25 22 2536-45 ans 21 24 21 1 18

46 et + 18 10 16 0 12total 100 100 100 100 100

pas d'études, primaire 15 11 11 0 10 général secondaire 25 14 20 7 17technique ou profes.

court 33 44 40 22 35technique ou profes.

long 8 8 10 14 10supérieur 19 23 19 57 28

total 100 100 100 100 100revenu mensuel du ménage en 1994 par unité de consom.

inférieur à 5650F 44 15 38 18 29entre 5650 et 9250 F 34 49 33 40 39supérieur à 9250 F 22 36 29 42 31

total 100 100 100 100 100part des revenus d'activité de l'individu dans le revenu du ménage en 1994

moins de 25% 44 40 56 83 52de 25 à 50% 26 26 29 24plus de 50% 30 34 15 24

total 100 100 100 100

Structure par sexe, âge, niveau d'études et revenus des types issus de la classification de la population cible

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44

Type 1 (35 % de la population cible)

Graphique 2

Type 1 : itinéraires avec prédominance du chômage et du temps partiel entre octobre 94 et septembre 96

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

janv

-93

avr-9

3

juil-

93

oct-9

3

janv

-94

avr-9

4

juil-

94

oct-9

4

janv

-95

avr-9

5

juil-

95

oct-9

5

janv

-96

avr-9

6

juil-

96

112 individus interrogés dans le panel européen

plein temps

temps partiel

temps plein etrecherche d'emploi

temps partiel etrecherche d'emploi

recherche d'emploi

étudiant, service national

inactivité

Pour lire le graphique : il s’agit de la répartition chaque mois des 112 individus entre les sept états. Chacun de ces individus peut occuper chaque mois un des états avec une chance égale à la proportion affichée sur le graphique.

Dans les itinéraires du type 1 émerge une part importante de temps partiel avec recherche d’emploi

dans un contexte de forte exposition au chômage. Il s’agit d’une forme majeure du passage par la

concomitance d’emploi et de recherche d’emploi puisque cet itinéraire est suivi par 35 % de la

population cible.

Encore plus féminine (56 % de femmes) que la moyenne de la population cible, cette classe est aussi

plus âgée avec 40 % de plus de 35 ans (30 % en moyenne) et moins diplômée, 40 % n’ayant reçu

aucune formation technique ou supérieure (28 % en moyenne). Par ailleurs, 44% des individus de cette

classe vivent dans un ménage à bas niveau de vie, soit 15% de plus que dans la moyenne.

La situation sur le marché du travail s’y dégrade à partir de septembre 1993, soit environ un an avant

que le phénomène de concomitance d’emploi et de recherche d’emploi ne se développe. D’une part,

une partie des étudiants arrive sur le marché du travail mais aussi, la part des emplois à temps plein

régresse de 10 %. La part des chômeurs sans emploi passe de 32 % au début 1993 à 50 % à la fin de

1994 et se maintient à ce niveau pendant plus d’un an. C’est dans ce contexte d’une situation de

l’emploi dégradée qu’intervient la recherche d’emploi concomitante avec un emploi à temps partiel :

comme on le voit sur le graphique ci-dessous, le chômage avec ou sans emploi à temps partiel touche

huit personnes sur dix entre fin 1994 et fin 95.

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45

Graphique 3

Passage par la recherche d'emploi pour les itinéraires du type 1

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

janv

-93

avr-9

3

juil-

93

oct-9

3

janv

-94

avr-9

4

juil-

94

oct-9

4

janv

-95

avr-9

5

juil-

95

oct-9

5

janv

-96

avr-9

6

juil-

96

112 individus interrogés par le panel européen

chômageavec/sanstemps partiel

chômageuniquement

Entre octobre 1994 et septembre 1996, ces personnes passent en moyenne près d’un an uniquement au

chômage et occupent pendant plus de six mois un emploi à temps partiel tout en continuant à chercher

un emploi. Si l’on considère le contexte dégradé de l’interrogation de l’automne 1994 où près des 2/3

se considèrent comme chômeurs et huit sur dix déclarent chercher un emploi, la situation s’est

améliorée dans une faible mesure à l’interrogation de l’automne 1996 puisque la moitié sont alors

chômeurs et 60 % recherchent un emploi.

L’analyse des états simplifiés obtenus à partir des calendriers d’activité (au lieu des interrogations

ponctuelles des trois vagues) en privilégiant l’activité sur le chômage en cas de concomitance23

conduit à des résultats plus favorables qui dans cette partie ne sont pas rapportés à ceux d’une

population de référence. En particulier si l’on se limite à une sous-population de 97 individus qui ne

sont pas étudiants avant septembre 1993 (tableau 3). On constate pour cette sous-population que la

situation en termes de contrats de travail et de chômage simple est meilleure en septembre 1996

qu’elle ne l’était en septembre 1994 et même en janvier 1993. Mais la croissance du travail à temps

partiel qui passe de 15 % en janvier 1993 à 20 % en septembre 1994 et finalement à près de 39 % en

septembre 1996 traduit aussi une forme d’exclusion du marché du travail.

23 Le choix des règles de simplification ne sont pas sans effet sur le caractère positif de cette évaluation : en cas de concomitance d’un emploi et d’une recherche d’emploi, on conserve l’emploi et en cas de concomitance d’un emploi en CDD et d’un emploi en CDI, on conserve le CDI.

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46

Tableau 3

situation simplifiée sur le marché du travail d'après les calendriers d'activité

janv-93 sept-94 sept-96

emploi en CDI 20% 14% 25% emploi en CDD 30% 32% 40%

activité indépendante 1% 2% 0% chômage 42% 47% 32%

hors marché du travail 7% 5% 3% 100% 100% 100%

Champ : les 97 itinéraires du type 1 à l'exclusion des étudiants

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47

Type 2 (30 % de la population cible)

Graphique 4

Type 2 : itinéraires avec prédominance de l'emploi à temps plein entre octobre 94 et septembre 96

0%

20%

40%

60%

80%

100%

janv

-93

avr-9

3

juil-

93

oct-9

3

janv

-94

avr-9

4

juil-

94

oct-9

4

janv

-95

avr-9

5

juil-

95

oct-9

5

janv

-96

avr-9

6

juil-

96

92 individus interrogés dans le panel européen

plein temps

temps partiel

temps plein etrecherche d'emploi

temps partiel etrecherche d'emploi

recherche d'emploi

étudiant, service national

inactivité

L’itinéraire de type 2 concerne une population composée majoritairement d’hommes (à 60 %). La

moitié a entre 26 et 45 ans (7 % de plus que la moyenne de la population cible) et 44 % ont reçu une

formation dans l’enseignement technique ou professionnel court. Seulement 15 % appartiennent à un

ménage à bas niveau de vie (29 % en moyenne dans la population cible) et ils sont un tiers à contribuer

par leur activité à plus de 50 % du revenu du ménage (un quart en moyenne).

Ce sont ici des emplois à temps plein qui sont déclarés de façon concomitante avec une recherche

d’emploi entre octobre 1994 et septembre 1996. Sur cette période, plus de la moitié a un emploi à

temps plein mais un tiers en moyenne se trouve engagé dans une démarche d’emploi, qu’il ait un

emploi ou non. Ils ont passé en moyenne quinze mois en emploi à temps plein, quatre mois en emploi

avec recherche d’emploi et quatre mois au chômage. Les mois où il y a recherche d’emploi et emploi,

la moyenne des jours non chômés est de 15 jours, soit deux jours de plus que dans les autres types

d’itinéraires. Ainsi leur lien à l’emploi est-il plus étroit que dans les autres types d’itinéraires mais le

régime de la dernière année de suivi semble stabilisé dans un rapport précaire à l’emploi, puisque plus

d’un tiers recherche alors un emploi.

Le nombre d’offres d’emploi non abouties est relevé mensuellement dans le calendrier. Cet indicateur

reflète à la fois l’intensité de la recherche d’emploi mais également la nature défavorable des offres

proposées dans le domaine recherché. Sur les 24 mois du calendrier d’activité entre octobre 1994 et

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48

48

septembre 1996, un quart de cette classe a déclaré au moins dix fois avoir refusé une offre d’emploi.

Cette proportion est nettement supérieure à celle des autres types d’itinéraires et semble indiquer une

activité de recherche d’emploi intense sur un marché difficile. L’analyse des contrats de travail

obtenus par ceux qui ne sont pas étudiants en 1993 permet de confirmer la dégradation du rapport à

l’emploi que suppose ce type d’itinéraire (tableau 4).

Tableau 4

situation simplifiée sur le marché du travail d'après les calendriers

d'activité

janv-93 sept-94 sept-96

emploi en CDI 37% 27% 31% emploi en CDD 35% 39% 53%

activité indépendante 2% 3% 0% chômage 18% 31% 16%

hors marché du travail 8% 0% 0% 100% 100% 100%

Champ : les 76 itinéraires du type 2 à l'exclusion des étudiants

Par rapport à la situation de janvier 1993, celle de septembre 1996 marque une augmentation de la part

des CDD et une diminution de celle des CDI : début 93, la part des contrats stables était équivalente à

celle des contrats précaires ; en septembre 1996, les contrats précaires sont nettement plus nombreux.

Pour autant la situation ne se trouve pas franchement améliorée sur le front du chômage dont

l’importance est équivalente aux deux dates.

Ainsi le cumul d’un emploi à plein temps et de la recherche d’emploi à partir d’octobre 1994

correspond-il au développement des contrats courts et en particulier de l’intérim dans le contexte d’un

marché du travail fragilisé. En septembre 1996, le chômage se trouve ramené à son niveau de 1993

mais ce rétablissement s’est fait au prix d’une nette précarisation.

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Type 3 (17 % de la population cible)

Graphique 5

Ce troisième type d’itinéraires est le seul pour lesquels la période où sont relevées les concomitances

d’emploi et de recherche d’emploi (d’octobre 1994 à septembre 1996) ne constitue pas une rupture

nette dans le type de rapport au marché du travail. Dans l’année qui précède, 80 % des itinéraires se

répartissent entre le chômage, l’emploi à temps partiel ou les deux à la fois. Entre octobre 1994 et

septembre 1996, la population concernée passe en moyenne 15 mois en emploi à temps partiel, six

mois au chômage et trois mois sur les deux états à la fois. A part l’arrivée des étudiants sur le marché

du travail, la seule évolution notable est l’éradication presque complète du travail à temps plein et

l’établissement du travail à temps partiel comme unique mode de rapport à l’emploi. Parmi les emplois

à temps partiel, la part de ceux de moins de 15 heures hebdomadaires reste à peu près inchangée sur la

période de suivi (environ un sur quatre).

De même, les types de contrats demeurent équitablement répartis entre CDD et CDI sur toute la

période24.

24 situation simplifiée sur le marché du travail d'après les calendriers d'activité

janv-93 en effectif

sept-94 en effectif

sept-96 en effectif

emploi en CDI 12 13 16 emploi en CDD 14 14 17 chômage 13 14 9 hors marché du travail 3 1 0 42 42 42 Champ : les itinéraires du type 3 à l'exclusion des étudiants

Type 3 : itinéraires entre temps partie l et chômage entre octobre 94 et septembre 96

0%

20%

40%

60%

80%

100%

janv

-93

avr-9

3

juil-

93

oct-9

3

janv

-94

avr-9

4

juil-

94

oct-9

4

janv

-95

avr-9

5

juil-

95

oct-9

5

janv

-96

avr-9

6

juil-

96

57 individus inte rrogés dans le pane l europée n

plein temps

temps partiel

temps plein etrecherche d'emploi

temps partiel etrecherche d'emploi

recherche d'emploi

étudiant, service national

inactiv ité

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50

50

Huit sur dix sont des femmes et six sur dix vivent en couple (soit 10 % de plus que la moyenne de la

population cible). Les plus de 35 ans sont un peu plus nombreux que la moyenne et leur niveau

d’études se distingue peu de la moyenne, à l’exception d’une légère sur-représentation des formations

techniques ou professionnelles courtes. Le niveau de vie du ménage en 1994 se distribue aussi de

façon assez proche de la moyenne avec toutefois 37 % de bas niveau de vie (29 % en moyenne). Mais

c’est la part des revenus d’activité des ces personnes dans le revenu global de leur ménage en 1994 qui

les distingue : 85 % y contribue pour moins de la moitié, soit près de 20 % de plus que dans les types 1

et 2. En plus féminin, leur profil est proche de ceux qui suivent des itinéraires du type 1, en étant

toutefois moins désavantagé en terme de niveau de vie et de diplôme.

Près de neuf sur dix n’ont pas eu l’occasion de déclarer des offres non abouties, ce qui peut traduire

une recherche d’emploi moins intense mais aussi une moindre latitude de choix.

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51

51

Type 4 (19 % de la population cible)

Graphique 6

La classification qui a conduit à distinguer ce type d’itinéraires reposait sur l’observation des états

rencontrés entre octobre 1994 et septembre 1996. Les individus qui se sont trouvés étudiants ou, plus

rarement, au service national25 de façon prolongée entre ces deux dates se trouvent rassemblés ici,

tandis que ceux qui terminent leurs études ou le service national avant octobre 1994 apparaissent dans

d’autres types d’itinéraires. Les concomitances d’emploi à temps partiel et de recherche d’emploi

s’intègrent donc ici dans un processus d’entrée sur le marché du travail, observable essentiellement sur

la dernière année de suivi. Entre octobre 1994 et septembre 1996, ces étudiants passent en moyenne un

an en études et six mois au chômage. La période d’emploi avec ou sans recherche d’emploi est donc

plus courte que dans les autres types d’itinéraires. En septembre 1996, à l’issue de cette année

d’insertion, une petite moitié a trouvé un travail, précaire le plus souvent.

Du fait de ces critères de sélection, les caractéristiques de cette sous-population sont particulières :

composée d’autant d’hommes que de femmes, les trois quarts ont entre 17 et 25 ans en 1994 et leur

niveau de diplôme est très supérieur à la moyenne de la population cible avec près de six sur dix qui

suivent en 1994 un enseignement supérieur (technique ou pas). Bien entendu en 1994, les 4/5ème

contribuent à moins du quart du revenu de leur ménage et un sur cinq seulement vit en couple.

Type 4 : itinéraires d'insertion d'étudiants sur le marché du travail

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

janv

-93

avr-9

3

juil-

93

oct-9

3

janv

-94

avr-9

4

juil-

94

oct-9

4

janv

-95

avr-9

5

juil-

95

oct-9

5

janv

-96

avr-9

6

juil-

96

55 individus interrogés dans le panel européen

plein temps

temps partiel

temps plein etrecherche d'emploi

temps partiel etrecherche d'emploi

recherche d'emploi

étudiant, service national

inactivité

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52

III. Caractérisation par l’analyse logit

Exercer un emploi et développer une recherche d’emploi dans un même mois conduit à cumuler les

deux critères d’appartenance à la population active. C’est pourquoi la population de référence pour le

phénomène étudiée est a priori la population active au début de la période où l’on observe la présence

de ces concomitances, c’est-à-dire à la première interrogation de l’automne 1994. Pour analyser le

phénomène du passage par une concomitance d’emploi et de recherche d’emploi isolément d’un

processus d’entrée des étudiants dans la population active, on se restreindra à une sous-population qui

n’est pas dans ses études initiales, ne serait-ce qu’un mois, entre janvier et septembre 1993. La

population cible se trouvera du coup restreinte à 224 personnes dont nous savons qu’en octobre 1994,

elles n’en sont plus à leur première année dans la population active26.

En ce qui concerne les caractéristiques de la recherche d’emploi, on se restreindra aux personnes qui

déclarent rechercher un emploi à la première interrogation. Pour étudier les emplois de la population

cible, on travaillera sur la sous-population des enquêtés occupant un emploi à la première

interrogation.

25 La part du service national est très minoritaire : nulle en janvier 93, elle est de 8 % en septembre 94 et de 11 % en septembre 96. 26 90 personnes écartées de cette partie de l’étude se trouvent en fait étudiantes pendant 6 mois au moins entre janvier et septembre 1993. 2 ont été écartées du fait de déclarations de retraite dans les six derniers mois de suivi.

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53

Graphique 7

itinéraires d'actifs incluant emploi et recherche d'emploi concomitants entre octobre 94 et septembre 96

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

janv

-93

avr-9

3

juil-

93

oct-9

3

janv

-94

avr-9

4

juil-

94

oct-9

4

janv

-95

avr-9

5

juil-

95

oct-9

5

janv

-96

avr-9

6

juil-

96

224 individus interrogés dans le panel européen

plein temps

temps partiel

temps plein etrecherche d'emploi

temps partiel etrecherche d'emploi

recherche d'emploi

étudiant, service national

inactivité

Graphique 8

Les formes d'emploi dans les itinéraires passant par la concomitance d'un emploi et d'une recherche d'emploi

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

janv

-93

avr-9

3

juil-

93

oct-9

3

janv

-94

avr-9

4

juil-

94

oct-9

4

janv

-95

avr-9

5

juil-

95

oct-9

5

janv

-96

avr-9

6

juil-

96

224 individus interrogés par le panel européen

emploi etrecherched'emploi

temps partiel

plein temps

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54

Une fois éliminé l’effet de l’arrivée des étudiants sur le marché du travail, le caractère stationnaire des

rapports de cette cohorte à l’emploi est assez marqué. L’emploi à temps plein sans recherche d’emploi

décroît lentement depuis janvier 1993 jusqu’à ne concerner qu’un quart des itinéraires en octobre

1994, niveau auquel il se maintient par la suite. De même, l’emploi à temps partiel sans recherche

d’emploi représente environ 15 % des situations chaque mois tout au long de la période de suivi.

L’émergence de l’état où emploi et recherche d’emploi coexistent fait suite à la baisse de l’emploi à

temps plein et cet état « concomitant » se stabilise à environ 20 % des situations mensuelles en 1995 et

1996. Au total, en septembre 1996, si l’on considère l’ensemble des personnes en emploi,

l’insatisfaction quant à l’emploi occupé qu’exprime une recherche d’emploi concomitante en concerne

près d’un sur trois.

En termes de contrats de travail, le bilan des situations simplifiées sur le marché du travail apparaît

plus favorable (tableau 5). A la fin de la période de suivi, la part des CDI a retrouvé le niveau de

janvier 1993 et le chômage simple ne touche plus qu’un quart de ces individus. La situation semble

meilleure en septembre 1996 qu’elle ne l’était en septembre 1994 et même en janvier 1993, à cela près

que la part des emplois précaires s’est accrue dans le même temps de près de dix points. Tout se passe

comme si la dégradation de la situation de l’emploi entre janvier 1993 et septembre 1994 conduisait à

l’émergence du phénomène de concomitance, qui débouche in fine sur un certain rétablissement mais

dans un rapport plus précaire et moins satisfaisant à l’emploi.

Tableau 5

situation simplifiée sur le marché du travail d'après les calendriers

d'activité

janv-93 sept-94 sept-95 sept-96

emploi en CDI 28% 21% 22% 29% emploi en CDD 34% 35% 37% 43%

activité indépendante 1% 2% 1% 0% chômage 31% 39% 37% 26%

hors marché du travail 6% 3% 3% 2% 100% 100% 100% 100%

Champ : les 224 itinéraires à l'exclusion des étudiants

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55

1. Caractérisation par rapport à la population active à la première interrogation27

La question est de savoir si par rapport à la population active, certaines caractéristiques ont, toutes

choses égales par ailleurs, une influence sur la concomitance entre emploi et recherche d’emploi.

Si dans l’année qui précède (ici 1994), les revenus liés à l’allocation chômage dépassent en proportion

le quart des revenus d’activité de l’individu, cette antériorité dans le rapport au chômage indemnisé a

une influence significative sur le fait de cumuler certains mois un emploi et une recherche d’emploi.

C’est de loin l’effet le plus important et l’on peut penser que cette concomitance entre emploi et

recherche d’emploi s’inscrit, plus que dans d’autres situations, dans le contexte de l’activité réduite

telle qu’elle est prévue par l’UNEDIC. De plus, si la part des revenus de la personne dans le revenu de

son ménage en 1994 est comprise entre 25 et 50 %, la fréquence d’un état mixte emploi-recherche

d’emploi est aussi significativement plus élevée que si cette part dépasse 50 %.

Compte tenu de la prise en compte des effets de revenus liés à une antériorité du rapport au chômage,

la probabilité de pratiquer ce type de concomitance diminue significativement avec l’âge. Par contre,

le sexe et le niveau d’études n’ont pas d’effet significatif. Des études supérieures semblent prédisposer

à l’éviter mais c’est parce qu’elles sont fortement corrélées à l’éventualité d’un haut niveau de vie qui

lui, détourne significativement du cumul de l’emploi et de la recherche d’un emploi. Toutes choses

égales par ailleurs, vivre en couple, n’a pas d’effet significatif, de même pour la garde d’enfants ou la

présence éventuelle d’un handicap.

Ces résultats doivent être jugés avec précaution dans la mesure où, par rapport à la population active

comme référence, l'essentiel de l'effet à expliquer est probablement celui du chômage et

secondairement la particularité du cumul d'un emploi et d'une recherche d'emploi.

On doit donc s'intéresser à ce qui distingue la population cible d'une population de référence plus

restreinte mais plus homogène par rapport au chômage, à savoir d'une part, les enquêtés qui sont à la

recherche d'un emploi à la première interrogation et d'autre part, ceux qui ont un emploi à la première

interrogation. On peut ainsi analyser en quoi les deux cohortes correspondant à ces populations de

référence s'en distinguent quant à leur recherche d'emploi ou à leur emploi.

27 Voir en annexe n° 2 les tableaux de résultats des logit.

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56

2. Caractérisation par rapport à la population des demandeurs d’emploi à la première

interrogation28

A la première interrogation, 1139 personnes déclarent rechercher un emploi et, parmi elles, 166

connaîtront entre octobre 1994 et septembre 1996 au moins un mois de concomitance d'emploi et de

recherche d'emploi. On souhaite repérer, dans un premier temps, une spécificité des modes de

recherche d’emploi chez ces derniers au début de la période où seront observés ces mois de

concomitance.

Les variables de contrôle usuelles telles que le sexe, l’âge ou le niveau d’étude ne s’avèrent pas

significativement différentes par rapport à l’ensemble des demandeurs d’emploi.

On pouvait attendre de certaines variables qui caractérisent la recherche d'emploi qu'elles

contribueraient à singulariser de façon significative la sous-population cible (toujours toutes choses

égales par ailleurs du point de vue du sexe, de l’âge et du niveau d’études). Or Ce n’est pas le cas. Ni

le nombre d'heures de travail souhaitées, ni le salaire de réserve, ni les chances qu'évalue le demandeur

d'emploi pour aboutir dans sa recherche, ni sa disponibilité à travailler dans les quinze jours, ni le fait

d'avoir reçu des offres fermes d'emploi dans les quatre dernières semaines, ni le fait d'avoir effectué

des démarches pour trouver un emploi, ne permettent de distinguer la population cible de la population

de référence de chômeurs. Seul le fait d’être inscrit à l'ANPE a une influence significative et positive

sur le fait de cumuler un même mois un emploi et une recherche d'emploi. Cela peut s’expliquer par le

fait que l’inscription à l’ANPE est une démarche quasi incontournable dans une recherche d’emploi

active, ce qui semble être le cas de ceux qui passent par des états mixtes d’emploi et de recherche

d’emploi. En tous cas, cet effet atteste de l’inscription de ce rapport particulier à l’emploi dans le

contexte institutionnel de la recherche d’emploi.

Une autre question importante concerne l’effet sur la qualité d’insertion en emploi du passage par la

concomitance d’emploi et de recherche d’emploi. En fait, il apparaît une distinction significative quant

aux mouvements le long d’une échelle de qualité d’insertion sur le marché du travail29, mais il n’y a ni

amélioration, ni dégradation significative30. Au reste, cette mobilité importante dans le rapport à

l’emploi est liée de façon endogène à la sélection de la population cible.

28 Voir en annexe n°2 les tableaux de résultats des logit. 29 On attribue la note 9 à un CDI à temps plein ,8 à un CDI à temps partiel de plus de 15 heures hebdomadaires, 7 à un CDI à temps partiel de moins de 15 heures hebdomadaires, 6 à un CDD à temps plein , 5 à un CDD à temps partiel de plus de 15 heures hebdomadaires, 4 à un CDD à temps partiel de moins de 15 heures hebdomadaires, 3 à une activité secondaire ou familiale, 2 au chômage et 1 aux états hors du marché du travail. 30 Cela rejoint les résultats des travaux économétriques qui jusqu’alors n’ont pu montrer d’effet avéré sur la qualité ou la vitesse de réinsertion. Cf. P. Garnier, X. Joutard, « L’activité réduite favorise-t-elle la sortie du chômage ? », Economie et Statistique, n°321-322, 1999 et aussi M. Gurgand et M-T Letablier « Travailler et être inscrit au chômage : emploi d’attente ou statut intermédiaire ? », 4 pages du CEE, mai 1999.

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Ainsi, les données du panel européen ne font pas apparaître ici de spécificité chez ces demandeurs

d’emploi avant qu’ils ne développent leur rapport particulier au marché du travail dans les deux années

qui suivent.

3. Caractérisation par rapport à la population occupant un emploi à la première

interrogation31

5834 individus occupent un emploi à la première interrogation et parmi eux 120 se déclareront au

moins un mois en emploi et en recherche d’emploi dans les deux années qui suivent. Toutes choses

égales d’ailleurs du point de vue sexe, âge et niveau d’études, de nombreuses caractéristiques ayant

trait à la précarité des emplois occupés à la première interrogation sont liés positivement à

l’éventualité d’une concomitance emploi-recherche d’emploi. Il en va ainsi du motif « fin de contrat,

travail temporaire » pour expliquer la fin de l’emploi précédent, du caractère temporaire ou partiel de

l’emploi occupé (activité qualifiée de « secondaire », CDD ou CDI à temps partiel, temps partiel). Les

salariés de l’état ou d’entreprise d’état sont significativement moins présents dans les emplois occupés

par la population cible, essentiellement parce qu’ils sont moins exposés au chômage.

L’expression d’une insatisfaction quant à l’emploi occupé va aussi de pair avec le fait d’en chercher

un autre. Déclarer que l’emploi occupé est bien meilleur que le précédent diminue significativement la

propension à rechercher un emploi tout en en occupant un.

Enfin la concomitance entre emploi et recherche d’emploi n’apparaît pas significativement liée à l’âge,

ni au sexe, ni au niveau de diplôme, toutes choses égales d’ailleurs du point de vue du type de contrats

et des horaires de travail qui apparaissent bien comme déterminants.

31 Voir en annexe n°2 les tableaux de résultats des logit.

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58

Conclusion

La concomitance de l’emploi et de la recherche d’emploi, telle qu’elle peut être saisie à travers les

données du panel européen des ménages, apparaît surtout comme une des facettes de la précarisation

du marché du travail. Elle intervient dans les itinéraires professionnels à un moment d’exposition à un

important risque de chômage alors que l’accès à l’emploi se restreint aux contrats temporaires et/ou à

temps partiel. La population concernée par ce type de rapport à l’emploi et au chômage est plus plutôt

féminine, jeune, avec une prédominance de formations techniques courtes et de niveaux de vie peu

élevés.

Pour un tiers de ces itinéraires (type 1), la concomitance de l’emploi et de la recherche d’emploi

accompagne une forme de rétablissement de la situation sur le marché du travail au prix d’une

précarisation et d’une forme d’exclusion vers le temps partiel ; pour un autre tiers (type 2), elle

s’inscrit dans un processus de confinement progressif à des emplois à plein temps de courte durée qui

nécessitent de conserver un lien à la recherche d’emploi ; de façon plus minoritaire (1/6ème),

principalement pour des femmes, la concomitance de l’emploi et de la recherche d’emploi intervient

dans une forme d’équilibre entre temps partiel et chômage (type 3). Enfin, ce type de concomitance

peut aussi s’incorporer à un processus d’accession au marché du travail dans la première année qui suit

la fin des études (type 4).

Par rapport à des populations de référence que sont la population active ou bien les demandeurs

d’emploi ou bien ceux qui occupent un emploi, les personnes qui passent par une concomitance

d’emploi et de recherche d’emploi se distinguent essentiellement par l’antériorité de leur rapport au

chômage, leur inscription dans une démarche institutionnelle de recherche d’emploi et leurs liens aux

emplois précaires.

