la valorisation du patrimoine éducatif des anciennes écoles normales

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Education


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Cette intervention a pour but de démontrer comment la valorisation d'un fonds patrimonial particulier a su se transformer avec les évolutions du web.

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Page 1: La valorisation du patrimoine éducatif des anciennes écoles normales

A la découverte du patrimoine de l'éducation

Journée d'étude PATRIA – 30 janvier 2013

Vincent DEYRISBibliothécaire d'Etat – Université d'Artois

La valorisation du patrimoine éducatif des anciennes écoles normales du Nord Pas de Calais : une évolution au rythme des mutations du web

La bibliothèque patrimoniale des anciennes écoles normales de la région Nord Pas de Calais ouvrira en 2013 sur le site IUFM d'Arras, école interne de l'Université d'Artois. Elle regroupera les fonds provenant principalement des écoles normales de garçons et de filles d'Arras, Douai et Lille. Forte de 50 000 ouvrages, cette bibliothèque comportera aussi de nombreux documents tels que des vinyles, des diapositives et des planches scolaires. La toute première valorisation de ce fonds remonte à 2007, date à laquelle le catalogage a commencé dans le SUDOC, catalogue national des documents possédés par les bibliothèques de l'enseignement supérieur. La réforme de la formation des enseignants, en 2010, a considérablement changé la donne sur plusieurs points : la baisse du nombre d'étudiants a entraîné une diminution des locaux de l'IUFM de Douai, dont les fonds patrimoniaux sont partis sur le site de Villeneuve d'Ascq, qui avait déjà récupéré la bibliothèque de l'école normale de Lille fermée du fait de sa vétusté. Parallèlement, la refonte des maquettes d'enseignement dans le cadre de la masterisation a vu l'émergence des séminaires de recherche dont l'aboutissement était la rédaction d'un mémoire de recherche. S'intéressant souvent à l'évolution du système éducatif, des institutions scolaires et de la didactique dans des domaines disciplinaires précis, les ouvrages des fonds patrimoniaux se sont imposés comme des incontournables à consulter pour réaliser un état précis de la question. Toutefois, l'usure et l'accès peu aisé à ces documents ont obligé les bibliothécaires à réfléchir à la nécessité d'une nouvelle médiation et d'un autre type de valorisation, qui ne se contenterait plus de décrire et de signaler les documents, mais qui permettrait d'accéder aux documents et d'interagir avec le public.

I- Signaler le patrimoine de façon statique : valorisation 1.0

1. Une première avancée grâce au signalement dans le SUDOC

Du fait de leur éparpillement sur plusieurs sites et de l'absence de catalogues papier, il était difficile d'avoir une vision d'ensemble des fonds possédés par les différentes bibliothèques. Le catalogage dans le SUDOC a permis une double visibilité : au niveau national, en faisant connaître des documents rares ou non répertoriés jusqu'alors et permettant leur communication par le Prêt Entre Bibliothèques (PEB), et au niveau local par la retombée des notices dans le catalogue de l'Université d'Artois. Grâce à l'indexation et à la possibilité de générer des listes, des expositions et des animations pouvaient alors voir le jour.

2. De nouvelles contraintes obligent à revoir les modes de communication

L'avancée du catalogage a entraîné de grands chantiers de classement des documents. Ainsi, on a pu se rendre compte que de nombreux documents allant du XVIIème au XIXème siècle étaient

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présents. Il n'était évidemment pas possible de les prêter, et parfois même de permettre une consultation sur place sans demande fortement motivée, du fait de la préciosité des livres concernés. La présence de certains documents, comme les planches scolaires, a posé problème au niveau du catalogage dans la mesure où il s'agit de supports complexes : il n'est pas possible de les intégrer informatiquement dans le SUDOC, leur état de décomposition avancé ne permet aucune manipulation qui ne casse davantage le document.Enfin, la masterisation a augmenté de façon considérable le nombre de demandes de documents : en effet, en étant amené à suivre des séminaires de recherche et à rédiger un mémoire de recherche, les étudiants travaillant sur l'histoire de l'éducation ont été obligés d'avoir accès à de la documentation ancienne, afin de comprendre les évolutions du système éducatif, de la formation des enseignants, du contenu des enseignements, …Il était donc devenu évident que la valorisation actuelle avait trouvé ses limites : le bibliothécaire décrivant et fournissant informations et documents était confronté à des supports indescriptibles avec les applications existantes et non disponibles pour le public du fait de l'état des documents et des demandes simultanées liées aux nouveaux besoins des étudiants.

