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Séance 4 Incertitude entourant le taux de change, investissement et productivité

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Séance 4Incertitude entourant le tauxde change, investissement etproductivité

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Introduction

Nous examinons dans la présente étude la relation entre le taux de changeréel et l’investissement. La question qui nous intéresse plus précisément estla mesure dans laquelle le régime de changes flottants a pu nuire àl’investissement au Canada. Selon certains, un régime de changes flottantspeut se traduire par une variabilité excessive du taux de change à court termeet, à l’occasion, par des déséquilibres persistants des taux de change, ce quientraverait le mouvement d’intégration économique du continent favorisépar les accords de libre-échange conclus par le Canada avec les États-Unis(ALE) puis avec le Mexique (ALENA), et limiterait l’éventail desdébouchés à l’exportation susceptibles d’être rentables1. Par exemple,Courchene et Harris (1999) font valoir que, si un régime de changes flottantspose moins de problèmes aux producteurs de matières premières du fait queles prix de la plupart des ressources naturelles exportées sont déjà établis endollars É.-U. et qu’il est relativement simple de se couvrir contre le risque dechange, l’absence d’instruments de couverture à moyen ou long terme rendle secteur de la fabrication vulnérable aux variations de taux de change.

1. Cet effet n’est peut-être pas important. Selon les estimations de Gaston et Trefler (1997),les réductions tarifaires mises en œuvre dans le cadre de l’accord signé par le Canada et lesÉtats-Unis en 1988 expliquent seulement 9 à 14 % des pertes d’emploi subies dans lesecteur de la fabrication entre 1989 et 1993; celles-ci seraient principalement dues àl’incidence conjuguée des restructurations amorcées par les sociétés avant 1989, d’unerécession marquée et de l’orientation de la politique monétaire pendant cette période.

* Nous savons gré à Kevin Clinton et à James Powell de leurs commentaires et suggestions.Nous remercions Tracy Chan de son excellent soutien sur le plan technique.

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Robert Lafrance et David Tessier*

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Selon ces deux auteurs, le libre-échange nécessite des calculs de coût et destaux de change stables et prévisibles à cause du volume des échangesextérieurs et du degré de spécialisation qui l’accompagne. Or, à leur avis, unrégime de changes flottants est synonyme de structures de coûts instables etimprévisibles.

Des préoccupations du même genre avaient été exprimées au cours desdécennies qui avaient suivi l’effondrement du système de Bretton Woods,les variations des taux de change nominaux (et réels) — notamment lesfluctuations marquées du dollar américain au début des années 1980 —ayant été bien plus fortes que ne l’avaient prévu les partisans des changesflottants et la volatilité supérieure des taux de change à court terme n’ayantaffiché aucun signe d’atténuation au fil des ans. De surcroît, la variabilité destaux de change a été nettement plus élevée en régime de changes flottants,bien que celle des variables macroéconomiques n’ait pas augmenté, ce quidonne à penser que l’adoption de taux de change plus stables n’accroîtraitpas l’instabilité macroéconomique. Il est à noter également que la plupartdes variations de taux de change étaient inattendues, comme en témoignentla fragilité des modèles de prévision du taux de change et l’incapacité desindicateurs de marché (comme les écarts de taux d’intérêt et les taux àterme) ou des sondages de signaler à l’avance les variations de grandeampleur.

Le fait que les variations de taux de change aient été plus prononcées qu’ons’y était attendu et se soient avérées difficiles à prévoir ne signifie pasforcément qu’elles aient eu un effet négatif. Peut-être était-il nécessaired’avoir des variations plus importantes des taux de change, aprèsl’effondrement du système de Bretton Woods, pour amortir les chocséconomiques qui ont caractérisé cette période. En outre, un régime dechanges fixes n’aurait pas permis de faire face à ces chocs sans la mise enplace d’un contrôle des capitaux et des échanges extérieurs.

Trois questions fondamentales doivent être abordées lorsqu’on analysel’effet que le taux de change peut avoir sur les décisions d’investissement.La première est le sens dans lequel s’exerce cet effet. Sur le planmicroéconomique, le taux de change influe certainement sur les décisions del’entreprise. À l’échelle de l’économie, par contre, il est plus probable que larelation joue dans les deux sens. Les tests de causalité que nous présentonsrévèlent que, si le taux de change réel ne semble pas se répercuterdirectement sur l’investissement (et vice-versa), il est possible qu’il ait uneffet indirect, par l’entremise des bénéfices des entreprises.

La deuxième question tient à la nature de la variabilité du taux de change.Sous l’angle des effets susceptibles d’être exercés sur l’investissement, onpeut distinguer deux grandes composantes : i) la volatilité à court terme et

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ii) les déséquilibres persistants du taux de change (c’est-à-dire les écartsmarqués par rapport aux valeurs fondamentales). Dans la mesure où lavariabilité à court terme reste en deçà de certains seuils et correspond à larecherche du meilleur prix sur le marché (ou, tout simplement, à un niveauincompressible de bruit dans un régime de changes flottants), elle n’estguère susceptible d’exercer une influence importante sur les décisionsd’investissement, qui s’inscrivent dans une perspective à long terme. Lavolatilité à court terme peut cependant influer sur le calendrier des décisionsd’investissement en présence d’imperfections du marché des capitaux. C’estpourquoi nous essayons de déceler, à l’aide de tests, les effets éventuels de lavolatilité du taux de change réel à court terme sur l’investissement directétranger et les flux d’investissements intérieurs (investissement total etachats de machines et matériel). Nous constatons, à l’aide des trois mesuresde l’investissement que nous étudions, que la volatilité à court terme n’a pasd’effet sensible, à un horizon rapproché, sur l’investissement.

Par contre, les déséquilibres persistants du taux de change réel risquentdavantage de fausser les décisions d’investissement, en entraînant à la foisun surinvestissement et un sous-investissement. La détection desdéséquilibres de ce genre soulève des difficultés parce que leur existence,leur ampleur et leur persistance dépendent souvent du point de vue adopté etpeuvent se ramener à des croyances concernant l’efficience des marchés.Autrement dit, on ne s’entend pas sur la façon de mesurer les déséquilibresdu taux de change réel2. Malgré notre conviction que les marchés deschanges sont fondamentalement efficients et que les variations du dollarcanadien reflètent la situation fondamentale de l’économie, nous apportonsune modeste contribution à l’estimation des « déséquilibres de taux dechange » en ayant recours à un filtre de Hodrick-Prescott (HP) et aux écartsobservés par rapport à une équation de taux de change estimée. Dans lesdeux cas étudiés, nous constatons que les déséquilibres de taux de changen’ont pas d’effet important à court terme sur l’investissement.

La troisième question tient à l’interprétation qu’il convient de faire de nosrésultats, au regard de la question initiale posée : le régime de changesflottants adopté par le Canada a-t-il nui d’une façon ou d’une autre àl’investissement dans notre pays? Nous tenons à préciser d’emblée que notrepropos n’est pas de déterminer si les investissements ont été mal répartis(c’est-à-dire n’ont pas bénéficié aux « bons » secteurs), puisque nous nenous penchons que sur l’investissement agrégé, ni si le pourcentage du stockde capital détenu par les étrangers a été modifié; nous voulons plutôt savoirsi la variabilité du taux de change ou des déséquilibres plus persistants ontréduit l’investissement. Un examen des profils de réaction, dans le contexte

2. Williamson (1994) se penche sur ces questions.

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des modèles vectoriels autorégressifs (VAR) que nous avons retenus,indique que les variations de taux de change (exprimées en niveau ou envolatilité) ne semblent pas avoir eu d’effet marqué sur l’investissement.

Voici le plan de l’étude. Nous passons en revue, à la section 1, différentesétudes traitant des liens possibles entre le taux de change et l’investissementdirect étranger, tout en faisant état de certains résultats empiriques. Nousprocédons de la même façon à la section 2, à l’égard de l’investissementintérieur. Quant à la section 3, elle présente de nouveaux résultats fondés surl’emploi de modèles VAR, avant l’exposé de nos conclusions.

1 L’investissement direct étranger

1.1 Les théories

Nous essayons de déterminer l’effet de la variabilité du taux de change surl’investissement direct étranger, mais il se pourrait que l’influence s’exercedans l’autre sens3. Ainsi, une entrée de capitaux exogène pourrait entraînerune hausse ou une baisse du taux de change réel, selon qu’elle sert à financerdes dépenses intérieures ou des investissements dans le secteur des bienséchangeables ou dans celui des biens non échangeables sur le planinternational (Dornbusch, 1973). Autre cas encore, une politique destabilisation du taux de change pourrait se traduire par une appréciation dela monnaie en termes réels et une hausse des taux d’intérêt intérieurs, ce quifavoriserait les entrées de capitaux (Corbo, 1985). Une appréciation du tauxde change réel ayant pour résultat un important déficit de la balancecourante pourrait également inciter les entreprises étrangères à investir surplace par crainte de mesures protectionnistes.

Les entreprises opteront pour l’investissement direct à l’étranger plutôt quepour l’exportation uniquement dans la mesure où l’emplacement leurconfère un avantage appréciable (notamment à cause de coûts de productioninférieurs et de l’existence de mesures incitatives dans le pays d’accueil)4.Dunning (1988) intègre différents points de vue exprimés dans la littérature,empruntant divers éléments aux théories de l’organisation industrielle, del’internalisation5 et de la localisation. Trois conditions doivent être réuniespour qu’il y ait investissement direct à l’étranger : il faut que i) l’entreprisedispose, par rapport à ses concurrents, de certains avantages propres, qui lui

3. On trouvera un exposé plus complet dans Kosteletou et Liargovas (2000).4. McClain (1983) et Lizondo (1990) procèdent à un examen pénétrant de la littérature.5. Selon la théorie de l’internalisation, l’investissement direct étranger découle de lavolonté des entreprises de remplacer des opérations sur le marché par des opérationsinternes, dans le but notamment d’éviter les imperfections du marché des biensintermédiaires.

