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La Vénus d’Ille Mérimée Livret pédagogique Établi par Dominique FLEUR-SCHULTHESS, certifiée de Lettres modernes, et Claudine ZENOU-GRINSTEIN, agrégée de Lettres classiques, professeurs en collège

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La Vénusd’Ille

MériméeL i v r e t p é d a g o g i q u e

Établi par Dominique FLEUR-SCHULTHESS,certifiée de Lettres modernes,

et Claudine ZENOU-GRINSTEIN,agrégée de Lettres classiques,

professeurs en collège

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Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes des articles L. 122. -4 etL. 122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usageprivé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et, d’autre part, que « lesanalyses et les courtes citations » dans un but d’exemple et d’illustration, « toute repré-sentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteurou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite ». Cette représentation ou reproduction par quelque procédé que ce soit, sans l’autorisa-tion de l’éditeur ou du Centre français de l’exploitation du droit de copie (20, rue desGrands-Augustins, 75006 Paris), constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par lesarticles 425 et suivants du Code pénal.

© Hachette Livre, 1999. 43, quai de Grenelle, 75905 PARIS Cedex 15. ISBN : 2. 01. 167851.X

Conception graphique

Couverture et intérieur : Médiamax

Mise en page

Médiamax

Illustration

Harvey Stevenson

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R É P O N S E S A U X Q U E S T I O N S 5

L a p a g e d e t i t r e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

L ’ i n c i p i t . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 0

U n a r c h é o l o g u e p a r i s i e n e n p r o v i n c e . . . . . . . . . . . . . . . . 1 6

L a d é c o u v e r t e d e l a s t a t u e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 1

U n e d i s c u s s i o n e n t r e s a v a n t s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 6

L a v e i l l e d e s n o c e s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 1

L a p a r t i e d e j e u d e p a u m e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 6

L e s n o c e s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 0

L e m e u r t r e d ’ I l l e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 4

R e t o u r s u r l ’ œ u v r e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 0

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S O M M A I R E

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Conseils

Sans vouloir imposer de cadres types de séances pour la classe, nousvoudrions suggérer aux professeurs des pistes de travail, de manière à ce qu’ilsconstruisent en fonction de leurs objectifs et de leur progression uneséquence didactique complète et cohérente. Le choix de cette nouvelle en classe de 4e permet, en effet, d’aborder troisgrands objectifs généraux qui répondent aux exigences des programmes : – étudier (ou approfondir) les caractéristiques de la narration et de ladescription ;– appréhender dans sa spécificité un genre narratif bref, la nouvelle ;– définir un registre : le fantastique.

Avertissement– La rubrique « À vos plumes ! » n’a pas systématiquement été corrigée. Lacorrection est laissée à la libre appréciation du professeur.– Les indications de pages accompagnant les intitulés des passages renvoientaux questionnaires du livre de l’élève.

Remarques préliminairesL’étude de cette page de titre peut être envisagée lors de la première séancepour introduire les différents aspects de l’œuvre, offrir des pistes de lecture(l’effet de réel par exemple), vérifier des notions simples de narratologie(énonciation, personnage, auteur) et susciter ainsi chez l’élève une lecturemoins « innocente ». Ce document peut, par ailleurs, constituer un support intéressant pour unbilan lors d’une séance finale. Le questionnaire sur cette page permet alors devérifier, confirmer, préciser les connaissances acquises par les élèves après lalecture intégrale de la nouvelle.

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?1. Les mots volontairement mis en relief par l’écrivain sont significatifs de lavolonté de mystification du facétieux Mérimée. Ainsi, « RELATION », mis en

L A P A G E D E T I T R E (p. 8 )

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tête de page en lettres majuscules, insiste sur le caractère authentique, voire scientifique, du fait rapporté. « STATUE ANTIQUE » et « Mr dePEYREHORADE » annoncent leur place dans la nouvelle : ils en constituentles personnages centraux et essentiels à côté d’un « Mr. MERIMEE » écrit encaractères bien plus petits, auteur lui bien réel, qui s’efface derrière l’humblerôle de « rédacteur »… En ce qui concerne la citation grecque, l’auteur, commele texte d’où elle est extraite, bénéficient de majuscules grecques,« LOUKIANOU PHILOPSEUDES », signifiant mot à mot : « Le Menteur – celui qui aime le faux – de Lucien ». Le titre de l’ouvrage cité n’est pasanodin et provoque des interrogations : le menteur n’est peut-être pas celui quel’on croit dans cette page, surtout si on se rappelle le goût de Mérimée pour lasupercherie littéraire (Cf. les œuvres signées de pseudonymes). Personnes réelles (auteurs contemporains et anciens) et personnages fictifs sontmêlés : tout est fait pour brouiller les pistes et les repères du futur lecteur…

2. Le U de Bourges est transcrit selon les règles traditionnelles de l’alphabetfrançais, puisqu’il s’agit de nommer une ville française. En revanche, Mériméechoisit d’écrire comme le faisaient les anciens Romains, sous forme de Vmajuscules, les deux U du groupe nominal « statue antique » pour renforcerchez le lecteur le sentiment d’être déjà face sinon à une inscription de stylelapidaire (gravée dans la pierre), du moins à un document érudit etauthentique.

3. Dans cette page, outre les procédés d’écriture, Mérimée semble s’adresserà des lecteurs avertis. Le terme de « relation » fait référence à une commu -nication entre spécialistes d’archéologie et la citation grecque de Lucien n’estévidemment pas traduite sans doute par peur d’offenser un public d’initiés.

4. L’auteur est bien sûr Prosper Mérimée, personne réelle qui crée et signeune œuvre, mais il n’est pas inutile de rappeler à des élèves, peut-êtredéboussolés par cette entrée en matière, cette notion simple et de ladifférencier de la notion de personnage que l’on aborde par la suite. Les deux personnes évoquées sont M. de Peyrehorade et M. de Mérimée. Seul Mérimée, l’auteur, est une personne réelle. M. de Peyrehorade,volontairement présenté par l’écrivain comme un notable de province bienexistant, situé dans son environnement social, n’est qu’un personnage,autrement dit un être de fiction créé de toutes pièces par le romancier quel’illusion nous porte abusivement à considérer comme une personne réelle.Nous aborderons la notion de narrateur dans le prochain questionnaire.

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◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE

5. L’adjectif qualificatif « curieux » signifie, dans ce contexte, « étrange,singulier, qui attire et retient l’attention ». Ainsi, en raison de l’emploi d’undéterminant vague pour le nom « inscriptions » (article indéfini), le seuladjectif qui aurait pu renseigner de manière claire le lecteur perpétue uneimprécision volontaire destinée à l’intriguer, à éveiller sa curiosité.

6. Le déterminant du groupe nominal « statue antique » est aussi un articleindéfini. On ne connaît de cette statue que son caractère antique, ce qui nenous renseigne ni sur son origine (étrusque, gauloise, grecque, romaine ?), ni sur son époque, ni même sur ce qu’elle est censée représenter. L’effetd’attente s’en voit ainsi renforcé.

7. Le déterminant du titre de la nouvelle La Vénus d’Ille est de façon trèsnette un article défini qui ne laisse plus de place au questionnement. Lastatue, nommée, est devenue le sujet et le personnage principal. Il ne s’agitpas, comme dans cette page d’introduction, de créer à la fois effet d’attenteet effet de réel.

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

8. La relation de la découverte de la statue est modestement « rédigée »par Mérimée. Il s’inscrit dans la tradition littéraire, peut-être héritée du XVIIIe siècle, qui est celle de l’autonomie du texte fondé sur le déni de réalité,voire de « paternité » : je ne suis pas l’auteur de ces pages, je n’ai fait que lesrapporter, les rédiger (cf. La Vie de Marianne, L’Histoire du chevalier des Grieuxet de Manon Lescaut, Les Liaisons dangereuses, Les Lettres persanes, Candide etautres contes de Voltaire). La fiction, de peur d’être rejetée en raison de sonmanque de sérieux, n’ose s’avouer comme telle. De plus, en mêlant de cettefaçon fiction et réalité, Mérimée veut accentuer l’impression d’authenticité,l’effet de réel, d’autant plus efficace, dans le cadre de la nouvelle fantastique,on le verra par la suite.

9. Le destinataire, au-delà du cercle d’archéologues savants à qui sembles’adresser cette page, reste le lecteur. Mérimée s’amuse à le manipuler en lelançant sur de multiples pistes sans jamais lui indiquer précisément la bonnevoie, si tant est qu’elle existe…

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◆ ÉTUDIER LE GENRE : LA NOUVELLE FANTASTIQUE

10. « Information récente » : Mérimée fournit des indications précises surl’époque, 1834. Le récit annoncé dans la page de titre paraît se fonder sur desévénements bien récents puisque La Vénus d’Ille est publiée en 1837 dans laRevue des Deux Mondes juste après la tournée dans le Midi de la Franceeffectuée par Mérimée dans le cadre de ses nouvelles fonctions à l’Inspectiondes Monuments historiques en 1834. Il s’agit là d’une découverte, d’une nouvelle importante – en tous casprésentée comme telle – qui mérite d’être relatée immédiatement.

11. Tout comme les éléments de datation, les indications spatiales laissentaussi penser que l’on a affaire à une « information véritable » : le lieu de ladécouverte (Ille, dans le département des Pyrénées-Orientales) n’est pasinventé de manière fantaisiste par l’auteur, ce fut même une étape de satournée archéologique dans le Midi. Quant à M. de Peyrehorade, personne ne peut imaginer qu’il n’existe pasréellement puisqu’il est associé à M. Mérimée, haut fonctionnaire de l’Étatdont nul n’ignore l’intérêt pour les œuvres antiques. L’illusion du vrai estportée ainsi à son point ultime.

◆ ÉTUDIER L’ÉCRITURE

12. Dans ce contexte, le mystificateur, le Philopseudès, celui qui se déchargeparadoxalement de toute responsabilité de l’écriture sur des êtres fictifs,semble bien être l’auteur Mérimée. Car même l’auteur Mérimée qui signecette page n’est pas le véritable Mérimée : l’écrivain se prétend, en effet,même s’il raye par la suite cette mention dans un honnête repentir, membrede l’Académie de Bourges, section archéologie, poste qu’il n’a jamaisoccupé… Autre beau mensonge littéraire !

Question supplémentaire. Cette page ne contient pas de verbesconjugués. Comment appelle-t-on les phrases construites ainsi et dans quelstypes d’écrits les rencontre-t-on le plus souvent ?Réponse. Ce sont des phrases nominales. Leur emploi se justifie ici par lafonction même de la page de titre qui a pour but d’annoncer de manièrebrève, condensée et frappante le « sujet » de la nouvelle. Selon la mêmeperspective, on rencontre ce type de phrases dans les messages publicitaires,les bandes-annonces de films ou tout simplement dans les titres d’œuvres.

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◆ ÉTUDIER UN THÈME

13. Telle qu’elle se présente, la page ressemble à bien des égards à uneannonce pour une conférence culturelle. Elle en possède le caractèrepublicitaire, alléchant, et l’aspect culturel, scientifique.

◆ ÉTUDIER LA FONCTION DE CE PASSAGE

14. Une double remarque s’impose sur le type de récit que constitue lanouvelle et sur la tonalité fantastique qui est celle de La Vénus d’Ille : la pagede titre ne laisse aucunement percevoir cette double caractéristique. Bien aucontraire, l’aspect ironiquement pompeux de la « relation » masque lecaractère littéraire, travaillé, construit de ce genre bref, dont Mérimée a acquisla parfaite maîtrise. Par ailleurs, l’apparence du récit – un simple fait divers –éloigne le lecteur de tout doute, de toute hésitation sur la réalité de ce qui valui être raconté. En somme, il ne peut imaginer que l’auteur Mérimée val’entraîner sur les dangereuses pentes du fantastique. Ainsi, la page de titrefonctionne véritablement comme un trompe-l’œil destiné à mieux déguiserle vrai propos littéraire de Mérimée.

15. On peut noter l’ironie – par antiphrase – de Mérimée quand il affirmedans cette première page que les « curieuses inscriptions » sont « expliquées parMr. de Peyrehorade ». De fait, au cours de la nouvelle, tous les renseignementsfièrement apportés par ce passionné d’antiquités qui désire briller devant lenarrateur manifestent de sa part un savoir incertain et les hypothèses qu’ildéfend semblent bien peu dignes d’intérêt aux yeux du narrateur/archéologue. Surtout, l’avant-dernier paragraphe de la nouvelle montre queM. de Peyrehorade a définitivement renoncé à ses explications : « Par sontestament il m’a légué ses manuscrits, que je publierai peut-être un jour. Je n’y ai pointtrouvé le mémoire relatif aux inscriptions de la Vénus ».

◆ LIRE UNE CARTE

17. Tous les lieux évoqués sont bien réels : on peut aisément les situer surune carte départementale des Pyrénées qui les enferme tous dans une sorted’unité tragique.

18. L’illusion du vrai se voit, à travers cette précision géographique dunarrateur, évidemment renforcée.

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◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?1. Les seules indications temporelles se résument à deux notations rapides,l’une dans le récit du narrateur : « bien que le soleil fût déjà couché, je distinguaisdans la plaine les maisons de la petite ville d’Ille » (l. 2), l’autre dans une répliquedu Catalan : « et s’il ne faisait pas si noir, je vous la montrerais » (l. 9). Ces deuxnotations nous renseignent sur le moment de la journée (le soir) et, sans autre précision, installent l’action dans l’époque contemporaine de celle del’auteur. On peut remarquer l’ellipse temporelle entre le moment du récitintroducteur et celui du dialogue qui contribue à la vivacité de la narration. 2. Les lieux sont aussi clairement et rapidement précisés dès le début de lanouvelle : le Canigou, sommet des Pyrénées (2 785 m), Ille-sur-Têt, petiteville de l’arrondissement de Prades. Le narrateur vient des villes de Serrabonaet de Perpignan. Ces indications, qu’on peut facilement repérer sur la cartegéographique précédemment étudiée (page 10 du livre élève), permettent aulecteur de se situer dans une réalité connue et accentuent l’effet de réel.Certains noms inventés (Puygarrig) ou transposés du pays landais(Peyrehorade) constituent dans la même perspective des éléments de« couleur locale » propres à créer le dépaysement et à souligner que dans ceslieux éloignés de Paris toutes les croyances sont possibles. 3. Les élèves ont parfois tendance à penser que le narrateur se confond avecl’auteur Mérimée, dans la mesure où il est question d’un archéologue parisiencultivé venu dans le Roussillon pour visiter les curiosités locales des « environsd’Ille », dont il dit qu’il les sait « riches en monuments antiques et du Moyen Âge ».S’agit-il, comme pour Mérimée, d’une tournée d’inspection d’ordreprofessionnel ou d’un simple voyage d’agrément ? L’emploi par le narrateurdu pronom personnel je accentue l’ambiguïté – volontaire. Cependant, lanouvelle ne constitue pas un récit autobiographique (même si Mérimée a pus’inspirer de ses récents voyages dans le Sud de la France pour des notationsde couleur locale par exemple) et le narrateur est véritablement unpersonnage qui joue un rôle dans l’histoire qu’il raconte.

◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE

Question supplémentaire. Cherchez le mot « idole » dans un dictionnaire.Pourquoi l’expression « une idole en terre » (l. 39) peut-elle être mal comprisepar le narrateur ?

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Réponse. « idole » n. f. (du grec eidôlon, image) : image représentant unedivinité et qu’on adore comme si elle était la divinité elle-même (Dictionnairede la langue française, Le Robert). On pourra rappeler aux élèves cettedéfinition un peu plus loin dans la nouvelle quand on abordera la descriptionde la statue (comme animée) et la signification de la fameuse inscriptionlatine « cave amantem ».

