l'afrique centrale: stratégies de développement et...

147
BEP/GPl/6 L'AFRIQUE CENTRALE Stratégies de développement et Perspectives par Elikia M'BOKOLO Directeur d'Etudes Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Upload: phungkhue

Post on 13-Sep-2018

226 views

Category:

Documents


1 download

TRANSCRIPT

Page 1: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

BEP/GPl/6

L'AFRIQUE CENTRALE

Stratégies de développement

et Perspectives

par

Elikia M'BOKOLO

Directeur d'Etudes

Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales

BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Page 2: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

P R E S E N T A T I O N

La présente étude a été élaborée dans le cadre du programme

d'études régionales consacré à l'Afrique. Elle a trait, d'une

part, à l'analyse des plans, stratégies et politiques de

développement mis en oeuvre par les Etats d'Afrique centrale dans

les domaines de l'éducation, la science, la culture et la

communication et, d'autre part, à l'évaluation des perspectives

d'évolution de cette sous-région à l'horizon 2 000, notamment au

plan de la coopération interétatique dans les domaines de

compétence de 1'UNESCO.

(1)

Page 3: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

I N T R O D U C T I O N

L'une des difficultés majeures de la présente étude, d'ailleurs

familière aux spécialistes, a été de réunir des chiffres sûrs,

fiables, complets et à jour car dans certains cas les données

quantitatives se contredisent et, dans d'autres, elles manquent

purement et simplement sur plusieurs années. Malgré cet

obstacle, évoqué par tous lors de l'atelier organisé à Dakar en

juillet 1987 dans le cadre du projet régional "Afrique", le

travail présenté couvre tous les pays de la sous-région à la fois

dans leurs stratégies de développement et dans les secteurs qui

correspondent aux domaines de compétence de 1'UNESCO. Il

s'articule en cinq parties principales:

Caractéristiques et définition de la sous-région

Problématique du développement

- Réalisation dans les domaines de compétence de 1'Unesco

Coopération sous-régionale

Eléments de prospective

Des annexes et une bibliographie sélective complètent l'étude.

(3)

Page 4: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

I

Caractéristiques, profil général et définition

de la sous-région

(5)

Page 5: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

I 2

A. Les Etats de l'Afrique Centrale.

Dans cette étude, on entend par "Afrique Centrale" l'ensemble formé par les

Dix Etats suivants :

TABLEAU I : Les Etats de l'Afrique Centrale

BURUNDI

CAMEROUN

CENTRAFRIQUE (République Centrafrique)

CONGO

GABON

GUINEE EQUATORIALE

RUANDA

SAO TOME et Principe

TCHAD

ZAIRE

Superficie

(km2)

27.834

475.442

622.984

342.000

267.667

28.050

26.338

960

1.284.000

2.345.409

Population Estimation 1986

4.900.000

10.000.000

2.700.000

1.800.000

1.200.000

380.000

6.500.000

90.000

5.200.0CC'

31.300.000

Allemande, puis mandat belge

Allemande, puis mandat Français et Britannique

Française

Française

Française

Espagnole

Allemande, puis mandat Belge

Portugaise

Française

Propriété personnelle de Leopold II puis colonie Belge

Date de l'Indépendance

1er Juillet 1962

Langue officielle

Français

1er Janvier Anglais 1960 et (c.français) et Français 1er Octobre | 1961 (c. anglais)

13 Août 1960

15 Août 1960

17 Août 1960

14 Octobre 1968

1er Juillet 1962

12 Juillet 1975 .

11 Août 1960

30 Juin 1960

Français

Français

Français

Espagnol

Français

Portugais

Français

Français

Source : Elikia M'BOKOLO L'AFRIQUE AU XXème siècle. Le Continent Convoité. Paris, Le Seuil, Coll. Points Histoire, 1985 pp.

Plutôt que de commenter la fiche d'identité de chacun des Etats nommés ci-

dessus, on s'efforcera de définir la sous région "Afrique Centrale" à partir de

trois angles d'attaque : la "longue durée", la spécificité et la personnalité

de la sous-région. , 7.

Page 6: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

1.3

B. Définition en termes de structures et de longue durée.

Les notions de "structures" et de "longue durée", telles que les en­

tendent les historiens, peuvent être d'un apport décisif à toute démar­

che qui, s'inscrivant dans le temps, analyse le présent avant tout aux

fins de dégager les tendances d'avenir : tendances lourdes, incontrôla­

bles, possédant leur dynamisme et leur rythme propres, sur lesquelles

les hommes ne peuvent pour ainsi dire pas agir ; ou , au contraire,

mouvements ouverts, esquissés, qui autorisent toutes les initiatives,

qui se laissent volontiers infléchir et sur lesquels l'on peut par

conséquent définir des politiques offertes par le présent, la prospec­

tive se retrouve ainsi parente proche de l'histoire. Car, pour les

historiens, la "structure", identifiée à la "longue durée" est "sans

doute assemblage, architecture, mais plus encore une réalité que le

temps use mal et véhicule très longuement. Certaines structures, à

vivre longtemps, deviennent des éléments stables d'une infinité de

générations : elles encombrent l'histoire, en gênent, donc en comman­

dent, l'écoulement. D'autres sont plus promptes à s'effriter. Mais

toutes sont à la fois soutiens et obstacles" (1).

Or les éléments de "structure" les plus facilement repérables en

Afrique centrale contribuent à la fois à l'éclatement et à l'intégra­

tion de la sous-région.

B.l. Principal témoin de cet éclatement, l'ouverture et la perméabilité

de presque toutes ses frontières.

(1) Fernand Braudel "Histoire et sciences sociales : la longue durée" in Ecrits sur l'Histoire. Paris, Flammarion, 1969, p. 41.

(8)

Page 7: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

I. 4

Cette ouverture est particulièrement évidente aujourd'hui, sous une

forme spectaculaire et critique (les relations entre le Tchad et la

Lybie), pour la frontière nord. Cette ouverture tient d'abord à l'his­

toire. Loin de constituer une barrière, le Sahara apparaît aujourd'hui

comme ayant été un lieu de passage privilégié, une sorte de mer inté­

rieure, sillonnée par de nombreuses caravanes marchandes, transportant

des produits, mais aussi des hommes, des croyances et des idées. A

partir du Tchad, l'Afrique centrale a ainsi entretenu des relations

étroites et suivies avec les villes de Lybie (Tripoli et Banghazi)

et d'Egypte (Salum, Le Caire, Alexandrie) et, via Abéché, Khartoum et

El Obeid, avec les ports de la Mer Rouge et, au-delà, avec l'Arabie.

Ces relations séculaires se sont renforcées au siècle dernier par suite

de la politique expansionniste de l'Egypte, sous l'impulsion de Muhanmed

Ali : l'Etat fondé par l'un des agents égyptiens, Rabah, au coeur du

Tchad, a exercé sa domination et ses effets jusqu'en Centrafrique et

au Zaïre et n'a disparu qu'en 1900, sous les coups de l'impérialisme

colonial. La dernière caravane marchande en provenance de Tripoli arri­

va au Tchad en 1913. L'islam tchadien (environ 20% de la population

totale, mais 90% de la population située au nord du lie parallèle)

et centrafricain (environ 6% de la population) est ainsi lié, au plan

spirituel, essentiellement à la sanûsiyya libyenne et à la mahdiyya

soudanaise. Dans le domaine politique, cette frontière nord est ou­

verte dans trois directions au moins :

- vers la Libye dont l'intérêt actuel pour le Tchad remonte au

moins aux années 1930 (1934 accord Mussolini. Laval donnant

à la Libye alors italienne la "bande d'Aouzou" appartenant

au Tchad français) ;

- vers le Soudan où, au début des années 1960, se sont repliés

de nombreux Congolais (aujourd'hui Zaïrois) fuyant la guerre

civile qui sévissait alors dans leur pays tandis que la ré­

bellion du sud-Soudan provoquait une importante émigration

(9)

Page 8: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

1.5

refugies dans l'autre sens, vers le Zaïre ;

- vers le Cameroun enfin dont les relations avec le Nigeria sont

anciennes et multiples : certains peuples, comme les Peul (qu'on

trouve ailleurs en Afrique occidentale) sont communs aux deux

pays : l'islam camerounais (15% de la population, nombreux

surtout dans le nord) est venu du nord Nigeria dont il a reçu

au 19e siècle une impulsion rénovatrice décisive ; enfin

l'institution au Cameroun d'un double mandat, britannique et

français, a provoqué le rattachement au Nigeria de l'Ouest

camerounais (dont une partie est resté nigériane à la suite

du referendum de 1961) et explique le bilinguisme franco-

anglais de ce pays.

La frontière est de l'Afrique centrale, du côté des pays riverains

de l'Océan Indien, n'est pas moins ouverte.

Ce fait est d'abord attesté par l'existence d'une véritable "civi­

lisation des Grands Lacs". Ancienne, enracinée dans une longue his­

toire, celle-ci n'en continue pas moins de nourrir une conscience très

vive d'une origine, d'une identité ou de problèmes communs, comme le

montre le colloque réuni à Bujumbura en septembre 1972 sous l'égide du

Centre de civilisation burundaise et de 1'UNESCO (1). Soutenu par le

Burundi, le &ianda, la Tanzanie et le Zaïre, ce colloque a montré

l'existence d'une parenté immédiate et structurelle entre les peuples

riverains des Grands Lacs dans ces quatre Etats, mais aussi ceux du

Kenya, de l'Ouganda et, dans une moindre mesure, de la Zambie, du

Malawi et du Mozambique. Cette parenté se rapporte à la fois aux structures

(1) Le rapport général, les recommandations et les actes de ce colloque ont été publiés sous le titre La Civilisation ancienne des peuples des Grands Lacs, Paris, Karthala, 1981.

(10)

Page 9: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

1.6

politiques (généralisation des royaumes cen-ralisés), aux activités

économiques et aux valeurs en découlant (primauté de l'élevage), aux

particularités du peuplement (densités relativement élevées) et jusqu'

aux interrogations relatives à l'origine des groupes humains.

Dans une perspective plus large,au plan géographique, historique et

culturel, on voit bien aujourd'hui toute l'importance des processus d'assi­

milation, de réaction et de création mis en oeuvre - il n'y a pas si long­

temps - par Zanzibar et la côte swahili (1). Nous disons "il n'y a pas

si longtemps", car ces processus ne sont entrés dans une phase d'accélé­

ration que vers 1840 et se poursuivent sous nos yeux. Ils révèlent d'abord

des relations commerciales et humaines anciennes et intenses avec la pé­

ninsule arabe, l'Iran et le subcontinent indien, à tel point que des com­

munautés relativement nombreuses ont émigré de ces dernières régions pour

s'installer en Afrique de l'Est. Lorsque, dans les années 1840, le sultan

de Zanzibar entreprit une exploitation économique intense de la terre

ferme, il se constitua un véritable "empire" (d'après l'expression de

l'historien tanzanien Abdul Sharif) (2) dont la frontière, avançant sians

cesse dans le continent, finit par s'étendre jusqu'à englober l'est du

Zaïre. Il en est issu principalement quatre faits qui sont encore de

notre temps :

- la "question arabe", ainsi appelée par les autorités coloniales,

désignant l'importance des communautés d'Arabes ou d'arabisés,

assez souvent bien intégrés, au sein des peuples africains ;

- l'islam, certes minoritaire, mais très actif, au Zaïre (1,5%

de la population, concentré dans l'est du pays), au Burundi (1,5%

et au Rvanda (0,5%) ; essentiellement sunnite, il s'exprime à

travers de nombreuses associations soucieuses d'obtenir l'égalité

(1) De l'arabe Sahil ou Sahel (rivage) : désigne la partie de la côte est-africaine allant de Mogadiscio au nord du Mozambique.

(2) Abd ul Sharif Zanzibar. The rise of a commercial empire. Londres, Longman, 1987.

(11)

Page 10: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

1.7

de traitement avec les autres confessions ;

- la langue swahili dont la diffusion, loin de s'arrêter avec la

colonisation, a au contraire bénéficié de celle-ci : parlée au

Burundi et au Paanda, elle jouit au Zaïre du statut de "langue

nationale" ; tous les locuteurs de cette langue en Afrique cen­

trale considérant que le meilleur swahili (le swahili bora) reste

celui de Tanzanie ou, plus précisément, celui de Zanzibar et de

la côte voisine ;

- les solidarités ethniques transfrontalières : plusieurs groupements

ethniques bien enracinés dans des Etats de la sous-région ont une

conscience très claire de leur origine est-africaine que, dans un

raisonnement prospectif, ils valorisent comme l'un de ces petits

pas qui pourraient conduire à l'unité africaine.

Ajoutons qu'au plan économique, l'importance actuelle et future de

l'Afrique orientale est cruciale pour les Etats enclavés de la sous-région

Afrique centrale (Burundi et Ruanda) et pour l'est zaïrois, dont le ravi­

taillement et l'écoulement des productions dépendent de Mombasa et, dans

un bien moindre mesure, de Dar es Salaam.

Enfin, la frontière sud présente les mêmes caractéristiques que celles

du nord et de l'est, avec néanmoins les particularités inévitables imposées

par les problèmes de l'Afrique australe. L'ouverture de la frontière sud

est donc perceptible à deux niveaux : ouverture sur ses voisins et ouver­

ture sur l'Afrique australe.

L'ouverture de la sous-région sur ses voisins immédiats du sud

(Angola, Zambie, Zimbabwe) est évidente. Historiquement, il s'agit d'une

zone homogène qui a produit le même type d'Etats (dits à "royauté sacrée")

et le-même système de valeurs et de croyances (1). Beaucoup de ces Etats

(1) Luc de Heusch Le roi ivre ou l'origine de l'Etat, Mythes et rites bantous. Paris, Gallimard, 1972.

(12)

Page 11: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ii 8

précoloniaux, qui ont plus ou moins survécu pendant notre siècle, d é b o r ­

daient les frontières actuelles. Il suffit de penser au royaume lunda ou

à l'Etat tshokwe qui embrassaient des peuples écartelés a u j o u r d ' h u i , du

fait des frontières issues de la colonisation, entre l 'Ango la , le Zaïre

et la Z a m b i e . D'a i l leurs , les crises polit iques et militaires c o n t e m p o ­

raines, de la sécession katangaise à la guerre civile angolaise, m o n t r e n t

la fluidité et la fragilité extrêmes de ces frontières. Sur le plan é c o n o ­

m i q u e , les solidarités anciennes, tissées avant la colonisation, ont été

prolongées par celles-ci et maintenues depuis : importance de l ' économie

cuprifère surtout intégration par la réseau de transports car l 'anc ien

réseau "luso-africain" (1 ) , qui reliait les pays katangais et zambien à

la côte angolaise , se retrouve aujourd 'hu i dans le réseau ferroviaire et,

en particul ier , dans le très stratégique "chemin de fer de Benguela" (du

port angolais de Benguela aux mines de cuivre du S h a b a ) . Enfin, au plan

culturel, c'est en Angola que sont a p p a r u s , aux 17e et 18e siècles, ces

mess ianismes et syncrêtismes q u ' o n voit proliférer au 20e siècle dans

toute la sous-région avec le k imbanguisme zaïro-congolais , le m a t s o u a n i s m e

congolais et les multiples sectes actuel les .

Vers l 'Afrique australe, en dehors de l 'apartheid qui mobil ise contre

lui l ' ensemble du continent, les relations sont surtout économiques et

culturelles. U n autre réseau ferroviaire, dit "de Rhodês ie" , a très tôt

aidé à remédier à l 'anclavement du copperbelt en facilitant l 'écoulement

du méta l rouge vers les ports mozambica ins de Beira et M a p u t o . A u plan

culturel, il faut souligner q u e , depuis la fin du 19e , l 'Afrique du sud

a connu également le phénomène de diss idence religieuse, avec les Eglises

indépendantes noires qui se sont qualifiées d 1 "éthiopiennes". Ce d y n a ­

misme créateur a progressivement remonté vers le nord et, via la R h o d ê s i e

(Zimbabwe et Z a m b i e ) , gagné le Katanga où des mouvements religieux tels

que M w a n a Lesa (Fils de Dieu) et Ki tawala (déformation de W a t c h T o w e r )

furent u n e étape décisive dans l 'expression du nat ional i sme.

(1) Express ion de J . L . Vel lut , cf. "Notes sur le lunda et la frontière luso-africaine (1700-1900) in Etudes d'Histoire Africaines (Lubumbashi; III , 1972 , p p . 6 1 - 1 6 6 .

(13)

Page 12: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

1,9

B.2. En termes de "longue durée, les facteurs d'intégration existent

aussi et sont nombreux, comme le montrera la suite de cette étude. On

peut déjà en retenir, à ce stade, trois dominants.

Le premier facteur est d'ordre humain : c'est ce qu'on pourrait ap­

peler la composante bantu dont l'importance est illustrée par la créa­

tion récente et par les activités du CICIBA (Centre International des

Civilisations Bantu). Certes tous les peuples de la sous-région n'appar­

tiennent pas à la civilisation bantu. Les classifications anthropologi­

ques habituelles relèvent des peuplements relativement importants de

Pygmées (Cameroun, Centrafrique, Congo et Zaïre), de "Soudanais" (Came­

roun, Centrairique, Tchad et Zaïre), de Peul (Cameroun et Tchad) et

"d'Arabes", terme générique qui désigne au Tchad les gens de culture

arabe et de religion musulmane et qui regroupe des Arabes, des Berbères,

des peuples issus de métissages de ces derniers avec les Africains et

enfin des Africains, connus sous l'appellation d' "Arabes Noirs". Cepen­

dant, les Bantu représentent de loin le peuplement majoritaire de cette

partie du continent et, aussi, de l'Afrique orientale et australe. Si la

pertinence du concept de bantu est remise en cause par certains spécia­

listes, l'on s'accorde nénamoins à reconnaître aux peuples appelés par

ce nom des caractéristiques communes :

- une relative unité linguistique affirmée de bonne heure par les

premiers voyageurs européens et reconnue par la plupart des spé­

cialistes depuis les célèbres travaux de William Bleek (Comparative

Grammar of South African Languages 1862) et L. Homburger (Phoné­

tique historique du Bantou, 1913);

- un patrimoine commun des croyances, de rites, de valeurs à tel

point que beaucoup, depuis le livre retentissant publié par le

R.P. Tempels en 1945, affirment l'existence d'une "philosophie

bantoue".

Le second facteur est d'ordre politique : c'est la présence, en de nom­

breux endroits de l'Afrique centrale, de peuples transfrontaliers qui s'af­

firment par un irrédentisme plus ou moins prononcé. L'exemple du groupe konj

(14)

Page 13: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

I-10

est tout à fait instructif à cet égard. Issu du royaume le plus ancien

et le plus prestigieux de cette partie du continent, le Royaume de Kongo,

ce peuple s'est trouvé, du fait des découpages coloniaux, dispersé entre

l'Angola, le Zaïre et le Congo. Or, il a su conserver une conscience très

claire de son origine commune et de son identité : le partage colonial et

les pratiques culturelles de la colonisation ont peut-être même avivé cette

conscience (1). La revendication de l'indépendance, exprimée depuis le dé­

but du siècle sous des formes multiples, est allée de pair avec la volonté

de reconstituer, dans le cadre d'un Etat moderne, l'unité ancienne et le

prestige du royaume perdu : commencé avec les messianismes politico-religieu

de la première moitié du siècle, ce mouvement a pris de l'ampleur grâce à

l'Abako (Association des Bakongo fondé au Zaïre, alors Congo Belge, en

1950) d'abord sous une forme culturelle, puis sous une forme politique

au début des années 1960. Si cet irrédentisme s'est atténué depuis cette

époque, rien ne dit que des circonstances particulières ne pourraient pas

lui redonner de la vigueur. Sous des formes moins accusées sans doute,

ce phénomène se retrouve sur d'autres frontières, en particulier chez les

Lunda (Angola, Zaïre, Zambie), les Teke (Congo, Gabon, Zaïre), les Fang

(Cameroun, Gabon, Guinée Equatoriale), les Ngbandi (Centrafrique, Zaïre),

les Azande (Centrafrique, Soudan, Zaïre) ou encore les "Rwandais" (Rwanda,

Zaïre).

Un dernier facteur d'intégration est d'ordre géopolitique : c'est le

fleuve Congo/Zaïre et son principal affluent, l'Oubangui. Dans une célèbre

chanson du milieu des années 1960, le musicien zaïrois Joseph Kabasele

a redit avec force cette évidence historique et popularisé l'idée selon

la quelle "le fleuve Congo n'est pas une barrière, mais un lieu de pas­

sage" (2). Bien avant le XVe siècle, époque à laquelle ce rôle a été

(1) Voir ci-dessous chapitre III, D (c, 1).

(2) "Ebale ya Congo ezali lopango te, ezali nzela".

(15)

Page 14: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

1.11

revelé par les premiers voyageurs portugais, le grand fleuve a servi de

support à un vaste réseau d' .changes drainant les produits du commerce

local puis, plus tard, les marchandises destinées à l'exportation (ivoire

et esclaves) . Le "grand commerce congolais" a ainsi donné naissance à

des identités ethniques, façonné des langues, brassé des peuples d'ori­

gines diverses, suscité des comportements économiques que certains

historiens n'ont pas hésité à qualifier de "capitalistes" (1). Gravement

compromis par les entraves des colonisateurs belges et français, les

anciens courants d'échanges de produits, d'hommes et, avec eux, d'idées

ont repris depuis les indépendances une vigueur remarquable, en particu­

lier entre Brazzaville et Kinshasa.

C. Spécificités de l'Afrique centrale.

A côté de ces caractéristiques lourdes et durables, l'Afrique centrale

tire de l'histoire récente une partie de sa physionomie. Ces traits spéci­

fiques, issus d'un passé récent, ne sont sans doute pas définitifs, ni

peut-être aussi contraignants qu'ils apparaissent au premier regard.

1. Spécificités coloniales.

L'Afrique centrale a expérimenté presque toutes les formes de coloni­

sation, qu'il s'agisse de l'origine des colonisateurs ou des formes juri­

diques de la domination étrangère. Presque toutes les nations colonisatri­

ces ont été présentes dans la sous-région, aussi bien les vieilles puissan­

ces ces coloniales (Portugal au Cabinda et en Angola, Espagne en Guinée

Equatoriale et à Sâo Tomé et Principe, Royaume Uni dans une partie du

Cameroun, France au Cameroun et en Afrique Equatoriale Française (2)

(1) Robert W. Harms River of wealth, River of Sorrow. The Central Zaire Basin in the Era of the Slave and Ivory Trade 1500-1891.New Haven, Yale University Press, 1981.

(2) Formée en 1910, l'A.E.F. a réuni jusqu'en 1960 la Centrafrique (Ouban-gui-Chari), le Gabon, le Tchad et le Congo (Moyen Congo).

(16)

Page 15: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

I, 12

que les nouvelles puissances coloniales (Allemagne au Cameroun, au

Burundi et au Ruanda ; Belgique au Zaïre, puis au Burundi et au Ruanda).

Au plan juridique, la plupart des Etats ont été des colonies, soumises

à l'administration directe des puissances européennes ; mais, après

la première Guerre Mondiale, les territoires allemands - Burundi, Cameroun

et Ruanda - sont devenus des mandats de la Société des Nations, puis pays

sous tutelle de l'Organisation des Nations Unies : à ce titre, ils étaient

placés sous l'autorité d'un pays colonisateur, tout en relevant du con­

trôle régulier de l'Organisation internationale.

Malgré cette diversité, la colonisation de l'Afrique centrale présente

de nombreux points communs. En premier lieu, elle fut relativement tar­

dive : si l'on excepte la côte gabonaise, où les Français se sont établis

dès la première moitié du XIXe siècle, l'Afrique centrale a été colonisée

seulement à partir des années 1880 à la différence de l'Ouest africain où

les postes français (au Sénégal), portugais (en Guinée Bissau et dans le

Golfe de Guinée) et anglais (au Ghana et en Sierra Leone) remontant au

XVIIe siècle, voire au-delà, et à la différence de l'Afrique australe

(colonisation hollandaise en Afrique du Sud dès le 17e siècle, colonisation

portugaise au Mozambique depuis les années 1550) et orientale (colonisa­

tion arabe depuis le Moyen Age). Tardive, la colonisation européenne

a eu recours ici à des méthodes brutales, expéditives qui se sont prolon­

gées parfois bien après la deuxième Guerre Mondiale.

Il en est résulté, pour l'Afrique centrale, une série de conséquences

spécifiques :

- au plan économique, des formes particulières de dépendance et de

sous- développement évoquées ci-dessous (chapitre II, A) ;

- au plan politique, un type d'Etat particulièrement autoritaire

et contraignant dont la logique propre continue, aujourd'hui

(17)

Page 16: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

1.13

encore, à imprimer sa marque dans tous les secteurs d'activité

et, en particulier, dans ceux de la culture, de la communication

et de l'éducation ;

- au plan culturel enfin, une adhésion unanime à la francophonie

puisque même la Guinée equatoriale, naguère colonisée par l'Es­

pagne, a rejoint la zone franc et accorde depuis une place de

choix à la langue française dans son système éducatif et dans

ses moyens d'information.

2. Les croisements de l'histoire contemporaine.

Si l'histoire des trente ou quarante dernières années s'est déroulée

dans le cadre privilégié des frontières "nationales" issues de la coloni­

sation, elle a donné lieu aussi, en certains moments, à des croisements

dont on peut attendre - et espérer - que les plus heureux se reproduisent

à l'avenir.

Il en est ainsi d'abord des deux Congo, car le Zaïre n'a pris son

nom actuel qu'en 1973. On rappellera, le moment venu, la parenté profon­

de des créations culturelles contemporaines de part et d'autre du fleuve

Congo/Zaïre : indiquons seulement que la continuité est remarquable,

pour prendre deux générations extrêmes, entre le premier romancier du

Congo et du Zaïre, Paul Lomani-Tchibamba et l'un des romanciers congo­

lais les plus en vue aujourd'hui, Sony Labou Tansi : l'un et l'autre

sont nés au Zaïre et ont vu leur art s'épanouir à Brazzaville tandis

que leurs oeuvres prennent indifféremment pour cadre le Congo ou le

Zaïre. Au niveau politique, les mouvements nationalistes des deux pays

se sont constamment influencés et enrichis, depuis les organisations po­

litico-religieuses (Kimbanguisme zaïrois et matsouanisme congolais)

jusqu'aux partis politiques qui ont arraché l'indépendance en 1960.

La situation exceptionnelle des deux capitales, Brazzaville et Kinshasa

(18)

Page 17: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

I. 14

qui se font face sur le Pool Malebo, explique aussi les échanges

incessants, parfois involontaires et non dénués de drames, d'idéologies

politiques, de réfugiés et autres personnalités indésirables, de techni­

ques de mobilisation . . .

Les péripéties de la décolonisation angolaise, acquise en 1975, mais

dont les rebondissements se prolongent sous nos yeux ont encore fourni

au Congo et au Zaïre l'occasion de se rencontrer sur le même terrain,

même si ce ne fut pas toujours pour agir de concert. Chacun d'eux a

abrité l'un des mouvements nationalistes rivaux de l'Angola. L 'un et

l'autre ont donc eu à intervenir, avec des succès inégaux, dans le

règlement des conflits angolais.

La question tchadienne pour sa part concerne au premier chef l'en­

semble de la sous-région, pour des raisons variables selon les Etats : le

Cameroun, la Centrafrique, le Congo et le Gabon parce qu'ils ont long­

temps appartenu au même ensemble politique colonial (L'Afrique Equato-

riale Française) et aux organisations de coopération sous régionale qui

en sont issues ; le Cameroun et la Centrafrique parce qu'en outre ils

sont frontaliers du Tchad ; le Zaïre enfin parce que , d'une part, il a

entretenu des relations étroites avec certains des régimes qui se sont

succédé au Tchad (notamment le régime Tombalbaye, 1960-1975) et,

d'autre part, son poids propre lui impose de ne pas être absent des

tentatives de règlement d 'un drame aussi grave et aussi durable que

celui du Tchad (1). Il est donc normal qu'avec d'autres, les Etats

de la sous-région, ensemble ou individuellement, aient lancé, amplifié

ou relayé les multiples projets de règlement de cette crise épineuse.

Toutes ces expériences, souvent douloureuses, auront eu au moins le

mérite de rapprocher, dans la recherche de solutions négociées, les gouver-

(1) Voir Sylvain Soriba Cámara "Le Zaïre et la puissance" in Le Mois en Afrique, Revue Française d'Etudes Politiques Africaines, (203-204) déc . 82-janv. 8 3 , pp . 17-38 et (205-206) , févr.-mars 1983, p p . 3 8 - 6 1 .

(19)

Page 18: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

I. 15

liants, les élites et les peuples de la sous-région.

3. Le sous-peuplement.

Dans l'ensemble de la sous-région, les densités de population se si-

situent à un bas niveau mais cette caractéristique pourrait, avec les

tendances démographiques actuelles, subir des modifications sensibles, au

moins dans certains Etats.

Tableau II : Les densités de population en Afrique Centrale

(Habitants au km2, 1986)

Burundi 176

Cameroun 21

Centrafrique 4,3

Congo 5,3

Gabon 4,5

Guinée Equatoriale 13,4

Ruanda 246,8

Sao Tomé et Principe 98

Tchad 4

Zaïre 13,3

Ces faibles densités ne s'expliquent que pour une part, sans doute mi­

nime, par des facteurs tenant à la géographie physique (désert au Tchad ;

obstacle de la forêt equatoriale, véritable "enfer vert", pour repren­

dre une expression couramment employée pour l'Amazonie). La saignée due

au commerce des esclaves, par l'Atlantique, le Sahara et l'Océan Indien

a joué un rôle indéniable, quoique discuté par les spécialistes, dans

le blocage de la croissance, donc dans les faibles densités de la popula-

(20)

Page 19: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

I- 16

tion. Les recherches plus récentes inästent sur les incidences négatives,

depuis la fin du XIXe siècle, de graves maladies épidémiques ou endémi­

ques dont la diffusion est presque toujours liée aux péripéties de la

vie politique et économique (1). Ce sont précisément ces derniers facteurs

qui peuvent évoluer et qui ont commencé à évoluer du fait de la volonté

des pouvoirs publics : Ces progrès peuvent s'intensifier avec une éduca­

tion appropriée et une recherche scientifique mieux orientée.

D. L'Afrique centrale : personnalité et capacité d'action.

Malgré les multiples agents d'éclatement, les facteurs d'intégration

sont assez nombreux, et assez puissants pour donner à l'Afrique centrale

une sorte de personnalité, qui détermine déjà une véritable capacité auto­

nome d'agir.

Si l'Afrique centrale existe, elle existe de plusieurs manières et

l'une de ces existences est, pourrait-on dire, "métaphysique" en ce

sens qu'elle relève d'un projet ambitieux, dont la réalisation politique

n'a pas eu lieu, mais dont l'économie générale et la philosophie conser­

vent toute leur pertinence. Il s'agit d'un projet vieux de presque trente

ans, lancé par l'homme d'Etat centrafricain Barthélémy Boganda sous le

nom d'Afrique latine.Celui-ci expliquait en raillant quelque peu les fron­

tières coloniales : "moi-même je suis né congolais et je suis devenu ou-

banguien. Une partie de ma tribu se trouve au Congo Belge (Zaïre), une

autre dans l'ancien territoire de l'Oubangui (Centrafrique) et une autre

au Tchad. Mais c'est la langue française et notre culture latine commune

(1) Voir par exemple A. Retel-Laurentin Infécondité en Afrique noire ; maladies et conséquences sociales. Paris, Masson,1974 et E. M'Bokolo "Histoire des maladies, Histoire et maladie : l'Afrique" in Marc Auge et Claudine Herzlich Le sens du mal, Anthropologie, Histoire, Socio­logie de la maladie. Paris, Editions des Archives Contemporaines, 1984, pp. 155-186.

(21)

Page 20: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

I. 17

qui sont pour nous l'un des liens essentiels. C'est pourquoi je crois

fermement à l'avenir de ce que l'on doit appeler Afrique latine, comme on

parle de l'Amérique latine". C'est cette unité potentielle qui semble se

réaliser à petits pas.

Boganda prévoyait une unification en trois étapes : 1) union des

quatre territoires (Centrâtrique, Congo, Gabon, Tchad) issus de l'A.E.F.

pour former la "République Centrafricaine" (1); 2) "unification des deux

Congos" : le Congo belge (Zaïre) et le Congo français (A.E.F.); 3) création

des Etats Unis de l'Afrique latine comprenant, outre les deux Congos, le

Cameroun, le Ruanda, le Burundi et l'Angola.

L'unification telle que l'a vue Boganda ne s'est pas réalisée. Mais

les organisations de coopération sous-régionale se sont multipliées : elles

se caractérisent par leur tendance à englober un nombre de plus en plus

grand d'Etats. Au départ il s'agissait avant tout de maintenir les liens

de coopération, essentiellement économique, mis en place pendant la pé­

riode coloniale. Les transformations de ces organisations de coopération

ont été multiples : d'une part, leurs compétences se sont élargies ou di­

versifiées ; d'autre part les Etats membres ne sont plus tous issus du même

régime colonial. Première en date, l'UDEAC (Union douanière et économique

de l'Afrique Centrale) a vu le jour en 1964 lors de la signature du Traité

de Brazzaville et ne regroupait à sa naissance que les pays de l'ancienne

A.E.F. (Afrique Equatoriale Française) et le Cameroun ; le Traité de

Brazzaville a été revu en 1974 et l'UDEAC a incorporé la Guinée Equatoria­

le et, en 1984, le Tchad qui l'avait quittée en 1968.L'UDEAC est d'abord

une union douanière, fondée sur la libre circulation des produits entre

les Etats membres et un tarif extérieur commun, visant les importations

en provenance des pays tiers. Mais ses compétences ne se limitent pas aux

échanges : l'UDEAC a aussi contribué à harmoniser les codes des investis­

sements des Etats membres et adopté un Fond de solidarité destiné à remédier

(1) La République Centrafricaine actuelle n'est qu'un avatar du projet de Barthélémy Boganda.

(22)

Page 21: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

1.18

aux disparités de développement et de richesses entre les pays constitutifs.

Quant à la CEPGL (Communauté Economique des Pays des Grands Lacs), elle ne

regroupe depuis sa création en 1976 que le Burundi, le Ruanda et le Zaïre

tous trois issus de la colonisation belge. Ses compétences, strictement

économiques, reposent sur quatre agences techniques spécialisées : la Ban­

que de Développement des Etats des Grands Lacs établie à Goma (Zaïre) ; un

centre d'énergie à Bukavu (Zaïre) ; et en^fin l'Institut de Recherche Agro­

nomique et Zootechnique de Gitega (Burundi). Au sommet de décembre 1981,

les chefs d'Etat de l'UDEAC ont adopté le principe de l'élargissement de

l'Union aux autres pays de la sous-région. C'est ainsi que la C.E.E.A.C.

(Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale) a vu le jour en

1983 : devenue opérationnelle en 1985, elle vise à promouvoir la coopéra­

tion entre les Etats membres, par l'établissement d'un tarif extérieur

commun et l'abolition des restrictions commerciales et un fond de dévelop­

pement à moyen terme. En plus des pays membres de l'UDEAC (Cameroun, Cen-

trafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad), la Communauté Eco­

nomique des Etats de l'Afrique centrale comprend les trois pays de la

CEPGL (Burundi, Ruanda et Zaïre), Sao Tomé et Principe et l'Angola, qui

bénéficie d'un statut d'observateur. La création récente du CICIBA est

venue donner à cette dynamique unificatrice une dimension radicalement

nouvelle, celle de la culture.

Il apparaît donc clairement que si, à première vue, l'Afrique cen­

trale peut ressembler à un domaine écartelé, elle possède bel et bien des

héritages historiques proches et une personnalité propre, assez bien ac­

cusée.

(23)

Page 22: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II

Problématique de développement

(24)

Page 23: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II 2

L'évolution économique des pays de l'Afrique centrale présente des

caractéristiques fondamentales qu'on trouve dans d'autres Etats africains.

