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Chapitre 1 La construction de l’ensemble des nombres réels R 1.1 Introduction Dès le collège, on apprend à manipuler les racines carrées, en particulier en relation avec le théorème de Pythagore. Le lycée fait ensuite la part belle aux études de fonctions définies sur R éludant la réalité d’un nombre réel pour n’en conserver que l’aspect purement intuitif. Il peut alors sembler curieux d’apprendre ce qu’est une fonction continue, qui, dans l’esprit possède une courbe "traçable" sans lever le crayon.sans se poser la question de la continuité de l’ensemble de départ qu’est R.La continuité d’une fonction suppose que sur un intervalle donné, la courbe ne possède pas de trou,.mais si c’était l’intervalle de départ qui possèdait des trous??? Il en serait sans doute de même de la courbe. Si on traçe une courbe dont l’ensemble de départ est une partie de Q, la notion de continuité n’a aucun sens. Cette démarche fut similaire dans l’histoire de math, c’est à dire que l’idée de continuité de R a de loin précédé sa construction rigoureuse. Un des premiers problèmes qui se posèrent aux mathématiciens grecs fut de construire, à partir d’un carré, un carré d’aire double. Quelle doit être la longueur du côté de ce nouveau carré? Les mathématiciens de l’antiquité, qui attendaient bien évidemment un résultat numérique sous forme décimale s’aper- çurent, mais après de longues recherches, que le problème n’avait pas de solution. On pouvait certes construire ce carré en utilisant la diagonale du premier, mais cela ne répondait pas à la question numérique; et pour cause, il n’y a pas, et vous le savez bien, de solution, puisque 2 n’est pas un nombre rationnel. Nous en devons la démonstration, donnée ci-dessous, aux Pythagoriciens (VI ` eme siècle avant Jésus-Christ). 1.1.1 Irrationnalité de 2 Il s’agit de démontrer qu’il n’existe aucun nombre rationnel q tel que q 2 =2. Lemme 1.1. Nous aurons besoin de la proprité suivante : pour tout entier naturel n,n 2 est pair si et seulement si n l’est. n N,n 2 pair n pair. Condition nécessaire : Procédons par contraposition en supposant n impair. Il existe donc un entier k tel que n =2k +1 n =2k +1 n 2 =4k 2 +4k +1 n 2 =2 ( 2k 2 +2k ) +1. Ainsi, il existe k entier tel que n 2 =2k +1 avec ( k =2k 2 +2k qui est entier) On a donc démontré que n impair n 2 impair qui prouve par contraposition que n 2 pair n pair. 1

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Chapitre 1

La construction de l’ensemble des nombresréels R

1.1 Introduction

Dès le collège, on apprend à manipuler les racines carrées, en particulier en relation avec le théorème de Pythagore.Le lycée fait ensuite la part belle aux études de fonctions définies sur R éludant la réalité d’un nombre réel pour n’enconserver que l’aspect purement intuitif. Il peut alors sembler curieux d’apprendre ce qu’est une fonction continue, qui,dans l’esprit possède une courbe "traçable" sans lever le crayon.sans se poser la question de la continuité de l’ensemble dedépart qu’est R.La continuité d’une fonction suppose que sur un intervalle donné, la courbe ne possède pas de trou,.maissi c’était l’intervalle de départ qui possèdait des trous ? ? ? Il en serait sans doute de même de la courbe. Si on traçe unecourbe dont l’ensemble de départ est une partie de Q, la notion de continuité n’a aucun sens.

Cette démarche fut similaire dans l’histoire de math, c’est à dire que l’idée de continuité de R a de loin précédé saconstruction rigoureuse. Un des premiers problèmes qui se posèrent aux mathématiciens grecs fut de construire, à partird’un carré, un carré d’aire double. Quelle doit être la longueur du côté de ce nouveau carré ?

Les mathématiciens de l’antiquité, qui attendaient bien évidemment un résultat numérique sous forme décimale s’aper-çurent, mais après de longues recherches, que le problème n’avait pas de solution. On pouvait certes construire ce carréen utilisant la diagonale du premier, mais cela ne répondait pas à la question numérique ; et pour cause, il n’y a pas,et vous le savez bien, de solution, puisque

√2 n’est pas un nombre rationnel. Nous en devons la démonstration, donnée

ci-dessous, aux Pythagoriciens (VIeme siècle avant Jésus-Christ).

1.1.1 Irrationnalité de√2

Il s’agit de démontrer qu’il n’existe aucun nombre rationnel q tel que q2 = 2.

Lemme 1.1. Nous aurons besoin de la proprité suivante :

pour tout entier naturel n, n2 est pair si et seulement si n l’est.

∀n ∈ N, n2 pair ⇔ n pair.

Condition nécessaire : Procédons par contraposition en supposant n impair.

Il existe donc un entier k tel que n = 2k + 1

n = 2k + 1⇒ n2 = 4k2 + 4k + 1

⇒ n2 = 2(2k2 + 2k

)+ 1. Ainsi, il existe k′ entier tel que n2 = 2k′ + 1 avec ( k′ = 2k2 + 2k qui est entier)

On a donc démontré que n impair ⇒ n2 impair qui prouve par contraposition que n2 pair ⇒ n pair.

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 2

Condition suffisante : n pair ⇒ n = 2k donc n2 = 2× 2k2 avec 2k2 entier. donc n2 est pair aussi.

Démonstration

Démontrons maintenant la propriété proprement dite, et supposons qu’il existe un tel rationnel et quea

bsoit son

représentant irréductible.

On a donc(ab

)2= 2 avec a et b premiers entre eux, c’est à dire ne possédant pas de diviseur commun autre que 1.

Retenons en particulier, car ce sera la clé de la démonstration qu’ils ne peuvent pas être pairs tous les deux.

(ab

)2= 2⇒ a2 = 2b2 qui est un nombre pair. D’après le lemme ci-dessus, a est donc pair.

Ainsi, a = 2k et donc(ab

)2= 2⇒ 4k2

b2= 2 donc 2b2 = 4k2.

On en déduit évidemment que b2 = 2k2 qui est pair et donc que b est pair d’après le lemme.

La contradiction apparaît alors facilement puisque a et b étant tous deux pairs,a

bn’est pas irréductible.

1.1.2 L’idée de Dedekind

Dedekind, mathématicien allemand né en 1831 et mort en 1916, utilisa la représentation des nombres sur une droite,la droite numérique à laquelle nous sommes maintenant habitués, pour visualiser les nombres qu’il connaissait à l’époque :les entiers et les rationnels. Il remarqua en particulier, que, aucun rationnel n’ayant 2 pour carré, si on représente lesrationnels sur cette droite, on aura forcément un petit trou à l’endroit de

√2 (attention cette notation n’existe pas encore).

Et, p et q étant deux rationnels encadrant cette valeur, même si Q est dense, c’est à dire qu’on peut placer une infinitéde rationnels entre p et q, aucun ne viendra "boucher exactement" le trou en

√2.

C’est ce besoin de continuité qui l’amena à concevoir le nombre réel ; mais comment le définir exactement et surtoutrigoureusement ?

1.1.3 Les coupures de Dedekind

Dedekind eut alors l’idée d’appeler coupure (nous en verrons une définition rigoureuse et plus générale ultérieurement),l’ensemble de rationnels défini par exemple par : S√2 =

{x ∈ Q+, x2 < 2

}∪Q− Remarquons tout de même que les réels

n’étant pas encore définis, cette notation√2 n’a aucun sens et S√2 est en fait un anachronisme. De plus, toujours en

utilisant un vocabulaire encore interdit (car utilisant des concepts non encore définis) S√2 est l’ensemble des rationnels

contenus dans l’intervalle]−∞;

√2[). On conçoit que cette coupure définit le nombre

√2 bien que celui-ci n’appartienne

pas à la coupure. On aurait envie de dire qu’il en est la borne supérieure, mais là encore, cela suppose le nombre réeldéfini. On montrera même que cette coupure définit d’une manière bijective ce nombre, c’est à dire qu’à

√2 correspond

la coupure S√2 et qu’à S√2 correspond le réel

√2. C’est cette correspondance bijective qui permettra de donner comme

définition de√2, la coupure S√2, . Un réel (irrationnel ici) est défini comme un ensemble infini de rationnels. C’est certes

un peu abstrait, mais seule l’efficacité compte, et ici, elle est grande.

Ce n’est pas la première fois qu’une correspondance bijective permet d’assimiler des objets d’essences différentes. Parexemple le point se confond avec son couple de coordonnées cartésiennes, le complexe avec son couple partie réelle, partieimaginaire, mais aussi avec le couple module argument (modulo 2π). Dans Q, on confond aussi le rationnel p

qavec le

couple (p, q) . Bref, ici, on confondra√2 et S√2.

Mais Dédekind eut aussi l’idée de coupures plus simples ; par exmple, r érant un rationnel quelconque, on peut définirla coupure Sr = {x ∈ Q, x < r} . De la même manière que S√2 permettait de définit

√2, Sr permettra de définir r. On

voit donc que les coupures permettront aussi de redéfinir les rationnels en tant que réels.

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 3

Il est important de bien remarquer dès maintenant que la coupure S√2, ensemble de rationnels, ne possède pas de plusgrand élément, ni de borne supérieure dans Q. La coupure Sr , elle, ne possède pas de plus grand élément mais possèdeune borne supérieure dans Q.

Cette non existence de plus grand élément sera en effet une des propriétés qui permettront de définir les coupures.

1.1.4 Quelques propriétés de S√2

Proposition 1.1. S√2 ={x ∈ Q+, x2 < 2

}∪Q−, ne possède pas de plus grand élément.

Démonstration

Par l’absurde ; Soit M le plus grand élément de S√2. On a alors M ∈ Q et M2 < 2

On a de plus M > 0 (car 0 ∈ S√2 et M étant le plus grand élément de S√2,M > 0)

Posons a =M(M2+6)3M2+2 et montrons que a ∈ S√2 et a > M.

En effet, a−M =M(M2+6)3M2+2 −M =

2M(2−M2)3M2+2 . Or M2 < 2⇒ a−M > 0 donc a > M.

De plus, a2 − 2 =(M(M2+6)3M2+2

)2− 2 = M6−6M4+12M2−8

(3M2+2)2=(M2−2)3

(3M2+2)2

Or M2 < 2⇒ a2 − 2 < 0 donc a ∈ S√2.

a ∈ S√2 et a > M contredit l’hypothèse : M est le plus grand élément de S√2.

Proposition 1.2. S√2 ={x ∈ Q+, x2 < 2

}∪Q−, ne possède pas de borne supérieure dans Q

La proposition énoncée ci-dessus est fondamentale, même si sa démonstration présente peu d’intérêt. Elle prouve eneffet qu’un ensemble de rationnel, non vide et majoré peut n’avoir pas de borne supérieure ; c’est dans l’esprit à causede cette lacune que Q présente des discontinuités. Nous verrons par contre que dans R, toute partie non vide et majoréepossède une borne sup. En ce qui concerne S√2, considéré cette fois comme un ensemble de réels (et non plus de rationnels),

on démontrera qu’il admet une borne supérieure dans R. Celle-ci est√2 vous l’aviez compris.

Démonstration

Rappelons que la borne supérieure d’un ensemble est le plus petit des majorants de l’ensemble. S√2 n’ayant pas de plusgrand élément, le plus petit majorant, s’il existe et est rationnel, ne peut pas appartenir à S√2. C’est donc forcémentun rationnel positif dont le carré est supérieur ou égal à 2. L’idée de la démonstration est alors de montrer dans unpremier temps que tous les rationnels positifs dont le carré est supérieur ou égal à 2 sont des majorants de S√2 ; on

dirait aujourd’hui :

x2 ≥ 2x > 0x ∈ Q

⇒ x >√2 .

