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1 Devenu en 1898 l’organe officiel de l’Aéro-Club de France, L’Aérophile paraît depuis 1893. L’aéronautique dans la presse par Gérard Hartmann

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Devenu en 1898 l’organe officiel de l’Aéro-Club de France, L’Aérophile paraît depuis 1893.

L’aéronautiquedans la presse

par Gérard Hartmann

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Quand les journaux re-lataient les exploits desconquérants de l’air

Les exploits des pionniers de l’aviation se-raient restés ignorés du public si la grandepresse de l’époque n’avait joué un rôle consi-dérable de communication, et même plus. Atravers les journaux du XIXe siècle, les ex-ploits des inventeurs sont décrits, analysés,commentés et leurs drôles de machines photo-graphiées, documentées, comparées. En 1909,il est difficile de lire la presse quotidienne sansy trouver un article sur les exploits des pre-miers aviateurs.

La France peut s’honorer d’avoir attenduet apprécié leurs prestations. Celles des pre-miers aéronautes, de 1783 à 1788, si ellesétaient connues des membres des sociétéssavantes, étaient restées inconnues du publicet ne furent connues par lui qu’à travers desparutions du siècle suivant. En matière decouverture médiatique, on peut dire que lespionniers de l’aviation ont eu plus de chanceque ceux de l’aérostation 1.

1er gonflement d’un ballon à l’hydrogène par le physi-cien Charles le 27 août 1983. Gravure du XIXe siècle.

Cette diffusion des connaissance à un trèslarge public est due à plusieurs facteurs tech-niques. Sous la IIIe République, la presse esten pleine mutation. Trois inventions assurentson essor et assurent sa popularité : un procédéde production industrielle en continu de pâte à

1. Les travaux aérostatiques de Pilatre de Rozier (1754-1785), 1er

navigateur aérien et 1ère victime de l’air ont été décrits dans le Jour-nal de Normandie, le Journal de Paris, le Journal de physique, leJournal politique de Bruxelles , le Journal politique de l’Europe, leJournal de Provence, les papiers du Mercure de France, en 1786 parJean-Pierre Blanchard (premier aéronaute à traverser la Manche), en1783 et 1786 par les scientifiques Faujas de Saint Fond et Tournon dela Chapelle. L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert ignore les mots« aérostat », « aéronaute », « aviation », « aéronef », « aéroplane ».

papier, l’impression de photographies en lieuet place des gravures, et enfin par l’inventionde la linotype.

La première innovation permet des tiragesimportants et rapides, plus de 10 000 feuillespar heure. La seconde rend le commentaireimmédiatement compréhensible, il n’est plusbesoin de l’illustration d’un artiste graveur,aussi bon soit-il, et qui représente plus oumoins correctement la réalité. La troisièmeinvention accélère encore les processus defabrication d’un journal. Le tout fait un pro-duit à bas prix que s’arrachent les lecteurs, carles Français de 1875 savent lire en majorité.

Audouin Dollfus, « Pilatre de Rozier, premier naviga-teur aérien première victime de l'air », AssociationFrançaise pour l'avancement des Sciences, 1993, p.34.

La guerre de Crimée (1853-1856) est le 1er

conflit photographié de l’histoire, annonçant lemonde moderne, médiatisé. Toutefois, le pro-cédé de reproduction par plaques successivesétant onéreux il faut attendre 1890 pour queles photographies fassent leur apparition mas-sive et systématique dans les quotidiens.

Certaines activités sportives que peut cap-turer le lourd appareil photographique à souf-flet (autour de 80 kg) n’attendaient que cemédia pour devenir populaires : le rugby, lecyclisme, la conquête de l’air. Cette dernières’est faite en 1783, mais on peut dire que lesphotographies dans la presse de 1909 ontvéritablement recréé totalement l’événement.

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Lâcher du 1er ballon à air chaud sans passager par lesfrères Montgolfier à Annonay le 4 juin 1783. La mont-golfière est née. Gravure du XIXe siècle.

Revenons un instant aux publications sa-vantes ou fantaisistes du début du XVIIIesiècle - le siècle des Lumières - annonçantcomme imminente l’élévation d’une machinedans les airs.

Montgolfière de Pilatre de Rozier et du marquisd’Arlandes, Paris château de La Muette, le 21 novembre1783. Pour la première fois, l’homme effectue un voyageaérien. (Couverture de la revue L’Astronomie novembre1983).

Ascension du 1er ballon à hydrogène sans nacelle deCharles et Robert le 27 août 1783. (XIXe siècle).

Citons : L’Art de naviguer dans les airs,amusement physique et géométrique, édité en1755, œuvre du physicien et père dominicainavignonnais Joseph Galien (1699-1782), pre-mier à parler d’un ballon pour s’élever dansl’air, ou Le philosophe sans prétention duchimiste rouennais Louis-Gauillaume La Fol-lie (1733-1780), publié en 1755, premier àdécrire un vernis étanchéifiant une toile àballon, La Découverte australe par un hommevolant du romancier auxerrois Nicolas-EdmeRestif de la Bretonne (1734-1806) paru en1781, ou le Cabriolet volant de Jean-FrançoisCailhava d’Estendoux, qui date de 1770. C’estdans cette littérature au milieu du XIXe sièclequ’apparaissent les mots aéronef 2, hélicop-tère 3, aéroplane 4, aviation.