II- Du signalement électronique à la consultation électronique : valorisation 2.0

1. Le choix de la numérisation

Afin de rendre visible pour tous les publics des documents très fragiles et difficilement utilisables, l'idée de la numérisation a fait son chemin et s'est imposée grâce à une subvention du PRES Lille-Nord de France et à une participation du Service Commun de la Documentation de l'Université d'Artois.Une numérisation de masse sur un seul support n'a pas paru être une bonne idée : elle aurait forcé, compte tenu du budget, à se limiter à un seul type de document, et n'aurait pas permis de dégager de problématiques autour des documents choisis. Nous avons donc utilisé la subvention autour de deux grands projets : la numérisation des planches scolaires et celle des ouvrages présents dans Le Catalogue des bibliothèques des écoles normales.

2. Les planches scolaires des écoles normales : un patrimoine en péril à sauver

Les planches scolaires ont ceci de particulier qu'elles traitent de nombreux sujets et ont été produites tout au long du XXème siècle sur des formats différents et par des auteurs divers. Les écoles normales ont certes acheté des planches et des cartes murales auprès d'éditeurs, lesquels sont d'ailleurs à la recherche de ces documents aujourd'hui pour leurs archives, mais elles ont aussi réalisé leurs propres planches. Cassées et craquelées, la moindre ouverture achève de les rendre illisibles et inutilisables. Dans le même temps, des éditeurs comme Deyrolle ont édité des ouvrages où toutes les cartes scolaires en leur possession ont été numérisées en guise de souvenir pour les anciennes générations et de mémoire pour les futures. Notre université a été un partenaire privilégié pour l'édition de leur tome 2 sorti en octobre 2012, dans la mesure où nous possédions des documents qu'ils n'avaient plus. Valoriser les planches scolaires tend donc à servir un public universitaire qui pourra travailler sur le contenu, aujourd'hui largement remis en question du fait des évolutions scientifiques et géographiques, mais aussi un public bien plus hétéroclite de curieux et de passionnés qui verront non pas des reproductions de mauvaise qualité mais numérisées en taille réelle, ce qui permet d'accéder au moindre détail. Ils pourront en outre effectuer des zoomer, insérer des annotations, ...

3. Créer une bibliothèque virtuelle de référence : reproduire une bibliothèque type des écoles normales

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Parallèlement au projet mentionné ci-dessus, nous avons décidé de numériser un corpus de livres. Pour cela, il importait de trouver un axe qui permettrait de valoriser le patrimoine éducatif présent dans les écoles normales et les outils utilisés par les formateurs et les normaliens au cours de leur scolarité.Le document qui nous a servi de base a été Le Catalogue des bibliothèques des écoles normales publié en 1887 et précédé d'une « instruction relative aux bibliothèques des écoles normales » rédigée par Jules Ferry, alors Ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, soucieux que tous les sites de formation du territoire soient dotés des mêmes moyens et que des modèles façonnent, discipline par discipline, le contenu des enseignements. Nous avons sélectionné tous les ouvrages présents dans ce catalogue que nous possédions et qui n'étaient pas déjà numérisés dans les principales bases comme Gallica.. Une soixantaine d'ouvrages ont été ainsi retenus et numérisés en OCR, c'est à dire avec une retranscription des caractères derrière les pages imprimées, ce qui permet de faire une recherche plein texte à travers l'ouvrage. Nous avons également choisi de créer des signets sur les ouvrages numérisés afin de reconstituer les tables des matières et donc de fluidifier la promenade au cœur de l'ouvrage.

4. Choisir une solution informatique

Une fois les choix documentaires établis, il importe de se pencher sur les outils dédiés à la valorisation. Dans notre cas, nous avons choisi un logiciel libre, Omeka. Il a l'avantage d'être gratuit, facilement exploitable même si son installation demande du temps et des connaissances, et d'être utilisé par plusieurs universités, dont une auprès de laquelle nous avons pu être conseillés. Il existe d'ailleurs un forum d'entraide des utilisateurs.Par ailleurs, ce logiciel correspondait à ce que nous attendions d'une bibliothèque numérique : valoriser notre fonds en présentant le contenu de façon organisée, asseoir une bonne visibilité sur le web, posséder un outil dynamique régulièrement mis à jour et pouvant être enrichi de plugins selon les besoins (Zotero, Google Maps, ...), une page d'accueil efficace par la présence d'un carrousel constitué de documents mis en vitrine, un flux RSS contenant les dernières mises en ligne, permettre à l'usage d'intervenir sur les supports publiés.Concernant le catalogage, le format utilisé est le Dublin Core enrichi, qui permet donc de présenter plus que les quinze champs minimaux et obligatoires liés à ce format. L'ajout de tags visibles sous forme de nuages pour le public permet une meilleure interactivité et visibilité.OMEKA permettra en outre de réaliser des expositions virtuelles sur des thématiques précises : la valorisation se fait de façon ainsi de façon plus large et ne nécessite pas la manipulation des documents.

