laboratoire de mort lente

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Laboratoire de Mort Lente

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George MAXWELL

Laboratoire de Mort Lente

C. P. E. 80, rue René-Boulanger - PARIS

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CHAPITRE I

Max laissa tomber un chiffre : — 126... et rejeta bruyamment l'air emmagasiné

dans sa cage thoracique. Il fit encore deux ou trois Inspirations pour régulariser son système respiratoi- re, le centimètre au bout des doigts.

Lucky inscrivit, à la suite d'autres numéros et remit, indifférente, le crayon entre ses dents ; puis le regarda en dessous.

— Monsieur n'en profité pas pour voir s'il a grandi, par hasard ?

Sa voix était légèrement moqueuse. La phrase s'acheva dans un bâillement qui découvrit deux ran- gées d'admirables dents blanches et régulières.

Il la regarda, soupçonneux. — A trente-deux ans, penses-tu !... Et il vint s'asseoir près d'elle, sur le bord du lit,

où elle était encore étendue. Elle lui tendit la

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feuille, mais voyant son regard se perdre dans l'échancrure de sa chemise de nuit de crêpe de chine noir, qui faisait valoir la teinte laiteuse de sa peau de rousse, elle remonta légèrement le drap et énonça :

— Poids: 88 kgs, tour de cou: 44, bras droit: 42, bras gauche: 41 1/2, taille: 85, poitrine au repos: 118, expiration: 126, cuisses...

Il ne la laissa pas poursuivre plus loin son énu- mération ; s'écrasant sur elle, il prit sa tête dans ses deux mains et colla ses lèvres à sa bouche charnue.

Elle se jeta soudain hors du lit et ramassa un déshabillé qui traînait sur la couverture ; nouant négligeamment la ceinture. Il la suivit du regard un instant, pendant qu'elle se dirigeait vers la salle de bain.

Elle se retourna sur la porte, certaine que son regard l'avait accompagnée jusque-là.

— Tu vas rester encore longtemps dans ce costu- me, bel Apollon ?

Il se rendit compte qu'il était toujours en slip. Il se dressa et s'étira en faisant saillir ses pectoraux.

— Que veux-tu !... je me plais comme ça... Elle éclata de rire ; il en fit autant. Sans lui laisser le temps de trouver une répartie,

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elle referma la porte et il l'entendit tirer la targette. C'est à ce moment que le timbre de la porte d'entrée retentit. Il se disposait à aller ouvrir, lorsqu'il se souvint qu'il était presque nu ; rapidement, il endossa une robe de chambre. Il était 9 h. 30. Ce devait être le courrier.

Le gamin lui tendit un pneumatique. Le visage de Max s'assombrit légèrement, en prenant le papier.

Il décacheta et ses mâchoires se crispèrent tout à coup.

Lucky entr'ouvrit la porte de la salle de bain, le visage luisant de savon sous un bonnet de caout- chouc qui enserrait la masse de ses cheveux.

Elle pensa aussitôt que le petit rectangle bleu que son amant avait jeté sur le lit signifiait très certai- nement la fin prématurée de son congé.

Quelques minutes plus tard, rasé et cravaté, ayant endossé une veste de tweed sur un pantalon de fla- nelle grise, Max dévallait les trois étages, négligeant l'ascenseur. Dehors, il héla un taxi ; jetant une adresse, il se laissa aller sur la banquette et alluma une cigarette. Il était exactement 10 h. 10.

Lucky s'éloigna de la fenêtre et poussa un soupir ; dans sa main, le pneu n'était plus qu'unie boulette de papier froissé.

Elle le déplia pour le relire encore une fois. Il

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était des plus laconique. « Passez dès que possible, merci ». Suivait une signature qu'elle connaissait bien, car le Chef du Service l'employait pour cer- taines de ses communications écrites.

Elle prit une « Camel » dans un coffret et fit jaillir la flamme d'un briquet de table.

Lucky connaissait bien ces sortes de missions. Agents secrets... métier de risque-tout, semé

d'aléas et d'imprévus, un métier qu'il aimait pour- tant, son gars, au point de la quitter sans le moindre regret, du moins ne le lui montrait-il pas, pour s'en aller courir aux quatre coins du monde, risquer sa peau dix fois par jour, pour les besoins de ce fameux Service . « Le Service » ! Il devait être inscrit en capitale dans sa tête de lutteur, ou même peut-être dans son cœur, comme l'était, paraît-il, « Calais » dans celui de la Reine Marie Tudor.