Il ne faut pas oublier les écrits fracassantsde vérité de l’officier de marine et écrivain-journaliste montpelliérain Guillaume-Joseph-Gabriel de La Landelle (1812-1886), qui ins-pira Jules Verne, auteur de la Navigation aé-rienne sans ballon (1863) dans lequel apparaîtpour la première fois le mot « aviation ». Il afait s’élever avec Gustave Ponton d’Amécourt(1825-1888) un hélicoptère en 1861 et fondeavec lui en 1863 la Société d’encouragementpour la locomotion aérienne au moyend’appareils plus lourds que l’air.

2. Selon le Dictionnaire culturel en langue française Le Robert d’Alain

Rey, le mot aéronef apparaît pour la première fois dans la littératureen 1844.

3. Selon le Dictionnaire Larousse, le mot hélicoptère apparaît pour la1ère fois dans un brevet anglais de Ponton d’Amécourt en 1861.

4. Selon l’acception moderne, le mot aéroplane apparaît pour la 1èrefois dans un brevet de Joseph Pline en 1855.

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Paris ProvinceDate

Nb de titres Tirage Nb de titres Tirage

Tirage totalFrance

Pour millehabitants

1870 36 1 070 000 100 350 000 1 420 000 36,8

1880 60 2 000 000 190 750 000 2 750 000 73

1914 80 5 500 000 242 4 000 000 9 500 000 244

Tirages des journaux en France sous la IIIe République, à Paris et en province. (Source : Encyclépaedia Universalis 2007).

La presse républicaineadore les exploits sportifs

Le métier de journaliste se transforme sousla IIIe République. A l’écrivain compétentabreuvé de littérature mais qui commente lesévénements « le cul sur sa chaise » succède« n’importe qui », le reporter qui va sur leterrain et « parle des choses vues » comme lestigmatise Paul Ginisty (1855-1932), célèbrecritique de théâtre, directeur l’Odéon de 1896à 1906.

Entre 1875 et 1914, la presse à Paris tire àneuf millions d’exemplaires le matin, la moitiédu fait de quelques gros titres (voir tableau),Le Petit Journal, créé en 1863 et qui dépassecertains jours, selon l’actualité, le milliond’exemplaires, Le Petit Parisien fondé en1876 qui dépasse vingt-cinq ans après 1,4millions d’exemplaires, alimenté par 75 jour-nalistes d’actualité (reporters) et 450 corres-pondants hors de Paris, Le Matin créé en 1885par le millionnaire Alfred-Charles Edwards(1856-1914) qui emploie 150 journalistes, etLe Journal, lancé le 28 septembre 1892, quidépasse fréquemment le million d’exemplairesquand l’actualité est faste, comme avec« l’affaire Dreyfus » ou celle du « Scandale dePanama ».

Tricycle à pétrole Serpollet (1858-1907) ; ces machinesfurent les premières à dépasser 40 km/h en 1889.

A travers une presse devenue Républicainela période de 1874 à 1904 voit se développerquantités de ligues et associations dontl’objectif est d’influencer l’opinion. A cetteépoque, science et politique sont intimement

liés. Diligence contre vapeur, bateaux en boiscontre bateau en fer, les sujets de polémique àpropos des nouvelles et nombreuses techni-ques émergeant ne manquent pas.

Certains « manipulateurs d’opinion »n’hésitent pas à changer de bord. Citons parexemple les articles de la Société françaised’encouragement pour la navigation aérienne,fondée en 1872, laquelle après avoir soutenuplus de trente ans les « plus légers que l’air »soutient en 1902 les « plus lourds que l’air »orthoptères et autres hélicoptères, hélicopla-nes ou aéroplanes dans sa publicationl’Aéronaute, le 1er numéro de cette revue ayantparu en 1863.

Titre Tirage en 1910Le XIXe Siècle 1 500La Justice 3 500La République française 4 000Le Siècle 5 000L’Univers 12 000L’Action 19 000L’Action française 19 000Le Rappel 22 500L’Autorité 24 000Le Soleil 24 000Le Journal des Débats 26 000Comédia 28 000Le Radical 29 000La Démocratie 30 000La Petite-Presse 30 000La Lanterne 33 000Le Temps 36 000Le Figaro 37 000Paris-Journal 40 000La Patrie 40 000La Presse 50 000La Liberté 63 000La Petite-République 67 000L’Intransigeant 70 000L’Humanité 72 000L’Eclair 103 000L’Echo de Paris 120 000La Croix 140 000Le Matin 670 000Le Journal 810 000Le Petit-Journal 835 000Le Petit-Parisien 1 400 000

Tirages des principaux quotidiens parisiens en 1910.(Source : La Documentation française).

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Les plus grands noms n’hésitent pas àprendre parti. En matière d’aéronautique aussi.Soutenant la « sainte hélice », Jules Vernedécrit en 1886 une machine volante,l’ « Albatros » dans son roman Robur leconquérant, prenant fait et cause pour le« plus lourd que l’air ». Son roman inspireradirectement les recherches sur les premièresmachines à décollage vertical.

Le public se passionne pour toutes les ca-tégories d’engins mobiles, bicyclette, tricy-cles, automobiles, canots à moteur, machinesvolantes ; parfois le journaliste qui le faitvibrer prêche pour sa chapelle car il est indus-triel ou ingénieur. A réalisation faible, récitjournalistique suggestif.

Première photographie fixée (conservable), prise par.Daguerre (1787-1851), le cabinet de curiosités, 1837.(Musée de Cormeilles-en-Parisis).

