l’espace de soi et les carriÈres entrepreneuriales de...

26
Cette conférence a été présentée le 5 mai 2000 lors du colloque «L'esprit d'entrepreneurship 2000» qui s'est tenu à Halifax du 2 au 6 mai 2000. Ce cahier de recherche reprend des éléments publiés dans le cahier de recherche no. 99-01 «Espace de soi et vision» et dans le cahier de recherche no 99-02 «Self-space and Vision» , publiés à la Chaire d'entrepreneurship Maclean Hunter. Carrières entrepreneuriales de l’avenir, espace de soi et essaimage par Louis Jacques FILION Cahier de recherche n o 2000-04 Mai 2000 ISSN : 0840-853X __________________________________ Copyright © 2000 - École des HEC

Upload: others

Post on 12-Jun-2020

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: L’ESPACE DE SOI ET LES CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE …expertise.hec.ca/chaire_entrepreneuriat/wp-content/... · Progression de l’entrepreneuriat et carrières du futur Nous

Cette conférence a été présentée le 5 mai 2000 lors du colloque «L'esprit d'entrepreneurship 2000» qui s'est tenu à Halifax du 2 au 6 mai 2000. Ce cahier de recherche reprend des éléments publiés dans le cahier de recherche no. 99-01 «Espace de soi et vision» et dans le cahier de recherche no 99-02 «Self-space and Vision» , publiés à la Chaire d'entrepreneurship Maclean Hunter.

Carrières entrepreneuriales de l’avenir, espace de soi et essaimage par Louis Jacques FILION Cahier de recherche no 2000-04 Mai 2000 ISSN : 0840-853X

__________________________________ Copyright © 2000 - École des HEC

Page 2: L’ESPACE DE SOI ET LES CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE …expertise.hec.ca/chaire_entrepreneuriat/wp-content/... · Progression de l’entrepreneuriat et carrières du futur Nous

CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE L’AVENIR, ESPACE DE SOI ET ESSAIMAGE

Résumé Cette conférence s’adresse principalement à des éducateurs réunis dans un colloque pour réfléchir à des façons d’améliorer l’éducation entrepreneuriale des jeunes du niveau secondaire. Elle comprend trois parties : 1. Les tendances de l’environnement qui peuvent expliquer pourquoi le Canada est le pays qui compte la plus forte proportion de travailleurs autonomes parmi les pays développés et pourquoi nous avons de plus en plus de micro entreprises; 2. Un survol de ce que pourront être les carrières entrepreneuriales de l’avenir; 3.Le concept d’espace de soi est suggéré comme approche pour mieux préparer à jouer un rôle entrepreneurial. Une application de ce concept à l’essaimage est illustrée.

*********************

Summary

This paper was written mainly for a group of educators who had come together at a conference to think about possible ways of improving entrepreneurial education for high school level students. It is divided into three sections. The first examines the environmental trends that may explain why Canada is one of the developed countries with the largest proportion of self-employed, and why the number of micro-enterprises is growing steadily. The second contains an overview of some possible entrepreneurial careers of the future, and the third proposes the concept of self-space as an approach that could be used to help young people prepare to play a more entrepreneurial role in the future. The concept is illustrated through a spin-off application.

___________________________ Copyright © 2000 - École des HEC

2

Page 3: L’ESPACE DE SOI ET LES CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE …expertise.hec.ca/chaire_entrepreneuriat/wp-content/... · Progression de l’entrepreneuriat et carrières du futur Nous

__________________________________ Copyright © 2000 - École des HEC

CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE L’AVENIR, ESPACE DE SOI ET ESSAIMAGE

Introduction Pouvons-nous parler de carrières entrepreneuriales? Jusqu’à maintenant, nous avons surtout parlé d’avenues entrepreneuriales (Filion, 1999c). Nous croyons que nous sommes en train d’évoluer rapidement vers de nouvelles façons de concevoir les carrières et que la dimension «entrepreneuriale» des carrières prendra beaucoup d’importance au cours des années à venir. Dans cette conférence, nous parlerons d’abord des tendances de l’environnement qui peuvent expliquer pourquoi nos entreprises sont de plus en plus petites et pourquoi le Canada compte la plus grande proportion de travailleurs autonomes de tous les pays développés. Puis, nous aborderons ce que nous entrevoyons que seront non plus des avenues, mais bien des carrières entrepreneuriales dans le futur. Dans un troisième temps, nous regarderons le concept d’espace de soi, lequel est important pour préparer à jouer un rôle plus entrepreneurial dans la vie professionnelle. Nous esquisserons un exemple en reliant l’application de ce concept à l’essaimage. Dans combien de temps, pensez-vous, pourrons-nous parler de carrières entrepreneuriales? L’entrepreneuriat est partout en ébullition, mais la place majeure qu’il est en train d’occuper partout constitue un phénomène récent de notre vie collective. Au siècle dernier, le terme «entrepreneur» ne référait qu’à quelques grands capitaines d’industrie alors qu’il s’agit maintenant de voies de carrière accessibles à tous. Voilà 30 ans passés, bien des gens se disaient contrariés lorsque nous prédisions que nous atteindrions 10% d’entrepreneurs dans notre société. Pourtant, en 1990, Orser et Foster (1992) ont montré que 25% des familles canadiennes entretenaient une activité d’affaires quelconque à domicile. En l’an 2000, le Canada compte près de 20% de travailleurs autonomes, soit près d’un travailleur sur cinq qui est à son compte. Nous pouvons penser que nous atteindrons 50% de gens – soit une personne sur deux - qui joueront un rôle entrepreneurial dans la société et les organisations d’ici les prochains 20 ans. Pourquoi et comment cela va-t-il se produire? CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE L’AVENIR Rassurez-vous, je ne vais pas vous enterrer de statistiques, mais plutôt partager quelques réflexions avec vous. Déjà au cours des années 1970, un démographe des organisations, David Birch (1983) a suggéré trois grandes catégories d’entreprises : les éléphants – ces grosses entreprises, le plus souvent multinationales, qui bougent lentement - , les gazelles – ces entreprises en croissance rapide – et les souris – ces petites entreprises qui emploient moins de 20 personnes. Nous pouvons déjà en déduire des cultures et des cheminements de carrières fort différents selon la catégorie d'entreprises parmi ces trois pour laquelle une personne entrepreneuriale aura opté de travailler.

Page 4: L’ESPACE DE SOI ET LES CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE …expertise.hec.ca/chaire_entrepreneuriat/wp-content/... · Progression de l’entrepreneuriat et carrières du futur Nous

__________________________________ Copyright © École des HEC

2

Fortes tendances vers la micro-entreprise et le travail autonome Alors que le nombre des entreprises continue d’augmenter dans notre société, nous observons qu’elles sont de plus en plus petites. Au Canada, plus de 98% des entreprises emploient moins de 100 employés et 75%, moins de cinq employés – Terre-Neuve, 80% ; I-P-E, 75% ; N-E, N-B, Qc, 74% (Légaré, Simard, Filion, 1999). Posons-nous la question : pourquoi avons-nous de plus en plus de micro-entreprises et de travailleurs autonomes ? Les raisons ne sont pas simples. Voici dix causes que nous suggérons pour expliquer, du moins en partie, la tendance vers la micro-entreprise et le travail autonome. Elles sont énumérées au tableau 1 ci-dessous, puis expliquées par la suite.

Tableau 1 Causes de la tendance vers les micro-entreprises et le travail autonome

1. Technologies 2. Transformation des organisations 3. Sécurité 4. Vieillissement et expertises 5. Espace de soi 6. Esseulement 7. Être son patron 8. Cocooning 9. Écologie personnelle 10. Recherche du paradis perdu 1.Technologies Les technologies ont accentué l’importance du facteur temps dans les relations d’affaires, inter-entreprises et interpersonnelles. Certaines entreprises doivent accélérer la cadence. Certaines vivent des périodes de pointe fortes. Pour mieux les traverser ou simplement pour être en mesure de suivre le rythme, elles ont de plus en plus recours à la sous-traitance. 2.Transformation des organisations Les organisations ont des besoins de plus en plus élevés de flexibilité. On doit de plus en plus souvent avoir recours à des expertises plus pointues. Encore là, la sous-traitance devient un instrument par excellence pour permettre cette flexibilité. La pression compétitive qui vient en grande partie d’Asie est d’ailleurs plus susceptible de continuer à augmenter qu'à diminuer.

