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-27 octobre 2006-
Université Pierre Mendès France U.F.R. Sciences de l’homme et de la société
Ecole Doctorale Ingénierie pour la Santé, la Cognition et l’Environnement
LA VALEUR SOCIALE DES EXPLICATIONS CAUSALES : NORME D’INTERNALITE, JUGEMENTS SCOLAIRES
ET REGISTRES DE VALEUR
THESE DE DOCTORAT NOUVEAU REGIME Mention : Psychologie sociale expérimentale
Benoît Dompnier
Sous la direction de Pascal Pansu (Professeur, Université Pierre Mendès France)
Membres du jury
Jacques Baillé Professeur, Université Pierre Mendès France Alain Clémence Professeur, Université de Lausanne Jean-Claude Croizet Professeur, Université de Poitiers Nicole Dubois Professeur, Université de Nancy 2 Pascal Pansu Professeur, Université Pierre Mendès France Alain Somat Professeur, Université de Haute Bretagne
REMERCIEMENTS
Remercier en quelques lignes toutes les personnes qui ont participé directement ou
indirectement à la réalisation de cette thèse me semble aujourd’hui une tâche bien difficile,
tant elles sont nombreuses.
Je remercie en premier lieu Pascal Pansu pour son encadrement, sa confiance et ses
encouragements tout au long de ce travail. Les nombreuses discussions que nous avons eues
tout au long de ces années ainsi que ses relectures attentives ont enrichi ce document à tous
les niveaux.
Je remercie également les membres de mon jury, Jacques Baillé, Alain Clémence,
Jean-Claude Croizet, Nicole Dubois et Alain Somat pour avoir accepté de lire et d’évaluer ce
travail.
Je tiens à remercier Florian Delmas pour nos nombreux échanges théoriques et
méthodologiques. Ces moments ont été pour moi une source continuelle de stimulation.
Je remercie également toutes les personnes avec qui j’ai collaboré lors de la réalisation
des différentes études présentées dans cette thèse : Stéphane Biboud, Sylvie Despesse,
Marjorie Duraffourd, Nathalie Estellon, Sandrine Michelas-Traversier, Laurence Reynier,
Caroline Roulet et Sandra Ukalovic. Merci également à l’ensemble des participants – élèves,
enseignants, étudiants – d’avoir accepté de prendre part à ces études.
Je remercie également mes collègues docteurs et doctorants du LPS, du LPNC et du
LSE pour leur bonne humeur, et pour certains, leur relecture : Julien Barra, Céline Darnon,
Marie-Aude Depuiset, Laurence Filisetti, Marc Gandit, Gabriela Jiga, Laetitia Larroque,
Sylvain Max, Dominique Muller, Serban Musca, Cécile Nurra, Maria Popa-Roch, Baptiste
Subra, Claudia Toma et tous les autres… Je leur témoigne à tous mon amitié.
Enfin, je remercie mes parents, Evelyne et Christian, pour leur soutien indéfectible et
leurs encouragements. Merci également à Lucille pour nos divers échanges ainsi que pour ses
commentaires sur le contenu de la thèse. Enfin, je remercie Nadine pour sa patience, son
affection et son soutien dans les moments de doutes. Sa présence au quotidien a rendu ce
travail possible.
RESUME
Cette thèse vise à étudier la valeur sociale des explications causales dans l’explication
des événements et jugements scolaires. Plus précisément, ce travail, qui s’inscrit dans le
prolongement des travaux conduits sur la norme d’internalité (Beauvois & Dubois, 1988), se
propose d’étendre la question de la valeur des explications causales au-delà de la seule
distinction entre causalité interne et causalité externe. Dans une première partie, nous avons
cherché à rendre compte de variations de valeur au sein du registre causal interne dans le
milieu académique (cycle universitaire et primaire). Une première série de trois études (études
1a, 1b et 2) montre que 1) toutes les explications internes ne sont pas valorisées au même
niveau et que 2) l’approche sociocognitive de l’internalité (Beauvois & Dubois, 1988) et
l’approche attributionnelle des relations interpersonnelles (Weiner, 1995) sont plus
complémentaires qu’antinomiques dès lors qu’on spécifie les jugements sur lesquels elles
portent. Deux études supplémentaires (études 3 et 4), réalisées en milieu naturel de classe,
révèlent, non seulement que toutes les catégories internes ne sont pas porteuses de valeur au
même titre, mais que cette valeur varie en fonction du paradigme mobilisé (paradigme
d’autoprésentation vs. paradigme d’identification/jugement). Cela nous a conduit dans une
seconde partie, à envisager la possibilité de fluctuations de valeur des explications causales
sur les deux composantes de la valeur sociale des personnes, l’utilité et la désirabilité (Dubois
& Beauvois, 2001). L’élaboration et la validation d’un outil de mesure de ces dimensions
adapté au milieu scolaire (études 5, 6 et 7) a permis la réalisation de deux nouvelles études
(études 8 et 9) qui apportent des résultats en faveur de cette approche. Enfin, des analyses
complémentaires révèlent que chaque explication dispose d’une valeur spécifique sur les deux
composantes de la valeur sociale. Une dernière étude expérimentale (étude 10) met en
évidence que la prise en compte de cette spécificité permet de mieux prédire le jugement des
enseignants en matière de désirabilité et d’utilité que le recours au seul critère interne/externe.
ABSTRACT
The aim of the current work is to investigate the social value of causal explanations in
the explanation of events and scholastic judgments. More particularly, this work, grounded on
the norm of internality theory (Beauvois & Dubois, 1988), suggests to extend the study of the
value of causal explanations beyond the distinction between internal and external causalities.
In a first part that took place in academic settings (in college and in elementary school), we
studied variations of value within the internal causal register. A first set of three studies
(studies 1a, 1b and 2) shows that 1) all internal explanations are not judged the same way 2)
the sociocognitive approach of internality (Beauvois & Dubois, 1988) and the attributional
approach of interpersonal relations (Weiner, 1995) are additional rather than paradoxical since
we have been able to specify the specific judgments that are concerned by each one of these.
Two additional studies (studies 3 and 4), conducted in natural class settings, reveal
furthermore that the value of causal explanations varies according to the mobilized paradigm
(self-presentation paradigm vs. identification/judgment paradigm). This leads us, in a second
part, to investigate the fluctuations of causal explanations value on both social utility and
social desirability (Dubois & Beauvois, 2001). The elaboration and the validation of a tool
designed to mesure these dimensions among middle school children, (studies 5, 6 and 7),
allowed us to conducted two new studies (studies 8 and 9) that confirm this approach.
Additional analyses on these data reveal that every explanation has a specific value on both
components of social value. The last experimental study (study 10) brings to the fore that the
specific value of each causal explanation is a better predictor of teachers’ judgments (be it
about desirability as well as utility) than the use of the internal/external criterion.
