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Page 1: L'action sociale en pays de missions. Les institutions de ...Etudes sur les répercussions sociales de la révolution russe de 1905. (Science sociale, fascicules 115, 119, 131.) (Firmin-Didot,
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L'ACTION SOCIALE EN PAYS DE MISSIONS

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DU MÊME AUTEUR

L'avenir de l'Eglise russe (Bloud, 1907). Devoir et Durée, essai de morale sociale (Alcan, 1912). Les nouvelles méthodes d'éducation (Alcan, 1914). Etudes sur les répercussions sociales de la révolution russe de 1905.

(Science sociale, fascicules 115, 119, 131.) (Firmin-Didot, 1914-1918.) Essai sur la conduite des affaires et la direction des hommes. (En colla-

boration avec M. P. Vanuxem.) (Payot, 1919.) La nouvelle éducation française (Payot, 1922). Le chef d'entreprise (Alcan, 1926). La direction des ateliers et des bureaux. (En collaboration avec M. G.

Crespin.) (Alcan, 1927.) Comment faire vivre une entreprise. (En collaboration avec M. A.

Letixerant.) (Alcan, 1928.) Les finances de l'entreprise. (En collaboration avec MM. P. Jeancard

et G. Crespin, 2 vol.) (Alcan, 1929-1930.) La logique du chef d'entreprise (Alcan, 1931). L'homme qui ressuscita d'entre les vivants (Spes, 1928). Un pays neuf : l'Ouest canadien (Valois, 1931). Ceux qui ont faim (Bloud et Gay, 1934). La psychologie au service du chef d'entreprise (Alcan, 1934). Le Cameroun (Payot, 1934). La nouvelle organisation du travail (Bloud et Gay, 1937),

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COLLECTION DE D O C U M E N T S E T DE TÉMOIGNAGES

POUR SERVIR A L ' H I S T O I R E DE NOTRE T E M P S

JOSEPH WILBOIS

L'ACTION SOCIALE EN PAYS DE MISSIONS

SOCIÉTÉ PAIENNE. LES INSTITUTIONS DE NOUVEAUX LA CONVERTIS.

LEUR PRESSION DE CHRISTIANISER SUR LES LE MILIEU SOCIAL NÉCESSITÉ DE

P A Y O T , P A R I S

106, Boulevard St-Germain

1938 Tous droits réservés

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Tous droits de traduction, de reproduction et d 'adaptation réservés pour tous pays.

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AVANT-PROPOS

Dans ce livre nous traiterons souvent de questions mis- sionnaires; cependant, parmi les missions, nous retiendrons seulement celles qui sont établies près de gens dont la civi- lisation est relativement primitive. Nous excluons donc des peuples comme les Chinois et les Arabes; jusqu'ici, malgré maints efforts, la prédication les a peu touchés, les pre- miers faute peut-être de besoins religieux, les seconds peut- être par excès de satisfactions religieuses; chez eux, l'histoire chrétienne n'occupe que quelques pages, sinon quelques lignes, de l'histoire générale. D'autres peuplades, au con- traire, plus barbares et plus humbles, n'ont pas tardé, à l'appel des missionnaires, à ressentir d'ardentes aspirations; la plupart habitent la Mélanésie, l'Amazonie et surtout l'Afrique; là, les métamorphoses de consciences sont nom- breuses; il se peut même que demain l'histoire de la civili- sition africaine soit dominée par des récits de conversions. C'est la richesse de cette matière qui nous invite à nous bor- ner dans cet ouvrage aux seuls Noirs.

Ainsi limitée, la tâche reste immense. Le monde noir est une mosaïque de groupes aussi différents que sont les Sla- ves, les Grecs et les Américains. Personne n'oserait écrire un livre sur l'action sociale dans la race blanche. Composer le livre correspondant sur une race de couleur serait encore plus difficile. Qu'on le conçoive comme une somme, toujours mal classée, ou comme une synthèse, toujours peu nuancée, on ne peut se référer qu'à de rares documents, dont plusieurs sont inédits. Car ici la seule méthode consiste à partir de

monographies complètes, n'eussent-elles pour objets que des fractions de tribus. Or, parmi de tels travaux, s'ils sont d'ethnographie pure, c'est à peine si l'on peut citer les

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recherches d'un Malinowski pour la Mélanésie, d'un Junod pour l'Afrique Australe, d'un Delafosse, d'un Tauxier, d'un Labouret, pour l'A. O. F.; pour la missiologie, il fallait con- sulter de vive voix, sur place ou à leurs passages en France, des religieux ou des religieuses, comme les RR. PP. Boutrais, Jaffré, Mazé ou la R. M. Marie-André du Sacré-Cœur.

