2017Photographies de Mario Del Curto

L’ALBUM DES VERGERS

Mario Del Curto (*1955) Photographe et réalisateur basé à Lausanne. Il porte son regardsur les mouvements sociaux (La Suisse en mouvement, 1981), sur le monde du théâtre et de la danse (Théâtre Vidy-Lausanne).Il se passionne depuis 1983 pour l’Art Brut. En 2016, il présente,en première création à Meyrin, l’exposition Voyage Vers, un récit en images d’un périple de quatre ans à travers le mondeoù il aborde les liens qui nous unissent à notre environnementvégétal et la manière dont nous interagissons avec lui.

Au fil des quatre saisons de la campagne photo -graphique de 2017 sur l’écoquartier des Vergers,Mario Del Curto saisit avec délicatesse la rudessede la vie ouvrière sur les chantiers, rudesse inhérenteà la construction, bien sûr, mais dont il restitue aussila richesse sensorielle et l’aventure collective sanslaquelle rien ne pourrait advenir. L’humanité quis’en dégage semble inhérente à l’altérité ambiante dece processus ; foisonnement des matériaux, entas-sements, enchevêtrement des échafaudages, balletincessant des grues, couleurs et textures dans lechaos relatif de ce grand village.

En confrontation toujours avec les sols éventrésde cette nature encore bousculée, les habitants, deplus en plus présents, sont entravés dans leurs mou-vements quotidiens à travers ce «chantier ouvert aupublic », et qui contredit la consigne généralementaffichée. Dans ce contexte, Mario Del Curto saisitla réalité immédiate et contrastée du moment, maisaussi, il imprime à ses images un regard prospectif,un désir, il nous interroge sur la possibilité d’uneheureuse issue.

Si la vie de ce grand chantier est aussi foison-nante, en sera-t-il de même de celle de ce quartier?Nature et nature humaine pourront-elles y repren-dre leurs droits?

Prenant un recul nécessaire, le photographe in-troduit dans le champ visuel, ce qui devrait être, aupropre comme au figuré, au premier plan de touteforme de vie : le jardin. À partir des images d’unenature stérilisée pour les besoins de ce grand cham-bardement, il nous propose celle bien vivante duvégétal, rétablisssant le lien ténu qui nous rattacheaux lieux et à notre propre nature humaine. C’est«un voyage vers», une suggestion bienveillante pouréchapper enfin au paradigme du «hors sol ».

En somme et pour que la vie prenne, Mario DelCurto nous invite à cultiver notre espace public àl’image de ce jardin ouvrier ou de Madame Dunand,affairée dans son potager. Les immeubles appa rais -sent alors comme (re)posés sur un socle vivant dontle désordre relatif n’est pas sans rappeler celui duchantier. Si le temps du chantier peut sembler à justetitre chaotique, celui d’une nature retrouvée suggèreune alternative harmonieuse, celle d’habiter active-ment notre jardin planétaire.

Nicolas Lucchiniarchitecte, Ville de Meyrin

La ville de Meyrinconstruit son écoquartier

janvier-février 2017

mars-avril 2017

mai-juin 2017

La photographie est ma relation au monde. Elle per-met un contact, une connaissance, elle est le mediumidéal pour témoigner d’innombrables réalités. Surun chantier, elle permet entre autres de garder en têteque si nous avons de bons abris, des routes et del’eau chaude, certains, en revanche ont eu mal audos, des cals aux mains…

Mon père était maçon. L’odeur du ciment surle veston, la salopette blanche, les tampons en laiton,les vis au fond de la poche, les vis parachutes enacier que l’on pose dans une boîte après les avoirfait tourner dans sa main jusqu’à en avoir mal…Tous ces souvenirs sont familiers pour moi. Ce sontdes trésors de l’enfance. À l’âge de 17 ans, compre-nant que j’en avais fini avec les bancs de l’école etque l’image m’avait déjà kidnappé, j’ai travaillé pen-dant plusieurs mois – huit, je crois – sur un chantierpour payer mon premier Nikon. Un F2 avec unobjectif de 28 mm et de 50 mm. Par la suite, quandmes poches étaient vides, j’allais travailler sur lestoits, à l’usine aussi, comme aide ferblantier et char-pentier. J’aime la charpente, aujourd’hui encore.

À Meyrin j’ai retrouvé tout ceci, sous un angleun peu différent. Les techniques de constructionsont assez sophistiquées, mais ne sont rien sans latête et les bras des travailleurs. Mais le domaine dela construction s’est spécialisé et je sens que la pas-sion du métier s’est un peu envolée, emportée parla grandeur des entreprises en charge des chantierset par les délégations en cascade à de nombreuxsous-traitants pour des histoires de sous, de ratio-nalisation, diront certains. L’effet sur l’homme sefait sentir.

Parmi ces ouvriers aux bras costauds, ces artisansaux doigts d’or, il y a encore la fierté de construirepour l’autre. La plupart d’entre eux, un peu com-plices de l’expérience, admiraient le concept du pro-jet. Ce sont des choses que j’ai ressenties dans lesdiscussions sur place. Car la photographie, c’est aussice contact privilégié, cette curiosité, qui prend beau-coup plus de temps que le «clic » du déclencheur.

Je devais aussi photographier les premiers habi -tants qui arrivaient sur un chantier en plein boom,du bruit, de la poussière, de la boue, des cheminsentravés. Ce ne sont pas les meilleures conditionspour arriver dans son nouveau logement. Mais peud’habitants se sont plaints, du moins pas devantmoi. Tous étaient portés par la vision d’un futurquartier agréable à vivre, comme peu de quartiersle sont à leurs yeux, avec des appartements confor-tables, lumineux.

À l’image du monde actuel, les voisins se parlentpeu, seules quelques personnes âgées regardent letravail se faire. Les enfants ne chipent pas une truellepour construire une route pour leur camion en plas-tique sur le tas de gravats. Il me semble pourtantque tout l’enjeu de l’écoquartier est là : faire en sortequ’un quartier conçu par des urbanistes et des archi -tectes offre les mêmes avantages qu’un village quise serait construit sur la durée. Ceci sans nostalgieaucune. Mais comment faire pour que ce vouloir de-vienne, sans trop de contraintes, le vouloir des futurshabitants qui n’ont pour point commun, a priori, quele fait d’avoir choisi d’habiter sur un même lieu?

Mario Del Curto

juillet-août 2017

septembre-octobre 2017

novembre-décembre 2017

L’ALBUM DES VERGERS2017Photographies de Mario Del Curto

éditrice : Ville de Meyrin rue des Boudines 2, case postale 367, 1217 Meyrin 1service de l’urbanisme, des travaux publics et de l’énergieen collaboration avec le service de la culturewww.lesvergers-meyrin.ch

coordination: Thierry Ruffieux, Adrien Fohrer, Nicolas Lucchini, Delphine Plantiergraphisme: Pierre Lipschutz, promenade.chimpression: Atar Roto Pressetirage : 300 ex.

© 2018, Ville de Meyrin

Le chantier en 2017

• Démarrage des chantiers des immeubles A11, A12, A13, A14, A23, A27, B4

• Ouverture du parking des Arbères• Démarrage de la construction des aménagements

extérieurs définitifs• Arrivée des habitants dans les immeubles

A15, A21, A26, B3, B7, B8, B13, B10, B12• Inauguration du premier potager urbain des Vergers• Première plantation de la végétation

(arbres, fruitiers, arbustes, prairie)