En effet, autant les secteurs de la culture, des idéologies, de la politi­

que et même des rapports sociaux semblent ouverts et sort effectivement

ouverts à l'initiative et à la créativité des peuples et des élites, autant

le domaine de l'économie est bloqué par les multiples contraintes structu­

relles issues de la colonisation (1). Ce point est capital car la grande

question d'avenir que posent les économies africaines est de savoir si et

à quel terme elles seront capables de rompre avec cet héritage. Car jus­

qu'à présent les transformations, qui sont évidentes dans certains cas,

affectent moins la substance que la forme des économies : des ressources

nouvelles sont découvertes et mises en valeur, des plans de développement

sont élaborés : mais la générosité de la nature et le volontarisme des

hommes ne changent rien aux structures.

A. Les héritages : une structure de dépendance et de désarticulation.

A.l. Les particularités historiques de l'Afrique centrale.

A la différence de nombreuses autres parties de l'Afrique, la mise en

valeur de type colonial de l'Afrique centrale fut tardive. En Afrique oc­

cidentale par exemple la division internationale du travail spécifique

du colonialisme (production de matières premières par les pays africains,

fourniture des biens industriels, des capitaux et des services par les

pays européens) a commencé relativement tôt : en effet, pour répondre à

la demande pressante de l'Europe occidentale, plusieurs pays se sont lan­

cés dans la culture des oléagineux parfois avant l'instauration effective

du colonialisme (le Danxomè dès les années 1830 pour le palmier à huile,

(1) Pour les développements de cette thèse, voir Elikia M'Bokolo "Afrique noire (4) Société et Economie" in Encyclopeadia Universalis, nie ed., vol. 1, pp. 423-431.

(25)

Page 24: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II 3

le Sénégal à partir des années 1860 pour l'arachide) (1). Si l'on

prend l'exemple de l'Afrique du kud, la découverte précoce de fabuleux

gisements miniers (diamant en 1867, or en 1881) a entraîné dès la fin

du XIXe siècle et le début du XXe l'apparition d'un capitalisme spécifi­

que dont nous voyons aujourd'hui encore les caractéristiques scandaleuses

et les effets pernicieux (2). Rien de tel n'eut lieu en Afrique centrale

qui, pendant longtemps, exporta principalement des produits de chasse,

de cueillette et de ramassage (bois, caoutchouc, ivoire). Les Allemands

établirent bien au Cameroun quelques plantations, dont le nombre et la

production étaient trop peu importants pour susciter des effets d'entraî­

nement. En fait la mise en valeur coloniale moderne commença au Zaïre

(alors Congo belge) peu avant la première guerre mondiale dans le secteur

minier. En A.E.F. et au Cameroun, il faut attendre les lendemains de la

deuxième guerre mondiale pour voir des initiatives durables dans le sec­

teur économique : dans ce cas, comme dans celui du Burundi, de la Guinée

équatoriale, du Rtianda, de Safo Tomé et Principe, la conviction que ces

pays ne recelaient pas dans leur sous-sol des richesses minières fut l'une

des causes décisives du manque d'intérêt des Etats et des investisse I/R-s

coloniaux.

Tardive, la mise en valeur coloniale donna; aussi lieu à des méthodes

d'une brutalité sans précédent dont les effets psychologiques n'ont

peut-être pas entièrement disparu. Tous les régimes coloniaux, en Afri­

que comme en Amérique et en Asie orientale, ont utilisé la contrainte pour

extraire des richesses ou pour mobiliser la force de travail. Mais, en

Afrique centrale, on alla plus loin. Ce fut ici que fleurit le système

des "compagnies à charte" dans lequel l'Etat colonisateur abandonnait

de jure ou de facto tout ou partie de ses droits régaliens entre les

mains de puissantes compagnies privées. Ce système a été particulièrement

(1) Voir A.G. Hopkins An Economie History of West Africa. Londres, Longman

(2) Apartheid et capitalisme. Textes réunis et présentés par Christine Messiant et Roger Meunier. Paris, François Maspero, 1979.

(26)

Page 25: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II 4

elaboré au Zaïre à l'initiative du roi des Belges, Leopold II, à la

fin du XIXe siècle : mais il fa»it souligner que certaines compagnies

constituées à cette époque, comme la Compagnie du Katanga, sont restées

en activité jusqu'à la décolonisation, souvent, mais pas toujours, au

prix de quelques aménagements juridiques et financiers. Mais l'A.E.F.

aussi connut dans sa majtitre partie (Centrafrique, Congo et Gabon) le

terrible régime des compagnies concessionnaires qui dura jusqu'aux années

1930. Plusieurs études consacrées à la "modernité" en Afrique noire ont

souligné les multiples formes de résistance des sociétés africaines à

l'intrusion de celle-ci : il n'est pas interdit de penser que le rejet,

en certaines régions, des contraintes et des implications de l'économie

moderne et du développement soit une conséquence durable du terrible

régime des compagnies à charte. C'est dire aussi à quel point une saine

politique de développement devrait se soucier, par une éducation appro­

priée, de lever les malentendus hérités de l'histoire et de recueillir t

d'adhésion active des populations interésete^ .

En termes sociologiques, cette mise en valeur n'a pas manqué de pro­

duire des particularités dont les effets sont aussi de longue durée. Il

y a d'abord la question des acteurs sociaux du développement et, en

particulier, des "entrepreneurs" dont le rôle, souligné naguère dans les

travaux aussi divers que ceux de Max Weber, Joseph S chump et er et de W.W.

Rostow, est présenté aujourd'hui comme déterminant, voire exclusif, par

les organismes financiers internationaux et même par certains Etats. Or,

dans la forme particulière que la mise en valeur coloniale a prise en

Afrique centrale, il n'y eut pas de place pour des "bourgeoisies natio­

nales" africaines alors que celles-ci ont pu se constituer en groupes

sociaux avec lesquels il fallait compter dans certains pays d'Afrique

occidentale (Côte d'Ivoire, Ghana et Nigeria) et orientale (Kenya).

Toute l'Afrique centrale se retrouve peu ou prou dans les chiffres dis­

ponibles pour le Zaïre où, au moment de l'indépendance, la "bourgeoisie

coloniale" (1% de la population totale) contrôlait 95 % du stock de

(27)

Page 26: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II 5

capital investi, 82% des unités de production, 88% de l'épargne des

particuliers (I). La bourgeoisie noire - plutôt petite et moyenne que

grande bourgeoisie - dut se contenter de positions de refuge à l'ombre

de l'Etat et de la fonction publique. Il n'est donc pas étonnant qu'une

fois l'indépendance politique acquise, les pays d'Afrique centrale, où le

pouvoir était revenu précisément à cette bourgeoisie noire, aient cherché

à faire de l'Etat le principal agent du développement économique. Mais,

contrairement aux idées reçues, ce rôle de l'Etat n'est pas nouveau en

Afrique centrale : il se situe même dans une remarquable continuité avec

la période coloniale. Au Zaïre l'intervention de l'Etat dans l'économie

commença des les débuts mêmes de la colonisation soit indirectement (mo­

bilisation de la force de travail, instauration des cultures obligatoires,

etc.) soit directement (création d'entreprises dont le rôle était straté­

gique, comme l'OTRACO (2) dans le secteur des transports ; participation

financière dans les entreprises privées). Dans le reste de la sous-région

l'action économique de l'Etat ne commença qu'aux lendemains de la deuxième

guerre mondiale et fut le plus souvent indirecte : ainsi au Cameroun

et en A . E . F . , le F . I . D . E . S . (Fonds d'Investissement et de Développement

Economique et Social des Territoires d'Outre-Mer) finança de nombreux

travaux d'infrastructure. Certes aujourd'hui, l'action économique de 1'

Etat est justifiée par d'autres arguments : il s'agit, par la nationali­

sation, de rendre au pays la propriété juridique de ses richesses. Mais

il n'est pas certain que l'idéologie technocratique liée à l'action de

l'Etat soit radicalement nouvelle ; par ailleurs la propriété juridique

a peu d'implication sur le contrôle social des richesses nationales

qui reste entre les mains du petit groupe qui contrôle l'appareil d'Etat.

(1) Jean-Philippe Peemans Diffusion du progrès économique et convergence des prix. Le cas Congo.. Belgique 1900-1960. Louvain, Nauwelaerts, 1968, p . 386.

(2) Office des Transports du Congo devenu ONATRA (Office National des Transports) avec les mêmes attributions et le même pouvoir.

(28)

Page 27: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II 6

A. 2. Typologie : les inégalités de la mise en valeur.

Si des rééquilibrages sont intervenus depuis les années 1960 et 1970,

les inégalités subsistent entre Etats et, au sein de chaque Etat, entre

régions, qui remontent eux aussi au petit siècle colonial (1880-1960).

Inégalités entre Etats.

Ces inégalités apparaissàent clairement dès les années 1930. En 1936,

on estimait les capitaux (publics et privés, cotés ou non en bourse) in­

vestis en Afrique subsaharienne à 1 221 686 000 î dont 941 307 000 X

pour l'Afrique britannique et 280 379 000 ^*pour l'Afrique non britanni­

que, ce dernier chiffre comprenant les territoires belges, français et

portugais dont l'Afrique centrale (1). Or les capitaux investis en Afri­

que belge - c'est-à-dire essentiellement dans l'actuel Zaïre, puisque

le R anda-Urundi était passablement négligé - s'élevaient à 143 337 000r£,

ce qui faisait du Zaïre le pays d'Afrique noire où les Européens avaient

le plus investi après l'Afrique du Sud. En revanche, il n'y avait que

21 260 000 <£ investis dans toute l 'A.E.F. et 18 624 000¿ pour l'ensemble

des deux mandats français, Cameroun et Togo. Trente ans plus tard, au

moment de l'indépendance, le volume des capitaux investis dans la sous-

région avait sensiblement augmenté mais les inégalités persistaient.

Le Zaïre apparaissait indiscutablement comme le pays le plus avancé

dans la voie de l'industrialisation, sinon du développement. L'industrie,

fondée d'abord sur le secteur minier, connut une diversification accrue

avec l'apparition de branches de consommation de plus en plus dynamiques

à tel point que, dans la dernière décennie de la colonisation, la part

de l'industrie locale dans les biens industriels consommés s'éleva de 30%

(1) Herbert S. Franke1 Capital Investment in Africa. Its Course and Effects. New York, Howard Fertig, 1969 (1ère éd. 1938) pp. 158-9.

(29)

Page 28: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II 7

(1950) à 45% (1958/1960). Les mutations sociales accompagnant cette

phase de l'industrialisation du Zaïre furent spectaculaires. Il y eut

d'abord un exode rural massif, portant la population "extra-coutumière"

(autrement dit celle des grandes et moyennes villes) de 8,8% en 1938 à

14,8% en 1945 et 23% à la veille de l'indépendance, ce taux étant le plus

élevé de l'Afrique noire, Afrique du Sud non comprise. Le capitalisme colo­

nial atteignit au Zaïre un degré de concentration sans précédent puisque,

en 1958 comme en 1932, quatre groupes financiers belges contrôlaient les

3/4 du capital investi, dont 60% revenaient au groupe le plus important,

celui de la Société Générale (1). Encouragés par l'Etat colonial, qui

prêcha par l'exemple, ces firmes eurent une politique sociale audacieuse :

hausse des salaires ouvriers, avantages multiples aux "classes moyennes"

africaines. A tel point que, au sein des catégories ouvrières et intermé­

diaires, la période 1945-1960 apparaît comme "le bon temps", si l'on en

juge du moins par la vision qu'elles en ont aujourd'hui. Par conséquent,

lorsqu'il est question de "développement", certains groupes sociaux l'en­

visagent purement et simplement comme un retour aux tendances et aux pra­

tiques de la dernière décennie coloniale.

Les autres économies de la sous-région répondaient assez exactement â

l'image que donnent du sous-développement les études qui décrivent celui-

ci en terme de dualisme. Le secteur "traditionnel", largement prédominant,

et correspondant à l'agriculture, fournissait pour l'essentiel des biens

de subsistance. Cette situation était particulièrement flagrante dans les

territoires de faible dimension et dans les pays enclavés, tels que le

Burundi, la Centrafrique, la Guinée équatoriale, le Ruanda, Sao Tomé et

Principe, ainsi que le Tchad. Dans ces pays, les pratiques coloniale» ont

poussé les paysans à produire pour les marchés urbains et, surtout pour

les marchés extérieurs. Le café fut, dans presque tous ces pays, le produit

(1) Les trois autres groupes étaient la Cominière (Compagnie Minière et Forestière du Congo), Brufina et le groupe Empain.

(30)

Page 29: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II 8

roi de ces exportations. Les pays côtiers disposaient - et disposent

toujours - d'avantages certains qui ont alors servi à amorcer le proces­

sus d'industrialisation. Le Cameroun figurait en bonne place dans ce

groupe : il disposait déjà d'une agriculture d'exportation dynamique domi­

née par le. café (50% de la valeur de l'ensemble des exportations du pays),

le cacao et les bananes (20% pour les deux réunis) mais fournissait aussi

de nombreux autres produits, bois, coton, caoutchouc, huile et noix de

palme, arachide et tabac (17,6%). Le secteur minier était apparu avec

principalement l'ëtain, le titane et l'or. Quant à l'industrie, elle

reposait principalement sur le complexe électrique et métallurgique d'Edéa

où la société Alucam (Aluminium du Cameroun) transformait en aliminium

de l'alumine envoyée de France : cette industrie naissante dépendait

étroitement du pays colonisateur qui contrôlait la production au plan fi­

nancier (82% des investissements réalisés par la société française Péchi-

ney-Ugine) et technique (fourniture de la matière première). Au Congo et

au Gabon les rares activités industrielles étaient liées aux ports (Pointe-

Noire et Port Gentil) et aux chemins de fer (Congo-Océan et Comilog).

Inégalités entre régions.

Les inégalités actuelles entre régions ont en partie des causes natu­

relles et des causes résultant de choix de politique économique. Mais elles

découlent aussi des modalités de la mise en valeur coloniale, principale­

ment dans les territoires de grandes dimensions. Ainsi, au Tchad, la mise

en valeur se fit dans la partie sud où elle pesa très lourdement sur

les paysans : le nord et le centre en revanche conservaient une écono­

mie traditionnelle fondée sur l'élevage bovin et ovin. Le scénario était

identique au Cameroun avec schématiquement un clivage entre ur "nord"

traditionnel et un "sud" engagé dans l'économie moderne : cependant des

études récentes poussées ont montré l'existence, dans ce sud camerounais,

d'une grande diversité des formations sociales en fonction de l'organisa­

tion antérieure à la colonisation et des formes particulières d'intro-

(31)

Page 30: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II 9

auction des rapports économiques modernes : ainsi il y avait peu de

choses en commun entre la petite paysannerie égalitaire bulu produc­

trice de cacao, les Bassa appauvris par un demi-siècle de colonisation

allemande et française et par l'émigration des jeunes vers les villes,

les planteurs bamiléké immigrés dans la région de Mungo et les populations

douala regroupant une élite marchande et administrative de tradition

ancienne et un prolétariat et sous-prolétariat misérable (1).

On pourrait multiplier à l'envi > ces exemples dont on verra, le mo­

ment venu, l'actualité et la pesanteur pour l'avenir (2). L'essentiel pour

le moment est de noter que ces inégalités économiques se sont accompagnées

de déséquilibres sociaux graves, notamment en matière d'infrastructures

scolaires et que toutes ces disparités ont généré des pratiques et des

revendications régionalistes, tribalistes, ethnicistes susceptibles de

compromettre de fragiles unités nationales. C'est donc à la lumière de

ces inégalités qu'il faut analyser les politiques actuelles de rééquili­

brage régional adoptées par certains Etats.

B. Les contraintes politiques.

Quoique la nature de ce rapport n'ait pas véritablement donné lieu

à des théories satisfaisantes, il est évident que le politique et l'éco­

nomique entretiennent des relations étroites, mais complexes, dans la

phase décisive et plus ou moins durable du décollage. Karl Marx déjà,

dans un chapitre justement célèbre du Capital.a montré à quel point les

lois et mesures promulguées par le gouvernement britannique au cours du

XVIIIe siècle ont très largement contribué à l'avènement du capitalisme

(1) Joseph, Richard Le mouvement nationaliste au Cameroun. Les origines sociales de l'U.P.C. Paris, Karthala, 1986, pp. 141-184.

(2) Voir ci-dessous, II, D.

(32)

Page 31: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II 10

et à l'essor de l'industrie au Royaume-Uni qui a été le premier pays

a s'industrialiser (1). Au siècle dernier, réfléchissant aux conditions

dans lesquelles une nation non encore industrialisée comme l'Allemagne

pourrait rattraper rapidement son retard sur l'Angleterre, l'économiste

Friedrich List insista sur le rôle décisif de l'Etat (2). Les exemples

plus tardifs et aussi divers que ceux de la Russie tsariste, du Japon du

Meiji et de l'URSS - pour s'en tenir aux expériences achevées d'indus­

trialisation - confirment tous la nécessité et le bien-fondé, dans cer­

taines phases, de l'action de l'Etat.

Or c'est précisément dans une phase qui sollicite au premier chef

l'Etat que se trouvent aujourd'hui les pays africains. C'est sans doute

ainsi qu'il faut entendre la phrase célèbre de Kwame Nkrumah aux Ghané­

ens : "Prenez le pouvoir politique, le reste suivra". Seulement, dans le

contexte historique africain, l'Etat avait déjà initié une action de mise

en valeur plus ou moins cohérente et continue sous la colonisation : cette

action, liée à la domination étrangère, avait donné de l'Etat une image

particulièrement autoritaire et arbitraire contre laquelle se sont pré­

cisément insurgés les peuples africains. Dans la mesure où toute politi­

que de développement visant à une efficacité relativement rapide suppose

une mobilisation exceptionnelle des ressources matérielles et humaines,

les Etats africains actuels ont à résoudre le délicat problème de savoir

jusqu'à quel point ils pourraient reprendre des techniques de mobilisa­

tion éprouvég$ sous la colonisation, mais dans une perspective et une

orientation différentes : il ne s'agirait plus d'extorquer des surplus

pour le seul bénéfice des économies des puissances colonisatrices ; on

viserait au contraire, par le développement économique, ot, consolider

l'unité nationale, Cv fonder l'indépendance sur des bases matérielles

(1) Marx, K. Le Capital, Livre premier, Huitième section ("L'accumula­tion primitive"). Paris, Editions sociales, Tome 3, 1950, pp. 153-215.

(2) Schumpeter, Joseph A History of Economie Analysis. New York, Oxford University Press, 1954, pp. 504-506.

(33)

Page 32: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II 11

sûres et à* renforcer l'Etat. Cependant l'Etat n'est pas neutre, tota­

lement détaché des clivages et des conflits qui agitent la société.

Aussi seuls des systèmes démocratiques, fondant d'une manière précise

la participation et le contrôle des citoyens, semblent en mesure d'obte­

nir la mobilisation durable des hommes qui conditionne le développements

Autrement , cette mobilisation semblerait servir d'abord à produire

des richesses captées et détournées au seul profit des groupes sociaux

qui occupent l'appareil d'Etat.

Mais l'inévitable implication du politique dans l'économique, au cours

de la phase actuelle, pose un autre problème : celui de la capacité des

régimes â mener des politiques de développement qui, pour être efficaces,

doivent bénéficier de la durée. C'est tout le problème de l'instabilité

des régimes politiques africains dont certains auteurs ont fait un phéno­

mène de structure (1) alors qu'il s'agit sans doute d'une situation de

conjoncture, liée aux attentes multiples suscitées par la décolonisation,

à la formation des classes sociales, à l'incertitude des équilibres géo­

politiques, à la fragilité des structures nationales, etc.

Dans le cas de l'Afrique centrale, presque tous les pays ont eu à

connaître une instabilité plus ou moins grande, susceptible de compromettre

la mise en oeuvre de politiques de développement (2). Schématiquement, on

peut distinguer quatre cas de figure :

- il y a d'abord des situations de crise chronique dans lesquelles

non seulement les régimes succejsifs mais même l'Etat sont mis en

question, ce qui ne laisse pour ainsi dire aucune place à la défini­

tion et à l'application d'une véritable politique de développement:

tel est le cas du Tchad ;

(1) Voir par exemple Schatzberg, Michael G. Politics and Class in Zaire. Bureaucracy, Business and Beer in Ltsala. New York, Africana Publishing Cy., 1980.

(2) Les limites de cette étude ne permettent pas d'évoquer la question, beaucoup trop complexe, de la stabilité ou de l'instabilité des per­sonnels dirigeants au sein des régimes successifs.

(34)

Page 33: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II 12

- il y a ensuite des Etats qui ont été soumis à des régimes de dic­

tature et d'arbitraire relativement longs au cours desquels les

pouvoirs politiques non seulement n'ont pas développé ni même géré

les économies nationales, mais ont instauré des systèmes prédateurs

dont les effets catastrophiques annihilent les efforts actuels ;

on y rangerait la Centrafrique après la longue dictature de Jean

Bedel Bokassa (1966-1979) et la Guinée équatoriale après celle de

Macias Nguema (1968-1979) ;

- la majorité des Etats de la sous-région se rangent dans la troisième

catégorie : les premières années des indépendances ont été très

difficiles, au point d'instaurer dans certains cas un état de crise

larvée jusqu'aux années 1970, depuis lesquelles une accalmie semble

instaurée (Burundi, Congo, Ruanda, Zaïre) ;

- le dernier groupe (Cameroun, Gabon, Sao Tomé et Principe) correspond

à une situation d'assez durable stabilité (1).

C. Les politiques de développement.

Presque tous les Etats de la sous-région ont des plans de développe­

ment, de durée variable. Mais la réalisation de ces plans, qui sont tous

indicatifs, souffre non seulement des structures de dépendance des écono­

mies nationales, mais aussi de la conjoncture de crise ; à tel point que

ce qui semble le plus opérant, ce sont moins ces plans que les mesures

d'urgence adoptées ici et là et les plans d'ajustement structurel imposés

ou recommandés par les grands organismes financiers internationaux. Plu­

tôt qu'un panorama général de la sous-région, il faut ici un examen ra­

il) Le Cameroun a vécu, sous Ahmadou Ahidjo, dans un régime d'une excep­tionnelle longévité (1960-1982). L'effervescence qui a accompagné sa succession n'a pas remis en cause la stabilité des institutions et de l'Etat.

(35)

Page 34: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II 13

pide de chaque cas particulier.

Le Burundi a aiepté un système de plans quinquennaux qui paraissent

avoir été trop ambitieux et dont les objectifs n'ont jamais été atteints,

notamment faute de moyens financiers appropriés. la. quatrième plan quin­

quennal (1983-1987) prévoit un volume de dépenses de 107 000 M.(l) de

francs burundais, soit deux fois plus que le troisième plan. Mais le

démarrage de ce plan a correspondu avec une grave crise financière : en

1983, le franc burundais fut dévalué de 23% et rattaché, non plus au

dollar des Etats-Unis d'Amérique, mais au D.T.S. du F.M.I.. Le budget

lui-même fut comprimé à 20 000 M. de francs. L'Etat dut donc emprunter

à l'étranger pour financer le plan, ce qui alourdissait d'autant le ser­

vice de la dette extérieure : l'apport extérieur doit être de 56%, le

reste venant des ressources propres du Burundi. Ce quatrième plan met da­

vantage l'accent sur les secteurs productifs : agriculture (22,8% des

dépenses), industrie (18,2%), le secteur énergétique et minier (12,7%) et

les services (14,6%).

La planification fonctionne au Cameroun depuis l'indépendance. A par­

tir du milieu des années 1970, une situation nouvelle existe grâce à la

mise en exploitation du pétrole (0,6 M de tonnes en 1978 ; 9 M T.

en 1985). Cette situation a des effets sur le plan. Ainsi le quatrième

plan quinquennal (1976-1981 )pi* évoyait des investissements de l'ordre de

725 230 M de francs CFA, avec un financement extérieur supérieur à 50%.

Dans le cadre du cinquième P .Q .. (1981-1986), les investissements

prévus se sont élevés à 2 300 000 M de francs CFA : le financement devrait

venirr pour 40% du secteur privé tandis que la moitié des 60% laissés

au secteur public proviendrait des ressources locales. Ce plan prévoyait

aussi un taux de croissance annuelle du P.W.B. de 7%. La part de chaque

secteur d'activité évolue aussi. Dans le quatrième plan, le secteur

industriel et minier recevait 33% des investissements ; les transports, 20%

(1) Principales abréviations : M : millions, T : tonnes ; P.Q. : plan quinquennal.

(36)

Page 35: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II 14

l'agriculture et l'élevage, 1 4% ; le reste se répartissent entre les

divers secteurs sociaux (2% pour la santé ; 5% pour l'éducation ; 12,5%

pour l'aménagement urbain). Dans le cadre du cinquième plan en revanche

l'agriculture et le secteur des transports reçoivent chacun plus de 20%/

Jusqu'à une époque récente les plans ccuirafricains ©nt vu leur réa­

lisation handicapée par plusieurs facteurs. Le régime de Jean Bedel

Bokassa avait adopté trois plans, un quadriennal (1967-1970) et deux

quinquennaux (1971-1975 et 1976-1980). Mais en termes réels, le PNB était

en 1975 inférieur à son niveau de 1970. Parmi les facteurs négatifs, il

y eut les gaspillages propres à ce régime, mais aussi les effets de la

guerre du Tchad (batailles entre groupes tchadiens rivaux dans le nord

de la Centrafrique ; présence de quelque 30 000 réfugiés tchadiens). La

chute de Bokassa en 1979 a entraîné l'abandon du plan dont 17% seulement

des investissements prévus avaient été réalisés en trois ans. En 1980, sur

les recommandations du F.M.I., un plan d'austérité a été adopté en vue

de réduire le déficit budgétaire et de concentrer les investissements

dans le secteur agricole. Le plan quadriennal 1983-1986 porte aussi les

marques visibles des propositions du F.M.I., avec une attention particu­

lière pour l'agriculture et les transports (31 300 M de francs CFA pour

les deux) .

Au Congo, les années 1970 ont été celles du lancement de la production

pétrolière qui n'a pas réalisé tous les espoirs qu'on avait mis en elle.

Le plan quinquennal 1982-1986 était très ambitieux prévoyant un taux de

croissance annuelle de 10% et des investissements de l'ordre de 1 105 000 M

de francs CFA. Le plan prévoyait précisément de réduire la trop grande

dépendance de l'économie à l'égard du pétrole, en utilisant les revenus

pétroliers pour développer les infrastructures (48% des investissements

pour les transports fluviaux et routiers et les barrages) et l'agriculture

(recentrage de la politique agricole autour de "villages centres" équi­

pés de nombreux services et destinés à maintenir dans les villages la

(37)

Page 36: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II 15

population rurale tout en modernisant l'agriculture) ; il s'agissait

aussi de réhabiliter le secteur industriel d'Etat, d'accroître les

investissements sociaux en matière d'éducation et de santé et de réduire

les inégalités régionales. La réalisation du plan s'est trouvée compro­

mise par une mauvaise conjoncture, évidente dès 1984 : baisse des prix

des produits pétroliers, contraction des exportations. Soucieux de ne pas

se soumettre au F.M.I. et à la Banque Mondiale, le Comité Central du Parti

Congolais du Travail a décidé de sa propre initiative en 1985 d'adopter

un P.A.S. (Plan d'ajustement structurel) dont la philosophie et l'écono­

mie générale puisent cependant beaucoup dans la stratégie actuelle de

ces deux organismes. Etalé sur les années 1985-1987 et susceptible d'être

prolongé, le P.A.S. comporte vinot-neuf mesures destinées à comprimer

les dépenses budgétaires, à remettre de l'ordre dans les finances publi­

ques, à réformer le secteur d'Etat, enfin à améliorer la collecte et la

gestion des ressources publiques. Du coup la plupart des projets prévus

dans le plan ont été abandonnés ou reportés, sauf les aménagements fer­

roviaires, la construction de la route du nord et les projets d'électri-

fication.

La situation du Gabon n'est pas sans évoquer celle du Congo, à ceci

près que les ressources pétrolières, elles aussi d'exploitation récente,

sont plus abondantes et, surtout, que le pays peut compter en outre sur

le manganèse et l'uranium. A examiner l'évolution des plans de développe­

ment, on constate une ambition de plus en plus grande et la mobilisation

de ressources financières croissantes : 90 000 M de francs CFA pour le

premier P.Q. (1966-1970) ; 150 000 M pour le second (1971-1975) ; 1 269 00C

enfin pour le troisième (1976-1980). Les secteurs privilégiés ont été les

mêmes d'un plan à l'autre : transports ferroviaires, portuaires et rou­

tiers (un tiers des investissements du troisième plan) et les infrastruc­

tures sociales (éducation, logement et santé : 18% des investissements du

plan 1976-1980). Comme au Congo, les risques d'une trop grande dépendance

à l'égard du pétrole sont perçus et régulièrement réaffirmés. Le plan

(38)

Page 37: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II 16

intérimaire de trois ans (1980-1982, 879 000 M de francs CFA d'investis­

sements) et le plan 1984-1988 (1 230 000 M de francs CFA d'investissements)

visent à atténuer ces risques : si les transports restent privilégiés

(50% des investissements, destinés en particulier au Transgabonais), une

attention beaucoup plus grande est accordée au monde rural (20% des in­

vestissements) tandis que l'éducation et les services sociaux continuent

de recevoir la même part (17%).

Le Ruanda n'est venu que tardivement au système de la planification ¿

Le premier plan date seulement de 1977. Sur la période 1977-1981, l'ambi­

tion était d'investir 600 M de dollars U.S., dont 70% dev aient être

fournis par des Etats et des institutions financières du Nord (Belgique,

France, République Fédérale d'Allemagne) et du Sud (Egypte, Libye, Répu­

blique Populaire de Chine). Les pays voisins ont aussi été sollicités :

ainsi dans le cadre de la CEPGL, une banque de développement a vu le jour

en 1980, avec son siège à Goma, dans l'est du Zaïre. Le principal objectif

du plan était la construction du barrage de Kitimba, destiné à rendre

le Ruanda entièrement indépendant du Zaïre pour l'électricité. Le troisiè­

me plan (1982-1986) vise principalement à assurer l'autosuffisance ali­

mentaire grâce à un accroissement annuel de 3,3% de la production agri­

cole : compte tenu de la très forte croissance démographique (3% par an

dans les prévisions pour 1982-1986), un effort est prévu dans le secteur

industriel aux fins d'étendre la transformation des produits primaires

locaux. Malheureusement, en 1984, la sécheresse a compromis les récoltes

et acculé le pays à importer des vivres à des coûts excessifs (difficul­

tés des transports et insécurité en Ouganda). Un programme baptisé

"Rigueur et austérité" a donc été adopté en avril 1984 et maintenu en

1985 et sans doute pour les années ultérieures : la priorité est donnée

aux seuls projets qui touchent à l'agriculture, à l'eau, à l'énergie

et aux infrastructures.

Au Tchad, les plans successifs ont su être modestes et sélectifs. Dès

le premier P.Q. (1966-1970, doté de 47 000 M de francs CFA), l'accent

(39)

Page 38: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II 17

avait été mis sur troisàecteurs : la diversification et l'augmentation,

grâce à des gains de productivité, de la production agricole ; l'améliora­

tion du système de transports ; - le développement des ressources humaines.

Il était précisé qu'on éviterait absolument le saupoudrage : le dévelop­

pement industriel et éducatif serait concentré à N'Djamena, Sarh et Moun-

dou, tandis que l'effort agricole se limiterait à un petit nombre de

régions et de produits (coton, sucre et bétail). Ces orientations ont été

maintenues depuis. Mais le Tchad a toujours souffert du manque de res­

sources financières qui l'a poussé à compter beaucoup trop sur l'aide

extérieure (70% pour le premier plan ; 75% aujourd'hui). On adopta ensuite

un plan de dix ans, abandonné en 1978 et remplacé par un plan d'urgence

(1978-1981). Doté d'un budget d'investissement de 226 800 M de francs CFA,

dont 75% à trouver à l'étranger, ce plan n'a pu être réalisé faute de

moyens financiers. Depuis 19£2 Un plan de reconstruction est en cours

qui privilégie l'agriculture, les transports, la santé, d'éducation et

l'administration. Mais nulle part ailleurs l'économique ne révèle autant

ses rapports multiples et complexes avec le politique qu'au Tchad, où

toutes les perspectives de développement sont soumises au règlement

des enjeux politiques et militaires en cours.

S'ils n'ont pas élaboré de plan, les trois autres Etats de la sous-

région ont une politique économique plus ou moins ambitieuse et cohérente.

Depuis 1979, date du renversement du dictateur Macias Nguema en Guinée

Equatoriale, plusieurs programmes de développement sont en oeuvre, qui

s'appuient tous massivement sur l'aide étrangère, surtout depuis la con­

férence internationale pour l'aide à la Guinée réunie à Genève en avril

1982 : une aide d'urgence de 140 M de dollars U.S. y a été décidée tandis

que des projets très spécifiques reçoivent des aides diverses (France,

CEE, République Populaire de Chine, Espagne, etc...). L'aide étrangère

apparaît encore plus décisive à Sao Tomé et Principe qui bénéficie des

apports dé la CEE, de la BADEA (Banque Arabe pour le Développement Eco­

nomique de l'Afrique) et de plusieurs Etats africains (Angola, Libye)

ou non (URSS, Portugal, France). Comme la Guinée Equatoriale qui a obtenu

(40)

Page 39: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II 18

d'y., entrer en 1985, Sao Tomé et Principe est le deuxième Etat non

francophone à demander l'adhésion à la zone franc.

Le cas du Zaïre est naturellement différent, compte tenu de l'immen­

sité du pays, de ses ressources, du niveau déjà atteint dans la mise en

valeur de celles-ci. Il existe un service du plan, au statut variable,

parfois simple organisme relevant de la Présidence de la République, par­

fois véritable ministère. Ce service a néanmoins affirmé à plusieurs re­

prises la philosophie économique du régime instauré en 1965 (développe­

ment dans le cadre d'une économie mixte) et défini de bonne date trois

secteurs prioritaires (l'agriculture, élevée au rang de "priorité des

priorités" dès 1977 ; les transports ; et les petites et moyennes entre­

prises). Il y eut ensuite un programme de relance agricole (1978-1980)

destiné à réaliser 1'autosuffisance alimentaire et à améliorer les condi­

tions de vie des populations rurales. A la mime époque (1977) on élabora

un plan de redressement économique qui comptait sur une importante aide

étrangère car le Zaïre avait souffert depuis 1975 environ de la chute dra­

matique des cours du cuivre, sa principale exportation, et des retombées

des guerres de l'indépendance en Angola. Ce plan reçut bientôt le nom de

"Plan Mobutu". Mais les bailleurs de fonds sollicités (Banque Mondiale,

CEE et FMI principalement) posèrent de sévères conditions à l'octroi de

leur aide, tant au plan politique (amnistie et démocratisation) que dans

le domaine économique (stricte remise en ordre de la gestion de l'Etat ;

contrôle étroit de nombreux services stratégiques par des experts étran­

gers ; stabilisation économique et financière). A ces conditions, ils ont

octroyé un crédit de 1455 M de zaïres, soit 30% des investissements pro­

grammés dans le cadre du "plan Mobutu" et destinés à quatre secteurs

clés (agriculture, transports, mines et énergie). Il est trop tôt pour

juger de la réalisation de ce plan auquel aucun terme précis n'a d'ail­

leurs été fixé. Une chose est certaine : de grands projets ont vu le

jour et ont été menés à bien comme, en particulier, l'aménagement hydro­

électrique du site d'Inga et la construction de la ligne à haute tension

Ingcc-Shaba (1820 km) ; l'érection à Kinshasa de la "cité de la voix du

(41)

Page 40: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II 19

Zaïre" et du "World Trade Center" et à Kisangani d'un luxueux aéroport ;

ou encore la construction à Maluku d'une coûteuse usine sidérurgique

(250 millions de dolías US) qui ne fonctionne plus ... Si, en termes

économiques le bien fondé de ces projets et de ces réalisations est

discuté, en termes politiques leur résultat est indiscutable puisqu'ils

ont consolidé et renforcé la classe dirigeante non seulement dans ses

relations avec le reste de la société zaïroise, mais aussi et surtout

dans son pouvoir et sa capacité de négociation avec les sociétés multi­

nationales, les partenaires étrangers et les organismes internationaux.