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permettront d’accroître la rentabilité de l’entreprise acquise6; ii) il soit plusrentable pour l’entreprise d’exploiter ces avantages que de les vendre ou deles louer à d’autres entreprises; iii) il soit plus profitable pour l’entreprised’utiliser ces avantages en combinaison avec des facteurs de productionsitués à l’étranger, faute de quoi les marchés étrangers seraientapprovisionnés uniquement au moyen d’exportations7.

Aizenman (1992 et 1994) a élaboré un modèle dans lequel des producteursneutres face au risque peuvent diversifier leurs activités à l’échelleinternationale afin de rendre leur production plus flexible en cas de choc, enrégime de libre accès aux pays étrangers. Il montre qu’un régime de changesfixes est plus propice à l’investissement direct étranger qu’un régime dechanges flottants pour ce qui est tant des chocs réels que des chocsnominaux. Un régime de changes fixes permet de mieux protéger laproduction et les salaires réels contre l’effet des chocs monétaires ets’accompagne de profits anticipés plus élevés. Ces derniers donnent lieu àleur tour à des investissements intérieurs et étrangers (directs) supérieurs.Dans le cas des chocs de productivité, un régime de changes flottants réduitla variabilité de l’emploi et diminue les profits attendus, parce que le taux dechange varie de manière à atténuer le choc. Dans ce modèle, les taux dechange flottants limitent l’incitation des entreprises à se délocaliser vers lepays le plus productif, en amortissant les chocs de productivité.

L’investissement direct étranger peut également être considéré parl’entreprise comme une forme de diversification internationale de sonportefeuille (c’est-à-dire que les décisions sont prises en fonction descaractéristiques de risque et de rendement des différents projets

6. Selon les tenants de la théorie de l’organisation industrielle, les entreprises étrangèrespossèdent des avantages qui sont transférables à l’étranger, sans toutefois pouvoir êtreacquis par les concurrents locaux. De plus, il faut que le marché de ces avantages soitimparfait, car autrement l’entreprise n’aurait pas intérêt à investir à l’étranger. Lesimperfections du marché peuvent tenir à la différenciation des produits, aux compétencesen commercialisation, à une technologie exclusive, aux compétences en gestion, à un accèsinégal aux marchés de capitaux, aux économies d’échelle et à des distorsions du marchéimputables à l’action de l’État.7. Itagaki (1981) a formulé une théorie de l’entreprise multinationale en contexted’incertitude du taux de change. Son modèle tient compte du régime fiscal, des prix decession interne, du rapatriement des bénéfices, des intrants intermédiaires, du commerceintra-entreprise, des redevances, du choix de la monnaie de libellé et des opérations decouverture. Il montre que : i) les effets de l’incertitude sur la production et le volume deséchanges extérieurs varient selon que la position de change est positive ou négative; ii) lesvolumes peuvent augmenter en situation d’incertitude. Il se peut donc que l’incertitudeaccroisse le commerce international et les investissements à l’échelle mondiale. Voir aussiItagaki (1987).

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d’investissement possibles). Il reste que, pour que la volonté dediversification puisse expliquer l’investissement direct étranger, il fautabandonner l’hypothèse de perfection des marchés de capitaux. L’hypothèserelative aux imperfections du marché fournit les conditions nécessaires,mais non suffisantes, pour l’investissement direct étranger. En l’absenced’autres imperfections, ni le risque de change, ni les déséquilibres de taux dechange ne sont nécessaires ou suffisants pour que des investissements directssoient observés. Ils peuvent toutefois motiver indirectement certainsinvestissements directs. Diverses thèses ont été formulées dans cet ordred’idées.

Aliber (1970) propose une explication fondée sur le risque de change. Selonlui, les entreprises des pays à monnaie forte disposent d’un avantagelorsqu’il s’agit d’investir à l’étranger8. On ne sait pas trop, cependant,pourquoi les opérations de couverture ou la diversification devraientbénéficier uniquement aux entreprises des pays à monnaie forte, ni pourquoiles investisseurs persistent dans leur ignorance ou leur « myopie ». Selon unautre raisonnement, une information incomplète, qui rend le recours auxcapitaux externes plus coûteux que le financement interne, peut mener à unesituation où les effets de richesse découlant des variations du taux de changeinfluent sur les flux d’investissement direct étranger (Froot et Stein, 1991).En diminuant la richesse relative des agents de l’économie nationale, unedépréciation de la monnaie nationale peut favoriser l’acquisition d’avoirsintérieurs par l’étranger.

1.2 Les faits observés

Si la plupart des hypothèses qui tentent d’expliquer les flux d’investissementdirect étranger reposent sur certaines bases empiriques, aucune ne bénéficied’appuis suffisants (Lizondo, 1990). Ce sont probablement les théories del’organisation industrielle qui ont gagné le plus d’adeptes. Elles semblentexpliquer mieux que les autres les investissements intrasectoriels entre payset la répartition inégale des investissements directs étrangers d’un pays àl’autre.

8. Aliber fait le postulat que, bien que les entreprises qui investissent à l’étrangerperçoivent des bénéfices exprimés dans une monnaie dépréciée, le marché calcule la valeuractualisée du flux de revenus provenant du pays d’accueil différemment selon qu’il estobtenu par une entreprise nationale ou étrangère. Cela pourrait être dû à trois choses : lesinvestisseurs ignorent quelle proportion du revenu de l’entreprise provient de pays àmonnaie dépréciée, l’entreprise nationale peut offrir à l’investisseur un portefeuillediversifié à meilleur marché qu’il ne pourrait l’obtenir lui-même ou elle est plus efficacedans la couverture des risques. Des études consacrées aux investissements directs étrangersdes entreprises de divers pays (États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, France et Canada)ont débouché sur des résultats compatibles avec cette hypothèse (Agarwal, 1980).

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On a constaté qu’une volatilité supérieure du taux de change s’accompagnaitde sortiesplus importantes d’investissement direct des États-Unis vers leCanada, la France, l’Allemagne et le Japon (Cushman, 1985), de même quepar desentréesplus fortes de capitaux venant de ces pays (Cushman, 1988).Par contre, Bailey et Tavlas (1991) n’ont pu déceler d’effet négatif de lavolatilité ou des déséquilibres des taux de change sur les investissementsdirects réels aux États-Unis pendant la période de taux de change flottants9.Caves (1989) s’est penché sur la sensibilité des flux d’investissement directà destination des États-Unis aux taux de change de 15 pays de 1977 à198510. Il constate qu’une croissance plus rapide dans ce pays favorise unehausse des entrées d’investissement direct étranger. Une appréciation dudollar É.-U. tend à réduire les flux d’investissement direct étranger, mais cesderniers ne semblent pas réagir aux anticipations en matière de taux dechange. Toutes choses égales par ailleurs, des cours plus bas (plus élevés) enbourse aux États-Unis (à l’étranger) favorisent les entrées d’investissementdirect. Caves conclut que l’aversion pour le risque pourrait bien attirer lesinvestissements étrangers plutôt que de les repousser11. À l’appui de leurthéorie, Froot et Stein (1991) observent que les périodes de baisse du dollaraméricain se sont accompagnées d’un accroissement des entréesd’investissement direct entre 1978 et 1988. Stevens (1993 et 1998) atoutefois jugé que leurs résultats n’étaient guère robustes. Lorsqu’on étendla période d’estimation jusqu’à 1991, le coefficient devient non significatif.

Goldberg et Kolstad (1995) étudient l’effet de la variabilité du taux dechange à court terme sur les flux bilatéraux d’investissement direct étrangerentre les États-Unis, d’une part, et le Canada, le Japon et le Royaume-Uni,

9. Mann (1989) se sert d’un modèle hybride basé sur des effets de portefeuille et lesprincipes de l’organisation industrielle pour étudier les investissements directs japonaisdans 12 secteurs d’activité aux États-Unis. À l’issue de ses tests, il n’a pu trouverd’indication que le taux de change jouait un rôle important dans les décisionsd’investissement.10. Il fait valoir que les taux de change ont un effet sur les entrées d’investissement directpar deux canaux. En premier lieu, ils influent sur les coûts et les revenus réels desentreprises. L’effet net produit sur l’investissement direct étranger est cependant ambigu,car il dépend de la proportion des intrants importés et de la production exportée. En secondlieu, les taux de change influent sur les entrées d’investissement direct par l’entremise desanticipations : lorsqu’il se produit une dépréciation mais qu’on s’attend à ce qu’elles’inverse par la suite, les entrées d’investissement direct tendent à augmenter, lesinvestisseurs cherchant à profiter du redressement escompté de la monnaie considérée pourréaliser des plus-values.11. McClain (1983) constate qu’une monnaie plus forte (en termes réels) entraîne danscertains pays (quatre sur huit) des sorties d’investissement direct accrues à destination desÉtats-Unis. Il se peut en outre qu’à la fin des années 1970, les faibles cours des actions dansce pays aient incité les investisseurs canadiens, britanniques, japonais et français à investirdirectement aux États-Unis. À son avis, les résultats ne sont toutefois guère concluants.

