la ville rapprochée

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Diana Levin

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Page 1: La ville rapprochée

Page 2: La ville rapprochée

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DIANA LEVINLA VILLE RAPPROCHÉETOUT CE QUE VOUS AVEZ TOUJOURS VOULU SAVOIR SUR LA DENSITÉ DU GRAND PARIS

M#08{07092011}

JURY DE SOUTENANCE

ALESSIA DE BIASE (DIR)SABINE GUTHBÉATRICE MARIOLLE

ECOLE NATIONALE SUPERIEURE D’ARCHITECTURE DE PARIS BELLEVILLE

OBSERVATOIRE DU GRAND PARISSEMINAIRE DE MASTER ARCHITECTURES ET VILLE FACE A LA MONDIALISATION

DENSITÉURBANITÉCENTRALITÉSMUTATION

La notion de densité peut tout á la fois effrayer et apporter des réponses.Non seulement la forme mais aussi le sens de la densité a changé: associé á la mort au temps des hygiénistes, elle est devenue aujourd´hui l´outil régu-lateur d´urbanisme, la compagne indispensable aux opérations de rationali-sation du territoire ou encore l´instrument pour diminuer la consommation excessive du sol.A travers les projets proposés par les équipes de la Consultation du Grand Paris, voici mon interrogation:Comment la densité peut-elle nous aider à créer une ville “durable”, post-Kyoto, post-pétrole?

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DER

M

#08

SANS JAMAIS OSER LE DEMANDER.

Page 3: La ville rapprochée

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DIANA LEVINLA VILLE RAPPROCHÉETOUT CE QUE VOUS AVEZ TOUJOURS VOULU SAVOIR SUR LA DENSITÉ DU GRAND PARIS

M#08{07092011}

JURY DE SOUTENANCE

ALESSIA DE BIASE (DIR)SABINE GUTHBÉATRICE MARIOLLE

ECOLE NATIONALE SUPERIEURE D’ARCHITECTURE DE PARIS BELLEVILLE

OBSERVATOIRE DU GRAND PARISSEMINAIRE DE MASTER ARCHITECTURES ET VILLE FACE A LA MONDIALISATION

DENSITÉURBANITÉCENTRALITÉSMUTATION

La notion de densité peut tout á la fois effrayer et apporter des réponses.Non seulement la forme mais aussi le sens de la densité a changé: associé á la mort au temps des hygiénistes, elle est devenue aujourd´hui l´outil régu-lateur d´urbanisme, la compagne indispensable aux opérations de rationali-sation du territoire ou encore l´instrument pour diminuer la consommation excessive du sol.A travers les projets proposés par les équipes de la Consultation du Grand Paris, voici mon interrogation:Comment la densité peut-elle nous aider à créer une ville “durable”, post-Kyoto, post-pétrole?

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#08

SANS JAMAIS OSER LE DEMANDER.

Page 4: La ville rapprochée

MOUVEMENT DES HYGIENISTES 1951CIAM 8„THE HEART OF THE CITY“DENSITÉ

DENSITÉ ^ MASSE, POIDDEFINITION PHYSIQUE, CHIMIQUE

NOTION

REGLEMENTURBANISTIQUE

1880TRAVAUX D´AMELIORATIONDE LA SEINE ENTRE PARIS ET ROUEN

19501ER LOI SUR L´INSALUBRITÉDU LOGEMENT

18877 CIMETIÈRES PARISIENSBAGNEUX ET PANTIN

1894USINES DE PURIFICATION ET RESERVOIR EN BANLIEUE

1894LOI SIEGFRIED SUR LES HBM

1889SFHBM

1908LOI RIBOT

1906LOI STRAUSS SUR LES HBMCARTE DES ILÔTS INSALUBRES

1911COMISSION D´EXTENSION DE PARIS

1896COMITÉ DPTL.HBM SEINE

1905GRAND USINE DPMTL.DE FILTRATION D´EAUIVRY

1920BUREAU D´EXTENSIONDE LA BANLIEUE PAEE

1930LOI BONNEVAY HBMa

1929SCHEMA D´ASSAINISSEMENTDPT. SEINE

1924CONCOURS COURNEUVEPROJET D´AMENAGEMENT

1983MISSION BANLIEUE 89

1985PROGRAMMES LOCAUX ÀL´HABITAT

1995LOI SUR LA DIVERSITÉ DEL´HABITAT 20% lgmt. sociaux

19841 er CONTRAT ÉTAT-RÉGIONLA COURNEUVEAULNAY - SOUS BOIS

2009PARIS MÉTROPOLE

2010SOCIÉTÉ DU GRAND PARIS

1965SDAURPSCHEMA D´AMÉNAGEMENT ET D´URBANISME DE LA RÉGION PARISIENNE

1967ZAC

1970LOI BOSCHERSCA

1960EPA

1983LOI ROCARD

1983SYNDICAT D´AGGLOMERATIONNOUVELLE

1958ZUP

1967LOF

1975PLAFOND LÉGALDE DENSITÉ

DECROISSANCEDRAMATIQUE

1881GRIPPE ESPAGNOL

1826 - 1841

2 ème PANDEMIE DECOLÉRA20 000 MORTS

1827 - 1837

1840

3 ème PANDEMIE

2 ème PANDEMIE

1841EPIDEMIE COLÉRA

1850EPIDEMIE RAVAGE

1918GRIPPE ESPAGNOL

1920RETOUR DE LA PESTE

STAGNATION DEMOGRAPHIQUE MANQUE DE MAIN D´OEUVRE FRANCE DEVIENT TERRE D´IMMIGRATION : ITALIENS, BELGES, ESPAGNOLS, POLONAIS (LES MINEURS), SUISSE

1850 - 1900

1914 - 1918

MINISTÈRE D´ARMEMENTRECRUTE DES TRAVAILLEURSNORD -AFR. , INDOCHINOIS, CHINOIS

1917CARTE DE SEJOURPOUR LA PREMIÈRE FOIS IMPOSÉE

1917 - 1939

IMMIGRATION POLITIQUERUSSES, ARMENIENS, ALLEMANDS, ESPAGNOLSITALIENS, POLOGNE, CECHOSLOVAKIE

1924ORGANISMES PATRONAUXSPECIALISÉES

1927LOI PERMETTANT L´EXTRADICTION DES ÉTRANGÈRES

MESURESREGLEMENTAIRES

1934AIDE AU REPATRIEMENT DES OUVRIESVOLONTAIRES

1932 QUOTAS D´OUVRIERS

1945 - 1972

REGULARISATION À POSTÉRIORI DES ÉTRANGÈRES

1956 - 1972

ACCELERATION D´IMMIGRATION AVEC LA DÉCOLONISATION

1961IMMIGRATION PORTUGAISEAPRÈS L´ACCORDFRANCO-PORTUGAISE

1962IMMIGRATION ALGERIENNEAPRÈS FIN DE LA GUERRE

1958TRAITÉ DE ROME

1974À LA FIN DE 30 GLORIEUSES:MISE EN PLACE D´UNE POLITIQUE DE CONTRÔLEDES FLUX D´IMMIGRATION

VAGUES D´IMMIGRATION

DENSITÉ RIME AVEC INSALUBRITÉ

251 et plus

201 à 250

151 à 200

101 à 150

100 et moins

Excédents d’emigration ou d’immigration pour 10,000 en 1931

Grands Ensembles à partir du1965

CONCEPTS/ PROJETS/ PENSÉES PARIS/ INTERNATIONAL

1834LOTISSEMENT MAISONS-LAFITTE

1848GROUPE DE MAISONS POUR OUVRIERS20.000 PAVILLIONSL-PUTEAUX

1852CITÉ DES CHEMINS FER

1878CITÉ JEAN DOLFUSS

1853NAPOLÉON DEMANDE ÁHAUSSMAN DE FAIRE DE PARIS LA PLUS BELLE VILLE DU MONDE

1866EXPO UNIVERSELLEHABITATION TYPEOUVRIER

1855PLAN CERDAEXTENSION ET DENSIFICATIONDE BARCELONE

1910LA VILLE DE L´AVENIRE. HERARD

1882SA DES HABITATIONS OUVRIERS DE PASSY-AUTEUIL

1910PLAN D´EXTENSION DE PARISSHUR

1925PLAN VOISINLE CORBUSIER

1922VILLE CONTEMPORAINDE 3 MILLIONS D´HABITANTS

1927CITÉ UPARIS

1932BROADACRE CITYF.L. WRIGHT

1930VILLE LINEAIRESOISGORODNIKOLAI MILUTIN

1944ABERCROMBIEPLAN LONDONANTI SPRAWLGREEN BELT

1968RUNGIS

1986DEMOLITION D´UNEBARRE-- LA COURNEUVE

1985EURODISNEY

1992DRESTAD NORD3,7 KM2DENMARK

1926LOTISSEMENTWALTER GROPIUS

1978DELIRIOUS NEW YORK

Theme

TIMELINE

DENSITÉGrand ParisObservatoire du Grand Paris

Seminaire

ENSA-PB 21/06/10

Diana LEVIN-Angel LARA

Evenem

ents

RÉGLEM

ENTImm

igration

Vocabu

laire

Modèl

e - Co

ntrem

odèle

Agglom

ération

et Dé

mogra

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1820 1850 1880 1910 1940 1970 2000

H AB . TOTAL D´ IDFEN MIO.

1851 1861 1872. 1876. 1881. 1886. 1891

Expansion Territoriale

1896 1901 1911 1926 1936 1946 1954 1962 1968 1975 1982 1999 2009

2,23 2,81 3,14 3,31 3,72 3,93 4,12 4,36 4,73 5,33 6,14 6,78 6,59 7,31 8,47 9,24 10,07 10,95 11,74

Page 5: La ville rapprochée

MOUVEMENT DES HYGIENISTES 1951CIAM 8„THE HEART OF THE CITY“DENSITÉ

DENSITÉ ^ MASSE, POIDDEFINITION PHYSIQUE, CHIMIQUE

NOTION

REGLEMENTURBANISTIQUE

1880TRAVAUX D´AMELIORATIONDE LA SEINE ENTRE PARIS ET ROUEN

19501ER LOI SUR L´INSALUBRITÉDU LOGEMENT

18877 CIMETIÈRES PARISIENSBAGNEUX ET PANTIN

1894USINES DE PURIFICATION ET RESERVOIR EN BANLIEUE

1894LOI SIEGFRIED SUR LES HBM

1889SFHBM

1908LOI RIBOT

1906LOI STRAUSS SUR LES HBMCARTE DES ILÔTS INSALUBRES

1911COMISSION D´EXTENSION DE PARIS

1896COMITÉ DPTL.HBM SEINE

1905GRAND USINE DPMTL.DE FILTRATION D´EAUIVRY

1920BUREAU D´EXTENSIONDE LA BANLIEUE PAEE

1930LOI BONNEVAY HBMa

1929SCHEMA D´ASSAINISSEMENTDPT. SEINE

1924CONCOURS COURNEUVEPROJET D´AMENAGEMENT

1983MISSION BANLIEUE 89

1985PROGRAMMES LOCAUX ÀL´HABITAT

1995LOI SUR LA DIVERSITÉ DEL´HABITAT 20% lgmt. sociaux

19841 er CONTRAT ÉTAT-RÉGIONLA COURNEUVEAULNAY - SOUS BOIS

2009PARIS MÉTROPOLE

2010SOCIÉTÉ DU GRAND PARIS

1965SDAURPSCHEMA D´AMÉNAGEMENT ET D´URBANISME DE LA RÉGION PARISIENNE

1967ZAC

1970LOI BOSCHERSCA

1960EPA

1983LOI ROCARD

1983SYNDICAT D´AGGLOMERATIONNOUVELLE

1958ZUP

1967LOF

1975PLAFOND LÉGALDE DENSITÉ

DECROISSANCEDRAMATIQUE

1881GRIPPE ESPAGNOL

1826 - 1841

2 ème PANDEMIE DECOLÉRA20 000 MORTS

1827 - 1837

1840

3 ème PANDEMIE

2 ème PANDEMIE

1841EPIDEMIE COLÉRA

1850EPIDEMIE RAVAGE

1918GRIPPE ESPAGNOL

1920RETOUR DE LA PESTE

STAGNATION DEMOGRAPHIQUE MANQUE DE MAIN D´OEUVRE FRANCE DEVIENT TERRE D´IMMIGRATION : ITALIENS, BELGES, ESPAGNOLS, POLONAIS (LES MINEURS), SUISSE

1850 - 1900

1914 - 1918

MINISTÈRE D´ARMEMENTRECRUTE DES TRAVAILLEURSNORD -AFR. , INDOCHINOIS, CHINOIS

1917CARTE DE SEJOURPOUR LA PREMIÈRE FOIS IMPOSÉE

1917 - 1939

IMMIGRATION POLITIQUERUSSES, ARMENIENS, ALLEMANDS, ESPAGNOLSITALIENS, POLOGNE, CECHOSLOVAKIE

1924ORGANISMES PATRONAUXSPECIALISÉES

1927LOI PERMETTANT L´EXTRADICTION DES ÉTRANGÈRES

MESURESREGLEMENTAIRES

1934AIDE AU REPATRIEMENT DES OUVRIESVOLONTAIRES

1932 QUOTAS D´OUVRIERS

1945 - 1972

REGULARISATION À POSTÉRIORI DES ÉTRANGÈRES

1956 - 1972

ACCELERATION D´IMMIGRATION AVEC LA DÉCOLONISATION

1961IMMIGRATION PORTUGAISEAPRÈS L´ACCORDFRANCO-PORTUGAISE

1962IMMIGRATION ALGERIENNEAPRÈS FIN DE LA GUERRE

1958TRAITÉ DE ROME

1974À LA FIN DE 30 GLORIEUSES:MISE EN PLACE D´UNE POLITIQUE DE CONTRÔLEDES FLUX D´IMMIGRATION

VAGUES D´IMMIGRATION

DENSITÉ RIME AVEC INSALUBRITÉ

251 et plus

201 à 250

151 à 200

101 à 150

100 et moins

Excédents d’emigration ou d’immigration pour 10,000 en 1931

Grands Ensembles à partir du1965

CONCEPTS/ PROJETS/ PENSÉES PARIS/ INTERNATIONAL

1834LOTISSEMENT MAISONS-LAFITTE

1848GROUPE DE MAISONS POUR OUVRIERS20.000 PAVILLIONSL-PUTEAUX

1852CITÉ DES CHEMINS FER

1878CITÉ JEAN DOLFUSS

1853NAPOLÉON DEMANDE ÁHAUSSMAN DE FAIRE DE PARIS LA PLUS BELLE VILLE DU MONDE

1866EXPO UNIVERSELLEHABITATION TYPEOUVRIER

1855PLAN CERDAEXTENSION ET DENSIFICATIONDE BARCELONE

1910LA VILLE DE L´AVENIRE. HERARD

1882SA DES HABITATIONS OUVRIERS DE PASSY-AUTEUIL

1910PLAN D´EXTENSION DE PARISSHUR

1925PLAN VOISINLE CORBUSIER

1922VILLE CONTEMPORAINDE 3 MILLIONS D´HABITANTS

1927CITÉ UPARIS

1932BROADACRE CITYF.L. WRIGHT

1930VILLE LINEAIRESOISGORODNIKOLAI MILUTIN

1944ABERCROMBIEPLAN LONDONANTI SPRAWLGREEN BELT

1968RUNGIS

1986DEMOLITION D´UNEBARRE-- LA COURNEUVE

1985EURODISNEY

1992DRESTAD NORD3,7 KM2DENMARK

1926LOTISSEMENTWALTER GROPIUS

1978DELIRIOUS NEW YORK

Theme

TIMELINE

DENSITÉGrand ParisObservatoire du Grand Paris

Seminaire

ENSA-PB 21/06/10

Diana LEVIN-Angel LARA

Evenem

ents

RÉGLEM

ENTImm

igration

Vocabu

laire

Modèl

e - Co

ntrem

odèle

Agglom

ération

et Dé

mogra

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1820 1850 1880 1910 1940 1970 2000

H AB . TOTAL D´ IDFEN MIO.

1851 1861 1872. 1876. 1881. 1886. 1891

Expansion Territoriale

1896 1901 1911 1926 1936 1946 1954 1962 1968 1975 1982 1999 2009

2,23 2,81 3,14 3,31 3,72 3,93 4,12 4,36 4,73 5,33 6,14 6,78 6,59 7,31 8,47 9,24 10,07 10,95 11,74

Page 6: La ville rapprochée

Vue aérienne de New York et son maillage ( Source: Koolhaas, 1980, Delirious New York )

Page 7: La ville rapprochée

Remerciements

Je tiens á remercier Anne Marbeau pour son plongeon dans le monde de la densité, sa patience et son endurance pendant ses lectures. Je tiens á remercier également Sabine Guth et Béatrice Mariolle pour leurs conseils et leurs encouragemets et ainsi qu´ Allessia de Biase pour son enc-adrement dans cet aventure. Un grand merci spécial á Etienne Laborey pour son encouragement et sa

choréographie: „Danse-city“:

Page 8: La ville rapprochée

00. Timeline

0. Définition de la densité

1.1 Densité, une notion complexe Intro

1.2 Les dimensions de la densité : état des lieu1.2.1 Dimension historique 1.2.1.1 La densité hygiène1.2.1.2 La densité comme instrument de la rationalisation du territoire1.2.1.3 Décentralisation1.2.1.4 Le bannissement de la densité du paradis1.2.1.4.1 Dédensification1.2.1.5 90 +:le feu vert pour la densité durable

1.2.2 Quantification : La densité chiffrée ou le rêve de certitude1.2.2.1 La mesure de la densité 1.2.2.1.1 Indicateurs de la densité1.2.2.1.2 La Densité selon l’échelle

1.2.2.1.2.1 La densité régionale1.2.2.1.2.2 L’échelle communale1.2.2.1.2.3 L’échelle du quartier1.2.2.1.2.4 L’échelle d’îlot1.2.2.1.2.5 L’échelle du bâti1.2.2.1.3 La courbe de Newmann / Kenworthy1.2.2.1.4 La densité comme outil d’urbanisme 1.2.2.1.4.1 Les acteurs de la densité

1.2.2.2 Morphologies urbaines1.2.2.2.1 Faible densité bâtie1.2.2.2.1.1 Les grands ensembles1.2.2.2.2 Densité moyennne1.2.2.2.3 Forte densité bâtie

1.2.2.3 La densité perçue –la dimension sensible

Bilan de la première partie

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Page 9: La ville rapprochée

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2. La Densité des équipes2.1 Les enjeux de l’occupation du sol

2.1.1.1 La responsabilité spatiale du Grand Paris-les zone mutables2.1.1.2 Blocage de la densité

2.1.2 Thèmes et stratégies communes2.2.2.1 Vers une consommation raisonnée du sol2.2.2.2 La ville compacte2.2.2.3 Raisonnement en strates2.2.2.4 Recyclage

2.1.3 Articuler les échelles 2.1.3.1 La densité dedans-dehors 2.2 L’Echelle Territoriale 2.2.1 Compacte, multipliée, raisonnée2.2.2 Les zones d’intervention2.2.3 Stratégie des articulations 2.2.3.1 Polycentralité :articulations hiérarchisées2.2.3.2 Multiplication et dispersion2.2.3.2.1 Nœuds2.2.3.2.2 Cluster2.2.3.3 Basse et diffuse2.2.4 Raisonnée par le rythme2.2.4.1 Strates dures- strates molles2.2.4.2 Haussmann revisité :strates surfaciques

2.3 Quartier2.3.1 Liens et Proximités 2.3.2 Micropolarités2.3.2.1 Superpôles2.3.3 Un raisonnement par lignes2.3.3.1 Boulevard métropolitain2.3.3.2 Armatures linéaires2.3.3.3 Berges intensifiées2.3.3.4 Densité biface : Marge concentrée, lisières de la ville 2.4 Ilot/bâti2.4.1 Les nouveaux Grands ensembles 2.4.2 Densités ponctuelles 2.4.2.1 Local métropolitain2.4.2.2 Pavillonnaire2.4.3 Les Interstices2.4.4 Supersize me ! Pôles intenses2.4.4.1 Supersorbonne2.4.4.2 Gares Conclusion Bibliographie

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Page 10: La ville rapprochée

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0. Définition de la notion densité

dense, adj….. 1. Unsuel. Constitué d’une matière abondante et serrée; épais, compact, consistant. Chair, masse, tissu dense. Une matière dense, lourde et noirâtre, qui semblait très résistante (Loti, 1905 : 252)

densité, subst. fém.

1…. Qualité de ce qui est dense, de ce qui est fait d’éléments nombreux et serrés, contient beaucoup de matière par rapport à l’espace occupé. (Le petit Robert), (APUR, 2003 : 8)

Le mot densité est souvent associé à d’autres termes: développement, durabilité, déplacements. ( Mariolle, 2007: 64 )

1. Intro : Densité, une notion complexe

Ce mémoire s’inscrit dans le cadre du deuxième volet du séminaire « Architectures et Villes face à la mondialisation » et plus particulièrement dans le cadre de l’Observatoire du Grand Paris. Il s’agit d’un « Think Tank » composé de chercheurs, d’écrivains, d’architectes, d’urbanistes, créé à la suite de la Consultation du Grand Paris, lancée par l’Etat en 2008 : ces intellectuels doivent accompagner une recherche sur « l’avenir de l’agglomération parisienne ». Dix équipes d’architectes-urbanistes ont été chargées de réfléchir sur les solutions du grand aménagement de Paris métropole face au défi de la ville post-Kyoto. � Le séminaire de Master « Architectures et villes face à la mondialisation », coordonné par Alessia de Biase, a exploré l’évolution de ces projets, en analysant les différentes articulations et transformations, en explorant de nouveaux outils de réflexion, de recherche, alimentés par les propositions du Grand Paris.Chaque groupe d’étudiants suivait un thème ou une hypothèse émanant de la Consultation. Très vite j’ai commencé à m’intéresser à la question de la densité : cette thématique m’intriguait en dehors même du contexte de la Consultation du Grand Paris. 1 Le Protocole de Kyoto est un accord international entre 55 Etats, les Etats-Unis exclus, qui depuis 2004 vise la réduction des émissions de gaz à effet de serre par tous les pays polluants.

Page 11: La ville rapprochée

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La densité a commencé à me fasciner lors de mes voyages à New York et à Bangkok, mais surtout, depuis que je vis à Paris. Etant habituée à de grands espaces verts dans le centre de ma ville ainsi qu’à une densité d’habitants peu élevée, j’ai commencé très vite à me sentir oppressée et étouffée par les bruits et la promiscuité dans ma vie au quotidien à Paris. Puis les petits appartements, leur état misérable et le prix hallucinant du foncier m’ont poussée à me demander pourquoi on choisit de vivre dans ces conditions « denses » ? L’accumulation d’une multitude de couches intenses qui constituent la ville me fascine. Je suis tombée sur le livre « City of Darkness » d’Ian Lambert et Greg Girard : ils ont réuni des documents et des photographies sur l’endroit qui a été, pour une période, considéré comme le plus dense du monde. Dans cette enclave à Hong Kong de 0,026 km2, on retrouvait soi-disant 50 000 habitants, � des gangsters, des joueurs, des prostituées, des dealers, qui vivaient dans un véritable monolithe, traversé par quelques ruelles labyrinthiques, sans lumière, grâce à la hauteur immense de cet agglomérat autoconstruit.

Il y a beaucoup de choses à dire sur cet endroit, mais cela nous éloignerait de la trame du mémoire. Cela dit, je trouve que la densité dans la ville a le potentiel de déranger, de rendre la vie difficile, mais en même temps, la densité est aussi une condition de la ville. Il faut une masse critique pour se sentir en ville. La qualité biface de la densité est le point de départ de ma recherche sur la densité du Grand Paris. J’ai surtout pris les livrets de chantier que chaque équipe de la Consultation a élaboré, comme base de départ pour analyser les densités de la Capitale. En parallèle, je me suis appuyée sur des études, des ouvrages, des œuvres littéraires, des films, même s’ils n’apparaissent plus dans le mémoire, mais la ville dense joue un vrai rôle dans la science fiction, les policiers ou autres films. Puis la question du vocabulaire s’est cristallisée. J’ai remarqué que la plupart des équipes, des architectes et des urbanistes évitent le terme de la densité. Ils préfèrent utiliser d’autres mots. Mais pourquoi ? « Le terme de densification effraie. » ( Blancher,

2 On y retrouvait plus de 1.900.000 habitants par km2: pour comparer: à Paris, dans le tissu urbain le plus dense, le tissu Haussmannien, on retrouve une densité d’environ 25.000hab par km2, ce qui est déjà considérable.

( Lambot, Girard 1993 ) Monolithe sedimenté de Koowloon Walled city á Hong Kong, démolie en 1994.

Page 12: La ville rapprochée

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1995 : 105) C’est son passé controversé, qui a donné une connotation négative à la densité. Le mot « densité » est pourtant neutre, c’est son contexte historique, politique, culturel ou scientifique qui lui a donné un rapport spécifique. Selon les époques, on lui donne des significations bien spécifiques. On découvre ce mot d’abord dans le contexte de la science, en physique ou en chimie, en particulier là où la densité décrit un ratio entre masse et volume, elle mesure la concentration spatiale. Au XIIIe siècle, on retrouve une multitude de thèmes scientifiques associés à la « densitas » issu du Latin signifiant « épaisseur ». �

« Dense » signifie un assemblage d’éléments en peu de place.Si ce mot a vécu une vie neutre comme beaucoup d’autres adjectifs de son époque, la densité s’est retrouvée brusquement au centre des débats de la ville ou du quartier malsain, à l’époque des hygiénistes. Et soudain, la densité est devenue synonyme d’entassement, de surpopulation et même de mort. Par la suite, Haussmann sort Paris du Moyen-Age en dé-densifiant le centre et les endroits devenus invivables. Par un geste de aération-liaison-circulation, cet « urbaniste régénérateur » prépare Paris pour l’époque moderne et pour un urbanisme de « tabula rasa Corbusien ».� ( Mongin, 2005 :108 ) Toutes les modifications urbaines de l’époque se basent sur les fondations élaborées par Ildefonso Cérdà, et sa « théorie générale d’urbanisme », à la fin du 19ème siècle. Pour la première fois, la densité rentre dans les discours officiels d’aménagement. Puis, plus tard, on se retrouve dans la situation d’après guerre qui instaure des plans de sauvetage en forme de reconstruction où la densité devient un facteur quantifiable. Par la suite, avec l’expansion et l’explosion de la population, il fallait répondre à la demande urgente de loger les masses. L’avancement de la technique permettait de vite fabriquer des logements et des équipement rationalisés, des « machines célibataires ». ( Duchamp ) Ces constructions ainsi que le pavillonnaire, dispersés sur le territoire grâce à l’expansion de l’automobile, se retrouvent de plus en plus loin du centre et contribuent au morcellement et à l’étalement urbain. Effrayés par les erreurs des années 60/70, les aménageurs cherchent des modèles pour contrebalancer ces découpages territoriaux.Et aujourd’hui, le développement durable renverse la conscience dans les discours officiels sur l’avenir de la ville qui se veut « durable ». Alors on se retrouve dans un contexte où des forces majeures dictent une conscience pour l’environnement et une fin de l’étalement urbain.La densité est, dans ce contexte, souvent estimée comme une des solutions pour lutter contre cet étalement. Il faut promouvoir la ville compacte.La densité a ainsi trouvé un nouveau terrain de recherche pour les architectes et les urbanistes : la réflexion sur la ville durable. Pour la Consultation du Grand Paris, les équipes fixent leur travail sur la ville « post-Kyoto » suivant le protocole protégeant l’environnement par la réduction des émissions de gaz à effet de serre, une démarche qui, depuis son accord, est obligatoire pour les pays polluants. C’est l’occasion de se réinterroger sur la question de la densité.On retrouve la densité partout dans les discours des architectes et dans celui des urbanistes : le slogan est de densifier pour lutter contre l’étalement urbain et de concevoir durablement. La lutte contre l’étalement urbain est basé sur l’enjeu de ne pas gaspiller des ressources, le sol étant considéré comme une ressource non renouvelable. 3 Définition venant du “ Trésor de la langue Française. Dictionnaire de la langue du 19ème et du 20ème siècle.(Centre national de la recherché scientifique, sixième tome, 1978 (constataion-désobli-ges) Paul IMBS :1118)

4 Voir chapitre: dimension historique de la densité.

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Les mandataires promettent le retour de la ville compacte.Mais les acteurs, gênés par l’application du mot densité, préfèrent utiliser des termes moins connotés. « Des Britanniques parlent de régénération, ou d’intensification urbaine, les Allemands de développement intérieur. Il faut presque s’excuser lorsqu’on parle de la densification. Même dans le SDRIF, où il en est largement question, ce terme n’apparait pratiquement pas. » ( Blancher, 1995 : 105) Si les aménageurs font tout pour éviter d’utiliser ce mot trop souvent, quelles sont les alternatives ? De quelle densité parle-t-on ?