Quant à l’expression « une idole en terre » (l. 39), elle est amphibiologique,équivoque puisque le G. N. « en terre », placé en fin de phrase, est compriscomme un complément déterminatif du nom par le narrateur – une idolefaite en terre –, alors que dans la pensée du guide catalan, il s’agit d’un C. C.de lieu – dans la terre – du verbe « avait trouvé ».

4. Quand il rapporte des paroles, Mérimée choisit prioritairement le style oudiscours direct, très rarement le style indirect et, dans ce cas, il préfère plutôtle style indirect libre. Par souci de vivacité, de rapidité, d’efficacité pour la mise en train de l’action,Mérimée privilégie l’emploi des paroles rapportées directement. Ce choixpermet à l’auteur de faire vivre les personnages par leurs paroles, d’actualiserle récit par l’intrusion de l’authentique et du spontané tout en informant lelecteur sur la situation d’énonciation. Ainsi les dialogues permettent-ils decaractériser les personnages du récit et de faire avancer l’action. Toutes lesmarques du discours direct (temps verbaux, déictiques, ponctuation) sontfacilement repérables par des élèves : – les signes de ponctuation qui soulignent un effet de rupture dans le récit(deux-points, guillemets, tirets qui signalent le début d’une interventionorale, en général précédée, parfois suivie par un verbe déclaratif) ;– les déictiques qui renvoient aux locuteurs et qui ne se comprennent qu’enfonction de la situation d’énonciation : les pronoms personnels (vous, je), lesnotations spatio-temporelles (« s’il ne faisait pas aussi noir », « Ce soir, peut-être,demain, après-demain, que sais-je ! ») ;– les temps des verbes en rapport avec le dialogue : présent essentiellement,futur et passé composé, temps du discours.

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

5. Le dialogue s’engage d’abord entre le narrateur, alors qu’il arrive le soirprès d’une petite ville, et son guide catalan. C’est évidemment ce dernier quisollicite le plus la parole et qui parle le plus longuement dans la mesure où

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c’est lui qui détient la majorité des informations que le narrateur – et lelecteur – découvre peu à peu au cours de la conversation.

Question supplémentaire. « C’est bien avant dans la terre, au pied d’unolivier, que nous l’avons eue. » (l. 43) : que signifie l’emploi de ce pronompersonnel ? La situation d’énonciation est-elle alors toujours la même ?

Réponse. L’emploi du pronom personnel nous indique précisément que la situation d’énonciation a changé. Le guide catalan passe ainsi de la conver sation au récit. Par la suite, il enchâsse lui aussi dans son récit desparoles rapportées, celles d’une nouvelle situation où il est interlocuteur faceà M. de Peyrehorade, cette fois-ci.

6. Les dialogues qui caractérisent le narrateur et le guide catalan marquentessentiellement une opposition sociale et intellectuelle qui se manifestenotamment dans : – Les temps des verbes. À côté des temps très justement maîtrisés par le narrateur, passé simple durécit : « que trouvâtes-vous ? » (l. 62), ou futur de supposition : « Ce sera peut-être quelque statue romaine. » (l. 75), le paysan catalan utilise principalement leprésent, temps « passe-partout » pour la narration, qu’il associe librement parexemple à l’imparfait : « Et le voilà […] qui se démène et qui faisait quasimentautant d’ouvrage que nous deux. » (l. 59 à 62). – Le vocabulaire et les niveaux de langue. C’est surtout le guide catalan qui traduit le plus par son langage familier sonappartenance sociale et son manque d’instruction. Sa façon de parler secaractérise par des tournures syntaxiques incorrectes : « que je dis » (l. 52),« qu’il me dit » (l. 57), par l’inflation de présentatifs du type : « C’est à Puygarrigque ça se fera ; car c’est mademoiselle de Puygarrig que monsieur le fils épouse. » (l. 15-16), « C’est que M. Alphonse de Peyrehorade en a été triste, car c’est Coll quifaisait sa partie. » (l. 104-105), « Voilà donc qu’en travaillant », « voilà qu’il paraîtune main noire », « Et le voilà […] qui se démène », « la voilà qui tombe à larenverse », par l’usage d’onomatopées : « bimm ! patatras ! paf ! », d’interjectionspopulaires : « quoi ! ah bien oui ! pécaïre ! ».Quant à l’ignorance du paysan catalan, elle se mesure à ses référenceshistoriques (« une idole du temps des païens… du temps de Charlemagne », l. 65),à la naïveté de ses jugements esthétiques (« C’est encore plus beau et mieux finique le buste de Louis-Philippe, qui est à la mairie, en plâtre peint. », l. 81). Par

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ailleurs, il considère le narrateur comme un savant par le seul fait qu’il aitprononcé le mot de « romaine » (l. 76 à 78).Là encore, la caractérisation des personnages n’est pas seulement pittoresque :elle vient renforcer l’effet de réel car, si l’insolite ou l’étrange semblent faireirruption dans la nouvelle, le lecteur peut toujours l’attribuer à la simplicitépaysanne des croyances superstitieuses du guide catalan.

◆ ÉTUDIER UN GENRE : LA NOUVELLE FANTASTIQUE

7. Les plus immédiates préoccupations du narrateur ? Souper et par la suitese reposer après une journée de voyage fatigante : « la grande affaire, c’est desouper » (l. 33). On ne peut, si l’on s’arrête à ce moment du récit, avoir lesentiment d’entrer dans un univers inquiétant.

8. Cependant, un événement récent est venu troubler la quiétude de la petiteville d’Ille : que M. de Peyrehorade ait exhumé une statue de bronze apparaîtcomme un fait extraordinaire « Comment ! on ne vous a pas conté, à Perpignan,comment M. de Peyrehorade avait trouvé une idole en terre ? » (l. 38-39). Cetévénement a aussi provoqué un accident : c’est en déterrant la statue que JeanColl, un paysan, s’est cassé une jambe.

9. Le guide catalan réagit à la découverte de la statue de façon émotionnelle(voir la multiplicité des points d’exclamation, par exemple). Face à cesréactions affectives et superstitieuses, le narrateur fait preuve de calme, de bonsens et de culture. Il donne l’image d’un homme qui ne saurait se laisserprendre à de simples apparences. Sa démarche est heuristique : esprit cultivé,il réfléchit à partir des faits sur lesquels il se fonde pour parvenir à desdéductions. Ainsi ses phrases sont-elles toujours simples et courtes. Ellesmanifestent, par leur forme hypothétique, un esprit scientifique qui se garded’interprétations hâtives et un recul, une distance volontaires par rapport auxévénements tels qu’ils lui ont été racontés. Le lecteur, plus tard dans le récit, sera d’autant plus enclin à faire confianceau narrateur qui gagne ici sa crédibilité d’homme épris de culture et derationnalité.

10. Le récit à la première personne facilite l’identification du lecteur avec lenarrateur. C’est sur le narrateur, sur sa personnalité, que se fonde la « réalité »du récit fantastique. Il est important par conséquent que le lecteur puissetotalement adhérer à son point de vue, à ses réflexions, à ses doutes. Lefantastique n’en aura que plus d’efficacité.

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◆ ÉTUDIER L’ÉCRITURE

11. Le sujet réel – ou logique – du verbe paraître est « une main noire ». Lapostposition du sujet crée un effet d’attente et accentue l’idée desurgissement, de dévoilement.

Question supplémentaire. Sous quelle synecdoque apparaît pour lapremière fois la statue ? Quelle impression est ainsi créée ?

Réponse. Mérimée choisit de montrer une partie symbolique de la statue, lamain, dont on sait le rôle dramatique dans la suite de la nouvelle. L’impressionde malaise naît de l’étrangeté insolite de la découverte : une main qui sort deterre est forcément une main de mort. Aucune autre indication ne vientcorriger le sentiment diffus d’avoir affaire à un élément de corps humain : samatière, sa consistance ne peuvent être appréhendées par le paysan, et cetteimprécision qui trouve sa justification dans la réalité de l’exhumation estencore plus angoissante. Qualifiée de « noire » par le Catalan, cette maind’outre-tombe dont on ne sait à qui elle appartient, intrigue, inquiète,terrorise.

◆ ÉTUDIER UN THÈME : LA STATUE

12. Si l’on relève les termes utilisés par le Catalan lorsqu’il évoque la statue,on constate qu’il met l’accent sur son regard, sur son air bien plus que sur sonapparence physique : « on le voit bien à son air. Elle vous fixe avec ses grands yeuxblancs… On dirait qu’elle vous dévisage. » (l. 71-72), « Elle a l’air méchante… »(l. 83). La statue frappe par son apparence inquiétante. Le Catalan en parle defaçon indécise (cf. le jeu des modalisations « On dirait que », « elle a l’air »). La description du paysan n’est évidemment pas objective : « Une grande femmenoire plus qu’à moitié nue » (l. 63). Les adjectifs « noire » et « nue », quiappartiennent au champ lexical de la mort, qualifient à nouveau de façondépréciative la statue qui revêt en vérité davantage l’aspect d’une prostituée(cf. l’image de la Vénus « des carrefours », patronne des prostituées, dansl’Antiquité romaine) que celui d’une charmante divinité. Cette description aégalement une fonction dramatique : elle prépare le récit de l’accident deJean Coll et implique que ce dernier est la conséquence de la malveillancede la statue.

13. Parmi les adjectifs employés par le guide pour qualifier la statue, celui quiest employé à deux reprises et qui ne peut convenir à un « objet inanimé »

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est l’adjectif « méchante ». Il ne s’agit pas d’une simple personnification car leCatalan parle de la statue véritablement comme d’un être vivant. Pour lui, lastatue est mue par un principe de vie (ou… de mort). Il l’actualise en parlantd’elle – une femme – toujours au présent.

◆ ÉTUDIER LA FONCTION DE L’INCIPIT

14. Dans ce début de nouvelle, les informations sur les personnages etl’action nous sont données principalement par des dialogues qui introduisentdans le récit, en l’interrompant, une part de spontanéité et d’authenticité dansla mesure où les paroles semblent citées « telles quelles ». Par ailleurs, lesparoles rapportées directement, on l’a vu, permettent de faire vivre lespersonnages et de renvoyer implicitement à la situation d’énonciationinitiale, celle où les paroles ont été prononcées. C’est peut-être encore plusvrai dans cet incipit, cette ouverture de la nouvelle : par ces premières lignesle lecteur, qui ne connaît jusque-là que le titre, « rencontre » l’histoire : lieux,dates et personnages.

15. Tous les éléments de l’intrigue sont mis en place comme dans la scèned’exposition d’une pièce de théâtre. Les personnages qui vont participer au « drame » sont tous déjà présents et la question principale de la nouvelle – s’agit-il d’une statue maléfique ? – apparaît d’ores et déjà dans les proposdu Catalan. Mais, tout en apportant ces informations, l’incipit laisse aussi delarges zones d’ombre. Il met en place le décor, fait entrer en scène lespersonnages, mais laisse ouverte la suite. Chaque lecteur anticipe alors encréant son « horizon d’attente » et joue ainsi le rôle essentiel que lui attribueMichel Tournier : celui de faire exister l’action.

◆ LIRE L’IMAGE

17. La scène montre assez distinctement deux groupes de personnages.D’une part, ceux qui tiennent pelles et pioches et qui sont les paysanspréposés aux fouilles ; ils portent des vêtements de campagnards ; leurschemises ouvertes, leurs chapeaux laissent deviner l’effort physique et lachaleur du soleil ; ils sont en contrebas et, à l’exception de l’un d’entre euxqui se tient debout, les trois autres ont le corps penché en avant : on ne peutdistinguer précisément leur visage. D’autre part, à droite de la gravure, sur unlieu plus élevé, se tiennent deux hommes vêtus de façon bourgeoise et quine semblent pas souffrir de la chaleur. L’un d’eux est assis – il tient sur ses

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genoux un bras de statue ! –, l’autre debout, un carton à dessin sous le bras – on se rappelle la remarque du guide catalan « j’ai deviné cela à vous voir tireren portrait les saints de Serrabona. » (l. 35-36), semble lui exposer un problèmeou une interprétation. Tout laisse à penser que ce sont les directeurs desfouilles ou du moins des archéologues venus sur le terrain pour superviser letravail du chantier. Les deux groupes de personnages ne se mêlent pas. Lespaysans déterrent en bas, les intellectuels réfléchissent en haut.

18. Les différences sociales apparaissent de façon manifeste sur cette gravure.Les intellectuels de l’époque mettent vraisemblablement rarement la main àla pâte. L’archéologue vient sur le terrain pour organiser le chantier defouilles, donner ses consignes et éventuellement rédiger un rapport. (Onpense aux fonctions exercées par Mérimée aux Monuments historiques…)Et si M. de Peyrehorade se met à l’ouvrage plus que ses paysans dans La Vénusd’Ille, c’est le Catalan qui en est le premier étonné car le fait ne doit pas êtrehabituel !

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?1. Le jour de la semaine fixé pour le mariage est un vendredi puisque M. dePeyrehorade indique au narrateur qu’il sera libre le lendemain, samedi, pourlui faire visiter son Roussillon. Le vendredi, Veneris dies, est le jour consacréà Vénus dans le calendrier romain. En fin connaisseur, Mérimée glissesubrepticement cette notation qui n’est pas sans importance pour le récitfantastique.

2. Les convives qui partagent le repas du soir sont au nombre de quatre : lenarrateur, M. et Mme de Peyrehorade et leur fils Alphonse.

3. La chambre du narrateur se situe au premier étage, au bout d’un corridor,à l’opposé de la chambre des futurs jeunes mariés. L’escalier qui y mène esten bois, détail qui aura son importance lors du récit de la nuit de noces.

4. La hauteur de la statue s’élève à environ 2 m. Le narrateur dit se trouverà une vingtaine de mètres de la statue lorsqu’il la regarde depuis la fenêtre de

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sa chambre. Cette distance, comme l’obscurité de la nuit, même claire,explique d’abord, dans un souci de réalisme, sa difficulté à tout voir.

◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE

5. Alphonse est, dès le premier instant, placé dans l’univers des statues par lenarrateur, première caractéristique qui le range immédiatement aux côtés dela statue de Vénus. Par ailleurs, il est assimilé au dieu Terme qui bornait leschamps et les terrains dans l’Antiquité romaine, représenté par une bornequ’il était interdit de déplacer. Cette comparaison soulignant son immobilitésilencieuse contraste avec l’agitation de ses parents mais aussi avec la force, ledynamisme de la déesse de l’amour, de cette Vénus nommée « turbulente »dans la fameuse inscription latine.

6. À la ligne 143, Alphonse est désigné par une comparaison, « raide comme un piquet », qui vient renforcer et compléter l’impression de rigidité laissée parle mot «Terme » : il semble de fait, chosifié, appartenir au monde des objets.

Question supplémentaire. Statue en cuivre, statue en bronze : pourquoiMérimée choisit-il de faire dire « cuivre » aux uns et « bronze » aux autres ?

Réponse. Les personnages sont caractérisés par leur façon de parler. Ainsi lesgens simples, sans instruction disent « cuivre ».