Enfin, il n’a pas été possible d’établir ici que l’exercice d’une activité réduite ait un impact significatif

sur l’évolution professionnelle. L’émergence de ce phénomène est consécutive à une dégradation de la

situation de l’enquêté (ou à son entrée) sur le marché de l’emploi. La concomitance d’un emploi et

d’une recherche d’emploi débouche certes sur une forme de retour à l’emploi mais dans un statut plus

précaire et moins satisfaisant. La concomitance de l’emploi et de la recherche d’emploi apparaît ainsi à

la fois comme le produit de la précarisation du marché de l’emploi et une forme de réaction à celle-ci.

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Note

L’éventualité d’un élargissement de l’enquête à d’autres pays européens ne peut être envisagée car le

calendrier d’activité de l’enquête au niveau européen ne prend pas en compte d’états multiples et donc

pas de concomitance emploi-recherche d’emploi. Par ailleurs, les emplois recensés se limitent à ceux

dont l’horaire hebdomadaire dépasse 15 heures.

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Annexe 1 : Comparaison avec d’autres sources et choix de la période d’étude

Sans qu’il soit possible de distinguer ce qui ressort d’une amélioration progressive de la qualité de

recension des évènements dans les calendriers d’activité des trois vagues d’enquête ou bien d’une

progression attestée par d’autres sources de l’activité réduite, la fréquence des mois en concomitance

emploi-recherche d’emploi est inférieure sur l’année précédant la première interrogation à ce qu’elle

est sur les années suivantes. De plus, la variable décrivant le nombre de jours chômés par mois

présente des caractéristiques (taux de réponse, moyenne…) assez différentes en première vague de ce

qu’elles sont en deuxième et troisième vagues.

Il semble, en particulier dans la première vague, qu’il y ait eu confusion chez certains enquêteurs entre

le chômage partiel dans le cadre d’un emploi salarié (code d’activité ‘10’) aux contours juridiques bien

définis et un chômage (code d’activité ‘16’) jugé partiel par l’enquêté parce qu’il s’accompagnait d’un

emploi salarié ou parce qu’il ne portait pas sur l’intégralité des jours du mois. Cette confusion se

reproduit pour les codes indiquant le nombre de jours chômés dans le mois (‘11’ pour le nombre de

jours en chômage partiel et ‘17’ pour le nombre de jours au chômage)32.

Graphique 9

Part de ceux qui ont une activité parmi les demandeurs d'emploi du mois

0%

2%

4%

6%

8%

10%

12%

14%

janv

-93

mar

s-93

mai

-93

juil-

93

sept

-93

nov-

93

janv

-94

mar

s-94

mai

-94

juil-

94

sept

-94

nov-

94

janv

-95

mar

s-95

mai

-95

juil-

95

sept

-95

nov-

95

janv

-96

mar

s-96

mai

-96

juil-

96

sept

-96

source : données mensuelles du panel européen des ménages

Sur cette période, il est intéressant de comparer l’évolution temporelle de la part des demandeurs

d’emploi qui déclarent simultanément un emploi et la part de ceux qui occupent un emploi (DEFM de

32 Cf. la contribution de Pascale Breuil et Jean-Claude Rincent aux 7èmes journées du longitudinal, « impact des transitions entre emploi et chômage sur les chroniques de revenus », p 22 in « Trajectoires d’emploi et conditions d’existence des individus » des 25 et 26 mai 2000 à Nancy.

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61

catégories 1, 2 et 3 ayant un emploi de moins de 78 H par mois et DEFM en catégories 6, 7 et 8) chez

les demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE (DEFM en catégories 1,2,3,6,7 et 8).

Graphique 10

part de ceux qui occupent un emploipami les demandeurs d'emploi du mois

10%11%12%13%14%15%16%17%18%19%20%

sept-94

nov-94

janv-95

mars-95

mai-95

juil-95

sept-95

nov-95

janv-96

mars-96

mai-96

juil-96

sept-96

DEFM : données trimestrielles ANPE/DARES

On constate que la part des concomitances avec l’emploi chez les demandeurs d’emploi élaborée à

partir du panel européen est inférieure de près de la moitié à ce qu’elle est dans les fichiers des inscrits

à l’ANPE et qu’en outre, le panel ne fait pas apparaître sur les 2ème et 3ème vagues la croissance de cette

part très marquée dans les données de l’ANPE. Ces différences en niveau et en évolution doivent

d’abord être attribuées à la différence dans ce qui est mesuré. Nombre de demandeurs d’emploi

repérés par le panel déclarent n’être pas inscrit à l’ANPE (un tiers en vague 2), tandis que le fait de

déclarer un emploi et une recherche d’emploi simultanés est fortement lié au fait de s’inscrire à

l’ANPE d’où une évolution proche des numérateurs de ces deux proportions et des écarts non

négligeables de leurs dénominateurs. De plus, l’effet mémoire a une incidence non négligeable sur le

nombre de concomitances citées dans le cadre de calendriers rétrospectifs. C’était notamment le cas

dans l’enquête Trajectoires des Demandeurs d’Emploi33.

33 Cf G. Canceill et H Huyghues Despointes, « L’inscription à l’ANPE, et après : itinéraires de chômeurs », DARES, Premières Synthèses, 99.09-37.1.

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Annexe 2 : résultats des analyses logit

1. Caractérisation par rapport à la population active à la 1ère interrogation La situation de référence est : « être un homme célibataire de 26 à 35 ans qui a atteint un niveau d’études de l’enseignement général secondaire, a le niveau de vie le plus bas, n’a pas d’enfants à garder. Ses revenus issus de l’indemnisation du chômage ont constitué moins du quart de ses revenus d’activité en 1994. Il contribue pour plus de la moitié des revenus de son ménage en 1994. Il n’ a pas de handicap. » Les variables sont les indicatrices des états suivants : FEMME : « être une femme » ; CLA1 : « avoir entre 17 et 25 ans » ; CLA3 : « avoir entre 36 et 45 ans ; CLA4 : « avoir plus de 46 ans » ; DIP1 : « pas de niveau d’études ou enseignement primaire » ; DIP3 : « enseignement technique ou professionnel court » ; DIP4 : « enseignement technique ou professionnel long » ; DIP5 : « enseignement supérieur ou technique supérieur » ; R2-R5 : revenu par unité de consommation par ordre croissant ; COUPL : « vivre en couple » ; HAND : « avoir un handicap » ; PR1 : « contribuer par son activité à moins du quart du revenu du ménage en 94 » ; PR2 : « contribuer par son activité à plus de 25 et moins de 50 %b du revenu du ménage en 94 ; REVCHO : « les allocations de chômage ont représenté plus du quart des revenus d’activité de la personne en 1994 ».

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The LOGISTIC Procedure Data Set: WORK.REF224 Response Variable: AR Response Levels: 2 Number of Observations: 6618 Weight Variable: POIDS Sum of Weights: 6618.0010045 Link Function: Logit Response Profile Ordered Total Value AR Count Weight 1 1 224 226.1952 2 0 6394 6391.8058 Model Fitting Information and Testing Global Null Hypothesis BETA=0 Intercept Intercept and Criterion Only Covariates Chi-Square for Covariates AIC 1973.908 1831.437 . SC 1980.705 1960.591 . -2 LOG L 1971.908 1793.437 178.471 with 18 DF (p=0.0001) Score . . 213.663 with 18 DF (p=0.0001)

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Analysis of Maximum Likelihood Estimates Parameter Standard Wald Pr > Standardized Odds Variable DF Estimate Error Chi-Square Chi-Square Estimate Ratio INTERCPT 1 -3.2564 0.2646 151.4916 0.0001 . . FEMME 1 0.2192 0.1465 2.2379 0.1347 0.060267 1.245 CLA1 1 0.6053 0.2002 9.1444 0.0025 0.104113 1.832 CLA3 1 -0.2664 0.1882 2.0040 0.1569 -0.068748 0.766 CLA4 1 -0.4662 0.2299 4.1117 0.0426 -0.112041 0.627 DIP1 1 0.0238 0.2411 0.0097 0.9215 0.004664 1.024 DIP3 1 -0.1338 0.1857 0.5194 0.4711 -0.034912 0.875 DIP4 1 -0.3424 0.2968 1.3313 0.2486 -0.050922 0.710 DIP5 1 -0.2435 0.2339 1.0837 0.2979 -0.057805 0.784 R2 1 -0.0179 0.1990 0.0081 0.9282 -0.003595 0.982 R3 1 -0.1233 0.2131 0.3346 0.5630 -0.024260 0.884 R4 1 -0.4628 0.2335 3.9288 0.0475 -0.097949 0.630 R5 1 -0.8671 0.2379 13.2837 0.0003 -0.227050 0.420 COUPL 1 -0.3379 0.1615 4.3801 0.0364 -0.081246 0.713 GARDE 1 0.0602 0.1848 0.1059 0.7448 0.012660 1.062 HAND 1 0.2273 0.1791 1.6105 0.2044 0.044805 1.255 PR1 1 -0.00923 0.1979 0.0022 0.9628 -0.002129 0.991 PR2 1 0.5057 0.1813 7.7828 0.0053 0.124276 1.658 REVCHO 1 1.2034 0.1688 50.8099 0.0001 0.248797 3.331 Association of Predicted Probabilities and Observed Responses Concordant = 74.7% Somers' D = 0.514 Discordant = 23.4% Gamma = 0.524 Tied = 1.9% Tau-a = 0.034

(1432256 pairs) c = 0.757

2. Caractérisation par rapport à la population des demandeurs d’emploi à la première

interrogation

La situation de référence est : « être un homme célibataire de 26 à 35 ans qui a atteint un niveau d’études de l’enseignement général secondaire. Il souhaite travailler à temps partiel plus de 20 heurs par semaine et son salaire de réserve s’établit entre 4700 et 5900 F. Il est inscrit à l’ANPE, fait des démarches pour trouver un emploi , est disponible s’il en trouve un mais n’a pas reçu d’offres fermes dans les quatre dernières semaines. Il estime que ses chances de trouver un emploi d’ici un an ne sont ni bonnes, ni mauvaises. Il est dans la même situation vis à vis du marché du travail en septembre 94 et en septembre 96. Les variables sont les indicatrices des états suivants : FEMME : « être une femme » ; CLA1 : « avoir entre 17 et 25 ans » ; CLA3 : « avoir entre 36 et 45 ans ; CLA4 : « avoir plus de 46 ans » ; DIP1 : « pas de niveau d’études ou enseignement primaire » ; DIP3 : « enseignement technique ou professionnel court » ; DIP4 : « enseignement technique ou professionnel long ou enseignement supérieur ou technique supérieur » ;

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COUPL : « vivre en couple » ; VONBH1 : « souhaite travailler moins de 20 heures par semaines » ; VONBH3 : « souhaite travailler à temps plein » ; SALM1 : « rémunération mensuelle nette minimale de 4700 F » SALM3 : « rémunération mensuelle nette minimale comprise entre 5900 F et 6900 F » ; SALM4 : « rémunération mensuelle nette minimale supérieure à 6900 F » ; ANP2 : « n’est pas inscrit à l’ANPE » ; DEMA : « n’a pas fait de démarches au cours des 4 dernières semaines pour trouver un emploi » ; CHANC1 : « estime que ses chances de trouver un emploi d’ici un an sont bonnes » ; CHANC2 : « estime que ses chances de trouver un emploi d’ici un an sont mauvaises » ; CHANC3 : « estime que ses chances de trouver un emploi d’ici un an sont très mauvaises » ; DISP2 : « pas disponible dans les 15 jours qui viennent si trouve un emploi » ; PROP1 : « a reçu des offres fermes d’emploi au cours des dernières semaines » ; MVT : « a modifié la qualité de sa situation sur le marché du travail » ; AMELI : « a amélioré la qualité de sa situation sur le marché du travail . The LOGISTIC Procedure Data Set: WORK.REF224 Response Variable: AR Response Levels: 2 Number of Observations: 1139 Weight Variable: POND Sum of Weights: 1138.1315444 Link Function: Logit Response Profile Ordered Total Value AR Count Weight 1 1 166 167.10609 2 0 973 971.02545 Model Fitting Information and Testing Global Null Hypothesis BETA=0 Intercept Intercept and Criterion Only Covariates Chi-Square for Covariates AIC 951.570 916.297 . SC 956.608 1027.131 . -2 LOG L 949.570 872.297 77.273 with 21 DF (p=0.0001) Score . . 69.531 with 21 DF (p=0.0001)

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Analysis of Maximum Likelihood Estimates Parameter Standard Wald Pr > Standardized Odds Variable DF Estimate Error Chi-Square Chi-Square Estimate Ratio INTERCPT 1 -1.6613 0.4378 14.4029 0.0001 . . FEMME 1 -0.2651 0.1932 1.8832 0.1700 -0.072417 0.767 CLA1 1 0.0409 0.2385 0.0293 0.8640 0.009224 1.042 CLA3 1 0.0104 0.2427 0.0018 0.9660 0.002549 1.010 CLA4 1 0.1644 0.2935 0.3140 0.5753 0.032865 1.179 DIP1 1 -0.1776 0.3147 0.3184 0.5725 -0.034546 0.837 DIP3 1 -0.1654 0.2327 0.5052 0.4772 -0.044213 0.848 DIP4 1 -0.0566 0.2620 0.0467 0.8288 -0.013761 0.945 VONBH1 1 0.6849 0.5637 1.4761 0.2244 0.059732 1.984 VONBH3 1 -0.00480 0.2841 0.0003 0.9865 -0.001134 0.995 SALM1 1 -0.3799 0.3027 1.5752 0.2095 -0.086890 0.684 SALM3 1 -0.4692 0.2672 3.0836 0.0791 -0.100576 0.626 SALM4 1 -0.1999 0.2471 0.6550 0.4183 -0.052029 0.819 ANP2 1 -1.1812 0.2529 21.8169 0.0001 -0.312111 0.307 DEM2 1 0.3503 0.2176 2.5912 0.1075 0.086485 1.419 CHANC1 1 0.1230 0.2438 0.2543 0.6140 0.027250 1.131 CHANC3 1 0.1819 0.2299 0.6260 0.4288 0.043215 1.199 CHANC4 1 -0.0756 0.2615 0.0836 0.7725 -0.016093 0.927 DISP2 1 -0.4622 0.3379 1.8709 0.1714 -0.094307 0.630 PROP1 1 0.1694 0.3051 0.3082 0.5788 0.025450 1.185 MVT 1 0.7454 0.2503 8.8679 0.0029 0.204932 2.107 AMELI 1 0.1027 0.2270 0.2046 0.6510 0.027198 1.108 Association of Predicted Probabilities and Observed Responses Concordant = 70.2% Somers' D = 0.409 Discordant = 29.2% Gamma = 0.412 Tied = 0.6% Tau-a = 0.102 (161518 pairs) c = 0.705 3. Caractérisation par rapport à la population occupant un emploi à la première

interrogation

La situation de référence est : « être un homme célibataire de 26 à 35 ans qui a atteint un niveau d’études de l’enseignement général secondaire. Il a trouvé son emploi autrement que par candidature spontanée ou par des amis ou des contacts. Il estime que son emploi est un peu meilleur que le précédent. Cet emploi est un CDI à temps plein. Il travaille dans une entreprise de moins de 10 salariés du secteur privé. Il n’ a pas arrêté son emploi précédant du fait d’un licenciement ou d’une fin de contrat. » Les variables sont les indicatrices des états suivants : FEMME : « être une femme » ; CLA1 : « avoir entre 17 et 25 ans » ; CLA3 : « avoir entre 36 et 45 ans ; CLA4 : « avoir plus de 46 ans » ; DIP1 : « pas de niveau d’études ou enseignement primaire » ; DIP3 : « enseignement technique ou professionnel court » ; DIP4 : « enseignement technique ou professionnel long ou enseignement supérieur ou

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technique supérieur » ; COUPL : « vivre en couple » ; TROUV2 : « a trouvé son emploi par candidature spontanée » ; TROUV6 : « a trouvé son emploi grâce à des amis ou des contacts » ; SIMIL1 : « l’emploi actuel est globalement bien meilleur que le précédent » ; SIMIL3 : « l’emploi actuel est globalement équivalent au précédent » ; SIMIL4 : « l’emploi actuel est globalement moins bon que le précédent » ; CDD : « l’emploi actuel est à durée déterminée ou limitée » ; TP1 : « l’emploi actuel est à temps partiel ; SALETAT : « salarié de l’état ou d’une collectivité locale ou d’une entreprise publique ou nationale » ; SAL50ET : « dans une entreprise d’au moins 50 salariés » ; SAL1049 : « dans une entreprise de 10 à 49 salariés » ; MOFIN2 : « a arrêté le travail précédent à cause de licenciement, préretraite... ; MOFIN4 : « a arrêté le travail précédent car fin de contrat, travail temporaire ; The LOGISTIC Procedure Data Set: WORK.REF224 Response Variable: AR Response Levels: 2 Number of Observations: 5834 Weight Variable: POND Sum of Weights: 5833.9958243 Link Function: Logit Response Profile Ordered Total Value AR Count Weight 1 1 120 124.3549 2 0 5714 5709.6409 Model Fitting Information and Testing Global Null Hypothesis BETA=0 Intercept Intercept and Criterion Only Covariates Chi-Square for Covariates AIC 1205.154 995.913 . SC 1211.826 1136.013 . -2 LOG L 1203.154 953.913 249.242 with 20 DF (p=0.0001) Score . . 378.910 with 20 DF (p=0.0001)

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Analysis of Maximum Likelihood Estimates Parameter Standard Wald Pr > Standardized Odds Variable DF Estimate Error Chi-Square Chi-Square Estimate Ratio INTERCPT 1 -4.3621 0.3883 126.2041 0.0001 . . FEMME 1 0.0298 0.2128 0.0195 0.8888 0.008158 1.030 CLA1 1 0.3920 0.2927 1.7932 0.1805 0.062775 1.480 CLA3 1 0.2359 0.2670 0.7806 0.3770 0.061405 1.266 CLA4 1 0.0958 0.3232 0.0879 0.7668 0.023310 1.101 DIP1 1 0.3526 0.3250 1.1775 0.2779 0.069091 1.423 DIP3 1 -0.1131 0.2755 0.1687 0.6813 -0.029411 0.893 DIP4 1 -0.2854 0.2937 0.9440 0.3312 -0.074273 0.752 TROUV2 1 0.4664 0.2496 3.4927 0.0616 0.090265 1.594 TROUV6 1 0.0664 0.2491 0.0711 0.7897 0.013139 1.069 SIMIL1 1 -0.8346 0.2886 8.3644 0.0038 -0.199795 0.434 SIMIL3 1 -0.2256 0.2915 0.5986 0.4391 -0.038375 0.798 SIMIL4 1 -0.2098 0.3048 0.4738 0.4912 -0.031944 0.811 CDD 1 1.4671 0.2300 40.6984 0.0001 0.217572 4.337 COUP 1 -0.3759 0.2189 2.9487 0.0859 -0.088136 0.687 MOFIN2 1 0.5830 0.3092 3.5547 0.0594 0.103026 1.791 MOFIN4 1 1.5784 0.2565 37.8738 0.0001 0.255954 4.847 SAL50ET 1 -0.4556 0.2666 2.9211 0.0874 -0.111723 0.634 SAL1049 1 0.1563 0.2432 0.4131 0.5204 0.030872 1.169 SALETAT 1 -1.1803 0.2845 17.2090 0.0001 -0.297489 0.307 TP1 1 1.3891 0.2181 40.5665 0.0001 0.276738 4.011 Association of Predicted Probabilities and Observed Responses Concordant = 85.1% Somers' D = 0.722 Discordant = 12.8% Gamma = 0.738 Tied = 2.1% Tau-a = 0.029 (685680 pairs) c = 0.861

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BELGIQUE : Du partage du travail aux mesures actives pour l’emploi, la

permanence de situations transitionnelles

Carole Tuchszirer

Le régime d’indemnisation du chômage a constitué en Belgique le principal pivot de la

politique de l’emploi. Il était d’autant plus facile de recourir à cet instrument que la plupart

des chômeurs sont couverts contre ce risque. Mais les formes de cette mobilisation

indemnitaire ont fortement varié en fonction des changements observés dans le

fonctionnement du marché du travail. Celui-ci, depuis le début des années quatre-vingt, a

connu de sérieux bouleversements qui n’ont pas manqué d’exercer un impact sur la statistique

du chômage et l’évolution du cadre indemnitaire. En synthèse, trois périodes peuvent être

distinguées sur lesquelles il nous faudra revenir pour mieux comprendre la nature des ruptures

introduites dans le binôme politique de l’emploi/indemnisation du chômage :

-Une forte détérioration du marché du travail au début des années quatre-vingt. La Belgique

voit dès cette période son taux de chômage progresser dans des proportions importantes. En

1982, 13 % de la population active belge est sans emploi et ce phénomène perdure jusqu’en

1985. Les pouvoirs publics vont réagir par l’adoption d’une politique de l’emploi à dominante

passive visant à encourager des formes de partage du volume du travail. L’assurance-chômage

est en première ligne puisque c’est elle qui financera l’essentiel des mesures adoptées (retrait

anticipé et définitive du marché du travail, incitation au retrait temporaire, développement du

travail à temps partiel pour échapper au chômage). Il en résulte une progression très sensible

du nombre de chômeurs indemnisés qui pourtant n’apparaîtront plus dans la statistique

nationale du chômage.

-La fin des années quatre-vingt et le début des années quatre-vingt-dix sont marqués par un

retournement conjoncturel important. L’économie belge renoue avec la croissance mais la

reprise de l’emploi qui en résulte bute très rapidement sur la question des pénuries de main-

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d’œuvre en raison d’un taux d’emploi dont la faiblesse résulte des différents dispositifs

indemnitaires. La plupart des chômeurs ne sont plus comptabilisés dans le “ chômage complet

indemnisé ” (CCI)34, concept correspondant à la définition administrative du chômage, alors

qu’ils émargent toujours à l’assurance-chômage. Pour les pouvoirs publics, il s’agira dès lors

de relever le taux d’emploi en revenant en partie sur les dispositifs antérieurement adoptés.

Durant cette période on assiste à une inflexion de la politique indemnitaire marquée par une

restriction des droits à l’assurance–chômage.

-La décennie quatre-vingt-dix confirme les orientations antérieures et voit se développer de

nouvelles mesures actives pour l’emploi. Malgré un taux de chômage sensiblement inférieur à

la moyenne européenne, la Belgique est confrontée à un problème structurel grave :

l’importance du chômage de longue durée. La Belgique se distingue en effet de ses

homologues européens par le fait que plus de 60 % des chômeurs le sont depuis plus d’un an.

Ce constat a été interprété par le gouvernement comme le signe d’un régime indemnitaire trop

généreux à l’égard duquel les chômeurs seraient devenus par trop dépendants. Voilà pourquoi,

parallèlement à la volonté de rendre le régime indemnitaire plus sévère, les pouvoirs publics

ont développé à partir du milieu des années quatre-vingt-dix des mesures axées sur le retour à

l’emploi des chômeurs de longue durée. Cette activation des dépenses passives est

relativement récente en Belgique et marque une rupture forte avec la décennie précédente qui

avait centré l’essentiel de sa politique indemnitaire sur la réduction des niveaux de ressources

en main-d’œuvre.

Par rapport à la problématique française “ des activités réduites ”, le cas belge peut apparaître

relativement instructif. Un dispositif analogue, autorisant le cumul d’une allocation de

chômage avec un salaire, a en effet été instauré en 1982 pour lutter contre le chômage. Celui-

ci, baptisé “ le temps partiel pour échapper au chômage ”, a connu diverses fortunes au cours

du temps. Son succès quantitatif dès la fin des années quatre-vingt est rapidement devenu une

préoccupation pour le gouvernement lorsqu’il s’est agi de fournir au système productif une

main-d’œuvre rendue partiellement indisponible du fait de certains aménagements

34 En Belgique, comme en France, il existe plusieurs catégories de demandeurs d’emploi. Toutefois seule la catégorie des “ chômeurs complets indemnisés – demandeurs d’emploi ” est retenue dans la publication du chiffre officiel du chômage.

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indemnitaires. Les contours juridiques de ce dispositif ont en fait a chaque fois épousé les

priorités des responsables de la politique de l’emploi. Même s’il a subi de nombreuses

modifications réglementaires pour en limiter l’usage, ce mécanisme du temps partiel

indemnisé a été à l’origine de l’essor de cette forme d’emploi en Belgique.

I- L’indemnisation du chômage au service d’une politique de redistribution du travail

Durant la première moitié des années 80, la situation du marché du travail est devenue très

rapidement préoccupante (voir graphique). Entre 1980 et 1984, le nombre de chômeurs

complets indemnisés a augmenté de 200 000 unités et la Belgique comptabilise cette année-là

près de 500 000 demandeurs d’emploi. Dès cette période le gouvernement décide de mettre en

place une politique de partage du travail financée en majeure partie par l’assurance-chômage.

Les principes fondateurs de ce régime indemnitaire en ressortent significativement ébranlés

dans la mesure où les mécanismes instaurés sont contraires à la vocation initiale de

l’assurance-chômage. En effet, les allocataires préretraités sont des salariés qui ont quitté

volontairement leur emploi. Ils ont répondu positivement aux incitations d’un régime

d’assurance-chômage qui cherche à réduire le niveau de la main-d’œuvre disponible sur le

marché du travail. Ensuite, les allocataires, contrairement au critère ouvrant droit à

l’assurance-chômage, ne sont plus disponibles vis-à-vis du marché du travail. Cette

indisponibilité explique à son tour l’effet qu’a exercé l’évolution de la réglementation du

chômage sur la mesure statistique du phénomène.

Pour partager le travail, de nouvelles catégories de chômeurs indemnisés ont vu le jour mais

elles ne répondent plus aux critères juridiques du demandeur d’emploi. Ce statut en Belgique

repose sur 4 critères : être totalement inoccupé, rechercher un emploi, être disponible sur le

marché du travail, être indemnisé. Un rapide survol des mesures adoptées va permettre de

comprendre les raisons pour lesquelles le nombre de chômeurs complets indemnisés est resté

longtemps inférieur à celui des allocataires de l’assurance-chômage.

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1-1 Les personnes qui sortent de la statistique nationale du chômage suite aux modifications

de la réglementation indemnitaire.

- Les sorties du chômage vers l’emploi.

La principale mesure a trait à l’introduction en 1982 du temps partiel pour échapper au

chômage. Il s’est agi d’inciter financièrement des chômeurs qui recherchaient un emploi à

temps plein, à accepter un emploi à temps partiel. Jusque-là le régime d’assurance chômage

ne reconnaissait que le chômage complet et l’exercice d’une demi-journée de travail n’ouvrait

droit à aucune allocation. Depuis 1982, les chômeurs complets indemnisés qui acceptent un

emploi à temps partiel bénéficient d’allocations de chômage complémentaires. Le montant de

ces allocations, jugé très généreux, était fonction du nombre de demi-journées non travaillées.

Les systèmes de cumul allocation de chômage/salaire permettaient, lors de l’instauration de ce

mécanisme, d’assurer au candidat au temps partiel involontaire un revenu global équivalent à

80 % d’un salaire à temps plein. L’autre avantage lié à ce dispositif a consisté à geler, pendant

la période occupée à temps partiel, les droits indemnitaires accumulés lors de la période de

chômage précédant cet emploi. En cas de perte d’emploi, le salarié retrouve son ancien statut

de chômeur à temps complet et les droits qui y sont associés.

Dans la mesure ou ces chômeurs étaient, par définition, occupés à temps réduit ils ont été

exclus de la statistique nationale du chômage. Or le phénomène a pris une dimension

considérable. En 1985, près de 100 000 chômeurs sont ainsi occupés à temps réduit. En 1989,

on en dénombre le double. Le graphique ci- dessous illustre le l’importance de la place prise

par ce mécanisme : on constate ainsi que la baisse du nombre de chômeurs complets

indemnisés demandeurs d’emploi observable dès 1985 s’est traduite par la progression

sensible du nombre de chômeurs occupés à temps réduit.

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- les sorties du chômage vers l’inactivité.

Ces mesures visent à dispenser de la recherche d’emploi certaines catégories de chômeurs qui

ne sont dès lors plus enregistrés comme demandeurs d’emploi.

→ En 1985, les chômeurs âgés d’au moins 55 ans et inoccupés depuis plus de deux ans

peuvent être dispensés de l’inscription comme demandeurs d’emploi.