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d’autre part, entre 1978 et 1991, à l’aide d’un modèle fondé sur le principede l’aversion pour le risque. Ils constatent que la variabilité du taux dechange a eu un effet positif et statistiquement significatif sur quatre de cessix flux d’investissement direct étranger bilatéraux : la variabilité du taux dechange réel a accru la part des investissements américains au Canada et auJapon, de même que celle des investissements canadiens et britanniques auxÉtats-Unis. De plus, le taux de changeen niveau, incorporé à titre devariable supplémentaire, s’accompagne du signe attendu dans toutes lesrégressions : une dépréciation de la monnaie du pays d’origine provoque unebaisse de la part des investissements de ce pays à l’étranger. Ces effets nesont toutefois ni importants, ni statistiquement significatifs. Kosteletou etLiargovas (2000) examinent la relation entre les flux d’investissement directétranger et le taux de change réel dans un modèle à équations simultanées àl’aide de données annuelles allant de 1960 à 1997 et portant sur un largeéchantillon de pays industriels (ne comprenant pas, cependant, le Canada).Ils observent que, dans la plupart des pays, une appréciation du taux dechange réel donne lieu à une augmentation des entrées d’investissementdirect.

L’ambiguïté des résultats empiriques dont fait état la littérature rappellecelle de nombreuses études consacrées à la relation entre l’incertitude dutaux de change et le niveau des échanges extérieurs. Une volatilitésupérieure du taux de change a un effet ambigu sur ce dernier, en théorie,parce qu’elle crée des possibilités de profit et rend plus incertains les profitsréalisés à l’exportation sur les ventes facturées en devises. L’effet de lavolatilité dépend du degré d’aversion pour le risque et de l’exposition aurisque12. L’idée selon laquelle la volatilité des taux de change nuirait aucommerce international est séduisante sur le plan intuitif parce que cettevolatilité accroît le risque commercial et perturbe la planification, maisl’effet net n’est pas évident si l’on tient compte du fait que les entreprisespeuvent diversifier leurs débouchés, utiliser des facteurs de production aussibien dans leur pays d’origine qu’à l’étranger, adopter des modalités defacturation souples et recourir à des opérations de couverture.

Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’un survol de la littérature empirique sesolde en général soit par l’absence d’une relation entre la variabilité mesuréedu taux de change et le niveau des échanges extérieurs, soit, dans le meilleur

12. Même quand l’entreprise nourrit une aversion pour le risque, un accroissement decelui-ci n’entraîne pas nécessairement une diminution des activités risquées. Par exemple,comme les entreprises ayant une forte aversion pour le risque s’inquiètent du pire scénariopossible, il se peut que, lorsque le risque augmente, elles exportent davantage afin d’éviterune contraction prononcée de leur chiffre d’affaires. En outre, une variabilité plus marquéedes taux de change s’accompagne aussi d’une hausse de la probabilité de réaliser des profitsimportants. Côté (1994) consacre un exposé plus complet à cette question.

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des cas, par des résultats ambigus13. Des partisans des taux de change fixesont également exprimé la crainte que des déséquilibres importants des tauxde change n’aient un effet d’hystérèse sur les échanges extérieurs.Cependant, les observations n’étayent généralement pas cette hypothèsedans le cas des États-Unis (Krugman, 1990) et du Canada (Amano, Beaulieuet Schembri, 1993)14.

2 L’investissement intérieur

2.1 Les théories

L’effet de l’incertitude sur les dépenses d’investissement est ambigu. Uneincertitude plus marquée des prix peut amener des entreprisesconcurrentielles neutres face au risque à accroître leurs investissements(Hartman, 1972; Abel, 1983)15, 16. En revanche, les études consacrées auxinvestissements irréversibles (Pindyck, 1991) montrent qu’une incertitudeaccrue retarde les investissements des entreprises neutres face au risque sii) il est plus coûteux de réduire le stock de capital que de l’augmenter et queii) les entreprises se trouvent en régime de concurrence imparfaite(Caballero, 1991). Si ces deux conditions sont respectées, une hausse del’incertitude des prix fait que les entreprises craignent davantage d’avoirtrop de capital que de ne pas en avoir assez — de sorte qu’elles investissentmoins.

13. Voir Fonds monétaire international (1984) et Côté (1994). Selon Klaassen (1999), laraison pour laquelle il est difficile de déceler un effet significatif du risque de change sur leséchanges extérieurs tient au délai nécessaire pour observer un effet de ce genre. Un examendes échanges entre les États-Unis et leurs partenaires du G7 amène Klaassen à conclure queles décisions d’exportation dépendent principalement du taux de change prévu à l’horizonde un an. Le degré de risque associé au taux de change à cet horizon semble relativementconstant dans le temps. Les idées reçues à ce sujet ont été contestées dans des étudesrécentes. Par exemple, Frankel (1997) et Rose (2000) constatent qu’une stabilité accrue destaux de change a des effets positifs importants sur le niveau des échanges extérieurs,notamment lorsque les pays en cause se joignent à une union monétaire.14. Giovannetti et Samiei (1995) analysent les données américaines, allemandes etjaponaises sur l’exportation de biens manufacturés de 1975 à 1993, pour conclure àl’existence d’un effet d’hystérèse marqué uniquement dans le cas du Japon.15. Ce résultat est dû à l’inégalité de Jensen. Si la productivité marginale du capital estconvexe parrapport au prix, une augmentation de l’incertitude des prix qui ne modifie pasla moyenne accroît le rendement attendu d’une unité supplémentaire de capital et stimuledonc l’investissement.16. Selon certains auteurs, l’aversion pour le risque (Craine, 1989) et le rationnement ducrédit (Greenwald, Stiglitz et Weiss, 1984) pourraient également expliquer l’effet négatifqu’une incertitude accrue exerce sur l’investissement.

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Il ne s’agit pas uniquement de décidersi l’investissement se fera, mais aussiquand il sera réalisé. Le modèle de Dixit-Pindyck détermine une plaged’inactivité liée au prix du produit, dans laquelle il est avantageux pourl’entreprise d’attendre (valeur d’option de l’attente) ou de retarder sesdécisions d’investissement. Dixit qualifie cette vision de l’investissement de« théorie de l’inertie optimale » (Dixit, 1992, p. 109). Les entreprises qui serefusent à investir quand les taux de rendement courants dépassent debeaucoup le coût du capital veulent peut-être, dans une optique de calculoptimal, s’assurer que ces conditions ne sont pas passagères. Dans cemodèle, l’investissement est réalisé si le prix dépasse la borne supérieure dela plage et est abandonné s’il se situe en-deçà de la borne inférieure. Il fautdonc voir dans quelle mesure un déséquilibre plus prononcé des taux dechange ou une volatilité accrue de ces derniers influerait sur l’étendue de laplage d’inactivité et la partie supérieure de la distribution des prix (c’est-à-dire la fréquence à laquelle les dépenses d’investissement sont engagées).

S’appuyant sur ce raisonnement, Darby et coll. (1998) montrent qu’unehausse de la variabilité du taux de change peut en fait exercer un effet positifsur l’investissement. C’est le cas dans les secteurs où la « valeur à la casse »d’un investissement est faible et où le risque de se retrouver avec un stock decapital non désiré sur les bras est élevé. Cela peut également arriver lorsquel’accroissement de l’incertitude est important ou que l’incertitude est faibleau départ et que le coût d’option de l’attente, par opposition à celui del’investissement, est élevé. Une stabilité supérieure du taux de changetendrait à favoriser l’investissement dans les secteurs où la productivité estrelativement faible, la valeur à la casse élevée et le coût d’option de l’attentefaible (par exemple le secteur tertiaire). Une stabilité plus grande du taux dechange aurait cependant tendance à réduire l’investissement dans lesbranches d’activité où la valeur à la casse est faible (par exemple les servicesd’utilité publique) ou le coût d’entrée est élevé (par exemple la recherche-développement et les activités technologiques de pointe), ou encore dans lessecteurs présentant à la fois une forte valeur à la casse et un coût d’option del’attente élevé (par exemple les services financiers).

Le taux de change peut aussi influer sur l’investissement en se répercutantsur le coût des biens d’équipement importés ou, comme certains l’ontavancé, par son effet sur l’environnement concurrentiel. Lafrance etSchembri (2000) analysent ces questions dans leur étude de l’incidence queles variations du taux de change réel pourraient avoir sur la croissance de laproductivité. L’hypothèse ayant trait au rôle protecteur du taux de changeveut qu’une dépréciation du taux de change réel puisse être nuisible à lacroissance de la productivité dans un pays parce qu’elle protège lesentreprises intérieures contre la concurrence étrangère, réduisant ainsi leurincitation à engager des investissements susceptibles d’accroître la

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productivité. Cette hypothèse est cependant incompatible avec uncomportement de maximisation des profits et suppose des marchés decapitaux relativement inefficients17. Lafrance et Schembri font égalementobserver que la dépréciation réelle du dollar canadien au cours des années1990 a très probablement contribué à l’écart de croissance de la productivitéconstaté entre le Canada et les États-Unis en rendant plus coûteux lesmachines et le matériel importés et en réduisant le coût du travail par rapportà celui du capital. Ils signalent cependant que cette dépréciation réelle a étéle résultat de facteurs fondamentaux, de sorte qu’elle se serait produite peuimporte le régime de change en place.