7. Quand il parle des « présents de Vénus » et des blessures qu’elle peut infliger,M. de Peyrehorade peut faire allusion aux différentes « passions » que l’amourpeut susciter chez les êtres humains. Ce sont sans doute les joies, les bonheursapportés par le sentiment amoureux ; par antiphrase, ce sont peut-être les tourments de l’amour. Le gros rire entendu qu’il adresse au narrateur – célibataire ! – permet de penser qu’au-delà de ces considérations bienspirituelles, le provincial qu’est M. de Peyrehorade songe à des réalités pluscharnelles, plus terre-à-terre : des liaisons galantes ou plus prosaïquement... cesmaladies vénériennes que peut, comme leur nom l’indique, engendrer Vénus.

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

8. L’auteur choisit le discours direct pour M. de Peyrehorade. Il manifeste de cette façon la faconde de ce provincial qui « pérore » sans cesse commeson nom le laisse peut-être entendre. Par ailleurs, le discours direct permettous les signes de ponctuation et notamment le point d’exclamation, qui icistigmatise manifestement l’agitation excessive du provincial.

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Question supplémentaire. Comparez le type de discours et le volumedes interventions du narrateur : comment l’attitude de ce dernier s’oppose-t-elle à celle de M. de Peyrehorade ?

Réponse. Il suffit d’observer le volume des paroles de M. de Peyrehorade faceaux deux seules interventions du narrateur dans ce dialogue pour imaginerleurs attitudes en totale opposition. On peut remarquer, à la ligne 162,l’humour de Mérimée montrant le narrateur qui, depuis le début de la soirée,tente vainement de prendre la parole : « Un accès de toux l’obligea de s’arrêter. J’en profitai pour lui dire que je serais désolé de le déranger ». L’auteur emploie alorsle style indirect pour le narrateur qui semble ainsi se réfugier dans la concision,la réserve pudique et éviter les trop longues explications par souci de politesse.

9. Ligne 274 : « qui, je l’appris plus tard, était le jeu de paume de la ville. », et ligne 294 : « il paraît que c’était un apprenti serrurier ». Ces remarques montrentque la narration se fait a posteriori. Le narrateur préfère – Mérimée construit sanouvelle – donner par antici pation au lecteur des informations nécessaires à labonne compréhension de son récit.

10. Ligne 301 : « Il se baissa, et probablement ramassa une pierre. Je le vis […] lancerquelque chose ». L’imprécision de la formulation, créée en partie par le jeu desmodalisations si caractéristique du fantastique, s’explique para doxalement par lavolonté du narrateur d’être exact, au plus près de la réalité dont il veut rendrecompte. Ce souci de réalisme scrupuleux va de pair avec l’atmosphère demystère qui commence à imprégner le récit.

◆ ÉTUDIER LE GENRE : LA NOUVELLE FANTASTIQUE

11. Les personnages, qui sont les hôtes du narrateur, M. de Peyrehorade, sonépouse et son fils Alphonse sont décrits en quelques lignes. Mérimée préfèrele portrait en action pour ne pas briser le rythme de son récit et seulAlphonse, en raison de son immobilité, est décrit dans un paragraphe un peuplus important en volume, où Mérimée utilise l’imparfait.À travers ces portraits de bourgeois provinciaux, on peut voir le regard trèscritique du narrateur parisien qui n’hésite pas à ridiculiser ces braves gens quesont M. et Mme de Peyrehorade. En peignant avec humour cette agitationpittoresque de province, Mérimée n’oublie pas son propos qui consiste àinstaller subrepticement le lecteur dans une atmosphère « bon enfant », dansl’illusion réaliste, afin de mieux le prendre au piège du fantastique. « Pour fairedu fantastique, il faut commencer par mettre ses héros en gilets de flanelle. » (Flaubert)

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12. C’est une caractéristique de la nouvelle : l’action est centrale, elle primesur la description, qui impose nécessairement un arrêt dans le récit qui se veutcondensé, centré sur l’essentiel.

◆ ÉTUDIER L’ÉCRITURE

13. Pour M. comme pour Mme de Peyrehorade, les énumérations, quiconstituent une bonne part de la description que Mérimée fait d’eux, sontcomposées de verbes qui indiquent action et mouvement.

14. L’accélération du rythme de la phrase donne à la scène un mouvementconstant : les personnages sont ainsi caractérisés par leur vivacité, leurmobilité, leur volubilité excessives qui frisent la caricature.

◆ ÉTUDIER UN THÈME : LA STATUE

15. Ligne 265 : « l’air frais de la nuit, délicieux après un long souper ».Ligne 266 : « En face était le Canigou, d’un aspect admirable […] la plus bellemontagne du monde ».Ligne 270 : « sa silhouette merveilleuse ».Tous les adjectifs utilisés pour décrire le paysage sont laudatifs, voiresuperlatifs. Ils appartiennent au champ lexical de la beauté et notent dessensations visuelles et même tactiles. Mais l’auteur insiste sur la clarté de lanuit et le champ lexical de la beauté rejoint celui de la lumière : « éclairé qu’ilétait par une lueur resplendissante ». Le narrateur semble goûter la beautéradieuse et tranquille du paysage, y trouver une forme de sérénité en accordavec son état d’esprit.

16. Les indications données par le narrateur afin de situer la statue dansl’espace qu’il observe sont extrêmement précises : « à une vingtaine de toises dela maison. Elle était placée à l’angle d’une haie vive qui séparait un petit jardin d’unvaste carré parfaitement uni ». Il utilise volontiers un vocabulaire technique quirefuse l’approximation et qui garantit la véracité du récit à venir.

17. La réaction des apprentis est immédiate, marquée par l’utilisation du styledirect : « Elle me l’a rejetée ! » (l. 305) : pour eux, il ne fait pas de doute quecette statue est animée et qu’elle agit de façon autonome comme un êtrevivant. La réaction du narrateur apparaît tout aussi spontanément mais elle seveut posée, scientifique et elle se fonde sur les lois de la physique. « Il étaitévident que la pierre avait rebondi sur le métal » (l. 307). Si l’on s’en tient au sens

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propre de l’adjectif (du latin videre, voir, qui se voit, qui est vu), rien n’est ici« évident », puisque justement le narrateur n’a pas pu voir – de ses yeux – lascène qu’auraient pu rapporter avec précision les deux apprentis qui l’ontvécue. Il se contente donc d’une déduction logique de bon sens qu’il posecomme un fait établi mais qui demeure une interprétation a posteriori.

18. Le lecteur se trouve dans une situation délicate, partagé entre deuxinterprétations possibles, même si, pour l’instant, il peut toujours, paridentification à un narrateur sensé et cultivé dans lequel il veut sereconnaître, pencher pour une explication naturelle des faits. Mais toutdoucement, le doute s’insinue en lui... Que s’est-il réellement passé ?

◆ ÉTUDIER LA FONCTION DE CET EXTRAIT

19. Les personnages qui rejettent violemment la statue pour des raisons desuperstition, de croyance naïves, sont les plus nombreux : le guide catalan,Mme de Peyrehorade, les deux apprentis et le jeune Étienne. La statue semblefaire l’unanimité contre elle chez les gens du village.

Un seul personnage lui est curieusement dévoué au nom de l’archéologie etil est le seul : M. de Peyrehorade.

Un personnage, pour l’instant, garde une sorte de neutralité et de recul : lenarrateur.

20. Curieusement, le seul personnage à rester étranger à l’agitation queprovoque la statue est le fils, Alphonse, dont la superbe indifférence – insulteà la déesse ? – peut être regardée comme une étroitesse d’esprit et de cœur.

21. La façon dont M. de Peyrehorade ne qualifie jamais celle qui seral’épouse de son fils (aucun adjectif qualificatif, aucune subordonnée relativedescriptive) indique le peu de place, le peu de considération qu’il lui accordeface à « sa découverte ».Même lorsqu’il évoque le mariage à venir (l. 169 : « Bagatelles ! ce sera faitaprès-demain. »), l’emploi du pronom démonstratif neutre « ce » réduit à unesimple formalité la cérémonie et évacue ainsi tout le caractère exceptionnelde l’événement.Par ailleurs, il ne nomme jamais Mlle de Puygarrig :– « la future » (l. 170) ;– « une mariée… une mariée… » (l. 179) ;– « la future madame Alphonse » (l. 251).

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La jeune fille reste sans prénom, sans visage, sans autre détermination que safonction de jeune héritière et de future épouse.Enfin, le fait même que M. de Peyrehorade établisse une comparaison entreelle et la statue signifie qu’il inscrit dans le même ordre de réalité femme et objet, « J’ai mieux que cela à vous montrer. Je vous ferai voir quelque chose !… »(l. 181). Le personnage féminin de Mlle de Puygarrig se trouve ainsi « chosifié », elle fait partie des « choses » que l’on montre. De fait, elle revêtmoins d’importance que l’autre « chose », suivie d’un point d’exclamation etde trois points de suspension, ponctuation qui souligne l’enthousiasme etl’admi ration de M. de Peyrehorade.Le lecteur est alors en droit de se demander quel peut être le pouvoir de cetobjet mystérieux, capable d’évincer, même aux yeux d’un beau-père, lafraîcheur et la féminité d’une jeune épousée.

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?1. Ligne 313 : « Il était grand jour quand je me réveillai. » Avec cette notationdébute la deuxième journée du récit. C’est l’impatience de M. dePeyrehorade qui permet tout naturellement à Mérimée d’indiquer trèsprécisément l’heure : « Il est huit heures, et encore au lit ! Je suis levé, moi, depuissix heures. » (l. 319)

Question supplémentaire. Quel est le déterminant utilisé à deuxreprises par M. de Peyrehorade pour parler de la statue ?

Réponse. Dans deux phrases extrêmement rapprochées, l’auteur fait dire auprovincial : « ma Vénus » (l. 323 et l. 326), adjectif possessif qui souligne, enl’occurrence, l’attachement excessif qui lie affectivement M. de Peyrehoradeà la statue de Vénus, par-delà la fierté d’avoir découvert et de posséder unetelle merveille puisqu’il en est l’ « inventeur ». La familiarité de l’appellation– M. de Peyrehorade dit « ma Vénus » comme il pourrait dire « ma femme, ma fille » – rappelle en outre une constante de cette nouvelle fantastique : les personnages dans leur majorité parlent de la statue comme d’une femme.

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2. Telle qu’elle apparaît, la déesse Vénus est représentée à moitié vêtue, ce quiconstitue une représentation habituelle de la déesse qui préside à la séductionet à la fécondité.

3. Mérimée, même s’il a pu s’inspirer de modèles existants, a imaginé la statuede Vénus qu’il décrit. De fait, les indications données par le texte ne permettentni d’en préciser l’origine – on sait seulement que ce n’est pas une statue romainedu Bas-Empire – ni de la dater précisément : « Un chef-d’œuvre du meilleur tempsde la statuaire. » Le fait de rappeler que sa tête est « petite, comme celle de toutes lesstatues grecques » ne signifie pas nécessairement qu’il s’agisse d’une statue grecque.En réalité, l’auteur insiste sur le caractère unique, exceptionnel de cette statue,qui ne peut se comparer à aucune autre : « le type ne se rapprochait de celui d’aucunestatue antique dont il me souvienne. » (l. 356-357)

◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE

4. Temps de la durée, de la pause, l’imparfait impose un arrêt brutal dans lanarration et rompt avec l’agitation créée par les verbes de mouvement aupassé simple qui se juxtaposaient dans le récit précédent. Il annonce en mêmetemps le début de la description dans un temps arrêté, figé, qui est celui dela fascination, du choc esthétique du narrateur.

5. Le présentatif utilisé « C’était » met en relief « une Vénus », qui devient ainsile point où se focalisent tous les regards, celui du narrateur, celui du lecteur.

6. L’expression « d’une merveilleuse beauté » est mise en valeur par un autreprocédé, le détachement après la virgule et l’effet d’insistance produit par laconjonction de coordination et (= et même).

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

7. Expressions où apparaissent les pronoms personnels de la premièrepersonne : Ligne 340 : « je ne sais trop pourquoi »Ligne 346 : « Je m’attendais à quelque ouvrage »Ligne 347 : « je voyais un chef-d’œuvre »Ligne 348 : « Ce qui me frappait surtout »Ligne 355 : « jamais je ne parviendrai à exprimer »Ligne 357 : « dont il me souvienne »Ligne 360 : « Ici, au contraire, j’observai avec surprise »Ligne 380 : « Je me souvins de ce que m’avait dit mon guide »

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Ligne 383 : « je ne pus me défendre d’un mouvement de colère contre moi-même enme sentant un peu mal à mon aise devant cette figure de bronze. »

8. Il s’agit d’une description subjective – le narrateur en est le sujet, il dit « je » et le vocabulaire est celui du jugement – et on peut facilement, par lebiais du relevé précédent, montrer aux élèves l’évolution des sentiments dunarrateur. Le regard qu’il porte sur la statue va de l’étonnement, del’admiration au malaise. Mais on pourra remarquer, en s’appuyant sur le faitgrammatical, qu’à la fin de la description, le narrateur-sujet devient sonpropre objet d’observation : « je ne pus me défendre […] contre moi-même ».Comme les autres personnages, le voilà impliqué, subissant à son corpsdéfendant l’irrésistible attirance/répulsion de la statue.

9. Le narrateur exprime diverses réactions à la vue de la statue : a) inquiétude – répulsion – malaise – colère.b) étonnement – admiration – choc esthétique – fascination.Les sentiments que la statue produit sur le narrateur sont tout à la fois multipleset opposés. Cette ambiguïté sinon inquiète le lecteur, du moins le désoriente.

◆ ÉTUDIER L’ÉCRITURE

10. La description de la Vénus s’organise en quatre paragraphes.

11. Premier paragraphe : l’apparence générale de la statue (l. 322 à 342). Deuxième paragraphe : les contours de son corps, sa draperie (l. 343 à 351). Troisième paragraphe : sa tête (l. 352 à 368). Quatrième paragraphe : les éléments de son visage et notamment ses yeux (l. 376 à 385). La description s’ordonne du général au détail en insistant finalement sur latête de la statue et sur l’expressionnisme de son visage.

12. Ce sont les yeux de la statue – le terme revient à trois reprises dans ledernier paragraphe – qui retiennent le plus l’attention du narrateur. C’est parle regard que cette « figure de bronze » exprime de façon manifeste l’illusionde vie, de réalité.

◆ ÉTUDIER LE REGISTRE : LE FANTASTIQUE

Question supplémentaire. a) Montrez, en relevant les commentairestechniques du narrateur sur la statue, comment il prouve sa compétence etassoit sa crédibilité d’archéologue.

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Réponse. Ligne 333 : « comme les anciens représentaient d’ordinaire les grandesdivinités »Ligne 339 : « L’attitude de cette statue rappelait celle du Joueur de Mourre »Ligne 347 : « je voyais un chef-d’œuvre du meilleur temps de la statuaire. »Ligne 353 : « La tête, petite comme celle de presque toutes les statues grecques »Lignes 357 à 360 : « Ce n’était point cette beauté calme et sévère des sculpteurs grecs,qui, par système, donnaient à tous les traits une majestueuse immobilité. »Le narrateur étale son savoir d’archéologue et par là-même confère à sadescription une forme d’objectivité qui conforte étonnamment les diverssentiments que lui inspire la statue : un savant tel que lui ne saurait se laisserprendre aux sortilèges de l’art. Et c’est l’impression de vie et de naturel quise dégage de la statue, preuve chez les Anciens du plus haut degré atteint enmatière d’art, qui serait curieusement à l’origine de son malaise.

b) Et pourtant quelles émotions sont provoquées chez le narrateur par le seulregard de la statue ?

