l’immobilier de demain encore des idées de la génération y · 2019-09-23 · rience...

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E n cette fin d’été, Corinne, Henri, Ju- lien et Sophie nous ont reçus et nous ont livré leurs pistes de réflexion, ainsi que les tendances qu’ils perçoivent pour cet avenir, certes incertain mais dense. Un futur que certains voient ardu, mais que d’autres envisagent sereinement, tant le champ des possibles en matière technologique et envi- ronnementale permet malgré tout d’espérer. A l’heure ou l’Amazonie brûle mais que sur d’autres fuseaux horaires certains hurlent aux fake news, il est bien complexe de démê- ler le vrai du faux, même pour les rédactions internationales les plus aguerries. Et si le torchon brûle sur cette question de l’envi- ronnement de demain, que font les acteurs de l’immobilier de la génération Y? A leur échelle, quelles actions mettent-ils en place? Energie Chez Moser Vernet & Cie SA, la nouvelle génération s’appelle Sophie Mydske-Moser et Henri Moser. Deux trentenaires déjà ex- périmentés et qui, d’emblée, revendiquent une vraie complémentarité, gage d’une vision plurielle et efficace. À côté des tâches quoti- diennes liées à la gérance aussi bien privée qu’institutionnelle et commerciale dont ils s’occupent avec Stéphane Jaggi, associé de longue date de la régie, le marketing et le dé- veloppement sont plutôt l’apanage de Sophie et l’IT (information technology ou «utilisation de l’outil numérique pour l’optimisation des tâches») et le technique, celui d’Henri. De leur discours ressort en réalité un besoin de com- prendre. Comprendre de manière générale le monde de l’immobilier, comprendre le client, comprendre le bâti. Ne dit-on pas généra- tion Y (why en anglais) so, what else? «Notre profession a eu mauvaise réputation pendant des années et aujourd’hui nous avons un de- voir de transparence accru par rapport à nos prédécesseurs», confie Sophie Mydske-Mo- ser. «De lourdes charges administratives nous faisaient perdre énormément de temps par le passé et ces lenteurs pouvaient être mal in- terprétées par nos locataires. Nous travaillons actuellement au développement d’un outil qui leur permettra de suivre le traitement de leur candidature pour qu’ils puissent voir l’état d’avancement de leur dossier et surtout s’assurer de notre totale transparence. Le temps est précieux pour tous. En travaillant à améliorer notre transparence, nous gagnons du temps et de l’efficacité». «Nous devons également mieux comprendre le bâti. Analyser les points d’amélioration énergétique, notamment, est un des grands enjeux de notre régie pour les années à ve- nir et s’inscrit dans une démarche globale de transition»: axé sur ce point, Henri Moser souligne que la régie s’efforce quotidienne- ment de suivre, voire de dépasser, les re- commandations étatiques. «L ’IDC (indice de dépense calorifique) moyen des immeubles gérés par nos soins se situe à un peu plus de 7% en-deçà de la moyenne suisse. Rappe- lons que Moser Vernet & Cie gère plus de 400 immeubles, soit un gros impact d’un point de vue énergétique. Mais c’est aussi du point de vue humain que la régie évolue, se remet en question et s’efforce de se calquer sur les modes de vie actuels. «Quelque 70% de nos effectifs sont féminins, assure Sophie Mydske-Moser, et nous offrons des possi- bilités de temps partiel afin de permettre à nos collaborateurs de concilier vie profes- sionnelle et vie personnelle. Les entreprises d’aujourd’hui et de demain doivent apporter une réelle marge de manœuvre dans leur fonctionnement, tant pour les clients que pour les salariés», explique la jeune femme. Son frère ajoute que cette flexibilité est éga- lement possible grâce à leur père, très pré- sent dans la société, mais qui leur laisse une ample latitude. «Il est évidemment très im- pliqué dans la régie, mais n’agit pas tel un patriarche dirigiste. Ses 50 années d’expé- rience contrebalancent la fougue de notre n L ’IMMOBILIER DE DEMAIN Encore des idées de la génération Y Dans Tout l’Immobilier N° 949, du 3 juin 2019, nous décidions de partir à la rencontre des protecteurs d’avenir et plus précisément des jeunes promis à façonner le futur de l’immobilier et de la construction en terres romandes. En cette période de rentrée, nous sommes allés à la rencontre d’autres jeunes gens pour leur donner la parole et leur permettre de dessiner les contours d’un futur proche qu’ils feront à leur image. 6 ENTREPRISES Sophie Mydske-Moser et Henri Moser. TOUT L’IMMOBILIER • N O 961 • 23 SEPTEMBRE 2019