Page 5: L’ESPACE DE SOI ET LES CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE …expertise.hec.ca/chaire_entrepreneuriat/wp-content/... · Progression de l’entrepreneuriat et carrières du futur Nous

__________________________________ Copyright © École des HEC

3

3.Sécurité Les organisations ont mis massivement des gens à la retraite à des âges où ils ne s’y attendaient pas. Bien des gens ont perdu confiance dans les organisations, dans les employeurs privés et publics, dans les gouvernements, dans ce qui les entoure dans la société. Une proportion de plus en plus élevée de personnes perçoivent que la meilleure sécurité ne peut qu’être assumée par soi-même, en travaillant à son compte, en créant une petite entreprise. 4.Vieillissement et expertises Le bassin de population de personnes éduquées, expérimentées et compétentes augmente et constitue une source majeure d’entrepreneurs et de travailleurs autonomes. Par exemple, les probabilités de devenir travailleur autonome croissent avec l’âge. Beaucoup de gens véhiculent avec eux une mine d’expertises très valables et sont mis à la retraite à des âges où ils peuvent encore demeurer actifs en se lançant en affaires à leur compte. 5.Espace de soi Plus de gens ont des niveaux d’éducation plus élevés, ont continué à apprendre, ont voyagé, ont vécu dans d’autres pays, se sont créés des ouvertures sur le monde. Un nombre de plus en plus élevé de gens se trouvent à l’étroit dans leur rôle organisationnel. Ils ont besoin de plus d’espace de soi, de plus de liberté. Leur emploi ne leur permet plus de se réaliser à la mesure de leurs aspirations, ils s’y sentent trop à l’étroit. 6. Esseulement Nous vivons dans une société où une proportion plus élevée de personnes vivent seules. Le nombre de familles mono-parentales et de couples sans enfant augmente sans cesse. Le fait de se lancer en affaires à son compte s’inscrit dans cette tendance vers des microcosmes sociaux de plus en plus petits, vers l’atomisation tant de la vie sociale que de la vie organisationnelle. 7.Être son patron La réalisation de soi par soi devient plus importante pour un nombre plus élevé de personnes. Une proportion élevée de gens qui se lancent en affaires à leur compte veulent se concentrer sur l’exercice d’un métier ou d’une profession qu’ils aiment, ne veulent rien avoir à faire avec les luttes de pouvoir qu’on retrouve dans beaucoup d’organisations. Beaucoup d’entrepreneurs et de travailleurs autonomes sont sortis des organisations parce qu’ils n’aimaient pas être contrôlés et qu’ils n’aimaient pas devoir contrôler d’autres personnes non plus. Une phrase revient souvent lorsqu’on étudie les personnes qui se sont lancées en affaires à leur compte au cours des dix dernières années : «Je suis sorti des organisation parce que j’étais fatigué des tiraillements et des conflits : je voulais avoir la sainte paix et pouvoir me consacrer à mon travail, à l’exercice de mon métier, à ce que j’aime faire».

Page 6: L’ESPACE DE SOI ET LES CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE …expertise.hec.ca/chaire_entrepreneuriat/wp-content/... · Progression de l’entrepreneuriat et carrières du futur Nous

__________________________________ Copyright © École des HEC

4

8.Cocooning De plus en plus de résidences incluent un ou des espaces de travail avec un ordinateur. Certains se sont habitués au télé-travail. On se dit qu’on pourrait bien vivre chez soi en travaillant avec moins de stress, même si le revenu était moindre. Le fait de contrôler son environnement de travail constitue un élément important dans la réduction du stress : pouvoir ouvrir une fenêtre pour ne pas passer une journée dans un environnement surchauffé, ne pas avoir à souffrir un collègue de travail qui ne sent pas bon, ne pas avoir à voyager une heure par jour pour aller travailler. 9. Écologie personnelle Dans un monde où se sont installés toutes sortes d’éléments instabilisateurs et dans une société qui devient plus violente, la recherche d’états d’équilibre de soi prend une place plus importante pour un nombre accru de personnes. 10. Recherche du paradis perdu Beaucoup de gens se trouvent à la troisième ou quatrième génération de la vie à la ferme où il existait beaucoup de liberté, peu de contraintes et beaucoup de chaleur dans les relations inter-personnelles : il semble exister chez certains une sorte de recherche du paradis perdu, du retour à une vie que les plus âgés évoquent souvent avec nostalgie, même si elle impliquait des moyens de survie souvent précaires. Ces quelques réflexions montrent un mouvement vers des pratiques organisationnelles de plus en plus petites et fragmentées. Si d’un côté nous avons des entreprises plus petites et plus régionales, nous avons aussi de plus en plus de PME impliquées dans la globalisation, les alliances stratégiques, enfin dans tout ce qui touche l’international. Progression de l’entrepreneuriat et carrières du futur Nous serons témoins d’ici quelques années de façons nouvelles de concevoir un nombre de plus en plus élevé de carrières et celles-ci prendront de plus en plus souvent des dimensions entrepreneuriales. D’ailleurs ceci sera intégré dans le curriculum de développement des enfants, dès l’école primaire. Les sociétés qui ne le feront pas risquent de ne pas être en mesure de suivre les rythmes de développement et les niveaux de vie de leurs voisins. Cela se comprend : plus une société comprend un nombre élevé d’acteurs entrepreneuriaux, plus elle devient créative et innovatrice, plus elle crée de la valeur ajoutée. Le tableau 2 ci-dessous présente un aperçu de ce que pourront être ces carrières entrepreneuriales du futur.

Page 7: L’ESPACE DE SOI ET LES CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE …expertise.hec.ca/chaire_entrepreneuriat/wp-content/... · Progression de l’entrepreneuriat et carrières du futur Nous

__________________________________ Copyright © École des HEC

5

Tableau 2 Carrières entrepreneuriales de l’avenir

Carrières Activités Apprentissages

Intrapreneurs Création, gestion de

changements Conception, systèmes de relations et de soutiens, vision

Extrapreneurs Création, gestion Conception, systèmes de relations et de soutiens, vision

Entrepreneurs Création, développement Conception, risque, différenciation, systèmes de relations et de soutiens, vision

Essaimés Création, gestion Conception, systèmes de relations et de soutiens, vision

Propriétaires-dirigeants de PME

Gestion Gestion

Opérateurs de micro-entreprises

Gestion Gestion, en particulier du marketing et des opérations

Travailleurs autonomes Gestion Gestion de soi, écologie personnelle

Soutien-preneurs Réseautage, conseil Réseaux, relations interpersonnelles, relations publiques

Inter-preneurs Financement, alliances Réseaux, négociation, finance, gestion stratégique

Réseaux-preneurs Réseaux Réseaux, systèmes sociaux, relations interpersonnelles

Transact-preneurs Réseaux Négociation, redressement Famili-preneurs Gestion, succession Systèmes sociaux, gestion Techno-preneurs Création, invention,

innovation Conception, vision, gestion stratégique, travail d’équipe, réseaux, globalisation

Éco-preneurs Création Environnement Géronto-preneurs Création Gérontologie, secteurs de

services Coop-preneurs Gestion Négociation, travail et

organisation de groupe Groupe-preneurs Gestion Communications de groupe Socio-preneurs Bénévolat Mobilisation sociale, gestion Net-preneurs Création, invention,

innovation Conception, vision, réseaux

Web-preneurs Création, innovation, gestion Conception, vision, réseaux, globalisation, mise en marché

Page 8: L’ESPACE DE SOI ET LES CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE …expertise.hec.ca/chaire_entrepreneuriat/wp-content/... · Progression de l’entrepreneuriat et carrières du futur Nous

__________________________________ Copyright © École des HEC

6

Il existe plusieurs voies de carrières entrepreneuriales (Lavoie, 1988). Plus nous avançons dans le temps, plus chacun pourra choisir la sienne ou même évoluer de l’une à l’autre. Il faut cependant être conscient qu’une carrière entrepreneuriale en est une qui vient se superposer soit à un champ d’expertise déjà existant, soit à une carrière déjà existante. En fait, une carrière entrepreneuriale superpose une pratique d’activités d’affaires dans un domaine que la personne connaît déjà. Le meilleur prédicteur de succès en affaires demeure l’expertise du secteur. Il est plus difficile de réussir en affaires si on se lance dans un domaine qu’on ne connaît pas. Une carrière entrepreneuriale se situe à la jonction de savoirs, de savoir-faire, de savoir-être et de savoir-devenir.