2.2 Les faits observés

Baxter et Stockman (1989) se servent d’un échantillon de 49 pays pourcomparer le comportement affiché par la production, la consommation, leséchanges extérieurs et les taux de change réels depuis la guerre sous diversrégimes de change. Hormis une variabilité plus grande des taux de changeen régime de flottement, ils ne constatent guère de différences systématiquesdans le comportement des agrégats macroéconomiques ou des échangesentre pays selon le régime de change appliqué18. En outre, dans le cas duCanada, rien n’indique que les modifications de la variabilité du soldecommercial soient imputables aux changements de régime de change. Rose(1994 et 1995) ainsi que Flood et Rose (1995) se penchent sur l’évolution devariables macroéconomiques clés (mais non sur celle de l’investissement)sous divers régimes de change. Ils concluent que le régime de change n’apas d’effet significatif sur la volatilité des autres variablesmacroéconomiques; par conséquent, la volatilité des taux de changenominaux serait due en grande partie à des facteurs non fondamentaux etpourrait être éliminée à peu de frais.

Par contre, Caporale et Pittis (1995) concluent que le régime de change tirebel et bien à conséquence. Ils examinent l’évolution d’un certain nombre devariables macroéconomiques clés sous divers régimes de change (à l’aide dedonnées mensuelles allant de 1960 à 1991 et portant sur 18 pays del’OCDE), en étudiant la persistance, la volatilité et l’importance relative des

17. L’hypothèse sous-jacente est que les dirigeants d’entreprise visent l’obtention derésultats « satisfaisants » plutôt qu’une maximisation des profits, que les actionnaires sontpeu attentifs à la valeur de l’entreprise et que les marchés des capitaux et des produits nesont pas concurrentiels.18. À noter que, selon une étude antérieure consacrée par le FMI à la formation de capitalfixe dans le G7 de 1960 à 1982, rien ne prouve vraiment que le taux d’investissement aitdiminué dans les pays industrialisés pendant la période de taux de change flottants (FMI,1984, p. 28).

Page 14: La variabilité du taux de change et l'investissement au Canada

272 Lafrance et Tessier

chocs symétriques (ressentis à l’échelle mondiale) et asymétriques (propresà un pays) dans le cycle économique. Le chômage et les taux d’intérêt réelssont plus persistants en régime de changes flottants, tandis que la productionindustrielle et les taux de change réels le sont moins. Une analyse descomposantes principales révèle que, depuis l’effondrement du système deBretton Woods, la corrélation des cycles économiques est plus marquée àl’échelle internationale et que les évolutions cycliques sont devenues moinsspécifiques à chaque pays.

Dans une série d’articles, José Campa et Linda Goldberg étudient l’effet quele taux de change pourrait exercer sur les politiques d’investissement et deprix des entreprises manufacturières aux États-Unis et dans d’autres grandspays19. Ils se servent fondamentalement d’un modèle d’investissementfondé sur les coûts d’ajustement qui tient compte des exportations ainsi quede l’utilisation de facteurs de production importés, deux éléments quiexposent les producteurs aux variations du taux de change. L’investissementest fonction de la rentabilité marginale du capital. Les variations du taux dechange peuvent influer sur la rentabilité en se répercutant sur les prixintérieurs et à l’exportation, ainsi que sur le coût des intrants importés.L’effet des fluctuations du taux de change sur la rentabilité et les décisionsd’investissement de l’entreprise dépendent de la vocation internationale decette dernière ainsi que de la structure concurrentielle du secteur où elle estactive. Toutes choses égales par ailleurs, les secteurs très concurrentielsdevraient réagir davantage aux variations du taux de change. La sensibilitéde l’investissement à la rentabilité marginale attendue du capital diminuedans les branches d’activité à taux de dépréciation et à coût d’ajustementélevés, ainsi que dans les secteurs qui accordent peu d’importance auxprofits anticipés.

Campa et Goldberg (1995) signalent que l’effet du taux de change surl’investissement peut varier avec l’importance relative des exportations etdes importations au fil du temps. Alors que, durant les années 1970, lesentreprises manufacturières américaines étaient davantage orientées versl’exportation, elles étaient devenues bien plus enclines à importer vers ledébut des années 1980. Aussi l’appréciation du taux de change a-t-elleréduit l’investissement dans le secteur des biens durables dans les années1970, mais l’a stimulé après 1983. La volatilité du taux de change a certes

19. Campa et Goldberg (1997) établissent l’importance que revêtent les exportations et lesimportations pour le secteur de la fabrication au Canada, aux États-Unis, au Japon et auRoyaume-Uni. Ils font remarquer que, alors qu’aux États-Unis la vocation internationalede ce secteur a fluctué selon les périodes, elle s’est accentuée de façon constante au Canada(p. 60); entre 1974 et 1993, la part relative des exportations et des importations dans laproduction a en fait doublé dans le secteur canadien de la fabrication.

Page 15: La variabilité du taux de change et l'investissement au Canada

La variabilité du taux de change et l’investissement au Canada 273

déprimé l’investissement, mais l’effet a été peu marqué. Campa et Goldberg(1999) s’efforcent d’étendre leurs résultats en procédant à l’estimation deleur modèle pour les branches manufacturières des États-Unis, du Royaume-Uni, du Canada et du Japon classées au niveau à deux chiffres. Ils constatentque, quel que soit le pays, l’effet du taux de change sur l’investissement estgénéralement négligeable dans les secteurs à forte marge bénéficiaire. Parcontre, la sensibilité de l’investissement au taux de change est assezmarquée dans les secteurs à faible marge. Chose étonnante, ils n’observentaucun effet important au Canada, que les marges bénéficiaires soient faiblesou élevées.

3 Vérification empirique de l’effet du taux de change surl’investissement

Notre propos est ici de voir si les variations du taux de change réel ont puavoir un effet sensible sur l’investissement au cours de la période récente,caractérisée par un régime de changes flottants.

Si le taux de change peut être considéré comme exogène au niveau del’entreprise, cette hypothèse est discutable au niveau macroéconomique.Étant donné que nous nous intéressons aux relations macroéconomiques, letaux de change et l’investissement devraient être traités comme des variablesinteractives. De plus, compte tenu du caractère prospectif des décisionsd’investissement, il importe d’utiliser un cadre qui permette de procéder àune analyse dynamique plus détaillée.

Pour tenir compte à la fois des effets de rétroaction et des effets dynamiques,nous avons choisi pour notre analyse un cadre vectoriel autorégressif (VAR).Dans les modèles VAR, toutes les variables sont considérées commeendogènes, et l’analyse des structures dynamiques peut prendre bien desformes. Une représentation autorégressive permet d’appliquer des tests decausalité à la Granger, tandis qu’une représentation moyenne mobile permetd’estimer les réactions dynamiques aux chocs. Bien que ces deux typesd’effets soient liés, leur examen fournit des renseignements distincts etcomplémentaires20.

20. Par exemple, une réaction non nulle d’une variable à un choc touchant une autrevariable n’implique pas nécessairement l’existence d’un lien de causalité à la Granger entreces deux variables (Dufour et Tessier, 1993; Dufour et Renault, 1998).

Page 16: La variabilité du taux de change et l'investissement au Canada

274 Lafrance et Tessier

3.1 Tests de causalité à la Granger

Un test de causalité à la Granger permet de mesurer l’importance que revêtune variable pour la prévision d’une autre21. Dans un cadre VAR, l’absencede causalité à la Granger se caractérise par un nombre fini de restrictionslinéaires appliquées à un sous-ensemble de paramètres qu’il est facile detester. Bien que la formulation du lien de causalité ne dépende pas despropriétés de stationnarité des séries étudiées, l’inférence statistique dans lecas d’un système non stationnaire ou cointégré découle de propriétésasymptotiques très irrégulières, pour lesquelles les valeurs critiques usuellesne sont valides que dans des conditions bien particulières (Sims,Stock etWatson, 1990; Toda et Phillips, 1994)22. Pour contourner ce problème, Todaet Yamamoto (1995) montrent que, dans des systèmes non stationnaires (oùtoutes les variables sont intégrées d’ordre 1), l’absence de causalité peut êtretestée sur des variables en niveau à l’aide des valeurs critiques usuelles23. Cerésultat se vérifie que les variables soient cointégrées ou non. Toda etYamamoto font appel à une technique d’augmentation du nombre de retards,c’est-à-dire qu’ils estiment un processus VAR d’ordre lorsque lenombre véritable de retards estp24. Les tests sont fondés sur les matrices decoefficients estimés qui correspondent auxp premiers retards seulement.Remarquons que, même si cette méthodologie est invarianteasymptotiquement, elle peut diminuer la puissance des tests sur deséchantillons finis (Yamada et Toda, 1998).