5. La question des droits

La mise en ligne des livres n'a posé aucun problème : en effet, tous datent de la fin du XIXème siècle, leurs auteurs sont morts depuis plus de soixante-dix ans et sont donc libres de droits.Toutefois, se sont posés divers cas de figure concernant les planches scolaires. Parmi celles réalisées par les enseignants et qui ne comportaient aucune indication nominative, nous avons choisi de les mettre en ligne sous le label « Tous droits réservés », afin de laisser la paternité à un auteur qui se reconnaîtrait ou à ses ayant-droits. En revanche, le travail a été plus complexe pour les planches pour lesquelles les éditeurs étaient clairement identifiés. Pour ceux qui n'existent plus, il a fallu faire un travail de détective et aller jusqu'au tribunal de commerce pour retrouver le nom du liquidateur judiciaire qui représente les droits de la société disparue. Concernant les maisons d'édition toujours en activité, des autorisations sont nécessaires et sont plus ou moins faciles à obtenir. En règle générale, un accord est donné, en échange d'une remise du travail numérisé sur clé USB et avec le copyright de l'éditeur pour chaque planche.

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6. Vers une indispensable médiation

L'ensemble de ce travail a profondément modifié les tâches des bibliothécaires, qui sont devenus des concepteurs de projets. Il ne s'agit plus uniquement de cataloguer et de fournir le document, mais de faire les sélections adéquates selon des projets intellectuels mûrement réfléchis et de servir de médiateur avec le public pour faire la promotion des nouveaux services mis en place et assurer la formation aux outils utilisés.L'ensemble du travail demande une vraie synergie : avoir un ingénieur informatique, un bibliothécaire pour gérer le projet d'un point de vue technique, administratif et intellectuel, d'autres pour cataloguer et charger les documents. Ces nouveaux types de postes doivent être pris en considération par les universités et les services communs de documentation.

Toutefois, la mise à disposition des documents sur Internet crée des besoins aussi bien de la part des utilisateurs, qui peuvent apporter leurs savoirs sur les supports qu'ils consultent, que des bibliothécaires qui sont demandeurs d'aide de la part des connaisseurs et experts.

III- : Lorsque les acteurs du web deviennent actifs : valorisation 3.0

1. Du côté des bibliothécaires

Avoir choisi des supports et des documents non disponibles jusqu'alors sur Internet impliquait de de travailler au partage le plus complet des données. Un format de catalogage plus récent que l'UNIMARC utilisé par le SUDOC, le Dublin Core, permet l'interopérabilité entre tous les catalogues du fait de la standardisation des champs employés pour la description des supports. Les métadonnées ainsi produites sont exportables par les bibliothèques qui souhaitent intégrer nos documents électroniques sur leurs sites. Nous avons ainsi pour projet de donner toutes nos métadonnées à la BNF afin qu'elles apparaissent sur Gallica et renvoient à notre bibliothèque numérique. La valorisation est donc double : d'une part, nous partageons notre travail auprès de d'autres institutions qui enrichissent leurs bases et n'ont pas à numériser un document déjà fait, et d'autre part notre présence sur le web sur des sites extrêmement consultés permet d'accroître notre visibilité.

2. Du côté des usagers

Qu'ils soient enseignants, étudiants ou passionnés, les usagers du net sont des contributeurs précieux. Ainsi, notre site permettra de poster des documents pour accroître nos collections. Il nous reviendra alors d'intervenir pour tout ce qui concerne les droits et l'intérêt scientifique. La médiation est donc renforcée entre le public et le bibliothécaire, l'un comme l'autre étant amenés à être de plus en plus virtuels. Il sera aussi possible de commenter les documents déjà en ligne, pour indiquer des informations supplémentaires, et même, cela se voit de plus en plus, pour proposer des corrections par rapport aux informations déjà mises en lignes. Dans le cas des planches scolaires, nous comptons sur les associations et les amicales des écoles normales pour apporter des renseignements sur des documents pour lesquels nous ne possédons que peu d'informations quant à l'origine et au public visé.Enfin, la mise en ligne des documents, qui permet un accès dématérialisé illimité, peut également donner envie de consulter les originaux, dans le cadre d'un travail plus précis, ou pour organiser une exposition.

Ainsi, la boucle est bouclée : si la numérisation permet de palier les difficultés rencontrées pour rendre accessibles les documents physiques, la dissémination des informations qu'elle propose via Internet peut aussi amener à retrouver des documents pour lesquels travailler avec l'original est

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indispensable.

La bibliothèque patrimoniale virtuelle est consultable ici : http://bibnum-bu.univ-artois.fr/

La présentation réalisée lors de la journée d'étude PATRIA est ici : http://fr.slideshare.net/Vinceoreste/presentation-patria-30-janvier-2013