Dans le passé, les carrières entrepreneuriales se situaient le plus souvent dans et autour des PME. De nos jours, les entreprises familiales, les micro-entreprises, les travailleurs autonomes, les éco-preneurs, les techno-preneurs, les entreprises coopératives et collectives, l’entrepreneuriat social et d’autres formes nouvelles d’entrepreneuriat qui se pratiquent même en contexte de grande entreprise tel que l’essaimage, prennent de plus en plus de place. Nous commentons quelques-unes de ces formes qui apparaissent au tableau 2 ci-dessus.

1.Intrapreneurs

Toute personne peut avoir l’occasion d’agir comme intrapreneur. L’intrapreneur est un agent de changement. Il agit de façon entrepreneuriale dans une organisation dans laquelle il travaille mais qui ne lui appartient pas ( Carrier, 1997). C’est un créatif qui conçoit et fait des choses nouvelles, qui apporte des innovations à ce qui existe. Pour ce faire, il a besoin de soutiens: il doit s’assurer d’un bon système de relations.

À la limite, nous pouvons dire qu’il existe deux types d’intrapreneurs. D’une part, celles et ceux qui partagent la vision de quelqu’un d’autre et participent activement à sa réalisation. Par exemple, ils conçoivent et réalisent des visions complémentaires à la vision centrale d’un dirigeant d’entreprise. Nous pouvons les appeler des facilitateurs. D’autre part, nous trouvons aussi celles et ceux qui conçoivent et réalisent des visions émergentes qui viennent modifier la vision centrale du ou des dirigeants de l’organisation où ils évoluent. Nous les avons appelés des «visionneurs» ( Filion, 1999a).

L’intrapreneur a besoin d’apprendre à concevoir des visions, à bien articuler ses projets et à se donner un cadre pour améliorer la cohérence de ses réalisations. L’intrapreneur prend des risques pour lesquels il n’est pas rémunéré. Par contre, c’est lui qui fait avancer les organisations. Il fait de cette façon son apprentissage tant du leadership que du métier d’extrapreneur.

Il pourra devenir dirigeant d’entreprise, leader social ou politique, ou se lancera en affaires et exercera à temps plein le métier d’extrapreneur. S’il crée une entreprise qui se situe dans le prolongement de ce qu’il avait déjà entrepris dans l’organisation où il travaillait, nous dirons qu’il est passé d’intrapreneur à extrapreneur. Quoiqu’il en soit, les comportements intrapreneuriaux sont de plus en plus en demande dans les organisations. Celles et ceux qui les pratiquent sont les premiers à en bénéficier, car l’exercice de ces comportements les prépare à la pratique entrepreneuriale, laquelle ils pourront éventuellement exercer à l’extérieur de l’organisation. L’apprentissage de comportements intrapreneuriaux devrait être de plus en plus intégré dans les curriculum d’éducation scolaires au cours des années à venir, car ils constituent une excellente base pour l’apprentissage entrepreneurial en général.

Page 9: L’ESPACE DE SOI ET LES CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE …expertise.hec.ca/chaire_entrepreneuriat/wp-content/... · Progression de l’entrepreneuriat et carrières du futur Nous

__________________________________ Copyright © École des HEC

7

2.Extrapreneur

Les probabilités que la personne qui a appris à agir comme intrapreneure, à concevoir et gérer des projets qui impliquent des changements, devienne un jour une extrapreneure en se lançant en affaires à son compte, sont élevées. La personne continuera ainsi à pratiquer à l’extérieur, sur le marché, les comportements qu'elle a été habituée de pratiquer, souvent pendant des années, dans l’organisation où elle était. Le saut à faire d’une pratique intrapreneuriale à une pratique extrapreneuriale peut être très graduel et impliquer un niveau de risque moins élevé que ce qui est le cas pour l’entrepreneur.

Les apprentissages à réaliser pour l’extrapreneur se situent dans la même lignée que pour l’intrapreneur. Ils impliquent autant des fonctions de la partie droite que celles de la partie gauche du cerveau. Ces apprentissages porteront tantôt sur la conception d’activités et de projets, tantôt sur la conception, la mise en place et le maintien de systèmes de relations et de soutiens. Presque toutes les activités entrepreneuriales nécessitent un minimum en ce qui a trait à la conception d’une vision : identifier un espace à occuper dans le marché et un type d’organisation qui nous permet d’y parvenir en utilisant le moins de ressources possibles.

3. Entrepreneurs

L’entrepreneur est une personne qui axe son énergie sur l’innovation et la croissance. Il crée une entreprise ou développe quelque chose de nouveau dans une entreprise qu’il a acquise: nouveau produit, nouveau marché, nouvelle façon de faire. L’entrepreneur vise généralement la croissance et grandit progressivement avec son organisation. Il a besoin d’apprendre de façon continue, car il exerce un métier complexe, à multiples facettes et en évolution constante. Dans son apprentissage, il devra mettre l’accent sur la conception de même que le design de projets et de visions. Ces visions lui serviront de fils conducteurs et de critères pour organiser ses activités et ses apprentissages.

Il devra aussi élaborer de bons systèmes de suivis et de contrôles des projets qu’il met en marche et qu’il veut réaliser. Il devra faire des choix quant au secteur dans lequel il veut se lancer car il faut compter quelques années avant de connaître suffisamment un secteur pour y identifier des niches à occuper. L’expérience du monde des affaires de même qu’un minimum d’expérience du secteur dans lequel il se lance offrent de meilleures garanties de succès. Il devra apprendre à minimiser ses risques et à se différencier.

4. Essaimés

Comme société nous investissons des milliards chaque année pour soutenir la recherche, en particulier dans les technologies, mais nos institutions d’enseignement supérieur et nos centres de recherche ont fait très peu jusqu’à maintenant pour transformer les résultats de ces recherches en produits commercialisables. Nous devrions voir apparaître d’ici quelques années un mouvement important de soutien à la création d’entreprises technologiques par l’essaimage, si nous voulons préserver notre compétitivité internationale. Les organisations qui soutiendront la création d’entreprises devraient être de plus en plus nombreuses dans l’avenir et non seulement dans des secteurs de technologies. L’essaimage se manifeste par le soutien apporté à une personnes qui crée une entreprise. Dans certains cas, ce soutien peut prendre la forme d’un encadrement apporté aux créateurs d’entreprises par les gens

Page 10: L’ESPACE DE SOI ET LES CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE …expertise.hec.ca/chaire_entrepreneuriat/wp-content/... · Progression de l’entrepreneuriat et carrières du futur Nous

__________________________________ Copyright © École des HEC

8

de l’organisation où ils travaillent. Il s’agit là d’une façon de diminuer les risques. Il s’agit là d’une des formes de création d’entreprises que nous devrions voir le plus se développer au cours des années à venir. Nous y reviendrons plus loin au cours de cette conférence.

5. Propriétaires-dirigeants de PME

Le propriétaire-dirigeant d’une PME doit être polyvalent et généraliste. Il doit pouvoir résoudre des problèmes et être en mesure de prendre des décisions rapidement. Il devra maîtriser les bases de la gestion et être en mesure d’intégrer dans son activité de tous les jours des pratiques de gestion efficaces. Il aura avantage à se définir un système de gestion où il existe le plus de cohérence possible. Par exemple, il pourra se définir des paramètres pour sa mise en marché, des critères de sélection des personnes dont il a besoin pour mettre en œuvre ce qu’il conçoit. Il doit avoir une personnalité stable, car, capitaine d’un bateau, il devra apprendre à naviguer dans des tempêtes.

6. Opérateurs de micro-entreprises

L’opérateur de micro-entreprise doit bien connaître son métier de base. En réalité, plus que pour beaucoup d’autres formes de pratiques entrepreneuriales, l’opérateur de micro-entreprise et le travailleur autonome doivent bien maîtriser deux métiers: celui de leur spécialisation et celui de la pratique des affaires. L’opérateur de micro-entreprise devra apprendre à suivre de près son coût de revient et à orienter ce qu’il fait en fonction des besoins du client.

