la volatilité du prix du blé sur les marchés agricoles mondiaux: une

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Université de Lyon Université lumière Lyon 2 Institut d'Études Politiques de Lyon La volatilité du prix du blé sur les marchés agricoles mondiaux: une approche par les facteurs Pagès Laura Mémoire de master Revisiter l'articulation globalisation, commerce et développement Sous la direction de : Mustapha Sadni Jallab (Soutenu le : 3 septembre 2012 ) Membres du jury : - Mustapha Sadni Jallab - René Sandretto

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Page 1: La volatilité du prix du blé sur les marchés agricoles mondiaux: une

Université de LyonUniversité lumière Lyon 2

Institut d'Études Politiques de Lyon

La volatilité du prix du blé sur les marchésagricoles mondiaux: une approche par lesfacteurs

Pagès LauraMémoire de master

Revisiter l'articulation globalisation, commerce et développementSous la direction de : Mustapha Sadni Jallab

(Soutenu le : 3 septembre 2012 )

Membres du jury : - Mustapha Sadni Jallab - René Sandretto

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Table des matièresRemerciements . . 5Avant-propos: Pourquoi un mémoire sur la volatilité des prix du blé? . . 6Introduction . . 7Partie I. Les échanges de blé contemporains menacés par la volatilité: les enjeux del'instabilité du prix du blé sur les marchés agricoles mondiaux . . 11

Chapitre 1. Des échanges de blé internationnalisés . . 111. A. Le blé, la céréale la plus échangée sur les marchés agricoles mondiaux . . 111. B. Les principaux opérateurs de la filière blé . . 131. C. Une production et une consommation à l'échelle mondiale . . 14

Chapitre 2. L'instabilité « naturelle » et « excessive » du prix du blé . . 172. A. La mesure de la volatilité du prix du blé . . 182. B. L'instabilité « naturelle » du prix du blé . . 202. C. La volatilité « excessive » du prix du blé . . 22

Chapitre 3. Les enjeux liés à la volatilité « excessive » du prix du blé . . 243. A. Un enjeu de croissance économique . . 253. B. Un enjeu de stabilité financière . . 263. C. Un enjeu de sécurité alimentaire . . 27

Partie II. La controverse sur les facteurs de la volatilité du prix du blé: entre explicationsfondamentale, financière et conjoncturelle . . 29

Chapitre 1. La part fondamentale de la volatilité du prix du blé . . 301. A. Une évolution de la demande sur les marchés prévisible . . 301. B. Une évolution de l'offre sur les marchés très fluctuante . . 331. C. Une évolution dans un contexte plus général d'augmentation de la demandeen matières premières . . 35

Chapitre 2. La part financière de la volatilité du prix du blé . . 382. A. Augmentation des investissements non traditionnels sur les marchés . . 382. B. La spéculation comme facteur majeur de la volatilité du prix du blé . . 412. C. La spéculation comme facteur mineur de la volatilité du prix du blé . . 43

Chapitre 3. La part conjoncturelle de la volatilité du prix du blé . . 443. A. Une évolution sous tension des politiques agricoles, commerciales etalimentaires . . 443. B. Le rôle amplificateur de l'incertitude et des rumeurs . . 463. C. La volatilité des prix du blé comme le fruit d'une conjonction de facteursfondamentaux, financiers et conjoncturels . . 46

Partie III. La nécessité de concilier les diverses approches de la volatilité: remédier etanticiper la complexité des échanges de blé de demain . . 49

Chapitre 1. Ajuster l'offre par rapport à la demande mondiale en blé . . 501. A. Repenser les politiques agricoles, commerciales et alimentaires . . 501. B. Réinvestir dans le secteur agricole . . 511. C. Favoriser la recherche agronomique pour améliorer les rendements . . 53

Chapitre 2. Limiter l'incertitude financière sur les marchés . . 542. A. Renforcer le système financier international . . 55

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2. B. Réguler les marchés agricoles mondiaux . . 552. C. Favoriser la transparence et améliorer la gestion des stocks mondiaux de blé. . 57

Chapitre 3. Protéger les plus vulnérables dans les périodes de volatilité excessive . . 583. A. Protéger les producteurs des conséquences négatives de la volatilitéexcessive . . 583. B. Protéger les consommateurs des conséquences négatives de la volatilitéexcessive . . 593. C. Repenser la gouvernance agricole mondiale, nationale et locale . . 61

Conclusion . . 63Bibliographie . . 65

Ouvrages . . 65Rapports . . 67Articles de revues scientifiques . . 68Documentaires videos . . 69Autres sources . . 69

Annexes . . 70Annexe 1. Entretiens . . 70

Entretien n° 1: François Léger . . 70Entretien n° 2: Frédéric Fieux . . 70Entretien n° 3: Cédric Pene . . 71Entretien n° 4: Joerg Mayer . . 71Entretien n° 5: Guy Belland . . 72Entretien n° 6: Antoine Berlier . . 73Entretien n° 7: Adrien de Larrard . . 73

Annexe 2. Analyse . . 73Annexe 2.1. . . 73Annexe 2.2 . . 75Annexe 2.3 . . 76Annexe 2.4 . . 77Annexe 2.5. . . 78Annexe 2.6. . . 79Annexe 2.7 . . 80Annexe 2.8 . . 81

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Remerciements

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RemerciementsJe tiens avant tout à remercier les personnes avec qui j'ai pu m'entretenir sur ce sujet, car ces derniersont pris du temps pour me faire partager leur vision personnelle sur le phénomène de la volatilitédes prix du blé. Ainsi, je remercie tout particulièrement François Léger, Frédéric Fieux, CédricPene, Joerg Mayer, Guy Belland, Antoine Berlier et Adrien de Larrard. Grâce à eux, j'ai pu saisirl'ensemble des enjeux et de la complexité de ce phénomène.

Ce mémoire s'inscrit dans le cadre du séminaire de l'IEP de Lyon « Revisiter l'articulationglobalisation, commerce et développement ». Je tiens donc à remercier chaleureusement mesprofesseurs, Emmanuelle Ganne et Mustapha Sadni Jallab. Tout particulièrement Mustapha SadniJallab, mon tuteur de mémoire, qui a su m'encadrer tout au long de cette année de recherche, richeen apprentissages divers et en rencontres inoubliables.

Epigraphe

"As-tu parfois sur la colline Parmi les souffles caressants Entendu la chansondivine Que chantent les blés frémissant" Camille Soubise, La chanson des blésd'or

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Avant-propos: Pourquoi un mémoire sur la volatilitédes prix du blé?Au premier abord un sujet sur la volatilité des prix du blé peut paraître trop « agricole » ou« financier » pour une étudiante à l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon. Pourtant, le comte deMirabeau n'a t-il pas déclaré en 1789 que « toute la politique part d'un grain de blé »? Peut-être faisait-il référence à l'anecdote selon laquelle cette céréale mythique aurait précipité la chutede Louis XVI. Récoltes désastreuses, explosion des prix et impossibilité de trouver de la farineavaient incité le peuple de Paris à prendre les armes contre « le boulanger, la boulangère et le petitmitron ». Mirabeau rappelle ici humblement que l'agriculture doit rester une priorité politique carl'alimentation est à la base de la vie humaine.

Une autre raison qui m'a poussée à choisir ce thème est justement mon rapport personnel avecle monde de l'agriculture. Mon père est agriculteur, producteur de blé et de lait, comme l'étaient mesgrands-parents paternels et maternels avant lui. Ayant grandie à la campagne, les études que j'aisuivies à Lyon m'ont coupé de mes racines agricoles, et c'est pour y rendre hommage que j'ai choisice sujet, si crucial dans le monde agricole contemporain. Partagée entre une vision apocalyptiquedes grèves de la faim et la réjouissance des membres de ma famille voyant leur travail enfinbien rémunéré, perplexe face aux explications complexes d'un ami travaillant dans le monde de lafinance... j'avais besoin de forger ma propre opinion sur ce thème très controversé.

Les petits producteurs sont dépendants du prix mondial de leurs productions. La volatilité lesaffectent dans leur vie quotidienne, car elle augmente l'incertitude de leurs revenus futurs et rendincertains les éventuels investissements qu'ils pourraient réaliser pour améliorer leurs productions.J'ai pu réaliser cela lors d'un stage effectué dans un organisme de microfinance à Lima, FINCAPeru, dans le cadre duquel j'ai été chargée d'élaborer un mécanisme de prévision des rendementsagricoles pour faciliter les prêts aux agriculteurs d'une région andine défavorisée. Finalement,écrire ce mémoire signifiait pour moi prendre conscience combien « le monde paysan, rural ouagricole, peu importe son nom, est l'enjeu politique et anthropologique devant nous, et non derrièrenous », comme le souligne si bien Dominique Wolton1.

1 Wolton, Dominique. 2011. Comment nourrir le monde? L’aube et Passion Céréales. Chapitre 11, p. 159-173, Agriculture et

mondialisation: le renversement anthropologique, p. 165.

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Introduction

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Introduction

Le blé appartient à l’espèce Triticum vulgare, issue de la domestication de l’engrain (Triticummonococcum) et de l’amidonnier (Triticum dicoccum) vers 8000 av. J.-C., au Proche-Orient.Un croisement entre l’amidonnier et une grainée sauvage, l’Aegilops squarrosa aurait forméles blés actuels, vers le troisième ou le quatrième millénaire av. J.-C. Le blé ne peut pas êtrecultivé sous un climat tropical et humide, et prend son origine dans les steppes du Moyen-Orient. « Ses origines géographiques moyen-orientales expliquent que, parallèlement, uneplace importante lui ait été attribuée dans les mythologies et les religions des civilisationsdu Proche-Orient et du monde méditerranéen»2. Le blé est par exemple mentionné dansla Bible dans un épisode qui relate comment Joseph, ministre d'un pharaon égyptien,emmagasina « du blé comme sable de la mer, en quantité incalculable » en prévision de septannées de vaches maigres. Il rappelle l'offrande du pain et du vin dans la religion chrétienne.La crainte de manquer de blé a marqué le quotidien des Romains et des Grecs à travers lavénération des déesses Déméter et Cérès et les célèbres « panem et circenses »3.

Chaque année, plus de 600 millions de tonnes de blé sont récoltées dans le monde cequi fait du blé la céréale la plus cultivée au monde. Selon Jean-Paul Charvet, professeurémérite en géographie agricole et rurale et auteur de nombreux ouvrages sur le blé, « leblé demeure la principale clef de voûte du système alimentaire mondial »4. Il rappelle qu’ily longtemps le terme « blé » ou « bled » désignait l’ensemble des céréales qu’elles soientou non principalement destinées à l’alimentation humaine. Aujourd’hui le mot « blé » serapporte en principe seulement au froment. Le calendrier des semis et des moissons deblé est différent selon les pays. Ainsi, on moissonne du blé dans le monde onze mois surdouze et les zones de culture se concentrent sur les latitudes tempérées. Il y a des blésd’hiver (semés en automne) et les blés de printemps (semés au printemps) et des blésalternatifs, ainsi que des blés « hard » ou « soft ». À chaque groupe de blé correspond unmarché particulier et les différences de prix varient selon la loi de l’offre et de la demande. Laréférence des cotations du blé est celle fixée sur un marché à terme américain, le ChicagoBoard of Trade (CBOT) en raison de l'ampleur des transactions qui y sont effectuées. Ainsi,en 2011, plus de 13 millions de tonnes de blé y ont été échangées – un volume représentantquatre fois plus de contrats à terme que sur le Kansas City Board of Trade et onze fois plusque sur le MATIF. Pour faciliter l'analyse dans le cadre de ce mémoire, c'est donc le prix duChicago Wheat Future qui sera assimilé au prix mondial du blé5.

2 Collectif. 2009. Nourrir les hommes: un dictionnaire. Section « le blé ». Broché, p. 146.3 Du pain et des jeux pour le peuple.

4 Charvet, Jean-Paul. 1990. Le blé. Economica, p. 10.5 Annexe 2.2.

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Le cours du blé tendre à Chicago et en France de 1992 à 2010Source: Charvet, Jean-Paul et Levasseur, Claire. 2012. Atlas de l’agriculture.

Autrement.Le prix mondial du blé est le résultat la confrontation d'une offre et d'une demande en

blé sur les marchés agricoles mondiaux, confrontation que Jean-Paul Charvet appelle le« chassé-croisé production-consommation au niveau mondial »6. La demande en blé estdispersée aussi bien sur le plan économique que géographique, tandis que l'offre de bléest concentrée aux Etats-Unis, au Canada, en Argentine et dans l'Union Européenne, quiréalisent à eux seuls 90% des exportations mondiales. Les acteurs traditionnels continuentà peser, mais l'entrée récente de nouveaux pays producteurs comme les pays de lamer noire déstabilise les anciens équilibres. On assiste à une augmentation rapide de laconsommation de blé à l'échelle mondiale depuis la fin des années 1990 dans un contexted'occidentalisation des habitudes alimentaires et de forte croissance démographique.

Le terme « volatilité » est emprunté au langage économique et décrit un niveau devariabilité d’un cours ou d’un prix dans le temps. Plus précisément, mesurer la volatilité duprix du blé revient à mesurer l'étendue des variations de son cours sur une période donnée,soit l'écart type des rendements du prix du blé. La mesure de la volatilité est assez complexeet dans l'idéal elle devrait constituer un bon indicateur de la fréquence et de l'amplitude desvariations du prix. Sur le CBOT, ce prix varie à la hausse ou à la baisse selon une amplitudeplus ou moins forte. Pour parler d'une volatilité importante, il faut que les variations du prix dublé interviennent dans un laps de temps court. L'amplitude des variations est centrale: si leprix du blé augmente de 10% un jour et baisse de 10% de jour suivant, le cours du blé n'aurapresque pas évolué en moyenne sur les deux jours, mais on parlera d'une forte volatilité. Denombreux économistes se sont intéressés à la volatilité des prix des matières premières,

6 Ibid., p. 10.

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Introduction

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comme Ricardo ou Condillac. Cette thématique connaît pourtant un regain d'intérêt depuisles années 1980, comme le montre ce graphique réalisé à partir de l'application Googlebooks Ngram Viewer, l'intérêt mondial pour la volatilité des prix (« price volatility »).

Le nombre d'entrées « price volatility » répertoriées sur Google books depuis 1800Source: Ngram Viewer.Le cours du blé est devenu particulièrement instable ces dernières années, même s'il

faut rappeler que l'instabilité des prix est intrinsèque aux marchés agricoles. V ertiges etDéboires, le titre du Cyclope 2009 emprunté à Paul Bairoch résume bien l'incertitude quirègne sur les marchés mondiaux7. Jamais le cours du blé n'avait été aussi instable depuisles années 60. Entre 1990 et 2006, le prix du blé était en moyenne de 130 dollars. Il passeen 2008 à 305 dollars, pour retomber aux environs de 196 en moyenne en 2009 et 2010.En 2011, ce dernier est remonté jusqu'à 281 dollars. Le prix mondial du blé a donc bondide 60 à 80%. On peut parler d'une véritable crise céréalière, même si cette tendance à lahausse en 2007-2008 et en 2010-2011 est aussi observée pour les prix du riz, du maïs, dusucre et des produits alimentaires en général.

« Nous traversons une période de volatilité extraordinaire des prix des denréesalimentaires, qui pourrait véritablement porter un préjudice irréparable à laplupart des pays et des populations les plus vulnérables (…) Le niveau élevé,l’incertitude et la volatilité des prix représentent la plus grave menace qui pèsesur les plus vulnérables dans le monde en développement.» Robert Zoellick,Président du Groupe de la Banque mondiale.

Lors de ces dernières flambées des prix, les Etats et les organisations internationales ontpris conscience de l'importance stratégique des matières agricoles. La France a ainsi faitde la question agricole et alimentaire un des thèmes majeurs de sa présidence du G20 en2011. Les sommets se sont multipliés comme celui du G8 à l'Aquila en juillet 2009, celuide Pittsburgh en septembre 2009 ou encore celui de Rome pour la sécurité alimentaireen novembre 2009. Les organisations comme la Food and Agriculture Organization, leProgramme Alimentaire Mondial, la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et

7 Chalmin, Philippe. 2009. Cyclope 2009 Les marchés mondiaux: vertiges et déboires. Economica.

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La volatilité du prix du blé sur les marchés agricoles mondiaux: une approche par les facteurs

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le Développement, l'Organisation Mondiale du Commerce ou encore l'International FoodPolicy Research Institute ont été consultés pour élaborer des solutions visant à diminuerdurablement la volatilité des prix des matières premières. Dans le même temps, la volatilitédes prix des matières premières est devenue un sujet de recherche académique prisé parles économistes.

La crainte de manquer de blé a longtemps été la hantise des populations européenneset de leurs gouvernements. Le spectre des disettes et des pénuries semble avoir resurgilors des émeutes de la faim en 2007/2008, soulignant combien le blé constitue encoreune céréale essentielle à l'échelle planétaire pour des raisons agronomiques, nutritives,historiques et culturelles. Les échanges de blé sont ainsi menacés par la volatilité quirègne sur les marchés agricoles mondiaux, alors même que les hommes n'en sont qu'audébut de leur exploration de ce phénomène économique aux facteurs si complexes. Cettemenace nous invite à étudier pourquoi l'avenir des échanges de blé repose sur une meilleurecompréhension des facteurs à l'origine de la volatilité du prix du blé sur les marchés agricolesmondiaux.

Répondre à cette question suppose tout d'abord une compréhension claire des enjeuxliés à l'instabilité des prix du blé sur les marchés agricoles mondiaux. Le marché dublé est ainsi un marché mondial. Naturellement et historiquement instable, ce marchéconnaît pourtant depuis quelques années une volatilité excessive. Mieux comprendre laproblématique de la volatilité des prix du blé doit se faire dans le cadre d'un dialogue élargiqui recouvre trois enjeux principaux: un enjeu de croissance économique, un enjeu destabilité financière et un enjeu de sécurité alimentaire à l'échelle mondiale.

Si l'urgente nécessité de mieux connaître les causes à l'origine de la volatilité des prix dublé fait consensus, il y a pourtant une véritable controverse académique et idéologique surles facteurs à l'origine de ce phénomène économique complexe. Il s'agira dans cette partied'identifier les différentes sources de risque - prix, quantités, climat, maladie, spéculation,environnement financier, impact médiatique - et établir des corrélations entre elles, afin demettre en évidence la complexité et le caractère conflictuel des approches causales de lavolatilité, tantôt fondamentale, financière ou conjoncturelle.

Ainsi, seule une meilleure compréhension des facteurs à l'origine de la volatilité des prixdu blé peut permettre d'en atténuer les effets et éviter que les échanges soient effectuésaux dépends des agriculteurs et des consommateurs. Il s'agira dans cette dernière partiede montrer la nécessité de concilier les diverses approches de la volatilité des prix dublé - approche fondamentale, financière et conjoncturelle - pour y remédier. Anticiper lacomplexité des échanges de blé de demain reposera donc sur des mesures multiples visantà ajuster l'offre à la demande mondiale en blé, limiter l'incertitude financière sur les marchésfinanciers, et protéger les plus vulnérables pendant les périodes de volatilité excessive.

L'objet de ce mémoire sera donc de montrer l'importance des facteurs à l'origine dela volatilité du prix du blé sur les marchés agricoles mondiaux, à travers les entretiensdes différents acteurs de la chaîne de production du blé, ainsi que des analystes, deséconomistes et des professeurs travaillant sur ce sujet. Ces entretiens auront pour objectifde saisir les perceptions divergentes du phénomène pour mieux en analyser la complexitéet aboutir à une classification simplifié des causes de la volatilité du prix du blé. L'analyse deces entretiens sera complétée par des graphes qui seront tantôt réalisés personnellementou sélectionnés parmi l'abondante et récente littérature sur le sujet. Il s'agira avant tout degarder un oeil « neutre » sur ce phénomène, dans un soucis de toujours mieux saisir lesdiverses facettes de la volatilité des prix du blé.