TABLE DES MATIERES
Avant-propos_______________________________________________________________ 1
PREMIERE PARTIE. L’étude de la valeur des explications causales internes __________ 7
CHAPITRE 1 L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences_____ 9
1. La distinction entre causalité interne et causalité externe : Perspectives du Locus of Control et de l’attribution causale________________________________________________ 10
1.1. La distinction interne/externe dans les travaux sur le Locus of Control ___________________ 10 1.1.1. De la théorie de l’apprentissage social à la mise en avant d’une variable de personnalité___ 10 1.1.2. Quelques arguments en faveur de la théorie du Locus of Control _____________________ 12
1.2. Le domaine de l’attribution causale : Causalité interne et causalité externe ________________ 15 1.2.1. Heider et la psychologie du sens commun _______________________________________ 16 1.2.2. Les limites de la distinction interne/externe ______________________________________ 20
2. Au-delà de la distinction interne/externe : La théorie attributionnelle de Weiner ____ 22 2.1. Les bases conceptuelles de la théorie attributionnelle des émotions et de la motivation ______ 23 2.2. L’étude des conséquences des attributions causales : La nécessité d’une taxinomie _________ 25
2.2.1. Les causes habituellement évoquées pour expliquer les événements ___________________ 25 2.2.2. De l’étude des causes spécifiques à la détermination des dimensions causales ___________ 26
2.3. Les conséquences cognitives et émotionnelles des attributions _________________________ 29 2.3.1. Le lien entre attributions et émotions ___________________________________________ 29 2.3.2. Le lien entre attributions et expectations ________________________________________ 31
2.4. Les limites d’une approche dimensionnelle des attributions causales_____________________ 33 2.5. Le modèle attributionnel proposé par Weiner _______________________________________ 37 2.6. La théorie attributionnelle interpersonnelle_________________________________________ 40
2.6.1. La théorie attributionnelle interpersonnelle : Structure et organisation des concepts_______ 41 2.6.1.1. De l’attribution de causalité à l’inférence de responsabilité _____________________ 41 2.6.1.2. Les conséquences émotionnelles des jugements de responsabilité ________________ 44
2.6.2. Les domaines d’application de la théorie attributionnelle interpersonnelle ______________ 45 2.6.2.1. Situations de réalisation et jugement social _________________________________ 46 2.6.2.2. Les stratégies de communication des attributions causales______________________ 48
CHAPITRE 2 De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales__________________________________________________________________ 53
1. De quelques biais et erreurs dans l’explication des événements quotidiens __________ 54 1.1. Le biais d’autocomplaisance ____________________________________________________ 55
1.1.1. L’approche motivationnelle du biais d’autocomplaisance ___________________________ 55 1.1.2. L’approche cognitive du biais d’autocomplaisance ________________________________ 57 1.1.3. L’approche cognitivo-motivationnelle du biais d’autocomplaisance ___________________ 59
1.2. L’accentuation du poids causal de l’acteur dans l’explication des événements psychologiques 60 1.2.1. La surestimation du poids causal de l’acteur dans l’explication des comportements : Une erreur dans la perception sociale ___________________________________________________________ 61 1.2.2. La surestimation du poids causal de l’acteur dans l’explication des renforcements : Une fonction adaptative ________________________________________________________________ 63 1.2.3. L’exacerbation de l’internalité : Un syndrome culturel spécifique aux sociétés occidentales 64
2. Une approche sociocognitive de l’activité explicative : La théorie de la norme d’internalité __________________________________________________________________ 66
2.1. La norme d’internalité : Une norme sociale de jugement ______________________________ 68 2.1.1. Le concept de norme sociale _________________________________________________ 68
2.1.1.1. Normes descriptives et normes prescriptives ________________________________ 69 2.1.1.2. Normes de comportement et normes de jugement ____________________________ 70
2.1.2. La norme d’internalité et les pratiques évaluatives : l’utilité sociale des explications internes 71 2.2. Les méthodes d’étude de la norme d’internalité _____________________________________ 74
2.2.1. La mesure de la norme d’internalité ____________________________________________ 74 2.2.2. Les paradigmes de l’approche sociocognitive de l’internalité ________________________ 76
2.3. Des résultats en faveur de l’existence d’une norme d’internalité ________________________ 78 2.3.1. La valeur sociale des explications causales internes _______________________________ 78 2.3.2. L’acquisition de la norme d’internalité__________________________________________ 82
2.4. L’existence d’une variabilité de valeur au sein du registre interne _______________________ 85
3. Problématique générale de la première partie _________________________________ 95
CHAPITRE 3 Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social____________________________________________________________ 97
1. L’articulation de la théorie attributionnelle et de l’approche sociocognitive de l’internalité __________________________________________________________________ 98
1.1. Vers un dépassement des antagonismes théoriques : La métathéorie perspectiviste__________ 98 1.2. Une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social _____ 101 1.3. Problématique des études 1a, 1b et 2 ____________________________________________ 102
2. Etude 1a : Paradigme d’autoprésentation ____________________________________ 103 2.1. Vue générale _______________________________________________________________ 103 2.2. Méthode __________________________________________________________________ 104
2.2.1. Participants ______________________________________________________________ 104 2.2.2. Matériel ________________________________________________________________ 104 2.2.3. Procédure _______________________________________________________________ 104
2.3. Résultats __________________________________________________________________ 105 2.4. Discussion _________________________________________________________________ 108
3. Etude 1b : Paradigme des juges ____________________________________________ 108 3.1. Vue générale _______________________________________________________________ 108 3.2. Méthode __________________________________________________________________ 109
3.2.1. Participants ______________________________________________________________ 109 3.2.2. Matériel et procédure ______________________________________________________ 109
3.3. Résultats __________________________________________________________________ 109 3.4. Discussion _________________________________________________________________ 112
4. Etude 2 : Paradigme des juges et spécificité des jugements sociaux _______________ 113 4.1. Vue générale _______________________________________________________________ 113 4.2. Méthode __________________________________________________________________ 113
4.2.1. Participants ______________________________________________________________ 113 4.2.2. Matériel et procédure ______________________________________________________ 114
4.3. Résultats __________________________________________________________________ 114 4.4. Discussion _________________________________________________________________ 116
5. Conclusion______________________________________________________________ 117
CHAPITRE 4 La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe __ 121
1. Etude 3 : Une étude en milieu naturel de classe _______________________________ 123 1.1. Vue générale _______________________________________________________________ 123 1.2. Méthode __________________________________________________________________ 123
1.2.1. Participants ______________________________________________________________ 123 1.2.2. Matériel ________________________________________________________________ 124
1.2.2.1. Les fiches d’identification des élèves _____________________________________ 124 1.2.2.2. Le questionnaire d’internalité ___________________________________________ 125
1.2.2.2.1. Construction des items______________________________________________ 125 1.2.2.2.2. Prétest 1 du questionnaire d’internalité _________________________________ 126 1.2.2.2.3. Prétest 2 du questionnaire d’internalité _________________________________ 128
1.2.2.2.4. Structure du questionnaire d’internalité_________________________________ 129 1.2.3. Procédure _______________________________________________________________ 129
1.3. Analyses statistiques _________________________________________________________ 130 1.3.1. Analyses sur le score global d’internalité_______________________________________ 131
1.3.1.1. Paradigme d’autoprésentation (élèves) ____________________________________ 131 1.3.1.2. Paradigme d’identification/jugement (enseignants) __________________________ 134
1.3.2. Analyses à partir des scores des différentes catégories d’explications_________________ 144 1.3.2.1. Paradigme d’autoprésentation (élèves) ____________________________________ 144 1.3.2.2. Paradigme d’identification/jugement (enseignants) __________________________ 150
1.4. Discussion _________________________________________________________________ 152
2. Etude 4 : Réplication et prolongement _______________________________________ 158 2.1. Vue générale _______________________________________________________________ 158 2.2. Méthode __________________________________________________________________ 159
2.2.1. Participants ______________________________________________________________ 159 2.2.2. Matériel ________________________________________________________________ 160 2.2.3. Procédure _______________________________________________________________ 161
2.3. Analyses statistiques _________________________________________________________ 162 2.3.1. Analyses à partir du score global d’internalité ___________________________________ 162
2.3.1.1. Paradigme d’autoprésentation (élèves) ____________________________________ 162 2.3.1.2. Paradigme d’identification/jugement (enseignants) __________________________ 165 2.3.1.3. Paradigme de l’identification (enseignants) ________________________________ 167
2.3.2. Analyses à partir des scores des catégories d’explications__________________________ 169 2.3.2.1. Paradigme d’autoprésentation (élèves) ____________________________________ 169 2.3.2.2. Paradigme d’identification/jugement (enseignants) __________________________ 174 2.3.2.3. Paradigme de l’identification (enseignants) ________________________________ 176
2.4. Discussion _________________________________________________________________ 179
3. Conclusion______________________________________________________________ 182
SECONDE PARTIE. L’utilité et la désirabilité des explications causales ____________ 187
CHAPITRE 5 L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur_______________________________________________________ 189
1. L’étude de la personnologie : Vers de nouvelles approches des phénomènes de perception sociale ______________________________________________________________________ 190
1.1. L’approche cognitiviste de la perception sociale : Le courant de la cognition sociale _______ 191 1.2. Le traitement de l’information personnologique et les registres de connaissances __________ 194 1.3. Personnologie et affordances___________________________________________________ 198
2. Vers une décomposition de la notion de valeur ________________________________ 201 2.1. Le différenciateur sémantique__________________________________________________ 202 2.2. Les théories implicites de la personnalité _________________________________________ 203 2.3. Expliquer l’origine de la valeur des traits de personnalité ____________________________ 204 2.4. Des résultats en faveur de l’intérêt d’une approche bidimensionnelle de la valeur__________ 206 2.5. Utilité/désirabilité et normes sociales de jugement __________________________________ 208
3. Problématique de la seconde partie _________________________________________ 210
CHAPITRE 6 Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire _________________________________________________________________ 213
1. Etude 5 : Sélection des traits et premières validations __________________________ 213 1.1. Vue générale _______________________________________________________________ 214 1.2. Méthode __________________________________________________________________ 214