Puis on procèdera par l’absurde en supposant que y0 est la borne supérieure rationnelle de S√2 et on montrera qu’ilexiste un rationnel y positif, dont le carré est supérieur à 2 (c’est donc un majorant de S√2), et inférieur à y0. Celacontredit évidemment l’hypothèse y0 borne supérieure de S√2.

⋆ Montrons donc que tous les rationnels positifs dont le carré est supérieur ou égal à 2 sont des majorants de S√2.

En effet, soit y un tel nombre, c’est à dire

{y > 0y2 ≥ 2 , alors pour tout x de S√2,

{x2 < 2y2 ≥ 2 ⇒ x2 < y2

Or y > 0 ; on a donc ◦ soit x < 0 et donc forcément x < 0 < y donc x < y

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 4

◦ soit x > 0 et alors x2 < y2 ⇒ x < y (propriété de Q)

Dans tous les cas, donc pour tout x de S√2 on a y > x. Donc y majore S√2.

⋆ Supposons maintenant que le rationnel y0 soit la borne supérieure de S√2.On sait qu’alors y0 ∈ Q et y20 ≥ 2. On a

même y20 > 2(car aucun rationnel n’a 2 pour carré) et y0 > 0.

Soit y un autre majorant rationnel de S√2. Montrons qu’on peut trouver 0 < y < y0, c’est à dire a ∈ Q+∗ tel que

y = y0 − a. qui majore encore S√2. Pour cela, trouvons un a tel que : (y0 − a)2> 2 avec y0 − a > 0⇒ a < y0.

En effet, (y0 − a)2 > 2⇔ y20 − 2ay0 + a2 > 2

⇔ 2ay0 < y20 − 2 + a2

Si on choisit a tel que 2ay0 < y20 − 2, on a y20 − 2ay0 − 2 > 0⇒ y20 − 2ay0 − 2 + a2 > a2

⇒ (y0 − a)2 > a2 + 2 donc (y0 − a)2 > 2

Ainsi, en choisissant 0 < a <y20 − 22y0

on est assuré que (y0 − a)2 > 2 ( on pourra vérifier qu’on a alors y = y0− a > 0)

Cette condition suffisante étant remplie on a alors

{y2 > 2y > 0

, donc y majore S√2.

Comme de plus

{y = y0 − aa > 0

⇒ y < y0, y0 n’est plus la borne supérieure de S√2 ce qui contredit l’hypothèse.

Il reste à justifier que ce choix de a ∈]0;y20 − 22y0

[est possible par la densité de Q.

1.2 Définition des nombres réels

1.2.1 Les données du problème

(Q,+) est un groupe commutatif (c’est à dire que l’addition dans Q est associative, commutative, admet un élémentneutre 0 et que tout rationnel admet un symétrique dans Q ). De plus, Q est totalement ordonné par ≤, et dense, c’est àdire qu’entre deux rationnels, on peut toujours en placer un troisième (donc de proche en proche une infinité).

Mais, toute partie majorée de Q n’admet pas forcément une borne supérieure ( S√2 par exemple) . On va donc créerR pour remédier à cela. On dira alors que (R,+) est un groupe parfait.

1.2.2 Sections de Q

Les coupures de Dedekind sont volontiers appelées aujourd’hui des sections.

On appelle section de Q toute partie S de Q possédant les propriétés suivantes :

1. S �= ∅ et S �= Q (on dit que S est une partie propre de Q)

2. ∀ (x, y) ∈ Q2,{x ∈ Sy ≤ x ⇒ y ∈ S (notons qu’il s’agit ici de l’ordre défini sur Q)

3. S n’a pas de plus grand élément.

On retrouve ainsi clairement les propriétés vue ci-dessus au cours de la présentation des coupures de Dedekind.

On peut ainsi montrer facilement que S√2 est une section.(les deux premiers points sont faciles, le troisième a déjàété démontré).

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 5

Exemple 1.1. Pour tout rationnel r, Sr = {x ∈ Q, x < r} est une section

Démonstration

1. r − 1 ∈ Sr ⇒ Sr �= ∅ et r + 1 > r⇒ r + 1 /∈ Sr donc Sr �= Q

2. ∀ (x, y) ∈ Q2,{x ∈ Sr ⇒ x < r

y ≤ x ⇒ y < r⇒ y ∈ Sr (transitivité de ≤ dans Q)

3. Par l’absurde, soit M le plus grand élément de Sr :

{M < rM ∈ Q ;∃M ′ ∈ Q , M <M ′ < r (densité de Q)

Ce qui contredit l’hypothèse M est plus grand élément de Sr

Toute section est strictement majorée

Théorème 1.1. Un rationnel qui n’appartient pas à une section majore strictement cette section ; une section étantdifférente de Q, un tel majorant existe, et toute section est donc strictement majoréeSoit S une section de Q. ∀x ∈ Q, x /∈ S ⇒ ∀y ∈ S, x > y.

Démonstration

Soit S une section de Q .

∀x ∈ Q, mais x /∈ S. Supposons qu’il existe un y de S tel que x ≤ y, d’après le second point de définition d’une section,on a alors x ∈ S, ce qui contredit l’hypothèse.

1.2.3 Définition de l’ensemble R des nombres réels

On appelle ensemble des nombres réels noté R, l’ensemble des sections de Q. Un nombre réel apparaît donc comme unensemble infini de rationnels (même si le cerveau n’en retient que la borne supérieure). Cette définition d’un réel commeun ensemble permettra de manipuler le nombre réel avec des outils préexistants, ceux de la théorie de ensembles.

1.2.4 Immersion de Q dans R

Il s’agit en fait de montrer que tout rationnel est aussi un réel .

On va établir une bijection entre l’ensemble∑

des sections de type Sr et Q. On pourra alors alors identifier chaquesection de type Sr à un rationnel.

Soit la fonction φ : Q −→∑

r �−→ Sr

Pour toute section Sr il existe un rationnel unique r tel que φ (r) = Sr

L’existence est assuré par la définition de Sr = {x ∈ Q : x < r} qui impose l’existence de r.

Pour l’unicité supposons l’existence de deux rationnels r et r′différents, tels que par exemple :

r < r′ et tels que φ (r) = φ (r′) .

D′après la densité de Q, il existe un rationnel x tel que r < x < r′. Mais alors x < r′ ⇒ x ∈ Sr′ et r < x⇒ x /∈ Sr,d’après le théorème 5.1.

On a donc x ∈ φ (r) et x /∈ φ (r′) donc φ (r) �= φ (r′) ce qui contredit l’hypothèse.D’où l’unicité de r et la bijectivité de la fonction φ. On peut donc identifier r et Sr et considérer qu’un rationnel est

un réel. On dit qu’on a plongé Q dans R ou qu’on a immergé Q dans R

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 6

1.2.5 Ordre total sur R

Les nombres réels étant des ensembles, on va définir une relation d’ordre naturelle sur les ensembles : l’inclusion.

Lemme 1.2. ⊂ est une relation d’ordre. Mais l’ordre n’est en général pas total.

Démonstration

Rappelons que A ⊂ B ⇔ ∀x ∈ A, x ∈ B

· Réflexivité : ∀x ∈ A, x ∈ A⇒ A ⊂ A

· Antisymétrie :

{A ⊂ BB ⊂ A ⇒ A = B. C’est la défintion même de l’égalité entre deux ensembles.

A = B si et seulement si tout élément de A est élément de B (donc A ⊂ B) et réciproquement (donc B ⊂ A)

· Transitivité :{A ⊂ B ⇔ ∀x ∈ A, x ∈ BB ⊂ C ⇔ ∀x ∈ B,x ∈ C ⇒ ∀x ∈ A, x ∈ B donc x ∈ C et A ⊂ C.

Mais cet ordre n’est pas total. {1, 2, 3} ⊂ {1, 2, 3, 4, 5} mais {1, 2, 8} ⊂ {1, 2, 3, 4, 5} est faux

de même que {1, 2, 3, 4, 5} ⊂ {1, 2, 8} est une assertion fausse aussi.

Tous les ensembles ne peuvent donc pas être comparés à l’aide de l’inclusion qui n’est qu’un ordre partiel.

Une relation fondamentale

Définition 1.1. S1 et S2 étant deux réels quelconques (sections de Q), S1 ≤ S2 ⇔ S1 ⊂ S2.On notera S1 < S2 ⇔ S1 � S2 (le signe � se lisant inclus au sens strict, donc inclus mais non égal).

Cette relation est une relation d’ordre total

Théorème 1.2. ≤ est alors une relation d’ordre total sur R.

Démonstration

≤ hérite naturellement des propriétés de réflexivité, d’antisymétrie et de transitivité de l’inclusion. Elle constitue doncune relation d’ordre sur R.

Par contre l’ordre qui est partiel dans le cas général devient total sur R, c’est à dire quand il s’agit de sections de Q.

Il s’agit de démontrer que S1 �= S2 ⇒ S1 ⊂ S2 ou S2 ⊂ S1

En effet, S1 �= S2 ⇒ ∃x1 ∈ Q,{x1 ∈ S1x1 /∈ S2 ou ∃x1 ∈ Q,

{x1 ∈ S2x1 /∈ S1 . Ces deux cas sont identiques, seul le premier sera

traité.

x1 /∈ S2 donc x1 majore strictement S2 d’où : ∀x2 ∈ S2, x2 < x1

Donc ∀x2 ∈ S2,{x2 < x1x1 ∈ S1 ⇒ x2 ∈ S1 et donc S2 ⊂ S1.

Le second cas non traité aurait amené S1 ⊂ S2.On a donc bien S1 �= S2 ⇒ S1 ⊂ S2 ou S2 ⊂ S1

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 7

L’ordre ainsi défini correspond-il à l’ordre intuitif entre les nombres ? Si on trace la droite numérique et qu’on considèreles sections comme des demi-droites infinies "vers la gauche", le nombre réel est alors l’extrémité (non incluse) droite.On a bien cette notion d’inclusion pour les demi-droites qui correspond à l’odre naturel concernant les nombres qu’ellesdéfinissent.

Densité de (R,≤)

Théorème 1.3. (R,≤) est dense ce qui signifie que ∀ (S, S′) ∈ R tels que S < S′,∃S” ∈ R : S < S” < S′entre deux réels distincts on peut en "placer" un troisième.

S S’

r r’

S "

Démonstration

S < S′ ⇒ S � S′ .

⇒ ∃r ∈ Q,{r ∈ S′r /∈ S

Mais r n’est pas le plus grand élément de S′ (qui n’en possède pas) donc

∃r′ ∈ S′, r < r′ ⇒ Sr ⊂ Sr′(facile à établir) donc Sr < Sr′ remarquons que dans r < r′ il s’agit de l’ordre dans Q alorsque dans Sr < Sr′ il s’agit de l’ordre dans R.

L’ordre étant total dans R, Sr′ et S′ sont comparables or

{r′ /∈ Sr′r′ ∈ S′ donc Sr′ ⊂ S′ ⇒ Sr′ < S

De plus ∀x ∈ S, r /∈ S ⇒ r > x

Donc ∀x ∈ S, x ∈ Sr ⇒ S ⊂ Sr donc S ≤ SrDonc en récapitulant, S ≤ Sr < Sr′ < S′ c’est à dire, en posant S” = Sr′ :

∀ (S, S′) ∈ R, S < S′ ⇒ ∃S” ∈ R : S < S” < S′ d’où la densité de R.