Soit un vecteur deN séries chronologiques pour lesquellesnous estimons un VAR d’ordrep :

,

21. Plus précisément, nous dirons qu’une série chronologiqueYt causeXt sous réserve dela variableZt, au sens de Granger, si l’ensemble des observations deY jusqu’au tempstpeut aider à prédireXt + 1 lorsqu’on se sert également des observations correspondantes deX et Z jusqu’au tempst. Étant donné que l’ensemble d’informations n’est composé qued’observations passées, on peut aussi interpréter la causalité à la Granger comme un typede « précédence » temporelle.22. Par exemple, en l’absence de cointégration, il est toujours possible d’estimer un VARoù les variables sont exprimées en différences premières et d’appliquer le test de Fisherhabituel.23. Les tests de racine unité sont présentés au Tableau 1. À l’exception des mesures del’investissement réel, les trois tests auxquels nous recourons ne permettent pas dedéterminer si les séries sont ou non stationnaires. Suivant l’avis de Phillips (1998) en pareilcas, nous considérons que ces séries sont intégrées d’ordre 1.24. L’ordre des VAR que nous estimons a été déterminé à l’aide du critère d’informationd’Akaike.

p 1+

xt x1t … xNt, ,( )′=

xt Πkxt k– ut+

k 1=

p

∑=

Page 17: La variabilité du taux de change et l'investissement au Canada

La variabilité du taux de change et l’investissement au Canada 275

où représente le processus générateur de chocs. L’hypothèse nulle,: , se caractérise par les contraintes suivantes :

,

où est le jie élément associé à la matrice . Le rapport desvraisemblances sert à déduire l’absence de causalité :

,

où est la fonction logarithmique de vraisemblance que l’on obtientlorsque l’estimateur n’est pas soumis à la contrainte d’absence de causalité,et celle obtenue quand il y est soumis. Selon l’hypothèse nulle, lastatistique suit la même loi que , oùp correspond à l’ordre duVAR.

utH0 xit xjt→

π ji k, 0 k, 1 … p, ,= =

π ji k, Πk

λRV 2 L Π( ) L Π0( )–[ ]=

L Π( )

L Π0( )λRV χ2 p( )

Tableau 1Tests de racine unité (1970T1 – 2000T1)

ADFa PPa KPSb

ITOT 1 0,0448 0,1736 1,531**

IM&M 2 1,2280 2,0522 1,695**

IDE 3 – 1,9156 – 6,9103** 0,292TXCH 4 – 1,0464 – 1,0064 1,104**

MVOL 5 – 2,4747 – 3,3849** 0,417*

BÉNÉF6 – 3,4986** – 2,3450 0,488**

Valeurs critiques5 % – 2,89 – 2,89 0,46310 % – 2,58 – 2,58 0,347

a. L’hypothèse nulle est la non-stationnarité (racine unité).b. L’hypothèse nulle est la stationnarité.Un simple astérisque indique un rejet de l’hypothèse nulle au seuil de 10 %.Un double astérisque indique le rejet de l’hypothèse nulle au seuil de 5 %.

Les retards selon la méthode augmentée de Dickey-Fuller (ADF) ont été choisispar estimation récursive, les retards non significatifs étant éliminés jusqu’à cequ’on en trouve un qui soit significatif.

1. ITOT : rapport de l’investissement total au PIB en termes réels2. IM&M : rapport de l’investissement en machines et matériel au PIB entermes réels3. IDE : rapport de l’investissement direct étranger au PIB4. TXCH : taux de change effectif réel5. MVOL : volatilité du taux de change nominal6. BÉNÉF : rapport des profits au PIB en termes nominaux

Page 18: La variabilité du taux de change et l'investissement au Canada

276 Lafrance et Tessier

Étant donné que notre principal objectif est d’estimer la relation dynamiqueentre diverses mesures de l’investissement et le taux de change réel25, nousnous penchons dans un premier temps sur plusieurs systèmes àtrois variables dans lesquels entrent le rapport de l’investissement réel auPIB, le taux de change réel (TXCH) en niveau ou une estimation dudéséquilibre de taux de change, et notre mesure de la volatilité du taux dechange (MVOL)26.

Nous examinons trois mesures différentes de l’investissement :l’investissement total, l’investissement en machines et matériel etl’investissement direct étranger. Les données vont du premier trimestre de1970 au premier trimestre de 2000. Signalons que la part desinvestissements intérieurs dans le PIB affiche une nette tendance à la hausse,faisant plus que doubler au cours de la période considérée (Figures 1 et 2).La forte augmentation de la part des investissements dans le PIB au milieudes années 1990 est due à l’explosion des investissements en informatique età la croissance des activités dites de la « nouvelle économie ». Lesinvestissements directs, quant à eux, évoluent en dents de scie (Figures 3 et4). Les années 1990 se sont caractérisées par une hausse marquée tant desentrées nettes que des sorties nettes, en raison de l’intégration croissante deséconomies du Canada et des États-Unis, après l’entrée en vigueur de l’ALEen 1989 et de l’ALENA en 1993. De prime abord, il semblerait difficile, auvu de ces tendances, de soutenir que le régime de changes flottants a eu uneffet négatif appréciable sur l’investissement.

Nous faisons appel à deux mesures pour examiner les déséquilibres de tauxde change réels. La première, DHP, repose sur les déséquilibres du taux dechange réel, c’est-à-dire les écarts de celui-ci par rapport à un « sentierd’équilibre » estimé au moyen d’un filtre HP. La seconde, DSD, est fondéesur les écarts par rapport aux valeurs obtenues en effectuant une simulationdynamique à l’aide d’une variante récente de l’équation de taux de change

25. Le régime de change se définit en termes nominaux alors qu’en théorie, les fluxd’investissement réels devraient réagir aux variations du taux de change réel. Notre mesurede la volatilité est toutefois définie par rapport au taux de change nominal, puisqu’on nedispose pas de statistiques mensuelles sur l’indice implicite des prix du PIB. Cettedistinction ne tire peut-être pas à conséquence en pratique, étant donné que les taux dechange nominal et réel évoluent de manière très parallèle (Finn, 1999).26. L’étude de la part des investissements dans le PIB a l’avantage d’éliminer les tendancescommunes qui pourraient influer sur les deux variables. De plus, si l’on envisageséparément l’investissement et la production dans le VAR, la production explique presqueen totalité la dynamique de l’investissement. Les covariations prononcées qui existent entreces variables sont bien comprises, ainsi que le fait remarquer Shapiro (1986), entre autresauteurs.

Page 19: La variabilité du taux de change et l'investissement au Canada

La

varia

bilité

du

tau

x de

cha

ng

e e

t l’inve

stissem

en

t au

Ca

na

da

27

7

Figure 1Investissement total/PIB*

Figure 3Entrées d’investissement direct/PIB

Figure 2Investissement en machines et matériel/PIB*

Figure 4Sorties d’investissement direct/PIB

1970 1975 1980 1985 1990 1995* En termes réels

0,15

0,10

0,05

0,015

0,010

0,005

0,000

– 0,005

– 0,010

1970 1975 1980 1985 1990 1995

0,10

0,08

0,06

0,04

0,02

0,001970 1975 1980 1985 1990 1995

* En termes réels

1970 1975 1980 1985 1990 1995

0,005

0,000

− 0,005

− 0,010

– 0,015

– 0,020

Page 20: La variabilité du taux de change et l'investissement au Canada

278 Lafrance et Tessier

d’Amano et van Norden (1995)27. Étant donné que ce dernier taux dechange est défini de manière bilatérale, nos mesures des déséquilibres detaux de change sont exprimées en fonction du taux de change Canada–États-Unis28. La volatilité est exprimée par la moyenne, calculée sur les 24mois précédents, de l’écart-type mensuel du taux de change effectifnominal.

Sur l’ensemble des 30 dernières années, le dollar canadien a perdu environ20 % de sa valeur en termes effectifs réels, bien que ce mouvement n’ait pasété continu (Figure 5). La période de dépréciation la plus prononcée et laplus longue a eu lieu au cours des années 1990, alors que la part desinvestissements dans le PIB a grimpé en flèche. Notre mesure de la volatilitéaffiche des sommets et des creux périodiques, ce qui donne à penser que lesinvestisseurs sont peut-être en mesure d’établir des bornes réalistes pourencadrer la volatilité du dollar canadien (Figure 6). Les simulations fondéessur le filtre HP et l’équation d’Amano et van Norden sont illustrées à laFigure 7. Il s’agit dans le second cas d’une simulation dynamique, fondéesur l’emploi de paramètres estimés sur la totalité de l’échantillon. Signalonsque les deux mesures indiquent des périodes différentes de surévaluation oude sous-évaluation possibles du dollar canadien par rapport à la deviseaméricaine, ce qui offre des moyens distincts de vérifier l’influence desdéséquilibres de taux de change.

Les résultats des tests de causalité sont présentés aux Tableaux 2, 3 et 4. Lesrisques de première espèce indiquent que, pour tous les VAR considérés,nous ne pouvons jamais accepter l’hypothèse que la volatilité joue un rôleinformatif appréciable dans la dynamique de l’investissement. Lesdeux mesures des déséquilibres de taux de change débouchent sur uneconclusion analogue. Seul le niveau du taux de change réel semble causer,au sens de Granger, l’investissement. Ce résultat est observé pour lestrois mesures de l’investissement.

La relation de causalité à la Granger n’exprime que la prévisibilité àl’horizon d’une période. Compte tenu, cependant, du caractère prospectifdes décisions d’investissement, il vaut la peine d’étudier cette relation à pluslong terme. Dufour et Renault (1998) ont généralisé le principe du test decausalité à la Granger afin de l’appliquer à n’importe quel horizonh (quipeut prendre une valeur infinie). Tester la causalité pour plusieurs horizonsest une opération complexe, mais Dufour et Renault montrent que, dans desconditions spéciales, on peut y parvenir en combinant tout simplement des

27. Djoudad, Murray, Chan et Daw (2001) décrivent l’équation plus en détail.28. Étant donné que les États-Unis ont un poids de 0,86 dans l’indice C-6 des cours dudollar canadien pondérés par le commerce, il n’y a guère de différence, dans le cas duCanada, entre le taux de change bilatéral et le taux de change effectif vis-à-vis des devisescomposant l’indice C-6. L’indice C-6 est décrit par Antia et Lafrance (1999).