1.2.1. Participants ______________________________________________________________ 214 1.2.2. Matériel ________________________________________________________________ 214 1.2.3. Procédure _______________________________________________________________ 215
1.3. Résultats __________________________________________________________________ 215 1.3.1. Extraction de la valeur des traits______________________________________________ 215 1.3.2. Test de la validité externe des coordonnées des traits sur les deux composantes de la valeur 218 1.3.3. Sélection des traits les plus caractéristiques des deux composantes de la valeur _________ 219
1.4. Discussion _________________________________________________________________ 221
2. Etude 6 : Test de la structure de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire ___________ 222 2.1. Vue générale _______________________________________________________________ 222 2.2. Méthode __________________________________________________________________ 222
2.2.1. Participants ______________________________________________________________ 222 2.2.2. Matériel ________________________________________________________________ 222 2.2.3. Procédure _______________________________________________________________ 223
2.3. Résultats __________________________________________________________________ 223 2.3.1. Test de l’homogénéité des descriptions personnologiques et identification des déviants __ 223 2.3.2. Structure de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire_______________________________ 225 2.3.3. Vérification de la manipulation expérimentale et de la sensibilité de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire réduite____________________________________________________ 227
2.4. Discussion _________________________________________________________________ 229
3. Etude 7 : Validation de l’échelle réduite de désirabilité/utilité scolaire en milieu naturel de classe ____________________________________________________________________ 229
3.1. Vue générale _______________________________________________________________ 230 3.2. Méthode __________________________________________________________________ 230
3.2.1. Participants ______________________________________________________________ 230 3.2.2. Matériel et procédure ______________________________________________________ 230 3.2.3. Analyses statistiques_______________________________________________________ 230
3.3. Résultats __________________________________________________________________ 232 3.4. Discussion _________________________________________________________________ 237
4. Conclusion______________________________________________________________ 237
CHAPITRE 7 L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales ________ 241
1. Etude 8 : Mesure des associations entre les deux composantes de la valeur et le questionnaire d’internalité scolaire______________________________________________ 244
1.1. Vue générale _______________________________________________________________ 244 1.2. Méthode __________________________________________________________________ 244
1.2.1. Participants ______________________________________________________________ 244 1.2.2. Matériel et procédure ______________________________________________________ 244
1.3. Résultats __________________________________________________________________ 245 1.3.1. Analyses à partir du score global d’internalité ___________________________________ 245 1.3.2. Analyses à partir des scores des catégories d’explications__________________________ 248
1.4. Discussion _________________________________________________________________ 251
2. Etude 9 : Réplication et prolongement en milieu naturel de classe ________________ 255 2.1. Vue générale _______________________________________________________________ 255 2.2. Méthode __________________________________________________________________ 256 2.3. Résultats __________________________________________________________________ 256
2.3.1. Analyses à partir du score global d’internalité ___________________________________ 256 2.3.2. Analyses à partir des scores des catégories d’explications__________________________ 262
2.4. Discussion _________________________________________________________________ 269
3. Conclusion______________________________________________________________ 278
CHAPITRE 8 La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabillité 281
1. Extraction de l’utilité et de la désirabilité des explications causales _______________ 283 1.1. Identification de la valeur de chaque explication sur les deux dimensions ________________ 283 1.2. Analyse en composantes principales sur les coefficients de régression __________________ 285 1.3. Création de profils d’élèves spécifiques __________________________________________ 289
2. Autoprésentation, identification et valeur des explications causales_______________ 292 2.1. Analyse des correspondances sur les réponses des élèves en autoprésentation_____________ 292 2.2. Analyse des correspondances sur les réponses des enseignants en identification ___________ 293 2.3. Tests des hypothèses concernant l’association entre la désirabilité et les paradigmes de l’autoprésentation et de l’identification __________________________________________________ 294
3. Etude 10 : Paradigme des juges avec cibles aléatoires __________________________ 295
3.1. Vue générale _______________________________________________________________ 298 3.2. Méthode __________________________________________________________________ 298
3.2.1. Participants ______________________________________________________________ 298 3.2.2. Matériel ________________________________________________________________ 299 3.2.3. Procédure _______________________________________________________________ 300
3.3. Résultats __________________________________________________________________ 300 3.4. Discussion _________________________________________________________________ 304
4. Conclusion______________________________________________________________ 305
CHAPITRE 9 Conclusion générale___________________________________________ 309
Bibliographie ____________________________________________________________ 321
Index des auteurs _________________________________________________________ 349
Index des tableaux ________________________________________________________ 355
Index des figures _________________________________________________________ 359
1
AVANT-PROPOS
L’étude des phénomènes normatifs a fait l’objet d’un développement important en
France depuis 25 ans. A la suite de Jellison et Green (1981), de nombreux travaux ont mis en
évidence l’existence d’une norme sociale, la norme d’internalité, qui se réfléchit au niveau de
l’activité langagière et qui intervient sur les productions explicatives. D’après les tenants de
cette conception (Beauvois & Dubois, 1988), cette norme valoriserait l’expression des causes
internes à l’acteur (e.g. traits de personnalité, efforts, intentions) dans l’explication des
événements au détriment des causes externes (e.g. action d’autrui, chance, circonstances). Les
recherches en la matière et les résultats très consistants qu’elles ont obtenues (voir pour revue
Beauvois, 1994; Bressoux & Pansu, 2003; Dubois, 1994, 1998, 2003b, 2005b), ont fait – au
moins en France – de la théorie de la norme d’internalité une « théorie forte » dont la
pertinence n’est guère remise en question dans la littérature.
Mais, si dans sa conceptualisation originale cette théorie appose la valorisation de
certaines explications causales (les explications internes) à partir de leur opposition à d’autres
(les externes), force est de constater, à la suite de plusieurs études, que la prise en compte
d’autres critères de classification met en évidence des résultats pour le moins troublants. En
effet, au-delà de l’imposant corpus de recherches qui atteste de la valorisation sociale des
explications internes, quelques rares études (Beauvois, Bourjade, & Pansu, 1991; Beauvois &
Le Poultier, 1986; Castra, 1998; Clémence, Aymard, & Roumagnac, 1996; Desrumeaux-
Zagrodnicki & Rainis, 2000; Jouffre, 2003a; Pansu, 1994; Pansu & Gilibert, 2002; Pichot,
1997) semblent indiquer que cette valorisation n’est pas homogène et qu’elle n’affecte pas
toutes les explications internes au même titre. Certaines d’entre elles semblent porteuses de
plus de valeur que d’autres.
Cette thèse s’inscrit pleinement dans le prolongement de ces travaux : l’objectif
principal étant justement de chercher à rendre compte de telles variations de valeur. Cela n’est
bien évidemment pas sans conséquence sur un plan théorique puisque cela conduit à
s’interroger, d’une part, sur la capacité de la distinction interne/externe à capter la plus ou
moins grande valorisation sociale des explications causales et, d’autre part, sur la valeur
2
heuristique du modèle initialement posé par les tenants de la norme d’internalité.
La première partie de cette thèse est consacrée à ces questions. Les deux premiers
chapitres viseront à les resituer dans leur cadre théorique. Dans le chapitre 1, nous évoquerons
les grands courants théoriques qui se sont intéressés à l’explication des événements quotidiens
par l’intermédiaire de la distinction interne/externe. Nous verrons successivement le domaine
du Locus of Control (Lefcourt, 1992; Rotter, 1966), le champ théorique de l’attribution
causale (Heider, 1958; Kelley & Michela, 1980) et enfin une approche théorique à mi-chemin
entre les deux courants précédents : la théorie attributionnelle des émotions et de la
motivation de Weiner (1972; 1979; 1985a; 2000). Outre ses implications théoriques, cette
dernière théorie présente pour nous deux intérêts majeurs. D’une part, elle peut être
considérée comme l’une des premières théories à avoir pris en compte d’autres critères de
classification que la seule distinction interne/externe dans l’étude des explications causales.
D’autre part, le modèle qu’elle propose dépasse l’analyse des seuls comportements
individuels en cherchant à rendre compte des effets des explications causales sur les relations
interpersonnels (Weiner, 1980a, 1995, 2000, 2003). En ce sens, elle peut potentiellement
apparaître comme une perspective concurrente à celle proposée par la théorie de la norme
d’internalité. Nous reviendrons d’ailleurs sur ce point dans le chapitre 3.
Dans le chapitre 2, après avoir évoqué quelques-uns des biais les plus récurrents dans
l’analyse quotidienne de la causalité, nous verrons que certains d’eux – comme l’erreur
fondamentale d’attribution (Ross, 1977) ou l’illusion de contrôle (Langer, 1975) qui se
traduisent par une surestimation du poids causal de l’acteur dans l’origine des événements –
semblent dépendre de la spécificité de syndromes culturels plus que de processus cognitifs ou
motivationnels inhérents au fonctionnement humain (Nisbett, Peng, Choi, & Norenzayan,
2001). L’évocation de ces biais nous amènera à aborder la théorie de la norme d’internalité
qui en propose une interprétation plus sociétale (par contraste aux approches cognitives et
motivationnelles). Nous évoquerons à ce propos les méthodes que les chercheurs issus de ce
courant ont développées pour mettre en évidence l’existence d’un pattern explicatif normatif
ainsi que les principaux résultats qui témoignent de la pertinence de cette approche. Nous
clorons enfin ce chapitre, après avoir passé en revue les quelques recherches qui ont dépassé
la seule distinction interne/externe dans l’étude de la valeur sociale des explications causales.
Sur la base des résultats présents dans la littérature, nous présenterons nos hypothèses
concernant la valeur des différents types d’explications causales internes dans l’explication
des comportements et des renforcements. Ces hypothèses seront directement testées dans les
deux chapitres suivants.
3
Dans le chapitre 3, notre objectif est de montrer, à partir de deux études (1a et 1b), que
les explications internes en terme d’effort sont fortement porteuses de valeur sociale et cela
indépendamment de la valence de l’événement (réussite ou échec). Un tel résultat peut
apparaître d’emblée en contradiction avec les résultats obtenus par les chercheurs qui, dans la
lignée de Weiner, ont montré que le recours aux explications internes en terme d’effort
entraîne, dans le cas de l’échec, de fortes sanctions de la part des juges (Weiner, 1995, 2003).
L’étude 2 montrera qu’il est possible de valider simultanément les hypothèses des deux
théories si l’on tient compte de la spécificité de leur définition respective du jugement social.
Alors que la théorie de la norme d’internalité appréhende le jugement social comme un
jugement sur la valeur des personnes, la théorie attributionnelle l’aborde comme un jugement
de sanction consécutif à un événement donné. Ainsi, les deux approches seraient valides pour
peu que l’on spécifie sous quelles conditions l’une et l’autre sont valides (McGuire, 1983,
1999).