1.2.6 Densité de Q dans R

Densité de Q dans R

Théorème 1.4. Q est dense dans R, c’est à dire qu’entre deux réels quelconques existe toujours un rationnel.

Démonstration

Soit S et S′ deux réels quelconques distincts et supposons S < S′ c’est à dire S � S′. On est donc assuré de l’existenced’un rationnel x′ appartenant à S′ mais pas à S.

On a presque déjà le résultat car on va facilement établir que S ≤ Sx′ < S′. L’inégalité au sens large étant gênante,on est amené à considérer un z′ de S′ tel que x′ < z′ et à montrer que S < Sz′ < S

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 8

Ainsi, S < S′ ⇒ ∃x′ ∈ S′, x′ /∈ S. (donc x′ majore strictement S)

Mais S′ n’a pas de plus grand élément ; ainsi, ∃z′ ∈ S′, x′ < z′.

Mais, ∀x ∈ S, x′ /∈ S ⇒ x < x′ < z′.

⋆ Ainsi, ∀u ∈ Sx′ , u < x′ ⇒ u < z′ ⇒ u ∈ Sz′ qui prouve que Sx′ ⊂ Sz′ ou encore Sx′ ≤ Sz′ .

Mais comme de plus,

{x′ ∈ Sz′x′ /∈ Sx′ ⇒ Sx′ �= Sz′ donc d’après ce qui précède Sx′ < Sz′

⋆ De plus, ∀v ∈ Sz′ , v < z′. Comme z′ ∈ S′ qui est une section de Q,

{v < z′

z′ ∈ S′ ⇒ v ∈ S′.

On en déduit évidemment que Sz′ ≤ S′, mais comme précédemment,

{z′ ∈ S′z′ /∈ Sz′ ⇒ Sz′ �= S′ donc Sz′ < S′

⋆ Enfin, ∀x ∈ S, x < x′ ⇒ x ∈ Sx′ donc S ≤ Sx′ .

Les trois points qui précèdent prouvent que S ≤ sx′ < Sz′ < S′ donc S < Sz′ < S′.

On a bien intercalé un rationnel Sz′ entre les deux réels (distincts) quelconques S et S′.

1.2.7 Immersion de (Q,≤) dans (R,≤)

On a vu que tout rationnel est aussi un réel ; il reste à établir que l’ordre défini sur R, est compatible avec celui définisur Q.

Il suffit pour cela d’établir que r ≤ r′ ⇔ Sr ≤ Sr′ ,La condition nécessaire est est facile puisque r ≤ r′ ⇒ ∀x < r, x < r′ donc ∀x ∈ Sr, x ∈ Sr′ c’est à dire Sr ≤ Sr′Condition suffisante : Sr ≤ Sr′ ⇒ ∀x ∈ Sr, x ∈ Sr′ c’est à dire, ∀x < r, x < r′

Montrons par l’absurde qu’on a forcément r ≤ r′. Supposons en effet r > r′.

Q étant dense, ∃x ∈ Q : r′ < x < r⇒{x ∈ Srx /∈ Sr′ qui contredit l’hypothèse Sr ⊂ Sr′

1.3 Deux théorèmes fondamentaux de l’ordre dans R

Propriété d’une partie non vide et majorée

Théorème 1.5. Toute partie non vide et majorée (resp : minorée) de R admet une borne supérieure (resp : inférieure)

Démonstration

Soit E un ensemble de réels non vide majoré, et A l’ensemble des rationnels qui ne majorent pas E.

On va montrer successivement que A est une section de Q (donc un réel), que A majore E et que c’est le plus petitde ses majorants. Ce sera donc sa borne supérieure

Remarque. Il n’y a aucune contradiction à ce que l’ensemble des rationnels ne majorant pas E (en considérant quechaque rationnel n’est pas un majorant de E) soit, en tant que section, donc de réel, un majorant de E (c’est à direque tous les éléments de E sont inférieurs à ce réel).

1. A �= ∅.

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 9

En effet, E �= ∅ ⇒ ∃S ∈ E, S est un réel, donc une section de Q. Il est non vide et n’admet pas de plus grandélément

Donc ∃x ∈ S qui n’étant pas son plus grand élément, ∃y ∈ S : x ≤ y avec y ∈ S ⇒ y ∈ E.

x ne majore donc pas S et appartient donc à A qui n’est pas vide.

2. A �= Q

E étant majoré par S0 par exemple, S0 �= Q⇒ ∃x /∈ S0 et x majore alors strictement S0.

Ainsi, ∀x0 ∈ S0, x > x0, x0 étant un majorant de E. On en déduit que x majore E donc x /∈ A.

3.

{x ∈ Ay ≤ x ⇒ y ∈ A

En effet, x ∈ A⇒ x ne majore pas E. Donc, il existe L appartenant à E tel que x ≤ L.

Or y ≤ x. On a donc y ≤ L et y ne majorant pas E appartient à A.

4. A ne possède pas de plus grand élément :

Supposons a ∈ A plus grand élément de A. Alors x ∈ A⇒ x ≤ a.

Mais a ∈ A⇒ a ne majore pas E donc ∃S ∈ E : a < S (avec S ∈ R)

C’est à dire ∃y ∈ S : a < y (avec y ∈ Q cette fois). On a donc x ≤ a < y

Mais a <a+ y

2< y avec a ∈ A et y ∈ E.

a étant le plus grand élément de A, a <a+ y

2⇒ a+ y

2/∈ A.

Pourtant

{ a+ y

2< y

y ∈ E⇒ a+ y

2ne majore pas E donc

a+ y

2∈ A. Contradiction.

A ce moment de la démonstration, on a établi que A est une section de Q, donc un réel.

5. A majore E

Par l’absurde : supposons qu’il existe x dans E tel que x > A. Rappelons que A ∈ R.

D’après la densité de Q dans R, ∃q ∈ Q : A < q < x

Or A < q ⇒ q /∈ A (puisque A est une section et d’après le théorème 5.1.) majore E.

Ainsi, q n′appartenant pas à A est un majorant de E, ce qui contredit l’hypothèse q < x avec x ∈ E.

6. A est le plus petit majorant de E

Par l’absurde encore ; supposons B majorant de E avec B < A.

Par densité de Q dans R,∃q ∈ Q : B < q < A

mais q < A⇒ q ∈ A, donc q ne majore pas E.

Il existe donc x dans E tel que q ≤ x. Or B < q entraîne B < x

Cela contredit l’hypothèse B majorant de E.

Remarques. On prouve ainsi que toute partie non vide et majorée de R admet une borne supérieure. On démontreraitsans difficulté que toute partie non vide et minorée admet une borne inférieure dans R. Remarquons de plus que cespropriétés sont fausses dans Q comme il a déjà été vu ci-dessus.

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 10

Propriété carcatéristique de la borne supérieure

Théorème 1.6. Propriété caractéristique de la borne supérieure dans R

Soit X un ensemble de réels,M = Sup (X)⇔{∀x ∈ X,x ≤M∀ε > 0,∃x ∈ X,x > M − ε

Démonstration

Démontrons en deux étapes la condition nécessaire et la condition suffisante.

Condition nécessaire : M est un majorant de X, donc ∀x ∈ X,x ≤M

Mais c’est le plus petit, donc ∀ε > 0⇒M − ε < M ⇒M − ε ne majore plus X donc ∃x ∈ X,x > M − ε.

Condition suffisante : Montrons que

{∀x ∈ X,x ≤M∀ε > 0,∃x ∈ X,x > M − ε ⇒M = Sup (X)

∀x ∈ X,x ≤M ⇒M est un majorant de X.

Soit M ′ un autre majorant de X . Supposons M ′ < M.

Ainsi M ′ < M ⇒M −M ′ > 0. Posons ε =M −M ′ > 0.

La seconde condition indique alors que ∃x ∈ X,x > M − ε, donc x > M ′ ce qui contredit M ′ majorant de X.

On a donc démontré par l’absurde que tout autre majorant de X est supérieur ou égal à M qui est donc bornesupérieure de X.

Remarques. Cela se traduit en français par : M est supérieur à tous les éléments de X, mais si on retranche une quantitépositive, si petite soit elle à M, on pourra trouver un réel de X supérieur à cette valeur. Cette propriété associée àl’existence garantie d’une borne supérieure carctérise R et porte en elle la propriété sans doute la plus importante de R :la continuité.

1.4 L’addition dans R

1.4.1 Définition de la somme de deux réels

L’addition dans Q dans R

Définition 1.2. S1 et S2 étant des réels quelconques, on définit leurs somme S = S1 + S2 comme étant l’ensembledes rationnels pouvant s’écrire comme somme d’un rationnel appartenant à S1 et d’un rationnel appartenant à S2.C’est à dire :S = {x ∈ Q, x = x1 + x2 avec x1 ∈ S1 et x2 ∈ S2}

L’opération ainsi définie correspond-elle à l’addition naturelle de deux réels ? Si on ramène une section à sa bornesupérieure, comme cela semble intuitif depuis la définition des nombres réels, on comprend que l’ensemble S aura pourborne supérieure la somme des bornes sup de S1 et de S2.

L’addition de deux rationnels considérés comme réels donne-elle le même résultat que l’addition des deux mêmesrationnels condidérés comme éléments de Q ? Cette question essentielle au sens de la compatibilité et de la cohérence dupropos aura sa réponse dans quelques lignes.

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 11

Opération interne

Théorème 1.7. L’addition ainsi définie est une opération interne. C’est à dire que la somme de deux réels est unréel.

Démonstration

Il faut donc montrer que S est une réel, c’est à dire une section de Q.

{S1 ∈ R⇒ S1 �= ∅ ⇒ ∃x1 ∈ S1S2 ∈ R⇒ S2 �= ∅ ⇒ ∃x2 ∈ S2 ⇒ ∃x ∈ Q : x = x1 + x2 avec x1 ∈ S1 et x2 ∈ S2 ⇒ x ∈ S et S �= ∅

{S1 ∈ R⇒ S1 �= Q⇒ ∃x1 ∈ Q et x1 /∈ S1S2 ∈ R⇒ S2 �= Q⇒ ∃x2 ∈ Q et x2 /∈ S2

Considérons alors le réel x = x1 + x2. Se peut-il qu’il appartienne à S, c’est à dire qu’il s’écrive x = y1 + y2 avecy1 ∈ S1 et y2 ∈ S2Procédons par l’absurde et posons x = y1 + y2 avec y1 ∈ S1 et y2 ∈ S2Alors, x1 /∈ S1 ⇒ x1 > y1 (Théorème 5.1) et de même x2 > y2

On en déduit, l’addition dans Q conservant l’ordre, que x1 + x2 > y1 + y2, c’est à dire x > x. Contradiction.

Ainsi, x ∈ Q mais x /∈ S. Donc S �= Q

⋆ Soit x ∈ S et x′ ∈ Q tel que x′ ≤ x, montrons que x′ ∈ S.

Alors, x = x1 + x2 avec x1 ∈ S1 et x2 ∈ S2 d’où x− x2 = x1 ∈ S1Or x′ ≤ x⇒ x′ − x2 ≤ x− x2 ⇒ x′ − x2 ≤ x1 ⇒ x′ − x2 ∈ S1.

Alors x′ = (x′ − x2) + x2 avec x′ − x2 ∈ S1 et x2 ∈ S2 donc x′ ∈ S

⋆ Supposons que S admette un plus grand élément M.

Alors, M peut s’écrire M = x1 + x2 avec x1 ∈ S1 et x2 ∈ S2Mais, S1 étant une section de Q, elle n’admet pas de plus grand élément.