D. Bilan actuel des économies.

Le Zaïre n'est qu'un cas, peut-être le plus spectaculaire,, parmi

d'autres. Il ne faut donc pas, en examinant les résultats des stratégies

de développement, s'en tenir à la seule sphère de l'économie. Et cela

surtout quand on se rend compte que dans cette sphère les résultats pa­

raissent bien maigres.

Certes, dans les quinze dernières années, la sous-région a enregistré

des transformations positives indiscutables. Elles touchent d'abord à

l'économie. Il s'agit, pour l'essentiel, de l'apparition d'un secteur mi­

nier et, en particulier, pétrolier dans certains pays dont l'économie

jusqu'alors reposait sur l'agriculture : il faut ranger dans ce groupe

le Congo et le Gabon, précédemment exportateurs de bois essentiellement,

et le Cameroun dont l'économie agricole reposait sur un judicieux équi­

libre entre cultures vivrières et cultures d'exportation . L'exploitation

du pétrole a donné aux pouvoirs publics des moyens financiers plus im­

portants et, par conséquent, des ambitions plus grandes, dont l'examen

des plans de développement a donné un exemple ; quoique cette donnée quan­

titative ne soit pas très significative, le PNB par habitant s'en est

trouvé sensiblement accru, atteignant en 1983 4 250 dollarsU.S. au Gabon

(42)

Page 41: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II 20

(2e pays africain derrière la Libye), l 230 au Congo et 800 au Cameroun.

Dans le domaine social, les changements ne sont pas moindres et ouvrent

des perspectives multiples quant à l'avenir. Il s'agit d'abord de l'accé­

lération de la croissance urbaine (voir Tableau III, page suivante). Ce

phénomène est bien sûr général en Afrique, où la proportion des citadins

est passé ?-de 16,3% en 1963 à 27,4% en 1980 pour atteindre probablement

40 à 45% en 2000 (1): cela donne des taux de croissance annuelle de 5,3%

pour les années 1960-1970 ; 5,2% pour la décennie 1970 ; 5,3% pour les

années 1980 ; 4,6 à 5% pour les années 1990. Ces tendances générales sont

particulièrement accentuées en Afrique centrale, devenue la deuxième sous-

région urbanisée de l'Afrique avec 34,5% de population citadine au début

des années 1980, juste derrière l'Afrique du Vord (43%), mais assez loin

devant l'Afrique occidentale (22,3%), orientale (22,6%) et australe

(22,4%). Ces chiffres sont à mettre en rapport avec les transformations

des structures socio-professionnelles (voir Tableau III, page suivante).

On constate une diminution réelle de la population paysanne qui atteignait

en moyenne 80 à 90% au début des années 1960 : cette chute est même dra­

matique dans certains pays (Congo et Sao Tomé et Principe, mais aussi

Gabon, Zaïre), car il faut bien tenir compte de ce qu'elle n'est pas

compensée par des hausses de productivité. Parallèlement, l'augmentation,

parfois spectaculaire (Congo, Sao Tomé et Principe, Zaïre et Gabon) du

secteur tertiaire atteste du poids considérable de la fonction publique,

lié au nécessaire développement de l'Etat, mais aussi au système de

clientèle. Il est remarquable, en revanche, que le secteur secondaire

soit partout aussi faible : encore faut-il ajouter que, là où il atteint

une proportion significative, il comprend les travailleurs du secteur

énergétique et minier plutôt que ceux de l'industrie de transformation.

(1) 25 Years of Service to African Development and Integration. United Nations, s.d., p. 23.

(43)

Page 42: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II 21

TABLEAU III : Indicateurs des changements sociaux (année de référence

1985 sauf indication contraire)

BURUNDI

CAMEROUN

CENTRAFRIQUE

CONGO

GABON

GUINEE EQUATORIALE

RUANDA

SAO TOME et PRINCIPE

TCHAD

ZAIRE

Citations

%

11

37

37

46

36

54

5

33

19

38

Population Active

en 1000

2.480

3.635

487 (1975)

380 (1975

2.700 (1978)

30

13.000 (1975)

% Pop.

50,6

36,5

47

50

55

35

40

Réparti

I

93,75

77

80

41

70

91

53

72

on par

II

1,5

9

21

15

5

12

10

secteur d'activité

1 m (1)

1

4

III (2)

3,8

10

33

15

1 3

35

18

Sources. ILO Labour Force Estimates and Projections, 1950-2000

Africa South Of The Sahara Londres, Europa Ltd, 1987

Légende : I = agriculture, élevage, forêt et pêche.

II = industrie, énergie et mines

III (1) = commerce, notamment traditionnel

III (2) = administration et services

(44)

Page 43: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II 22

Ces indications laissent entrevoir un certain nombre de contreperfor-

mances et de blocages plus ou moins graves. Il est clair d'abord que la

mutation fondamentale, qui consiste à briser les structures de dépendance

issues de la colonisation, n'a pas encore eu lieu. On peut même, sans para­

doxe, considérer que cette dépendance se renforce. Aujourd'hui comme hier,

les économiebd'Afrique centrale sont essentiellement exportatrices de ma­

tières premières en direction des Etats développés. De la même manière, un

très petit nombre de produits représente la quasi-totalité des exporta­

tions (voir Tableau IV page suivante). Le cas des pays miniers est même

catastrophique : ainsi au Congo et au Gabon, comme au Zaïre, les quinze

ou vingt dernières années se caractérisent par une diminution dramatique

de la production agricole, ce qui implique des importations massives de

produits vivriers. Ainsi le Gabon importe 85% de sa consommation courante

et le Zaïre, naguère exportateur de produits agricoles, importe pour 17%

des produits alimentaires.

Si l'agriculture s'effondre, l'industrie a beaucoup de mal à démarrer.

Dans beaucoup de pays, elle est à peu près inexistante : c'est le cas du

Burundi, de la Centrafrique, de la Guinée equatoriale, du Ruanda, de Sao

Tomé et Principe et du Tchad. Ailleurs, l'industrie est présente mais elle

n'est pas intégrée. Le plus souvent il s'agit de procéder à une première

transformation des produits locaux. L'industrie textile et les brasseries

constituent une tradition relativement ancienne au Zaïre, plus récente

au Congo et au Cameroun. Le processus d'industrialisation par substitution

aux importations, qui avait été amorcé pendant les années I960 et 1970,

s'est trouvé compromis par la conjoncture actuelle et par* les différentes

politiques d'ajustement, de rigueur ou de stabilisation.

La dette extérieure représente un autre élément de fragilité et un as­

pect important de la dépendance. L'endettement extérieur du Zaïre (4500 M

de dollars U.S.) est l'un des plus élevés du continent. Mais les proportions

atteintes au Cameroun (2400 M de dollars U.S. en 1985, contre 820 M en 1977)

et au Congo (1800 M de dollars U.S.) ne sont pas moins inquiétantes : au

Cameroun, grâce aux revenus pétroliers, dont on mesure désormais la fragilit

le service de la dette ne repré-

(45)

Page 44: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II 23

TABLEAU IV : Principaux produits d'exportation

BURUNDI

CAMEROUN

CENTRAFRIQUE

CONGO

GABON

GUINEE EQUATORIALE

RUANDA

SÀO TOME et PRINCIPE

TCHAD

ZAIRE

Produits bruts

Café

Cacao, café, banane

Pétrole

Café

Bois

Diamant

Bois

Pétrole

Bois

Pétrole

Manganèse

Cacao

Café

Cacao

Coton

Minerais. (dont cuivre)

Produits industriels

Café et oléagineux

Part dans les exportations (%) 1984

84

43

38

27

29.

25

4,5

90

8

81

5

71

70 à 90

90

75 (42)

15

7

Sources : U.N. Trade Statistics (annuel)

Africa South of the Sahara 1987 Londres, Europa Publications LTD, 1987

(46)

Page 45: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II 24

sente que 10% des recettes extérieures du pays. Mais au Congo

il correspond à 36% des dépenses budgétaires tandis qu'au Gabon il

représente 38% de la production nationale (1).

Quant à l'équilibre de la sous-région, on constate de très fortes

disparités. D'une part, au plan des échanges, chacun des Etats est en

relations principalement avec les pays développés : ainsi le commerce

sous-régional inter-Etats est à peu près nul. A l'intérieur de chaque

Etat, les disparités régionales restent très fortes et s'observent à

travers tous les indicateurs (taux d'urbanisation ; infrastructures sco­

laires, culturelles et hospitalières ; investissements ; structures

des activités et de la production) (2). Entre les Etats enfin, les dé­

séquilibres sont flagrants puisque un Etat sur deux, dans la sous-région^

figure parmi ce qu'il est convenu d'appeler les pays les moins avancés

(P.M.A.).

(1) Chiffres de 1984.

(2) Voir l'étude stimulante de Tiker-Tiker "Inégal développement des régions zaïroises. Essai d'une analyse de la dimension d'intégra­tion économique au Zaïre", Cahiers Economiques et Sociaux (Université de Kinshasa), XX (1982), 1-2, pp. 71-119.

(47)

Page 46: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II 25

TABLEAU V - Les P.M.A. d'Afrique Centrale

(Année de référence 1980, sauf indications contraires)

Population (millions)

Densité (hab./km2)

Croissance annuelle moyenne (1970-1980) population

Paysannerie (% de la population active)

PIB/habitant ($)

Croissance annuelle du PIB

1960-1970

1970-1980

Consommation d'énergie (kg/hab)

Médecins par 100 000 h.

Inscrits dans le secondaire (% de la classe d'âge)

BURUNDI

4,4

157

2,1%

95

146

- 1,6%

1,2%

12

2

3

CENTRAFRIQUE

C\J

3

2,2%

88

248

- 0,9%

- 1,2%

44

5,7

9

1

GUINEE E.

0,37

13,2

2,2

400

RUANDA

4,7

177

2,9%

95

188

1,5%

1,1%

17

2,7

2

TCHAD

4,4

3

2,2

84

188

- 1,4% 1

' - 1,1% i

22

2,4

1

3 !

Source : Afrique Contemporaine n° 119, janvier-février 1982, p. 2

et L'Etat du Monde 1982, Paris, François Maspero, 1982

Note : Faute de chiffres fiables, la situation de la Guinée Equatoriale peut prêter à discussion.

(48)

Page 47: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II 26

E. Des perspectives plutôt bonnes.

Malgré ces déséquilibres et dans le cadre d'une réflexion tournée

vers l'action, les perspectives à moyen terme sont plutôt bonnes en ce qui

concerne l'Afrique centrale. Les atouts, nombreux, sont de structure et

attendent d'être exploités et maîtrisés ; les handicaps, au contraire,

sont" »>ëut-être de conjoncture.

E.1. Les atouts.

Il y a plus de quarante ans, J.P. Harroy écrivait un beau livre,

Afrique terre qui meurt, qui élevait des mises en garde contre les risques

de dégradation du milieu naturel. Le spectacle qu'offrent aujourd'hui des

régions aussi différentes que le Sahel, les hautes terres d'Afrique orien­

tale et, particulièrement, de Tanzanie, les pays riverains du Kalahari,

confirme tout le bien-fondé de ce cri d'alarme. De ce point de vue, l'Afri­

que centrale paraît plutôt privilégiée. Certes deux pays sont à problèmes.

Le Tchad, en tant que pays sahélien, participe de tous les risques éco­

logiques - sécheresses, désertification - qui menacent cette partie de

l'Afrique. Quant au Ruanda, il connaît depuis un siècle des crises de sub­

sistance périodiques, provoquées par des sécheresses localisées, dont

celle de 1984 a été le dernier exemple. Cependant, en dehors de ces deux

cas, la nature est plutôt généreuse en Afrique centrale. L'eau d'abord

se donne en abondance, tant pour les activités agricoles que pour la

pêche. Malgré une exploitation intensive en certains endroits, la forêt

est massivement présente au Congo, au Gabon, au Zaïre et dans une partie

du Cameroun et de la Centrafrique. Les sols sont de valeur inégale, sou­

vent fragiles, tandis que la faune a beaucoup souffert des pillages de la

fin du XlXe siècle et de la liberté excessive laissée à une chasse préda­

trice dans les trois premiers lustres de l'indépendance. En définitive la

chance immense de l'Afrique centrale et l'un de ses grands atouts est

(49)

Page 48: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II 27

de disposer de milieux naturels relativement préservés.

Quant au sous-sol, les tendances observables depuis les années 1970

montrent que les ressources sont nombreuses et encore fort mal connues.

Cette situation résulte en partie de la période coloniale car si les

Belges ont commencé à prospecter certaines parties du Zaïre dès les an­

nées 1890, il a fallu attendre la fin de la deuxième guerre mondiale pour

voir des recherches sérieuses dans certains territoires français (Cameroun,

et surtout Congo et Gabon) . La situation actuelle permet de distinguer

schématiquement trois cas :

1) Le Zaïre où l'exploitation du sous-sol a commencé vers 1910 au

Shaba et au Kasai alors que des prospections systématiques res­

tent à faire ailleurs, en particulier en zone forestière ;

2) les pays où des recherches récentes ont révélé des ressources, essen

tiellemant dans le domaine pétrolier, mais où d'autres richesses

pourraient être misesAtt jour : tel est le. cas du Cameroun et du

Congo pour le pétrole et celui du Gabon où, en plus du pétrole,

des gisements importants de manganèse, uranium et fer ont été

trouvés ;

3) les autres pays, c'est-à-dire la majorité des Etats de la sous-

région, souvent gênés par leur position géographique où presque

tout le travail de prospection reste à entreprendre.

E.2. Les handicaps.

L'Afrique centrale souffre d'abord d'une faiblesse chronique du peu­

plement (voir Tableau II). La rareté du capital humain devient catastro­

phique dans un Etat tel que le Gabon et représente un obstacle sérieux

à l'exploitation de ressources par ailleurs considérables. Pour tous les

pays, en termes quantitatifs, le marché intérieur potentiel semble insuf­

fisant pour soutenir un effort d'industrialisation autocentrée. Les pré­

visions pour l'avenir laissent d'ailleurs perplexe, puisque la crois­

sance démographique de l'Afrique centrale, qui était déjà relativement

(50)

Page 49: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II 28

faible jusqu'à ce jour, semble appelée à un niveau inférieur à la

moyenne du continent et par rapport à toutes les autres sous-régions

(voir Tableau VI).

Tableau VI : Taux de croissance annuelle de la population africaine

(1960-2000)

1960/ 1965/ 1970/ 1975/ 1980/ 1985/ 1990/ 1995/ 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000

Afrique du (Jord 2.8 2.9 3.0 3.1 3.1 2.9 2.8 2.6

Afrique de l'ouest 2.5 2.5 2.8 2.9 2.7 2.8 2.7 2.7

Afrique centrale 1.5 1.7 2.1 2.3 2.3 2.5 2.5 2.5

Afrique de 1' fest 2 < 4 2 # 6 2 . 7 3.1 3.0 2.8 2.8 2.8

Afrique australe 2»° 2'1 2»4 2»6 2«9 2«9 2«7 2«5

Ensemble des pays membres 2 # ¿ ¿. 4 2.<ô 2.Ù 2.3 ¿.ts 2.7 ¿.b de la C E A

Note : par Afr ique , il faut entendre les Etats indépendants , m e m ­

bres de l ' O . N . U . et de la C E . A . (Commission Economique pour

l 'Afr ique ) .

Source : 25 Years of Service to African Development and Integration United Nat ions , s . d . , p . 2 2 .

Du coup , si la population de la sous-région est appelée à augmenter ,

la part de l 'Afrique centrale dans l 'ensemble du continent devrait stagner

dans les quinze prochaines années (voir Tableau V I I ) .

(51)

Page 50: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II 29

Tableau VII : La population de l'Afrique centrale dans

le contexte africain (1960-2000)

1960 1970 1980 1985 1990 1995 2000

Afrique du ftford 6 4 5 4 5 8 2 5 6 2 1 0 8 6 9 3 1 2 5 4 7 1 1 4 4 0 0 8 1 6 4 5 4 5 1 8 6 2 5 6

(25.5) (25.4) (25.0) [24.8) (24.5) (24.1) (23.6)

Afrique de l'aiest 7 9 *» 1 0 5 1 5 6 1 4 2 7 7 2 1 6 7 4 5 3 1 9 5 8 6 1 23° 9 2 0 * 9 3 3 1

(31.5) (32.3) (32.9) (33.2) (33.3) (33.8) (34.1)

29 746 35 969 46 018 52 629 60 354 69 251 79 312 Afrique centrale ( n # 8 ) ( u # 0 ) ( 1 0 # 6 ) { 1 0 # 4 ) ( 1 0 # 3 ) ( 1 0 > 1 ) { 1 0 > 0 )

Afrique de l'Est 77 149 99 809 133 917 157 008 183 715 214 737 249 992 (30.5) (30.6) (30.9) (31.0) (31.3) (31.4) (31.7)

/ 1 739 2 121 2 70S 3 113 3 578 4 093 4 635 Afrique australe ^ ( Q > 7 ) {Q^ ( Q > 6 ) ( Q > 6 ) ( Q # 6 ) {Q^

_ , , j _,_ . 253 063 325 617 434 105 505 674 587 516 683 546 789 526 Ensemble des Etats membres de la CEA. (100'0) (100-0) (100-0) (100-0) ll00'0) (1°°-0) (100*0)

Source : 25 Years of Service to African Development and Integration. United Nations, s.d., p. 22. Chiffres en 1000 (et en % de la population africaine).

L'autre série de handicaps ne concerne pas la sous-région, mais cer­

tains Etats victimes de leur enclavement. C'est le cas évidemment du Bu­

rundi, de la Centrafrique, du Ruanda et du Tchad. Pour ne prendre qu'un

exemple, celui du Burundi, il faut se rappeler que les ports les plus

proches sont à 1400 km sur les rives de l'océan Indien (Dar es Salaam) et

à 2 000 km du côté de l'Atlantique (Matadi). Rares sont les produits in­

dustriels qui pourraient, fabriqués au Burundi, supporter des coûts de

transports aussi élevés sans que cela nuise à leur compétitivité. Dans

l'autre sens, toutes les importations se trouvent renchéries sensiblement

du fait des distances. Le Zaïre lui-même, dont la façade maritime est si

étroite , partage beaucoup de ces handicaps.

Une véritable intégration, à l'échelle de la sous-région, apparaît

comme la condition nécessaire à la suppression de ces obstacles.

(52)

Page 51: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill

Communication, culture, éducation, science et technologie

performances et défaillances

(53)

Page 52: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 2

Les domaines de compétence de l'Unesco, qui font l'objet du présent

chapitre sont traités avec une attention particulière dans chacun des

Etats de l'Afrique centrale, comme dans le reste du continent, et cela

pour deux raisons au moins. D'une part, dans ces pays neufs où l'Etat a

été privé de légitimité pendant la colonisation et où il doit établir

et affirmer sa propre légitimité, ils constituent soit l'une des condi­

tions de l'existence de l'Etat, soit l'une de ses manifestations les plus

visibles. D'autre part ces secteurs donnent lieu soit à une attente,

souvent impatiente, de la part de la société civile (en particulier l'édu­

cation), soit à des espérances confuses, comme étant susceptibles de

promouvoir le développement (notamment la science et la technologie), soit

enfin à une prise en charge directe ou détournée exprimant une volonté,

d'autonomie face à l'Etat (ainsi la communication et la culture).

Indiquons que dans ces domaines, où les données chiffrées seraient

si nécessaires, celles-ci font souvent cruellement défaut : quand elles

existent, leur fiabilité est plus que douteuse.

J'examinerai les secteurs qui relèvent du domaine de compétence de

l'Unesco dans l'ordre suivant :

A. La science et la technologie

B. L'éducation

C. La communication

D. La culture

(54)

Page 53: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 3

A. La science et la technologie

On ne s'attardera pas ici sur l'opinion, largement répandue dans

les milieux politiques africains et du Tiers-Monde, parmi leurs élites in­

tellectuelles et parmi les spécialistes de tous ordres (universitaires,

développeurs, experts internationaux...)» selon laquelle la recherche

scientifique et le progrès technologique sont l'une des conditions néces­

saires du développement économique et social (1). Un accord certain existe

autour de quelques constats et principes :

1) le transfert pur et simple des connaissances scientifiques et des

acquis technologiques est difficile, voire impossible pour cer­

tains et inutile pour d'autres ;

2) il est nécessaire, pour les pays en développement, de créer une

recherche scientifique et technique spécifique et, peut-être, com­

plètement neuve (2) .

Pour être efficace, cette nouvelle politique de la science et de la

technologie doit s'appuyer sur une conception très claire et des choix

précis en matière de développement, ce qui - du moins dans la sous-région -

est rarement le cas. Mais elle doit aussi, elle peut encore tirer un grand

parti de tout l'héritage colonial qui est loin d'être aussi négatif qu'on

l'a souvent cru.

A.1. Un bilan nécessaire : la recherche coloniale

D'une certaine manière, la colonisation a eu, en son temps, à affronter

le problème que les Etats actuels ont à résoudre : quelle recherche scienti-

(1) Voir notamment les Actes, dont la publication est annoncée, du "Pre­mier Congrès des Hommes de Sciences en Afrique", réuni à Brazzaville en janvier 1987.

(2) Chatelin, Yvon "La science et le développement. L'histoire peut-être recommencée ?" Tiers-Monde, XXVII, n°105 (janvier-mars 1986), pp. 5-24.

(55)

Page 54: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 4

fique et quelles technologies pour quel développement ? Dans le cas de

l'Afrique centrale, elle s'en est plutôt assez bien tirée, ce qui n'est

pas sans conséquences sur les orientations actuelles des Etats de la sous-

région dans ce domaine. Or, en matière de recherche, la colonisation a pri­

vilégié ses préoccupations économiques. Certes, à la fin du siècle dernier

et au début du XXe siècle, certaines recherches - en particulier celles qui

concernaient la trypanosomiase - ont été motivées, du côté des Etats, par

des considérations humanitaires ou, du côté des savants, par le simple ap­

pétit de connaissances scientifiques. Mais lorsque, à partir de 1920 en­

viron, les recherches s'intensifièrent, ce fut très précisément en rapport

avec des calculs économiques. Il s'agissait d'abord, dans le cadre de la

division internationale du travail spécifique au colonialisme, de pros­

pecter les ressources diverses, surtout minières, des territoires dominés

et de rechercher les meilleurs moyens de les mettre en valeur. Il s'agis­

sait aussi, dès lors qu'on s'est rendu compte du faible peuplement de la

sous-région, de préserver autant que possible la force de travail : d'où

les recherches très poussées en matière de maladies tropicales.

La colonisation belge (au Zaïre et, dans une moindre mesure, au

purundi et au Ruanda) a été, aussi bien dans la conception que dans l'exé­

cution de la politique scientifique, à la fois efficace et exemplaire.

Elle a ouvert à peu près tous les domaines sur lesquels s'appuie une éco­

nomie soucieuse de performance : agronomie ; géologie et mines ; géodésie,

géophysique et hydrologie ; médecine ; protection de la nature dans le

cadre de parcs nationaux ; économie et conjoncture. Les institutions de

recherche créées à cette époque sont encore, sous des noms divers, en ac­

tivité aujourd'hui ; en revanche les structures les plus volontaristes

et les plus performantes, telles que l'I.R.S.A.C. (Institut pour la re­

cherche scientifique en Afrique centrale, établi en 1947) et 1'I.N.U.T.O.M.

(Institut universitaire des territoires d'outre-mer, établi en 1949),

n'ont pas encore trouvé leur équivalent dans le Zaïre d'aujourd'hui. Il

est certain que la croissance économique spectaculaire du Zaïre à l'épo­

que coloniale n'est pas sans rapport avec les succès de cette politique

(56)

Page 55: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 5

scientifique : c'est la raison pour laquelle nous avons reproduit, malgré

son caractère éminemment apologétique et triomphaliste, la description

de cette politique et de ses effets faite par les colonisateurs eux-

mêmes (1).

Quant à la partie française de la sous-région (Cameroun, Centrafrique,

Congo, Gabon et Tchad) la recherche y a été moins systématique, moins

exhaustive, plus tardive et plus incohérente. Plusieurs institutions ont

cependant vu le jour qui continuent de fonctionner sous les mêmes noms

ou sous des appellations différentes (2) :

- Institut Pasteur établi dès 1908 à Brazzaville : des filiales ont

été créées plus tard dans les autres capitales ;

- Institut d'Etudes Centrafricaines, fondé en 1946 et établi à Brazza­

ville dans une orientation franchement pluridisciplinaire (entomolo­

gie médicale ; botanique et biologie végétale ; géophysique ; pédolo­

gie : océanographie pour ce qui est des "sciences exactes" ; géogra­

phie, sociologie et psychologie sociale, ethnologie musicale et pré­

histoire dans le domaine des "sciences humaines") ;

- Institut de recherches pour les huiles et oléagineux ;

- Institut de recherches du coton et des textiles exotiques ;

- Syndicat d'Etudes et de Recherches Pétrolières en A.E.F., fondé

dès 1934 ;

- Enfin des centres de recherches rattachés à l'O.R.S.T.O.M. (Office

de la Recherche Scientifique et Technique d.'Outre-Mer) ;

A.2. La politique scientifique et technologique : lenteurs, hésitations

et incohérences.

Ces trois mots (lenteurs, hésitations et incohérences) caractérisent

(1) Voir ci-dessus Annexe I.

(2) Guernier, Eugène (éd.) Afrique Equatoriale Française. Paris, Encyclo­pédie Coloniale et Maritime, 1950, pp. 227-230 et 245-256.

(57)

Page 56: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 6

bien la politique menée par les Etats de la sous-région dans les domaines

de la science et de la technologie. En plus de leur héritage propre, ceux-

ci ont voulu tenir compte des recommandations émises à plusieurs reprises

par des conférences panafricaines ad hoc auxquelles leurs représentants

ont participé :

- Conférence de Lagos, convoquée par l'Unesco et la Commission Econo­

mique pour l'Afrique en 1964, qui a recommandé aux Etats de con­

vaincre 60% des étudiants universitaires d'opter pour les sciences,

et d'allouer 0,5% des budgets nationaux aux activités de recherche

scientifique, les quatre cinquièmes devant aller à la recherche ap­

pliquée et orientée, en vue d'inventorier et développer les ressour­

ces naturelles ;

- Colloque de Yaounde (1967), envore convoqué par l'Unesco, sur la

politique scientifique et l'administration de la recherche, qui a

en substance répété les mêmes recommandations ;

- Symposium de Dakar (organisé par l'OUA en 1968) sur les pharmacopées

traditionnelles et les plantes médicinales africaines, dont les con­

clusions ont été reprises lors de la première réunion du Comité

interafricain pour l'étude des plantes médicinales et la pharmacopée

traditionnelle (Lagos, 1972) ;

- Conference de Lagos, dont Je "Plan d'action" accorde une grande at­

tention à la science et à ia technologie (1) ;

- Enfin Conférence de Yamoussoukro (octobre 1983) qui recommanda de

privilégier les recherches en rapport avec le monde rural et la for­

mation des personnels.

Le caractère répétitif de ces recommandations ne doit pas surprendre. Il

indique à la fois la permanence d'un problème et les difficultés qu'éprouven

(1) Voir Plan d'Action de Lagos pour le développement économique de l'Afri­que 1980-2000; Organisation de l'Unité Africaine, édité par l'Institut International d'études sociales (Genève), '981, pp, 47-76.

(58)

Page 57: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 7

les Etats à le résoudre. Ces difficultés sont communes à l'ensemble des

pays africains, voire au Tiers-Monde : difficultés de financement dans le

cadre des Etats actuels ; ampleur et diversité des exigences toutes aussi

urgentes ; complexité des problèmes de la recherche qui touchent aussi à

la politique de l'enseignement (formation des personnels), à la politique

de la communication (développement d'une information scientifique et tech­

nique digne de ce nom) et à la politique de coopération tant au niveau

sous-régional que régional et international. Quatre cas nous paraissent

tout à fait significatif des efforts consentis et des difficultés ren­

contrées :

a - Le cas du Cameroun

Une première organisation de la recherche a eu lieu en 1965, qui lais­

sait la part belle aux intitutions étrangères. En 1974, l'ONAREST (Office

National de la Recherche Scientifique et Technique) comptait neuf instituts

1) Institut des cultures perennes ;

2) Institut des cultures vivrières et textiles ;

3) Institut de recherches forestières et piscicoles ;

4) Institut de recherches zootechniques, pastorales et vétérinaires ;

5) Institut de recherches médicales et d'études des plantes médicinales

6) Institut de recherches hydrologiques, géologiques et minières ;

7) Institut de recherches industrielles et technologiques ;

8) Institut des Sciences humaines ;

9) Institut National d'éducation.

Cette structure, on le voit, privilégiait bel et bien les recherches en

relation, avec le secteur agricole et le monde rural (5 instituts sur 9)

dans un pays dont l'économie, d'ailleurs performante, tirait alors l'es­

sentiel de ses richesses de l'agriculture. Une réorganisation intervenue

en 1976 a ramené le nombre des instituts de neuf à cinq, l'ONAREST rece­

vant le statut d1 "établissement public" à caractère scientifique doté

(59)

Page 58: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 8

de la personnalité civile et de l'autonomie financière et placé sous

la tutelle du ministre chargé de la recherche scientifique et technique .

La principale caractéristique de cette nouvelle organisation est sa vo­

lonté de régler la question des enclaves étrangères en les intégrant aux

institutions camerounaises :

1) Institut de recherches agricoles et forestières absorbant plusieurs

organismes français (Institut de recherches pour les huiles et oléa­

gineux ; Institut français du café, du cacao et autres plantes sti­

mulantes ; Institut de recherche sur le caoutchouc en Afrique ;

Centre technique forestier tropical et Office de recherche scienti­

fique et technique d' outre-mer, O.R.S.T.O.M.) ;

2) Institut de Recherches Zootechniques, intégrant l'Institut d'élevage

et de Médecine vétérinaire des pays tropicaux ;

3) Institut de Recherches médicales et des études des plantes médicina­

les, intégrant l'Institut Pasteur et l'O.R.S.T.O.M. ;

4) Institut de recherches sur les techniques, l'industrie et le sous-

sol ;

5) Institut des Sciences humaines.

D'autre part la recherche n'est pas menée en vase clos par ces organis­

mes : elle se fait en rapport avec les différents départements ministériels

et avec de nombreuses sociétés de développement (SODERLM, SEMRY, HEVECAM,

etc.) .

Au-delà des organigrammes, les rares chiffres disponibles attestent

l'effort des pouvoirs publics (1) : 830 millions (francs CFA) en 1974 et

4 700 millions en 1983 pour les crédits de fonctionnement ; 1000 millions

en 1974 et 4500 millions en 1983 pour les crédits ,d'éouipement Quant aux

chercheurs nationaux, leur nombre serait passé de 120 environ en 1974 à

plus de 350 en 1984 auxquels il faut ajouter les nombreux chercheurs et

techniciens en formation ou en stage dans le pays même ou à l'étranger. La

relative continuité de la politique camerounaise est assez remarquable.

(1) Chiffres tirés d'un entretien avec M. Nya Ngatchou, directeur des pro­grammes au Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique et technique, in Cameroun Tribune 12 mai 1984.

(60)

Page 59: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 9

Les organismes originels ont été progressivement étoffés plutôt que

bouleversés et cela tranche avec les autres expériences dans la sous-région.

Dans les années 1980, deux nouvelles entités ont vu le jour : le Comité

national de développement des technologies et le Comité national perma­

nent de l'homme etde la biosphère.

b. Le cas du Congo.

La vie politique très agitée que le Congo a connue dans les deux pre­

mières décennies de son indépendance a évidemment eu des répercussions

sur la politique scientifique du pays. Jusqu'en 1963, sous le régime de

l'Abbé Fulbert Youlou, la recherche relevait entièrement d'organismes fran­

çais. En 1965, à la suite de la Révolution des "Trois Glorieuses" (13-15

août 1963) dans laquelle les intellectuels ont joué un certain rplé, est

créé un Comité National de la Recherche Scientifique et Technique. Au con­

grès de décembre 1972, le Parti Congolais du Travail (P.C.T.), parti uni­

que, adopta une proclamation importante selon laquelle "le PCT considère

qu'il serait illusoire de parler d'amélioration de la production et de la

productivité sans progrès technique et sans développement scientifique".

Un décret du 21 février 1977 donna naissance à une Direction Générale de

la Recherche Scientifique et Technique, placé rsous la tutelle du Ministère

de la Recherche scientifique et sous le contrôle du P.C.T. : ce décret

définit aussi 70 programmes de recherche privilégiant les relations entre

science et application. Enfin depuis 1981 existe un Conseil National de la

Recherche Scientifique, contrôlé par le P.CT. et présidé par le membre

du Bureau Politique responsable de l'idéologie et de l'éducation avec,

pour vice-président, le ministre chargé de la recherche scientifique. Les

principaux organismes de recherche sont les suivants.

_ 1) Le Centre de Recherche Agronomique de Loudima (C.R.A.L.) qui tra­

vaille actuellement sur six programmes, subdivisés chacun en sous-

progranmes: a) fertilité du sol (fertilité chimique, fertilité

(61)

Page 60: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 10

physique, fertilité biologique) ;.b). système de production

(techniques culturales mécanisées ; économie de l'exploitation ;

relation travail du sol - eau - conservation du sol) ; c) plantes

à racines et tubercules amylacées (manioc, igname, patate douce,

pomme de terre, taro et macabo) ; d) céréales ; e) légumineuses à

graines ; f) valorisation des produits agricoles ;

2)Le Centre Technique Forestier Tropical créé sous la colonisation dont

les principaux programmes se rapportent à l'amélioration génétique

de plusieurs espèces (eucalyptus, pins, limba, arancaria, etc..) ;

3)Le Centre de recherches vétérinaires et zootechniques ;

4)Le Centre de recherche géographique et de production cartographique ;

5)Les stations de recherche écologique forestière de Dimonika, dans

le Mayombe ;

6)L'Université Marien Ngouabi qui réunit le plus important potentiel

de recherche du pays (plus de 110 enseignants-chercheurs nationaux)

7)L'0.R.S.T.0.M.

Enfin plusieurs centres de recherche relativement actifs relèvent d'autres

ministères (comme le Laboratoire d'études et de travaux publics, contrôlé

par la Régie Nationale des Transports et Travaux publics ou le Complexe

agro-industriel de Mantsoumba, placé sous la tutelle du Ministère de l'Eco­

nomie rurale) (l),Si l'organigramme est impressionnant et les projets am­

bitieux, les moyens financiers paraissent bien maigres : la recherche

scientifique représente à peine 0,45% des dépenses globales de l'Etat et,

sur ces crédits fort limités, moins de la moitié fut décaissée en 1982 et

1983.

(1) Voir le n° spécial de Congo Magazine (n° 17, juin 1987) consacré à "La science au secours de l'Afrique".

(62)

Page 61: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 11

c) Le cas du Gabon.

Comme au Congo, la recherche a été d'abord largement dominée par la

France, qui avait signé avec le Gabon une importante convention dès 1960.

Mais, avec le deuxième plan (1971-1976) franchement orienté vers l'indus­

trialisation, on commença à se préoccuper d'une véritable politique natio­

nales. En 1973 apparaît un Ministère de l'Education Nationale et de la

Recherche Scientifique. Trois ans plus tard est créé un autonome Ministère

de la Recherche Scientifique, chargé de l'environnement et de la protec­

tion de la nature (décret du 4 mars 1976). La même année est constitué

le CENAREST (Centre National de la Recherche Scientifique et Technique)

dont les cinq instituts sont établis un an plus tard (1) :

1) Institut de pharmacopée et de médecine traditionnelles ;

2) Institut pour la recherche en sciences humaines ;

3) Institut de technologie ;

4) Institut de recherche agronomique et forestière ;

5) Centre de lutte anti-pollution.

Parallèlement aux instituts ont été établis un Commissariat général de

la recherche scientifique et un Bureau de la Coordination des recherches.

C'est la recherche agronomique et forestière qui s'adjuge la plus grande

partie des crédits (90 millions de francs CFA sur 187 en 1983).