Avant de passer à la structure de ce mémoire, il faut expliquer le vocabulaire des équipes dans les documents de la Consultation du Grand Paris. On y retrouve une trinité de densités qui s’appelle « intensité-compacité-densités ». La densité peut mettre en relation « le contenu programmatique » (Mariolle, 2007 : 65) comme la population, les emplois, l’espace physiquement occupé par l’architecture.Comme instrument pour mesurer la ville, elle essaye de sortir de son statut chargé négativement pour interroger les enjeux de la métropole durable.Face aux enjeux de lutte contre l’étalement urbain, on retrouve de nombreuses stratégies de la densification comme « Faire la ville sur la ville », « la ville compacte », « la ville stratifiée », « la ville plus », « de nouvelles centralités »,« archipels », « polarités », « collecteurs métropolitains », « microdensités » ou autres visions. Mais on retrouve également une autre notion qui prend à la place de la densité, même si elle ne veut pas tout à fait dire la même chose : L’intensité.« L’intensité est le résultat du croisement de la connectivité, de la porosité, de la densité, de la mixité, de la qualité et de la flexibilité. C’est peut-être le sens ultime de la recherche de la durabilité à l’échelle urbaine. »( Boutte, 2008 : p 228)Pascal Amphoux voit, dans l’intensité, la dimension sensible de la densité : « intensité », car ce mot désigne un « degré d’activité ou d’énergie d’un phénomène de sentiment ». Il renvoie au son, à la lumière, au geste. ( Amphoux, 1999 : 33) �

L’intensification ne passe pas nécessairement par une densification du bâti. Intensifier, c’est utiliser mieux et davantage les espaces urbains existants, qui souvent ne sont pas assez utilisés par rapport à leur potentiel. « C’est donner plus de destinations, plus d’occasions de croisement, plus de possibilités d’activité, plus de monde. » ( Fouchier, 2010 : 35)L’intensité désigne un changement dans la fréquentation d’usage d’un lieu, sans en densifier la construction. Mais de nouvelles constructions peuvent attirer de nouvelles intensités. « L’intensité urbaine est la densité d’activités » (Mariolle, 2007 : 65) L’intensité prend en compte ce que la densité ne peut pas. L’intensité indique l’usage à travers la mixité programmatique et la prise en compte de la dimension du temps. Il s’agit d’une pratique d’espace qui est plus empirique, qui réagit à des modifications soudaines et qui peut établir des relations immédiates avec son environnement. « Si la densité est le contenant de l’urbanité, l’intensité en est le contenu. » (Mariolle, 2007 : 65) Ce terme permet de recentrer la réflexion sur la ville (durable) autour de l’organisation des centralités et leur relation entre les zones denses et périurbaines.5 Cette dimension sensible et dynamique se cache au sens même du mot. L’intensité veut dire, dans son origine «revient au même» et « sous-entend une circulation du sens qui se referme sur lui-même. Celle-là entre en tension. Intensus, tendu, est le participe passé du latin intendere, entendre. » ( Amphoux, 1999)

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Richard Rogers s’intéresse surtout au processus d’intensification urbaine, qu’il définit comme addition de la densification bâtie et de l’insertion de la mixité des fonctions.Les « villes intenses » seront liées entre elles par un réseau rapide et fiable de transports publics. Les tissus des densités légères se connectent aux polarités par un système gradué de micro-mobilité. La « ville intense », compacte et pérenne, et la « ville légère » (Lin), ouverte et paysagère se complètent.Djamel Klouche se réfère à la capacité du polycentrisme urbain pour attirer une grande intensité d’usages et d’activités, ce qui rend ces nouveaux centres forts en pouvoir politique. ( Djamel Klouche, AUC livret 1 : 77)Un autre terme appliqué à la place de la densité est la compacité. L’intensité urbaine est directement liée au développement durable par la lutte contre l’étalement urbain et la diminution des déplacements induits.Idéalement, les outils de l’intensification se trouvent dans le processus de concertation avec la population. Le Plan Local d’Urbanisme et le SCOT sont les outils de référence pour promouvoir l’intensité. (voir chapitre : outils d’urbanisme)Un autre terme appliqué à la place de la densité est la compacité.« Epaisseur » est peut-être le mot le plus proche pour désigner la compacité et ses qualités. Face aux nombreuses ruptures dans la continuité de l’urbanité, les enjeux actuels de l’étalement urbain renvoient à l’image de la ville compacte, qui se renouvelle sur elle-même. Les architectes et urbanistes parlent souvent de la « ville compacte » quand ils pensent à la concentration urbaine. L’autre côté de la compacité renvoie à la consommation excessive des espaces agricoles ou forestiers, à une dépendance des habitants vis-à-vis de leurs voitures et à la construction d’infrastructures coûteuses. �

L’artificialisation du sol est devenue un véritable enjeu, car le mitage est gourmand en espace. Chaque nouvelle zone d’activité, chaque nouveau quartier pavillonnaire ou centre commercial, du modèle « retail-park », grignote du sol par sa voirie et son parking rend le sol imperméable.« Le phénomène d’expansion périurbaine ne fait pas qu’étaler en continuité l’agglomération. Il s’est muté en un émiettement de l’urbanisation. Il fait des « sauts de puces » de commune en commune, de plus en plus loin, vers les villages ruraux. Les plus forts taux de croissance démographique atteignent des communes de plus en plus petites. » (Castel, 2005 : p 89) La compacité du bâtiment ou du quartier est considérée comme garante d’une meilleure économie d’énergie et comme un facteur déterminant de la réduction de nombre de déplacements dans une ville. Les équipes parlent de la compacité pour la réduction de la consommation d’espace. Elles la pensent en termes de rentabilité urbaine, « même si, au passé, l’idée de la densité n’a pas toujours eu bonne presse, elle était souvent associée à des images négatives de surpeuplement et de promiscuité. » ( IAURIF, 2005 )

« Compacifier » est donc une manière de faire la ville sur l’existant. Les secteurs déjà existants offrent un potentiel attractif et favorable pour être densifiés. Pensons par exemple aux friches industrielles ou aux ruines modernes, délaissées, qui pourraient être revalorisées et devenir des attracteurs d’investissements.

L’équipe Grumbach propose de renforcer d’anciens centres en les compacifiant et en les intensifiant, autour de Paris et surtout dans l’axe Paris-Le Havre. Chaque ville pourrait ainsi profiter de leur capacité augmentée sans être diluée dans le territoire.

Rogers a une vision du Grand Paris polycentrique et compacte, où le tissu existant serait superposé. Cette stratégie pourrait resserrer Paris à sa petite couronne.6 Service développement des territoires et urbanisme, 2007 : 4

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MVRDV fait un peu un détour sur le discours en proposant un modèle fictif qui détourne la réalité de la densité. En recherche d’innovation des formes architecturales et urbaines, le groupe manipule des chiffres et des données Même si leurs modèles séduisent par leurs images et leurs possibilités extrêmes, on pourrait avoir l’impression d’un raccourci technique face à la réalité. Sabri Bendimérad constat que la densité est un phénomène qu’il faut regarder dans son ensemble : « Il s’agit d’une construction de la réalité mais pas de la réalité elle-même. La densité relève simultanément d’un ensemble de faits urbains parmi lesquels figurent la nature et l’intensité de l’occupation du sol ainsi que les flux de populations sur un territoire donné. Les données sont mesurables et peuvent être mises en relation, mais l’interprétation dépend de la « position de l’observateur dans le temps et dans l’espace ». (Bendimérad, 2009 : 231)Tout le discours autour de la densité dépend de l’échelle de son intervention. La densité a besoin d’une référence, d’un contexte pour mieux être comprise.Le point de vue et surtout le rapport de la densité à un indicateur ou à une échelle spécifique est très important pour la positionner.

La notion de la ville dense implique aussi qu’on sache mesurer la densité et débattre sur la base d’une ou plusieurs définitions partagées. « Mesurer des éléments physiques ou humains montre que la densité est, en réalité, une notion fuyante, souvent utilisée comme instrument politique pour justifier certains dysfonctionnements sociaux. (….) Les simples valeurs statistiques entre deux quantités de densité n’éclairent pas forcement la situation de Paris » (Apur, 2003 : 5) Souvent dans l’urbanisme, la densité est limitée à une formule mathématique, en rapport entre surface du terrain et surface du bâtiment ou plancher pour trouver une référence avec le sol. Ces diverses formules essayent souvent de justifier des opérations ou des spéculations foncières. Malgré les efforts et les tentatives faites au cours du temps, il n’existe pas de système de référence vraiment unique qui permette de qualifier la densité de forte ou de faible sans avoir recours aux indicateurs. Ainsi on revient toujours à l’importance d’une référence adaptée. Puis il y a la dimension de la perception de la densité qui n’est pas vraiment mesurable mais empirique. La plupart des thèmes autour de la densité du Grand Paris ont été évoqués dans cette introduction. Elle se compose de deux parties : La première est consacrée à la question : qu’est-ce que la densité ? J’essaye de voir la place de la densité dans les discours historiques et thématiques depuis son apparition jusqu’à nos jours, en ne gardant que les points intéressants le discours actuel.Dans la deuxième partie, je m’interroge sur la place de la densité dans les projets de la Consultation du Grand Paris.De quelle densité parlent les dix équipes ? Quelles stratégies utilisent les mandataires et pour quelle spatialité ? Quels sont les autres éléments qu’ils mettent en relation avec la densité ? Comment peut-on faire la ville d’aujourd’hui avec la densité ?

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1.2 Les dimensions de la densité : état des lieux

1.2.1 Dimension historique

La notion de densité urbaine occupe une place centrale dans l’histoire des pratiques et des théories de l’urbanisme (Amphoux, 1999), son importance est relative selon la période considérée. Pour mieux comprendre la notion complexe de la densité, il faut regarder les changements de sa perception au cours de l’histoire. Voici quelques périodes clés dans lesquelles la densité a joué un rôle clé.La notion de densité résidentielle est, selon M.Halbwachs, abstraite et conventionnelle (Halbwachs 1909). Essentiellement envisagée en termes quantitatifs, la densité du bâti a donné lieu à toute une série de recherches sur des formes urbaines et architecturales. Depuis une dizaine d’années, des architectes ont retrouvé un intérêt pour la densité, mais ils appliquent une dimension sensorielle et qualitative.Les discours des acteurs de l’aménagement tendent à promouvoir un « retour » à la ville compacte, reconstruite sur elle-même. En terme économique, la densité revient comme possible solution pour rentabiliser l’espace urbain et lutter contre son étalement. Mais dans l’imaginaire collectif l’idée de la densité est souvent connotée négativement pour ses dysfonctionnements sociaux et est synonyme de concentration et de surpeuplement.« Bétonnage, ségrégation, grands ensembles, conflits de voisinage, précarité sociale » ( Amphoux, 1999 : 112) Voici quelques exemples de représentations mentales vis-à-vis de la densité. Même si cette image négative repose sur une certaine réalité, elle montre que l’urbanisme a des difficultés, tout au long de l’histoire, à produire des densités de qualité.

1.2.1.1 La densité hygiène

« À partir du milieu du XXe siècle, la densité urbaine, et en particulier son utilisation et sa perception, vont sensiblement évoluer. Elle est réduite, pendant une bonne partie de l’histoire récente urbaine, à un outil technique, simple instrument de mesure et d’évaluation au service des grandes opérations de l’urbanisme fonctionnaliste » (Amphoux, 1998).Si,à l’origine, la densité était un moyen d’analyse, elle va devenir un outil normatif à fixer un coefficient maximum de constructions autorisées sur un territoire donné. « La notion de densité urbaine apparaît dans les discours officiels au début du XIXe siècle » (Clément, Guth 1995 : 74) Les conditions de vie mauvaises et le sentiment d’entassement poussèrent à des aménagements et à des transformations dans les villes et la densité commençait à rentrer dans le vocabulaire officiel pour désigner une condition malsaine, insalubre de la ville. Souvent la densité était même associée à la mort. Au cours du XIXè siècle, Paris se retrouve en pleine mutation grâce au progrès de l’industrialisation. Pendant cette période, l’accroissement de la population française est essentiellement accueillie par Paris.La ville s’étend et commence à absorber les communes riveraines, elle change d’échelle. En même temps, le tissu dense et chaotique de la ville médiévale ne suit pas

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ce mouvement et commence à saturer par la venue des nouveaux arrivants. Pourtant la densité médiévale était garante de l’économie d’énergie et facilitait les échanges et la circulation de la marchandise. (Laborey 2011)Paris s’étoffe avec presque 3 millions d’habitants et certains quartiers sont devenus surpeuplés et insalubres; surtout le petit peuple devient la cible des maladies et des épidémies comme le choléra. ( Shapiro, 1985 : 78-85)Cet entassement est un facteur majeur par lequel la densité a été souvent associée à la mort. Non seulement les habitations étaient petites et surpeuplées, mais les bâtiments étaient mal disposés sur la rue, la circulation d’air était parfois coupé et il manquait des installations sanitaires essentielles.Le mot densité, à cette période, est associé à l’entassement et à la concentration humaine et est perçu comme la cause principale de la propagation des maladies. Même si l’usage de la notion de densité est déjà entré dès 1776 dans le programme de la Société Royale de Médecine qui voit, dans le resserrement des habitations, une influence négative à la santé de la population (Fijalkow 1995), il n’existe pas encore de mesures ou de règles fixes pour mesurer la densité. Elle n’a pas encore été étudiée et théorisée de manière scientifique.Des nombreuses enquêtes ont été lancées face à un nouveau problème : l’habitat. Pour la première fois, cet objet se trouve au croisement des collaborations et des disputes entre administration, spéculateurs et architectes. ( Clément, Guth, 1995) Nourri par les projets des cités idéales, par exemple la vie en communauté dans la Phalanstère de Charles Fourier 1822, un véritable boom vers un urbanisme scientifique commence à émerger.Mais souvent les proportions utopiques de ces projets imaginent un nombre stable d’habitants et n’anticipent ni la croissance de la population ni sa densification.

Au milieu du XIXè siècle, des médecins formulent une connexion entre la densité résidentielle et le taux de mortalité. Dans les quartiers pauvres et resserrés, la mortalité est multipliée par rapport aux quartiers plus aisés et aérés où chaque habitant bénéficie d’une plus grande surface habitable. (Recherches statistique sur la Ville de Paris 1829 , Volume IV , Paris : Imprimerie Royale) La densité devient un indicateur de la santé publique et du niveau social des quartiers. Des aménageurs de la ville commencent à proposer des projets pour « désagglomérer » les quartiers. (idem)Les hygiénistes, employés directement ou non par l’Etat et les municipalités, avaient pour objectif de se préoccuper de l’état physique et moral des quartiers denses. (Fijalkow,1995) Leur pensée est attentive au sol, à l’air, au soleil, aux milieux et à leurs effets sur la population. Ils voient l’espace dans sa totalité et réfléchissent sur la société dans son ensemble et enquêtent sur les éléments qui rendent la population d’une ville malade. Les théories des hygiénistes combattent les mauvaises conditions de vie et le sentiment d’entassement dans les logements étroits.Ils proposent des idées basées sur des proportions saines : des largeurs de rue suffisantes, des hauteurs maximales d’immeubles, l’introduction des percées pour faire circuler l’air et laisser entrer la lumière, des équipements sanitaires.Les hygiénistes ont un regard sur la densité domestique, leur regard sur les villes les amènent au logement. La taille des appartements et surtout le nombre de résidents devient (vers 1890) un enjeu majeur de la densité. Influencé par la modernisation en Angleterre, Napoléon, autour de 1867, confie à G.Haussmann le projet de transformer Paris en capitale moderne.

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Même si ses intentions sont plutôt stratégiques et ciblent l’optimisation de la répression en cas d’émeute, elles contribuent à améliorer les conditions de vie du peuple. Même si Haussmann n’a pas vraiment transformé les réflexions et les mesures de la densité, (Fijalkow,1995 : 86), il a durablement changé le visage morphologique de Paris et créé les bases pour un urbanisme scientifique.Il réforme le réseau viaire, étend la ville, la rend plus aérée et visible. Dans son programme se trouvent : la destruction des îlots insalubres, des travaux d’assainissement et la création des parcs et jardins pour aérer la ville. Puis il définit une hauteur idéale, (R+5+combles) pour ses immeubles de rapport et génère une densité très élevée dans ce nouveau paysage urbain. Les bâtiments denses s’équilibrent de nouveau avec l’espace public des rues, celles-ci proportionnellement élargies. « Les promenades et les boulevards illustrent une nouvelle conquête des espaces publics et des zones de circulation. » (Fijalkow, 1995) Accompagné par des sociétés foncières et des spéculateurs, Haussmann propose les bases d’un urbanisme technique de grande ampleur. Cerdà mettra ces théories et ces plans en pratique à Barcelona, en proposant une réflexion un peu plus évoluée sur la densité : il ne se contente pas de transformer l’existant, mais il propose une extension de la ville et une matrice qui peut l’accueillir. (Clément, Guth, 1995)La densité se transforme, évolue avec le temps et reflète la période dans laquelle elle se trouve.Parfois elle est une théorie, puis une utopie, petit à petit elle devient un outil et plus tard une justification des spéculateurs pour optimiser l’espace et en tirer un profit.Est-ce que la densité devient instrument d’un urbanisme de la rentabilité ?

1.2.1.2 L’instrument de la rationalisation du territoire

1945 – 1970 Reconstruction, expansion

Vers le milieu du XXe siècle l’utilisation de la densité urbaine et de sa perception évoluent. Elle est, pour la plupart, réduite à un « instrument de mesure et d’évaluation au service de grandes opérations de l’urbanisme fonctionnaliste. » (Touati, 2010 : 23). Paris se retrouve dans un contexte d’après guerre. « Épargnée par les bombardements de la Seconde guerre mondiale, Paris connaît l’une de ses crises sanitaires les plus graves. L’insalubrité est plus sensible encore qu’avant-guerre : la tuberculose a considérablement progressé. La crise du logement est, elle aussi, sans précédent : 100.000 logements manquent à Paris, Avec 340 habitants à l’hectare, la densité démographique de la région parisienne est déjà unique en Europe. » (Texier, 2010 :3)La crise du logement après guerre s’aggrave tellement qu’elle force l’Etat à généraliser l’habitat collectif après 1947. Plusieurs facteurs, selon Thierry Paquot, convergent simultanément et permettent la construction des grands ensembles et la création des villes nouvelles : « une volonté politique, l’industrialisation des techniques dans l’industrie du bâtiment, les outils de planification et des aides financières. » (Paquot, 2008 : 24) Dans cette période d’urgence, la rationalisation de l’espace est recherchée à cause de la densité de la population. Cette rationalisation est encore poussée plus loin : par la standardisation des formes urbaines.

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Avant de se pencher sur les mécanismes de l’Etat face à cette problématique, plongeons-nous dans l’atmosphère de l’époque : L’immédiat après-guerre est marqué par une confiance absolue dans la technique et le progrès, dans l’industrie et dans ses formes de production. Au lendemain de la Deuxième guerre mondiale et des révolutions politiques, « la science-technique permet d’associer la santé et le confort physique à l’utopie sociale. » (D’Alfonso 2001 : 244) Les cités et les quartiers balayés par les guerres donnent naissance à des idées futuristes qui préparent de nouvelles versions provocatrices de la ville : les agglomérations qui cherchent à croître, les densités humaines qui se multiplient et les structures de la ville qui transforment les sols en millefeuilles programmatiques. C’est à cette période que les formes architecturales s’entendent à l’échelle de l’urbanisme, en une préfiguration visionnaire de la métropole industrielle et commerciale du futur.

Inspirée de visions surdimensionnées comme « Stadtkrone » de Bruno Taut, « La Ville Contemporaine pour 3 million d’habitants » de Le Corbusier annonce des projets urbains à échelle géante et en totale rupture avec la ville historique. Ce plan de ville en structure cherche à se densifier au maximum, à accumuler les densités humaines et à se superposer sur elle-même. (D’Alfonso 2001 )Ces idées, pas toujours réalistes, inspirent la réflexion sur l’urbanisme vertical. Le Corbusier est l’un des premiers rationalistes européens, avec Gropius et Oud. Ils élaborent de façon rationnelle le cadre de vie qui « reflète le saut technique de la société industrielle. » (Choay, 2010 : 278) Le Corbusier propose un mythe de développement urbain au milieu de la ville. Inspiré par la verticalisation de Manhattan, il imagine des bâtiments cruciformes dans l’esthétique de « tabula rasa », hauts de 60 étages au centre de Paris, disposés dans un vaste parc. Même si cette texture en forme de tapis oriental nous semble étrange ou choquante, elle a cherché à résoudre les problèmes de l’époque à travers des formes architecturales. Le Corbusier a proposé d’augmenter « la capacité urbaine et son efficacité » par la structure même de la ville. Il s’appuie surtout sur l’idéologie de Bauhaus : le principe de l’universalité des besoins humains. Il s’agit de concevoir, pour l’homme universel, des prototypes reproductibles de villes et pas seulement des bâtiments isolés. ( Choay, 2010 )La Cité radieuse voulait répondre formellement à toutes les attentes de qualité de vie. La ville commençait à se préoccuper de la question de la durabilité.

La main mythique de Le Corbusier devant la maquette pour la „ville contemporaine“

( source photo: Koolhaas, 1980, Delirious New York: 178)

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« La Ville Contemporaine »� a influencé la création de la Charte d’Athènes �, un document issu du CIAM IV en 1933. La Charte thématise le logement social, notamment les tours d’habitation qui seront réalisées dans l’urgence et plus tard contestées. Mais il ne faut pas oublier que cette étape ne serait pas possible sans les accomplissements techniques de l’industrialisation.L’aboutissement d’un certain niveau technique a permis de réaliser des ouvrages à grande échelle. Gropius avec sa cage de verre sur ossature en acier livre un exemple de rationalisation matérielle. (Frampton, 2007)Un autre matériau commence à cette époque à devenir intéressant et noble pour la conception de bâtiments : le béton. Grâce à l’usage et l’expérimentation des structures et parois préfabriquées par Auguste Perret, ce matériau a donné naissance à une nouvelle ère de construction en masse.La crise du logement mène à une réflexion sur l’habitation et surtout sur la construction de l’habitation collectif populaire. Les aménageurs et les architectes cherchent à optimiser le « minimum vital », (si cher au CIAM et à Le Corbusier), l’universalité des besoins humains comme bases de l’analyse avec une matérialité épurée.« La ville industrielle ne peut d’ailleurs être légitime qu’à condition que la misère soit vaincue. » (D’Alfonso 2001 : 254)Les architectes, notamment les Allemands, développent un système de mesures idéales basées sur des ergonomies et des économies optimisées.Walter Gropius mène des recherches comparatives entre différentes formes d’habitat, fabrique une série de plans où il fait varier, à densité égale, la hauteur et l’espacement. « Les fonctionnalistes du mouvement moderne présentent la notion de densité de nouvelles formes comme la synthèse rationnelle et efficace entre espace, usage et économie, en intégrant l’industrialisation et la standardisation depuis l’échelle du logement jusqu’à celle du territoire » (Clément, Guth,1995 : 80)Ils développent une base mathématique de l’espace et des normes, créent les fondements pour la fabrication industrielle et mettent en place des prototypes.Pendant plusieurs décennies, ces nouvelles règles et ces nouveaux plans d’urbanisme ont été appliqués à « l’aveugle » sans être réfléchis en 3 dimensions. (Fouchier,1997) Pour revenir à la crise du logement: dès la fin du XIXè siècle, l’Etat cherchait des solutions durables.L’influence de la puissance publique dans l’aménagement du territoire est renforcée.Pour loger les masses, une rationalisation de l’aménagement du territoire est nécessaire. A ce moment-là, émerge dans les pratiques urbanistiques françaises le concept de zoning. «Il est considéré comme un outil de réglementation qui permet le contrôle de l’utilisation du sol. En associant coefficients de densité d’occupation du sol, fonctions et localisations, il apparaît comme l’instrument le plus efficace de la rationalisation recherchée. » (Touati, 2010 : 25) Pour satisfaire le besoin urgent généré par la destruction pendant la guerre, l’exode rural, et pour accueillir des populations immigrées et ensuite la 7 La ville contemporaine est une vision de Le Corbusier pour le Centre de Paris. Il s’agit de tours d’habitation pour trois millions habitants qui sont dispersés selon une grille régulière, mais très espacées entre elles par un vaste espace public.8 Les Congrès Internationaux d’Architecture Moderne entre 1928 et 1959 ont été le moyen pour véhiculer les idées modernes sur l’architecture à travers le monde. En 1933, les nouvelles visions sur l’aménagement urbain ont été regroupées et rédigées sous le nom de Charte d’Athènes, qui traite, dans ce contexte de reconstruction, de l’extension rationnelle des nouveaux quartiers.

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génération « baby-boom » , l’Etat installe une procédure réglementaire d’urbanisme (appliquée entre 1959-67). Les ZUP (zone à urbaniser en priorité) ont permis la construction massive de quartiers entiers de logements et d’équipements. Une période de forte construction suit. Des immeubles-logements en grande concentration humaine émergent du sol, souvent sous le modèle économique des barres ou grands ensembles ainsi que les infrastructures nécessaires auparavant négligées.« Cette période (1948-1961) a préparé et partiellement mis en pratique ce qui, au cours des années 1960, deviendra la norme : la hauteur, l’industrialisation, l’urbanisme «moderne», la mixité, la définition d’un nouveau logement. Tout en se développant pour l’essentiel dans un cadre réglementaire hérité du début du XXe siècle, les réflexions sur la ville de cette période ne sont pas sans rappeler certains débats contemporains. » (Fortin, 2010: 3)« La mise en place des ZUP marque ainsi la naissance d’un nouvel imaginaire de la densité. En effet, aujourd’hui encore, la densité reste associée à cette image des grands ensembles d’après guerre qui sont aujourd’hui décriés, bien que dans les faits ces derniers soient en fait moins denses que d’autres types de constructions 1» (APUR, 2003). Dans ces quartiers standardisés, souvent organisés autour de l’automobile, la desserte par les transports collectifs n’est pas une priorité à l’époque. Ces ensembles sont aujourd’hui mal perçus par la population, alors qu’ils constituaient une véritable performance urbanistique à l’époque.Toute une idéologie accompagne ces quartiers qui incarnaient alors la modernité, le bonheur, le renouveau. Les premiers habitants sont peut-être les seuls à avoir eut l’accès à un tel rêve et confort pour l’époque, ce qui traduisait un progrès social démocratisé. Ces ensembles ont mal vieilli.Avec le départ des classes moyennes pour leur rêve pavillonnaire, un processus de ségrégation sociale a commencé. Certains de ces quartiers sont aujourd’hui des zones ou les taux de chômage et de précarité sont supérieurs aux autres quartiers urbains. Les ZUP sont aujourd’hui mal desservies, enclavées et donc souvent désertées par les commerçants : elles deviennent des espaces de moins en moins dynamiques.À la place des ZUP, la procédure ZAC (zone d’aménagement concerté) s’installe. Elle devrait permettre la mixité des investissements et des fonctions pour éviter le modèle de cité dortoir, mais même ce modèle est déjà dépassé.La planification spatiale des années 60, basée sur des hypothèses de croissance importante rejette la banlieue « ordinaire ». Elle se traduit par une politique volontariste grande consommatrice d’espaces agricoles ou forestiers.( APUR, 2009 : 39)

1.2.1.3 Décentralisation

l’Etat tente de mettre en œuvre un rééquilibrage du territoire et de reloger des grandes services publiques comme des noeuds universitaires. Car dans l’agglomération parisienne, l’essentiel des activités et du capital économique se concentre. L’administration de cette époque essaie alors de décentraliser des industries vers l’extérieur de la ville et de desserrer des grands centres vers leur périphérie. « Les politiques de déconcentration vont avec une action de dédensification des centres villes » (Desportes, Picon, 1997).

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Dans cette période de forte intervention de l’Etat, la densité reste encore un simple outil réglementaire de la rationalisation, « scientificiation » du territoire.

« Les grands ensembles sont souvent évoqués comme l’archétype de ce qui est perçu comme dense par l’individu lambda, alors que ces derniers sont beaucoup moins denses par exemple (COS de 0,7 en moyenne) que les tissus haussmanniens du centre de Paris (COS de 4,5 en moyenne) ou même que certains tissus pavillonnaires. Source «(IAURIF, 2005 : 6)

1.2.1.4 Le bannissement de la densité du paradis �

Le mythe de la qualité de vie 1970-1990

A la fin des années 60, l’idéal de la société change et on entre dans une ère de la ville automobile. En même temps une nouvelle envie commence à s’établir : le retour à la vie dans la nature. La conscience de son propre environnement grandit. (Fouchier, 1994)Cette nouvelle sensibilité se traduit aussi par un changement politique et un arrêt de la construction des grands ensembles.Après une période de construction massive suit une période de réflexion sur la qualité plutôt que sur la quantité. L’aménagement du territoire est préoccupé par la protection de l’environnement et la lutte contre le mitage, un des effets négatifs de l’étalement urbain. Mais à cette période-là, la densité n’est pas encore associée à la conscience verte du gouvernement. (Touati, 2010) La notion du développement durable et une conscience pour l’environnement commence plus tôt en Allemagne qu’en France, dans les années 70/80 en parallèle avec la lutte contre l’énergie atomique, mais en France cette conscience arrive plus tard. Et commence de se mettre en contexte autour 1997-2002, quand l’Union européenne s’engage à la suite de l’Agenda 21 �0, d’ établir des stratégies de développement durable dans le traité de Maastrich. (Ministère des affaires étrangères, 2008)

9 Après une période de grande expansion les besoins de la société changent et ainsi la densité quantitatif va être appliqué avec plus de précaution.10 Agenda 21: Plan d’action pour un développement durable adopté par 173 chefs d’Etat où chaque collectivité met en place un plan de stratégie adapté au pays et à ses moyens.

Poissy: image gaucheParis 6ème, image droite

Source: Paroucheva-Leruth, 2008

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1.2.1.4.1 Dédensification

La politique poursuit une politique de dé-densification. L’aménagement public essaye de dé-serrer et revaloriser le centre de Paris.L’Etat commence à établir la densité comme véritable outil de planification et détermine le Plan d’occupation des Sols (POS, une loi d’orientation foncière) Chaque secteur défini par le POS prévoit un niveau de densité qui fixe la valeur foncière des terrains et contrôle l’établissement des équipements publics.Le passage des règles formelles à des règles plus abstraites se caractérise dans le renouvellement des formes. Dans cette période, la classe moyenne essaye de poursuivre un nouveau rêve : celui de la maison individuelle. Elle fuit vers la banlieue pour se retrouver dans une « forêt pavillonnaire », un imaginaire de la liberté et de la vie dans la nature. Cette tendance de désirer la vie loin de la ville dense va ensuite créer d’autres problèmes : l’étalement urbain, la desserte, le gaspillage d’énergie. Des problématiques où la densité pourrait éventuellement améliorer la situation.Mais la préoccupation est tout autre à ce moment-là. Le mitage des espaces naturels ne retrouve pas encore l’écho puissant comme dans les années 90, mais les bases de cette problématique commencent de se développer de manière plus en plus sérieuse. La densité est perçue de façon négative, comme un élément, une situation de vie qu’il faut éviter ou fuir si on a les moyens. Selon Pascal Amphoux, la densité en tant qu’instrument de mesure ou d’évaluation paraît de moins en moins pertinente si l’échelle de référence augmente.Elle est utile à l’échelle des plans généraux comme objet de négociation normée et mesurable. Mais à des échelles plus fines, la densité ne permet pas d’intégrer la morphologie urbaine ni de prévoir les ambiances. (Amphoux, Grosjean, Salomon, 1999 :101) Sa capacité de limiteur normative et quantitative a été très déterminante et efficace autour des années 70, en plein expansion de modèles de composition intermédiaire. Mais la planification du territoire demande des « sauts » d’échelle, de passer de l’abstraction territoriale à l’architecture pour vérifier les projections et dépasser les préjugés. Pascal Amphoux propose une recherche de qualités sensibles vérifiées pour trouver l’occupation du sol adéquat à l’endroit souhaité et non « une idée à priori d’un taux d’utilisation idéal. » ( Amphoux, Grosjean, Salomon, 1999 :101)

1.2.1.5 Le feu vert pour la densité durable

Au cours du 19ème siècle, nous avons perdus notre innocence CO2, constate le philosophe allemand Peter Sloterdijk. ( Bouman, 2009) Si historiquement la ville dense avait ses formes denses dues à des transports limités, elle a commencé à croître et à changer sa forme grâce à l’avènement des transports publics, d’abord le chemin de fer et puis l’automobile. L’amélioration des infrastructures a permis de s’installer de plus en plus loin du centre-ville.Le sol autour de Paris s’est artificialisé de plus en plus. Avec l’augmentation de la distance du centre mais également entre les quartiers et bâtiments, la consommation d’énergie est devenue une des sources de l’aggravation de l’effet de serre.