→ Création en 1985 d’une interruption de chômage pour raisons sociales ou familiales. Les

chômeurs peuvent interrompre leur période chômage pour une durée allant de six mois à

un an. Durant cette période, ils sont dispensés de pointage et continuent de percevoir des

allocations de chômage mais le montant est plafonné. Les femmes ont été les principales

“ bénéficiaires ” de cet aménagement indemnitaire non sans raison perçu comme une

incitation au retour au foyer.

En 1989, 95 000 personnes sont passées du chômage vers l’inactivité : 73000 dans le cadre de

la dispense de la recherche d’emploi pour les chômeurs dits âgés et 22000 dans le cadre de

l’interruption de chômage.

1-2 Les personnes qui n’entrent pas dans la statistique nationale du chômage.

Les pouvoirs publics belges ont, comme en France, beaucoup utilisé les mécanismes de

préretraites pour inverser la courbe du chômage. En Belgique le principal régime de fin de

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carrière anticipée a été la prépension conventionnelle. Introduite en 1975 pour préserver

l’emploi des jeunes et l’équilibre du marché du travail, la prépension permet à un travailleur

âgé de cinquante huit ans de pouvoir bénéficier, en plus de son allocation de chômage, d’une

allocation complémentaire fixée dans le cadre des conventions collectives. En 1985, cette

mesure s’inscrit directement dans la problématique du partage du travail puisque le recours à

la prépension conventionnelle s’accompagne de l’obligation, pour l’entreprise, de procéder à

une embauche de substitution. Ce dispositif a connu un vif succès. En 1989, on évalue à prés

de 140 000 le nombre de prépensionnés qui échappent ainsi à la définition de la statistique

nationale du chômage.

C’est également en 1985 qu’a été instauré le mécanisme de l’interruption volontaire de

carrière pour les salariés désirant prendre une sorte de congés sabbatique sans pour autant

rompre leur contrat de travail. Durant cette pause-carrière, les bénéficiaires reçoivent, sous

réserve qu’ils soient remplacés par des chômeurs indemnisés, une allocation de chômage

versée par l’ONEM. L’interruption de carrière peut également consister à passer d’un régime

de travail à temps plein à un travail à mi-temps, à condition, là encore, que l’employeur

s’engage à remplacer le travailleur en congé par un chômeur embauché à temps partiel.

Cette politique de partage du travail explique les cheminements divergents observés entre

l’évolution de la statistique des chômeurs complets indemnisés et celle des bénéficiaires

d’allocations de chômage. La rupture intervient en 1984 du fait des transferts qui ont eu lieu

au sein des bénéficiaires d’allocations de chômage. Beaucoup de chômeurs enregistrés sont

sortis de la statistique officielle, en grande partie sur la base d’une occupation à temps réduit

pour échapper au chômage.

II- Vers une politique de restriction des droits à l’assurance-chômage : la rupture des

années quatre-vingt- dix

Tous ces dispositifs de partage du travail vont connaître un très vif développement à partir de

la fin des années quatre-vingt. Ce phénomène coïncide avec une phase de forte croissance

économique dont l’impact est massif sur le processus de création d’emplois. Mais cette

reprise de l’emploi est amoindrie par la multiplication des mesures adoptées antérieurement

qui ont eu pour effet de réduire la disponibilité de la population active théoriquement

inoccupée. Le débat sur les pénuries de main-d’œuvre refait rapidement surface et vient

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questionner la légitimité économique et sociale des mesures de partage du travail. Ces

mécanismes instaurés en période de crise n’ont plus de justification sociale car la priorité est

désormais au relèvement des taux d’emploi. Un objectif contrarié par le fait que ces mesures

connaissent désormais des “ usages impropres ”, terminologie que l’on retrouve fréquemment

dans les publications officielles. La prépension conventionnelle est de plus en plus souvent

une réponse à un aménagement de fin de carrière plutôt qu’une gestion sociale des

licenciements. En ce qui concerne les salariés occupés à temps réduit pour échapper au

chômage, certains sont désormais suspectés de refuser des emplois à temps plein “ sans doute

parce que beaucoup parmi eux sont, avec le temps, devenus plutôt demandeurs d’un

accompagnement financier pour un travail à temps partiel que réellement à la recherche d’un

travail à temps plein ”. L’absence de légitimité économique attachée à ces mesures se double

d’une interrogation sur leur légitimité sociale. “ Pourquoi en effet une fin de carrière ici ou là

pour un travailleur de 55 ans et pourquoi pas ailleurs ? Pourquoi un travailleur à temps partiel

sur trois bénéficie-t-il d’un complément financier sous forme d’allocations de chômage, alors

que les autres ne peuvent y prétendre ? Mais en même temps, les pénuries de main-d’œuvre

doivent-elles pour autant sonner le glas pour ces mesures ? ”35

Face à ces nouvelles problématiques issues d’une conjoncture économique désormais riche en

emplois, l’attitude des pouvoirs publics consistera à réviser en profondeur la politique

indemnitaire pour accroître la disponibilité des chômeurs vis-à-vis du marché du travail.

2-1 Une politique indemnitaire qui renforce les mécanismes de contrôle individuel sur les

chômeurs de longue durée.

Avant d’analyser les principales mesures de restrictions des droits à l’assurance chômage, il

convient de revenir au préalable sur les grandes caractéristiques de ce régime qui présente bon

nombre de particularismes.

Un régime indemnitaire hybride

Conformément au modèle bismarckien, le régime d’assurance-chômage repose sur le principe

de la contributivité par le biais des contributions sociales et exige des références de travail

35 J.Dequan, “ l’assurance chômage face au marché du travail ”, revue du travail, janvier, février, mars 1991

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relativement élevées pour accéder au système36. Mais, contrairement à ce modèle, le système

d’assurance-chômage belge fait dépendre les conditions d’accès et de maintien dans le régime

de la composition démographique du ménage. La durée d’indemnisation est longue et sans

relation avec le passé professionnel. Le caractère illimité de la période indemnisée pour

certaines catégories de chômeurs explique la faible place qu’occupe l’assistance sociale dans

la couverture du risque chômage37.

L’évolution des conditions d’indemnisation a suivi une voie paradoxale : le nombre de jours

de travail nécessaires pour obtenir l’indemnisation a été augmenté, le contrôle de la

disponibilité s’est fait plus sévère, comme nous le verrons ultérieurement, mais en même

temps de nouvelles catégories de personnes ont obtenu le droit de bénéficier d’allocations

sans condition de travail préalable. C’est notamment le cas pour les jeunes qui au sortir d’une

période d’études peuvent, après quelques temps, bénéficier d’une allocation d’attente.

Les conditions d’indemnisation sont modulées selon les caractéristiques du ménage. Le

régime belge distingue trois catégories de chômeurs : le chef de famille, le chômeur isolé

vivant seul et sans charge de famille, et le cohabitant, chômeur vivant dans un ménage qui

bénéficie d’un autre revenu ; Les trois tableaux suivants présentent les durées d'indemnisation

ainsi que les montants perçus par ces différentes catégories de chômeurs. Pour la catégorie

chef de ménage, l’allocation de chômage représente 60% du dernier salaire brut plafonné

(1469,9 euro en juin 1999). Seule cette catégorie de ménage bénéficie de ce taux de

remplacement pour une durée illimitée. Pour les isolés, leur allocation représente durant la

première année 55% de leur dernier salaire. Le principe de la dégressivité s’applique dès le

treizième mois avec un taux de remplacement qui passe à 43%, allocation versée désormais

pour une durée illimitée.

36 Le financement de l’assurance chômage est principalement assuré par les cotisations des employeurs et des salariés, et par l’Etat ; la part prise par l’Etat dans ce financement a considérablement augmenté au cours des années 80 , l’indemnisation ayant servi à financer les programmes de remise à l’emploi et de retrait anticipé du marché du travail. Par la suite les gouvernements successifs ont cherché à diminuer leur participation au financement du régime. L’indemnisation et le placement des chômeurs dépendent d’institutions différentes : l’indemnisation est assurée par l’Office national de l’Emploi. Cette administration nationale est sous la tutelle du Ministère de l’Emploi et du Travail. Le placement est assuré par le FOREM, l’ORBEM et le VDAB qui sont des administrations dépendant des pouvoirs régionaux. 37 L.De Lathouwer “ Le régime de chômage belge : une évaluation du point de vue de la sécurité sociale et du marché du travail ”, treizième congrès des économistes belges de langues française, CIFOP, 1998

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La catégorie des cohabitants est la moins bien lotie car ces chômeurs sont supposés disposer

des ressources émanant des personnes avec lesquelles ils cohabitent. Au cours de la première

année, les prestations de chômage représentent 55% du dernier salaire perçu. Au bout de

douze mois ce taux passe à 35%. Dès le quinzième mois de chômage, le cohabitant ne perçoit

plus qu’une prestation forfaitaire comprise entre 2500 FF à 3000FF.

La présomption d’indisponibilité du chômeur : le temps du contrôle social et des sanctions

Pour justifier l’importance des sanctions qui frappent depuis une dizaine d’années les

chômeurs de longue durée, les pouvoirs publics belges ont toujours mis en avant en guise

d’explication, la singularité de leur régime indemnitaire consistant à verser des prestations de

chômage sans limitation de durée. Plutôt que de réduire cette période de versement qui

conduirait nombre de chômeurs à basculer vers le régime d’assistance sociale, le choix

effectué a consisté à multiplier les mesures de contrôle pour vérifier la légitimité juridique du

chômeur. Le principe de la présomption d’indisponibilité a donc fait son entrée dans la

législation, un principe en vertu duquel un chômeur demeuré inactif pendant une durée

anormalement longue ne cherche plus véritablement de travail et peut donc se faire exclure du

régime d’assurance-chômage.

Cette politique de suspension des allocations de chômage, longtemps pratiquée en Belgique, a

été renforcée au tournant des années 90. Deux critères sont pris en compte pour motiver la

décision de suspension.

- le caractère anormalement long du chômage.

Un arrêté royal adopté en 1987 a ainsi introduit une limitation effective de la durée du droit à

l’allocation pour les chômeurs de longue durée “ cohabitants ”. Ces chômeurs peuvent perdre

leur allocation quand leur ancienneté dans le chômage dépasse 1,5 fois (deux fois jusqu’en

1996) la durée moyenne de chômage, compte tenu de l’âge, du sexe et de la région. Seuls les

chômeurs cohabitants peuvent perdre leurs droits, les chefs de famille et les isolés bénéficient

en revanche de leur allocation de chômage pour une durée illimitée. Entre 1987 et 1997 près

de 180 000 chômeurs de longue durée ont perdu leur allocation de chômage, essentiellement

des femmes mariées et des jeunes vivants encore chez leurs parents. C’est généralement au

moment où l’allocation devient forfaitaire (après 15 mois de chômage, voir tableau) que sont

prononcées ces sanctions qui, rappelons-le, ont un caractère automatique. Jusqu’en 1985, le

“ caractère anormalement long ou fréquent ” du chômage était laissé à l’appréciation de

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l’Inspecteur du chômage. Pour différer dans le temps ce risque de suspension des allocations

de chômage, beaucoup de ces chômeurs cohabitants cherchent à bénéficier des mesures pour

l’emploi de façon à geler momentanément leur ancienneté de chômage.

Pour éviter l’exclusion du régime indemnitaire, les chômeurs belges cherchent également à ne

pas déclarer leur situation de “ cohabitant ”. C’est la raison pour laquelle l’administration

belge multiplie depuis une dizaine d’années les visites domiciliaires pour vérifier la réalité du

statut familial des chômeurs déclarés “ chef de famille ” ou “ isolés ”.

- La notion d’emploi convenable.

La sévérité qui se manifeste par rapport au calcul de la durée du chômage s’applique

également à la notion d’emploi convenable. Selon cette réglementation les chômeurs doivent

être disposés à accepter un travail conforme à la reglementation générale du travail38.

Toutefois, cette notion d’emploi convenable s’est aujourd’hui élargie à des formes d’emplois

atypiques du point de vue de la durée du travail. Cette normalisation des formes d’emploi

atypiques a eu pour effet d’aligner la catégorie des chômeurs qui ont accepté un travail à

temps partiel pour échapper au chômage sur les autres et donc de sanctionner la durée

anormalement longue de leur période de chômage à temps partiel. En Belgique, le refus d’une

offre d’emploi acceptable est sanctionné par une suspension de 36 semaines en moyenne des

allocations, une durée relativement longue au regard des pratiques en vigueur dans d’autres

pays européens. Entre 1987 et 1997, le nombre de sanctions a augmenté de près de 50% (de

21710 en 1987 à 32104 en 1997). Ces radiations sont particulièrement discriminantes puisque

80% des chômeurs frappés par ces sanctions sont des femmes dont le statut de cohabitante les

prive du droit à se maintenir dans le régime d’assurance-chômage.

Une étude effectuée par l’ONEM en 1996 apporte quelques précisions quant à la relation

existante entre la suspension des allocations de chômage et la réintégration sur le marché du

travail. Pour les chômeurs, les probabilités de sortie vers l’emploi après suspension de leur

allocation sont plutôt réduites, mais pas inexistantes. Au terme du premier mois de suspension

de leur allocation, 17% des chômeurs de longue durée ont retrouvé un emploi. Au terme du

neuvième mois, seuls 21% d’entre eux sont en situation d’emploi. L’étude de l’ONEM montre

qu’une fois la suspension prononcée près de 74% des chômeurs de longue durée ne se

retrouvent plus dans les fichiers administratifs ni en tant que salarié ni en tant qu’allocataire.

38 E.KRZESLO, réseau thématique « emploi et exclusion », DGXII, Université Libre de Bruxelles, 1999

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Cette catégorie “ d’invisibles administratifs ”39 est majoritairement constituée de femmes qui

se sont retirées du marché du travail. Pour de nombreux experts ce résultat confirme

l’hypothèse selon laquelle dans un contexte de faible niveau de formation de la plupart des

chômeurs de longue durée, la sélectivité des régimes de chômage ne peut que conduire, la

plupart du temps, à la non activité. Cette rétraction de l’assurance-chômage qui vise à exclure

de son champ d’intervention les chômeurs de longue durée fait actuellement débat en

Belgique dans la mesure où ces personnes sont de plus en plus souvent amenées à dépendre

d’institutions assistancielles. Entre 1990 et 1997 le nombre de personnes percevant le revenu

minimum garanti (minimex) a augmenté de 50% (de 49450 à 80000). Il apparaît délicat

d’évaluer l’impact précis de cette politique de sanctions sur la montée en charge des systèmes

d’assistance.

D’après l’étude de l’ONEM réalisée en 1996, seul 1% de tous les chômeurs suspendus aurait

fait appel à l’assistance sociale. Ces résultats doivent être maniés avec précaution car si l’on

se réfère à d’autres sources, les constats varient sensiblement. Plus généralement, les

informations recueillies auprès des Centres Publics d’Aide Sociale (CPAS) semblent

témoigner d’un lien de cause à effet entre les restrictions apportées à l’assurance-chômage et

la multiplication des demandes d’aide sociale enregistrées ces dernières années. Il est établi

qu’un tiers des dossiers d’aide sociale (32% ) provient de personnes confrontées, d’une

manière ou d’une autre, à des problèmes liés au chômage.

- 12,4% sont des chômeurs dont l’allocation est insuffisante parce que l’emploi perdu était à

temps partiel.

- 10,9% des demandes proviennent de chômeurs en règle mais non indemnisés dont les

dossiers sont en révision.

- 8,7% représentent des chômeurs sanctionnés et privés d’allocations pour une durée

déterminée, soit pour avoir refusé un poste de travail ou une formation, soit pour avoir

volontairement quitté un emploi40.

39 L.De La Thouwer, op.cité. 40 A.Vanheerswijjnghels, M-Nbeauchesne, M.Olivier, “ flux de passage entre chômage et CPAS ”, TEF-ULB/HIVA-KUL, Bruxelles-Louvain, juillet 1998

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Tableaux synthétiques : catégories, durée, montant de l'indemnité CHOMEURS COMPLETS INDEMNISES DEMANDEURS D'EMPLOI AGES DE MOINS DE 50 ANS PREMIERE PERIODE : 12 MOIS

catégorie Mensuel en euros Par jour Par mois Max. Min. Max. Min. chef de ménage 60 % Min. 774 1.368 1.201 35.568 31.226 Max. 881,7 isolé 54,5 % Min. 567,8 1.368 881 35.568 22.906 Max. 774 habitant 55 % Min. 442,1 1.254 686 32.604 17.836 Max. 808,2 DEUXIEME PERIODE : 3 MOIS (PROLONGEE DE 3 MOIS PAR 3,12 JOURNEES DE TRAVAIL) Mensuel en euros Par jour Par mois Max. Min. Max. Min. chef de ménage 60 % Min. 774 1.368 1.201 35.568 31.226 Max. 881,7 isolé 43 % Min. 567,8 981 881 25.506 22.906 Max. 632,2 cohabitant 35 % Min. 442,1 798 686 20.748 17.836 Max. 514,3 TROISIEME PERIODE : APRÈS 15 MOIS OU PLUS. Les cohabitants qui peuvent prouver vingt ans de travail ou dont le taux d'incapacité s'élève à 33 %, conservent les indemnités de la deuxième période. Les autres sont au forfait. Mensuel en euros Par jour Par mois Max. Min. Max. Min. chef de ménage 60 % id. isolé 43 % id. cohabitant forfait Min. 330 683* 512 17.758 13.312 Max. 440,2 * si le chômeur et son partenaire perçoivent exclusivement des indemnités dont les montants cumulés ne dépassent pas 1368 FB par jour.

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2-2 Une réglementation rendue moins avantageuse pour le travail à temps partiel

involontaire

Le cumul allocation de chômage/salaire introduit dans le cadre de la promotion du travail à

temps partiel involontaire a été largement utilisé par les entreprises qui ont vu là une modalité

de réponse à leur demande de flexibilité. Entre 1983 et 1992, le nombre de salariés à temps

partiel a doublé et concerne à cette date près de 430 000 salariés, soit 14% de l’ensemble des

salariés. Cette modalité d’emploi reste toutefois l’apanage des femmes dont le taux de travail

à temps partiel était en 1992 de 32% contre à peine 3% pour les hommes. Cette mesure a été

l’occasion pour les femmes, dont le taux d’activité était faible, de mettre un pied sur le

marché du travail. Le résultat de cette politique a été fulgurant. En 1991, la moitié des

travailleurs à temps partiel avait le statut de “ chômeurs occupés à temps réduit pour échapper

au chômage ” et, parmi ces derniers, 70% percevaient une allocation complémentaire de

chômage. Ce soutien public au travail à temps partiel a joué un rôle essentiel dans les

créations d’emploi au début des années quatre-vingt-dix, le nombre de contrats à temps plein

ayant pour leur part longtemps stagné. Ce partage du travail n’a pas épongé le volume

important du chômage féminin mais il a contribué à absorber les entrées supplémentaires sur

le marché du travail. Le secteur des services s’est tourné en masse vers ces formules de travail

qui ont permis d’opérer des restructurations sans provoquer de mécontentement social. Le

travail à temps partiel pour échapper au chômage est apparu, dans le secteur des services,

comme une alternative au régime des prépensions, mécanismes de préretraite surtout utilisés

dans l’industrie et qui ont facilité les restructurations.

Le tableau ci-dessous permet d’illustrer la place considérable prise par ce dispositif dans le

fonctionnement du marché du travail.

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Malgré les mesures de restrictions adoptées depuis une dizaine d’années, cette formule

représente toujours au cours des années quatre-vingt-dix la principale composante de la

politique de l’emploi.

Cette politique d’incitation au travail à temps partiel a été très fortement infléchie au cours de

la décennie quatre-vingt-dix. A cela plusieurs raisons.

- La reprise de l’emploi amorcée dès cette période et le constat que certaines offres

d’emploi à temps plein sont difficiles à satisfaire alors même que le nombre de chômeurs

recrutés à temps partiel ne cesse de croître.

- La volonté de mettre un terme à des pratiques de flexibilité très largement répandues dans

le secteur des services, pratiques entretenues plus ou moins directement par un dispositif

qui subventionne fortement le temps partiel.

- Le coût budgétaire de cette mesure dont l’impact quantitatif a manifestement pris de court

les responsables de l’emploi. Un coût d’autant moins justifié que la mesure intervenait

désormais dans un contexte de relative pénurie de main d’œuvre.

Suite à la redynamisation du marché du travail, la réglementation en matière de chômeurs

occupés à temps réduit a évolué dans le sens d’une restriction des avantages accordés aux

bénéficiaires de ce système.

→ En 1990, les travailleurs occupés à temps réduit relèvent désormais de l’Arrêté Royal

relatif à la suspension du droit aux allocations de chômage en raison d’une durée

anormalement longue du chômage. Car, en effet, pendant l’exercice de leur activité à temps

partiel, les salariés continuent d’être inscrits comme demandeurs d’emploi à temps plein.

Depuis cette date, ils doivent justifier d’une réelle recherche d’un emploi à temps plein,

parallèlement à leur activité occasionnelle pour pouvoir bénéficier des avantages du système.

Cette disposition a été également introduite pour éviter des comportements jugés indésirables

chez certains demandeurs d’emploi qui, pour échapper à la suspension des droits pour cause

de chômage anormalement long, s’engageaient au bout d’un certain temps dans des emplois à

temps partiel de façon annuler leur ancienneté de chômage.

→ En 1992 les critères d’accès et de maintien dans le régime se durcissent à nouveau. Pour

les travailleurs à temps partiel involontaire le nombre d’allocations complémentaires est

plafonné à 13 par mois contre 17 antérieurement. Une sorte de pénalité financière est

également introduite pour les employeurs qui utilisent ce dispositif. Pour tout travailleur à

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temps partiel involontaire occupé au cours d’un trimestre l’employeur doit verser, tous les

trimestres, une cotisation à l’ONSS (la sécurité sociale Belge).

Les effets de ces ajustements ont permis de réduire les flux d’entrées dans le dispositif mais

ce processus s’est effectué dans des proportions qui sont restées modestes d’où une révision

plus drastique de cette réglementation en 1996. Le statut du travailleur à temps partiel est

remplacé par le statut de “ travailleur à temps partiel avec maintien des droits ”. Le régime de

travail à temps partiel doit représenter au moins 1/3 de la durée hebdomadaire de travail d’un

salarié à temps plein. Le régime du cumul est supprimé dans la très grande majorité des cas. Il

n’est maintenu, sous forme d’une allocation de garantie de revenus, que pour les chômeurs

qui acceptent un emploi à temps partiel très faiblement rémunéré. Le dispositif est donc

devenu, sur un plan financier, sensiblement moins attractif pour les bénéficiaires potentiels.

En revanche qu’il y ait ou non une garantie de revenus, tous les travailleurs qui redeviennent

chômeurs complets après une occupation à temps partiel réintègrent le régime indemnitaire

selon les conditions qui précédaient cette reprise d’emploi à temps partiel. En cas de chômage

complet à l’issue de l’occupation à temps partiel, le travailleur peut à nouveau bénéficier

pendant un an d’allocations à 60 % ou 55 %. Lorsque le chômeur dispose d’une garantie de

revenus, il doit être disponible sur le marché de l’emploi à temps plein et donc encore inscrit

comme demandeur d’emploi. S’il ne bénéficie que de la garantie du maintien des droits, le

travailleur ne doit ni être inscrit comme demandeur d’emploi à temps plein, ni être disponible

pour un emploi à temps plein.

Malgré toutes les restrictions apportées à ce régime, on évalue encore, en 1998, à 74000 le

nombre de chômeurs ayant accepté un emploi à temps partiel. 80% de ces bénéficiaires sont

des femmes et la proportion de salariés à temps partiel disposant d’une indemnité de chômage

complémentaire représente 35% de l’ensemble des participants.

Cette gestion plus ferme de l’assurance chômage, qui est à l’œuvre depuis le début des années

quatre vingt dix pour notamment résoudre le problème structurel de la faiblesse du taux de

participation, n’a pas permis aux chômeurs les plus en difficulté de renouer avec l’emploi. La

proportion de chômeurs de longue durée est restée très élevée et ce phénomène explique en

partie la progression du taux de chômage observée dès le début des années 90. Le pourcentage

des chômeurs de longue durée par rapport au total est passé de 56%, en 1983, à 66% en 1990.

Ce constat avait été pendant longtemps imputé à l’importance de la politique passive rendue

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“ complice du problème du chômage ”41. Ainsi parallèlement à l’adoption de mesures

restrictives en matière indemnitaire, la décennie quatre-vingt-dix a vu se développer tout un

arsenal de mesures dites actives destinées à encourager des processus plus durables de

réinsertion professionnelle. Toutefois ces mesures sont encore largement perçues comme des

formes de gestion sociale du chômage ou, pour le dire autrement, comme des emplois de

transition qui ne débouchent que très rarement sur un retour au marché régulier du travail.

III- Des mesures actives ciblées sur les chômeurs de longue durée : une création

relativement récente.

L’usage de la sanction indemnitaire n’a pas engendré d’effet positif sur le retour à l’emploi

des chômeurs de longue durée. Comme nous l’avons vu, le danger est bien réel de voir peu à

peu ces chômeurs de longue durée se déconnecter du marché de l’emploi pour relever

d’institutions sociales. Voilà pourquoi depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, une

politique active en direction des chômeurs de longue durée a été instaurée. Les voies

empruntées sont relativement classiques : aide à l’emploi dans le secteur non marchand et

marchand (ALE, programme de réinsertion professionnelle). La technique utilisée apparaît

elle aussi relativement invariable d’un pays à l’autre :subvention à l’embauche, exonération

de charges sociales patronales et chèques services constituent le dénominateur commun des

mesures adoptées. Si elles ont permis de faire progresser la part des dépenses pour l’emploi

consacrée aux mesures actives (ces dernières ne représentent que 33% de l’ensemble de

l’effort public pour l’emploi), elles font néanmoins l’objet de sérieuses critiques.

Les emplois de proximité des Agences Locales pour l’Emploi

Ce mécanisme permet aux chômeurs de longue durée de cumuler leur allocation de chômage

avec un complément de salaire tiré d’une activité réduite effectuée le plus souvent pour des

particuliers. Cette mesure, véritablement instaurée en 1994, fonctionne selon les principes

suivants :

- Les communes doivent instituer une agence locale pour l’emploi (ALE) sous la forme

d’une association à but non lucratif.

41 L.De La Thouwer, op cité .

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- Les chômeurs de longue durée (plus de 24 mois de chômage) et les bénéficiaires du

minimex peuvent effectuer dans le cadre des ALE des activités non rencontrées dans les

circuits de travail réguliers (aide à domicile de nature ménagère, aide aux enfants,

malades, personnes âgées, aide administrative etc.…). les chômeurs de longue durée sont

inscrits d’office comme candidats auprès de l’ALE.

- Les prestations de travail ne peuvent excéder 45 heures par mois, une limite justifiée dans

les textes officiels par la nécessité de laisser au chômeur le soin de rechercher un emploi

sur le marché régulier du travail.

- A la fin du mois, l’utilisateur remet au chômeur un chèque ALE par heure prestée

(environ 30 francs de l’heure) pour le paiement du service. L’organisme de paiement

(ONEM) verse au chômeur ses allocations de chômage normales et le complément

financier correspondant au montant des chèques ALE. Ce complément ne peut dépasser

par mois 1500 francs.

- Dans le cadre de la suspension pour chômage de longue durée, les mois au cours desquels

le chômeur est resté actif en ALE pendant au moins 30 heures ne sont pas pris en compte

pour le calcul de la durée du chômage. En deçà de ce seuil, les heures prestées sont

comptabilisées et entraînent un report des effets de la suspension.

Initialement, la réglementation prévoyait des possibilités de sanctions temporaires pour les

chômeurs de longue durée qui refusaient de travailler dans le cadre d’une ALE. Ces

dispositions ayant suscité de vives réactions de la part des organisations syndicales, il a été

décidé que les agences locales devaient accorder la priorité aux chômeurs qui se sont déclarés

volontaires pour de telles activités.

En 1999, près de 150 000 chômeurs étaient inscrits dans une ALE dont environ 40 000 ont

exercé une activité dans le cadre de ce régime.

Les femmes représentent 81% des bénéficiaires ce qui doit être mis en relation avec le fait que

52% des chômeurs relèvent de la catégorie des “ cohabitants ”, une catégorie essentiellement

féminine pour laquelle le régime des sanctions indemnitaires est particulièrement sévère.