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Partie I. Les échanges de blé contemporains menacés par la volatilité: les enjeux de l'instabilité duprix du blé sur les marchés agricoles mondiaux

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Partie I. Les échanges de blécontemporains menacés par la volatilité:les enjeux de l'instabilité du prix du blésur les marchés agricoles mondiaux

Etudier pourquoi l'avenir des échanges de blé repose sur une meilleure compréhension desfacteurs à l'origine de la volatilité du prix du blé suppose tout d'abord une compréhensionclaire des enjeux liés à l'instabilité des prix du blé sur les marchés agricoles mondiaux.Le marché du blé est ainsi un marché mondial. Naturellement et historiquement instable,ce marché connaît pourtant depuis quelques années une volatilité excessive. Mieuxcomprendre la problématique de la volatilité des prix du blé doit se faire dans le cadre d'undialogue élargi qui recouvre trois enjeux principaux: un enjeu de croissance économique,un enjeu de stabilité financière et un enjeu de sécurité alimentaire à l'échelle mondiale.

Chapitre 1. Des échanges de blé internationnalisés

1. A. Le blé, la céréale la plus échangée sur les marchés agricolesmondiaux

Le blé possède à l’échelle mondiale un marché financier très significatif. C’est ainsi l’unedes rares matières agricoles représentée par de grands indices qui concentrent la plusgrande partie de la spéculation financière. Les statistiques mondiales du blé sont calculéespar le Conseil International des Céréales et par la FAO. Environ 127 millions de tonnesde blé ont été échangées sur les marchés mondiaux en 2010, soit près de 20% de laproduction mondiale, contre seulement 13% de celle du mais et 6% de celle du riz. Lestransactions de gré à gré sont encore fréquentes et elles atténuent considérablementles chocs commerciaux. Les grands pays exportateurs (Etats-Unis, Canada, Argentine,Australie, Union Européenne, Russie, Kazakhstan, Brésil et Thaïlande) fournissent 70%de l’offre sur les marchés mondiaux tandis que plus de cent pays importent du blé. Plusexactement, quatre types de blé peuvent être échangés : les blés « hard », les blés « soft »,les blés « fourragers » et les blés « durs ». Les échanges mondiaux de blé ont été multipliéspar deux au cours des années 1970, passant de 50 à 100 millions de tonnes par an. Ilsstagnent au cours des années 1980 et 1990 autour de 100 millions de tonnes. Depuis lesannées 2000, les échanges mondiaux de blé sont en constante augmentation sauf pour lacampagne 2010/20118.

8 Chalmin, Philippe. 2011. Cyclope 2011: le printemps des peuples et la malédiction des matières premières. Economica, p. 220.

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La volatilité du prix du blé sur les marchés agricoles mondiaux: une approche par les facteurs

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Les échanges mondiaux de blé et farine de blé en 2009-2010Source: Charvet, Jean-Paul et Levasseur, Claire. 2012. Atlas de l’agriculture.

Autrement.Le marché mondial du blé est constitué de plusieurs marchés nationaux interconnectés

entre eux. Les principaux marchés à terme, encore appelés « bourse du blé » en Amériquedu nord sont le Winnipeg Commodity Exchange (WCE) au Canada et le Chicago Board ofTrade (CBOT), le Kansas City Board of Trade (KCBT) et le Minneapolis Grain Exchange(MGE) aux Etats-Unis. En Asie, on peut acheter et vendre du blé au Zhengzhou CommodityExchange (CZCE) en Chine. Dans l’hémisphère sud, les principaux marchés à terme deblé sont le South African Futures Exchange (SAFEX) en Afrique du Sud, le Mercado aTermino de Rosario et le Mercado de Termino de Buenos Aires en Argentine, le AustraliaSecurities Exchange (ASX) en Australie et la Bolsa de Mercadorias y Futuros (BM&F) duBrésil. En Europe, on trouve le Hannover Commodity Exchange en Allemagne, le LondonInternational Financial Futures Exchange (LIFE/EURONEXT) en Angleterre, le Marché àTerme International de France (MATIF/EURONEXT) en France, le Budapest CommodityExchange (BCOE) en Hongrie et le Bratislava Commodity Exchange en Slovaquie.

« Aujourd’hui, si une région présente un excédent de blé, comme par exemplel’Union Européenne, et d’un autre côté une autre région qui est elle en déficit, comme leMoyen Orient, les marchés du blé libéralisés vont permettre de les connecter, pour plusd’efficacité et de sécurité »9. L'interconnexion des marchés agricoles mondiaux du blé estcentrale pour Cédric Pene, Conseiller agricole à la Délégation Permanente de la Franceauprès de l'OMC. Ce dernier utilise l’image du réseau électrique pour appuyer ses propos.L’incapacité d’approvisionnement momentané d’une centrale peut être aisément contourné

9 Annexe 1. Entretien n° 3: Cédric Pene (5 Avril 2012).

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Partie I. Les échanges de blé contemporains menacés par la volatilité: les enjeux de l'instabilité duprix du blé sur les marchés agricoles mondiaux

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car le système électrique fonctionne en réseau et d’autres centrales pourront assurer le relaide la production. C’est la même pour l’alimentation en blé à l’échelle mondiale.

« On a mathématiquement plus de sécurité dans un système libéralisé et interconnecté, surtout quand certains pays présentent des rendementsimportants tandis que d’autres ne sont pas autosuffisants. Les marchésmondiaux du blé fonctionnent en réseau permanent. D’autant plus qu’il n’y apas de monopole ni d’oligopole. C’est difficile d’organiser ce type de marchéscar la consommation et la production peut fortement évoluer, surtout pourdes productions comme du blé. La libéralisation permet une certaine efficacitéet la concurrence entre les pays permet de faire évoluer le système agricole,améliorant les techniques de production. » Cédric Pene, Conseiller agricole à laDélégation Permanente de la France auprès de l'OMC. 10

1. B. Les principaux opérateurs de la filière bléLes acteurs qui interviennent sur le cycle de commercialisation du blé sont nombreux.En amont, il y a l’agriculteur, qui livre sa récolte à un organisme collecteur, coopérativeou négociant. Il peut également effectuer des ventes à livraisons différées et spéculer,en stockant sa récolte en espérant une hausse future des cours. Les acheteurs sontmajoritairement des industriels utilisateurs (les semouliers, les amidonniers, les fabricantsd’aliment du bétail) et des négociants internationaux. Les courtiers, payés par le vendeur,facilitent les transactions entre ces différents intervenants. Ces derniers - courtiers cultures,courtiers marchés et courtiers internationaux - sont des professionnels du marché du blé etreçoivent une commission payée par le vendeur. Pendant longtemps, les importations deblé étaient effectuées au travers des centrales d’achat gouvernementales. Au Canada et enAustralie, le Canadian Wheat Board et l’Australian Wheat Board avaient ainsi l’exclusivitéde la commercialisation du blé. Ils stabilisaient les cours via le stockage et le contrôle desexportations. Avec la libéralisation des échanges, la plupart de ces organismes ont étéprivatisés.

Cargill (Minneapolis), Burge & Born, Glencore, Louis Dreyfus (Paris), Nidera (BuenosAires) et Toepfer International (Hambourg) sont les négociants internationaux les plusconnus. Les multinationales de négoce international du blé peuvent être vues comme des« régulateurs de marché », car « elles régulent le marché dans le temps : elles permettentà des acheteurs de fixer des prix alors que les producteurs ou les collecteurs ne sont pasvendeurs, et réciproquement »11. Elles sont en même temps de véritables « spéculateurs »,car « par la mixité de leurs positions géographiques, elles optimisent la fonction économiquedes entreprises consommatrices par minimisation des coûts d’approvisionnement et delogistique »12.

« Véritables multinationales, ces négociants internationaux, appelés encorenégociants-chargeurs ou tout simplement chargeurs, tirent avantage de leurimplantation internationale, de la maîtrise du transport maritime et de leursurface financière. Il n’en reste pas moins des colosses au pied d’argile: en

10 Ibid.11 Habert, Nicolas. 2002. Les marchés à terme agricoles. Ellipses, p. 33.12 Ibid., p. 33.

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La volatilité du prix du blé sur les marchés agricoles mondiaux: une approche par les facteurs

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effet, la marge effectuée sur une opération de trading est très faible par rapportau montant des transactions, et sans aucun rapport avec les risques liés àl’exécution de l’opération et à la volatilité des prix. Les faillites récurrentes degrands noms du négoce sont là pour nous le rappeler. » Jean-Paul Charvet13

Jean-Paul Charvet, dans son ouvrage Le Blé se demande si les multinationales denégoce du blé peuvent être considérées comme des « bonnes fées » ou au contraire des« sorcières » du marché international du blé14. « On les a parfois accusé de « manipuler lescours » écrit-il. En fait, « s’il leur arrive de temps en temps de réaliser un beau « coup », ellesfonctionnent avec des marges bénéficiaires le plussouvent très réduites (elles se rattrapentsur les quantités concernées) et elles n’ont guère la possibilité d’influer durablement et defaçon sensible sur l’évolution des cours »15. Le journaliste américain Dan Morgan les appelleles « Géants du Grain » car elles gèrent plus des deux tiers des exportations mondialesde blé. « Bien que les Etats aient de plus en plus tendance à intervenir directement ouindirectement dans les échanges de blé, les flux physiques demeurent principalement prisen charge sur le marché mondial par des coopératives ou, surtout, par des firmes privées.Celles-ci jouent le rôle de firmes de services, mettant en relations pays exportateurs et paysimportateurs. Elles doivent gérer au mieux plusieurs séries de risques : fluctuations du coursdu produit lui-même, fluctuations des taux de change, fluctuations du coût du fret maritime…sans parler des risques politiques»16.

1. C. Une production et une consommation à l'échelle mondiale« Une opposition marquée entre aires excédentaires et aires déficitaires » caractériseaujourd'hui le marché mondial du blé selon Jean Paul-Charvet17. Il y a donc de véritablesdistorsions géographiques entre principaux foyers de consommation et principaux foyersde production du blé. L'auteur souligne que l'Europe et surtout le continent américainsont excédentaires en blé, ce qui leur confère un avantage économique et géopolitiqueindéniable. Au contraire, l'Asie et l'Afrique apparaissent déficitaires, ce qui renforce leurdépendance à l'égard des grands pays exportateurs. Le marché mondial du blé estsegmenté en différents groupes de pays qui ont diverses capacité de production et deconsommation de blé, ce qui rend ce marché plus propice à la volatilité des prix. Seulement19% de la production mondiale du blé est échangée et il s'agit d'un marché de surplus etd'excédent.

L’économiste Daniel O’Brien a publié en mars 2011 un article intitulé World wheatmarket supply-demand trends 18. Cet article examine avec précision les grandes tendancesdu marché mondial du blé entre 1987/88 et 2010/11, et ces tendances sont illustrées par desgraphiques qui permettent de percevoir les sources majeures d’incertitudes et de risquesde ce marché.

13 Ibid., p. 32.14 Charvet, Jean-Paul. 1990. Le blé. Economica, p. 67.15 Ibid., p. 67.16 Ibid., p. 69.

17 Charvet, Jean-Paul, et cartographie�: Claire Levasseur. 2012. Atlas de l’agriculture. Autrement, p. 14.18 O’Brien, Daniel. 2011. World Wheat Market Supply-Demand Trends. Kansas State University Consulté (http://

www.agmanager.info/marketing/outlook/newletters/archives/GRAIN-OUTLOOK_03-04-11.pdf).

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Partie I. Les échanges de blé contemporains menacés par la volatilité: les enjeux de l'instabilité duprix du blé sur les marchés agricoles mondiaux

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La production mondiale de blé par paysSource: O’Brien, Daniel. 2011. World Wheat Market Supply-Demand Trends. Kansas

State University.

Les importations mondiales de blé par régionSource: O’Brien, Daniel. 2011. World Wheat Market Supply-Demand Trends. Kansas

State University.

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La volatilité du prix du blé sur les marchés agricoles mondiaux: une approche par les facteurs

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Les exportations mondiales de blé par paysSource: O’Brien, Daniel. 2011. World Wheat Market Supply-Demand Trends. Kansas

State University.

La consommation mondiale de blé par pays

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Partie I. Les échanges de blé contemporains menacés par la volatilité: les enjeux de l'instabilité duprix du blé sur les marchés agricoles mondiaux

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Source: O’Brien, Daniel. 2011. World Wheat Market Supply-Demand Trends. KansasState University.

Les principaux Etats producteurs en 2008/2009 sont l’Union Européenne, la Chine,l’Inde, les Etats-Unis, la Russie, l’Australie, le Canada, l’Ukraine, la Turquie et l’Argentine.Il y a donc une très forte concentration de la production du blé dans ces seuls pays(84,3%). Il ne faut pas confondre les Etats producteurs avec les Etats exportateurs, quisont les Etats-Unis, l'Union Européenne, le Canada, l'Australie, l'Ukraine, l'Argentine, leKazakhstan et la Russie. Ainsi, si la Chine est un grand Etat producteur de blé, elle n'apparaîtpas parmi les grands Etats exportateurs de blé. Les pays de la Mer Noire redeviennentles greniers du monde comme dans le passé, même si leurs structures d'exportation etde stockage sont encore largement déficientes. La demande mondiale de blé est bienplus dispersée que celle du riz et du maïs et elle varie selon les habitudes alimentaires,l'utilisation du blé en alimentation animale, l'aide alimentaire et le poids de la démographie.Les principaux importateurs en 2008/2009 sont l'Egypte, le Brésil, l'Indonésie, l'Algérie, leJapon, l'Union Européenne, la Corée du Sud, le Mexique et l'Iran. Il s'agit souvent de paysqui ne disposent pas des conditions nécessaires pour faire pousser leur propre blé. Lesprincipaux consommateurs de blé quant à eux sont la Chine, l'Union Européenne, les Etats-Unis, l'Inde et la Russie.

On voit donc que tandis que la production et les importations sont concentréessur dix pays qui produisent à eux-seuls 84,3% du blé mondial, la répartition des paysconsommateurs et des pays exportateurs de blé est quant à elle bien plus diverse.

Chapitre 2. L'instabilité « naturelle » et « excessive »du prix du blé

Le terme « volatilité » est emprunté au langage économique et décrit un niveau de variabilitéd’un cours ou d’un prix dans le temps. Plus précisément, mesurer la volatilité du prix dublé revient à mesurer l'importance des variations de son cours sur une période donnée. Ilest essentiel de comprendre toutes les subtilités de ce terme pour saisir d'une façon claireles enjeux de la volatilité des prix du blé. Selon le Directorat général pour l'agriculture et ledéveloppement rural de la Commission Européenne, deux types de volatilité peuvent êtreobservés sur les marchés agricoles. Dans ce mémoire, seule la volatilité historique seraétudiée et utilisée.

1. La volatilité historique ou réalisée (Historical realized volatility): based onobserved (realised) movements of price over an historical period. Historicalvolatility tells us how volatile an asset has been in the past. It represents pastprice movements and reflects the resolution of supply and demand factors. 2.La volatilité implicite (Implicit volatility): the markets' view on how volatile anasset will be in the future. It represents the market’s expectation of how much theprice of a commodity is likely to move and tends to be more responsive to currentmarket conditions19.

19 European Commission. 2009. Historical price volatility. Bruxelles Consulté (http://ec.europa.eu/agriculture/analysis/

tradepol/commodityprices/volatility_en.pdf), p. 2.

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La volatilité du prix du blé sur les marchés agricoles mondiaux: une approche par les facteurs

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2. A. La mesure de la volatilité du prix du bléLa formation du prix du blé

Le blé est une « commodity » ou en français une « marchandise », c’est à dire « unproduit de base, bien caractérisé voire normalisé, largement utilisé et négocié sur un marchérégi par la loi de l’offre et de la demande »20.Le blé peut être commercialisé à grandeéchelle, ce qui implique une optimisation économique des échanges et la mise en placede circuits de production et de commercialisation. Le blé est un produit primaire de base, apriori irremplaçable par un autre produit. C’est un produit uniforme, homogène à l’état brut,car toutes les graines se ressemblent. L’acheteur peut se procurer du blé indifféremmentauprès de multiples fournisseurs. C’est un produit de masse, largement utilisé et facile àstocker, à transporter et à échanger. Acheter du blé à un instant t revient à se positionner surun prix, résultant de la confrontation d’une offre et d’une demande de blé. Nicolas Habertrappelle qu'au temps d’Hammunapi (1760 av JC), le produit agricole constituait une unitéde mesure monétaire. Banquiers et marchands prêtaient aussi bien en argent qu’en blé.Il faudra attendre 450 av JC pour que les romains substituent les pièces de bronze auxproduits agricoles comme monnaie de transaction.

Parce que le blé est justement une « commodity », il peut être échangé sansdifférenciation sur un marché au comptant et à terme. Le marché du blé désigne l’ensembledes intervenants opérant sur un produit mais aussi les circuits de négociation associés : « ilconstitue une dynamique permanente dans laquelle tous les acteurs contribuent à alimenteren continu la fonction de définition du prix »21. Les cotations de blé, c’est à dire le prix attribuéà un lot de blé dépendent de quatre éléments : la quantité (exprimée en tonnes), la qualité(réglementation), le point de livraison (espace) et la date de livraison (temps). Le blé estdonc un produit agricole idéal pour être échangé sur des marchés à terme mondialisé car ilpeut être stocké sur une longue période sans subir de détérioration. Il fait également l'objetd'une demande internationale récurrente et non erratique sur le marché au comptant.

Le calcul de la volatilité du prix du bléMesurer la volatilité des prix du blé revient en fait à calculer la volatilité historique des

prix du blé, c’est à dire l’écart-type annualisé de la variation relative de prix22. C'est unemesure du taux relatif de variation du prix du blé d’une période à une autre (un jour, un mois,un an). Tout marché implique nécessairement un certain degré de volatilité. Cependant, unmarché ou le prix du blé est fortement fluctuant est synonyme de forte volatilité. Si le prixdu blé ne change quasiment pas, on parlera de faible volatilité. Une volatilité est toujourspositive ou nulle. Elle est nulle si le prix du blé ne bouge pas. Plus elle s'écarte de 0, plusla volatilité du prix du blé est importante.

« La volatilité historique est une mesure de la volatilité des cours ou des prixdans le temps. Convertie sur une base annuelle, elle est une valeur homogène,ce qui autorise à comparer les volatilités historiques, d’un ou plusieursproduits, calculées sur des périodes d’observation et avec des intervalles detemps entre deux cours (jour, semaine ou mois) différents. En pratique, lesvolatilités historiques sont généralement calculées à partir d’un échantillon de 50

20 Habert, Nicolas. 2002. Les marchés à terme agricoles. Ellipses, p. 12.21 Ibid., p. 12.22 Ibid., p. 88.

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observations environ, à partir des cours quotidiens ou hebdomadaires. » NicolasHabert23.

Pour calculer la volatilité historique du prix du blé, il faut d'abord calculer la moyenne Met la variance σ2 de la distribution de cours sur la période considérée (qui peut être de 250jours ouvrables, 52 semaines, 12 mois etc.) avec la formule statistique qui suit24:

Supposons une série de cours consécutifs Co, C1, C2,..., Cn.n = nombre de jours ouvrables (nombre de jour où la valeur est cotée)ln Ri = logarithme népérien du rapport de deux cours consécutifs (Ci/Ci-1)M = moyenne de la distribution de cours sur la période considéréeσ2 = variance de la distribution de cours sur la période considéréeDans le cas d'une série de cours quotidiens, sachant que le nombre de jours ouvrables

(nombres de jours où la valeur est cotée) dans une année est d'environ 250, il faut multiplierl'écart-type des variations de cours quotidiens par la racine carrée de 250 pour passer à unécart-type en base annuelle25:

Dans le cas d'une série de cours hebdomadaires (intervalle de temps d'une semaineentre deux cours), et sachant qu'il y a 52 semaines dans une année, la formule devient26:

23 Ibid., p. 89.24 Ibid., p. 89.25 Ibid., p. 89.26 Ibid., p. 90.

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Dans le cas d'une série de cours mensuels, il suffit de remplacer 52 par 12. La volatilitéhistorique du blé dépend de la période d’observation choisie à l’intérieur d’une campagne.Le trimestre de soudure est par exemple une période de forte volatilité des prix en raisondes stocks de blé qui sont faibles et de l’incertitude concernant la prévision de collecte dela prochaine campagne.