Réponse. Et pourtant le malaise du narrateur n’est pas seulement d’ordreesthétique. La méchanceté, l’absence de sensibilité exprimées par le visage dela statue affectent émotionnellement le narrateur confronté pour la premièrefois à la statue. Sa volonté de rationalité s’en trouve ébranlée, d’où sonsentiment de colère à se sentir dépossédé de la belle maîtrise qu’il affectaitjusque-là. L’auteur Mérimée opère un insensible travail de déconstruction deses personnages, y compris du narrateur. Ce sont ces petites fêlures affectantpeu à peu les personnages et notamment le narrateur qui entraînent le lecteurau cœur du fantastique.

13. Le point de vue interne (ou subjectif), celui du narrateur enl’occurrence, imprime à la description un caractère affectif évident. Tout estvu par lui, à travers son regard, sa sensibilité.

14. Le choix de cette focalisation contribue à installer le lecteur dans ledoute, la difficulté d’interprétation propre au fantastique (cf. dossierBibliocollège p. 103). Comment ne pas se fier à cet éminent spécialiste del’Antiquité et comment alors interpréter le trouble apparemment stupidedans lequel le jette la statue ?

◆ ÉTUDIER UN THÈME : LA STATUE

15. Champ lexical de la beauté : « merveilleuse beauté, parfait, suave, voluptueux,

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élégant, noble, chef-d’œuvre, exquise, parfaits, incroyable beauté, admirable, merveilleusebeauté, beau ».Champ lexical de la méchanceté : « caractère étrange, malice, méchanceté, dédain,ironie, cruauté, traits contractés, absence de sensibilité, se complaire à les faire mourir,féroce, ironie infernale ».

16. « Ces yeux brillants produisaient une certaine illusion qui rappelait la réalité, lavie. » (l. 380)D’autres personnages de la nouvelle avaient laissé entendre que la statue étaitcomme douée de vie : le guide, Jean Coll, les deux apprentis et à un moindredegré Mme de Peyrehorade. Mais c’est la première fois que le narrateurexprime, certes dans un contexte artistique où le mimétisme fait figure deperfection, l’illusion de vie qui se dégage de la statue.

◆ ÉTUDIER LA FONCTION DE CET EXTRAIT

Question supplémentaire. En quoi la description de la statue par lenarrateur confirme-t-elle ce qu’on avait déjà appris sur elle et sur lessentiments qu’elle inspirait ?

Réponse. Cette description de la statue par le narrateur confirme sous un autreangle ce qu’on avait déjà appris sur elle (elle est belle, unique en son genre, c’estbien une représentation de Vénus) et sur les sentiments qu’elle inspirait (touteson apparence manifeste la malignité, l’insensibilité). Le narrateur ne peut queconstater cette ambivalence et la faire partager au lecteur.

◆ ÉTUDIER UNE SCULPTURE

17. Le Doryphore de Polyclète (Ve siècle av. J.-C.), copie, marbre, Musée deNaples. a) le sujet : il s’agit d’un « porte-lance » même si, dans la copie que nouspouvons observer, la lance, tout comme la main qui la tenait, a disparu. LeDoryphore représente un homme jeune, athlétique, « apte à la fois au servicemilitaire et aux exercices du gymnase. »b) le matériau : le Doryphore est taillé dans un bloc de marbre, matièrenoble. c) le type de sculpture : c’est une sculpture en ronde-bosse. Le spectateurest libre de considérer les effets de la lumière sous différents angles ; le jeu desombres et des lumières met en relief la musculature.

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d) le style :– l’aspect général : le Doryphore est nu et debout. – l’attitude : la statuaire grecque archaïque présente une certaine rigidité, lasculpture classique, à l’inverse, introduit souplesse et mouvement. L’œuvre quis’inscrit dans les trois dimensions a besoin d’un support. Polyclète transmet au Doryphore cette mobilité : tête légèrement inclinée ;souple déhanchement d’un corps au repos ; bras gauche délié, la main tenantune lance disparue. – l’expression : avant le Ve siècle, le sourire est figé ; au Ve siècle, l’expressionest grave, sereine, parfois élégante ou gracieuse. Le Doryphore présente unvisage calme, un regard vague et un peu absent. – les proportions : le Doryphore possède un corps athlétique, admirablementproportionné, avec une musculature soigneusement étudiée. e) l’auteur : Polyclète a vécu au Ve siècle av. J.-C. Il est l’auteur célèbre d’unouvrage Le Canon (ce qui signifie la règle), où il définit mathématiquementles proportions idéales du corps humain. La statue devait être athlétique,harmonieuse et avoir une petite tête avec un large front. f) la fonction : le Doryphore n’est pas un décor de monument. Il possèdeun caractère autonome. Polyclète a cherché à montrer la beauté idéale ducorps humain, celui d’un simple porteur de lance, et à exprimer la vérité dumouvement. Un chef-d’œuvre de la sculpture grecque, dont l’influence sera très grandesur les sculpteurs de tous les temps. Les Romains admiraient l’art grec. C’est pourquoi ils importent denombreuses œuvres d’art grecques, les imitent ou les copient. Myron (première moitié du Ve siècle av. J.-C.), Phidias, Polyclète, Praxitèle et Lysippesont les plus grands sculpteurs grecs du Ve et du IVe s. av. J.-C. Les originauxde leurs œuvres sont rarement parvenus jusqu’à nous, ce qui rend leurs copiesromaines plus précieuses encore.

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?1. La première inscription en latin signalée par M. de Peyrehorade aunarrateur est essentielle pour la suite de la nouvelle : « Cave amantem ». On

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peut préciser aux élèves non latinistes que la forme du participe présent enlatin peut être un masculin ou un féminin : celui qui aime ou celle qui aime.

2. Cette première inscription se trouve gravée sur le socle de la statue,emplacement habituel dans la tradition antique. La deuxième, en revanche,qui constitue une formule de consécration à la statue, se trouve curieusementgravée sur son bras droit, en « quelques caractères d’écriture cursive antique »,comme le souligne le narrateur. « VENERI TVRBVL… EVTYCHES MYROIMPERIO FECIT », ce qui signifie mot à mot : Eutychès Myron a fait (oua consacré) cette offrande à Vénus turbul(ente) par son ordre. Mérimée s’est inspiré, pour forger cette inscription, du recueil d’épigraphiedu philologue suisse Orelli, qui faisait autorité à l’époque. Il laisse cependantvolontairement un mot incomplet, comme il arrive souvent dans les texteshérités de l’Antiquité – souci de réalisme archéologique –, ce qui lui permetd’évoquer la possibilité d’une épithète « turbulenta », jamais attestée en ce quiconcerne la déesse Vénus, fort en rapport avec l’expressionnisme de la statue→ souci de dramatisation et effet d’attente créé chez le lecteur face àl’énigme ainsi posée. Il faut rappeler qu’en latin le terme a un sens beaucoupplus fort que notre adjectif « turbulent ». Il signifie « agité et violent, quitrouble violemment, qui cause du désordre ». Il constitue évidemment unemenace, un avertissement à peine voilé dans la perspective d’une explicationsurnaturelle.

3. Ligne 510 : « Je pense qu’il a servi à fixer quelque chose, un bracelet, par exemple,que ce Myron donna à Vénus en offrande expiatoire. »C’est une hypothèse tout à fait plausible d’après ce que l’on sait de la statuaireantique et de la pratique des ex-voto.

◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE

4. a) Ligne 388 : « Que dites-vous de cette inscription, à laquelle vous n’avez pointpris garde encore ? »Ligne 396 : « Prends garde à celui qui t’aime, défie-toi des amants. »Ligne 401 : « Je traduirais donc : “Prends garde à toi si elle t’aime”. »b) C’est le même verbe prendre garde employé dans ces trois phrases. Dans lapremière phrase cependant, la formule de M. de Peyrehorade, qui se veutspirituel, reprend symétriquement et malicieusement le verbe contenu dans

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la formule latine. Le verbe, utilisé dans une phrase d’apparence anodine, n’aalors que le sens affaibli de « diriger son attention ».

5. Le nom « concision » : (du latin concidere, de caedere, couper) qualité de cequi s’exprime en peu de mots, brièveté, sobriété.

6. Dans les deux exemples proposés, les groupes prépositionnels sont ambiguspuisque le C.D.N. peut être interprété comme sujet (génitif subjectif) oucomme objet (génitif objectif). Ainsi, on peut comprendre : a) L’amour de la statue devenait de plus en plus fort. (la statue aime → sujet, ou bien : on aime la statue → C.O.D.).b) On pouvait voir sur leurs visages la peur des ennemis. (les ennemis ont peur → sujet, ou bien : on a peur des ennemis → C.O.I.).La nominalisation de verbes exprimant un sentiment rend possible cettedouble interprétation.

7. Ligne 527 : « C’est un admirable morceau. »À première vue, le narrateur, pour esquiver la discussion avec M. dePeyrehorade, clôt le débat en insistant sur la beauté de cette statue en bronze.Mais on peut légitimement penser qu’il fait par là allusion au monument dethéories sans fondement échafaudé par M. de Peyrehorade. Une façon de semoquer de lui sans en avoir l’air…

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

8. Pour le narrateur, M. de Peyrehorade fait partie de ces « antiquaires entêtés »qu’il a parfois l’occasion de rencontrer.

9. Tout ce passage pourrait être joué par les élèves tant il est traité sur lemode théâtral. a) Lignes 410 à 429 : un exemple de comique de geste. Ligne 427 : « et cependant M. de Peyrehorade répétait chaque mot à mesure que jele prononçais, approuvant du geste et de la voix. » Ces indications, dans une piècede théâtre, fonctionnent comme de véritables didascalies susceptibles desouligner les exagérations, les décalages paroles/gestes. b) Lignes 460 à 465 : un exemple de comique de situation. Ligne 462 : « Du haut du piédestal, où j’étais toujours perché, je lui promissolennellement que je n’aurais jamais l’indignité de lui voler sa découverte ».Le décalage comique naît du contraste entre la solennité affichée du sermentet la situation d’oiseau perché du narrateur qui se moque de lui-même.L’auteur nous installe au cœur de la dérision et nous rend complices.

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◆ ÉTUDIER LE GENRE : LA NOUVELLE FANTASTIQUE

Question supplémentaire. Dans cet entretien savant qui souligne lesdésaccords entre le narrateur et M. de Peyrehorade, de quel côté penche lelecteur ? Pourquoi, selon vous ?

Réponse. Le lecteur penche tout naturellement du côté du narrateur car onretrouve ici, à travers son récit, les éléments traditionnels de la satire contre lepédantisme telle qu’on peut la rencontrer chez Rabelais ou Molière. Lenarrateur fait rire aux dépens de M. de Peyrehorade. Par ailleurs, le lecteur serange du côté de la culture, de la juste mesure, de la raison, qui sont lesapparentes caractéristiques du narrateur.

10. Mérimée s’est en quelque sorte caché sous le prénom d’Eutychèspuisque ce prénom grec pourrait avoir comme équivalent en français notreprénom Prosper. C’est un jeu entre l’auteur et son lecteur, un clin d’œilqu’adresse là Mérimée à ses amis savants. On se rappelle son goût pour lesmystifications, pour les pseudonymes, pour les anagrammes : l’écrivain secache mais il est partout. C’est une manière de nous signaler que c’est lui quitire les ficelles et que la littérature est un art de la manipulation, a fortiori dansle cadre de la nouvelle fantastique.

11. Ligne 521 : « Ah ! qu’on voit bien que vous avez fait des romans ! »On apprend par cette remarque que le narrateur est un romancier – c’est unautre visage de lui qui nous est donné à voir – tout comme Mérimée. Laconfusion auteur (personne réelle) / narrateur (personnage imaginaire)renforce l’effet de réel si efficace pour le fantastique, où le narrateur doitpasser pour une personne réelle.

◆ ÉTUDIER UN THÈME : LA STATUE

12. Aux yeux du narrateur, la statue n’exprime aucun caractère divin. Ligne 398 : « En voyant l’expression diabolique de la dame ».Ligne 421 : « Je m’accrochai sans trop de façon au cou de la Vénus ».Ligne 423 : « Je la regardai même un instant sous le nez, et la trouvai encore plusméchante et encore plus belle. »Seule sa beauté rappelle qu’elle représente la déesse de l’amour et de labeauté, mais c’est encore et surtout sa malignité vénéneuse qui est attestéepar le narrateur lorsqu’il émet l’hypothèse de l’épithète « turbulente ». M. dePeyrehorade l’a bien compris, qui refuse qu’on considère sa Vénus comme unsimulacre de Vénus populaire, « une Vénus de cabaret », celle à qui les

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prostituées de Rome rendaient un culte. Pour lui, il s’agit d’une Vénus « debonne compagnie » et il veut reconnaître en elle une divinité topique, poliade,qui mettrait sa petite ville, placée sous sa protection, au rang des grandes citésde l’Antiquité qui consacraient des sanctuaires à Aphrodite ou à Vénus.

13. On l’a vu, M. de Peyrehorade échafaude des théories dont le seul but estde donner de l’importance à sa région en lui supposant une très grande ettrès illustre antiquité. Un descendant de Myron aurait fait cette statue ! Pourlui, il ne fait nul doute que cette Vénus est bénéfique, c’est celle qui présidedans les liens du mariage à la séduction et à la fécondité : il choisit le vendredipour le mariage de son fils Alphonse et est prêt à honorer la déesse commeil se doit (à lui faire un « petit sacrifice »).

◆ ÉTUDIER LA FONCTION DE CET EXTRAIT

14. Par sa tonalité comique, son traitement théâtral, ce passage fait sourire,ôte pour un moment les aspects qui avaient pu paraître inquiétants. Après« l’inquiétante étrangeté », le lecteur retrouve la normalité d’une banale conver -sation marquée par la caricaturale drôlerie de M. de Peyrehorade.

15. Vénus est une déesse qui peut aimer (cf. les récits des amours de Vénus),c’est aussi la divinité qui inspire aux mortels les plaisirs et les tourments del’amour. Le thème majeur est celui de la puissance dévastatrice de l’amour,du désir. Il se présente sous la forme d’un avertissement. Ici le jeu sur les senspossibles de amantem, masculin ou féminin, se double d’un jeu sur l’identitéde l’amante : serait-ce Vénus, déesse de l’amour, de la personnification de la femme ou la statue elle-même, qui serait dangereuse voire fatale ? Lenarrateur, sans doute par politesse, ne pose pas véritablement la question etlaisse ainsi s’intaller le doute, constitutif du fantastique, chez le lecteur.Autre caractéristique du récit fantastique (du conte aussi) : M. dePeyrehorade, à force de fausse érudition et d’entêtement idéologique, négligel’avertissement que la formule comporte et s’enfonce dans un aveuglementtragique.

◆ LIRE L’IMAGE

16. Le personnage féminin au centre de la fresque est Vénus. On remarquesa nudité, l’extrême blancheur de sa peau en contraste avec celle, bronzée, dudieu de la guerre qui est en train de dénouer, avec une grande douceur, levoile qui la drape.