Donc il existe X1 appartenant à S1 tel que X1 > x1 et de même X2 appartenant à S2 tel que X2 > x2.

Dès lors le rationnel X = X1 +X2 appartient à S et est strictement supérieur à M

Ce qui contredit l’hypothèse M plus grand élément de S.

1.4.2 Propriétés de l’addition

Associativité et commutativité de l’addition dans R

Théorème 1.8. L’addition dans R est associative et commutative.

Démonstration

Ces propriétés sont directement héritées des mêmes propriétés de l’addition dans Q.

Par exemple, S1 + S2 = {x ∈ Q, x = x1 + x2 avec x1 ∈ S1 et x2 ∈ S2}

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 12

et S2 + S1 = {x ∈ Q, x = x2 + x1 avec x1 ∈ S1 et x2 ∈ S2}

Or, dans Q, x2 + x1 = x1 + x2 donc S1 + S2 = S2 + S1

L’addition dans R admet un élément neutre

Théorème 1.9. L’addition dans R, admet pour élément neutre S0 c’est à dire ∀S ∈ R, S + S0 = S0 + S = SOù S0 est défini par S0 = {x ∈ Q, x < 0} . (C’est le Sr avec r = 0 et c’est donc le zéro de Q).

Démonstration

Il faut montrer que S + S0 = S ; la commutativité de l’addition fera le reste.

On va donc établir que S + S0 ⊂ S et S ⊂ S + S0⋆ ∀s ∈ S + S0,∃ (x, x0) ∈ S × S0 : s = x+ x0Or x0 ∈ S0 ⇒ x0 < 0 donc x+ x0 < x⇒ s < x.

On a donc

{s < xx ∈ S ⇒ s ∈ S. Ainsi, ∀s ∈ S + S0, s ∈ S donc S + S0 ⊂ S

⋆ ∀s ∈ S, S n’a pas de plus grand élément, donc il existe x ∈ S tel que s < x

Donc s− x < 0, c’est à dire s− x ∈ S0.

On peut donc écrire, pour tout s de S, s = x+ (s− x) où s− x ∈ S0 et x ∈ S.

Donc ∀s ∈ S, s ∈ S + S0 d’ou S ⊂ S + S0

Régularité de l’addition dans R

Théorème 1.10. L’addition est régulière dans R, c’est à dire que :pour tous réels S, S′ et S”, S = S′ ⇔ S + S” = S′ + S”

Démonstration

Condition nécessaire : S = S′ ⇒ S + S” = S′ + S”

Démontrons la double inclusion : S = S′ donc ∀x ∈ S, x ∈ S′

∀x ∈ S + S”, x = s+ s” avec s ∈ S et s” ∈ S”. Mais s ∈ S ⇒ s ∈ S′ donc x ∈ S′ + S” et S + S” ⊂ S′ + S”

L’autre inclusion se démontre de la même manière et prouve alors l’égalité S + S” = S′ + S”.

Condition suffisante : S + S” = S′ + S”⇒ S = S′

Par l’absurde, supposons S > S′. Il existe donc s ∈ S tel que s /∈ S′.

Dès lors, ∀s” ∈ S”, s+ s” ∈ S + S”, mais s /∈ S′ et donc majore strictement S′.

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 13

Ainsi, ∀x ∈ S′, x < s⇒ x+ s” < s+ s” (relation d’ordre dans Q)

Donc s+ s” majore strictement S′ + S” et ne peut lui appartenir (car une section n’a pas de plus grand élément).

Ainsi s+ s” est un élément de S + S” qui n’appartient pas à S′ + S”. Contradiction de l’hypothèse.

1.4.3 Immersion de (Q,+) dans (R,+) .

Ce problème est celui de la compatibilité de l’addition définie dans R, avec celle déjà définie dans Q. On cherche donc àdémontrer que la somme de deux rationnels considérés comme tels est égale à la somme de ces deux rationnels considéréscomme des réels. On cherche donc à démontrer que Sr + Sr′ = Sr+r′ ou encore que φ(r) + φ(r′) = φ(r + r′).

Démonstration

Démontrons la double inclusion :

⋆Sr + Sr′ ⊂ Sr+r′

En effet, ∀x ∈ Sr + Sr′ , x = s+ s′ avec{s ∈ Srs′ ∈ Sr′ ⇒

{s < rs′ < r′

On en déduit que s+ s′ < r + r′ ⇒ x ∈ Sr+r′

⋆Sr+r′ ⊂ Sr + Sr′

∀x ∈ Sr+r′ , x < r + r′ ⇒ r + r′ − x > 0⇒ r + r′ − x2

> 0 donc −r + r′ − x2

< 0

On a donc

r − r + r′ − x2

< r

r′ − r + r′ − x2

< r′⇒

r − r + r′ − x2

⊂ Sr

r′ − r + r′ − x2

⊂ Sr′

Or x = r − r + r′ − x2

+ r′ − r + r′ − x2

s’écrit donc comme somme d’un rationnel de Sr et d’un rationnel de Sr′ . On

en déduit donc que x ∈ Sr + Sr′

1.4.4 Opposé d’un nombre réel

Comment définir l’opposé d’un nombre réel ? Le premier cas facile est celui où le réel est rationnel, c’est à dire dansle cas d’une section du type Sr.

La compatibilité impose de poser −(Sr) = S−r.Dans le cas d’un irrationnel, c’est à dire d’une section ne pouvant pas se mettre sous la forme Sr, un schéma permet

de mieux comprendre :

-S

0

S

Les parties grisées (l’une infinie "vers la droite", l’autre "vers la gauche") sont symétriques par rapport à 0. Leséléments de −S correspondants par symétrie aux réels n’appartenant pas à S. On a donc envie de penser que −x ∈ −Ssi et seulement si x /∈ S.

Cette nouvelle définition ne convenant pas au cas d’une section de type Sr car r /∈ Sr donc −r devrait appartenir à−Sr c’est à dire à S−r, ce qui n’est pas le cas. On est donc obligé de conserver une définition en deux points :

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 14

Opposé d’un réel

Définition 1.3. L’opposé d’un nombre réel S est défini par :· Si S est de type Sr : −Sr = S−r· Si S n′est pas de type Sr : −S = {x ∈ Q : −x/∈ S}

On montre facilement que dans le second cas, −x ∈ S ⇒ x /∈ −S et x ∈ S ⇒−x /∈ −SIl reste à prouver que l’ensemble ainsi défini est bien une section (donc un réel),

puis que S + (−S) = −S + S = S0 élément neutre de l’addition.

L’addition dans R admet un élément neutre

Théorème 1.11. L’opposé d’un nombre réel est un nombre réel

Démonstration

Déjà démontré dans le cas d’une section de type Sr puisque S−r est une section.

Dans l’autre cas : Soit S une section de Q qui n’est pas de type Sr.

⋆ S �= Q⇒ ∃x∈ Q, x /∈ S. Mais x /∈ S ⇒−x ∈ −S ⇒−S �= ∅

⋆ S �= ∅ ⇒ ∃x∈S. Mais x ∈ S ⇒−x /∈ −S ⇒−S �= Q

{x ∈ −Sy ≤ x ⇔

{−x /∈ S−x ≤ −y ⇔

{−x est un majorant strict de S−y ≥ −x ⇒−y est un majorant strict de S

On a donc −y /∈ S et donc y ∈ −S.

⋆ Supposons que −S admette M pour plus grand élément. Montrons qu’alors −S = {x ∈ Q, x ≤M}

En effet, ∀x ∈ −S, x ≤M puisque M est le plus grand élément de −S

Réciproquement,

{x ≤MM ∈ −S ⇒ x ∈ −S d’après le point précédent.

Ainsi, x ∈ −S ⇔ x ≤M, d’où le résultat annoncé.

Or x ∈ −S ⇔−x /∈ S d’où −x /∈ S ⇔ x ≤M dont la négation est :

x > M ⇔−x ∈ S ou encore, −x ∈ S ⇔ x > M donc −x ∈ S ⇔−x < −M

Qui prouve que S est une section de type Sr et donc qui contredit l’hypothèse.

L’addition dans R admet un élément neutre

Théorème 1.12. Pour tout réel S, S + (−S) = −S + S = S0 élément neutre de l’addition.Tout nombre réel S admet un symétrique pour l’addition appelé opposé de S. C’est le réel −S

Démonstration

La commutativité de l’addition permet de ne démontrer qu’une seule égalité.

1. Cas d’une section de type Sr : Sr + (−Sr) ⊂ S0 (rappelons que −Sr = S−r).

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 15

{∀x ∈ Sr, x < r∀y ∈ −Sr, y < −r ⇒ x+ y < 0⇒ x+ y ∈ S0.

⋆ ∀x0 ∈ S0, x0 < 0⇒ x02 < 0

On a donc r + x02 < r⇒ r + x0

2 ∈ Sr−r + x0

2 < −r⇒ −r + x02 ∈ S−r

On a donc, ∀x0 ∈ S0, x0 =(r + x0

2

)+(−r + x0

2

)⇒ S0 ⊂ Sr + S−r

2. Cas d’une section qui n’est pas de type Sr.

{∀x ∈ S

∀y ∈ −S,−y /∈ S ⇒−y > x⇒ x+ y < 0⇒ x+ y ∈ S0. Donc S + (−S) ⊂ S0

⋆ Pour montrer que S0 ⊂ S + (−S), nous aurons besoin du résultat suivant :

Lemme 1.3. ∀x0 ∈ S0,∃x ∈ S : x − x0 /∈ S. C’est à dire que pour tout x0 négatif, en s’approchant suffisamment dela borne supérieure de S, on est certain qu’en retranchant x0 < 0, on "tombera" à droite de la borne sup.

Démonstration

Par l’absurde supposons que ∀x ∈ S, x− x0 ∈ S

Alors, x− x0 ∈ S ⇒ x− x0 − x0 ∈ S et par récurrence, x− nx0 ∈ S pour tout n.

Or pour z /∈ S, soit n ≥ x− zx0

.

Alors, nx0 ≤ x− z (car x0 < 0)

Donc

{x− nx0 ≥ zz /∈ S (donc majore S)

⇒ x− nx0 /∈ S

D’où la contradiction

Dès lors la démonstration est très simple : ∀x0 ∈ S0,∃x ∈ S : x− x0 /∈ S ⇒ x0 − x ∈ −S

D’où x0 = (x0 − x) + x s’écrit comme somme d’un élément de S et d’un élément de −S

Ainsi, S0 ⊂ S + (−S) et la double inclusion démontrée prouve bien que S + (−S) = S0

Proposition 1.3. Un nombre est négatif ou nul si et seulement si son opposé est positif ou nul

Cette proposition s’écrit encore S ≤ 0⇔−S ≥ 0 ou en core S ≤ 0⇔ 0 ≤ −Sou en termes d’inclusions : S ⊂ S0 ⇔ S0 ⊂ −S.

Démonstration

Condition nécessaire : S ⊂ S0 ⇒ S0 ⊂ −S

Suposons x0 ∈ S0 mais x0 /∈ −S.

Alors, x0 /∈ −S ⇒−x0 ∈ S. Or S ⊂ S0 donc −x0 ∈ S0.

Mais alors x0 ∈ S0 et −x0 ∈ S0 est contradictoire.

Condition suffisante : S0 ⊂ −S ⇒ S ⊂ S0

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 16

Suposons s ∈ S mais s /∈ S0 et rappelons que −S0 = S−0 donc −S0 = S0 (ou, dans Q : 0 = −0 ! ! ! !)