L’hebdomadaire La France Agricole annonce début juillet 2001 un cours du blé renduRouen de 122 euros/tonne. Nicolas Habert montre que si la volatilité historique de 9,1%(volatilité exprimée en dollars puis exprimée en pourcentage) constatée sur la campagne2000-2001 est utilisée comme estimateur de la volatilité future des cours sur la campagne àvenir, on peut interpréter ce chiffre en termes de probabilité de la manière suivante : « d’iciun an, il y a 68% de chances (dans une distribution normale, 68% représente la probabilitépour que la valeur soit située dans un intervalle dont les bornes sont éloignées d’un écarttype par rapport à la moyenne) pour que le cours du blé Rouen se situe à l’intérieur du tunneldéfini par les bornes 122 - 9,1%.122 et 122 + 9,1%.122, soit entre 110,9 et 133,1 euros/tonne ». La volatilité historique des prix du blé rendu Rouen, calculée sur le premier trimestrede la campagne à partir de cours hebdomadaires, est passée de 6,1% en 2000-2001 à 24%en 2001-200227.

La volatilité est donc un paramètre important qui influence fortement le comportementdes acteurs sur les marchés et la détermination du prix de certaines assurances.

2. B. L'instabilité « naturelle » du prix du blé« Qui n’a regardé sur une plage de l’Océan les jeux des enfants bâtissant digueset fortifications de sable pour lutter contre la montée inexorable du flux? Chaquefois, ces constructions réunissant dans l’excitation une petite bande d’enfants, serévèlent incapables de quelque résistance que ce soit: les tours s’effondrent, lesremparts s’effritent et bientôt l’eau a tout détruit. Pendant des siècles et encoreaujourd’hui, il en a été de même pour les hommes face à l’instabilité des marchésagricoles: on a bâti des défenses, on a créé des lacs de stabilité artificielle, on acherché à détourner des courants, mais toujours, au moment des marées hautes,ces murailles de sable se sont effondrées dans le fracas d’émeutes de la faim etde jacqueries agricoles. » Philippe Chalmin28

L'instabilité des marchés agricoles est la règle, et la stabilité l'exception. En effet, sur lemarché, le prix du blé est le résultat de la confrontation d'une offre et d'une demande de

27 Ibid, p. 91.28 Chalmin, Philippe. 2011. Les nouveaux équilibres agroalimentaires mondiaux. Descartes & Cie. Chapitre III, p. 35-47,

L'instabilité agricole: problématiques, mise en perspective historique et pistes de réflexion, p. 35.

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blé. Pour Philippe Chalmin, le prix du blé à un instant t constitue « un message » qui aura« une influence directe sur le comportement à venir des acteurs, incitant les producteurs àplus ou moins emblaver à l'avenir, ou les consommateurs à diversifier leurs besoins»29. Leproblème est que l'offre de blé est fondamentalement aléatoire: elle est soumise aux aléasnaturels. Au contraire, la demande de blé est beaucoup plus prévisible car les tendancesgéographiques et démographiques sont des tendances longues. Les acteurs anticipent lesexcédents et les déficits de blé à venir, ce qui contribue à augmenter l'instabilité sur lesmarchés agricoles. Ainsi, pour Philippe Chalmin, « l'instabilité de la relation offre-demandeque ce soit au niveau local ou au niveau local ou aujourd’hui pour la planète entière, induittrès naturellement l’instabilité du prix qui en découle »30.

Volatilité annuelle du prix du blé estimée chaque mois depuis 1960

Source: Graphe réalisé à partir des données de la CNUCED (UNCTAD STAT)31.Les hommes ont du faire preuve d'ingéniosité pour limiter l'instabilité des prix des

denrées agricoles. Le Dialogue sur le commerce des blés de l'abbé Galliani montre quel'instabilité du prix du blé était déjà au centre des préoccupations au XVIIIème siècle. Pourgérer au mieux cette instabilité caractéristique de tous les marchés agricoles, les hommesont établis des tarifs douaniers, comme ce fut le cas en France avec les tarifs Méline ou

29 Ibid., p. 36.30 Ibid., p. 38.

31 Annexe 2.1.

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en Angleterre avec les Corn Laws, plus libérales au XIXème. Des bourses de commerce(board of trade) vont se développer, offrant des cotations au comptant et à terme encadréespar une Chambre de compensation qui assure le lien entre acheteurs et vendeurs. Cettedernière assurant la fluidité du marché et inspirant confiance en signant de manière uniquetoutes les transactions réalisées et offrant un système de garantie et d'appel de marge. Lespremiers contrats à terme ont été retrouvés en latin et remontent à la période 1200-1330.Les contrats avec livraison différée (« forward ») sont les plus répandus et les plus anciens.Aujourd'hui, le propriétaire d'un contrat dérivé (« future») peut se faire livrer le produit sous-jacent au contrat ou bien revendre le contrat avant l'échéance de livraison. Les marchésà terme sont censés limiter la volatilité des prix car ils permettent aux opérateurs de segarantir d'un prix en avance en échange d'une promesse de vente et d'achat.

Les risques de fluctuations des cours sont pris en charge par les spéculateurs quiprennent des positions inverses de ceux qui cherchent à se couvrir sur les marchés à terme,en se positionnant sur des durées courtes. Les marchés à terme fournissent donc un prixmondial public en temps réel. Seulement voilà, les marchés à terme ont tendance à exagérerla volatilité des prix, ce qui invite à se demander si ces rapides fluctuations des cours du blésont aptes à fournir des informations appropriées aux différents opérateurs.

2. C. La volatilité « excessive » du prix du blé

Volatilité annuelle du prix du blé estimée chaque mois depuis 1990

Source: Graphe réalisé à partir des données de la CNUCED (UNCTAD STAT) 32 .

32 Annexe 2.1.

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Vertiges et Déboires, le titre du Cyclope 2009 emprunté à Paul Bairoch, résume bien lestensions sur les marchés mondiaux33. Le cours mondial du blé est devenu particulièrementinstable ces dernières années. Certes, il y a eu des épisodes de forte volatilité, comme en1972 avec les premiers achats soviétiques de blé et la déstabilisation monétaire du premierchoc pétrolier, mais jamais ce cours n'avait été aussi instable depuis les années 60. Entre1990 et 2006, le prix du blé était en moyenne de 130 dollars. Il passe en 2008 à 305 dollars,pour retomber aux environs de 196 en moyenne en 2009 et 2010. En 2011, ce dernierétait de 281 dollars. Cette tendance à la hausse en 2007-2008 et en 2010-2011 est aussiobservée pour les prix du riz, du maïs, du sucre et des produits alimentaires en général. Onpeut parler d'une véritable crise céréalière en 2008 et en 2010.

Indice des prix des denrées alimentaires (base 100 en 2000)Source: Groupe d’Experts de Haut Niveau sur la sécurité alimentaire et la nutrition.

2011. Rapport: Volatilité des prix et sécurité alimentaire.

Les économistes de l'IFPRI, Martins-Filho, Torero et Tao, ont développé le conceptde « volatilité excessive » des prix pour décrire ce phénomène récent34. En utilisant unmodèle statistique basé sur les données des prix des matières agricoles depuis 1950, ilsont identifié une zone où 95% des prix subissent des changement. Quand le changementdes prix excède ce seuil à haute fréquence (défini selon une étude statistique) à l'intérieurd'une fenêtre de soixante jours, on considère que les prix ont atteint une tranche qualifiée de« volatilité excessive ». Ainsi selon ce modèle, il y aurait eu 165 jours de volatilité excessivedu blé entre décembre 2001 et décembre 2006 (soit une moyenne de 33 jours par an),tandis qu'il y a eu 381 jours de volatilité excessive entre janvier 2007 et juin 2011 (soit unemoyenne de 85 jours par an)35 .

33 Chalmin, Philippe. 2009. Cyclope 2009 Les marchés mondiaux: vertiges et déboires. Economica.34 IFPRI. 2011. Global Hunger Index The challenge of hunger: taming price spikes and excessive food price volatility. (http://

www.ifpri.org/publication/2010-global-hunger-index), p. 21.35 Ibid., p. 21.

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La volatilité excessive du prix du blé durSource: IFPRI. 2011. Rapport: Global Hunger Index The challenge of hunger: taming

price spikes and excessive food price volatility.

Chapitre 3. Les enjeux liés à la volatilité « excessive »du prix du blé

La volatilité des prix des matières premières est devenue un sujet central pour lagouvernance mondiale à la suite des fortes fluctuations des cours observées depuis 2007sur les marchés des produits agricoles. Le G20 a travaillé sur cette problématique quirecouvre trois enjeux principaux: un enjeu de croissance économique, un enjeu de stabilitéfinancière et un enjeu de sécurité alimentaire à l'échelle mondiale.

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3. A. Un enjeu de croissance économiqueLa volatilité excessive des prix du blé est problématique car elle est synonyme deforte incertitude et augmente donc les risques des producteurs, des négociants et desgouvernements en les incitant à prendre des décisions sous-optimales. Les producteurs nepeuvent pas ajuster leur production à la vitesse à laquelle varient les prix. Les économistesMartins-Filho et Torero ont établis en 2010 une relation entre la volatilité des prix etles pertes prévues: plus la volatilité est importante, plus les profits des agriculteurs vontêtre sous-optimaux36. Les producteurs de semences comme Monsanto (Américain), Bayer(Allemand), Syngenta (Suisse), Pau Euralis et Limagrain (Français) sont par contre lesheureux gagnants de la volatilité des prix des matières premières: ils peuvent en profiterpour augmenter leurs prix, diminuant encore un peu plus les bénéfices des agriculteurs. Enmême temps, Marion Guillou et Gérard Matheron soulignent que seuls des prix agricolesélevés permettront d'impulser les investissements nécessaires dans le secteur agricole pourrelever le défi alimentaire à venir: « une élévation durable des prix agricoles favorisera lesprogrès de la productivité encore trop éloignée du potentiel qu’elle peut atteindre, ainsi que

36 IFPRI. 2011. Global Hunger Index The challenge of hunger: taming price spikes and excessive food price volatility. (http://www.ifpri.org/publication/2010-global-hunger-index).

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la capacité de développement d’exploitations de petits producteurs en situation économiquede survie, et parmi les premières victimes des déficits alimentaires»37.

La volatilité incite les investisseurs à disposer d'un portefeuille d'investissementcontenant des matières agricoles, et favorise donc la spéculation. Le projet TERRESdu CCFD-Terre Solidaire soutenu par Le Monde Diplomatique propose une série deweb-documentaires sur l'accaparement des terres par des entreprises agro-industrielles,des états soucieux d’assurer la sécurité alimentaire de leur population et des fondsd’investissements38. Le groupe britannique Landkom ou le groupe suédois Black EarthCompany investissent actuellement dans des terres en Ukraine et en Argentine. La banqueMorgan Stanley, l'agro-holding française Agrogénération de Charles Beigbeder et le groupeagro-industriel Soufflet ont également compris les enjeux de cette ruée vers les terres.Comme l'écrit Jean-Paul Charvet, «un nouveau jeu de monopoly se développe aujourd’huià l’échelle planétaire : celui de la délocalisation offshore de productions agricoles»39. Le bléétant la céréale la plus consommée dans le monde, il est important de saisir tout l'enjeuéconomique qu'il représente à l'échelle mondiale.

3. B. Un enjeu de stabilité financière« Dans l’avenir, les niveaux des prix de plus en plus systématiquementdéterminés dans toutes les zones par les conditions d’offre et de demande surdes marchés de plus en plus connectés et internationalisés, auront, à l’échelleplanétaire, ce rôle décisif. Leur instabilité est évidemment problématique, vis àvis des décisions d’investissements à long terme, et aussi d’une dynamique dechangement dont la pondération des objectifs, alimentaires et environnementaux,peut être profondément affectée, au détriment de sa continuité. » Marion Guillouet Gérard Matheron40

La volatilité des prix des matières agricoles, dont celle du blé, constitue un enjeu destabilité financière crucial. Les opérateurs doivent pouvoir se couvrir contre les fluctuationsdes cours sur les marchés financiers. Il faut améliorer la régulation des marchés dérivés dematières premières comme celui du blé. Chaque année, l'équivalent de quarante six foisla production annuelle mondiale de blé est échangée sur le CBOT. Les marchés agricolesdoivent être régulés par des organisations internationales. Pour Gilles Fumey, « il est tempsde penser l’alimentation comme une activité à part entière qu’on peut organiser comme ledroit international vient de le faire dans d’autres secteurs pour mettre en route de vraiesréformes mondiales»41. Il s'agit d'une urgence politique.

Le G20 vise à favoriser la concertation internationale dans le cadre d'un dialogue élargisur cette thématique de la volatilité. La France a fait de la question agricole et alimentaire undes thèmes majeurs de sa présidence du G20 en 2011, dans un contexte de multiplicationdes sommets sur ce thème (Sommet du G8 à l'Aquila en juillet 2009, Sommet de Pittsburgh

37 Guillou, Marion, et Matheron, Gérard. 2011. 9 milliards d’hommes à nourrir. François Bourin, p. 312.38 Revelli, Philippe. 2011. Ruée sur les terres agricoles [en ligne]. [page consultée le 8 décembre 2011]. <http://

philipperevelli.com/journal/?p=1197>39 Charvet, Jean-Paul et Levasseur, Claire. 2012. Atlas de l’agriculture. Autrement, p. 20.

40 Guillou, Marion, et Matheron, Gérard. 2011. 9 milliards d’hommes à nourrir. François Bourin, p. 312.41 Fumey, Gilles. 2008. Géopolitique de l’alimentation. Sciences humaines, p. 17.

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en septembre 2009, Sommet de Rome pour la sécurité alimentaire en novembre 2009,etc.) Nombreuses sont les organisations qui auront un rôle à jouer dans cette grandeentreprise de régulation des marchés agricoles: la Food and Agriculture Organization, leProgramme Alimentaire Mondial, la Conférence des Nations Unies pour le Commerce etle Développement, l'Organisation Mondiale du Commerce ou encore l'International FoodPolicy Research Institute. Ce renouvellement nécessaire de la gouvernance mondiale doitêtre accompagné par des initiatives citoyennes, locales et régionales.

3. C. Un enjeu de sécurité alimentaire« La sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à toutmoment un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saineet nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurspréférences alimentaires pour mener une vie saine et active. » Définition de lasécurité alimentaire lors de la Conférence mondiale de l'alimentation (1996)

L'augmentation rapide des prix des matières agricoles en 2007-2008 et en 2010-2011a eu des conséquences dramatiques pour les populations les plus pauvres. Nombreux sontles ouvrages qui ont été publiés et les documentaires qui ont été réalisés à la suite de cescrises alimentaires. Le droit à l'alimentation est un droit fondamental qui apparaît à l'article1er de la Déclaration universelle des droits de l'homme: « Toute personne a droit à un niveaude vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pourl'alimentation (...) »42. Le premier objectif du millénaire pour le développement est justementcelui de « réduire l'extrême pauvreté et la faim dans le monde ». La FAO parle d'insécuritéalimentaire lorsqu'une personne dispose de moins de 1800 calories par jour. L'insécuritéalimentaire revêt une dimension à la fois culturelle, quantitative et quantitative. La soudure,entre deux récoltes, constitue un moment sensible pour les un milliard de personnes sous-alimentées dans le monde.

Entre mai 2007 et mai 2008, trente sept pays ont connu une augmentation des prixde 84% (Mexique, Salvador, Haïti, Argentine, Thaïlande, Philippines, Indonésie, Thaïlande,Philippines, Maroc, Mauritanie, Egypte, Sénégal, Guinée Bissau, Côte d’Ivoire, Cameroun,Burundi, Mali, Burkina Faso, Mozambique). Cela a entraîné des troubles à l'ordre publicimportants, comme des manifestations, des émeutes, plusieurs dizaines de morts et deblessés43. Les gouvernements en Haiti et à Madagascar ont été renversés. En Egypte, leprix du pain et des céréales a augmenté de 50% en un an. Les émeutes dans le paysont été sanctionnées par cinq morts et plus de trois cent arrestations. La cause majeuredes émeutes de la faim en 2007 est avant tout le manque d'argent, et non pas le défautde production ou d'approvisionnement. Comme l'explique Gilles Fumey, spécialiste de lagéopolitique de l'alimentation, « du jour au lendemain, ces pays ont vu surgir les fantômesdes disettes millénaires et des guerres des farines »44.

42 Organisation des Nations Unies. Déclaration universelle des droits de l'homme[en ligne]. [page consultée le 8 février 2012].<http://www.un.org/fr/documents/udhr/>

43 Annexe 2.3.44 Fumey, Gilles. 2008. Géopolitique de l’alimentation. Sciences humaines, p. 49.

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Source: Der Spiegel. 2012. Speculation is an important cause of high prices.

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Partie II. La controverse sur les facteurs de la volatilité du prix du blé: entre explicationsfondamentale, financière et conjoncturelle

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Partie II. La controverse sur les facteursde la volatilité du prix du blé: entreexplications fondamentale, financière etconjoncturelle

Si l'urgente nécessité de mieux connaître les causes à l'origine de la volatilité des prix dublé fait consensus, il y a pourtant une véritable controverse académique et idéologique surles facteurs à l'origine de ce phénomène économique complexe. Il s'agira dans cette partied'identifier les différentes sources de risque - prix, quantités, climat, maladie, spéculation,environnement financier, impact médiatique - et établir des corrélations entre elles, afin demettre en évidence la complexité et le caractère conflictuel des approches causales de lavolatilité, tantôt fondamentale, financière ou conjoncturelle.

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La volatilité du prix du blé sur les marchés agricoles mondiaux: une approche par les facteurs

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Chapitre 1. La part fondamentale de la volatilité duprix du blé

1. A. Une évolution de la demande sur les marchés prévisibleCroissance démographique

La croissance démographiques est relativement prévisible et elle a un impact majeursur la demande en blé sur les marchés agricoles mondiaux. Pour Jean-Paul Charvet,« environ deux tiers de l'accroissement de la consommation mondiale de blé est imputableau seul accroissement démographique»45. Thomas Malthus est l’auteur de deux postulats

45 Charvet, Jean-Paul, et Levasseur, Claire. 2012. Atlas de l’agriculture. Autrement, p. 38.

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à la base des lois de la nature : « la nourriture est nécessaire à l’existence de l’homme »et « la passion entre les sexes est une nécessité »46. Il affirme que « si elle n’est pasfreinée, la population s’accroit en progression géométrique » alors que les « subsistancesne s’accroissent qu’en progression arithmétique »47. Ainsi, « le pouvoir multiplicateur dela population (est donc) infiniment plus grand que le pouvoir qu’a la terre de produire lasubsistance de l’homme »48. Depuis quelques années, l'Inde n'arrive pas à couvrir sesbesoins en blé alors même qu'elle avait fait le choix de l'auto-approvisionnement avec larévolution verte.

La question que se posent Marion Guillou et Gérard Matheron dans leur ouvrageintitulé 9 milliards d'hommes à nourrirest donc de savoir si les 9 milliards d’être humains quipeupleront la planète en 2050 pourront, ou non, se nourrir correctement. Agrimonde s’estbasé sur les projections médianes de l’ONU concernant les évolutions des populations dansles diverses zones du monde49 pour estimer que le nombre d’habitants en 2050 sera enmoyenne de 9 milliards, les projections allant de 7 à 11 milliards. Par contre, il y aura de fortesdisparités continentales quant à l'accroissement des besoins alimentaires50. L''Europe verraainsi ses besoins alimentaires baisser (0,91) et l'Amérique du Nord connaîtra une stagnation(1,31). Les continents qui connaîtront une forte augmentation de leurs besoins alimentairesseront l'Océanie (1,61), l'Amérique du Sud (1,92), l'Asie (2,34) et l'Afrique (5,14). Celaaura pour conséquence une véritable redistribution des efforts productifs et une possibledélocalisation des grandes bourses agricoles vers les pays à très forts taux de natalité. Celasignifie aussi qu'il va falloir augmenter la production agricoles globale de 50 à 70% d'ici à2050. L'OCDE projette que les prix du blé seront plus élevés en 2010/20 qu'ils ne l'ont étélors des hausses brutales des prix en 2007-2008 ou en 2010-2011. Par conséquent: « if therate of growth of agricultural production does not keep pace with demand, upward pressureon prices will result. A demand or supply shock in a situation where the supply-demandbalance is already tight, can result in increased volatility around the upward trend»51.