Dans la mesure où le passage en ALE permet de geler en partie la durée du chômage, il est

évident que ce régime a été mis à profit par ces chômeuses pour échapper à la sanction de la

suspension des allocations de chômage. Prés d’une activité sur deux concerne l’aide à

domicile de nature ménagère. Cette mesure a fait l’objet de controverses notamment sur la

question du statut des chômeurs . Les syndicats se sont battus pour que les chômeurs relevant

des ALE puissent bénéficier d’un contrat de travail. Pour donner satisfaction aux syndicats et

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ainsi mettre un terme à la campagne de dénigrement dont a fait l’objet cette mesure, les

pouvoirs publics ont en 1999 mis en place un contrat de travail pour doter ces chômeurs d’un

statut de travailleur. Ce contrat de travail ne s’apparente en rien à celui défini par le code du

travail Belge. Comme le soulignait en 1999 le journal “ Le Soir ” en guise boutade “ ce

contrat de travail sui generis copie autant le vrai contrat de travail que la mule ressemble au

cheval de course ”. Ce sentiment est partagé par l’ensemble des organisations syndicales qui

ont vu leur revendication initiale récupérée par un gouvernement ayant saisi cette occasion

pour faire baisser artificiellement les chiffres du chômage. Car ce pseudo contrat de travail ne

garantit ni le montant de la rémunération, ni un horaire minimum ; par ailleurs, en cas de

maladie, la rémunération n’est pas protégée puisque le contrat est au contraire suspendu.

En revanche ce contrat, qui accorde au chômeur le statut de travailleurs, a abouti à faire sortir

de la statistique du chômage près de 50 000 personnes en 1998.

“ Les emplois-services ” dans le secteur privé

Instaurée en 1998 dans le cadre de la politique d’activation des allocations de chômage, cette

mesure n’est ouverte qu’aux entreprises privées. Elle vise les chômeurs de longue durée et les

bénéficiaires de prestations sociales acceptant d’effectuer des tâches “ qui ne sont pas ou ne

sont plus exécutées ” dans l’entreprise. L’ancienneté de chômage requise est de 5 ans pour

ceux dont les diplômes sont supérieurs au niveau d’enseignement secondaire supérieur et de

deux ans pour ceux qui sont d’un niveau inférieur. L’objectif officiellement affiché par le

gouvernement est de lier l’insertion des publics en difficulté à un accroissement de la qualité

des services rendus aux clients.

La réduction des coûts salariaux est réalisée, d’une part, par une intervention dans le salaire

net sous la forme d’une allocation de chômage (l’employeur la déduit du salaire mensuel) et,

d’autre part, par une exonération de charges sociales patronales. L’activation applicable est

limitée à 36 mois maximum par travailleur. Le contrat de travail est à temps partiel et peut

varier entre un mi-temps et un 4/5 de temps. Statutairement le chômeur recruté dispose d’un

contrat de travail et le salaire versé est défini conventionnellement. Au cours de sa première

année d’existence, près de 13 000 emplois-services ont été signés ; 70 % sont des contrats

conclus sur la base d’un mi-temps.

Cette mesure est également fortement critiquée par les deux principales centrales syndicales.

La FGTB (Fédération Générale des travailleurs de Belgique) et la CSC (Confédération des

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Syndicats Chrétiens). Elles font ainsi observer que dans 75% des cas, les fonctions exercées

devraient être normalement assumées par l’entreprise.

Plus généralement, les organisations syndicales mettent en avant le risque de dérégulation

salariale que comporte cette mesure. L’emploi-service leur apparaît comme une forme

d’emploi dégradée d’une part parce qu’il est nécessairement à temps partiel et à durée

déterminée et d’autre part, parce que sa rémunération déroge largement à la réglementation

sur les salaires.

Le secteur non marchand bénéficie d’une forme d’emploi analogue, appelée programme de

transition professionnelle. Cette mesure procède également du principe de l’activation des

allocations de chômage. Les chômeurs de longue durée engagés dans ce programme

bénéficient d’un contrat à durée déterminée également à temps partiel (mi-temps ou ¾ temps)

de six mois ou d’un contrat de 12 mois renouvelables pour “ accomplir des tâches répondants

à des besoins collectifs non satisfaits par les circuits de travail normaux ”.

Toutes ces mesures actives introduites depuis peu n’ont eu qu’un très faible impact

quantitatif. Le tableau reproduit ci-dessous atteste du rôle encore prédominant que jouent les

mécanismes de retrait partiel ou total d’activité dans la gestion du chômage. En 1999, 365 000

personnes ont bénéficié d’une mesure de retrait du marché du travail, soit un chiffre quasi

équivalent aux chômeurs complets indemnisés. A l’inverse les actions visant à intervenir sur

la demande de travail des entreprises sont faiblement développées. Ces chiffres sont du reste

bien plus faibles que ne l’indique le tableau car en ce qui concerne le plan avantage à

l’embauche (mesures d’exonération de charges sociales pour les entreprises privées) les

données reproduites dans le tableau correspondent au cumul des entrées enregistrées depuis

1995 dans ce dispositif . On remarquera aussi le poids non négligeable que représente encore

le régime du travail à temps partiel involontaire dans les actions sur la demande de main

d’œuvre.

En ce qui concerne les actions visant la formation professionnelle des chômeurs, c’est peu de

dire qu’elles représentent le maillon faible de la politique active de l’emploi.

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En conclusion

En Belgique, comme en France, ces politiques actives d’emploi font débat parce qu’elles ont

contribué à accentuer des processus de précarisation de la main-d’œuvre. Les mesures de lutte

contre le chômage de longue durée ont multiplié l’exercice d’emplois temporaires à horaires

souvent réduits et sont de fait venues alimenter le marché secondaire du travail. L’extension

des exceptions aux formes générales du contrat de travail est donc le résultat d’une double

évolution liée d’une part à la demande de flexibilité externe des entreprises et d’autre part à la

gestion sociale du chômage qui a constitué autant de nouvelles mises en forme de l’emploi.

Aujourd’hui, ces mesures pour l’emploi dites active- parce que visant l’immersion directe

dans le système productif- sont très largement questionnées du point de vue de leur efficacité.

Le marché du travail activé ne parviendrait qu’imparfaitement à faire sortir les chômeurs de

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cet état transitoire42. L’enlisement dans ces trappes à sous emploi est fréquemment dénoncé

par certaines instances publiques chargées de l’évaluation de la politique de l’emploi. En

1998, le Conseil Supérieur du Travail a rendu un avis critique sur l’efficacité des mesures

pour l’emploi. C’est essentiellement sur l’absence de politique publique de formation qu’a

porté la critique. Il est vrai qu’en Belgique, la problématique du chômage concerne

essentiellement la main d’œuvre peu qualifiée dont les taux d’emploi restent très faibles. C’est

pourquoi le Conseil a suggéré de davantage axer les dépenses actives vers l’enseignement et

la formation. Seulement 20% de ces dépenses sont attribuées à la formation et seuls 6% de

l’ensemble des chômeurs sont engagés dans une action de formation. Pour le Conseil, les

mesures d’insertion fonctionnent trop comme des formalités et ne concourent pas à une

gestion optimale des fonds publics. Il faut effectivement souligner que la majeure partie des

dépenses actives est attribuée à l’emploi subventionné qui tend à fonctionner en circuit fermé.

Ce constat a été confirmé par plusieurs travaux de recherches. Lors du treizième congrès des

économistes belges la question du statut de l’emploi subventionné a ainsi été largement

débattue. Pour certains chercheurs, l’emploi subventionné entraînerait ainsi « des dangers

potentiels d’autant que les plans d’embauche spécifiques sont trop peu liés à la formation.

(…) Le risque existe d’une transition imparfaite où le circuit subventionné constitue le

terminus d’une régression du travail régulier 43 ».

42 Voir sur ce sujet le dernier rapport réalisé par le Conseil Supérieur de l’Emploi et consacré aux « pièges à l’emploi ». 43 L.De lathouwer, opus cité.

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Bibliographie

- Ministère Fédéral de l’Emploi et du Travail, « La politique fédérale de l’emploi », rapport d’évaluation 1999. - ONEM, Rapport annuel d’évaluation, 1995 –1999. - CIFOP, treizième congrès des économistes belges de langue française, Wallonie et Bruxelles : évolutions et perspectives, novembre 1998. - Conseil Supérieur de l’Emploi, Les pièges à l’emploi », Ministère fédéral de l’Emploi et du travail, 2000. - Confédération des Syndicats Chrétiens (CSC), « Le chômage de longue durée », article 80, Bruxelles, 2000. - OCDE, « Etudes économiques », Belgique, 1993-1998 - Ouvrage collectif, Quand le travail vient à manquer, ed Bruylant, 1995 - « L’assurance-chômage : à la croisée des chemins », Revue du Travail, janvier-février-mars 1991. - Site internet du Ministère de l’Emploi et du Travail : http://www.meta.fgov.be.

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DANEMARK : Une dynamique d’activation conçue pour lutter contre la

récurrence du chômage

Carole Tuchszirer

La politique de l’emploi danoise a subi de nombreuses inflexions depuis le début des années

quatre-vingt-dix. La progression sensible du taux de chômage observée à partir de la fin des

années quatre-vingt explique à elle seule le sens des réformes adoptées pour combattre le

phénomène. Comme dans la plupart des pays européens, le système d’indemnisation des

chômeurs a fortement été mis en cause pour expliquer les mauvaises performances observées

sur le front de l’emploi. Toutefois si l’idée d’activer les dépenses passives s’est imposée, dans

un pays où celles-ci représentent un pourcentage important de la dépense publique pour

l’emploi44, elle n’a pas donné lieu à une remise en cause ni des principes qui régissent le

fonctionnement du marché du travail, ni de ceux qui organisent la protection sociale des

salariés danois. Certes, on constate depuis le milieu des années quatre-vingt-dix une tendance

à durcir les conditions d’indemnisation des chômeurs en vue de les inciter à rejoindre plus

rapidement le marché du travail. Mais, en niveau, les salariés danois continuent de bénéficier

de droits indemnitaires largement supérieurs à la moyenne européenne. Malgré la crise de

l’emploi, le modèle danois du marché du travail semble résister. Il continue de reposer

fondamentalement sur le binôme flexibilité du marché du travail/degré élevé de protection

sociale. Ces deux éléments sont constitutifs du modèle danois et ne cessent d’alimenter le fil

souterrain des changements intervenus dans la conduite de la politique de l’emploi.

Mais il n’en reste pas moins vrai qu’une rupture forte a été introduite à l’occasion des

réformes adoptées visant à rompre le lien qu’entretenait le système d’indemnisation des

chômeurs avec la politique active de l’emploi. Ce point est crucial pour comprendre la

philosophie qui entoure actuellement la politique de l’emploi. Avant la réforme, on assistait à

un processus d’aller-retour permanent entre le marché du travail activé (composé pour

44 En 1994, les mesures dites actives ne représentaient que 17 % de la dépense publique pour l’emploi. En 1997, leur part est passée à 18,5 %.

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l’essentiel d’emplois subventionnés pour une période limitée) et le système d’indemnisation

des chômeurs. Chaque passage en emplois aidés réactivait les droits indemnitaires des

chômeurs de sorte que ceux-ci alternaient des périodes de chômage avec des périodes

d'emploi sans pour autant rejoindre le marché régulier du travail (emplois sans subvention).

De ce point de vue, la politique de l’emploi ne parvenait pas à réintégrer durablement les

chômeurs dont le comportement, au dire de beaucoup d’experts, semblait se satisfaire d’une

telle alternance, qui n’offrait pourtant que peu de perspectives d’insertion durable sur le

marché du travail. C’est à ce phénomène qu’ont voulu s’attaquer les pouvoirs publics danois

lorsque fut adoptée, en 1994, une réforme qui désormais interdit tout retour au régime

indemnitaire au-delà de la période d’activation. La mise en place d’un marché du travail

activé doit désormais aboutir à réintégrer le marché du travail. Tel est le pari sur lequel

reposent les aménagements opérés depuis six ans : éviter de franchir trop fréquemment la

frontière qui sépare l’emploi stable de l’emploi activé.

I) Un retour aux années quatre-vingt : une politique de l’emploi au bilan décevant

Le marché du travail danois s’est caractérisé depuis le début des années quatre-vingt par une

progression régulière du taux de chômage. Ce phénomène a perduré jusqu’en 1994. A cette

date, le taux de chômage atteint 12,5 %. Pour inverser la tendance, le Danemark a mis en

place dès le début des années quatre-vingt une stratégie axée sur le développement de mesures

actives. Un programme d’offre d’emploi temporaire est instauré en 1979. Ce dispositif

permettait d’offrir un emploi d’une durée de sept mois (secteur public) ou de neuf mois

(secteur privé) aux travailleurs en chômage depuis plus de deux ans et qui bénéficiaient durant

cette période d’une indemnité de chômage. Lorsque l’emploi offert arrivait à terme, le

chômeur réunissait à nouveau les conditions requises pour bénéficier de l’indemnité de

chômage. Puis, à l’approche de la période de fin de droits indemnitaires, le chômeur parvenait

à renouveler ces droits en participant à nouveau au programme d’offres d’emplois. Cette

succession de périodes d’emplois alternant avec des périodes de chômage n’a offert que peu

de perspective réelle quant à une réinsertion véritable sur le marché du travail. A peine 30 %

des chômeurs ont obtenu un emploi stable au terme de leur contrat temporaire. Près de 40 %

ont alterné des situations d’emploi et de chômage. Pour les autres, le passage par ces contrats

temporaires a constitué le prélude à une exclusion plus définitive du marché du travail.

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Le succès quantitatif qu’a rencontré ce dispositif a été étroitement lié à la possibilité de

prolonger dans le temps la période de versement des allocations de chômage. Théoriquement,

pour le régime d’assurance-chômage, la durée maximale de versement des prestations était en

règle générale de deux ans et demi. Mais l’introduction de ce programme d’offre d’emplois

temporaires a abouti à ce que dans la plupart des cas la durée maximale effective de

versements des indemnités de chômage soit de neuf années. Conçu au départ comme un

instrument actif d’aide au retour à l’emploi, le programme d’offre d’emploi temporaire s’est

apparenté dans la réalité à une mesure passive, utilisée avant tout pour améliorer la situation

financière des chômeurs. Du côté des entreprises, qui bénéficiaient en contrepartie de

l’embauche d’une subvention substantielle, les effets d’aubaine ont été nombreux sans pour

autant apporter de réponses aux problèmes de qualification et d’insertion professionnelle que

rencontraient les chômeurs concernés.

Une réforme est donc intervenue en 1985 pour améliorer ce programme. Elle a reposé sur une

incitation à la formation, ainsi que sur une aide à la création d’entreprise.

- Les chômeurs qui avaient bénéficié d’une offre d’emploi temporaire précédant une

nouvelle période de chômage pouvaient se voir proposer une formation pendant une

période d’un an et demi, reconductible pour six mois au plus. Durant celle-ci, ils

percevaient une allocation dite de formation équivalente à leur indemnité de chômage.

Notons que le chômeur n’était pas contraint d’interrompre sa formation pour accepter un

emploi offert par le Service public de l’emploi (SPE).

- Au terme de sa participation au programme d’offre d’emploi temporaire, le chômeur

pouvait également bénéficier d’une aide à la création d’entreprise sous forme de

subvention allouée pendant une période maximale de trois ans et demi.

Au terme d’une période d’emploi temporaire, le bénéficiaire avait le choix entre les trois

options suivantes : participer à une action de formation, s’installer à son compte ou rester

demandeur d’emploi et percevoir une indemnité de chômage.

Si ces modifications s’inscrivaient dans l’objectif d’inciter les chômeurs à opter pour des

démarches plus actives de retour à l’emploi en évitant le piège de l’alternance emploi

temporaire/chômage, elles reposaient néanmoins sur le principe du volontariat. Au vu des

évaluations effectuées, le renforcement du caractère actif de ce programme visant à faire

participer les chômeurs à des dispositifs de formation ou de créations d'emploi n'a pas produit

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les effets escomptés, et les phénomènes de chômage récurrent ont persisté conduisant au

maintien d’un niveau élevé de chômage. De l’avis de nombreux observateurs, l’efficacité de

ces mesures a été compromise par leurs interactions avec le régime d’indemnisation.

D’où le sens de la réforme adoptée en 1994 visant à rompre « le cordon ombilical » qui liait

l’assurance-chômage aux mesures actives pour l’emploi. Au Danemark, la perspective

ouverte par la réforme de 1994 est en totale opposition avec la philosophie qui sous-tend en

France le principe des « activités réduites ». Un dispositif qui, par sa construction même,

encourage des formes de récurrence dans le chômage.

II) La réforme de 1994 : Une stratégie d’activation des prestations de chômage plus

contraignante pour les chômeurs.

La réforme du marché du travail introduite en 1994, année où le taux de chômage atteint son

point culminant, inaugure une révision d’ensemble de la politique de l’emploi articulant plus

étroitement le binôme prestations d’assurance/prestations d’assistance et retour à l’emploi.

Cette réforme s’est inscrite dans un dispositif législatif comprenant trois volets ;

- une loi sur l’activation des prestations de chômage destinée aux chômeurs relevant des

fonds d’assurance-chômage. Cette première loi constitue la principale composante de la

réforme. L’activation des chômeurs indemnisés introduit de nouvelles règles entre les

demandeurs d’emploi et l’ensemble des acteurs de la politique de l’emploi visant à

instaurer une économie des « droits et des devoirs ». Cette réforme comporte également

des aspects organisationnels importants, car elle introduit de nouveaux acteurs dans la

conduite de l’activation : la région et les partenaires sociaux ;

- une loi sur l’activation communale réservée aux chômeurs relevant de dispositifs à

vocation assistancielle ;

- une loi instaurant les mécanismes de congés temporaires du marché du travail ouverts aux

salariés des entreprises mais également aux chômeurs. Ce système des « paid leave

scheme » avait été introduit en 1992 à titre expérimental. Ces mécanismes de congés

temporaires constituent un instrument important dans la régulation du marché du travail

danois par le degré de flexibilité qu’il introduit dans les procédures d’allocations de la

main-d’œuvre entre salariés et chômeurs.

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II-1) Les nouveaux principes de l’activation des prestations de chômage

Le schéma du « triangle d’or » représenté ci-dessous, et auquel les responsables de la

politique de l’emploi font souvent référence pour expliquer le sens de leur action, traduit le

changement de perspectives dans lequel s’est inscrite la réforme de 1994.

La problématique du triangle d’or : Une approche intégrée de la politique de l’emploi

Source : Ministère du Travail Danois, 1999

Depuis 1994, la politique de l’emploi repose sur une approche systémique qui intègre trois

composantes : le marché régulier du travail, le système d’assurance-chômage et le marché du

travail activé destiné à préparer le retour à l’emploi sur le marché régulier.

Le compromis danois, qui est au cœur de ce modèle, a consisté à accepter une certaine dose

de flexibilité dans les règles qui régissent le marché du travail en échange d’un haut degré de

protection sociale destiné à encourager à son tour la mobilité professionnelle des salariés.

L’existence d’un marché du travail relativement fluide doit aussi permettre de faciliter les

processus de retour à l’emploi en cas de chômage sans forcément recourir au marché du

travail activé. En cas d’échec, le recours aux mesures prévues sur le marché du travail activé

est alors conçu comme une étape intermédiaire devant déboucher à plus longue échéance sur

un retour au marché régulier du travail. Là se situe donc la rupture introduite en 1994. Avant

cette date, un maintien durable dans le chômage ouvrait droit au bénéfice de mesures pour

Lehé

Le marché dutravailrégulier

Lesystème d’assurancechômage

Lemarchédu

travailactivé

Un degré de flexibilité élevéUne forte rotation desemplois

Des prestations dechômage élevées etversées sur unelongue période

Un système de droits etdevoirs vis à vis du marchédu travail.Améliorer les niveaux dequalificationRenforcer le rôle des régions

Mesures pourL’emploiAvant 1994

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l’emploi qui ne permettaient pas de renouer avec le marché du travail. Le système

fonctionnait en circuit fermé en raison de l’existence d’une relation quasi indésirable nouée

entre l’assurance-chômage et les mesures pour l’emploi (voir graphique). Pour faire image, le

mécanisme dénoncé ici est d’une certaine façon celui qu’entretient le principe des activités

réduites avec l’UNEDIC puisque chaque période d’activité temporaire permet de capitaliser

de nouveaux droits indemnitaires. La finalité de la réforme danoise consiste à éviter de trop

nombreux aller-retour entre emplois subventionnés et chômage.

Pour mieux comprendre les ressorts de cette nouvelle stratégie d’activation, nous nous

proposons d’examiner ses fondements.

II-2) Les caractéristiques du marché régulier du travail danois : Un degré élevé de flexibilité,

réactivé par le régime des congés temporaires.

C’est une caractéristique importante du marché du travail danois, souvent présentée d’ailleurs

comme un de ses atouts majeurs. Les coûts des licenciements y sont très faibles. La durée du

préavis accordé au salarié est fixée par la convention collective du secteur mais en règle

générale, elle ne dépasse pas quelques jours ou quelques mois. Dans une étude réalisée par

l’OCDE en 1994 sur la mesure du degré de protection contre le licenciement, le Danemark

apparaissait comme un des pays les moins protecteurs en la matière. Seuls le Royaume-Uni, la

Suisse et l’Irlande affichaient de plus faibles protections.

Un autre indicateur de fluidité du marché du travail est également avancé par les experts :

l’importance du turn-over. Chaque année près de 40 % des emplois existants sont laissés

vacants et font donc l’objet de nouveaux recrutements. Plus généralement, et bien que le

contrat à durée indéterminée constitue la règle, la mobilité professionnelle des salariés

apparaît élevée. En moyenne le salarié danois reste huit ans dans la même entreprise, un

chiffre qui distingue sensiblement le Danemark de ses homologues scandinaves. Seuls les

Etats-Unis et le Royaume-Uni affichent de plus courts passages en emplois.

Malgré ces caractéristiques qui tendent à rapprocher le modèle danois du modèle anglo-saxon,

les salariés danois ne semblent pas souffrir d’un sentiment important d’insécurité

professionnelle. La flexibilité qui s’y déploie joue au bénéfice des employeurs mais également

des salariés. Certains observateurs expliquent ce résultat par la structure du tissu industriel

danois. La prédominance des PME pourrait expliquer la moindre prégnance, comparée à

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d’autres pays européens, des logiques de marché interne dans les procédures d’allocations de

la main-d’œuvre.

Mais cette fluidité qui caractérise le système d’emploi danois a également été encouragée par

les pouvoirs publics à travers l’adoption des congés temporaires d’activité instaurés pour

favoriser des mécanismes de rotation dans l’emploi « job rotation ». Ce système a été conçu

dans le triple objectif de combattre le chômage tout en améliorant les conditions de vie et de

travail des salariés. Trois régimes de congés payés temporaires ont été introduits :

1) Le congé de formation. Il est ouvert aux salariés de l’entreprise, aux indépendants et aux

chômeurs. Les bénéficiaires potentiels doivent être éligibles au régime d’assurance-

chômage. Ils perçoivent alors 100 % de l’allocation de chômage à laquelle ils ont droit. Le

congé de formation est de douze mois maximum. L’entreprise n’est pas soumise à

l’obligation de procéder à des embauches de substitution.

2) Le congé sabbatique. Il s’adresse exclusivement aux salariés de l’entreprise éligibles au

régime de l’assurance-chômage. La durée du congé est de douze mois au plus.

L’employeur se voit alors dans l’obligation de procéder à des embauches de substitution.

Le salarié en congé perçoit 80 % du montant de ses allocations de chômage. Instauré à

titre provisoire en 1994, ce régime a été supprimé en 1999.

3) Le congé parental d’éducation. Les salariés, les chômeurs et les travailleurs indépendants

peuvent en bénéficier, sans forcément être éligibles à l’assurance-chômage. La durée du

congé est de vingt-six semaines maximum par an. Il n’y a pas obligation d’embauche de

substitution pour l’entreprise. Les bénéficiaires perçoivent 80 % des allocations de

chômage.

Dès 1994, ces dispositifs ont connu une très rapide montée en charge. En 1997, alors que le

chômage enregistre une décrue sensible, 105 000 personnes ont bénéficié d’un régime de

congés temporaires du marché du travail, un chiffre que l’on peut comparer aux 220 000

chômeurs que compte le Danemark en 1997.

Ces dispositifs font partie intégrante de la politique de l’emploi danoise. Si l’on se rapporte au

« triangle d’or », ils devraient être accolés au premier cercle représentant le marché régulier

du travail, dans la mesure où ils apportent un élément de fluidité important aux systèmes

d’emploi tout en favorisant des sorties volontaires du chômage.

Toutefois, dans un contexte de retour à la croissance assez soutenue, le recul du chômage

observé dès la mise en place de la réforme, a conduit les pouvoirs publics à rendre moins

avantageux le recours à ces congés temporaires.

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Principales évolutions du marché du travail danois

1994 1995 1996 1997 1998 1999

Population active(000)

2,869 2,854 2,844 2,878 2,895 2,906

Emploi (000) 2,526 2,566 2,598 2,658 2,705 2,726

Chômage (000) 343 288 246 220 190 180

Taux de chômage

% 12 10,1 8,6 7,7 6,6 6,2

Sources : Ministère des Affaires Economiques

Dans une conjoncture désormais favorable à l’emploi, ces retraits temporaires ont été critiqués

car ils auraient pu contribuer à alimenter des phénomènes de goulets d’étranglement dans

certains secteurs et exercer ainsi des pressions salariales, facteur d’inflation.

Ces régimes de congés ne font pas à proprement parler partie intégrante de la politique

d’activation, au sens où la conçoivent les pouvoirs publics. Ils se situent en amont de

l’activation et relèvent de la libre volonté des éventuels intéressés même s’ils concourent, au

même titre que la politique d’activation stricto sensu, à réintégrer des chômeurs sur le marché

régulier du travail.

Ce qui distingue fondamentalement le Danemark des pays présentant quelques similitudes du

point de vue du fonctionnement du marché du travail c’est qu’ici, la flexibilité ne débouche

pas sur des phénomènes de précarisation sociale. La condition posée à cette faible régulation

des systèmes d’emploi est précisément l’obtention de garanties sociales fortes. Ce compromis

a toutefois été réajusté à l’occasion de la mise en place de la réforme du marché du travail, et

le système d’indemnisation des chômeurs a, en conséquence, subi des transformations

sensibles.

3) Une indemnisation des chômeurs désormais conditionnelle

Depuis 1994, date de l’entrée en vigueur de la réforme du marché du travail, la période

d’indemnisation d’un chômeur s’organise en deux sous-périodes. La première période,

qualifiée de « support benefit », permet au chômeur de percevoir ses allocations de chômage

sans se voir imposer des devoirs particuliers. Une totale latitude lui est laissée pour organiser

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sa recherche d’emploi et réintégrer ainsi le marché du travail régulier sans coûts additionnels

pour la collectivité. Au-delà d’une certaine borne temporelle qui a varié depuis 1994, et en cas

d’échec, le chômeur entre alors dans une seconde période dite période d’activation. Il

continue de bénéficier de ses allocations de chômage mais le maintien d’un droit à

indemnisation est devenu plus conditionnel s’accompagnant de nouvelles obligations

(formation, éducation, contrats aidés dans le secteur privé ou public, stages). Nous

reviendrons ultérieurement sur la nature de cette activation. Le schéma ci-dessous permet de

visualiser partiellement la chronologie des modifications introduites en matière indemnitaire.

Les durcissements apportés à la réglementation ont été gradués dans le temps.

Bien que théoriquement limitée à deux ans et demi, la durée d’indemnisation des chômeurs

avant 1994 était de fait illimitée par le jeu de la politique de l’emploi qui aboutissait à une

reconduction récurrente des droits indemnitaires. Comme il est indiqué dans les documents

officiels du ministère du Travail, la réforme législative vise « à abolir ce système de

requalification systématique au régime d’assurance, le but désormais recherché est

d’enclencher une dynamique d’intégration au marché régulier du travail et non de favoriser

des phénomènes de récurrence entre le marché activé et le retour au chômage indemnisé 45».

DUREE ET COMPOSITION DE LA PERIODE D’INDEMNISATION

DU CHOMAGE

Source Ministère du Travail Danois (1999)

Fin 2000

Fin 1998

Avant 1994

Période passive de prestations Période d’activation

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Les modifications introduites pour limiter la durée totale d’indemnisation ont fait l’objet de

plusieurs lois.