Le poids de la presse à cette époque esttrès important. Le sport fait souvent la une despériodiques. Paris compte une vingtaine dequotidiens, 200 périodiques et plus de 500journaux sont vendus en province. Grâce à lagrande presse, le public se prend de passiondès les débuts de l’aéroplane pour les exploitsdes premiers aviateurs, comme il se passionnepour les courses d’automobile.

Jugée plus sérieuse et plus confidentielleque le sport, la promotion des vols réalisés parles militaires est assurée par les publicationsde sociétés savantes aéronautiques, distribuéesà l’amirauté et aux chefs d’états-majors del’armée. Le nombre de ces revues ira croissantpendant dix ans. A cet égard, les premiersdirigeables français portent des noms sanséquivoque, rappelant qui les finance et pour lecompte de qui ils opèrent : La France, LaPatrie, La République. L’esprit de revancheanime les Républicains.

Quand la grande presse s’empare du sujetet se fait l’écho des progrès accomplis réguliè-rement par les dirigeables militaires, vers1908-1909, c’est un triomphe populaire. On nesait plus qui tire les ventes, la présence dans leciel de ces grosses machines ou leur promo-tion bien orchestrée dans la presse.

Paris photographié depuis un ballon par Nadar, 1858.(Musée Carnavalet).

Outre la rénovation complète de sa marinede guerre et la création d’une importante aé-rostation militaire, la IIIe République a finan-cé deux armes secrètes, le canon de 75 (adoptéen 1895) et le dirigeable (qui n’apparaît pasavant 1908). Toutefois, c’est, l’aéroplane dontaucune application militaire ne semble encorepossible en 1910, qui est l’objet d’une vérita-ble frénésie populaire du fait de la presse. Lesport en général fait le bonheur des français.

James Gordon Bennett junior en 1902. (L’Aérophile).

Quand paraît le 1er septembre 1891 le pre-mier quotidien entièrement dédié à l’actualitésportive Le Vélo, dirigé par Pierre Giffard

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(1853-1922), le succès commercial est instan-tané au point que Giffard qualifie l’engin àdeux roues qui fait la fortune de son journal de« petite reine ». Pionnier du reportage, cetancien correspondant de guerre pour Le Figa-ro, Le Petit Journal et Le Matin entre 1880 et1890 fait entrer le sport dans la presse quoti-dienne. C’est lui qui finance en 1891 la pre-mière course cycliste Paris-Brest-Paris et lescourses d’automobile Paris-Rouen et retour en1894 et Paris-Bordeaux et retour en 1895.

Le planeur de Georges Cayley, en 1810, devait êtreactionné par la force musculaire. (L’Illustration).

Autre grand supporter mécène du sport,James Gordon Bennett junior (1841-1918)s’installe à Paris en 1887 et lance une éditioneuropéenne en Anglais du quotidien américainNew-York Herald, l’International HeraldTribune. Ce titre existe encore aujourd’hui.Gordon Bennett junior organise à travers lesCoupes immortalisant son nom des coursesd’automobiles restées célèbres, dès 1900, puisdes compétitions de ballons en 1906, des cour-ses de canots à moteurs, et la fameuse Coupede vitesse d’aéroplanes à Reims en 1909.

Correspondant de presse à Paris pour deuxpériodiques britanniques, le Daily Telegraphet The Standard, Thomas Farman, le père despionniers de l’aviation, décrit avec talent lesgrands travaux de la IIIe République, fin desgrands chantiers hausmaniens, reconstructionde la Sorbonne, du Collège de France, del’hôtel de ville de Paris, érection des grandesécoles (ouvertes aux femmes, vive la Républi-que), des grandes gares parisiennes, du GrandPalais, de la plus belle avenue du monde.

Une presse spécialiséeriche de reportages

Tous les pays avancés ont un public et unepresse quotidienne avisée bien servie par des« reporters » qualifiés : la Grande-Bretagneavec les périodiques Times, Illustrated LondonNews, l’Allemagne avec de nombreux quoti-diens, les Etats-Unis avec le New York Herald,fondé par James Gordon-Bennnett (1795-1872) senior en 1835, et le Journal, fondé en1895 par William Randolph Hearst (1863-1951), l’Italie, la Belgique, la France, le Da-nemark, la Suède sont abreuvés de revues.

Qui eût connu les travaux d’Alphonse Pénaud (1850-1880) sans la presse spécialisée ? Planeur à moteur àcaoutchouc, 1876. (L’Illustration).

C’est dans ces pays aux lecteurs informéset passionnés que le sport aérien se développetout particulièrement. La promotion d’unmeeting aérien d’une semaine s’étale pendantsix mois dans la presse : publication du règle-ment et des gains offerts, liste des concurrents,description des essais, des machines, deshommes, résumé des épreuves. La couvertureest supérieure à celle d’un grand prix de F1aujourd’hui, exception faite de la couverturetélévisuelle.

Le planeur de l’Autrichien Wilhelm Kress, 1877.(L’Illustration).

Tous les grands journaux ont leur repor-ter spécialisé « de terrain » : Pierre Giffard etJean Rodes au Matin, Ludovic Nadeau auJournal, La Salle chez Havas, Charles Victor

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Thomas au Gaulois. Et chacun y trouve soncompte. Grâce à la multiplication des journauxà fort tirage, le nombre des reporters augmenteet leur salaire dépasse celui d’un simple ré-dacteur.