Alors,

{s ∈ Ss /∈ S0 ⇒

{−s /∈ −S−s ∈ −S0 ⇒

{−s /∈ −S−s ∈ S0 ce qui contredit l’hypothèse S0 ⊂ −S

Corollaire. ∀ (a; b) ∈ R2, a ≤ b⇔−b ≤ −a

En effet, ∀ (a; b) ∈ R2, a ≤ b⇔ a− b ≤ 0 en ajoutant −b à chaque membre.

⇔− (a− b) ≥ 0⇔ b− a ≥ 0 en remarquant que a− b+ b− a = 0 donc b− a = − (a− b)⇔−a ≥ −b⇔−b ≤ −a

1.4.5 L’ordre dans R est compatible avec l’addition

Compatibilité de la relation d’ordre avec l’addition dans R

Théorème 1.13. S et S′ étant deux réels quelconques, alors ∀X ∈ R, S +X ≤ S′ +X ⇔ S ≤ S′

Démonstration

Condition suffisante : S ≤ S′ ⇔ S ⊂ S′

⇔ ∀s ∈ S, s ∈ S′ dès lors, ∀y ∈ S +X,∃ (s, x) ∈ S ×X : y = s+ x

Mais appartient aussi à S′, donc y s’écrit comme somme d’un élément de S′ et d’un élément de X. Il appartient doncà S′ +X.

Ainsi S +X ⊂ S′ + x d’où S +X ≤ S′ + x

Condition nécessaire : Tout réel admet un opposé. Soit −X l’oposé de X.

D’après la conditon nécessaire ci-dessus, S +X ≤ S′ +X ⇒ S +X −X ≤ S′ +X −X

⇒ S ≤ S′

1.5 La multiplication dans R

1.5.1 Définition

Nul ne s’étonnera du fait que le produit de deux réels dépendra des signes de ceux-ci. Ainsi, sera d’abord défini leproduit de deux réels positifs. Les autres cas seront définis à partir de celui-ci.

Produit de deux réels positifs

Définition 1.4. Le produit de deux réels S et S′ positifs (c’est à dire S ≥ S0 et S′ ≥ S0) est défini par :S × S′ = {z ∈ Q : z = xx′ où x ∈ S ∩Q+∗ et x′ ∈ S′ ∩Q+∗} ∪Q−. noté aussi SS′

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 17

Remarques. Ce produit répond-il à ce qu’on en attend ?Voyons par exemple que 2× 3 = S2 × S3 = S6.En effet, S2 × S3 est d’après la définition ci-dessus constitué des rationnels négatif et des rationnels positifs obtenus

en faisant le produit des rationnels contenus dans ]0; 2[ par ceux de ]0; 3[ .

Le nombre ainsi obtenu est donc un rationnel de ]0; 6[ .Ainsi, S2 × S3 est la réunion de Q− et des rationnels de ]0; 6[ ;c’est bien S6.

La multiplication dans R

Définition 1.5. Terminons la définition pour les réels de signes quelconques� si S ≥ S0 et S′ ≤ S0 : S × S′ = − (S × (−S′))� si S ≤ S0 et S′ ≥ S0 : S × S′ = − ((−S)× S′)� si S ≤ S0 et S′ ≤ S0 : S × S′ = (−S)× (−S′)

La multiplication est une opértion interne dans R

Théorème 1.14. Le produit de deux réels est un réel

Démonstration

Il suffit de démontrer ce théorème dans le cas où les réels sont positifs. Dans les autres cas, il sera facile de conclureen utilisant le fait que l’opposé d’un réel est un réel, puis le fait que le produit de réels positifs est un réel.

1. Q− ⊂ SS′ ⇒ SS′ �= ∅

2.

{(S �= ∅ et S > S0)⇒ ∃x /∈ S, x > 0(S′ �= ∅ et S′ > S0)⇒ ∃x′ /∈ S′, x′ > 0 Montrons alors que z = xx′ /∈ SS′

En effet, z ∈ SS′ ⇒{∃y ∈ S ∩Q+∗∃y′ ∈ S ∩Q+∗ ⇒ z = yy′

Mais alors,

{x /∈ Sy ∈ S ⇒ x > y et de même

{x′ /∈ S′y′ ∈ S′ ⇒ x′ > y′

On a donc

{x > y > 0x′ > y′ > 0

⇒ xx′ > yy′ donc z > z. contradiction.

3. Soit

{x ∈ SS′y ∈ Q, y ≤ x montrons que y ∈ SS′

Si y ≤ 0, alors y ∈ Q− ⇒ y ∈ SS′

Si y > 0, alors x ∈ SS′ ⇒ ∃s ∈ S ∩Q+∗ et ∃s′ ∈ S′ ∩Q+∗ tels que x = ss′

Or y ≤ x⇒ y ≤ ss′ ⇒ y = ss′ − q avec q ∈ Q+

On peut toujours supposer s ≤ s′ (sinon on inverse les rôles) et y = s(s′ − q

s

)

Or q > 0, s > 0 doncq

s> 0 et s′ − q

s< s′ donc s′ − q

s∈ S′.

Comme s ∈ S, y s’écrit comme produit d’une rationnel strictement positif de S et d’un autre de S′.

Donc y ∈ SS′

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 18

4. SS′ n’a pas de plus grand élément.

Supposons que ce plus grand élément existe et ,notons le M.

Alors M > 0 et

{∃m ∈ S ∩Q+∗∃m′ ∈ S ∩Q+∗ tels que M =mm′

Or S et S′ n’ont pas de plus grands éléments, donc

{∃n ∈ S ∩Q+∗ : n > m∃n′ ∈ S ∩Q+∗ : n′ > m′ ⇒ nn′ ∈ SS′

de plus

{n > mn′ > m′ ⇒ nn′ > mm′ qui contredit le fait que M = mm′ est plus grand élément de SS′.

1.5.2 Propriétés de la multiplication dans R

Pour être absolument rigoureux, il faudrait envisager tous les cas possibles pour les signes des différents opérandes.

Le plus souvent il sera envisagé le cas S > S0 et S′ > S0, les autres cas étant laissés aux bons soins du lecteur, quin’aura en général qu’à utiliser les propriétés de l’opposé d’un réel.

Commutativité de la multiplication dans R

Théorème 1.15. La multipliplication dans R est commutativec’est à dire ∀ (S, S′) ∈ R2, SS′ = S′S

Démonstration

Il faut démontrer la double inclusion SS′ ⊂ S′S et S′S ⊂ SS′.

∀z ∈ S × S′,

� si z ∈ Q− ⇒ z ∈ S′S

� si z > 0,∃x ∈ S ∩Q+∗ , ∃x′ ∈ S′ ∩Q+∗, z = xx′

mais la commutativité de × dans Q permet d’écrire z = x′x⇒ z ∈ S′S.

On a donc bien S × S′

L’autre inclusion se démontre exactement de la même manière

Associativité de la multiplication dans R

Théorème 1.16. La multipliplication dans R est associative,c’est à dire ∀ (S, S′, S”) ∈ R2, (SS′)S” = S (S′S”)

Démonstration

La démonstration est en tout point analogue à la précédente sauf qu’au moment d’utiliser la commutativité de × dansQ, on utilise ici son associativité.

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 19

Distributivité de la multiplication sur l’addition dans R

Théorème 1.17. La multipliplication dans R est distributive par rapport à l’addition,c’est à dire ∀ (S, S′, S”) ∈ R3, S (S′ + S”) = SS′ + SS” et (S + S′)S” = SS” + S′S”.

Seule sera démontrée la première égalité, la seconde découlant alors de la commutativité de ×.

Démonstration

La encore supposons S, S′ et S” positifs. alors SS′ + SS” > 0

∀z ∈ S (S′ + S”)

� si z ∈ Q− ⇒{z ∈ SS′z ∈ SS” Or SS′ + SS” > 0, donc z ∈ SS′ + SS”

� si z > 0,∃x ∈ S ∩Q+∗ et ∃y ∈ (S′ + S”) ∩Q+∗ : z = xy

Or y ∈ (S′ + S”) ∩Q+∗ ⇒ ∃s′ ∈ S′ ∩Q+∗ et ∃s” ∈ S” ∩Q+∗ : y = s′ + s”

D’où z = x (s′ + s”)⇒ z = xs′ + xs” (distributivité dans Q)

avec xs′ ∈ SS′ ∩Q+∗ et xs” ∈ SS” ∩Q+∗.

D’où le résultat.

La multiplication dans R admet un élément neutre

Théorème 1.18. S1 est élément neutre pour × dans RC’est à dire ∀S ∈ R, SS1 = S1S = S avec S1 = {x ∈ Q : x < 1}

Démonstration

La commutativité permet de ne démontrer qu’un double inclusion. De plus, là encore, la démonstration n’est proposéeque pour S > S0

⋆ ∀z ∈ SS1,

Soit z ∈ Q− et z ∈ S

Soit z > 0 et ∃s ∈ S ∩Q+∗ et ∃s1 ∈ S1 ∩Q+∗ : z = ss1

On a alors z < s puisque s1 < 1. Or

{z < ss ∈ S ⇒ z ∈ S

On a donc bien dans tous las cas : SS1 ⊂ S

⋆ ∀z ∈ S,

S n’ayant pas de plus grand élément, il existe z′ ∈ S tel que z′ > z.

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 20

De plus, S > S0. On a donc z′ > 0.

Mais alors,

{z = z′ × z

z′0 < z < z′

z = z′ × z

z′

0 <z

z′< 1

z s’écrit donc comme produit de z′ ∈ S et dez

z′∈ S1. Donc z ∈ SS1 et S ⊂ SS1

1.5.3 Inverse d’un réel non nul

Définition

Comme lors de la définition de l’opposé d’un réel, nous allons définir un ensemble de rationnels de telle sorte qu’il aitles caractéristiques attendues de l’inverse du réel considéré ; montrer ensuite que cet ensemble de rationnels est bien unréel (section de Q) et enfin, montrer qu’ils’agit bien de l’inverse au sens usuel du terme, et que chaque réel non nul admetdonc un inverse.

Tout comme pour l’opposé, on sera amené à étudier séparément les cas S rationnel (section de type Sr) et le cas Snon rationnel.

Intuitivement, l’inverse de Sr esr S 1

r

, pour r non nul.

Dans l’autre cas, les éléments de1√2devront vérifier x <

1√2donc

1

x>√2, c’est à dire

1

xn’être pas élément de S√2.

D’où l’idée de définition qui suit :

Inverse d’un réel non nul

Définition 1.6. Soit S un réel non nul, on définit un ensemble de rationnels noté1

Spar :

⋆ Si S est de type Sr,1

Sr= S1

r

(pour r �= 0)

⋆ Si S > S0 n’est pas de type Sr,1

S=

{x ∈ Q∗+ : 1

x/∈ S}∪Q−

⋆ Si S < S0,1

S= −

(1

−S

)

Remarques. 1.Il est évident que cette définition n’aura d’intérêt qu’après avois démontré qu’elle est bien une section de

Q, et que le réel ainsi défini vérifie bien S × 1

S=1

S× S = S1.

2. La seconde définition pourrait "presque" convenir aux rationnels.

En effet, x ∈ S1r

⇒ x <1

r⇒ 1

x> r⇒ 1

x/∈ Sr.

Cependant, d’après la seconde définition, r /∈ Sr ⇒1

r∈ S1

r

, ce qui permettrait à1

rd’être le plus grand élément de

S1r

qui ne pourrait plus être un réel. Le premier point de la définition permet d’exclure ce terme gênant ; une définition

en deux points est donc bien une nécessité.