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Notamment certaines villes nord-américaines comme Los Angeles s’étalent à l’infini car chacun veut célébrer sa réussite sociale en forme de maison individuelle. Mais ce mode de vie, très gourmand en espace, entraîne une dépendance (de voiture, etc.) et un gaspillage des ressources. Dans les années 90, le terme de « développement durable » fait son apparition. La recherche commence à être plus sensible aux questions de la qualité de l’environnement, de la desserte des transports publics et des distances parcourues entre le logement et le travail. (Touati, 2010)D’abord connu comme une croissance économique solidaire, le développement durable naît avec le rapport Bruntland, fondé sur une stratégie politique.Même si les rapports, pactes et agréments nationaux ou internationaux changent leur apparence ou leur nom ( Grenelle Environnement 1-3 ; protocole de Kyoto,…), ils marquent une nouvelle conscience et engagent les autorités à les suivre. Ils sensibilisent à la dégradation des milieux naturels, à l’accroissement démographique rapide, au gaspillage des matières premières et des sources d’énergie, à la dégradation du sol. Avec l’idée de la ville durable, la notion de densité est redevenue actuelle.Mais l’objectif a changé : aujourd’hui l’objectif est de lutter contre l’étalement urbain et de maîtriser le développement.Par la densification, l’étalement peut être diminué. « Concevoir une ville durable consiste à concentrer les constructions sur un territoire plus restreint de manière à réduire les déplacements motorisés, à renforcer l’efficacité des transports en commun et à imposer à tous de vivre dans un habitat plus dense, collectif. »( Morlet , 2008 : 37 ) Comme la densité a un impact significatif sur les déplacements, il faut penser la connectivité avec la programmation de la densité. Il s’agit de densifier là où c’est le plus pertinent : aux endroits les mieux connectés. Le développement économique, l’égalité sociale, la protection des patrimoines naturels et culturels forment, selon François Ascher, le fameux triptyque du développement durable inscrit dans le SDRIF. �� Tous ces défis sont liés plus au moins indirectement à la densité.Le premier défi, l’accès de tous aux grands services urbains (transport, équipement, service) est seulement possible dans des quartiers suffisamment peuplés.Les deux autres objectifs sont la préservation des espaces ouverts et la construction de 50 000 logements par an. (Ascher, dans Wiel, 2010 : 162) Une des solutions en croisement de ces trois objectifs passe par une urbanisation plus dense. Mais il faut que les habitants y gagnent, que les constructions soient associées à un projet avec des espaces publics de qualité. Peut-être faut-il suivre le slogan politique norvégien, qui inscrit la préservation des espaces naturels et réserves dans sa réglementation depuis plusieurs années. Des modèles reconnus de formes urbaines denses, comme le « Höfe » en Autriche ou l’Eixample d’ Ildefonso Cerdà montrent que compacité et qualité de vie sont possibles et bien vécus. Cette nouvelle conscience pour l’utilité de la densification passe par une envie d’amélioration de la qualité de vie mais en même temps par une attention pour l’environnement. Cette conscience écologique a beaucoup progressé entre les convictions de quelques individualistes qui voulaient sauver la planète jusqu’aux mouvements qui commencent

11 Schéma directeur de l’Ile de France, un document qui doit fixer les grandes lignes de son développement pour les 15 à 20 prochaines années.

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à définir les règlements politiques. « Le développement durable est devenu un tel succès médiatique, que cette expression finit par ne plus signifier grande chose. » (Charlot, Outrequin, 2009 :14)Même si le mot commence à se vider de son sens par abus de ses utilisateurs comme les grands groupes industriels, les politiques, etc. qui essayent de polir leur image avec le certificat « durable», il a gagné en influence sur les objectifs du développement de la ville européenne. Aujourd’hui l’Etat commence à se confronter à la consommation excessive d’espaces et à la prédominance du mitage. La Région Ile-de-France veut lutter contre l’étalement et le gaspillage du territoire par la densification urbaine. Le sol est indéniablement une ressource première précaire, qui se ne renouvelle pas et qu’il faut consommer avec modération de la manière la plus efficace possible.Pratiquement, les dix équipes de la consultation pour le Grand Paris proposent une métropole post-Kyoto compacte sans nouvelles extensions.Même l’équipe de Grumbach avec sa vision de l’axe Paris-Le Havre défend l’idée de la ville sur la ville. Les architectes de MVRDV poussent leurs recherches sur l’efficacité de l’utilisation du sol à l’extrême. Historiquement ils sont confrontées à leur étalement urbaine galopant à tel point qu’ils sont un de pays le plus densément populées en Europe. Dans leur recherche sur la densité, ils suivent la tradition hollandaise, considérés comme les maîtres de la création artificielle de sol, comme le polder ainsi que leur utilisation efficace productive du sol à cultiver. Les recherches des Hollandais touchent aux enjeux les plus discutés dans le contexte de la prise de conscience de l’environnement comme l’agriculture locale, le logement, les déplacements. Ils proposent un modèle ultra-compact et autosuffisant de la ville. Leur idée est de créer des dispositifs intelligents qui permettent un usage multiple d’espace de production et de vie.Pour qu’un quartier soit vraiment durable, écologique ou pas, il faut aimer y vivre. Un des facteurs d’affinité à son environnement peut être la mixité. Peu de choses sont plus ennuyantes que la monofonctionnalité.La mixité anime la ville et l’esprit, réduit les déplacements, rend envisageable le partage des ressources et des énergies. « Durable veut dire ici avant tout l’envie d’être là (d’habiter, de travailler, de se divertir.) Fabriquer de la ville durable, un quartier durable, c’est d’abord se poser la question suivante : qu’est-ce qui fait que les gens aiment leur ville, leur quartier ? Doit-il être central, attractif, accessible, dynamique, créatif, ouvert, confortable, esthétique, mutualisé, convivial, compact, équitable, protecteur, recyclable, solidaire, viable, innovant ? A moins que ce ne soit tout cela à la fois et même plus ? »(Boutte, MVRDV livret 2 : 227 ) La durabilité d’un quartier est aussi liée à sa flexibilité, à sa capacité à évoluer dans le temps. Même si l’influence de la densité sur la consommation d’énergie est indéniable, “il serait vain d’espérer de produire des villes plus compactes en agissant uniquement sur le type d’habitat sans prendre en compte l’ensemble des surfaces non résidentielles dévolues aux activités, aux équipements et aux infrastructures de transport”. (Morlet, 2008 : 14)

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1.2.2 Quantification/Densité chiffrée ou le rêve de certitude

1.2.2.1 La mesure de la densité

Au risque d’introduire un chapitre un peu formel, il faut néanmoins passer par cette étape, car la densité a une dimension chiffrée, rationnelle, qui est recherchée par les acteurs d’aménagement pour justifier leurs opérations ou se rassurer. Mais les chiffres n’expliquent pas tout. Les architectes et les urbanistes

tendent à préférer une approche morphologique de la densité. La densité est souvent définie comme le « rapport entre un élément quantifiable, l’habitat, l’emploi, les mètres carrés de plancher ou autres et la surface d’un espace de référence. » Mais elle est trop souvent réduit à une formule mathématique qui a encore besoin d’une autre référence.

« La densité peut être exprimé comme une mesure physique. Elle est un rapport qui définit l’importance d’une masse pour une unité d’un ensemble de référence, la longueur dans le cas de densités linéaires, l’unité de surface dans le cas de densités surfaciques, l’unité de volume dans le cas de densités volumiques. Le rapport de densité facilite les comparaisons pour une même unité de référence. »

(Berroir, Cattan ,Saint Julien, 1995 :42) « …La densité et la concentration : appliquées à la ville, les mesures de densité renvoient à la notion de concentration. En effet, réunir toute une population dans un même lieu, cela augmente alors dans ce lieu la masse par unité de surface. »

La densité peut être faible ou forte, bien ou moins bien perçue. Mais sans indicateurs de référence, la densité reste imprécise. Les indicateurs permettent de la comprendre d’une manière plus globale par la concentration, l’intensité de l’activité, la densité bâtie, la densité végétale, entre autres. Comme la définition de la densité offre des variantes aussi nombreuses qu’inventives, voyons quels sont ses indicateurs, ses acteurs ou usagers.

« Parler de forte ou faible densité sans préciser s’il s’agit d’habitants, de logements ou autres, conduit à des incompréhensions entre les différents acteurs de l’aménagement. » ( Mouliné, Naudin-Adam, 2005 :p4)

1.2.2.1.1 Indicateurs de la densité

Un indicateur donne des informations utiles sur l’évolution et la répartition spatiale de la population. La densité peut ainsi être observée et comparée.Mais le but ici n’est pas de faire une liste de tous les possibles indicateurs de la densité, mais de choisir quelques clés, indispensables pour mieux comprendre les mécanismes de la planification spatiale.

Certes, ce serait intéressant et amusant de comparer par exemple les densités des connexions Internet sur terre qui tracent une carte rhizomique, ou la densité d’éclairage nocturne, ce qui donne cette fameuse carte de la terre, la nuit, avec les petits points lumineux concentrés autour des métropoles mondiales. Ou bien

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aussi les indicateurs inhabituels comme la densité des toilettes dans un bidonville à Mumbai : cela montre la diversité des indicateurs de la densité.

(source ARCH+ n°185, 2007)Chaque cercle rouge indique l’emplacement d’une toilette qui se retrouvent sur un rayon d’environ 120m.

Cette diversité montre la complexité du sujet et l’attention particulière avec laquelle les éléments doivent être choisis. Des indicateurs imprécis peuvent falsifier le résultat. Ainsi le calcul des taux, une démarche purement mathématique, n’a pas d’intérêt dans cette étude, car on pourrait facilement se cacher et même se perdre derrière les chiffres sans pour autant tout expliquer.

Pierre Merlin fait référence à cette relation complexe entre indicateur et sa référence : « Si le choix de l’indicateur est clair, celui de la surface à prendre en compte l’est beaucoup moins et rend l’utilisation du concept de la densité très délicate. »( Merlin, Choay, 1988 : 204) « …dans un tissu urbain homogène comme un grand ensemble ou une zone pavillonnaire, la densité prend des valeurs très différentes selon le niveau de la mesure. (parcelle, ilôt, quartier) »

La mesure de la densité est un peu un paradoxe. Désignée comme l’outil qui devrait aider la compréhension et le calcul d’un territoire donné, elle est, contre toute attente, complexe et différente selon la manière du calcul.La mesure de la densité demande une échelle de référence. Même s’il n’existe pas vraiment un système de référence qui permette de qualifier la densité forte ou faible, elle peut néanmoins être exprimée dans un rapport théorique entre une quantité ou indicatrice statistique et l’espace occupé. On peut distinguer le nombre d’habitants, d’emplois, de mètres carrés de planchers en relation avec la surface de terrain brute ou nette. (Apur, 2007 : 6)

Comme il n’y a pas de standard de mesure de la densité, il y a juste ceux qui sont les plus souvent appliqués. Dans l’aménagement du territoire, la mesure de la densité physique peut, en gros, être divisée en deux catégories : La densité humaine et la densité bâtie.La première s’exprime en nombre d’habitants par logement par espace donné, et la deuxième par un ratio de constructions par unité spatiale.La densité de population donne, selon les échelles de référence, des informations du besoin d’équipements d’un territoire ; et le nombre moyen de logements permet de mesurer l’intensité d’un secteur. Elle permet en partie de mesurer la densité d’usage d’un espace, le nombre de fréquentations d’un site. On parle aussi fréquemment de

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la densité d’activité humaine. Le nombre moyen d’habitants et l’emploi à l’hectare permettent de mesurer la fréquentation et la vitalité économique d’un quartier (source : Service Développement des Territoires et Urbanisme, Juin 2007)Aussi pourrait-on parler de la densité du contenant, ce qui correspond au m2 du bâti ; ou bien du contenu : c’est à dire le nombre d’habitants. Pour avoir une réelle signification, la densité a besoin une échelle de référence, qui dépend des études et de leurs objectifs. Elle peut varier du très local au territorial, voire même au continental. Chaque échelle a sa propre signification et utilité.

1.2.2.1.2 La Densité bâtie chiffrée selon échelle

Dépendant d’objectifs des études, la référence pour la densité peut varier du local au continental.

1.2.2.1.2.1 La densité régionale

« La densité est le descripteur par excellence de l’état du peuplement d’un territoire. » ( François, Frankhauser, Pumain, 1995 : 54) Selon Vincent Fouchier, le terme de concentration conviendra mieux.Il s’agit d’une relation rationnelle d’une population avec son territoire régional. Les limites sont souvent définies par les limites communales qui incluent des endroits urbanisés ou pas. Cet indicateur du nombre d’habitants est utilisé dans le contexte d’aménagements nationaux, intercommunaux ou communaux. À l’échelle d’une agglomération, la densité est rapportée à l’hectare, exprimée entre autres en habitant par hectare ou logements/ha. La densité communale ou régionale relève de l’intérêt du géographe ou de l’aménageur du territoire. Si l’on regarde à l’échelle nationale ou internationale, la densité peut, par exemple, être l’indicateur des notions de sur-ou sous-peuplement. (Fouchier, 1997 :22)

La densité résidentielle (lgts/ha)

Cette mesure désigne la population d’un quartier résidentiel en relation avec sa surface. Elle permet une mesure de l’occupation du sol par logement. C’est ici une référence très importante pour comprendre de quelle densité il s’agit. Ces définitions peuvent changer selon les villes et les pays. Cependant, la densité brute considère le territoire résidentiel dans son ensemble, avec les voiries, le trottoir, les parcs et tous les lieux communs. Mais l’inconsistance avec laquelle les aménageurs définissent ce territoire brut mène à une ambiguïté de lecture et rend la comparaison difficile. Certains intègrent les pentes, les zones non-constructibles ou autres surfaces « tampons » dans leur considération, ce qui peut falsifier les chiffres de la réalité.

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1.2.2.1.2.2 L’échelle communale

A cette échelle, la densité de population permet de comparer des villes de tailles différentes et de révéler des phénomènes de croissance urbaine. La densité d’emplois (empl /ha) La densité d’emplois permet d’identifier les espaces qui concentrent le plus d’emplois. Lorsque le calcul est rapporté au type d’activité présente, la densité d’emplois permet, à un niveau intra communal, de mesurer l’intensité d’un secteur d’activité en particulier.

La densité d’activité humaine (Habitants + Emplois/ha) La densité d’activité humaine permet de mesurer en partie la densité d’usage d’un espace ; elle prend en compte le nombre potentiel de personnes fréquentant le site. Ce ratio permet de repérer les effets de centralité et de comparer des tissus urbains différents. Il est utile pour déterminer la nécessité de l’implantation de nouveaux équipements ou infrastructures.

1.2.2.1.2.3 L’échelle du quartier

La densité humaine, rapportée aux superficies occupées par le logement, permet de saisir plus précisément les répartitions spatiales de la population dans un quartier.

A cette échelle, la densité sert à la programmation sans donner une indication de la forme urbaine. Une même densité peut correspondre à plusieurs types de tissus urbains.

À l’échelle du quartier ou îlot, la densité s’exprime plutôt dans le rapport entre surface bâtie et surface foncière.( APUR , 2003 : 8 ) Un même bâtiment sur 3 différentes tailles de foncier change les chiffres de densité alors que le bâtiment ne change pas: La densité à l’échelle du quartier donne un aperçu général d’un tissu urbain et exprime aussi la répartition entre l’espace public et privé. Ainsi elle est proche de la sensation de densité perçue par l’utilisateur. (source : Service Développement des Territoires et Urbanisme ; Juin 2007) Parler d’échelle du quartier, c’est parler de la densité brute, ce qui rend les résultats très différents, vu la diversité du bâti.

La densité nette « visuelle » hors sol, prend en compte toutes masses bâties hors sol par affectation donnée (logement, commerce ou autre) mais exclut les surfaces cachées.Mais pour mieux prendre en compte l’ensemble des volumes visibles, il faut ajouter

Densité netteDensité nette ( InterlandSource : APUR n°10 juin 2003)

Densité brut

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d’autres indicateurs de la densité comme la densité perçue, par exemple. Car dans un volume peuvent se cacher des dimensions invisibles comme dans une gare, un parking-silo ou un stationnement sur dalle qui incorpore des surfaces en élévation ou en sous-sol. La densité brute prend en compte l’espace intégralement ; elle inclut les espaces verts et communs, les infrastructures ainsi que les caractéristiques particulières du terrain comme les pentes, les cours d’eau, elle inclut tout.Puis il faut distinguer entre les densités de contenant et les densités de contenu :En ce qui concerne le contenant, ce type de densité considère le domaine bâti, immobile. (elle s’exprime en SHON, SHOB, emprise et autres) La densité du contenu concerne tout ce qui est souvent mis en contexte si on parle d’intensité : les usagers d’espace. (Source :APUR 2003 )

1.2.2.1.2.4 L’échelle d’îlot

La densité de population à l’échelle du quartier ou d’îlot permet de saisir la répartition humaine sur un secteur donné. La densité résidentielle (lgts/ha)La densité nette se mesure au niveau de la parcelle ou de l’ilôt.La densité résidentielle permet de donner une mesure de l’occupation du sol par le logement. On peut la classer selon des seuils de densité. Faible, moyen ou fort, les seuils peuvent êtres différents selon le type d’habitat. La densité résidentielle peut aussi permettre de définir des seuils pour les besoins en équipements (équipements scolaires en particulier). L’échelle parcellaire demande une densité calculée pour l’application de la réglementation du Coefficient d’occupation du sol (relation surface de plancher / surface de la parcelle)

COS : SURFACE CONTRUCTIBLE /SURFACE DE PARCELLE

1.2.2.1.2.5 L’échelle du bâti

La densité bâtie exprime le rapport entre la surface de constructions et la surface au sol. (Coefficient d’Emprise au sol) A Paris, on la retrouve à son maximum dans les quartiers Haussmanniens. (9ème et 2ème arrondissements, par exemple)

Les densités internes au bâti sont des composantes essentielles de la densité urbaine, en ce qui concerne les logements ou l’activité. Comme l’individu passe la plupart de son temps dans cet environnement « primaire » (CAUE 75 ), ce cadre de vie est en relation directe avec l’indicateur de la densité. Il permet de relever l’appréciation particulière d’un cadre de vie.Par exemple : la densité interne (humaine) du logement est liée à sa taille : plus il est petit, plus sa densité est élevée. Puis on pourrait évoquer les densités internes au bâtiment même, qui peuvent nous donner des indices d’activités, des relations possibles avec les autres. Cette densité sera mesurée en mètres carrés de surface utile par personne, ou du nombre de personnes par logement.

Le Coefficient d’Occupation des Sols (COS) représente les possibilités de construire sur une parcelle. Indicateur et outil, le COS est un élément indispensable, mais incomplète, de la notion densité.

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L’article R.123.10 relatif au COS le définit de la manière suivante : « …Rapport exprimant le nombre de mètres carrés de plancher hors œuvre nette ou le nombre de mètres cubes susceptibles d’être construit par mètre carré au sol. »Ce coefficient est une règle d’urbanisme qui définit la densité de construction permise à l’intérieur d’une même zone d’un plan d’occupation du sol. ( Dictionnaire d’urbanisme ) Il s’agit d’une limite maximum de densité sur une zone où on peut retrouver plusieurs coefficients.

Le COS n’est pas révélateur d’une volumétrie urbaine : un même COS peut produire des formes différentes. Souvent on apprécie un autre critère pour mesurer la capacité d’accueil d’un tissu urbain. Le rapport nombre de logements par hectare à la place du COS exprime, d’une manière plus accessible, la relation plus au moins dense entre contenant et contenu, même si ce rapport n’indique ni la taille ni l’occupation des logements.Cependant, ce n’est pas un outil de maîtrise de la forme urbaine. Les résultats peuvent aussi être trompeurs et varient selon l’inclusion ou non des voiries ou des espaces verts.

La surface bâtie Le code de l’urbanisme l’exprime en surface nette ou brute. (SHON :

Surface Hors Oeuvre Nette ; SHOB : Surface Hors Oeuvre Brute. ) La SHOB correspond à la totalité de la surface de plancher pris en calcul à partir du nu extérieur des façades et inclut les combles et le sous-sol. Elle nous en raconte plus sur la volumétrie externe d’un bâtiment. Si on retire de la SHO brute des espaces non aménageables (ascenseurs, chaufferie, balcons, caves etc.) on obtient la SHON.

« Contrairement au COS, le calcul de la densité bâtie se réfère au réel et non au possible. Elle correspond à ce qui existe sur le terrain. Pour plus de pertinence, il faut la comparer seulement en dehors de la parcelle, à l’îlot, pour inclure les espaces

( Source : APUR n°10 juin 2003)

Un même Cos peut conduire à des formes urbaines différentes.Trois typologies pour une même densit´sur un terrain de même superficie:

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publics et l’ensemble des bâtis présents. La densité bâtie est le rapport entre le coefficient d’emprise au sol, multiplié par le nombre moyen de niveaux.» (IAU, 2005 :4)

Densité végétale

« Pourquoi ne pas essayer de chiffrer le végétal au même titre que le bâti? » (Fouchier 1997 : 36 ) L’espace planté n’est pas vide. L’emprise végétale dense est équivalente à l’espace bâti sans minéralisation du sol et peut être calculée en différentes échelles et en trois dimensions. Le plus souvent, des espaces verts sont fixés par un pourcentage d’emprise au sol, ce qui explique les nombreuses pelouses qui n’ont pas le même impact qu’une masse végétale.Cet indicateur prend en compte l’ensemble des espaces verts qui participe à l’ambiance générale d’un territoire. Mais elle est moins présente dans les discours, à l’échelle d’îlot ou de bâti, et plus présente dans la planification à l’échelle du quartier, ou communale, ou territoriale. Elle joue un rôle important dans la perception positive d’un lieu dense. (Les habitants acceptent mieux une forte densité si elle est accompagnée d’espaces végétalisés.)

( Source : APUR n°10 juin 2003)

COS végétal= 0,4 COS végétal= 2,3

COS végétal= 5,1

La même densité bâtie, et la même forme architectural entouré par du végétal en différentes stades de maturité.( Source : Vincent Fouchier, 1997 :49 , d´ après L.Kending)

Densité bâtie globale :COS brut = surface de plancher totale (shon)/ surface du quartier.

Densité bâtie nette : COS net = surface de plancher totale (shon)/surface du quartier – (voiries + jardins + espace publics)

(APUR n°10 juin 2003 « Quelle forme urbaine pour quelle densité vécue ? »)

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Comme évoquée auparavant, la densité a besoin des échelles de référence pour pouvoir être mesurée de manière pertinente. Selon la localisation, les densités peuvent varier : au centre, on retrouve normalement une densité plus élevée qu’en périphérie, une variation des densités en « dedans » ou en « dehors » de la ville. Les qualités changent selon les relations et les conditions d’urbanisation dans lesquelles les densités se trouvent. Ces variations de densité montrent les structures d’un espace, aménagé dans le temps avec ses infrastructures, ses enclaves, ses armatures, ses nœuds et ses axes, ses rythmes. Comme Pierre Merlin le constate, l’évolution des densités est lente : « l’adaptation se fait à l’échelle des générations. » ( Merlin, 1988: 204)

1.2.2.1.3 La courbe de Newmann / Kenworthy

A part les indicateurs simples du chapitre précédent, il existe des indicateurs mixtes. Ils permettent une autre lecture plus approfondie de la densité, adaptée, cas par cas, à des problématiques spécifiques. La densité peut être croisée avec d’autres critères pour enrichir le regard. On pourrait, par exemple, mettre en relation la densité et la mobilité. Une forte densité implique des modes de vie particuliers qui ne sont pas les mêmes qu’en faible densité. Selon Charmes, la densité semble être un des meilleurs outils pour réduire l’usage de l’automobile. « Diverses statistiques montrent une corrélation entre la densité et l’usage des transports collectifs ou de la marche. » (Charmes, 2003 : 14) Il se réfère là à l’un des documents les plus sollicités, au sujet de cette relation : il s’agit de la courbe des chercheurs australiens Peter Newman et Jeffrey Kenworthy, établie en 1989.

Leur travail montre, en courbe, le lien entre la densité nette de populations et la consommation énergétique pour le transport par habitant. Ils interrogent le lien entre centralité urbaine et distance parcourue.Cette variable de dilatation de l’espace nous informe sur le comportement des habitants des villes du monde entier face à leurs moyens de transport.

( Source : Newmann et Kenworthy 1989, Atlas Environnement du Monde Diplomatique 2007 et Vincent Fouchier) La courbe Newmann et Kenworthy en zoomant sur des villes européennes

Dans les villes nord-américaines de faible densité, la consommation d’énergie liée au transport est beaucoup plus importante que dans les villes européennes. Plus la ville est dense, moins elle consomme d’énergie pour les transports. Les villes les plus denses et les moins « énergivores » se révèlent être les villes asiatiques. (Desjardins, 2010 : 27 )

Densité (hab/ha)

Cons

ommation

énerge

tique

( K

j/ha

b)

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Si on en croit le graphique, la ville d’Hong Kong serait la ville idéale,car elle réunit une forte densité et peu de consommation d’énergie. Mais en réalité HK est loin d’être une ville de rêve. La pollution due à une forte densité est très élevée. La courbe montre aussi la dépendance à l’automobile. Dans les périphéries peu denses, un des problèmes majeurs est le manque de transports en commun qui devrait remplacer la voiture. Plus le logement est loin du lieu de travail, des commerces, des commodités, etc., plus l’utilisation de la voiture est systématique et indispensable.

.Les deux chercheurs souhaitent, avec cette étude, réveiller la conscience durable en cherchant la « future ville » qui permettait de rompre avec cette dépendance automobile en réorganisant des villes existantes. ��

1.2.2.1.4 La densité comme outil d’urbanisme et de planification

Concentration et interaction humaine sont les raisons de l’urbanité et donnent le sens de la ville.Si la ville, c’est la densité, (R. Koolhaas, Delirious New York) elle ne peut pas seulement être la densité bâtie, comme constate Sabine Guth, « mais bien aussi des événements et des significations. » ( Clément, Guth, 1995 : 83) La politique d’anti-périurbanisation ou de l’anti-étalement essaye d’optimiser l’utilisation de la ressource limitée : le sol.Des nouveaux outils réglementaires sont élaborés (au début des années 60 : Le Plan d’Urbanisme Directeur et puis le POS)Selon les secteurs du plan, différents types d’usage sont définis (logement, bureau, équipement) puis fixés par rapport aux coefficients de planchers. Pour un concepteur, il est extrêmement important de se confronter à différentes échelles pour un choix adéquat de ses outils. Les niveaux réglementaires sont aussi déterminants que ceux de la maîtrise d’ouvrage. A chaque échelle du territoire, agissent des outils d’urbanisme adéquates et dans chaque échelon, on retrouve les indicateurs de la densité adaptés.

1.2.2.1.4.1 Les acteurs de la densité

La réglementation de la densité peut se construire sur la base de documents de la planification ou par l’intervention des acteurs publics ou privés. Il existe une hiérarchie entre les différents documents d’urbanisme, qui agissent sur plusieurs niveaux.

Le SDRIF (Schéma Directeur d’île de France) définit les stratégies globales de l’Ile de France à un horizon de 25 ans. (C’est lui qui a défini des grands projets comme le développement des RER et des villes nouvelles à la fin des années soixante)

Il lance des visions de développement à l’échelle régionale dans les domaines de l’habitat, le transport, la préservation de l’environnement et autres.Le SDRIF s’impose aux documents inférieurs comme les Schémas de Cohérence Territoriaux (S.C.O.T) ou les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU). Dans le dossier de ce document, se trouvent des éléments d’évaluation de la région, des rapports qui présentent les défis des grandes orientations et des synthèses graphiques de destination

12 Recherche sur la réorganisation des Villes existantes en Australie : Densités variées, structurées par des pôles multifonctionnels ( Newman, 1992 : 27 )

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générale des sols. Il vise à contrôler l’utilisation de l’espace et la croissance urbaine en préservant les espaces naturels. A ce niveau, on retrouve les indicateurs de densité régionale, comme par exemple, la densité résidentielle ou d’emploi.

Le SDRIF, issu de la loi SRU, est un des rares documents de planification qui révèle des intérêts nationaux d’opérations.La loi de décembre 2000, relative à la Solidarité et Renouvellement Urbain, est opposée au mitage urbain des espaces ruraux et naturels. Elle incite à la densification et à l’utilisation économique de l’espace. �� Dans un objectif de renouvellement urbain, cette loi veut aider à préserver les zones naturelles et propose de supprimer le plafond légal de densité.La loi revient à l’idée de la ville sédimentaire qui favorise une densification progressive, presque organique. La qualité d’espace de vie est mise en avant dans cette démarche.

1.2.2.1.2.2 L’échelle communale

La base importante de la réglementation urbaine, c’est le PLU (Plan local d’urbanisme). Il s’agit d’un document d’urbanisme de planification qui est opérationnel à l’échelle de la commune et parfois à l’échelle intercommunale. Il remplace les anciens plans d’occupation des sols (POS) depuis 2000. Il permet d’assurer, parmi d’autres, une utilisation économe et équilibrée de l ‘espace (article L121-1 du Code de l’Urbanisme)

Les PLU peuvent favoriser l’augmentation de la densité en faisant évoluer les règles relatives à la construction (les coefficients d’occupation du sol, les hauteurs, les gabarits). Le règlement du PLU peut prescrire une densité minimale de constructions autours des nœuds de transports collectifs.Il doit aussi être compatible avec le SCOT (l’échelon au-dessus), qui fixe les orientations générales de l’organisation de l’espace, mais qui ne fixe plus la vocation du sol. Les SCOT et les PLU sont complétés par des objectifs de réduction de la consommation de l’espace.« La réglementation de la densité peut produire des recommandations et des limitations, mais elle ne garantit aucune réalisation » (Brunner, 2005 : 56 )

C’est au travers du PLU que la notion de densité commence à s’appréhender, et plus encore, au travers du COS qui n’est pas le seul facteur.

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Opérations particulièresDémarches PPP (partenariat public privé)

Il existe des secteurs exceptionnels : les ZAC, les Technopôles, la rénovation des grands ensembles, ou autres qui sont un peu en dehors du règlement ordinaire.Il s’agit des grands projets de ville ou des secteurs qui demandent des outils à part.

L’échelle du quartier/ilôt

L’outil par excellence de la densité est le COS. Pourtant pour être capable d’inscrire un projet dans sa totalité en relation avec la ville, il ne faut pas regarder le COS comme seul instrument de la densité. En ce qui concerne la forme urbaine et le règlement, le COS est très limité. Pour décrire la relation entre densité et forme urbaine, le COS « réel » (calculé à partir de la SHOB) et la densité résidentielle (lgts/ha) donnent des conclusions.

L’article R.123.10 relatif au COS le définit de la manière suivante : « …Rapport exprimant le nombre de mètres carrés de plancher hors œuvre nette ou le nombre de mètres cubes susceptibles d’être construit par mètre carré au sol. »Le but du COS est d’éviter des constructions excessives sur un terrain donné. Il définit un maximum constructible.

Mais comme il ne révèle pas d’information sur la forme du bâti, il peut, associé au CES (Coefficient d’Emprise au Sol) nous en donner un peu plus qu’une idée. Les deux nous révèlent ensemble un peu plus sur la forme du bâtiment : avec un CES de 0,5, par exemple, ce qui veut dire que la moitié du terrain est constructible, associé à un COS de 12, cela nous indique que la forme bâtie va être une tour.

Sabine Guth donne au phénomène de l’utilisation de la densité valorisant surtout l’économie, le nom de « cosification de la ville. Le rapport du nombre d’habitants sur une aire donnée ne donne plus la clé de la planification. » Une tendance qui s’est généralisée depuis au moins 30 ans, sans pour autant ajuster les enjeux complexes des nouveaux tissus de la ville. (Clément, Guth, 1995 : 80)

Le COS semblait pendant longtemps un outil miracle, appliqué souvent dans les grandes opérations. (grands ensembles, villes nouvelles,..) A tel point que la ville a commencé à se perdre. Le COS a été trop longtemps utilisé pour des raisons purement économiques. On retrouve des formes monotones, souvent monofonctionnelles car le COS doit être accompagné par d’autres indicateurs pour assurer une certaine variation et une certaine qualité de l’espace. Aujourd’hui il faut développer une densité raisonnée qui se construit dans le temps.