L’ « Ariel », voiture aérienne à moteur à vapeur breveté,réalisé et testé par William Henson et John Stringfellow,1843. (L’Illustration).

Le dessin est repris par La Gazette, revue polonaise, quifait sa une en 1843 avec la machine de Henson.

Celui des revues traitant de la chose aé-rienne grandit eu peu plus chaque année. Néen 1887, L’Aérostat, bulletin de l’Académied’Aérostation Météorologique, absorbe leGiffard (nom d’un aérostat) et devient en 1889La France aérienne. En 1877 apparaît un autrejournal traitant les mêmes sujets et baptiséAérostat. Ces publications, très populaires,soutiennent la cause aéronautique, sous toutesses formes, celle des inventeurs et leurs in-ventions, les exploits aériens des militaires,des sportifs. Dès 1898, Santos-Dumont estsuivi dans ses périples au-dessus de Paris parune cohorte de journalistes ; suspendu dansune nacelle combustible où pétarade un mo-teur à pétrole et du pétrole sous un fort volumed’hydrogène, ils guettent l’explosion (Pilâtrere Rozier, le premier conquérant de l’air, péritde la sorte) !

L’exposition au Crystal Palace à Londres en 1868montre des machines volantes que l’Europe entièredécouvre dans les journaux spécialisés de l’époque.(Science Museum).

Jusqu’en 1914, la presse aéronautique enFrance est particulièrement abondante, plusqu’aujourd’hui, et elle est surtout très popu-laire. Outre l’Aéronaute et l’Aérophile dessociétés « savantes » déjà évoquées, on trouvedes périodiques et des publications plus acces-sibles : L’Air, L’Aéronautique, La Nature cedernier étant un excellent journal de vulgari-sation – seul rescapé en 1875 de l’expérienceastronomique à bord du ballon « Le Zénith »avec Sivel et Crocé-Spinelli consistant à re-chercher dans les couches hautes del’atmosphère de la vapeur d’eau, l’aéronauteGaston Tissandier (1843-1899) est son brillantrédacteur en chef depuis 1861 -, La TechniqueAéronautique, dont les articles sont signés despremiers aéronautes et pionniers de plus lourdque l’air eux-mêmes, au milieu de parutionsplus ou moins techniques sur la nature de l’airet la météorologie - une science véritablementnée en 1875- telles que le Bulletin de la navi-gation aérienne, le Bulletin de la FédérationAéronautique Internationale, Aérauto, bimen-suel né en 1909 au moment des premiers mee-tings aériens, Aéro-Sport qui dispute sa clien-tèle à Aéria « organe du tourisme aérien », laRevue de l’Aéronautique militaire, distribuéeaux officiers de l’armée, qui présente les réali-sations et les projets futurs, la Revue juridique

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internationale de la Locomotion aérienne, quis’intéresse aux futures routes du ciel, ou en-core Aero, « organe hebdomadaire de la loco-motion aérienne » créé en 1908 avecl’aéroplane, l’Indicateur aérien, la revue dessciences aéronautiques, ou Avia qui apparaîten 1909, le Bulletin de l’aéronautique fran-çaise, le bulletin officiel de la ligue nationaleaérienne la Revue aérienne, qui voit le jour en1908, la Revue de l’aéronautique de France,la Vie aérienne et sportive, autant de titres quisont entièrement dédiés à l’aéronautique.

La machine volante de sir Hiram Maxim, en 1897, faitla une des journaux spécialisés pendant tout le prin-temps et l’été. (Science Museum).

La machine de sir Hiram Maxim (1840-1916) avant unessai, le 31 juillet 1897, dans sa propriété de Baldwyn’sPark (Kent). L’énorme engin de 3,5 tonnes est monté surune voie ferrée de 550 m de long. L’Europe entière s’estpassionnée pour cet engin. (Science Museum).

Des parutions de qualité aussi populairesque L’Illustration « journal universel »s’enflamment dès le début pour la conquête del’air. Revue fondée en 1843 par ÉdouardCharton, le scientifique Adolphe Joanne,l’éditeur Jean-Jacques Dubochet et le journa-liste Jacques-Julien Dubochet, L’Illustrationva enthousiasmer ses lecteurs pendant plus decent ans. Son premier numéro paraît le 4 mars1843. Dès le suivant, le 8 avril 1843, un article

présente la machine aérienne à vapeur deWilliam Henson et John Stringfellow. En1904, L’Illustration est le premier périodiquequi publie des photographies en couleur (auto-chromes) de Léon Gimpel (1873-1948), lequelcouvrira les débuts de l’aventure aéronautique,et les meetings aériens.

On peut estimer que la presse en Franceaprès 1900 touche au quotidien plus de cinqmillions de personnes, directement (reportagessur les meetings aériens) ou indirectement(description des inventions, publicité).

Le dirigeable La France, 1er à effectuer un parcours encircuit fermé, 1884. Le dirigeable de Tissandier le sur-vole, au départ du hangar Y à Chalais-Meudon. (Collec-tion de l’Aéro-Club de France).

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Le contrôle du « nerf dela guerre »

Le financement des projets de machinesvolantes, des meetings aériens, nécessite un telinvestissement que la presse est sollicitéecomme intermédiaire. Le montant des primesà la fin de l’année 1910 allouées aux meetingsaériens par exemple atteint plusieurs millionsde francs. Comment réunir ces deux clés de laréussite que sont le financement et les specta-teurs sans l’appui de la presse ?