Changement des pratiques alimentaires et augmentation du pouvoir d'achat

Les pays émergents connaissent une transition alimentaire qui s'apparente à uneoccidentalisation du monde et qui participe à la réorganisation des équilibres de marché.Ainsi, la consommation de blé progresse en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud, oùelle a tendance à remplacer le riz ou le maïs. « Les modèles mondiaux de consommationalimentaire se rapprochent »52, même si on ne peut pas conclure à un total alignement desrégimes alimentaires sur les modèles occidentaux. Surtout, on assiste à une consommationaccrue de viande sur la décennie 2000 avec l'émergence d'une classe moyenne dans

46 Malthus, Thomas Robert, traduit de l’anglais par P. et G. Prevost, et édition de Jean-Paul Maréchal. 1992. Essai sur leprincipe de population. Flammarion.

47 Ibid.48 Ibid.49 Agrimonde. 2009. Agricultures et alimentations du monde en 2050: scénarios et défis pour un développement durable.

INRA, CIRAD.50 Accroissement des besoins alimentaires à l’horizon 2050 : disparités continentales (Source : Griffon, 2006, à partir de

données de Philippe Collomb), p. 80.51 FAO, IMF, OECD, UNCTAD, WFP, World Bank, WTO, IFPRI and UN. 2011. Price volatility in global food and agricultural

markets. Consulté (www.oecd.org/dataoecd/40/34/48152638.pdf).52 Guillou, Marion, et Matheron, Gérard. 2011. 9 milliards d’hommes à nourrir. François Bourin, p. 38.

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les pays émergents comme la Chine (+18%), la Corée du Sud (+22%) ou la Russie(+52%) comme le montrent Philippe Dusser et Philippe Tillous-Borde dans leur étude surles transitions alimentaires53. Les économistes Périssé, Sizaret et François ont cherché àétablir des corrélations entre la structure de ration calorique et le revenu par tête à partird’observations recueillies dans les années 60 dans 85 pays54. Ils ont ainsi montré quel’élévation du revenu s’accompagne d’une augmentation de la consommation des protéinesd’origine animale et d’une baisse de la consommation des céréales et des protéinesd’origine végétale. Or environ 10kg de blé sont nécessaires pour produire 1kg de viande.D'ici 2050, les hommes consommeront en moyenne 52 kg. de viande par an, contre 41 kg.aujourd'hui. On voit donc que la consommation de viande va déterminer la demande globaledes céréales, dont le blé, dans le futur. Cela impliquera une production supplémentaire de200 millions de tonnes de viande et 1 milliard de tonnes de céréales.

Augmentation de la demande en agrocarburants

Les biocarburants sont produits à partir de la fermentation de l'amidon des céréalesaprès hydrolyse. Ils sont de plus en plus utilisés par les gouvernements comme dessubstituts à des carburants d'origine fossile pour réduire la dépendance au pétrole et réduireles émissions de gaz à effet de serre. Les principaux pays producteurs de bioéthanol etde biodiesel sont les Etats-Unis, le Brésil, la Chine, l'Argentine et l'Union Européenne, quimobilisent 100 millions de tonnes de céréales soit 3% des surfaces mondiales de grandescultures. La production mondiale de bioéthanol s'est fortement élevée à partir de 2003 etne cesse d'augmenter depuis. Le rôle des biocarburants dans la volatilité des prix du blé afait l'objet de nombreuses études ces cinq dernières années.

« La croissance des biocarburants de première génération est pour partieresponsable de la flambée 2007-2008 des cours agricoles, notamment le prix descéréales du fait de l’expansion de la production d’éthanol (…). L’histoire n’est passi simple cependant. Il importe de replacer le développement des biocarburantsdans l’ensemble des facteurs d’offre et de demande qui ont pu jouer. Il importeégalement de respecter la chronologie des faits et de différencier les produits entenant compte des effets de substitution et de complémentarité entre ceux-ci, àl’offre comme à la demande. A défaut, il sera toujours possible d’affirmer que lesbiocarburants n’y étaient pour rien dans la flambée des cours agricoles puisqueces derniers ont décru à compter du second semestre de l’année 2008 et sur lespremiers mois de l’année 2009 alors que la production de biocarburants s’estmaintenue! » Marion Guillou et Gérard Matheron55.

Le rapport intergouvernemental qui fait référence en matière de volatilité des prixdes matières agricoles a été publié par l'OCDE en 2011. Il conclut que la demande enbiocarburants exerce une pression considérable à la hausse sur les prix des céréales,le prix du blé devant augmenter de 8% dans les années à venir56. L'inélasticité de la

53 Dusser, Philippe et Tillous-Borde, Philippe. 2011. Les nouveaux équilibres agroalimentaires mondiaux. Descartes & Cie.Chapitre I, p. 11-27, Les équilibres des marchés agricoles: évolutions et tendances.

54 Périssé, J., Sizaret, F. et François, P. 1969. Effet du revenu sur la structure de la ration alimentaire. FA0, Bulletin de Nutrition7, p.1-10.55 Guillou, Marion, et Matheron, Gérard. 2011. 9 milliards d’hommes à nourrir. François Bourin, p. 223.

56 FAO, IMF, OECD, UNCTAD, WFP, World Bank, WTO, IFPRI and UN. 2011. Price volatility in global food and agriculturalmarkets. Consulté (www.oecd.org/dataoecd/40/34/48152638.pdf).

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demande en céréales qui contribue à augmenter la volatilité des prix des matières agricolesest exacerbée par les mesures incitatives des gouvernements à produire des biofuels. LaFrance a fait le choix du colza, les Etats-Unis, celui du maïs et l'Allemagne, celui du blé. Ilexiste désormais une forte corrélation entre le prix du pétrole et le prix de certaines céréalesà partir desquelles on fabrique l'éthanol. Il y a un effet de contagion sur les prix des autrescéréales. Pour le Rapporteur Spécial de l'ONU sur le droit à l'alimentation, Zean Ziegler, lesbiocarburants sont « un crime contre l'humanité»57. La demande en biofuel, même si elleest prévisible, provoque des tensions sur les quantités qui ont des répercussions sur lesprix du blé, impactant les plus pauvres, car le blé est aussi utilisé pour l'alimentation.

1. B. Une évolution de l'offre sur les marchés très fluctuanteLa forte dépendance de la production aux aléas climatiques

« Alors que la demande (la consommation) est très rigide, l’offre (la production)est très éclatée. L'offre est donc incapable de s’organiser et de peser surl’évolution des prix car est soumise plus que toute autre aux aléas climatiques:cela explique l’extrême volatilité des prix sur ces marchés. » Olivier Pastré58.

Les rendements de blé sont extrêmement sensibles aux conditions climatiques commeles sécheresses, les évènements hydrauliques ou érosifs dévastateurs, les ouragans, etc.On parle de « weather market .» Ces évènements ont une forte influence sur la productionde blé des greniers du monde, pays sur lesquels les marchés comptent pour constituer oureconstituer les stocks. Les conclusions du rapport intergouvernemental sur la volatilité desprix sont sans appel sur le facteur climatique: « c limatic factors have indisputably contributedto the price rises in 2007/2008 and again in 2010 » 59 .Ainsi, en 2007-2008, des stocksassez faibles ont été aggravés par une sécheresse en Australie et de mauvais rendementsau Canada, tout comme la Russie a connu en 2010 une forte sécheresse qui a empiré lesprévisions de récolte déjà mauvaises pour l'Australie et l'Argentine.

« Le blé est une plante assez vulnérable. S’il y a un grand coup de chaleur aumoment où les grains se remplissent, les grains vont être vides. Le problèmephytosanitaire est aussi très important, en particulier les champignons. Vousavez la rouille, terrible, qui peut ravager les champs de blé. Le développementd’une forme de rouille est en train de ravager l’Afrique de l’est. Et cela va gagnerle monde entier. Cela touche les stocks, puis les récoltes. Alors évidemment,la réponse à cela serait de rechercher des variétés de blé plus résistantes. Laculture du blé devient très artificielle dans les pays développés. Il y a d’ailleursun agronome, Claude Bourguignon, qui disait que « nos champs en Europe sontmorts». (…) Les sols se dégradent, ce qui est une des causes fondamentales duplafonnement des rendements. Ces rendements sont à un niveau très élevés,

57 Ziegler, Jean. 2011. Destruction massive: géopolitique de la faim. Seuil.58 Pastré, Olivier. 2011. Les nouveaux équilibres agroalimentaires mondiaux. Descartes & Cie. Chapitre II, p. 27-35, La

crise alimentaire mondiale n'est pas une fatalité, p. 30.59 FAO, IMF, OECD, UNCTAD, WFP, World Bank, WTO, IFPRI and UN. 2011. Price volatility in global food and agricultural

markets. Consulté (www.oecd.org/dataoecd/40/34/48152638.pdf).

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mais ils stagnent, alors que la population augmente. On va vers 9 milliardsd'habitants en 2050, peut être 10 milliards en 2100.» François Léger60.

Une offre qui varie selon les rendements et les pertes après-récoltesSelon Philippe Dusser et Philippe Tillous-Borde, les rendements de blé n'ont augmenté

que de 11% contre 38% pour le maïs et 31% pour le soja ces dix dernières années61. Cetterelative stagnation de la productivité agricole dans le secteur du blé peut être un des facteursaggravants de la volatilité des prix du blé car elle a une forte influence sur l'offre de blé:«on observe un manque de dynamisme dans l’évolution des surfaces mondiales qui peutexpliquer des tensions sur l’offre à certains moments»62. Le blé fait également beaucoupmoins l'objet de recherche variétale et biotechnologique que le maïs et le soja. Surtout,comme Olivier Pastré le rappelle: « l'amélioration des rendements agricoles trouve un jourses limites: les arbres ne montent pas jusqu'au ciel»63. Les Etats-Unis et l'Union Européenneont atteint des niveaux de productivité maximales et constituent aujourd'hui des exemplesen terme de technicité, de structure de production et de compétitivité, tandis que l'Amériquedu Sud et les pays de l'ex-URSS présentent des potentiels énormes - même si l'améliorationde leurs rendements est rendue difficile par le contexte socio-économique de ces régions.

Michel Grolleaud64 a énormément étudié les pertes après-récoltes et il arrive à laconclusion qu'elles sont faibles dans le secteur des grandes cultures. Pourtant, ces pertespeuvent être multipliées par sept pour les blés hybrides, car si ces variétés offrent demeilleurs rendements, elles sont aussi plus sensibles aux micro-organismes, aux insectescomme le tribolium (coléoptère des farines et des produits céréaliers), aux moisissures etaux rongeurs. Les stocks peuvent également être abîmés par des chocs de température oud'humidité et en l'absence de systèmes modernes et efficaces de protection et de stockage,ce qui est courant dans les pays les moins développés.

L'importance du ratio stock sur consommation de bléSource: FranceAgriMer.

60 Annexe 1. Entretien n° 1: François Léger (15 Février 2012).61 Dusser, Philippe et Tillous-Borde, Philippe. 2011. Les nouveaux équilibres agroalimentaires mondiaux. Descartes & Cie.

Chapitre I, p. 11-27, Les équilibres des marchés agricoles: évolutions et tendances, p. 22-23.62 Ibid., p. 23.63 Pastré, Olivier. 2011. Les nouveaux équilibres agroalimentaires mondiaux. Descartes & Cie. Chapitre II, p. 27-35, La crise

alimentaire mondiale n'est pas une fatalité, p. 29.64 Grolleaud, Michel. 1997. Pertes après récolte : un concept mal défini ou mal utilisé. Etude synthétique et didactique sur le

phénomène des pertes se produisant tout au long du système après récolte. FAO, Rome.

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1. C. Une évolution dans un contexte plus général d'augmentation dela demande en matières premières

Corrélation avec le prix du pétrole« Prices have increased not only because of the food itself, but because of the higher

price of petrol. This has made transportation more expensive». Ce commentaire d'unagriculteur laotien, Buntavi Duang Manisone, témoigne de l'importance croissante du prixdu pétrole dans la formation du prix du blé65. Le prix du blé serait ainsi corrélé à 85% à celuidu prix du pétrole, si l'on étudie attentivement la volatilité des prix du blé à partir des donnéesfournies par l'OCDE depuis 196066. La volatilité du prix du blé est quant à elle corrélée à 55% avec la volatilité du prix du pétrole pour des fenêtres de prix de un an, et à 80% pour desfenêtres de prix de cinq ans. Jean-Hervé Lorenzi dans son essai intitulé Peut-on prévoir leprix des matières premières? donne l'exemple suivant: entre juillet 2007 et juillet 2008, leprix des matières premières a été au plus haut. Parallèlement, le cours du baril de pétroleest passé de 76 dollars à 134 dollars (soit +76%)67.

« High and volatile oil prices could therefore contribute to higher and morevolatile agricultural prices, through higher input costs, higher demand for thecommodities used in the production of biofuels (sugar, maize, vegetable oils),through competition for land with commodities that are not used directly for theproduction of fuel » Policy Report « Price volatility in global food and agriculturalmarkets »68.

Le facteur majeur qui intervient dans la volatilité du prix sur des tendances de long termeserait donc l'état des marchés du pétrole. Plusieurs facteurs expliquent cette corrélation.Premièrement, l'augmentation des cours du pétrole entraîne une augmentation du coût dutransport qui représente aujourd'hui le tiers du prix des céréales69. Produire du blé impliqueaussi d'utiliser des machines agricoles qui fonctionnent avec de l'essence. Ensuite, le prix dupétrole affecte le prix des intrants agricoles, notamment celui des engrais azotés, qui suiventla hausse des cours du pétrole sur le long-terme car ils sont issus des gisements de gaz(dont le prix suit celui du pétrole). Or, ces engrais sont une source majeure d'augmentationdes rendements. Enfin, le prix du pétrole affecte aussi les productions de biocarburants,notamment ceux produits à base de blé et participe à l'augmentation générale du prix desmatières premières.

65 IFPRI. 2011. Global Hunger Index The challenge of hunger: taming price spikes and excessive food price volatility.Washington DC Consulté (http://www.ifpri.org/publication/2010-global-hunger-index), p. 45.

66 Annexe 2.1. Calculs réalisés par Adrien de Larrard à partir des données de l'OCDE.67 Lorenzi, Jean-Hervé. 2011. Comment nourrir le monde? L’aube et Passion Céréales. Chapitre 6, p. 69-79, Peut-on prévoir

le prix des matières premières?, p.71.68 FAO, IMF, OECD, UNCTAD, WFP, World Bank, WTO, IFPRI and UN. 2011. Price volatility in global food and agricultural

markets. Consulté (www.oecd.org/dataoecd/40/34/48152638.pdf).69 Annexe 1. Entretien n°1: Frédéric Fieux (9 Mars 2012).

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Evolution de la volatilité historique du prix du blé et du prix du pétrole brutSource: European Commission. 2009. Historical price volatility.

Corrélation avec le prix des autres matières premièresComme le souligne Jean-Hervé Lorenzi, «la hausse des énergies fossiles se répercute

sur le prix des matières premières agricoles»70. Il semble ainsi que les prix des principalescéréales mondiales soient largement corrélés au prix du maïs, du soja, du riz ou encoredu pétrole, comme le montre le graphe de l'IFPRI qui retrace les tendances longues desprix de ces diverses matières premières depuis 199071. Pourtant, rien ne semble lier dansl'absolu le prix du blé à celui de ces autres céréales. On peut par exemple penser queles multinationales d'intrants (engrais, pesticides, semences), comme DuPont Pioneer,

70 Lorenzi, Jean-Hervé. 2011. Comment nourrir le monde? L’aube et Passion Céréales. Chapitre 6, p. 69-79, Peut-on prévoirle prix des matières premières?, p.71.

71 IFPRI. 2011. Global Hunger Index The challenge of hunger: taming price spikes and excessive food price volatility. (http://www.ifpri.org/publication/2010-global-hunger-index), p. 22.

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Monsanto, Mosaic et Dow Chemical, participent à corréler les prix des céréales entre elles.La hausse de la demande pour ces intrants dans les pays en voie de développements'ajoutte à la demande déjà très importante dans les pays développés et entraîne un boominévitable des prix qui semble avoir eu de fortes répercutions sur le marché des matièresagricoles72.

De plus en plus d'investissements financiers suivent des indices qui contiennent unpanier de différentes matières premières. Un choc majeur sur le marché d'une matièrepremière spécifique, ou un ensemble de chocs mineurs sur plusieurs marchés, auront desrépercutions majeurs qui accentuent la volatilité de l'ensemble des matières premières. Il y adonc une corrélation extrême entre diverses matières premières, sans raison fondamentaleou physique73.

Les prix ajustés à l'inflation du maïs, riz, pétrole brut, blé dur et soja (1990-2011)Source: IFPRI. 2011. Rapport: Global Hunger Index The challenge of hunger: taming

price spikes and excessive food price volatility.

Corrélation avec l'évolution très erratique des taux de change

« La plupart des produits agricoles sont négociés, côtés en dollar américain surles marchés internationaux, alors que les agriculteurs de la zone euro vendenten euros et les industriels de la zone euro achètent en euros. Par conséquent, lavolatilité du taux de change euro/dollar américain affecte aussi le prix du produitagricole pour un agriculteur et pour un industriel. Or les taux de change sontsouvent très volatiles.» Francis Declerck74.

Comme le souligne Francis Declerck, la plupart des matières agricoles sont négociées endollar US. Mais cette monnaie a connu de fortes fluctuations cette dernière décennie. Ladépréciation du dollar dans les années qui ont précédées le pic des prix de 2007-2008 a

72 Fumey, Gilles. 2008. Géopolitique de l’alimentation. Sciences humaines, p. 109.73 Annexe 2.4.

74 Declerck, Francis. 2011. Comment nourrir le monde? L’aube et Passion Céréales. Chapitre 10, p. 111-129, Faut-il réguler

les marchés des produits agricoles de base?, p.138-139.

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été suivie par une forte appréciation à partir de 2008. En période de dépréciation, le pouvoird'achat de nombreux pays importateurs s'est trouvé nettement amélioré, et la demande enmatière première a été accrue. La dépréciation du dollar s'accompagne par un engouementmoindre pour les matières premières. Ces mouvements monétaires amplifient la volatilitédes prix des matières premières, dont celle du blé. Il existe donc une corrélation entre lavolatilité des taux de change de certaines monnaies clés dans les échanges mondiaux (ledollar, l'euro, le yen, le real, le yuan) avec la volatilité des prix des matières premières. Ilapparaît donc très clairement que « l'instabilité agricole n'est qu'une toute petite partie del'instabilité mondiale qui commence par celle des marchés des changes »75.

Fluctuations des taux de change bilatéraux (2000-2011)Source: Farm Foundation. 2011. What’s driving food prices in 2011?

Chapitre 2. La part financière de la volatilité du prix dublé

2. A. Augmentation des investissements non traditionnels sur lesmarchés

A la suite de la crise des subprimes, les opérateurs financiers n’avaient plus de visibilité surles marchés financiers classiques tels que les placements monétaires, les obligations d’Etat,le marché immobilier et autres placements boursiers. Ils ont donc commencé à investirdans les matières premières en pensant qu’il y aurait toujours une demande accrue, en vudes pénuries à venir avec notamment l'accroissement démographique et la demande enbiocarburants. Ils ont également massivement investi sur des produits dérivés de blé pour se

75 Chalmin, Philippe. 2011. Cyclope 2011: le printemps des peuples et la malédiction des matières premières. Economica, p. 203.

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protéger de la dépréciation du dollar. Les économistes sont unanimes: la spéculation s'estfortement intensifiée sur les marchés du blé. Mais tous n'arrivent pas à la conclusion selonlaquelle cette intensification est responsable de l'explosion des cours du blé en 2007-2008 eten 2010-2011. Sur ce dernier point, il y a un profond désaccord idéologique et académiquequi est mis en évidence par le rapport intergouvernemental sur la volatilité des prix desmatières premières:

“There is no doubt that investment in financial derivatives markets foragricultural commodities increased strongly in the mid-2000s, but there isdisagreement about the role of financial speculation as a driver of agriculturalcommodity price increases and volatility. While analysts argue about whetherfinancial speculation has been a major factor, most agree that increasedparticipation by non-commercial actors such as index funds, swap dealers andmoney managers in financial markets probably acted to amplify short term priceswings and could have contributed to the formation of price bubbles in somesituations. Against this background the extent to which financial speculationmight be a determinant of agricultural price volatility in the future is also subjectto disagreement. It is clear however that well functioning derivatives markets foragricultural commodities, could play a significant role in reducing or smoothingprice fluctuations indeed, this is one of the primary functions of commodityfutures markets.» Policy Report « Price volatility in global food and agriculturalmarkets »76.