Sabri Bendimerad remarque que les PLU d’aujourd’hui, qui s’inscrivent dans le contexte du développement durable, mettent les COS entre parenthèses, et il reste à définir les nouveaux modes et seuils pour une maîtrise qualitative de l’espace. (Bendimerad, 2009 : 8)

Aujourd’hui, la planification urbaine tend à favoriser la densité et la diversité.Des lois récentes, comme le Grenelle 1 et 2, fondées idéologiquement sur le développement durable, prévoient la densification.

Les Orientations d’Aménagement par Quartier ou Secteur (OAQS), dans la suite des lois Solidarité et Renouvellement Urbain de 2000, permettent de protéger au maximum les intérêts de l’aménagement d’un quartier et elles assurent à la collectivité une diversité ciblée et détaillée.

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En Allemagne et en Autriche, ces « Bebauungsplaene » sont adoptées depuis longtemps. �� Les nouvelles évolutions des outils d’urbanisme essayent de structurer davantage la ville avec de nouveaux pôles périphériques pour donner un vrai caractère urbain au tissu suburbain. ( Charlot-Valdieu, Outrequin, 2009)

La simple densité quantitative semble dépassée et une poly fonctionnalité sur le plan social et architectural est recherchée. Pour assurer les démarches de ces nouvelles orientations, on a besoin d’outils précis et efficaces : Les OAQS, qui permettent de traiter des stratégies à l’échelle du quartier, peuvent les représenter, mais elles doivent traiter des vrais besoins d’un quartier et non traiter tous les sujets de la ville.

Si la ville, c’est la densité, (R. Koolhaas, Delirious New York) elle ne peut pas seulement être la densité bâtie, comme constate Sabine Guth, « mais bien aussi des événements et des significations. » (Clément, Guth, 1995 : 80)Pour un concepteur, il est extrêmement important de se confronter à différentes échelles pour un choix adéquat. Les niveaux réglementaires sont aussi déterminants que ceux de la maîtrise d’ouvrage. Pour être capable d’inscrire un projet dans sa totalité en relation avec la ville, il ne suffit pas de regarder le COS comme seul instrument de la densité.Plus encore que la densité elle-même, c’est sa perception qui devrait être le critère prioritaire d’une opération. La densité pourrait être une résultante d’une élaboration de la forme .

1.2.2.2 Modulations morphologiques

La densité est souvent difficile à définir en termes chiffrés ; elle est en revanche plus simple à décrire. On parle souvent de la forme (-urbaine) : il s’agit de l’apparence ou aspect visible de la ville.La forme urbaine, souvent complexe, désigne les configurations spatiales de la ville. Elle recouvre des réalités différentes suivant les échelles de perception.

Densités comparéesLa notion de densité est souvent associée à l’image du grand ensemble, composée de barres et de tours. Pourtant nombreuses de ces formes urbaines sont moins denses que certains lotissements individuels, ou certains immeubles collectifs continus.Quelle est alors la relation entre la densité et la forme de la ville ?

Depuis le chapitre précèdent, on se doute que la densité ne raconte pas la forme de la ville, elle est polymorphe, elle change sa forme selon le quartier ou le secteur et ne correspond pas à une forme urbaine spécifique. Elle reste un élément d’appréhension de l’espace qui nous entoure.Une forme urbaine ne conditionne pas non plus une densité spécifique. Une densité forte n’est pas automatiquement synonyme de grande hauteur.

Le Grand Paris est constitué d’une variété de typologies et de formes. On peut les mesurer et les comparer, les évaluer et analyser toutes leurs composantes, mais peut-on vraiment se rendre compte de tous ces lieux ?La densité ne correspond pas à des formes urbaines spécifiques, elle ne prend en

�� Quartier pilote sur le plan écologique : Quartier Vauban à Fribourg-en-Brisgau, entre autres

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compte ni la configuration du territoire, ni la qualité ou la nature de son environnement.L’espace urbain, composé des éléments urbains, est vécu comme quelque chose de subjectif. Une même forme d’habitat peut générer des densités à l’hectare différentes….. (Publication Audart , J.Ludman, P. Dal Cin)

La densité bâtie est, contrairement au COS, pertinente pour analyser un tissu urbain à l’échelle du quartier ou de l’îlot. Elle correspond à ce qu’on peut percevoir sur un terrain.( Db= emprise au sol du bâti fois l’hauteur par surface.) Si le rapport entre la surface et la construction est mathématique, la perception est plus relative selon l’observateur.(Source : APUR, 2003 ) Pour une même densité et une même surface de terrain, on peut obtenir des formes urbaines différentes en variant hauteur et emprise au solComme indiqué auparavant, le COS n’est pas un bon indicateur de la forme.Avec une densité bâtie égale à 1, on peut couvrir, à un niveau, l’intégralité de la parcelle ou un quart de la parcelle de quatre étages. ( Source : Vicky Cheng 2010)

Avec la même densité bâtie sur une même taille de parcelle ou îlot, on peut retrouver différentes formes de constructions. Le graphique montre 3 exemples de configurations possibles du même nombre de logements sur le même terrain. Chiffré, ça donne la même réalité mais, pour les usagers, chaque exemple représente un univers différent. La forme est souvent une raison d’appréciation ou pas d’un quartier.

( Source : IAURIF, note rapide n°383, 2005)

Un COS 1 peut produire des formes différentes:Pour 100m2 de surface bâtie sur un terrain de 100m2, il peut y avoir un bâtiment d´ un seul étage sur toute la surface du terrain, ou un bâtiment de deux étages sur la moitié du terrain.

(Source ; Dessiné par Interland après Institut d’aménagement et d’urbanisme de Ile-de-France, Appréhender la densité ,Note rapide n°383, 2005)

Modulations morphologiques de la densité

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La densité réelle ne correspond souvent pas à la densité vécue par les habitants. Cette catégorie sensible de la densité s’est révélée comme une source d’appréciation d’un quartier et doit être pris en compte dans les analyses.Dans la deuxième partie de ce chapitre sur l’apparence de la densité, on retrouve une référence à l’étude menée par L’APUR sur la densité vécue dans différents quartiers Parisiens considérés comme denses. Le tissu urbain nous aide à décrypter l’âme de la ville, à comprendre son évolution et les raisons pour préférer certaines formes. Ces morceaux de ville permettent de comprendre de ce qui se cache derrière la densité.Voici quelques échantillons de Paris et autres villes à l’échelle d’îlots, chiffrés. (Au minimum pour avoir une référence commune)

(Source : FNAU , 2007 ) Les Morceaux de la ville ont créé des densités différentes

Formes urbaines et densités : Souvent les formes sont trompeuses pour estimer la densité. Certaines formes considérées comme denses ne le sont pas tellement en réalité.

collectif continu collectif discontinu intermédiaire

individuel dense individuel libre

Six types d´ Habitat en densité moyenne étudié par la FNAU (Source : FNAU , 2007, Michèle Rouget, Habitat et formes urbaines)

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La transformation de typologie, si on comprime 50 logements individuels dispersés sur environ 15 ha, en immeubles de logement collectifs à plusieurs étages sur une emprise de 0,28ha.Ce graphique visualise la « gourmandise d’espace » du logement pavillonnaire, phénomène et conséquence d’étalement urbain.

La Consommation d’espace pour 50 logements dans différentes typologies et configurations. (même source : FNAU, 2007)

Le Service Développement des Territoires et Urbanisme a relevé six tissus types, à travers des aspects quantitatifs et qualitatifs. Ils correspondent à différents groupes de densité bâtie : faible (en dessous 1), moyenne (autour 1-2), forte (plus que 2).Les coupes montrent la répartition de différents types de bâti sur le territoire et leur relation avec d’autres constructions ou avec des espaces ouverts. La section aide à comprendre l’importance d’espaces ouverts à la perception de la densité.

( Source : Michèle Rouget, FNAU, 2007)

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1.2.2.2.1 Faible densité bâtie

1.2.2.2.1.2 Les grands ensembles

La Courneuve, 1958-1967

Densité résidentielle : 115 log/haDensité de population : 350 hab/haCES : 0,05Nombre moyen de niveaux : 15Densité bâtie estimée à 0,75

( Source : Michel Deroualt )

Dans un souci de standardisation et de préoccupation quantitatives, les opérations de logement collectif modeste se sont souvent implantées dans les anciens faubourgs ou plus loin en dehors de la ville. Les grands ensembles sont souvent construits sous forme de barres ou de tours, en rupture avec les alignements existants. Parfois, les constructions se trouvent dans des espaces dégagés, sans coordination avec la trame exitante sans tenir compte de la desserte (routes, RATP, SNCF) Les constructions sont pour la plupart moins denses qu’on croit, l’espace autour est souvent mal utilisé ou perdu.

1.2.2.2.2 Densité moyenne Habitat individuelle dense Cité Manifeste, Mulhouse France ; 2005 ; Architectes : Jean Nouvel, S.Ban ; Lacaton/Vassal

( Source : Michèle Rouget, FNAU, 2007)

Tissu mixte Les grands ensembles, habitat collectif dispersé

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Densité résidentielle : 59 log/haNombre de logements : 61Densité bâtie : 0,55CES : 0,72Surface du terrain : 1.035 haNiveau bâti moyen : R+1,R+2

Opération de logements HLM à l’initiative privée (Somco), proche du centre-ville.Le projet, conçu sur une ancienne friche industrielle, a pour ambition de réformer et reformuler la production des logements sociaux standards par la modulation de l’espace intérieur.Les différentes équipes participent à une grande variété architecturale qui donne une identité forte à ce quartier.

1.2.2.2.3 Forte densité bâtie

La ville haussmannienne du XIXe siècleParis, 6ème arrondissement ;Densité résidentielle : 300 log/haDensité de population : 450 hab/haCES : 0,75 (75%)Nombre moyen de niveaux : 6Densité bâtie : 4 à 4,5 ( Source :IAURIF, 2005)Immeubles de rapport, composés d’appartements construits en pierre de taille. Ce nouveau paysage urbain aligné et uniforme génère des densités très fortes, mais se trouve en équilibre avec l’espace public généreux des rues.

Habitat collectif continu

ZAC de Bercy, Paris 12e

Logements collectifs, architectes : Y. Lion, H.Ciriani, Portzamparc, Chaix&Morel 1988/2005

Densité résidentielle : 197log/ haNombre de logements : 1500Densité bâtie : 2,5 - 3Superficie ZAC : 51haNiveau bâti moyen : R+8

(Source : FNAU, 2007)

(Source : FNAU, 2007)

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Programme : Logements, équipements : écoles, cinéma, musée, centre d ‘activités Parc, parking

Cette ZAC qui a représenté une des dernières grandes zones de projet Paris intra muros, s’insère dans un tissu dense et hétérogène et un parc. Le cahier des charges prévoit des règles précises pour une architecture dense et une mixité fonctionnelle.Ces règles permettent néanmoins une variation riche et intéressante d’espaces minéraux ou végétaux.Au RDC on retrouve des commerces en hauteur de volumes variants, des terrasses et des jardins suspendus en lien avec le parc.

Même si certaines de ces formes urbaines ont marqué leur époque et continuent à constituer les villes, elles ne sont que quelques-unes parmi d’autres mises en relation, sans concurrence.Ces formes, issues de politiques volontaristes, ou d’un renouvellement urbain spontané, ou d’une volonté de dédensification, considérée comme bénéfique à la qualité de la vie, retrouvent aujourd’hui un regain par la volonté d’une ville plus complexe.La forme urbaine ne peut pas être réduite au concept de la densité et elle a besoin d’une vision plus large pour mieux équilibrer les espaces, leur usage et leur rapport avec les usagers.

1.2.2.3 La densité perçue –la dimension sensible

« Il y a une contradiction entre densité réelle et densité perçue : la représentation sociale passe avant un indicateur objectif. » (Chambefort, Lensel, 2011 : 56)

Des facteurs individuels et socioculturels de toutes sortes influencent la perception de la densité et chacun évalue et réagit différemment. La densité peut être ressentie et un sentiment d’entassement/surpeuplement peut être généré par des raisons physiques : des espaces restreints, des bâtiments extrêmement hauts, la présence ou l’absence de parcs, ou bien par des raisons sociales, les relations avec les autres, ou encore par des facteurs individuels comme l’âge, le sexe, ou par des facteurs socioculturels. Tout peut influencer notre seuil d’appréciation de la densité. Face à un centre-ville bruyant et agité, quelqu’un de timide, venant de la campagne, va peut-être réagir d’une manière différente que quelqu’un habitué à une grande métropole. Peut-être va-t-il se sentir entassé ou étouffé, mais peut-être va-t-il aussi ressentir ce que Per Haupt décrit comme« une joie urbaine », une appréciation particulière des formes d’interactions arbitraires. ( Haupt, 2010 : 80)Souvent la forme urbaine est un facteur déterminant pour les habitants. L’acceptation ou le rejet passe souvent par la forme urbaine. Il y a plusieurs facteurs qui influencent la perception de la densité à travers la forme : la présence d’une variation de typologies bâties, les espaces publics, la dilatation d’espace à travers des îlots ouverts.Mais aussi les facteurs secondaires, reliés à ce qui se dégage d’un espace, sont peut-être encore plus importants. Peu importe la forme d’un bâtiment : la présence de bruits, d’odeurs, la propreté d’un lieu ou la rencontre non désirée ou forcée avec d’autres, peut influencer le rejet d’un espace. Souvent, dans les tours d’habitation surpeuplées, les liens sociaux sont limités au minimum et le besoin d’être seul est recherché par les habitants. Le sentiment de bien-être chez soi peut s’étaler jusqu’au

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quartier entier et renforcer ainsi son identité positive .( Moch, Bordas, Hermand, 1996)

Aussi le sentiment d’être en sécurité est primordial pour la plupart des habitants. Dans les résidences (très peuplées) avec des espaces difficiles à contrôler, ou dans lesquelles il manque une bonne visibilité, le sentiment de peur peut augmenter et altérer la bonne relation entre les voisins. Le manque d’interactions sociales et l’anonymat sont liés au sentiment d’entassement et ça peut conduire jusqu’au sentiment d’agressivité.

Plus d’habitants signifient moins de contrôle possible, par des forces extérieures et par soi-même. L’isolement personnel devient plus grand et l’autre est perçu comme une nuisance, une gêne. Vivre l’espace est subjectif et cela influence la relation avec les autres. Les corps et le bâti forment la ville, ils sont même la raison de la ville et ils forment une alchimie particulière. Sur cette relation, de nombreuses études, expériences (scientifiques, animalières, etc.) ont été menées. Une vague de production artistique sous forme de films, dessins, littérature, a été nourrie de cette image sombre, pathologique de la ville et de ses relations humaines. L’image culminante de la densité, portée à son maximum, sera Kowloon Walled City à Hong Kong. Sur 2,5 hectares, on trouve, dans cet ancien quartier de pêcheurs, le lieu le plus dense au monde : haut lieu de l’opium, jeux, bandes criminelles, prostitution. Ce véritable monolithe compact, traversé juste par quelques ruelles minces et sombres, est une superposition de peuples, logements bricolés, commerces, lieux probables et improbables, où 35 000 personnes ont illégalement trouvé leur habitat. Ce lieu qui vit 24 heures sur 24, (même la police a renoncé à y entrer), se refait chaque jour et offre une réalité artificielle entre deux idéologies, la Chine et Hong Kong. Ce superblock, dont aucune autorité ne se sentait responsable, a été transformé en parc, il y a quelques années.

Mais restons dans le Paris d’aujourd’hui avec ses quartiers connus : APUR a lancé en 2003 une étude comparative sur le lien entre densités et formes urbaines dans quatre quartiers parisiens qui sont considérés comme denses. 9e Rochechouart, ��e Roquette, 13e Jeanne d’Arc, 15e Falguière)

Source: Apur, 2003, n°10

Roquette 11e : 22 175 habitants COS net = 3,4Falguière 15e : 14 567 habitants COS net = 2,5Rochechouart 9e : 22 212 habitants COS net 4,5Jeanne d’Arc 13e : 20 800 habitants Cos net= 3,2

Rue de Charonne Rue de Falguière

Rue Lafayette Rue du docteur Michet

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Parmi les questions majeures de la recherche, se trouvent la perception de la densité humaine dans un habitat collectif et la satisfaction résidentielle du cadre urbain. Ce qui est étonnant, c’est le décalage entre les densités réelles, mesurées et leur perception par les usagers. Curieusement, la hauteur des bâtiments joue un rôle primordial dans leur jugement. Les habitants des tours ou immeubles très hauts (13e ,15e ) considèrent leur quartier très dense, ce qui, en réalité chiffrée, n’est pas le cas. Dans les quartiers d’immeubles haussmanniens, ils estiment leur quartier reposant. Peut-être que la faible hauteur donne une échelle humaine à ce tissu très dense. Mais la hauteur, la largeur, la taille ou la forme du bâtiment n’est pas encore vraiment déterminante. Il y a une vraie différence de convivialité et sociabilité entre ces quartiers et les interlocuteurs apprécient des endroits actifs où se trouve une palette riche de services.Généralement, la densité humaine/sociale et bâtie est mieux acceptée quand il y a de l’animation, une convivialité : un sentiment d’urbanité. Même si la forme de construction n’apparaît pas si importante, la présence de lieux de loisirs, d’espaces ouverts et généreux influencent la convivialité et la pratique de cet espace.Eduardo Lozano décrit l’urbanité comme le potentiel d’interaction entre les habitants et les institutions d’une ville. ( Lozano, 2007 : 312 -327) Ce potentiel peut être généré d’une part par la densité et peut même encourager une densité encore plus élevée. Une concentration dense humaine peut être la base d’une ville diverse et florissante.

L’urbanité ou centralité sont des notions très élastiques dans leur définition. Elles dépassent ce mémoire mais néanmoins elles peuvent être éclaircies. La perception de la densité correspond peu, avec ses mesures quantitatives, à la densité bâtie ou même à celle de la population. Eric Charmes constate qu’il faut différencier la densité choisie et la densité subie. ( Charmes, 2010 : 24 ) Les grands ensembles, pourtant pas très denses, ont été rejetés parce qu’ils étaient imposés à des populations. Les appartements haussmanniens, symboles de l’habitat bourgeois, sont très recherchés alors que leur tissu est considéré comme un des plus denses.

Mais tout appréciation est relative au point de vue et à l’expérience de chacun. Les « Plattenbau »(barres) autour d’Alexanderplatz à Berlin, symbole de désir et de réussite en l’Allemagne de l’Est, furent détestés/contestés après la réunification. Ils sont, récemment, devenus un des endroits recherchés par les artistes, pour leur loyer pas cher et leur emplacement au cœur de la ville. Il est, aujourd’hui, devenu tendance d’y habiter et de détourner leur identité. Pour Kevin Lynch, l’habitant d’une ville est un acteur de l’espace urbain, qui la parcoure et l’observe. La surprise doit faire partie du parcours de la ville. Il constate que les villes médiévales ont permis la surprise grâce à leur structure compréhensible et à leur forte image. La ville dense permet des parcours et des surprises. ( Lynch,1999 ) Mais est-ce que l’expérience de la ville dense est en train de diminuer petit à petit avec l’étalement au profit de la ville générique ? Comment ne plus diluer l’espace et retrouver la centralité partout, y compris dans les abords de la ville ?

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Bilan de la première partie: Quelle est la bonne densité?

Tout d’abord, il n’y a pas qu’une seule densité, ce qui complique un peu la recherche pour trouver la bonne. La notion de densité n’est pas si simple à cerner. Grâce à Ildefonso Cérdà, elle a fait son apparition dans les discours officiels d’urbanistes. Et depuis, elle n’a pas cessé d’exister dans l’imaginaire français. Elle a été chiffrée, instrumentalisée, oubliée, redécouverte, rationalisée, détournée, aimée, détestée, contestée. D’une description purement physique, elle est passée à un plan émotionnel. A différentes occasions, elle a servi à des institutions et à des politiques qui l’ont utilisée ou contournée. Certains règlements de la densité ont transformé la silhouette de la ville en marquant leur époque. Puis, la densité s’est retrouvée dans un modèle extrême ou contre modèle d’elle-même, comme par exemple les villes verticales asiatiques ou les villes étendues américaines. Selon les périodes historiques, elle a été porteuse de valeurs, et un exemple de vertu de la citoyenneté ou bien au contraire elle a évoqué l’insalubrité, et elle a même été associée à la mort, comme au temps des hygiénistes. Elle reste aujourd’hui un mot parfois lourd de sa mauvaise réputation. Elle pourrait même être un « sujet de crispation », comme Sabri Bendimerad aime la nommer. ( PUCA, 2005 ) Aujourd’hui les architectes et les urbanistes sont quelquefois effrayés d’utiliser ce mot, même s’ils n’en contestent pas le concept.Le terme s’est chargé de connotations négatives : il renvoie au sentiment d’entassement et de concentration exagérée ; pourtant il signifie aussi la fabrication de la ville, de la mixité, de l’urbanité.Du coup, les urbanistes préfèrent parler plutôt d’ « intensité » pour ne pas effrayer. Aussi a-t-on tendance à parler de la compacité, si on regarde la forme qui s’appuie sur ce qui existe. Mais depuis quelques années, avec l’émergence (ou plutôt la conscience) du développement durable, sa représentation a subi un changement. La densification est redevenue intéressante pour s’opposer au mitage du territoire. Les autorités reprennent aussi conscience du bienfait de la densité, car au fond, c’est un outil qui est censé aider à la construction de la ville et ne pas la bloquer. Il s’agit juste de trouver une bonne manière de l’utiliser et de l’appliquer car, à la base, ce terme est neutre, c’est son instrumentalisation qui a généré de mauvais sentiments et quelques soucis. « La densité est un rapport entre les choses », Sabri Bendimerad ne peut pas mieux formuler ce que représente la densité. Au fond, il s’agit d’une explication toute simple. (Puca, 2005 )On peut mesurer toutes sortes de choses, (les hommes, les aires, le nombre d’événements), on peut construire les indicateurs les plus improbables, tout reste finalement relatif. La densité a un côté très subjectif, à part sa dimension calculée. Elle dépend du point de vue et de la référence.Mais jamais nous ne sommes arrivés à la définir exactement : elle échappe à une définition exacte car elle reste complexe. Si la densité fait la ville, ce n’est pas encore tout. La densité est peut-être condition de la ville (Paquot, 2010), elle en est une condition minimum. Mais la densité n’est pas la seule composante. Les échanges sont un des éléments constitutifs de la ville. Pour assurer l’urbanité, il faut les renforcer.Comme le constate Olivier Mongin, « la ville est un mélange de mental et de bâti,

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d’imaginaire et de physique Elle renvoie à la fois à de la matière, à du bâti et à des relations entre les individus qui, coïncidant plus ou moins bien, en font ou non un sujet collectif. » (Mongin, 2005 : 77 )La densité peut être, à un certain point, un bon outil pour renforcer ces relations. Elle est la raison d’une ville. Un seuil minimum de densité peut favoriser les échanges.La vraie réflexion sur la densité aujourd’hui va au-delà de la dimension physique et fonctionnelle. La densité se retrouve au cœur des discussions actuelles, surtout pendant la consultation du Grand Paris. Un des enjeux majeurs du renouvellement urbain est la lutte contre l’étalement urbain qui a pu se propager à partir du développement massif de l’automobile. (Charlot-Valdieu, Outrequin, 2009) L’orientation mise en avant agit dans l’optique d’un développement plus durable, elle est celle du renouvellement de la ville sur elle-même. Cet enjeu d’actualité, fixé dans le SDRIF, ne peut pas être vu de façon isolée, la densité est étroitement liée à d’autres questions, notamment la mobilité.Elle mène également à la gestion des ressources, de l’énergie ou d’une économie de consommation des espaces naturels et agricoles. L’utilisation du sol représente un des enjeux majeurs, le sol vierge étant considéré comme une ressource pas facilement renouvelable. Comment l’architecture peut contribuer à tout ça ?« …Il semble qu’aujourd’hui une connaissance plus complète de ce qui fait la forme urbaine soit nécessaire, pour éviter sa réduction au simple concept de la densité. Cela peut permettre de développer un meilleur usage du sol et de mieux équilibrer le rapport entre les espaces ouverts et les espaces construits. » (Schramm, 2008) Un des slogans actuels pour la densité est le développement sensible des lieux, ce qui demande une approche et des recherches conscientes des besoins des citadins. La recherche de la qualité de vie passe par une multitude de facettes de vies et la situation à l’échelle locale. Prendre des mesures généralisées, c’est devenu désormais contraire à l’idée de la durabilité d’un quartier. Chaque situation a besoin d’une solution sur mesure. Si la densité a été tellement mise en avant comme antidote à la crise urbaine actuelle, elle ne peut pas agir comme une unique formule miracle. Il y a des myriades de densités possibles qui contribuent toutes, à leur façon, à la reformulation de l’espace. Alors comment une seule densité peut être la bonne ? L’architecture, dans sa responsabilité spatiale, doit la reconsidérer dans l’ensemble pour assurer un bon mélange équilibré et une offre riche en équipements et en programmes. Mixité et diversité sont-elles les portes bonheurs d’un bon quartier ? La densité urbaine peut permettre aux architectes et aux urbanistes de repenser les nouvelles formes bâties et d’apporter à la génération future un espace dense de qualité.Au cœur de leurs pensées, il y a toujours la question de savoir comment associer la notion de densité à la continuité spatiale et mentale de la ville, pour retrouver la centralité. Si la ville est une confrontation constante, il vaut mieux qu’elle soit stimulante.

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2. La Densité des équipes

2.1.1 Les enjeux de l’occupation du sol (Modèle IDF en crise ?)

On estime qu’environ 50% de la population mondiale vit dans les villes depuis 2006. En 2015, ce pourcentage atteindra 55%. ( CAUE 75) La vie urbaine a toujours attiré des populations de différentes couches sociales. Il n’est pas étonnant alors que l’Ile-de-France, une des premières aires économiques européennes, qui produit environ 5% du PIB de l’UE, reste toujours attractive pour y vivre. Avec ses plus de 11 130 000 habitants sur 12 012km2, la capitale ne cesse pas de s’agrandir au détriment des espaces agricoles et naturels. (APUR, 2004)L’agglomération parisienne représente une des régions les plus densément peuplées et urbanisées de France. Sur 1% du territoire régional vivent 20% de la population régionale. On y retrouve une forte densité de population : 3 500 habitants par km2 en périphérie, 11 000 habitants /km2 en s’approchant du centre et 20 000 habitants/km2 à Paris. Ce qui est historique : vers 1861, quand les limites de Paris ont été repoussées jusqu’à l’enceinte de Thiers, la densité moyenne était environ de 21 000 habitants/km2 et dans le centre de la ville, dans le 2ème et le 3ème arrondissement, elle était même de 85 000 habitants par km2. (APUR, 2002 : 4) Mais aujourd’hui les densités de population sont moins élevées ; pourtant le tissu s’est compacté grâce à Haussmann. Il y a plus de surface habitable que d’habitants : la taille des ménages a diminué et la taille de surface par personne a augmenté. Les prix fonciers de plus en plus élevés et le développement d’activités au centre ont contribué à la migration de la population vers la petite et grande couronne. En même temps, la région est connue pour sa production agricole et les espaces ruraux qui occupent environ 80% du territoire. Ce qui implique de grandes différences dans l’occupation du sol et des disparités de type de bâti.Le pavillonnaire, la forme d’habitat préférée des franciliens, s’est imposé dans les franges de la ville et est très gourmand en espace. Un des objectifs du SDRIF est de satisfaire la demande en logement urgent, ce qui met en péril cette forme d’étalement urbain. Le schéma directeur prévoit une production annuelle de 60 000 logements en IDF, avec 40% de logement social. �� Entre 2005 et 2030, la région est censée construire au total 1,5 million de logements. ��

Mais les objectifs gouvernementaux sont loin d’êtres atteints.Les enjeux actuels, la densité et le développement durable sont pris en considération par toutes les équipes de la Consultation du Grand Paris.

15 En 2005, l’Île-de-France compte 340 000 demandeurs de logements sociaux dont 104 000 à Paris ; ( source :CAUE 75)16 En tenant compte de la réalité de la population dans chaque département, les célibataires par exemple sont plus nombreux dans Paris intra-muros. En s’éloignant du centre, on retrouve des familles de plus grande taille. Non seulement de plus en plus de personnes vivent seules, mais aussi le comportement des couples et celui de la cohabitation ont changé. (D’après INSEE, enquête projection des ménages, France Métropolitaine à l’horizon 2030 ; 2008 ; p 251 MVRDV livret 2)

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Elles se sont engagées à lutter contre l’étalement urbain et à favoriser une ville dense, compacte, en formulant chacune des stratégies individuelles ou communes qui respectent cet objectif. Tout le monde est d’accord sur les enjeux futurs de la capitale : le manque de logements et la densité-compacité qui pourrait aider à atteindre cet objectif.Aucune équipe ne prévoit l’expansion de Paris / Ile-de-France, même l’équipe « de la très grande échelle », celle de Grumbach qui se base, dans sa vision de l’axe Paris-Le Havre, sur l’existant qu’il faut renforcer.D’ailleurs, « l’existant » représente une autre directive que la plupart des équipes choisissent de respecter.Parmi les questions que les équipes se posent, on retrouve les thèmes d’affinité avec la densité : « Comment concilier le développement de la ville avec une offre suffisante de logements, avec les services, avec l’accessibilité? » Comment arrive-t-on à construire la ville sur elle-même sans perdre en qualité de vie ? Comment produire une architecture durable de qualité tout en satisfaisant la demande urgente ? Mais surtout on se demande : de quelle densité parlent-ils ?

2.1.1.1 La responsabilité spatiale du Grand Paris- Les zones mutables

( Source :Mvrdv, livret 2, p. 89)Espace disponible, calculé par MVRDV, mutable après déblocage : 44% =5319 km2

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(Source : Lin, livret 1, p.90 )Des endroits, zones potentiellement aménageables, développables, à densifier.