Souvent éloignés de l’aéronautique, lescommanditaires de ces manifestations sontnombreux et variés, et pas toujours désintéres-sés. La presse, avant tout, se délecte des ex-ploits sportifs et augmente ce faisant son ti-rage. L’industrie aéronautique naissante (mo-toristes, pétroliers, sociétés de fabricationd’hydrogène et de gaz de ville, marchands detoile à ballons) se fait connaître, le commercedu jeu (casinos) qui finance les meetings attireune clientèle nouvelle, les producteurs de vinde Champagne (Cf. meeting de Reims 1909),les municipalités locales (qui bénéficient desrecettes), les sociétés de pari sur les courses dechevaux (qui disposent d’hippodromes où lesaéroplanes sont visibles et qui louent leursinstallations), la Société des bains de mer(Monaco), sans parler des initiatives privées,tous recherchent l’appui de la presse. La pu-blicité apparaît avant la fin du XIXe siècle.

L’ « Eole » de Clément Ader (1841-1925), une armenouvelle, projet secret éventé en 1891 par L’Illustration.

La naissance de l’aéroplane n’ayant pas étéprévue par les militaires, l’essor de l’aviationjusqu’en 1912 n’est pas soutenu financière-ment par l’Etat mais repose sur les sociétésaéronautiques à travers de multiples actions :

organisation et annonce de rassemblementsaériens, versement des primes pour les ex-ploits accomplis, publication des résultats etperformances obtenues, explications appro-fondies sur les techniques employées. Lapresse joue un rôle pédagogique important, devulgarisation des techniques.

Le Revue Aérienne, la revue bimensuelle de la LigueNationale Aérienne, 1908.

Dirigeable Malécot, La Revue Aérienne, 1908.

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Quand les frères Wright sont invités parl’industriel et inventeur Lazare Weiller (1858-1928) en 1908 sur l’hippodrome des Hunau-dières près du Mans à venir démontrer lesqualités de leur machine volante, le publicfrançais est averti des tractations et des résul-tats au quotidien par la presse. Les 1ers vols deWilbur Wright dès le mois d’août 1908, sontsuivis par une foule impressionnante de ba-dauds, sportifs, curieux de toute sorte qui semêlent aux militaires. Jamais les deux améri-cains n’avaient connu une telle foule venuevoir leurs prestations. Certains journalistes ontparlé de 200 000 spectateurs.

Toute l’intelligentsia américaine est derrière le projet del’ « Aerodrome » , la machine volante de S.P. Langley(1834-1906). En 1898, le gouvernement des Etats-Unislui alloue 50 000 dollars pour la réaliser. Le 8 décembre1903, elle tombe lourdement dans le Potomac. Le gou-vernement suspend ses crédits, considérant la solutionde l’aéroplane comme une impossibilité. Moralementdétruit par les attaques de la presse contre lui, le savantaméricain meurt d’un arrêt cardiaque le 27 février 1906.(NASM).

Invitée par l’Automobile-Club de Franceau Salon de l’auto en décembre 1908,l’aviation tient son propre Salon dès 1909 auGrand Palais à Paris et le public vient enmasse de toute l’Europe. Après les succèspopulaires phénoménaux des meetings deReims en août et de Juvisy en octobre, quel’aviation ait droit à son Salon annuel ne sur-prend personne. De plus en plus populaires,les Salons aéronautiques entre 1909 et 1913

contribuent au succès des techniques et dusport. Ils permettent aux industriels français devendre leurs produits, la clientèle (militaires,ingénieurs, industriels, public curieux) venantdu monde entier, comme au bon temps desexpositions universelles, et aux éditeurs devendre journaux, périodiques et livres.

Couverture de l’Aérophile, 1er janvier 1908. La revueparaît deux fois par mois, le 1er et le 15.

Couverture de la revue Le Petit Journal, 1909.

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Le journaliste Pierre Lafitte (1872-1938)crée en 1898 quelques semaines avant La Vieillustrée un magazine riche en matière dephotographies qui paraît chaque samedi, LaVie au Grand Air, lequel magazine connaît unfranc succès, succès dû en partie à la couver-ture des meetings aériens entre 1909 et 1913.Le même journaliste est à la base de la créa-tion en 1902 la revue Musica, du magazineFemina en 1903, puis du périodique Je saistout en 1905, Fermes et châteaux en 1906 etsurtout Excelsior en 1910. La Vie au GrandAir est désignée en 1900 comme organe offi-ciel de presse couvrant la grande expositionuniverselle de Paris. Excelsior est le premierjournal utilisant totalement l’illustration pho-tographique comme information. Notons quele journal Femina va créer un prix d’aviation,destiné aux aviatrices.

Le 2 juin 1909 à Mâcon, vol du dirigeable Zodiac (So-ciété appartenant au comte de La Vaulx) financé par LePetit Journal dont le nom figure en grosses lettres surl’enveloppe. C’est le début de la publicité aérienne.(Collection Clerget).

Entre la photographie et l’aéronautique, lespremières en France sont nombreuses. FélixTournachon (1820-1910) qui signe ses articles« Nadar » prend en 1858 les premières photo-graphies aériennes depuis un ballon au-dessusde Paris. C’est lui qui crée le journalL’Aéronaute, dont la publication cesse après

seulement cinq numéros, le titre étant cédé àAbel Hureau de Villeneuve qui dirige la So-ciété générale de navigation aérienne. Nadareffectue aussi les premières photographies denuit, grâce à un éclairage artificiel. Son filsPaul Tournachon (1856-1939) est à l’originedu service photographique aéronautique desarmées.