- En 1994, la période ouvrant droit à indemnisation a été fixée à sept ans. Pendant les quatre

premières années, le versement des allocations de chômage reste non conditionné à la

recherche d’emploi. Au cours des trois années suivantes, le chômeur entre ensuite dans la

période d’activation et obligation lui est faite d’accepter toutes propositions d’offres

activées.

- En 1996, une deuxième loi est promulguée et la durée totale d’indemnisation est portée à

cinq ans. La période d’indemnisation passive est réduite à deux ans, puis le chômeur

intègre la période d’activation dont la durée est fixée à trois ans.

- Le dernier changement réglementaire est intervenu en 1999. Depuis cette date, la période

d’indemnisation passive ne dure plus qu’un an. Quant à la période d’activation qui lui

succède, sa durée a été maintenue à trois ans, soit au total une période d’indemnisation

portée à quatre ans. Si l’activation n’intervient pas avant la fin de la première année, c’est

pour permette aux chômeurs les moins éloignés du marché du travail, d’entrer directement

sur le marché régulier sans risquer de « prendre la place », dans les emplois activés, de

chômeurs plus en difficulté. Toutefois, il y a des exceptions à cette règle et le principe de

l’activation peut s’appliquer dès la première année pour les publics à « risque » présentant

un faible degré d’autonomie dans leur recherche d’emploi. C’est au niveau des régions, et

par l’intermédiaire des conseils régionaux du marché du travail, que s’opère le « filtrage »

des publics en difficulté. Pour ceux-là, les programmes d’activation sont déclenchés

rapidement, au cours de la phase passive d’indemnisation, pour prévenir le risque d’un

chômage de longue durée.

Ce calibrage entre la période d’indemnisation et la période d’activation a fait l’objet d’un

régime spécifique pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans sans qualification

professionnelle. Depuis 1996, la période d’activation débute dès le septième mois de

chômage. Ces derniers sont alors tenus d’accepter une offre de formation dont la durée est

d’au moins de dix-huit mois. L’objectif est ici d’éviter aux jeunes le piège du chômage de

longue durée en faisant de la formation professionnelle le principal instrument de leur

réintégration sur le marché du travail. La possibilité, pour ces jeunes, de percevoir leur

45 « Les réformes du marché du Travail », Ministère du Travail, octobre 1999.

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allocation de chômage est conditionnée à ce passage en formation. L’allocation de chômage

perçue représente approximativement 50 % du montant maximum journalier prévu par le

régime général d’assurance-chômage (voir encadré).

L’autre modification réglementaire importante introduite en 1996 a trait aux conditions

d’accès au régime d’assurance-chômage. Avant cette date, il suffisait d’avoir travaillé vingt-

six semaines (six mois) au cours des trois dernières années pour se voir garantir l’ouverture

des droits au régime. Depuis 1996, la période de cotisation préalable a été revue à la hausse. Il

faut désormais avoir travaillé cinquante-deux semaines au cours des trois dernières années

pour accéder au régime d’assurance–chômage. Là encore, il importe de bien comprendre la

nature des motivations qui ont conduit les pouvoirs publics à resserrer les conditions d’accès à

l’assurance-chômage. Ce changement réglementaire est directement lié à la mise en place de

la nouvelle stratégie d’activation axée sur le retour au marché du travail régulier non-

subventionné. Dans le régime en vigueur avant 1996, il suffisait au chômeur qui arrivait en

période de fin de droits de travailler moins de deux mois, sur le marché ouvert, pour réactiver

ses droits et échapper ainsi à la période d’activation. Ce constat n’est pas passé inaperçu du

côté de l’administration du travail pour laquelle cette forme de récurrence emplois/chômage

s’apparente à une forme de sous-emploi que la logique d’activation entend précisément

combattre. Avec le passage aux cinquante-deux semaines de travail, il sera ainsi plus difficile

pour le demandeur d’emploi de différer la période d’activation puisqu’il devra travailler au

moins quatre mois par an.

La mise en place de cette politique d’activation a été en fait l’occasion pour le gouvernement

de mieux identifier ce qui dans la réglementation de l’indemnisation du chômage fait obstacle

à une réinsertion professionnelle dans des conditions statutaires classiques. Le problème s’est

posé en liaison avec le régime d’indemnisation des chômeurs occupés à temps partiel. Dans la

réglementation en vigueur, si un chômeur accepte un emploi à temps partiel pour échapper au

chômage total, il bénéficie d’une sorte de dédommagement financier par le versement d’une

allocation supplémentaire justifiée par le préjudice subi de ne pouvoir occuper un poste à

temps complet. La question qui s’est très vite posée à l’administration du travail était de

savoir dans quelles mesures ces salariés/chômeurs à temps partiel devaient ou non intégrer la

période dite d’activation pour se réinsérer sur le marché du travail. La question a semble-t-il

été facilement tranchée pour les salariés, indemnisés, occupant un temps partiel de façon

permanente. La possibilité de cumuler leur salaire avec l’allocation supplémentaire de

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chômage ne peut excéder une année. Au bout d’un an, le salarié travaillant involontairement à

temps partiel doit choisir entre deux options. Soit il se satisfait de son emploi à temps partiel

et renonce à son statut de chômeur ainsi qu’à son allocation supplémentaire. Soit il maintient

sa demande d’un emploi à temps plein. Il conserve alors son allocation supplémentaire au-

delà de la première année, mais en contrepartie il doit intégrer, comme tous les autres

chômeurs, la période dite d’activation dès la deuxième année. A ceci près qu’il ne sera activé

que pour le mi-temps correspondant à sa période de chômage partiel.

Le problème reste en revanche entier pour les chômeurs qui occupent un travail à temps

partiel de façon temporaire. Cette modalité d’emploi est vécue par les pouvoirs publics

comme une façon d’éviter la période d’activation. Bien que nous n’ayons pu disposer

d’études sur ce point particulier, il nous a été dit par un membre du Cabinet du ministre du

Travail que l’occupation d’un poste à temps partiel temporaire se déclenchait fréquemment au

terme de la première année d’indemnisation passive du chômage. Ce passage annulant

l’ancienneté de la demande d’emploi, le chômeur est ainsi en capacité de différer dans le

temps la période d’activation. Ce problème est actuellement pointé par l’administration qui

entend mettre un terme à ces situations contraires à la philosophie qui sous-tend la réforme du

marché du travail. Cette question est importante à souligner car elle nous semble rejoindre les

problèmes que soulève en France le régime des activités réduites. Il est clair dans le cas

danois que cette forme de récurrence dans le chômage est contraire aux objectifs que poursuit

la politique active de l’emploi. Si le problème n’a toutefois pas trouvé de réponse à ce jour, la

volonté est bien réelle de mettre un terme à ces formes d’alternance entre le chômage et

l’emploi à temps partiel, dès lors que cette modalité d’emploi n’est pas délibérément choisie

par le demandeur d’emploi.

LE SYSTEME DANOIS D’ASSURANCE-CHOMAGE

Le système d’assurance-chômage est basé sur le volontariat et géré par des associations privées, très

proches des syndicats. Toutefois, une caisse d’assurance-chômage ne peut exiger des salariés qu’ils

soient membres d’un syndicat pour s’affilier. Ces fonds de chômage sont organisés par branches

professionnelles et doivent obtenir l’agrément de l’Etat pour voir le jour. Ces fonds doivent regrouper

au moins 5 000 membres pour être agréés par l’Etat. Au Danemark, si la gestion des caisses fait

essentiellement l’objet d’une gestion « ouvrière », les règles en matière d’indemnisation des chômeurs

sont fixées par l’Etat. Il existe actuellement 38 fonds d’assurance-chômage regroupant environ

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2,4 millions de membres. Dans la mesure où la population active compte 2,9 millions de personnes, la

plupart des Danois sont donc en mesure d’être potentiellement couverts contre le risque chômage.

En ce qui concerne le financement de l’assurance–chômage, il est essentiellement étatique et prend la

forme d’une subvention qui couvre 80 % des ressources. Les 20 % restants sont à la charge des

salariés et des employeurs par le biais de cotisations versées aux fonds. Pour avoir droit aux

indemnités, un certain nombre de conditions doivent être remplies.

- Etre affilié pendant au moins un an à un fonds avant la mise au chômage.

- Avoir travaillé pendant 52 semaines au cours des trois dernières années qui ont précédé le

chômage.

- Etre inscrit comme demandeurs d’emploi auprès de l’Agence nationale pour l’emploi (AB).

- La durée totale d’indemnisation est actuellement de quatre ans. Cette période est divisée en une

période prestation d’un an et une période active de trois ans.

Le montant de l’allocation de chômage représente 90 % du dernier salaire. Les prestations sont

néanmoins plafonnées à 11 300 DKK par mois ou 136 000 DKK par an (données 1996). Pour les

jeunes en primo insertion sur le marché du travail, s’ils disposent d’une qualification professionnelle,

ils bénéficient d’une allocation spéciale qui représente 82 % des prestations plafonnées, soit

9 300 DKK par mois ou 111 600 DKK par an.

Ce système d’assurance-chômage, bien que volontaire, joue pleinement son rôle puisque près de 80 %

des chômeurs sont actuellement couverts par ce régime. Les autres, soit qu’ils n’aient pas pu accéder

au régime d’assurance, soient qu’ils aient vu leurs droits indemnitaires s’épuiser, sont pris en charge

par le système d’assistance sociale, géré par les municipalités. Les prestations délivrées sont soumises

à condition de ressources et sont également fonction de la composition démographique du ménage.

L’originalité du modèle danois a consisté à intégrer dans la logique de l’activation, non seulement les

bénéficiaires de l’assurance-chômage, mais également ceux relevant de l’assistance sociale, qu’ils

soient d’ailleurs chômeurs ou non.

II-4) Une politique d’activation fondée sur le principe « des droits et des devoirs »

Assortir l’octroi d’allocations de chômage à l’obligation de participer aux programmes

d’activation initiés par le Service de l’emploi constitue la principale innovation introduite par

la réforme. Mais celle-ci comportait également un volet organisationnel consistant à renforcer

le rôle des régions et des partenaires sociaux dans l’élaboration des politiques locales

d’activation.

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Cette période d’activation engage à la fois le Service public de l’emploi, qui se doit

d’accompagner le reclassement des chômeurs jusqu’au retour au marché régulier du travail, et

le chômeur qui théoriquement doit accepter les propositions d’activation qui lui sont faites.

Pendant ces trois années d’activation, les droits indemnitaires sont maintenus mais ils ne

peuvent être réalimentés au-delà de la période d’activation, du fait d’un passage en contrats

aidés ou en formation. Au-delà de cette période, soit le chômeur réintègre le marché – non

subventionné - du travail, objectif premier de la réforme, soit il bascule alors dans des régimes

d’assistance sociale dont la gestion est confiée aux municipalités qui, elles également, sont

tenues depuis 1994 de mettre en œuvre des stratégies d’activations des prestations

d’assistance.

Le principe des droits et devoirs est matérialisé par la signature d’un plan d’action

individualisé dont les termes engagent les deux parties contractantes : l’Agence locale pour

l’Emploi (AB) et le chômeur. Ce plan est établi durant la période passive de délivrance des

prestations et prépare la programmation des activités devant conduire à la réintégration du

chômeur sur le marché du travail. Les agences définissent le plan en fonction de deux

objectifs : bâtir un projet professionnel en phase avec le profil et les attentes du chômeur.

Mais le plan doit également prendre en compte les caractéristiques économiques des marchés

locaux du travail. Toutefois, la reprise économique qui a accompagné l’instauration de cette

réforme a conduit le Service public de l’emploi à porter davantage son attention sur les

risques de « goulets d’étranglement » que le retour de la croissance a suscités dans certains

secteurs. Des pénuries de main-d’œuvre ont en effet déjà été détectées dans certaines activités

(bâtiment, informatique) et les plans d’actions ont été l’occasion d’envisager des processus de

reconversion professionnelle pour répondre aux attentes des entreprises.

Tout chômeur engagé dans cette seconde phase d’indemnisation doit consacrer 75 % de son

temps à participer au programme d’activation qui lui a été proposé. Les 25 % restants doivent

être consacrés à des démarches individuelles de prospection en vue de réintégrer le marché du

travail. Le plan d’action individualisé s’appuie sur l’utilisation de plusieurs instruments

possibles : des actions de formation, des subventions à l’embauche dans le secteur marchand

et non-marchand.

- Les actions de formation

Elles peuvent consister en la participation à des programmes de formation déjà conçus dans le

cadre du système éducatif ordinaire. Mais des stages de formation sur mesure peuvent

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également être proposés par les agences pour l’emploi sur la base des partenariats établis

localement avec les organismes de formation. Pour les chômeurs âgés de plus de vingt-cinq

ans, l’allocation versée pendant la formation correspond à celle qu’ils auraient de toute façon

perçue. Pour les chômeurs de moins de vingt-cinq ans sans qualification professionnelle,

l’allocation versée est plafonnée et correspond à la moitié du montant maximum d’allocation

(fixée pour mémoire à 9 300 DKK). La fixation de ce taux, réduit à 50 %, s’explique par la

volonté de ne pas inciter les chômeurs à s’engager exclusivement dans des formations

d’insertion spécifiquement conçues pour eux. Ainsi la prestation versée est équivalente à

l’allocation versée aux étudiants et atteint également le niveau de la rémunération perçue par

l’apprenti. L’objectif de l’administration est clair, et du reste explicitement formulé dans ses

rapports, et marque la volonté d’inscrire la formation dans des parcours « classiques »,

formation initiale/apprentissage, en incitant financièrement les jeunes à ne pas rester trop

longtemps sur le marché activé de la formation. Tout comme pour les chômeurs activés dans

le cadre d’un contrat de travail, pour lesquels l’objectif premier reste le retour au marché

régulier du travail, les chômeurs en formation doivent être incités à se porter plutôt vers les

dispositifs réguliers de formation.

- Les contrats d’initiation à la vie professionnelle (« job training »). Le chômeur est

embauché pour une durée déterminée dans le cadre d’un contrat de travail. Il existe deux

type de « job training ».

- Dans le secteur privé : la durée du contrat ne peut excéder six mois et doit s’effectuer sur la

base d’un temps plein (37 heures). L’entreprise bénéficie d’une subvention pour la durée du

contrat. Au-delà de cette période, l’employeur est tenu, soit d’offrir une formation au

chômeur, soit de l’embaucher dans le cadre d’un contrat de travail classique n’ouvrant plus

droit à subvention. La rémunération du chômeur correspond au salaire contractuel prévu dans

les conventions collectives.

- Dans le secteur public : les conditions sont les mêmes que dans le privé mais au-delà des six

mois aucune pérennisation de l’emploi n’est prévue. L’autre changement à trait à la

rémunération du chômeur pendant son contrat. En fait, il perçoit l’intégralité de ses

indemnités de chômage. Toutefois, les syndicats se sont battus, et ont obtenu gain de cause,

pour éviter que l’emploi ainsi aidé ne vienne dégrader le taux de salaire horaire. En

conséquence, si le salaire en vigueur dans l’entreprise publique excède le montant des

indemnités de chômage, l’ajustement s’effectue sur la durée du travail qui sera alors réduite

de façon à préserver cette référence salariale. L’objectif affiché par les syndicats a résulté du

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souci d’éviter de précariser le statut du secteur public par des phénomènes de déclassement

salarial obtenus dès lors que les employeurs auraient été incités à recruter prioritairement les

chômeurs activés dans le cadre de la politique de l’emploi. Côté demandeur d’emploi, l’octroi

d’un revenu correspondant au niveau des allocations de chômage est conçu dans l’esprit de

l’inciter à rechercher un emploi plus rémunérateur sur le marché régulier du travail.

En définitive, la réforme du marché du travail s’est construite sur le double objectif d’éviter

toute forme d’interférence négative entre le système indemnitaire et le marché du travail

activé ainsi qu’entre ce dernier et le marché régulier du travail.

- Les contrats d’emploi dits « pool job ». Cette mesure a été introduite en 1996 pour lutter

contre le chômage de très longue durée. Elle est donc réservée aux chômeurs qui ont plus

de deux ans d’ancienneté de chômage. Ces emplois ne peuvent être proposés que par des

entreprises ou des administrations publiques. Ils visent à répondre à des besoins sociaux,

jusque-là non satisfaits. La durée du contrat est de trois ans et les activités confiées aux

chômeurs doivent relever des secteurs suivants : environnement, culture, santé, éducation,

etc. Il s’agit, là encore, d’un emploi très largement subventionné par l’Etat et les

municipalités. Quant à la rémunération du chômeur, elle est établie sur les mêmes

principes que ceux en vigueur dans le cadre des « job training » du secteur public. La

régulation de cette mesure implique très activement les partenaires sociaux puisque la

signature d’un « pool job » doit faire l’objet d’un accord entre les syndicats et le secteur

public. Cet accord doit préciser l’organisation et le contenu de l’emploi ainsi que la place

qu’il convient de réserver à la formation professionnelle durant le contrat. Les partenaires

sociaux jouent donc un rôle actif dans la spécification des contenus de ce type d’emploi

aidé.

Ces différentes mesures ont très rapidement connu un vif essor. Les données disponibles pour

l’année 1997 en attestent. Près de 100 000 personnes ont pu accéder à l’une de ces mesures,

dont 50 000 dans le cadre d’un emploi subventionné (secteur marchand et non-marchand) et

23 000 dans le cadre d’actions de formation ordinaire ou spécifique.

Rappelons que cette économie des droits et des devoirs sur laquelle s’appuie la réforme

suppose des engagements réciproques. L’engagement du Service public de l’emploi à mettre

en place, pour le demandeur d’emploi, un programme personnalisé d’aide au retour à

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l’emploi. Cette offre d’activation constitue un droit pour le chômeur, mais un droit

conditionné à l’obligation d’en respecter les termes. Si le chômeur ne se rend pas aux

réunions d’informations prévues, s’il ne participe pas aux actions de formation proposées ou

s’il refuse d’être embauché dans le cadre d’un emploi subventionné, l’agence pour l’emploi le

signale alors à son fonds d’assurance-chômage en vue d’obtenir l’éventuelle suspension de

ses droits. Cette décision relève uniquement du fonds de chômage qui au vu des éléments

fournis par l’agence pour l’emploi décide ou non d’interrompre le versement des allocations

de chômage.

L’autre aspect de la réforme a trait aux conditions dans lesquelles est mise en œuvre cette

politique d’activation. Pour répondre aux attentes régionales, des conseils régionaux du

marché du travail ont été institués. Une partie du budget de la politique de l’emploi a été

affectée à cette structure régionale dans laquelle les deux tiers des sièges reviennent aux

partenaires sociaux et le dernier tiers aux représentants des régions et des municipalités. Les

missions dévolues à ces conseils régionaux sont multiples :

- Définir une stratégie régionale d’activation conforme aux intérêts des entreprises et des

chômeurs.

- Définir les populations cibles devant intégrer prioritairement les dispositifs d’activation.

- Définir la nature des instruments d’activation à mobiliser pour répondre aux attentes

formulées (actions de formation, emplois aidés, etc.).

Dans cette nouvelle configuration institutionnelle, le rôle des agences régionales pour

l’emploi est amené à évoluer. En théorie la réforme leur impose de mettre en œuvre la

stratégie d’activation arrêtée au niveau des régions. Une logique territorialisée devrait peu à

peu se substituer à une logique jusque-là dominée par une dimension essentiellement

gestionnaire et réglementaire des conditions de recours aux mesures pour l’emploi. Pour

l’heure, les évaluations conduites pour apprécier la capacité du service public de l’emploi à

s’intégrer dans ce nouveau schéma débouchent sur des constats mitigés. Les tensions entre le

niveau central et les régions restent encore vives. En définitive, la décentralisation voulue par

les pouvoirs publics est, dans les faits, très largement contrôlée par le ministère du Travail qui

s’est opposé à plusieurs reprises aux propositions d’activations formulées par les régions. En

conséquence, les agences pour l’emploi, qui en théorie devaient s’attacher à rendre effective

la réalisation des politiques régionales d’activation, sont encore soumises aux contrôles

effectués par l’administration centrale et ne peuvent qu’imparfaitement opérer le changement

culturel pourtant voulu par le réforme du marché du travail.

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Conclusion

Depuis cinq ans, le débat sur l’activation des dépenses passives occupe une place de choix

dans l’actualité sociale danoise. Toutefois, il nous faut bien remarquer que l’essentiel de

l’effort public pour l’emploi reste à dominante passive. L’Institut national de la statistique

danoise a procédé en 1998 à un comptage des chiffres du chômage qui intègre, dans le calcul,

la méthode utilisée par l’OCDE consistant à produire un indicateur élargi de la notion de

chômage.

On y constate la part encore non négligeable que représentent les mesures de retraits anticipés

du marché du travail. Les personnes concernées (170 000 en 1997) sont presque aussi

nombreuses que les chômeurs officiellement enregistrés (220 000). A l’inverse, l’emploi

subventionné, les actions de formation et autres mesures d’activation ne représentent qu’une

fraction minoritaire des chômeurs non comptabilisés dans le chiffre national du chômage.

Néanmoins, la réforme introduite en 1994 traduit un véritable revirement dans l’orientation

des politiques d’emploi désormais axée sur une stratégie d’activation.

Il est encore bien difficile d’évaluer l’impact de cette réforme sur l’évolution du marché du

travail. Plusieurs raisons à cela. D’une part, la succession des modifications réglementaires

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introduites depuis 1994. Les aménagements ont essentiellement porté sur l’entrée de plus en

plus précoce des chômeurs dans la phase d’activation. Initialement fixée au terme de la

quatrième année d’indemnisation passive, la période d’activation est intervenue en 1996 au

terme de la deuxième année, puis de la première en 1999. En l’espace de six ans, la durée

totale de perception des allocations de chômage est passée de sept à quatre ans. D’autre part,

la réforme du marché du travail initiée en 1994 a coïncidé avec le retour de la croissance

économique de sorte qu’il est difficile d’imputer à cette réforme les bonnes performances

observées sur le front de l’emploi. Toutefois, il est clair que la mise en place d’une politique

active de l’emploi - longtemps faiblement développée au Danemark - a contribué, dans un

contexte porteur, à favoriser un reflux plus rapide du chômage.

Bibliographie

- Ministry of Labour, Ministry of Finance, « Labour market policy in Transition, may 1996, Copenhagen. - Ministry of Labour, « The public employment service », june 1996, Copenhagen. - Ministry of Labour, « Offers to the unemployed and leave schemes », june 1996, Copenhagen. - Ministry of Labour, « The labour market reforms-a status », octobre 1999, Copenhagen. - K.Jensen, « Memo on labour market stratégies in Denmark with focus on employment creation programmes », ISSA, February 1997. - I.Kvist, « Difficultés présentées par l’évaluation des allocations de chômage », Revue internationale de sécurité sociale, vol 51, 4/1998. - H.Joergensen, F.Larsen, M.Lassen, J.Stamhus, « la politique active du marché du travail au Danemark : réforme du marché et décentralisation, Cahiers du Centre d’Etudes de l’Emploi, 37, 1998. - F.Larsen, « The implementation of active labour market policy in Denmark », ISSN, Aalborg Universitet, 1998. - OCDE, « Etudes économiques », Danemark 1993-1998. - J.Torfing, « Towards a schumpeterian workfare postnational regime : reflections on path-shaping and path-dependency in Denmark, Department of social Sciences, Roskilde University, 1998. - Site internet du Ministère du Travail Danois : http://www.am.dk

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Pays-Bas : enjeux institutionnels autour de l’activation

Florence Lefresne

Introduction : un contexte de baisse sensible du chômage

A la différence du Danemark, on n’observe pas aux Pays-Bas, une opposition nette entre la

décennie 1980 marquée par la montée du chômage et une décennie 1990 où il régresse

fortement. Le recul du chômage est amorcée dès 1983, lorsqu’il atteint son maximum

(9,7 %) ; il se poursuit régulièrement jusqu’en 1992 (5,6 %) ; après une remontée engendrée

par la récession, le mouvement de baisse reprend. Le taux de chômage(standardisé) est de 3 %

en 1999.

Le taux de croissance de l’emploi est le plus soutenu d’Europe, avec une moyenne annuelle

de 1,5 % contre 0,4 % pour la moyenne des Quinze entre 1984 et 1997 (L’Emploi en Europe

1999). Cette croissance a même été légèrement supérieure à celle de la “ machine à emplois ”

américaine. Les fortes créations d’emplois sont en partie imputables à une croissance

économique soutenue46 mais résultent surtout du ralentissement des gains de productivité du

travail depuis le milieu des années quatre-vingt.

… lié à des inflexions sur le marché du travail

Il est devenu coutumier d’imputer à l’accord de Wassenaar47, la modération salariale qu’ont

connue les Pays-Bas dans les années quatre-vingt (S. Jean, 2000). En fait, ainsi que le

46 La croissance néerlandaise n’a néanmoins rien d’exceptionnelle. En termes cumulés de 1979 à 1997, la croissance du PIB réel par personne en âge de travailler n’excède celle de la France que de 4 points (S. Jean, 2000). 47 En 1982, la plus grande fédération syndicale (FNV) et la première organisation patronale (VNO) signent cet accord mettant l’accent sur la nécessité d’une modération salariale incluant l’abandon de l’indexation des salaires, contre une réduction du temps de travail. L’accord, signé notamment sous la pression du gouvernement de coalition des chrétiens-démocrates et des libéraux portés au pouvoir, préconise le partage du travail à travers la réduction de la durée du travail et l’accroissement du recours au temps partiel. En 1993, les partenaires

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souligne J. Freyssinet (2000) : “ … l’accord de Wassenaar n’a pas introduit la modération

salariale. Sous la pression d’un chômage croissant, les salaires avaient commencé à baisser

dès 1979. L’élément nouveau est l’acceptation d’une politique globale durable de modération

par les syndicats et ce, même lors des deux périodes d’expansion économique accompagnées

d’une forte réduction du chômage ” (p. 107). Le recul des salaires ne s’est pas seulement fait

sentir dans le secteur exposé, il a en fait été plus brutal dans le secteur public soumis à de

fortes réductions budgétaires. La croissance modérée du salaire réel par tête articulée à de

fortes créations d’emploi a permis de maintenir la part des salaires dans la valeur ajoutée, la

demande intérieure jouant un rôle clé dans la croissance depuis le début des années quatre-

vingt-dix.

En contrepartie de la modération salariale, les syndicats signataires de Wassenaar ont

obtenu l’abandon du veto patronal sur la réduction de la durée conventionnelle du

travail. La durée hebdomadaire du travail à temps plein a ainsi été réduite, passant en

moyenne annuelle, de 40 à 38 heures entre 1982 et 1985, puis à 36 heures en 1998,

dans un grand nombre de conventions collectives. Mais le thème est devenu

faiblement mobilisateur dans un contexte de reprise de l’emploi et de modération

salariale, d’autant plus que ces effets propres sur l’emploi sont fortement contestés.

L’explosion du temps partiel est l’une des composantes majeures de la transformation du

marché du travail. Celui-ci est passé de 19,8 % de l’emploi total en 1982 à 38,5 % en 1997. Il

a constitué le moyen privilégié des femmes d’accéder au marché du travail (68,1 % de

l’emploi féminin). En 1993, la Fondation du travail a proposé la reconnaissance d’un droit

pour tous les salariés, hommes et femmes, à obtenir un temps partiel (ou inversement un plein

temps s’il sont à temps partiel) . Ce principe est actuellement repris par une proposition du

gouvernement.

Parallèlement, l’accord social de 1997 (“ Agenda 2002 ”) est axé sur un nouvel équilibre entre

flexibilité et sécurité de l’emploi ; il permet d’assouplir l’encadrement juridique du contrat à

durée indéterminée à temps plein tout en renforçant les garanties offertes par les autres formes

d’emploi. Le gouvernement a ainsi facilité le recours aux formes particulières d’emploi,

sociaux signent un nouveau pacte social explicitant les modalités d’une décentralisation de la négociation collective, notamment en matière de salaires et de flexibilité du temps de travail.

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notamment l’intérim. Après s’être longtemps opposé à cette forme d’emploi, les syndicats

hollandais ont choisi la voie de la négociation autour de son encadrement juridique. En janvier

1999, la loi sur la flexibilité et la sécurité de l’emploi explicite ainsi les conditions dans

lesquelles la succession d’emplois temporaires conduit à un emploi durable. En 1997,

l’enquête sur l’emploi hollandaise (EBB) estime à 920.000 le nombre de travailleurs

concernés par l’emploi temporaire (CDD et intérim) auquel s’ajoutent les salariés réguliers

travaillant “ sur appel ”, ce qui représente 13 % de l’ensemble des personnes occupant un

emploi48.