C'est ce que nous avons fait. Ainsi nous avons abouti à un texte arlequin. Il résulte de quelques sondages précis reliés par quelques essais de généralisations. La méthode est mé- diocre. Mais c'est la seule qu'on puisse employer aujourd'hui. Et un livre hâtif est dès maintenant indispensable à beau- coup d'hommes d'action, quand ce ne serait que pour les débarrasser de certains préjugés d'Européens. Faute de savoir ce qu'est le Noir, pressentir du moins ce qu'il n'est pas est la meilleure préparation à un voyage ou à un séjour entre les tropiques; sur place, avec un peu d'intelligence et de cœur, on se débrouillera toujours.

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L'ACTION SOCIALE EN PAYS DE MISSIONS

CHAPITRE PREMIER

TROIS PHASES DU DEVELOPPEMENT

DES MISSIONS

Quand les enfants s 'aperçoivent que les contes de fées

ne sont plus vrais, non seulement un monde de rêve

s'écroule, mais le monde réel lui-même semble ébranlé,

car ceux en qui ils avaient eu confiance ont ment i : c'est

leur première catastrophe mentale. A moi aussi, dans

mon enfance, on avait dit d 'étranges belles choses : ainsi,

pour sauver de petits Chinois que leurs parents avaient

abandonnés et qui r isquaient d 'être mangés p a r les

cochons, je devais, au profit des missionnaires, découper

les t imbres des lettres que nous recevions et garder le

pap ie r d 'étain qui enveloppait mes chocolats. Longtemps

j 'obéis : peut-être même essayai-je de compter les créa-

tures ainsi sauvées : jusqu 'au jou r où, au catéchisme, on

commença de m ' a p p r e n d r e ce que c'est que le salut. Ce

fut la chute de mon premier univers. E n vérité, le pr ix

d 'une âme m ' a p p a r u t trop grand pour que je pusse le

payer avec l 'hypocrite sacrifice de ces bouts de papie r

retirés du panier. Il y avait dans les missions quelques

secrets augustes auxquels je n'étais pas initié. On m'avai t

trompé. Mais aussi j 'avais été complice. En pré tendant

collaborer à si peu de frais, je m'étais moqué de l'apos-

tolat. Ce péché d 'enfance devait être expié avant mon âge

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mûr. Cependant, comme je grandissais, on continuait à

m e masquer les problèmes missionnaires. Là-bas les apô-

tres avaient trop de travail et trop de pudeur pour noter

tous leurs hauts faits; les hommes qui chez nous en rédi-

geaient l 'histoire les réduisaient souvent, faute d'avoir

voyagé, soit à d 'arides nomenclatures, soit à des aven-

tures mièvres de petits chrétiens qui baptisaient leurs

f rères malades ou de polygames qui renonçaient à leurs femmes à l 'article de la mor t ; et bien des fidèles de la

métropole profitaient de ce camouflage pour n 'expédier

outre-mer, comme cadeaux, que des hardes déchirées, des

livres démodés et des statues de saints laissées pour

compte : tout cela serait assez bon pour des sauvages.

Apparente piété cr iminel lement injurieuse. Non, les mis-

sions ne pouvaient pas être des paroisses de seconde

zone; il était invraisemblable que leurs prêtres fussent

les francs-t ireurs du clergé; leur oeuvre rappela i t plutôt

celle des premiers convertisseurs de l 'Empire romain.

L'Eglise d 'outre-mer serait ainsi la part ie la plus vivante

de l'Eglise universelle. Mon devoir était de l 'étudier, non

seulement pour elle-même, mais pour les leçons que

beaucoup de mes pareils en pouvaient t irer en vue de

l eur apostolat européen. Je me mis donc à interroger des

religieux revenant des pays infidèles. Je finis p a r al ler les

voir, pasteurs ou observateurs, auprès d 'Indiens du

Canada, de Musulmans de l 'Afrique du Nord, de Noirs

de langues sénégalaises ou bantou. Et voici comment je

me représente au jourd 'hu i ce que l'Eglise est en t ra in

d 'accomplir pour répondre au testament du Seigneur :

« Allez, enseignez toutes les nations. »

Beaucoup de missions catholiques ont passé p a r trois

phases :

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1° Une phase de préparat ion.