Les chercheurs hollandais Gerdien W. Meijerink et Karl Shutes ont publié en 2012 unerevue de la littérature très complète portant sur les débats actuels sur la part financièrede la volatilité des prix des matières agricoles77. Intitulée Food prices and agriculturalfutures markets: a litterature review, on y retrouve les conclusions divergentes de nombreuxéconomistes et chercheurs travaillant sur cette problématique - comme Cooke and Coibion(2010), Capelle-Blancard et Coulibaly (2012), Gibert (2010), Harris et Buyuksahin (2009),Hernandez et Torero (2010), Sanders et Merrin (2009), Sanders et Irwin (2011), Kaufman(2010) - ainsi que les rapports de De Schutter (2010), de l'IATP (2008), de l'IFPRI (2009)ou encore de la CNUCED (2009).

La spéculation sur les marchés agricoles mondiauxLe rôle de la spéculation sur les marchés des matières premières est difficile à mesurer,

car elle peut provenir des producteurs, des industriels et des spéculateurs. Un spéculateurest quelqu'un qui cherche à faire des profits en prenant des risques plus importants. Selonla définition donnée par la U.S. Commodity Futures Trading Commission, les spéculateurssur les marchés agricoles peuvent être commerciaux (marchands, négociants, industriels,traders en ressources agricoles, producteurs, traders en swap et derivatives) ou non-commerciaux (fonds de pension, courtiers, participants non-inscrits)78. Tous ces acteurscherchent à maximiser leurs profits. Au contraire, les « hedgers » cherchent à se couvrir,

76 FAO, IMF, OECD, UNCTAD, WFP, World Bank, WTO, IFPRI and UN. 2011. Price volatility in global food and agricultural

markets. Consulté (www.oecd.org/dataoecd/40/34/48152638.pdf).77 Meijerink, Gerdien, et Shutes, Karl. 2012. Food prices and agricultural future markets. A litterature review. LEI, Pays-Bas. Consulté(http://www.wass.wur.nl/NR/rdonlyres/BBB88923-562C-4C26-800E-F8916DD5251D/163888/WWP03.pdf>).

78 CFTC. 2011. Commitments of Traders. [en ligne]. [page consultée le 10 juillet 2012]. <http://www.cftc.gov/MarketReports/CommitmentsofTraders/index.htm>

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c'est à dire à minimiser leur exposition à certains risques sur les marchés. Il est importantde souligner que tous les producteurs ne cherchent pas uniquement à se couvrir sur lesmarchés agricoles. Certains peuvent ainsi profiter de leur inscription sur les marchés pourdépasser le rôle classique de producteur « hedger » pour spéculer à la hausse ou à labaisser sur le prix de leurs productions. « Hedgers » et « speculators » se retrouvent doncsur les mêmes marchés, avec des buts fondamentalement différents. Mais les deux acteurssont nécessaires au bon fonctionnement des marchés. Ainsi, les traders apportent de laliquidité au marché, et permettent parfois d'inverser les grandes tendances à la hausseou à la baisse des prix. Par contre, comme le souligne Francis Declerck, « une trop fortespéculation nuit au marché»79: une bulle spéculative peut se former, bulle qui ne reflète plusl'équilibre réel de l'offre et de la demande.

Les stratégies de diversification de portefeuille des fonds indiciels

Maximo Torero, économiste à l'IFPRI, a étudié l'intensification des activités financièressur les marchés dérivés agricoles80. Le volume des fonds indiciels a augmenté selon lui de 2300 % entre 2003 et 2008, et il représente dix fois les positions des spéculateurs habituels.Les fonds indiciels, aussi appelés ETF, ont développé des indices qui suivent un panierd'une vingtaine de matières premières très diverses (métaux précieux et industriels, énergie,produits agricoles, animaux). Désormais avec ces nouveaux indices, n'importe qui peutinvestir dans les matières premières. Les indices les plus connus sont le Standard&PoorsGoldman Sachs Commodity Index, le Dow Jones-AIG Commodity Index, le Reuters-CRBIndex, le Rogers International Commodity Index ou encore le Commin Commodity Index81.Il s'agissait pour ces fonds de diversifier leurs investissements « classiques » (actions,obligations, pensions, etc.) en proposant leurs propres paniers de matières premières82.

Les gérants élaborent des stratégies appelées CTA (Commodity Trading Advisor)basées sur le trend following, ou suivi des tendances à la hausse. Ces stratégies trèscomplexes sont régulées par la Commodity Futures Trading Commission (CFTC) sous leUS Commodity Exchange Act. L'utilisation croissante des techniques d'analyse graphiquequi anticipent l'évolution future des cours confortent leur pouvoir de prédiction. Chaque jour,ces fonds peuvent allouer un pourcentage de leur portefeuille à chaque matière première,selon la performance passée de la matière première. Ainsi, s'il s'avère que le blé esttrès rémunérateur, les fonds vont suivre cette tendance en faveur du blé en achetantmassivement du blé. Mais acheter du blé quand le prix du blé monte contribue à renforcer latendance à la hausse du prix du blé. C'est en cela que beaucoup d'économistes accusent lesfonds indiciels de participer à l'augmentation de la volatilité des prix des matières premières.

79 Declerck, Francis. 2011. Comment nourrir le monde? L’aube et Passion Céréales. Chapitre 10, p. 111-129, Faut-il régulerles marchés des produits agricoles de base?, p.143.

80 Torero, Maximo. 2012. « Financial Markets and Food Price Volatility: Mapping Key Actors and Urgent Actions ». IDS Universityof Sussex, Brighton, UK.

81 Annexe 2.5.82 Annexe 1. Entretien n°7: Adrien de Larrard (28 Avril 2012).

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Volumes mensuels des contrats à terme du blé, maïs et soja (2002 - 2011)Source: IFPRI. 2011. Global Hunger Index The challenge of hunger: taming price spikes

and excessive food price volatility.

2. B. La spéculation comme facteur majeur de la volatilité du prix dublé« Qu’il s’agisse de la spéculation sur les monnaies ou de la spéculation surles actions, ou de la spéculation sur les produits dérivés, le monde est devenuun vaste casino où les tables de jeu sont réparties sur toutes les longitudes ettoutes les latitudes. Le jeu et les enchères, auxquelles participent des millions dejoueurs, ne s’arrêtent jamais. [...] Que les bourses soient devenues de véritablescasinos, où se jouent de gigantesques parties de poker, ne présenterait guèred’importance après tout, les uns gagnant ce que les autres perdent, si lesfluctuations générales des cours n’engendraient pas, par leurs implications, deprofondes vagues d’optimisme ou de pessimisme qui influent considérablementsur l’économie réelle. [...] Le système actuel est fondamentalement anti-économique et défavorable à un fonctionnement correct des économies. Il nepeut être avantageux que pour de très petites minorités.» Maurice Allais, La Crisemondiale d’aujourd’hui83.

Dans un article du Foreign Policy Magazine publié en 2011, Frederick Kaufman a été l'unedes premières personnes à dénoncer le rôle joué par le Goldman Sachs Commodity Indexdans la crise des prix agricoles de 2007-2008. Il écrivait: « Don't blame American appetites,rising oil prices, or genetically modified crops for rising food prices. Wall Street's at faultfor the spiraling cost of food.84» Depuis, Bryce Cooke et Miguel Robles (2009), MaximoTorero et Joachim von Braun (2009) et Joerg Mayer (2012) sont convaincus que ces fondsparticipent à la volatilité des prix des produits agricoles, perturbant l'équilibre traditionnel

83 Allais, Maurice. 1998. La crise mondiale d'aujourd'hui. Clément Juglar.84 Kaufman, Frederick. 2011. How Goldman sachs created the food crisis. Foreign Policy. [en ligne]. [page consultée le 10 juillet2012]. < http://www.foreignpolicy.com/articles/2011/04/27/how_goldman_sachs_created _the_food_crisish>

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La volatilité du prix du blé sur les marchés agricoles mondiaux: une approche par les facteurs

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entre l'offre et le demande sur les marchés à terme. Ainsi, aujourd'hui, seulement 2% descontrats à terme de matières premières sont livrés physiquement. « Les spéculateurs nesouhaitent ni livrer, ni prendre livraison de la marchandise. Ils dénoueront - revendront ourachèteront selon le cas - leur contrat avant l'échéance »85. Ainsi, le volume échangé sur lesmarchés représente le triple de la production mondiale de maïs. Si toutes les transactions nevont pas à leur terme, c'est à dire jusqu'à la livraison physique, cela ne peut pas fonctionneréternellement. Les contrats à terme lorsqu'ils ont été créés au début du XXème à Chicagodevaient protéger les agriculteurs et les utilisateurs de blé contre la volatilité des cours. Maispour Olivier Pastré, « ces produits financiers d’un type nouveau se sont, depuis le débutdes années 90, transformés, de produits d’assurance qu’ils étaient, en produits de purespéculation. En trois ans à peine, de 2005 à 2008, la part des acteurs non commerciaux surles marchés du maïss est ainsi passée de 17 à 43%»86.

Joerg Mayer, économiste à la CNUCED dénonce l'entrée des financiers sur les marchésà terme agricoles, notamment en étudiant l' « open interest », c'est à dire les contrats quin'ont pas été compensés par une position opposée ou qui n'ont pas été réalisés par lalivraison du blé et qui sont détenus par les acteurs participants au marché à la fin de chaquejour87. Pour lui, les portefeuilles des fonds indiciels reposent sur des choix discrétionnairessans aucun rapport avec les fondamentaux. Ils ont pourtant un grand impact sur les marchésphysiques, car ils représentent un nombre croissant de contrats. Ces fonds se préoccupentavant tout de diversifier leurs portefeuilles. Il y a donc une plus grande corrélation entreles prix des métaux précieux et industriels, les produits animaux et végétaux et le pétroleou le gaz. Par conséquent, toute décision discrétionnaire de ces fonds peut impacter lesmarchés physiques sans aucun rapport avec les fondamentaux. Si par exemple le S&PGoldman Sachs Index décide de retirer de son portefeuille le blé, qui représente environ2,75% de ce portefeuille, et privilégier le gaz naturel, sans aucune raison fondamentale, lademande en blé sur les marchés à terme va être diminuée de façon drastique, provocantun effondrement des cours importants qui participent à l'accentuation de la volatilité du prixdu blé88. « As a result, speculative bubbles may form and price changes can no longer beinterpreted as reflecting fundamental supply and demand signals »89. Joerg Mayer est doncparticulièrement critique à l'égard de la spéculation sur les marchés agricoles, car il s'agitd'un domaine sensible, touchant à la faim. Pour lui, « le libre-échange partout et tout desuite n'est pas souhaitable »90.

85 Declerck, Francis. 2011. Comment nourrir le monde? L’aube et Passion Céréales. Chapitre 10, p. 111-129, Faut-il réguler lesmarchés des produits agricoles de base?, p.141.86 Pastré, Olivier. 2011. Les nouveaux équilibres agroalimentaires mondiaux. Descartes & Cie. Chapitre II, p. 27-35, La crisealimentaire mondiale n'est pas une fatalité, p. 29.

87 Annexe 1. Entretien n° 4: Joerg Mayer (5 Avril 2012).88 Annexe 2.5.89 UNCTAD. 2009a. The global economic crisis: systemic failures and multilateral remedies. New York, Geneva Consulté (http://

www.unctad.org/en/docs/gds20091_en.pdf), p. 38.90 Annexe 1. Entretien n° 4: Joerg Mayer (5 Avril 2012).

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Volume mensuel des positions ouvertes sur le blé, soja et maïs (2002 - 2011)Source: IFPRI. 2011. Global Hunger Index The challenge of hunger: taming price spikes

and excessive food price volatility.

2. C. La spéculation comme facteur mineur de la volatilité du prix dublé« Among economists there is, howewer, scepticism with regard to the linkbetween speculation and commodity price developments. This specticism isbased on the efficient market hypothesis. According to this view, prices in afreely operating market perfectly and instantaneously incorporate all relevantinformation available.» Policy Report « Price volatility in global food andagricultural markets »91.

S'il est indéniable qu'il y a de fortes tensions sur les marchés agricoles, la spéculation nejoue qu'un rôle secondaire pour certains économistes. Ainsi, on peut lire dans Cyclopeque « depuis les années trente, toutes les études académiques réalisées sur le rôle de laspéculation ont conclu à sa neutralité»92. Irwin et Sanders ont isolé en 2010 les transactionsdes fonds d'indices sur douze marchés de produits agricoles, dont celui du blé93. Ils ontdémontré l'absence de corrélation entre ces positions indicielles et la volatilité des prix. Danscertains cas, ils ont montré que si le lien était significatif, il était négatif. Les liens théoriquesentre spéculation et volatilité des prix des produits agricoles n'ont pas été démontrés: « thereis no smoking gun of a direct statistical link between the market participation of index fundsand commodity futures price movements» pour Scott Irwin. De plus, pendant la crise de

91 UNCTAD. 2009a. The global economic crisis: systemic failures and multilateral remedies. Chapter III. New York, Geneva

Consulté (http://www.unctad.org/en/docs/gds20091_en.pdf), p. 38.92 Chalmin, Philippe. 2011. Cyclope 2011: le printemps des peuples et la malédiction des matières premières. Economica, p. 193.93 Irwin, Scott et Sanders, Dwight. 2010. The impact of index and swap funds on commodity futures markets: preliminary results.OECD Food, Agriculture and Fisheries Working Papers, n°27. OECD Publishing.

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2007-2008, le prix de certains produits agricoles a augmenté alors même que les marchéssur lesquels ils se trouvaient ne connaissaient pas de spéculation.

« L’accent est mis sur le rôle nocif de nouvelles formes de spéculation financière(indices) et sur la nécessité d’en assurer le contrôle, voire de les supprimer. Toutcela ressort d’un discours trop souvent manichéen au-delà de tout réalisme.»Philippe Chalmin94.

Il faut replacer la flambée des prix de 2007-2008 dans un contexte de « prixmondiaux souvent déprimés et de relatif désintérêt des dirigeants de la planète pour lesproblématiques agricoles et alimentaires»95. Pour les économistes Harris, Buyuksahin,Overdahl et Robe (2009), la spéculation suit la tendance des prix mais ne crée pascette tendance96. Notamment, ils soulignent les corrélations avec le prix du pétrole. Latendance générale des prix trouverait ainsi son origine dans les fondamentaux, c'est àdire une demande croissante et peu substituable et une offre très éclatée et soumise auxaléas climatiques. La spéculation ne jouerait alors qu'un rôle amplificateur des tendancesfondamentales. De plus, il faut rappeler que la spéculation est nécessaire « pour que lesproducteurs puissent vendre beaucoup durant les semaines qui suivent la récolte, il leur estnécessaire de trouver des contreparties, des opérateurs qui acceptent d'acheter: c'est le rôledes spéculateurs qui prennent le risque d'entrer sur le marché dans l'espoir de voir les coursmonter et de revendre en faisant un profit»97. Il est normal que sur la question du rôle de laspéculation sur la volatilité des prix des matières premières, les positions d'un professeur àl'ESSEC et d'un auteur de Cyclope, plutôt inspirés par Milton Friedman98, soient différentesde celles d'un économiste à l'IFPRI ou à la CNUCED, ou encore de celles du RapporteurSpécial des Nations Unies sur le droit à l'alimentation.

Chapitre 3. La part conjoncturelle de la volatilité duprix du blé

3. A. Une évolution sous tension des politiques agricoles,commerciales et alimentaires

La volatilité des prix du blé est fortement influencée par la politique commerciale, agricoleet alimentaire. En effet, les restrictions ou les aides à l'import et à l'export, les normes,les standards de transport, l'aide alimentaire et toute information de nature sanitaire,

94 Chalmin, Philippe. 2011. Les nouveaux équilibres agroalimentaires mondiaux. Descartes & Cie. Chapitre III, p. 35-47,

L'instabilité agricole: problématiques, mise en perspective historique et pistes de réflexion, p. 42.95 Ibid., p. 42.96 Buyuksahin, B., Harris J., Overdahl, J., Robe, M. 2009. Speculators and Hedgers: On the Classification of Traders in CommodityFutures Markets. CFTC Working Paper.97 Declerck, Francis. 2011. Comment nourrir le monde? L’aube et Passion Céréales. Chapitre 10, p. 111-129, Faut-il réguler lesmarchés des produits agricoles de base?, p. 142.98 Friedman, Milton. 1960. « In defense of stabilizing speculation », dans RW Pftouts (ed), Essay in economics and econometrics,University of North Carolina Press.

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économique et politique, affectent les décisions des producteurs et des consommateurs surles marchés agricoles.

“During the 2007-2008 period, some policy measures put in place by a number ofgovernments contributed directly and indirectly to the crisis (export restrictions, hoarding),increasing the amplitude of price movements and in some cases provoking price increasesthat were otherwise inexplicable in terms of the market fundamentals. Inappropriate policyresponses also contributed to volatility (...) Additionally, private and public actors respondingto the general nervousness of the markets, or for speculative reasons, engaged in hoardingor precipitated purchases in an already tense market situation.” Policy Report « Pricevolatility in global food and agricultural markets »99.

Lorsque l'IFPRI parle de “volatilité excessive”, c'est à dire une volatilité extrême surune fenêtre de soixante jours, les politiques commerciales des états jouent un rôle crucial:"During the 2007-2008 food price crisis, 15 countries, including major producers, imposedexport restrictions on agricultural commodities (...) these trade restrictions can explainas much as 30 percent of the increase in prices in the first six months of 2008"100. Leséconomistes de l'IFPRI - Torero, Martins-Filho et Yao - ont par exemple étudié l'impact desrestrictions à l'export sur les prix du blé pendant la crise du prix des matières premières de2010. A cette époque, la Russie connaissait une profonde sécheresse accompagnée parde nombreux incendies. Par conséquent, les prévisions des récoltes de blé pour ce pays etaussi pour l'Ukraine et le Kazakhstan ont été revues à la baisse. La vague de sécheressea détruit plus de 20% des surfaces céréalières cultivées. L'annonce d'un embargo auxexportations de blé russe, le 2 aôut 2010, a eu des répercutions immédiates sur la volatilitédu prix du blé sur les marchés à terme, volatilité excessive qui sera renforcée par lapublication des stocks de blé le 6 août 2010 par le Ministère de l'Agriculture américain,l'USDA.

Impact conjoncturel de la sécheresse en Russie 2010 sur le prix du blé (2010)

99 FAO, IMF, OECD, UNCTAD, WFP, World Bank, WTO, IFPRI and UN. 2011. Price volatility in global food and agriculturalmarkets. Consulté (www.oecd.org/dataoecd/40/34/48152638.pdf).

100 IFPRI. 2011. Global Hunger Index The challenge of hunger: taming price spikes and excessive food price volatility. (http://www.ifpri.org/publication/2010-global-hunger-index), p. 24.

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Source: Torero, Maximo. 2012. « Financial Markets and Food Price Volatility: MappingKey Actors and Urgent Actions ». IDS University of Sussex, Brighton, UK (conference).

3. B. Le rôle amplificateur de l'incertitude et des rumeursL'incertitude et les rumeurs sur l'offre et la demande de blé présentent un caractèreanxiogène témoin d'une peur ancestrale des famines. Francis Declerck dans un articleintitulé Faut-il réguler les marchés financiers des produits agricoles de base? soulignel'amplification de la spéculation et de la volatilité par la rumeur, qui rentre dans la catégoriedes facteurs « conjoncturels»101. La source de la rumeur est souvent une informationanxiogène et incertaine, par exemple des prévisions de mauvaises récoltes en Russie suiteà une vague de sécheresse. L'agent médiatique tend à exagérer la rumeur, et renforcesa vraisemblance preuves à l'appui, l'embargo russe sur les céréales faisant la une desjournaux agricoles, et chaque soir, des millions de téléspectateurs pouvaient voir les imageschocs des incendies ravageant le pays. Certains acteurs ont alors intérêt à amplifier et à fairecirculer cette rumeur, comme les courtiers ou les producteurs. Les producteurs veulent faireaugmenter les prix tandis que les demandeurs ont intérêt à faire circuler des rumeurs dedésintérêt pour le blé. La rumeur d'une hausse comme d'une baisse des prix est alors « uncarburant qui va alimenter la spéculation et donc la volatilité des prix sur les marchés »102.