La presse de cette époque contrôle la publicité. Publicitépour les extenseurs Michelin, inventeur du procédé,1902.

En avril 1913, le n° 1 de La Science et laVie, toujours édité en 2008, parle abondam-ment d’aviation. Entre 1905 et 1913, les ama-teurs d’aviation ne se jettent plus surL’Aérophile ou les revues savantesd’aéronautique, onéreuses, mais sur les jour-naux sportifs, plus accessibles, L’Auto, La Vieau Grand Air, le Miroir des Sports, la Revueaérienne, parution officielle de la Ligue natio-nale aérienne fondée en septembre 1908 par lesavant René Quinton (1866-1925) et dont lesvice-présidents sont le mathématicien PaulPainlevé (1863-1933), Henry Deutsch de laMeurthe, Ernest Archdeacon et Paul Renard.

La presse populaire tient entre ses mainsl’opinion et par conséquent fait et défait lescarrières sportives. Les aviateurs les plus re-butés par des déclarations aux reporters depresse (comme Jules Védrines, par exemple)sur leur exploit à bord de leur machine finis-sent par passer sous les fourches caudines dela grande médiatisation.

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Rôle joué par l’Aéro-Club de France

De manière totalement indirecte et presqueinattendue, c’est l’Aéro-Club de France qui vajouer un rôle très particulier dans la créationde l’aéroplane.

En 1898, ce club de sportifs fortunés ama-teurs d’automobile et d’aérostation issu de laréunion de l’Aéro-Club et de l’Aérostatic-Club, succède à La Société françaised’encouragement pour la navigation aérienne.Prenant comme modèle l’Automobile-Club deFrance (1895) et son système de promotion etde propagande par la presse, ses dirigeantsErnest Archdeacon (1863-1950, avocatd’affaires), Léon Serpollet (1858-1907), ingé-nieur, brevet de conducteur automobile n° 1),le comte Albert de Dion (1856-1946, indus-triel), le comte Henry de La Vaulx (1870-1930, industriel), Robert et Paul Lebaudy(industriels du sucre), le comte Henri de LaValette (Inspecteur des travaux publics auxcolonies) et Henry Deutsch de La Meurthe(1846-1919, industriel) soutiennent tout ce quitouche à l’air. Le secrétaire général est Em-manuel Aimé et le trésorier Jacques Faure.

Le premier logo de l’Aéro-Club de France, 1898.

Le périodique officiel de l’institution,L’Aérophile, né en 1893, soutient tout projetaérien et prodigue clairement ses caractéristi-ques et performances. Son rédacteur en chef,de 1896 à 1900 est un scientifique et aéronauterépublicain de grande réputation, Wilfried deFontvieille (1826-1914), puis de 1900 à 1934Georges Besançon 5 (1866-1934). En 1900,l’Aérophile, est lu par plus de 2 000 membresadhérents en France.

L’Aéro-Club de France organise à Parisdes conférences ouvertes à tous. Les premiersconférenciers se nomment Santos-Dumont,

5. Aéronaute et constructeur de ballon, journaliste scrupuleux et de

grande classe, Georges Besançon (1866-1934) fonde en 1888 l’Ecolenormale d’aérostation, en 1889 l’Union aérophile de France, puisl’Etablissement central des constructions aéronautiques. Il lâche en1893 des milliers de ballons-sondes pour l’étude de l’atmosphère.Nommé directeur de l’Ecole supérieure de navigation aérienne en1893, il crée la même année la revue L’Aérophile à l’Aéro-Club deFrance dont il est élu secrétaire général (1906-1934) puis présidentd’honneur.

Louis Blériot, Ferdinand Ferber, Gabriel Voi-sin, Léon Serpollet, Gustave Eiffel.

Ernest Archdeacon en 1905. (Archives de l’Aéro-Clubde France).

Archdeacon qui préside la commission des« plus lourds que l’air » écrit dans Le Vélo en1898 qu’on « volera en 1900 ». Mais, en 1900,rien de tel ne se produit. Le 14 avril, quands’ouvre l’exposition universelle, l’Avion n° 3de Clément Ader y est exposé ; les curieuxdécouvrent une sorte de chauve-souris dont onse demande si elle a volé réellement. Mêmechose à propos du modèle réduit del’aéroplane de l’ingénieur J-C Pompéien Pi-raud exposé le 1er août. Le 19 septembre, auCongrès international d’aéronautique, Deutschde La Meurthe pourtant proclame : « nousespérons qu’avant deux ans les engins auto-mobiles aériens dépasseront en vitesse toutesles automobiles terrestres ».

L’Aéroplane de Léon Levavasseur (1863-1922) à Villo-tran (Oise), en 1903. Encore un échec coûteux (50 000francs) d’un monstre destiné à l’armée.

Après les échecs successifs des projetsabondamment cités dans la presse de l’époquede Clément Ader, de sir Hiram Maxim, de S.P.

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Langley et de Léon Levavasseur, qui tousintéressaient les gouvernements qui les com-manditaient dans un but d’utilisation militaire(ou de propagande), les frères Wright etd’autres pionniers du vol se trouvent privés decrédits, dans tous les sens du terme. Commentprogresser sans l’appui des autorités ?