2° Une phase de développement extensif.

3° Une phase de pénétrat ion intensive.

A la vérité, toutes les missions n 'ont pas f ranchi les

trois étapes. Certaines d 'entre elles en sont encore à la

première : ce sont, p a r exemple, des missions récentes

dans des pays très sauvages comme certaines part ies de

la Mélanésie. D'autres ont pa rcouru la première et la

seconde, mais, faute de personnel p a r exemple, elles

n 'ont pu at te indre la troisième, et tout le t ravai l com-

mencé a été perdu : c'est le cas, entre autres, du Japon au dernier siècle. D'autres missions enfin sont entrées, ou

sont sur le point d 'entrer, dans la troisième période :

telles p a r exemple celle de l 'Ouganda, du Congo belge,

du Cameroun. C'est de cette histoire, la plus complète de

toutes, que nous allons décrire, ou plutôt schématiser les

trois p r inc ipaux moments.

Première phase : phase de prépara t ion .

Le missionnaire débarque dans un pays tout nouveau.

Il ignore la langue, les usages, le climat. Il n'est pas connu; ou il a le m a l h e u r d'être connu comme Blanc,

c'est-à-dire comme a p p a r e m m e n t semblable à d 'autres

hommes venus il y a quelques années pour exiger l ' impôt, commander des corvées ou enlever des femmes. C'est

pourquoi, pendant quelque temps, on fait grise mine aux

missionnaires. Tel chef ne leur donne que parcimonieuse-

ment du ter ra in ou des vivres; dans tel village on leur dit

car rément qu 'on ne veut pas les écouter ou à leur appro- che on se sauve. Les uns meuren t mar ty r s ou meuren t

de fièvre, ou s'étiolent dans un épuisement précoce. Les

autres, ceux qui ont bonne santé et qu'on ne tracasse pas,

se font, pour vivre, agriculteurs ou chasseurs et occupent

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des loisirs trop longs à leur gré en devenant linguistes ou ethnographes. C'est la période héroïque. On y compte par dizaines les Augouard et les Damien. C'est celle qu'on connaît le mieux, parce que ces sacrifices humbles ou éclatants ont mérité d'être inscrits dans les annales. Mais

il est de la vie apostolique comme de la vie militaire : les plus grands héros se manifestent dans les déroutes. Il faut s'être entretenu avec les derniers survivants de cet

âge pour s'imaginer les difficultés de celle de leurs tâches qui est de beaucoup la plus facile : faire, pour arriver à son poste, huit cents kilomètres, à pied, sur des sentiers coupés de rivières sans ponts, sous le soleil de l'équateur, avec des aliments insuffisants, au milieu d'insectes dan- gereux, guettés par des indigènes qui méditent votre perte : les civilisés que nous sommes ne sauront jamais pleinement les mérites inclus de cette formule : ouvrir un chemin et tomber au bout. Ils sauront encore moins à

quel point ces mérites peuvent être féconds. Seuls quel- ques croyants affirmeront que les vertus de ces serviteurs inutiles s'inscrivent dans une comptabilité surnaturelle, pour constituer un mystérieux capital dont les dividendes seront touchés par de lointains successeurs.

Deuxième phase : phase du développement extensif. Cependant les pères ont fini par rendre quelques ser-

vices. Ils ont fondé un dispensaire ou une école, et on trouve qu'ils possèdent de bons secrets pour instruire ou guérir. Ou bien les quelques Noirs qu'ils ont formés, sou- vent des captifs rachetés, savent un métier, portent des pantalons, et c'est la meilleure des publicités que cette brusque transformation d'un esclave en notable. Un beau jour les méfiances sont tombées : le père a le droit de prêcher. Pour les Noirs, qui distinguent moins bien que