L’ensemble de ces ajustements du marché du travail autour d’un renouvellement du

compromis social expliquerait ainsi en grande partie ces fortes créations d’emploi, dans un

contexte de croissance relativement soutenue et de réduction de la durée du travail.

Néanmoins, cette nouvelle dynamique du marché du travail n’a pas réussi à modifier le

volume et le rôle de certains dispositifs de transfert vers l’inactivité ; ces dispositifs sont au

coeur du système hollandais de protection sociale (I). Les politiques actives de facture

relativement récente ont connu un essor important sur la dernière période mais demeurent

faiblement développées au regard du nombre de chômeurs de longue durée (II). La recherche

d’une meilleure maîtrise des dépenses sociales, d’assurance chômage d’assistance et surtout

d’invalidité (entre 760.000 et 900.000 bénéficiaires selon les modes de comptage) est à

l’origine d’une succession de réformes institutionnelles dont le contenu traduit les nouveaux

termes d’un compromis social (III).

I- Le poids des dépenses sociales et l’ampleur du chômage au sens large Les Pays-Bas se caractérisent comme le Danemark par un poids élevé de dépenses

pour l’emploi dites passives au sens de l’OCDE (64 % en 199849). On doit même

constater que leur volume a fortement augmenté depuis 1990 (de 2,64 % du PIB en

1990 à 3,14 % en 1998), alors que le taux de chômage standardisé est à un niveau plus

faible en 1998 (4 %) que ce qu’il était en 1990 (6,2 %). Ce poids des dépenses

passives essentiellement représenté par l’effort d’indemnisation serait même

48 Cette estimation inclut les titulaires d’emplois de moins de 12 heures par semaine. 49 Cf. Perspectives de l’emploi de l’OCDE, juin 1999

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sensiblement supérieur si l’OCDE tenait compte du rôle spécifique joué par le régime

d’invalidité. Cette distorsion entre volume croissant des dépenses pour le marché du

travail et diminution du chômage une des caractéristiques des Pays-Bas. Elle signale

un ensemble de personnes concernées par ces dépenses qui ne sont pas comptabilisées

dans le chômage au sens étroit et invite donc à considérer avec circonspection les

indicateurs officiels (cf. encadré 1), qu’il s’agisse de l’indicateur de source

administrative (“ chômage enregistré ”) ou de ceux fondés sur les données d’enquête

(“ population active sans emploi ”, “ chômage standardisé ”).

1980 1985 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 19990

500

1000

1500

2000

2500

1980 1985 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999

Source : Sociale Nota 1999

Chômage au sens largeen miliiers

Emplois suventionnésAide sociale Allocataires d'incapacité de travailAllocataires chômageChômage enregistré

Afin de répondre à cette critique, l’OCDE propose l’indicateur de “ chômage au sens large ”

qui recouvre l’ensemble des personnes en âge de travailler bénéficiant de prestations sociales

d’assurance chômage, d’assistance sociale de pension d’invalidité ou de retraite anticipée

ainsi que les titulaires d’emplois subventionnés. A partir des données issues de l’enquête

annuelle du Ministère des affaires sociales et de l’emploi hollandais, nous reprenons ce type

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d’indicateur, en excluant toutefois du comptage les retraites anticipées50. Le tableau ci-

dessous montre l’ampleur chômage au sens large51. Le taux de chômage au sens large

rapporte ce chiffre à l’ensemble emploi + chômage au sens large dont on soustrait l’emploi

subventionné pour en éviter le double comptage. Après une période de croissance jusqu’en

1996, ce taux décroît légèrement mais il reste supérieur à 20 %. Ce niveau élevé reflète en

creux la relative faiblesse du taux d’emploi (calculé en équivalent temps plein) qui après avoir

subi une dégradation au début des années quatre-vingt, ne retrouve son niveau de 1979 qu’en

1997 (S. Jean, 2000). On notera que la nombre de chômeurs indemnisés (cf. infra) est

sensiblement supérieur au nombre de chômeurs inscrits. Pour être inscrits au Service public

de l’emploi, les personnes doivent être disponibles pour travailler au moins 12 heures par

semaine, être sans emploi ou travailler moins de 12 heures par semaine. De ce fait, nombreux

chômeurs sont exclus de l’enregistrement. Parmi les bénéficiaires de l’indemnisation figurent

par ailleurs les bénéficiaires de formation et ceux qui sont exemptés de l’obligation de

chercher un travail parce qu’ils ont plus de 57 ans et demi.

Emploi et chômage aux Pays-Bas

1980 1985 1990 1995 1996 1997 1998 1999

Chômage enregistré 217 551 358 464 440 375 297 272 Chômage au sens large 1031 1609 1595 1739 1736 1702 1661 1644Allocataires chômage 240 658 539 694 685 628 563 545 Allocataires d'incapacité de travail

608 695 790 752 737 743 758 759

Aide sociale 112 179 176 164 164 154 145 138 Emplois subventionnés 71 77 90 129 150 177 195 202 Emplois protégés (handicapés) 71 77 79 81 81 82 85 86 Loi-garanties d'emploi jeunes 7 20 22 21 Réservoirs d'emplois 4 25 26 26 Loi sur les demandeurs d'emploi 53 55 Melkert 1 1 11 26 35 40 Melkert 2

2 10 22 22 21

Emploi (en équivalent temps plein)

5273 5088 5596 5897 6034 6205 6385 6504

Taux de chômage élargi 16,5% 24,3% 22% 23% 23% 22% 21% 20,7%Source : Social Nota, 1999

50 Le chiffre des retraites anticipées ne nous a pas été communiqué par le Ministère des affaires sociales et de l’emploi (SZW). Par ailleurs les chiffres du Ministère ne coïncident pas exactement avec ceux fournis par l’OCDE dans Perspectives macroéconomiques 1996. Notre mesure du “ chômage au sens large ” s’inspire à ceci près de l’idée de l’OCDE.

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Si les autorités néerlandaises ne s’appuient pas sur ce concept de chômage au sens large pour

analyser l’évolution du marché du travail, l’ensemble des réformes en cours attestent du souci

premier d’activer les dépenses sociales pour favoriser la réinsertion des bénéficiaires de

prestations. Les indemnisés du chômage ne sont pas les seuls à être visés par cette politique

d’activation. Un processus de rapprochement institutionnel entre le service de l’emploi, les

agences de l’assurance chômage et les agences municipales de gestion et d’allocation de

l’assistance sociale est actuellement à l’œuvre. L’idée est de rendre conditionnel l’octroi de

l’ensemble de ces prestations à travers la création de Centres régionaux de revenu et de travail

(CWI) qui assureront la gestion du binôme indemnisation/placement (cf. infra). Ces

évolutions pourraient avoir comme conséquence que soient déclarées comme demandeurs

d’emploi des personnes jusqu’à présent considérées comme inactives. Elles interviennent dans

un contexte de relative tension du marché du travail où apparaissent des pénuries sectorielles

d’emploi.

Encadré 1 : Indicateurs officiels de chômage au Pays-Bas

L’indicateur le plus communément utilisé au Pays-Bas est le chômage enregistré. Ce chiffre combine

des données du Service public de l’emploi et de l’enquête sur les forces de travail menée par le bureau

national de la statistique (CBS). Il s’agit des personnes de 16 à 64 ans, sans emploi ou ayant un

emploi de moins de 12 heures par semaine, inscrites auprès du Service public de l’emploi et

immédiatement disponibles pour un emploi de plus de 12 heures. Ce chiffre est publié tous les mois.

La population active sans emploi est constituée par l’ensemble des personnes de 15 à 64 ans sans

emploi ou ayant un emploi de moins de 12 heures, disponibles et recherchant un emploi de plus de 12

heures., sans considération d’inscription auprès du SPE. Ce chiffres est publié annuellement par le

CBS. Cette seconde statistique est en niveau régulièrement au-dessus de la première (d’environ un

point). Pour la restitution des données à l’enquête sur les forces de travail d’Eurostat, le CBS corrige

le chiffre de la population active occupée en lui ajoutant les personnes exerçant un emploi de moins

de 12 heures. Il n’est toutefois pas possible de corriger celui de la population active inoccupée car on

ne peut connaître le nombre de personnes recherchant un emploi de moins de 12 heures. Au total dans

le calcul du taux de chômage standardisé, le dénominateur est ainsi un peu réévalué, c’est pourquoi le

51 Le contenu de chacun des dispositifs est détaillé par la suite.

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taux de chômage d’Eurostat pour les Pays-Bas est toujours inférieur (d’un point environ) au taux de

population active sans emploi.

Population active sans emploi > Chômage enregistré

Population active sans emploi > Chômage standardisé

L’ampleur persistante des prestations d’invalidité

Créé en 1967, le régime d’assurance pour incapacité de travail est alors doublement

caractérisé par l’ampleur de son champ et par la générosité de l’indemnisation. Les régimes

d’assurance maladie et invalidité sont directement reliés car pour accéder au régime

d’invalidité, les salariés doivent avoir bénéficié d’une année de prestation d’assurance

maladie. Les principales prestations maladie-invalidité-chômage sont financées par cotisations

et placées sous la responsabilité des partenaires sociaux. Jusqu’à une période récente, la

gestion de ces prestations était le fait d’organismes paritaires de branche, sous la tutelle

d’instances tripartites où le patronat et les syndicats détenaient la majorité. Après la crise de

1973, le système de protection sociale a été mobilisé pour amortir les suppressions massives

d’emplois grâce à des prestations faciles d’accès, de niveau élevé et de durée souvent très

longue, selon une logique de welfare without work (J.Visser et A. Hemerijck, 1997). Puissant

régulateur de la politique de restructurations industrielles, ce système a constitué l’équivalent

fonctionnel des préretraites en France ou de la CIG italienne.

Le nombre d’invalides (invalidité totale ou partielle) augmente de 34 % entre 1980 et 1990,

pour atteindre 14 % de la population active, dont 80 % sont en incapacité totale52. Au début

des années 1990, le gouvernement hollandais décide de lutter contre la croissance devenue

incontrôlable de son coût. S’engage alors un mouvement de réformes partielles dont les

orientations concernent la réduction des coûts mais aussi les modes de gestion du système, en

particulier, le compromis néo-corporatiste est en grande partie bousculé.

Une loi de 1993 initie une série de mesures visant à réduire le niveau des prestations et à

durcir les conditions d’entrée et de maintien dans le régime. Un examen d’entrée des

nouveaux pensionnés devient systématique. Les niveaux d’indemnisation des nouveaux

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entrants sont désormais fonction de la durée de cotisation antérieure. Ces mesures n’ont

toutefois pas été entièrement appliquées. C’est ainsi que les réductions de prestations ont été

en grande partie compensées par des avantages liés à la négociation collective de branche, ou

par la négociation interprofessionnelle (ainsi par exemple, devant le durcissement des critères

de maintien des prestations, les nouveaux exclus de l’invalidité de plus de 45 ans ont droit à

une prestation minimale au titre de l’assurance-chômage, versée jusqu’à la retraite). Par

ailleurs, le réexamen du droit à pension n’est désormais plus subordonné à la capacité du

bénéficiaire à occuper son ancienne activité mais sur sa capacité générale à travailler.

Plus fondamentalement, le gouvernement choisit, en 1994, la logique de la privatisation afin

de saper les bases du compromis. La réforme porte en premier lieu sur l’assurance maladie ; la

charge des indemnités est transférée pour 70 % sur les employeurs qui ont la liberté de se

couvrir par une assurance dans le secteur privée. L’action publique vise, d’un côté, à moduler

les cotisations des employeurs en fonction des départs vers l’invalidité, de l’autre, à fournir

des avantages financiers associés à l’embauche de travailleurs en invalidité partielle. Les

entreprises ont par ailleurs l’obligation d’adhérer à un service de conseil en conditions de

travail dans le but d’accélérer et de faciliter les retours à l’emploi.

Si les mesures restrictives prises en matière d’invalidité ont dans un premier temps marqué un

freinage et une diminution du nombre de bénéficiaires, ce dernier s’est à nouveau

sensiblement accru à partir du second semestre 1996. On constate de la part des entreprises un

recours faible aux organismes de conseil en conditions de travail, organismes qui se livrent

par ailleurs une concurrence sur les coûts au détriment du service offert (M. Wierink, 2000).

La sélection des candidats sur l’état de santé à l’embauche se renforce malgré l’interdiction

légale. Dans ce contexte, la priorité gouvernementale est de mettre l’accent sur le retour vers

l’activité des bénéficiaires de l’invalidité, davantage que sur les restrictions de prestations (J.

Hartog, 1999).

Les effets de structure démographique (vieillissement de la population active) ne sont bien

entendu pas les seules causes de cette forte inertie du volume des “ invalides ”. Il semble que

l’on assiste au contraire à un rajeunissement ainsi qu’à une féminisation des bénéficiaires du

régime d’invalidité, ainsi qu’à un déplacement sectoriel : les services publics

52Les “ problèmes psychiques ” concernent environ le tiers des “ invalides ”.

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d’enseignement et de santé sont de plus en plus concernés par le recours au régime

d’invalidité. Il s’agit de secteurs largement féminisés et fortement marqués par le temps

partiel. On assisterait à un processus d’arbitrage de certaines femmes en faveur du régime

d’invalidité compte tenu de la pression au travail qui au Pays-Bas apparaît comme l’une des

plus fortes d’Europe selon l’enquête sur les conditions de travail de la Fondation de Dublin (

1995-1996). La question du rythme de travail et du stress qu’il engendre est au cœur d’une

série d’études réalisées au Pays-Bas sur la récente période. Dans le contexte actuel de tension

du marché du travail et de pénuries d’offres de travail dans certains secteurs, il n’est pas exclu

que les entreprises et certains services publics soient conduits à modifier l’organisation du

travail de façon à maintenir certains de leurs salariés optant pour des stratégies d’exit vers le

régime d’invalidité. C’est en tous cas dans ces termes que les responsables du Service public

de l’emploi que nous avons interviewés ont envisagé l’amorce possible d’un dégonflement

des effectifs du régime d’invalidité. Le débat est sensiblement élargi à la question de la

réorganistaion des conditions de travail pour l’ensemble des actifs et peut devenir l’un des

chevaux de bataille de la négociation collective dans les prochaines années.

L’indemnisation du chômage et l’assistance sociale

Le système d’indemnisation du chômage comporte deux régimes (cf. encadré 2) :

- une allocation proportionnelle au salaire antérieur limitée par un plafond d’environ une fois

et demi le salaire ouvrier moyen et un plancher équivalent à 70 % du salaire minimum légal,

pour les chômeurs répondant aux conditions d’éligibilité ;

- une allocation fixe d’un montant de 70 % du salaire minimum légal pour les chômeurs ayant

épuisé leurs droits, et depuis 1990 pour ceux qui ne satisfont pas toutes les conditions

d’éligibilité.

Les mesures restrictives adoptées dans les années quatre-vingt-dix n’ont pas porté sur les taux

d’indemnisation53 mais sur les conditions d’accès et de maintien des prestations. Les durées

de travail exigées pour l’ouverture des droits ont été allongées et les contrôles-sanctions ont

été renforcés, en cas d’absence de recherche active, de refus d’emplois convenables ou du

refus d’entrée dans des dispositifs de politique active de l’emploi. En 1997, ces obligations

53 Au regard des autres pays européens, les Pays-Bas restent caractérisés par un volume très élevé de “ dépenses passives ”.

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ont été étendues à l’ensemble des bénéficiaires de prestations d’assistance dont le nombre ne

diminue pas, ce qui traduit les difficultés de reprise de l’emploi pour une certaine population.

Ceux-ci peuvent se voir imposer par le gouvernement la participation à des activités d’intérêt

général censées les rapprocher de l’activité professionnelle et peuvent alors bénéficier d’un

supplément à l’allocation d’assistance, dans une logique de workfare.

Encadré 2 : La loi sur les prestations de chômage (WW) et la loi générale sur l’aide

sociale (ABW)

La loi WW concerne toute personne qui, au cours des 39 semaines précédant le chômage a travaillé

au moins 26 semaines (condition relative à la durée d’assurance ouvrant droit à des prestations). La

loi distingue deux cas de figure. Soit l’assuré a perçu un salaire pendant au moins 52 jours sur quatre

des cinq années qui ont précédé le chômage ; dans ce cas il bénéficie du régime d’assurance assise

sur le revenu (70 % du dernier salaire, avec un plafond journalier qui est de 315,09 NLG au 1er juillet

1999). La durée de versement de la prestation d’assurance varie entre 6 mois et 5 ans en fonction de

l’ancienneté sur le marché du travail. Au-delà de cette durée de versement, si la personne est encore

au chômage, elle peut prétendre à l’allocation fixe (70 % du salaire minimum) pour une durée

maximale de deux ans. Soit l’assuré ne remplit pas la condition énoncée ci-dessus concernant la durée

de versement d’un salaire ; dans ce cas il perçoit sur une durée de six mois, une prestation dont le

montant s’élève à 70 % du salaire minimum légal. Le nombre des chômeurs indemnisés est

aujourd’hui pratiquement le même qu’il y a quinze ans (790 000 en 1982, 770 000 en 1997).

L’assistance sociale ABW assure un revenu minimum à toute personne de plus de 21 ans résidant

régulièrement aux Pays-Bas. Son montant est calculé en fonction de la situation familiale et soumis à

conditions de ressources (les revenus du partenaires et/ou du capital sont déduits). La norme au 1er

juillet 1999 est par exemple de 2129 NLG par mois pour un couple marié. Les jeunes de moins de 21

ans relevant des services sociaux peuvent se voir attribuer une aide sociale pendant au maximum un

an suivant la fin de leur scolarisation. Depuis 1997, l’ABW impose à tous ses titulaires une obligation

de recherche d’emploi, à l’exception des parents isolés élevant un enfant de moins de cinq ans et des

personnes âgées de plus de 57 ans et demi.

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II- Les mesures de politique active

Les dépenses dites actives de la politique publique de l’emploi (en % du PIB) se situent dans

la moyenne des pays de l’Union Européenne, un niveau resté stable au cours des années

quatre-vingt-dix. Les mesures du secteur marchand opèrent sur le registre

classique : exonération de charges patronales pouvant être accompagnées de subventions

directes subordonnées à l’embauche de chômeurs de longue durée ou de travailleurs

handicapés. Des exonérations de charges ont été introduites en 1996 pour l’embauche des bas

salaires (115 % du salaire minimum légal, porté à 130 % en 1997). Cette mesure rencontre un

vif succès puisqu’elle concerne, avec un fort effet d’aubaine, environ 15 % des emplois créés

en 1997.

L’essentiel de la politique dite active de l’emploi se joue dans le secteur non marchand. Elle

vise la réintégration des chômeurs indemnisés mais aussi des bénéficiaires de l’assurance

sociale et notamment du revenu minimum qui depuis 1996 doivent être disponibles pour

l’emploi, sauf problèmes de santé justifiant une dispense d’emploi ou cas particuliers des

parents isolés ayant un enfant de moins de cinq ans à charge.

- Concernant les jeunes sans emploi, la loi de 1992 a créé une garantie d’emploi (JWG) pour

tous les moins de 23 ans au chômage depuis plus de six mois. Ces derniers sont tenus

d’accepter un emploi dans le secteur public (étendu au secteur privé en 1995). Il s’agit

d’emplois temporaires d’une durée hebdomadaire de 32 heures, payés au salaire minimum

(en dessous de 22 ans celui-ci varie en fonction de l’âge ; il est par exemple de 45,5 % du

salaire minimum adulte à 18 ans, et de 72,5 % à 21 ans).

- concernant les chômeurs de longue durée, une série de dispositifs ont été mis en place. Les

“ pools de travail ” créés en 1990 sous la responsabilité des municipalités offrent des emplois

d’utilité collective pour un salaire minimum (hebdomadaire) et 32 heures hebdomadaires. Cet

horaire vise à maintenir un écart de rémunération suffisant pour stimuler la recherche

d’emploi à plein temps et ainsi éviter les effets de trappe dans les dispositifs spécifiques. De

Beer et Luttikhuisen (1998) soulignent toutefois que seuls 8 % des “ bénéficiaires ” des pools

d’emploi en 1994 ont trouvé un emploi “ normal ” quatre ans plus tard.

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Depuis 1998, les pools d’emplois et le programme JWG ont été fondus dans une nouvelle loi

sur “ le retour au travail des demandeurs d’emploi ” (WIW) conférant aux municipalités

davantage de liberté dans l’application des diverses mesures du secteur non marchand. Le

contrat de travail portant toujours sur une durée hebdomadaire de 32 heures est prévu sur une

durée totale de deux ans. Au-delà des deux années, la commune peut conclure un nouveau

contrat si les services de placement l’autorisent. S’il s’agit d’un emploi subventionné du

secteur privé, la subvention à l’entreprise ne peut excéder 6 mois. Le salaire est dans chacun

des cas limité à 120 % du salaire minimum (120 % du salaire minimum des jeunes, le cas

échéant)

Au total au début 1999, le nombre d’emplois concernés par cette loi s’élève à 55 000 (Social

Nota 1999).

A partir de 1994, date d’arrivée au pouvoir de la coalition socio-démocrate-libérale

(administration de Kok), se sont développées les emplois subventionnés du secteur non

marchand, destinés aux chômeurs de longue durée. Ces emplois dits Melkert 1, du nom du

ministre des Affaires sociales et de l’emploi, sont essentiellement des emplois municipaux, ou

dans le domaine de la santé. Ils ont pour caractéristique d’être à durée indéterminée. Le salaire

horaire est plafonné à 20 % au dessus du SMIC pour une durée hebdomadaire de 32 heures.

Parallèlement, les emplois Melkert 2 s’appuient sur des subventions aux employeurs du

secteur marchand égale aux prestations d’assistance sociale. Ils visent le développement

d’emplois non qualifiés. Enfin, le nom de Melkert 3 a été attribué aux activités bénévoles

exercées par les chômeurs de longue durée les moins employables. Dans le dernier cas, les

autorités municipales se voient autorisées à imposer aux bénéficiaires de l’assistance sociale

la participation à des activités bénévoles destinées à rapprocher les chômeurs les plus éloignés

du marché du travail d’une activité professionnelle. Il s’agit donc d’une logique de workfare

au sens strict dont on perçoit l’ambiguïté : s’agit-il de favoriser la première étape d’un

processus de réinsertion professionnelle ou prend-on le risque d’engendrer des statuts

inférieurs ?

Au total, au début de l’année 1999, les Melkert 1 s’élèvent à 40 000, les Melkert II à 22 000.

Il y a donc 117 000 “ chômeurs au sens large ” engagés dans un dispositif de politique active

de l’emploi, soit 1,8 % du total des personnes en emploi, ou encore plus de la moitié du

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nombre de chômeurs de longue durée déclarés (Social Nota, 1999). Les effets d’aubaine ne

semblent pas particulièrement sensibles dans le secteur marchand où l’on n’observe pas de

progression significative des Melkert II. La progression est en revanche plus forte dans le

secteur non marchand et traduit le risque d’entériner la création d’un marché du travail

secondaire d’emplois peu qualifiés faiblement rémunérés (De Beer et Luttikhuisen, 1998).

L’ensemble de ces programmes et leur mise en œuvre ont pesé sur la transformation du

Service public de l’emploi qui a constitué la clé de voûte de l’action des pouvoirs publics en

matière de coordination entre la politique de contrôle des dépenses sociales et la dynamique

d’activation et de placement.

III- La réforme du Service public de l’emploi : coordonner la protection sociale et

l’action sur le marché du travail

Traditionnellement, les Pays-Bas ne disposaient que d’un Service public de l’emploi

centralisé sous la tutelle du Ministère des affaires sociales et chargé de tâches essentiellement

administratives. A partir de 1991, est créé un service public tripartite (Ministère des affaires

sociales et de l’emploi, organisations syndicales, organisations patronales), autonome et

fortement décentralisé. La structure est devenue paritaire en 1997, date à laquelle le Ministère

des affaires sociales et de l’emploi s’est retiré du conseil d’administration, pour revenir à un

rôle de donneur d’ordre et d’ordonnateur de priorité à travers le budget. Dix-huit directions

régionales regroupent environ 200 agences pour l’emploi et 60 centres de formation

professionnelle (CVV). Les agences pour l’emploi constituent l’élément clé du service public

de l’emploi. Elles procèdent au placement, à l’information et à l’assistance-conseil des

demandeurs d’emploi. Les centres de formation professionnelle dispensent une formation

reconnue, de caractère fonctionnel, dans de nombreuses professions. Les employeurs peuvent

également utiliser ces centres pour offrir des stages de recyclage à leurs travailleurs. Depuis le

1er janvier 1998, les agences pour l’emploi peuvent acheter les stages de formation aux

centres de formation professionnelle. Par ailleurs, le service de l’emploi coopère avec une

constellation d’agences d’intérim pour accroître ses activités de placement.

La fin des années quatre-vingt-dix est marquée par une série de réformes dont les enjeux

résident dans une meilleure coordination de la protection sociale et de l’action sur le marché

du travail. L’objectif principal est d’instituer une co-responsabilisation des différents acteurs

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dans l’insertion/réinsertion des demandeurs d’emploi. Au plan institutionnel, ces enjeux ont

donné lieu à un processus complexe de succession de projets avortés ou réellement mis en

œuvre. Ces réformes peuvent se lire selon deux axes : privatisation ou retour au contrôle

public ; participation ou non des partenaires sociaux. L’histoire récente témoigne de

revirements successifs dans l’orientation des réformes dont nous tentons de retracer ci-

dessous les principales étapes..

La privatisation de l’assurance maladie (cf. supra) va ouvrir la voie à un processus de réforme

de l’organisation des assurances sociales vers une gestion de plus en plus privée. Deux lois

respectivement en 1995 et en 1997 introduisent cette privatisation : cinq organismes (UVI) de

statut privé à objectif de gestion et d’administration des assurances sociales sont créés entre

lesquels sont réparties les entreprises. Un institut national des assurances sociales, placé sous

l’autorité du ministre des Affaires sociales et assisté de trente conseils sectoriels à dimension

paritaire est chargé de contrôler l’ensemble . Parallèlement, le Ministère des affaires sociales

et de l’emploi met en place un projet intitulé “ Coopération travail et revenu ” (SWI,

Samenwerking Werk en Inkomen). Le principe est celui de l’instauration d’un guichet unique

pour les service public de l’emploi, les agences de sécurité sociale (UVI) et les services

sociaux des communes (GSD). L’objectif de la création des centres de travail et de revenu

(CWI) est de mieux coordonner l’action de ces trois institutions en fonction d’une division

claire des responsabilités respectives. Il est alors prévu de mettre en place 214 CWI d’ici la fin

2000. Ces structures ont pour fonction d’enregistrer les demandeurs d’emploi selon un

principe classant en fonction du degré de difficulté supposé de recherche d’emploi. Ce sont

encore les organes de gestion de la sécurité sociale ou les responsables des services sociaux

municipaux qui sont décisionnaires sur l’admission aux différents régimes d’allocation.

La mise en place des CWI s’opère très difficilement compte tenu des logiques administratives

internes différentes selon chacune des institutions représentées. Ces difficultés expliquent la

mobilisation des pouvoirs publics sur un nouveau projet, conçu au printemps 1999. Le

principe d’une gestion privée des assurances sociales est alors réaffirmé et accentué, tout en

maintenant le contrôle public de l’accès aux allocations, à partir des renseignements collectés

par les agents des CWI lors de l’accueil des demandeurs, les bénéficiaires de l’assurance

chômage ou de l’invalidité étant pris en charge par les organismes de gestion de l’assurance

chômage et de l’invalidité (UVI), ceux de l’assistance sociale par les services sociaux des

municipalités. Mais la discussion parlementaire laisse émerger une critique véhémente quant

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au risque de confusion entre les attributions publiques de contrôle à l’accueil des bénéficiaires

et de gestion privée, critique qui débouche sur le retrait du projet.

Le nouveau projet présenté par le gouvernement au parlement et aux partenaires sociaux à la

fin 1999 opère un revirement important avec un retour intégral aux compétences publiques

dans la gestion des allocations d’une part, excluant les partenaires sociaux d’autre part. Les

cinq organismes privatisés (UVI) de gestion de l’assurance sociale sont alors fusionnés en une

seule structure sous la forme d’établissement à direction autonome unifiée pour l’ensemble du

tissu productif (UWV), placé sous le contrôle du Ministère des affaires sociales et de

l’emploi. La structure est chargée de l’admission aux régimes de chômage et d’invalidité et de

la distribution des allocations, les municipalités continuant d’assurer la gestion de l’allocation

d’assistance. Chacune de ces deux structures agit en tant que donneur d’ordre et acheteur de

services de formation ou de placement auprès d’organismes privés prestataires.