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17. La déesse est ici représentée comme une femme abandonnée, presquelascive, ornée de bijoux qui mettent en valeur ses féminines séductions : elleest la déesse de la volupté. Les contrastes de tonalités soulignent la sensualitéde son corps face à la froideur des armes. Les petits amours jouent avec descasques, des armes devenues dérisoires, inutiles. Car la valeur symbolique decette fresque qui, telle une élégie, vante les plaisirs de la vie amoureuse etproclame la supériorité de Vénus sur Mars, se trouve sans doute dansl’impression de douce sérénité, de tranquille évidence qui se dégage del’ensemble. Avec Vénus, vient le temps de la paix retrouvée et des plaisirssimples. Nul effroi dans le regard de Mars, nulle menace dans celui de cetteVénus bénéfique.On pense à la célèbre invocation à Vénus qui débute le De Natura rerum deLucrèce (Ier siècle av. J.-C.).« Mère des Énéades, plaisir des hommes et des dieux, Vénus nourricière, toi par quisous les signes errants du ciel, la mer porteuse de vaisseaux, les terres fertiles enmoissons se peuplent de créatures, puisque c’est à toi que toute espèce vivante mérited’être conçue et de voir, une fois sortie des ténèbres, la lumière du soleil, devant toi, ôDéesse, à ton approche s’enfuient les vents, se dissipent les nuages. […]Obtiens que cependant les farouches travaux de la guerre à travers mers et terress’apaisent partout assoupis. Car toi seule a le pouvoir de réjouir les mortels par unepaix tranquille, puisqu’à ces farouches travaux c’est Mars, le puissant dieu des armes,qui préside. Et lui-même souvent vient chercher asile sur tes genoux, vaincu à son tourpar la blessure éternelle de l’amour. »

Lucrèce, De la nature, Klinckieck, 1916, trad. d’Alfred Ernout.

◆ AVEZ–VOUS BIEN LU ?1. Ligne 550 : Alphonse évoque « par la transition d’une jument grise » sa jeunefiancée, Mlle de Puygarrig. L’emploi du mot « transition » par le narrateur estd’une ironie particulièrement féroce.

2. Alphonse est heureux de se marier car sa fiancée apporte une dotimportante. Certes tout le monde – et lui ? – la trouve charmante mais est-ce pour son charme qu’il l’épouse ?

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3. Alphonse porte deux bagues : celle qu’il destine à sa future épouse et quiest un ancien bijou de famille (ligne 573 : « C’était une bague de famille trèsancienne… du temps de la chevalerie. »). La bague en question a été rehaussée dediamants pour faire plus riche, ce que déplore le narrateur.

La deuxième est une simple alliance, « un anneau tout uni » (l. 587) qui luirappelle les plaisirs de l’amour – reconnus étrangers au mariage – qu’il aconnus à Paris.

4. Mlle de Puygarrig a 18 ans.

5. Les Peyrehorade et leurs invités doivent se rendre à Puygarrig lelendemain à dix heures et ils doivent retourner à Ille à sept heures. Lesindications temporelles sont, une fois de plus, extrêmement précises. C’est làune constante spécifique de la nouvelle.

◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE

6. Ligne 567 : « Dans l’intérieur de la bague se lisaient ces mots en lettres gothiques :Sempr’ab ti, c’est-à-dire, toujours avec toi. »a) Le sujet de la forme verbale « se lisaient » est « ces mots en lettres gothiques ».Il est postposé, inversé ce qui entraîne un effet d’attente. b) Par ailleurs, l’auteur, pour maintenir l’intérêt du lecteur sur la significationde cette inscription, sursoit à sa traduction : le narrateur décrit d’abordl’inscription « en lettres gothiques », la cite en ancien dialecte du Roussillon« Sempr’ab ti », puis, enfin et seulement en donne la traduction, « toujours avectoi ».

7. Ligne 360 : « Ici, au contraire, j’observais avec surprise l’intention marquée del’artiste de rendre la malice arrivant jusqu’à la méchanceté ».a) Le mot malice a déjà été employé par le narrateur quand il évoquaitl’expression de la statue de Vénus. Dans ce contexte, le nom, associé à celuide méchanceté, retrouve son sens fort mais vieilli « aptitude et inclination àfaire le mal, à nuire par des voies détournées ». (Cf. étymologie : latin malitia, méchanceté).b) Dans le cas du portrait de Mlle de Puygarrig, il ne s’agit que « d’une légèreteinte de malice » qui vient colorer « son air de bonté » (l. 605-606). Le nom aalors son sens moderne et affaibli. Il qualifie la tournure d’esprit un peumoqueuse de celui qui prend plaisir à s’amuser aux dépens d’autrui sanspenser à mal.

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8. Le premier sens de sacrifice (du latin sacrificium, de sacrificare, de sacrumfacere, faire un acte sacré) est bien celui dans lequel l’emploie M. dePeyrehorade. Il s’agit d’une offrande rituelle à la divinité, caractérisée par ladestruction (immolation réelle ou symbolique, holocauste) ou l’abandonvolontaire de la chose offerte. M. de Peyrehorade veut par son offrande « acheter » la faveur de la déesse quipréside aux liens du mariage, d’où le sacrifice de deux palombes, symbolesdu couple et de l’amour. Dans un deuxième sens, plus moderne (2e moitié du XVIIe siècle), il s’agitd’un renoncement ou d’une privation volontaire en vue d’une fin religieuse,morale ou utilitaire. Le ton tragi-comique de M. de Peyrehorade, son style« fleuri » permettent une lecture naïve, innocente de ce passage. Mais, à larelecture, on peut voir dans cette volonté sacrificielle, qui rappelle descérémonies païennes, le signe prémonitoire de la tragédie qui est en marche : on reconnaît à Vénus la puissance sacrée de la divinité et M. de Peyrehoradene se doute pas – aveuglement tragique – qu’il lui immolera ce qu’il a de pluscher.

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

9. Quand il évoque Mlle de Puygarrig, Alphonse ne parle jamais de sespropres sentiments. Le narrateur veut sans doute suggérer qu’il est totalementindifférent au charme de la jeune fille et qu’il ne s’agit pas pour lui d’unengagement d’ordre affectif. Il ne se soucie pas vraiment d’elle et on peutmême imaginer qu’il la trompera un jour.

10. Ni la valeur esthétique ni la valeur sentimentale ne semblent toucherAlphonse dans les deux cas. Seul l’argent et l’opinion du « monde » sur saposition sociale lui importent. À propos de son mariage, il s’exprime commeun comptable : « Le bon, c’est qu’elle est fort riche. Sa tante de Prades lui a laisséson bien. » Sa remarque finale : « Oh ! je vais être fort heureux ! » résonnecomme une conclusion égoïste ( apparition pour la première fois du je) etfroidement calculatrice. En ce qui concerne la bague, Alphonse se comporte avec la fierté d’unparvenu dont la grossièreté n’échappe pas au narrateur. La bague estquasiment devenue une monnaie d’échange et a perdu tout caractèrepoétique ou sentimental : « mais ces diamants ajoutés lui ont fait perdre un peu deson caractère » suggère poliment – par litote – le narrateur. Par ailleurs,

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Alphonse, en raison de son ignorance, fait penser au guide catalan qui évoquait « le temps de Charlemagne » pour dater la statue : il ne peut, quantà lui, fixer comme repère historique pour la bague que « le temps de lachevalerie » !

◆ ÉTUDIER LE GENRE : LA NOUVELLE FANTASTIQUE

11. Dans le dialogue qui oppose Mme et M. de Peyrehorade : – les deux sources de conflit qui opposent Mme et M. de Peyrehorade sontd’abord le choix du jour du mariage (vendredi) et le fait que M. dePeyrehorade veuille à cette occasion faire une cérémonie sacrificielle païenne ;– le vendredi (jour consacré à Vénus) et le sacrifice à la divinité font de cettemême déesse le point de référence autour duquel s’articulent toutes lespréoccupations des personnages.

12. Cette omniprésence de Vénus est perçue comme un signe maléfique parMme de Peyrehorade qui voit, par superstition, dans le vendredi un jour demalheur : « S’il arrivait quelque malheur ? Il faut bien qu’il y ait une raison car enfinpourquoi tout le monde a-t-il peur du vendredi ? » (l. 626-628) et dans le sacrificeà Vénus une « abomination », un acte fou et impie inspirant l’horreur… et lescandale puisqu’il bafoue les valeurs religieuses de l’époque. Quant à M. dePeyrehorade, sa passion et son entêtement sont une nouvelle fois confirmés.

◆ ÉTUDIER UN THÈME : LA STATUE

13. Mlle de Puygarrig, dont M. de Peyrehorade et son fils avaient vanté labeauté, apparaît pour la première fois in praesentia dans le récit.

14. Dans le portrait qu’en fait le narrateur, le terme qui est l’exact antonymede celui qui avait été employé pour qualifier l’expression de la Vénus – méchanceté – est « bonté » (« et son air de bonté, qui pourtant… », l. 605).

15. Expressions du narrateur qui semblent indiquer que la comparaison entreles deux figures féminines s’impose à lui sans qu’il le veuille : Ligne 605 : « et son air de bonté, […] me rappela, malgré moi, la Vénus de mon hôte. »Ligne 607 : « Dans cette comparaison que je fis en moi-même ».

16. Ligne 608 : « je me demandais si la supériorité de beauté qu’il fallait bienaccorder à la statue ne tenait pas, en grande partie, à son expression de tigresse. »

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Ligne 612 : « admiration involontaire. » Le narrateur laisse percevoir, une foisencore, combien son jugement d’homme de culture et de réflexion estimpressionné de façon brutalement irrationnelle par l’image de la statue. Lestermes qu’il emploie d’ailleurs à ce sujet sont significatifs : « tigresse, énergie,mauvaises passions, excite » (l. 610) : c’est le vocabulaire du désir animal, d’Érosmêlé à Thanatos et on a l’impression, pour un temps, d’entrer dans l’universdu Zola de La Curée ou de Nana. La force – puissance artistique ou puissancedivine ? – qui émane de la statue lui confère la supériorité sur la beauté plussage, plus humaine de Mlle de Puygarrig.

◆ ÉTUDIER L’ÉCRITURE

17. Ligne 545 : « et que j’admirai, cela va sans dire. » Le commentaire ironiquedu narrateur s’adresse au lecteur qu’il rend ainsi complice. Le narrateur used’ironie par antiphrase dans son jugement explicite sur le personnage.

◆ À VOS PLUMES !18. C’est la proposition b) que les élèves doivent compléter.

◆ ÉTUDIER LA FONCTION DE CE PASSAGE

19. L’attitude extrêmement antipathique, grossière, voire vulgaire d’Alphonseimplique l’hostilité du narrateur – et par conséquent du lecteur – à son égard.En revanche, l’image sympathique qu’il donne de Mlle de Puygarrig entraînel’admiration. Elle apparaît déjà comme une victime – tragique, mais on ne lesait pas encore – face à « un homme indigne d’elle ! » (l. 615).

◆ LIRE L’IMAGE

20. La bourgeoisie du XIXe siècle a fondé sa légitimité sur des valeurs devertu, d’ordre, de respectabilité et d’équilibre dont la femme doit être lagarante à l’intérieur du noyau essentiel de la société qu’est la cellule familiale. Cette jeune fille a un visage sage et soumis : pudique, modeste elle répond àl’image d’épouse réservée qui est celle qu’on attend d’une jeune femme dela bonne bourgeoisie au XIXe siècle. On ne peut l’imaginer bavarde ouécervelée… C’est ainsi qu’apparaît Mlle de Puygarrig, ligne 599 : « ellerougissait avec modestie, mais lui répondait sans embarras. »

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◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?1. Ce passage se situe le vendredi, jour de la semaine fixé par M. dePeyrehorade pour le mariage de son fils. 2. Ligne 645 : « Tout le monde devait être prêt et en toilette à dix heures précises. »Ligne 677 : « M. Alphonse regarda sa montre. Il n’était encore que neuf heures etdemie. » C’est à ce moment que le jeune homme décide de défier lesEspagnols au jeu. Quand son père arrive devant la calèche neuve, il doit êtreenviron dix heures, heure prévue pour le départ. La partie de paume dureapproximativement trente minutes. 3. Le narrateur s’installe « à l’ombre d’un micocoulier, de façon à bien voir les deuxcamps. » (l. 693)

◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE

4. Ligne 703-704 : « C’est cette maudite bague, s’écria-t-il, qui me serre le doigt, etme fait manquer une balle sûre ! »Dans cet emploi, placé avant le nom qu’il qualifie, l’adjectif signifie, en unsens fort affaibli, « dont on a sujet de se plaindre, qui gêne ». Il est synonymede « fichu, satané, détestable ». Mais avec Mérimée, on ne saurait oublier lavolontaire ambivalence des mots. L’adjectif « maudit » peut aussi être comprisdans son sens étymologique, « condamné, voué au malheur, sur qui s’exercela colère divine ». Dès lors, le lecteur est insensiblement amené à voir danscette formule d’apparence banale une véritable imprécation dont Alphonsene sait pas encore, dans la perspective d’une explication surnaturelle, à quelpoint elle peut être lourde de sens. L’ambiguïté fantastique s’inscrit au cœurde la situation d’énonciation puisque la future victime énonce elle-même,comme par prémonition, sa condamnation. 5. Le doigt annulaire (du latin digitus anularis, doigt propre à l’anneau) estdonc le doigt auquel on met l’anneau, le quatrième à partir du pouce. Onpeut se demander pourquoi Alphonse met précisément sa bague à ce doigtdestiné symboliquement à l’alliance. Par ailleurs, le jour de son mariage avec Mlle de Puygarrig, dans le feu de sapassion pour le jeu, Alphonse nie la symbolique de l’alliance et mimeinconsciemment, en passant l’anneau au doigt de la statue, la cérémonierituelle du mariage.

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6. Le narrateur utilise une périphrase qui est loin d’être innocente. Il insiste sur l’aspect terrifiant du personnage, sur sa force physique, sur sa taille. Cf.ligne 1042, la jeune mariée, par la suite, parlera au procureur d’« un géantverdâtre » en répétant « qu’elle a reconnu […] La Vénus de bronze » (l. 1044-1045).

7. Le temps employé par le joueur aragonais, le futur simple, exprimeclairement dans ce contexte une menace à peine voilée où l’idée de punitionliée à la faute est nettement suggérée par le verbe « payer ».

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

8. Lignes 654 à 656 : « un crayon à la main, recommençant pour la vingtième foisla tête de la statue, sans pouvoir parvenir à en saisir l’expression. »Ligne 669 : « et désespérant de rendre cette diabolique figure, je quittai bientôt mondessin »

9. Plusieurs explications sont possibles mais, comme il arrive souvent dansle récit fantastique, aucune explication rationnelle n’est véritablementsatisfaisante. On peut, en effet, penser que le narrateur exprime la difficulté à rendrecompte d’une œuvre d’art tellement accomplie, tellement parfaite qu’on nesaurait la reproduire. Ce n’est pas vraiment l’obstacle sur lequel semble buterle narrateur, habile dessinateur à ce qu’on peut en juger (encore un clin d’œilde Mérimée, dont on sait qu’il maîtrisait parfaitement le dessin). On peutaussi comprendre que le narrateur est incapable de « rendre » une expressionqui n’appartient pas au monde des humains et qu’il ne peut donc traduire (cf.« diabolique figure » l. 670). Ou alors la statue serait bien le simulacre d’unedivinité qui, par un sortilège, interdirait à quiconque de lui voler son image. Il est intéressant de noter qu’à la fin de la nouvelle il ne restera plus trace decette image de la déesse puisque la statue de Vénus sera fondue en cloche.

10. Ce passage où il est question d’art pictural rejoint exactement ce qui avaitété dit par le narrateur sur sa difficulté à reproduire le visage de la Vénus.Ligne 355 : « Quant à la figure, jamais je ne parviendrai à exprimer son caractèreétrange ». Mérimée introduit à nouveau, par le biais d’un narrateur artiste ettroublé, le thème de l’innommable, un des thèmes de la littérature fantastiquequi oblige implicitement le lecteur à chercher ailleurs que dans la logiquenaturelle la réponse à cette énigme. Ainsi l’impuissance du narrateur laissetoute liberté à l’imagination devenue toute-puissante du lecteur…

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◆ ÉTUDIER LE GENRE : LA NOUVELLE FANTASTIQUE

11. La première explication, la plus simple et la plus naturelle, c’est que labague gêne véritablement Alphonse et qu’il ne peut donner toute sa mesurequ’après l’avoir enlevée. Dans la perspective de la nouvelle fantastique, lastatue de la déesse lui assure, dès lors qu’il a conclu avec elle une alliance, unpacte, protection, puissance et invincibilité. Ligne 709 : « Dès lors il ne fit plusune seule faute ».