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nous le profane du sacré, le Blanc qui a de si belles recet- tes ne peut manquer d'avoir une aussi belle doctrine. On ira à ses sermons pour se dégrossir à tous égards. Certes il est des opposants irréductibles. Les vieux, qui vivent du travail de leurs femmes et des corvées de leurs neveux, sentent qu'ils n'ont rien à gagner à la civilisation nou- velle. Mais les jeunes gens et les jeunes filles, qui ont vu des automobiles, palpé de la monnaie, peut-être deviné la tendresse conjugale de certains Européens, accueillent leur prêtre comme un libérateur. Il serait exagéré de dire que dès les premières instructions ils souhaitent de vivre chastes ou de pardonner les injures. Le sermon ne les a pas encore convaincus : il a fait moins et plus : il les a emballés. En bons fétichistes ils réclament la métamor-

phose que doit produire le baptême. Baptisés, instruits, invités par la grâce, mais n'ayant dépouillé le vieil homme qu'à demi, ils demandent comme des affamés la confession et la communion. Les pères, qui naguère souf- fraient d'inaction, se trouvent tout à coup débordés par le ministère. C'est l'époque d'une moisson dont l'abondance dépasse l'ardeur des ouvriers. Epoque qui commence aussi d'être connue. On la célèbre par des photographies ou par des statistiques; les premières représentent, soit des églises si pleines qu'on entend l'office du dehors à tra- vers les fenêtres ouvertes, soit des sermons en plein air devant une mer de têtes qu'on ne peut pas compter; les secondes se traduisent par des courbes rapidement mon- tantes où s'inscrivent les nombres cent mille, deux cent

mille, un million. Ici pas de martyrs, mais un triomphe dont on ne trouve peut-être pas d'équivalent dans l'his- toire.

Certains doutent, sinon de la sincérité des statistiques, du moins de la solidité des conversions. Au Cameroun,

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par exemple, les religieux allemands, qui n'avaient connu que la période des longues semailles, nous ont laissé vingt-cinq mille fidèles. Aujourd'hui on en compte douze fois plus. C'est pourquoi certains Européens, même prêtres, auraient préféré qu'on fît moins de chrétiens, mais qu'on les préparât mieux. Leur raisonnement est correct, mais l'expérience leur a donné tort. Dans les pays comme l'Afrique, qui sont communautaires, il est très difficile à un membre d'une communauté de famille ou

de village de se distinguer de ses voisins : l'opinion publi- que est implacable : toute originalité passe pour une impiété. Passait du moins à l'époque où l'Afrique n'avait pas encore reçu des Européens des exemples de non- conformisme. Alors les conversions individuelles ne pou- vaient être qu'extrêmement rares : il eût été plus aisé de convertir tout un groupe. Cela signifie que, quand la masse a une religion dont elle est fière, elle ne se convertit pas du tout : en Afrique du Nord, la plupart des baptisés, Arabes ou Berbères, sont des orphelins. Si au contraire les Indigènes ne sont pas des civilisés, les conversions massives sont possibles. Alors l'apostolat consiste d'abord à créer dans un village une atmosphère chrétienne, au point que l'air païen paraisse irrespirable. Sans doute ces gens, qui se sont fait baptiser d'enthousiasme, vont-ils avoir des défaillances, dues à d'antiques habitudes qu'on n'a pas pu extirper d'un coup. Mais leurs enfants, qui, dès leur naissance, n'auront connu que le christianisme,

pourront subir plus facilement une action catholique plus profonde. S'ils avaient été les enfants de chrétiens épars, ils auraient risqué d'être vite repris par le paganisme de la majorité. Ce n'est pas sans lutte que les pères se rési- gnent à former une génération de chrétiens souvent assez médiocres, pour que leurs successeurs puissent consti-

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tuer, à la seconde génération, une chrétienté supérieure; parfaire l'avenir en bâclant le présent suppose une pro- fonde compréhension de la communion des saints.

Naturellement, dans cette phase, les apôtres n'ont plus besoin des adjuvants, comme l'hôpital ou l'école, qui ser- vaient précédemment d'appât pour arriver à la chapelle. La chapelle, souvent reconstruite et toujours trop petite, est un centre d'attraction qui se suffit. La plus grande partie de la vie du prêtre se passe entre la chaire, le confessionnal et l'autel. Il a conscience d'agir avec la trépidante fatalité d'un instrument. On dirait qu'il souffle une tempête de grâce.

Troisième phase : phase de pénétration intensive.