Dans le chapitre 4, nous étudierons les variations de valeur au sein du registre interne
en milieu naturel de classe. L’objectif des études 3 et 4 est 1) d’éprouver la généralisation des
résultats obtenus précédemment en matière d’explication des renforcements et 2) d’élargir
l’étude de la valorisation des explications causales internes à l’explication des
comportements. L’étude 3, conduite auprès d’enfants de CE2 et de leurs instituteurs, nous
permettra de tester nos hypothèses à partir du paradigme d’autoprésentation (Gilibert &
Cambon, 2003) et d’une version modifiée du « paradigme écologique » mis en place par
Bressoux et Pansu (1998, 2001) : le « paradigme d’identification/jugement ». Les résultats
supportent l’existence de variations de valeur, non seulement au sein des registres interne et
externe, mais également d’un paradigme à l’autre. Dans la lignée de cette troisième étude,
l’étude 4 cherchera à répliquer les résultats de l’étude 3 et à les compléter à partir du
paradigme de l’identification.
Dans une seconde partie, nous élargirons notre réflexion à partir des travaux sur la
connaissance évaluative et les deux composantes de la valeur (Beauvois, 1995, 2005). Cela
nous permettra d’émettre de nouvelles hypothèses concernant les relations entre les différents
types d’explications internes et les deux composantes de la valeur sociale (Beauvois, 1995;
Dubois & Beauvois, 2001). Nous supposerons que toutes les explications internes ne sont pas
désirables au même titre, pas plus qu’elles ne sont utiles au même niveau. Cette
problématique sera la thématique centrale de la seconde partie de cette thèse.
Le premier chapitre de cette seconde partie (chapitre 5) sera pour nous l’occasion de
4
resituer les notions de désirabilité et d’utilité au travers des recherches sur la personnologie.
Nous aborderons dans un premier temps les principaux modèles de l’inférence
dispositionnelle. Nous verrons ensuite comment certaines limites posées à ces modèles
peuvent être dépassées à partir de la théorie de la double connaissance (Beauvois & Dubois,
1992) et de la distinction qu’elle propose entre connaissance descriptive et connaissance
évaluative. Nous passerons en revue les travaux qui attestent de l’intérêt de décomposer les
éléments de la connaissance évaluative en deux composantes de la valeur : l’utilité sociale et
la désirabilité sociale. Nous présenterons ensuite tout un ensemble de recherches qui ont
cherché à relier la norme d’internalité à ces deux dimensions de la valeur.
Dans le chapitre 6, nous présenterons la validation d’une mesure de désirabilité et
d’utilité adaptée à une population d’élèves de cycle primaire (études 5, 6 et 7). Cet outil nous
permettra, dans le chapitre 7, de tester directement nos hypothèses quant à la valeur spécifique
des différentes catégories d’explications internes. L’étude 8 montrera ensuite, par le biais
d’une procédure expérimentale spécifique, que les variations de valeur des catégories
d’explications internes observées dans les études 3 et 4 semblent bien attribuables à des
différences de valeur sur l’utilité et la désirabilité. L’étude 9 s’attachera à la réplication des
résultats de l’étude 8 en milieu naturel de classe.
Dans le chapitre 8, nous aurons recours à une démarche originale qui, à partir du
retraitement des données des études 8 et 9, nous permettra de montrer que chaque explication
causale possède une valeur spécifique sur les deux dimensions de la valeur sociale. Nous
verrons alors comment la prise en compte de cette spécificité peut permettre de mieux
comprendre les choix explicatifs des élèves en situation d’autoprésentation et ceux des
enseignants en identification. L’étude 10 permettra, quant à elle, de montrer que la prise en
compte de la spécificité des explications sur l’utilité et la désirabilité permet de mieux
expliquer les jugements de valeur émis par les enseignants à l’égard d’élèves fictifs que ne le
permet le recours au seul critère interne/externe.
Enfin, nous dresserons un bilan de notre travail autour de deux points principaux.
Dans un premier temps, nous discuterons, d’une part, de l’intérêt de spécifier la notion de
jugement social dans l’étude des conséquences des explications causales et, d’autre part, de la
valorisation (désirabilité et utilité) de ces explications dans la pensée sociale. Dans un second
temps, nous énoncerons quelques limites de nos travaux ainsi que de nouvelles directions à
suivre.
5
Note au lecteur :
Les 11 études présentées dans cette thèse ont été réalisées auprès d’échantillons issus
de différentes populations. Ces échantillons ont regroupés plus de 2200 participants, dont
1162 élèves de CE2 issus de 71 classes, 578 étudiants provenant de diverses sections de
sciences humaines et sociales (e.g. histoire, psychologie, sciences de l’éducation, sociologie)
et 465 enseignants de cycle primaire en formation ou en poste.
Ces études ont été réalisées dans le cadre de quatre programmes de recherche (cf.
tableau 1). Le premier programme de recherche concerne les études 1a, 1b et 2. Il a été réalisé
auprès d’étudiants provenant de différentes sections universitaires, principalement des filières
de sciences sociales.
Le deuxième programme de recherche renvoie à l’étude 3 et a été conduit sur un
échantillon de 663 élèves de CE2 et leurs 38 enseignants.
Le troisième programme de recherche, réalisé auprès de 499 élèves de CE2 et leurs 33
enseignants, a permis la réalisation de plusieurs études présentées dans différents chapitres.
L’étude 4 (cf. chapitre 4) intègre l’ensemble de l’échantillon d’élèves en autoprésentation, les
réponses des enseignants dans le cadre du paradigme d’identification/jugement ainsi que leurs
réponses dans le cadre du paradigme de l’identification. L’étude 7 (cf. chapitre 6) intègre les
réponses des enseignants à l’échelle de désirabilité/utilité scolaire pour décrire chacun de
leurs élèves. L’étude 9 (cf. chapitre 7) intègre les réponses des enseignants dans le cadre du
paradigme d’identification/jugement ainsi que leurs réponses à l’échelle réduite de
désirabilité/utilité scolaire.
Enfin, le quatrième programme de recherche a porté exclusivement sur une population
d’enseignants et a concerné trois échantillons distincts. Le premier, composé exclusivement
d’enseignants en formation (PE2) a été sollicité dans le cadre de l’étude 5 (cf. chapitre 6). Le
second, composé également d’enseignants en formation (PE2) a été mobilisé dans l’étude 6
(cf. chapitre 6) et dans l’étude 8 (cf. chapitre 7). Enfin, le troisième échantillon, composé
d’enseignants en poste et d’enseignants en formation (PE2), a été contacté dans le cadre de
l’étude 10 (cf. chapitre 8).
6
Tableau 1. Synthèse des programmes de recherche et description des études
Programme de recherche Participants Tâches Etude Matériel
155 étudiants Paradigme d’autoprésentation Etude 1a 2 saynètes + 8 explications
80 étudiants Paradigme des juges Etude 1b 2 saynètes + 8 explications
Programme de recherche 1
63 étudiants Paradigme des juges Etude 2 Descriptions de situation de 4 élèves
663 élèves Paradigme d’autoprésentation Questionnaire d’internalité (version a) sous consigne standard, pro, et contre normative
Programme de recherche 2
38 enseignants Paradigme d’identification/jugement
Etude 3 Jugements en français et en mathématiques Questionnaire d’internalité (version a) sous
consigne d’identification spécifique
499 élèves Paradigme d’autoprésentation Questionnaire d’internalité (version b) sous consignes standard, pro et contre normative
Paradigme d’identification/jugement Jugements en français et en mathématiques Questionnaire d’internalité (version b) sous
consigne d’identification spécifique
Paradigme de l’identification
Etude 4
Questionnaire d’internalité (version b) sous consignes d’identification à l’élève idéal et à
l’élève non idéal
Description personnologiques d’élèves de leur classe Etude 7 Echelle réduite de désirabilité/utilité scolaire
Programme de recherche 3
33 enseignants
Paradigme d’identification/jugement et description personnologiques
d’élèves de leur classe Etude 9
Jugements en français et en mathématiques Questionnaire d’internalité (version b) sous
consigne d’identification spécifique Echelle réduite de désirabilité/utilité scolaire
142 enseignants Descriptions personnologiques d’élèves spécifiques Etude 5 Liste de traits (150)
Descriptions personnologiques d’élèves spécifiques Etude 6 Echelle de désirabilité/utilité scolaire
113 enseignants
Paradigme de l’identification Etude 8 Questionnaire d’internalité (version b) Echelle réduite de désirabilité/utilité scolaire
Programme de recherche 4
130 enseignants Paradigme des juges Etude 10 Questionnaire d’internalité (version b) 24 traits de personnalité
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
9
CHAPITRE 1
L’EXPLICATION DES EVENEMENTS QUOTIDIENS :
PROCESSUS ET CONSEQUENCES
Avec le renouveau de l’intérêt des chercheurs en psychologie pour l’étude des
mécanismes intra-individuels et l’essor du courant cognitiviste (Baars, 1986; Legrand, 1990),
les recherches portant sur l’inférence de causalité en matière d’événement psychologique ont
connu un développement sans précédent. C’est ainsi que, suite aux travaux éclairés de
quelques pionniers (Heider, 1958; Rotter, 1966), l’étude du choix pour une personne entre
causalité interne et causalité externe a fait l’objet d’un nombre conséquent de travaux. Deux
grands courants de recherche se sont largement intéressés à cette distinction : le courant des
théories de l’attribution de causalité et le Locus of Control (LOC). Bien qu’il ne soit pas
toujours aisé de les distinguer, retenons, au moins pour l’instant, que les préoccupations des
théoriciens de l’attribution étaient centrées sur les conditions favorisant l’émergence de tel ou
tel genre d’explication, alors que celles des chercheurs qui étudiaient le LOC étaient de
différencier deux types de croyances en matière de contrôle des renforcements.