Les CWI sont placés sous la tutelle d’un institut national (LIWI) à direction nommé par le

Ministère, assisté d’un conseil à vocation consultative où sont représentés les partenaires

sociaux, les municipalités et des experts indépendants nommés par la Couronne. La

représentation paritaire est donc réduite à un rôle de simple consultation.

A côté de ce retour à la compétence publique de gestion de la sécurité sociale, le recours à des

organismes privés prestataires de services aux demandeurs d’emploi s’intensifie. Par ailleurs

les services des bureaux régionaux ou locaux de l’emploi auparavant investis des tâches liées

à la réinsertion professionnelle sont autonomisés et mis en concurrence avec les structures

privées. Ce tissu privé d’organismes de placement ou de service-conseil est relié par contrat

soit aux entreprises qui souhaitent gérer ainsi les reclassements de leur personnel, soit aux

bureaux rattachés à l’UWV ou les services sociaux municipaux, soit directement au CWI.

Le rôle des partenaires sociaux se trouve extrêmement réduit. Les entreprises décident seules

des modalités de contractualisation avec les organismes prestataires pour réduire les dépenses

pour maladie, absentéisme ou invalidité. La réforme aboutit ainsi à un clash, le 24 novembre

1999, les organisations syndicales mais aussi patronales (ces dernières contestent le retour à

une gestion de monopole public) quittant avec fracas la tables des négociations.

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Un compromis semble alors trouvé avec le projet gouvernemental présenté en janvier 2000,

autour de la mise en place d’un Conseil pour l’emploi et les revenus placé auprès du LIWI (cf.

schéma) et composé pour un tiers de représentants des organisations syndicales, pour un autre

tiers des organisations patronales, et enfin des municipalités, sous une présidence

indépendante. Ce conseil aux compétences larges (participation à la politique budgétaire et à

la définition de la politique de réintégration) laisse entrevoir le retour à une logique

partenariale qui avait été progressivement écartée (M. Wierink, 2000). Compte tenu des

enjeux politiques et financiers (le budget public disponible pour la réinsertion avoisine 10

milliards de florins) associés à ces réformes, la réintégration des partenaires sociaux revêt une

signification forte.

Les CWI restent la structure centrale d’accueil des demandeurs sous la forme du guichet

unique, chargée de les classer en quatre catégories selon le degré d’éloignement du marché du

travail (cf. encadré), le type de service dont ils ont besoin, de constituer les dossiers sur

lesquels statueront les organismes de gestion UWV ou bureaux des services municipaux. Les

experts médicaux contrôlant l’invalidité dépendent des CWI.

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Encadré 3 : Les quatre échelons de classification des demandeurs d’emploi

Echelon 1 : le demandeur d’emploi est considéré comme étant susceptible d’un placement direct. Les instruments disponibles sont l’information sur le marché du travail (notification de postes vacants) et l’assistance-conseil. Echelon 2 : pour pouvoir occuper un emploi, quelques améliorations nécessitant moins d’un an sont nécessaires. instruments disponibles : formation à la recherche d’emploi, recyclage. Echelon 3 : pour pouvoir accéder à un emploi, une amélioration plus importante, d’une durée supérieure à un an est nécessaire. Instruments disponibles :ceux prévus par la Loi sur l’emploi des demandeurs d’emploi (WIW) entrée en vigueur en janvier 1998 (cf. une politique d’activation contrainte). Les mesures vont de l’activation sociale aux emplois temporaires subventionnés dans les entreprises privées ou du secteur non marchand. La commune est libre de réaliser une instrumentation “ sur mesure ” pour des groupes cibles particuliers.

Echelon 4 : chances d’accès à l’emploi très réduites. la personne concernée a un handicap sévère. les instruments sont ceux de l’aide sociale et des prestations de services personnalisés délivrées par le service public de l’emploi. Les résultats du classement déterminent ainsi la nature des prestations. Après autorisation du CWI, le chômeur se voit défini un plan d’action individuel et bénéficie du conseil et du suivi d’un collaborateur du service de l’emploi. La durée d’un plan individuel peut durer de six mois à deux ans. L’objectif est de placer 60 % des chômeurs après l’accomplissement de leur plan d’action dans un emploi régulier.

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Les structures institutionnelles de la protection sociale dans le projet 2000 Réinsertion de

Prestations privées

Ministère des affaires sociales et de l’emploi (SZW)

Autorités locales

Conseil pour l’emploi et les revenus

LIWI Institut national pour l’emploi et les

revenus

CWI Enregistrement des chômeurs (clients)

Entretien pour définir le phasage

Services sociaux municipaux

gestion de l’assistance sociale

Réinsertion des bénéficiaires de l’assistance

UWV Gestion de l’assurance

chômage et de l’assurance invalidité (WAO) Réinsertion des

bénéficiaires

Employeurs Réintégration dans le court terme des bénéficiaires de

l’invalidité

Clients

Organismes privés de

formation

Prestataires privés de conseil et de placement

des chômeurs

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Conclusion

Les succès des Pays-Bas en matière de chômage sur les deux dernières décennies ne

doivent pas occulter l’importance et le rôle des régimes de transfert vers l’inactivité

(préretraites et surtout invalidité). La relative stagnation du taux d’emploi qui en

équivalent temps plein est pratiquement au niveau de 1980 traduit une dynamique de

partage du travail largement appuyée sur les retraits d’activité et le temps partiel dont

la forte croissance a coïncidé avec l’entrée des femmes sur le marché du travail.

Les coûts induits par ce volume de transfert vers l’inactivité sont à l’origine d’un large

débat social qui a conduit à un ensemble de réformes institutionnelles réalisées et en

cours de réalisation. Celles-ci traduisent la recherche d’un nouveau compromis dont

les contours ne sont pas encore arrêtés. Les experts du système hollandais (Visser et

Hemerrijk, 1997, De Beer et Luttikuizen, 1998, Hartog, 1999) montrent le caractère

empirique de la démarche et démentent ainsi l’idée d’un modèle figé. Le système de

protection sociale qui semble émerger se caractérise par un retour au contrôle public

des normes combiné à une logique de privatisation que l’on repère au niveau de

l’assurance maladie et au niveau des services de placement, de conseil et de formation

des chômeurs bénéficiaires de l’assurance chômage ou des prestations d’assistance.

Dans ce nouveau paysage institutionnel, le statut conféré aux partenaires sociaux n’est

pas encore définitivement arrêté. Nous avons vu que la dernière mouture de projet de

réorganisation institutionnelle du système de protection sociale laissait de ce point de

vue ouverte la voie du dialogue social.

Si les réformes de la protection sociale ont placé en leur centre l’idée d’une activation

des dépenses passives, cette dernière apparaît encore limitée dans ses résultats et l’on

peut penser que subsiste un solide consensus autour du rôle de régulateur social

qu’exerce, à travers ces dépenses, le retrait d’activité. L’activation ne constitue pas,

jusqu’à présent, un maillon quantitativement significatif de la flexibilité du marché du

travail qui fait par ailleurs l’objet de compromis directement négociés dans le champ

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des conventions collectives ou d’accords centraux. Le nombre de bénéficiaires des

mesures en légère croissance à la fin des années quatre-vingt-dix, reste sensiblement

inférieur au nombre de chômeurs de longue durée déclarés (117.000 personnes

concernées par les emplois subventionnés – en excluant les emplois protégés pour les

handicapés - en 1999, contre 195.000 chômeurs de longue durée enregistré). Il

n’existe pas, comme au Danemark, de formes de protections institutionnelles

permettant d’articuler en les distinguant la sphère du marché du travail régulier et celle

de la politique de l’emploi (cf. monographie danoise). Ceci s’explique largement par le

poids et le rôle des dépenses encore largement passives. Il n’est toutefois pas exclu que

la question des liens qu’entretiennent ces deux sphères émerge dans les prochaines

années, à mesure que l’activation sera rendue plus opérationnelle54. De Beer et

Luttikhuisen (1998) soulignent ainsi le risque de création d’un marché secondaire

permanent à partir des emplois subventionnés (emplois Melkert, pool jobs ). Par

ailleurs, la dynamique d’activation par les centres régionaux de travail et de revenu

(CWI) compte tenu des impératifs de placement pèse en faveur d’un recours accru aux

formes particulières d’emploi (CDD, intérim, travail sur appel) dont on a noté la forte

croissance sur la dernière décennie.

Enfin, l’activation des bénéficiaires de l’invalidité dont la composition se modifie dans

les sens d’un rajeunissement et d’une féminisation pose le problème plus large des

conditions de travail et des pressions qu’elles imposent. La réduction durable du

volume particulièrement élevé d’invalides passe par une réorganisation du travail dans

les entreprises du secteur privé et du secteur public. Il semble que la situation actuelle

du marché du travail et les pénuries partielle d’offres de travail rendent possibles

l’ouverture de négociations sur ces questions.

* *

*

54 La faiblesse du nombre d’évaluations disponibles en matière d’activation est de ce point de vue le signe que la question est encore prématurée.

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Références bibliographiques

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mirage ? Réflexions sur le marché du travail et la poltique de l’emploi aux Pays-Bas ” in La politique de l’emploi en Europe et aux Etats-Unis, CEE-PUF, pp.113-133.

- Freyssinet J., 2000, “ La réduction du taux de chômage : les enseignements des

expériences européennes ”, in Réduction du chômage :les réussite en Europe, Conseil d’Analyse Economique, la documentation Française.

- Hartog J., 1999, “ Country Employment Policy Reviews : The Netherlands ” in Social

Dialogue and Employment Success, an ILO Symposium, Geneva, 2-3 March. - Hemerijck A., “ Renégocier l’Etat providence néerlandais ? ”, Revue Française des

Affaires Sociales, n° 3-4 Juillet-décembre 1999, pp. 167-186. - Jean S., 2000, Emploi : les enseignements de l’expérience néerlandaise, Premières

Synthèses 2000.03-n° 09.1 - Visser J. et Hemerijck A , 1997, A Dutch Miracle : Job Growth, Welfare Reform and

Corporatism in the Netherlands , Amsterdam University Press, 1997 - Social Nota 1999, Ministère des Affaires Sociales et de l’Emploi, Pays-Bas, Novembre

1998. - Wierink M., 2000, “ Réforme des structures de la protection sociale ”, Chronique

Internationale de l’IRES, n° 64, mai, pp.26-38 - Flexibility and security for employers and teporary employees, 1998, SZW (Ministère des

affaires sociales et de l’emploi), juin - Le “ modèle hollandais ”, Hors série, Chronique Internationale de l’IRES, Octobre 1997. - Rapport d’information de base, Pays-Bas 1999, MISEP, Observatoire de l’emploi,

Commission Européenne, - L’activation de la politique de l’emploi dans l’Union Européenne – un résumé

comparatif. SYSDEM Tendances n°28, Observatoire de l’emploi, Eté 1997. - Les réformes des financements des systèmes de protection sociale aux Pays-Bas,

Les notes des postes d'expansion économique, Direction des Relations économiques extérieures, Ministère de l’Economie des finances et de l’industrie, 1999.

- Tendances du sous-emploi dans l’Union Européenne ; SYSDEM Tendances n°30,

Observatoire de l’emploi, Eté 1998. - Site internet du ministère des Affaires sociales et de l’Emploi: www.minszw.nl

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Royaume-Uni : une activation au service de la dérégulation du marché du travail

Florence Lefresne

Dynamiques d’emploi et flexibilité du marché du travail : un lien controversé

Les dépenses publiques affectées au marché du travail55 sont faibles au Royaume-Uni. Elles

deviennent sensiblement inférieures à la moyenne européenne dès le milieu des années

quatre-vingt et ne représentent en 1997-1998 que 1,19 % du PIB56, contre 3,13 % pour la

France57 et 5,63 % pour le Danemark. Leur profil d’évolution s’écarte même de celui du

chômage alors que s’enclenche la récession du début des années quatre-vingt-dix (cf.

graphique). La limitation du volume des dépenses constitue en fait l’un des premiers objectifs

de la politique publique de l’emploi (PPE), facilité depuis 1993 par la baisse du chômage.

Toutefois, l’intervention paradoxalement active des pouvoirs publics dans le champ de

l’emploi a clairement débordé le cadre strict des dépenses affectées au marché du travail. Elle

a conduit à un ensemble de réformes structurelles aboutissant à ce qu’il est convenu d’appeler

le modèle britannique de flexibilité du marché du travail (cf. encadré 1). C’est généralement à

ce modèle que sont imputées les bonnes performances actuelles en termes de chômage.

Pourtant, l’observation des dynamiques d’emploi sur la dernière période invite à considérer

avec circonspection le lien flexibilité/emploi

55 Au sens de l’OCDE. Pour une explicitation de la nomenclature, on se reportera à l’Annexe 2A, Perpectives de l’emploi 1992. 56 OCDE, Perspectives de l’emploi 1997. 57 Année budgétaire 1996-1997 car les données 1997-1998 ne sont pas disponibles.

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Source : OCDE. N.B : Si l’on exclut la dépense du service public de l’emploi qui s’élève à elle seule à 0,18 % du PIB en 1997-98, les mesures actives proprement dites ne représentent que 0,17 % du PIB en 1997-1998.

Dynamiques d’emploi au Royaume-Uni

Pop. active totale

(milliers)

Taux d’activité (en % des 15-64

ans)

Emploi total (milliers)

Taux de chômage

(standardisé)

1990 28 498 77,8 26 942 7,1

1991 28 546 77,2 26 305 8,8

1992 28 581 76,9 25 812 10,1

1993 28 447 76,1 25 511 10,5

1994 28 433 76,2 25 697 9,6

1995 28 426 75,9 25 972 8,8

1996 28 552 76,1 26 218 8,2

1997 28 716 76,2 26 682 7,1

1998 28 775 75,9 27 161 6,3

Source : OCDE, Statistiques de la population active, 1998

Chômage et dépenses publiques affectées au marché du travail

0

0,5

1

1,5

2

2,5

3

3,5

1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998

en %

du

PIB

0

2

4

6

8

10

12

en %

de

la p

op a

ctiv

e

Garantie de revenu

Mesures actives

Taux de chômage (BIT)

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133

Un ajustement par l’activité

Après une chute de 1,4 million au cours de la récession du début des années 1990, l’emploi ne

retrouve son niveau de 1990 qu’en 1998 (cf. tableau), en dépit d’un taux de croissance annuel

moyen du PIB de 2,8 % entre 1993 et 199858. Dans ces conditions, pour comprendre la décrue

sensible du chômage outre-Manche, il faut davantage se tourner vers une explication en

termes de rétrécissement du marché du travail. Traditionnellement, le Royaume-Uni se

caractérise par un taux d’activité élevé, évoluant dans le même sens que le PIB. Or, le fait

marquant de la dernière reprise réside dans un recul du taux d’activité à l’origine d’une quasi-

stagnation de la population active sur les années quatre-vingt-dix, sans équivalent en Europe.

Au total, il semble bien que les inflexions structurelles de l’emploi (importance en stock et en

flux du temps partiel, montée du travail indépendant, recul relatif du salariat...) se soient

opérées dans un contexte de re-partage du volume de travail et de niveau d’emploi

tendanciellement stable au cours des années quatre-vingt-dix, en dépit de fluctuations

conjoncturelles plus prononcées que dans les autres pays européens.

Les jeunes, conjuguant une baisse démographique et une baisse de leur taux d’activité par

allongement de leur scolarisation initiale, ont joué un rôle important dans ce recul de la

population active. Mais le phénomène le plus atypique réside dans une baisse sensible du taux

d’activité des hommes de 25-54 ans (passant de 94,8 % en 1990 à 91,4 % en 1998). Ainsi,

plus qu’un effet sur les dynamiques d’emploi en tant que telles, la politique de flexibilisation

du marché du travail et de contrôle sévère exercé sur les chômeurs, s’exprimerait

partiellement par un découragement des catégories les plus vulnérables. ce n’est pas là un

moindre paradoxe compte tenu de l’objectif de mobilisation des chômeurs, comme on va le

voir, central dans la politique de l’emploi. Ce phénomène mérite une attention particulière,

pour savoir s’il recouvre une exclusion durable du marché du travail et le report de ces

catégories sur d’autres filets de sécurité (politique sociale ou charité associative) ou bien s’il

désigne plutôt des transitions incluant des phases non durables d’inactivité. Après l’élagage

massif de l’emploi industriel dans les années quatre-vingt, la rationalisation de l’emploi

bancaire au début des années quatre-vingt-dix et les réductions d’emplois publics liées aux

privatisations, les employeurs britanniques n’ont plus, dans leur majorité, de stratégies

brutales d’embauche et de débauche (hire and fire), à l’exception du bâtiment. Le sentiment

58 Le relativement faible contenu en emploi de la croissance place de ce point de vue le Royaume-Uni dans une position très différente des Etats-Unis, montrant à quel point il est erroné de parler de “ modèle anglo-saxon ”.

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de précarité des salariés se rattache plutôt à la difficulté de réintégration dans un emploi stable

pour ceux qui ont connu des périodes de chômage. Le passage par le chômage, même de

courte durée, semble jouer un rôle déterminant dans le processus de dégradation des normes

de salaire et d’emploi pour ces catégories d’actifs. L’analyse de l’intervention publique à

l’occasion de ce passage par le chômage revêt donc un caractère stratégique pour éclairer ce

processus. Trois axes guident cette intervention : la stratégie de mobilisation et de contrôle

des chômeurs autour de la recherche d’emploi, associé à l’objectif de formation comme levier

de l’“ employabilité ” (I) ; une dynamique visant à subordonner l’octroi des prestations

sociales à la participation à certains programmes de travail ou de formation (II) et de façon

plus large, une politique d’intéressement au travail cherchant à articuler minima sociaux,

acceptation d’emplois faiblement rémunérés et salaire minimum (III).

Encadré 1

Flexibilité du rapport salarial et affaiblissement syndical

On aurait tort d’interpréter la flexibilisation du marché du travail comme une déréglementation de la

relation salariale au sens strict, dans la mesure où le contrat de travail n’a jamais eu, au Royaume-

Uni de spécificité juridique. La faiblesse du droit du travail peut d’ailleurs être interprétée comme un

atout dans la conduite du projet conservateur. L’élément clé du changement a sans doute été

l’affaiblissement sensible du pouvoir des syndicats qui assumaient, dans le cadre souple du

“ volontarisme ”, un rôle fondamental de régulation du rapport salarial, contrôlant partiellement

l’embauche (closed shop) et l’accès à l’emploi qualifié du métier par le biais de l’apprentissage,

contribuant à la définition de normes salariales grâce à la négociation collective, imposant le respect

de certaines règles, notamment celle du licenciement (last in first out).

Accentuée par la promulgation d’une série de lois dans le champ des relations professionnelles, la

fragmentation et la décentralisation de la négociation collective59 a servi de point d’appui au

processus d’éclatement des normes d’emploi, de salaire et de durée hebdomadaire du travail. La

59 La décentralisation s’apprécie d’un double point de vue : déclin du nombre de conventions multi-employeurs (ce déclin est avéré depuis les années soixante mais il s’est accéléré dans les années quatre-vingt) et décentralisation d’accords d’entreprise vers les établissements (le face à face direct salariés/managers se substitue de plus en plus à la procédure traditionnelle de négociation employeurs/syndicats représentant les corps de métier au niveau de l’entreprise). La législation antisyndicale a considérablement affaibli la reconnaissance de la représentativité syndicale dans la négociation collective : un employeur peut choisir de ne pas reconnaître les syndicats et “ négocier ” à titre individuel avec les travailleurs. Le gouvernement Blair est en partie revenu sur cette législation en soumettant au parlement une loi pour faire reconnaître le droit de négociation syndicale dès lors que la moitié de l’unité de négociation est syndiquée.

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dérégulation revêt la forme d’une liberté théorique totale des employeurs d’embaucher et de

licencier, et s’appuie sur une grande flexibilité, elle aussi théorique, du salaire, facilitée par la

faiblesse des charges sociales, voire leur quasi absence pour les travailleurs à temps partiel60. Si la

suppression des Wages councils, conseils paritaires fixant des minima de salaire61 n’a pas affecté la

distribution des salaires des salariés déjà en postes, elle a engendré pour les nouveaux salariés

(jeunes ou chômeurs retrouvant un emploi) une baisse sensible des salaires (Machin et Manning,

1996).

I) Une politique de l’emploi centrée sur l’offre de travail

Jusqu’au milieu des années quatre-vingt, les programmes publics de la politique dite active -

dont la plupart avait été mis en place par le gouvernement travailliste - étaient fondés sur le

soutien de la demande de travail, dans un contexte de crise et de restructuration de l’appareil

productif (Lefresne, 1994). Conformément à une conception libérale de type supply-side les

mesures de stimulation de la demande de travail vont être progressivement marginalisées car

analysées comme des entraves aux ajustements salariaux indispensables à l’équilibre du

marché.

Deux fonctions principales sont alors assignées à la politique de l’emploi :

- la première vise à rapprocher les chômeurs notamment les chômeurs de longue durée (plus

de six mois), du marché du travail en créant les conditions d’une recherche active d’emploi.

Maintenir le contact des services administratifs avec les chômeurs, planifier des entretiens,

offrir une assistance technique, voire psychologique, aux demandeurs d’emploi, tels sont les

principaux axes de l’intervention du service de l’emploi britannique. Ces mesures permettent

d’exercer un contrôle strict sur l’accès à l’indemnisation du chômage, particulièrement

renforcé dans la récente période (encadré 2). Rappelons par ailleurs, que jusqu’en février

60 En octobre 1997, 47 % des femmes sont salariées à temps partiel. Le travail à temps partiel est à 98 % féminin (Labour Force Survey). 61 Les Wages councils fixaient des minima salariaux pour environ 2,75 millions de travailleurs (notamment dans des secteurs faiblement syndiqués, en particulier des jeunes dans le secteur du commerce de détail et de la restauration), et dans certaines zones d’emploi. Le système était lui-même caractérisé par une forte hétérogénéité, selon les professions, les âges et les lieux. Le démantèlement des conseils se fit en deux temps : écartement des jeunes de moins de 21 ans en 1986, et suppression totale en 1993.

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1998, l’indemnisation du chômage est associée à des enjeux importants en termes de

comptabilisation des chômeurs (encadré 3) ;

- la seconde fonction porte sur l’ajustement qualitatif de l’offre à la demande de travail à

travers les programmes de formation professionnelle des jeunes et des chômeurs adultes. Il est

désormais courant de distinguer l’offre de travail (population active) de l’offre de travail

effective, i.e. effectivement adaptée aux besoins en qualification induits par les mutations

technologiques et la recherche de compétitivité.

Encadré 2

La réforme de l’indemnisation du chômage : entre activation et exclusion

Avant octobre 1996, le Royaume-Uni connaissait deux régimes d’indemnisation.

Celui de l’assurance garantissait une indemnité forfaitaire égale pour tous (Unemployment benefit),

sans conditions de ressource et versée pendant un an62. Celle-ci était assujettie à une durée de

cotisation, si bien qu’une personne n’ayant pas travaillé une année entière avant de perdre son

emploi, pouvait ne pas être indemnisée ou devoir renoncer à une grande partie de ses droits.

Le régime d’assistance (Income support) d’un montant forfaitaire était attribué sous condition de

ressources pour une durée illimitée.

Le gouvernement conservateur a introduit 32 modifications des règles d’accès à l’indemnisation

chômage depuis 1979. Ces réformes puisent leur justification dans la volonté de lier plus

systématiquement l’indemnisation-chômage à la recherche active d’emploi. Mais en durcissant les

conditions d’éligibilité, elles ont abouti à faire croître la part des chômeurs dépendant, partiellement

ou totalement, d’une assistance sous condition de ressources : leur pourcentage passe de 41 % en

1970 à 77 % en 1995. Il est par ailleurs frappant de constater que, jusqu’au début des années quatre-

vingt-dix, les réformes introduites dans le système d’indemnisation du chômage ont tout autant

témoigné d’une volonté d’éloigner durablement certaines catégories du marché du travail (notamment

les travailleurs âgés et les femmes) que d’une stratégie de mobilisation des chômeurs. Ainsi par

exemple :

- en novembre 1981, les chômeurs de longue durée âgés de plus de 60 ans se sont vu proposer un taux

d’indemnisation plus élevé s’ils renonçaient à chercher un emploi.

62 Cette allocation forfaitaire avait été introduite en 1982 après la suppression du Earnings related supplement créé en 1966 qui garantissait une allocation-chômage proportionnelle au revenu.

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- en juin 1986, un test de disponibilité au travail est rendu obligatoire à tous les postulants à

l’indemnisation. - en octobre 1986, une réforme refuse aux femmes mariées l’éligibilité aux prestations chômage si leur

famille bénéficie déjà de la garantie de revenu minimum.

- en avril 1988, les indemnités chômage sont refusées aux chômeurs renvoyés pour “mauvaise

conduite”.

- en septembre 1988, les jeunes de 16-17 ans sont exclus de indemnisation chômage, dans la mesure

où leur est théoriquement proposé un stage en entreprise.

La dernière réforme intervenue en octobre 1996 avec la mise en place de l’allocation de recherche

d’emploi (Jobseeker’s allowance63 ou JSA) introduit des changements importants. La JSA, qui se

substitue aux deux régimes précédents, est versée sur une période de six mois sans conditions de

ressources aux chômeurs qui remplissent les conditions d’éligibilité de l’ancienne assurance

chômage, contre une année dans le système précédent. Au-delà de six mois, ou pour les chômeurs

n’ayant pas droit au système d’assurance (tels que les primo-demandeurs), l’octroi de l’indemnisation

est conditionné à un examen des ressources familiales et doit satisfaire aux conditions d’une

recherche active d’emploi. Le nouveau dispositif est accompagné d’un renforcement sensible des

contrôles effectués par le service de l’emploi sur le caractère effectif de la recherche d’emploi64. Tout

postulant à l’allocation de recherche d’emploi doit signer avec le service public de l’emploi un

contrat définissant ses droits et ses obligations.

Une stratégie de mobilisation et de contrôle des chômeurs

Réformé en 1987, le service public de l’emploi britannique exerce une double fonction de

placement65 et d’indemnisation du chômage. L’inscription auprès des centres de placement

(jobcenters) donne lieu à une intervention programmée dont le schéma a été mis en place au

début des années quatre-vingt-dix. La première prise de contact s’effectue avec le conseiller

auprès des nouveaux demandeurs d’emploi (New client adviser) qui renseigne sur les

63 Montant de l’allocation au premier avril 1999 : - 51,40 livres par semaine pour les plus de 25 ans ; - 40,70 livres pour les 18-24 ans ; - 30,45 livres pour les moins de 18 ans. 64 L’introduction de la JSA aurait ainsi permis de faire ainsi disparaître statistiquement 150.000 chômeurs entre octobre 1996 et mars 1997. 65 Des critères de rendement lui sont d’ailleurs assignés et lui imposent de déléguer certaines de ses fonctions à des organismes privés.

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conditions légales pour bénéficier d’une allocation et fait signer un contrat de recherche

d’emploi (Jobseekers agreement).

Le demandeur d’emploi se voit, au plus tard lors de la treizième semaine de chômage,

proposer un séminaire de recherche d’emploi (Job search seminar) qui correspond à deux

jours puis une demi-journée durant les quatre semaines suivantes. Les Job review workshops

ou ateliers de bilan, visent, au-delà de la treizième semaine à établir un bilan des compétences

du chômeurs et à envisager, le cas échéant, une réorientation professionnelle en fonction des

offres d’emploi disponibles localement. Pour les chômeurs de longue durée, les deux

dispositifs principaux sont d’une part, les Jobclubs qui offrent une assistance technique dans

la recherche d’emploi, et d’autre part, le programme Restart qui propose un stage d’environ

une semaine au cours de laquelle le participant est incité à “ reprendre confiance en lui ” et à

définir un plan individualisé de réinsertion professionnelle.

Précisons que les différents stages de formation à la recherche d’emploi qui constituent

l’essentiel de l’intensification des contacts avec le service de l’emploi sont comptabilisés

comme mesure de politique active de l’emploi66.

Dans le processus de contrôle du caractère effectif de la recherche d’emploi, des pressions

sont exercées sur le chômeur pour que ce dernier ajuste ses attentes aux conditions du marché.