Il avait connu des succès retentissants qui n'avaient pourtant pas dépassé les cloisons du bureau de son chef, mais cela lui suffisait. Un agent secret ne peut être avide de gloire et le circuit international de ses combats ne s'éclaire pas de la même lumière que le ring.

Après que le taxi l'eut déposé devant un immeuble quelconque mais assez important, Max disparut sous la voûte et se dirigea vers l'ascenseur. Au cinquième

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étage, la cage métallique stoppa avec un déclic mou ; un instant plus tard, il était introduit ; on l'atten- dait. L'homme qui le reçut frisait la cinquantaine. Des cheveux gris mais fournis se partageaint sur le côté par une raie impeccable. Vêtu d'un costume sombre, il respirait une assurance tranquille et ses gestes étaient précis et mesurés.

— Asseyez-vous, Baker, j'en ai pour une minute. Max se cala dans un fauteuil de cuir qu'il con-

naissait bien et attendit, les mains posées sur les accoudoirs.

Le chef retourna la dernière feuille d'un dossier qui était posé devant lui et glissa le tout dans une enveloppe d'assez larges dimensions puis, tenant celle-ci entre ses doigts, il parla.

Sa voix était grave quoique sèche. Il donnait l'impression de ne jamais prononcer de mots inutiles.

— Mon cher Max, je vous savais rentré depuis deux jours, et il a fallu des événements graves pour que je me permette d'interrompre votre...

Il chercha un mot qui ne lui parut peut-être pas acceptable et dit tout simplement « votre congé ».

Max inclina la tête, acquiesçant tacitement, ne cherchant même pas à se demander comment l'autre savait qu'il était rentré depuis deux jours. Ça aussi, c'était le Service.

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Le Chef continua. — Vous connaissez Monier ? Et sans attendre de réponse : — Ainsi que Bertrand ?... tous deux ont disparu.

Je n'ai personne de mieux qualifié que vous, qui connaissez parfaitement la région, pour essayer de les retrouver. Si ce n'est possible — dans notre métier, il faut s'attendre à tout (son regard plongea directement dans les yeux de son interlocuteur, qui ne cilla pas) — il vous appartiendra de mener à bien la mission dont je les ai chargés, l'un après l'autre, car ils ne pourront peut-être pas la remplir ; vous me comprenez bien ?

— Oui, Monsieur. — Il se passe là-bas des choses plus graves que je

ne suppose, car, ni l'un ni l'autre, partis à huit jours d'intervalle, ne sont entrés en rapport avec H. 34, qui est sur place pour les réceptionner. Celui-ci m'en a avisé hier. Je me suis souvenu que c'était vous qui aviez été chargé de l'affaire des documents «Z» ; j'ai dû vous en féliciter sûrement, en son temps.

Le Chef n'était pas prodigue de compliments : Max le savait et nota au passage qu'il mentionnait tout de même « qu'il avait dû le féliciter... en son temps » ...ce qui était certainement très suffisant.

Celui-ci lui tendit l'enveloppe et dit :

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— Vous trouverez là-dedans tous les détails sus- ceptibles de vous éclairer ; en gros, on nous informe qu'il y a quelque part, par là, des laboratoires munis des derniers perfectionnements où sont étu- diées les réactions humaines sous l'influence de la radio-activité ; de nombreuses disparitions ont été signalées. Vous savez qu'avec « ces gens » les plai sauteries sont souvent macabres, une vie humaine, ou plusieurs, ne signifient pas grand'chose, si cela est indispensable à la conduite de leurs recherches scientifiques, si j'ose dire. Monier et Bertrand ont emprunté le train ; vous, vous prendrez l'avion jus- qu'où vous voudrez ; je vous laisse le soin de com- poser votre itinéraire à votre guise.

Max Baker prit l'enveloppe et la plaça dans la poche Intérieure de son veston.

Vous avez un avion à 13 h. 30, en direction de Vienne.

Leurs regards se nouèrent une courte seconde, pendant que Max se dressait.