Dans ce premier chapitre, nous passerons en revue les principaux concepts développés
dans ces deux courants de recherche pour in fine poser leurs particularités. Dans une première
partie, après avoir évoqué les principes qui les sous-tendent, nous verrons quel statut ces deux
approches accordent au critère interne/externe. Dans une seconde partie, nous présenterons
une approche qu’on peut situer au croisement des deux précédentes puisqu’elle vise à intégrer
certains résultats issus du LOC dans le domaine de l’attribution causale. Il s’agit de la théorie
attributionnelle des émotions et de la motivation de Weiner (1979, 1985). Nous verrons
comment la prise en compte d’autres critères de classification des causes peut permettre de
mieux comprendre les mécanismes qui sous-tendent les réactions émotionnelles et cognitives
des individus consécutives à des événements particuliers (réussites ou échecs). Enfin, nous
verrons comment cette approche, initialement destinée à rendre compte de processus intra-
individuels mobilisés dans des situations de réalisation, a été étendue à l’étude de la
motivation sociale et des relations interpersonnelles.
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
10
1. La distinction entre causalité interne et causalité externe : Perspectives du Locus of
Control et de l’attribution causale
1.1. La distinction interne/externe dans les travaux sur le Locus of Control
A suivre Rotter (1990), le concept de Locus of Control est « l’une des variables parmi
les plus étudiées en psychologie et dans les autres sciences sociales » (p.489). La popularité
de ce concept tient surtout dans l’idée qu’a eu Rotter de distinguer deux types de croyances et
de proposer une échelle permettant de les mesurer. En effet, il distingue d’un côté, les
croyances internes qui désignent le comportement ou les attributs de l’individu comme étant à
l’origine du renforcement et, de l’autre, les croyances externes qui désignent les facteurs
environnements comme facteur causal. D’après Rotter, la réaction de l’individu à la suite d’un
renforcement est en partie déterminée par « le degré auquel l’individu perçoit que la
récompense suit, ou est contingente, à son propre comportement ou ses attributs versus le
degré auquel il ressent que la récompense est contrôlée par des forces à l’extérieur de lui-
même et peut survenir indépendamment de ses propres actions » (Rotter, 1966, p.1).
1.1.1. De la théorie de l’apprentissage social à la mise en avant d’une variable
de personnalité
La notion de contrôle interne/externe des renforcements est à la base de la théorie du
Locus of Control (LOC). Ce concept, lui-même issu de la théorie de l’apprentissage social1
(Rotter, 1954, cité par Weiner, 1972), considère que le choix du registre causal est le résultat
d’un apprentissage de l’existence (vs. la non-existence) d’un lien entre les comportements
produits par l’individu et les renforcements qu’il reçoit.
La théorie de l’apprentissage social de Rotter est sans doute l’une des premières et des
plus influentes théories cognitives de la motivation (voir pour revue Dubois, 1987, 1994,
1996; S. Graham & Weiner, 1996; Lefcourt, 1992; Rotter, 1975, 1990; Weiner, 1972, 1990,
1991). Cette théorie repose sur trois concepts de base : le comportement potentiel (CP),
l’expectation (E) et la valeur du renforcement (VR). Les relations entretenues par ces trois
concepts, dont la nature n’est pas spécifiée par le modèle, sont décrites dans la formule
suivante :
CP = ƒ (E & VR) 1 Rotter (1954, cité par Weiner, 1972) appelle sa théorie de « l’apprentissage social » car elle « souligne le fait que les modes de comportements le plus basiques ou les plus nombreux sont appris dans des situations sociales et sont inextricablement confondus avec les besoins qui requièrent pour leur satisfaction la médiation d’autres personnes » (Rotter, 1954, p.84, cité par Weiner, 1972).
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
11
Le comportement potentiel (CP) est défini comme « la potentialité de tout
comportement d’apparaître dans une situation donnée ou des situations, calculée en relation
avec tout renforcement ou ensemble de renforcements » (Rotter, 1954, p.105, cité par Weiner,
1972). L’expectation (E) désigne la probabilité d’apparition d’un renforcement telle qu’elle
est perçue par l’individu en fonction de ses propres comportements dans une situation
spécifique. Enfin, la valeur du renforcement (VR) désigne l’importance qu’accorde l’individu
au renforcement. Parmi ces trois concepts, le plus important est la notion d’expectation (E).
D’après Rotter, l’expectation (E) trouve son origine tant dans la vie antérieure de l'individu
dans la situation prise en considération que dans ses expériences passées dans des
circonstances similaires plus générales. Ainsi, le niveau d’expectation serait déterminé par
deux facteurs indépendants : d’une part, l’expectation spécifique (E’) basée sur l’expérience
passée de l’individu face à la situation spécifique, et d’autre part, les « expectations
généralisées » (EG) obtenues à partir d’autres situations très similaires. D’après Rotter, le
niveau d’expectation final (E) serait déterminé de la façon suivante :
E = ƒ (E’ & EG)
Mais, outre les notions d'expectations et de valeur, le modèle proposé par Rotter prend
également en compte les caractéristiques de la tâche dans laquelle l’individu est engagé et à
partir de laquelle vont se former les expectations généralisées. Rotter distingue en effet deux
types de tâches : d’un côté, les « tâches de compétences » dans lesquelles le renforcement
apparaît fortement dépendant d’une caractéristique ou capacité inhérente à la personne et, de
l’autre, les « tâches de hasard » dans lesquelles le renforcement est fortement tributaire de la
chance, d’autrui ou de forces extérieures à l’individu. D’après Rotter, être confronté à une
tâche de compétences ou à une tâche de hasard aurait des conséquences très différentes sur les
expectations des individus. D’une part, à la suite des feed-back de réussite ou d’échec, ces
expectations ne se modifieraient que lorsque l’individu est confronté à des tâches de
compétences. D’autre part, en fonction de la nature de la tâche, les individus ne montreraient
pas les mêmes attentes de covariation entre les renforcements passés et futurs. Face à des
tâches de compétences, les individus auraient de fortes attentes concernant la nature des
renforcements futurs, ceux-ci étant supposés être du même type que ceux obtenus par le
passé. A contrario, lorsqu’ils sont engagés dans des tâches de hasard, les individus se
trouveraient dans l’incapacité de prédire la nature des renforcements futurs, étant donné
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
12
l’arbitraire de la source des renforcements. Une expérience réalisée par Phares (1957, cité par
Weiner, 1972) illustre ces deux dernières prédictions. Dans cette expérience, les participants
devaient réaliser plusieurs essais à une tâche dont la perception de l’origine du renforcement
était induite comme étant soit déterminée par l’habileté soit par la chance. Renforcés
positivement pour la moitié des essais, les participants devaient parier une somme d’argent
sur leur niveau de performance à l’essai suivant immédiat. La perception subjective de la
probabilité de réussite était mesurée par la modification des sommes pariés entre les essais.
Les résultats révèlent que le montant des sommes pariées est beaucoup plus stable lorsque la
réussite à la tâche est décrite comme étant déterminée par l’habileté que lorsqu’elle est décrite
comme étant le résultat du hasard.
La perception de la nature de la tâche serait donc susceptible d’engendrer des
changements importants des expectations, et de provoquer in fine des modifications
comportementales majeures. Cependant, dans les situations de performance, les déterminants
du renforcement sont souvent ambigus et il apparaît que la distinction entre tâche de
compétences et tâche de hasard repose en grande partie sur la perception subjective de la
personne. Cette dernière idée amène Rotter à envisager la possibilité de l’existence de
différences individuelles dans la perception de la nature des tâches. La question qu’il se pose
alors est de savoir si certaines personnes, plus que d’autres, ne percevraient-elles pas
systématiquement les tâches comme étant soit des tâches de compétences, soit des tâches de
hasard. C’est sur la base de cette différenciation entre deux populations – les internes d’un
côté et les externes de l’autre – que Rotter (1966) propose le célèbre construit du Locus of
Control. Les « internes » auraient tendance, plus que la moyenne de la population, à percevoir
les tâches comme étant influencées par les compétences alors que les « externes » auraient
tendance à percevoir les mêmes tâches comme étant influencées par le hasard. Cette
différence de perception entre « internes » et « externes » entraînerait de fortes disparités dans
la détermination des expectations généralisées (EG), disparités qui seraient à l’origine de
différences de comportements entre ces deux populations2. Sur la base de cette
conceptualisation théorique, de très nombreux travaux ont tenté de montrer que l’orientation
du LOC avait de véritables conséquences sur les comportements des individus.
1.1.2. Quelques arguments en faveur de la théorie du Locus of Control
2 Contrairement aux interprétations qu’en ont faites de nombreux chercheurs, l’échelle proposée par Rotter (1966) n’a jamais été destinée à permettre de prédire des comportements à des tâches spécifiques. Puisque cette échelle est censée mesurer les expectations généralisées, elle a été développée « pour permettre un faible niveau de prédiction du comportement à travers une large étendue de situations potentielles » (Rotter, 1975, p.62).