12. Ligne 700 : l’Aragonais mesure « six pieds », comme la statue de la Vénus,« et sa peau olivâtre avait une teinte presque aussi foncée que le bronze de la Vénus. »Plus loin, on l’a vu, le narrateur insiste sur sa taille de « géant » (l. 722)et sa « force surprenante ». Ces ressemblances induisent chez le lecteur desrapprochements inconscients entre les deux figures. En tout état de cause,elles permettent de percevoir, derrière un personnage, le visage de l’autre.L’identité du personnage ainsi mise à mal, le caractère énigmatique etfantastique du récit se voit renforcé.

◆ ÉTUDIER UN THÈME : LA STATUE

13. Lignes 665-666 : «Vous ferez le portrait de ma femme ? […] Elle est jolie aussi. »Par l’emploi de cet adverbe, Alphonse souligne explicitement la comparaisonentre la statue et la jeune femme qui s’est insidieusement imposée à lui. Ànouveau l’idée du double qui prend une place de plus en plus importanteimprègne insensiblement mais de façon inquiétante le récit, comme si l’auteurvoulait faire sentir concrètement l’envahissement de l’espace par la statue.

14. La Vénus est le centre vers lequel convergent tous les personnages d’unemanière ou d’une autre. Le narrateur, levé très tôt, s’agace de ne pouvoirreproduire son visage, M. de Peyrehorade continue ses élucubrations pseudo-savantes sur son origine et l’honore sur un « ton tragi-comique », Alphonsepasse à son doigt la bague de diamants qu’il destine à sa future épouse, etl’Aragonais apparaît comme son double masculin et troublant. Tout le poidsde la présence de la statue est vécu indirectement, à travers chaquepersonnage, par le lecteur sans cesse ramené à elle.

◆ ÉTUDIER L’ÉCRITURE

15. Alphonse est transformé par la passion du jeu comme le soulignel’adverbe « alors ». Capable de passion et enfin dans son élément, il révèle un

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autre aspect de sa personnalité. Il devient brutalement séduisant, plusauthentique, dépouillé de ses artifices de dandy et acquiert ainsi unedimension « réelle », une consistance dont il était dépourvu jusque-là. Ligne 683 : « Alors je le trouvai vraiment beau. Il était passionné. » L’asyndètepermet plusieurs interprétations mais il semble bien que le narrateur veuilleindiquer surtout un rapport de cause, une explication. Ligne 684 : « Sa toilette, qui l’occupait si fort tout à l’heure, n’était plus rien pourlui. Quelques minutes avant, il eût craint de tourner la tête […]. Maintenant il nepensait plus à ses cheveux ». La précision des indications temporelles soulignel’extrême rapidité du changement radical qui s’est opéré en lui : il semblemême que cette instantanéité relève du miracle.

◆ ÉTUDIER LA FONCTION DE CET EXTRAIT

16. Lignes 687 à 689 : « Et sa fiancée ?… Ma foi, si cela eût été nécessaire, il aurait,je crois, fait ajourner le mariage. »Dans ce passage, les faits sont relatés de façon naturelle et de manière détailléeau point que le temps de la narration tend à se rapprocher de la durée de lascène. Ce mode de narration accentue l’effet de réalité. Ainsi le lecteur n’est-il pas étonné de voir Alphonse ne pas se conduire en bon marié, se divertir,et n’accorder aucune importance symbolique à une bague – on se rappellel’inscription « toujours avec toi » – dont il se débarrasse commodément sur undoigt de la statue de Vénus malgré sa valeur marchande. Sans avoir l’air d’y toucher, l’auteur peut de cette façon insinuer au cœurd’un récit réaliste toute une série de détails anodins en apparence quiconstituent la trame du fantastique. Car dans une perspective surnaturelle,tous ces éléments – la bague de mariage, l’engagement contenu dansl’inscription, le choix du doigt annulaire, l’oubli de la bague par Alphonse –concourent à mettre en scène les noces fantastiques et païennes de la divinitéavec le jeune homme.

◆ À VOS PLUMES !18. Insister sur le nécessaire gros plan sur la bague mise au doigt de la Vénus,puisque c’est l’élément modificateur de la nouvelle.

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◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?1. Alphonse craint qu’on l’appelle « le mari de la statue » (l. 749) et il n’a pasconfiance dans les domestiques.

2. Il lui offre, en guise d’alliance, « l’anneau d’une modiste », souvenir d’uneaventure amoureuse à Paris.

3. Ligne 775 : « Il était près de huit heures quand on se disposa à partir pour Ille. »Cf. ligne 650 : « À sept heures, on retournerait à Ille ». Les convives ont donc une heure de retard par rapport à ce qui avait étéprévu la veille.

4. b) Un coin à l’écart près d’une fenêtre du salon.

◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE

5. Ligne 762 : « Peut-être le courage vient-il avec les situations difficiles. »Ligne 772 : « car les femmes n’ont rien de plus pressé que de prendre, aussitôt qu’ellesle peuvent, les parures que l’usage leur défend de porter quand elles sont encoredemoiselles. »Il s’agit de présents de vérité générale. L’énoncé n’est pas ancré dans lasituation d’énonciation puisqu’il est censé être vrai dans toutes les situations. On remarque que la subjectivité du narrateur se manifeste dans ce passagepar des réflexions d’ordre général sur la nature humaine, des jugementsmoraux qui, pour un temps, lui confèrent la posture d’un moraliste du XVIIe ou du XVIIIe siècle.

6. Cette scène, en contrepoint, rappelle plutôt les tableaux de Greuze et les drames bourgeois du XVIIIe siècle (cf. Diderot : Le Fils Naturel, Le Père defamille). Comme le souligne le narrateur avec un recul littéraire étonnant,toutes les notations – d’ordre visuel pour la plupart – contribuent à composerun tableau pathétique : sa tante « qui lui servait de mère » est une « femme trèsâgée », elle fait « un sermon touchant sur ses devoirs d’épouse », il s’ensuit « untorrent de larmes et des embrassements sans fin. » La scène émeut, touchevivement la sensibilité.

7. Ligne 790 : « Le marié […] était pâle et d’un sérieux de glace. »Ligne 801 : « étrange altération de ses traits ».

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Ligne 819 : « Le marié tourna brusquement la tête d’un air effaré ».Ligne 867 : « Il me regardait fixement d’un air hagard ».Les deux champs lexicaux prédominants sont celui de la peur, voire de laterreur, et celui de la pétrification glacée qui se recoupent sous un mêmeterme : altération.

8. Altération : (du latin alter, autre) le fait de rendre autre, modification,changement. Le narrateur souligne l’étrangeté de cette métamorphose d’Alphonse qu’ona vu, le matin même, beau, farouche et sûr de lui. Il serait comme devenuétranger à lui-même et aux autres, ce qui reviendrait presque à parlerd’« aliénation » au sens étymologique.

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

9. L’emploi du plus-que-parfait exprime l’antériorité par rapport à l’im -parfait de description qui suit ; c’est une façon de souligner très subrepti -cement l’ellipse narrative.

10. Alphonse, on le comprend par la suite (l. 858), a tenté de récupérer sabague qu’il avait oubliée sur le doigt de la statue.

11. Alphonse rapporte des faits qu’il dit avoir vécus. Cette ellipse estessentielle dans le déroulement dramatique car c’est dans l’absence de touteparole autre que celle d’Alphonse que se noue la crise fantastique. Le destinataire privilégié des confidences d’Alphonse est le narrateur et ducoup nous connaissons, à l’intérieur de son récit, ses propres réactions faceaux paroles d’Alphonse qu’il rapporte en style direct.

Question supplémentaire. Comment se nomme ce type de focalisationet que peut-on en conclure ?

Réponse. Les paroles que prononce le jeune marié expriment son seul pointde vue (focalisation interne) et de nombreux indices soulignent la subjec -tivité de son propos. Le vocabulaire qu’il emploie laisse transparaître sa peurou son ivresse, ses phrases hachées, dites d’« une voix entrecoupée » trahissent ledérèglement, le désordre dans lequel il se trouve. Le destinataire, enl’occurrence le narrateur, conclut à l’impossibilité de se fier à un individu àce point dépossédé de toute maîtrise sur lui-même.

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◆ ÉTUDIER LE GENRE : LA NOUVELLE FANTASTIQUE

12. Le narrateur, bien peu enclin à croire un personnage qu’il juge parailleurs fort antipathique, met sur le compte de l’ivresse tous lescomportements étranges et inattendus du jeune marié. C’est l’explicationrationnelle que livre le narrateur, car l’attitude d’Alphonse, qui boiténormément, autorise la confusion avec un homme ivre (l. 791, 853, 857).Mais, parallèlement, l’auteur désigne aussi au lecteur des manifestations quipourraient être celles de l’angoisse, de l’égarement devant l’incom -préhensible. Ainsi convie-t-il simultanément le lecteur à une constantedouble lecture de sa nouvelle.

13. M. de Peyrehorade, dans un respect scrupuleux des lois de la rhétoriqueclassique, construit sa comparaison entre les deux figures de la divinité sur desantithèses fortement structurées.

14. Vénus est associée au diable :Ligne 741 : « Elle est au doigt de la Vénus, que le diable puisse emporter ! »Ligne 845 : « Mais je ne sais ce que j’ai… je suis ensorcelé ! le diable m’emporte ! »Ligne 863 : « Non… je… je ne puis l’ôter du doigt de cette diable de Vénus. »Ligne 882 : « Il y a peut-être quelque ressort, quelque diablerie ».La figure démoniaque apparaît constamment associée dans les proposd’Alphonse à celle de la Vénus, toujours là comme en surimpression. Pour lui,soudainement, il ne fait pas de doute que cette statue représente une desfigures du diable.

◆ ÉTUDIER UN THÈME : LA STATUE

15. Ligne 866 : « Mais la Vénus… elle a serré le doigt. »Lignes 873-874 : « elle serre la main, m’entendez-vous ?… C’est ma femme,apparemment, puisque je lui ai donné mon anneau… Elle ne veut plus me le rendre. »Alphonse ne parle même plus d’une statue qui serait personnifiée, mais il

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La statue de la Vénus La jeune femme

trouvée dans la terre descendue des cieuxVénus romaine la catalanela romaine est noire la catalane est blanchefroide elle enflamme

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considère (cf. les pronoms, les verbes de mouvement, un verbe d’état, un verbe de volonté, les parties du corps) la Vénus véritablement comme unefemme.

16. Ligne 872 : « Le doigt de la Vénus est retiré, reployé ».Pour le jeune marié, il s’agit là d’un geste qui manifeste l’impérieuse volontéde la statue de Vénus.

17. Au départ, le narrateur, très méprisant, considère avec une ironie amuséele jeune homme qui semble perdu. Par la suite, il lui oppose des objectionsrationnelles, logiques (l. 862 : « En ce cas, vous l’avez ? » ; l. 865 : « Bon ! vousn’avez pas tiré assez fort. » ; l. 869 : « Quel conte ! […] Vous avez trop enfoncél’anneau. »). Il condamne son ivresse présumée mais il ne peut se défendre deréactions physiques incontrôlables, signes manifestes d’une peur inconscienteet refoulée : « J’éprouvai un frisson subit, et j’eus un instant la chair de poule. Puis,un grand soupir qu’il fit m’envoya une bouffée de vin, et toute émotion disparut. » (l. 876)

◆ ÉTUDIER LA FONCTION DE L’EXTRAIT

18. Le narrateur, la jeune mariée, Alphonse sont clairement désignés parl’écrivain dans une situation de rupture, en opposition avec l’atmosphèreambiante. Le narrateur est « dégoûté » par les mariages en général, par celui-ci enparticulier, puisqu’il scelle, à ses yeux, une alliance contre-nature. Par ailleurs,il partage le malaise de la jeune mariée par sympathie pour la jeune fille qui nesemble pas être à sa place au milieu des grasses plaisanteries et des gros rires. Elle a déjà été négligée par son mari, et elle apparaît comme une pure victimedu déterminisme social (dans la perspective d’une explication naturelle), dela fatalité – Iphigénie moderne – (dans la perspective d’une explicationsurnaturelle). Le narrateur la présente gênée, éprouvant un malaise et untrouble grandissants. Quant à Alphonse, il est inquiet, conscient – à tort ou à raison – d’avoirbasculé dans l’horreur absolue. Ivre ou terrorisé, il est, de fait, totalementcoupé du monde qui l’entoure.

19. Aucun des trois personnages ne peut donc, pour des raisons différentes,participer à la liesse générale et obligée du mariage. Ils sont isolés, ne sont pas

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« à la fête », dans une inquiétude croissante qui laisse présager la crise. Cetteinquiétude est transmise au lecteur qui ignore toutefois la nature réelle de lamenace et du danger. Par cet écart, l’auteur les installe d’ores et déjà à l’intérieur du pôle tragiquevers lequel s’achemine inexorablement le déroulement dramatique.

◆ LIRE L’IMAGE

20. Malgré le classicisme de la facture, c’est une impression de mouvement,de multitude, d’éparpillement, de fuite éclatée, de violence extrême qui sedégage au final du tableau. Le pathétique de la scène est particulièrementvisible dans les expressions torturées des visages des femmes, dans leursattitudes terrorisées et pitoyables. Plus tard David évoquera « Le pinceau touchant et sévère de Poussin » quand ilentreprendra la « suite » du même sujet avec Les Sabines.

◆ AVEZ-VOUS BIEN LU ?1. b) Le narrateur trouve indigne qu’on livre une si belle jeune fille à unhomme si grossier.

2. c) Un domestique (l. 1075 : « J’oubliais la déposition d’un domestique qui ledernier avait vu M. Alphonse vivant. »).

3. M. de Peyrehorade ne lègue ce manuscrit à personne. Il fait bien don del’ensemble de ses manuscrits au narrateur mais ce dernier n’y trouve pas « lemémoire relatif aux inscriptions de la Vénus. » (l. 1114-1115).

◆ ÉTUDIER LE VOCABULAIRE ET LA GRAMMAIRE

4. La jeune mariée apparaît, à travers cette image mythologique, comme unevictime sacrifiée à un monstre jamais assouvi. Cette destinée fatale fait d’elleune figure tragique. Son mariage est désigné par le narrateur comme uneunion contre-nature avec une forte connotation sexuelle où prévalent le

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désir bestial et la transgression. Cette image préfigure peut-être une autreunion monstrueuse et fatale dont le lecteur pourra avoir idée plus loin. Lesnon-dit et le malaise du narrateur (« Un garçon joue un sot rôle dans une maisonoù s’accomplit un mariage. », l. 920) indiquent aussi le trouble, la nervosité quirègnent autour de l’accomplissement effectif de ce mariage.

5. Ligne 953 : « Il était livide, sans mouvement. »Ligne 963 : « il était déjà raide et froid. »Lignes 963-964 : « Ses dents serrées et sa figure noircie exprimaient les plus affreusesangoisses. »Lignes 967-968 : « sur sa poitrine une empreinte livide ».On se souvient qu’au début de la nouvelle Alphonse était comparé à unTerme et associé par sa raideur à une statue. Tout dans ce portrait macabreinsiste sur la froide immobilité du jeune homme et rappelle ainsi lescaractéristiques de la statue de la Vénus.