C'est alors qu'on s'aperçoit qu'on est en train d'achever une époque de transition. D'une part les Noirs, qu'on a pu comparer sans trop d'inexactitude à des hommes- enfants, manquent avant tout de persévérance : leur fer- veur se refroidit assez vite : ils ont trouvé les mystères admirables, ils trouvent les pratiques rebutantes. D'autre part les missionnaires, qui souvent ont passé au confes- sionnal trois pleines journées par semaine et encore n'ont pu y consacrer à chaque pénitent qu'une ou deux minu- tes, sentent le besoin d'avoir sur leurs fidèles une action plus personnelle et plus constructive : ils voudraient con- naître Charles ou Catherine de plus près, ils voudraient installer ou faire installer pour tous les Charles et pour toutes les Catherines des cadres, matériels, juridiques ou

humains, qui leur permissent d'être complètement et aisément chrétiens à toutes les heures de leur existence.

Quels peuvent être ces cadres ? Matériels : des salles de patronage? Juridiques : des statuts de confréries?

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Humains : un plus nombreux clergé européen ou indi- gène ? Au premier abord on est tenté de transporter, dans les vicariats apostoliques des colonies, toutes les œuvres des diocèses de la métropole. Le projet ne paraît point condamnable. Il est à coup sûr insuffisant.

C'est qu'entre notre pays et les pays tropicaux ou équa- toriaux existe une double différence.

1° La France, en dépit des apparences, est encore un pays chrétien. Elle l'est surtout par comparaison avec l'Afrique. Le plus souvent, un Français athée met dans ses pratiques journalières plus de christianisme qu'un Noir baptisé.

Ce paradoxe a besoin d'être prouvé. Pour y réussir, il faut distinguer les actes des hommes selon la nature des groupes sociaux auxquels ils appartiennent. Il en est trois principaux. Chacun de nous fait partie d'une famille, d'une profession, d'une nation. Famille du Français comme de l'Africain; profession du Français comme de l'Africain; mais le Français seul est citoyen; dans une colonie, en effet, le gouvernement est étranger; même avant qu'il ne s'installât, il n'existait, le plus souvent, sous le nom de tribus ou de fractions, que des Etats embryon- naires; quand des Empires avaient réussi à se constituer, ils ne comprenaient pas des citoyens, mais des sujets. C'est donc uniquement dans la famille et dans la profes- sion que nous pouvons comparer les deux races.

Or, dans l'ordre familial, croyants ou non-croyants, la

plupart des Français admettent l'égalité des deux sexes, le libre choix des époux, le mariage monogame. Au con- traire, les Noirs baptisés d'hier n'ont pu encore se débar- rasser de leurs vieilles coutumes : supériorité de l'homme sur la femme, achat de la fiancée, polygamie. Dans l'or- dre économique, en Europe, croyant ou non-croyant,

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l'homme est dans le ménage le principal travailleur, et c'est un travailleur consciencieux et persévérant. En Afrique, l'homme fait volontiers besogner sa femme plus que lui-même et, s'il aime parfois donner un coup de collier, il est rarement capable de labeur continu ou d'ouvrage bien fait. Ainsi entre les deux civilisations le contraste est à peu près complet. D'ailleurs civilisation est ici presque synonyme de religion. C'est le christia- nisme qui, chez nous, dès la fin de l'Empire romain, a réhabilité le travail et, plus encore, a donné à la famille sa forme. Beaucoup de nos athées n'ont d'athées que leurs croyances. Dans leur pratique, ce sont des chrétiens qui s'ignorent.

Cette formule paraîtra trop optimiste à ceux d'entre nous qu'indigne « la décadence des mœurs européen- nes ». L'individualisme de la Renaissance, la lutte des classes du XIX siècle, les Etats totalitaires du XX siècle,

autant de tares qui se sont ajoutées à nos caractères ori- ginels et qui ne sont point des fruits évangéliques. Nous l'accordons sans peine. Certaines de nos plaies devraient être traitées au fer rouge. Mais en ce moment nous ne cherchons point à guérir l'Europe. Nous nous contentons de la comparer aux régions intertropicales d'Afrique, d'Amérique ou d'Océanie. Or tout Occidental qui a un peu voyagé rapporte, malgré la sympathie la plus ardente pour les Barbares, l'orgueil de posséder sur eux une dou- ble supériorité : chez lui on sait travailler, chez lui on sait aimer : le morceau d'Europe que nous habitons demeure, entre tous, le continent sanctifié.