Page 21: La variabilité du taux de change et l'investissement au Canada

La

varia

bilité

du

tau

x de

cha

ng

e e

t l’inve

stissem

en

t au

Ca

na

da

27

9

Figure 5Taux de change effectif réel (indice C-6)*

Figure 7Déséquilibres de taux de change

Figure 6Volatilité du taux de change nominal

Figure 8Bénéfices/PIB

1970 1975 1980 1985 1990 1995

1,3

1,2

1,1

1,0

0,9

0,8

0,7

* Devises étrangères/dollar canadien

1975 1980 1985 1990 1995

1,1

1,0

0,9

0,8

0,7

0,6

0,5

$ É

.-U

.

Amano et van Norden

Valeurs

Filtre HP

observées

1970 1975 1980 1985 1990 1995

0,07

0,06

0,05

0,04

0,03

0,02

0,01

0,00

1970 1975 1980 1985 1990 1995

0,10

0,08

0,06

0,04

0,02

0,00

Page 22: La variabilité du taux de change et l'investissement au Canada

280 Lafrance et Tessier

Tableau 2VAR à trois variables (I, TXCH, MVOL)

H0

Risque de1re espèce

Total M&M IDE

0,02 0,01 0,050,91 0,99 0,22

Nota : TXCH = taux de change réel en niveauMVOL = volatilité du taux de change

Tableau 3VAR à trois variables (I, DHP, MVOL)

H0

Risque de1re espèce

Total M&M IDE

0,38 0,12 0,510,70 0,55 0,11

Nota : DHP = déséquilibre du taux de change calculéau moyen du filtre HPMVOL = volatilité du taux de change

Tableau 4VAR à trois variables (I, DSD, MVOL)

H0

Risque de1re espèce

Total M&M IDE

0,32 0,06 0,320,48 0,27 0,22

Nota : DSD = déséquilibre du taux de change calculéau moyen d’une simulation dynamiqueMVOL = volatilité du taux de change

TXCH I→ /MVOL I→ /

DHP I→ /MVOL I→ /

DSD I→ /MVOL I→ /

Page 23: La variabilité du taux de change et l'investissement au Canada

La variabilité du taux de change et l’investissement au Canada 281

tests usuels de causalité à la Granger portant sur une période29. Lorsquenous utilisons cette technique, nous constatons que la volatilité ou lesdéséquilibres du taux de change n’ont aucun pouvoir explicatif, à quelquehorizon que ce soit, dans la dynamique de l’investissement (Tableaux 5 à 7).

Rappelons cependant que la relation de causalité à la Granger dépend del’introduction de variables auxiliaires dans l’ensemble d’observations. Sil’on ne tient pas compte de variables qui sont pertinentes, les tests peuventêtre mal formulés et faire apparaître des relations de causalité trompeuses(Sims, 1980; Lütkepohl, 1982). Il faut donc s’assurer que les résultats nedépendent pas de l’ensemble d’informations retenu. Bien que le meilleurensemble d’informations soit celui qui comprend toutes les variablespertinentes, les échantillons finis imposent une limite au nombre devariables qui peuvent être prises en compte dans un modèle VAR.

Afin de vérifier la robustesse des résultats obtenus précédemment,considérons comme variable supplémentaire les bénéfices non répartis desentreprises en proportion du PIB (BÉNÉF), puisqu’ils peuvent représenter lerendement de l’investissement ainsi que le potentiel de financement interne,facteurs qui ont tous deux un effet positif sur l’investissement (la Figure 8illustre l’évolution des bénéfices non répartis des entreprises, qui tendent àchuter de façon marquée durant les récessions). Les résultats sont présentésdans les Tableaux 8 à 10. Les valeurs estimées du risque de première espèceindiquent que le niveau du taux de change réel n’a plus d’effet surl’investissement lorsqu’on tient compte des bénéfices. Ces derniers sonttoutefois manifestement liés aux flux d’investissements intérieurs, étantdonné les très faibles valeurs du risque de première espèce. En outre, nosconclusions précédentes concernant la volatilité et les déséquilibres du tauxde change restent les mêmes.

3.2 Analyse des profils de réaction

L’analyse des relations de causalité à la Granger représente certes un outilprécieux pour l’étude des structures dynamiques qui existent entre des sériestemporelles, mais elle ne permet pas d’estimer le sens (le signe) ni l’ampleurdes relations qui nous intéressent. C’est la raison pour laquelle Sims (1980)a proposé d’inverser la partie autorégressive du processus et de travailler surla représentation moyenne mobile sous-jacente.

Les VAR sont analogues à ceux présentés dans la section précédente. Parcontre, la technique d’inversion nécessite un processus VAR stationnaire,

29. Dans un système à trois variables (Xt, Yt, Zt), Yt ne cause pasXt sous réserve deZt àtous les horizons siYt ne cause pas à la foisXt etZt (Dufour et Renault, 1998, corollaire 3.6,p. 1112).

Page 24: La variabilité du taux de change et l'investissement au Canada

282 Lafrance et Tessier

Tableau 8VAR à quatre variables (I, TXCH, MVOL, BÉNÉF )

Tableau 5VAR à trois variables (I, MVOL, TXCH)

H0

Risque de1re espèce

Total M&M IDE

0,38 0,37 0,45

Nota : MVOL = volatilité du taux de changeTXCH = taux de change réel en niveau

Tableau 6VAR à trois variables (I, DHP, MVOL)

H0

Risque de1re espèce

Total M&M IDE

0,31 0,18 0,39

0,33 0,34 0,18

Nota : DHP = déséquilibre du taux de change calculé aumoyen du filtre HPMVOL = volatilité du taux de change

Tableau 7VAR à trois variables (I, DSD, MVOL)

H0

Risque de1re espèce

Total M&M IDE

0,11 0,07 0,13

0,25 0,22 0,18

Nota : DSD = déséquilibre du taux de change calculé aumoyen d’une simulation dynamiqueMVOL = volatilité du taux de change

H0

Risque de1re espèce

Total M&M IDE

0,59 0,30 0,12

0,96 0,59 0,11

0,04 0,00 0,17

Nota : TXCH = taux de change réel en niveauMVOL = volatilité du taux de change

MVOL TXCH→ /

DHP MVOL→ /MVOL DHP→ /

DSD MVOL→ /MVOL DSD→ /

TXCH I→ /MVOL I→ /BÉNÉF I→ /

Page 25: La variabilité du taux de change et l'investissement au Canada

La variabilité du taux de change et l’investissement au Canada 283

Tableau 9VAR à quatre variables (I, DHP, MVOL, BÉNÉF)

H0

Risque de1re espèce

Total M&M IDE

0,68 0,27 0,49

0,94 0,84 0,06

0,01 0,01 0,14

Nota : DHP = déséquilibre du taux de change calculé au moyendu filtre HPMVOL = volatilité du taux de change

Tableau 10VAR à quatre variables (I, DSD, MVOL, BÉNÉF)

H0

Risque de1re espèce

Total M&M IDE

0,58 0,20 0,37

0,97 0,70 0,18

0,02 0,02 0,38

Nota : DSD = déséquilibre du taux de change calculé au moyend’une simulation dynamiqueMVOL = volatilité du taux de change

DHP I→/MVOL I→ /BÉNÉF I→ /

DSD I→ /MVOL I→ /BÉNÉF I→ /

qu’on peut établir par différentiation de chaque variable intégrée du système.Après une orthogonalisation des résidus de la forme réduite, nous pouvonsobtenir les profils de réaction aux chocs orthogonalisés. La représentationmoyenne mobile du processus prend la forme structurelle suivante :

, (1)

où le processus générateur de chocs a une matrice de covariance identité.Les éléments de sont interprétés comme des réactions du système auxchocs. Plus précisément, lejie élément de représente l’effet d’un chocunitaire de laie variable, qui s’est produitk périodes auparavant, sur lavariablej.

Xt Θkut k– wt+k 0=

∑=

wtΘk

Θk

Page 26: La variabilité du taux de change et l'investissement au Canada

284 Lafrance et Tessier

Afin d’évaluer l’effet possible de différents chocs sur l’investissement, nousétudions les structures de causalité contemporaine30:

(structure 1)

(structure 2)

Dans ces deux systèmes à trois variables, nous cherchons à étudier les chocsqui influent sur les mesures de l’investissement réel (investissement total etinvestissement en machines et matériel). Nous considérons les chocs de tauxde change (en niveau ou en volatilité) et les variations des bénéfices. Unefois pris en compte les intervalles de confiance (représentés par les zonesombrées), les profils de réaction des mesures de l’investissement aux chocsde taux de change (en niveau ou en volatilité) se révèlent non significatifs(Figures 9 à 12). Par contre, dans tous les cas, les chocs touchant lesbénéfices semblent avoir un effet significatif sur l’investissement, lequeleffet présente le signe positif qui est attendu (Figures 13 à 16).

Nos résultats empiriques peuvent donc se résumer comme suit :

• À tous les horizons, nous ne pouvons jamais accepter l’hypothèse selonlaquelle l’information (au sens de Granger) véhiculée par la volatilité oules déséquilibres du taux de change enrichit la dynamique del’investissement.

• Bien que le niveau du taux de change semble influer sur l’investissementdans les petits systèmes, les résultats ne résistent pas à l’ajoutd’informations supplémentaires (dans ce cas-ci, les bénéfices).

• Ces résultats sont compatibles avec ceux que donne l’analyse des profilsde réaction. Tout bien considéré, nous ne pouvons conclure à l’existenced’un effet statistiquement significatif des chocs de taux de change surl’investissement.