À plus petite échelle, son travail s’apparente à celui du propriétaire-dirigeant d’une PME. Il possède peu de ressources pour réaliser ce qu’il veut. En fait, son expertise du domaine et le temps constituent le plus souvent ses ressources principales. La meilleure façon pour la micro-entreprise de réduire les risques et de ne pas être trop vulnérable par rapport aux aléas du marché consiste évidemment à prendre de l’expansion. Toutefois, on diminuera le risque en diversifiant les clientèles pour éviter d’être trop dépendant de quelques clients et on se donnera de la flexibilité en ayant recours à la sous-traitance. On considère généralement une micro-entreprise comme une entreprise qui n’emploie pas plus de quatre personnes en plus de son propriétaire.

7. Travailleurs autonomes

Le travail autonome s’apparente à la gestion d’une micro-entreprise, sauf que la personne travaille seule ou avec des collaborateurs occasionnels. Certains travailleurs autonomes le sont par choix et s’y sont préparés, d’autres le sont devenus par obligation, faute d’avoir trouvé un emploi (Filion, 2000b). Cette différence peut influer sur le type d’apprentissages nécessaires à chacun de ces cas. Toutefois, tous doivent apprendre à se gérer eux-mêmes, à se ressourcer et à gérer leur temps.

Nos recherches montrent que les travailleurs autonomes qui réussissent le mieux sont des personnes flexibles. Comme dans la micro-entreprise, le travailleur autonome doit privilégier sa relation avec le client. L’équilibre de vie, les questions relatives à l’écologie personnelle sont de toute première importance pour que le travailleur autonome conserve sa motivation et sa productivité.

8. Soutien-preneurs

Page 11: L’ESPACE DE SOI ET LES CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE …expertise.hec.ca/chaire_entrepreneuriat/wp-content/... · Progression de l’entrepreneuriat et carrières du futur Nous

__________________________________ Copyright © École des HEC

9

Il existe tout un secteur en train de se développer dans les services de soutien aux gens qui créent une nouvelle entreprise ou qui sont déjà en affaires : conseils de gestion dans tous les domaines, encadrement des personnes qui se lancent en affaires, assistance pour l’écriture de plans d’affaires, tutorat, mise en place de comités conseils, de conseils d’administration, de conseils de famille, etc. Nous pouvons envisager que des accréditations pourraient devenir nécessaires au cours des 5 à 10 prochaines années pour agir comme conseiller en gestion auprès des petites entreprises et des travailleurs autonomes.

9. Inter-preneurs

Nous voyons apparaître toutes sortes de spécialisations en ce qui a trait à la facilitation d’échanges entre entreprises, lesquelles peuvent aller jusqu’à des alliances entre petites entreprises. Ces rôles d’intermédiaires étaient joués traditionnellement par des comptables et des avocats. Ce sont justement le plus souvent des comptables et des avocats qui ont fini par se spécialiser comme négociateurs entre entreprises pour faciliter ces échanges qui sont avantageux tant pour les uns que pour les autres. Très souvent, ces alliances impliquent des financements. Ces inter-preneurs doivent apprendre à bien maîtriser les techniques de négociations, bien connaître de nombreuses sources de financement, et être en mesure de monter et tenir à jour des plans de gestion stratégique.

10. Réseaux-preneurs

Face à la mondialisation et compte tenu de plus grands espaces de marché sans barrières douanières, de plus en plus de PME s’intègrent dans un réseau, soit pour améliorer leur positionnement pour négocier avec des fournisseurs, soit pour améliorer leur capacité d’exporter, de vendre à l’étranger. Nous voyons apparaître ces réseaux qui ont pris le plus souvent naissance autour d’une ou de quelques PME. Mais il faut quelqu’un pour les gérer et les maintenir. Certains en ont initié la conception et ont commencé à en assembler les joueurs. Ils gèrent et continuent de développer le (ou les) réseau qu’ils ont conçu.

11.Transact-preneur

Ce sont ces personnes qui achètent et revendent des entreprises. Le plus souvent, elles se sont spécialisées dans le redressement d’entreprises. Elles vont garder certaines entreprises plus longtemps que d’autres, mais elles vont finir par les revendre aussi. Elles se sont spécialisées dans la reprise d’entreprises en faillite ou sur le point de l’être. Elles ont développé des expertises pour négocier des concordats avec les fournisseurs et redémarreront l’entreprise en rationalisant ses opérations, souvent en diminuant les lignes de produits et en se concentrant sur les plus profitables. Elles savent aussi négocier l’achat d’actifs avec des créanciers une fois qu’une entreprise a fait faillite. Dans tous les cas, elles débutent des opérations d’affaires à peu de frais et réaliseront un profit substantiel lors de la revente de l’entreprise.

12. Famili-preneurs

Plus de la moitié des entreprises sont des entreprises familiales. La gestion de ce type d’entreprise est influencée par les membres de la famille qui sont soit co-propriétaires de l’entreprise, soit des proches du principal propriétaire.

Page 12: L’ESPACE DE SOI ET LES CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE …expertise.hec.ca/chaire_entrepreneuriat/wp-content/... · Progression de l’entrepreneuriat et carrières du futur Nous

__________________________________ Copyright © École des HEC

10

La famille contrôle la gestion. Généralement, la succession constitue une préoccupation importante. Sur le plan des apprentissages, tout comme c’est le cas pour le propriétaire-dirigeant de PME, l’entrepreneur familial devra s’initier au métier de propriétaire et de gestionnaire. Il doit également garder à l’esprit la continuité de l’entreprise et favoriser la relève. Par conséquent, il doit maîtriser la planification tant à long terme qu’à court terme. Le contexte familial est une excellente occasion pour les jeunes de la famille de démontrer leur esprit entrepreneurial et de se préparer à gérer une entreprise. L’entrepreneur familial aura avantage à se situer en relation de l’instrumentalité, c’est-à-dire à identifier si c’est la famille qui est au service de l’entreprise ou l’entreprise qui est au service de la famille.

Un apprentissage du fonctionnement des systèmes sociaux et organisationnels est tout indiqué afin d’en appliquer les leçons en ce qui concerne la circulation de l’information, la prise de décisions et l’exercice du pouvoir.

13. Techno-preneurs

On trouve de plus en plus d’entrepreneurs technologiques et d’inventeurs qui préfèrent commercialiser eux-mêmes leurs produits. Ce type d’entrepreneurs recherche souvent des associés ou constitue une équipe à qui il confie la gestion de l’entreprise. Ses activités s’apparentent à celles de l’entrepreneur classique en croissance, mais se situent, en général, à un degré de complexité plus élevé, tant en ce qui a trait au développement du produit, à la fabrication et au financement qu’à la mise en marché. Le techno-preneur doit généralement commercialiser son produit sur une base mondiale dès le lancement, car, dans bien des cas, il s’adresse à quelques clients spécifiques disséminés à travers la planète.

Ce sont les recherches sur les nouvelles technologies et leur mise en marché qui viennent accélérer le rythme du changement. Ces nouvelles technologies ont des effets non seulement sur leur secteur, mais sur les façons de faire des organisations ainsi que sur les façons de vivre des personnes en général. Elles fournissent continuellement de nouveaux outils pour faciliter la mondialisation.

14. Éco-preneurs

La notion de protection et d’équilibre de l’environnement se développe de plus en plus. Nous sommes en train de voir apparaître un secteur industriel voué à la protection de l’environnement et aux questions d’écologie. Il s’agit d’un secteur très vaste. Il importe de savoir bien identifier une niche et d’être en mesure de s’y différencier.

15. Géronto-preneurs

Tout le secteur des services aux personnes âgées est en train de prendre une ampleur considérable, et ce, partout dans le monde. Lorsque nous regardons les statistiques sur la structure des âges au Canada, nous sommes à même de constater qu’une masse croissante de la population est vieillissante et que ce marché continuera d’être en croissance. Nous observons de plus en plus de travailleurs autonomes, de micro-entreprises et d’entreprises coopératives dans ce secteur.