Depuis 1989, la notion d’emploi “ convenable ” a été supprimée pour être remplacée par celle

de “ raison valable ” de refuser une offre d’emploi. Pendant 13 semaines, le chômeur peut

refuser un emploi ne correspondant pas à sa profession habituelle ou à son salaire antérieur.

Au-delà de six mois, le chômeur ne peut plus avoir d’exigence sur le niveau de salaire. Par

ailleurs, des primes de retour à l’emploi (Back to work bonus) sont accordées à des chômeurs

de plus de trois mois qui acceptent un travail à temps partiel, le programme Jobmatch offre

également une aide pour six mois à un chômeur de plus de deux ans qui accepte un emploi à

temps partiel. Des primes d’installation dans l’emploi sont attribuées aux chômeurs de plus de

deux ans d’ancienneté qui acceptent un salaire inférieur à un plafond (Jobfinder’s grant).

66 Est ainsi considéré comme actif tout ce qui œuvre au rétablissement du marché du travail en agissant sur le comportement de l’offreur de travail, sans nécessairement directement viser la création d’emploi.

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Encadré 3

La comptabilisation du chômage

Jusqu’en février 1998, il existe deux sources de comptabilisation du chômage :

• Le Claimant count, constituant la source officielle, prend en compte les allocataires de

l’indemnité-chômage, enregistrés le second jeudi de chaque mois par les agences locales des

services de l’emploi.

L’avantage de cette statistique est d’être mensuelle et de fournir des données locales, permettant des

comparaisons infranationales. Mais, d’une part, elle est hétérogène dans le temps car subordonnée

aux changements administratifs introduits dans les conditions d’attribution de l’indemnisation, et

d’autre part, elle interdit les comparaisons internationales.

* Les chiffres du chômage produits par l’enquête emploi (Labour Force Survey) sont principalement

calés sur les critères du BIT (Bureau International du Travail). L’enquête portant sur 60.000 ménages

est réalisée tous les trimestres depuis 1992.

Les deux modes de calcul ne prennent donc pas en compte la même population. La définition proposée

par le Service de l’emploi britannique est plus restrictive que celle du BIT ; 1,4 million de claimants,

contre 1,8 million de chômeurs au sens du LFS, à la fin de l’année 1997.

Près de la moitié du nombre de chômeurs recensé par le LFS ne peut prétendre à l’indemnisation, ou

ne cherche pas à y avoir accès. Le nombre de toutes ces personnes - pratiquement autant de femmes

que d’hommes - s’élève à environ 1 million à la fin de l’année 1997 et a eu tendance à augmenter

depuis 1993, ce qui explique un écart croissant entre les deux chiffres. Symétriquement, il existe un

sous-ensemble de chômeurs indemnisés qui ne correspondent pas aux critères du BIT de disponibilité

immédiate ou qui ont exercé une activité professionnelle au cours de la semaine de référence de

l’enquête. Leur nombre s’élève à environ 700.000 à la fin 1997 et est resté stable depuis 1993.

En février 1998, le gouvernement britannique prend la décision de ne plus retenir que les chiffres du

LFS comme source officielle de mesure du chômage.

La politique de formation professionnelle des jeunes et des chômeurs

Les programmes de formation occupent une place centrale dans la politique de l’emploi. De

façon symptomatique, le ministère de l’Emploi et celui de l’Education ont d’ailleurs été

fusionnés. La mise en oeuvre de ces programmes s’appuie sur des structures locales (Training

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entreprise councils) constituées en sociétés à responsabilité limitée, administrées aux deux

tiers par des chefs des grandes entreprises locales. Elles disposent d’un contrat avec le

gouvernement pour administrer les programmes publics de formation professionnelle, avec

obligation de résultats. Dans l’objectif de stimuler le marché local de la formation, les TEC

sont eux-mêmes reliés par contrats à un ensemble d’organismes prestataires de formation

privés ou publics placés en situation de concurrence. Le programme Youth Training, propose

aux jeunes chômeurs sortant du système scolaire une formation alternée dans une entreprise

ou un centre de formation. Le programme Training for work, sous la forme d’un plan

individualisé de formation, est destiné aux chômeurs adultes.

La faible légitimité du système se traduit d’un côté par une désaffection sensible des

programmes par les personnes concernées (jeunes, chômeurs) et de l’autre par un engagement

financièrement limité des employeurs dans le champ de la formation professionnelle. Le

programme ET (Employment training) en direction des chômeurs comptait ainsi 150.000

participants en juillet 1989, tandis que le programme TfW qui lui succède à partir de 1992,

n’en concerne plus que 50.000 en novembre 1997. De même, le programme YTS comptait

400.000 jeunes en 1989, alors que le YT n’en concerne plus que 196.000 en 1997. La faible

qualité de la formation dispensée dans ce programme incite les jeunes à la poursuite d’études

à plein temps qui leur assure une meilleure qualification.

II) La mise en place d’une politique de Workfare

Si la notion même de Workfare a été systématiquement rejetée par le gouvernement

conservateur au motif que l’Etat ne peut devenir l’employeur de dernier ressort (Barbier,

1998), certaines modalités d’“ activation ” des dépenses relèvent bel et bien de la contrainte,

dès la fin des années quatre-vingt. Ainsi les jeunes chômeurs de 16 et 17 ans ne peuvent,

depuis les Social security acts de 1988 et 1989, prétendre aux indemnités chômage

(Supplementary benefit) dans la mesure où ils ont théoriquement accès à une place dans un

programme de formation. Cette orientation s’est renforcée dans les années quatre-vingt-dix,

notamment pour les chômeurs de longue et très longue durée. Au-delà de six mois, les

chômeurs se voient proposer souvent de manière très contraignante, un travail à l’essai (Work

trial) d’une durée de trois semaines. Au bout de 12 mois, les chômeurs sont tenus de

participer aux dispositifs, 1-2-1, Workwise ou Jobplan, qui tous englobent des activités de

formation et d’orientation, les allocations étant temporairement suspendues en cas de non-

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participation. Environ 100.000 chômeurs de plus de deux ans sont concernés par le

programme Project work qui les contraint, depuis 1996, d’accepter des stages de travail pour

toucher leur indemnité de chômage67.

L’accent est mis sur la garantie de revenu que constitue l’indemnisation chômage, autorisant

en contrepartie la société à imposer aux indemnisés certains types d’activité. Cette conception

occulte une autre manière de percevoir l’indemnisation chômage : “ celle qui mettrait

l’accent sur le droit au travail, dont la contrepartie serait pour l’individu sa disponibilité,

l’indemnisation n’intervenant qu’en cas de défaillance de la société à assumer ce droit ”

(Freyssinet, 1997). Economiquement, la stratégie des pouvoirs publics trouve une justification

en termes d’évitement de l’hystérèse : la mise en concurrence des salariés potentiels que sont

les chômeurs, avec les salariés en place, doit permettre d’exercer une pression permanente sur

les salaires et réguler ainsi le marché du travail. Dans la réalité, la forte segmentation des

emplois domine et la politique d’activation contrainte favorise l’acceptation des emplois les

plus fragiles, notamment à temps partiel en allégeant les contraintes du service de l’emploi.

A l’inverse des objectifs affichés, la stratégie du Workfare engendre même pour une partie des

chômeurs ne correspondant pas aux critères de plus en plus restrictifs d’inscription au

chômage, des effets d’éloignement de l’activité. De plus en plus de personnes se décrivent

elles-mêmes comme en maladie de longue durée ; leur nombre a doublé entre 1992 et 1996,

atteignant à cette date 2,6 millions de personnes, ce qui peut être relié à la baisse des taux

d’activité des hommes d’âge actif. Celles dont l’état de santé affecte les capacités de

recherche d’emploi et qui étaient antérieurement comptabilisées dans le chômage ne le sont

plus et sont maintenant classées parmi les titulaires de l’allocation maladie (Sickness benefit)

récemment remplacée par l’allocation invalidité (Incapacity benefit). Cette fuite des chômeurs

vers l’aide sociale engendre à son tour un renforcement des contrôles des services de l’emploi.

Les titulaires de cette allocation depuis plus d’un an devront être soumis à des tests médicaux

au cours desquels ils auront à prouver que non seulement ils ne sont plus aptes à occuper leur

ancien emploi, mais qu’ils ne sont aptes à aucun emploi.

Une enquête réalisée par l’institut the Unemployment Unit (Labour Research, 1997) montre

que si l’on ajoute aux 1,5 million de chômeurs découragés, ayant renoncé à leurs indemnités

67 Le Workfare britannique est jusqu’à présent le seul en Europe qui entraîne des sanctions réellement appliquées en cas de refus de participation aux activités prévues obligatoires.

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faute de démarche active, les chômeurs déclarés et les personnes en quête d’un meilleur

emploi (stagiaires de la politique de l’emploi, salariés à temps partiel subi), il y aurait en fait

5,5 millions de travailleurs britanniques en situation de privation d’emploi. Un chiffre qui

permet de relativiser celui du chômage officiel (encadré 3). Ne serait-ce pas là une des

contreparties de la flexibilisation du marché du travail, conduisant à sérieusement relativiser

l’objectif de mobilisation des demandeurs d’emploi affiché par les services de l’emploi ?

Encadré 4

Un sous-emploi de 5,5 millions de personnes

L’institut de recherches indépendant, The Unemployment Unit, propose la construction d’un nouvel

indicateur reposant sur une notion beaucoup plus extensive que l’actuelle définition du chômage. Il se

propose d’ajouter aux chômeurs recensés par le LFS (les données chiffrées concernent décembre

1997) :

- les chômeurs indemnisés qui ne correspondent pas aux critères du BIT de disponibilité immédiate ou

de recherche active d’emploi sur la période de référence (environ 700.000, à la fin 1997) ;

- les chômeurs découragés non indemnisés (dont nombre de femmes et de personnes âgées), soit 1,5

million de personnes n’ayant pas effectué de recherche active ou n’étant pas disponibles dans la

semaine de référence ;

- les quelque 300.000 personnes qui sont dans des programmes de la politique active de l’emploi,

comptabilisées dans la population active en emploi, bien qu’elles n’aient pas nécessairement de

contrat de travail ;

- les salarié(e)s à temps partiel travaillant un nombre d’heures inférieur à ce qu’ils (elles)

souhaiteraient. Sur l’ensemble des 6,4 millions de salariés à temps partiel, 14 % soit 782.000

souhaiteraient un emploi à temps plein.

La réunion de ces sous-ensembles constitue un spectre de personnes privées d’emploi, allant de celles

immédiatement disponibles à celles qui combinent prestations sociales et temps partiel pour “ s’en

sortir ”, en passant par celles qui, découragées, finissent par s’éloigner du marché du travail. Soit

près de 5,5 millions de personnes.

Le New Deal : vers un Workfare plus négocié ?

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Le programme Welfare to work mis en place par le gouvernement Blair en direction des

jeunes chômeurs et des chômeurs de longue durée relève explicitement du registre de la

contrainte, les catégories concernées se voyant menacées de suspension d’indemnisation en

cas de non participation. Toutefois, en ouvrant un débat sur le contenu même du programme

significativement rebaptisé New deal et en sollicitant l’engagement actif du TUC, le

gouvernement entend démarquer son action de celle menée par ses prédécesseurs dans le

champ de l’insertion ou de la réinsertion professionnelle. Le programme concerne 250.000

jeunes chômeurs de 18 à 24 ans répondant à au moins une des conditions suivantes : être au

chômage depuis au moins six mois ; percevoir l’indemnité de chômage depuis 24 semaines ;

subir un “ handicap sévère dans sa recherche d’emploi ” (cette catégorie regroupe

essentiellement des jeunes sans domicile et des toxicomanes, des jeunes handicapés ou non

anglophones).

Disposant d’une enveloppe de départ de 3,5 milliards de livres sterling (35 milliards de

francs) et alimenté par une taxe spéciale (Windfall tax) sur les profits jugés excessifs des

sociétés privatisées, le dispositif est appelé à être financé par la suite sur une réduction des

dépenses sociales et notamment des allocations chômage. Il comporte également des

incitations à l’embauche des chômeurs adultes de très longue durée (plus de deux ans)

représentant 266.000 personnes recensées en octobre 1997, pour lesquels 350 millions de

livres seront débloqués d’ici la fin de l’année. Le plan pourra également concerner, sous

condition de ressources, les mères célibataires et les personnes handicapées. Le dispositif qui

comprend également des incitations à l’embauche des personnes sans travail depuis plus de

deux ans est appelé par la suite à être financé par une réduction des dépenses sociales et

notamment des allocations chômage. Les jeunes concernés devront obligatoirement choisir

entre quatre possibilités68 :

- la première est un emploi (sans précision sur la nature de cet emploi) dans une entreprise

qui recevra en contrepartie une subvention de 60 livres sterling par semaine pendant plus de

deux ans, le jeune quant à lui bénéficiant d’une formation d’une journée hebdomadaire au

cours des six mois ;

- la deuxième est un placement pendant un semestre au sein d’une équipe chargée de projets

touchant à l’environnement, associé à une rémunération de 15 livres par semaine s’ajoutant à

l’allocation de recherche d’emploi (Jobseekers allowance) ;

68 Dans chacun des quatre cas, le programme doit déboucher sur une formation certifiée.

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- la troisième concerne le placement dans une organisation bénévole ;

- la dernière consiste en une formation à plein temps, le jeune continuant de percevoir

l’allocation de recherche d’emploi.

La mise en place du programme suppose un partenariat local impulsé par les TEC qui devront

informer les jeunes sur l’état du marché local du travail, la nature et le nombre des offres de

placement disponibles. Au cours d’une période préalable de quatre mois (Gateway), le jeune

bénéficiera des services de conseil et d’un bilan des compétences69 afin d’orienter sa

recherche active. En cas de recours au dispositif, les employeurs devront signer une

convention avec le Service de l’emploi stipulant un engagement de leur part :

- à garantir une formation débouchant sur une qualification reconnue, au cours d’une journée

hebdomadaire70 ;

- à maintenir le jeune sur son poste de travail au-delà des six mois (sauf circonstances

particulières supposant une justification de l’employeur) ;

- à ne pas utiliser ce programme pour substituer un ou plusieurs jeunes bénéficiaires à des

salariés déjà en place ;

- à garantir au jeune un salaire au moins égal à la subvention octroyée (60 livres sterling

hebdomadaires) et si possible équivalent au taux de salaire en vigueur pour le poste ou un

poste équivalent.

III) Minima sociaux et politique d’intéressement

L’un des axes de la politique d’activation est d’encourager l’acceptation d’emplois faiblement

rémunérés par un jeu de primes ou d’allocation. Le Family Credit, mis en place en 1988

permet ainsi au revenu net des personnes bénéficiaires d’excéder le niveau de garantie de

ressources perçues en période de chômage (encadré 2). La prestation est versée sous condition

de ressources aux familles dont au moins un des membres exerce un emploi (minimum 16

heures hebdomadaires). Elle favorise le développement des emplois les plus fragiles concerne,

69 La fonction de conseiller du Service de l’emploi sur le programme New Deal (Employment Service New Deal Adviser) vient d’être créée par le ministère de l’Education et de l’Emploi (Department of Education and Employment) qui précise que ces nouveaux agents devront être perçus comme des avocats de la cause des jeunes chômeurs et non comme des contrôleurs. Cette déclaration vise manifestement à tempérer les propos suspicieux tenus par le Premier ministre: “ Il n’y aura pas de cinquième option consistant à rester chez soi tout en bénéficiant d’une protection sociale ” avait affirmé Tony Blair après l’annonce de son programme le 14 mai 1997. 70 Le gouvernement a accordé aux principaux organismes prenant en charge la formation, les Colleges of Further Education, un crédit supplémentaire de 100 millions de livres sterling pour répondre aux objectifs de formation du programme.

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en 1999, 600.000 familles. Depuis octobre 1996, il existe une prestation analogue (Earnings

top-up) accordée aux personnes sans enfants. Par aileurs, dans le secteur non-marchand, le

programme Community action mis en place en 1993 permet de cumuler l’indemnité de

recherche d’emploi avec une prime de 10 livres hebdomadaires pour 60.000 chômeurs de

longue durée qui travaillent à temps partiel dans le cadre de projets gérés par des organismes

non-marchands71.

Du “ piège du chômage ” à celui de la pauvreté

Si l’objectif de ces mesures est d’éviter le “ piège du chômage ” caractérisant la situation où le

chômeur n’a pas intérêt à accepter un emploi rémunéré compte tenu des prestations sociales,

l’effet produit est d’ouvrir davantage la trappe de la pauvreté : l’indemnité se réduit puis

disparaît, lorsque les revenus augmentent, le salarié n’ayant d’autre choix que d’accepter les

conditions du marché. Cette dynamique alimente ainsi le contingent des working poor.

Lorsque le salaire minimum a été mis en place, en avril 1999, la Commission sur les bas

salaires estimait à deux millions le nombre de personnes concernées par un salaire inférieur à

3,60 livres horaires72 (pour les trois quart, des femmes), le plus souvent sans congé payé, pour

une durée du travail excédant le plus souvent les soixante heures hebdomadaires, et sans

bénéficier de couverture maladie ; il faut pour cela avoir cotisé à la National insurance et

donc gagner plus de 64 livres par semaine, ce qui discrimine de fait les temps partiel. En deçà

de ce salaire, l’employeur n’est pas non plus contraint de cotiser à la sécurité sociale.

“ Douze millions de personnes, soit près d’un quart de la population, vivent en état de

pauvreté relative, près de trois fois plus qu’en 1979 ” révèle un rapport officiel publié par le

ministère des Finances en mars 1999. Une famille y est considérée comme pauvre lorsqu’elle

dispose de moins de la moitié du revenu disponible moyen, une fois déduit le coût du

logement, soit moins de 199 livres par semaine en 199773. Les inégalités de revenus ont

71 Ce programme a été supprimé en 1996. 72 Le taux de salaire minimum a été fixé à 3,60 livres sterling horaires pour les plus de 21 ans, à 3 livres pour les 18-21 ans et ne couvre pas les moins de 18 ans. Les taux ont été récemment réhaussés, respectivement à 3,70 (entrera en vigueur en octobre 2000) et 3,20 livres sterling (entre en vigueur en juin 2000). 73Selon l’ONU, en 1997, 13,5 % de la population britannique vit sous le seuil minimal de pauvreté absolue (quatre dollars par jour et par personne) contre 7,5 % en France et 5,9 % en Allemagne.

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augmenté d’un tiers entre 1977 et 1996, ce qui n’a pas d’équivalent dans les autres pays

développés. Alors que les revenus des 20 % les plus riches ont doublé depuis 1979 (date de

l’arrivée au pouvoir du premier gouvernement Thatcher), ceux des 20 % les plus pauvres

n’ont augmenté que de 15 %. La première cause de pauvreté est la privation d’emploi.

Paradoxalement, alors que le taux de chômage n’a jamais été aussi bas depuis trente ans, le

nombre de foyers où personne n’a d’emploi a plus que doublé de 1977 à 1998. La seconde

cause réside dans les effets de confinement sur les emplois à bas salaires, et les effets

circulaires chômage-bas salaires (Stewart, 1998).

La question des bas salaires est encadrée par une double préoccupation gouvernementale. En

premier lieu, il s’agit de maintenir la priorité d’un libre ajustement du marché par les prix ; le

taux de salaire minimum est alors fixé de telle manière qu’il ne risque pas d’hypothéquer les

créations d’emplois74 et ne pèse pas sur l’inflation. En second lieu, il s’agit de lutter contre la

pauvreté et ses effets de trappe. Mais une grande partie de l’argumentation officielle consiste

à montrer que le salaire minimum ne peut remplir cette dernière fonction à lui seul (une

estimation du Trésor montre que deux tiers des titulaires du plus haut revenu dans les familles

qui ont au moins un emploi à plein temps mais sont considérées comme pauvres, gagnent plus

de 4,15 livres horaires). Cet argument renvoie alors au rôle de la politique sociale et de ses

minima qui débouche lui-même immédiatement sur la question de l’intéressement au travail.

L’attention est portée sur le fait que les dispositifs d’indemnisation chômage et de revenu

minimum garanti exercent un rôle désincitatif à l’emploi faiblement rémunéré pour les

personnes dont le conjoint est au chômage. En effet, il semble que l’allocation de recherche

d’emploi, Jobseeker’s Allowance, encourage peu les femmes dont le conjoint est au chômage,

à travailler à temps partiel dans la mesure où tout salaire perçu par la femme affecte

l’allocation chômage de son conjoint75. Il en va de même lorsque le conjoint n’est plus

74Les résultats issus des travaux économétriques semblent dans ce domaine singulièrement négligés. Les études de Dickens, Machin et Manning (1994) ont montré que les Wages Councils avaient contribué à réduire significativement le différentiel de salaire entre les moins qualifiés et les plus qualifiés entre 1978 et 1992 sans que des effets négatifs sur l’emploi puissent être identifiés. A cet égard, Machin, Manning (1996) indiquent que le gouvernement Major avait connaissance des principaux éléments de cette étude dès 1993, mais les a soigneusement tenus à l’écart au moment de l’abolition des conseils. 75 Depuis la réforme d’octobre 1996, le Jobseeker’s Allowance est la prestation d’indemnisation chômage forfaitaire touchée par le chômeur au cours des six premiers mois de chômage. Elle est versée sans condition de ressources pour les chômeurs qui peuvent se prévaloir d’une durée de cotisation d’au moins un an sans interruption. Pour les autres (85 % des cas) elle est versée sous conditions de ressources sous les mêmes conditions que l’Income Support. Dans ce cas, la base de calcul de versement de la prestation tient compte du revenu du conjoint qui ne doit pas travailler plus de 24 heures par semaine et tient compte de la taille de la famille.

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éligible à la prestation de chômage au bout de six mois et perçoit l’Income Support. Les

minima sociaux calculés sur une base familiale réduiraient ainsi fortement l’incitation des

femmes à reprendre un emploi à temps partiel ou un emploi faiblement rémunéré. C’est

pourquoi, le gouvernement britannique a mis en place un programme de soutien aux revenus

du ménage quand ces derniers comportent au moins un actif et ne sont pas éligibles à

l’Income Support. Le Working Families Tax Credit est attribué à celui des deux conjoints qui

occupe un emploi d’au moins 16 heures par semaine, dès lors que le couple a au moins un

enfant de moins de 16 ans à charge et un volume d’épargne inférieur à 8 000 livres.

Cet impôt négatif garantit ainsi un revenu minimum de 200 livres par semaine à 1,5 million de

foyers actifs avec enfants (pour moitié des femmes seules avec enfants). Il sera perçu avec le

salaire direct à partir d’avril 2000, afin de démontrer encore plus clairement l’intérêt du travail

sur la perception de revenus sociaux ; il s’inscrit d’ailleurs dans le cadre de l’intégration du

système fiscal et de protection sociale. Concernant 500 000 familles de plus que le Family

Credit qu’il remplace, le récent programme accroît le mécanisme d’intéressement au travail, y

compris pour des ménages dont les deux conjoints vont prendre ou reprendre une activité

salariée faiblement rémunérée.

Ce programme d’impôt négatif est présenté comme l’un des principaux volets de la lutte

contre la pauvreté ; il esquive deux questions pourtant essentielles : d’une part, celle d’une

dérive de l’indemnisation chômage vers une prestation sociale sous conditions de ressources

et sur une base familiale (cf. note de bas de page n° 31). Pourtant, les effets désincitatifs

supposés découlent en grande partie de là. D’autre part, l’impôt négatif, dans un contexte de

croissance, vise à occulter le débat sur le salaire, l’emploi et le temps de travail des actifs les

plus fragilisés sur le marché du travail, que le salaire minimum horaire ne suffit pas à protéger

de la pauvreté. Si ce dernier constitue un pas en avant incontestable notamment pour les

quelque deux millions de salariés concernés, son niveau ne suffit pas à éviter les effets de

confinement sur les bas salaires (les cycles chômage-bas salaires ont été mis en évidence pour

les salariés touchant des taux horaires de 4 livres, c’est-à-dire au-dessus du nouveau minimum

garanti, Cf. Stewart, 1998). Par ailleurs, compte tenu du processus de fragmentation très

poussée du temps de travail, concernant notamment les femmes et les jeunes, l’instauration

d’un taux minimum horaire s’éloigne d’une fonction de garantie de revenu. L’un des enjeux

importants se situe en termes d’accès à certains droits sociaux élémentaires tels que la

couverture sociale pour la maladie, la maternité et la retraite, dont sont encore privés deux

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millions de femmes et cinq cents mille hommes en raison du seuil de contribution sociale. La

question du niveau de salaire minimum est donc indissolublement liée à celle des conditions

d’emploi et du durée du travail.

Une place nouvelle des acteurs sociaux ?

La réforme du marché du travail s’est largement appuyée sur la marginalisation des

organisations syndicales. Il semble que ces dernières soient au contraire sollicitées dans la

mise en œuvre du New deal. Le TUC a mis au point une charte de garanties des emplois créés

par le biais du programme, dont les points forts concernent le statut des jeunes76, le droit pour

les syndicats de représenter ces salariés et l’accès à une formation reconnue en complément

de l’emploi. Les syndicats sont par ailleurs appelés à veiller, dans l’entreprise, au respect des

conventions signées entre les bénéficiaires et le service de l’emploi. Une forme de

concertation patronat/syndicat a par ailleurs dominé la procédure de Préparation du plan

national pour l’emploi. De façon plus large, la réhabilitation, en janvier 1999, du droit de

négociation syndicale dans les entreprises de plus de vingt salariés dès lors que la moitié des

salariés sont syndiqués, constitue une inflexion significative du cadre formelle de la relation

d’emploi.

Conclusion

Exerçant un pouvoir de fascination ou servant au contraire de repoussoir, la politique

britannique d’activation des dépenses passives constitue une référence essentielle dans les

débats européens. Son bilan sur les quinze dernières années livre à la réflexion un ensemble

de paradoxes qu’il convient donc de méditer. Le discours sur la mobilisation des chômeurs

contraste singulièrement avec une dynamique d’exclusion du marché du travail qu’exercent -

pour une fraction d’entre eux - les contrôles de plus en plus sévères du service de l’emploi et

la réduction des droits à l’indemnisation. A la politique de formation professionnelle des

chômeurs fondée sur les discours de l’employabilité correspond la réalité de programmes

fragmentés, de qualité difficile à contrôler et dans lesquels s’engagent difficilement les acteurs

concernés (entreprises, et “ bénéficiaires potentiels ”).

76 Le TUC revendique des contrats de travail garantissant un minimum de protection sociale, ce qui signifie notamment des durées hebdomadaires ouvrant droit à ce minimum.

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La logique d’activation n’est pas simplement fondée sur un principe de workfare ou de

Trainingfare - au sens strict (participation à des activités de formation ou de travail en

contrepartie des prestations sociales), elle relève d’une dynamique plus large de pressions

permanentes sur les salaires et les conditions d’emploi, par le jeu de l’intervention publique

(l’allocation complétive aux bas salaires est de ce point de vue plus décisive que le workfare).

Ces pressions sont permises par la faiblesse de la négociation collective sur certains segments

du marché du travail (emplois non-qualifiés du tertiaires, emplois à temps partiel) et

contribuent à accroître le dualisme.

Le gouvernement Blair a placé la lutte contre la pauvreté au premier rang de ses objectifs,

mais a d’emblée annoncé son attachement aux orientations fondamentales de la politique de

l’emploi et de la flexibilité du marché du travail et poursuit une réforme de réduction des

dépenses du Welfare state. Il y aurait alors, par la voie d’une diminution de l’aide sociale et de

son arrimage encore plus prononcé à une logique de Workfare, un moyen de mobiliser plus

efficacement les chômeurs sur le marché du travail et de résoudre ainsi le paradoxe de l’effet

d’exclusion. Et c’est le modèle néo-libéral s’appuyant encore davantage sur ses working poor

qui triompherait. Soit la contractualisation autour de la mise en œuvre du New deal , la

mobilisation sur le respect et la réévaluation du salaire minimum, la restauration par la

législation d’un droit de négociation syndicale, permettent d’amorcer un renouveau de la

négociation dans l’entreprise sur les statuts d’emploi et la formation de catégories d’actifs

particulièrement vulnérables. Auquel cas le champ des dispositifs de la politique de l’emploi

pourrait ainsi être l’un des points d’appui possibles d’un renouveau des relations

professionnelles. Cette dernière voie semble jusqu’à présent bien étroite.

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