Champion du monde de vitesse à motocyclette, Alessan-dro Anzani teste la force de traction d’une hélice sur samotocyclette à moteur Buchet, à la demande de ErnestArchdeacon, le 18 septembre 1906. Anzani démontrequ’une hélice adéquate mue par un moteur de seulement6 ch entraîne un poids de 150 kg à 80 km/h, soit avec unrendement de plus de 90 %.

Face à la lenteur des progrès des orthoptè-res, hélicoptères et autres aéroplanes, les diri-geants de l’Aéro-Club de France se lancentdans le mécénat. Le 23 mars 1900, Deutsch deLa Meurthe crée un prix d’aérostation d’unevaleur de 100 000 francs-or (500 000 euros en2008) pour récompenser le premier aéronautequi effectuera le premier le circuit allant duparc de Saint-Cloud à la tour Eiffel et retouren moins d’une demi-heure.

La plate-forme d’essais automobile des hélices du capi-taine Ferber à Chalais-Meudon, novembre 1902. MoteurBuchet de 6 ch, deux hélices bipales. Vitesse : 30 km/h.

Le 16 décembre 1901, le capitaine Ferberpublie pour la première fois dans le magazineAuto Vélo un article sur les engins plus lourds

que l’air, faisant l’apologie du moteur à pé-trole. Le 20 septembre 1902, Edouard de Nié-port écrit au journal Le Gaulois pour obtenircopie des publications de Ferber. La pressejoue un rôle d’intermédiaire, d’informateur,presque d’éducateur. Le 2 avril 1903, le savantfrançais travaillant aux Etats-Unis OctaveChanute révèle aux membres de l’Aéro-Clubde France à Paris les secrets de la machine desfrères Wright. La presse joue maintenant danscette affaire un rôle déterminant.

C’est l’Aéro-Club de France qui va faireavancer les travaux des pionniers français, enpanne de financement, sous la houlette deRodolphe Soreau (1870-1935), ingénieur deschemins de fer et excellent technicien (il seraaussi le 1er président de la Fédération nationaleaéronautique). Le 25 mars 1904, Archdeaconannonce qu’il ajoute 25 000 francs de sa for-tune personnelle aux 25 000 francs déjà pro-posés par Deutsch de La Meurthe au premieraviateur capable d’un vol homologué (contrô-lé) sur un kilomètre, sous réserve que machineet pilote se posent intacts au sol.

Le 24 septembre 1904, L’Aéro-Club deFrance annonce des primes de 1 500 francs aupremier aviateur qui franchira 100 mètrescontre le vent, puis 2 500 francs pour un volsur 250 mètres, 5 000 francs pour un vol sur500 mètres. Le 19 novembre de la même an-née, Archdeacon ajoute à ces primes unecoupe de bronze d’une valeur de 2 500 francs.L’Aéro-Club de France devient la premièreautorité chargée d’enregistrer les performa n-ces du sport aérien et de délivrer les brevets de

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pilote. Les membres de ses commissions sontpassés maîtres pour établir des règlementssportifs indiscutables qui sont reconnus inter-nationalement.

Les commissaires de l’Aéro-Club chro-nomètrent, vérifient et homologuent tous lesrecords. Ils s’intéressent à l’aérostation scien-tifique. Chaque pays moderne se dote d’unestructure similaire 6.

Par la suite, ce rôle de contrôle etd’enregistrement des vols et records est délé-gué à la F.A.I. Instaurée à Paris le 14 octobre1905, la Fédération Aéronautique Internatio-nale (F.A.I.) est une union fédérale de tous lesAéro-Clubs nationaux. Elle contrôle, homolo-gue, enregistre et publie toutes les performan-ces et en particulier tous les records du monde.La F.A.I. existe encore aujourd’hui.

Couverture de L’Aérophile, janvier 1914. La une rap-pelle les exploits des aviateurs français lancés dansl’aventure de la ligne aérienne vers Madagascar passantpar l’est de l’Afrique et qui ont ouvert la ligne Paris – LeCaire.

Durant l’été 1905, las des querelles de spé-cialistes à propose de la puissance motricenécessaire au vol d’un aéroplane, Archdeaconprocède à des essais de force sur la Seine.Encore une tâche menée tambour battant parle promoteur de l’Espéranto, après la questiondu rendement de l’hélice et de la structurecellulaire de l’aile.

6. L’Aéro-Club de Belgique est fondé le 15 février 1901, celui de

Grande-Bretagne le 29 octobre 1901, celui des Etats-Unis le 30 no-vembre 1905. Celui de Russie est créé le 29 janvier 1908 après la fon-dation des clubs d’Allemagne, d’Italie, d’Espagne et de Suisse.

Le 5 janvier 1906 éclate un débat à proposde « l’affaire Wright ». Archdeacon en tantque président de la commission des aéroplanesà l’Aéro-Club de France refuse d’enregistrer levol de 39 km des frères Wright sous prétextequ’aucun commissaire n’était convoqué et queleur machine nécessite une assistance au dé-collage. Cette décision déclenche une avalan-che de courrier dans la presse internationale.Le Britannique Alliott Verdon Roe dans leTimes soutient les Américains que beaucoupcritiquent par ailleurs.

Le 25 août 1906, Deutsch de la Meurthecrée une compétition internationale de vitessepour « tout engin aérien automobile » doncdirigeables et aéroplanes, capable de faire letour de Paris (190,400 km). Trois primes de20 000 francs seront offertes, plus une coupepour un montant total de 70 000 francs.