Mais la recherche est menée aussi en dehors du CENAREST, soit dans

des entreprises privées, comme Elf-Gabon, soit dans d'autres organismes

publics, comme le Ministère de la Planification et de l'Aménagement du

territoire et, surtout, la Présidence de la République où se trouvent

notamment un conseiller privé en matière de recherche scientifique, un

conseiller civil pour les affaires médicales et deux autres pour les

(1) Des détails importants et nombreux sur ces organismes ont été donnés dans le journal L'Union du 17 février 1977.

(63)

Page 62: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 12

questions pétrolières et minières.

d) Le cas du Zaïre.

Malgré l'héritage important qui a été décrit précédemment, le Zaïre

n'a pas encore su se doter d'une véritable politique scientifique.

Cela se voit d'abord au niveau des institutions de recherche qui ont

souffert d'une trop grande instabilité. Retenons seulement, pour aller à

l'essentiel, la création en 1967 de l'O.N.R.D. (Office National de la Re­

cherche et du Développement) qui prit sous tatelle les grands établisse­

ments scientifiques nés sous la colonisation, en particulier l'Institut

National pour l'Etude Agronomique au Congo (fondé en 1933 et devenu l'Ins­

titut National d'Etudes et de Recherches Agronomiques en 1960), L'Institut

de Médecine Tropicale (créé en 1950) et l'Institut pour la Recherche Scien­

tifique en Afrique Centrale (érigé en 1947). Machine trop lourde, l'O.N.R.D.

fut rapidement écrasé par sa propre masse et rongé par un bureaucratisme

excessif au point que le Président de la République décida de le prendre

sous son contrôle. En 1975, il disparut, cédant la place à l'I.R.S. (Insti­

tut de Recherche Scientifique) qui fut à son tour remplacé en 1982 par un

Département (Ministère) de la Recherche Scientifique.

En fait une grande partie de la recherche se m?ne dans les universités

et les instituts d'enseignement supérieur. Il existe aussi, auprès de la

Présidence de la République, un Service Présidentiel d'Etudes depuis 1972 ;

au sein du S.P.E., des économistes définissent des projets de recherche

en relations avec les urgences et les priorités nationales. Il est aussi

certain que, dans la droite ligne de la tradition coloniale, les grandes

entreprises mènent leurs propres recherches ou en financent dans les éta­

blissements universitaires : tel est le cas en particulier de la GECAMINES,

héritière de l'Union Minière du Haut-Katanga, qui, avec quelque 35 000

salariés, est de loin la première entreprise du pays.

Les chiffres manquent cruellement. Mais le potentiel humain apparaît

(64)

Page 63: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 13

comme impressionnant. Il est déjà en mesure de vouloir peser sur la poli­

tique scientifique nationale, comme on pourra en juger par la lucidité, le

courage et l'audace de la position expriméépar les hommes de science

zaïrois lors d'un important "colloque national sur l'authenticité" réuni

à Kinshasa du 14 au 21 septembre 1981 (1).

A.3. Un bilan médiocre.

Parmi les éléments qui définissent cette médiocrité, il y a d'abord

et avant tout la dépendance que les élites scientifiques nationales suppor­

tent d'ailleurs de moins en moins. Cette dépendance n'est pas seulement

le fait de l'héritage colonial : elle découle aussi des habitudes prises

au début de l'ère des indépendances ou l'on avait trop facilement recours

aux Etats développés et aux organismes internationaux tant eft ce qui con­

cerne les experts que pour le financement. Cette dépendance est visible

à plusieurs niveaux :

a) au niveau de la définition des programmes de recherche. Ainsi, de

nombreux organismes fonctionnent localement sur le rythme et selon

les préoccupations de l'époque coloniale (ainsi le Centre Technique

Forestier Tropical qu'on trouve sous divers noms à Bangui, à Libre­

ville, à Pointe Noire et à Yaounde est une vieille institution fran­

çaise qui dispose de ramifications en Côte d'Ivoire, au Niger ou

au Sénégal). De nombreux organismes nouveaux ont vu le jour sous

l'impulsion de pays étrangers : ainsi le GERDAT (Groupe d'Etudes

et de Recherches pour le Développement de l'Agronomie Tropicale)

établi par la France à la fois au Congo et au Gabon ; ou encore

l'important Centre International de Recherche Médicale de Franceville

Enfin de véritables enclaves continuent d'opérer en vase clos,

indépendamment du milieu scientifique national . et des préoccupa­

tions des pays : les centres O.R.T.S.O.M. en sont un bon exemple,

(1) Voir ci-dessous Annexe II.

(65)

Page 64: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 14

dont les budgets les personnes et les programmes relèvent

tous du siège parisien ;

b) au niveau du financement. Que dire des pays les plus pauvres

(Burundi, Centrairique, Guinée Equatoriale, Ruanda, Sao Tomé et

Principe, Tchad) lorsque les pays réputés 'riches" éprouvent du­

rablement des difficultés de financement ? Le Zaïre, qui a vu son

PNB baisser de 30% entre 1974 et 1983, a dû s'en remettre pres­

que totalement à l'aide étrangère en matière de recherche.

En 1981, le Congo, qui bénéficiait pourtant d'importants revenus

pétroliers, ne finançait que 34% de la recherche : en 1982 cette

proportion est même tombée à 30%, le reste, c'est-à-dire l'es­

sentiel, venant principalement de la France et de l'URSS ;

c) enfin, comme ailleurs, cette dépendance se manifeste de manière

non moins inquiétante dans la formation des chercheurs (assurée

majoritairement à l'étranger) et au niveau^ftatériel de recherche

(importé tel quel des pays développés).

Mais la médiocrité c'est aussi le manque d'intégration d'une part

entre la science et la technologie et, d'autre part, entre celles-ci et le

développement économique et social. La recherche scientifique ne concerne

qu'une minorité : les élites intellectuelles qui la pratiquent ; ou les

Etats qui voient dans les applications de la science un bon moyen de ratio­

naliser leur gestion et d'accroître leur emprise sur les sociétés .civiles,

même si cela se fait au prix d'une extraversion accentuée. Il en est ainsi

par exemple de l'information-que les Etats de La sous-région ont utilisée

très tôt (par exemple le Congo dès 1964, le Gabon en 1965 et le Zaïre à

partir de 1968) : or l'information a été dans tous les cas l'oeuvre de

sociétés de service, souvent sinon toujours issues de sociétés européennes,

japonaises et nord-américaines (I.B.M. en tête, suivie de très loin par

C.I.I. Honneywell Bull, NCR, Hewlett-Packard et Burroughs) ; le matériel

est fourni par ces mêmes entreprises ; enfin en l'absence d'un personnel

(66)

Page 65: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 15

africain suffisamment nombreux ou suffisamment qualifié, le parc d'or­

dinateurs est notoirement sous-employé. En fait, la grande majorité de

la population n'a accès, et cela uniquement au niveau des retombées et

de loin, aux progrès de la science et de la technologie que dans les

domaines agricole et sanitaire.

Enfin, quoique la quantification soit difficile en ces domaines, il

ne faut pas négliger la fuite du savoir et le drainage des cerveaux dont

souffrent les Etats d'Afrique centrale, comme beaucoup d'autres pays afri­

cains. La fuite du savoir concerne le terrible problème des publications :

quoique les conditions de travail soient difficilles, les chercheurs réa­

lisent des travaux nombreux, parfois pionniers, souvent remarquables qui

ne trouvent pas à se publier sur place car les revues scientifiques sont

dépourvues de moyens financiers ; les éditions universitaires, quand elles

existent, sont balbutiantes et les éditeurs privés, d'ailleurs très rares,

répugnent à publier des travaux fondamentaux ou de vulgarisation dont le

public est restreint. Aussi les chercheurs publient-ils dans les pays dé­

veloppés (d'autant plus facilement que presque tous y ont été formés) en­

richissant ainsi le potentiel scientifique et intellectuel de ces pays.

Le drainage extérieur des cerveaux est un phénomène connu dans l'ensemble

du Tiers^Monde et l'Afrique centrale n'y échappe pas. Retenons seulement

une série de chiffres : une étude réalisée en 1970 sur le plan quinquennal

(1966-1980) du développement des services de santé au Gabon faisait état

de 5 retours seulement d'étudiants en médecine gabonais sur les 17 prévus

en 1970. Le taux de retour global dans la sous-région est; sans doute plus

élevé mais l'exode des cerveaux existe bel et bien, justifié selon les

intéressés par des contraintes financières (rémunérations peu stimulantes),

sociales (prestige très faible reconnu aux métiers de la recherche) et

politiques (absence d'un statut du chercheur et absence de démocratie).

Ces mêmes contraintes déterminent aussi un autre exode, l'exode intérieur,

dont les effets ne sont pas moins pernicieux sur l'avenir de la science

et de la technologie dans la sous-région : cette fuite se fait en effet de

manière le plus souvent irréversible en direction de l'administration ou de

la classe politique sans aucun profit pour les activités de recherche.

(67)

Page 66: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 16

II est donc evident que, sans une philosophie claire et des choix

précis en matière de développement, la politique scientifique risque pen­

dant longtemps encore de se réduire, dans le domaine du budget, à la ges­

tion équilibriste de la pénurie et, dans le domaine des programmes, à une

simple coordination de pratiques dont on ne contrôle pas la stratégie. Sans

ces éclaircissements, on peut douter mime de la réussite de la mise en

commun, au niveau sous-régional, du potentiel humain qui est déjà relative­

ment important dans ce secteur.

III B L'éducation : volontarisme et handicap.

Le secteur de l'éducation est sans doute celui dans lequel les Etats

de la sous-région présentent le plus de similitudes avec le reste du con­

tinent et cela quand on considère aussi bien les ambitions que les réalisa­

tions et les perspectives. Il existe certes quelques particularités : mais

celles-ci se rapportent davantage à la philosophie de l'éducation qu'aux

transformations et aux effets visibles des systèmes éducatifs.

B.l. Un médiocre point de départ.

Il faut évidemment tenir compte du niveau de départ pour mesurer les

progrès accomplis. Or, ce niveau de départ était, à tous points de vue, par­

ticulièrement bas : analphabétisme massif (voir Tableau VIII), rareté dra­

matique des cadres. C'est que, faute de moyens financiers ou par choix poli­

tique et philosophique, le malthusianisme des pouvoirs coloniaux a revêtu

ses formes extrêmes en Afrique centrale : la sous-région n'a pas bénéficié

de l'équivalent - en qualité d'enseignement ou en durée de fonctionnement -

de Fourah Bay College (Sierra Leone), de l'Ecole William Ponty (Sénégal),

de Makarere College (Ouganda) ou de l'Université de Dakar pour s'en tenir

aux exemples les plus prestigieux. L'Afrique centrale a donc accumulé un

retard considérable par rapport aux autres sous-régions du continent et ses

performances actuelles en matière d'éducation n'en sont que plus remar­

quables .

Le développement de l'enseignement dans le cadre colonial fut ainsi

tardif et, examiné après coup, non sans rapports avec les tendances et les

débats d'aujourd'hui. En effet, d'une part, il se fit dans le cadre d'une

stratégie délibérée de "développement" : l'accélération des années 1945-1960

s'inscrit dans les "plans de développement décennal" élaborés après la guerre

par les Belges et les Français, qui ont alors fait de l'enseignement un fac-

(68)

Page 67: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 17

Tableau VIII : Taux d'analphabétisme

Burundi

Cameroun

Centrairique

Congo

Gabon

Guinée Equatoriale

Ruanda

Sao Tomé et Principe

Tchad

Zaïre

1965

81

70

84

87

N.D.

N.D.

94,5

1980

73

55

67

43,5

47

63

62

42,5

45,5

N.D. : chiffres non disponibles

1965 : estimations au début des années 1960

Sources : UNESCO Statistical Yearbook et L'Etat du Monde

(annuel, Paris, François Maspero et la Découverte)

(69)

Page 68: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 18

teur essentiel du développement des colonies. Mais d'autre part, ce fut

à cette époque que les revendications nationalistes s'exprimèrent avec le

plus de force : l'éducation (et non pas seulement l'enseignement) y occupa

une place de choix car les nationalistes africains, en posant le problème

du contenu de l'enseignement, exigeaient que celui-ci répondît aux exigences

les plus rigoureuses de qualité tout en incorporant ou en préservant les

valeurs culturelles du monde noir. Ainsi se trouvaient formulées plusieurs

des questions majeures d'aujourd'hui : celle d'abord des rapports entre

l'école et le monde du travail ou, plus généralement, de l'économie ; celle

ensu.te, ¿es relations entre l'école et l'identité culturelle. Les problèmes

purement quantitatifs (exigence d'une scolarisation moins malthusienne,

plus démocratique, c'est-à-dire ouverte au plus grand nombre) apparaissaient

comme les plus urgents mais n'excluaient pas qu'on posât déjà les problèmes

qualitatifs.

Il faut dire un mot du cas particulier du Zaïre ou une véritable

i

politique scolaire (qui cependant obéissait à la règle généralA,du malthu­

sianisme) avait vu le jour dès le début de la colonisation, en s'appuyant

sur deux bases : d'une part, sur le plan administratif, une démission to­

tale de l'Etat colonial qui abandonna l'éducation aux missions catholiques

d'autre part sur le plan philosophique, la conviction qu'il y avait "né­

cessité de privilégier une instruction utilitaire, susceptible de conduire

les jeunes tonjplais pris en main à une technicité manuelle ou profession­

nelle rentable pour le jeune Etat colonial" (1). D'où une hiérarchie très

spécifique à la situation coloniale zaïroise : à la base de la pyramide,

la masse énorme des analphabètes ; ensuite tous ceux qui avaient eu la

chance ou le privilège d'aller à l'école où ils avaient été alphabétisés

en langues africaines (et non en français , comme c'était le cas au Came­

roun ou en A.E.F.) ; enfin, au sommet, les très rares "évolués" (la même

expression existait en Afrique centrale française pour désigner le même

groupe social) qui avaient pu apprendre le français et un métier - moniteur

(1) Nudimbe V.Y. "La culture" in Vanderlinden J. (éd.) Du Congo au Zaïre 1960-1980. Essai de bilan. Bruxelles, C.R.I.S.P., 1981, p. 370. Rappelons que le Zaïre colonial s'est appelé, entre autres, Congo belge.

(70)

Page 69: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 19

commis de bureau, dactylographe - qui en faisaient de parfaits agents

d'exécution et collaborateurs de la colonisation. On connaît le résultat

de cette politique ; au moment de son indépendance, la situation du Zaïre

était précaire : moins de 20 diplômés d'Université, presque pas de cadres

de conception, de nombreux agents d'exécution. Mais il faut souligner que

dans le reste de la sous-région la situation n'était guère meilleure (2).

B.2. Les philosophies de l'éducation : éducation pour le développe­

ment et pour la renaissance culturelle.

Il n'est donc pas surprenant que, au moment même de l'accession à

la souveraineté, voire peu avant ce moment symbolique,les "pères de l'in­

dépendance aient tenu à préciser leurs conceptions en matière d'éducation.

Certes tous n'ont pas éprouvé le besoin d'exprimer leur point de vue.

Mais deux, parmi les plus éminents, ont émis des idées d'une brûlante ac­

tualité : il s'agit de Barthélémy Boganda en Centrafrique et de Patrice

Lumumba dans ce qui était alors le Congo.

Dans des discours nombreux, prononcés jusqu'à sa mort accidentelle en

1959, un peu plus d'un an avant l'indépendance, B. Boganda a défini les

grandes lignes d'une philosophie et d'un système d'éducation fortement en­

racinés dans une sorte d'humanisme négro-africain ; pour lui, la formation

des hommes à l'école était un impératif absolu puisqu'il s'agissait, par

ce moyen, de jeter les bases de la société future. Mais la définition d'un

bon système éducatif était seconde, subordonnée à une priorité dont aucun

jeune Etat ne pouvait faire l'économie : la formation du type de société

qu'on se proposait de construire et, par conséquent, du type de citoyens

qu'on entendait non pas former ou façonner, mais promouvoir ; car, se

(1) Voir notamment M'Bokolo, E. "French Colonial Policy in Equatorial Africa" in Gifford, P. et Roger Louis, W. (eds) The Transfer of Power in Africa. New Haven, Yale University Press, 1982.

(71)

Page 70: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 20

plaisait-il à expliquer, le citoyen ne sort pas de l'école comme une

statuette des mains du sculpteur, ce n'est pas une matière morte qu'on

pourrait enfermer dans des formes rigides et définitives ; c'est une

personne dont il faut éveiller la curiosité et les sens, susciter les

talents, solliciter le génie de telle sorte qu'elle apporte librement sa

contribution originale à l'oeuvre collective de la construction de la

société. Mais, chrétien tout en étant sensible aux valeurs de l'animisme,

patriote centrafricain tout en restant actif dans le combat pour l'unité

effective de la sous-région et, ultérieurement, du continent, il insis­

tait sur le fait que cette éducation nouvelle se devait d'être ouverte :

sur le monde ; apportant des savoirs et des connaissances, mais sensible

aux valeurs morales et civiques ; aidant à comprendre la société, mais

donnant aussi les outils intellectuels de critique, de remise en cause,

voire de transformation du système économique et social dans lequel le

citoyen vit.

L'approche de Lumumba est quelque peu différente : plus volonta­

riste, plus nationaliste, en définitive plus politique. Dans un discours

justement célèbre, prononcé à l'occasion même de la proclamation de l'in­

dépendance et devenu depuis un texte de référence dans les cours et épreu­

ves d'instruction civique du Zaïre, il s'exclame en substance : "L'His­

toire dira un jour ... Mais ce ne sera pas l'Histoire qu'on enseignera

à Bruxelles, Paris ou Washington ... Ce sera l'Histoire qu'on enseignera

chez nous". C'était proclamer la nécessité d'une rupture radicale avec

l'enseignement colonial et inviter à l'innovation. Chez Lumumba comme

chez Boganda, ces propos ne formaient pas un simple catalogue de bonnes

intentions ; ils s'articulaient en une philosophie cohérente, certes exi­

geante, proposés aux nouveaux appareils d'Etat.

En fait, assaillis par les demandes pressantes de la société civile

et prisonniers de leurs propres engagements, ceux-ci ont plutôt voulu

agir que réfléchir. Le système éducatif existant a donc été repris tel

quel, quitte à ce qu'on prit l'engagement de le réformer une fois résolaî

les problèmes les plus urgents : or, dans la pratique, ceux-ci se sont

(72)

Page 71: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 21

reveles beaucoup plus durables qu'on ne l'avait cru, compte tenu notam­

ment de la persistance d'une forte croissance démographique. Dans la

sous-région,1¿ Cí y a à vrai dire, que deux exceptions dans lesquelles

les urgences de la pratique quotidienne n'ont pas bloqué la réflexion

de fond sur l'éducation, même si, à y regarder de près, cette réflexion

n'a pas toujours su se donner les moyens de s'inscrire dans le concret.

C'est le cas d'abord áu Zaïre où la réflexion se porte constamment,

depuis une vingtaine d'années sur l'aliénation culturelle, ses mécanis­

mes et les moyens d'en sortir, en particulier grâce à un système scolaire • menée

rénove. Cette réflexion a été par un essayiste de talent, Mabika Kalanda,

dans un livre décapant, La remise en question, base de la décolonisation

mentale (1): l'ouvrage, qui a provoqué un débat long et passionné dans

le pays, démontrait que, produite par l'école "moderne", toute l'élite

zaïroise était culturellement aliénée, c'est-à-dire ignorante de ses tra­

ditions, coupée du reste de la société, fascinée par les modèles économi­

ques et sociaux des Etats occidentaux élevés au rang de références exclu­

sives ; pour l'auteur, si l'école de tradition coloniale avait produit

cette élite aliénée, il revenait à une autre école de donner à la nation

en construction des cadres plus en accord avec ses préoccupations. Est-il

besoin de préciser que l'idéologie de l'authenticité, devenue depuis

1971 l'idéologie officielle de l'Etat zaïrois, n'est qu'une réactualisa­

tion des propositions exprimées dans La remise en question ?

Il y a aussi la réflexion engagée au Congo au plus haut niveau,

par les élites intellectuelles comme par la classe politique, autour de

"l'Ecole du Peuple" (2). Il s'agit là, assurément, de l'une des réflexions

(1) Publié aux Editions Remarques Africaines à Bruxelles en 1966.

(2) La plupart des textes sur l'Etat du Peuple sont inédits. Débats présen • tés par Eliou, Marie La formation de la conscience nationale en Répu­blique Populaire du Congo. Paris, Anthropos, 1977.

(73)

Page 72: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 22

les plus cohérentes et les plus audacieuses sur l'école dans l'Afrique

indépendante. Cette réflexion, unissant pour une fois dans un même élan

les intellectuels et les responsables politiques, s'appuyait sur une cri­

tique radicale de tous les effets produits par l'école issue de la coloni­

sation : dévalorisation du travail manuel; culte des diplômes européens

et, plus particulièrement, français ; valorisation extrême et outranciëre

de la culture européenne ; faible emploi ou mauvais emploi des cadres

formés par l'école ; isolement des élèves par rapport à leur famille et à

leur communauté. L'Ecole du Peuple, dont le projet a été entériné par le

Comité Central du Parti Congolais du Travail (parti unique) en 1971, se

donnait pour objectif "la formation de l'esprit africain et socialiste",

la réalisation de "l'indépendance nationale" et de la "décolonisation

culturelle". Des mécanismes précis ont été échafaudés, notamment en ce

qui concerne l'organisation des différents cycles, les passerelles entre

l'école et le monde du travail, l'introduction et la généralisation des

langues nationales dans les programmes scolaires (1). Il était même prévu

de réaliser par étapes, de 1975 à 1985, ce que le Programme triennal in­

térimaire adopté en 1971 décrivait comme "un bouleversement complet du

système éducatif dans son ensemble".

B.3. Un bilan mitigé.

Force est de constater que la réforme de l'Ecole du Peuple est

restée lettre morte, alors qu'elle a été voulue et qu'apparemment, dix-

sept ans après son élaboration, elle reste d'actualité : aujourd'hui

encore, il existe, auprès du Comité Central du Parti Congolais du Travail,

un Comité permanent de l'Ecole du Peuple "chargé d'orienter la politique

(1) Bourliou, P. ; Eliou, M. ; Gnali, A. ; Le Thanh Khoi et Philipenko, D. Création de l'Ecole du Peuple. République Populaire du Congo, Paris, Unesco, 1976.

(74)

Page 73: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 23

4-1 Eta de l' CO

CD ens (X

VCD

-o

CO

CD i—

1

co

C

CO

T3

£ o

• i-l

4J CO

O

3

T3

VCD

i—i CD

"O

4J

U

CO

CL

CO

J ••

X

l-l X 3 CO

CD

abl

H

/—s

co CD 4-1

C

CO

U

3 O

O

CO

CD

co

C

CD

a VCD

-a -

LO

0

0 av

<N 198 1981

o

oo

av ~—

0\

»—

00

r

a\ ~-r-. p~ O

v •

—•

u

o

P3

< M

< m

< 03

<

CO

er> ** C

M

CM

*• —

~ C

M

oo

00

LO

—*

^3-•* ^-C

M

-Í L

O

-* —

*

v£> C

M

»a-p

^ t-^

— c 3 h

3 pa

LO

CO

Ov ^

CM

1

CO

C

O

o

as C

O

CM

* —

* C

M

vO

CO

C

M

-3 C

N

r-» •» O

S

~

vO

r-. -3-

as ~ 0

0 * ~3-

~-CN

»3-

,—

CO

a 3 o

u <u

1 u

as

"•3-

CT

v •V

CO

1

00

o

en

LO

00

•—.

OS

0

0

CO

rique

LW

CO

U

4-1

C

CD

O

00

v£>

00

—H

* <

f C

M

r

—~

LO

—i

CM

~~ •> r

C

M

LO

L

O

LO

in

•—i

-3-* C

O

CN

P-.

LO

C

M

LO

—"

O

M

c o

o

CO

r *

CO

1

<t L

O

o

vO

_i 1

CM

O

o r

•—i

er. »i

as

CN

-3-

as oo

C

O

XI CO

O

Equatoriale <u

VCD

C

•i-l

3 O

vO

-<r

LO

WS

CN

LO

^ —

C

N

00

CO

-3-

CM

CM

#» C

O

CN

CM

V

O

as

—*

»—i *

CN

C

M

•^

-

CO

L

O

r-~ r< C

M

CM

f—i

CM

-a--CO

T3

G

CO

3 0Í

r-.

CM

#v

Ov

r~» C

N é et Principe

g H

O

CO

w

CO

CM

CN

•V

*-~ •—«

<3-

*—

oo

-*a « 4= U

H

~~l

r->

CO

CO

00

LO

O

v

CN

C

O

00

-3-O

S

VO

C

N

CN

C

O

vO

CM

«. C

M

as C

N

r~ «K

m

LO

_*

CD

M

IH CO

tNJ

•"N

en

udoi

ais) e esc

urund ons d

¿a

.H

1—4

CO >—

1 O

-l-l

C

B

cfl ^-'

l-i Lt-I

CD

D.

CD

T4

-O

U

C

10

>i-l d

i-i

O

Pu

• r4 l-l

4J i—

1 C

D

• H

S

VCD

& B

o

• H

H

T

J C

O

3

« U

c/3

3 pa

« /—

\ CD

CO

4-1

i—1 .H

CD

CO

6

0 H

-O

T

3 3

C

3 O

CO

J3

CX

3

>

-N

M

co

3 «M

CD

-a

3 co

.V

4 <1

U>

rl

<0 CO

C

CO

CD

CO

N

I ¡U

<

l-l .H

tu

L

M

0) C

TJ

O

-OC

CD

-H

M

-o

m

>o

U

B

Vi

C

(0 O

O

CO

C

'H

h

O

H nj

14-1 .H

i—l

CD

i—1

.i-l C0

«H

g

c

. 13

-H

^ CD

P

3 B

C

L, •

05 w

CD

\C

D

M

C

h

"O

• O

CO

¡H

P

H

•H

»a CO

(0

•-i C

N

CD

3

i-i co

T

3 T

3 •

H 3

CD

S

(¿

H

N

N

C

CD

4-1 C

C

CD

i-l

CD

CD

CD

•• •«

••

< M

U

eu Découvert' CO

iJ -co •

iH

co P

M Monde 3

T3

4-1 CO

4J W

J 4-1

(D rbook

CO

CD

>• i—

i

CO U

.i-4 4J co

• i-l

4J CO

4J

W B

CO

• H

U

LM

< CO

c o

H

4J

CO

z aurces : United

C/3

(75)

Page 74: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 24

de l'enseignement et de préparer la mise sur pied de l'Ecole Nouvelle".

Tant de temps, pour réaliser une réforme certes radicale, est instructif

et doit donner à réfléchir. Il n'y a pas lieu d'invoquer seulement les

pesanteurs historiques et sociologiques pour rendre compte d'un retard

qui ressemble bien à un blocage pur et simple. C'est que, au Congo comme

dans le reste de la sous-région et du continent, l'école est liée à des

enjeux vitaux, en particulier aux yeux du plus grand nombre, la masse

paysanne et les classes populaires des villes.

Pour elles, l'école n'évoque pas le développement ni l'identité

culturelle : non qu'elles récusent ces objectifs, mais parce qu'elles n'y

sont pas associées. Tout projet relatif à l'école doit donc intégrer, une

réflexion spécifique sur la dynamique sociale et sur la mobilité sociale.

Jusqu'à présent l'école ou, plus exactement, le diplôme délivré avec une

parcimonie excessive par l'école ouvrait toutes grandes les portes de la

fonction publique, avec tous les avantages, le prestige, les privilèges et

les possibilités (notamment politiques) qui lui sont, à tort ou à raison,

associés. On comprend ainsi les sacrifices immenses consentis par les fa­

milles pour assurer la scolarisation des enfants, mais aussi leur attache­

ment passionnel aux diplômes de qualité (identifiés d'ailleurs aux diplô­

mes de l'ancienne métropole coloniale, d'où le lancinant problème de

l'équivalence des diplômes africains et européens) car c'est le seul moyen

de promotion et, croyait-on, de sécurité sociale. L'importance de la dé­

perdition et des déchets ne change rien à cette vision des choses, compte

tenu des mécanismes de solidarité qui continuent d'opérer tant bien que

mal en milieu citadin ou rural : il suffit que l'un au moins des enfants

scolarisés réussisse à obtenir un diplôme aussi élevé que possible. Cette

situation compromet et condamne à l'échec toute réforme de l'éducation

qui ne concerne que l'éducation et qui ne s'intégrerait pas dans un com­

plexe plus ou moins vaste de réformes engageant d'autres secteurs, sinon

tous les secteurs, de la vie du pays. D'ailleurs toutes les enquêtes le

confirment : toutes les réformes qui se limitent au secteur éducatif sont

(76)

Page 75: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 25

Tableau X : Evolution du nombre des enseignants

i. I s : i»vf i - 1 # ' 1 e j r * 3 . Zra rvel * 2 e * * ae j ré c . 3ra l.*v*l -3*<i» d c * r é

: j . - ;^y - ' iv i 1 V 3 1 » 7t 1 v * 5 1 = 7 » 1 9 7 7 1 9 7 8 1979 1 9 8 0 1951 n j '

T « j ; , e r s - f i e l p j r : ¿ C V .. - = e ' - s -i - ? r . )

3 . r „ - c i

c

C ' i J - l í N O 4

: 3 " ¿ o 1

: . J • _ r i a l J I . I " Í I - ' .< ' " J <e : : u 1 t : r - j l í *

¡i:." »

C

* C

9

c

c

Sources : United Nations African Statistical Yearbook

(77)

< - ; * 2 .

1 45

9 * 1 9 - o 3 3

"• Z ? 3

2 5 - Û -

>5

4o50

*a?l 1 90

.1 ; 9 .

215

-*:sc3 5 ? t 9

31 39

. . . :?<c«

; ¿

5 1Ï 3 2 ' 4 !

>25

«.209« 731 223

Z'219 »óC5

3329

. . . 25 12-

5.34 2-13

145

4221.

2302' o3;a

3535

1 lo

2613

o2

• • •

4379

24,46 0938

. . . 1 35

. . .

. . . 0075 3344

25»

4445

24S

24!»3 7521

. . . 2oG

. . .

. . .

5132 3 ' *4

4623

231

2528« J374

397

. . . 279

. . .

M 5 2

931

48D5

2»7«S

.130

444

. . .

. . . 718« 5117-

292

5252

. . .

. . . 303

6997 »899

3 3«

. . . 7'7 »34

. . .

241?

7ÍÍ4 7C7 1 .?

. . .

; O Ó 4

1 3 1 6

. . . » 0 2 2

7 5 2 1 75

. . .

271.6 1 '21

. . . äl6l

320 215

. . .

236«

476

213

527

3088 13*3

. . . 8508

iîê

. . .

346» U 3 7

. . . 1 3002

903 229

. . .

3**1 1587

. . . 11912

887

. . .

. . .

. . . 13041

984

. . .

1 4.!3 20S3 2433

Page 76: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 26

Tableau XI : Evolution du nombre des élèves

et Etudiants

A. 1<t level- 1er degré

Country - Pays 1973

I. 2nd level • 2eae dejrt

1974 1975 197*

C. 3rd level - 3 » M de»re

197» 1979 1910

tudent» - el*»»! COCO)

Burundi

Caaeroon - Caaeroun

Central Afr.ReP. - Rep.Centrafricaine

Cnad - Tchad

Congo

Equatorial Guiñe* - Guinée Equatorial«

Sao Ton« 4 Pfî ne i pé

• - • 335 18

3*2° 44« il

3344 511 25

13

3*82*

14

3790 704 77

3919

"îî

1912

127 11 1

014 111

« 200 1««

19« 13 1

29J 73 3

130 14 1

1074 127

« 21« 20*

193

" 307 il 3

130 14 1

1123 144

7

221 23 1

21J 1* 1

319 102

3

131 13

114« 1*4

234 25 1

211 20 1

330 122

4

142 14

1203 113

9

241 31 1

...

... 34* 137

5

14« 1« 2

«234 199

241 33 1

...

... J59 149

1*0 1« 2

1303 213 11

241 39 2

...

... 313 139

7

17« 19 2

137» 234 «O

24« 4« 2

".'. ... 391 1*1

7 •

20« 19

...

" 2

'". • • •

«07 1*0

114 18 1

398 11 1

121 21 1

317 11 1

129 23 1

402 12 1

130 23 1

434 13 1

141 2« 1

" S 1

142 24 1

51» 14 1

149 27 2

«07 12 1

153 29

703 11 1

...

74 3 13

Sources : United Nations African Statistical Yearbook

(78)

Page 77: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 27

interprétées par les classes populaires comme un moyen diabolique, ima­

giné par des politiciens machiavéliques (qui possèdent des diplômes

étrangers et dont les enfants poursuivent tranquillement leurs études

à l'étranger), pour maintenir dans une situation inférieure les gens

issus des classes modestes.

Les perspectives sont cependant beaucoup plus ouvertes qu'on ne

pourrait le croire. C'est peut-être maintenant, plus que jamais, qu'il

faut revenir à la réflexion de fond sur les objectifs et sur le sens de

l'éducation. Car la crise durable des économies et des sociétés d'Afrique

centrale n'est pas sans effet sur l'éducation et la perception qu'en a.aae

jusqu'à présent la majorité de la population. Le débouché privilégié

de la fonction publique et du secteur d'Etat ou bien ne recrute plus ou

même, dans certains pays (Congo et Zaïre en particulier), est tenu par

les "programmes d'ajustement structurel" de licencier (1). Si, comme tout

semble l'indiquer, cette tendance devait durer, elle entraînerait une

reconsidération totale des diplômes, donc de l'organisation et de la

signification de l'éducation. On risque en particulier de trouver une

nouvelle actualité à la philosophie de l'éducation d'un homme comme

Barthélémy Boganda. D'autre part, le processus même de formation et de

reproduction des classes sociales semble entrer dans une phase nouvelle

oü l'occupation de l'appareil d'Etat n'est plus une garantie pour entrer

et pour demeurer durablement au sein des classes dirigeantes.

A la lumière de ces réflexions, il apparaît qu'il faut lire avec

beaucoup de distance les chiffres donnés dans les tableaux VIII, XLX, X,

et XI.- Car ces chiffres escamotent totalement la signification sociale

de l'école, analysée ci-dessus et ses effets sur les niveaux de culture

(1) Compte tenu de la dimension politique et polémique de ces mesures, les chiffres ne sont donnés officiellement dans aucun pays. La "purge" est particulièrement sévère dans l'enseignement supérieur (Zaïre), la fonction publique (Congo et Zaïre), les grandes entreprises (Congo).

(79)

Page 78: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 28

(voir ci-dessous B.4).

Ils indiquent néanmoins des tendances qu'on retrouve dans le

reste du continent : effort financier significatif des Etats (encore que

les chiffres relatifs au Zaïre donnés aussi bien dans les publications

de l'Unesco que dans celles de la CEA laissent perplexe ...) ; développe­

ment et généralisation de l'enseignement primaire qui cependant est loin

d'être devenu universel ; médiocrité de l'enseignement secondaire et de

l'enseignement supérieur. Il faudrait cependant des études plus détaillées

pour chacun des Etats pour percevoir l'ampleur des déséquilibres. Prenons

seulement pour finir l'exemple du Cameroun (1). L'effort financier en

faveur de l'éducation y est considérable : 202 milliards de francs CFA

prévus dans le cadre du 5e plan quinquennal (1981/82 - 1985/86) sur un

total de 2300 milliards (soit 8,8%) : cela permet à l'Etat, dont les ins­

titutions d'enseignement sont gratuites, d'aider financièrement les écoles

missionnaires et privées ; dans le secteur universitaire, où la France

avait presque tout pris en charge depuis l'ouverture de l'Université de

Yaounde en 1962, la "camerounisation" des personnels et des finances

commencée en 1973 est arrivée à son terme. Si le taux de scolarisation

primaire et secondaire (66%) est l'un des plus élevés d'Afrique, l'anal­

phabétisme reste important, surtout chez les femmes (55%, au lieu de 31%

chez les hommes). Surtout, il subsiste de très graves inégalités régiona­

les entre d'une part le nord et d'autre part le centre, le sud et les ré­

gions côtières : ainsi le taux de scolarisation primaire n'est que de 20%

dans le nord, alors qu'il atteint 100% dans le reste du pays : une poli­

tique audacieuse de décentralisation a été décidée, dont les résultats

ne sont pas encore visibles, avec notamment la construction de facultés

universitaires à Buéa, Douala, Dschang et Ngaoundéré ; de même, décidée en

1972, l'harmonisation des systèmes d'enseignement français et britannique

s'est achevée en 1976.