C'est sur quoi peut s'appuyer l'Eglise. Certes elle lut- tera contre une législation, comme celle du divorce, qui attaque la constitution chrétienne de la famille, ou contre un régime économique qui, abandonnant les salaires à la

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Général de division AYMÉRICH, commandant les troupes françaises d'opération et les contingents du Congo belge, commissaire du Gou- vernement au Cameroun. — L a Conquête du Cameroun, 1 aoùt 1914-20 lévrier 1916 22 »

Général BADEN–POWELL. — Mes Aven tu res de chasse, de guerre et d 'espionnage 18 »

JOSECU-BARTHÉLEMY, membre de l'Institut, professeur agrégé à la Faculté de droit de Paris. — Le Gouvernement de la France 20 »

G. G. BESLlER. — Le Sénégal (Médailles de la Société de Géographie de Paris et de la Sociéte de Géographie commerciale). Ouvrage cou- ronné par l'Académie française 16 50

PIERRE CLERGET, directeur de l'École supérieure de commerce et de l'Ecole de préparation coloniale de Lyon, et MARCEL CLERGET, doc- teur ès-lettres, professeur au Lycée de Saint-Etienne. — La France dans le monde. 32 »

COISSAC DE CHAVREBIÈRE, ex-professeur au Collège musulman de Babat. — His to i re du Maroc. Ouvrage couronné par l'Académie française 50 »

A. DAUZAT, directeur d'etudes à l'École pratique des Hautes Etudes. — His to i re de la l angue française. Ouvrage cuuronnépar l'Académie. française 50 »

LOUIS-PAUL DESCHANEL. — Histoire de la Po l i t i que exter ieure de la France , 806-1936. Préface de W. d'Ormesson 30 »

ALBERT DUCHENE, directeur honoraire des affaires publiques au Ministère des Colonies. — La Po l i t ique coloniale de la France. Préface de M. Gabriel Hanotaux, ancien ministre des affaires étrangères 40 »

— His to i re des finances colonia les de la France 40 » GUSTAVE GAUTHEROT, professeur aux Facultés libres de Paris. — La Con-

quête d 'Alger , 1830. Préface de M. Louis Bertrand, de l'Académie française 22 »

E. F. GAUTIER, professeur honoraire de l'Université d'Alger. — Le Sahara 27 » — Figures de conquêtes coloniales. Trois héros. Le général Laperrine.

Le Père de Foucauld. Prince de la Paix 16 50 Général E. HOWARD GORGES, commandant le " West African Regiment

1914-1916. — La Guerre dans l 'Ouest africain. Togo, août 1914- Cameroun, 1914-1916 20 »

HENRI A. JUNOD, de la mission suisse-romande en Afrique du Sud. — Mœurs et Coutumes des Bantous. Tome 1 : vie sociale. Tome Il : vie mentale. Les 2 vol. ensemble 132 »

CLAUDE LENOIR, aumônier du groupe du Collège Stanislas (Paris). — Le Scoutisme français. Préface du R. P. Forestier, aumônier général des Scouts de France 25 »

Général VON LETTOW-VORBECK, commandant eu chef des troupes alle- mandes dans l'Est-Africain. — La Guerre de Brousse dans l 'Est afr icain, 1914-1918 27 »

ARTHUR PELLEGRIN, membre du Grand Conseil de la Tunisie. — L'Islam dans le monde. Dynamisme politique. Position de l'Europe et de la France 2 »

VICTOR PIQUET. — Histoire des Colonies françaises 30 » C.G. SELIGMAN, professeur d'ethnologie à l'Université de Londres. — Les

Races de l 'Afr ique 22 » LOUIS TAUXIER, administrateur des colonies en retraite, bibliothécaire

archiviste de la Société des Africanistes. — Mœurs et His toi re des Peu l s 75 »

D. WESTERMANN, directeur de l'Institut international des langues et civi- lisations africaines. — Noirs et Blancs en Afr ique 30 »

JOSEPH WILBOIS, directeur de l'Ecole d'Administration et d'Affaires. — Le Cameroun. Ouvrage couronné par l'Académie française et par la Société de Géographie 18 »

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