Page 13: L’ESPACE DE SOI ET LES CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE …expertise.hec.ca/chaire_entrepreneuriat/wp-content/... · Progression de l’entrepreneuriat et carrières du futur Nous

__________________________________ Copyright © École des HEC

11

16. Coop-preneurs

Les entreprises coopératives sont de plus en plus nombreuses, surtout dans certaines parties du pays comme au Manitoba, en Saskatchewan et au Québec. On connaît aussi les coop de pêcheurs dans les provinces atlantiques. Les coopératives font déjà partie de la tradition de certaines régions et de certains groupes. On peut penser à la place occupée par le mouvement Desjardins au Québec, par exemple. Les entreprises coopératives offrent des alternatives quant aux modes de créer, de gérer et de développer les organisations. Ces façons de faire peuvent intéresser autant des personnes que des entreprises à se regrouper autour de projets communs. Par exemple, dans bien des pays, des PME se regroupent afin de former des coopératives d’exportation de leurs produits et services. Prises individuellement, elles sont toutes trop petites pour affronter la concurrence des multinationales sur les marchés étrangers, mais regroupées, elles peuvent devenir des concurrents redoutables. La dimension humaniste tient une place majeure dans la philosophie coopérative (Conseil de la coopération, 1999; Filion, 2000a). La coopérative considère les dimensions d’éducation, de formation et de développement des personnes comme primordiales et y investit généralement une bonne partie de ses ressources. Les processus décisionnels font appel à la participation égale de tous puisque chaque membre ne détient qu’un vote. Nous voyons aussi apparaître de plus en plus de formes diverses d’entreprises collectives. Les créateurs d’entreprises coopératives et collectives doivent apprendre à maîtriser la gestion des différences. 17. Groupe-preneurs Des personnes se mettent ensemble pour former une entreprise de groupe qui n’est pas une coopérative. Ils se donnent des règles de fonctionnement de groupe. Dans certains cas, il s’agit d’entreprises qui impliquent de vivre en commun. Dans d’autres cas, il s’agit d’entreprises qui impliquent des activités additionnelles aux activités régulières accomplies par les personnes dans leur travail ou dans leurs activités principales. Bon nombre de ces organisations sont formées dans des domaines de loisirs. On retrouve aussi de plus en plus d’associations de travailleurs autonomes et d’entreprises. 18. Socio-preneurs Un nombre de plus en plus grand de personnes s’impliquent de par le monde à diverses formes d’activités bénévoles. Le nombre de personnes qui jouent un rôle entrepreneurial soit en créant une activité bénévole, soit en innovant dans un secteur d’activité bénévole où elles oeuvrent augmente sans cesse. Le nombre de personnes qui créent des organismes sans but lucratif ( communément appelées OSBL) augmente chaque année.

Il faut ajouter à cela que le nombre de personnes en difficulté qui décident de se prendre en main en créant leur propre activité d’affaires plutôt que de rester dépendantes des programmes sociaux de l’État augmente aussi. On l’observe en particulier chez les handicapés. Le nombre de personnes qui offrent des conseils et des soutiens à ces personnes qui se prennent en main augmente aussi.

Page 14: L’ESPACE DE SOI ET LES CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE …expertise.hec.ca/chaire_entrepreneuriat/wp-content/... · Progression de l’entrepreneuriat et carrières du futur Nous

__________________________________ Copyright © École des HEC

12

Cela nécessite des activités bénévoles et peut être classifié dans l’entrepreneuriat social. Nous serons presque tous appelés à faire une contribution dans ce sens, un jour ou l’autre. Tant qu’à la faire, pourquoi ne pas la faire de façon entrepreneuriale? Pourquoi ne pas en initier une nouvelle pour satisfaire un besoin non comblé? C’est une excellente façon d’apprendre, à peu de risques, tout en faisant une contribution utile.

19. Net-preneurs

Les net-preneurs sont des entrepreneurs technologiques, mais d’une catégorie de plus en plus différente. Les technologies de l’information connaissent des développements à un rythme jamais vu. Ces développements ne sont pas que le fait d’entreprises existantes. Nous observons que le nombre de nouvelles entreprises lancées autour d’un nouveau produit informatique augmente à chaque année. Cette tendance va s’accentuer. On ne parle plus que de logiciels d’animation tels ceux conçus par Softimage. On fait référence à la conception de logiciels pour une gamme de plus en plus étendue d'activités humaines et même d’activités multi-média. Ces inventions et nouveautés ne viennent pas que de diplômés en informatique. Leur origine provient de personnes de tous âges et de toutes formations et même avec peu de formation.

20. Web-preneurs

Les transactions sur le web augmentent à chaque jour à un rythme exponentiel. Ce ne sont pas que les entreprises existantes qui développent des sites et organisent leur mise en marché sur le web. D’abord ces entreprises ont recours le plus souvent à de petites entreprises spécialisées dans la conception, le suivi, le développement, et de plus en plus en gestion de sites webs. Ces web-preneurs offrent des approches et des façons de faire de plus en plus différenciées

D’autre part, nous sommes en train de voir apparaître toute une industrie du web : ces web-preneurs qui lancent des produits conçus en vue d’une mise en marché sur le web, ces web-preneurs qui deviennent des sortes de courtiers, de détaillants de la mise en marché de toutes sortes de produits et services sur le web. Amazon offre un modèle bien connu, et nous sommes en train de voir apparaître ce type d’entreprise dans une multitude de secteurs.

Page 15: L’ESPACE DE SOI ET LES CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE …expertise.hec.ca/chaire_entrepreneuriat/wp-content/... · Progression de l’entrepreneuriat et carrières du futur Nous

__________________________________ Copyright © École des HEC

13

Commentaires sur les carrières entrepreneuriales de l’avenir

Avant de conclure sur cette section, nous aimerions dire quelques mots sur l’éthique entrepreneuriale et sur la responsabilité sociale qui incombe à l’entrepreneur. Sur le plan de l’éthique, il est clair que les entrepreneurs qui réussissent sont ceux qui se sont concentrés sur leurs objectifs et qui ont compté sur leur valeur, et non sur la tricherie. On récolte ce qu’on a semé. On obtient des résultats là où on a investi de l’énergie. Qui triche se triche.

On a pris conscience ces dernières années des limites des ressources naturelles et gouvernementales de nos sociétés. On veut que disparaissent les abus qui ont eu lieu dans le passé. Des générations d’hommes et de femmes ont investi beaucoup afin de rendre possible une société qui soutient ceux qui veulent se lancer en affaires. Pour que cela continue, il faut que les entrepreneurs actuels et à venir jouent un rôle dans leurs milieux respectifs, et qu’ils participent et contribuent au développement de la société à une échelle plus grande que les entrepreneurs l’ont fait dans le passé.

Notre époque est propice à l’essor de chacun en raison du grand nombre de gens et d’entrepreneurs motivés, prêts à se prendre en main et à s’engager pour le devenir collectif. Cela est vrai particulièrement pour les régions les plus éloignées. On attend de certains d’entre vous que vous soyez prêts quand viendra votre tour. Nous avons tous un rôle moteur primordial à jouer dans le développement des milieux et de la société de l’avenir.

ESPACE DE SOI Au cours des derniers 20 ans, j’ai fait un certain nombre de prédictions en entrepreneuriat qui se sont réalisées. La première, et je n’étais pas le seul à le prédire, portait sur la place que devrait prendre l’entrepreneuriat dans nos sociétés. Ces sont les entrepreneurs qui créent de la richesse. Une société doit être disposée à les identifier, les reconnaître et les soutenir. Ce sont eux les moteurs du développement. Nous avons beaucoup progressé dans ce domaine, mais il reste beaucoup à faire, surtout en éducation. Ma deuxième prédiction portait sur les concepts et les modèles à proposer pour penser et agir en entrepreneur. J’ai suggéré que le concept de «vision» deviendrait important. Je fus un des pionniers du développement de ce concept ( Filion, 1991 a et b) et je suis heureux de constater que les organisateurs de ce colloque l’aient choisi comme un des thèmes du colloque. Au début des années 1980, lorsque j’utilisais ce concept, les gens suggéraient que je serais mieux de m’adresser à une assemblée d’une communauté religieuse. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. J’en suis à la fois heureux et peiné car tout le monde emploie maintenant le terme et pour bien des gens, il ne signifie pas qu’ils soient vraiment entrés dans un processus visionniste et auto-apprenant servant de fil conducteur à l’ensemble de leurs activités. J’aimerais faire une autre prédiction aujourd’hui au sujet d’un concept qui devrait devenir central en entrepreneuriat au cours de la prochaine décennie. Il s’agit du concept de «l’espace de soi». Ce concept deviendra probablement un des concepts parmi les plus fondamentaux pour expliquer l’entrepreneur.