Le Cameroun n'est certes qu'un cas particulier : mais s'agissant

d'un pays relativement privilégié, il permet de bien prendre la mesure des

déséquilibres et des inégalités que les données brutes masquent presque

toujours.

(1) D'après les chiffres pour 1983-1984, donnés par le Ministère de l'Edu­cation Nationale, Yaounde.

(80)

Page 79: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 29

III.C. Un instrument privilégié : la communication.

Dans l'ensemble de la sous-région, la communication connaît un dé­

veloppement relativement important, qui a d'ailleurs été assez précoce,

du moins dans certaines de ses branches. Aujourd'hui encore, malgré de

nombreuses difficultés, le secteur de la communication fait preuve d'un

indiscutable dynamisme.

CTl. CaractéiTsTn^pres gércéraijesT

Historiquement et actuellement, le développement et l'importance des

médias s'expliquent par les multiples enjeux politiques et stratégiques

qui leur sont liés. Pendant la colonisation, c'est moins l'Etat que cer­

tains de ses appareils et certaines institutions qui ont été à l'origine

de la naissance et de l'essor de la presse écrite. Ainsi, à la différence

de pays tels que le Ghana ou le Nigeria, où une presse africaine indépen­

dante et florissante - réservée à l'élite intellectuelle et politique,

il est vrai - a vu le jour très tôt (1), en Afrique centrale la presse

écrite a été dès sa naissance et est restée longtemps sous le contrôle

de puissants appareils sur lesquels les citoyens n'avaient aucune prise.

Il y a donc une tradition qui veut que les citoyens consomment, crédules

ou incrédules, une information qu'ils ne produisent pas. Mais la situation

héritée n'a pas été aussi simple : en effet les grandes institutions co­

loniales ont aussi instauré une communication en langues nationales, ce

qui lui donnait d'ailleurs une force de persuasion sans précédent. Partout

en Afrique centrale, les Eglises missionnaires ont eu une presse écrite

très active en langues locales. Au Zaïre les choses sont allées encore

plus loin puisque l'armée coloniale (la Force Publique), dont la langue

(1) Voir par exemple, Kimble D. A Political History of Ghana 1850-1928. Oxford, Clarendon Press, 1963. Omu F.I.A. Press and Politics in Nigeria 1880-1937. Londres, Longman, 1978. Les cas du Bénin, du Séné­gal et de Sierra Leone en Afrique occidentale, celui de l'Angola en Afrique centrale sont comparables à ces deux-là.

(81)

Page 80: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 30

de travail des soldats africains était le lingala, a eu des journaux

écrits et des émissions radiophoniques en lingala.

Quant à la radio, précisément, son développement a été aussi, du

fait de circonstances exceptionnelles, assez précoce. Ce fut la deuxième

guerre mondiale qui en a précipité le développement. Radio-Brazzaville

a en effet été, dès 1940 et jusqu'en 1944, la radio de la France libre,

qui avait d'ailleurs pris pour capitale la capitale de l'A.E.F. Au Zaïre

voisin, où de nombreux résistants belges, américains, anglais et autres

s'étaient réfugiés, tous les vieux témoins se souviennent d'un développe­

ment soudain et spectaculaire de la radio à partir de la seconde guerre

mondiale. La radio s'est donc trouvée parée d'un prestige sans précédent

en même temps que chacun en saisissait le rôle politique majeur.

Du passé au présent, les liens sont nombreux.

D'abord dans le statut juridique de la communication. Dans la prati­

que, aucun des Etats de la sous-région ne reconnaît la liberté de la presse

malgré les attentes de l'opinion. Il y a eu en effet, dans l'expérience

vécue par une partie significative de la population, une dizaine d'années

pendant lesquelles la presse a connu une réelle liberté. Cette période

correspond en gros aux cinq dernières années de la colonisation et aux

cinq premières de l'indépendance : on s'aperçut alors que liberté n'était

pas incompatible, bien au contraire, avec qualité.Le durcissement général

des pouvoirs après le milieu des années soixante - à la suite ou non de

coups d'Etats militaires - a partout sonné le glas de cette liberté trop

nouvelle, trop éphémère et trop passagère pour laisser des habitudes. Il

paraît inutile de commenter ici les lois sur la presse : en droit, elles

précisent les conditions d'autorisation et d'interdiction des journaux,

magazines et revues ; en fait, dans le cadre de régimes de parti unique

et, parfois, de pouvoir personnel, écrite, parlée ou visuelle, la presse

est soumise à un contrôle étroit des pouvoirs et, en définitive, à une

véritable censure. Dans quelques rares cas, certaines institutions arri­

vent à imposer un journal écrit, le plus souvent hebdomadaire ou mensuel,

(82)

Page 81: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 31

indépendant. Prenons le cas extrême du Congo, république populaire,

dirigée par un parti d'inspiration marxiste, où l'Eglise catholique

publie un hebdomadaire d'origine ancienne et fort réputé : La Semaine

Africaine. Cette unicité de fait de la communication pose de graves pro­

blèmes quant aux perspectives de développement : dans la mesure où celui-

ci implique une adhésion consciente, active et prolongée de la population,

comment susciter et entretenir cette nécessaire adhésion par une presse

qui ne se voit pas reconnaître ou qui ne tolère pas la liberté de débattre?

Ensuite le système et l'organisation générale de la communication tra­

duisent des déséquilibres graves qui sont souvent, presque toujours, une

conséquence de la faiblesse des moyens. Chacun des pays de la sous-région

possède une agence de presse : Agence Congolaise d'Information, Agence

Zaïre Press, Société de Presse et d'Edition du Cameroun, Agence Burundaise

de Presse, Agence Tchadienne de Presse, Agence Gabonaise de Presse, etc..

Chacune publie un bulletin, en principe quotidien : mais celui-ci se réduii

souvent à présenter ou à commenter les activités du gouvernement et l'agen­

da du chef de l'Etat ; parfois il commente les nouvelles importantes de

l'étranger. En dehors de l'AZAP ( Zaïre), qui entretient par intermittence

un bureau à Bruxelles, aucune de ces agences de presse étrangèrestlne sont

présentes et actives. Ce sont elles qui fournissent 100% des nouvelles

concernant les pays développés et les grands problèmes économiques, poli­

tico-militaires et culturels mondiaux : beaucoup d'informations relatives

aux pays africains ou du Tiers-Monde transitent encore par elles ; ainsi,

un sondage fait par nous dans la presse écrite et parlée en juillet et

août 1987 montre que plus de 90% des informations concernant le Tchad

viennent de l'A.F.P. (Agence France Presse). Il y a là une dépendance

catastrophique que la plupart des Etats, compte tenu de leurs moyens li­

mités, n'ont pas la possibilité de briser. D'autres faiblesses apparais­

sent : la reprise, sans altération, des nouvelles venant de l'étranger,

ce qui précipite la déculturation, voire l'aliénation culturelle ; la

néglicence des problèmes liés au développement économique et social de

chaque pays. Ces faiblesses sont cependant plus ou moins graves selon le

média considéré.

(83)

Page 82: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 32

C.2. La radio : emancipation et blocages.

Le tableau qu'offre la radio est très contraste : les difficultés

nombreuses, que se plaisent à évoquer les hommes de radio eux-mêmes, sont

heureusement contrebalancées par des réalisations et des tentatives qui

donnent toutes les raisons d'espérer en un avenir brillant (1).

Il faut d'abord partir d'un cas précis, que j'ai choisi en fonction

des opportunités et se reporter à l'annexe III qui présente les program­

mes de radio de Libreville II (2). Mis progressivement au point, ces pro­

grammes sont ceux de 1986 et ne semblent paspavoir fondamentalement changé

depuis. On constatera d'abord la très bonne couverture horaire des émis­

sions qui prennent littéralement les gens au sortir du lit (5h25 du matin)

pour se prolonger, pour les rares "couche-tard", jusqu'au-delà de minuit.

Il faut remarquer aussi que, même si les émissions se font en français -

ce qui pourrait constituer un facteur très grave de dépendance - les pro­

ductions nationales l'emportent très nettement sur les "productions de

coopération" : 5 tranches sur 41 le lundi ; 3 sur 42 le mardi ; 4 sur 42

le mercredi ; 9 sur 41 le jeudi ; 4 sur 42 le vendredi ; 4 sur 41 le sa­

medi et 5 sur 42 le dimanche. Par "production de coopération", il faut

entendre ou des émissions réalisées à partir de dossiers complets fournis

par des radios étrangères que les animateurs n'ont, en somme, qu'à mettre

en forme vocalement ; ou des émissions déjà montées par des radios étran­

gères et reprises en tout ou en partie par la radio nationale. Dans le cas

(1) La plupart des réflexions qui suivent viennent de constatations et d'entretiens faits avec les responsables et, surtout, les producteurs nationaux au cours de missions que j'ai menées pour R.F.I. en 1981, 1983, 1984 et 1986.

(2) Ce dossier m'a été aimablement communiqué par le service de coopéra­tion de R.F.I. (Radio France Internationale).

(84)

Page 83: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

I 23

00

o c l-í a CD

en

0)

et

p- o 3 CO

er

3 H-

CA

3 D

C eu

H'

1 CD

CO

ft CU

ei­ n

­en

et

H

- c CD

T3 O c •1

H-

-Q

C CD

"O

O l-i ci

H-

CD

3=

i-h

1 H-

J3 C

CD

Q.

C o CD

3 et

hj CD

C

et

i-J

CD

W CD

3

'

i-vi

M 33

m 00

o CD

O I-»

O O h->

O CO hi r\j en

\-*

CO

o hi 4^

O I-» en

O r\3

o o ro

CJl o

—1

o X > o VJ

o VJ

o VJ

en

VJ

CT)

CO

O 00 en

i-> o o i-* o o hi

hi o h*

h-i en

en

3a

O —1

OME ET PRINCIPE 00

CD

O ro

o ro

t-»

PO

r\j ro

ro

ro

co

ro

£>

ro

en

33

CZ

33

Z O 33

-fe

CD

en

co

CD

en

vj o co

o co

en

t-» en

o hi en

O H>

en

en

t-> en

co

cr>

cz:

i-i z m E EQUATORIALE CT)

O vj

O VJ

00 œ o œ ro

00 CT}

CD

O hi O o hi o en

o CD

o 33

03

O z CD

O CD

O CD

PO

CD

00

CD

en

CD

CD

CD

CD

CD

CD

CD

00

hi

O ro

o o z

CD

o VJ

en

co

O œ hi

CD

co

CD

CO

CO

o CD

PO

CO

00 co

00

hi o *. o m z -H

33

AFRIQUE CD

CJl

vj

O vj

O •vi

CJl œ o i-> o en

i->

i-» o h-> ro

o hi co

O i-> co

vj

o 33

3 m 33 OUN PO

PO

CJl

PO

PO

VJ

PO

co

PO

PO

00

VJ

PO

.fc.

o en

o o vj en

O vj CD

O vj 00 o 00

hi o

CO

cz

33 CZ z i-> o o M o o I-* o o hi o en

hi o vj

h->

i-i

O i-»

CJl o i-»

CJl o hi

CJl

PO

hi

CJl en

>-*

CO

-vi co

hi CO

vj

Ji.

hi co

vj en

hi CD

•vi

CD

hi CD

vj

vj

hi CD

vj

00

hi CD

vj

CD

hi CD

00

O hi

CD

00

t-i

hi CD

00 PO

33

CO

CD

3 O

h)

O

CD

O

w

Q.

CD

13

O CO

C

t CD

cn

co

­ro

O

(85)

Page 84: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 34

du Gabon, "radios étrangères" désigne, pour 75% des émissions concernées,

Radio France Internationale (France), les autres émissions étant fournies,

toujours en français, par la République Fédérale Allemande, le Canada

et même la Voice of America. Ajoutons d'ailleurs que, dans le cas de

R.F.I., beaucoup des émissions fournies aux radios nationales africaines

ne font que transiter par R.F.I. puisqu'elles sont l'oeuvre de réalisateurs

africains et viennent souvent des radios nationales africaines ; ainsi,

assez curieusement, des radios étrangères au continent contribuent à la

coopération radiophonique au sein du continent. Ce ne sont d'ailleurs pas

les émissions les plus extraverties quant à leur contenu : si "Fenêtre ou­

verte sur ..." se contente de faire connaître le pays d'origine ou l'ins­

titution productrice de l'émission (R.F.A., Canada, ONU...), des émissions

comme "Découvertes", "Mémoire d'un continent", "Concours théâtral" ou

"Grands moments du tiers-monde", participent à la promotion des cultures

anciennes et actuelles du continent africain. Enfin, il est nécessaire de

souligner que les productions nationales font la part trop belle aux "in­

formations" et aux "animations" trop chargées de politique partisane aux

dépens des émissions de service (notamment les très populaires "avis et

communiqués") et, surtout, des émissions que, faute de mieux, on pourrait

qualifier d'émissions de développement (magazine de la femme, magazine

des éducateurs, service-santé). Tous les entretiens avec les hommes de

radio de la sous-région confirment que le cas gabonais n'est qu'une va­

riante, peu éloignée de l'original, d'un modèle général.

Parmi les problèmes incriminés par les professionnels, il y a d'abord

et avant tout l'insuffisance des moyens matériels qui explique bien des

choses : le manque dramatique des outils de travail, tous importés de

l'étranger (magnétophones, microphones, bandes d'enregistrement, etc...),

fait que les rares moyens disponibles sont mis au service de ce qui paraît

urgent et essentiel, c'est-à-dire le politique. Cela explique aussi qu'à

peine diffusés, les enregistrements sont effacés puisqu'il faut utiliser

les bandes à autre chose : les exemples sont déjà très nombreux qui mon­

trent que les pays d'Afrique centrale (et sans doute d'ailleurs) se pri­

vent de leur mémoire radiophonique, alors que les pays développés stockent

(86)

Page 85: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 35

toutes les informations dont ils disposent sur l'Afrique : cette situa­

tion, qui se vérifie aussi pour la télévision et la presse écrite, fait

déjà qu'il faut parfois recourir aux archives des pays développés pour

avoir des éléments concernant la sous-région. Au nombre des problèmes

perçus par l'opinion publique figure la surpolitisation de ce média, qui

rend compte à la fois d'une dépendance excessive à l'égard du pouvoir po­

litique et de la part quasi-exclusive réservée aux informations nationales:

d'où, parmi les élites intellectuelles et même politiques, le discrédit

relatif des radios nationales alors que les radios étrangères bénéficient,

au sein de cette catégorie sociale, de taux d'écoute élevée.

Cependant, la radio reste le média le plus suivi en Afrique centrale

(voir tableau XII). Dans les dix Etats de la sous-région un effort réel a

été fait dans le sens de la décentralisation ; certes, faute de moyens, les

stations provinciales se contentent de reprendre en langues locales, les

informations données en français par la radiodiffusion nationale ; mais

dans quelques cas, comme au Cameroun (où il existe sept stations provin­

ciales), on assiste à la production d'une véritable information locale,

théoriquement plus proche des préoccupations du peuple.

Ainsi se trouve posée la question de la communication pour le dévelop­

pement, en ce qui concerne ce support privilégié qu'est la radio. Disons

d'abord qu'à examiner les programmes, le développement n'apparaît pas comme

la préoccupation principale des radios d'Afrique centrale : celle-ci reste

l'information et le divertissement. Il a cependant été tenté des opérations

spécifiques de radio rurale aux fins de promouvoir le développement écono­

mique.

Au Cameroun, deux expériences ont vu le jour, à peu près à la même

époque (milieu et fin des années 1970), qui ont donné des résultats tout

à fait contradictoires (1). Toutes les deux ont associé les mêmes parte­

naires camerounais (Radio Cameroun et ses stations provinciales, le Bureau

national et les bureaux provinciaux de la production agricole) et étrangers,

(1) Entretiens avec des participants de cette opération réalisés à Paris en août 1987.

(87)

Page 86: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 36

en 1'occurence français (l'OCORA, Office de Coopération radiophonique, et

la BDPA, Bureau pour le développement de la production agricole). Dans un

cas l'expérience a réussi, dans l'autre non. Là où elle a réussi, en zone

cacaoyère, elle a été menée sur dix mois : un calendrier initial a été

diffusé, puis des parties en ont été régulièrement répétées à l'antenne ;

chaque jour, on donnait des conseils et des dossiers, illustrés par des

proverbes, des contes et des adages locaux ; un concours du meilleur plan­

teur a été organisé, tout comme on a diffusé le calendrier du meilleur

planteur. Résultat : 100 000 tonnes de cacao. En revanche, les mêmes tech­

niques, utilisées dans le nord n'ont produit aucun effet : on était en

région cotonnière et, surtout, les responsables locaux, tant à la radio

que dans les services agricoles, se sont peu investis dans l'opération. La

question principale n'est donc pas celle des techniques car celles-ci sont

connues et dépendent des moyens qu'on veut y mettre ; elle est plutôt celle

des hommes, c'est-à-dire celle de la mobilisation des agents de vulgarisa­

tion qui, par ricochet, peut entraîner la mobilisation des énergies pay­

sannes (1 ) .

C.3. Splendeurs et misères des autres médias.

Comparés à la radio, les autres moyens de communication apparaissent

bien médiocres dans leur production et leur apport à la problématique du

développement économique et social, même si leur support visible semble

plus impressionnant.

Cela est vrai d'abord pour le dernier venu, la télévision. Ce n'est

pas peu dire : dans un continent où la télévision est peu développée,

l'Afrique centrale fait figure de parent pauvre. Un Etat aussi grand que le

Zaïre ne bénéficie que de 10 000 postes de télévision (voir Tableau XIII).

(1) Voir aussi Querré, F. "Radio rurale au Burundi : une solution radicale" in Multiplex (R.F.I.) n°6, juin 1979 et Ayikoué, Fidèle "La radio ru­rale en questions (séminaire du CIERRO, Centre interafricain d'étude en radio rurale", Multiplex n° 1, 1985, pp. 42-50.

(88)

Page 87: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

111-

37

co

o c l-i n

CD

m

co

D

o

CO

et

m

et

H

- co

et

H- n

0)

CD

0)

i-J

CT

O

O

7s

" CD

CO

CO

M

ï»

1—1

33

m

j i-»

o

l-i O o

"co

o

CO

o

-c*

CT

cz

M

•z

. EE EQUATORIALE o

o

h* K>

O

O ro

« 00

ro

00

CD

ï»

co

o

z 1,2 C

D

O ro

<* -C»

l-i

CD

00

O

O

Z CD

O

0,4 1,8 CO

en

CO

--vi

O

-Ci

I-i

<m

en

ro

« co

ro

«• co

o

m

2 -1

RAFRIQUE o

o 0,7 l-i O o

o

"co

o

« -C*

CD

C

D

en

I-i

CD

o

l-i 980 I-i CD

0

0 I-i

I-i co

en

U

l

I-i

CD

J o

l-i CD

0

0 o

l-i CD

C

O

I-i

Nomb CD

CD

n milli CD

l-J co

z ambre •Q

O

C

I-)

l-i O o

o

CT

Q

] bitan et

CO

3=»

CO

O 3 CT

>-l

CD

O.

CD

TJ O CO

et

CD

CO

Q.

CD

et

CD<

H-1

CD>

<

CO

H-

O

3

(89)

Page 88: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 38

alors que des pays moins étendus, moins peuplés et réputés moins riches

en possèdent sensiblement plus, le Ghana, le Kenya et la Zambie 70 000

chacun ; le Soudan 107 000. Le nombre de téléviseurs pour 1000 habitants

est encore plus éloquent puisque les Etats d'Afrique centrale se retrou­

vent au bas du tableau continental juste devant des pays tels que le

¡?zambique (0,1) ou la Tanzanie (0,4). Le mieux équipé, le Gaixfn - avec

18 postes pour 1000 habitants - ne figure qu'au lie rang d'un échantillon

de 37 pays africains retenus par les statisticiens de l'Unesco. Ces chif­

fres insignifiants sont à rapporter aux bas revenus dont la population dis­

pose et au coût élevé d'un bien qu'aucun pays de la sous-région ne produit :

le téléviseur reste donc un produit de luxe, exclusivement réservé aux

villes les plus importantes et, dans ces villes, aux catégories sociales

aisées. Il est donc significatif des choix et des modèles de référence

des Etats de voir que des moyens relativement importants sont investis

pour le plaisir d'une infime minorité : car, à la différence de la radio

qui, en particulier dans les zones rurales, s'écoute dehors en compagnie

de voisins, la télévision se regarde chez soi, dans 1' lAtimité de la

famille. Il y a donc, dans le fait même de posséder une télévision, au-

delà du signe de richesse relative, un effet - à moins que ce n'en soit

la manifestation - sur les rapports sociaux et les modes de vie. Quant au

contenu, nul média en Afrique centrale n'est aussi extraverti, aussi dé­

pendant et aussi peu créateur que celui-ci. Une indice parmi d'autres :

il a été impossible d'obtenir des programmes précis, en dehors des heures

de diffusion du journal. Avant et après le journal on se contente le

plus souvent de "balancer", pour reprendre le jargon des professionnels,

des films ou des feuilletons étrangers, des émissions "culturelles" étran­

gères (émissions de variétés, découverte de la nature ou des performances

techniques de tel ou tel pays), voire des débats politiques étrangers. Si

l'on tient compte de ce que les émissions proprement nationales ne sont

le plus souvent que des retransmissions (concerts de musique, pièces de

théâtre, événements sportifs ou religieux), il apparaît qu'il n'y a pas

encore de véritable production. Aussi n'y a-t-il pas lieu de s'étonner

(90)

Page 89: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 39

que plusieurs pays aient tardé (le Cameroun jusqu'en 1985) et tardent

encore (le Pu'anda) à aggraver leur endettement pour un luxe jugé par eux

inutile.

Si elle est plus ancienne, la presse écrite n'est guère mieux lotie.

Ici encore la question n'est pas celle des hommes, souvent expérimentés,

techniquement capables, croyant en leur métier. Elle est celle du contexte

et de l'environnement socio-politiques. Le fait que la presse soit écrite

la coupe irrémédiablement de toute la portion analphabète de la population.

Le fait qu'elle soit écrite en français lui aliène ceux qui, même alphabé­

tisés, maîtrisent mal cette langue. Comme la télévision, elle concerne

donc en Afrique centrale une catégorie très restreinte de la population

et cela d'autant plus que c'est un produit coûteux (1) : les informations

pratiques dont les gens ont besoin sont données gratuitement par les

"avis et communiqués" radiophoniques. Quant à la politique, elle est à la

fois trop présente et trop absente : trop présente parce qu'elle fait

constamment la "une" des journaux, trop absente parce que les informations

données sont univoques, unilatérales. Quant à la problématique nationale

de développement elle est absente des grands titres quotidiens ou hebdoma­

daires : seules les revues spécialisées, à la diffusion nationale très

restreinte, lui consacrent des développements substantiels ; la plus

importante - si l'on écarte les revues universitaires - est sans doute

Zaïre-Afrique, fondée en 1961 (10 numéros par an, à raison de 5 500 exem­

plaires en moyenne par numéro, servis essentiellement par abonnement). Le

cas de Zaïre-Afrique en celui, évoqué plus haut, de la Semaine Africaine

de Brazzaville permettent de souligner le dynamisme de la presse "alterna­

tive" : partout où elle existe, elle répond aux exigences à la fois de

précision, d'exactitude et d'équilibre, ce qui lui assure la fidélité d'une

(1) Malgré les apparences, la dépendance technologique de la presse écrite est dramatique : en dehors des compétences, qui sont nationales, les journaux importent tout ce dont ils ont besoin pour exister : papier, machines imprimantes et mène informations fournies par les grandes agences.

(91)

Page 90: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill

39

bis

•Q

rr C

H-T

3

3 C

i-t

rr rt

> rr

H

- O

rr

••

C

rt

n rr

H-

H-

Dl

S S

C

Hl

C

Hl

O

rt

•o o 3

O

CL

C

S CD

3 «

§o c

cr

3

« 3- 01

o-

l-l 0)

n>

rr

en

n>

D.

C

rr H

- 3

Ol

B

3 H

- (u

rt

313

. C

TJ

rr

01

H

- C

§ 3 H

-D

. in

C

(n

(5

rt S

tn o c i-i

n CD

a.

i-i

3 0*

3 H

- C

3

t-C

H

-

H-

11

o 3 m

rr

a.

a-I—'

to

01

3 01

S> n o 3 en

rr 01

rr ro

i-i 01

.Û c ro

SCO - Sta et

H-

i r -«.

II) CT U

7C-

M

l-l 33

m

I-* CO

1 en

tn

ro

O

O 1 -Ci

tn *>

tn to 1 I-» tn

i->

(SI

-H

O

T I>

O 1 *. .&.

.t. 1 1 l I-* en

i i i i

33

C 3>

Z. i i-> i i-k

O C-

l-H ^ EE EQUATORIAL m

i i ro

ro

i o ro

i o ro

i i i O

r-1

i i i i-» i i i i

C7> 3»

CO

O :z i H'

t->

l-i 1 1 1 I-»

tn i i -Ci

o r>

Ü en

Ü

CO

i i->

i-> i i i i i i i i

n •c

-<

m ROUN ro

ro

to ro

h-»

j ro

tn

ro

œ

co

tn co

co

co

^

CD

cr

33

CZ NDI i-* i-k h-»

ro

O « CO

I-»

tn

i i o i-> 0,4 i i

i-»

CD

^J

O

197 tn 197 CD

198 ro

i-»

CD

•v

l O

I-»

CO

^1

tn

i->

CD

-J

CD

I-»

CD

œ

ro

i-» co

-vl o 1975 i-»

CD

CD

h-'

CD

C

O

ro

Nomb H.

CD

3 3 H-

I-i I-1 H-ers -a

o ur 1000 3"

m

cr

H-tants

CD

cr

x CD

O

C 1-1

3 01

C X JD

C o et

p-

Q.

H-

CD

3 C/l Q.

CD

—1

H-

>i eu

CQ

CD

*—«

CD

C/)

et

H-

3 0)

rt H'

O

3

•-1

H-

.• C

CD

C-)

CD

3 rt i-l 01 (-" CD

(92)

Page 91: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 40

clientèle nombreuse parmi les elites et au-delà de ses frontières intel­

lectuelles et idéologiques ; car cette presse, souvent d'inspiration catho­

lique ou protestante, est soutenue par de puissants appareils religieux.

Citons par exemple au Cameroun Cameroon Panorama (mensuel catholique, 3000

exemplaires), L'Essor des Jeunes (mensuel catholique, 3000 exemplaires),

Le Serviteur (mensuel protestant, 3500 exemplaires), Nleb Bekristen (vieux

mensuel catholique, fondé en 1935 et publié à environ 6000 exemplaires en

ewondo). Les titres sont également nombreux au Zaïre : fondé en 1974,

Telema, revue trimestrielle catholique rédigée en lingala, tire à environ

3000 exemplaires ; il existe aussi une revue Documentation et Informations

Protestantes (DIP) et une autre Presse et Information Kimbanguiste (PIK)

dont le tirage n'est pas connu.

Ainsi la communication en Afrique centrale apparaît comme l'effet ou

le produit d'une situation, dont ses faiblesses expriment le blocage et la

crise, plus que comme un facteur de transformation économique et sociale.

Même ses incidences dans le domaine des mentalités et de la culture ne sont

que l'expression d'une situation générale caractérisée par 1'extraversion.

On retrouve ici encore la question déjà évoquée de l'urgence, pour les

décideurs, de définir clairement des voies et des modèles de développement

qui permettraient à la communication de jouer pleinement son rôle grâce

aux moyens modernes importants dont elle dispose.

(93)

Page 92: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 41

III. D. Un secteur dynamique : la culture.

On prendra la culture ici dans une acception relativement large qui,

tout en tenant compte des niveaux sur lesquels il est le plus courant et le

plus facile d'agir (ceux des politiques culturelles et des productions cul­

turelles individualisées), puisse faire une grande place aux pratiques, sou­

vent collectives et populaires, moins formalisées. De ce point de vue, il

est impossible d'esquisser la moindre perspective pour l'avenir sans l'en­

raciner dans une profondeur historique relativement grande : car, sur un

siècle ou un peu davantage, dans des contextes économiques et socio-politi­

ques au moins aussi difficiles que celui de la crise actuelle, les peuples

d'Afrique centrale n'ont pas cessé de déployer une remarquable créativité

dont les effets se sont accumulés pour expliquer le foisonnement actuel.

D.I. Le dernier âge précolonial.

Il n'y a rien de plus approximatif ni de plus fou que les thèmes et les

concepts les plus couramment employés pour parler de la culture en Afrique

noire : en particulier celui de l'unité culturelle du continent et celui

de l'opposition quasi conflictuelle entre "traditions" et modernité". Il

est clair, par exemple, que l'Afrique centrale a élaboré et expérimenté

des formes culturelles sensiblement différentes de celles de l'Afrique

sahélo-soudanienne ou de l'Afrique arabo-swahili, ne serait-ce qu'à cause

du facteur religieux : animisme ici, islam là-bas. Mais, d'autre part, pour

s'en tenir seulement au "dernier âge précolonial" (disons, en gros, à la

deuxième moitié du XIXe siècle), il est clair qu'il n'y a pas en Afrique

centrale une quelconque rigidité ou de l'immobilisme dans les pratiques ou

les attitudes culturelles. La problématique actuelle de l'internationali­

sation de l'échange des biens culturels peut tout à fait s'appliquer mutatis

mutandis à l'Afrique centrale d'il y a un siècle. On constate alors

partout un élargissement spectaculaire du cadre de vie et de référence

(94)

Page 93: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 42

des gens dans la mesure où l'Afrique centrale se voit pénétrée par des

influences lointaines, venues de l'océan indien ou de l'Europe(l). Elle

ne reste pas cependant passive face à ces influences puisqu'elle y opère

des tris et que, pour résister aux effets dévastateurs de cErtaines d'en­

tre elles, elle s'attache constamment à innover. Ce dynamisme culturel est

particulièrement visible dans quelques domaines : langues, religions,

structures socio-politiques et tentatives de réforme globale.

Dans le domaine linguistique, on assite alors au déclin des langues

locales, enracinées dans un terroir restreint et à la diffusion limitée. Il

ne s'agit pas le plus souvent d'une disparition pure et simple : parfois

la langue ancienne s'adapte, incorporant des éléments des langues nouvelles

ou s'incorporant plus ou moins largement dans celles-ci ; parfois, elle

parvient à se préserver, quitte pour ses locuteurs à devenir bilingues ou

même trilingues en maîtrisant les langues nouvelles. C'est qu'il s'agit

d'une époque à laquelle, avec les développements impétueux des échanges,

tout circule à une allure rapide : les produits, les idées et, avec eux,

les hommes. Justement ces nouvelles langues sont d'abord des langues de com­

merce, liées aux gens du voyage. Prenons seulement deux exemples. A un

bout de l'échantillon, il y a le swahili : langue et structure bantu (qui

de ce fait pouvait 's'adapter à tous les terroirs de l'Afrique centrale)

et comportant de nombreux éléments arabes. A l'autre bout, on trouve le

lingala formé par l'amalgame des langues de peuples bantu pratiquant le

grand commerce du fleuve Congo/Zaïre. Comme preuve de ce que le passé ris­

que ici d'informer l'avenir, il faut constater qu'au Zaïre, par exemple,

une partie de plus en plus grande de la culture populaire s'exprime en lin-

gala, tandis que dans l'est -du Zaïre, au Burundi; au Fti/anda et, surtout,

en Tanzanie et au Kenya, la culture populaire et la culture lettrée tendent

à s'exprimer en swahili.

Sur le plan religieux, on assiste d'abord, sur les marges de la sous-

région, à un développement relativement fort de l'islam (1). Certes

(1) Voir ci-dessus, chapitre I, Bl.

(95)

Page 94: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 43

l'adhésion à l'islam n'était pas fondée, dans la majorité des cas, sur

des considérations strictement religieuses : dans la mesure où les commer­

çants esclavagistes et les nouveaux chefs politiques se revendiquaient de

l'islam, tous ceux qui voulaient survivre ou réussir trouvèrent intérêt à

embrasser à leur tour l'islam. Cependant l'animisme ne s'est pas trouvé

menacé pour autant : on assiste même, au contraire, à une mise à jour des

croyances anciennes et à un véritable renouveau des cultes.

Quant au terrain politique et social, il y a partout un éclatement des

lignages, des clans et des ethnies (l).£>e nouveaux modes de sociabilité

et de référence au politique se développent. Le principal gagnant n'est

sans doute pas l'Etat qui certes tend à englober des espaces de plus en

plus grands. L'opposition Etat/ethnie est sans doute trop schématique pour

exprimer cette mutation dont les grands bénéficiaires sont les hommes nou­

veaux, souvent déracinés (au sens propre et figuré, en tant que fossoyeurs

des moeurs anciennes), initiateurs de pratiques inédites, enrichis dans le

commerce et capables, par l'accumulation de moyens de domination et la

mobilisation de nombreux dépendants, de fonder des Etats d'un nouveau type,

souvent autoritaires mais aussi soucieux d'efficacité et de rationalité (2).

Cependant^3 démocraties villageoises ont réussi ici et là à se préserver.

Et ce sont ces deux structures - Etats rénovés et démocraties revigorées -

qui allaient opposer une vive résistance à la colonisation. Quant aux

Etats, leur souci de rationalité et d'efficacité touchait bien sûr à l'éco­

nomie (il fallait produire davantage et accumuler le maximum de richesse

pour être le plus puissant possible) ; mais il concernait aussi la culture :

c'est ainsi qu'au Cameroun le sultan Njoya fonda sa propre écriture aux

fins de mieux gérer son royaume (3).

(1) Voir Amselle, J.L. et M'Bokolo, E. (eds) Au coeur de l'ethnie. Paris La Découverte, 1985.

(2) J'en ai étudié un exemple dans Msiri. Paris-Dakar, A.B.C.-N.E.A., 1977.

(3) Voir pour plus de détails Tardits, C. Le royaume bamoun. Paris, Edi­tions de la Sorbonne, 1973.

(96)

Page 95: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 44

D.2. L'intermède colonial.

Les trois quarts de siècle de domination coloniale représentent en eux-

mêmes un durée assez courte. Mais leur importance est capitale en matière

de culture car ils ont érigé des constantes dans les rapports des élites

et de l'Etat à la culture en même temps qu'ils ont vu ëclore des formes

de culture très florissantes aujourd'hui. Il est donc nécessaire d'avoir

une approche globale et, par conséquent, moins manichéenne que les analyses

courantes des politiques et des pratiques culturelles pendant la coloni­

sation.

Certes, dans le contexte de l'Afrique centrale, il y a eu une constante

des attitudes coloniales qu'un seul mot peut résumer : le mépris. Il n'y

eut pas en Afrique centrale ces velléités d' "administration indirecte"

qui ont fait que, dans certains territoires britanniques, certaines tradi­

tions culturelles ont été préservées, parfois valorisées. D'autre part, les

colonisateurs n'ont pas trouvé en Afrique centrale ces belles architectures

religieuses (islam) ou politiques (Etats de tradition ancienne)qui ailleurs

ont suscité quelque considération de leur part. Ce mépris généralisé impli­

quait théoriquement une politique de la table rase entreprise par l'admi­

nistration et les missions chrétiennes. Cette politique se heurtait cepen­

dant à de nombreuses résistances, tant culturelles que franchement politi­

ques, qui en compromettaient l'efficacité. En même temps ces résistances

manifestaient l'existence d'une réalité dont il fallait bien tenir compte.