3. Dans chacun des deux cas1

x∈ S ⇒ x /∈ 1

S. Cela permettra, quand on aura démontré que

1

Sest un réel, de montrer

facilement que l’inverse de1

Sest S.

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 21

Proposition 1.4. Pour tout réel S non nul, l’ensemble1

Sdéfini ci-dessus est un réel.

Démonstration

Dans le premier cas, aucune démonstration n’est nécessaire puisque1

Sest aussi du type Sr donc une section de Q.

Pour le second cas, c’est à dire si S n’est pas du type Sr, il suffit de démontrer la propriété pour S > S0, le passage

aux valeurs négatives étant facile puisque si S < S0,1

S= −

(1

−S

).

Or −S > S0 donc1

−S est un réel, et son opposé −(1

−S

)est lui-même un réel. D’où le résultat.

Soit donc une section S qui n’est pas de type Sr et telle que S > S0 ; (on aurait pu écrire soit un réel S irrationnel etstrictement positif)

1. Q− ⊂ 1

S⇒ ∃x ∈ Q, x /∈ S Donc

1

S�= ∅.

2. Montrons que S > S0 ⇒{∀x ∈ 1

S∀y ∈ Q, y ≤ x

⇒ y ∈ 1

S

Procédons par disjonction des cas concernant les signes respectifs de x et y pour montrer que y ∈ 1

S

⋆ x ≤ 0 et y ≤ x⇒ y ≤ 0. Donc y ∈ Q− ⇒ y ∈ 1

S.

{x > 0y ≤ 0 ⇒ y ∈ Q− ⇒ y ∈ 1

S

{x > 0y > 0

. Alors,

{x ∈ 1

Sx > 0

⇒ 1

x/∈ S, donc ∀s ∈ S, 1

x> s.

Si s = 0,1

y≥ 1

x> s⇒ 1

y/∈ S ⇒ y ∈ 1

S

Si s �= 0, 1x> s⇒ x <

1

s.

Or y ≤ x, donc y < 1

s⇒ 1

y> s, donc

1

y/∈ S et y ∈ 1

S.

4. Démontrons par l’absurde que1

Sn’admet pas de plus grand élément.

S > S0 donc1

x/∈ S ⇒ 1

x> 0⇒ x > 0 ( x ∈ Q)

Soit M le plus grand élément de1

S.

M ∈ 1

S⇒ 1

M/∈ S donc

1

Mmajore strictement S

Or S > S0 donc 0 appartient à S. On en déduit que1

M> 0

Soit alors un rationnel s de S. Montrons qu’alors il existe un autre nombre M ′ <M tel que s <1

M ′ . Il sera pour cela

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 22

nécessaire de discuter suivant le signe de s.

{∀s ∈ Ss ≤ 0 , s ≤ 0⇒ 1

M ′ > 0 > s (1)

{∀s ∈ Ss > 0

⇒{s <

1

Ms > 0

⇒{∀s ∈ Ss > 0

,1

s> M > 0

D’après la densité de Q,∃M ′ ∈ Q, 1s> M ′ >M

Ainsi

{∀s ∈ Ss > 0

,1

s> M ′ > 0⇒ s <

1

M ′ si s > 0 (2)

(1) et (2) prouvent par disjonction des cas que1

M ′ majore strictement S

Donc1

M ′ /∈ S ⇒M ′ ∈ 1

S.

Ainsi M ′ est un élément de1

Splus grand que M. Contradiction.

Lemme 1.4.

{∀x ∈ Q0 < x < 1

la suite (un) de terme général un =

(1

x

)nest croissante non majorée.

Démonstration

1. (un) est croissante.En effet, pour tout n ∈ N, un+1 − un =(1

x

)n+1−(1

x

)n

Donc un+1 − un =(1

x

)n(1

x− 1). Or 0 < x < 1⇒ 1

x> 1 donc

1

x− 1 > 0.

On a donc bien un+1 − un > 0 et la suite est croissante.

2. Pour montrer que (un) n’est pas majorée, on va écrire1

x= 1+ a (a > 0) et établir par récurrence que pour tout n

entier naturel, un ≥ 1 + na (inégalité dite de Bernouilli)

Soit Pn la proposition un ≥ 1 + na

Initialisation : u0 = 1. P0 s’écrit alors 1 ≥ 1. Vrai

Hérédité : supposons Pn vraie, c’est à dire un ≥ 1 + na

Alors un+1 = (1 + a)n+1

= (1 + a)n(1 + a) .

Ainsi, d’après l’hypothèse de récurrence, un+1 ≥ (1 + na) (1 + a)

C’est à dire un+1 ≥ 1 + a+ na+ na2 ≥ 1 + a+ na

On a donc bien un+1 ≥ 1 + (n+ 1) a qui prouve que Pn+1 est encore vraie.

Remarques. On a donc démontré que (un) croissante non majorée tend vers +∞ (attention, on est dans Q). Ainsi, toutfamille de termes de cette suite ne peut être bornée qu’à condition de ne comporter qu’un nombre fini de termes (sinon,n tendant vers +∞, la famille ne pourrait être bornée). C’est cette remarque qui sera utilisée dans la démonstrationsuivante.

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 23

Tout réel non nul admet un inverse

Théorème 1.19. Tout réel non nul admet un inverse, c’est à dire :∀S ∈ R∗,∃S′ ∈ R : SS′ = S′S = S1 (élément neutre de × qui pourrait être noté 1).

Ce nombre S′ n’est autre que1

S.

Remarques. 1. Nous commenceront par démontrer ce théorème dans le cas d’un réel strictement positif. Ayant ainsidémontré que tout réel strictement positif admet un inverse, pour tout réel S < 0 (on pourrait écrire S < S0), son opposé−S > 0 admet un inverse S′ tel que (−S)S′ = S′ (−S) = S1.

Or (−S)S′ = S (−S′) et S′ (−S) = (−S′)S.Ainsi S (−S′) = (−S′)S = S1 prouve que le réel stictement négatif S admet un inverse −S′ ( opposé de l’inverse de

l’opposé de S).

2.Il faudra démontrer ce théorème dans le cas d’un réel rationnel puis dans l’autre cas.

3.Il faudra enfin à chaque fois démontrer la double inclusion S × 1

S⊂ S1 et S1 ⊂ S ×

1

S.

Démonstration

Tout réel de type Sr.avec r > 0 admet un inverse

⋆ Sr × S 1

r⊂ S1

Sr × S 1

r={z ∈ Q : z = xx′ où x ∈ Sr ∩Q+∗ et x′ ∈ S 1

r∩Q+∗

}∪Q−

∀z ∈ Sr × S 1

r, (z = xx′ où x ∈ Sr ∩Q+∗ et x′ ∈ S 1

r∩Q+∗) ou z ∈ Q−

si z ∈ Q− alors z ∈ S1si z = xx′ avec x ∈ Sr ∩Q+∗ et x ∈ S 1

r∩Q+∗

alors z = xx′ avec 0 < x < r et 0 < x′ <1

ret ainsi, xx′ < 1

On en déduit que z ∈ S1 d’où l’inclusion attendue.

⋆ S1 ⊂ Sr ×1

S 1

r

∀x1 ∈ S1, x1 < 1 donc ∃z ∈ Q+∗, x1 < z < 1

Alors, x1 = zr ×x1z× 1r

Or

{z < 1z ∈ Q+∗et r > 0 ⇒ zr < r⇒ zr ∈ Sr

et

{x1 < zz ∈ Q+∗et r > 0 ⇒

{ x1z< 1

r > 0⇒ x1

z× 1r<1

r⇒ x1

z× 1r∈ S1

r

Ainsi, tout élément x1 de S1 s’écrit comme produit d’un élément positif de Sr et d’un élément positif de S1r

. D’où

l’inclusion annoncée.

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 24

On a donc

Sr × S 1

r⊂ S1

S1 ⊂ Sr ×1

S 1

r

⇒ Sr × S 1

r= S1

La commutativité de × montre que Sr × S 1

r= S 1

r× Sr = S1 qui prouve donc que :

Tout réel strictement positif de type Sr admet un inverse : S 1

r.

Idée de la démonstration dans le cas d’un réel strictement positif qui ne peut pas s’écriresous forme Sr (donc irrationnel) : cherchons par exemple l’inverse du réel 10. (il n’est pas très logique deprendre ici un rationnel, mais ce nest pas gênant et plus facile à comprendre)

On cherche donc à démontrer que S× 1

S⊂ S1 (ce sera immédiat et je n’en parle pas ici), mais surtout que

S1 ⊂ S ×1

S, c’est à dire que tout réel inférieur à 1 peut s’écrire comme produit d’un rationnel de S (donc

< 10) et d’un rationnel de1

S(donc <

1

10).

Prenons donc un élément x de S1 par exemple x =1

2.

Alors1

x= 2⇒

(1

x

)n= 2n et les termes de la suite

(1

x

)n= 2n finiront bien par être supérieur à S = 10.

Il en est ainsi, à partir de n = 4.On a donc 23 plus grand élément de la suite appartenant encore à S (donc < 10).

Ainsi, 24 > 10⇒ 24 /∈ S ⇒ 1

24∈ 1

S.

On en déduit que x =1

2=1

16× 8 = 1

24× 23 avec

{ 1

24∈ 1

S23 ∈ S

Donc x ∈ 1

S× S et par commutativité de ×, x ∈ S × 1

S

Ainsi S1 ⊂1

S× S et S1 ⊂ S ×

1

SCeci n’est bien sûr pas une démonstration, mais c’en est l’idée.

Démonstration

⋆ Démontrons d’abord la première inclusion :S × 1

S⊂ S1

{∀x′ ∈ 1

Sx′ > 0

,1

x′/∈ S ⇒ 1

x′majore strictement S

Ainsi, ∀x ∈ S ∩Q+∗, 1x′> x⇒ xx′ < 1 (puisque x′ > 0)

Ainsi, ∀x ∈ S ∩Q+∗,∀x′ ∈ 1

S∩Q+∗ xx′ ∈ S1.

Il reste à considérer les cas :

x < 0, x′ > 0 ⇒ xx′ < 0 donc xx′ ∈ S1.

x > 0, x′ < 0 ⇒ xx′ < 0 donc xx′ ∈ S1.

x < 0, x′ < 0 ⇒ xx′ = (−x) (−x′) avec −x ∈ S ∩Q+∗ et −x′ ∈ 1

S∩Q+∗ qui ramène au cas précédent.

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 25

La commutativité de × prouve donc que S × 1

S⊂ S1 et

1

S× S ⊂ S1.

⋆ Démontrons maintenant que :S1 ⊂1

S× S.

Supposons S > S1 .

∀x ∈ S1 ∩Q+∗, 0 < x < 1 ⇒1

x> 1 et d’après le lemme précédent, la suite de terme général

(1

x

)nest croissante et

non majorée.

Soit l’ensemble E =

{

z ∈ S : ∃k ∈ N, z =(1

x

)k}

. et A =

{

k ∈ N, z =(1

x

)k∈ S

}

D’après ce qui précède, si ses éléments sont en nombre infini, E ne sera pas majoré.

Or E est manifestement minoré par 1 et majoré par tout élément y n’appartenant pas à S.

En effet, S �= Q⇒ ∃y /∈ S qui donc majore strictement S et par conséquent majore strictement E.

E est donc majoré ce qui prouve que ses éléments sont en nombre fini. Il en va donc de même de A (si A admettaitune infinité d’éléments, il en serait de même de E). Ainsi A est non vide (S > S1 donc 1 ∈ S et donc 1 ∈ E ⇒ 0 ∈ A)et comporte un nombre fini d’éléments. Il admet donc un plus grand élément N (propriété d’une partie non vide et

majorée de N) et, la suite

(1

x

)nétant croissante,

(1

x

)Nsera le plus grand élément de E.