Page 16: L’ESPACE DE SOI ET LES CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE …expertise.hec.ca/chaire_entrepreneuriat/wp-content/... · Progression de l’entrepreneuriat et carrières du futur Nous

__________________________________ Copyright © École des HEC

14

L’étude sur le terrain de plusieurs centaines d’entrepreneurs dans une quarantaine de pays au cours des derniers 20 ans m’a appris que ce qui explique le mieux ce que sont et ce que font les entrepreneurs est le concept de l’espace de soi. Les entrepreneurs identifient des espaces à occuper dans le marché, puis apprennent à occuper ces espaces en créant leur entreprise. Celles et ceux qui réussissent le mieux y parviennent parce qu’ils ont déjà appris à créer, conserver, développer leurs propres espaces dans les systèmes familiaux et sociaux où ils ont évolué au préalable. La logique de cette observation conduit à ce que, pour mieux réussir, les entrepreneurs puissent apprendre à maîtriser l’apprentissage de la création et de la gestion d’espaces de soi et d’espaces d’autrui, pour celles et ceux qui les entourent. Même s’il est un peu hasardeux d’aborder un tel concept dans le cadre du repas d’un grand colloque comme celui-ci, permettez-moi d’en dire quelques mots. Ce texte reprend certains de mes écrits sur ce sujet ( Filion, 1993; 1994; 1999 b et d). L’espace de soi, concept systémique fondamental de la gestion de soi On associe de plus en plus acteur organisationnel et apprentissage. En entrepreneuriat, Collins et Moore (1970) demeurent des pionniers là-dessus avec leur étude empirique d’entrepreneurs sur le terrain. Senge (1991) et d’autres avant et après lui ont proposé des modèles pour mieux articuler l’apprentissage, en particulier organisationnel. Nous nous sommes intéressés au phénomène surtout à partir d’études empiriques menées auprès de diverses catégories d’acteurs entrepreneuriaux (Filion, 1991a et b; 1996). Au cours de ces recherches, le concept de vision a été identifié comme structurant pour concevoir et organiser un système d’activités. Il permet de préciser l’apprentissage requis pour mener les activités projetées. Mais il est insuffisant pour expliquer les différences dans les niveaux de réussite atteints par divers acteurs. Certains concepts peuvent aider à expliquer l’évolution d’un système visionniste et de l’apprentissage qui le rend possible. Le concept de soi et l’espace de soi sont parmi ces concepts. Concept de soi, apprentissage et vision Dans le texte qui suit, nous regarderons ce qui sous-tend cet apprentissage. Nous n’analysons pas ce qu’est l’apprentissage en tant que tel mais discutons plutôt certains éléments qui en déclenchent et soutiennent le mécanisme. Le schéma 1 ci-dessous introduit un certain nombre d’éléments qui entourent ce processus.

Page 17: L’ESPACE DE SOI ET LES CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE …expertise.hec.ca/chaire_entrepreneuriat/wp-content/... · Progression de l’entrepreneuriat et carrières du futur Nous

Schéma 1

Concept de soi et apprentissage

Contexte

Concept de soi

Composantes sociologiques de la société ambiante

Savoir-faire Intentionnalité

Activités

Visions Besoins d'apprentissage

Modèles

Milieu d'évolution immédiat

Histoire personnelle

Apprentissage Images

Champs d'intérêts

Savoir être

Un des éléments centraux, même capital au coeur de ce processus s’appelle le “concept de soi” (Taylor, 1998). C’est la façon suivant laquelle on se perçoit, l’estime qu’on a de soi (Maslow, 1970), la conception qu’on entretient de ses capacités qui constituent la base sur laquelle le savoir-être puis le processus visionniste reposent. Un certain nombre d’éléments viennent conditionner ce concept de soi : le contexte économique

__________________________________ Copyright © École des HEC

15

Page 18: L’ESPACE DE SOI ET LES CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE …expertise.hec.ca/chaire_entrepreneuriat/wp-content/... · Progression de l’entrepreneuriat et carrières du futur Nous

__________________________________ Copyright © École des HEC

16

et social dans lequel l’acteur évolue, le milieu d’évolution immédiat ainsi que les modèles qui entourent l’acteur, son histoire personnelle y compris son éducation et ses expériences vécues. Tous ces éléments sont influencés par les composantes sociologiques de la société ambiante. Celles-ci renferment des valeurs, des normes, des habitudes de travail et d’expression d’énergie qui influencent les façons d’être, de se comporter et de faire. Certaines sociétés, certains milieux, certaines familles fournissent des modèles plus orientés vers certaines activités, ce qui est susceptible d’engendrer l’identification de concepts de soi davantage orientés vers ces activités. Évidemment la nature même de la personne, ses caractéristiques, ses capacités physiques et intellectuelles vont aussi venir conditionner ce qui est perçu comme étant possible et accessible pour elle. La manière suivant laquelle s’organise le concept de soi semble fortement interreliée à des champs d’intérêts qui orientent l’intentionnalité. Ceci engendre un processus de sélection des images perçues et retenues qui initient un processus visionniste. C’est à partir du moment où les intentions se concrétisent sous la forme de visions, c’est-à-dire de projets véritables à réaliser qu’on peut définir ses besoins d’apprentissage. C’est ça l’intérêt qui va pousser le futur acteur à apprendre. Mais c’est le concept de soi qui conditionne l’ampleur de la vision qui se développera de même que l’apprentissage qu’on sera prêt à entreprendre. Les compétences et habiletés développées permettront d’atteindre des niveaux de savoir-être, de savoir-faire, de «savoir-gérer», de «savoir-devenir» pour mener les activités reliées au rôle organisationnel choisi. La pratique de ces activités viendra influencer le processus individuel de chaque acteur et par là, le processus social dans son ensemble. En somme, on peut suggérer que le concept de soi constitue un concept central à partir duquel émerge un processus visionniste sur lequel se greffe l’apprentissage. Plusieurs éléments viennent supporter la construction du concept de soi. Un de ces éléments est maintenant abordé: l’espace de soi. Espace de soi et entrepreneuriat Dans chaque société, selon l’histoire, la structure des classes sociales, les caractéristiques sociologiques, le niveau de développement, la densité de la population, se développe un espace de soi. On en retrouvera un éventail de variantes proportionnel à la diversité sociale, ethnique, religieuse ainsi qu'aux niveaux d’éducation du milieu concerné. Comment définir ce qu’est l’espace de soi ? C’est le lieu de soi, l’espace psychologique individuel de chacun. C’est l’étendue dans laquelle est localisé l’ensemble évolutif et opérationnel du concept de soi. L’espace de soi, c’est la configuration spatiale et systémique qui entoure le concept de soi. L’amplitude de sa frontière détermine le territoire qui renferme la marge de manoeuvre qu’utilise le concept de soi pour se former puis évoluer. Peu de chercheurs se sont intéressés à ce concept ( Latane et Liu, 1996; Hall, 1971; 1979; 1984). Pour comprendre la notion d’espace de soi, on peut se référer à un certain nombre de concepts dont celui de liberté et à son extension. La liberté nécessite un lieu de respect mutuel pour éviter l’anarchie qui risque d’engendrer la dictature, donc l’absence de liberté. Des conventions, des

Page 19: L’ESPACE DE SOI ET LES CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE …expertise.hec.ca/chaire_entrepreneuriat/wp-content/... · Progression de l’entrepreneuriat et carrières du futur Nous