Aussi, avec le temps, un assouplissement relatif intervint-il dans les

attitudes coloniales. L'ethnographie coloniale apparut au Zaïre et au

Cameroun dès les débuts de la colonisation, mais beaucoup plus tard dans

les autres pays de la sous-région : quelle que soit la valeur individuelle

des travaux publiés dans ce cadre, l'effet global de cette ethnographie

fut de folkloriser les cultures d'Afrique centrale : c'est-à-dire, ayant

nié leur dynamique et leur caractère évolutif, les ayant enfermées dans un

cadre qui bloquait toute possibilité de transformation, de les fixer dans

une rigidité, une immobilité, une éternité qui étaient contraires à leur

(97)

Page 96: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 45

génie. Le support le plus visible de cette folklorisation fut l'ensemble

des musées ethnographiques de création coloniale. Cependant, à partir des

années 1930 environ, des voix de plus en plus nombreuses se sont élevées

pour affirmer l'existence d'une véritable culture africaine et en exiger

la reconnaissance avec toutes les conséquences que cela impliquait. Ces

voix étaient d'abord bien sûr africaines : on pense à tous ces "përes de

l'indépendance" qui, à l'instar de Léon Mba au Gabon ou de Fulbert Youlou

au Congo, ont commencé leur carrière en essayant d'expliquer et de défendre

les valeurs, alors condamnées, du "fétichisme" (1). Mais ces voix s'élevè­

rent aussi parmi les coloniaux eux-mêmes, par exemple de la part de Félix

Eboué, gouverneur de l'A.E.F. (1940-1944) et surtout du missionnaire belge

opérant au Zaïre, Placide Tempels : dans un livre célèbre, dont l'une des

toutes premières éditions françaises fut publiée à Paris par Présence Afri­

caine en 1947 - La philosophie bantoue - celui-ci s'efforçait de démontrer

que les Noirs d'Afrique centrale possédaient, plus que des croyances inco­

hérentes, une véritable philosophie, définie comme un système cohérent

et logique de pensée. Il faut remarquer que le livre, fondé sur la connais­

sance que le missionnaire avait de 1'un des peuples du Zaïre, prétendait

s'appliquer à tous les peuples bantu. Dans cette vision uniformisante,

il y avait d'abord, au plan intellectuel, une simplification abusive,

mais aussi, dans ses prolongements pratiques, une tendance grave, au nom

d'une unité hypothétique et postulée mais pas prouvée, de nier les diffé­

rences culturelles entre les peuples d'Afrique centrale.

Contrairement à une idée commode, les Africains ne se sont pas conten­

tés de subir en victimes passives la destruction brutale ou insidieuse de

(1) Ainsi F. Youlou, tout en étant abbé; a publié un essai sur L'Art noir ou les croyances en Afrique Centrale (Brazzaville, s.d.) qui essayait de rendre compte du "fétichisme". L. Mba de son côté a été arrêté et condamné à la déportation pour participation aux activités fétichistes et jugées criminelles d'une société secrète.

(98)

Page 97: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 46

leur culture. En fait, même si le calcul des colonisateurs a été, en

Afrique centrale, de faire table rase des cultures existantes, la situa­

tion coloniale semble au contraire avoir paradoxalement exacerbé la créati­

vité culturelle des Africains, le plus souvent dans le sens d'une résis­

tance à la domination étrangère. Il faut opérer ici deux distinctions uti­

les : entre culture d'élite et culture populaire d'une part et entre cultu­

re d'assimilation, voire de collaboration et culture de résistance.

Les élites d'Afrique centrale, formées et façonnées par l'école colo­

niale, représentaient ce milieu que les colonisateurs appelaient avec con­

descendance "évolué" et qui correspond en réalité à la petite bourgeoisie

administrative. Elles ont produit une culture de synthèse à travers des

textes écrits et relativement nombreux qui témoignaient de l'adoption, par­

fois passionnée, de la langue française. Si les premiers textes ont paru

dans 1'entre-deux»guerres, ce fut à partir de 1945 environ qu'une véritable

littérature commença à voir le jour, avec ses thèmes privilégiés, ses modes

et ses manies, ses courants (1). Deux revues, patronnées l'une et l'autre

par le pouvoir colonial, ont servi de creuset à cette littérature naissante.

Il est intéressant de souligner, dans une réflexion sur les possibilités

et les réalités de la coopération interrégionale, qu'elles ont été toutes

les deux dirigées et animées par deux intllectuels de Kinshasa. Ce fut

La voix du Congolais publiée à Léopoldville(Kinshasa) et animée par le poète

et romancier Antoine Roger Bolamba qui est encore vivant ; pour les quatre

territoires de l'A.E.F. (Centrairique, Congo, Gabon et Tchad) et, secondai­

rement pour le Cameroun, les Français lancèrent à Brazzaville la revue

Liaison dont la direction échut à un nouvelliste et romancier de Kinshasa,

poursuivi pour agitation nationaliste et réfugié dans la capitale de l'A.E.

F., Paul Lomami Tshibamba. Souvent complaisante à l'égard de la situation

coloniale qu'elle feignait parfois d'ignorer, cette littérature sut aussi

se montrer critique et d'une férocité redoutable si l'on en juge par la

(1) Voir notamment Kadima-Nzuji La littérature zaïroise. Paris, L'Harmattan, 1985.

(99)

Page 98: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 47

belle nouvelle de Lomani-Tshibamba Ngando, véritable modèle d'une litté­

rature qui se veut de combat, mais aussi de qualité.

Quoique active, cette élite représentait une infime minorité dans la

masse de la population composée essentiellement de paysans et d'un petit

prolétariat urbain naissant. Ces classes populaires ont aussi fait preuve

d'une indiscutable créativité culturelle. Dans le monde rural la chose la

plus spectaculaire fut la vitalité des traditions religieuses et des nou­

veaux messianismes et syncrétisraes qui animèrent des mouvements de résis­

tance variés : guerre de Kongo Wara pendant les années 1920 en Centrafrique

s'appuyant sur les croyances animistes ; kimbanguisrae au Zaïre et au Congo

à partir des années 1920 (1) ; matsouanisme au Congo à partir des années

1930, etc. D'une manière générale, les très nombreux mouvements de résis­

tance paysanne de l'époque coloniale et du début des indépendances (comme

les insurrections populaires du Zaïre des années 1961-1965) se fondèrent

sur l'exaltation des pratiques religieuses combattues par l'administration

coloniale et les missionnaires.

Dans les théories du développement comme dans la pensée africaine, la

ville n'a pas bonne presse. En Afrique centrale l'image classique de la

ville coloniale est celle qu'a décrite le romancier camerounais Eza Boto

dans Ville cruelle (2) : la ville monde anonyme, lieu de souffrance ou de

perdition. Or la réalité n'est pas aussi simple. Pour s'en tenir à la cul-?

ture, les villes d'Afrique centrale ont été le lieu d'un étonnant foisonne­

ment culturel. Ainsi les deux capitales soeurs Kinshasa et Brazzaville

ont-elles vu naître et proliférer les ensembles de musique moderne qui,

de l'African Jazz de Joseph Kabasele (1953) aux orchestres actuels de

Tabuley, Luambo Makiadi, Youlou et autres Zaïrois Langa Langa, n'ont pas

seulement produit des rengaines à la mode, plus éphémères les unes que

les autres : ils ont aussi suscité des manières d'être et de sentir,

(1) Dérivé du protestantisme et fondé par le prophète Simon Kimbangu mort en prison, le (¿imbanguisme est, avec le catholicisme et le protestan­tisme, l'une des trois religions reconnues par l'Etat zaïrois.

(2) Paris, Présence Africaine, 1955. Eza Boto est l'un des noms de Mongo Beti.

(100)

Page 99: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 48

des comportements tant dans la vie privée que publique (1). Il est remar­

quable aussi que cette culture nouvelle se soit exprimée dès le départ et

continue de s'exprimer dans les langues nationales qu'elle contribue

ainsi à faire rayonner. Notons enfin que, dans ce cas précis, la produc­

tion culturelle donne naissance à une véritable industrie, d'ailleurs

très prospère semble-t-il. Depuis le très célèbre Bolingo ya La Joie

chanté par Lucie Yenga Moseka au milieu des années cinquante et qui, en

pleine période coloniale, disait sa joie de vivre et exaltait les plaisirs

de la ville, cette musique se refuse dans l'ensemble à aborder des thèmes

politiques.

D.3. Le temps des indépendances : les politiques culturelles.

Si les mouvements nationalistes d'Afrique centrale se sont développés

en puisant dans les cultures locales, il ne semble pas cependant qu'ils

aient inscrit la culture au rang de leurs priorités. Le cas de l'Abako

(Association des Bakongo) au Zaïre est à cet égard exemplaire : fondé en

1950, ce mouvement se développa et se fit connaître grâce à l'histoire et

à l'exaltation du royaume de Kongo, l'un des tout premiers royaumes bantu

d'Afrique centrale ; sa propagande fut très efficace dans la lutte contre

l'aliénation culturelle et contre le pessimisme politique puisqu'elle disait

en substance : "Si, dans le passé, nous avons été grands et capables de

fonder et de maintenir des royaumes puissants, pourquoi ne pourrions-nous

pas redevenir grands dans l'avenir ?". L'un de ses animateurs, Joseph Kasa-

vubu, devint d'ailleurs le premier président de la République de l'histoire

du Zaïre. Mais, une fois au pouvoir, l'Abako se laissa submerger par la

recherche de solutions aux problèmes strictement politiques. La culture

s'en trouva du même coup reléguée au rang des préoccupations mineures.

L'expérience de l'Abako se retrouve dans les autres Etats de la sous-région

car les premières années des indépendances, en gros de 1960 à 1965, ont été

(1) Voir le très beau livre de Sylvaine Bemba 50 ans de musique du Congo-Zaïre. Paris, Présence Africaine, 1984.

(101)

Page 100: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 49

très instables et dominées par la recherche des meilleures formules

politiques. Ce fut donc seulement après 1965, plus ou moins vite selon

les cas, que les régimes arrivèrent à une certaine stabilité et eurent

le loisir d'élaborer des politiques cohérentes. Le constat général, dans

la sous-région, est que tous les pouvoirs ont privilégié le développement

économique pour lequel toutes les énergies devaient se mobiliser. Dans la

hiérarchie politique et administrative, le ministère de la culture est

un petit ministère au point que, dans certains pays, comme au Zaïre, le

ministre de la culture doit, entre autres attributions organiser le con­

cours annuel de beauté pour l'élection de Miss Zaïre : il est d'ailleurs

tenu d'assister personnellement à la dernière phase de ce concours. Perçue

comme une chose à part et un.luxe inutile, la culture n'est donc intégrée

à l'élaboration d'aucune des politiques nationales, ni à celle-du dévelop­

pement, ni à celle de la communication, ni même à celle de l'éducation.

L'idée selon laquelle la culture serait inutile tient en grande partie

au fait que les bénéfices qu'on peut en tirer pour le secteur politique au

sens strict semblent faibles, sinon nuls. Tout se passe comme si les pou­

voirs actuels avaient des cultures nationales une vision qui s'inscrit

en continuité et non en rupture avec celle des administrations coloniales,

c'est-à-dire une vision muséographique, folklorisante et, si l'on peut dire

"ethnologisante" (1). Les cultures nationales ne sont pas perçues comme

ayant une dynamique propre, une capacité de création et de renouvellement

qui se poursuive aujourd'hui. Elles sont perçues comme achevées et figées :

d'où ces procédures de canonisation qui enferment les produits culturels

qualifiés d'ailleurs de "traditionnels" dans des musées morts, coupés des

préoccupations et des interrogations actuelles des gens et, pour ces rai­

sons, le plus souvent déserts. Quant à la dimension folklorisante, on en

a une manifestation caricaturale dans les pratiques actuelles d' "animation1

qui font que, à l'occasion des visites de chefs d'Etat.et de hauts respon­

sables étrangers ou lors de manifestations officielles, des ensembles soi-

disant traditionnels donnent des exhibitions de musique et de danse "authen-

tiquement" africaines.

(1) J'emprunte ce beau néologisme au philosophe béninois Paulin J. Houn-s tondji : séminaire sur "La Philosophie africaine", Collège Internatior nal de Philosophie (Paris),. 1986-1987.

(102)

Page 101: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

Ill 50

Certes, au niveau des discours politiques, il existe un volontarisme

indiscutable qui pourrait produire des effets sur la culture. La quasi-

totalité des Etats de la sous-région se réclament d'idéologies qui sont

autant de variantes de l'idéologie de la personnalité africaine. Le premier

exemple historique a été 1' "authenticité", lancée par la régime zaïrois,

qui prétendait fonder l'ensemble de sa politique et de sa pratique sur le

"retour" puis sur le "recours" aux traditions et aux valeurs spécifiquement

africaines et zaïroises. L' "authenticité" zaïroise a fait école puisque,

directement ou indirectement, elle a suscité des pratiques analogues au

Tchad à l'époque de Tombalbaye, au Gabon (idéologie de la "Rénovation") et,

aujourd'hui, au Cameroun (idéologie du "Libéralisme communautaire"). Ces

idéologies ont certainement des retombées politiques, au niveau de la sous-

région ou même du continent : c'est le cas, par exemple, du projet de Ligue

des Etats Négro-africains (LENA), lancé par le Zaïre, qui a séduit de nom­

breux intellectuels du continent. Mais sur le plan culturel, ces discours

et ces références idéologiques sont loin d'avoir produit des effets visi­

bles. Dans la sous-région, un Etat se réclame ouvertement d'une idéologie

autre que la personnalité africaine. Il s'agit du Congo qui, depuis presque

vingt ans, a choisi le "socialisme scientifique", autrement dit le marxisme-

léninisme. Celui-ci se veut extrêmement rigoureux et conforme à l'orthodoxie

marxiste originelle .Cependant cette référence idéologique précise ne semble

concerner que les hommes d'Etat et pas du tout les acteurs culturels.

D.4. Le temps des indépendances : les pratiques culturelles.

Les indépendances n'ont pas opéré une rupture dans les pratiques cultu­

relles par rapport à la fin de la période coloniale. Il y a eu plutôt des

aménagements successifs notamment en fonction de la crise économique grave

qui affecte la plupart des pays de la sous-région.

(103)

Page 102: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

111-51

De ce point de vue, il semble nécessaire d'aller au-delà du thème

de la "dimension culturelle du développement" popularisé surtout depuis

Lomé III. Car il est évident - tous les précédents historiques qui ont

réussi le montrent - qu'aucun développement ne peut se faire s'il n'intègre

l'expérience vécue par les individus concernés. Mais ce qu'il est plus

important de voir c'est le rôle de la culture dans la situation concrète

d'aujourd'hui : elle n'est pas seulement un ensemble de constructions

plus ou moins abstraites reflétant les interrogations, les convictions

et les aspirations des gens : elle n'est pas seulement le feu intérieur

qui fait vivre ; elle est aussi et surtout, dans la conjoncture actuelle,

la force qui aide les individus et les collectivités à surmonter la crise

et à survivre à la crise.

Certes, l'Afrique centrale continu«de subir la pénétration insidieuse

ou agressive des cultures étrangères, c'est-à-dire en réalité des cultures

occidentales qui se présentent aujourd'hui sous des traits moins triompha­

listes que pendant la colonisation, mais qui n'en prétendent pas moins

à l'hégémonie. Cette pénétration est d'autant plus difficile à contenir

qu'elle se fait par les voies les plus diverses : système scolaire, moyens

d'information, circulation des hommes et des produits, modèle de développe­

ment industrialiste choisi par les Etats. Il ne faut pas oublier le cinéma,

même si la fréquentation des salles de cinéma semble très faible dans

les Etats pour lesquels les chiffres sont disponibles (voir tableau XIV) :

c'est que, étant donné la quasi—inexistence de la production cinématogra­

phique dans les dix Etats de la sous-région, tous les films projetés dans

les rares salles sont étrangers et à 90% occidentaux (les 10% restants

venant de Hong-Kong ou de l'Inde).

Pour ce qui est de la créativité interne, elle se manifeste à tous

les niveaux.

Il y a d'abord toute la production écrite, relativement abondante

malgré la très grande faiblesse, pour ne pas dire la misère, des moyens

nationaux d'édition : les livres effectivement publiés ne représentent

ainsi qu'une partie infime des manuscrits disponibles ; une action décisive

(104)

Page 103: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

111-52

TABLEAUX XIV : Le cinéma, salles et fréquentation

BURUNDI

CAMEROUN

GUINEE EQUATO-RIALE

RUANDA

TCHAD

Année

1981

1979

1977

1981

1977

Nombre

(D

7

52

10

12

13

Nombre de sièges total en milliers

2,5

29

4,5

3,6

12,4

Fréquenta­tion annuelle (milliers)

(D

0,1

-

0,5

0,3

24,2

Nombre de sièges pour 1000 habitants

(2)

0,6

3,5

14

0,7

2,9

Fréquenta­tion annuelle par habitant

(2)

0,0

-

1,6

0,1

6

(1) Chiffres relatifs aux établissements fixes.

(2) Chiffres comprenant, outre les établissements fixes, les cinémas

itinérants.

Sources : UNESCO Statistical Yearbook

dans ce domaine devrait même inciter à publier des gens Cpji ont des choses

à dire, mais qui ne prennent même pas la peine de les écrire compte tenu

de l'impossibilité actuelle de publier. L'incertitude des chiffres fait

qu'on ne possède pas le nombre total, année par année, des livres publiés

en Afrique centrale. Il faut remarquer d'abord que l'Afrique noire produit

encore peu de livres, même si en une trentaine d'année (de 1955 à 1983),

l'a production y a été multipliée par 6 alors que dans l'ensemble du monde

(105)

Page 104: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

111-53

TABLEAU XV : La production de livres

:AMEROUN

ZAIRE

Année

1979

1979

Total

22

231

Généra­lités

5

13

Philo­sophie

4

1

Reli­gion

0

142

Scien­ces socia­les

5

38

Scien­ces

(1)

3

6

Scien­ces

appli­quées

2

7

Beaux arts

0

3

Litté­rature

2

19

Géogra­phie Histoire

1

2

(1) Mathématiques, physique et sciences naturelles

Sources : UNESCO Statistical Yearbook

elle n'a été multipliée que par 2,8. Mais la part de l'Afrique reste encore

minime (voir tableau XVI). Deux pays se distinguent en Afrique centrale

par la quantité de livre publiés : le Zaïre figure ainsi au sixième rang

du continent, loin derrière le Nigeria (2316 titres en 1980) et la Tanzanie

(512 titres en 1980), mais assez près de Madagascar (284 en 1981), de l'Algérie

(275 en 1979) et du Kenya (232 en 1980) ; la production camerounaise en

revanche se situe à la hauteur de celle de la Côte d'Ivoire ou du Niger.

Plutôt que de se prononcer sur la qualité de cette production, on a préféré

retenir une ventilation par type de sujets (Tableau XV) : on constatera

la part importante de la production d'origine universitaire et, vu le poids

et les moyens d'édition de l'Çglise catholique au Zaïre, le nombre élevé

de livres ayant un rapport avec la religion (1) . Si ces deux pays sont ceux

qui publient le plus dans la sous-région, la raison en est sans doute la

même. L'un et l'autre disposent en effet de moyens d'édition importants

(1) Publiés en rapport avec la Faculté de théologie et le Centre de recherches sur les religions africaines, beaucoup de ces livres pourraient aussi bien figurer sous la rubrique "Sciences sociales".

(106)

Page 105: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

111-54

TABLEAU XVI : L'Afrique noire dans la production mondiale de livres

1955

1960

1965

1970

1975

1980

1983

Nombre

Monde

269.000

332.000

426.000

521.000

572.000

715.000

772.000

de titres

Afrique noire

1.600

2.400

4.300

4.600

8.300

9.000

10.000

% Afrique

0,59

0,72

1

0,88

1,45

1,25

1,29

Nombre de titre par million d'h

Monde

131

144

168

187

184

161

165

abitants

Afrique

10

12

18

17

27

25

25

Source : UNESCO Statistical Yearbook

avec, au centre du dispositif, une maison d'édition importante et souvent rela­

tivement ancienne ("clé" à Yaounde depuis 1963, "Editions Saint-Paul" à

Kinshasa) et tout autour, surtout dans la capitale, d'assez nombreux petits

éditeurs institutionnels ou privés.

Plus difficile à quantifier, la culture populaire est au moins aussi

active que la culture lettrée. La musique d'abord n'a pas cessé de se diversi­

fier depuis son rameau originel zaïro-congolais : si Brazzaville abrite

depuis 1983 la maison d'édition de disques la plus importante d'Afrique

noire, il existe désormais des musiques centrafricaine et gabonaise encore

fortement influencées par les modèles du Congo et du Zaïre et surtout une

musique camerounaise très concuit&ntielle par rapport à ses devancières.

(107)

Page 106: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

111-55

La ville continue d'être le lieu d'une remarquable effervescence cultu­

relle. C'est là que le brassage des langues nationales est en train, loin

des calculs et des débats politiciens, de promouvoir une ou deux d'entre

elles au rang de langue dominante : ce processus, qui est en cours partout,

mais très visible au Zaire (lingala et swahili) et au Congo (lingala et

lari), a presque atteint son achèvement en Centrafrique (sango). De nombreux

artistes locaux donnent une production importante qui, jusqu'à présent,

n'a heureusement pas eu à souffrir des inévitables appauvrissements imposés

par le tourisme (à peu près inexistant dans la sous-région). L'exemple

de la sculpture et celui, peut être plus connu grâce à plusieurs expositions

récentes en Occident, de la peinture zaïroise moitrènt que, même en période

de crise prolongée, une clientèle proprement nationale peut être un stimulant

à la qualité. Enfin, à cause sans doute de la crise, l'effervescence religieu­

se - traditionnelle en Afrique centrale - semble poussée à son paroxysme :

dans les villes surtout on ne compte plus le nombre de "prophètes" et de

"sectes" strictement nationales ou importées dont la prolifération, souvent

mal vue des autorités, traduit bien le malaise de la société et la recherche

balbutiante de modes de vie, sinon de modèles de société alternatifs.

Si l'on veut donc impulser des actions nouvelles, il n'est pas certain

qu'ont ait intérêt à choisir les politiques culturelles : il faudrait plutôt

songer à ces pratiques souvent spontanées qui sont la manifestion la plus

vivante de la créativité africaine.

(108)

Page 107: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

IV

La Coopération sous-régionale

une volonté et des initiatives prometteuses

(109)

Page 108: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

IV-2

Tout au long de cette étude, on a indiqué aussi bien les projets

que les activités qui ont donné et qui donnent lieu à une coopération

bilatérale et multilatérale dans la sous-région. Il faut maintenant en

dresser un bilan complet et s'arrêter un peu sur l'entreprise qui, correspon­

dant d'ailleurs au domaine de compétence de 1'Unesco, apparaît comme la

plus significative et la plus prometteuse pour l'avenir.

A - Une coopération aux visages multiples.

L'existence de cette coopération est déjà en elle-même un acquis

tout à fait appréciable. En effet, si les éléments contribuant à rapprocher

les Etats ne manquent pas (voir ci-dessus chapitre I, § B2, C et D).

i] existe aussi de nombreux facteurs de division qu'on peut sommairement

ranger en quatre groupes.

En premier lieu, pour avoir été colonisés par quatre nations européennes

différentes (Allemagne, Belgique, Espagne et France), les pays d'Afrique

centrale affichent des différences indiscutables dans les domaines les

plus divers : systèmes administratifs ; organisation et méthodes d'enseigne­

ment ; monnaies ; etc..

D'autre part, le fait que les économies, façonnées par la colonisation,

présentent des structures identiques^ ne facilite . pas, il s'en faut de

beaucoup, la coopération entre les pays. Toutes ces économies sont extra­

verties et dépendantes. Mais, précisément à cause de cela, leur intégration

est différente : elles fournissent souvent les mêmes produits et ce à

l'état brut (pétrole au Cameroun, au Congo et au Gabon ; diamant en

Centrafrique et au Zaïre ; bois au Congo et au Gabon). On peut même dire

qu'elles se trouvent souvent en concurrence pour vendre leurs produits.

En troisième lieu, cette extraversion de l'économie et des autres

secteurs de la vie sociale contribue à renforcer les relations Nord-Sud

aux dépens des relations au sein de la sous-région. Au plan économique,

mais aussi dans les domaines politique, militaire, universitaire et scienti­

fique chacun des Etats de la sous-région est plus lié aux pays développés

qu'avec ses voisins.

(110)

Page 109: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

IV-3

Enfin il ne faut pas négliger les différences d'idéologies officielles,

de stratégies ou simplement de discours. Le marxisme-léninisme dont se

réclame le Congo est un cas unique dans la sous-région et rapprocherait

ce pays plutôt de l'Angola. Si dans la pratique les modèles de développe­

ment ne divergent guère, ne serait-ce que parce qu'ils ne sont nulle part

clairement formulés, les idéologies officielles - souvent proclamés avec

ostentation - affirment les différences entre les Etats ; elles permettent

aussi d'opposer ceux qui en ont une (libéralisme communautaire au Cameroun,

socialisme scientifique au Congo, rénovation au Gabon, authenticité au

Zaïre) et ceux qui, notamment par suite d'une évolution récente trop trou­

blée, n'en ont pas (Centrafrique, Guinée Equatoriale et Tchad, par exemple).

Malgré tout, la coopération sous-régionale existe et tend à couvrir

des domaines de plus en plus nombreux. Il est important de souligner que

cette coopération a subi des infléchissements sensibles au cours des années

et cela, nous semble-t-il, dans le sens d'un enrichissement : en effet,

alors que l'économie avait été privilégiéçdans un premier temps, les actions

communes s'orientent de plus en plus vers les secteurs éducatifs, scientifi­

ques et culturels.

On a déjà fait état des institutions de coopération économique sous-ré­

gionale (voir ci-dessus I, D) (1) : U.D.E.A.C., B.CE.A.C., C.E.E.A.C.

et C.E.P.G.L. Ces institutions, dont la vocation originelle était douanière,

monétaire ou de simple concertation, ont essayé de lancer de véritables

projets que les pays doivent réaliser ensemble et qui sont de nature à

inciter à l'intégration des économies sous_régionales. Ainsi, dans le

cadre de l'UDEAC, l'année 1977 a vu l'adaptation de quatre programmes

de développement industriel (un complexe pétroléo-chimique au Gabon ;

un complexe chimique au Congo ; un complexe d1électro-métallurgie au

Cameroun ; un laboratoire pharmaceutique et une fabrique de montres en

Centrafrique) : la volonté politique était donc réelle ; malheureusement

la persistance de la crise et la rigueur des différents plans d'ajustement

ont, jusqu'à présent, empêché la réalisation de ces programmes. Le même

constat peut être dressé pour les programmes, certes moins ambitieux, adoptés

dans le cadre de la CEPGL.

(1) Ci-dessus pp. 19.21.

(111)

Page 110: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

IV-4

Dans les domaines de compétence de l1UNESCO, les institutions et

les formes de coopération sont nombreuses.

Il y a d'abord les institutions basées dans l'une des villes de

la sous-région, mais dont la vocation est tout à fait panafricaine : il

s'agit le souvent de centres de réflexion théorique ou de conseil :

- le Bureau Africain des Sciences de l'Education (BASE) de Kisangani

(Zaïre) ;

- le Bureau Africain et Mauricien de Recherches et d'Etudes Législatives

de Bangui (Centrafrique), dont l'ambition est de coordonner les

recherches dans le domaine juridique aux fins d'harmoniser progressi-

ment les législations des pays membres ;

- L'institut Informatique Africain de Libreville (Gabon) chargé prin­

cipalement de la formation des cadres ;

- Enfin, la dernière née l'Union Panafricaine de la Science et de

la Technologie créée à Brazzaville en juin 1987, à l'issue du pre­

mier Congrès des Hommes de Sciences en Afrique, avec pour mission

de promouvoir la science et la technologie en Afrique.

Il existe aussi bien évidemment des institutions à vocation sous-

régionale, dont les ambitions sont plus modestes et l'efficacité plus

grande. Citons en particulier :

- la Conférence des Recteurs des Universités d'Afrique centrale qui

joue un rôle majeur dans la concertation sur les programmes, les

carrières et dans l'échange des personnels enseignants ;

- le Centre de recherches nucléaires de Kinshasa ;

- le CICIBA, dont il sera plus longuement question.

Il faut enfin signaler que les différentes capitales d'Afrique centrale

organisent tour a tour des manifestations scientifiques et culturelles

à vocation sous-régionale, continentale ou universelle qui contribuent

beaucoup au rapprochement des élites et à la fraternisation des peuples :

(112)

Page 111: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

IV-5

- les Jeux d'Afrique centrale, dont la troisième édition a eu lieu en

1987 è Brazzaville et qui, malgré les inévitables passions que

les compétitions soulèvent parmi les spectateurs, tissent des liens

d'amitié durables entre les jeunes ;

- le premier Congrès des hommes de Sciences en Afrique (Brazzaville,

juin 1987) qui a réuni, pour la première fois dans l'histoire du

continent, les praticiens de la recherche soucieux d'apporter leur

contribution è la solution rapide des problèmes du développement ;

- la Conférence sur le centenaire de la Conférence de Berlin (Brazzaville,

1985) : si l'idéal panafricain cher aux pères des indépendances

n'a pas pu réaliser toutes ses ambitions, les hommes de science

et de culture réunis à cette occasion ont proposé des mesures réalis­

tes susceptibles de lever progressivement les obstacles de toutes

natures imposées par les frontières issues de la colonisation ;

- la conférence internationale sur "la crise de l'Afrique et les moyens

d'y remédier" (Kinshasa 1978) ;

B - Le cas du CICIBA

Si l'expérience du CICIBA parvient à durer et à réussir dans ses

entreprises, elle constituera indiscutablement un précédent heureux et

un exemple stimulant pour l'ensemble du continent. Ce qui est déjà instruc­

tif et encourageant, c'est la rapidité avec laquelle le projet du CICIBA

a été conçu, puis mis en route et enfin doté de moyens pour réaliser les

premières étapes de son programme et tout cela dans le contexte d'une

crise sans précédent.

Rappelons d'abord les origines et la philosophie du Centre International

des Civilisations Bantu. On a indiqué précédemment qu'en termes de "longue

durée" l'un des facteurs remarquables d'intégration de la sous-région

était précisément, sur le plan humain, sa composante bantu (1). C'est

en 1982, après que de nombreux contacts aient été pris par des émissaires

gabonais à travers tout le continent, qu'est créée à Libreville l'Associa­

tion du Centre International des Civilisations Bantu. Lorsque, au cours

(1) Voir ci-dessus pp. 12-13.

(113)

Page 112: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

IV-6

de la même année est réunie la première conférence des ministres de la

culture, la quasi-totalité des Etats de la zone bantu a été consultée,

soit une vingtaine, à l'exclusion des deux pays encore dominés par le

colonialisme, Azanie et Namibie. C'est à Mexico, en août 1982, à l'occasion

de la Conférence sur les Politiques Culturelles (Mondiacult), qu'est annon­

cée la création prochaine du CICIBA. Plusieurs organisations internationa­

les sollicitées promirent alors leur soutien, sous une forme ou une autre ;

il s'agit principalement du PNUD, de l'UNESCO, de l'O.U.A., de l'ICA (Insti­

tut Culturel Africain), de l'ACCT (Agence de Coopération Culturelle et

Technique), de la S.A.C. (Société africaine de Culture) et de l'organisation

Islamique pour l'Education, la Science et la Culture. Dès Janvier 1983,

le CICIBA était officiellement créé. Il y a lieu de souligner la coincidence

dans le temps (1983) et dans le lieu (Libreville) entre la création du

CICIBA et celle de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique.

Si l'on veut déjà tirer quelques enseignements de la fondation du

CICIBA, il semble que trois facteurs principaux expliquent la remarquable

rapidité qui a présidé à sa conception et à sa réalisation. En premier

lieu, il a fallu qu'un Etat, quelles qu'aient été par ailleurs ses motiva­

tions, s'investisse totalement dans ce projet ; non seulement dans l'ini­

tiative originelle, mais aussi dans le financement (65% du budget de fonc­

tionnement sont à la charge du Gabon et 35% à celle des autres Etats mem­

bres ; l'Etat hôte a dû aussi construire l'ensemble des infrastructures

et s'engager à les louer pendant 99 ans au CICIBA au prix symbolique de

1 franc CFA) ; or, malgré ce rôle déterminant joué par le Gabon, les autres

Etats membres sont activement associés à parité avec le pays hôte dans

la définition des programmes et, surtout, dans la composition des instances

dirigeantes du CICIBA. En second lieu le Centre a eu la chance, dès le

berceau, de bénéficier des faveurs et des attentions d'institutions inter­

nationales, en particulier le PNUD qui lui a accordé une substantielle

dotation initiale (plus de 210 000 dollars U.S. pour 1982-1984) sans laquelle

le démarrage du projet eût peut-être été compromis. Enfin le contexte

intellectuel international a aussi beaucoup servi : si, en Afrique et

dans l'ensemble du Tiers-Monde, les années 1950 et 1960 ont été celles

(114)

Page 113: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

IV-7

de la lutte politique, on s'est vite rendu compte - pour reprendre le

verdict lucide de l'homme d'Etat indonésien Ahmed SQokarno - que "pour un

ventre affamé, l'indépendance n'est qu'un slogan politique vide de sens" ;

il y eut ensuite le temps du "développement" et du "nouvel ordre économique

mondial dont les retombées concrètes se sont avérées bien décevantes

pour le plus grand nombre. Aussi, ayant éprouvé l'inadéquation des modèles

importés, ressent-on la nécessité, pour aller réellement de l'avant, de

revenir un peu en arrière pour vérifier la solidité des fondations et

des enracinements ainsi que la nature des parentés. A tous ceux qui, dans

d'autres régions culturelles de l'Afrique et à l'échelle continent, envisa­

gent des institutions comparables au CICIBA, il faut donc dire que ce

n'est pas seulement la rente pétrolière gabonaise qui le soutient depuis

le début, mais un faisceau complexe de facteurs très divers.

Car, en quelques années seulement d'existence, le CICIBA a fait plus

que beaucoup d'organismes qui existent seulement sur le papier. La moitié

des pays partiellament ou totalement bantu a adhéré à sa charte (1). Il a

déjà organisé des colloques (1985 : "Migrations, expansion et identité

culturelle des peuples bantu" ; 1986 :"Médecines traditionnelles et techni­

ques agricoles traditionnelles") et des manifestations culturelles (1985

et 1987 Biennale des arts bantu contemporains) et entrepris la publication

régulière d'une revue (Muntu ) et de plusieurs ouvrages réalisés par ses

chercheurs ou sous son égide. A ces activités, appelées à continuer, il

faut ajouter la création prochaine d'une "banque de données" qui doit

être une étape décisive dans l'effort de réappropriation par les Africains

d'un savoir et d'un patrimoine confisqués par un siècle de colonialisme.

(1) Angola, Centrafrique, Comores, Congo, Gabon, Guinée Equatoriale, Ruanda, Sâo-Tomé et Principe, Zaïre et Zambie.

(115)

Page 114: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

V

Conclusion : elements de prospective

(116)

Page 115: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

V-2

A - La Logique de l'Etat

Toutes les réflexions développés précédemment aboutissent è un constat

identique : la logique de la construction de l'Etat et de l'affirmation

de l'Etat l'emporte en Afrique centrale sur la logique du développement

économique, social, culturel et scientifique.

Cette logique de l'Etat est présente partout, quelles que soient

par ailleurs les différences entre les idéologies dont les réqimes se légendaire

réclament et entre le destin de ces régimes dans la mesure où à la stabilité/des

uns, s'opposent la crise larvée de certains et l'instabilité chronique des au­

tres. Or, dans la pensée politique africaine comme dans la tradition intellec­

tuelle africaniste, on a tendance à confondre cette logique avec celle de la

construction nationale ; cependant, la construction nationale, même si elle

peut se prêter au volontarisme des décideurs, ne s'y plie pas, elle implique

l'adhésion prolongée du plus grand nombre et son rythme est lent ; au contraire,

l'Etat inscrit son action dans le temps court, dans un rythme précipité et dans

un espace de décision socialement restreint. Car qui dit Etat, dit classe ou

groupe (s) social (aux) qui tiennent l'Etat et qui, dans le contexte du pouvoir

actuel en Afrique centrale, excluent le plus grand nombre. Il y a donc une iné­

galité fondamentale des groupes sociaux dans la conception, la conduite et le

bénéfice des processus en cours. On en revient ainsi à la question lancinante

du développement : de quel développement s'agit-il ? à quoi doit servir ce

développement ? et aussi à qui ?