Ainsi,

(1

x

)N∈ S et

(1

x

)N+1/∈ S (la suite est croissante).

Donc1

xN+1/∈ S ⇒ xN+1 ∈ 1

S.

On a donc ∀x ∈ S1 ∩Q+∗, x = xN+1 ×1

xNavec

1

xN∈ S et xN+1 ∈ 1

S.

Donc S1 ⊂1

S× S et par commutativité de × : x = 1

xN× xN+1 ⇒ S1 ⊂ S ×

1

S

Supposons maintenant S < S1 .

On n’est plus certain que l’ensemble E précédemment défini n’est pas vide. Par exemple, aucun élément de S12ne

peut être écrit sous forme 3k (correspondant à x =1

3∈ S1)

On est alors amené à conduire le même raisonnement que précédemment avec l’ensemble F défini par F ={

z ∈ 1

S: ∃k ∈ N, z =

(1

x

)k}

.et B =

{

k ∈ N, z =(1

x

)k∈ 1

S

}

En effet, S < S1 ⇒ 1 /∈ S ⇒ 1

1= 1 ∈ 1

S⇒ 1 ∈ F et 0 ∈ B

Ainsi, F est non vide, minoré par 1 et majoré par tout élément n’appartenant pas à1

Sdonc par tout élément de S.

En effet,1

S�= Q⇒ ∃y /∈ 1

Squi donc majore strictement

1

Set par conséquent majore strictement F. F est donc majoré

ce qui prouve que ses éléments sont en nombre fini. de même que B qui admet un plus grand élément N.

F admet donc un plus grand élément

(1

x

)N.

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 26

Ainsi,

(1

x

)N∈ 1

Set

(1

x

)N+1/∈ 1

S(la suite est croissante).

Donc1

xN+1/∈ 1

S⇒ xN+1 ∈ S.

On a donc ∀x ∈ S1 ∩Q+∗, x = xN+1 ×1

xNavec

1

xN∈ 1

Set xN+1 ∈ S.

Donc S1 ⊂ S ×1

Set par commutativité de × : x = 1

xN× xN+1 ⇒ S1 ⊂

1

S× S.

On en déduit finalement que dans tous les cas, S1 ⊂ S ×1

Set S1 ⊂

1

S× S.

Ayant établi par ailleurs que S × 1

S⊂ S1 et

1

S× S ⊂ S1, on est assuré que :

S × 1

S= S1 et

1

S× S = S1.

Donc tout réel strictement positif irrationnel admet un inverse :1

S

Ayant déjà démontré la propriété pour les rationnels positifs, on en déduit que tout réel strictement positif, (rationnelou non) admet un inverse.

D’après la remarque du début de paragraphe, il en est ainsi pour tout réel non nul, quel que soit son signe.

Conclusion : Dans R, la multiplication est associative, admet un élément neutre, et tout réel admet un inverse. (R,×)est donc un groupe.

La multiplication étant commutative, (R,×) est même un groupe commutatif.

La multiplication est régulière dans R

Théorème 1.20. × est régulière dans R c’est à dire que ∀ (S, S′) ∈ R2,∀X ∈ R∗, SX = S′X ⇔ S = S′

Démonstration

� La démonstration sera d’abord faite pour S, S′ et X positifs.

Conditon suffisante : Soit à montrer que ∀ (S, S′) ∈ R2,∀X ∈ R∗, S = S′ ⇒ SX = S′X

On peut remarquer que la condition suffisante est encore vraie pour X = 0; c’est la condition nécessaire qui est miseen défaut.

On cherche à démontrer la double inclusion SX ⊂ S′X et S′X ⊂ SX.

∀y ∈ SX, de deux choses l’une :

⋆ soit y < 0⇒ y ∈ S′X (puisque S′X contient Q−)

⋆ soit y ≥ 0⇒ ∃s ∈ S ∩Q+∗,∃x ∈ X ∩Q+∗ tels que y = sx.

Mais S = S′ ⇒ s ∈ S′ ∩ Q+∗ donc y s’écrit comme produit de deux rationnels positifs, l’un appartenant à

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 27

S′, l’autre à X. On a ainsi prouvé que y ∈ S′X

Par disjonction des cas, on en déduit que SX ⊂ S′X.

Une démonstration similaire permet de prouver l’autre inclusion, donc l’égalité.

Conditon nécessaire : Soit à montrer que ∀ (S, S′) ∈ R2,∀X ∈ R∗, SX = S′X ⇒ S = S′

X étant un réel non nul, il admet un inverse X−1. Ainsi, en utilisant la condition suffisante précédemment démontrée,

SX = S′X ⇒ (SX)X−1 = (S′X)X−1, donc, en utilisant l’associativité de × : S = S′.

� Si S > 0, S′ > 0 et X < 0, alors SX = −(S × (−X)) et S′X = −(S′ × (−X)).avec cette fois, S, S′ et −x positifs.

Or d’après ce qui précède, S × (−X) = S′ × (−X)⇔ S = S′.

Mais on sait que ∀ (x, x′) ∈ R2, x = x′ ⇔−x = −x′. Ainsi SX = S′X ⇔ −(S × (−X)) = −(S′ × (−X))

⇔ (S × (−X)) = (S′ × (−X))

⇔ S = S′.

Les autres cas sont laissés à la charge du lecteur.

Ordre et multiplication dans R

Théorème 1.21. ∀ (S, S′) ∈ R,∀X ∈ R+∗, SX ≤ S′X ⇔ S ≤ S′∀ (S, S′) ∈ R,∀X ∈ R−∗, SX ≤ S′X ⇔ S ≥ S′

Démonstration

Démontrons la première affirmation de la même manière que dans le théorème précédent.

Pour ce qui est du cas X < 0, on sait que −X > 0 donc dans ce cas, SX = − (S × (−X)) et S′X = − (S′ × (−X))

SX ≤ S′X ⇔− (S × (−X)) ≤ − (S′ × (−X))

⇔ S′ × (−X) ≤ S × (−X) d’après le corollaire de la proposition 5.3. ci-dessus.

⇔ S′ ≤ S en utilisant la première affirmation puisque −X > 0.

1.5.4 Immersion de (Q,×) dans (R,×)

On cherche à démontrer la compatibilté de la multiplication dans R avec celle définie sur Q.

On va donc établir que ∀ (r, r′) ∈ Q, Srr′ = Sr × Sr′ .Il va falloir discuter sur le signe des rationnels r et r′, et dans chacun des cas établir la double inclusion.

1. r > 0 et r′ > 0. Rappelons que Srr′ = {x = qq′ avec q ∈ Q+∗ ∩ Sr et q′ ∈ Q+∗ ∩ Sr′} ∪Q−

♦ Sr × Sr′ ⊂ Srr′ . En effet, ∀x ∈ Sr × Sr′ .Soit x ≤ 0⇒ x ∈ Srr′

Soit x > 0 et x = qq′ avec

{0 < q < r0 < q′ < r′

⇒ 0 < qq′ < rr′

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 28

C’est à dire x ∈ Srr′ . Ainsi, ∀x ∈ Sr × Sr′ , x ∈ Srr′ donc Sr × Sr′ ⊂ Srr′

♦ Srr′ ⊂ Sr × Sr′ . En effet, ∀x ∈ Srr′ ,{x < rr′

rr′ > 0⇒ x

rr′< 1

Soit x ≤ 0 donc x ∈ Sr × Sr′Soit x > 0. Par densité de Q, on peut choisir un rationnel positif z

tel que

{ x

rr′< z < 1

z > 0(♠)

On a alors : x =x

rr′z× r× rr

′z

ret d’après (♠) x

rr′< z ⇒ x

rr′z< 1⇒ x

rr′z× r < r donc x

rr′z× r ∈ Sr. Comme

de plus, x, r, et r′ sont positifs,x

rr′z× r ≥ 0 donc x

rr′z× r ∈ Sr ∩Q+∗

et, toujours d’après (♠){

z < 1r > 0 et r′ > 0

⇒ rr′z < rr′ ⇒ rr′z

r< r′ donc

rr′z

r∈ Sr′et là encore

rr′z

r∈

Sr′ ∩Q+∗

Ainsi, ∀x ∈ Srr′ x s’écrit comme produit d’un élément de Sr et d’un élément de Sr′ . Donc Srr′ ⊂ Sr × Sr′ .2. Si r et r′ sont de signes contraires par exemple : r > 0 et r′ < 0. On sait qu’alors Sr > S0 et Sr′ < S0

Par définition de la multiplication dans R, Sr × Sr′ = − (Sr × (−Sr′)) .Or −Sr′ = S−r′ avec cette fois −r′ > 0.D’après ce qui précède, Sr × (−Sr′) = Sr × S−r′ = Sr(−r′) avec Sr(−r′) = S−rr′ = −Srr′ .En définitive, Sr × Sr′ = − (Sr × (−Sr′)) = − (−Srr′) = Srr′

3. Si r et r′ sont tous deux négatifs, Sr × Sr′ = (−Sr)× (−Sr′) = S−r × S−r′ puisque −r et −r′ sont positifs.On a donc encore Sr × Sr′ = Sr × Sr′ .

1.6 Différences entre l’ordre dans Q et l’ordre dans R

1.6.1 Introduction

L’ensemble des réls a été construit dans le but de "boucher les trous" que le placement des rationnels laissaient surla droite numérique. On a vu comment cette construction a permis de "boucher le trou" de

√2 et en généralisant un

peu, de toutes les racines carrées non entières (qui ne sont jamais rationnelles). On n’est cependant pas certain d’avoirsuffisamment complété la droite pour la rendre continue. "As-t-on bouché TOUS les trous ?"

L’ensemble R est dense, mais on a vu avec Q que dense n’entraînait nullement continu. Les paragraphes ci-dessousvont permettre d’établir que :

⋆ Q est dense dans R, c’est à dire qu’entre deux réel existe toujours un rationnel (déjà vu).

⋆ R−Q est dense dans R, c’est à dire qu’entre deux réel existe toujours un irrationnel..

Ce qui est vrai pour des réels quelconques l’est en particulier pour des rationnels ou des irrationnels. On est donccertain que :

� entre deux réels existe toujours un réel

� entre deux réels rationnels, existe toujours un rationnel

� entre deux réels irrationnels, existe toujours un rationnel

� entre deux réels rationnels, existe toujours un rationnel

� entre deux réels rationnels, existe toujours un irrationnel

� entre deux réels irrationnels, existe toujours un irrationnel

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 29

Il existait donc une infinité d’entiers, une infinité "encore plus grande" de rationnels. Il se trouve que les irrationnelssont "encore bien plus nombreux que les rationnels", et qu’à force, on a bouché tous les trous. Mais cette continuité deR n’est toujours pas établie. Elle le sera dans le dernier paragraphe.

1.6.2 Densité de Q dans R

Déjà vu et démontré ci-dessus.

1.6.3 Densité de R−Q dans R

Densité de R−Q dans R

Théorème 1.22. R−Q est dense dans R, c’est à dire qu’entre deux réels quelconques existe toujours un irrationnel.

Démonstration

On va d’abord démontrer qu’entre deux rationnels distincts quelconques il existe un irrationnel. On en déduira lethéorème énoncé après un raisonnement assez simple.

1. Soit deux rationnels a et b tels a < b et S un irrationnel (section de Q qui n’est pas de la forme Sr).

Soit de plus c rationnel de S et d un rationnel n’appartenant pas à S (donc c < d).