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En cette fin d’été, Corinne, Henri, Ju-lien et Sophie nous ont reçus et nous ont livré leurs pistes de réflexion, ainsi

que les tendances qu’ils perçoivent pour cet avenir, certes incertain mais dense. Un futur que certains voient ardu, mais que d’autres envisagent sereinement, tant le champ des possibles en matière technologique et envi-ronnementale permet malgré tout d’espérer. A l’heure ou l’Amazonie brûle mais que sur d’autres fuseaux horaires certains hurlent aux fake news, il est bien complexe de démê-ler le vrai du faux, même pour les rédactions internationales les plus aguerries. Et si le torchon brûle sur cette question de l’envi-ronnement de demain, que font les acteurs de l’immobilier de la génération Y? A leur échelle, quelles actions mettent-ils en place?

Energie

Chez Moser Vernet & Cie SA, la nouvelle génération s’appelle Sophie Mydske-Moser et Henri Moser. Deux trentenaires déjà ex-périmentés et qui, d’emblée, revendiquent une vraie complémentarité, gage d’une vision plurielle et efficace. À côté des tâches quoti-diennes liées à la gérance aussi bien privée qu’institutionnelle et commerciale dont ils s’occupent avec Stéphane Jaggi, associé de longue date de la régie, le marketing et le dé-veloppement sont plutôt l’apanage de Sophie et l’IT (information technology ou «utilisation de l’outil numérique pour l’optimisation des tâches») et le technique, celui d’Henri. De leur discours ressort en réalité un besoin de com-prendre. Comprendre de manière générale le monde de l’immobilier, comprendre le client, comprendre le bâti. Ne dit-on pas généra-tion Y (why en anglais) so, what else? «Notre

profession a eu mauvaise réputation pendant des années et aujourd’hui nous avons un de-voir de transparence accru par rapport à nos prédécesseurs», confie Sophie Mydske-Mo-ser. «De lourdes charges administratives nous faisaient perdre énormément de temps par le passé et ces lenteurs pouvaient être mal in-terprétées par nos locataires. Nous travaillons actuellement au développement d’un outil qui leur permettra de suivre le traitement de leur candidature pour qu’ils puissent voir l’état d’avancement de leur dossier et surtout s’assurer de notre totale transparence. Le temps est précieux pour tous. En travaillant à améliorer notre transparence, nous gagnons du temps et de l’efficacité». «Nous devons également mieux comprendre le bâti. Analyser les points d’amélioration énergétique, notamment, est un des grands enjeux de notre régie pour les années à ve-nir et s’inscrit dans une démarche globale de transition»: axé sur ce point, Henri Moser souligne que la régie s’efforce quotidienne-ment de suivre, voire de dépasser, les re-commandations étatiques. «L’IDC (indice de