S'agissant de la communication, la culture, l'éducation, la science

et la technologie, la logique de l'Etat, qui est par essence et par vocation

instrumentaliste, les réduit à l'état d'effets. Il faut bien que les insti­

tutions correspondant à ces activités existent, il faut bien que des crédits

leur soient accordés : non pas, d'abord, pour qu'elles contribuent au déve­

loppement, mais parce que l'Etat en a besoin pour exercer ses effets :

effet d'existence d'abord, car la communication, la technologie et la

science par exemple sont nécessaires à l'existence d'un Etat fort : effet

de démonstration voire d'ostentation pour ce qui concerne la culture>

(117)

Page 116: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

V-3

réduite souvent, comme on l'a montré, au rang d'un divertissement folklorique

de luxe ; effet de captation enfin pour ce qui touche à l'éducation, coupée

le plus souvent des réalités nationales et des préoccupations des citoyens.

Or le présent et sans doute l'avenir au moins proche sont à la crise

de l'Etat dont les causes et les manifestations sont multiples : ici,

poussé par les rigueurs d'un "plan d'ajustement structurel", l'Etat désin-

vestit et renonce à l'une de ses légitimations fondatrices, qui faisait

de lui l'instrument privilégié du développement. ; là, il cesse de recruter

et parfois débauche ; partout, il apparaît de moins en moins fort, crédible

et capable de réagir face aux entreprises, aux technologies et aux produits,

notamment les produits immatériels, transnationaux. Cette crise peut

avoir des conséquences bénéfiques dans la mesure où elle peut accélérer

les processus de coopération et d'intégration au moins au niveau sous-

régional. Il y a donc une actualisation de l'idée panafricaine a laquelle

une organisation telle que 1'Unesco peut participer, en particulier par

le biais de l'éducation, de la culture et de la communication. Mais les

effets négatifs éventuels ne sont pas à exclure car le sauvetage de l'Etat,

par le moyen aujourd'hui à la mode de très sévères cures d'amaigrissement,

peut conduire au naufrage de l'éducation, de la recherche scientifique

et de l'innovation technologique.

B - Etat et société civile

Le récent atelier scientifique réuni à 1'Unesco en Juin 1987 sur

"Le monde à 1' horizon 2000" (1) a très justement conclu sur la nécessité

d'"engager une réflexion fondamentale sur les rapports entre Etat et société

civile ainsi que sur la démocratie et l'avenir des institutions politiques".

(1) Le monde à l'horizon 2000. Paris, UNESCO (BEP), 1987 (Grand Programme I, Réflexion sur les problèmes mondiaux et études prospectives. Etudes et Documents 1.).

(118)

Page 117: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

V-4

Le constat relatif à l'Afrique centrale pourrait conforter un certain

pessimisme dans la mesure où, dans tous les secteurs envisagés ici, l'Etat

ignore, voire marginalise la société civile. Mais, précisément, une cons­

tante séculaire de l'Afrique centrale est la présence, peut être même

la poussée, de la société civile. Et cela pour deux raisons au moins :

d'une part, parce que, d'une manière générale, là où il y a Etat, il ne

saurait pas ne pas y avoir résistance à l'Etat ; et d'autre part, parce

que, dans le contexte politique particulier de l'Afrique centrale, l'Etat

contemporain est issu des luttes menées contre le colonialisme par la

société civile ; l'Etat se retrouve ainsi, consciemment ou confusément,

redevable de son existence même à la société civile ; mais, celle-ci de

son côté n'hésite pas à se prendre pleinement en charge face à un Etat

démissionnaire et à prendre en charge face à un Etat arbitraire certains

secteurs de la vie sociale.

Cette prise en charge est particulièrement visible dans plusieurs

domaines. En matière de développement économique, on voit se multiplier

dans plusieurs pays (Cameroun, Centrafrique, Ruanda et Zaïre en particulier)

des structures de type coopératif, totalement indépendantes ou soutenues

par les appareils religieux : ces structures permettent aux paysans, qui

sont souvent les parents pauvres des projets de développement, d'abord

de survivre, puis de s'auto-organiser. Même en ville, des initiatives

analogues existent, notamment en matière d'éducation : avec la constitution

ou la reconstitution d'écoles tenues par des religieux et, ce qui est

plus nouveau et plus original, avec la création d'écoles privées, payantes,

mais pas forcément chères, tenues par des nationaux, qui prétendent dis­

penser un savoir certes, mais aussi des valeurs qu'on ne trouve plus à

l'école publique. Le domaine de la culture est peut-être plus significatif

encore. La politique et les actions culturelles des Etats sont presque

toujours délibérément unificatrices et destructrices des diversités.

Or, l'on constate, surtout en milieu rural, une remarquable persistance,

voire une réelle vitalité des civilisations matérielles et des créations

culturelles. D'autre part si, dans une orientation ethonologisante et

folklorisante, l'Etat voit la culture principalement dans les traditions,

(119)

Page 118: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

V-5

parmi le peuple au contraire, surtout en milieu urbain, il y a une synthèse

permanente entre tradition et modernité, que celle-ci soit importée ou

qu'elle vienne de défis internes que les difficultés du développement posent

à la société : la musique en est un bon exemple, mais aussi les langues

qui se transforment et s'enrichissent à une allure rapide. Enfin il est

remarquable de constater que, si les modes actuels de développement se

caractérisent par leur technicisme et leur matérialisme, il y a dans la

société civile un renouveau spectaculaire de la spiritualité, dont témoigne

en milieu urbain le foisonnement des "sectes" dissidentes par rapport

aux Eglises établies et des "groupes de prières" liés aux institutions

religieuses anciennes.

Cette vitalité de la société civile face à l'Etat pose de nombreuses

questions quant à l'avenir. Notons d'abord la question de la contradiction

de fait entre la "culture nationale", en cours de constitution et souvent

identifiée à l'Etat unificateur et uniciste, et les "cultures locales",

fortement enracinées dans leur terroir et riches à la fois de leur passé

et de leur dynamisme actuel. Tout se passe comme si, face au rouleau

compresseur de l'Etat, les sociétés civiles avaient fait leur la devise

"E pluribus unum". La construction de la nation implique-t-elle nécessaire­

ment l'élimination, par absorption ou par folklorisation, des cultures

originelles ? Tout cela indique qu'il est nécessaire de réinventer la

démocratie. Dans le contexte de l'Afrique centrale, il apparaît que celle-ci

n'implique pas seulement le pluralisme politique (qui a d'ailleurs été

expérimenté non sans bonheur à la fin de la colonisation et au début

des indépendances), ni automatiquement l'assistance réputée nécessaire

de l'Etat tout puissant (dans la mesure où la crise des finances publiques

semble appelée à durer et où la société civile a entrepris de se prendre

en charge) : elle implique aussi la reconnaissance, en plus des droits

classiques, du droit à l'initiative et à la création.

Dès lors se pose la question de la pertinence des niveaux sur les­

quels il y a lieu d'agir. Plutôt que sur les politiques culturelles, ce

qui aurait pour effet de renforcer encore l'Etat, l'action devrait se

(120)

Page 119: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

V-6

tourner vers les acteurs sociaux qui sont les véritables producteurs d'in­

novation et vers la promotion des structures de type coopératif.

C - Problèmes de géopolitique

En terme de prospective, l'une des questions les plus complexes con­

cerne la profondeur pertinente à laquelle on ne saurait éviter de descen­

dre pour construire l'avenir. Car le futur ne sort pas du néant, il existe

à l'état d'ébauche et d'esquisse plus ou moins grossière dans les hommes

et les choses d'aujourd'hui. Or en Afrique centrale, il y a bien des raci­

nes, des structures et des enracinements, issus d'un passé relativement

récent et que, au cours des deux dernières décennies, les hommes ont eu

toutes les peines du monde à modifier : pourront-ils les transformer plus

rapidement demain ? Plusieurs facteurs militent en faveur d'une inévitable

transformation dans un terme plus ou moins proche. Il s'agit d'abord du

rajeunissement, du renouvellement des effectifs humains lié aux comportements

démographiques actuels. Il faut tenir compte également d'un

déracinement croissant, par suite de l'exode rural et de l'urbanisation,

mais aussi de l'école et de la communication. Parmi les éléments prioritai­

res qui devraient retenir notre attention figurent donc la jeunesse et

la ville, l'une en tant qu' acteur imprévisible d'un futur qui peut nous

surprendre, l'autre en tant que lieu ou s'élaborent certaines des rationa­

lités de demain.

Dans la sous-région il existe aussi des tendances qui sont par ailleurs

perceptibles à l'échelle du continent. Ce sont ces inégalités, déséquilibres

et antagonismes non mesurables (comme les idéologies d'Etat), ou mesurables

(comme l'économie et la démographie). Concernant la démographie, on a

vu que, si la sous-région dans l'ensemble se caractérise par son sous-

peuplement, il existe aussi de grandes différences dans les densités

(par exemple 246 au Ruanda pour seulement 13 au Zaïre, ou 176 au Burundi

pour 4,5 au Gabon). Il faut ajouter à cela les différences de taux de

croissance annuelle qui risquent d'aggraver encore les déséquilibres exis­

tants (voir Tableau XVII).

(121)

Page 120: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

V-7

Tableau XVII : les taux de croissance démographique annuelle

(en °ú par ordre décroissant)

RUANDA

ZAIRE

SAO TOME ET PRINCIPE

CONGO

BURUNDI

TCHAD

GUINEE EQUATORIALE

CAMEROUN

CENTRAFRIQUE

GABON

41

28

27

26

24

23

21

19

16

16

Sources : estimations Des Nations Unis et des ministères nationaux chargés

de la population, cf Africa South Of The Sahara, Londres,

Europa, 1987.

Disons, pour terminer, qu'à partir de tous ces éléments, deux scénarii

paraissent possibles, l'un "pessimiste" (scénario I), l'autre "optimiste"

(scénario II), ces qualificatifs n'impliquant, aux yeux de l'auteur, aucun

jugement de valeur.

Scénario I

Il existe de nombreux facteurs externes et internes de crise généra­

lisée. Parmi les facteurs externes signalons (outre la situation économi­

que, financière, politique et militaire mondiale), les risques très graves

que représentent aux frontières mêmes de la sous-région le problème tchadien,

la guerre civile et étrangère en Angola et les blocages de la situation

sud-africaine. Parmi les facteurs internes, il y a d'abord la crise de

l'Etat (dont on ne voit que les premières manifestations), puis la crise

possible des régimes (dont le meilleur précédent reste la crise du Zaïre,

(122)

Page 121: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

V-8

alors Congo, au début des années 1960) mais aussi les fureurs nationalistes

(dont les expulsions d'"étrangers" africains ne sont qu'un exemple et

qui, dans un contexte de marasme économique prolongé, pourraient provisoire­

ment réconcilier l'Etat et la société civile) et enfin des querelles de

frontières (qui sont presque partout latentes et que sont susceptibles

de raviver, par exemple, des découvertes de ressources minières ou autres).

Dans un tel scénario, la rupture des équilibres actuels ne pourrait se

faire qu'aux dépens des Etats les plus pauvres, économiquement ou démogra-

phiquement.

Scénario II

Il s'inscrit logiquement dans la poursuite des évolutions et des ten­

dances actuelles. Le travail présenté ici et les recommandations suggérées

se fondent sur la plus grande probabilité de ce scénario. Avec du volonta­

risme, même mesuré, il est possible de renforcer l'intégration, qui, au­

jourd'hui, n'est qu'ébauchée et cela, notamment, en activant l'échange

des élites ; en instaurant la libre circulation des hommes et des produits ;

en élaborant enfin des projets et - pourquoi pas ? - des modèles de dévelop­

pement communs. Mais on peut aider le futur à survenir : si l'on veut plus

que des avatars de ce scénario, des actions multiples sont évidemment

à entreprendre.

(123)

Page 122: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

A N N E X E I : L ' h é r i t a g e colonial , le cas d u Zaïre (1)

i le développement d'un pays neuf repose, en ordre principal, sur l'exploitation des matières premiè­res, la nécessité de modifier cette politique d'écumoire pour la rem­placer par des productions concur­

rentes ne tarde pas à s'imposer. Cette modification implique l'intervention

de recherches scientifiques, et, c o m m e le disait M . le Ministre W ' I G N Y , dans l'introduc­tion du Plan Décennal. « dans notre monde moderne, le chemin le plus court vers la prospérité passe par les laboratoires ».

Recherches agronomiques.

A u moment où le jeune Etat Indépendant du Congo cherchait la voie la plus rationnelle de développement, le Baron V A N E E T V E L D E sut persuade]1 le Roi Leopold II qu'un pays à économie basée uniquement sur des pro­duits de cueillette est destiné à végéter.

Dès 1892, V A N E E T V E I . D E cherche à installer des plantations de café, de cacao, de coton, de tabac, etc..

E n 1895. il envoie le Professeur E . L A U R E N T au Con pro pour étudier les moyens d'établir ces plantations.

Dès son arrivée. L A U R E N T installe, au Jardin Botanique d Eala, le premier centre de recher­ches agronomiques.

Ses investigations lui permirent de décou­vrir les premiers parasites des caféiers, de stigmatiser les pratiques culturales suscep­tibles de provoquer l'érosion, de préconiser l'ombrage des plantations de caféiers et de cacaoyers. Sa perspicacité de savant natura­liste lui avait fait toucher du doigt l'impor­tance de problèmes agronomiques dont la solution n'est encore apparue que fragmen-tairement de nos jours. Lors du second et hélas! dernier voyage qu'il entreprit en 1903, il put constater, plus encore qu'en 1895,

(1) D'après G. Vossen, conseiller "Les institutions scientifiqu Editions Bieleveld, s.d., ten

combien le manque d'organisation scientifi­que était fâcheux pour l'avenir des cultures: il déplora le dépérissement des plantations de caféiers qui avaient été installées sur d'anciennes cultures indigènes et montra le danger de l'établissement de cultures sans étude systématique préalable des conditions locales de sol et de climat.

C'est en 1910 seulement que l'on entrevoit un nouvel effort d'organisation de la recher­che scientifique par l'appel que fit le premier Ministre des Colonies, M . R E N K I N , au Profes­seur L E P L A E qui donnait, depuis 1906, à l'Université de Louvain, un enseignement à tendance coloniale basé sur les doctrines qui s'élaboraient progressivement aux Indes. L'acte fondamental qu'il posa en sa qualité de Directeur Général de l'Agriculture au Conir;> fut l'organisation systématique des stations expérimentales. L E P L A E , ne concevait pas de bonne agriculture sans recherche scien­tifique préalable.

Les stations expérimentales qu'il crée ou qu'il réorganise auront pour mission, dit-il, d'étudiei- les conditions climatologiques loca­les, la nature des terres, l'extension et la qualité des pâturages naturels. Il fonde le Service météorologique; veut faire d'Eala un jardin de recherches agrologiques et bota­niques: il veut que la composition des sols soit étudiée et que divers problèmes agrono­miques d'ordre général reçoivent une solution. Les essences à caoutchouc, le cacaoyer, le caféier, les plantes textiles, le riz, les plan­tations vivrières et l'elaeis, seront expérimen­tés systématiquement.

Bien que L A U R E N T eût déjà attiré l'atten­tion sur l'intérêt que pourrait revêtir la culture du palmier à huile, c'est la première fois que les essais culturaux de ce palmier sont tentés.

Il s'agit surtout, dit L E P L A E , d'essais de plantation dans les milieux écologiques les

adjoint au ninistsre belge des colonies : s" in Encyclopédie du Con^o Belge. Bruxelles. III pp. 591-597.

(124)

Page 123: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

l>lus adéquats et, ensuite, d'études des para­sites et de la technologie des produits. Il vise, écrit-il, au perfectionnement des méthodes des cultures indigènes.

La protection des forêts retient son atten­tion; il crée des missions forestières qui doivent délimiter des réserves et en étudier lo contenu.

Vingt ferries expérimentales s'occuperont d'études zootechniques.

Les agronomes itinérants doivent procéder à I étude approfondie des régions où ils exer­cent leurs fonctions.

Ce programme de grande envergure ne lient se réaliser que progressivement suivant los disponibilités en h o m m e s et en moyens budgétaires.

L E I U A E pense aux Indes Néerlandaises; il y envoie plusieurs spécialistes qui iront se familiariser, à Java et à Sumatr.i. avec les méthodes de recherches en honneur dans ces pays.

Le Service phytopathologique est mis sur pied. Le Professeur R . M A Y N É part en qualité d'entomologiste; peu après, le D r Y E S M O E S E N , rentrant des Indes, vient prendre à ses côtés les fonctions de mycologiste. Tout de suite la principale culture expérimentale de l'époque, le cacaoyer, fait l'objet de leurs recherches. La biologie des parasites et les moyens de les contrôler sont précisés, au point que les ouvrages qu'ils publièrent alors font encore autorité.

Deux dates importantes sont à retenir dans l'évolution de la recherche scientifique agro­nomique : 1926 : fondation de la Régie des plantations de la Colonie, et 1933 : fondation de l'Institut national pour l'étude agronomi­que du Congo Belge t l . N . E . A . C . ).

Bien que la Régie des plantations eût c o m m e préoccupation fondamentale de déter­miner par la culture le prix de revient réel des produits agricoles et d'amener ainsi le-; capitaux belges à s'intéresser aux investisse merits agricoles au Congo, elle ne négligea cependant pas la recherche scientifique. Les premières sélections réalisées à l'époque con­stituèrent la base des sélections actuelles; mais c'est en décembre 1933 que commença réellement la recherche scientifique sur le plan agronomique ainsi que sur celui des dis­ciplines connexes, l ' I . N . E . A . C . constituant à proprement parler le laboratoire où s'édifiè­rent les principes de l'agriculture, de la syl­viculture et de la zootechnie congolaises.

L'ensemble des travaux qui y sont entre­pris réside moins dans un effort d'améliora­tion des plantes ou des animaux et des techniques culturales ou zootechniques, que dans l'étude systématique et approfondie des divers facteurs qui régissent la produc­tion agricole dans son sens large.

L ' I . N . E . A . C . s'est efforcé de créer ci d'organiser d'abord un centre de recherches sis au coeur m ê m e du Congo sous l'Equateur, doté des installations et des instruments de recherche les plus perfectionnés, et ensuite un réseau de stations de recherches choisies de manière à couvrir la plupart des régions naturelles du Congo ou encore les principales activités agronomiques harmonisées à des conditions particulières du milieu.

C'est d'abord Yangambi qui constitue le centre îles études et comprend une section de recherches scientifiques et une section de recherches agronomiques.

La première comporte les divisions de bota nique, de Phytopathologie, de génétique, de physiologie, de recherches forestières, de pédologie, de climatologie et de technologie.

La seconde comprend les divisions du pal­mier à huile, de l'hévéa, du caféier, du cacaoyer et des plantes vivrières. Yangambi possède, en outre, des plantations expérimentales où les études se poursuivent à l'échelon d'application.

L'ensemble de ce complexe comprend 5.00(1 hectares où travaillent dans des laboratoires bien outillés plus de 100 Européens, pour la plupart universitaires.

Le Bas-Congo comprend quatre sections : Mvuazi pour les fruits, Cimbi pour le fibres, Kondo pour les cultures du M a y n m b e . et Luki pour la sylviculture.

L ' O l e a les stations de Bambesa et de Bokcta pour le coton, et du .Mont H a w a pour la soie.

Dans l'Est de la Colonie se trouvent les stations de Nioka. Mulungu et Lubarika et. au Ruanda-l'rundi, celles de Rubona et de Kisozi.

Le secteur Sud comprend les stations de (¡andajika, Mukumar i , Kiaka. Kaniama et Elisa bethville.

Recherchée géologiques et minières.

Les recherches fondamentales des D L P O N T , CORNET, BLTTGENB*CH, ROBERT, SAI.ÉE, DEL-

(125)

Page 124: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

H A V E ont permis la connaissance progressive de la géologie congolaise et de 1 "important domaine minier du Congo. Ces études se pour­suivent systémati()uement.

Le Service géologique officiel continue les recherches sur le sous-sol et l'hydrologie souterraine pour permettre la mise au point de la carte géologique de l'immense territoire congolais. Il possède des laboratoires de chimie et de spectrographie. de minéralogie, de minérographie. des instruments de recherche géophysique, ainsi que des appareils pour l'étude thermique et rontgénographique des minéraux.

Parallèlement à l'activité scientifique du Service géologique de l'Etat, il y a lieu de signaler celle du service similaire du Comité Spécial du Katanga iC.S.K.i . Celui-ci. en effet, possède un Service géographique et géologique depuis 1 9 m . Il publie les annales du Service des mines du C . S . K . . les cartes géologiques au 1 200.000' et au 1 '1.000.000". l'atlas du Katanga.

Le Ministère des Colonies a inslallé. en 1930, une Commission de géologie qui. grâce à la collaboration des géologues belges et colo­niaux, édite la carte géologique du Congo et du Ruanda-Urundi. dont les éditions se m o ­difient suivant les données nouvelles four­nies tant par les « field gélogues » que par les chercheurs des laboratoires tels que ceux du Musée Royal du Congo Belge ou des Universités belges.

Ces documents fondamentaux ont permis le repérage des gisements miniers et leur mise en valeur si remarquable.

Partant de telles données, il importait poul­ies grands organismes d'exploitation minière d'approfondir les renseignements d'ordre général pour localiser, au mieux de leurs inté­rêts, les gîtes possibles d'exploitation et pour en étudier les meilleures conditions de ren­tabilité. Sans vouloir préciser l'activité dé­ployée dans ce domaine par le Comité National du Kivu iC.N.Kii, la Foi-minière, la Minière des Crands Lacs, les Mines d ' O r de Kilo-Moto, nous nous arrêterons quelques instants à l'organisation des services de re­cherche de l'Union Minière du Haut Katanga.

La grande diversité des richesses minérales exploitées, et la complexité des minerais traités imposaient à la Société d'effectuer continuellement de nouvelles études pour adapter les procédés métallurgiques à la

nature variable du produit à traiter e1 aux nouvelle, circonstances de l'exploitation minière et du marché des métaux.

Il élail. d'autre part, intéressant de suivie attentivement les progrès réalisés dans la technique et de pouvoir étudier soigneusement lout nouvel appareil ou réactif métallurgique.

C'est en vue de ce double objectif que l'Union Minière a créé en Afrique son dépar­tement des recherches.

Ce Service est chargé de l'élaboration des procédés de traitement des minerais et de l'établissement des données de base pour l'exécution des nouvelles installations indus­trielles. Son activité comprend aussi le con­trôle métallurgique du fonctionnement des installations existantes et l'expérimentation des nouvelles machines ou produits.

La plupart des essais concernant les traite­ments thermiques sont réalisés directement dans les installations industrielles en collabo­ration avec les services d'exploitation. Pour toutes les autres études, le Service des recher­ches .utilise les laboratoires de Jadotvillc parfaitement équipés. Des spécialistes y pro­cèdent notamment aux mesures physiques, chimiques, condurtimétriques. spectrographi-ques. speetrophotométriques. polarocraphi-ques. électrolytiques. etc..

Le Service des recherches est amené parfois à mettre au point de nouveaux procédés de fabrication soit pour améliorer certaines tech­nique», soit pour récupérer des produits secondaires associés dans les minerais dont le traitement constitue l'activité principale de la Société.

C'est grâce, notamment, à ce Service, (pic la mise au point d 'un procédé clectrolytique de récupération du cobalt des minerais oxydé* cuprifères traités à l'usine d electrolyse de Jadotvillc a pu être réalisée el appliquée depuis 19JS. O l a permii d'augmenter dans de notables proportions la production de ce métal si recherché.

Plus encore «pi'en agronomie, la recherche scientifique s'est révélée, dans le domaine minier, d'une efficience remarquable et nous dirions volontiers presque immédiatement chiffrable sur le plan économique.

Recherches géodé»ique*. géophysiquee et hydrologiques.

Ces recherches, peut-être moins tangibles dans leurs résultats « palpables », n'en pré­sentent pas moins une importance essentielle.

(126)

Page 125: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

I,'Institut (íéographique du Congo a été croó on 1950. Il s'est fixé une tâche en rap­port direct avec les besoins sans cesse crois­sants de la mise en valeur de la Colonie. Ce programme comporte, entre autres activités principales, des travaux géodésiques fonda­mentaux pour l'établissement des grands réseaux. Il constitue la base indispensable aux travaux topographiques dans un grand pays. L'Institut est aidé par des travaux de nivel­lement barométrique et les déterminations de points astronomiques réalisés par le Ser­vice géophysique.

Sur le plan météorologique, on peut consi­dérer que !e Service météorologique groupe, depuis 1017, les activités de recherche et d'ap­plication géophysiques au Congo, e'est-à-dire la mété »rMogie proprement dite, le magné­tisme terrestre, la séismologie, le rayonne­ment, l'électricité atmosphérique et la gravi­métrie.

Toutefois, les études météorologiques inté-lessant spécialement l'agriculture, la sylvi­culture et l'élevage ont été centralisées par l'I.N E . A . C . pour lui permettre de mener à bien ses études d'écoclimatologie.

K n relation étroite avec la géophysique se situe l'hydrologie.

Cette discipline comporte des problèmes nombreux qui se rattachent au cycle des précipitations, au régime de l'écoulement, de 1'evaporation des eaux et aux cours souter­rains et, d 'une manière générale, au bilan de 1 eau.

Cette question intéressant l ' I . N . E . A . C , les services météorologiques, géologiques et des voies navigeables, il a été décidé de créer un Institut hydrographique qui centralisera toutes les données hydrographiques, se livrera aux recherches fondamentales et pourra fournir aux organismes scientifiques, aux services gouvernementaux et aux particuliers, des documents rationnellement étudiés.

Recherches médicales.

Jusqu'à présent nous avons envisagé, en ordre principal, les activités scientifiques ayant trait à la production.

Envisageons maintenant le producteur.

Ici encore l'effort réalisé au Congo sur le plan de la recherche ne le cède en rien an domaine de la production.

Nous n'entrerons pas dans le détail de l'organisation médico-sociale et pédagogique.

Qu'il suffise d'esquisser brièvement la recher­che médicale en considérant celle-ci sur le plan humanitaire et n'obéissant pas à dc> impératifs économiques rigoureux.

l'n réseau très complet de laboratoires médicaux est établi, dont les activités son' partagées entre les analyses cliniques et l.i recherche scientifique.

L'Institut Princesse Astrid de Léopoldville. créé dès 1897. étudie spécialement la trypa­nosomiases le Laboratoire de Stanleyville est spécialisé en fièvre jaune; celui d'Astrida en rickettsiose ; celui de Blukwa en peste, et enfin celui «le Pawn, en lèpre.

L'n Service d'études et de recherches anti-malariennes fonctionne à Klisahethville. Deux nouveaux laboratoires fonctionnent à Lulua-bourg et à Bukavu. Ajoutons que le Service de l'hygièr.c étudie dans les centres urbains et les ports la biologie des vecteurs de maladie, et détermine les reírles et les moyens de lutte.

Le Fonds Reine Elisabeth pour l'aide médi­cale aux indigènes ( F . O . R . E . A . M . I . Ï , la Fondation médicale de l'Université de Lnu-vain au Congo i F . O . M . U L A . C . t . le Centre médical et scientifique de l'Université libre de Bruxelles au Congo ( C E M . U . B . A . C . i. la Fondation Père iDamien i F . O . P . E . R . D . A . i contribuent largement aux recherches et aux développements médicaux. Il en est de m ê m e des laboratoires des grandes sociétés.

La répartition des centres d'études médi­cales démontre abondamment que les pouvoirs publies se préoccupent autant des milieux ruraux (pie des milieux urbains et industriels, et l'on constate une amélioration réelle de I état de santé au Congo.

Si l'indigène est moins malade qu'il y a trente ans. c'est en tout premier lieu aux médecins qu'on le doit, mais aussi au fait qu'il se nourrit mieux. Là encore les efforts s'amplifient sans cesse.

Institut des Parcs Nationaux d u C o n g o Belge.

(Voir p. 497.)

Institut pour la recherche scientifique en Afrique Centrale.

Le Gouvernement belge souhaitant voir entreprendre l'étude de certains sujets peu ou guère considérés et voulant assurer, d'antre part, une indispensable coordination entre disciplines apparentées, a créé, en 1947.

(127)

Page 126: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

1 "Institut pour la recherche scientifique en Afrique Centrale ( I .R .S .A.C. ) .

A u x termes de ses statuts, l'objet de cet Institut est de susciter, promouvoir, réaliser el coordonner, au Congo Belge et au Ruanda-Urundi, l'étude des sciences de l ' H o m m e et de la Nature.

Pour réaliser son but, l'institution a créé à la Colonie et au Ruanda-Urundi plusieurs centres où des chercheurs belges et étrangers peuvent s"adonner à leurs études; elle favo­rise, d'autre part, par l'octroi de subsides, tontes études, recherches et expérimentations qui se trouvent étroitement en rapport avec le développement de l'étude des sciences de l ' H o m m e et de la Nature.

A u sein de l'Institut, plusieurs commis­sions scientifiques ont été créées en vue d'éta­blir des programmes précis de recherches ou d'instruire des demandes de subsides.

Il existe actuellement huit Commissions, à s«voir :

1" la Commission de l'Alimentation et de la Nutrition de l'Indigène au Congo;

2° la Commission de Biologie animale; 3" In Commission des Sciences de l ' h o m m e : 4" la Commission de Pathologie humaine

et animale; 5° la Commission de Géophysique et d'As­

tronomie, qui compte trois sous-commissions : de Céophysique, de Météorologie et d'Astro­nomie;

6° la Commission de Biologie végétale; 7" la Commission de Géologie qui compte

deux sous-commissions : celle de la Carte géomorphologique du Congo Belge et celle de Vulcanologie :

8" la Commission de Cartographie.

Par ailleurs l ' I .R .S .A .C. comprend plusieurs sections qui sont des rouages d'exécution constitués lorsque, à la demande du Ministre des Colonies ou spontanément, l'Institut dé­cide de consacrer une fraction de ses efforts et de ses ressources à entreprendre, à la Colonie, l'exécution d'un programme impor­tant de recherches dans un domaine déter­miné. Ces sections font partie intégrante de l'institution et sont entièrement subordonnées au Conseil d'Administration et au Comité de Direction, mais disposent de certains pou­voirs d'administration et d'un statut suf­fisamment souple pour permettre une coopération réelle avec d'autres institutions ou associations désireuses de participer au financement de ces recherches.

Ces sections sont actuellement au nombre de trois :

1° Hydrologie; 2° Alimentation et nutrition de l'indigène

au Congo Belge et au Ruanda-Urundi; 3° Hydrobiologie.

Les Centres de recherches scientifiques éta­blis ou en voie d'établissement sont le« suivants :

10 Le Centre de Recherches Scientifiques du Tanganyika, à Uvira (Hydrobiologie el station météorologique) ;

2° Le Centre de Recherches scientifiques du Ruanda-Urundi, à Astrida (essentiellement dédié aux problèmes humains) ;

3° Le Centre de Recherches Scientifiques de l'Equateur, à Mabali (lac T u m b a ) , situé dans la région biogéographique la moins étu­diée du Congo. (Travaux de prospection dans les domaines de la sociologie, de la nutrition, de la bioclimatologie, de la botanique, de la zoologie générale, e t c . ) :

4" Le Centre de Recherches Scientifiques du Kivu. à Lwiro 'Recherches géophysiques et géochimiques et notamment les recherches vulcanologiques, séismologiques, eravimétri-ques. etc..) :

5° Le Centre de Recherches Piscicoles de Kipopo (à 20 k m d'Elisabethville) ;

6° Le Centre de Recherches Scientifiques d'Elisabethville. Ce Centre fonctionnera en association avec les nouveaux laboratoires médical, vétérinaire et d'hygiène du Gouver­nement.

Par l'organisation de ces Centres de recherche, l ' I .R.S .A.C. facilitera les missions d'étude des h o m m e s de sciences de la M é ­tropole.

11 en est de m ê m e de l ' I . N . E . A . C , dont le vaste réseau de stations bien équipées sera toujours à m ê m e d'accueillir des chercheurs métropolitains.

Nous touchons là à une des caractéristiques de la recherche scientifique au Congo : à savoir, la part importante que ne cessent de prendre au développement de la Colonie les milieux scientifiques belges.

Depuis 1945, notamment, nombreux sont les Professeurs d'Universités qui se sont ren­dus en Afrique et ont recueilli, au cours de leur séjour, matière à études remarquables.

Citons notamment les missions I . R . S . A . C . du Professeur D O R Y , qui s'est occupé spéciale­ment de biométrie, et du Professeur U R B A I N , qui a étudié les problèmes de structure sociale

(128)

Page 127: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

et de structure des marchés des biens et des revenus ruraux.

Citons encore les recherches des Professeurs K'OCH, BlCWOOD, BOI'ILLENNE. L E G R A Y E , (TIL-LIAFD, etc. (voir aussi p. 500V

L ' T . N . E . A . C , également, accueille régulière­ment des chargés de mission, et accentue encore la collaboration de ses services de recherche avec ceux de la Métropole en con­fiant à des Professeurs l'organisation de nouvelles sections.

Nous pensons, entre autres, à la section de physiologie végétale confiée au Professeur H O M E S et à la section de mécanique agricole fondée par le Professeur M A L C O R P S .

D'autre part, l ' I . N . E . A . C . base les principes de sa sélection cotonnière sur les travaux conduits au laboratoire du Professeur D E M E I L E M E E S T E R de ftand sur la technologie des fibres.

LTne forme de réciprocité s'est d'ailleurs établie au sein de cette Institution dont plu­sieurs chercheurs travaillant en Afrique viennent régulièrement en Belgique donner un cycle de cours universitaires et entamer des recherches dans les laboratoires belges.

Cet état de choses présente le double avan­tage d'entretenir au Congo les sages tradi­tions de la recherche scientifique belge et d'orienter l'enseignement universitaire et les travaux des laboratoires belges vers les choses «le la Colonie. Il entretient, par ailleurs, un excellent esprit de large collaboration émi­nemment favorable au développement général du Congo.

Cette orientation reste dans la tradition quand on considère la part considérable que revêt l'activité congolaise de certains centres de recherche métropolitains.

Citons les principaux : Le Musée Royal du Congo Belge, à Ter-

vuren, a été créé par Leopold TI en 1902 et organisé en sections ressortissant à diverses disciplines : zoologie; minéralogie et géologie; ethnologie; anthropologie et pré-histoire; sciences morales, politiques et historiques et enfin sciences économiques. Chacune d'entre elles procède à l'inventaire du patrimoine congolais et publie les travaux de base indis­pensables ;

Le Laboratoire de Recherches Chimiques de Tervuren a c o m m e mission l'examen de toutes les questions d'ordre chimique que comporte l'inventaire scientifique complet des productions naturelles du Congo. Il com­

prend plusieurs services s'attachant aux recherches de chimie minérale, organique, physique, de biochimie et de phytochimic. Entre autres recherches citons, notamment, celles qui ont trait à la chimie des minéraux argileux et des oligo-éléments, ainsi que les travaux approfondis sur les celluloses con­golaises ;

L'Institut de Médecine tropicale d'Anvers, créé en 1906, contribue pour une large part aux études de base en médecine humaine et animale;

L'Institut Royal Colonial Belge, dont l'activité des sections (Sections des Sciences morales et politiques; des Sciences naturelles et médicales; des Sciences techniques : trans­ports, communications, génie civil, matériel colonial, outillage, exploitation des mines» est axée uniquement sur le Congo et qui publie des travaux remarquables ayant contribué, pour une part importante, au développement de la Colonie.

E n dehors de ces organismes ou institutions orientés exclusivement vers les choses du Congo, nombreux sont les laboratoires belges dont une grande part d'activité est réservée à la Colonie.

Le Jardin Botanique de l'Etat, notam­ment, se consacre depuis 1900 à l'étude des végétaux congolais. Ces cinquante années de recherche permettent à l'heure actuelle la publication, sous l'égide de l I . N . E . A . C . de la flore du Congo Belge.