On peut faire le schéma suivant :

L’idée consiste à trouver une bijection f strictement croissante de [c; d] sur [a; b] et l’image de l’irrationnel S sera unirrationnel S′ compris entre a et b.

C’est à dire

Soit f la fonction affine définie par : f : Q −→ Q

x �→ b− ad− c (x− c) + a.

b− ad− c > 0 donc f est strictement croissante, et bijective comme toute fonction affine non constante. Sa fonction

réciproque est aussi une fonction affine, de taux d’accroissementd− cb− a > 0 donc strictement croissante aussi. On

constate de plus facilement que f(c) = a et f(d) = b.

Ainsi, bijection oblige, c < x < d⇔ a < f(x) < b équivalence qui s’écrit aussi a < x < b⇔ c < f−1(x) < d

On montrera aussi facilement que S′ = f(S)⇔ S = f−1(S′). (double inclusion).

⋆ S′ est une section de Q.

1.1. S �= Q⇒ ∃x ∈ Q, x /∈ S ⇒ ∃x ∈ Q, f(x) /∈ S′ ⇒ S′ �= Q.

1.2.S �= ∅ ⇒ ∃x ∈ S ⇒ ∃f(x) ∈ f(S)⇒ ∃f(x) ∈ S′ ⇒ S′ �= ∅

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 30

1.3.

{x ∈ S′y ≤ x ⇒

{x ∈ S′

f−1 (y) ≤ f−1 (x) car f−1 est strictement croissante.

Ce qui s’écrit encore

{f−1 (x) ∈ S

f−1 (y) ≤ f−1 (x) ⇒ f−1 (y) ∈ S puisque S est une section

On a donc y ∈ f(S) c’est à dire y ∈ S′.

1.4. S′ n’a pas de plus grand élément car si M ′ était ce plus grand élément, il est immédiat que f−1(M ′) seraitplus grand élément de S qui n’en possède pas.

⋆ S′ est un irrationnel, car sinon, S′ ∈ Q⇒ f−1 (S′) ∈ Q puisque l’image d’un rationnel par une application affine àcoefficients rationnels est un rationnel. D’où la contradiction.

⋆ Montrons enfin que a < S′ < b.

∀x ∈ Sa, x < a⇒ f−1 (x) < f−1 (a)⇒ f−1 (x) < c⇒ f−1 (x) ∈ S puisque c ∈ S qui est une section.

Ainsi, x ∈ f(S) et Sa ⊂ S′ donc Sa ≤ S′ qu’on écrira plutôt ici a a < S′

∀y ∈ S′,{y = f(x)x ∈ S ⇒

{y = f(x)x < d

puisque d /∈ S donc majore strictement S.

Or x < d⇒ f (x) < f (d)⇒ y < b⇒ y ∈ Sb donc S′ ⊂ Sb et S′ ≤ Sb. Donc pour résumer Sa ≤ S′ ≤ Sb.

Comme de plus S′ est un irrationnel, on est certain que S′ �= Sa et S′ �= Sb. d’où Sa < S′ < Sb.

Et en revenant aux notation rationnelles, c’est à dire en écrivant a pour Sa et b pour Sb, on obtient a < S′ < b. Entredeux rationnels distincts quelconques existe bien un réel.

2. Montrons qu’il en est de même avec cette fois deux réels distincts quelconque : x et x′.Q étant dense dans R, ilexiste un rationnel a entre x et x′. Et pour les mêmes raisons, un rationnel b entre a et x′. Le point précédent permetde placer un irrationnel i entre ces deux rationnels. On a donc pour récapituler ces propos : x < a < i < b < x′. Ainsi,entre les réels distincts quelconques existe-t-il bien un irrationnel.

1.6.4 Le théorème de Cantor Dedekind - Complétude (ou continuité) de R

Une première approche consiste à considérer le théorème des suites adjacentes de terminale S. On y démontre que deuxsuites adjacentes possèdent une limite commune. Si on considère des intervalles emboîtés, qui seront définis rigoureusementdans quelques lignes mais qui peuvent être intuitivemet représentés par le schéma ci-dessous : on met en évidence deuxsuites adjacentes (an) et (bn) qui convergent donc vers une même limite réelle l.

b0 b1 b2 b3 a3 a2 a1 a0

On voit donc qu’on peut placer les intervalles emboîtés dans n’importe quelle position, ils définissent une limitecommune qui n’est ni plus ni moins que leur intersection (intersection d’un nombre infini d’intervalles). C’est dans ce"n’importe quelle position que réside la continuité de la droite numérique, donc de R. Chaque point de la droite pourraêtre la limite d’une site définie comme ci-dessus à l’aide d’intervalles embpîtés dont l’intersection est ce point.

Cette approche, pour le moment conceptuelle sera facile à démontrer rigoureusement. Un problème tout de même :la démonstration suppose établi le théorème des suites adjacentes utilise le théorème de la convergence monotone luimême conséquence de la propriété céréctéristisue de la borne supérieure. Il faudra donc pour être rigoureux établir cesthéorèmes, mais on peut comprendre dès maintenant que la complétude (ou continuité) de R est en fait conséquence dela propriété caractéristique de la borne supérieure.

On pourra largement passer directement au théorème de Kantor-Dedekind sans se préoccuper des deux démonstrationsqui suivent seulement destinées à la rigueur du propos. Par contre les définitions premières concernant les suites réellessont supposées connues.

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 31

Convergence monotone

Théorème 1.23. Toute suite crissante (Resp : décroissante) et majorée (Resp : minorée) converge

Démonstration

Soit (un)une suite croissnte et majorée.

Il suffit de considérer l’ensemble E = {un ∈ R/∀n ∈ N} (un) étant majorée, E le sera aussi et E est évidemment nonvide. Ainsi E étant non vide et majoré, il admet une borne supérieure M. D’après la propriété caractéristique de laborne supérieure, ∀ε > 0,∃un0 ∈ E tel que M − ε < un0 .

Ainsi, ∀n ∈ N,∃n0 ∈ N′n > n0 ⇒ un > un0 > M − ε (la première inégalité due à la croissance de la suite).

ou encore, ∀n ∈ N,∃n0 ∈ N′n > n0 ⇒M − ε < un <M puisque M est borne supérieure.

La suite (un) converge donc vers M.

Suites adjacentes

Définition 1.7. Deux suites (un) et (vn) sont adjacentes si et seulement si l’une est croissante, l’autre décroissante

et si leur différence tend vers 0. C’est à dire

(un) croissante(vn) décroissantelim

n→+∞(un − vn) = 0

Convergence de suites adjacentes

Théorème 1.24. Deux suites adjacentes convergent ves la même limite.

Démonstration

Soit (un) et (vn) deux suites adjacentes définies comme ci-dessus.

⋆ La suite (wn) définie par wn = vn − un est décroissante

En effet, wn+1 −wn = vn+1 − un+1 − (vn − un)

= vn+1 − vn + un − un+1 avec vn+1 − vn ≤ 0 et un − un+1 ≤ 0.

⋆ La suite (wn) est à termes positifs.

Par l’absurde, supposons wn0 < 0

{(wn) décroissantelim

n→+∞wn = 0

⇒ wn < 0. la suite étant décroissante, ∀n ≥ n0, wn ≤ wn0 <

0.

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CHAPITRE 1. LA CONSTRUCTION DE L’ENSEMBLE DES NOMBRES RÉELS R 32

Il suffit de choisir un ε < |wn0 | pour être certain de ne jamais pouvoir rendre |wn| < ε et (wn) ne converge pas vers 0.

On en déduit donc que ∀n ∈ N, vn − un ≥ 0⇒ un ≤ vnD’où, compte tenu des monotonies : u0 ≤ u1 ≤ · · · ≤ un−1 ≤ un ≤ vn ≤ · · · ≤ v1 ≤ v0⋆ On déduit de ce qui précède que (un) est majorée (par v0) et croissante. Elle converge donc.

Et de même, (vn) est minorée (par u0) et décroissante donc convergente.

Enfin,

limn→+∞

un = L

limn→+∞

vn = L′

limn→+∞

(un − vn) = 0⇒ L = L′. Les deux suites ont donc même limite.

De plus, vu les monotonies des suites, on montre facilement que ∀n ∈ N, L ∈ [un; vn] . (m^mem principe que pourdémontrer que la suite (wn) est à termes positifs). La limite apparaît donc comme l’intersection de tous les interalles

[un; vn] . c’est à dire L =⋂

n∈N

[un; vn] (intersection infinie).

Intervalles emboîtés

Définition 1.8. Deux intervalles [a; b] et [a′; b′] sont dits emboîtés si et seulement si [a′; b′] ⊂ [a; b] , c’est à direa ≤ a′ ≤ b′ ≤ b

Théorème de Cantor Dedekind

Théorème 1.25. Soit In une suite d’intervalles [an; bn] emboîtés de R dont la longueur tend vers 0. On a donc :{∀n ∈ N, In+1 ⊂ Inlim

n→+∞(bn − an) = 0 Alors, il existe un réel c et un seul commun à tous ces intervalles. c est la limite commune

des suites (an) et (bn)

Démonstration

p > n⇒ an ≤ ap < bp ≤ bn.Ainsi, a0 ≤ a1 ≤ a2 ≤ · · · ≤ ap < bp · · · ≤ b2 ≤ b1 ≤ b0.

Les suites (an) et (bn) sont donc adjacentes.

On a donc, d’après le théorème qui précède : ∃!c ∈ R,∀n ∈ N, an ≤ c ≤ bn.avec c = limn→+∞

an = limn→+∞

bn

Ainsi l’intersection⋂

n∈N

[an; bn] est réduite à {c} .

Conclusion : Cette intersection infinie⋂

n∈N

[an; bn] n’est jamais vide. Il n’y a donc pas de lacune dans R qui est dit

complet.

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1.7 Conclusion

Au risque de lasser le lecteur, revoyons ces notion fondamentales.

On a d’abord créé des ensembles d’entiers (N puis Z) qui réprésentés sur un droite sont "plein de vide". Ce n’estd’ailleurs même pas une doite mais un vague ensemble de points (au sens pixel infinitésimal) séparés par d’énormes trous.Ces ensembles ne sont pas denses, ils sont dits discrets.

L’introduction des nombres rationnels a permis de mettre en évidence la notion de densité, c’est à dire "d’intercalationà l’inifini" et impliquant que tout intervalle d’extrémités distinctes, même ouvert, n’est pas vide (alors que ]2; 3[ est videdans Z.) Cependant bien que dense, cet ensemble représenté par des points alignés ne définit pas une droite continue(même si les trous sont cette fois beaucoup moins gros). Ces lacunes sont parfaitement comblées, comme le prouve lethéorème ci-dessus par l’introduction des nombres irrationnels, c’est à dire la création de R.

Dans cet ensemble R, les rationnels constituent un ensemble dense, mais qui laisse la place pour les irrationnels. Leurnombre est tellement immensément supérieur au nombre des rationnels, que ceux-ci semblent se perdre dans la multitudedes points irrationnels (un peu comme les entiers se perdaient dans la multitude des rationnels, mais d’une manière plusflagrante encore). On peut aussi dire que les points rationnels apparaîssent comme des points épars de la droite numériquede telle sorte que si on enlevait ceux-ci, les points irrationnels ne s’en trouveraient pas moins serrés pour autant . Parcontre, si on enlevait les irrationnels, la droite numérique serait presque vide.

Voilà ce qui fait la grande différence entre l’ordre de N ou Z qui est dit discret, celui de Q qui est dit dense et celui deR qui est dit complet (continu).