Le chef lui tendit la main et son visage s'éclaira d'un très léger sourire d'encouragement.

— Bonne chance !... et... à bientôt... — Merci, Monsieur. Max tourna les talons et sortit, laissant silencieu-

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sement retomber la porte capitonnée de cuir der rière lui.

Dans la rue, il fit quelques pas. au hasard, puis réalisa tout à coup que, depuis cinq minutes, il était de nouveau effectivement en service ; il consulta sa montre-bracelet : 11 h. 35.

Il arrêta un taxi et donna une adresse, à proxi- mité de son domicile.

Il lui restait encore le temps suffisant de déjeuner en vitesse, boucler sa valise, embrasser Lucky et filer à l'aérodrome.

A 13 h. 30 exactement, le puissant quadrimoteur décollait.

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CHAPITRE II

Il faisait nuit noire lorsque le visiteur frappa légèrement trois coups discrets, espacés d'une cer- taine manière, à la porte d'une maisonnette insigni- fiante, perdue aux confins du village de Breichterof, au sud-est de Vienne.

Autour de lui, un silence morne s'épaississait en couches denses, collant aux semelles et engluant sa silhouette.

Nul bruit, si ce n'étaient les cohortes de rats en vadrouille se disputant, avec de petits cris perçants, une maigre pitance en bousculant parfois les vieilles boîtes de conserves éventrées qui dégringolaient des tas d'immondices dans une cascatelle de ferraille rouillée.

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La porte s'entr'ouvrit un court instant et se refer- ma presqu'aussitôt sur l'arrivant.

Les deux hommes se serrèrent cordialement la main. Celui qui habitait la masure s'enquit :

Bon voyage ?... Café ?... Max acquiesça et s'assit dans un fauteuil Empire,

en très bon état qui contrastait avec le reste du mobilier, des plus vétuste et qui avait, comme beau coup d'autres choses d'ailleurs, fait un sacré chemin pour venir échouer là.

L'autre poussa devant lui un paquet de cigarettes en même temps qu'il lui tendait une tasse de café brûlant. Un moment, les deux hommes se turent, dégustant le breuvage chaud, réconfortant, en rai- son de la température extérieure.

— Vous êtes arrivé quand ? La question était posée très naturellement. Max n'avait aucune raison de se méfier. H. 84,

bien qu'il fût Autrichien, avait donné des preuves suffisantes de sa bonne foi envers le service qui l'em- ployait, fournissant régulièrement son rapport et réceptionnant toujours avec une précision mathéma- tique les agents qui lui étaient dépêchés.

Sa femme et deux de ses filles avaient disparu sous les bombardements, alors que lui-même, enrôlé par contrainte sous la bannière de la Werhmarch,

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avait laissé son bras gauche quelque part, du côte de Leinberg, et n'avait remis les pieds à Vienne que pour trouver quelques débris calcinés à la place de sa maison. Il avait appris que sa troisième fille, âgée enviroq de dix-sept ans à ce moment-là, avait servi de récompense aux guerriers libérateurs venus de l'Est, lesquels en avaient fait une telle consomma- tion, qu'elle s'était avérée inutilisable pour le reste de ses jours.

Il était, par conséquent, de ceux qui n'avaient eu qu'à souffrir de la guerre et de ses conséquences.

Le Service le payait bien, car sa maigre pension, irrégulièrement réglée, ne lui aurait permis que de crever de faim.

Max savait tout cela. Il savait aussi que Hans nourrissait à l'endroit de certains un ressentiment suffisant pour en faire un homme à qui l'on pouvait se fier, et que ce ressentiment même n'était pas près de s'éteindre ; de plus, il était âpre au gain, n'ayant pas tout à fait perdu l'espoir, presqu'à cinquante ans, de se refaire un jour et justement au détriment de ceux qui, selon lui, portaient la majeure respon- sabilité de ses misères.

Mais Max était méfiant par nature et s'il était venu directement chez H. 84, c'était, moins pour la collaboration qu'il était en droit d'en attendre, que

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pour prendre contact tout de suite avec un homme qu'il ne connaissait pas encore personnellement. Il ne se fiait pas entièrement à son intuition, mais celle-ci lui avait été bien souvent d'un secours appréciable.

Il versa une rasade d'eau-de-vie dans sa tasse vide et reposa le flacon.