dépense calorifique) moyen des immeubles gérés par nos soins se situe à un peu plus de 7% en-deçà de la moyenne suisse. Rappe-lons que Moser Vernet & Cie gère plus de 400 immeubles, soit un gros impact d’un point de vue énergétique. Mais c’est aussi du point de vue humain que la régie évolue, se remet en question et s’efforce de se calquer sur les modes de vie actuels. «Quelque 70% de nos effectifs sont féminins, assure Sophie Mydske-Moser, et nous offrons des possi-bilités de temps partiel afin de permettre à nos collaborateurs de concilier vie profes-sionnelle et vie personnelle. Les entreprises d’aujourd’hui et de demain doivent apporter une réelle marge de manœuvre dans leur fonctionnement, tant pour les clients que pour les salariés», explique la jeune femme. Son frère ajoute que cette flexibilité est éga-lement possible grâce à leur père, très pré-sent dans la société, mais qui leur laisse une ample latitude. «Il est évidemment très im-pliqué dans la régie, mais n’agit pas tel un patriarche dirigiste. Ses 50 années d’expé-rience contrebalancent la fougue de notre

n L’IMMOBILIER DE DEMAIN

Encore des idées de la génération YDans Tout l’Immobilier N° 949, du 3 juin 2019, nous décidions de partir à la rencontre des protecteurs d’avenir et plus précisément des jeunes promis à façonner le futur de l’immobilier et de la construction en terres romandes. En cette période de rentrée, nous sommes allés à la rencontre d’autres jeunes gens pour leur donner la parole et leur permettre de dessiner les contours d’un futur proche qu’ils feront à leur image.

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Sophie Mydske-Moser et Henri Moser.

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jeunesse et apportent un bel équilibre, du-quel nous tirons beaucoup de plaisir à tra-vailler ensemble», conclut le jeune homme.

Esprit vert

Quartier de la gare Cornavin, la jeunesse s’im-plique et dessine aussi avec précaution l’ave-nir, à l’image de Corinne Spierer Rabin, qui œuvre chez M3 Groupe pour un monde de l’immobilier pérenne, conscient et efficient. Maman de trois enfants, Corinne Spierer Ra-bin est assez emblématique de cette jeune gé-nération. Mère active professionnellement, la jeune femme au parcours atypique (elle a une licence en physique et un bachelor en lettres) se déplace à vélo, mais affectionne les outils numériques. Elle a commencé par créer une agence de sécurité, puis, appelée par son père Charles, elle a rejoint CGi Immobilier (qui de-viendra M3 Groupe) au service copropriétés. Elle a suivi différentes formations et est de-venue chef de projets, principalement active dans les zones de développement. «Pour moi, les projets sont comme des enfants. Chacun est différent et comporte son lot de problé-matiques à résoudre, le but étant de l’amener systématiquement à bon port. Nous avons chez M3 Groupe une réelle sensibilité quant au développement durable et cet aspect est intégré à toute les strates des projets, que ce soit en interne où à l’extérieur. Le déploie-ment du carsharing (voitures en libre-service) et la mise en place d’infrastructures dédiées

aux véhicules électriques sont systématique-ment étudiés dans nos projets. Même si nous sommes parfois freinés par des contraintes de coût dans les zones de développement, nous tentons au maximum de penser à demain et d’être green spirit (esprit vert). Financièrement, à moyen et long terme, c’est la pérennité qui est la moins coûteuse. C’est pour cela que nous nous efforçons de trouver

des solutions intelligentes et durables pour toute la vie du bâtiment. L’important n’est pas le label, mais bien le confort et l’allon-gement du cycle de vie du bâti. Et d’ajouter pour conclure: Il doit faire bon vivre dans notre agglomération du futur. D’ailleurs, à ce titre, les décennies passées ont fait de beaux efforts d’isolation contre le froid, mais il faut dorénavant intégrer la croissance thermique et trouver des solutions pour lutter contre le réchauffement climatique. Œuvrer pour ra-lentir, voire stopper, cette montée des tempé-ratures, mais également équiper les bâtiments pour ne pas trop subir ces épisodes de fortes chaleurs».