Conclusion

Nos résultats n’appuient pas la thèse voulant qu’une volatilité excessive oudes déséquilibres prononcés du cours du dollar canadien au cours de lapériode récente de taux de change flottants aient réduit de façon perceptiblel’investissement au Canada ou l’investissement direct en provenance del’étranger. Notre méthode a consisté à étudier la question sous l’anglemacroéconomique, sans a priori importants, à l’aide d’un cadre VAR. La

30. Nous avons également testé l’ordre de causalité inverse; les résultats sont similaires surle plan qualitatif.

TXCHt → BÉNÉFt → I t

VOLt → BÉNÉFt → I t

Page 27: La variabilité du taux de change et l'investissement au Canada

La variabilité du taux de change et l’investissement au Canada 285

Figure 9Réaction de l’investissementen machines et matériel

Figure 11Réaction de l’investissement enmachines et matériel

0,015

0,010

0,005

0,000

– 0,005

– 0,010

0 5 10 15 20 25 30 35 40

choc de taux de change réel (structure 1)

0 5 10 15 20 25 30 35 40

0,015

0,010

0,005

0,000

− 0,005

– 0,010

– 0,015

choc de volatilité (structure 2)

Figure 10Réaction de l’investissementtotal

Figure 12Réaction de l’investissementtotal

0,015

0,010

0,005

0,000

– 0,005

– 0,010

0 5 10 15 20 25 30 35 40

choc de taux de change réel (structure 1)

0,015

0,010

0,005

0,000

− 0,005

− 0,010

0 5 10 15 20 25 30 35 40

choc de volatilité (structure 2)

Page 28: La variabilité du taux de change et l'investissement au Canada

286 Lafrance et Tessier

Figure 13Réaction de l’investissement enmachines et matériel

Figure 15Réaction de l’investissement enmachines et matériel

Figure 14Réaction de l’investissementtotal

Figure 16Réaction de l’investissementtotal

0 5 10 15 20 25 30 35 40

choc touchant les bénéfices (structure 1)

0,030

0,025

0,015

0,010

– 0,005

0,005

0,000

0,020

0 5 10 15 20 25 30 35 40

0,025

0,020

0,015

0,010

0,005

0,000

– 0,005

choc touchant les bénéfices (structure 2)

0 5 10 15 20 25 30 35 40

0,020

0,015

0,010

– 0,005

0,005

0,000

choc touchant les bénéfices (structure 1)

0 5 10 15 20 25 30 35 40

0,025

0,020

0,015

0,010

0,005

0,000

– 0,005

choc touchant les bénéfices (structure 2)

Page 29: La variabilité du taux de change et l'investissement au Canada

La variabilité du taux de change et l’investissement au Canada 287

technique que vous avons choisie est certes simple, mais elle permet,conformément au principe de parcimonie ou rasoir d’Occam, d’apporter uneréponse non équivoque à la question qui a motivé notre recherche. Nosrésultats négatifs concordent également avec ceux de Campa et Goldberg(1999), qui ont constaté, avec quelque étonnement, que le taux de changeréel n’exerçait pas d’effet sensible sur l’investissement dans le secteur de lafabrication au Canada.

Même si nous avions conclu à l’existence d’effets plus marqués de lavariabilité du taux de change sur l’investissement, il demeurerait difficile dedémontrer qu’un régime de changes fixes (à défaut d’une union monétaireavec les États-Unis) aurait produit des résultats plus positifs. Ainsi que l’ontfait remarquer des chercheurs du FMI, les multinationales pourraientchercher à diversifier leurs investissements entre un certain nombre demarchés où elles sont actives afin d’atténuer le risque de change, même auprix d’une certaine perte d’efficience (FMI, 1984). Ces décisions à longterme sont prises en fonction de la variabilité future plutôt que courante dutaux de change. Les entreprises préfèrent également investir dans un paysqui dispose d’un mécanisme bien rodé d’ajustement du taux de change, detelle sorte que les coûts et les prix intérieurs ne s’écartent pas exagérémentde ce qu’ils sont à l’étranger, plutôt que dans un pays où la variabilité dutaux de change nominal est moindre mais où la stabilité du taux de changese traduit par une incertitude accrue en matière de taux de change réel et,partant, de rentabilité.

Nous sommes conscients qu’on ne peut jamais fournir une preuve définitivede l’absence d’un phénomène31. À notre avis, cependant, notre étude vientconforter l’ensemble des résultats indiquant que la variabilité du taux dechange n’exerce pas d’effet important sur l’investissement au Canada.

Nota : À la suite de commentaires formulés par Linda Goldberg aucolloque, nous avons procédé à des tests de causalité à la Granger dans unmodèle VAR à trois variables dans lequel entraient le taux de change réel enniveau, les bénéfices et l’investissement. En ce qui concerne aussi bienl’investissement total que l’investissement en machines et matériel, le tauxde change ne déterminait pas, au sens de Granger, les profits nil’investissement. Cela nous porte à croire que le taux de change n’influe passur l’investissement, que ce soit directement ou indirectement par le biais deson incidence sur les profits.R. Lafrance et D. Tessier.

31. Il y a toujours la possibilité que, dans certaines conditions, on puisse détecter un effetnégatif sur l’investissement lorsqu’on utilise d’autres mesures de la volatilité ou desdéséquilibres du taux de change au cours de périodes bien particulières.

Page 30: La variabilité du taux de change et l'investissement au Canada

288 Lafrance et Tessier

AnnexeSources de données

Source : Statistique Canada, sauf indication contraire

Investissement privé (en termes réels)— Bâtiments non résidentiels et matériel (D14853)— Machines et matériel (D14855)

PIB nominal et réel— PIB nominal (D14840)— PIB réel (D14872)

Investissement direct étranger— Entrées d’investissement direct au Canada (D59062)— Sorties d’investissement direct (D59052)

Taux de change— Indice C-6 du cours du dollar canadien en termes réels

(Banque du Canada)— $ É.-U./$ CAN (Banque du Canada)

Bénéfices des sociétés— Bénéfices non répartis des sociétés (D16432)

Page 31: La variabilité du taux de change et l'investissement au Canada

La variabilité du taux de change et l’investissement au Canada 289

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Page 36: La variabilité du taux de change et l'investissement au Canada

294

Le point de départ de l’étude de Lafrance et Tessier est que, si l’on veutévaluer les conséquences d’un régime de changes flottants, il importe detenir compte des effets des variations du taux de change sur l’activitééconomique réelle. Pour ce faire, les auteurs se penchent sur la manière dontl’investissement, au Canada, réagit au cours du dollar canadien et à savolatilité. Ce volet de l’activité économique mérite en effet un examenattentif, puisque les fluctuations de l’investissement jouent un rôle importantdans le cycle économique global, que l’on considère l’activité sous l’anglede son niveau ou de sa variabilité.

Les auteurs présentent une étude méthodique et fort bien structurée de larelation qui existe entre l’investissement et le taux de change. Ilscommencent par un exposé approfondi des divers arguments relatifs auxeffets que les variations du taux de change exercent sur les profits etl’investissement. Ils passent aussi en revue la littérature consacrée à ce sujet,en relevant les études qui sont particulièrement pertinentes dans le cas duCanada.

Au delà de ce survol de la littérature, le principal apport de l’étude tient àl’analyse détaillée qu’elle propose de la relation entre l’investissement et letaux de change au Canada. Trois mesures globales de l’investissement sontexaminées : les investissements effectués dans le secteur de la fabrication,les investissements en machines et matériel et les investissements directs del’étranger, tous envisagés par rapport au PIB. Bien que ces mesures nedonnent pas un aperçu complet des effets de redistribution que pourrait avoirle taux de change entre les différents secteurs de l’économie canadienne,elles conviennent à l’analyse des fluctuations de l’investissement global.Plusieurs mesures différentes du taux de change sont également employéespar les auteurs, à savoir le taux de change effectif réel du dollar canadien,

Commentaires

Linda Goldberg

Page 37: La variabilité du taux de change et l'investissement au Canada

des mesures du déséquilibre du taux de change élaborées à l’aide soit d’unfiltre de Hodrick-Prescott, soit du modèle d’Amano et van Norden, et unemesure de la volatilité du taux de change nominal. Certes, Lafrance etTessier ne se sont pas servis de manière constante des taux de changeréels — alors qu’il aurait été indiqué de le faire —, mais je ne pense pasqu’un seul de leurs principaux résultats aurait été sensiblement modifié parl’utilisation systématique des déséquilibres et de la volatilité des taux dechange mesurés en termes réels.

Les auteurs recourent essentiellement à des vecteurs autorégressifs (VAR)pour mettre au jour les effets de causalité des taux de change. Ils concluenten dernière analyse que les taux de change et leur volatilité influent peu enfait sur l’investissement au Canada. Cette conclusion fondamentale de leurétude touche au thème central du colloque, dans la mesure où elle s’inscritparfaitement dans un réexamen du bien-fondé des taux de change flottants.Elle implique que les effets nuisibles de la volatilité du taux de change, quisont parfois invoqués par les adversaires des taux de change flottants, nepeuvent être décelés au Canada. Avant de souscrire à cette conclusion,cependant, il convient d’examiner de plus près la méthodologie des auteurset de voir si, telle qu’elle est appliquée par ces derniers, elle permet vraimentd’aboutir à un tel constat.

L’emploi d’un VAR suppose une relation stable entre les mesures du taux dechange et celles de l’investissement pendant la période étudiée, soit près de30 ans. Il y a donc lieu d’étudier plus à fond cette relation afin de déterminersi les hypothèses à la base de la méthode empirique adoptée par les auteurssont fondées. Un examen de la théorie et d’autres résultats empiriquesm’amène à conclure ci-après que les tests effectués par Lafrance et Tessiersont biaisés, en ce sens qu’ils réduisent les chances de détecter un effetstatistiquement significatif du taux de change sur l’investissement. Ainsi queje l’expliquerai, l’importance réelle de ce biais pourrait être établie par lesauteurs, au moyen de tests supplémentaires de robustesse et de stabilité desparamètres. Mais peu importe le résultat de ces tests, l’étude de Lafrance etTessier soulève d’autres questions qui ont de quoi piquer la curiosité et sontdignes d’être analysées.