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
13
L’orientation interne ou externe des individus serait, selon Rotter, censée refléter des
différences importantes dans les comportements des individus face aux situations de
performance. Les individus présentant une orientation interne, parce qu’ils perçoivent les
tâches sous l’influence de leurs comportements ou de leurs caractéristiques personnelles,
devraient montrer plus de comportements orientés vers la performance que ceux présentant
une orientation externe (Dubois, 1987; Findley & Cooper, 1983; Furnham & Steele, 1993;
Kalechstein & Nowicki, 1997; O'Brien, 1984; Spector, 1982; Twenge, Zhang, & Im, 2004;
Walden & Ramey, 1983). D’après Furnham et Steele (1993, p.446), « de nombreuses
recherches sur le construit du locus of control partent du postulat qu’il est bon, adaptatif, sain
d’être interne et mal ou inadapté d’être externe ». Les résultats de nombreux travaux vont
dans ce sens. En effet, il a été observé à plusieurs reprises que les internes avaient tendance à
mieux réussir dans le milieu professionnel que les externes. Plus que les externes, ces derniers
seraient motivés à réussir et à accéder à l’autonomie, et plus à même d’assumer des postes à
responsabilités. Ils seraient plus performants au travail et plus actifs dans la recherche et le
traitement de l’information (Pansu, 2006). Un tel constat a conduit des auteurs comme
Spector (1982) a énoncer quelques utilisations pragmatiques et stigmatisantes du Locus of
Control3. Par exemple, dans le cadre de recrutements professionnels, les internes pourraient
être préférentiellement sélectionnés pour des postes d’encadrement et les externes pour des
postes d’exécution (O'Brien, 1984). Un même constat peut être dressé dans le cadre du
système éducatif. Là encore, les internes semblent mieux réussir les tâches scolaires que les
externes et semblent avoir des niveaux d’aspiration académique plus élevés (Findley &
Cooper, 1983; Kalechstein & Nowicki, 1997; Walden & Ramey, 1983).
Si les travaux sur le LOC ont montré que les internes semblaient plus performants que
les externes dans le cadre de situations d’accomplissement, tant professionnelles que
scolaires, tout un ensemble de recherches tend à indiquer également que les internes sont les
plus adaptés en matière de bien être (Dubois, 1987; Pansu, 2006). Ils seraient plus aptes à
s’ajuster sur le plan émotionnel, disposeraient d’une meilleure estime d’eux-mêmes, seraient
moins anxieux, moins sujets à la dépression que les externes (Rascle & Bruchon-Schweitzer,
2004), moins souvent victimes de problèmes de désordres de la personnalité et sembleraient
disposer d’une meilleure santé physique et mentale (Pansu, 2006).
Tous ces travaux semblent donc converger vers l’idée que l’internalité est plus
3 Un nombre considérable de mesures de LOC ont vu le jour à la suite de la création de l’échelle de Rotter (1966). Ces échelles ont cherché à mesurer le LOC aussi bien à un niveau général que dans le cadre de domaines spécifiques (e.g. travail, santé) ainsi que sur des populations variées (e.g. adultes, enfants) (voir pour revue Abdelaoui, 1996; Dubois, 1987, 1997; Furnham & Steele, 1993; Jouffre, 2003b).
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
14
avantageuse pour l’individu que l’externalité. L’observation de la répartition du Locus of
Control en tant que variable de personnalité dans la population générale semble également
accréditer cette hypothèse. En effet, les recherches ayant comparé les scores d’internalité de
différents groupes sociaux sont globalement arrivées à la conclusion que l’internalité était
associée à la valeur sociale des gens (Dubois, 1987, 1996). Les membres des groupes
favorisés obtiennent des scores plus élevés sur les échelles de LOC que les membres des
groupes défavorisés, les hommes sont en moyenne plus internes que les femmes, les cadres
plus que les ouvriers et les « blancs » plus que les « noirs » (voir pour revue Dubois, 1987).
Enfin, un dernier argument souvent avancé concerne l’évolution des croyances de
contrôle avec l’âge. En effet, un des points essentiels de la théorie de Rotter est que les
expectations généralisées, en tant que généralisations de croyances de contrôle, s’acquièrent
avec l’âge. Plus les enfants sont âgés, plus ils devraient expliquer les événements de manière
interne. Cette hypothèse repose sur deux postulats. D’une part, les capacités de contrôle des
enfants sur les renforcements consécutifs à leurs comportements augmenteraient avec l’âge.
D’autre part, l’augmentation de leurs capacités cognitives devraient leur permettre de mieux
discriminer les renforcements étant sous leur contrôle effectif de ceux ne l’étant pas (Dubois,
Loose, Matteucci, & Selleri, 2003). De fait, l’internalité devrait connaître une augmentation
monotonique jusqu’à l’âge adulte. Cette idée suppose que plus les enfants sont âgés, plus ils
devraient être internes et qu’ils ne peuvent pas au fil du temps être moins internes sans que
cela ne suppose une forme de régression dans l’élaboration des processus cognitifs. Si
plusieurs travaux tendent à supporter l’hypothèse d’une évolution croissante de l’internalité
avec l’âge (voir à ce propos Dubois, 1987, 1994), d’autres en revanche révèlent qu’une baisse
significative de l’internalité peut être observée à certains moments charnières de la vie sociale
de ces enfants (Bigot, Pichot, & Testé, 2004; Dubois, 1994; Dubois et al., 2003).
Pris dans leur ensemble, les travaux réalisés sur le construit du Locus of Control
tendent donc à indiquer que l’internalité 1) est sur de nombreux points plus adaptative que
l’externalité, 2) est surtout la caractéristique des gens « biens », c’est-à-dire des gens qui
réussissent dans la vie sociale et professionnelle, 3) s’acquière avec l’âge.
Cette distinction interne/externe, qui nous venons de le voir, est au coeur dans la
théorie du Locus of Control, se retrouve également dans d’autres champs théoriques sous des
formes différentes (Collins, Martin, Ashmore, & Ross, 1973; Deci & Ryan, 1980; Weiner,
1972, 1979). C’est notamment le cas dans les théories de l’attribution où elle occupe
également une place centrale.
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
15
1.2. Le domaine de l’attribution causale : Causalité interne et causalité externe
Initié principalement à la suite des travaux de Heider (1958) sur la psychologie
quotidienne, le domaine de l’attribution causale est sans doute l’un des champs de recherches
qui a le plus suscité l’engouement des chercheurs en psychologie sociale durant la deuxième
moitié du XXe siècle4. Dans ce courant de recherche, l’attribution causale désigne l’activité
cognitive à partir de laquelle les individus cherchent à déterminer les causes des événements.
Bien que cette approche semble s’intéresser de prime abord au même objet que la théorie du
Locus of Control, plusieurs points peuvent être avancés pour les différencier (Beauvois,
1984a; Dubois, 1987, 1996; Gregory, 1981). En particulier, si le domaine du Locus of Control
étudie la genèse et les conséquences sur les individus des croyances de contrôle a priori sur
les renforcements, le domaine de l’attribution causale s’attache à comprendre les mécanismes
attributifs et leurs conséquences dans l’explication des événements a posteriori. Dans cette
perspective, le but de l’attribution causale est de permettre d’accéder à la nature causale de
l’environnement afin de pouvoir exercer du contrôle sur celui-ci (Weiner, 1985a).
Kelley et Michela (1980) ont apporté quelques clarifications sur le champ de
l’attribution causale en proposant de distinguer deux types de recherches : d’une part, les
théories de l’attribution qui s’intéressent aux processus à l’œuvre dans la production des
attributions causales et, d’autre part, les théories attributionnelles qui investiguent les
conséquences de ces attributions sur le comportement humain (cf. figure 1.1.).
Figure 1.1. Modèle général du champ de l’attribution (d'après Kelley & Michela, 1980)
4 En 1980, Kelley et Michela dénombraient déjà plus de 900 articles publiés ayant porté sur ce thème. Depuis cette époque, le nombre de recherches en la matière aurait été multiplié par quatre (Gilbert, 1998).
Information
Croyances
Motivation
Antécédents Attribution Conséquences
Causes perçues
Comportement
Affect
Expectation
Les théories de l’attribution Les théories attributionnelles
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
16
Parmi les théories de l’attribution, on peut citer deux modèles qui ont fortement
influencé la recherche en psychologie sociale des années 60-90 : d’un côté, le modèle des
inférences correspondantes de Jones et Davis (1965) et, de l’autre, le modèle de la covariation
de Kelley (1967). Parmi les théories attributionnelles, on peut citer la reformulation
attributionnelle de la théorie de l’impuissance apprise (Abramson, Seligman, & Teasdale,
1978; C. Peterson & Seligman, 1984), la reformulation de la théorie de la dissonance
cognitive (J. Cooper & Fazio, 1984)5 ou encore la théorie attributionnelle des émotions et de
la motivation (Weiner, 1972, 1979, 1985a, 2000). Avant de nous intéresser à cette dernière
théorie, nous allons resituer les postulats théoriques de l’attribution causale tels que les a
énoncés Heider (1958).