__________________________________ Copyright © École des HEC

17

lois, des règles sont établies qui doivent être respectées pour que la liberté puisse continuer d’être exercée. Par exemple, lorsqu’on conduit une voiture, on est libre d’aller où bon nous semble, mais on doit tenir compte de la réglementation et, par exemple, respecter les feux de circulation. Le feu de circulation vient restreindre la liberté de conduire, mais il en rend possible le maintien pour un plus grand nombre. Se développent aussi des coutumes, des conventions. Par exemple, on dit que le masculin inclut le féminin. Plus d’une femme considère qu’il s’agit là d’une convention qui ne leur laisse pas l’espace de soi suffisant pour soutenir le plein épanouissement du concept de soi féminin avec tout ce qu’il comporte d’attributs différents. L’espace de soi implique la distance psychologique qui, à la fois , nous sépare et nous relie aux autres. Il reflète ce que les us et coutumes ont fini par établir comme espace réservé à chacun. Il résulte des compromis sociaux et de l’ensemble des conventions formelles et informelles qui régissent les relations entre les humains dans une société donnée. Par exemple, l’utilisation du “vous” et du “tu” en français exprime des distances entre des personnes et par extension définit l’espace de soi attribué à l’autre et réservé à soi dans une relation. La frontière de son espace pourrait être mesurée par celle du halo qui entoure chacun. Nous introduisons ici un élément dont on a très peu parlé dans la littérature de gestion : la notion d’espace psychologique. C’est là un élément que nous avons observé dans nos études empiriques d’acteurs organisationnels. Le schéma 2 esquisse une synthèse sous forme de modèle du processus de mise en place d’un espace psychologique individuel ou espace de soi. On y constate que chaque personne évolue dans un espace de soi reçu. Cet espace véhicule les caractères des composantes sociologiques de la société ambiante. Cependant il est surtout influencé par le système relationnel et par le milieu d’évolution immédiat de la personne : culture, ethnicité, religion. C’est ensuite en fonction du contexte personnel désiré que la personne construit graduellement son propre espace psychologique. On verra plus d’un acteur quitter son milieu familial, changer de région, même émigrer, afin de s’établir un espace qui lui permette d’évoluer en ses propres termes. Il s’agit là d’une démarche déterminante pour expliquer la façon suivant laquelle un espace est conquis pour permettre au concept de soi de se former. Par exemple, le futur leader a besoin d’un minimum d’espace pour croître. Si cet espace ne lui est pas rendu disponible par son milieu, il essaiera de l’établir ailleurs. L’espace de soi attribué aux gens venant d’autres cultures semble plus large dans la plupart des sociétés que l’espace de soi attribué entre gens d’une même culture. C’est l’espace de soi construit qui vient déterminer l’ampleur que pourra atteindre le concept de soi. Là, l’intentionnalité, selon des besoins et des contextes, vient conditionner ce qu’il est possible de visionner, puis l’apprentissage requis pour passer à l’action. Les activités réalisées viennent à nouveau influencer le processus de construction de l’espace de soi et du concept de soi qui évoluent en conséquence.

Page 20: L’ESPACE DE SOI ET LES CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE …expertise.hec.ca/chaire_entrepreneuriat/wp-content/... · Progression de l’entrepreneuriat et carrières du futur Nous

Schéma 2 Espace de soi, concept de soi, vision et apprentissage

Composantes sociologiques de la société ambiante

Système relationnel

Contexte personnel désiré

Espace de soi reçu

Espace de soi construit

Milieu d'évolution immédiat

Activités

Apprentissage

Visions

Contexte Besoins

Concept de soi Concept de soi

Il semble exister une corrélation inversée entre l’espace géographique d’une société et l’espace de soi qui s’y établit. Un bon nombre de cultures anciennes, la plupart des cultures asiatiques et européennes semblent réserver un espace de soi mieux défini et plus large que d’autres. Plus un espace physique est densément peuplé, plus on semble avoir développé un respect de l’espace

__________________________________ Copyright © École des HEC

18

Page 21: L’ESPACE DE SOI ET LES CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE …expertise.hec.ca/chaire_entrepreneuriat/wp-content/... · Progression de l’entrepreneuriat et carrières du futur Nous

__________________________________ Copyright © École des HEC

19

psychologique de chacun. En fait, il existe un nombre élevé de normes et de règles qui régissent cet espace. Les espaces semblent aussi différer d’une classe sociale à l’autre. Les règles de politesse, de respect des autres, des personnes âgées, de personnes qui occupent certains rangs et fonctions sociales semblent marquées. On remarque des signes de déférence qui vont même dans certains cas jusqu’à la révérence. Le respect exprimé dans les relations interpersonnelles est marquant. Cela est facilement observable dans les organisations, ne serait-ce qu’à partir des attitudes physiques qu’entretiennent les gens entre eux. Ceci semble encore davantage marqué envers les supérieurs et les aînés. Le tableau 3 ci-dessous suggère quelques déterminants qui expliquent l’extensibilité des espaces de soi dans une société.

Tableau 3 Déterminants de l’espace de soi

• Possibilités de survie dans un environnement donné • Modalités de l’exercice du pouvoir • Histoire de la société concernée en ce qui a trait à la liberté et aux droits individuels • Maturité sociale et niveau d’éducation du milieu concerné • Conventions sociales de respect (d’abord physiques) entre les personnes • Consensus établis quant aux normes qui régissent les relations sociales et interpersonnelles Réflexions sur la place de l’espace de soi Toute activité humaine nécessite un certain nombre de conditions pour qu’elle puisse s’exercer. L’apprentissage est relié très étroitement au concept de soi, lequel s’exprime à l’intérieur de l’espace psychologique de chacun, c’est-à-dire par l’espace de soi reçu, puis construit. C’est aussi là le lieu qui permet d’exprimer l’intentionnalité, c’est-à-dire ce qui reflète la façon suivant laquelle on se voit maintenant et dans le futur. Ce sont là des éléments qui nourrissent la racine du système d’un acteur, laquelle racine finira par être exprimée par un certain nombre sous la forme de visions plus ou moins ambitieuses à réaliser. La façon suivant laquelle cet espace de soi sera construit risque d’être déterminante non seulement pour la formation et l’évolution du concept de soi, mais aussi pour la réalisation de soi.

Page 22: L’ESPACE DE SOI ET LES CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE …expertise.hec.ca/chaire_entrepreneuriat/wp-content/... · Progression de l’entrepreneuriat et carrières du futur Nous

__________________________________ Copyright © École des HEC

20

Essaimage et préparation à la pratique entrepreneuriale Une des façons d’apprendre à gérer l’espace de soi réside dans l’insertion dans un processus d’essaimage. Mieux articulés seront les encadrements offerts, plus facile sera l’apprentissage de l’espace de soi. Plus il risque aussi de se faire graduellement et naturellement. Au cours des prochaines années, nous devrions être témoins de l’apparition de nouvelles configurations de soutiens à des pratiques entrepreneuriales accrues tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des organisations. Nous verrons le développement et la mise en place de cultures entrepreneuriales renouvelées. Il importe aussi de diminuer les risques lors de la création d’entreprises en encadrant mieux les personnes qui se lancent en affaires. Nous devons travailler à diminuer le plus possible les coûts individuels et sociaux reliés aux démarrages et parfois aux échecs qui s’ensuivent. Cela peut être réalisé en rendant les formes d’encadrement plus protectrices lors de la création d’entreprises. Par exemple, ces formes d’encadrement peuvent être améliorées par la mise en place de programmes d’essaimage. Ceci peut être réalisé par une plus grande implication des entreprises existantes, des centres de recherche et des institutions d’enseignement à tous les niveaux. Pour nous, l’essaimage, c’est la création d’une nouvelle entreprise à partir d’une organisation qui joue un rôle de soutien, et si possible d’encadrement. Ceci peut prendre diverses formes, dont celle du tutorat. Le tableau 4 ci-dessous montre quelques avantages à utiliser l’essaimage. Ce tableau est inspiré de Kadji-Youaleu, Filion, (2000).