◆ ÉTUDIER LE DISCOURS

6. L’ouïe devient le sens naturellement privilégié par le narrateur pourappréhender la réalité, puisque c’est à partir des bruits qui rythment la nuitqu’il échafaude ses hypothèses.

7. On retrouve ici un des procédés de l’ambiguïté. Le texte, même s’il se donneà lire comme le récit sincère et scrupuleux d’un homme de raison et de savoir,laisse toujours ouverte la possibilité de la double interprétation, de la relecture. Ainsi, le narrateur entend des bruits divers qu’il ne peut qu’interpréter parcequ’il ne voit pas. Le narrateur est celui qui n’a pas besoin de voir pour savoir :le lecteur peut accepter ce principe au nom de la rationnalité affichée dupersonnage, mais du coup il peut aussi largement douter de sa valeur. Il convient donc de montrer aux élèves comment le jeu des modalisations secombine avec l’utilisation de la focalisation interne – indices de subjectivitéd’un narrateur troublé et compatissant – pour accentuer les effetsd’incertitude et atténuer le caractère invraisemblable des faits rapportés. À titre d’exemple, ligne 912 : « puis il me semblait avoir entendu sur l’escalier lespas légers de plusieurs femmes se dirigeant vers l’extrémité du corridor opposé à machambre. »Puis, ligne 915 : « C’était probablement le cortège de la mariée qu’on menait au lit. »Le narrateur interprète donc des signes sonores incertains, en tire desdéductions dont le lecteur pourra toujours interroger la validité.

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8. Pour mener son enquête, le sens privilégié par le narrateur devientnaturellement la vue, comme il arrive très souvent dans la littérature policièreoù, selon un schéma classique, le détective traque les indices matériels.

9. Ligne 968 : « On eût dit qu’il avait été étreint dans un cercle de fer. »Ligne 976 : « Il ne me paraissait pas douteux que M. Alphonse n’eût été victimed’un assassinat ».Ligne 980 : « car un bâton ou une barre de fer n’auraient pu les produire. »Ligne 986 : « toutefois j’osais à peine penser qu’il eût tiré une si terrible vengeance. »Ligne 1001 : « ce devait être sur ce point que les meurtriers l’auraient franchie. »Ce récit, qui aurait pu avoir l’allure d’un banal rapport de police, est envahipar la subjectivité du narrateur qui, dans un incessant monologue intérieur,commente ce qu’il voit, exprime ses interrogations, manifeste ses doutes, soninquiétude. Dans le jeu des modalisations qui se met en place une fois encore,le conditionnel est sans doute – parce qu’il est le mode de l’hypothèse – lemode le plus propre à rendre le questionnement, l’hésitation face à l’étrange.

10. Le procureur du roi rapporte le récit que lui a fait la jeune veuve aunarrateur et ce dernier, d’abord destinataire de ce premier énoncé, devient àson tour l’énonciateur d’un énoncé dont l’ultime destinataire se trouveêtre… le lecteur. Ainsi, le lecteur, s’il n’est pas face à un narrateur omniscient– évidence dans le cadre fantastique – , se retrouve cependant face à des récitsenchâssés où il peut entendre, à chaque fois, tout un système de voix se faisantécho les unes aux autres. Les destinataires et les énonciateurs se relaient dansune narration éclatée, déstabilisante pour le lecteur.

11. Le procureur est un personnage nouveau, éloigné de toute superstition,comme il l’a montré par son attitude lors des interrogatoires : il n’est pas« contaminé » par l’atmosphère superstitieuse qui règne dans la maison desPeyrehorade et dans toute la ville d’Ille. En revanche, l’auteur a fait en sortede composer la figure d’un narrateur qui, en dépit de sa parfaite maîtriseintellectuelle et de son esprit logique, arrive à être imprégné par descroyances provinciales et qui a insisté sur l’insupportable malaise généré parla statue de la Vénus (« je ressentis un peu de la terreur superstitieuse que ladéposition de Mme Alphonse avait répandue dans toute la maison. », l. 1089). Lelecteur, qui a appris à connaître les opinions du narrateur, qui « entend » sescommentaires tout au long de la nouvelle, est peu à peu entraîné dans sonintimité et s’identifie encore plus facilement à lui. Le lecteur n’est donc pasloin de penser, dans sa complicité avec le narrateur, que la prudence s’impose

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– le narrateur a peur de passer pour fou ! – face à un procureur qui ne peutévidemment pas comprendre les faits étranges qui se sont produits peu avant… Le lecteur est, à ce moment du schéma narratif, enfermé dans une logiquequi est celle du récit fantastique et qui fait prévaloir l’explication surnaturelle.

◆ ÉTUDIER LE GENRE : LA NOUVELLE FANTASTIQUE

12. Le narrateur a entendu le chant du coq comme la jeune veuve, et toutesles indications temporelles de son récit correspondent aux faits que dit avoirvécus Mme Alphonse, ce qui, d’une certaine façon, confère à la déposition dela jeune femme une crédibilité plus grande aux yeux du lecteur.

13. Ce qui permet de l’innocenter : la personnalité de cet homme fier etfranc, sa bonne réputation, l’absence de preuves matérielles et le fait qu’ilpossède un excellent alibi la nuit du meurtre ruinent toute explication par lavengeance et innocentent l’Aragonais. Ce qui aurait permis de croire en sa culpabilité : les notations du narrateurconcernant son physique, on l’a vu, faisaient de lui le double inquiétant de lastatue de bronze. Mais la menace proférée en espagnol par l’Aragonais, del’aveu même du narrateur (l. 986-987 : « toutefois j’osais à peine penser qu’il eûttiré une si terrible vengeance d’une plaisanterie légère ») ne semble pas constituerun motif véritable. L’explication naturelle du crime reste donc particulièrement lacunaire et peusatisfaisante puisqu’on ne sait ni qui a tué ni pourquoi.

14. Tous les indices, y compris les indices matériels relevés par le narrateurau cours de son enquête, concourent à la culpabilité de la statue (!) ets’inscrivent dans une parfaite cohérence dramatique et psychologique. Etsurtout pas un seul élément du récit qui concerne la Vénus ne rendimpossible un crime perpétré par elle.

15. C’est précisément l’explication surnaturelle qui permet de répondre àtoutes les questions que le lecteur peut se poser et qui donne cohérence à latrame narrative (ce qui n’était pas le cas pour l’explication naturelle). Auxyeux d’un élève, elle semble la plus évidente et la plus probable.

16. Entre les deux explications, le lecteur ou plutôt le relecteur est conduitau cœur d’une mystérieuse énigme qui ne trouve aucune résolution et c’estl’incertitude, l’hésitation dans laquelle il est immergé qui constituent ladéfinition même du récit fantastique.

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Mérimée, après avoir conduit le lecteur sur différentes pistes – de la nouvelleréaliste au roman policier en passant par la chronique de mœurs provinciales –,par un jeu de passe-passe, l’abandonne en fin de compte à ses doutes. Lelecteur demeure incapable de choisir une voie sûre dans ce labyrinthe, soumisaux sortilèges de l’art de l’écrivain.

◆ ÉTUDIER UN THÈME : LA STATUE

17. a) Ligne 1003 : « Cette fois, je l’avouerai, je ne pus contempler sans effroi sonexpression de méchanceté ironique ».Ligne 1006 : « il me sembla voir une divinité infernale applaudissant au malheur quifrappait cette maison. »Il est significatif de noter que le narrateur ne considère plus du tout la beautéétrange de la statue ni même sa valeur esthétique ou artistique. À présent, cequi apparaît nettement au narrateur, c’est l’expression mauvaise et cruelle dela statue qui a gagné en intensité. L’adjectif « ironique », repris plus loin par leparticipe « applaudissant », souligne le décalage entre la tragédie humaine etle contentement de l’« inhumaine ». L’image finale où le souffle de l’ampli -fication épique renforce la personnification des forces du mal souligne avecune horreur grandiloquente la perversité de la statue. b) Ligne 1103 : « Mon intention était de l’engager à la placer dans un musée. »Le narrateur est en cela conforme à son rôle d’archéologue qui le pousse àvouloir conserver une œuvre d’art de valeur. Par ailleurs, il désire ôter à la vuede M. de Peyrehorade un objet qui viendrait sans cesse lui rappeler son malheur. Il semble donc revenir, à la fin de la nouvelle, à son comportement d’hommede science et de raison. Mais il n’affiche pas vraiment une attitude tranchée– volonté de l’auteur de la nouvelle fantastique. Ainsi, on ne le voit pasexprimer de regrets quand il apprend qu’une statue de cette valeur historiqueet esthétique – d’après ce qu’il en a dit – a été fondue pour servir de clocheà l’église du village et conforter la fierté dévote de Mme de Peyrehorade.Serait-il résigné ou approuverait-il ?

18. Ligne 1117 : « Après la mort de son mari, le premier soin de madame dePeyrehorade fut de la faire fondre en cloche ».Ligne 51 : « et j’entends bimm… comme s’il avait tapé sur une cloche. » C’est alorsle guide catalan qui raconte sa découverte. Lignes 214-215 : « Savez-vous que ma femme voulait que je fondisse ma statue pouren faire une cloche à notre église ? C’est qu’elle en eût été la marraine. »

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19. Ligne 48 : « un vieil olivier qui était gelé de l’année dernière ».Ligne 1122 : « les vignes ont gelé deux fois. »

20. En revenant, dans le cadre de l’épilogue, quasiment à la situation initialedu schéma narratif, l’auteur provoque un bouleversement des repèrestemporels traditionnels de la narration et inscrit son récit dans un temps sanslimite : l’histoire se clôt sur le début d’un nouveau cycle et indique par là-même qu’elle est sans fin…

21. Il est bon de le rappeler aux élèves qui peuvent être totalement« captivés » par un récit traité sur le mode réaliste. L’histoire se présentecomme une histoire vraie, vécue par un narrateur auquel Mérimée a prêtéplusieurs de ses traits afin d’accentuer l’effet de réel (cf. aussi les différentsprocédés tendant à créer l’illusion du vrai dans le récit). Mérimée a composéson récit de façon extrêmement méticuleuse afin de mieux y emprisonnerson lecteur : son art allie la précision et la concision qui confèrent à lanouvelle sa crédibilité et son efficacité. Ce n’est pas un hasard si Mérimée lui-même considère La Vénus d’Ille comme « son chef-d’œuvre » (cf. Lettre àMme de la Rochejacquelein du 18 Février 1857 : « C’est, suivant moi, un chef-d’œuvre. »).

◆ ÉTUDIER LA FONCTION DE L’EXTRAIT

22. Le récit fantastique est conçu de manière à maintenir le lecteur dansl’hésitation puisque le dénouement ne constitue pas la résolution del’énigme, comme ce serait le cas dans un roman policier. Le lecteur ne saitpas qui a tué Alphonse, il ne sait si cette fameuse statue possède un réelpouvoir maléfique, si les vignes gelées sont un effet de sa malignité ou encoreune coïncidence rattachée à une superstition… Il ne connaît toujours pas sonorigine : à la fin de la nouvelle, la statue a conservé entier son mystère. Le titre de la nouvelle indique, à lui seul, tout ce que le lecteur saura endéfinitive de cette statue éponyme : c’est une Vénus qu’on a trouvée à Ille.

23. Ligne 1122 : « les vignes ont gelé deux fois » : c’est là une manière habile desuggérer au lecteur, sans toutefois l’affirmer de façon catégorique, que lepouvoir maléfique de la statue continue d’agir par-delà sa métamorphose. Laméchanceté de la statue – vengeance ? punition ? – s’exerce et s’étend sur lanature tout entière, et l’on retrouve une caractéristique constante de son actionmalfaisante : le froid et la pétrification qui participent de sa nature même.

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◆ 1. QUATRE JOURNÉES QUI ONT COMPTÉ

Première journée : des « polissons » jettent une pierre sur la statue de Vénus. Deuxième journée : une discussion savante sur une curieuse inscription.Troisième journée : la partie de jeu de paume entre Alphonse et l’Aragonais.Quatrième journée : l’enquête du narrateur après la mort d’Alphonse.

◆ 2. PERSONNES ET PERSONNAGES

◆ 3. LA VÉNUS

a) On a trouvé la statue de Vénus dans la terre près d’un vieil olivier. b) Monsieur de Peyrehorade veut lui sacrifier deux palombes. c) La rose, la fleur qui symbolise la beauté et la pureté, lui est consacrée. d) Déesse de l’amour, elle est apparentée chez les Grecs à Aphrodite.e) Le jour qui lui est consacré est le vendredi.

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I VENORYMUS EN

ARAGY

REHORP O CADE

UP R I GRA R A G O N A I STEU R E U RR

OHPE

LA

I R G I L E3

21II

VI

IV

III

V

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◆ 4. DERNIÈRES NOUVELLES EN DIRECT D’ILLE : UN MEURTRE BIEN ÉTRANGE

« Après avoir été escortée dans la chambre préparée pour les époux versminuit, madame Alphonse s’est couchée dans le lit nuptial dont les rideauxavaient été tirés. Quelques minutes plus tard quelqu’un, qu’elle croyait êtreson mari, est entré dans la chambre, mais madame Alphonse n’a pu le voir carelle était couchée sur le côté, dans la ruelle, le visage tourné vers le mur de lachambre. Après un certain temps, le lit s’est creusé comme sous l’effet d’unpoids énorme. Un hôte de la maison a pu nous confirmer qu’il a bien entenduà ce moment de la nuit des pas lourds qui montaient l’escalier. Cet archéo -logue parisien en visite dans la région avait pensé qu’il s’agissait des pas dujeune marié, monsieur Alphonse. Très apeurée, celle qui était encore Mlle de Puygarrig la veille n’a pas osé seretourner. Peu après, toujours selon elle, la porte s’est ouverte une secondefois et quelqu’un est entré en disant : “Bonsoir, ma petite femme.”On a tiré les rideaux du lit, la personne qui se serait trouvée dans le lit seserait levée sur son séant. Alors, tournant la tête, la jeune épouse a vu unmonstre verdâtre puis a dit reconnaître la statue de Vénus en bronzedécouverte par le père du marié. C’est elle qui aurait tué son mari et seraitrepartie à l’heure où le coq chanta. Toujours d’après notre témoin parisien, ilpouvait être cinq heures du matin et il a de nouveau entendu les mêmes paslourds qui descendaient l’escalier. »

◆ 5. QUESTIONNAIRE DE SYNTHÈSE

a) faux – b) vrai – c) faux – d) vrai – e) faux – f) faux – g) vrai – h) faux – i) faux – j) faux – k) vrai – l) vrai – m) faux – n) vrai – o) faux – p) vrai – q) faux – r) faux – s)vrai – t) vrai

◆ 6. On peut rappeller la définition du récit fantastique proposé parTodorov. Ce récit est celui de : « l’hésitation éprouvée par un être qui ne connaîtque les lois naturelles, face à un événement en apparence surnaturel. »

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R e t o u r s u r l ’ œ u v r e

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P R O P O S I T I O ND E S É Q U E N C E D I D A C T I Q U E

Objectif : lire une nouvelle fantastiqueLes neuf questionnaires du livre de l’élève proposent des activitésdécloisonnées et organisées autour d’objectifs secondaires subordonnés àl’objectif principal : lire une nouvelle fantastique. Ils permettent d’y parvenirde façon progressive. En cela, l’ensemble de ces neuf questionnaires constitueune séquence didactique très développée où le professeur pourra puiser enmodulant ses séances en fonction de ses choix, du niveau des élèves, de saprogression et du moment de l’année où est étudiée la nouvelle de Mérimée.