La psychose et la dimension médiatique de la sécheresse et les réactions desgouvernements russes, kazakhes et ukrainiens et leurs répercussions immédiates mettenten lumière la complexité du monde actuel financier actuel, intégrant tant des donnéesphysiques et fondamentales que des données médiatiques, subjectives et passionnelles.Maxime Torero a réalisé une analyse médiatique sélectionnant les articles faisant référenceà l'augmentation du prix du blé103. Il en arrive à la conclusion que les médias ont suréagit àl'annonce de la suspension des exportations russes (62% des articles) tout en n'expliquantpas suffisamment que les stocks étaient insuffisants pour compenser les pertes russes(seulement 25% des articles)104.

L'état des stocks mondiaux de blé est un indicateur puissant pour l'ensembledes acteurs de la filière. Les stocks actuels de blé sont très bas, donc en casd'accidents climatiques, les acteurs anticipent très vite une éventuelle rupturedes stocks. Les évènements conjoncturels amplifient les facteurs fondamentaux.On peut donc dire que les stocks sont subis, et la seule façon de reconstituerces stocks serait de diminuer la consommation mondiale de blé pendant quelquetemps, ce qui est impossible. » Frédéric Fieux, FranceAgriMer105

3. C. La volatilité des prix du blé comme le fruit d'une conjonction defacteurs fondamentaux, financiers et conjoncturels

101 Declerck, Francis. 2011. Comment nourrir le monde? L’aube et Passion Céréales. Chapitre 10, p. 111-129, Faut-il réguler lesmarchés des produits agricoles de base?102 Ibid., p. 148.

103 Annexe 2.6.104 Annexe 2.7.

105 Annexe 1. Entretien n°2: Frédéric Fieux (9 Mars 2012).

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L'incertitude et les rumeurs entraînent des comportements moutonniers, qui participentà la volatilité excessive sur de courtes périodes sur les marchés agricoles. La tendancegénérale des prix trouverait pourtant son origine dans les fondamentaux, c'est à dire unedemande croissante et peu substituable et une offre très éclatée et soumise aux aléasclimatiques. Ainsi, les facteurs conjoncturels seraient responsables des brefs épisodesde volatilité excessive, et ils auraient peu d'impacts sur la volatilité du prix du blé surplusieurs années ou décennies, qui reste soumise aux grandes tendances fondamentaleset financières. Marion Guillou et Gérard Matheron expliquent donc les épisodes de haussedes cours de 2007-2008 et de 2010-2011 comme « le fruit d'une conjonction de facteursdécennaux et conjoncturels qui ont simultanément joué dans le sens d'une augmentationgénérale des cours agricoles»106. Ainsi, les accidents climatiques et les politiques restrictivesà l'exportation (facteurs conjoncturels) ont amplifié le phénomène d'atonie générale del'offre et le dynamisme de la demande alimentaire en blé (facteurs fondamentaux) dansun contexte financier très favorable à la spéculation sur les matières premières (facteursfinanciers).

L'interconnexion entre les marchés physiques et les marchés financiers du blé estcomplexe. Par conséquent, prendre position sur les causes de la volatilité du prix du bléimplique un positionnement idéologique. Ceux qui défendent les facteurs fondamentauxet l'économie réelle comme Philippe Chalmin, Francis Declerck ou Scott Irwin et DwightSanders sont plus souvent des économistes libéraux. Tandis que ceux qui insistent sur laplace des facteurs financiers et critiquent la spéculation et la globalisation financière commeMaximo Torero ou Joerg Mayer peuvent être vus comme des économistes plus soucieux dela société et des plus pauvres. Ces débats idéologiques ont été particulièrement saisissantslors de mes entretiens, à travers lesquels j'ai aussi pu observer un relatif consensus surle rôle des facteurs conjoncturels. Il faut enfin souligner combien il peut être difficile derechercher les causes exactes de la volatilité du prix du blé. S'il y a des facteurs qui peuventexpliquer la volatilité à court-terme, d'autres expliquent celle à moyen et long terme. Lesmarchés du blé sont relativement opaques et les données relatives aux opérateurs demarché sont peu accessibles. Le silence des multinationales de négoce ne facilite pas lesrecherches. La Commodity Futures Trading Commission dispose désormais de données surles intervenants sur les marchés: position acheteuse, vendeuse ou d'arbitrage, producteursou transformateurs en couverture de risques, opérateurs sur swaps, fonds indiciels ou fondsde gestion alternative etc. Andrei Kirilenko est Chief Economist à la CFTC depuis 2008. Iltravaille justement sur les questions de transparence et de volatilité des prix des matièresagricoles.

106 Guillou, Marion, et Matheron, Gérard. 2011. 9 milliards d’hommes à nourrir. François Bourin, p. 228.

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Dans un contexte de marchés mondiaux peu régulés, il est probable que les épisodesde hausse et de baisse des cours du prix du blé vont se succéder. Pour cette raison, l'avenirde notre civilisation du blé repose sur un meilleur encadrement des prix du blé qui s'imposepour que les opérateurs économiques retrouvent une certaine confiance dans la capacitédu marché international à fournir du blé en quantité suffisante et à un prix raisonnable.

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Partie III. La nécessité de concilier les diverses approches de la volatilité: remédier et anticiper lacomplexité des échanges de blé de demain

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Partie III. La nécessité de concilier lesdiverses approches de la volatilité:remédier et anticiper la complexité deséchanges de blé de demain

Seule une meilleure compréhension des facteurs à l'origine de la volatilité des prix dublé peut permettre d'en atténuer les effets et éviter que les échanges soient effectuésaux dépends des agriculteurs et des consommateurs. Il s'agira dans cette dernière partiede montrer la nécessité de concilier les diverses approches de la volatilité des prix dublé - approche fondamentale, financière et conjoncturelle - pour y remédier. Anticiper lacomplexité des échanges de blé de demain reposera donc sur des mesures multiplesvisant à ajuster l'offre à la demande mondiale en blé, limiter l'incertitude financière surles marchés financiers et protéger les plus vulnérables pendant les périodes de volatilitéexcessive. AJUSTER, LIMITER et PROTEGER: trois mots clés sur lesquels repose l'avenirdes échanges de blé.

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Chapitre 1. Ajuster l'offre par rapport à la demandemondiale en blé

La volatilité des prix du blé est un enjeu économique crucial qui s'explique avant tout par lesfondamentaux. Le scénario d'une offre insuffisante dans un contexte de demande croissantefait consensus. Par conséquent, limiter l'incertitude en terme d'offre de blé suppose derepenser les politiques commerciales, agricoles et alimentaires, pour investir massivementet favoriser la recherche dans le secteur agricole.

1. A. Repenser les politiques agricoles, commerciales et alimentaires

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Partie III. La nécessité de concilier les diverses approches de la volatilité: remédier et anticiper lacomplexité des échanges de blé de demain

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Il est tout d'abord crucial de repenser les politiques commerciales, agricoles et alimentaires,car ce sont elles qui impulsent véritablement l'investissement et la recherche dans lesecteur agricole. La cohérence des politiques agroalimentaires constitue un défi de taille,car le cadre agricole implique souvent des politiques visant des objectifs multiples, parfoiscontradictoires. Les systèmes agricoles et alimentaires sont de plus en plus interconnectésà l'échelle planétaire et cela invite à une plus grande prudence de la part des décideurs,puisqu'une action spécifiquement localisée peut avoir des répercutions de l'autre côté dumonde. Pour Olivier Pastré, « on peut rêver comme le font certains, y compris à la BanqueMondiale, d’une Banque Mondiale des Céréales. L’idée est séduisante mais nous restonsancré dans notre conviction que la sortie de crise se fera « par le bas », au niveaudécentralisé, vernaculaire»107. Une gestion à la fois globale et locale de la volatilité doitainsi être articulée. Cela implique peut être de redéfinir la place de la FAO en appelant lesgrands états producteurs et consommateurs de blé à mener leurs politiques locales d'unefaçon concertée, dans un objectif commun de lutte contre l'instabilité des prix des produitsagricoles.

Même s'il est très dur d'évaluer l'impact de l'utilisation des biocarburants dans laflambée des prix agricoles de 2006-2007, de nombreux économistes appellent les étatsà réviser leurs politiques commerciales, devenues pour beaucoup trop favorables auxbiocarburants (normes, certifications, fiscalité). L'IFPRI insiste sur ce point: « biofuelsubsidies should be curtailed in order to minimize biofuels' contribution to volatility in foodmarkets».108 Le fait que de plus en plus d'agriculteurs délaissent la culture du blé pour celledes betteraves ou du maïs est insoutenable sur le long terme. De même, les politiquesde soutien aux biocarburants des états favorisent le phénomène d'accaparement desterres dans les pays du Sud pour installer des cultures énergétiques (« land grabbing »),phénomène qui est encouragé par une forte politique de soutien. Le problème est que leblé est aussi utilisé pour l’alimentation. Cela provoque des tensions sur les quantités quiont des répercutions sur les prix, qui vont impacter les plus pauvres. Si nous continuonsdans ce sens sans agir, nous allons vers un risque de multiplication des émeutes dela faim. Il y a également un risque d’exclusion des petits agriculteurs, car ces derniersne sont pas préparés à la logique unilatérale de la culture énergétique. Les politiquesagricoles doivent privilégier les productions agricoles à des fins alimentaires, dans uncontexte d'augmentation croissante de la population. Elles doivent également offrir un« cadre réglementaire permettant une meilleure commercialisation des produits, diffusionde l’information sur les prix, définition de rapports contractuels entre les agriculteurs etles acteurs de la commercialisation ou de la transformation en aval, mise au point denormes de qualité des produits commercialisés, soutien à la mise en place d’organisationsinterprofessionnelles »109.

1. B. Réinvestir dans le secteur agricole« Les petits producteurs agricoles n’investiront pour augmenter leur productionau-delà de leurs besoins que s’ils sont assurés d’y trouver un intérêt. Dans cette107 Pastré, Olivier. 2011. Les nouveaux équilibres agroalimentaires mondiaux. Descartes & Cie. Chapitre II, p. 27-35, La crisealimentaire mondiale n'est pas une fatalité, p. 32.

108 IFPRI. 2011. Global Hunger Index The challenge of hunger: taming price spikes and excessive food price volatility.Washington DC Consulté (http://www.ifpri.org/publication/2010-global-hunger-index), p. 43.

109 Vindel, Bruno et Jacquet, Pierre. 2011. Les nouveaux équilibres agroalimentaires mondiaux. Descartes & Cie. Chapitre VII,p. 73-93, Agriculture, développement et sécurité alimentaire, p. 86.

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perspective, toute action qui permettrait de mieux rémunérer les producteurs,de rendre les prix agricoles moins volatils et d’accéder plus facilement etplus longtemps aux marchés est opportune. De même que pour les actionsqui visent à augmenter les connaissances et les compétences en matière destockage, transformation et commercialisation des produits agricoles. Dans uneperspective liée, mais plus large, au-delà des nécessaires investissements, il estcrucial de garantir un environnement institutionnel efficace et stable sans lequelaucun marché ne peut fonctionner de manière efficace. Les rôles respectifsdu secteur public et du secteur privé doivent être clairement précisé.» MarionGuillou et Gérard Matheron110.

La flambée des prix du blé a eu le mérite de remettre l'agriculture au centre despréoccupations mondiales. Elle doit faire prendre conscience de la nécessité de réinvestirdans l'agriculture. Pour augmenter l'offre de blé, les superficies cultivées doivent augmenter.Les fonds de pension, les banques et les industriels de l'énergie l'ont bien compris et ilsinvestissent massivement dans les pays du Sud, en particulier en Ukraine et en Argentinepour le blé111. Au total, 42 millions d'hectares ont ainsi été achetés entre 2005 et 2009, dont37% dédiés à la production de denrées alimentaires112. Cet engouement pour les terresagricoles peut conduire à une amélioration des conditions de travail des agriculteurs dansces pays, s'ils sont associés à cette démarche avec dans le cadre de prix d'achat garantis,un accès au crédit et des conseils techniques. Les gouvernements doivent égalements'assurer que les populations locales sont consultées et correctement indemnisées, via des« politiques foncières sécurisant l'utilisation de la terre et préservant des conflits»113. Le G2Orecommande d'augmenter les investissements agricoles dans les pays en développementpour améliorer les institutions agricoles, les routes, les ports, les systèmes d'irrigation,l'information et les nouvelles technologies. Dans cette optique, la Banque Mondiale, laBanque Africaine du Développement, la Banque Interaméricaine de Développement, la FAOet le Fond International pour le Développement Agricole se sont lancés dans une grandecampagne d'investissement public dans le secteur agricole.

La productivité et les rendements à l'hectare doivent augmenter, en particulier en ce quiconcerne les nouveaux greniers du monde que sont l'Argentine et les pays de l'Est, car cespays n'ont pas atteint leur productivité maximale. L'Ukraine a par exemple des rendementsde blé d'environ trois tonnes par hectare, ce qui reste encore loin du potentiel atteint parles plus grands exportateurs. Un rattrapage de ces pays est possible si les investissementsnécessaires sont réalisés, en terme d'aménagement des infrastructures, de mécanisation,d'utilisation d'engrais, de pesticides et de formation des producteurs. Il faut donc privilégierune agriculture « écologiquement intensive », c'est à dire des pratiques agricoles quidynamisent la productivité de la terre tout en maîtrisant les impacts environnementaux,comme le recommande G. Conway dans son ouvrage The Doubly Green Revolution 114. Ces

110 Guillou, Marion, et Matheron, Gérard. 2011. 9 milliards d’hommes à nourrir. François Bourin, p. 125.111 Annexe 2.8.112 Comité Technique Foncier et Développement. 2010. Op. cit. Burnod P., Anseeuw W., Bosc P.M., Even M.A. 2010. Appropriationsfoncières dans les pays du Sud: bilan et perspectives. Ministère en charge de l’agriculture, Centres d’Etudes et Prospectives.113 Vindel, Bruno et Jacquet, Pierre. 2011. Les nouveaux équilibres agroalimentaires mondiaux. Descartes & Cie. Chapitre VII, p.73-93, Agriculture, développement et sécurité alimentaire, p. 86.

114 Conway, Gordon. 1998. The Doubly Green Revolution : Food for All in the Twenty-First Century. Cornell University Press,Comstock Pub. Associates.

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nouvelles pratiques devront tenir compte des rendements propres à chaque région. Ainsi, laFrance présente des rendements de l'ordre de 71,3 quintaux de blé par hectare tandis quel'Australie ne peut pas dépasser 16,4 quintaux de blé par hectare. L'agriculture biologiqueest idéale, mais pour produire une tonne de blé biologique, il faut cultiver beaucoup plusd'hectares. L'agriculture « écologiquement intensive » constitue la seule solution crédibleet soutenable pour permettre une augmentation des stocks de blé à l'échelle mondialeet entraîner une stabilisation des cours, car nous avons pu voir qu'il y avait un véritabledialogue entre les marchés physiques et les marchés financiers du blé.

« Ce que les marchés constatent aujourd’hui, c’est la négligence dont a étévictime pendant des décennies l’agriculture dans de très nombreux pays endéveloppement, c’est le recul d’une certaine forme de productivisme alors mêmeque du fait de la croissance tant démographique qu’économique, les besoinsalimentaires ne cessaient d’augmenter.» Cyclope 2011 115 .

1. C. Favoriser la recherche agronomique pour améliorer lesrendements

Le secteur agricole a un besoin urgent de modernisation et d'innovations technologiques.La recherche-développement doit être une des priorités des gouvernements, et celle-ci doit faire émerger des solutions concrètes en matière de productivité et de sécuritéalimentaire. Ces solutions doivent être modernes et innovantes tout en s'inspirant despratiques agricoles traditionnelles, et doivent être étendues à tous les domaines: progrèsgénétique, progrès variétal, innovations agronomiques, progrès en irrigation, résistance auxinsectes ravageurs, etc.

Depuis des millénaires, la sélection variétale pratiquée par les hommes a permisd'augmenter la productivité du blé d'environ 1% par an et d'améliorer ses qualités nutritives.L'adaptation, la résistance aux maladies et les facultés d'enracinement constituent descritères de sélection des graines ancestraux. Il y a aujourd'hui plus de 200 000 variétés deblé dans le monde. Il est donc central que ces variétés soient gardées dans des banques degènes publiques. La plus grande banque de gènes à l'échelle mondiale, la Svalbard GlobalSeed Vault, a été ouverte en 2008 en Arctique. Pour Antoine Berlier, fondateur d'un site depréservation, d'expérimentation et d'échange avec le vivant en Haute Loire, des initiativesde ce type doivent se multiplier tant à l'échelle locale que globale116:

« Le monde des céréales nous a touché il y a 5 ans . Sa force, sa beauté et sadiversité nous ont séduit et depuis nous multiplions une centaine de variétésvenant du monde entier. La première des choses est sans doute le bonheur devivre à ses côtés et voir ses expressions multiples dans ses pailles, ses épis,ses couleurs .... Les céréales sont un monde entre les plantes et les arbres. Lescéréales accompagnent l'homme depuis longtemps pour le nourrir, il y a eu biendes dérives avec les blés que l'ont a contraints à des rendements qui certes ontdonné des quantités au détriment de la qualité. Ces céréales sont destinées à

115 Chalmin, Philippe. 2011. Cyclope 2011: le printemps des peuples et la malédiction des matières premières. Economica,

p. 193.116 Annexe 1. Entretien n° 6: Antoine Berlier (14 Avril 2012).

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l'élaboration de pain typés et nourriciers par essence.» Antoine Berlier, Geb-Nout,Terre d'expérimentation117.

La Chine et les Etats-Unis sont très en avance en matière de recherche biologique etgénétique. Pour Michel Griffon, « les entreprises du secteur des biotechnologies végétalesmisent sur la capacité de réponse des semences, dont on attend qu’elles soient à hautsrendements, résistantes aux maladies et ravageurs, et si possible, économes en intrantset résistantes à la sécheresse »118. La CNUCED recommande que cette recherche soitmenée dans le cadre de Partenariats Public-Privé, car d'après cet organisme, le patrimoinegénétique des céréales devrait constituer un « bien public mondial ».

D'ici à 2080, le sud des Etats-Unis, le Mexique, l'Afrique sahélienne, le Liban, l'Inde,le Cambodge et l'Australie du Nord verront leur rendements diminuer de 50% à causedu changement climatique. Même si le changement climatique aura des effets positifs surles rendements en Russie, au nord des Etats-Unis, au Canada, en Europe et en Chine(augmentation de 35%), il devient urgent de trouver des solutions pratiques et simples pourpermettre aux agriculteurs d'augmenter leur production. Dans le cadre de la révolution desNTE (nouvelles technologies de l'énergie), la CNUCED propose par exemple d'améliorerles prévisions météorologiques en envoyant un simple SMS à des milliers d'agriculteurs.Dans ce contexte, les actions très médiatisées des faucheurs anti-OGM ne font quefragiliser les investissements réalisés par les gouvernements et retardent l'élaboration desolutions soutenables en matière de sécurité alimentaire qui permettront de faire face àl'augmentation de la population d'ici à 2050. André Comte-Sponville s'est penché sur laquestion dans un court essai qu'il a intitulé La nature n'est pas dieu, dans lequel il souligne ledilemme environnement/économie auquel est confronté la recherche agronomique actuelle:« notre maison, aujourd'hui, c'est le monde: l'économie est sa gestion efficace; l'écologieest sa gestion durable »119.

Chapitre 2. Limiter l'incertitude financière sur lesmarchés“Vouloir prévoir la volatilité est presque une tautologie. Vouloir l’éradiquer estquasiment impossible, voire pas souhaitable. Vouloir la limiter en s’attaquant auxcauses, au moins à celles qui sont contrôlables, est aussi souhaitable.» CarmelCahill 120 .