Britannique

Outre-manche aussi, les Genevois besognent et songent, tantôt rêveurs tantôt pessimistes, au jour d’après. Résident londonien depuis plusieurs années, Julien Grange travaille pour une entreprise générale spécialisée dans la construction de gratte-ciel. La tête dans les étoiles mais les pieds bien ancrés dans le bitume, le jeune homme nous livre par la plume et en passant par l’histoire son avis sur demain et nous offre surtout un vent frais d’optimisme so british. «Il y a des métiers qui ne changent pas avec le temps. Mais si vous écoutiez les histoires de mon grand-oncle Jacques, évoquant le père fondateur de notre régie familiale créée il y a 150 ans, vous feriez le même constat que moi de dire que celui de régisseur n’est pas de ceux-là. Col-lecte des loyers à vélo, écriture des baux à la plume, François-Louis Grange exerçait en 1869 un autre métier que celui de mon père, Yves, aujourd’hui. Toutefois, l’activité a gardé certains traits de caractère. Le monde de la pierre restera toujours ce monde bien à part, qui, dans sa discrétion certaine, constitue le socle de toute aventure humaine. Il est fas-cinant de pouvoir, avec un seul métier, offrir la possibilité aux gens d’assurer deux étages sur cinq de la pyramide de Maslow, non? De-puis toujours, tant de métiers divers et variés doivent unir leurs forces pour que l’étincelle se déclenche: urbanistes, politiciens, archi-tectes, ingénieurs, promoteurs, bâtisseurs, carreleurs, charpentiers, peintres, métallur-gistes, chauffagistes, électriciens, financiers et bien entendu, régisseurs! Et finalement, ce qui n’a pas non plus changé, c’est la respon-sabilité du milieu de “faire” la ville. La brasser, la réveiller, l’apaiser, la motiver, la développer. Et jamais cette responsabilité n’a été aussi im-portante qu’à l’heure de l’ultra-urbanisation que nous vivons aujourd’hui».

Et Julien de poursuivre: «D’ici à 2050, 68% de la population mondiale vivra dans nos villes. Cela représentera une augmentation de 2,5 milliards de citadins. Il nous faudra demain répondre à une nouvelle question pour les 30 prochaines années: comment faire cohabiter en harmonie 10 milliards de personnes sur une seule et même planète, essoufflée, dont les mégacentres débordent? Il va falloir construire, mais construire juste. Il y a pour moi trois clefs à cet enjeu stratégique: les énergies propres, la densification intelligente et la mixité sociale. Il serait compliqué de développer ces thèmes dans ce petit bout de texte, mais je pense qu’il est incroyablement excitant de vivre à notre époque et de pouvoir être témoin d’une multi-tude de progrès à venir dans ces trois sphères. Je me réjouis donc de relire ces quelques pages dans cinq décennies et de constater que nous aurons, avec brio, relevé le défi». Comme nous le disions en introduction, la liste des problèmes à régler est immense. Dé-chets plastiques qui inondent nos océans, ré-chauffement climatique, espèces animales en voie d’extinction, une population gigantesque à abriter et à nourrir… Mais, et parce qu’il y a un mais, nous en avons conscience. Dans un de ses innombrables écrits, Karl Marx comparait l’araignée à l’abeille et apportait peut-être l’explication de la potentielle réus-site de nos efforts conscients: «Une araignée accomplit des opérations qui s’apparentent à celles du tisserand; une abeille en remontre à maint architecte humain dans la construction de ses cellules. Mais ce qui distingue d’em-blée le plus mauvais architecte de la meilleure abeille, c’est qu’il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la cire. Le résultat auquel aboutit le processus de travail était déjà au commencement dans l’imagina-tion du travailleur, existait donc déjà en idée. Non pas qu’il effectue simplement une modi-fication dans la forme de la réalité naturelle: il y réalise en même temps son propre but, qu’il connaît, qui détermine comme une loi la modalité de son action, et auquel il doit su-bordonner sa volonté». n

Maximilien Bonnardot

7E N T R E P R I S E S

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Julien Grange.

Corinne Spierer Rabin.