Nous proposons par ailleurs, dans la perspective d’une lecture préalable etintégrale de la nouvelle par les élèves, un canevas de séquence didactique quipourra être complété ou modifié par l’utilisation des notions abordées toutau long des questionnaires portant sur La Vénus d’Ille. Les séances proposéessont volontairement denses afin que le professeur puisse choisir parmi les axesde lecture ceux qui lui paraissent le plus susceptibles de répondre à saprogression dans l’année. Séance n° 1 : effet de réel et mystification, voir p. 54.Séance n° 2 : les situations d’énonciation et la place du narrateur dans lanouvelle, voir p. 55.Séance n° 3 : les caractéristiques de la nouvelle, voir p. 56.Séance n° 4 : l’ambiguïté du fantastique, voir p. 57.Séance n° 5 : les caractéristiques du fantastique, voir p. 58.Séance n° 6 : écriture d’une nouvelle fantastique, voir p. 59.Les numéros des questionnaires sont les suivants : I, la page de titre II, l’incipit III, un archéologue parisien en province IV, la découverte de la statue V, une discussion entre savantsVI, la veille des noces VII, la partie de jeu de paume VIII, les noces IX, le meurtre d’Ille.

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➧ Objectif

Comprendre la fonction de la page de titre et de l’incipit d’une nouvelle fantastique → Effet de réel et mystification.

◆ L’ILLUSION DU VRAI : un cadre quotidien et rassurant.

Langue et discours :– des indices spatio-temporels précis.

◆ UNE NARRATION À LA PREMIÈRE PERSONNE : narrateur/auteur ?

Langue et discours :– les pronoms de la première personne ; – la distinction entre narrateur et auteur.

◆ IMPORTANCE DES DIALOGUES ET RAPIDITÉ

DE LA MISE EN PLACE DES PERSONNAGES

Langue et discours :– situation d’énonciation : des paroles rapportées directement (les marques dudiscours direct : le système des temps des verbes, déictiques, ponctuation,verbes introducteurs et propositions incises…) ; – caractérisation des personnages : les registres de langue.

◆ LES HORIZONS D’AT TENTE : une histoire d’archéologue ?

– les indications de la page de titre ; – présence de la citation grecque.

Langue et discours :– la phrase nominale ; – l’expression du souhait.

Expression : 1. Activité orale : imaginer une page de titre à partir d’une nouvelle ou d’unroman étudié en classe.2. Rédiger l’incipit de la nouvelle en substituant au Catalan l’ami archéo logueparisien M. de P. et en veillant à le caractériser par ses paroles.

S É A N C E N ° 1

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➧ Objectif

Repérer l’énonciateur et le destinataire dans le récit, les différentes situationsd’énonciation, place et rôle du narrateur dans la nouvelle.

◆ L’ARCHÉOLOGUE : UN NARRATEUR INTRADIÉGÉTIQUE

→ UN TÉMOIN CRÉDIBLE ? Relever, tout au long de la nouvelle, l’évolution du narrateur omniprésentqui, de scrupuleux et moqueur, devient impliqué puis troublé et ébranlé.Questionnaires III, IV, V, rubrique « Étudier le discours » ; IX, questions 7 et 8.

Langue et discours : – les temps des verbes dans la narration a posteriori ; – le lexique de la subjectivité (les indices de l’énonciation : pronoms,adverbes, verbes traduisant les sentiments, les suppositions ou le jugement) ; – permanence des pronoms à la 1re personne y compris lors du récitd’Alphonse ; – étude de la focalisation : le point de vue interne (subjectif), questionnaire IV,questions 13 et 14 ; – le jeu des modalisations (notamment étude de l’emploi du conditionnel etde la forme interrogative), questionnaire IX, questions 7 et 9.

◆ UN DESTINATAIRE PRIVILÉGIÉ DU RÉCIT D’ALPHONSE

Langue et discours : – les procédés de l’ironie (principalement l’antiphrase), questionnaire VI,question 17 ;– l’expression du temps dans le récit encadré d’Alphonse, questionnaire IX,questions 9 à 11 ;– les formes de discours dans un récit.

Expression : Le changement de point de vueRéécrire la description que le narrateur fait de la Vénus en modifiant le pointde vue du narrateur. Je devient il et le narrateur est omniscient.

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➧ Objectif

Repérer les caractéristiques de la nouvelle : brièveté et concentration.

◆ DESCRIPTIONS LIMITÉES ET PEU DÉVELOPPÉES

DES LIEUX COMME DES PERSONNAGES

Langue et discours : l’enrichissement de la phrase (a contrario)– l’expansion nominale ; – les compléments circonstanciels de temps et de cause.

◆ PORTRAITS EN ACTIONS ET PERSONNAGES

CARACTÉRISÉS PAR LEURS PAROLES RAPPORTÉES

Questionnaires II, questions 4 et 6 ; III, questions 8 a) et b).

Langue et discours : – l’organisation du portrait : la progression thématique (à thème constant, àthème éclaté), le portrait en action ; – les figures de style par analogie (comparaison, métaphore).

◆ UNITÉ D’ACTION (RESSERREMENT DES LIEUX

ET DU TEMPS)Langue et discours : – les connecteurs chronologiques ; – les notions d’ellipse temporelle et d’ellipse narrative.

◆ UNITÉ DE POINT DE VUE

Langue et discours les modalités de l’énoncé : l’emploi du conditionnel, du subjonctif et desauxiliaires modaux (devoir, pouvoir…).

Expression : 1. Activité orale : utiliser le vocabulaire du portrait en action. Un élève décritun de ses camarades dans la cour de récréation en train d’embêter un autrecamarade. 2. Rédiger le portrait de M. de Peyrehorade d’après ce que l’on sait de sapersonnalité à travers les dialogues qu’il échange avec le narrateur.

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➧ Objectif

Reconnaître le double jeu de l’auteur et l’ambiguïté fantastique.

◆ LES AVERTISSEMENTS ET LES JEUX SUR LES MOTS

Langue et discours : – notions de polysémie, d’étymologie : concision et ambivalence, question -naires V, questions 4 à 7 ; VI, questions 8, 12 ; VII, questions 4, 7 ;– les emplois du futur simple ; – les compléments du nom objectifs et subjectifs.

◆ LE DOUBLE VISAGE DE VÉNUS

Langue et discours : – étude des champs lexicaux opposés, questionnaire IV, questions 15 et 16.

◆ UNE NOUVELLE POLICIÈRE OU UNE NOUVELLE

FANTASTIQUE ? La question de l’absence de résolution de l’énigme.

Langue et discours : – les connecteurs logiques ;– discours argumentatif, discours explicatif : implicite et explicite.

Expression : 1. Rechercher un exemple de phrase à double sens en vous aidant de votremanuel de grammaire (polysémie et construction grammaticale).2. Activité orale : décrire un camarade dont le comportement pourra paraîtreambigu.

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➧ Objectif

Définir les caractéristiques principales du fantastique.

◆ LE THÈME DE L’INNOMMABLE ET LE SURGISSEMENTPROGRESSIF DE L’ANGOISSE CHEZ LE NARRATEUR : et si la statue était la coupable ?

Langue et discours : – étude des pronoms démonstratifs et indéfinis ; – le champ lexical de l’altération, questionnaire VIII, questions 7, 8, 12.

◆ LA FONCTION DU DÉNOUEMENT ET DE L’ÉPILOGUE

Langue et discours : – questionnaire IX, questions 11 à 16 et 20 à 23.

◆ LA DOUBLE LECTURE : confrontation de l’explication naturellelacunaire et de l’explication surnaturelle cohérente et convaincante.

Langue et discours : – faire rechercher le schéma narratif traditionnel par les élèves afin de mettreen évidence les questions qu’il soulève : quelle est la situation initiale, quelest le véritable élément perturbateur et dans quelle perspective se situe-t-il,quelle est la situation finale ? – montrer que le schéma actantiel pose aussi problème dans le cas de lanouvelle fantastique.

◆ L’INCERTITUDE ET L’HÉSITATION DU LECTEUR : le doute final, un élément constitutif du fantastique

Langue et discours : – le narrateur est loin d’être omniscient, questionnaire IX, rubrique « Étudierle discours » ; – les modalités de phrases (affectives et évaluatives).

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➧ Objectif

Évaluer les acquis des élèves par l’écriture d’une courte nouvelle fantastique.

◆ TRAVAIL PRÉPARATOIRE EN CLASSE

– choisir un thème fantastique parmi ceux recensés par Roger Caillois dansson Anthologie fantastique (voir page 60 de ce livret) ;

– définir la situation initiale et la situation finale : quel élément pertubateurinquiétant va faire basculer le récit ? – donner deux explications (l’une rationnelle, l’autre surnaturelle) possibles ; Exemple : des pas dans le grenier. 1. Des souris y trottent la nuit. 2. Un revenant ou un monstre hante la maison. – prévoir la gradation du trouble chez le narrateur-témoin en recherchantpour les utiliser les champs lexicaux de la peur et de l’altération étudiésauparavant.

◆ CONSIGNES

– respect du schéma narratif choisi en classe ; – narration à la première personne et point de vue interne ; – emploi des temps du récit au passé ; – utilisation du conditionnel et des auxiliaires modaux rencontrés (devoir,pouvoir).

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◆ LA STATUE ANIMÉE : UN THÈME DE LA LIT TÉRATURE

FANTASTIQUE

La statue animée appartient aux thèmes récurrents de la littérature fantastiquerecensés par Roger Caillois dans l’introduction de son Anthologie du fantastique,Gallimard, 1966. On peut rappeler la liste qu’il propose dans cet ouvrage : – le pacte avec le démon ; – l’âme en peine qui exige pour son repos qu’une certaine action soitaccomplie ; – la mort personnifiée apparaissant au milieu des vivants ; – la « chose » indéfinissable et invisible mais qui pèse, qui est présente ; – les vampires ; – la statue, le mannequin, l’armure, l’automate, qui soudain s’animent etacquièrent une redoutable indépendance ; – la malédiction d’un sorcier qui entraîne une maladie épouvantable etsurnaturelle ; – la femme-fantôme, venue de l’au-delà, séductrice et mortelle ; – l’interversion des domaines du rêve et de la réalité ; – la chambre, l’appartement, l’étage, la maison, la rue effacés de l’espace ; – l’arrêt ou la répétition du temps.

Mais le thème de la statue animée n’apparaît pas figé une fois pour toutesdans une structure narrative donnée. Abordé de façon différente par lesauteurs, son traitement implique à chaque fois une conception totalementdifférente de l’homme face à la divinité, seule détentrice du don de vie, del’homme face à la création artistique (qui le dépasse ou qu’il contrôle) où iltente de rivaliser avec Dieu.

◆ QUAND LA MATIÈRE PREND VIE…1. Ainsi, dans un premier temps, on pourrait comparer la version deHermann Corner avec le récit de Mérimée afin de montrer distinctementaux élèves qu’aucun élément merveilleux n’apparaît dans La Vénus d’Ille, cequi n’est pas le cas dans l’histoire du jeune Romain. Dans la nouvelle deMérimée, rien n’est clairement dit sur la statue : le doute, qui s’insinue et

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demeure jusqu’à la fin, constitue le pivot central autour duquel s’articulenttoutes les angoisses des protagonistes et du lecteur. C’est là unecaractéristique fondamentale du fantastique.

2. Le mythe de Pygmalion met en avant la puissance de l’amour…personnifiée par Vénus. C’est l’amour qui indirectement donne vie à lamatière, c’est Vénus – le désir – qui anime la statue.Voilà bien l’image d’unedéesse bienveillante, celle qu’honore un peu naïvement M. de Peyrehorade. On pourra demander aux élèves de préciser l’image de Vénus dans chacundes récits.Volonté destructrice, jalousie et méchanceté de la déesse : pourquoidonc Mérimée a-t-il choisi cet aspect de Vénus dans la perspective narrativefantastique ?

◆ CRÉATION DIVINE OU CRÉATION ARTISTIQUE ?Chez les anciens Grecs, le but suprême de l’art est de reproduire une réalitéidéale avec le plus de fidélité possible. C’est ainsi que naît la légende desstatues animées de l’ingénieux Dédale. Au XIXe siècle, comme encore au XXe siècle, cette idée perdure dans laréflexion et les conceptions esthétiques. On pense à Rodin accusé d’avoireffectué un moulage sur un être vivant tant son œuvre l’Âge d’airain semblait« vivre ».1. Le CoureurMontrer que la poésie de J. M. de Hérédia, grand admirateur de l’Antiquité,est nourrie de cette conception. La sculpture décrite par le poète, tout en mouvement, semble échapper à son créateur et aux limites spatio-temporelles : le poète exalte le génie de Myron, véritable créateur de vie, et,grâce à son art, associe le lecteur à cette traversée du temps et de l’espace.Faire notamment relever les verbes de mouvement, la ponctuation etl’ampleur ou la rapidité des vers qui rythment le sonnet.

2. La BeautéÀ côté de cette vision enthousiaste des pouvoirs de l’artiste, Baudelaires’interroge sur le difficile rôle du poète dont les efforts viennent se brisercontre l’inertie de la matière. La statue devient alors l’immuable symboled’une beauté idéale inaccessible à l’homme. a) On peut, dans cette perspective, faire relever par les élèves tous les élémentslexicaux ou stylistiques qui contribuent à souligner l’impression d’immobilitéet de dureté de ce « rêve de pierre ».

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b) Avec des élèves motivés, il serait intéressant de voir comment la statue, horsde portée humaine, devient chez Baudelaire une figure allégorique de labeauté. Comme chez Mérimée, les yeux de la statue (cf. la descriptiontoujours inachevée de la statue par le narrateur dans La Vénus d’Ille et lepouvoir de son regard) jouent un rôle déterminant dans la fascination qu’elleexerce sur les hommes : « Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles. »Voir à ce sujet les questions 8, 9 et 10 du questionnaire VII.

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B I B L I O G R A P H I EC O M P L É M E N T A I R E

◆ XVIIIe SIÈCLE : LES DÉBUTS DU FANTASTIQUE

– Tieck, Contes fantastiques (1791-1997). – Potocki (polonais), Le Manuscrit trouvé à Saragosse (imprimé à partir de1805).

◆ XIXe SIÈCLE : LES MAÎTRES DU FANTASTIQUE

– Arnim (allemand), Œuvres, dont Isabelle d’Égypte (1811). – Balzac, La Peau de chagrin (1831), Séraphita (1835). – Pouchkine (russe), La Dame de pique (1833). – Nerval, Contes (1832), Aurélia (1853-1854), Pandora (1853-1854). – Barbey d’Aurevilly, Les Diaboliques (1874). – Villiers de l’Isle-Adam : Contes cruels (1883). – James (anglais), Le Tour d’écrou (1898).

◆ XXe SIÈCLE : LE FANTASTIQUE CONTEMPORAIN

– Kafka (tchèque), La Métamorphose (1912), Le Procès, Le Château.– Aragon, Le Paysan de Paris (1926). – Ray (belge), Contes, Malpertuis. – Lovecraft (américain), Contes divers (à partir de 1922). – Buzzati (italien), Le Désert des Tartares (1940). – Borges (argentin), Fictions, L’Aleph. – Cortazar (argentin), Contes divers. – Bouquet, Le Visage de feu (1951), Aux portes des ténébres (1956). – Gracq, Le Rivage des Syrtes (1951).

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