Tout l'enjeu est ici de suffisamment réguler pour limiter l'incertitude sur les marchés agricolesmondiaux sans pour autant bouleverser leur fonctionnement, car biens gérés, ils sontessentiels.

117 Ibid.118 Griffon, Michel. 2011. Les nouveaux équilibres agroalimentaires mondiaux. Descartes & Cie. Chapitre VI, p. 63-73, Comment

l'agriculture monidale pourra t-elle s'adapter aux contraintes du futur? La réponse technologique, p. 70.119 Comte-Sponville, André. 2011. Comment nourrir le monde? L’aube et Passion Céréales. Chapitre 12, p. 159-173, La nature

n'est pas Dieu, p. 175.120 Cahill, Carmel. 2011. Comment nourrir le monde? L’aube et Passion Céréales. Chapitre 9, p. 111-129, Quelles

politiques agricoles pour quels équilibres mondiaux? Faut-il réguler les marchés des matières premières?, p. 128.

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2. A. Renforcer le système financier internationalPour Jean-Pierre Jouyet, Christian de Boissieu et Serge Guillon, la régulation des marchésagricoles doit s'inscrire dans le cadre d'une grande réforme des marchés financiers, car « larégulation des marchés physiques et celle des marchés financiers sont indissociables »121.Il faudrait ainsi « intégrer les marchés financiers de produits agricoles dans la dynamiquegénérale de la régulation financière»122. François Rachline parle de la nécessité d'une« gouvernance mondiale renouvelée»123 tandis que Dominique Reynié décrit ce que seraitune « assemblée régulatrice planétaire»124. Tous les rapports publiés à la suite de la crisede 2007/2008 vont dans ce sens et recommandent un renforcement drastique du systèmefinancier international.

« Globalization of trade and finance calls for global cooperation and globalregulation » « Resolving the crisis has implications beyong the realm of bankingand financial regulation, going to the heart of the question of how to revive andextend multilateralism in a globalizing world.» UNCTAD. The gl obal economiccrisis: systemic failures and multilateral remedie s 125 .

Les organismes chargés de réguler les marchés financiers, comme l'AMF (l'Autoritédes Marchés Financiers), la SEC (la Securities and Exchange Commission) ou encore laFSA (Financial Service Authority), doivent tirer les conséquences des crises pour impulserune nouvelle phase de régulation. La crise des subprimes a justement créé un contextefavorable à l'émergence de nouvelles initiatives. Le 21 juillet 2010, les Etats-Unis ont adoptéle Dodd-Franck Act (réforme de Wall Street), qui vise notamment à améliorer la transparencesur les marchés agricoles de gré à gré. La Commission Européenne a également réagi faceà la crise financière en constituant en novembre 2008 un groupe présidé par Jacques deLarosière, chargé de proposer des solutions en matière de surveillance et de réglementationdes marchés financiers. La directive européenne sur les marchés d'instruments financiers,la MIFID, est par exemple entrée en vigueur en 2007 pour harmoniser et réguler le secteurfinancier des membres de l'Union Européenne.

2. B. Réguler les marchés agricoles mondiauxLa crise de 2007/2008 a mis en lumière les carences des systèmes de régulation desmarchés qui régissent le secteur alimentaire et agricole. Il faut désormais améliorer lesrègles de marché et du portage des risques, la transparence et la licité des opérations,mieux contrôler les activités des principaux acteurs voire mettre en place des barrières auxpositions dominantes. Le 25 septembre 2009, le G20 a conclu sa réunion en annonçantque « tous les contrats de gré à gré normalisés devront être échangés sur des plateformes

121 Jouyet, Jean-Pierre, de Boissieu, Christian, et Guillon, Serge. 2011. Les nouveaux équilibres agroalimentaires mondiaux.Descartes & Cie. Chapitre X, p. 105-119, Prévenir et gérer l'instabilité des marchés agricoles, p. 109.122 Ibid, p. 113.123 Rachline, François. 2011. Comment nourrir le monde? L’aube et Passion Céréales. Chapitre 3, p. 31-43, Réflexions sur unegouvernance mondiale renouvelée, p. 31.124 Reynié, Dominique. 2011. Comment nourrir le monde? L’aube et Passion Céréales. Chapitre 4, p. 43-55, Pour une assembléerégulatrice planétaire, p. 43.125 UNCTAD. 2009a. The global economic crisis: systemic failures and multilateral remedies. Chapter III. New York,

Geneva Consulté (http://www.unctad.org/en/docs/gds20091_en.pdf), p. 38.

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d'échanges ou via des plateformes de négociation électronique et compensés par descontreparties centrales d'ici la fin 2012 au plus tard. Les contrats de produits dérivés de gré àgré doivent faire l'objet d'une notification aux organismes appropriés (« trade repositories »).Les contrats n'ayant pas fait l'objet de compensation centrale devront être soumis à desexigences en capital plus élevées»126. Le Conseil de Stabilité Financière est chargé devérifier l'application de ces nouvelles mesures sur les marchés agricoles. Les échanges deblé pourraient également être régulés par le CIC (Conseil International des Céréales) ouencore le CSA (Comité de la Sécurité Alimentaire), un organe de la FAO chargé de formulerdes recommandations en termes de politiques agricoles.

Plus précisément, la régulation des marchés agricoles passe par une amélioration de latransparence sur les opérations et une limite des positions que les acteurs peuvent prendresur ces marchés. Pour améliorer la transparence, l'IFPRI recommande une « improveddocumentation through strengthened reporting obligations for commodity exchange, indextrading, and over-the-counter transactions (including information about market players, theirproducts, and their scale»127. Autrement dit, il faudrait obliger les places de marché àtransmettre les positions ouvertes détenues par leurs opérateurs, ces derniers étant eux-mêmes classés par catégorie (producteurs, commerciaux, spéculateurs, etc.). La CFTCpartage désormais ces types de données dans un rapport qu'elle publie chaque semainedepuis 2009, The Commitments of Traders. L'Union Européenne pourrait s'inspirer de cetteexpérience pour à son tour partager des informations détenues par les places de marchéeuropéennes. Francis Declerck propose même la création d'une autorité supranationale surle modèle de la CFTC qui pourrait partager à l'échelle internationale toutes les informationsrelatives aux marchés agricoles et ses acteurs de manière à améliorer la confiance desinvestisseurs, limiter les incertitudes et par là diminuer la volatilité du prix des matièrespremières.

Enfin, il semble crucial d'instaurer des limites aux positions prises par les acteurséconomiques sur les marchés agricoles. L'IFPRI réclame d'augmenter les « capital depositrequirements (margins) when each futures transactions is made, to deter momentum-basedspeculators» et d'imposer des « stricter position, price limits and phasing out of existingposition limit waivers for index traders »128. Autrement dit, il faudrait plus d'interventionnismesur les marchés agricoles pour limiter les positions non marchandes, c'est à dire les positionsdétenues par les acteurs économiques à des fins purement spéculatives sur les marchés.Il faudrait par exemple empêcher les fonds d'indices de détenir une trop grande proportiond'actifs physiques, en obligeant qu'une certaine partie du contrat soit livré physiquement.Il en est de même pour les multinationales de négoce ou pour certains producteurs quipeuvent se retrouver dans une situation d'abus de position dominante car ils détiennentsouvent des informations privilégiées susceptibles d'avoir un impact significatif sur les cours.En 1974, un négociant détenteur de plus de la moitié des contrats du marché du sucrea été responsable de graves dysfonctionnements sur la bourse française de ce produit.Les économistes Jouyet, de Boissieu et Guillon dénoncent ces « stratégies de squeeze »qui « consistent à créer une situation réelle ou artificielle de rareté du sous-jacent grâcepar exemple à d'importants volumes d'achats sur le marché à terme et sur le marché

126 Jouyet, Jean-Pierre, de Boissieu, Christian, et Guillon, Serge. 2011. Les nouveaux équilibres agroalimentaires mondiaux.Descartes & Cie. Chapitre X, p. 105-119, Prévenir et gérer l'instabilité des marchés agricoles, p. 114.

127 IFPRI. 2011. Global Hunger Index The challenge of hunger: taming price spikes and excessive food price volatility.Washington DC Consulté (http://www.ifpri.org/publication/2010-global-hunger-index), p. 43.

128 Ibid., p. 43.

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physique».129 Pour y remédier, les économistes préconisent l'instauration de limites deposition tout en rappelant la difficulté de déterminer de telles limites. Il s'agirait en effet d'unerégulation propre à chaque marché et le champ de ces limites porte à débat.

Il est également envisageable de diminuer la volatilité des prix du blé en limitantarbitrairement les fluctuations des prix pour une même journée. Il s'agirait alors de s'inspirerdes idées révolutionnaires du Prix Nobel d'économie 1988, Maurice Allais, comme lesuggère MONAGRI, le Mouvement pour une Organisation Mondiale de l'Agriculture dansun article intitulé « Maurice Allais, un économiste visionnaire »130. L'économiste critiqueviolemment la cotation continue des valeurs sur les marchés financiers: « la cotationcontinue des cours permet toutes les manipulations et elle permet toutes les opérationsdéshonnêtes des intermédiaires »131 . Il préconise au contraire une seule cotation par jourdes valeurs boursières, revenant à faire du « fixing ». Cela consisterait à enregistrer dèsl'ouverture des marchés agricoles toutes les offres et les demandes de blé, jusqu'à ce quele prix d'équilibre qui en résulte soit fixé comme le prix réel auquel toutes les transactionsseront effectuées. On aurait donc des cotations uniques du prix du blé chaque jour, maispouvant varier d'un jour à l'autre, ce qui permettrait de diminuer la volatilité.

2. C. Favoriser la transparence et améliorer la gestion des stocksmondiaux de blé

Comme nous l'avons vu plus haut, les périodes où la volatilité des prix est la plus élevéecoïncident avec les périodes de stocks faibles (Deaton, Laroque, 1992; Balcombe 2009;Chivas, Kim, 2006). Ainsi, en 2007-2008, les stocks en blé étaient de seulement 60 millionsde tonnes (soit 2,7% de la production mondiale). L'incertitude sur les stocks augmentela spéculation et la méfiance des opérateurs économiques sur les marchés mondiaux deblé. Sur la recommandation n°2 du rapport intergouvernemental sur la volatilité encadrépar la CNUCED, l'AMIS (Agricultural Market Information System) a été lancé au moisde juin 2011 par les pays membres du G20. Il s'agit de regrouper les données sur laproduction, la consommation et l'état des stocks des produits agricoles les plus présentssur les marchés agricoles mondiaux. Un forum est aussi chargé d'élaborer rapidementdes politiques agricoles cohérentes en temps de crise. La situation des marchés agricolesdes pays en développement les plus vulnérables est désormais surveillée dans le cadred'un Early Warning System. L'objectif premier de cette transparence sur l'état des stocksmondiaux est celui de restaurer la confiance des acteurs économiques sur les marchés. Cesmécanismes sont en fait peu coûteux et auront un véritable effet diminutif de la volatilité.

« Making stocks available when supplies are tight and ensuring that small and net-importing countries can get access to food»132. C'est avec cet idéal en tête que MichelBarnier, alors Ministre de l'agriculture et de la pêche, a proposé que la FAO constitueet gère des stocks de sécurité à l'échelle nationale. Il s'agirait véritablement d'établir des

129 Jouyet, Jean-Pierre, de Boissieu, Christian, et Guillon, Serge. 2011. Les nouveaux équilibres agroalimentaires mondiaux.Descartes & Cie. Chapitre X, p. 105-119, Prévenir et gérer l'instabilité des marchés agricoles, p. 115.

130 MONAGRI. 2012. Maurice Allais, un économiste visionnaire [en ligne]. [page consultée le 10 juillet 2012]. <//www.momagri.org/FR/articles/Maurice-Allais-un-economiste-visionnaire_429.html>

131 Allais, Maurice. 1998. La crise mondiale d'aujourd'hui. Clément Juglar.132 IFPRI. 2011. Global Hunger Index The challenge of hunger: taming price spikes and excessive food price volatility.

Washington DC Consulté (http://www.ifpri.org/publication/2010-global-hunger-index), p. 44.

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règles de bonnes conduites en matière de gestion des stocks, règles qui seraient partagéesà l'échelle mondiale. Pour les auteurs de Cyclope, une réserve mondiale d'urgence deplusieurs tonnes de blé financée par les membres du G20 et alimentée en permanencesous contrôle du Programme Alimentaire Mondial peut être réaliste. La piste d'un fondd'intervention sur les marchés dérivés doté d'une force de frappe virtuelle de plusieursmilliards de dollars reste aussi à explorer. Pour Francis Declerck, « il serait utile, pour lespays, de revoir leurs politiques concernant les stocks publics de denrées alimentaires debase. Des règles bien définies sur le niveau des stocks et les conditions de distributionen cas d'urgence pourraient grandement contribuer à maintenir la confiance et à éviter lespaniques et l'accumulation »133. Il est important de limiter les suspensions d'exportationsarbitraires des pays qui peuvent véritablement faire flamber les prix du blé en périoded'insuffisance générale de l'offre. Ces politiques de restriction doivent être concertées et nepeuvent pas être prises unilatéralement.

Chapitre 3. Protéger les plus vulnérables dans lespériodes de volatilité excessive

3. A. Protéger les producteurs des conséquences négatives de lavolatilité excessive« Price fluctuations have increased in the last few years. It's difficult to predicthow food prices will be tomorrow or in the coming months. Sometimes I getenough money for my products, at other times it's not enough. That makes itmore difficult to satisfy the needs of my family.» Julio Beljou, Cap Haitien, Haiti134

La gestion du risque de volatilité du prix du blé est une nécessité à la fois pourles producteurs et pour la collectivité. Les marchés agricoles sont marqués par uneinstabilité chronique et inhérente, mais des outils financiers de couverture comme lesmarchés à terme, les assurances récoltes ou les dérivés climatiques peuvent permettreaux agriculteurs de se couvrir contre les risques liés aux aléas du climat. Normalement,les pouvoirs publics des pays développés protègent les agriculteurs en cas de risquesystémique, comme c'est le cas avec le FNGCA (le Fonds National de Garantie desCalamités Agricoles) et les DPA (Dotations Pour Aléas) en France. Il faut également inciterles producteurs à épargner les bonnes années pour survivre aux années difficiles. Lesproducteurs doivent aussi multiplier les contrats avec leurs fournisseurs et leurs clients pourtransférer le risque dans le cadre privé ou mutualiser le risque au sein d'une organisationéconomique, comme un groupement ou une coopérative. Le risque prix peut égalementêtre transféré à un organisme assureur, comme c'est le cas pour les dérivés climatiques.L'agriculteur peut ainsi s'assurer contre le gel ou la sécheresse de ses cultures de blé auprès

133 Declerck, Francis. 2011. Comment nourrir le monde? L’aube et Passion Céréales. Chapitre 10, p. 111-129, Faut-il régulerles marchés des produits agricoles de base?, p. 123.134 IFPRI. 2011. Global Hunger Index The challenge of hunger: taming price spikes and excessive food price volatility.

(http://www.ifpri.org/publication/2010-global-hunger-index), p. 45.

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d'une institution financière qui le couvre en cas de réalisation du désastre135. Désormais,sur les marchés à terme, les agriculteurs peuvent fixer par anticipation le prix de leursrécoltes. Pour Jean-Paul Betbèze, il faut multiplier les innovations financières et les adapterau secteur agricole pour protéger les producteurs de blé de la volatilité excessive surles marchés agricoles mondiaux, mais il faut aussi former ces derniers à ces nouvellestechniques.

Les agriculteurs français sont formés et peuvent aussi faire appel à destechniciens et à des comptables. Pour demander des aides, il faut des diplômesqui attestent d'un certain niveau de formation. Pourtant, seuls les gros céréalierspré-vendent directement sur les marchés à terme. La plupart sont dépendants duprix fixé par les organismes stockeurs, qui est toujours un peu en dessous duprix mondial. Quand les prix montent, les agriculteurs sont évidemment contents,car leur travail se voit enfin rémunéré à sa juste valeur. Mais en même temps, ilne faut pas oublier que cette hausse est immédiatement répercutée sur le prixdes intrants (engrais, pétrole, désherbants). » Guy Belland, céréalier136.

Formation, innovation organisationnelle et vulgarisation doivent être au coeur de la nouvelledémarche de lutte contre l'instabilité des prix des produits agricoles. Nous assistons à unefinanciarisation et à une complexification du système agricole mondial. Les agriculteursdoivent être mieux formés aux nouvelles structures du marché de l'export et aux mutationsfinancières récentes du secteur. Ils doivent recevoir un accompagnement technique,économique et managérial adapté 137 . Face au désengagement de l'Etat, les agriculteursdoivent s'organiser en coopératives et en organisations de producteurs, pour diffuser desbonnes pratiques et générer un sentiment de solidarité. Coulter et Shepherd suggèrent parexemple le développement des crédits sur nantissement des stocks, pour faciliter l'accès aucrédit des agriculteurs. Trois parties interviennent: l’agriculteur, l’entreposeur et le banquier.« L’agriculteur dépose sa récolte, ou une partie de celle-ci, chez l’entreposeur qui, enéchange, lui donne un reçu certifiant le dépôt. Ce reçu équivaut à une garantie et permetdès lors à l’agriculteur d’obtenir un prêt auprès du banquier »138. Après avoir analysé lesavantages et les inconvénients de ce système, il semblerait que dans un grand nombre depays, le succès soit au rendez-vous.

3. B. Protéger les consommateurs des conséquences négatives de lavolatilité excessive

L'instabilité des prix des produits agricoles est transmise aux produits alimentaires. Dansles pays développés, ces tensions sont facilement absorbées car les produits alimentairespèsent peu dans le panier de consommation des citoyens. Mais dans les pays en voiede développement, ces tensions provoquent de l'inflation et mettent en danger la sécuritéalimentaire des plus pauvres, pour qui la moindre augmentation des denrées alimentairesaffecte le budget familial. En Ethiopie par exemple, 72% du revenu des ménages est alloué

135 Marteau, Didier. 2005. Les dérivés climatiques.Banque et Marchés, n°74, janvier-février 2005, p. 51.136 Annexe 1. Entretien n° 5: Guy Belland (10 Avril 2012).137 Gambino, Mélanie, et introduction par Bruno Hérault. 2012. Le monde agricole en tendances. La Documentation française.Chapitre IV, La formation et l'accompagnement des agriculteurs, p. 73.138 Coulter, J et Shepherd, A.W. 2001. Le crédit sur nantissement des stocks – une stratégie de développement des marchésagricoles. Bulletin des services agricoles de la FAO 120.

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à l'alimentation. L'accès à la nourriture pour les populations les plus pauvres est donccompromis par l'instabilité générale des prix agricoles mondiaux. Pour y remédier, l'IFPRIpropose une aide ciblée, qui viendrait pallier aux prix élevés: « in times of food price volatility,as coping mechanisms are stretched to the limit, it is critical that basic service provisionis prioritized and strengthened. These services are not just the right of individuals, but themeans of building their capacity to pursue sustainable livelihoods »139. Il s'agirait par exempled'allouer une aide financière (« cash income ») au ménage les plus pauvres, dans lescampagnes comme dans les villes, pour leur permettre d'augmenter leur pouvoir d'achat etenlever les barrières pour accéder à la nourriture ( « remove the barrier to food access ») 140 .

Global Hunger Index 2011 – Indice mondial de la faim 2011Source: IFPRI. 2011. Global Hunger Index The challenge of hunger: taming price spikes

and excessive food price volatility.Le concept de sécurité alimentaire dépend de la disponibilité, de la régularité et

de la qualité de l'alimentation: c'est un concept multifactoriel et évolutif. Il implique derepenser les pratiques alimentaires et les recentrer sur des logiques locales, commele montre une étude effectuée par l'INRA en 2010, intitulée Expertise collective surles comportements alimentaires141. Gilles Fumey a justement déterminé des « pôlesalimentaires » stratégiques pour repenser l'accès à l'alimentation au XXIème: le modèleoccidental, méditerranéen, moyen-oriental, chinois, indien, africo-subsaharien et le modèle

139 IFPRI. 2011. Global Hunger Index The challenge of hunger: taming price spikes and excessive food price volatility. (http://www.ifpri.org/publication/2010-global-hunger-index), p. 47.140 IFPRI. 2011. Global Hunger Index The challenge of hunger: taming price spikes and excessive food price volatility. (http://www.ifpri.org/publication/2010-global-hunger-index), p. 48.