— Je suis arrivé hier, dit-il en rejetant par les narines la fumée de sa cigarette et en allongeant ses jambes vers le poële de fonte.

— A 11 h. 45 sans doute, dit l'autre. Max approuva.

C'est cela !... Il h. 45. Vous avez trouvé aisément à vous loger ?

Max ne répondit pas à la question. — Quand avez-vous vu Monier pour la dernière

fois ?... L'Autrichien réfléchit un instant , très court, puis : — Mais... je n'ai pas vu Monier... Vous devriez

le savoir. Sa voix se fit plus voilée pour ajouter ; — Pourquoi cette question ?.. le chef a dû vous

le dire ? Max éluda la réponse. — Je n'ai pas eu le temps de regarder mon dos-

sier très attentivement ; je suis parti presque aussi-

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tôt l'ordre reçu... s'ils n'ont pas donné signe de vie, c'est qu'ils n'avaient rien à dire d'important, mais vous, vous auriez pu les voir une fois ?

C'était aussi bien une explication qu'une question. Hans répondit, très calme : — Je n'ai vu personne, et ajouta : « j'en ai infor-

mé le Service ». — Bien, fit Max, en se versant une nouvelle dose

d'alcool. Une forte dose d'ailleurs, car la tasse était avantageuse.

Il poursuivit : — Comment peut-on circuler dans le coin ? — Avec précaution, dit l'autre, beaucoup de pré-

caution, beaucoup de prudence ! Je fais moi-même très attention... depuis quelque temps.

— Ah !... pourquoi depuis quelque temps, parti- culièrement ?

— A cause des travaux, répliqua l'Autrichien, cela amène beaucoup de monde.

Max s'enquit encore : — Mais, je ne comprends pas bien... pourquoi

beaucoup de monde... la nature de ces travaux... L'autre compléta sa phrase : — Exigerait une plus grande discrétion, c'est cela

que vous voulez dire ? Effectivement, mais c'est justement pour ça... le va et vient continuel empêche

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l'intérêt de se concentrer sur un objet déterminé ; et ce qui se passe à la surface, je veux dire la cons truction de l'usine hydraulique, permet de travailler en profondeur à l'abri de cet ostensible déploiement. De plus, cela fait de là main-d'œuvre, à portée de la main... si j'ose dire... Il fit entendre un petit rire bref qui se figea aux commissures des lèvres.

C'est loin ? demanda Max, en allumant sa qua- trième cigarette.

— Deux kilomètres et demi environ, à gauche après la route.

On peut y aller ? — Pas ce soir... Je ne pourrai vous accompagner. Max eut l'impression très brève que H ans était

mal à l'aise tout à coup. — Je n'ai pas besoin de vous, dit-il, indiquez-moi

le meilleur chemin, j'irai seul. H ans manifesta encore une certaine réserve. — C'est imprudent, car on n'approche pas facile-

ment... sourtout de nuit ; en tout cas, si vraiment vous y tenez, débarrassez-vous ici des papiers super- fl us, vous les reprendrez après.

— C'est inutile, répliqua Max, je n'ai rien sur moi de compromettant.

— Vous les avez laissés à l'hôtel ? questionna H. 84, avec un léger tremblement.

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Rassurez-vous, ils sont en sûreté... L'autre posa encore une question, avec indifférence. — A quel hôtel êtes-vous descendu ?

Max réfléchit un instant, avant de répondre. Je ne suis pas à l'hôtel.

— Ah !

Pour couper court à d'autres explications, il se dressa, boutonna son imper, et écrasa sa cigarette du talon.

— Je vais tout de même aller faire un tour par là.

Hans allait ouvrir la porte, pour permettre à Max de sortir, lorsque celui-ci, d'un mouvement prompt, fit jouer le commutateur et plongea la baraque dans l'obscurité.

— Maintenant, vous pouvez ouvrir, dit-il, j'aime autant qu'on ne me vole pas sortir de chez vous, pour l'un comme pour l'autre.

— Vous avez raison, approuva l'Autrichien, quoi- que à ces heures-ci...

Max se glissa dehors... — Prudence, mon vieux... c'est vous-même, tout à

l'heure !... rappelez-vous...

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C. P. E.

80, Rue René-Boulanger

PARIS (X

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