1.2.1. Heider et la psychologie du sens commun
Parmi les premiers travaux ayant porté sur les mécanismes qui sous-tendent les
phénomènes de perception sociale, ceux de Heider (1958; Heider & Simmel, 1944) ont
largement marqué la littérature. Cet auteur aborde la perception sociale d’un point de vue
fonctionnaliste. D’après lui, les individus auraient un besoin fort de prédire et de contrôler
leur environnement et plus particulièrement les comportements d’autrui. Comme ils se basent
sur les mouvements des objets physiques pour inférer leurs propriétés (Michotte, 1946, cité
par Gilbert, 1998; Scholl & Nakayama, 2002; Scholl & Tremoulet, 2000; White, 1988, 1990),
les individus se baseraient sur l’observation des comportements d’autrui pour faire des
inférences sur leurs caractéristiques stables. Cette idée amène Heider à faire un parallèle entre
la psychologie scientifique et le sens commun : tous deux visent à découvrir les invariants de
la structure causale de l’environnement. A ce titre, les individus disposeraient d’une forme de
connaissance du fonctionnement humain, une psychologie naïve leur permettant de dépasser
la variabilité des comportements et des situations pour accéder aux invariants
personnologiques (Gilbert, 1998). L’objectif de Heider est de chercher à décrire les règles à la
base de cette psychologie naïve.
A suivre Gilbert (1998), cinq idées centrales peuvent être extraites des travaux de
Heider(1958). La première est que l’attribution extrait les invariances à partir du
comportement (1e idée). A l’instar des objets dont les qualités perdurent dans le temps, Heider
suppose que les individus possèdent des caractéristiques psychologiques stables qui sont à
5 Ces théories ayant déjà fait l’objet d’un nombre conséquent de présentations (Deschamps, 1996b, 1997; Deschamps & Clémence, 1987, 1990; Gilbert, 1998; Hewstone, 1989; Jones, 1990; Mangard, 2004; Swendsen & Blatier, 1996), nous ne les évoquerons pas plus ici.
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
17
l’origine de leurs comportements. De la même façon que le système visuel est en mesure de
créer une représentation stable du monde à partir de phénomènes variables issus de
l’environnement, le système attributif permettrait d’accéder à l’invariance personnologique à
partir d’un ensemble de manifestations comportementales. Cette capacité du système attributif
d’accéder au permanent au-delà du variable ferait de l’attribution une activité vitale (2e idée).
En effet, pour Heider, l’extraction des invariances est essentielle au fonctionnement humain.
La connaissance d’un invariant permettrait à l’individu de maîtriser l’ensemble de ses
manifestations dans l’environnement. Sans la faculté du système attributif à reconstituer les
propriétés stables d’autrui à partir de ses comportements, les individus seraient face à une
multitude de comportements variables dont toute signification et cohérence seraient absentes.
Mais l’extraction des propriétés des individus à partir des comportements est loin d’être une
activité simple puisque les comportements expriment des invariances mais pas seulement (3e
idée). En effet, la relation entre les caractéristiques stables des individus et leurs
comportements serait susceptible de varier. Alors que deux comportements différents,
pourraient être causés par la même disposition personnologique, deux dispositions distinctes
pourraient produire le même comportement. Les processus mis en place par les individus pour
accéder aux invariants dispositionnels seraient d’une grande complexité. Toutefois, les
attributions n’étant pas nécessairement conscientes (4e idée), les mécanismes attributifs qu’ils
mobilisent ne seraient pas forcément accessibles aux individus. En effet, supposer que le
système attributif est en mesure de permettre d’accéder aux propriétés stables des individus
n’implique pas forcément que les individus aient accès aux mécanismes qui guident cette
extraction (voir à ce propos Nisbett & Wilson, 1977b). D’après Heider, « la personne
ordinaire a une grande et profonde compréhension de lui-même et des autres personnes qui,
bien que non formulée ou seulement vaguement conçue, lui permet d’interagir avec autrui sur
des modes plus ou moins adaptés » (Heider, 1958, p.2). De ce point de vue, le système
attributif est un outil de connaissance sur lequel les individus n’ont que peu d’appréhension
consciente. Enfin, la cinquième idée avancée par Heider est que l’attribution est une forme
d’analyse causale. Selon lui, l’extraction des propriétés stables des personnes nécessite de
réaliser une analyse permettant de séparer ce qui relève de la personne et ce qui relève de
l’environnement. Heider propose une description des règles qui régiraient cette analyse
causale. Le modèle de l’analyse naïve de l’action en est un exemple (cf. figure 1.2.). Prenant
appui sur les travaux de Lewin6, Heider propose dans ce modèle de différencier ce qui relève
6 L’opposition entre causalité interne et causalité externe trouve en effet son origine dans la « théorie du champ » de Lewin pour qui le comportement (C) est déterminé à la fois par la personne (P) et par l’environnement (E) : C = f (P, E).
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
18
des facteurs internes à l’acteur de ce qui relève des facteurs externes à celui-ci : « en
psychologie du sens commun (comme en psychologie scientifique), le résultat d’une action
est perçu comme dépendant de deux ensembles de conditions, à savoir les facteurs inhérents à
la personne et les facteurs inhérents à l’environnement » (Heider, 1958, p.82). De plus, s’il
différencie les facteurs causaux internes des facteurs causaux externes dans la théorie naïve,
Heider propose également des distinctions plus fines au sein des deux catégories de
déterminants.
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
19
Note. F.P.E. = Force Personnelle Effective ; F.E.E. = Force Environnementale Effective
Figure 1.2. Le modèle de l’analyse naïve de l’action de Heider (d'après Jones, 1990)
Intention
Effort
Beaucoup de contrôle personnel (Try)
F.E.E. (Difficulté de
la tâche)
Pouvoir personnel (Habileté)
Peu de contrôle personnel (Can)
Chance (aucun contrôle)
F.P.E. Action � Renforcement
F.E.E.
F.P.E.
Relation additive (la présence facilitatrice de l’un est suffisante même en l’absence de l’autre)
Habileté Motivation
Relation multiplicative (l’absence de l’un des deux
annule la F.P.E.)
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
20
D’après le modèle de l’analyse naïve de l’action, pour qu’un comportement donné soit
émis, il est nécessaire que l’individu dispose, d’un côté, de la capacité à réaliser le
comportement (ce que Heider appelle le can) et, de l’autre, de la motivation à le réaliser (qu’il
nomme le try). La capacité de l’individu à produire le comportement (can) serait tributaire de
son habileté mais aussi des contraintes de l’environnement comme, par exemple, la difficulté
de la tâche qu’il désigne sous le terme de « force environnementale effective ». Quant à la
motivation de l’individu à réaliser le comportement en question (try), elle dépendrait, d’une
part, de l’intention de réaliser l’acte et, d’autre part, des efforts faits pour permettre l’émission
du comportement. La motivation (try) et l’habileté composeraient ce qu’Heider appelle la
« force personnelle effective » et seraient liées par une relation de type multiplicatif, la
présence de ces deux composantes étant nécessaires mais pas suffisantes pour que le
comportement soit émis. La force personnelle effective et la force environnementale effective
seraient quant à elle liée par une relation de type additif : plus la première est facilitatrice et
moins la seconde est inhibante, plus l’action est susceptible d’être réalisée.
Notons toutefois que si de nombreux travaux se sont basés sur le modèle de l’analyse
naïve de l’action, ce que l’on en a surtout retenu par la suite, c’est essentiellement la
distinction entre facteurs internes et facteurs externes, distinction qui, très tôt, a fait l’objet de
plusieurs critiques.
1.2.2. Les limites de la distinction interne/externe
Les principales critiques faites à l’encontre de la distinction interne/externe proposée
par Heider s’appuient sur plusieurs arguments. La première concerne le fait que certaines
explications causales7 sont difficilement classables dans l’un ou l’autre des deux registres.
D’après Ross (1977), les explications externes peuvent implicitement renvoyer à des
informations sur l’acteur. De même, des explications internes peuvent également transmettre
des informations sur l’environnement. Par exemple, la phrase « Jack a acheté cette maison
parce qu’elle est isolée » transmet des informations concernant une disposition de l’acteur (il
aime la solitude). De plus, la phrase « Jill a acheté cette maison parce qu’elle recherche de la
solitude » transmet également des informations à propos de la maison (elle est isolée). Une
telle difficulté de classification n’est pas sans rappeler les données obtenues par Serlin et
Beauvois (1991) lors de la mise au point d’une technique de codage des explications causales
produites dans le discours (M.A.E.C.). Ces auteurs identifient clairement des explications
7 Bien qu’elles puissent renvoyer à des définitions différentes (C. A. Anderson, Krull, & Weiner, 1996), nous utiliserons dans cette thèse le terme « explication » comme un synonyme du terme « attribution ».
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
21
transmettant ces deux types d’informations : les causes internes externalisées ou les causes
externes internalisées (e.g. j’ai été embauché parce ce que j’ai su saisir l’opportunité qui se
présentait). Il semble donc que, dans certains cas, la dichotomie interne/externe ne puisse pas
permettre une classification des explications causales sans ambiguïté. Le second argument
allant à l’encontre de la pertinence de la distinction entre explications internes et explications
externes repose sur la grande hétérogénéité des explications causales (Deschamps, 1987).