L'Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique a orienté une partie importante de ses travaux vers l'étude systématique du Congo, principalement dans les domaines zoo­logique, anthropologique et paléontologique. Il organise régulièrement des missions d'étu­des au Congo (voir p . 500V

Etudes conjoncturelles et économiques.

Il est un autre domaine où l'activité scien­tifique métropolitaine exerce une influence économique importante, c'est celui des études conjoncturelles et économiques proprement dites.

Le Ministère des Colonies dispose d 'un Service d'Etudes Economiques où la statis­tique fait l'objet d'investigations régulières dans les domaines du commerce extérieur, de la production, des finances, des transports, des prix, des salaires et de la population.

(129)

Page 128: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

(.¿race à ces recherches, les tendances écono­miques peuvent être précisées et permettent nu Département de déterminer sa politique en matière économique.

L'Association des Intérêts coloniaux belges a organisé un Bureau d'études et des C o m ­missions techniques qui envisagent les divers problème* économiques de la Colonie.

Les organismes bancaires belges ont égale­ment des services où s'élaborent les études économiques destinées à l'observation de la situation de la Colonie. Ces éludes sont basées sur le dépouillement quotidien d'une abon­dante documentation relatant, notamment, les cours des produits coloniaux sur les marchés ainsi que le> tendances de ceux-ci.

L'évolution de la situation conjoncturelle en Belgique et à l'étranger peut être suivie grâce, notamment, aux données transmises mensuellement par l'Institut de Recherches Economiques et Sociales de lTniversité de Louvain.

(juani à l'évolution économique du Congo, elle est étudiée grâce aux informations et aux chiffres fournis par les statistique* économi­ques de production et de vente des produits coloniaux, ainsi que par les statistiques finan­cières des sociétés exerçant leur activité à la Colonie.

Sur le plan bancaire, les études statistiques permettent la surveillance des engagements du commerce colonial et l'appréciation du risque bancaire encouru par la distribution du crédit.

Elles sont basées sur les documents établis par les Services d'études économiques, et étudiées suivant les spécialisations de l'acti­vité commerciale : l'importation, la distribu­tion et l'exportation.

Cetlc simple esquisse montre à suffisance l'importance de la recherche scientifique dans ce domaine et de son influence sur les courants économiques.

Institut universitaire des territoires d'outre­mer (INI T O M ) .

L'arrêté royal du 11 janvier 1920 créa, à Anvers. l'Ecole Coloniale Supérieure qui reçut la personnification civile par la loi du 8 mars 1920. L'arrêté royal du 21 novembre 1923 transforma l'Ecole Coloniale Supérieure en Université Coloniale- La loi du 4 mai 1949

modifia cette dernière dénomination en « Institut universitaire des territoires d'outre­mer » et autorisa l'institution à conférer les grades et diplômes de candidature et de licen­ce en Sciences coloniales et administratives.

L'Institut a pour but l'enseignement spé­cial des Sciences coloniales théoriques et appliquées. 11 se préoccupe, notamment, de former des fonctionnaires pour la Colonie du Congo et pour le territoire du Ruanda-l'rundi.

Nul n'est admis à l'Institut s'il n'est por­teur d 'un certificat homologué ou agréé d'études moyennes complètes du degré supé­rieur et s'il n'a, en outre, subi avec succès un examen d'entrée dont le Ministre des Colonies a déierminé les conditions et le pro­g r a m m e par arrêté du 2 décembre 1950.

Le Roi, par arrêté du 14 décembre 1950, a fixé le programme des études. Celles-ci comprennent deux cycles dont le premier, comptant deux années d'études, se termine par la délivrance du grade de candidat en Sciences coloniales et administratives, le second également de deux années d'études, par la délivrance du grade de licencié en Sciences coloniales et administratives.

Le Ministre des Colonies fixe annuellement le nombre m a x i m u m d'étudiants qui. à la fin de leurs études, seront admis au service de la Colonie. Ces étudiants sont désignés dans l'ordre du classement obtenu lors des examens à la fin de la première année de candidature.

• • •

Nous pensons avoir brossé une fresque des divers plans sur lesquels se manifeste la recherche scientifique au Congo, et pouvons en tirer la conclusion tout à l'honneur de la Belgique : notre pays a compris l'importance de cette recherche scientifique et n'a pas hésité à y consacrer des somme.s considérables pour en stabiliser les assises.

Rares sont, au monde, les pays neufs qui investissent annuellement 3 r,'c de leurs dépen­ses totales dans cette recherche.

Les pouvoirs publics ont pleinement cons­cience que l'organisation scientifique congo­laise est loin d'être parfaite, mais ils s'efforcent d 'y remédier dans la mesure de leurs moyens.

Ils sont persuadés qu'en continuant de la sorte, ils arriveront à faire du Congo un pays digne des traditions de la Mère Patrie.

(130)

Page 129: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

ANNEXE II : Les hommes de science et la politique, le cas du Zaïre (1).

Dans le cadre du Colloque National sur l'Authenticité, la commission

"Sciences et technologie" a examiné tous les aspects de la dépendance

technologique du Zaïre vis-à-vis de l'étranger et a préconisé les voies

et moyens de la diminuer.

Président : Professeur Mubandu Mpelenda

Rapporteur : Professeur Kandjingu Katanga

I - INTRODUCTION

A l'heure actuelle, le Zaïre est confronté à des problèmes aussi

urgents, les uns que les autres, dans divers domaines tels que :

- l'énergie

- la nutrition

- les soins médicaux

- l'habitat, etc.

Pour résoudre ces problèmes, le pays a jusqu'ici fait appel à l'aide

étrangère. Malgré la générosité et la bonne volonté des donateurs, cette

aide présente les inconvénients suivants : l'insuffisance, les conditions

d'octroi peu favorables que nous acceptons parfois pour résoudre les pro­

blèmes immédiats, la dépendance qu'elle entraîne surtout dans le domaine

technologique.

Cette dépendance rend difficile l'épanouissement de l'homme zaïrois

et 1'eclosión d'une technologie zaïroise appropriée capable de privilégier

l'utilisation des matières premières locales abondantes et bon marché.

Une telle technologie est pourtant susceptible de mettre en relief les

valeurs nationales et surtout d'économiser les devises.

(1) Rapport et résolution de la commission "Sciences et technologie" du Colloque national sur l'authenticité (kiushasa 14-21 septembre 1981), in Authenticité et développement. Paris, Présence Africaine, 1982, pp. 355-359.

(131)

Page 130: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

II - CONSIDERATIONS ET PROPOSITIONS

La Science, ensemble des connaissances humaines se basant sur des

faits régis par des principes rigides appelés lois, étant universelle,

elle ne peut être authentique, c'est-à-dire exclusive.

Par contre, la technologie qui est l'application pratique des connais­

sances dans les divers domaines de la vie, peut, quant à elle, avoir un

caractère authentique.

C'est ainsi que dans l'optique du concept de l'Authenticité, la recher­

che dans notre pays devrait s'orienter vers la revalorisation des techniques

locales, vers la mise au point de nouvelles techniques authentiquement

zaïroises, ou encore vers l'adaptation des techniques étrangères aux réalités

du pays, etc..

A ce titre, la commission, considérant :

a) que dans la confiance de l'Etat en ses cadres nationaux compétents,

la technologie zaïroise ne pourrait réellement se développer,

b) que les sciences exactes ne font pas l'objet d'une attention toute

particulière de la part des pouvoirs publics,

c) que le Zaïre ne possède pas encore une politique scientifique et technolo­

gique nationale,

d) que cette politique scientifique et technologique ne peut se réaliser

efficacement sans un cadre juridique approprié,

e) que le transfert de technologie pose le problème de son adaptation à nos

besoins spécifiques,

f) que le manque de devises handicape souvent l'approvisionnement du pays

en biens de première nécessité,

recommande,

1) que les pouvoirs publics créent, grâce à une politique scientifique cohé­

rente, toutes les conditions favorables à 1'eclosión et au développement

de la science et de la technologie zaïroise appropriée,

(132)

Page 131: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

2) que les cadres nationaux soient utilisés rationnellement en tenant compte

de leur spécialisation,

3) qu'il soit créé au sein du Conseil Exécutif un Département de "Technolo­

gie et Industrie" ayant pour mission :

a) d'inventorier les procédés technologiques traditionnels,

b) de favoriser la réhabilitation et la création des petites et moyennes

entreprises appartenant aux nationaux en mettant l'accent sur les

industries de base,

c) d'élaborer les normes industrielles zaïroises,

d) d'homologuer tout projet ayant trait à l'industrie, à implanter au

zaïre et de protéger scrupuleusement les droits d'invention des

nationaux,

e) de promouvoir les possibilités de recherche technologique au sein des

industries, et la récolte des données de compilation en vue de

redynamiser celles-ci et d'améliorer la production,

4) qu'en vue de stimuler la concurrence loyale, la conclusion des accords en

rapport avec le développement national tienne compte des intérêts primor­

diaux du pays et qu'aucun monopole ne soit reconnu aux entreprises tant

nationales qu'étrangères,

5) qu'il soit créé une Commission nationale pour la politique et la recherche

scientifique et technologique, commission qui aidera les pouvoirs publics

à définir et à déterminer les objectifs primordiaux dans les domaines de

la recherche et de la technologie,

Dans le cadre du Département de "Technologie et Industrie" proposé

au sein du Conseil Exécutif, la commission propose les réalisations concrètes

dans les domaines ne présentant aucune difficulté technique et pour lesquels

il existe un personnel zaïrois qualifié.

Il s'agit, notamment, des domaines suivants :

1) énergie : - énergie hydroélectrique,

- extraction des bitumes à partir des schistes bitumeux,

- production du méthamol, de l'éthanol, du méthane, etc.. à

partir des résidus végétaux.

(133)

Page 132: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

2) santé : - création et promotion des industries pharmaceutiques basées

sur les connaissances de la médecine traditionnelle.

3) agriculture et alimentation :

- mise au point de nouvelles denrées alimentaires à partir des

produits agricoles locaux,

- mise au point des techniques de conservation adaptées aux con­

ditions climatiques zaïroises.

4) chimie : - fabrication des engrais, des aliments pour bétails et volailles,

- fabrication de la soude caustique, du savon et des détergents.

5) habitat: - mise au point des modèles de construction adaptée aux condi­

tions climatiques et utilisant les matériaux locaux tels que

bois, argile, paille, etc..

6) infrastructure routière :

- utilisation des termitières pour la construction, la réhabilita­

tion et l'entretien des routes en terre.

(134)

Page 133: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

ANNEXE III : La radio au Gabon , programme de Libreville II

28

2

o <?

o o

W M

W -•

_» O

O U3

^'u

bw

U

l O

O O

D.c

oc

DN

j-jM

Cs

aiiiiu

iA

tiu

uM

uu

-.'

(Jl

I y

io

ot

iO

üi

öu

'O

OO

-jp

fS

iûœ

Ϟ

o^

i-g

çfîd

iaît

nc

h

— O

oi

bo

— n

u-

o U

Wo

in

öü

iw

ou

io

Oc

1

c z o

o

1*

3 =

IÏÏI

ill

I« 1.3

I

•o

§•

S.

5

|f|

5' £

. »

II!

ill >

t_

>

-n

r-

< O

<

(5

O

2 »

n

2'-

2 3

5.3

c

o c

3

3

5'

5

c

c

cc*>

o

o a

< _

1 =

t» Ö

'

TI

3

>a

• TJ

O c

3 2

<-

? 1

o.

es art a

W

"n

m

3"

o- 1

mation w

r- o

3 CL

c

week n

T a.

m

c

2 ri

Q. 5 ormat o

3 w

O 3"

Q>

J

to

rt>

men des f ct-

ri

c

Tl

CD

n

o

Ö

CD

-n

CD

a 1

mation v>

c

CD

Q.

c>

eil ma 1 <_

o

c

3 •o 5¡

+

O

V)

T3

C

fJ ñ S

^r t I o -i r*

ó I

~n

fO mation w

Tl

rt>

<

eil matin ÜL T

-<

mne z CD

3

I f

o 3 o 2 CT

SI a 5'

<o

u

2 >

OO

MN

MM

WM

IO

J

8¡?

88

S8

Sc>

8e

CD

CO

OM

^IS

OlÇ

lU

lO

lf

UU

MW

M

'í>

^b

uiu

ob

Í5

Í3

0A

l.u

ou

Í5

(5

u

iu

iS

vo

ou

>o

ui

oo

So

iJ

>S

gO

OO

OO

OO

Q

co

^j-

<JC

7)a

)Ç7>

uiç

Ji

ob

b-

ib

oi

bb

-o

a-

óu

N

uo

Su

io

vu

oo

io

oo

io

Qo

'

_.

-.

-;

O O

O

— O

> tO

CO

I

> C

tir

i-o

F

a'llfl

I § I

8 |

¡:°5

f i-

£.

» a

Ifilí

if CO

o 3 2 o

11

, i.

o 1

Ipil

*

IH*

?p

z a o'

c

3 CCI

c

I O

C

33

z

TJ m

jl

H

i

f 3"

sL £

. 3

°- s

- S- s

W

3 ^

O

ri

P

=

CT.

Co ~

-

sl 3 CT

CU

N

2 >

(135)

Page 134: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

O¿

tG

JN

)N

>rtO

Pf0

Ov

oO

œo

ui

ou

û

r^

r^p

ÇD

f5Ç

D0

0p

0<

Nl^

Ç|)

^5

Su

u>

8o

ôi8

uiu

8u

i8ë

ûî8

cju

i

C

33

m

v>

2 m

33

O

33

m

O

o

o 3 iprendr o

aujourd 31

C

Fla vi zr

a

'inform Ol

¡ons

Fla vi

3" +

suite du 2 Q)

CD

G

) N

s' E ? S.

ne de 1 Cl I I S DD

Q S

2

: 01

es

3

r. <

o 3

S

a3

_: a

3 3

Ili!

llll ¡fil!

S

c •>

q 5

"

S

S' _

r ä »

=•

I O

C

3

3

Z m

Z o £.

S

o c <o

o 3 er

o 2

.

— *

O

ttl-

OI

o o

3 n

« c I î

o 3

w

S

m

-o

r?

« r>

33

O

- ¿

"• i

°

3 •*

°

? 3

=

01

3

-*

ûj

i!

î

2 z

I

S§ H

fo

M _

* l

p

p co

88

8

6-.Í

3u

ibo

ob

bb

*-u

¡5

úb

i O

IO

IO

UIU

IO

UIO

UIO

O 8

8S

8

^^

piû

fc

ύ

sjM

Çb

pp

uip

i

uo

io

iiiu

oijio

io

oc

"

C

33

m

C o

r—

o"

3 CT

c 2 <

(A

tère

m

ulle *•

3'

a

5 5"

3 eu

Ô'i

Hi

"H

K'f

t

B*

? K

-Q

•*

• <

K ffl

B'A

sur

> S- »

com 3 i ?nbi

t_

ouri l S 3.

a-

in

O O C

3

3

Z m

co

c

e du révei *~

3

ai

tin 3L c

O

c

rnal parlé +

¡A

T3

O

Séci

TJ

C

O-

licites

m

•o

3-émérides

2 01

VI

h d'inform 01

tions

r- x

a <

mne Natior jour se lèv

â.

ô ~

b

2

2

X

o

2 >

O o_

o3 c 3 5 o o

(13

6)

Page 135: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

v |t

s>

K>

tOM

MM

KJ

-i

|wfO

t°r'

PP

Píc

>

8S

8O

Í0S

0O

aS

aN

l^

vl(D

a<

)IU

IJ

>,J

>U

UN

)N

K)

(jiô

iou

'iio

uo

iî'o

oio

oo

ow

o

88

8iS

oo

'wo

öi8

o5

oo

u'

c

3!

<

m

z o

30

m

O

y o

o ?

V*

a. S

•o

5T

C" <

"> ET

O

3*

O

w

8] o

o,

a

3

3

a-

*u

^_

1"*

<

D

1

f 11; ili

If

n

»> 5

3"

o-

3"

SI.

o

I c 3

y-

, w

x ?

»

9§ r-

a

j to

»

C T3.

</»

= O

o

S

~

3" =

5' Sí

.

> >

-• S

.

38

M

o 3

5'

c

3

c

o

c

Ipí ti! o c

z

rpr

3 C

3

o.

=; »

IH|

01

O b

Z Z

z >

o

3

^ S

O

U U

S)

8 iS

oo

íf o

•M ro

NJ

-*

T-»

p

p fo

|ií o

8 o

I

ço

œp

^^

pp

ui

ii

i*

.4

uu

uw

M

-.

QO

iQ

OO

QO

wfiu

iou

ov

oi

8OJ

O

O r

o 8

m 8

> O

¡7 Q

S-§

3|

'3 a

si

9 O

3

3

3 3

a 2

3

S S

i

i *

* 5

CD

CD

¿W

M

ill llj;

¡f.r Hl

Hi o

III II

II II

S-

8 3

B °:

9-a

O

O

* 3

i' 3 CT

I?

* Z

&3

(13

7)

OO

OO

OQ

PO

Q

3

o

-^ o

u

^

5

u

N

o

c

z

c

3

0 c F

>

Page 136: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

1 in' i £ »i i ¿

m

o

o

c

r*

m

i ^m

0)

tre * a

0 nne le t est VI use 0>

ble détr s 3

9-.

s

i 3

S

S

»

»

sit

o

3"

CD

3

O Z 0)

O

3

û>

et»

o

(A

0)

"O

•a

n n

2 a

CD

•a

.

c

</)

H

O

J.

CO

>

s

o

>

-o

o

31

H

O

m

NTI

to

_.

.-*

Ol

2 u

i

I I

N

N

O

•<

m

2

•n

o

""

""

? 2

S

2

CD

Ol 8

8

o

oi

a

;*: x

N

CD

2

co

> H 5

z "0

33

O

<

Z o

>

r- m

2

o

o

c

8 S

C

O C

O

CO

C)

22

X

X

isi

fsl

88 o

c

m

Z O

m

O

m

O

X

m

to

V> 2

O -<

m

Z Z m

(A

O

>

O

X 8

CO

CO

CO

o

Ol

X

N

CO

C

_

o o

5 c

m

m

X

m

>

2 t"

X

>

«

X

Si

§2

co

O =?

rv>

»

j o

;*

x

CO

33

2 S

> s

H

O

m

O

C

33

CO

8

M

O

m

D Z O m c/)

33

O

33

> m I

m

œ

D

O

> D

> 55

m

m

3B

r—

c

*» ç

3

0

>

(138

Page 137: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE

A. Généralités

Annuaire Statistique. O.N.U.

Annuaire Statistique. Unesco

La civilisation ancienne des peuples des Grands Lacs. Colloque de Bujumbura 4-10 septembre 1979. Paris, Karthala, 1981.

Découverte et innovation scientifique au service du Tiers Monde (Associa­tion Henri Laugier). Revue Tiers Monde XX, 78, 1979.

Développement de l'activité scientifique en Afrique intertropicale. Actes du Colloque sur la pratique scientifique et l'administration de la recherche en Afrique (Yaounde 10-21 juillet 1967). Paris, UNESCO, 1969.

Les plans de développement des pays d'Afrique noire. Paris, Ediafric, le éd. 4e éd. 1977.

Les politiques scientifiques nationales en Afrique. Paris, Unesco, 1974.

Recherche scientifique et développement. Répertoire des institutions fran­cophones. Paris, Agence de Coopération Culturelle et Technique, 1980.

La science et la technologie au service du développement en Afrique. Paris, Unesco, 1974.

AMSELLE, J.L. et M'BOKOLO, E. (eds.) Au coeur de l'ethnie. Ethnicité, tribalisme et Etats en Afrique. Paris, La Découverte, 1985.

CHATELIN, Y. "La science et le développement. L'Histoire peut-elle recommencer ?", Revue Tiers-Monde, XXVII, n° 105 (janvier-mars 1986), pp. 5-24.

CHATELIN, Y. et ARVANITIS, R. (eds.) Pratiques et politiques scientifiques. Paris, ORSTOM, 1984.

COHEN, R. (éd.) African Islands and Enclaves. Londres, Sage Publications, 1983.

CROUSSE, B. ; QUERMONNE, J.L. et Rouban, L. Science Politique et Politique de la Science. Paris, Económica, 1983.

CUOQ, J.M. Les musulmans en Afrique. Paris, Maisonneuve et Larose, 1975.

GOONATILAKE, S. Aborted Discovery : science and creativity in the Third World. Londres, Zed Press, 1984.

GUERNIER, E. (éd.) Afrique Equatoriale Française. Paris, Encyclopédie Coloniale et Maritime, 1950.

HAILEY, Lord An African Survey. A Study of Problems arising in Africa South of the Sahara. Londres, Oxford University Press, 1957.

DE HEUSCH, L. Le roi ivre ou l'origine de l'Etat. Mythes et rites bantous. I. Paris, Gallimard, 1972.

(139)

Page 138: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

KATZENELLENBOGEN, S.E. Railways and the Copper Mines of Katanga. Oxford, Clarendon Press, 1973.

MAGUBANE, B. et NZONGOLA-NTALAJA (eds.) Proleterianization and class Struggle in Africa, Contemporary Marxism (San Francisco, 6, 1983.

M'BOKOLO, E. L'Afrique au XXe siècle. Paris, Editions du Seuil, 1985.

MORTIMER, E. France and the Africans 1944-1960.Londres, Faber and Faber, 1969.

PELISSIER, R. Los territorios españoles de Africa. Madrid, 1964.

SAUTTER, G. De l'Atlantique au fleuve Congo. Une géographie du sous-peuplement. Paris-La Haye, Mouton, 1966.

SINDA, M. Le messianisme congolais et ses incidences politiques. Paris, Payot, 1972.

SURET-CANALE, J. Afrique noire. Tome II L'ère coloniale Tome III De la colonisation aux indépendances. Paris, Editions sociales, 1966 et 1972.

THOMPSON, V. et ADLOHH, R. The Emerging States of French Equatorial Africa. Stanford, Stanford University Press, 1960.

WOILLET, J.C. et ALLAD, M. Répertoire des instituts africains de technolo­gie. Genève, B.I.T., 1984, 2 vol.

B. BURUNDI

Plan quinquennal de développement économique et social du Burundi (1978-1982). Bujumbura, Présidence de la République, s. d.

CHRETIEN, J.P. "La société du Burundi : des mythes aux réalités". Revue Française d'Etudes Politiques Africaines, n° 163-4, 1979, pp. 94-118.

GAHAMA, J. Le Burundi sous administration belge. Paris, Karthala, 1983.

HAUSNER, K.H. et JEZIC, B. Rwanda et Burundi. Bonn, Kurt Schroeder, 1968.

LEMARCHAND, R. Rwanda and Burundi. Londres, Pall Mall, 1970.

MPOZAGANA, G. La République du Burundi. Paris, Berger Levrault, 1971.

NSANZE, T. Le Burundi au carrefour de l'Afrique. Bruxelles, Remarques Africaines, 1970.

NSANZE, T. L'édification de la République du Burundi. Bruxelles, Remarques Africaines, 1970.

(140)

Page 139: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

C. CAMEROUN

ANSPENGER, F. Politik im Schwarzen Afrika. Cologne, Suetscher Verlag. 1961.

ARDENER, E. et S. et WARMINGTON, W.A. Plantation and village in the Cameroons : Some Economic and Social Studies. Londres, Oxford University Press, 1960.

BELINGA, E. Cameroun : La révolution pacifique du 20 mai. Yaounde, 1976.

BILLARD, P. Le Cameroun fédéral. Paris, 1968-9.

BIYITI BI ESSAM, J.P. Cameroun : Complots et Bruits de Bottes. Paris, L'Harmattan, 1984.

DELANCEY, M. W. et SCHRAEDER, P.J. Cameroon. Londres, Cleo, 1986.

EPALE, S.J. Plantations and Development in Western Cameroon 1875-1975 . A Study in Agrarian Capitalism. New York, Vantage Press, 1985.

EYINGA, A. Introduction â la politique camerounaise. Paris, L'Harmattan, 1984.

HUGON, P. Analyse du sous-développement en Afrique noire : l'exemple de l'économie du Cameroun. Paris, Presses Universitaires de France, 1968.

IMBERT, J. Le Cameroun. Paris, Presses Universitaires de France, 1973.

JOHNSON, W.R. The Cameroon Federation. Princeton, The University Press, 1970.

JOSEPH RICHARD, A. Radical Nationalism in Cameroon. Londres, Oxford University Press, 1977. (Traduction française, Paris, Karthala, 1986).

LEMBEZAT, B. Cameroun. Paris, Nouvelles Editions Latines, 1984.

LE VINE, V.T. The Cameroons from Mandate to Independence. Berkeley, University of California Press, 1984.

11 " The Cameroon Federal Republic. Ithaca, Cornell University Press, 1971.

LE VINE, V.T. et NYE, R. Historical Dictionary of Cameroon. Metuchen N.J., Scarecrow Press, 1974.

MARC, A. La politique économique de l'Etat britannique dans la région du Sud Cameroun 1920-1960. Paris, 1985.

MBEMBE, A. Ruben Um Nyobé : le problème national camerounais. Paris, L'Harmattan, 1984.

MVENG, E. Histoire du Cameroun. Paris, Présence Africaine, 1983.

NDAM NJOYA, A. Le Cameroun dans les relations internationales. Paris, 1976.

NGONGO, L. Histoire des forces religieuses au Cameroun. Paris, Karthala,

1982.

(141)

Page 140: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

NGWA, J.A. A New Geography of Cameroon. Londres, Longman, 1979, 2erne ed.

RUBIN %EVILLE, M. Cameroun. Londres, Pall Mall, 1971.

RUDIN, H.H. Germans in the Cameroons 1884-1914. A Case Study in Modern Imperialism. New Haven, Yale University Press, 1938.

WOUNGLY-MASSAGA Ou va le Kamerun ? Paris, L'Harmattan, 1984.

D. CENTRAFRIQUE

KALCK, P. Histoire de la République Centrafricaine. Paris, Berger-Levrault, 1974.

ZOCTIZOUM, Y. Histoire de la Centrafrique. 1959 Violence du développement, domination et inégalités. Vol. I : 1879-1959, Vol. II : 1959-1979. Paris, L'Harmattan, 1983 et 1984.

E. CONGO

AMIN, S. et COQUERY-VIDROVITCH, C. Histoire économique du Congo 1880-1968. Paris, Anthropos, 1969.

BEMBA, S. 50 ans de musique du Congo-Zaïre. Paris, Présence Africaine, 1984.

BERTRAND, H. Le Congo, formation sociale et mode de développement économique. Paris, François Maspero, 1975.

ELIOU, M. La formation de la conscience nationale en République Popu­laire du Congo. Paris, Anthropos, 1977.

M'BOKOLO, E. Congo. Paris, R.F.I., 1986 (Archives Radiophoniques, Pays du Monde).

REY, P.P. Colonialisme, néo-colonialisme et transition au capitalisme Exemple de la "Comilog" au Congo Brazzaville. Paris, François Maspero, 1971 .

F. GABON

L'économie gabonaise. Paris, Ediafric, 1977.

BORY, P. The New Gabon. Monaco, 1978.

BOUQUEREL, J. Le Gabon. Paris, Presses Universitaires de France, 1970.

CHARBONNIER, F. Gabon : terre d'avenir. Paris, Editions Maritimes et Coloniales, 1957.

M'BOKOÜO, E. Gabon. Paris, R.F.I., 1985 (Archives Radiophoniques, Pays du Monde).

(142)

Page 141: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

G. GUINEE EQUATORIALE

BIDYOGO, D. Ndongo Historia t Tragedia di Guinea Ecuatorial. Madrid, 1977.

CRONJE, S. Equatorial Guinea ; the Forgotten Dictatorship. Londres, 1976.

FERNANDEZ, R. Guinea : Materia reservada. Madrid, 1977.

GARCIA DOMÍNGUEZ, R. Guinea : Macias, la ley del silencio. Barcelone, 1977.

LINIGER GOUMAZ-, M. Guinea Ecuatorial : Bibliografía General (4 vols) . Berne, 1976-1980.

" " La Guinée equatoriale, un pays méconnu. Paris, L'Harmattan, 1980.

" " De la Guinée Equatoriale nguemiste. Eléments pour le dossier de 1'afro-fascisme. Genève, Editions du Temps, 1983.

PELISSIER; R. Etudes hispano-guinéennes• Orgeval, Editions Pélissier, 1969.

H. RWANDA

Situation économique du Rwanda en 1984. Kigali, Ministère des Finances et de l'Economie, s.d. (1984).

ERNY, P. "L'enseignement au Rwanda", Tiers-Monde, XV (1974), 59-60, pp. 707-722.

SIRVEN, P. ; GOTANEGRE, J.F. et PRIOUL, G. Géographie du Rwanda. Bruxelles, A. de Boack, 1974.

SLEDSENS, G . L'explosion démographique du Rwanda. Butare, 1971.

I. SAO TOME ET PRINCIPE

J. TCHAD

BOAHEN, A . A . Britain, the Sahara and the Western Sudan 1788-1861 Oxford, Clarendon Press, 1964.

LANNE, B .

(143)

Page 142: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

K. ZAIRE

Authenticité et développement. Colloque national sur l'authenticité organi­sé par l'Union des Ecrivains Zaïrois (Kinshasa 14-21 septembre 1981). Paris, Présence Africaine, 1982.

Encyclopédie du Congo Belge. 3 vols. Bruxelles, Editions Bieleveld, s.d.

Evolution de l'économie zaïroise en vingt and d'indépendance : bilan et perspectives d'intégration nationale (Actes du Colloque tenu à Kinshasa 15-20 juin 1981), Cahiers Economiques et Sociaux, XIX (1981), 3-4 et XX

(1982), 1-2.

Indépendance, inflation, développement. L'économie congolaise de 1960 à 1965. Paris-La Haye, Mouton, 1968.

ABI-SAAB, G. The United Nations Operations in the Gongo. Londres, Oxford University Press, 1978.

BEZI, F. ; PEEMANS, J.P., WAUTELET, J.M. Accumulation et sous-développe­ment au Zaïre 1960-1980. Louvain-la-Neuve, Presses Universitai­res de Louvain, 1981.

BONTINCK, F. L'évangélisation du Zaïre. Kinshasa, Saint-Paul, 1980.

CORNEVIN, R. Le Zaïre. Paris, Presses Universitaires de France, 1977.

" " Histoire du Congo Léopoldville-Kinshasa. Paris, Berger-Levrault, 1966.

GOUROU, P. La population du Congo. Paris, Hachette, 1966.

GRAM, G. (éd.) Zaire.The Political Economy of underdevelopment. New York, Praeger, 1979.

JEWSIEWICKI, B. (ed.) Etat indépendant du Congo, Congo Belge, République démocratique du Congo, République du Zaïre ? Sainte-Foy (Québec), SAFI Press, 1984.

KAMITATU-MASSAMBA Zaïre. Le pouvoir à la portée du peuple. Paris, L'harmattan, 1977.

KRONSTEN, G. Zaire to the 1990s : will Retrenchment work ? Londres, Economist Intelligence Unit (Economic Prospects Series), 1986.

MERLIER, M. Le Congo, de la colonisation belge à l'indépendance. Paris, François Maspero, 1962.

MOUMBA NGIMBI Kinshasa 1881-1981, 100 ans après Stanley. Problèmes et avenir d'une ville. Kinshasa, Centre de Recherches Pédagogiques, 1982.

N'KANZA (Zalá L.) Les origines sociales du sous-développement politique au Congo Belge, de padroado à la loi fondamentale 1480-1960. Kinshasa, Presses Universitaires du Zaïre, 1985.

SCHATZBERG, M.G. Politics and class in Zaïre. Bureaucraty, Business and Beer in Lisala. New York, Africana Publishing Cy., 1980.

VANDERLINDEN, J. (éd.) Du Congo au Zaïre 1960-1980. Essai de bilan. Bruxelles, CRISP, 1980.

(144)

Page 143: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

YOUND, C. Politics in the Congo : Decolonization and Independence. Princeton, Princeton University Press, 1985.

YOUNG, C. et TURNER, T. The Rise and Decline of the Zairian State. Madison, The University of Wisconsin Press, 1985.

(145)

Page 144: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

TABLE DES TABLEAUX

I. Les Etats de l'Afrique Centrale 1.2

II. Les densités de population en Afrique Centrale 1.15

III. Indicateurs des changements sociaux 11.21

IV. Principaux produits d'exportations 11.23

V. Les P.M.A. d'Afrique Centrale 11.25

VI. Taux de croissance annuelle de la population

africaine (1960-2000) 11.28

VII. La population de l'Afrique centrale dans le

contexte africain (1960-2000) 11.29

VIII. Taux d'analphabétisme III.17

LX. La part de l'éducation dans les dépenses de

l'Etat III.23

X. Evolution du nombre des enseignants III.25

XI. Evolution du nombre des élèves et Etudiants III.26

XII. Nombre de postes de radio III.33

XIII. Nombre de postes de télévision III.37

XTV. Les journaux quotidiens de l'Afrique centrale III.39 bis

XV. Le cinéma, salles et fréquentation III.52

XVI. La production de livres III.53

XVII. Les taux de croissance démographique annuelle V.7

(146)

Page 145: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

TABLE DES ANNEXES

I. Science : l'héritage colonial, le cas du Zaïre

II. Les hommes de science et la politique scientifique :

le cas du Zaïre

III. La radio au Gabon

(147)

unesdoc
Annexe III partiellement illisible
Page 146: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

TABLE DES MATIERES

Introduction

I. Caractéristiques, profil général et définition

de la sous-région I. 1

A. Les Etats d'Afrique centrale I. 2

B. Définition en termes de structures et de longue durée I. 3

1. La perméabilité des frontières I. 3

2. Les facteurs d'intégration I. 9

C. Les spécificités de l'Afrique centrale I. 11

1. Spécificités coloniales I. 11

2. Les croisements de l'histoire contemporaine I. 13

3. Le sous-peuplement I. 15

D. L'Afrique centrale : personnalité et capacité d'action I. 16

II. Problématique de développement

A. Les héritages : une structure de dépendance et de

désarticulation

1. Les particularités historiques

2. Typologie : les inégalités de mise en valeur

Inégalités entre Etats

Inégalités entre régions

B. Les contraintes politiques

C. Les politiques de développement

D. Bilan actuel des économies

E. Des perspectives plutôt bonnes

1. Les atouts

2. Les handicaps II. 27

III. Communication, culture, éducation, science et technologie

performances et défaillances

A. La science et la technologie III. 3

1. Un bilan nécessaire : la recherche coloniale III. 3

2. La politique scientifique et technologique :

lenteurs, hésitations et incohérences III. 5

Le cas du Cameroun. Le cas du Congo. Le cas

du Gabon. Le cas du Zaïre

II.

II.

II.

II.

II.

II.

II.

II.

II.

II.

2 2

6

6

8

9

12

19

26

26

(148)

Page 147: L'Afrique centrale: stratégies de développement et ...unesdoc.unesco.org/images/0008/000821/082112fo.pdf · Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales BEP-87/WS/7 Novembre 1987

III.

III.

III.

III.

III.

III.

III.

III.

III.

III.

III.

III.

13

16

16

19

22

29

29

32

36

41

41

44

3. Un bilan mediocre

B. L'éducation : volontarisme et handicap

1. Un médiocre point de départ

2. Les philosophes de l'éducation

3. Un bilan mitigé

C. Un instrument privilégie : la communication

1. Caractéristiques générales

2. La radio : émancipation et blocages

3. Splendeurs et misères des autres médias

D. Un secteur dynamique : la culture

1. Le dernier âge précolonial

2. L'intermède colonial

3. Le temps des indépendances : les politiques

culturelles III. 48

4. Le temps des indépendances : les pratiques

culturelles III. 50

IV. La coopération sous-régionale : une volonté et des

initiatives prometteuses

A. Une coopération aux visages multiples IV. 2

B. Le cas du CICIBA IV. 5

V. Conclusion : éléments de prospective

A. La logique de l'Etat V. 2

B. Etat et société civile V. 3

C. Problèmes de géopolitique V. 6

Annexes

Bibliographie sélective

Tableau des Tableaux

Table des Annexes

Table des matières

(149)