141 INRA. 2010. Expertise collective sur les comportements alimentaires : Quels en sont les déterminants ? Quellesactions, pour quels effets ? [en ligne]. [page consultée le 12 avril 2012]. <http://www.inra.fr/l_institut/expertise/expertises_realisees/expertise_comportements_alimentaires//>

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Partie III. La nécessité de concilier les diverses approches de la volatilité: remédier et anticiper lacomplexité des échanges de blé de demain

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latino-américain142. Diminuer la volatilité des prix du blé reviendrait à diminuer la demandeen blé dans les pays qui sont traditionnellement davantage consommateurs de riz, demaïs ou de pomme de terre comme produits de base. Certains grands exportateurs deblé, comme l'Egypte ou l'Algérie devraient aussi constituer des stocks pour couvrir leursexportations ou songer à développer leurs propres cultures de céréales adaptées au climatsec. Cela reviendrait aussi à éduquer pour consommer moins de viande et à lutter contrela « macdonalisation du monde » selon Paul Ariès143.

3. C. Repenser la gouvernance agricole mondiale, nationale et locale« There is no silver bullet to resolving the potent combination of rising and volatilefood prices, but food security is now a global security issue». Comme le suggère cettecitation de Robert Zoellick, ancien président de la Banque Mondiale, il est indispensablede repenser la gouvernance mondiale agricole aux yeux de l'interdépendance desquestions financières, fondamentales et humaines des marchés agricoles. Ces marchéssont désormais interconnectés à l'échelle mondiale, et cela est particulièrement vrai pour leblé. Cette interconnexion génère des opportunités, mais aussi des menaces, comme l'ontsouligné Joerg Mayer et Cédric Pene lors de leurs entretiens144. Il ne faut pas condamnertrop vite la libéralisation des échanges, comme a pu le faire Olivier de Schutter dans sonrapport sur le droit à l'alimentation dénonçant bon nombres des initiatives en cours à l'OMCdans le cadre de l'Agenda de Doha pour le développement145. « The international trade ispart of the package solutions to achieve food security », lit-on dans la réponse de PascalLamy, le Directeur de l'OMC, au Rapporteur Spécial sur le droit à l'alimentation . « Tradeis an essential component of any food security strategy. (…) Policies that distort productionand trade in agricultural commodities potentially impede the achievements of long run foodsecurity »146. Olivier de Schutter a pourtant raison de rappeler que les produits agricolesne peuvent pas être échangés comme des produits financiers classiques. Le domainealimentaire est trop sensible pour qu'il soit laissé aux multinationales, aux spéculateurs etaux gros actionnaires sans régulation. Il est bon de rappeler que les grands perdants de lamondialisation des échanges restent les pays pauvres, surtout les agriculteurs de ces paysqui n'ont pas les moyens de s'intégrer au commerce mondial.

De nombreux économistes en appellent donc à une meilleure régulation des marchésagricoles mondiaux, même si quelques pessimistes restent convaincus que contrôler laspéculation constitue un idéal aux résultats incertains. Carmel Cahill dans son article Faut-il réguler les marchés des matières premières? reste assez critique face aux mécanismesde soutien des prix de marché en s'appuyant sur les travaux de recherche de l'OCDE147.

142 Fumey, Gilles. 2008. Géopolitique de l’alimentation. Sciences humaines, p. 18.143 Ariès, Paul. 1997. Les fils de McDo, La macdonaldisation du monde. L'Harmattan.

144 Annexe 1. Entretien n° 3 et n° 4: Cédric Pene et Joerg Mayer (5 Avril 2012).145 De Schutter, Olivier. 2011. The World Trade Organization and the Post-Global Food Crisis Agenda. Putting Food Security First inthe International Trade System. United Nations special rapporteur on the right to food. (http://www.wto.org/english/news_e/news11_e/deschutter_2011_e.pdf).146 FAO, IMF, OECD, UNCTAD, WFP, World Bank, WTO, IFPRI and UN. 2011. Price volatility in global food and agricultural markets.Consulté (www.oecd.org/dataoecd/40/34/48152638.pdf).

147 Cahill, Carmel. 2011. Comment nourrir le monde? L’aube et Passion Céréales. Chapitre 9, p. 111-129, Quelles politiquesagricoles pour quels équilibres mondiaux? Faut-il réguler les marchés des matières premières?

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Par le passé, les pouvoirs publics ont imposé des prix trop bas ou des prix trop hauts.Cela revenait à introduire des distorsions sur les échanges qui ont eu pour résultat debrouiller les signaux-prix que pouvaient recevoir les producteurs dans une situation d'offreet de demande complètement libre. Au final, seuls les gros producteurs ou les fournisseursd'intrants et les propriétaires fonciers non exploitants ont véritablement bénéficié de cesmesures de régulation étatique. Au contraire, « dans le contexte actuel, il est important queles producteurs agricoles du monde entier soient exposés aux forces du marché, c'est-à-dire en fait aux prix, qui traduiront une demande en augmentation et en mutation»148.

Il faut donc trouver un équilibre entre régulation, libéralisation et protectionnisme. Cetéquilibre est très bien résumé par Olivier Pastré: « il paraît de première nécessité de tournerle dos aux extrémistes des deux camps, à ceux du « tout plan » et du « tout marché ». Laplupart des solutions sont d’ordre vernaculaires, microscopiques, microéconomiques. S’ilest un domaine où les expérimentations de terrain, au moins certaines d’entre elles, ontconnu un franc succès, c’est bien celui de l’agriculture. S’il est un domaine où l’approche« bottom-up », qui consiste à partir du local pour, progressivement, par agrégationd’expériences réussies, construire une politique agricole nationale cohérente, c’est biencelui-là »149.

148 Chalmin, Philippe. 2011. Cyclope 2011: le printemps des peuples et la malédiction des matières premières. Economica,p. 121-122.

149 Pastré, Olivier. 2011. Les nouveaux équilibres agroalimentaires mondiaux. Descartes & Cie. Chapitre II, p. 27-35, La crisealimentaire mondiale n'est pas une fatalité, p. 31.

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Conclusion

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Conclusion

L'avenir des échanges de blé repose sur une meilleure compréhension des facteurs àl'origine de la volatilité du prix du blé sur les marchés agricoles mondiaux. Il est ainsiindispensable d'aborder la problématique de la volatilité des prix du blé par une approchemultifactorielle, aux yeux de l'interdépendance des enjeux fondamentaux, financiers etconjoncturels sur les marchés agricoles mondiaux. Seule une approche par les facteurspermettra d'élaborer des solutions cohérentes et efficaces. Il est finalement nécessaire deconcilier ces diverses approches de la volatilité pour y remédier et anticiper la complexité deséchanges de blé de demain. Il semblerait que les deux dernières crises des prix agricolesaient été à l'origine d'une mise en lumière sur la problématique économique de la volatilitédes prix, qui ne constitue pourtant pas une nouveauté. Le récent emballement des marchésagricoles mondiaux accompagnant la sécheresse actuelle aux Etats-Unis nous rappelle qu'ilest urgent de renouveller la pensée agricole.

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Le tableau de Vincent van Gogh, Le champ de blé et ses corbeaux, qui est encouverture de ce mémoire, constitue une métaphore originale des enjeux actuels de lavolatilité des prix du blé. Datant de 1890, il dépeint un ciel nuageux et dramatique, envahispar des corbeaux qui survolent un champ de blé aux couleurs chaudes et dorées. Levol incertain et chaotique des corbeaux est à l'image de cette volatilité des prix, auxvisages multiples et insaisissables, obsédant les économistes et les hommes politiques. Lagouvernance agricole mondiale, régionale et locale apparaît ainsi éclatée. Le sentiment deprofonde solitude qui se dégage du tableau de Van Gogh semble éclairé par un cheminaux couleurs plus chaleureuses, pouvant représenter le sentier à suivre pour permettreun développement agricole de tous ceux qui en ont besoin. Le champ de blé est aussisynonyme de vie, car il constitue une céréale essentielle à l'échelle planétaire pour desraisons agronomiques, nutritives, historiques et culturelles.

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La volatilité du prix du blé sur les marchés agricoles mondiaux: une approche par les facteurs

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Annexes

Annexe 1. Entretiens

Entretien n° 1: François LégerIngénieur et Economiste Agronome et Enseignant à l’IEP de Lyon (cours « Défisalimentaires, pratiques agricoles et contraintes de l’environnement »). Entretien réalisé dansles locaux de l'IEP de Lyon.

Le 15 Février 20121) Vous avez une expérience comme économiste agronome en Afrique. Quels sont

d’après vous les facteurs prépondérants de la volatilité des prix du blé ?2) Jean-Paul Charvet a publié un ouvrage en 1988 intitulé La Guerre du Blé. Il nous

décrit une époque révolue d'abondance en blé: les états étaient en guerre symbolique pourécouler leurs stocks. Qu'en pensez-vous?

3) Qui achètent le blé en Afrique, les états ou bien les acteurs privés ?4) Les facteurs de l’offre et de la demande sont-ils prépondérants ? Que pensez-vous

du rôle de la spéculation ?5) J’ai lu que la Chine développe énormément leur recherche en matière

agroalimentaire, et qu’ils allaient dépasser les américains dans quelques années. Qu'enpensez-vous?

7) Pensez-vous à d’autres facteurs ?8) Pour vous, les fonds d'investissement qui achètent des terres dans le nord des Etats-

Unis dans l’espoir d’y faire pousser des vignes dans quelques années, cela signifie t-il quel'agriculture revient à la mode?

Entretien n° 2: Frédéric FieuxChef du service FranceAgriMer. Direction régionale de l' Alimentation, de l'Agricultureet de la Forêt. Entretien réalisé dans les locaux de FranceAgriMer, à Lyon.

Le 9 Mars 20121) Les questions sur la volatilité prennent-elles une place croissante dans votre

organisme (publications, séminaires, demande des agriculteurs, etc.)?2) D’après vous quels sont les facteurs principaux qui expliquent la volatilité observée

ces dernières années (2006/07, 2009/10) ? Une offre insuffisante au niveau mondial ?Une demande accrue ? Des politiques commerciales/agricoles inadaptées ? Des facteursfinanciers prépondérants?

3) D’après vous, comment stabiliser/régulariser les cours mondiaux du blé ?

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Annexes

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4) Que pensez-vous des méthodes de couverture (vente à découvert, contrat financierd'assurance, produits climatiques)?

5) Ces méthodes de couverture s’adressent-elles à tous les acteurs de la filière céréale(producteurs, collecteurs, transformateurs)?

Entretien n° 3: Cédric PeneConseiller agricole à la Délégation Permanente de la France auprès de l'OMC. Division del'agriculture et des produits de base. Entretien réalisé au siège de l'OMC à Genève.

Le 5 Avril 20121) Quel poste occupez-vous à actuellement l’OMC et sur quels projets travaillez-vous?2) Le thème de la volatilité des prix des matières agricoles est-il beaucoup abordé à

l’OMC ?3) Pouvez-vous m’expliquer sur quels dossiers la Division de l’agriculture et des

produits de base est-elle actuellement en train de travailler en lien avec la volatilité des prix ?4) Quelles solutions l’OMC propose t-elle dans le cadre du Doha Development

Agenda ?Libéralisation des marchés agricoles ? Réduction des subventions étatiques dansle secteur?

5) Le blé peut-il faire l’objet d’un traitement spécial et différencié à travers les règles del’OMC en raison de son caractère essentiel/produit de base?

6) Le rapporteur spécial pour le droit alimentaire, Olivier de Schutter, dans un de sesderniers rapports a été très sévère sur le rôle de l’OMC, accusant la libéralisation desmarchés agricoles de mettre en danger la sécurité alimentaire. Qu’en pensez-vous ?

7) Etes-vous d’accord avec Pasca Lamy quand celui-ci écrit que “le commerce mondialfait parti de l’ensemble des solutions pour realiser la sécurité alimentaire” (“Internationaltrade is part of the package solutions to achieve food security”)?

8) Y a t-il contradiction entre les politiques agricoles nationales et les politiques« libérales » de l’OMC ?

9) En 2011, l’OMC a participé à l’élaboration de nombreuses solutions avec d’autresorganisations pour tenter de proposer des solutions publiques à la volatilité150 . Y avait-ilconsensus entre les différentes organisations sur les solutions à apporter ?

10) L’OMC pourrait-elle jouer un rôle dans la régulation des marchés à termes dematières agricoles ?

11) Quel avenir pour la gouvernance mondiale agricole ?

Entretien n° 4: Joerg MayerSenior Economist à la Division on Globalization and Development Strategies del'UNCTAD (CNUCED). Entretien réalisé dans les bureaux de la CNUCED à Genève.

Le 5 Avril 2012

150 FAO, IMF, OECD, UNCTAD, WFP, World Bank, WTO, IFPRI and UN. 2011. Price volatility in global food and agriculturalmarkets. Consulté (www.oecd.org/dataoecd/40/34/48152638.pdf).

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La volatilité du prix du blé sur les marchés agricoles mondiaux: une approche par les facteurs

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1) Quel poste occupez-vous à actuellement la CNUCED et sur quels projets travaillez-vous?

2) Le thème de la volatilité des prix des matières agricoles est-il beaucoup abordé àla CNUCED ?

3) Pouvez-vous m’expliquer sur quels dossiers la CNUCED est-elle actuellement entrain de travailler en lien avec la volatilité des prix ?

4) Vous avez posté un document PPT sur le net intitulé « Food price volatility –assessing potential market impact » (IDS, Brighton, 6 February 2012) dans lequel vousaffirmez que si l’instabilité des marchés agricoles est naturelle, elle a augmenté cesdernières années et change le fonctionnement des échanges. Vous exposez deux grandesfamilles de facteurs, les facteurs fondamentaux et les facteurs financiers. Lequel primed’après vous ?

5) Vous insistez sur le rôle de la financiarisation à outrance des marchés agricoles, maisce point de vu n’est pas partagé par tous les économistes. Pour les auteurs de Cyclope, laspéculation ne joue qu’un rôle secondaire : « depuis les années trente, toutes les étudesacadémiques réalisées sur le rôle de la spéculation ont conclu à sa neutralité » (p. 193).Qu’en pensez-vous ?

6) L’engouement de nouveaux acteurs financiers pour les matières premières est-ilresponsable de la crise alimentaire actuelle ?

7) En 2011, la CNUCED a participé à l’élaboration de nombreuses solutions avecd’autres organisations pour tenter de proposer des solutions publiques à la volatilité. Y avait-il consensus entre les différentes organisations sur les solutions à apporter ?

8) Quelles solutions proposent la CNUCED ?9) La CNUCED pourrait-elle jouer un rôle dans la régulation des marchés à termes de

matières agricoles ?10) Quel avenir pour la gouvernance mondiale agricole ?

Entretien n° 5: Guy BellandAgriculteur Exploitant et Producteur de blé en Haute-Loire. Entretien réalisé sur sonexploitation, à Loudes.

Le 10 Avril 20121) En quoi la volatilité des prix du blé vous affecte au jour le jour ?2) Quels sont d’après vous les facteurs prépondérants de la volatilité des prix du blé ?3) Pour vous, les prix du blé fixés au niveau français sont-ils proches des prix

mondiaux ?4) Utilisez-vous des instruments pour vous couvrir contre le risque de volatilité, comme

les assurances climatiques ?5) Pensez-vous que la formation des agriculteurs doit évoluer et s’adapter aux

nouveaux enjeux, notamment celui de la volatilité ?6) En tant que producteur de blé, avez-vous le sentiment de participer à l’alimentation

d’une population mondiale en constante augmentation ?

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Annexes

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Entretien n° 6: Antoine BerlierReprésentant de l’association GEB-NOUT. Terre d’expérimentation. Site d’observation, depréservation et d’échange. Entretien réalisé sur le marché du Puy-en Velay.

Le 14 Avril 20121) Vous pratiquez la multiplication des céréales anciennes (blés, orges, avoine, seigle,

sarrasin). Sur quoi repose cette technique? Pouvons-nous avec cette méthode augmenterles rendements du blé?

2) Pouvez-vous me donner plus de détails sur les origines du blé ? A quoi ressemblaientles premières plantes ?

3) Le blé qui se négocie aujourd’hui au Chicago Board of Trade est-il très different dublé d’autrefois?

4) Etes-vous impacté par la volatilité du cours mondial du prix du blé?5) Quelle agriculture pour lutter contre les pénuries alimentaires annoncées

dans le cadre de l’augmentation de la population (agriculture biologique, agricultureconventionnelle)?

Entretien n° 7: Adrien de LarrardDoctorant, Equipe Mathématiques Financières et Probabilités Numériques, LPMA,Université Pierre et Marie Curie. Quantitative Strategist at Knight Capital Group. Entretienréalisé à Paris.

Le 28 Avril 20121) Sur quel thème porte votre Doctorat?2) En quoi consiste le métier de Quant et celui de Trader?3) Comment expliquez-vous l'attrait actuel des fonds d'investissements pour les

matières agricoles?4) Quels sont d'après-vous les facteurs de la volatilité des prix du blé?5) Pensez-vous que la spéculation est responsable de la crise alimentaire actuelle?6) Expliquez-moi plus en détail le fonctionnement des fonds indiciels?7) Faut-il limiter la spéculation sur les marchés agricoles?

Annexe 2. Analyse

Annexe 2.1.

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La volatilité du prix du blé sur les marchés agricoles mondiaux: une approche par les facteurs

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Indices d'instabilité et tendances des prix desproduits de base sur le marché libre (1982-2011)

Source: UNCTAD STAT.

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Annexes

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Prix des produits de base (dont blé) sur le marché libre , annuel, 1960 - 2011Source: UNCTAD STAT.

Annexe 2.2

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La volatilité du prix du blé sur les marchés agricoles mondiaux: une approche par les facteurs

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Evolution similaire des prix du blé tendre FCW, HRW Golfe et Australie (janvier-avril 2011)Source: FranceAgriMer.

Annexe 2.3

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Annexes

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Les victimes de la crise des prix des produits alimentairesSource: Der Spiegel. 2012. Speculation is an important cause

of high prices. (http://www.spiegel.de/international/world/un-food-and-agricultural-chief-speculation-is-an-important-cause-of-high-prices-a-809289.html).

Annexe 2.4

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La volatilité du prix du blé sur les marchés agricoles mondiaux: une approche par les facteurs

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Prix et positions financière sur une sélection de matières premières (2002-2008)Source: UNCTAD. 2009a. The global economic crisis: systemic failures and multilateral

remedies.

Annexe 2.5.

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Annexes

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Energy 78.65%IndustrialMetals

6.12% PreciousMetals

1.81% Agriculture10.42%Livestock 3.01%

CrudeOil

40.73%Aluminium2.17% Gold 1.58% Wheat 2.75% LiveCattle

1.70%

BrentCrudeOil

14.73%Copper 2.64% Silver 0.23% RedWheat

0.67% FeederCattle

0.33%

UnleadedGas

4.62% Lead 0.28% Corn 3.12% LeanHogs

0.98%

HeatingOil

5.59% Nickel 0.60% Soybeans1.91%

GasOil 4.53% Zinc 0.85% Cotton 0.93% NaturalGas

5.78% Sugar 0.67%

Coffee 0.46% Cocoa 0.19%

Source: Wikipédia, entrée « S&P GSCI »

Annexe 2.6.

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La volatilité du prix du blé sur les marchés agricoles mondiaux: une approche par les facteurs

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Analyse des articles faisant références aux prix du blé (1998-2010)Source: IFPRI. 2011. Global Hunger Index The challenge of hunger: taming price spikes

and excessive food price volatility.

Annexe 2.7

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Annexes

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Titres de journaux faisant référence au prix du bléà la suite de la sécheresse en Russie en 2010

Source: Torero, Maximo. 2012. « Financial Markets and Food Price Volatility: MappingKey Actors and Urgent Actions ». IDS University of Sussex, Brighton, UK (conference).

Annexe 2.8

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La volatilité du prix du blé sur les marchés agricoles mondiaux: une approche par les facteurs

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Prise de contrôle des terres agricoles dans les pays émergents depuis 2000Source: Charvet, Jean-Paul et Levasseur, Claire. 2012. Atlas de l’agriculture.

Autrement.