Densifions donc ! Le slogan pour une stratégie commune a l’air simple et efficace, mais en réalité la chose est, comme toujours, beaucoup plus complexe.« Le Grand Paris est déjà là. » (Descartes, L1, p.45) Une pensée qui définit une des voies de stratégies de Descartes mais aussi d’autres équipes comme Grumbach, AUC, Rogers et Castro : faire avec ce qui est déjà mis en place et à disposition. Ainsi tous les mandataires considèrent les contours de Paris et son territoire actuel, la zone agglomérée de ce moment, comme point de départ. Aucune des équipes n’envisage une extension urbaine au-delà de l’existant. L’étalement urbain, qui a déjà eu lieu, n’ira pas plus loin. Alors toutes les équipes sont d’accords pour ne plus étaler la ville mais pour la densifier d’une manière ou d’autre. Ils soulignent tous l’importance de réfléchir la métropole à partir de l’existant et de l’enrichir, la transformer, la revendiquer à partir de la situation actuelle.Comment offrir une qualité de vie dans un espace partagé, densifié ? (en respectant les paramètres de l’après-Kyoto ?) Le foncier non bâti, le sol agricole, naturel ou forestier est considéré comme une ressource épuisable, non renouvelable, alors précieux, rare et à préserver. Il faut le protéger et le valoriser. Il est ainsi important de réfléchir à son utilisation de manière responsable et équitable. Mais en même temps, les prévisions du SDRIF prévoient pour la région Ile-de-France la construction de 1,5 millions de logements d’ici à 2030 pour répondre aux besoins urgents de la population. Pour répondre à la question : où mettre les logements et les équipements demandés, les architectes ont réfléchi à un inventaire des terrains mutables ou

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« urbanisables » ( Fabre (dir.), 2010 : 30)Il s’agit des zones ou des terrains qui actuellement ont une autre occupation ou destination mais qui pourraient êtres revalorisés. La plupart des équipes envisagent une telle opération ; elles repensent ainsi les friches industrielles, ferroviaires, militaires ou autres, ou bien des endroits dont la réglementation actuelle empêche l’urbanisation comme des terrains en bord de rivière, ou proches d’infrastructures ferroviaires ou routières, ou éventuellement des forêts. Des équipes comme Rogers et MVRDV ont approfondi la comptabilité de ces terrains et ont déterminé des centaines d’hectares qui pourraient ainsi recevoir un programme. Plus étonnant encore, l’équipe MVRDV a trouvé en théorie plus de 50% de l’agglomération potentiellement concernée et disponible, mais ce chiffre inclut aussi des endroits résiduels de toutes tailles, dont certains pourraient être trop petits pour vraiment servir dans une nouvelle utilisation. « Où pouvons-nous placer ce programme ? Où est cet espace libre ? D’un premier regard, il semblerait que le Grand Paris a plus d’espace que suspecté. Certaines zones proches des fleuves, canaux, rivières semblent sous-utilisées. (….) Certains parcs peuvent être densifiés, certaines routes peuvent être couvertes, des zones autour des aéroports sont en attente de développement, également autour de certaines zones ferroviaires. Nous pourrions intensifier et remodeler certaines zones résidentielles, ou les zones tangentes aux équipements publics et spécialement quand ces équipements appartiennent à l’Etat.Au total : 6 735km2 d’espace mutable, soit 39, 82% de l’Ile-de-France. » (Mvrdv, AMC, p.244) Dans le territoire, on découvre une multitude d’espaces mutables si on se penche plus précisément sur le sujet. Mais où se trouvent ces opportunités et où sont ses limites ? Le territoire du Grand Paris est souvent décrit comme un corps malade composé de morceaux et de membres d’espaces qui sont détachés du centre (Rogers, Livret 1, p.15 ) ou mutilé par des enclaves coupées par des faisceaux infrastructurels ( Descartes, Portzamparc) qui a été réparé petit à petit par des greffes, des amputations, des implantations (LIN).Les mandataires, les docteurs ou consultants proposent des remèdes en forme de stratégies de traitement pour l’ensemble des organismes.Où faut-il agir en priorité ?Comment identifier les lieux mutables et mettre en mouvement une transformation ?Quelles sont les stratégies de la reconquête de l’espace mutable, comment intensifier ou compacter un projet ? Ainsi, la plupart des équipes envisagent de densifier les zones urbaines actuelles et elles montrent toutes les possibilités de le faire. Mais pour la plupart, les mandataires évitent le terme de densification ou densité, considéré comme trop chargé. Cette réserve contre la terminologie tire sûrement son origine dans l’histoire du développement de la densité et dans notre imaginaire évoqué dans la première partie du mémoire. Les équipes essayent plutôt d’utiliser un vocabulaire encore neutre qui désigne une signification similaire que compacité et intensité. Ils se servent aussi d’expressions comme « faire la ville sur la ville » ou bien « urbanisme de recyclage » pour expliquer leurs stratégies de densification. Du point de vue formel, les modèles ou théories dogmatiques de la densité ne sont plus appliqués. L’idée de la tabula rasa n’est plus actuelle. D’autres modes plus subtils sont recherchés : des interventions sensibles, la revendication et revalorisation des lieux, le découvert des endroits perdus et oubliés.

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Comme mentionnée auparavant dans la première partie du mémoire, la densité a besoin d’une échelle de référence pour être comprise et pour avoir une valeur plus précise.Les équipes n’hésitent pas à opérer dans des échelles différentes, de « favoriser la densité à toutes les échelles » (Descartes, livret 1, p.119), de passer de la grande échelle territoriale à la petite, de l’agglomération à l’immeuble, du vol d’oiseau au piéton. Mais de quelle densité parlent-ils exactement ?Castro souhaite promouvoir une ville compacte à l‘échelle métropolitaine. La concentration est une réponse à l’étalement urbain et à sa consommation extensive du sol. Il visualise un développement plus intensif qu’extensif, ce qui demande de nouveaux types d’aménagement. 2.1.1.2 Blocages de la densité

Lin précise la difficulté de joindre forme urbaine générique et objectifs quantitatifs précis. (Lin, livret 1, p.55)Dans l’histoire de la croissance urbaine, la densification et la planification spatiale de Paris, une des questions majeures a toujours été la limitation de cette croissance urbaine et en même temps la réorganisation spatiale d’une manière raisonnée et pratique. Une des pistes peut être la solidarité et les échanges.Il s’agit là de relier les territoires, ces mystérieux arrière-pays de Dominique Delaunay, avec l’ensemble pour ne pas désenclaver des lieux sous-utilisés, mais aussi des endroits loin de notre imaginaire. Mais une multitude de problèmes semble bloquer le développement rapide. « Il y a toujours trop de restrictions, on peut même conclure que le Grand Paris se restreint de façon excessive pour pouvoir atteindre ses objectifs et assumer ses responsabilités. » (Mvrdv, Amc, p.244) C’est un problème non seulement du Grand Paris, mais de la plupart des grandes villes : l’inertie des projets à cause des règlements et des contraintes d’urbanisme, des politiques ou autres. Une des solutions serait une vraie action politique et participative pour accélérer les mises en place des projets et permettre ainsi la réalisation des innovations dans les zones normalement restreintes, comme les zones inondables ou les zones d’autres nuisances. 2.1.2 Thèmes et stratégies communes

2.2.2.1 Vers une consommation raisonnée du sol

«Il faut optimiser le sol, repenser la question des surfaces de stationnement en proposant par exemple des parkings verticaux et rationaliser les tailles des voitures. Il faut mieux partager le sol entre macadam et sol naturel. La chaussée peut s’ouvrir à des usages multiples»

Finn Geipel et Guilia Andi

( Source :LIN, 2009, Livret 1)

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Comment satisfaire les demandes du SDRIF sans épuiser les ressources ? Si la densité est souvent mise en avant comme remède pour le corps francilien malade et tourmenté par les crises, est-ce qu’elle répond aussi bien aux défis du Grand Paris compact ?

Aujourd’hui, semble-t-il, on demande beaucoup à la densité : elle doit miraculeusement répondre à la demande de logement, de mixité, et d’urbanité. En plus, elle doit nous étonner avec sa forme spatiale qui ne doit pas polluer, tout en étant durable, saine, belle, rentable et propre. La densité peut augmenter les capacités économiques et culturelles d’une région, mais elle doit être bien réfléchie par son architecture et doit s’adapter d’une manière sensible aux besoins de chaque rayon d’intervention.« L’artificialisation du sol est un des défis majeurs de la région : 15km2 de terre en Grande Couronne par an sont grignotés d’une manière conséquente, ce qui correspond à deux fois la taille du Bois de Boulogne. » ( Bendimérad, 2009 : 24) Ces zones s’étalent plus vite que la population augmente. L’artificialisation du sol veut dire que l’usage des terres agricoles ou forestières change. Pourtant l’usage n’est pas réglé, il peut être destiné à se transformer en industrie, en infrastructure, habitat ou parc. Claude Cheverry explique pourquoi le sol est particulièrement important dans la zone urbanisée. « Le rôle du sol urbain ne se limite pas à supporter des bâtiments, des routes ou à abriter des canalisations. Le sol, une couche superficielle de 2 à 5 mètres d’épaisseur, nourrit les végétaux, présents dans la ville par exemple dans les espaces verts. Il filtre l’eau qui traverse des surfaces urbaines et épure aussi les déchets dont on se débarrasse à la surface de la ville ou de la périphérie. » ( Cheverry, 2005) L’artificialisation des sols rend les surfaces imperméables, ce qui peut poser un vrai problème au niveau du drainage. Les politiques publiques essayent d’appliquer les règles de la densité comme outil pour maîtriser cet étalement urbain. Plusieurs équipes de la consultation proposent des intensifications ou superpositions de terrains actuellement artificialisés mais disponibles, en y plaçant des infrastructures ou bien des logements, commerces ou bureaux.Selon LIN, les exigences du protocole de Kyoto montrent « les vertus de la densification urbaine du point de vue de l’écologie, de l’économie, de la vie sociale, de la connectivité, du potentiel créateur d’identité. Mais qui dit densification doit penser

( Source :IAURIF, 2005) L´ etalement urbain, la consommation d´ espace en Ile-de-France:Entre 1800 et 2005, l´ agglomération parisienne a eu des phases de forte croissance démographique. Même si plus récent cette croissance est ralentie, l´ etalement poursuit.

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aussi à son autre face : le diffus qui l’entoure. » ( AMC, 2010 : 191)Finn Geipel voit dans la vision d’alternance entre « absence et présence », entre ville dense et ville légère, un moyen d’intégration de « Paris dehors avec Paris dedans ». L’espace de circulation, qui apparaît spécifiquement dans l’âge industriel, est né en même temps qu’une nouvelle discipline, « l’urbanisme », nommée par Ildefonso Cerdà. Par de nouveaux acteurs et de nouvelles modalités techniques, le système viaire et parcellaire subit des changements. Notamment les échelles commencent à muter et à se transformer. La ville est pensée comme un ensemble de systèmes de réseaux qui sont liés et accordés entre eux. (Choay, 2003 :120)

L’équipe de MVRDV a établi une carte des endroits d’urgence. Oú intervenir en priorité? En superposant des cartes indiquant les zones pauvres, mal desservies, défavorisées, et les densités de la population. (Source : IAURIF, 2007, repris par MVRDV)

2.2.2.2 La ville compacte

Les équipes ont tous trouvés la compacité de la ville comme règle majeure d’urbanisme. Il faut construire la ville sur la ville. Par la compacité, les mandataires espèrent générer l’efficacité dans le fonctionnement de la ville et dans l’interaction, puis une plus grande urbanité. Socialement et culturellement, les habitants peuvent profiter d’une proximité plus réduite. Descartes, Lin et Grumbach voient notamment dans la proximité un stimulant d’échanges. Non seulement les distances parcourues et le temps des trajets se réduisent, mais aussi les coûts énergétiques se minimisent avec une ville plus compacte. Les réseaux et les infrastructures peuvent ainsi devenir plus rentables, les installations communales peuvent être plus efficaces. Pour les activités économiques, la ville compacte devient plus intéressante, les coûts de logistique diminuent.

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Mais où est-ce que la ville actuelle peut absorber toutes les demandes de croissance de la métropole ?Pour trouver les terrains adaptés face à cette problématique, l’objectif est d’identifier tous les terrains mutables à travers la métropole, à toutes les échelles.Grumbach voit dans Seine-Métropole, une réorganisation du territoire à partir de la géographie, une nouvelle hiérarchie s’installe, fondée sur la revalorisation du foncier.Les terrains à forte potentiel de développement auront une grande valeur dans l’avenir. La stratégie de toutes les équipes de la consultation est de trouver ces terrains mutables et de proposer des usages potentiels. Ainsi on retrouve des intérêts pour tous les terrains vides, sous-utilisés, abandonnés. La ville étalée, dispersée manque parfois de dynamisme.Ce modèle dispose de beaucoup d’avantages. Un développement urbain maîtrisé peut aider à la régénération des zones urbaines existantes ou bien à la réutilisation des anciens terrains sous-utilisés. Les zones densifiées peuvent empêcher l’expansion urbaine en préservant les terrains naturels. Le réseau dense de transports est plus efficace et accroît l’accessibilité et la mobilité en diminuant la pollution par l’usage de la voiture. Un tissu dense qui engendre une densité élevée de la population garantit une meilleure mixité sociale et encourage aussi par leur proximité les déplacements en vélo. Prenons l’exemple de Los Angeles, la ville étalée qui figure comme cadre dans tant de séries policières et de thèses. Autrefois, cette ville a eu un noyau dense, la « Downtown », parcouru par des tramways. Aujourd’hui ses formes urbaines qui résultent de la pression de lobbyistes automobiles doivent être repensées face au choc pétrolier vers un modèle plus compact.Richard Rogers cite Barcelone comme l’exemple d’une ville dense réussie. ( Rogers, 2000 : 18)La clé de son succès, c’est le sens avec lequel il harmonise la ville existante : elle est dense, compacte, vieille, coincée entre les montagnes et la mer.Le développement des espaces publics se fait en accord avec les habitants, de toutes les classes sociales. Les habitants participent à la transformation de leur quartier, ce qui les rend fiers de leur ville. Selon Richard Rogers, les villes ont besoin d’une masse critique de gens et d’activités pour marcher proprement et pour être efficace.Malgré l’explosion de la technologie et de l’information, le contact humain, le face-à-face reste encore un facteur essentiel pour le développement social. Les villes peuvent être le cadre de ce nouveau réseau de communication. Un réseau dense, interconnecté, ultra connecté et diversifié pourrait permettre de nouveaux échanges, des innovations et stimuler de nouveaux contacts pour rester une ville vivante.Les villes doivent être adaptables aux changements constants et la structure de la ville peut aider à accomplir cet objectif. Le tissu peu dense, comme le « sprawl », « la citta diffusa » ou encore la « Zwischenstadt » peuvent selon LIN se transformer en ville légère et flexible qui pourrait accueillir de futurs changements.

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2.2.2.3 Raisonnement en strates

« Les strates sont des phénomènes d’épaississement sur le corps de la terre, à la fois moléculaire et molaires. Ce sont des Ceintures, des Pinces ou des articulations. Chaque strate ou articulation consiste en milieux codés, substances formées. Les épistrates et parastrates qui subdivisent une strate peuvent-elles même être considérées comme des strates. Il y a une grande mobilité de strates. Une strate est toujours capable de servir de substrat à une autre, ou d’en percuter une autre indépendamment d’un ordre évolutif. Surtout, entre deux strates ou entre deux divisions de strates, il y a des phénomènes d’interstrates : des transcodages et des passages de milieux, des brassages. Les rythmes renvoient à ces mouvements interstatiques, qui sont aussi des actes de stratification. » ( Deleuze, Guattari, 1980)

Les strates (ou niveaux) peuvent êtres dures ou molles. Pour moi, les strates dures, immobiles, sont les niveaux de contenant : des constructions avec leur inertie particulière comme la plupart des bâtiments. Les strates molles sont les contenus : les flux de gens, d’information, de transport, toute sorte d’échanges, mouvements et interaction temporaire qui réagit plus vite à des changements. Plusieurs mandataires, comme Christian Portzamparc, Mvrdv, Secchi, AUC par exemple, réfléchissent et raisonnent en interventions denses : une seule forme de strates. Soit ponctuelle, dynamique, fluide, soit de forme surfacique qui semble figée dans l’espace. Le raisonnement en strates, en superposition de niveaux comme un carottage géologique, permet de plier l’espace et faire interagir différents niveaux de temps dans une même temporalité.

On y retrouve, sur un espace comprimé, soit en sous-sol ou sur des constructions, différents flux et informations qui créent de nouvelles polarités.Souvent, cet imaginaire en niveaux superposés à l’intersection des transports, devient des super-lieux de connectivité et du programme complémentaire. Comme la densité et la mobilité sont des thèmes qui s’influencent, il semble logique de les réunir dans un même lieu en les intensifiant tous les deux. Ces nouvelles polarités s’appellent archipel (Portzamparc), hauts-lieux (Nouvel), cluster hybride (AUC), pôles intenses (LIN), commutateurs (aéroports et gares : Portzamparc, Castro, gare-intense : Descartes), millefeuille programmatique (Grumbach), noeuds (Secchi, LIN), plateforme intermodale (Rogers), polycentres (Rogers, LIN, Portzamparc). La stratégie de strates permet de travailler sur plusieurs échelles.Mais toutes les formes respectives renvoient à l’image d’un attracteur spatial et programmatique, qui réunit de multiples fonctions, gère les flux intenses et attire la population.L’idée des mandataires est de passer d’un urbanisme de production et d’extension à un urbanisme de revalorisation : en récupérant des surfaces sous-utilisées, en les superposant ou en renforçant des centralités déjà existantes.

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2.2.2.4 Recyclage

Fabriquer une ville doit être un « travail savant de bricolage » (Lévi-Strauss, 1962 : 30) en forme de composition d’éléments neufs à partir d’existants. Si le slogan actuel est « faire la ville sur la ville » (Descartes), il faut travailler avec ce qui est à la disposition actuellement. Cette forme d’utilisation raisonnée des composants actuels du Grand Paris est l’ingrédient essentiel de la ville durable et surtout de la consultation du Grand Paris. D’après l’équipe de Castro, il faut développer des non-lieux tels que définis par Marc Augé dans son livre du même titre. (Augé, 2008 :15) (et par exemple, envisager des lieux improbables comme les plates-formes de stockage et de distribution.) Recycler la ville est un geste qui a besoin d’une planification particulière et une perspective lointaine, mais surtout il faut rester inventif et imaginatif, car les lieux à l’écart et sous-estimés, aujourd’hui, peuvent se transformer en lieux d’urbanité désirables, demain. Les aménageurs peuvent faciliter ce processus par une ouverture vers un usage programmatique mixte des espaces. Parfois des régulations trop serrées concernant l’usage du territoire empêchent des usages variés.Françoise Choay souligne l’importance de maintenir la coexistence entre des « formes nouvelles et des formes anciennes ». ( Choay ; 2003)

Les mandataires à la recherche d’espaces potentiels, mutables dans le territoire tombent sur toutes sortes de lieux à investir. Soit naturels, gelés par des réglementations, ou des endroits déjà perméables qui offrent du potentiel pour être investis.Les lieux particulièrement intéressants pour intervenir et densifier sont les espaces enclavés ou coupés par les voies ferrées ou autoroutières. Ils se retrouvent dispersés sur le territoire entier. L’enjeu est de récupérer ces fragments de ville et de les souder à la métropole. Ces petits et grands espaces offrent un potentiel énorme de lieux d’intervention. Ils peuvent devenir de nouvelles armatures ou axes métropolitains qui abritent des programmes et permettent par des nouveaux accès de désenclaver et d’intensifier ces nouveaux morceaux de la ville. Ainsi les Terrains le long des infrastructures après la dépollution sont propices pour les constructions.Les zones naturelles, les territoires ou terrains gelés en prévention des risques d’inondation (ZPRI) offrent aussi des lieux pour des densités ou intensités innovatrices.Notamment l’équipe de Descartes ou celle de LIN propose de réétudier ou de reprendre les études sur les inondations pour réviser les zones qui pourraient éventuellement être adaptées à des constructions avec des procédures particulières. Les bâtiments pourraient être adaptés aux aléas des inondations.Une autre forme de recyclage consiste à revaloriser des enclaves, espaces sous-utilisés ou coupés, morcelés par des faisceaux d’infrastructures.(par exemple les échangeurs routiers, très gourmands en espace)Pour arriver à investir dans ces lieux originaux, il faut d’abord inventer de nouveaux moyens juridiques et réglementaires pour permettre une évolution de ces endroits qui sont actuellement très restreints à la construction.

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2.1.3 Articuler les échelles

Le Grand Paris à plusieurs densités …

« La banlieue présente l’illustration dégradée d’un espace corbusien mal éclaté et mal classé, où la fonction de logement, hypertrophiée, ne laisse pas place aux autres types d’activité et d’où la rue a disparu sans la contrepartie d’unités et de liaisons fonctionnelles. » « (…) Ce grand concept opératoire du XIXe siècle acquiert une dimension nouvelle en devenant connexion, regroupement selon une logique dont on pourrait dire, par métaphore, qu’elle passe de la linéarité à la topologie. Ainsi, au niveau de l’aménagement, il devient possible de se libérer de la forme de classement primaire qu’est le zoning. La nouvelle logique des opérations permet de procéder à des groupements originaux qui font éclater les traditionnelles fonctions d’habiter, travailler, se cultiver, en les intégrant dans un champ plus vaste. » (Choay, 2003 : 110)

Densité actuelle de Paris par rapport à son territoire Lin, 2009, livret 1:. 12

2.1.3.1 La densité dedans-dehors

La densité n’est pas répartie sur le territoire de la même manière. Il n’existe pas un paysage de densité homogène. La métropole parisienne actuelle présente un déséquilibre entre les densités intra-muros et celles de la périphérie. Ce qui interpelle le bon fonctionnement démocratique et social de la région. Si la rupture entre « dedans et dehors » a des raisons historiques et politiques, elle fait partie de l’héritage actuel, c’est un enjeu avec lequel la capitale est confrontée. Une forme de passé qui, selon François Choay, est responsable d’une banlieue générique. ( Choay, 2010) A Paris, la densité peut facilement dépasser 25 000 habitants par km2. (ce qui correspond à 250 hab. par aire de 100m x 100m) (APUR , 2003)En passant la « frontière » du périphérique, on trouve des densités de moins de 1000 habitants par km2 sur le territoire de la Grande Couronne.On trouve aussi une inégalité de services et d’équipements. Au cœur de Paris, ils sont très élevés et très divers mais ils diminuent progressivement en allant vers les limites extérieures de la région. (ou extrémités de l’Ile-de-France)Les chiffres correspondent à une moyenne statistique et les densités sont en réalité regroupées et dispersées en patchwork de différentes quantités.L’inégalité de répartition entraîne de nombreux déplacements dans la région. L’offre est non seulement variable entre zone centrale dense et zones rurales, mais aussi entre les zones socialement favorisées ou pas. (IAU, 2009)

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Ainsi, les zones denses urbaines favorisées se caractérisent par un suréquipement dans certains domaines par rapport aux moyennes régionales (réseaux de transports publics, crèches, médecins spécialistes, commerces de proximité, culture), mais par un sous-équipement dans d’autres domaines (médico-social, sports de plein air)…Le tissu urbain typique du centre parisien concentre la population à proximité de nœuds de transport en commun, de lieux de travail et de culture.En revanche, les départements de la grande couronne sont mieux équipés en commerces de grande taille, en équipements sportifs qui consomment beaucoup d’espace, en service médico-sociaux entre autres. Certains départements fortement touchés par les difficultés sociales comme la Seine-Saint-Denis se retrouvent dans une situation défavorable pour une grande partie des offres.La politique d’inégalité a aussi entraîné l’isolement et des phénomènes curieux. Ainsi La Défense a bien profité sur le niveau économique de l’exclusivité ou plutôt l’exceptionnalité de son adresse. Ce quartier d’affaires en dehors de la limite de Paris profite néanmoins du Code postal parisien, ce qui a favorisé l’installation d’entreprises dans cet endroit. Densifier la petite et grande couronne est aussi un défi écologique, compte tenu de la défiance des réseaux de transports publics. Si les habitants doivent se déplacer beaucoup en voiture, ça contribue à la pollution et au gaspillage d’énergie.Pour la reconquête des espaces mutables, leur développement dense, les mandataires raisonnent à plusieurs échelles. Ce qui est nécessaire, car il n’y a pas une seule densité, ce qu’on a vu dans la première partie du mémoire. La densité a besoin d’un rapport et dans le cas du Grand Paris, d’une échelle opérationnelle.Chaque taille d’intervention a besoin de sa propre stratégie. Ce qui marche pour la grande échelle est, en zoomant sur la petite échelle du quartier ou îlot, pas vraiment valable. Les stratégies doivent être adaptées et étudiées pour chaque raison d’être. Si à l’époque des grandes interventions, l’aménagement en zones était la pratique habituelle, les stratégies de la densité actuelle commencent à se sensibiliser et à s’intéresser à des interventions ponctuelles, adaptées plus particulièrement à la problématique du quartier ou même du bâtiment.

Mais pour rentrer dans cette complexité, des études plus pointues sont nécessaires. Un simple « top-bottom » mécanisme d’aménagement est sûrement nécessaire pour évaluer les grandes lignes générales d’une opération, mais il faut rentrer dans la problématique de l’endroit d’intervention, et celle-ci a besoin de la mise en place d’une hiérarchie d’échelles. Il faut vraiment rentrer dans la problématique d’un quartier et de ses franges pour comprendre l’échelle du quartier et même aller encore plus loin, du plus grand au plus petit.Les mandataires, malgré leur manque de temps pour vraiment étudier très précisément toutes les échelles, soulignent l’importance de le faire. Ils essayent de proposer des densités à toutes les échelles. Parfois leur raisonnement semble similaire et on le retrouve à l’échelle territoriale comme à l’échelle du quartier. Mais le message n’est pas le même en détail, et le résultat diffère en regardant de plus près. On retrouve des figures similaires de raisonnement spatial à plusieurs échelles.Les mandataires argumentent en surface, en lignes, en points et singularités. Leur densité revêt des formes poétiques, rationnelles, imaginaires, scientifiques ou autres, mais elle reste comme toujours, singulière et individuelle, car il n’y a pas une seule densité.

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2.2 L’Echelle territoriale

La particularité du Grand Paris, c’est « l’emboîtement de plusieurs échelles » et les réalités variées et simultanées sur le même territoire. ( Panerai, 1999 :118)L’échelle de voisinage s’insère dans l’échelle urbaine plus large ; les espaces de l’activité sont emboîtés dans l’échelle métropolitaine. Pour réconcilier les territoires morcelés, il faut encourager et maintenir des voisinages et créer ou renforcer de nouvelles centralités. Souvent on retrouve des urbanités déjà existantes mais isolées soit par le système du transport ou bien par leur manque d’ancrage dans le quartier.A l’échelle territoriale, il faut considérer les liens plus larges. Il faut penser à des structures qui peuvent relier les endroits à développer et à densifier. Il faut mettre le point de levier là où il désenclave et met en réseau.A cette échelle, la densité retrouve un amie inséparable : la mobilité. La lecture du territoire prouve le sens et la dynamique de cette liaison. La densité ne peut pas être pensée sans ce lien, même si ici, une vraie élaboration de la thématique de la mobilité serait trop large à traiter. Ces liens peuvent redynamiser la ville et renforcer la mixité. L’équipe de Grumbach voit dans la grande échelle un moyen de régler les effets négatifs. La grande échelle révèle des stratégies d’urbanisme comme celle des déplacements, mais aussi celle d’une offre résidentielle diversifiée. Entre intensité urbaine et urbanisme diffus, les projets peuvent prendre des formes générales et s’articuler autour des centres existants. Le mandataire Djamel Klouche affiche un intérêt particulier pour le mécanisme de la sédimentation à la grande échelle. ��

2.2.1 Compacte, multiplié, raisonné

Le groupe Descartes voit la solution à la demande de logement et d’équipements par la densification successive, « par partie », du territoire. Cette densification est envisagée sur toutes les échelles, de la plus métropolitaine à la petite échelle du quartier ou même du bâti. Comme les échelles et les interventions s’imbriquent, il faut, à leur partie superposée, créer des liens en forme de densités ponctuelles ou linéaires. La ville ne consiste pas seulement à l’agglomérations de bâtiments, mais surtout aux liens entre ceux qui habitent l’espace et les lieux de rencontre et de partage. C’est la relation des habitants à leurs lieux et entre eux qui forme la ville intense et dense en usage. L’équipe Descartes envisage la formation d’une vingtaine de villes de taille moyenne à partir des endroits déjà bien urbanisés.Cela permet d’agir immédiatement sur des besoins urgents actuels et cette démarche permet également une plus grande souplesse par rapport aux actions d’une très grande ville centralisée. « Aller plus vite cela veut dire aussi pouvoir se débarrasser de cette superposition de règlements urbains qui n’ont pas réussi à réduire l’écart culturel et architectural entre Paris et la banlieue. » (Descartes, AMC, 2010 : 61)

17 Le nom de l’agence AUC , latin : « ab urba condita » signifie « depuis la fondation de la ville.

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2.2.2 Les Zones d’intervention

Chaque équipe a élaboré des zones d’intervention ou d’urgences pour projeter la future croissance démographique du Grand Paris.L’équipe de Grumbach imagine que La Seine Métropole pourrait accueillir un accroissement démographique de 30% autour de 2040, ce qui correspond à 4 millions d’habitants de plus. Ils imaginent une répartition en trois phases et lieux. Un tiers de l’accroissement serait absorbé par les zones déjà urbanisées qui seront densifiées dans l’avenir, les autres parties d’accroissement trouvent leur place soit dans l’extension des périmètres urbanisés ou dans le territoire, ce qu’ils appellent l’urbanisme diffus. En testant leurs hypothèses, l’équipe trouvait une limite à la densification urbaine future sur le territoire atteint autour de 2030. Avec les exigences du SDRIF, on se retrouve à un point du développement urbain, où les propositions de densification traditionnelle ne sont plus valables. Les extensions de l’agglomération ne sont plus souhaitables, pourtant il manque des logements et des espaces d’urbanité. À la recherche des zones mutables, l’extension urbaine en forme de périurbanisation, très gourmande en espace, n’est plus la solution idéale. Il faut trouver d’autres stratégies de densification.Mais actuellement, on se retrouve dans le dilemme de ne plus savoir comment.L’habitat dispersé dans la métropole doit aussi être possible mais avec modération et avec des changements de proximités et de comportement. L’équipe Grumbach propose le modèle où le travail à domicile doit être possible pour éviter les quartiers dortoirs, qui se vident la journée. MVRDV recherche et trouve des terrains mutables grâce à la déduction à l’aide du « City-Calculator », un outil de simulation. À la recherche des capacités du Grand Paris, l’équipe trouve des espaces disponibles après avoir « débloqué » des territoires contraints par nuisances ou règlements particulières.

Foncier potentiellement disponible en IDF(source: Descartes, 2009, livret du chantier :95)

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Espace disponible après le déblocage des lieux contraints par nuisances ou règlement.Ces zones sont potentiellement libres à investir, à intensifier et à développer. Mais le raisonnement par grande surface territoriale reste très abstrait. Pour vraiment tester les scénarios possibles et les potentialités réalistes de ces lieux, il faut regarder chaque quartier de près. Actuellement, cette carte reste encore un imaginaire plein d’espoir.