Page 23: L’ESPACE DE SOI ET LES CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE …expertise.hec.ca/chaire_entrepreneuriat/wp-content/... · Progression de l’entrepreneuriat et carrières du futur Nous

__________________________________ Copyright © École des HEC

21

Tableau 4 Quelques avantages potentiels de l’essaimage

Essaimant Essaimé Société

Gains de productivité et de compétitivité issus du travail en commun Gains de flexibilité organisationnelle Exploitation de produits, procédés et autres actifs dormants de l’organisation Rotation de personnel Accroissement du pouvoir de négociation face aux fournisseurs Concentration des ressources sur l’activité principale de l’entreprise Valorisation de son image Contribution à la création d’emplois Contribution à la création d’une culture entrepreneuriale, tant à l’interne qu’à l’externe de l’organisation Augmentation de son réseau et de ses sources d’information sur l’environnement Élargissement de ses appuis stratégiques à long terme Meilleur équilibre des charges fiscales ainsi réparties entre un plus grand nombre d’acteurs économiques

Accès à des ressources compétentes pour mieux se préparer à lancer une entreprise Accès à des actifs à coûts moindres Accès à un marché de soutien pour démarrer Accès à de l’information stratégique Gains de transferts de méthodes et de technologies Gains financiers : prêts et facilités de paiement Appuis logistiques Accès à de la formation Diminution de risques Partenariat comme fournisseur pendant les années critiques suivant le démarrage Effets de halo de l'image de l'essaimant Diminution du risque personnel en pouvant réintégrer son emploi en cas de difficultés Avantage de l’appartenance à un réseau d’entreprises Diminution du stress relié à la création et au démarrage d’une entreprise

Création d’entreprises, d’emplois et de richesses nouvelles à coûts moindres pour les organismes de soutien à la création d’entreprises Diminution du nombre d’échecs de démarrages, donc diminution des coûts individuels et sociaux reliés à la création d’entreprises Protection améliorée de l’environnement Disponibilité élargie de modèles d'entrepreneurs Dynamisme économique local et régional Accroissement des possibilités d’achat des consommateurs suite à une plus grande diversité de l’offre Tissage de liens sociaux plus marqués entre des agents de développement économique

Il importe de voir dans l’essaimage une façon de mieux soutenir et à moindres coûts la progression de l’entrepreneuriat dans une société. Nous ne nous étendrons pas sur ce qu’est et ce que sont les formes d’essaimage, et pas davantage sur les avantages ou les inconvénients de l’essaimage. Il importe cependant de comprendre que nous avons là un moyen pour gérer de façon tout à fait différente l’exercice des carrières entrepreneuriales de l’avenir. En effet, dans une perspective de gestion des carrières à partir de pratiques d’essaimage, une personne ne se cherche plus un emploi pour gagner sa vie, mais évolue d’une entreprise à l’autre, tantôt en étant soutenue par un programme d’essaimage, tantôt en participant à des soutiens essaimants auprès d’autres

Page 24: L’ESPACE DE SOI ET LES CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE …expertise.hec.ca/chaire_entrepreneuriat/wp-content/... · Progression de l’entrepreneuriat et carrières du futur Nous

__________________________________ Copyright © École des HEC

22

personnes en voie d’essaimer. Il existe dans ce processus un apprentissage graduel et articulé de création, de développement et de gestion d’espaces de soi. CONCLUSION Cette conférence visait à présenter quelques réflexions sur les tendances en entrepreneuriat au cours de la prochaine décennie. Nous avons abordé quelques caractéristiques de notre environnement qui expliquent la tendance actuelle vers le travail autonome et la micro-entreprise. Nous avons parlé des carrières entrepreneuriales de l’avenir ainsi que d’un concept qui risque de devenir central dans l’éducation et la préparation entrepreneuriale au cours des prochaines années : l’espace de soi. Nous avons mentionné que l’essaimage constitue une façon d’en pratiquer l’apprentissage. Ces réflexions devraient nous permettre de mieux comprendre et de mieux exercer les rôles de soutien que chacun de nous peut jouer pour permettre un meilleur développement de l’entrepreneuriat, chacun dans nos milieux respectifs. Une des leçons à tirer de ces réflexions est certainement que nous devons devenir plus tolérants, plus ouverts et plus attentifs aux espaces des autres. Les entrepreneurs ont souvent des idées et des projets qui n’entrent pas toujours dans les catégories mentales du moment. Il faut savoir les reconnaître et les appuyer, ajuster nos modèles mentaux en conséquence et continuer à apprendre. Permettez-moi de féliciter les organisateurs de ce colloque et de les remercier de m’avoir invité. RÉFÉRENCES

Birch, D.L. (1983) The Contribution of Small Enterprise to Growth and Employment. Cambridge, Mass. : Harvard University Press.

Carrier, C. (1997) De la créativité à l’intrapreneuriat. Sainte-Foy, Qc. : Presses de l’Université du Québec.

Conseil de la coopération du Québec (1999) Démarrer et gérer une entreprise coopérative.

Montréal : Transcontinental. Collins, O., Moore, D.G. (1970) The Organization Makers. A Behavioral Study of Independent

Entrepreneurs. New York: Appleton-Century-Crofts. Filion, L. J. (1990) L’intrapreneur : un visionnant, Revue internationale de petites et moyennes

organisations, PMO, vol.5, no 1 : 22-33. Filion, L.J. (1991a) Vision and Relations: Elements for an Entrepreneurial Metamodel.

International Small Business Journal, Vol. 9, No 2, Jan. 1991, 26-40. Filion, L. J. (1991b) Vision et relations : clefs du succès de l'entrepreneur. Montréal : Éditions de

l'entrepreneur.

Page 25: L’ESPACE DE SOI ET LES CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE …expertise.hec.ca/chaire_entrepreneuriat/wp-content/... · Progression de l’entrepreneuriat et carrières du futur Nous

__________________________________ Copyright © École des HEC

23

Filion, L.J. (1993) Entrepreneur, organisation et apprentissage: nécessité de s’aménager un

espace de soi. Partie 1: l’entrepreneur et l’apprentissage. ORGANISATION, Vol.2, No. 2: 59-69.

Filion, L.J. (1994) Entrepreneur, organisation et apprentissage : nécessité de s’aménager un

espace de soi. Partie 2 : entrepreneur, organisation et entreprise. ORGANISATION, Vol.3, No.1 : 47-55.

Filion, L.J. (1996) Différences dans les systèmes de gestion des propriétaires-dirigeants,

entrepreneurs et opérateurs de PME. Revue Canadienne des Sciences de l'Administration, Canadian Journal of Administrative Sciences., Vol.13, No.4, Dec. 1996 : 306-320.

Filion, L.J. (1999a) D’employés à intrapreneurs. Cahier de recherche # 99-03, Chaire

d’entrepreneurship Maclean Hunter, École des HEC de Montréal. Filion, L.J. (1999b) Espace de soi et vision. Cahier de recherche # 99-01, Chaire

d’entrepreneurship Maclean Hunter, École des HEC de Montréal. Filion, L.J. (1999c) Réaliser son projet d’entreprise. Montréal : Transcontinental. Filion, L.J. (1999d) Self-Space and Vision. In : Castell, A.M., Gregory, A.J. et al. (Eds.) Synergy

Matters. New York, London Kluwer Academic/Plenum: 613-618. Filion, L.J. (2000a) La création de coopératives dans les services. Montréal : Transcontinental (à

paraître). Filion, L.J. (2000b) Travail autonome : des volontaires et des involontaires. Vers de nouvelles

formes de pratiques entrepreneuriales. Gestion, Revue internationale de gestion, Vol.24, No.4 : 48-56.

Hall,E.T.(1971) La dimension cachée.Paris:Seuil. Hall, E.T. (1979) Au-delà de la culture. Paris: Seuil Hall,E.T.(1984) Le langage silencieux. Paris:Seuil. Kadji-Youaleu, C., Filion, L.J. (2000) Essaimage. Examen de la documentation. Cahier de

recherche # 2000-01, Chaire d’entrepreneurship Maclean Hunter, École des HEC de Montréal.

Latane, B. and Liu, J.H. (1996) The Intersubjective Geometry of Social Space. Journal of Communication, Fall 1996, 46(4): 26-34.

Lavoie, D. (1988) Créativité, innovation, invention, entrepreneurship, intrapreneurship - où est la

différence? Gestion, Revue internationale de Gestion, vol. 13, no 3, sept. : 64-70.

Page 26: L’ESPACE DE SOI ET LES CARRIÈRES ENTREPRENEURIALES DE …expertise.hec.ca/chaire_entrepreneuriat/wp-content/... · Progression de l’entrepreneuriat et carrières du futur Nous

__________________________________ Copyright © École des HEC

24

Légaré, M-H., Simard, G., Filion, L.J. (1999) La PME au Québec, Profil comparatif. Cahier de recherche #99-06, Chaire d’entrepreneurship Maclean Hunter, École des HEC de Montréal.

Maslow, A.H. (1970) Motivation and Personality. New-York: Harper & Row. Orser, B., Foster, M. (1992) L’entreprise à domicile. Les Canadiens et le travail à domicile.

Industrie Canada. Senge, P. (1991) La cinquième discipline. Paris: First. Taylor, C. (1998) Les sources du moi: la formation de l'identité moderne. Montréal: Boréal.