En ce qui concerne la stabilité des paramètres, je prône l’emploi d’unmodèle théorique formel décrivant les liens entre l’investissement et le tauxde change. Les auteurs indiquent clairement que leur propos n’est pasd’évaluer la validité d’une théorie particulière, ce que je comprendsparfaitement. Il reste qu’un modèle formel aurait aidé à comprendre lestypes de conditions qui doivent s’appliquer pour que le VAR permette dereprésenter et de mesurer l’étroitesse de la relation qui existe effectivemententre les variables considérées. À cet égard, la théorie aide à préciser de

Page 38: La variabilité du taux de change et l'investissement au Canada

quelle manière les VAR utilisés par les auteurs peuvent rendre compte desimportants effets potentiels du taux de change.

La théorie

Dans une série d’études, Campa et Goldberg (1995 et 1999) montrent le rôleque les taux de change réels peuvent jouer dans le problème demaximisation du producteur. L’entreprise choisit l’investissementI afin demaximiser l’espérance mathématique de la valeur actualisée du flux debénéfices futurs,V. Le capital,K, seul facteur de production quasi fixe, estrégi par une équation d’accumulation de type classique et une courbe decoût croissante et convexe. La valeur maximisée de l’entreprise au tempstest donnée par

, (1)

où est le stock du capital au début de la périodet, la fonction de profit,β le taux d’actualisation, l’investissement à la périodet, c la fonction decoût d’ajustement du capital,et le taux de change moyen au cours de lapériodet exprimé en monnaie intérieure par unité de monnaie étrangère, et

l’opérateur d’espérance dépendant de l’ensemble d’informationsau tempst. Afin de simplifier les choses, nous faisons l’hypothèse que la

seule source d’incertitude au sujet de l’avenir est le taux de change, auquels’applique l’opérateur d’espérance.

Voici la chronologie des décisions de l’entreprise dans le modèle.L’entreprise observe le taux de change en début de période. Elle choisit alorsses facteurs de production variables et le niveau de sa production pour lapériode, et observe les profits courants. Étant donné les profits de la périodeet les profits futurs attendus, l’entreprise établit le niveau de soninvestissement. Le nouveau capital résultant de l’investissement devientproductif au début de la période suivante; autrement dit, l’hypothèse estqu’il suffit d’une période pour mettre en place le nouveau capital.

Supposons également que les bénéfices du producteur au tempst dépendentdes ventes réalisées sur le marché intérieur — où l’entreprise peut êtreexposée à la concurrence des importations — et des recettes d’exportation.

Vt Kt et,( ) max E βτ Π Kt τ+ et τ+,( ) c It τ+( )– I t τ+–[ ] Ωττ 0=

∑=

I t τ t=∞

Kt ΠI t

E . Ωt[ ]Ωt

Page 39: La variabilité du taux de change et l'investissement au Canada

Ils peuvent dépendre aussi des variations du taux de change, parce quel’entreprise importe certains facteurs de production.

Campa et Goldberg ont établi que l’élasticité spécifique de l’investissementdu producteur par rapport au taux de change est proportionnelle à

, (2)

où et sont les élasticités de transmission du taux de change surles marchés intérieur et étranger, et sont lesélasticités des marges bénéficiaires par rapport aux variations du taux duchange, représente la proportion des exportations dans le chiffred’affaires total et , la part des intrants importés dans les coûts deproduction, est multipliée par l’élasticité des coûts de ces intrants vis-à-visdes taux de change . Le lien entre l’investissement et le taux dechange est plus étroit dans le cas des variations du taux de change qui sontperçues comme permanentes.

Remarquons que le taux de change se répercute sur les profits espérés, etdonc sur l’investissement, par trois canaux : i) les recettes d’exportation;ii) le coût des intrants importés; iii) les ventes sur le marché intérieur. Cetroisième canal vise à tenir compte de la possibilité que le producteur soitconcurrencé par les importations ou de l’existence d’effets de richessesusceptibles d’entraîner un déplacement de la courbe de demande des biensproduits au pays. Ces trois canaux doivent être pris en compte dansl’interprétation des résultats de Lafrance et Tessier. L’incidence du taux dechange sur la rentabilité et la réaction de l’investissement pourraientthéoriquement être éliminées si les effets exercés sur le chiffre d’affairesétaient entièrement compensés par les effets sur le coût des intrantsimportés. Il est possible, mais pas garanti du tout, que cette situation seprésente lorsque les exportations coexistent avec des activités de productionréalisées principalement à l’étranger ou qu’il y a externalisation etdépendance à l’égard des intrants importés. De façon plus générale,cependant, la relation entre le taux de change et l’investissement (par lecanal des profits) variera dans le temps en fonction de l’ouverture nette surl’extérieur. L’ouverture nette sur l’extérieur signifie dans ce cas-ci, pour leproducteur, la différence entre l’effet sur le chiffre d’affaires et l’effet sur lescoûts. L’absence de relation entre l’investissement et le taux de changedevrait être l’exception plutôt que la règle dans une économie ouverte surl’extérieur.

∂I t

I t-------∞

ηp e, ηMARGE e,– 1 Xt–( )

+ 1 η+ p* e, ηMARGE* e,– Xt 1 ηw*,e+

αt–

et∂et-------

ηp e, ηp* e,ηMARGE e, ηMARGE* e,

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1 ηw∗ e,+( )

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Les observations

Que savons-nous de l’ouverture nette du Canada sur l’extérieur? À titred’indicateur, considérons la différence entre la part de la productionexportée et celle des intrants importés dans l’ensemble du secteur de lafabrication et la branche des machines et du matériel (Figures 1 et 2)1.

Nous constatons que l’ouverture nette de l’industrie manufacturièrecanadienne sur l’extérieur a plus que triplé depuis le début des années 1970.Dans la branche des machines et du matériel, cet indicateur avait doublé audébut des années 1990. À cause de ces importantes variations dans le temps,nous nous attendrions normalement, au vu de l’équation (2), à ce que leseffets du taux de change sur la rentabilité des producteurs et surl’investissement augmentent, au fil des années, au Canada. Par conséquent,une méthodologie reposant sur l’hypothèse d’une relation constante(comme c’est le cas des VAR utilisés par les auteurs) risque de minimiser leseffets significatifs et variables dans le temps du taux de change surl’investissement au Canada.

Cette critique n’implique pas qu’il existe dans les données une relationsignificative et détectable entre le taux de change et l’investissement auCanada. Il reste que la prudence s’impose dans l’interprétation des résultatsactuels et qu’un examen plus approfondi des données serait utile. Il faudraitaussi se livrer à d’autres tests de robustesse qui soient plus complets.

Si les conclusions de Lafrance et Tessier sont valables — et, de fait, Campaet Goldberg (1999) n’ont pu décéler d’effet marqué du cours du dollarcanadien sur l’investissement au niveau des branches d’activité —, unequestion plus large se pose au Canada. Conformément à la structure VARutilisée par Lafrance et Tessier, le taux de change devrait influer sur lesbénéfices, qui devraient ensuite influer sur l’investissement. Commentexpliquer cela si la relation entre le taux de change et l’investissement n’estpas significative? Serait-ce que le taux de change n’a aucun effet sur larentabilité des fabricants canadiens, ce qui est très improbable selon moi, ouque les bénéfices n’ont pas d’influence sur l’investissement au Canada? Siles auteurs faisaient valoir que le taux de change peut influer surl’investissement des producteurs par un canal autre que celui des profits, ilspourraient étudier ces questions sur le plan conceptuel et empirique.

1. Campa et Goldberg (1997) analysent plus à fond la vocation internationale de diversesbranches manufacturières au Canada. Les Figures 1 et 2 ont été établies à partir des donnéesde cette étude.

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Figure 1Ouverture nette sur l’extérieur :ensemble du secteur de la fabrication

Figure 2Expéditions de machines et matériel dans l’ensembledes livraisons de biens manufacturés

3,0

2,5

2,0

1,5

1,0

0,5

0,01974 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992

Pourcentage

24

23

22

21

20

19

18

17

16

15

1974 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992

Pourcentage

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Conclusions

Les auteurs ont présenté une étude fort intéressante sur la question de savoirsi le comportement du dollar canadien exerce des effets appréciables surl’investissement au Canada. Bien qu’on ne puisse encore répondre demanière définitive à cette question, les auteurs ont permis de franchir un pasimportant. Si, comme cela semble être la conclusion actuelle, la réponse estnégative, d’autres points restent à élucider. En effet, il serait étonnant que,dans une économie aussi ouverte que celle du Canada, les taux de changen’aient absolument aucun effet sur l’investissement.

Bibliographie

Campa, J., et L. S. Goldberg (1995). « Investment in Manufacturing,Exchange Rates and External Exposure »,Journal of InternationalEconomics, vol. 38, nos 3 et 4, p. 297-320.

_______ 1997. « The Evolving External Orientation of Manufacturing:Evidence from Four Countries »,Economic Policy Review, vol. 3, no 2,p. 53-81.

_______ 1999. « Investment, Pass-Through, and Exchange Rates: A Cross-Country Comparison »,International Economic Review, vol. 40, no 2,p. 287-314.