2.2.3 Stratégie des articulations

Le Grand Paris peut-il s’organiser à partir d’un modèle de densification continue et décroissante ou doit-il au contraire s’organiser autour de pics d’intensité urbaine ?« Le développement radioconcentrique de la capitale est une étape dépassée et la métropole qui s ‘annonce est constituée de tissus à fortes identités spatiales et sociales. Il faut affirmer cet état du déjà-là pour construire et développer, sans schéma égalisateur dans les relations entre un centre dense et des horizons métropolitains complémentaires. » (MVRDV, Livret , : 225) Plusieurs équipes comme celle de Castro-Denissof-Casi, Rogers , Secchi, LIN et Grumbach se sont prononcées pour rompre avec un Grand Paris dense en forme radioconcentrique, dominé par son centre historique et compact. Elles envisagent des alternatives face au modèle de croissance radioconcentrique de l’agglomération. Développement de centres multiples imaginés différemment selon les équipes, soit en pétales de fleurs qui entourent un centre, soit en archipel, soit en forme rhizomique, soit plusieurs petites villes moyennes. Tout revient à la même impulsion : multiplier des centralités et les disperser sur le territoire d’une façon homogène, démocratique et consciente.L’équipe de Grumbach voit une métropole où les intensités urbaines sont associées aux territoires géographiques avec leur propre identité de lieu.Castro s’appuie sur la géographie pour construire le Grand Paris multipolaire.Les centralités actuelles autour de Paris ne sont pas considérées comme suffisamment fortes pour vraiment jouer le rôle d’une alternative centrale. Selon Sabri Bendimérad, la densité fabrique un paysage, mais en même temps elle nécessite elle-même un paysage. « Les enjeux écologiques auxquels la métropole est confrontée rendent nécessaires l’appréhension de la densité comme un système et non comme une réponse à l’étalement urbain. Ainsi la préservation des vides, la porosité des sols, l’eau comme ressource , tout ceci procède d’un même ensemble. » (Bendimérad, 2009 : 184)

( Source : Lin, livret 1, p.12)Transformations de la hiérarchie des densités par dispersion des centralités

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Le travail des équipes pour la consultation consistait à trouver ce paysage, le reconquérir et proposer des systèmes de densité adéquate.

Une de stratégies de concentration urbaine à la grande échelle est la multiplication.Il s’agit de trouver une formule efficace ponctuelle, concentrée, qui ait la capacité de rayonner et d’attirer. Ces nouveaux aimants territoriaux peuvent ainsi êtres modifiés et adaptés en fonction de leur emplacement. Les nouvelles centralités sont ainsi dispersées sur le territoire et installées dans des endroits stratégiques. Essaimer les fonctions d’une métropole sur le territoire veut dire densifier les ponctualités stratégiques : équilibrer le territoire en dispersant les centralités partout, de façon homogène.La plupart des mandataires voient, dans la répartition équilibrée, une démocratisation spatiale des points de centralité. Ces points dialoguent entre eux et avec le territoire dans un système de réseau. Cette spatialisation peut passer par des points stratégiques, mais peut aussi être raisonnée en lignes, en surfaces.Le geste de densification sur le grand territoire passe par l’addition, la multiplication des centralités, par la superposition des programmes dans des points importants ou par la dispersion. Finn Geipel voit 3 thèmes automatiquement branchés à la densité : ils définissent les systèmes de la répartition sur le territoire : ce sont les rapports avec les espaces naturels, les infrastructures et la durabilité. La ville ainsi connectée devient polycentrique ou « polynucléaire ». (LIN, livret 1 : 15) Elle s’organise en forme de centralités denses qui sont branchées entre elles en réseau dense et efficace.

2.2.3.1 Polycentralités : articulations hiérarchisées

Ce modèle homogénéisant s’oppose à l’idée d’un centre unique, dense qui a une périphérie décroissante, perdue. Cette organisation prolonge la vie d’une ville et affirme le principe de durabilité et de continuité spatiale par ses interconnexions et modalités non encore explorées. Le schéma arborescent du « Polycentrisme à la Tokyo » ( Portzamparc, Livret 1 : 48) sert de système exemplaire pour une densité souhaitable pour le Grand Paris.

Evolution d’intensification urbaine : la ville reste « légère », mais peut accueillir de futures centralités sans être complètement saturée.( Lin, livret 1 : .13)

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( Source :Portzamparc, livret 1 : 58) Eclatement des hiérarchies par la figure de rhizome.Raisonnement par rhizome : penser à densifier avec l’incertitude du futur : anticipation qui laisse suffisamment de possibilités pour agir, pour croître et pour se compacter, sans savoir quand elle sera finie. Une figure avec une alternative permanente, qui « laisse la place à l’inconnu ».( Portzamparc, livret 1: 39) L’équipe autour de Descartes visionne chaque habitant près d’une centralité. Le territoire serait décomposé en villes de taille moyenne, représentant les nouvelles centralités qui démocratisent la première et deuxième couronne.Suivant le slogan « améliorer l’ordinaire », l’équipe cherche à intensifier des lieux déjà investis en les densifiant et diversifiant. ( Descartes, Livret 1 : 112) Portzamparc pense à un modèle alternatif à la ville compacte : « Ce qui apparaît aujourd’hui comme le mode de réponse idéale à l’exigence d’économie de la ressource, mais qui, par sa conception uniformément dense, offre peu de place à la flexibilité, à l’inconnu. C’est à l’inverse tout l’intérêt de la figure du rhizome qui, en quelque sorte, préserve l’avenir, en préservant des vides dans le développement métropolitain. » ( Portzamparc, livret 1 : 39) Portzamparc pense ici à une structure durable, une piste que l’équipe de Lin suit également. Il s’agit de rythmer le territoire, d’alterner le dense avec le vide, de préserver, de créer des liens, de mailler les différentes fonctions en pensant à la réversibilité.La Structure rhizômatique a le potentiel de laisser la place au hasard.

Dans la métropole post-Kyotô, la poésie urbaine, l’idée du patchwork, celle du développement multipolaire hiérarchisé et même l’impératif de compacité dont il sera question plus loin imposent de ne pas urbaniser de façon systématique et univoque

Structuration des centralirés ( Portzamparc, Livret 1, 2009 : 60)

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tous les territoires disponibles, au gré des opportunités foncières. L’urbanisation doit au contraire, être le terme d’une «analyse sensible et inventive » (Bernard Lassus)

(« L’Alternative du paysage », article publié dans le numéro 1 de la revue Le Visiteur, automne 1995, et développé (en langue anglaise) dans son livre Subur-banism and the Art of Memory, AA Publishing, Londres, 2003.)

« La notion de la polycentralité ne renvoie pas qu’à des espaces urbains ou à des pôles d’excellence (savoirs et économies), elle a une signification plus large qui passe par la géographie et l’analyse des paysages, la prise en compte des réseaux et des points de convergence. » (Panerai, 1999 : 134)La constellation actuelle du territoire est parfois fruit du hasard géographique, historique ou politique. Plus dynamiques, les centralités dispersées sur le territoire permettent de démocratiser la région à travers des urbanités ponctuelles.Avec ce système, les équipes souhaitent rompre avec l’image de couches d’oignons radioconcentrique qui hiérarchise l’espace et creuse les inégalités.

Centralités, densités connectés (Rogers, livret 1 : 55)

Les équipes de Rogers Stirk Harbour et Partners RSHP ont raisonné un New Deal pour le Grand Paris par rapport aux inégalités des densités dedans et dehors Paris intra-muros. C’est la réponse possible à la ville polycentrique parisienne, au modèle de la ville polycentrique compacte.

Le centre historique très dense et très dominant ne reflète plus l’évolution de la métropole d’aujourd’hui car il s’est figé sur lui-même sans expansion possible, grâce à des gabarits maximums et d’autres règlements rigoureux urbanistiques.Dans une perspective d’une densification mélangée avec des proximités plus intimes, l’équipe projette une intensification des pôles existants situés en petite et grande Couronne. Les nœuds déjà pratiqués et connectés avec le Paris-centre historique seront renforcés et surtout reliés entre eux. Ainsi chaque pôle densifié et intensifié a le potentiel de fonctionner de façon plus autonome que maintenant, offrant du travail, des loisirs et une vie urbaine, tout en développant son caractère particulier selon les lieux. Cette procédure pourrait vraiment aider à la création d’une identité locale et en même temps renforcer le sentiment d’appartenir à une métropole, à un ensemble encore plus grand. En densifiant la région de cette manière, le centre mais surtout les localités profitent d’une stimulation économique ou autre. Les nouvelles polycentralités de grande diversité (LIN) peuvent attirer des entreprises de tailles différentes pour assurer une bonne compétitivité internationale. Les inégalités entre le centre et sa périphérie pourraient ainsi être diminuées.

Aujourd’ hui Demain

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2.2.3.2 Multiplication et la dispersion

2.2.3.2.1 Nœuds

Le tissu urbain typique du centre parisien concentre la population à proximité des nœuds de transport en commun, des lieux de travail et de culture. Pour le Grand Paris, les équipes essayent de retrouver les avantages de proximités de tissu dense. Les nœuds polycentriques peuvent réduire les distances suivant la logique de la mixité d’usage et la programmatique distribuée de façon équilibrée sur le territoire. Dans un projet relatif au Grand Paris, il doit y avoir des éléments qui redonnent sens à l’espace d’usage mixte. À partir des nœuds de transports et des sites de paysages établis au-delà du centre.Les nœuds d’échange qui créent de nouvelles polycentralités pourraient mettre fin à la centralisation à la française. L’équipe LIN prévoit, dans sa proposition de « projet de proximité », une extension concentrée des nœuds multipolaires existants en forme de programmes variés et nombreux. Il s’agit d’installations innovantes de prototypes, bien connectées localement et avec la ville. LIN espère un effet rayonnant autour de ces nouvelles centralités. (Carte de polarités, superposition et proximité des voisinages)Mais ces nouveaux centres doivent rester ouverts à de futures interventions et transformations. (Par exemple : Saclay, la Défense II, l’aéroport CDG ) Dans la même idée d’archipel, selon Portzamparc, Mvrdv veut intensifier les nœuds de transports par la superposition du programme, en forme de nouvelles collines ou buttes dispersées partout sur le territoire.Archipel : une figure qui articule des zones denses, qui forment des repères visibles de loin autour des gares.

Mvrdv, livret 2 : 125 Les nœuds qui forment des nouvelles collines sur des lieux déjà existants

Les «buttes» mvrdv, livret 2 : 129

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L’équipe studio 09, autour de Bernardo Secchi et Paola Vigano, voit Le Grand Paris densifié de façon ponctuelle, stratégique en forme de nœuds des lieux significatifs dispersés sur le territoire. Cette « ville poreuse » est composée des lieux de valeur d’un monument qui font partie de la mémoire collective.

2.2.3.2.2 Cluster

AUC, Livret 2 : 252 Cluster/Catalyseur urbain

Cluster : Cette expression anglaise est souvent utilisée dans le domaine de la physique ou de la chimie, elle désigne des agrégats d’atomes ou un groupe de choses du même type ou qui sont proches. En urbanisme, il s’agit d’une unité urbaine homogène car elle regroupe les mêmes activités, comme c’est le cas dans un quartier d’affaires, par exemple la Défense.Un Cluster signifie une relation privilégiée entre différentes entreprises.Soit par émulation, soit par groupement d’entreprises partageant les mêmes intérêts.Il s’agit d’un raisonnement par nœuds, à l’échelle du quartier, d’un regroupement d’entreprises de même activité ou d’activités complémentaires qui se retrouvent sur un même endroit. Ils forment une figure de partage qui renforce, par sa complémentarité, l’idée ou l’activité initiale. Ces lieux peuvent êtres extrêmement efficaces et stimulants car tout ce qu’il faut pour le travail et la recherche se trouve au même endroit sans perdre de temps et d’énergie pour relier les composants dispersés dans la ville. Même si ces lieux ont tendance à se retrouver désolidarisés du tissu de la ville, ils ont souvent la capacité de communiquer avec d’autres systèmes, parfois loin. (La Défense, un quartier d’affaires qui vit comme un organisme indépendant grâce à ses lieux de travail, de loisirs, de commerces, entretient des relations avec d’autres Clusters dans le monde entier.) L’équipe Rogers voit même la totalité du territoire du Grand Paris englobé dans un système de cluster autour d’un centre dense existant. (Ainsi la figure d’une fleur, pétales qui entourent le cœur dense) La vision d’un système nodale, dispersé sur le territoire autour du centre dense ressemble de loin à une figure chaotique non ordonnée. Mais il ne s’agit pas juste de trouver une forme et une ressemblance à quelque chose de reconnaissable ou originale, mais de rattacher les éléments flottants à quelque chose de stable, d’économiser des ressources.

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2.2.3.3 Basse et diffus

« Les tissus peu denses, perçus aujourd’hui comme banlieue, sprawl, citta diffusa ou encore Zwischenstadt, se transforment en une substance urbaine nouvelle, une sorte de ville légère. Cette ville est flexible, de faible densité et très paysagère.(….) Les pôles intenses, compacts et pérennes d’une part, la ville légère, ouverte et paysagère de l’autre se complètent, se conditionnent et s’alimentent réciproquement. Une tension productive se met en place entre l’intensité forte de chacun des pôles et le territoire environnant léger. » (MVRDV, Livret 2 : 108)Le territoire de la France ordinaire, peu définie, dispersée, représente la majeure partie de la surface urbaine. Il constitue « l’oubli de nos villes, tantôt assoupies dans leur satisfaction pavillonnaire, tantôt criant leur frustration de quartier difficile. » (LIN, Livret 1 : 118) LIN voit notamment dans la stratégie de la ville diffuse, légèrement dense, �� le potentiel pour la métropole durable, modifiable qui anticipe et accueille les futurs changements car ce modèle laisse des espaces pour toutes les échelles. En plus, ce système permet une grande perméabilité. (Il s’agit d’une forme d’agglomération ouverte, flexible. Quand les proximités perdent leurs vitesses, ils deviennent visqueux et ont la capacité de créer de multiples contacts.) La densité peut ainsi se développer plus librement.

L’équipe autour du Finn Geipel prend des quartiers de structure basse comme l’exemple Tokyo de « faible densité efficace » (LIN, livret 1, p.114) « L’efficience de son tapis de quartiers résidentiels bas mais denses et loin d’être monofonctionnel. » (idem) Le tissu dense sur de petites parcelles autour de la ligne de transport très importante est en rupture avec un tissu bas et moyen (unifamilial sur deux étages, densité de la population de 93 habitants par hectare) et il est plus dispersé car il est complété, autour des gares, par un réseau de services qui offrent de multiples activités, commerces et services. « Tous ces éléments contribuent au renouvellement continuel de quartiers autonomes mais bien reliés entre eux. » (idem)

Restons dans l’esprit de la ville qui est une ouverture pour des densifications potentielles, ponctuées par des densités imprévues.La ville poreuse à la Studio 9/Secchi nous conduit à réfléchir et à explorer la densité comme un archéologue urbain. Le territoire poreux est dense et chargé des lieux significatifs existants ou à imaginer.

2.2.4 Raisonnée par le rythme

« Des densités fortes alternent avec des étendues de faible densité. » (LIN, 1, p12)

On sait maintenant que le développement dense en forme radioconcentrique de la capitale est une étape dépassée. Il faut plutôt affirmer ce qui est déjà mis en place et à la disposition sans renoncer à l’identité spatiale et sociale actuelle. Ce qui manque, c’est un lien entre un centre dense et ses horizons métropolitains.

18 Il s’agit de la densité de la ville légère: un niveau basse de bâtiments qui régulièrement sont rythmés par des bâtiments plus hauts et compactes.

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L’équipe propose, par rapport au modèle de la ville dispersée, une vraie réflexion sur les espaces apparemment vides, qui séparent les pleins programmés : « La ville organisée à travers ses centralités et ses connexions a trop exclusivement été développée à partir des pleins, laissant sombrer tout le reste dans une sorte de pénombre interstitiel. Les parties dispersées, peu définies, mais représentant souvent la majeure partie de la surface urbaine, constituent l’oubli de nos villes, tantôt assoupies dans leur satisfaction pavillonnaire, tantôt criant leur frustration de « quartier difficile. »( MVRDV, livret 1 : 8) Il faut identifier les caractéristiques et déterminer la valeur de ces rythmes denses pour l’accentuer dans ses qualités propres. »

2.2.4.1 Strates dures – strates molles

Dans une analogie proche du monde informatique, le « hardware », la strate dure, représente l’immobile, le programme bâti de la ville, ce qui peut évoluer et changer dans le temps, mais dans un délai beaucoup plus important que dans un dispositif mou. La strate molle ici n’est pas seulement le flux, l’usage de l’espace, sa pratique, mais aussi les interventions construites, mais éphémères d’un lieu, les installations légères ou mobiles. Ce niveau réagit très vite à des changements, notamment dans les pays, comme le sud-est de l’Asie, où l’espace public est beaucoup plus intensément pratiqué dans le quotidien. Les mandataires regardent les territoires du Grand Paris qui dans beaucoup d’endroits sont déjà saturés. La question qu’ils se posent, c’est comment prendre l’avantage sur le « déjà là » ?« Les immeubles de la ville constituent la trame à partir de laquelle se fabrique la ville. Ils constituent l’essentiel de l’espace bâti, c’est le logement qui crée le fond, le tissu, l’essence même de la ville, dans son apparence banale, ordinaire et quotidienne. La métropole héritée est un passionnant vivier de morphologies, qui procède aujourd’hui du collage et de la juxtaposition des tissus. » ( Léonard , Weissmann, 2009 : 226)Selon Léonhard, la densification du bâti ne peut se penser qu’en reconnaissance des diverses identités qui ont forgé l’image de la ville, ses traces de fondations royales, ses origines villageoises, ses interventions d’un urbanisme inachevé, sa diversité d’échelles et de densités. L’architecture peut mettre en évidence les dysfonctionnements en rassemblant des éléments très hétérogènes pour reconstituer un nouvel ensemble.On pourra imaginer un « mille-feuille horizontal ou vertical » programmatique le long de la Vallée de la Seine : entreprises spécialisées à côté d’autres programmes. Le fleuve comme élément linéaire rapprochant les entités. La ligne peut être un moyen d’approcher des programmes complexes par leur voisinage tout en offrant des endroits de qualité.L’équipe Rogers propose une autre stratégie linéaire à l’échelle de la métropole.Des armatures métropolitaines suivent des axes principaux, occupés par des artères ferroviaires de la ville actuelle qui vont d’une manière dense, abriter des nouveaux programmes de logement et équipement. Ces lieux sont à priori sous-utilisés car le règlement les interdit à la construction, notamment de logements pour des raisons de nuisance. (Nuisances sonores ou autres) 19

19 L’équipe Rogers essaye d’insérer un morceau linéaire dans le territoire enclavé par les réseaux, de l’intensifier et de revaloriser ces axes.

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Les territoires d’intervention proposés par l’équipe de Rogers qui actuellement sont occupés par des axes ferroviaires sont actuellement sous-exploités, pourtant ils offrent un potentiel énorme à long terme. Non seulement par leur localisation en termes de proximité du centre, ils sont déjà connectés et facilement accessibles. Ces armatures peuvent abriter des programmes divers de toutes les tailles en étant superposées. Ces strates horizontales seront plus élaborées dans l’échelle du quartier.

2.2.4.2 Haussmann revisité :strates surfaciques

Quartier Haussmannien, Bonne Nouvelle (Castro, Livret 2 : 64)

Une couche Haussmann de plus : ( mvrdv, livret 2 : 134)

MVRDV prend Paris comme exemple d’un urbanisme compact et accessible. Il s’appuie sur les pensées visionnaires du 19ème siècle qui ont catapulté la capitale en exemple d’urbanisme de réputation mondiale et qui ont influencé profondément la pensée sur la ville en générale. (photo : plan voisin de Le Corbusier redessiné par MVRDV, ainsi que Paris spatial de Yona Friedmann et la prolongation du Grande axe par OMA) Des innovations, souvent avec des conséquences désastreuses, ont fragilisé les intentions pour un développement à grande échelle. Ainsi le mot densité s’imprégnait comme une notion négative dans l’imaginaire collectif.Mais comment dépasser cette « culture de blocage ? » (MVRDV, AMC : 237) MVRDV pousse l’image de la ville compacte jusqu’à ses limites en projetant la densité à l’extrême. Ils imaginent une densité haussmannienne à tout le Grand Paris. Ainsi le territoire périphérique égale, sur son plan structurel son centre et l’ensemble devient une ville plus dense, plus compacte et par la suite, plus petite, répartie sur un territoire de 30x30 km au lieu de 60x60 km. (mvrdv, livret 2, p.132)

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L’équipe hollandaise qui connaît bien la problématique d’étalement urbain dans son propre pays n’a pas peur de proposer des densifications radicales qui englobent toutes les échelles et toutes les intensités, mais de façon très généralisée. Leur simulation, sans véritable zoom sur des situations, a en fait besoin de la stratégie du« bottom-up ». �0MVRDV se sent moins intimidé face au poids et à la responsabilité de l’héritage du patrimoine. Il le respecte, mais il n’a pas peur de proposer des modifications extrêmes, actuellement impossibles au Centre de Paris.Ainsi l’équipe envisage d’augmenter la hauteur des constructions du centre, limitée par le PLU, pour y ajouter un ou deux niveaux sur les toits de l’ensemble des bâtiments. Cette proposition théorique montre que cette opération pourrait faire gagner considérablement de surface pour des logements et autres programmes. En plus le skyline de Paris serait véritablement changé.Système de strates souterraines réservées à la mobilité rapide, infrastructures, clusters de transports, gares, strate de grande vitesse, en remontant les éléments ralentissent.

Mvrdv, livret 2, p. 73Paris, supercube, compact plein de superlatives, superstratifié

2.3 Quartier

2.3.1 Liens et Proximités

« La centralité se définit comme la capacité d’un espace donné à polariser des espaces alentour, à attirer les flux et les personnes. Elle se cristallise dans un type spatial particulier, le centre urbain, caractérisé par la maximisation de la densité et de la diversité des réalités sociales rassemblées, ce qu’on peut nommer l’intensité urbaine. » ( Lussault, 2010 : 256)Dans la plupart des métropoles (européennes), on retrouve un centre dense, diversifié

20 Développement à partir du » bas vers le haut »en se referant à des études profondes du quartier.

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et plus intense que son territoire. Le modèle dominant d’une seule centralité crée des hiérarchies inégales. Pour créer une métropole diversifiée, qui puisse accueillir et réagir à des mouvements et des densifications futures, il faut une réorganisation spatiale et programmatique.La ville basée sur le zoning ou la logique économique conduisant à la spécialisation de pôles économiques qui éclatent l’espace urbain de plus en plus. Certaines équipes, notamment celle de Nouvel, remettent en cause l’idée du zonage, la division en endroits à une seule fonction, en essayant de rééquilibrer le territoire et le programme progressivement. Les lieux de travail, de résidence ou autres doivent êtres transformables et flexibles.On retrouve sur le territoire du Grand Paris une multitude de lieux fermés, enclavés soit par les boucles routières, coupés par des infrastructures ferroviaires ou séparés par d’autres raisons. Mais ces enclaves et mutilations du territoire, héritage du progrès et de la politique urbaine, offrent potentiellement de nouveaux espaces mutables, tellement recherchés.

(Lin, livret 2,p.135)Un morceau du parc d’activité de Courtabœuf. Le problème des zones d’activités homogènes, parfois enclavés, c’est leur imperméabilité liée au fait que le terrain a été disponible et pas cher à l’époque de la construction ainsi tout à été conçu pour l’usage du véhicule. Les surfaces asphaltées pourraient soit être recyclées pour d’autres usages ou bien être réduites par la concentration des véhicules.

Le défi est de trouver ces lieux mutables et de les relier avec la ville et le territoire. Des potentialités se trouvent partout sur le territoire en forme d’espaces sous-utilisés, oubliés ou abandonnés.Pour transformer l’état des lieux de ces zones, deux modes de processus sont favorables pour les mandataires : premièrement, la reconversion et la réhabilitation, où les structures existantes sont conservées et deuxièmement, des usages différents insérés ou améliorés. Philippe Simon souligne l’importance de la recherche du vrai besoin de densification d’un secteur ou d’un territoire par des études approfondies, intercommunales. Il mène une réflexion sur les valeurs de l’existant et leur relation avec la ville: « En repérant ces emprises avec le postulat qu’elles peuvent être des zones à raccrocher avec la ville existante, on pose le postulat d’une ville continue, en opposition à une ville faite de parties isolées. » (Simon, 2009 :235) Même à l’échelle

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du quartier, on ne doit pas perdre de vue l’ensemble du territoire et l’importance de chaque morceau qui doit se connecter à un système de liaisons efficaces. L’équipe de Portzamparc, dans sa vision de créer des liens fonctionnels, propose l’image du rhizome avec sa croissance organique ou plus proche encore, la multiplication végétative comme une des solutions de relecture et implantation dans le territoire. (Dans l’univers biologique, le rhizome, la partie souterraine ou subaquatique d’une plante ou champignon fonctionne comme un système intermodal, un réseau caché où tout est lié et en même temps tout est indépendant, autonome. En découpant un morceau du Rhizome, le système est capable de survivre de façon indépendante. (Rhizome vient du mot grec « riza », la racine ; et « rizoma », la touffe de racines. Portzamparc, livret 1, p . 78) Secchi propose une autre figure de distribution territoriale démocratique. Un geste clé pour connecter les densités existantes et nouvelles qui se trouvent dispersées sur le territoire.Il projette les liens comme essence de vie. A chaque extrémité ou croisement, on retrouve une centralité qui se renforce naturellement grâce à de nouvelles proximités. Sa ville « isotrope » décrit un état d’accès généralisé. (Studio 9, livret 2 : 8) Un système de transport multi échelles se superpose, se tisse avec les lieux de nouvelles densités. (les courts-circuits à la LIN se marient à des lignes de grand vitesse à la Portzamparc)A cette échelle il faut également évoquer les grands ensembles, dont tous les mandataires traitent leur thème ou en tout cas les mentionnent d’une façon ou d’une autre.Ce thème va être traité dans l’échelle d’îlot/bâtiment, mais à cet instant, je tiens à parler d’eux pour des raisons plus territoriales.Dans la question des lieux de densification possible, ces lieux un peu perdus offrent des potentialités en dehors du centre sédimenté.Ils pourraient selon Sabri Bendimerad, être un terrain de « réelles opportunités » et de « sérieuses promesses de transformation » comme d’autres types de territoire : « ..Les Grands ensembles, le tissu pavillonnaire, les friches industrielles ainsi que les territoires valorisés par la refonte des infrastructures de transports et ce, non seulement pour le foncier disponible mais également parce qu’ils permettent d’articuler des pans entiers de ville qui s’ignorent. » ( Bendimérad, 2009 : 231)

Desenclaver, revaloriser, recycler le tissu générique.: Barre sous une d‘ autoroute ( Descartes, 2009 :71 )

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En ce qui concerne la récurrence d’un paysage jugé générique de Hinterland parisien, Monique Eleb constate : « Notre regard doit se concentrer sur les raisons d’un paysage constitué par la succession d’établissements humains, ou plutôt par la succession spatiale plutôt que temporelle d’idéologies esthétiques. » ( Eleb, 2009 : 218) On se retrouve parfois dans un paysage qui méprise l’habitant, mais qui idéalise des lieux représentatifs comme les grands axes ou les héritages de patrimoines. Mais on retrouve aussi dans ce grand paysage des lieux abandonnés qui forment de véritables barrières, fermées envers le quartier et vers eux-mêmes. Une vraie réflexion sur la revalorisation de ces endroits est nécessaire car, comme souligne Philippe Panerai dans Paris Métropole : « la nécessaire densification de la métropole ne pourra se faire qu’en proposant aux habitants des dispositifs qui entraînent leur adhésion et répondent à l’évolution de leur mode de vie. » ( Panerai, 2008 : 42) Une révision des instruments réglementaires est nécessaire pour débloquer des systèmes figés et laisser la place pour des acteurs nouveaux. Idéalement les habitants devraient êtres inclus dans le processus de transformation de leurs quartiers.

2.3.2 Micropolarités

Quelle stratégie de densité pour limiter l’étalement urbain et le mitage qui rend le sol imperméable ? L’équipe de MVRDV ajoute de la hauteur, densifiée autour des parcs, et veut tout court, compacter tout ce qui est possible pour éviter une extension pavillonnaire.Par la densification des lieux stratégiques existants et connectés, la ville n’aura pas recours à l’extension urbaine ce qui évite le grignotage du sol, une ressource précieuse. L’agglomération du Grand Paris peut accueillir de nouveaux (micro)centres, des centralités qui ont une fonction clé en tant que lieux d’accueil pour des inventions de systèmes de transport innovant ainsi que de nouveaux programmes. L’équipe LIN intensifie les noyaux existants pour créer de nouvelles polarités caractérisées par des bâtiments compacts, très efficacement liés entre eux. Il ne s’agit pas seulement de lieux de connexion comme les gares ou les centre villes mais aussi de sites exceptionnels, des campus d’enseignement ou de recherche, des pôles d’activités ou des parcs particulièrement attractifs. (LIN, livret 2 : 8)Il ne faut pas seulement s’appuyer sur ces centres, mais aussi en créer de nouveaux. Ces lieux de mixité, de l’offre très variée devraient êtres traversés par des espaces ouverts, publics et piétonniers pour offrir une perméabilité souvent manquante.Pour pouvoir encourager une évolution spontanée, ces dispositifs spatiaux devraient être remis à la responsabilité de leurs utilisateurs. Le but est de préserver la qualité ouvert qu’une ville légère peut offrir sans pour autant sur-densifier le territoire.« Pour renforcer ces pôles, rendus méconnaissables par une croissance entropique, nul besoin de concepts statiques de densification. Au contraire, il s’agit de générer des formes ouvertes et flexibles de compacité qui viendraient compléter les structures existantes. » ( Lin, livret 2 : 119)L’avantage, c’est la possibilité de superposition d’usage divers et des temporalités.

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(Lin, livret 2, p.120)Prototype de transformation/densification légère sur le tissu de Maison Alfort.Les nouvelles constructions s’appuient sur la structure existante, de nouvelles centralités se créent : des gares, des jardins publics, des centres multifonctionnels. Les densifications opèrent sur plusieurs niveaux, occupent des interstices, toits, espaces sous-utilisés divers.

(idem, p.121) et ( Secchi, Livret2 : 78) Un échantillon du territoire autour des nouveaux noyaux. L’existant s’intensifie et devient une nouvelle polarité. Les bâtiments compacts se trouvent autour des nœuds connectés, offrent une grande variété d’usage.

(Secchi, Livret 1 : 70) Première et dernière étape d’un exemple de processus de densification d’une zone d’activité. Sur les bords des toits, des logements sont construits, des constructions sur pilotis offrent une nouvelle relation avec le sol, puis de nouvelles activités sont ajoutées comme commerces, bars, restaurants, espaces végétaux et panneaux photovoltaïques.