Le 3 janvier 1908, L’Aéro-Club de Francese lance un nouveau type de récompense, celuide l’amélioration de la sécurité par la mise aupoint d’appareils de sécurité. Le 1er prix va àun simple indicateur de niveau, 500 francs.

Le 7 janvier 1909, l’Aéro-Club de Francedélivre les seize premiers brevets de piloted’aéroplane. A partir de 1910, c’est l’Aéro-Club du pays concerné qui attribue les brevetsaux aviateurs. Au moment de la déclaration deguerre en juillet 1914, un total de 1 712 bre-vets de pilotes a été décerné par l’Aéro-Clubde France, aux aviateurs français comme auxaviateurs étrangers (à peu près aussi nombreuxque les Français) venus passer leur brevet enFrance. Notons qu’entre 1910 et 1913, lespilotes militaires sont formés comme les pilo-tes civils et leur brevet délivré par les commis-saires de l’Aéro-Club de France.

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Mécène, organisateur etpromoteur

Dans leur frénésie d’annonces de prix ver-sés en cas de performance pour un vol, Deuts-ch de la Meurthe et Archdeacon sont imités en1906 par quelques directeurs de journaux,probablement moins désintéressés 7 par lesdirigeants de quelques stations balnéaires etles directeurs des casinos français, eux aussi,désireux d’attirer une clientèle nantie.

Départ des ballons de la Coupe Gordon Bennettd’aérostats depuis le jardin des Tuileries à Paris, été1906. (L’Aérophile).

L’annonce du 9 novembre 1906, par lejournal Le Matin d’un prix de 250 000 francsdestiné à l’aéronautique fait l’effet d’unebombe. Ce prix d’une valeur inhabituellerécompensera le premier engin aérien, aéro-plane ou dirigeable, de construction françaisequi reliera en moins de 24 heures Paris à Lon-dres. Le départ sera donné le 14 juillet 1908 à10 heures du matin. 100 000 francs sont don-nés par le journal français, 50 000 francs par lemarquis de Dion, 50 000 francs par AdolpheClément (Société Clément-Bayard), 50 000 Fpar un dernier mécène, M. Charley.

La machine de Trajan Vuia à Montesson, mars 1906.

7. Ils recherchent l’exclusivité de la couverture médiatique de

l’événement.

Cette annonce est suivie le 17 novembre1906 par celle du patron du Daily Mail, LordNorthcliffe (1865-1922) 8, qui offre un mon-tant identique, 250 000 francs, à toute machinevolante, de préférence un aéroplane, capablede voler de Londres à Manchester (260 km àvol d’oiseau). Lord Northcliffe est le premierpatron de presse à doter son journal d’uncorrespondant aéronautique, Harry harper, dèsl’été 1906. Le prix est ouvert à tout membred’un aéro-club reconnu en 1907 (concoursinternational). S’ajoutent à ce prix une mé-daille d’or offerte par Santos-Dumont, 50 000francs offerts par Adams Manufacturing Com-pany (Antoinette britannique) pour tout appa-reil de fabrication britannique.

En 1907, Peugeot ne produit encore que des bicyclettes,motocyclettes et automobiles. S’ajoutera la productionde moteurs d’aviation en 1908 chez Rossel-Peugeot.

Autres journaux, les Grafic et Daily Graficoffrent 25 000 francs au pilote de la machinevolante qui franchira un mile sur la piste au-tomobile de Brooklands alors en coursd’achèvement. Directeur du journal The Car,Montagu de Beaulieu (1866-1929) 9 offrechaque année 12 500 francs au pilote ayanteffectué le plus long trajet aérien. Ce prix seramis en jeu dès le 1er janvier 1907.

Blériot IVbis à Bagatelle, en 1906. (L’Aérophile).

8. Alfred Charles William Harmsworth, nommé baron de Northcliffe.9. John Walter Edward Douglas-Scott-Montagu, baron Montagu de

Beaulieu.

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Autre épreuve financée par un directeur dejournal, la seconde session de la célèbreCoupe Gordon-Bennett d’aéronautique seradisputée à Saint-Louis aux Etats-Unis le 19octobre 1907. L’auteur du plus long trajetgagnera une coupe d’une valeur de 12 500francs or, plus une prime annuelle en espècesdu même montant et divers allocations. Leconcours est international, ouvert à toutes lesnations. Evidemment, à chaque annonce, lesventes du journal s’envolent.

Aéroplane de Henry Kapférer (1870-1958) neveu deDeutsch de la Meurthe, mars 1907. (L’Aérophile).

Plus modestement, le très sérieux journalScientific American offre 2 500 dollars(13 000 francs) en 1907 au premier aviateurqui franchira 1 km. Le prix est remporté parGlenn Curtiss le 4 juillet 1908. En Francec’est Henry Farman qui boucle le premierkilomètre le 13 janvier 1908 (prix de l’Aéro-Club de France).

Delagrange le 8 avril 1907 à Bagatelle. (L’Aérophile).

Evidemment, si la grande presse reprendles articles de la presse spécialisée en lescommentant, les annonces des prix d’aviationet les résultats à suivre sont l’exclusivité dujournal qui les avance. Le 5 octobre 1908, lepatron du Daily Mail lance un nouveau défi :un prix récompensant le premier aviateur quitraversera la Manche.

De 1909 à 1914, la presse spécialisée de l’automobiledocumente aussi les progrès de l’aéronautique.