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2.3.2.1 Superpôles

Il a déjà été évoqué l’avantage d’une grande concentration, et pour la productivité des régions, des concentrations ponctuelles pourraient devenir des spots attirantes.Les mandataires voient, dans le rapprochement des structures, une chance et un défi à la créativité. Ce qui se reflète dans la société urbaine qui y habite et réagit aux nouveaux défis d’une manière innovatrice.La forte concentration représente une nouvelle manière de vivre où les cycles s’accélèrent et où de nouveaux produits et services s’imposent. L’endroit commence à rayonner au-delà de ses frontières et peut-être même au-delà de ses vraies capacités.Mais cette force ne peut être atteinte que par le rôle d’un récipient passif.L’équipe de LIN prévoit dans son projet de proximités une meilleure organisation et une meilleure valorisation des pôles déjà existants et établis pour cibler la force du Grand Paris. Notamment ils imaginent dans le projet du technopole Plateau de Saclay, campus de la recherche et la Défense II, de véritables zones prototypes d’innovation. Des nouvelles zones qui concentrent savoir, densité et intensité mixte, de véritables super pôles innovants qui, en plus, sont bien intégrés localement et bien desservis depuis d’autres centres. (ou le centre actuel de Paris) Les « polarités fortes des villes intenses » ( LIN, Livret 1 : 12) disposent d’une densité forte, économe en énergie, de lieux de haute connectivité avec une grande offre culturelle, de services qui constituent, selon LIN, des germes pour la métropole du futur.Ces lieux ont aussi une valeur symbolique et un statut de pérennité pour un repère dans l’avenir de la ville. Plusieurs mandataires mènent des stratégies et des réflexions similaires concernant ces lieux intensément utilisés et compacts. Mais ils les nomment différemment : Ils portent des noms comme « polarités » (Lin, Rogers), « hauts-lieux » (Nouvel), « collecteurs métropolitains » (Portzamparc), « ports intermodales » (Grumbach, Port intermodal d’Achères, Seine Aval) « lieux symboliques monumentaux » ( Castro, Foire du Monde Multipolaire à Gonesse) ou autres synonymes.

( Lin, livret 2 : 154)Nouveau pôle d’innovation La Défense II au sud de l’aéroport Charles de Gaulle. Un lieu de haute densité et de connexion. « Un simple clone de la Défense transférée ailleurs ne fera pas la différence. La concentration de capitaux financiers, intellectuels, humains ne prospère pas dans le mono fonctionnalisme. Un centre doit rester ouvert au contexte proche et lointain. »

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Mais ils montrent les mêmes caractéristiques des nouveaux centres qui sont implantés sur des interconnexions principales, organisés dans la logique de la capitale.Il s’agit d’endroits très denses, même superdenses, supermixtes, superconnectés. Leurs ambitions de superlatives doivent en plus aider à résoudre les problèmes du logement manquant et de l’urbanité non ressentie en forme de mixité de programme et usage.« Des nouveaux centres s’organisent dans la logique de Paris, Capitale de l’interférence, ville nature en périmètre de lieux exceptionnels choisis pour leur qualité poétiques et urbaines. Dans la stratégie de créer un lien entre les villes existantes et les quartiers. »(Jean Nouvel, livret 2 : 90)Le mandataire Portzamparc propose la vision d’un « collecteur métropolitain » comme déclencheur de densification. Il s’agit de la création d’un pôle qui s’articule autour de l’agglomération ou nœud résidentiel. Une connexion territoriale qui est densément programmée. Ce lieu se veut flexible, fluide en superposant une multitude de temporalités et usages. Toutes ces idées semblent très séduisantes.Mais est-ce que ces super lieux ne vont pas êtres considérés comme de nouvelles villes-nouvelles ? Il est difficile de ne pas avoir l’impression de reconstruire des villes nouvelles, juste avec un peu plus de mixité comme ingrédient ?La quasi mixité-programmatique totale ? Ces articulations hautement denses sont sûrement importantes et sont des lieux passionnants, mais est-ce qu’ils peuvent également garantir le confort spatial ? Les lieux mutables sont trouvés et ils se sont dispersés un peu partout sur le territoire. Maintenant il s’agit de proposer des transformations sensibles et durables pour garantir la qualité de vie.

(AUC, livret 2 : .227) Liaisons étroites entre collecteur métropolitain et le processus de la densification. Exemple de 3 études de cas : Nanterre, Le Bourget et Créteil. Densification de l’entrée territoriale à la première couronne.

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( AUC, livret 2 : 240) Morceaux de la ville stratifiée : superposition programmée des collecteurs urbains.

2.3.3 Un raisonnement par lignes

L’autre façon de densifier le territoire ou le quartier, c’est par lignes ou strates horizontales.Prenons la rue comme structure plus lisible de la ville, il s’agit d’une articulation ouverte entre les bâtiments. Cet espace linéaire, public, est défini par son ouverture. Il représente le lieu par excellence d’urbanité. Au quotidien, l’interaction entre passants, par le contact du corps à corps se passe dans la rue.C’est le sol qui initie cette rencontre, le mouvement. C’est lui qui invite à la promenade, la flânerie, aux échanges. La rue est considérée comme essence même de la ville. Haussmann, (aussi Ildefonso Cerdà) ont remodelé la ville par la rue. Dépendant des échelles et des compositions internes, les rues peuvent aussi devenir des extensions d’espaces résidentiels, lieu de sociabilité de quartier, forme de territorialisation locale. C’est le degré de la densité qui décide si ces lieux peuvent êtres agréables ou gênants.L’équipe de Grumbach voit dans la rue à haute intensité urbaine, une offre de diversité de mode d’habitation et dans le milieu diffus, un confort spatial de la maisonDans la ville diffuse :Mais cette rue peut aussi être naturelle. Dans la vision d’une ville linéaire de la Vallée, le mandataire se réfère à des contrastes et proximités affirmés par Soria y Mata. ��

L’alternance infinie entre ville et nature forme une sorte de lisière urbaine qui reste ouvert à tous les usages possibles, notamment les équipements sportifs et ludiques pour toute la région. Le talweg représente un pont qui relie les villes situées entre l’armature des transports en commun, les zones industrielles, les zones naturelles et les zones d’intensité urbaine. Le grand paysage qui embrasse ces réseaux est ainsi préservé en renforçant l’urbanité.Plan : deux îlots reliés par une plateforme de station tramway

21 Arturo Soria y Mata, un architecte, urbaniste espagnol, se situe avec sa vision d’une Cité linéaire dans un discours sur la mixité . Il imagine un strip dense entre ville et campagne. le long d’un boulevard de 500m de large mais sans fin.

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2.3.3.1 Boulevard métropolitain

C’est une chance de pouvoir partir de l’existant et d’insérer de nouveaux éléments et structures. Ce travail pourrait consister au recyclage d’un bâtiment ou îlot ou bien au concept du remplissage. Si auparavant, des règlements comme le zoning empêchaient d’obtenir la diversité, la mixité fonctionnelle passe aujourd’hui davantage dans nos moeurs quotidiens. Des espaces non spécialisés comme les rues pourraient selon Jane Jacobs permettre des stratégies pour des implantations originales. (Jacobs, 1961: 60) On estime que la région parisienne abonde en foncier qui peut potentiellement être constructible. Mais ces espaces doivent êtres pensés dans le temps et dans le volume. Combien de place gâchée et perdue à côté des grandes infrastructures ?Le règlement prévoit des espacements minimums entre chaussée d’autoroute ou rail et construction, même la plantation des arbres est restreinte à une distance précise pour des raisons de sécurité et de visibilité. Mais les constructions s’éloignent encore plus et laissent des espaces découpés et sous-utilisés le long des infrastructures. On pourrait penser à des densifications adaptées à ces lieux. Descartes imagine une transformation de la Nationale 7 en véritable Boulevard depuis Orly jusqu’à Corbeil. L’équipe propose des équipements et des espaces publics autour de ces faisceaux. Pour les logements, c’est un peu particulier, le règlement limite les constructions de logements très près des nuisances, mais il faut des études adaptées pour chaque endroit potentiel afin de vraiment connaître les besoins et les inconvénients d’un lieu.

(Descartes, livret de chantier, p.117)Transformation et densification de la Nationale 7 en boulevard urbain qui profite des opportunités foncières et des espaces qui se créent.Pour mieux profiter du foncier disponible le long des infrastructures, Descartes propose de supprimer l’amendement Dupont (art. L 111-1-4 du Code de l’Urbanisme) date Pour mieux profiter du foncier disponible le long des infrastructures, Descartes propose de supprimer l’amendement Dupont (art. L 111-1-4 du Code de l’Urbanisme) date du 2 Février 1995. « Il s’agit d’un outil préventif qui entendait assurer la qualité de l’aménagement des espaces non urbanisés situés en bordure des voies importantes. Il interdit les nouvelles constructions en dehors des zones urbanisées dans une bande de 75m ou 100m (par rapport à l’axe de la chaussée) autour des voies classées à grande circulation.(…) Ces espaces pourraient devenir une réserve pour le passage de lignes de transports en commun, du foncier disponible pour de nouvelles implantations bâties mais aussi des plates-formes pour le développement des énergies renouvelables. » «(Descartes, livret de chantier, p.145)

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Lors que les terrains le long des infrastructures sont moins polluants, on pourrait les investir en terrain constructible. Sur ces boulevards urbains, on pourrait offrir une diversité de transports en libérant des espaces de voirie. Le foncier gagné à cet endroit est bien desservi et gagne en valeur et dès que la pollution diminue, les logements sont possibles.

2.3.3.2 Armatures linéaires

L’équipe de Rogers propose des armatures métropolitaines sur le territoire des axes ferroviaires, qui ne sont actuellement pas suffisamment utilisés, malgré leur potentiel immense à offrir un espace pour toutes sortes de programmes.Comme évoqué auparavant, cette stratégie d’insertion d’un fragment dense de la ville dans un territoire enclavé ou restreint à cause de règlements, nécessite une bonne coordination et connexion à des quartiers adjacents.

2.3.3.3 Berges intensifiées

En perspective de croissance démographique et des éventuelles évolutions industrielles, l’équipe de Grumbach propose d’envisager la Vallée de la Seine comme véritable lieu d’opportunités.La nouvelle relation avec la Seine peut jouer un rôle de catalyseur de vie autour d’un nouvel espace public. Paradoxalement cette grande linéarité de la Vallée de la Seine, avec ses méandres, serait capable de rapprocher par « pliage géographique » des univers variés. (Grumbach, AMC : 130) En créant des liens directs entre les activités, cet axe fluvial est capable de faire gagner du temps dans les déplacements et de rapprocher les éléments dispersés du territoire.Cette trame humide peut devenir le support des programmes divers. On trouve de grands potentiels de transformation dans les zones paysagères ouvertes qui s’étendent entre les centralités ponctuelles. Prenons l’exemple de gare Austerlitz, gare de Lyon et l’Arsenal qui en alternance avec des zones ouvertes pourraient offrir des opportunités foncières pour les installations éphémères et permanentes

( MVRDV, Livret 2 : 120) (Descartes, 2009 : 174) Ville linéaire composé de superquadras structurants.

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Il est donc tout à fait raisonnable d’envisager une intensification de la construction dans les zones inondables, y compris dans les zones rouges des PPRI. Cette évolution nécessitera l’accompagnement d’une analyse globale de la vulnérabilité des zones construites, mais aussi d’une préparation de la population à une vie en zone inondable ainsi que d’une mise en place de plans de gestion des inondations, comportant éventuellement des plans de déplacement des populations dans toutes ses composantes, y compris les populations à mobilité réduite.

(Studio 9, livret 2 : .79) et LIN : Proposition pour les zones inondables.Après déblocage réglementaire, de nouvelles typologies peuvent s’installer. Pour protéger les constructions des inondations, des stratégies de soulèvement du sol, des installations de pilotis ou murs porteurs sont envisagées.

« L’agglomération parisienne offre des centaines de kilomètres de littoraux, de lisières entre la nature et le construit, entre le signe et son effacement, et ce long rivage, au lieu d’être perçu comme le lieu géométrique, abstrait, d’une séparation, peut au contraire devenir ruban, offrir une largeur à occuper pour y cultiver les charmes de l’entre-deux. Qui n’a pas rêvé de vivre sur une plage, là où sur la terre comme dans l’eau, on marche toujours pieds nus, sur du sable ? » ( Fleischer, AMC :148)Lin imagine de nouvelles formes d’appropriation des rives incertaines. Rives urbaines, la Seine, la Marne et l’Oise sont considérées comme des lieux de support de futures densifications. Plutôt que de lancer la carte préventive de restrictions, d’interdiction de constructions en zones inondables, l’équipe se focalise sur le potentiel de ces endroits pour les remettre à la conscience collective. La construction et la densification du « parc fluvial » remet en valeur cet extraordinaire endroit, rythmé par les instabilités et humeurs du fleuve.

(Lin, livret 2 : 186)Des nouveaux prototypes et typologies sont nécessaires pour étendre la ville jusqu’à des zones inondables

lin, livret 2 : 184)Rives urbaines se développent le long des épines dorsales de la Seine, Marne ou l’Oise. Un espace métropolitain densément peuplé se transforme en paysage de nouveaux espaces pour l’activité et logement. Ici : exemple Les Mureaux

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Mvrdv, livret 2, p.152

Un morceau du projet : Superseine, des berges du fleuve aménagées, programmes dispersés sur un espace public généreux.

2.3.3.4 Densité biface – La marge concentrée, lisières de la ville

Une autre densification linéaire dépend de l’échelle et du rythme. Il s’agit d’une alternance linéaire, un contraste affirmé qui rend les deux éléments opposés plus forts.(Prenons un exemple territorial d’un contraste attractif et réussit : Barcelona est une ville dont la surface est forgée par sa topographie. La compacité urbaine entre blocs compacts de Cerdà et la nouvelle entendue de la ville est bien limitée entre ses montagnes. Ses espaces verts denses empêchent l’étalement urbain spontané, incontrôlé de la ville. )

Mvrdv, livret 2 : 149 « Framed Parks » contrast entre ville dense et espace vert. Les contrastes se renforcent. La Lisière devient dense.

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Lisières, franges, bords, interférences sont des lieux fondamentaux de la réflexion sur les nouvelles relations entre les archipels denses. Il faut les repenser ou inventer face à la crise urbaine. Il s’agit d’un raisonnement de contrastes qui s’attirent et renforcent grâce à leurs différences. ��Chaque polarité profite de l’autre et gagne en importance et signifiance.

(Nouvel, livret 2, p.123)Exemple des hauts lieux en armature: inversement de l’ empreint; Marge dense et intense de la ville encadre un parc habité.

22 Voir le modèle du Central Park

( Portzamparc, Livret2 : 110) et

Façade urbaine dans le même esprit que MVRDV rencontre son binôme contrasté en forme de larges espaces naturels. Pour Lin, les fonctions urbaines et des lieux de biodiversité doivent coexister comme par exemple dans le parc de la Courneuve.

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MVRDV propose le mécanisme d’une ville compacte, composée de densités très élevées, intensifiées, superlatives. Ils augmentent la densité et la capacité de la ville en contraste avec les espaces naturels préservés et réserves futures.

Dans un système polycentral, les fonctions d’espaces vides entre les ponctualités denses et intenses dépassent leur simple fonction d’espaces de transit. « Il n’est pas souhaitable de construire une structure d’intensités homogènes. Les qualités intrinsèques naissent par des stratégies de superposition, de marquage et d’enchaînement. « ( Eisinger, 2009 : 222) LIN se réfère à Corajoud et à sa stratégie d’implantation du Parc du Sausset sur des champs agricoles. Son premier geste est le dessin d’un simple sentier qui relie les habitations des travailleurs à Aulnay et à la Gare de Villepinte. La requalification passe par des gestes de connexion. Comme évoqué auparavant, beaucoup de thèmes sont reliés à la densité. Même si on ne peut pas traiter tous les partenaires de la densité ici, on doit mentionner la nature, la densité végétale. Le végétal soulage la densité, qui de son côté préserve l’espace naturel. La limite nette, la marge juste, joue un rôle important dans ce voisinage. Le contraste entre minéral et végétal les affirme en les fortifiants. La transition entre les deux va devenir lieu d’urbanité. ��

L’idée du contraste entre espace ouvert varié et un tissu bâti dense est l’occasion de tisser différentes histoires dans la ville. Cette idée permet aussi d’assurer une continuité de la ville, de désenclaver et d’intégrer une variation au parcours urbain. Rythmer le territoire en plein et vide (même si le vide n’est jamais vraiment vide) en tissant un tapis équilibré, démocratique et non hiérarchisé. Cette méthode mélange le non mélangeable et permet aussi de croiser, d’emboîter plusieurs échelles spatiales. Ainsi les faisceaux infrastructurels qui tentent d’enclaver des poches territoriales peuvent êtres intégrés. LIN voit les forêts densifiées, régulateurs climatiques, à proximité des endroits denses, contrastes distincts qui offrent des potentialités de grande qualité aux habitants. Le Central Park est un exemple de contraste souhaitable. « Les villes équipées d’une ceinture verte ont réussi à maintenir un degré de compacité et une activité de centre-ville tout en contenant l’étalement urbain. » (LIN, livret 2 : 220). Cette forme de développement est en contraste avec celui de nombreuses villes nord-américaines qui prolifèrent de façon incontrôlée. A Londres, la ceinture verte a été cruciale pour maintenir un degré de « densité indispensable » et pour maintenir la sensation d’une métropole.

2.4 Ilot/bâti

« Le droit d’urbanité revient à corriger l’inégalité de condition urbaine vécue par les habitants des quartiers populaires. (….) Le droit et la République qui tendent à disparaître englobent un bon logement, un plaisir d’y habiter, une reconnaissance de son immeuble, le sentiment d’un quartier qui renvoie une image de citoyen, de promeneur citadin et pas seulement d’un habitant qui marche de son 23 Voir la tradition des pénétrantes vertes, de grandes promenades. (Louis Bonnier et Marcel Poète, Plan d’extension de Paris, 1913 ; avenue de promenades ; Jean Claude Forestier, Etude 1924 ; de parkways ramifiés de Léon Jaussély, Plan d’extension de Paris, 1919). Studio 09 propose une traversé verte à la greenway de Patrick Geddes en Inde

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parking ou de sa gare jusqu’à sa porte d’entrée. » (Castro, Livret 1 : 226 )

Cette citation renvoie à l’importance de la dimension perçue de la densité, évoquée dans le premier chapitre. Les habitants ont droit de se sentir bien dans leur immeuble et leur quartier. L’attitude positive et l’effet bienfaisant d’un environnement agréable permet de réagir de façon positive même dans un quartier dense. La compacité est beaucoup mieux vécue si l’endroit est animé, vif et mixte. La métropole durable exige des chemins courts, une compacité du tissu urbain, un contre modèle au mitage. Ainsi faut-il créer de nouvelles centralités basées sur des densités existantes, historiques ou symboliques. Mais malheureusement ces centralités sont déplacées, organisées autour des centres commerciaux ou de « lacs de parking ». (Castro, livret 1 : 228). Ce qui manque est une structure, un tissu composé des éléments fédérateurs dans la tradition d’une ville historique. (ce que Roland Castro nomme la culture d’architecture baroque ) Christian de Portzamparc est conscient de l’image du bâti continu, homogène à la Haussmann et reprend des principes dans sa réinterprétation de l’îlot. Cette stratégie rythme des éléments durs et mous, les portions de façades fixes en alternance avec des éléments mobiles ou à construire : elle met en parenthèse, des éléments en attente. Le principe d’îlot ouvert, génère et offre des espaces morcelés, libres. Ce projet se projette également dans le temps car sa fragmentation lui permet d’être densifier progressivement.

( Source :Portzamparc)Croquis des stratégies et idées principales d’îlot ouvert.

Une vision et configuration spatiale pensée par Christian de Portzamparc en rupture avec la vision moderniste de blocs monolithes haussmanniens. Il s’agit d’une disposition des bâtiments, tours autour d’un espace ouvert, une rue/place interne qui relie les objets. Portzamparc reprend une partie des principes Haussmanniens, des proportions notamment, des rapports de la hauteur par rapport à la rue. Il utilise les règles traditionnelles et les réinterprète de façon contemporaine et originale en utilisant par

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exemple une variation des matériaux. L’ensemble dense est fragmenté. A chaque îlot, une SHON spécifique est réglée. Au lieu de créer un objet fini, les éléments sont divisés en morceaux pour inventer des séquences variées, ce qui compose un parcours animé et dynamique qui encourage à flâner, jouer, se rencontrer ou autres événements.

( Source :croquis Portzamparc)Croquis de Portzamparc : La ville du troisième âge : plan libre moderne, théorie urbaine de Christian de Portzamparc ; conciliation des héritages de l’histoire urbaine. L’âge 1 : l’histoire de la ville jusqu’au XXème siècle, mais notamment l’époque haussmannien des îlots fermés, alignés sur la rue. Le projet de Masséna présente un « processus de stratification historique accélérée » (Portzamparc, ) L’âge 2 est la ville qui suit les idées et principes de la Charte d’Athènes ( l’ère du Mouvement Moderne) : des dispositifs, formes autonomes dans un tissu interrompu, des grands espaces ouvertes. L’âge 3 de la ville est composé des îlots ouverts avec leur vide actif. A cette échelle le travail ne s’arrête pas au quartier, il faut zoomer dedans pour trouver les finesses et développer une densification sensible qui sera adapté aux besoins et aux exigences du lieu. Pour la cohérence, il faut « magnifier des singularités ».(Castro, AMC : 60)

2.4.1 Les nouveaux Grands ensembles

Tissu du Grands Ensembles (Source : réélaboration des chartes de l’Atlas des Franciliens, Tome1 :territoire et population, INSEE, IAURIF 2000)

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Les grands ensembles nécessitent une stratification et non une modification radicale, une adéquation et une réappropriation de leur territoire par leurs habitants. Les enjeux énergétiques sont l’occasion d’une adaptation en relation avec la nouvelle accessibilité. (Studio 9, livret 2 : 111)

« Cette hétérogénéité mal interprétée inspire depuis vingt ans théories et propositions correctives. (….) Tentatives bien intentionnées, mais qui trahissent en fait la force des habitudes mentales et l’impossibilité de rompre avec les concepts de ville et d ‘espace urbain, au moment précis où nous assistons pourtant à la naissance d’un nouvel espace. » (Choay ,2003 : 104)

L’Ile-de-France contient le plus grand nombre de Grands ensembles de France. Objectivement, les grands ensembles n’ont pas la meilleure réputation, ils sont considérés comme le symbole d’une très grande densité. Pourtant ce sont des lieux de très faible densité, souvent construits loin des infrastructures. Construites à une période où la valeur foncière était faible et avait peu de valeur dans tous les sens du terme, les villes nouvelles de la région parisienne sont aujourd’hui considérées comme finies et figées. Pourtant on voit des tendances du dynamisme en termes de développement démographique, surtout dans la région de Marne-la-Vallée, qui va, dans les années à venir, doubler de population. Avec une stratégie intelligente, ces lieux peuvent êtres réintégrés au tissu environnant de façon spatiale ainsi que sociale et se transformer en lieu de qualité.

Note sur le logement de masse« Entre l’échelle de la cellule et l’échelle de la ville, il y a la forme. La forme n’est pas anodine car l’objet existe : c’est la masse. Et l’objet est bien là. Il est intègre, mais en même temps il est multiple, comme un paysage.La masse devient une situation dans la métropole. Tel un paysage multiple, la perception de la masse change selon l’endroit où l’on se trouve, selon la distance par rapport à l’objet. Elle donne une échelle à son entourage.La masse dit plus que la cellule, la multiplication, le logement : elle raconte une forme,

Videostill de «Les Grands Ensembles» (The Housing Project) Vidéo par Pierre Huyghes, réalisée en 2001

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un paysage, un contexte. Elle raconte la métropole. « (AUC, livret 1 : 132)

L’équipe AUC reconnaît la « possibilité d’évolution importante » des Grands ensembles qui est lié à la disponibilité potentielle d’espace et leur flexibilité grâce à leur construction standardisés. ( AUC, livret 2 : 198) Souvent située aux marges des limites communales, la situation des Grands Ensembles amplifie leur stigmatisation et leur enclavement. Mais une vision plus solidaire, un rattachement à une centralité élargie pourrait intensifier une pratique intercommunale solidaire.En ce qui concerne les lieux bloqués par le règlement ou découpés par des infrastructures, ils pourraient transformer les contraintes en qualités. Les éléments qui morcellent le territoire et fragmentent l’espace, (lignes de hautes tension, chemin de fer, autoroute) pourraient devenir porteurs de nouvelles stimulations et qualités. Ces lieux demandent une densification par éléments innovateurs et originaux.

(Source :Portzamparc, livret 2 : 31)Croquis d’un tissu enclavé, morcelé. Une image exemplaire de la première couronne où les tuyaux des voies rapides emprisonnent des secteurs souvent monofonctionnels. L’espace ainsi bloqué a besoin d’une stratégie intelligente pour relier les fragments de la ville.

Le Quartier du Chaperon Vert, à Gentilly, pas loin de la Cité universitaire, possède ces qualités et la substance bâtie pourrait être recyclée et reconfigurée. Ce quartier, d’une densité bâtie actuelle de 1,25 environ, pourrait être densifié et diversifié en offrant d’autres typologies plus adéquates à la vie et envie actuelle de la société. (Duplex, loft, appartements avec jardin, terrasse) La transformation inclut aussi une superposition programmatique pour optimiser l’espace et intensifier l’usage dans le quartier de services plus classiques comme gymnase+logements, centre de santé, ludothèque, ou autres. L’espace public, aujourd’hui sous-utilisé, est ainsi pensé en terme d’usage économique et de sa gestion plutôt qu’en terme collectif.Chaque intervention sur le Grand ensemble doit être pensée en termes d’ancrage, d’articulation, comme un espace commun dans un système plus grand.

L’équipe Descartes propose de densifier la capacité de ces villes en tissant des

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espaces naturels et des infrastructures. Par intensification de l’usage du lieu, il pourra gagner en urbanité.

AUC ,Livret 2 : 199 Transformations des logements, diversification de la typologie du logement :par exemple T3, T4 en duplex.

« Dans le cas des grands ensembles il faut imaginer un projet qui sort de son périmètre, qui prend en compte le bâti, les espaces publics y compris les dalles, les équipements, leur parcs souvent marginaux et souvent perçus comme des éléments de séparation. » (Studio 9, livret 2 : 125)Dans leur proposition pour le quartier du Chemin Vert, Secchi fait traverser le Grand Ensemble par une bande d’activités qui ajoute un programme et de nouvelles formes d’habitat. MVRDV cherche à apporter des solutions à des logements de mauvaise qualité, en combinant les avantages et les qualités de ces lieux avec des innovations nécessaires qui renouvellent les perspectives futures de ces espaces. Une nouvelle typologie est nécessaire, plus complexe, qui relance la dynamique et la qualité de vie, mais aussi une bonne connexion à la mobilité efficace, sinon ces nouveaux lieux vont rester exclus du système de la ville. « La lecture de ces ensembles est encore trop souvent générique, réductrice. Leurs caractéristiques formelles, leurs sites, leurs habitants, sont tous différents : chacun mérite une stratégie urbaine particulière. » (MVRDV, Livret 2 : 125) Chaque intervention éventuelle doit être étudiée de près pour vraiment sonder les besoins actuels du lieu.Mvrdv, livret 2 : .139) Augmentation de la densité d’un quartier exemplaire, générique. Remplissage des interstices et places disponibles par des nouvelles formes d’habitat, ou de programmes d’activité.

( Jean Nouvel, screenshot du video « Transformation » 2010) Réhabilitation et conversion à la place de la démolition.

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Roland Castro propose une stratégie pour échapper à la démolition des Grands Ensembles, qui offrent potentiellement des espaces disponibles, mais qui sont actuellement souvent en état épouvantable.« Remodeler, c’est dépasser les logiques de la démolition-substitution et des opérations de réhabilitation minimales.» ( Castro, Livret 1 : 226)Ce travail de remodelage et de recyclage peut et doit se traduire en plusieurs échelles : En petite échelle, les mandataires envisagent des interventions comme ajouter des extensions ou nouvelles façades, agrandir les logements, ajouter des terrasses ou en plus grande échelle, travailler le contexte, la connexion et la continuité du tissu urbain, ses limites avec son quartier.« La ville doit pouvoir ainsi envahir la cité afin de lui redonner une valeur équivalente aux autres territoires de la métropole. » ( Castro, idem) Il s’agit ici surtout d’un travail de tissage, de re-intégration des morceaux disparates du territoire.

Photo : la métamorphose de la barre République à Lorient : AMC p 226, L’opération sous la responsabilité d’Yves Lion montre une transformation sensible d’une barre, prêt d’être démolie, mais sauvée et rénovée. La barre principale de 200m est coupée en deux. La transformation est passée par l’architecture en ajoutant des balcons et en complexifiant les logements pour une nouvelle résidence. ( 499 logements et locaux divers) Les architectes ont remodelé à partir de l’existant, ou comme souligne Sophie Denissof, « ont cherché à domestiquer cette raideur ». ( Antoine Loubière, Revue Urbanisme n°332, sept.octobre 2003, p.54)

Si on comprend le travail de Roland Castro comme revendication du « droit à la beauté pour tous les lieux » (Loubière, 2003, p.54), il ne s’agit pas juste d’embellir le bâtiment et de redonner de la valeur supplémentaire par l’ornement mais de chercher des accroches avec les franges du quartier ou l’environnement urbain.

(Secchi, Studio 9, livret 1,p.82)

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Densification progressive d’un grand ensemble en passant par 1938 logements au départ pour atteindre 2200.Dans un premier temps, les espaces publics sont progressivement renouvelés par de nouvelles activités comme commerces, entreprises, bars, restaurants. Dans un troisième temps de nouvelles typologies complètent le tissu existant et de nouvelles enveloppes améliorent la performance énergétique. Les conditions d’espace habitable s’améliorent par de simples gestes d’une densification légère.

Des objets peuvent être alternés de façon intime, ce que l’équipe Jean Nouvel appelle« améliorations sensibles ». (Nouvel , livret 1 : 112) Il s’agit d’adapter les performances énergétiques aux exigences actuelles, l’accessibilité, le confort acoustique ou lumineux. Aussi l’équipe souligne l’importance d’étudier chaque objet et problématique de façon individuelle pour négocier des densités supplémentaires adaptées ou des aménagements sur des terrains perméables comme les parkings. L’équipe propose une gamme d’installations légères, complémentaires, immédiates sur tous les lieux disponibles et aménageables. (voir chapitre : interstices) pour rencontrer un besoin d’espaces différenciés et variés.« Ces abris pour la démocratie verront la mise en œuvre d’une élaboration commune d’un nouveau projet entre les différents acteurs largement impliqués dans la chaîne demande/commande/fabrication/habitation/gestion. La politique mise en œuvre vise à l’ouverture, à la mutation et à l’intégration des quartiers. Elle est incompatible avec l’idée de la démolition, de l’éradication. » ( Jean Nouvel, AMC : 156)

(Nouvel, livret d Chantier 1 : 65)Toolkit pour des nouvelle programmations et densifications des quartiers ou bâtiments monofonctionnels

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2.4.2 Densités ponctuelles

2.4.2.1 La notion du local métropolitain

L’équipe Descartes estime que la métropole d’aujourd’hui a besoin d’une réflexion sur la densité de façon multi scalaire. Les tensions internes marquent et forment les territoires. Son fonctionnement quotidien est marqué par les relations dans l’intersection des échelles.Descartes appelle cette superposition relationnelle du « local métropolitain ». ( AMC : 62) L’habitant s’identifie fortement avec son proche entourage, pourtant il fait partie d’un ensemble plus grand qui fédère tous les citoyens, la métropole. En créant cette catégorie inédite du territoire, la solidarité intercommunale pourrait profiter de sa double dimension institutionnelle et fonctionnelle. Il s’agit d’une notion de localité plongée dans la métropole. Cette « ville cohérente » favorise des circuits courts, permet de rapprocher différentes occupations et modes de vie, en laissant des pluralités spatiales coexister. (idem)Par ce rapprochement plutôt ponctuel, on espère profiter des proximités renforcées entre habitat et lieu de travail, entre ville et nature, consommation et production.Cela implique l’invention d’une architecture adaptée, intermédiaire, variée qui peut accueillir de nouveaux programmes et peut être transformée dans le temps. Un type de densification dynamique qui anticipe le mouvement et surtout le processus de densification progressive à été pensé par le mandataire Christian de Portzamparc.« Le collecteur métropolitain a la capacité de faire émerger toutes les qualités du territoire, créant par la même occasion, un programme fort capable de provoquer, de titiller la densité. » ( AUC, livret 2 : 278)Son rôle est celui de transmetteur et d’intensificateur. Il capte les flux qui s’inscrivent dans « une série de vides programmés, une connexion territoriale programmée » (idem AUC)

2.4.2.2 Densification du pavillonnaire

Les pavillonnaires sont des tissus souvent peu poreux, ou peu perméables, mais qui ont de grandes potentialités d’absorber le changement. Nous imaginons des opérations d’adéquation des bâtiments aux nouveaux standards énergétiques qui prennent en compte des adaptations spatiales aux nouvelles exigences. (Studio 9, livret 2 : .111)

Tissu pavillonaire, L‘ empreint de l‘ expansion du pavillonnaire en IDF ( Source: réélaboration des chartes de l’Atlas des Franciliens, Tome1 : territoire et population, IUARIF, 2000)

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2.4.3 Les Interstices

« La ville diffuse est lâchée par la ville compacte. (….) La distance et l’espacement créés autrefois sont devenus une entrave à toute forme de révolte. Puis petit à petit, une nouvelle forme d’organisation se met en place. Des micro-maisons s’installent dans ces nouveaux interstices. Une autre forme d’architecture fait son apparition ; une architecture plus fragile et moins ostentatoire, nourrie d’un contexte dense et de situations de proximités inédites.Cette nouvelle proximité, pas très facile à vivre les premiers jours, devient graduellement une source d’une solidarité nouvelle. Le processus d’espacement s ‘est inversé. » ( AUC, livret 1 : 108 )

(AUC, livret 1 :109)

On retrouve parmi les propositions des mandataires, des stratégies de densification à l’échelle macro qui vont de la chambre à la maison, tout ce qui pourrait occuper les entraves et les espacements imprévus. Il s’agit de revaloriser ou d’occuper des lieux accidentés, des résultantes d’opérations ainsi que des espaces résiduels, des restes.

Les lieux imprévus ont un grand potentiel d’intervention car il faut inventer les formes et usages architecturaux sur mesure.L’équipe Descartes qui essaye de favoriser la densité à toutes les échelles, a une vision de compacité pour le pavillonnaire, qui a tendance à s’étaler et à dévorer du foncier en le rendant imperméable. Sur la propriété d’un pavillon, des constructions supplémentaires indépendantes pourraient profiter des installations déjà existantes, et pourraient s’intégrer à l’ensemble énergétique. (voir image page -)Ils pensent à la construction traditionnelle de Paris ou d’autres villes européennes : une partie de la ville s’est créée par la densification de lotissements.

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( Descartes, livret de chantier : 120)

Stratégie de densification du tissu pavillonnaire : Par autorisation de construire plus densément sur la parcelle du propriétaire d’un pavillon.

L’étendue pavillonnaire semble figée sans paramètre d’intervention possible. MVRDV imagine une solution possible pour la tendance du parcellaire à être responsable de mitage. L’équipe propose de débloquer les règlements actuels pour ouvrir un rayon d’action plus généreux et opérationnel pour pouvoir ajouter du programme autour des lieux existants.Des règlements actuels pour des lotissements empêchent souvent l’extension ou l’agrandissement sur leur propre parcelle.Même si le tissu bas résidentiel autour du centre de Tokyo avec ses interstices intelligents sert souvent comme modèle exemplaire, il ne s’agit pas de reproduire le tissu mais d’apprendre son mécanisme pour créer de nouvelles relations. Ainsi les solutions originelles sont souvent le fruit des contraintes contextuelles.

« On observe des bâtiments resserrés et rétrécis pour pouvoir s’insérer dans des résidus urbains microscopiques. (…) L’exemple japonais constitue un point de référence utile. Au Japon, la centralité apparaît moins caractéristique d’un lieu que d’un usage. « Sakari « sont des concentrations éphémères de l’urbanité.»( AUC, livret 1 : 67 ) Il faut des densités complémentaires comme les aménagements complémentaires sur les terrains de parkings ou réinterprétations de pieds d’immeuble qui se transforment en ruelle commerçante ainsi que les installations dans les cours d’immeubles.L’équipe autour du Jean Nouvel a établi une sorte de « toolbox », un kit pour des interventions urbaines animant un quartier et la possibilité de la densifier d’une manière hybride et flexible adaptable à des besoins et situations variés et parfois immédiats d’un quartier ou bâtiment.Il s’agit de petites constructions complémentaires, souvent temporaires qui s’ouvrent pour des nouveaux usages, déclenchent de nouvelles rencontres, encouragent des activités. Les programmes peuvent varier entre aire de jeu sur le toit, serres bioclimatiques, façades coulissantes reconvertibles, stations de macro mobilité ou lieux pour des activités temporaires. Ces architectures légères, préfabriquées sont flexibles et peuvent être implantées dans des espaces sous-utilisés ou qui incitent à des usages en alternance comme les parkings, les terrasses, les toits, les espaces qui se libèrent pour

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une certaine période. Nouvel voit dans ces installations l’idée de la démocratisation de l’espace qui s’oppose à la démolition en promouvant l’idée du recyclage.

( AUC, Livret 1 : 211 ) mais aussi (Nouvel, livret d Chantier 2 : 63) « Toolkit » des interventions légères autour des logements collectifs.« Est-ce qu’il faut considérer la ville comme finie, intouchable ? Et si la ville durable devait se bâtir sur l’éphémère, le temps court, permettre ainsi aux fonctions d’évoluer, permettre la réversibilité, comme on dit d’une œuvre d’art qui dévoile tous ses secrets mais qui reste la même après l’investigation des spécialistes ? » (Gilles Rabin, De la vertu de l’éphémère, Jean Nouvel, livret du chantier 1, p.417)

2.4.4 Supersize me ! Pôles intenses

« Les deux grands régimes, le programme et le site, appellent l’émergence d’une discipline où la hiérarchie traditionnellement instaurée par l’urbanisme entre programme et site (d’après la logique de commande qui prévaut en architecture) serait inversée, le site devenant l’idée régulatrice du projet. » (Sébastien Marot, 2010 : 11)

2.4.4.1 « Supersorbonne »

Le développement actuel prévoit d’intensifier ou d’installer de nouvelles universités dans la région. L’idée est d’intensifier la Sorbonne, lieu de savoir existant, bien fréquenté, mais morcelé. Et si des annexes pouvaient être réunies dans un même lieu ? MVRDV souhaite retrouver l’innovation et la synergie créée par la proximité comme sur le campus de la science et de la recherche du plateau de Saclay.Cet endroit doit aussi rayonner et envoyer des signes, attirer des étudiants et des employés. Comme le sol de cet espace est déjà occupé, il faut imaginer une expansion vers la hauteur et investir dans la verticalité. Le campus vertical, la tour de science et de l’éducation va ainsi être visible de très loin. Ceci n’est pas la seule proposition de superlatives pour le Grand Paris plus.Même si ce modèle d’une tour de 1000m reste (encore) imaginaire, il stimule en

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marquant un lieu symbolique.

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( Mvrdv, livret 2 : 146)

2.4.4.2 Gares

« La gare est traversée de mille trajets fonctionnels, du voyage à l’achat, du vêtement à la nourriture : un train peut déboucher dans un rayon de chaussures…Ainsi chaque quartier se ramasse dans le trou de sa gare, point vide d’affluence de ses emplois et de ses plaisirs. » ( Barthes, 1966 : 65)

La Gare est une superstrate, un pôle d’échange, un point multi-modale. Pour de nombreux foyers de population où l’offre d’équipements publics est inexistante, la gare est essentielle. Lieu de mobilité et urbanité, on expérimente un glissement d’espace public à l’intérieur de la gare qui devient lieu de multiplication programmatique. La Gare peut aussi devenir lieu et condition de densification. Les gares ont la capacité d’attirer une grande intensité. Ils sont lieux hybrides, dus au mélange de plusieurs éléments différents coexistants ou juxtaposés.

« Stimuler quelque chose, c’est augmenter sa sensibilité, renforcer son activité, mais la stimulation ne passe pas seulement par le « plus » (plus dense, plus mixte, plus compact ). Elle passe aussi par le croisement et la superposition de systèmes qui ne relèvent pas du même domaine de comparaison. » ( AUC, livret 2 : 219)Mais il faut rester prudent sur le rôle de catalyseur donné aux gares. » (FGeipel, Andi, Systematica , 2009: 26 )

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Densifier le gare RER, Val-de-Fontenay ( Source : Yves Lion)

L’équipe de Descartes se projette dans l’invention d’une nouvelle architecture juridique qui permet de densifier autour et sur les gares.Les nouveaux moyens réglementaires permettent une restructuration et une révision des gares, notamment par la programmation.

Ces lieux de rencontre deviennent des nœuds encore plus intenses et stratégiques sur lesquels d’autres fonctions peuvent s’accrocher. Cette plaque tournante distribue les flux générés par la densité des nouveaux programmes. Les nouvelles activités autour et dans gare génèrent des nouveaux flux. Ces lieux deviennent de véritables entités autonomes.La métropole dense a besoin ces millefeuilles fonctionnels et intenses pour leur usage quotidien.

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Conclusion

La densité fait parfois peur. Elle effraye autant qu’elle représente une opportunité. Elle est neutre, elle est chargée, elle est floue et elle est schizophrène. La seule certitude est sa qualité multivariable, sa qualité multidimensionnelle et multiscalaire, tout court : la densité, il n’y en a pas qu’une seule. On a pu voir ses qualités changeantes selon les contextes changeants. Retrouvée dans une succession d’idéologies esthétiques, politiques ou artistiques, la densité n’a pas arrêté, depuis son apparition dans le discours officiel, de muter. On a appris que la quantification seule de la densité, la relation entre une surface donnée et une certaine unité des éléments n’est pas suffisante pour expliquer la notion de densité. Elle peut être mesurée de façon différente et elle peut être un outil valable de diagnostic ou de solutions pour des problèmes divers, concernant la ville.Même si elle a pu rencontrer une certaine glorification dans des modèles utopistes-modernistes, elle a néanmoins toujours eu une existence parallèle en dehors des tendances à la mode, en forme de simple outil de mesure. On apprend également que l’application de la densité dans le vocabulaire officiel des architectes et des urbanistes a été auto-restreint à cause de son passé trop chargé négativement. Même dans les règlements d’aménagement, «la densité » n’est pas souvent explicitement mentionnée, pourtant sa pratique s’inscrit dans ces documents. On lui préfère des mots comme « compacité », l’intensité urbaine n’ayant pas exactement la même signification.

On a rencontré une autre facette de la densité, plus sensible et plus empirique : la perception de la densité. « La composition qualitative des densités est au moins aussi importante que les densités elles-mêmes. » (Fouchier, 1997 :191)La manière de se déplacer, le choix des formes urbaines, le végétal, le vide, la pratique du lieu jouent une rôle aussi important à sa perception que la densité spécifique elle-même.Dans cette perspective, la densité a des implications réelles dans le développement durable en forme de conscience de consommation d’espace et de conséquences environnementales de la mobilité.La densité réapparaît dans les préoccupations politiques actuelles et va, dans les années à venir, encore représenter un des enjeux urbanistiques majeurs. La nouvelle conscience post-Kyoto ne rime pas avec la tendance d’étalement urbain, gourmand en espace en perméabilisant le sol. La densité est devenue ici un véritable enjeux du sol pour requalifier le Grand Paris. Comme la rationalisation du sol.La Capitale post-Kyoto est consciente des enjeux actuels et veut préserver les limites de l’agglomération en densifiant les zones déjà urbanisées pour ne plus perméabiliser le territoire. La requalification de la métropole passe alors par la rationalisation du sol.L’agglomération est confrontée à deux dynamiques : l’afflux de la population qui se concentre sur un lieu et sa dimension restreinte.

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Défiguré comme un corps mutilé, on retrouve un territoire morcelé par son passé agité, instrumentalisé ou idéalisé. A un moment dans son histoire, la ville s’est fait rattraper par la vitesse de son propre développement, c’est ce qui fait qu’aujourd’hui son territoire est morcelé. Ce que Castro appelle « Apartheid urbain qui structure notre métropole » (Castro, Livret 2 : 218 ) L’affluence rapide de la société a boosté la progression de consommation d’espace en forme d’étalement urbain. Dans certains cas, un seuil minimum de densité a essayé de réguler la problématique des espaces dévorés dans les périphéries. La ville souffre des discontinuités spatiales et temporelles, elle existe en décalage avec ses citoyens.

On a pu observer dans les propositions que la ville ne doit plus s’étaler mais recommencer à se sédimenter. Aussi on assiste à une révision des manières d’habiter dans les fragments de la ville, débloqués par un dérèglement comme les zones inondables, les bords des infrastructures ou fleuves, les lisières, les abords des aéroports et des gares.Des règles comme le PPRI ou le PLU ainsi assouplis permettent « la mutation de la ville ordinaire » (Descartes, livret de chantier, p.121)

Mais plutôt qu’essayer d’échapper à cette contrainte, la ville pourrait la voir comme une chance d’inventer des nouveaux modèles pour vivre.Les projets urbains proposés, essayent de tenir ensemble les morceaux hétérogènes, et de lutter contre les ségrégations spatiales issues du morcellement du territoire.On a pu suivre le raisonnement des mandataires au sujet de la rationalisation du sol comme étant une ressource épuisable. En compacifiant, recyclant, superposant, multipliant des strates, ils proposent chacun leur vision de la ville compacte, intense, dense. Les mandataires de la Consultation montrent leurs stratégies pour lutter contre l’étalement urbain et cherchent des terrains mutables dans le périmètre du Grand Paris.

Ils sont conscients que la métropole de l’avenir est plus proche qu’on l’imagine. Elle est déjà devant nos yeux, sur des territoires actuels, souvent banaux et génériques, pleins des situations singulières potentiellement densifiables. Les fondations de la ville de demain sont déjà là car au cœur, la ville durable est compacte et génère ainsi l’intensité d’usage… Les équipes proposent des projets à partir de ses éléments existants pour fabriquer la métropole dense.Ces « non-lieux » se trouvent dans la périphérie générique, parfois si banale qu’ils deviennent invisibles. Mais ces « territoires actuels », comme Françoise Fromonot aime les nommer, appellent notre attention et notre imagination. Ainsi on retrouve parmi les projets, des invitations à reconquérir les délaissés, les anciennes friches industrielles, des zones bloquées par des nuisances, des ruines modernes.

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La densité fait partie des grandes stratégies urbaines et est connectée inséparablement aux questions de la mobilité et des espaces verts.Pour que l’idée de la planification ne devienne pas ringarde, (« Sovjetique. », Portzamparc, Livret 2 : 5) les mandataires affirment la nécessité de considérer la densité dans tous ses états et toutes ses échelles. A la fois résultat et processus, la densité a la forte potentialité de sortir de son ombre formelle et d’agir comme catalyseur des modes d’urbanité, comme moteur de désenclavement. Progressivement, les membres détachés d’un territoire mutilé peuvent renouer avec les nouvelles centralités. LIN voit, dans la ville diffuse, la possibilité de s’adapter à de futures densifications, les imbrications d’échelles peuvent plus facilement s’intégrer dans un système généreusement ouvert qui permet néanmoins de communiquer et de relier d’autres centres.La révision de la métropole doit créer de la place pour des évolutions et des extensions spontanées de structures déjà mise en place. Peu de mandataires proposent la participation des habitants dans le processus de densification, pourtant on estime qu’ils sont de bons connaisseurs des enjeux à l’échelle macro de leurs quartiers.Pour laisser une grande liberté à des modèles à venir, la consultation des futurs habitants pourrait ouvrir des opportunités.

Les uns préfèrent des stratégies discrètes, camouflées, par sédimentation progressive, où de nouvelles situations ont le temps de s’adapter et de s’installer.« Quand l’intervention est discrète, la transformation est à l’image du vent, invisible mais active. » (LIN) D’autres proposent des visions extrêmes et des scénarios peu réalisables, mais plutôt imaginables qui interrogent et poussent les qualités des futures densités à leur limite.On a pu voir que certaines formes de densité dans certaines échelles sont plus propices au changement que d’autres. La micro-échelle avec ses densifications légères est peut-être plus adaptée à réagir aux changements soudains dans l’avenir.La densité n’est pas un agglomérat de récipients qui accueille des fonctions, elle est aussi un processus sensible adaptable aux différentes échelles qui peut dynamiser le territoire en déclenchant de nouveaux modes de vie par des proximités inattendues.Ces nouveaux imaginaires ont besoin de courage pour prendre des risques et investir dans des formes nouvelles.

Dans la volonté parfois de vouloir contrôler la ville avec la densité et la densité même, on oublie un facteur non-planifiable : l’incertitude de la réalité. Toutes décisions qui influencent la mise en forme d’un projet vont influencer la pratique de ce lieu. Les intensités ne peuvent pas vraiment être prévues, malgré une grande volonté et des efforts du côté des mandataires. Il y a aucune garantie qu’un lieu va vraiment se développer comme souhaité.Il y a une certaine universalité dans la question de la densité, (future ou pas). Tout est lié, tout dépend d’autre chose.Ce n’est pas par hasard que la densité est de nouveau apparue dans l’actualité face aux enjeux de l’après-Kyoto. « Le contexte de rareté des ressources immanentes et l’enjeu d’un développement soutenable, marque un nouveau glissement dans l’évolution de la ville » (Djamel Klouche, AUC 1, 2009 : 67) Même si, au début du mémoire, je ne me suis pas posé la question du développement durable ou d’une densité durable, cette question me semble maintenant plus pertinente face aux changements actuels. La conscience collective d’un mode de

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vie soutenable en contraste avec l’impuissance politique de vraiment réagir proprement s’imprègne progressivement dans les attitudes des citadins.

Si certaines équipes, comme AUC, Descartes et Castro mettent en relation la densité, la consommation d’énergie et les déplacements, (similaires au raisonnement des équipes Newman et Kenworthy, qui mettent en relation la consommation d’énergie de déplacements et la densité d’une ville) elles n’ont pas encore de solutions ou de projets concrets à ce sujet. Si au début, les projets me semblent pertinents et innovateurs, je me demande pour certains, comme par exemple les tours, à quel point ils sont vraiment réalistes face aux nouveaux enjeux.Est-ce que l’architecture n’est pas toujours en peu en retard avec ses réalisations ? Pourtant, en ce qui concerne certaines visions de l’architecture, la science-fiction peut nous paraitre utopique, sauf que bien souvent, c’est déjà la réalité. Le grand défi va être l’accès à l’énergie, qui va influencer tous les autres facteurs. Laquestion de la proximité, de la distance va devenir déterminante à la survie.Mais pour cette nouvelle vie en proximité, il va falloir développer de nouvelles formes d’organisation, du travail, des déplacements, comme les micro-mobilités. A ce sujet, il y a d’autres questions à se poser : le rôle de l’architecte va-t-il changer dans ce contexte ? Comment est-ce que la ville pourrait s’adapter ? Est-ce que la ville va se décomposer en plusieurs centralités, mieux digérables ?

Le moment du peak-oil est déjà dépassé. L’ère du pétrole va finir un jour et les alternatives vraiment adéquates ne sont pas encore là. On ne pourra plus échapper à l’absence d’énergie et les projets architecturaux vont être confrontés à cette réalité. Même s’il y a des ambitions aujourd’hui de concevoir durablement, on n’a aucune idée de ce qui nous attend, on ne peut pas s’adapter avant de savoir. On peut imaginer que la densité, d’une certaine manière, va probablement permettre l’efficacité des ressources, des productions de proximité, et de la distribution. Elle va devoir trouver de nouvelles compétences. Si, actuellement, on retrouve une démarche de la densité qui génère des projets, on retrouvera plutôt le projet qui pourrait stimuler une certaine densité adaptée au contexte spécifique et à l’échelle.On pourrait aussi imaginer que le développement des densités à micro-échelle va jouer un rôle important. Ce sera, par exemple, la participation et l’application de la population. Peut-être que la future densité ne sera plus à grande échelle, au niveau de l’aménagement généralisé, mais plutôt à toute petite échelle, à un niveau qui semble trop discret pour être pris au sérieux, mais du coup, plus adaptable à des situations inattendues. (il ne faut pas oublier que les dinosaures ont disparu à cause d’un changement climatique, et que les insectes et les bactéries, avec leur grand potentiel à s’adapter plus rapidement, ont survécu jusqu’à nos jours)

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Bibliographie

Livret de chantier sur la consultation Internationale pour l’avenir de la métropole parisienne ; Les références des dix équipes sont indiquées de la façon suivante :NOM (équipe ou mandataire), CHANTIER (n°), PAGE (p n°)

Un ou deux dossiers élaborés par dix équipes pluridisciplinaires :- MVRDV (Mandataire : Winy Maas)- RSHP Rogers Stirk Harbour and Partners (Mandataire : Richard Rogers)- Groupe Descartes (Mandataire Yves Lion)- LIN (Mandataire : Finn Geipel)- Castro (Mandataire : Roland Castro)- Christian de Portzamparc (Mandataire : Christian de Portzamparc)- Antoine Grumbach et associés (Mandataire : Antoine Grumbach)- AUC ( Mandataire :Jamel Klouche)- Nouvel Duthilleul Cantal-Dupart (Mandataire : Jean Nouvel, Jean-Marie

Duthilleul ; Michel Cantal-Dupart)- Studio 09 / Secchi Vigano (Mandataire : Bernardo Secchi, Paola Vigano)-

_Ouvrages et articles sur le Grand Paris

Bendimérad Sabri, 2009, Diagnostic des densités du Grand Paris, MVRDV Livret du Chantier 2 : 24

Lussault Michel, 2010, Le Grand Paris, Consultation Internationale sur l’avenir de la métropole parisienne, hors série, AMC, catalogue de l’exposition, Paris : Le Moniteur

Mongin Olivier (dir) ,2008 , Les chantiers du Grand Paris , Revue Esprit n°348, octobre, France: Transfaire: 118

Paquot Thierry (dir.), 2010, Les faiseurs de villes, Gollion :Infolio : 267-289

Panerai Philippe, 2008, Formes et échelles du Grand Paris, Paris : Editions de la Villette

Panerai Philippe, 2008, Paris métropole, Paris : Editions de la Villette : 42

Rol-Tanguy Francis (dir.), 2009, Une petite synthèse du Grand Paris de l’agglomération parisienne, Paris : Editions de l’Atelier Parisien d’Urbanisme : 135-140

Simon Philippe, 2009, Grandes Emprises et Zones Mutables, Livret chantier 2, MVRDV : 235

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_Dictionnaires Choay Françoise, Merlin Pierre, ( 1988), Le Dictionnaire d’urbanisme et aménagement, PUF, 1988 : 204

Le Petit Robert, Dictionnaire de la langue Française, Paris :Editions Le Robert :2171

Trésor de la langue Française. Dictionnaire de la langue du 19ème et du 20ème siècle, Centre national de la recherché scientifique, sixième tome, ( 1978) (constatation-désobliges) Paul IMBS : 1118

_Ouvrages générales

Alexander Christopher, 1964, Notes on the Synthesis of Form, Cambridge (Mass) : Harvard University Press

Augé Marc , 1992, Non-lieux, Paris: Editions du Seuil : 100-123

Banham Reyner, 1971, Los Angeles :the architecture of four ecologies, London : The Penguin Press

Belliot Marcel, Cuiller Francis, 2006, Densités comparées et tendance d’évolution en France Habitat Formes urbaines, Bordeaux :Fnau

Bordieu Pierre, 1993, Effets de lieu, la misère du monde, Paris : Editions du Seuil

Bouwens Wieland, MVRDV, 2006, Project Km3, Excursions on capacity, Rotterdam :Berlage Institute

Brunner Christian, 2005, Densité et formes urbaines dans la métropole marseillaise, Marseille : Editions Imbernon : 153 – 160

Cheng Vicky, 2010, Designing High-Density Cities, London :Cromwell Press Group

Lambot Ian, Girard Greg, 1993, City of Darkness : Life in Kowloon Walled City, Watermark

Lévi-Strauss Claude, 1962, La pensée sauvage, Librairie Plon,

Lynch Kevin, 1984 , A Good City Form, Massachusetts : MIT Press

Lynch Kevin, 1999, L’image de la cité, Paris :Dunod

Koolhaas Rem, 1980, Delirious New York, A retrosactive manifesto for Manhattan, Oxford University Press

Fouchier, Vincent, 1997, Les Densités urbaines et le développement durable, Edition du SGVN :22

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Félix Guattari, 1980, Capitalisme et schizophrénie 2 : Mille plateaux, Collection Critique, 648 pages

Haupt Per, 2010, Spacematrix , Rotterdam : NAi Publishers : 11-56

Marot Sébastien, 2010, L’art de la mémoire, le territoire et l’architecture, Paris :Editions de la Villette : 11

Mangin David, Panerai Philippe, 1999, Projet urbain, Marseille : Parenthèse

Mangin David, 2004, La ville franchisée, Paris : Editions de la Villette

Masboungi Ariella, (coordonné par), 2001, Fabriquer la ville. Outils et méthodes : les aménageurs proposent, Club Ville/Aménagement, DGUHC, PCA, Paris : La Documentation Française

Mongin Oliver, 2005, La condition urbaine, Lonrai : Editions du seuil : 15

Mozas Javier, Fernandez Per Aurora, 2004, Density, new collective housing, Vitoria-Gasteiz :a+t ediciones

MVRDV, 1998, Farmax : Excursions on density, Rotterdam : 010 Publishers

Panerai Philippe, 1999, Analyse Urbaine, Marseille : Editions Paranthèses

Schramm Helmut, 2008, Low rise-High Density: Horizontale Verdichtung, Wien : Springer Verlag

Texier Simion, 2010, Paris 1950, un âge d’or de l’immeuble, communiqué de presse, Paris :Pavillion d’Arsenal : 3 – 6

Charlot-Valdieu Cathérine, Outrequin Philippe, 2009, L’urbanisme durable, Paris : Editions du Moniteur : 202- 208

Unwin Raymond, 1909, Town Planning in Practice , London :T.Fisher Unwin : 320

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_Articles

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Amphoux Pascal, 1998, La notion d’ambiance, une mutation de la pensée urbaine et de la pratique architecturale, Rapport de recherche n° 140, mars, Lausanne : IREC, EPFL

Boutte Franck, 2009, Territorialiser l’Utopie, Utopiser le Territoire, MVRDV livret 2 :227

Bendimérad Sabri, 2009, Diagnostic des Densités du Grand Paris, MVRDV Livret du chantier 2 : 231

Clément Pierre, Guth Sabine, 1995 , De la densité qui tue à la densité qui paye. La densité urbaine comme règle et médiateur entre politique et projet , Les annales de la recherche urbaine, n°67, juin :73-83.

Clément Pierre, Guth Sabine, 1998, Les avatars d’un rapport densité/formes urbaines à Paris, Les Cahiers de l’Ipraus n°1 : 125-144

Charmes Eric, 2010, Faut-il lutter contre l’étalement urbain ? , Etudes foncières n°145 : 22- 26

Charmes Eric, 2006, La Densification des lotissements pavillonnaires de grande banlieue , Etudes foncières, n° 119, janvier-février : 12-15

Charmes Eric, 2002, Densifier les banlieues , Etudes foncières, n° 99, septembre-octobre, Paris : Adef : 32-35.

Berroir Sandrine, Cattan N., Saint-Julien Thérèse, 1995, Densité, concentration et polarisation, Annales Urbaines : 42

Desjardins Xavier, 2010, Etudes foncières n° 145 mai-juin : 27

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Fouchier Vincent, Etudes foncières, n°145, p.35

Fouchier Vincent, 1995, La densification : une comparaison internationale entre politiques contrastées, Les Annales de la Recherche Urbaine, n° 67 : 45 - 51

Fouchier Vincent, 1994, Penser la densité, Etudes foncières, n°64, septembre : 7-12.

Fouchier Vincent., 1997, Les Densités urbaines et le développement durable, Edition du SGVN : 22

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Lévy Albert, 1999, Les trois âges de l’urbanisme : contribution au débat sur la troisième ville, Revue Esprit, n° 249 : 46-61

Lozano Eduardo, 2007, Density in communities , or the most important factor in building Urbanity, The Urban Design Reader, Routledge : Oxon : 312 -327

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Piron Olivier,2006 , La densification acceptée, Etudes Foncières,n° 119, Jan/Feb :11-��

Charlot-Valdieu C., Outrequin P ; La ville et le développement durable ; Cahiers du CSTB de janvier-février 1999 p 49 -53 ;

Sauvez Marc, 1994, La gestion des densités, Etudes foncières, n°65, décembre :12-16

_Etudes

Amphoux Pascal et al., 1999, La densité urbaine, du programme au projet urbain, rapport IREC, no 138, Lausanne : EPFL

APUR n°10, juin 2003 ; Quelle forme urbaine pour quelle densité vécu ? p.8

APUR ; Densité et formes urbaines ; N°165 ; 8 - 14

Appréhender la densité 2, 2005, Note rapide sur l’occupation du sol, IAU N°383, juin : 4

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Bertillon Jacques, 1894, De la fréquence des principales à Paris pendant la période 1865-1891, Paris : Les Cahiers de l’Oise, n°106 Avril 2008

CAUE 75

APUR, Paris dans l’agglomération métropolitaine, contribution pour la révision du Schéma de Développement Régional de l’Ile-de-France, 2ème édition, novembre 2004

APUR, note de 4 pages, la densité, un bon outil pour connaître Paris, n°4, mars �00�

IAURIF n°382 juin 2005, Note rapide sur l’occupation du sol, pp.5

Gay Hervé (dir) ,1999, Densité et habitat en Ile-de-France , IAURIF n°1Juin : 6 pages

Newman, 1992, Recherche sur la réorganisation des Villes existantes en Australie, :Densités variées, structurées par des pôles multifonctionnels « the compact city-an australian perspective : Built Environnement: 27

Service Développement des Territoires et Urbanisme ; Juin 2007

Shapiro Ann-Louise, 1985, Housing the poor of Paris 1850 – 1902, Wisconsin :The University of Wisconsin Press : 78

_Mémoires

A.TOUATI Doctorante au LATTS Equipe RIT, ; L’argument de densité, enquête sur l’histoire d’une notion en vogue, 2010

Fouchier V., 1997, Les densités urbaines et le développement durable. Le cas de l’Ile de France et des villes nouvelles

_Expositions

Exposition arsenal 2010, Paris 1950 : un âge d’or de l’immeuble

_Conférences, entretiens, Colloque

Claude Cheverry Chantal Gascuel ; SOUS LES PAVÉS LA TERRE : Connaître et gérer les sols urbains ; basé sur le colloque de juin 2005, « Enjeux de l’utilisation des sols ». Écrin :Échange et coordination recherche-industrie(pascal Amphoux, conférence introductive à « Inside density », Bruxelles 25-26 nov 1999)

Entretien avec Vincent Fauchier Etudes foncières juin 2010 145 p 35