L’utilisation de la seule distinction interne/externe oblige à assimiler dans des mêmes
ensembles des explications extrêmement différentes. Par exemple, des explications aussi
différentes que l’effort, le trait de personnalité, l’intention, l’humeur, sont classées dans le
registre interne. De même, les explications renvoyant à la situation, à la difficulté de la tâche,
à la chance, au destin ou encore au pouvoir d’autrui sont considérées comme appartenant au
registre externe.
Pour pallier ces problèmes de classification, d’autres typologies ont été proposées. Par
exemple, Kruglanski (1975) distingue les attributions endogènes qui désignent les actions
comme des fins en soi des attributions exogènes qui renvoient aux actions, non pas comme
des fins mais comme des moyens d’atteindre un but plus éloigné. Buss (1978) propose une
autre classification et considère que les explications des acteurs et celles des observateurs
peuvent être de nature différente en fonction du comportement expliqué. Cet auteur
différencie, d’une part, les explications causales des explications téléologiques, les premières
indiquant ce qui occasionne un changement et les secondes les raisons pour lesquelles un
changement est occasionné. D’autre part, il distingue les actions des occurrences, les actions
désignant les comportements volontaires et motivés par un but et les occurrences désignant
les comportements involontaires et subis par l’acteur. Alors que les occurrences conduiraient
à l’émission d’explications causales chez les acteurs comme chez les observateurs, les actions
mèneraient, chez les acteurs, à l’expression d’explications téléologiques et, chez les
observateurs, à celle d’explications causales ou téléologiques. Mais, plus encore que la
classification interne/externe, les distinctions endogène/exogène (Kruglanski, 1975) et
causale/téléologique (Buss, 1978) posent d’importants problèmes. La distinction
endogène/exogène suppose que les actions sont toujours les conséquences de la volonté de
l’acteur, ce qui ne semble pas toujours être le cas. Quant à la distinction entre explications
causales et explications téléologiques, celle-ci semble difficilement opérationnalisable, et cela
pour deux raisons. D’une part, les actions ne seraient pas identifiables des occurrences par les
observateurs (Harvey & Tucker, 1979). D’autre part, les explications téléologiques ne seraient
qu’une sous-classe des explications causales au même titre qu’un nombre infini d’autres sous-
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
22
classes, leur prise en compte signifiant la disparition des théories de l’attribution (Kruglanski,
1979).
Ainsi, malgré les critiques émises à son égard, la distinction interne/externe est un
critère de classification des explications causales autour duquel un relatif consensus semble
s’être établie. Toutefois, de façon à dépasser certaines de ses limites, d’autres critères de
classification ont été développés, en particulier dans le champ des théories attributionnelles.
Sur ce point, la théorie attributionnelle des émotions et de la motivation peut être considérée
comme l’une de celles qui a le plus participé à l’étude des attributions causales et de leurs
conséquences sur les individus.
2. Au-delà de la distinction interne/externe : La théorie attributionnelle de Weiner
L’étude des déterminants du comportement est un des domaines de prédilection de la
recherche en psychologie. Mais, après près d’un siècle d’existence, force est de constater que
ce champ de recherche a connu de profonds bouleversements, tant au niveau de la définition
des processus qui sous-tendent le comportement humain qu’au niveau des métaphores
utilisées pour modéliser son fonctionnement (Weiner, 1991). Alors que les premières théories
qui se sont intéressés aux déterminants de l’action assimilent les organismes à des machines
dont les comportements sont conçus comme des réponses mécaniques aux stimulations, la
conception cognitive actuelle considère que la relation entre stimulus et comportement est
médiatisée par l’intervention de cognitions qui guident l’action (Baars, 1986; S. Graham &
Weiner, 1996; Legrand, 1990; Weiner, 1972, 1990). Sur la base de ce postulat, l’approche
cognitive de la motivation accorde une place centrale aux processus de traitement de
l’information et considère que l’étude des déterminants du comportement humain passe par la
compréhension de ces mécanismes cognitifs. Se pose alors la question de la nature de ces
processus. Si pour les premières théories cognitives de la motivation, la cognition la plus
impliquée dans la détermination du comportement est l’expectation (Atkinson, 1957; Revelle
& Michaels, 1976; Rotter, 1966; Weiner, 1972), les recherches dans ce domaine se sont
rapidement tournées vers d’autres processus mentaux, telle l’activité attributive. C’est là
l’objectif poursuivie par la théorie attributionnelle des émotions et de la motivation de
Weiner : rendre compte des effets des attributions causales sur les individus (C. A. Anderson
et al., 1996; C. A. Anderson & Weiner, 1992; Dell-Dolan & Anderson, 1999; Pansu,
Dompnier, & Bressoux, 2004; Weiner, 1972, 1979, 1984, 1985a, 1988, 1995, 1996, 2000,
2005).
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
23
2.1. Les bases conceptuelles de la théorie attributionnelle des émotions et de la
motivation
Issue directement des travaux de Heider (1958), la théorie attributionnelle des
émotions et de la motivation place l’activité de recherche causale au cœur du fonctionnement
humain. Cette conception repose sur le postulat selon lequel la recherche des liens causaux
entre les événements est une motivation inhérente à la nature humaine. Dès lors l’analyse de
la causalité est conçue comme un élément fondamental de l’adaptation de l’individu à son
environnement (Weiner, 1985a).
La théorie attributionnelle de Weiner, dont les premières bases sont posées au début
des années 1970, tente de rendre compte des conséquences des attributions sur deux grands
ensembles de facteurs : les émotions et la motivation. Cette approche se trouve au confluent
de deux courants de recherche. Le premier, qui s’est attaché à comprendre les mécanismes qui
aboutissent à la production des expectations, place les anticipations cognitives au centre du
processus de détermination du comportement (Atkinson, 1957; Rotter, 1954, cité par Weiner,
1972). Le second courant s’intéresse non pas aux actions instrumentales, mais aux
conséquences de l’activité cognitive sur l’expérience émotionnelle (Schachter & Singer,
1962). Sur la base de ces deux programmes de recherche, Weiner (1972) propose une théorie
cognitive de la motivation dans laquelle l’activité cognitive, les expectations et les émotions
médiatisent la relation entre les stimuli et les réponses comportementales. Sur un plan
conceptuel, le modèle de Weiner calque sa structure sur celle des théories de type expectation-
valeur (S. Graham & Weiner, 1996; Weiner, 1985a). D’après ce modèle, le comportement est
déterminé par deux facteurs fondamentaux : d’un côté l’expectation des individus quant à la
capacité du comportement à atteindre le renforcement désiré, et de l’autre la valeur subjective
accordée à ce dernier. Toutefois, l’approche proposée par Weiner se différencie des théories
expectation-valeur classiques sur un certain nombre de points. Tout d’abord, elle possède la
spécificité de considérer l’expectation et la valeur comme résultant toutes deux du même
antécédent temporel : les attributions causales. Ainsi, les attentes des individus concernant
l’apparition du renforcement ainsi que l’importance qu’ils lui accordent seraient tributaires
des attributions qu’ils ont émises par le passé. Ensuite, si la définition que l’approche
attributionnelle adopte du concept d’expectation est identique à celle traditionnellement
utilisée, la définition de la notion de valeur se trouve ici enrichie de l’idée selon laquelle la
valeur subjective d’un renforcement est conditionnée par les émotions que l’individu éprouve
lors de l’apparition du renforcement en question. Selon Weiner (1985a), les émotions
éprouvées suite à l’attribution d’un événement à une cause spécifique altèreraient la valeur
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
24
subjective stimulante de l’événement. Le comportement serait donc déterminé par
l’expectation et la valeur subjective modulée par les émotions, ces deux facteurs étant eux-
mêmes déterminés par les attributions produites pour expliquer les renforcements passés
(Weiner, Russel, & Lerman, 1978, 1979). Enfin, la théorie attributionnelle se distingue de par
la modélisation qu’elle propose des relations qu’entretiennent l’expectation et la valeur.
Contrairement au modèle classique qui repose sur une formulation mathématique des
relations qui lient ces deux concepts (cf. la théorie de l’apprentissage social), l’approche
attributionnelle propose un modèle organisé temporellement en un ensemble de phases
successives (S. Graham & Weiner, 1996). En effet, le modèle de Weiner est l’un des premiers
à proposer de rendre compte de l’évolution de l’état des cognitions dans le temps (cf. figure
1.3.).
Figure 1.3. Modélisation de la théorie attributionnelle des émotions et de la motivation
(adaptée de Weiner, 1972)
Cette évolution se déroulerait en trois étapes successives (Weiner, 1972). Dans la
première phase, appelée phase d’évaluation de la tâche, l’individu entrerait dans une activité
de recherche causale afin d’aboutir à l’émission d’une attribution concernant l’origine du
renforcement obtenu. L’émission d’une attribution particulière entraînerait des conséquences
spécifiques au niveau émotionnel (affects ressentis) et au niveau cognitif (expectations de
réussite). Durant la deuxième phase du processus, appelée phase du comportement orienté
vers le but, les conséquences émotionnelles et cognitives survenues lors de la phase
précédente orienteraient le comportement soit vers l’approche, soit vers l’évitement du
renforcement attendu. Enfin, dans la troisième et dernière phase du processus, appelée phase
de réévaluation de la tâche et des cognitions causales, le renforcement obtenu suite au
comportement émis entraînerait une réévaluation de la tâche ainsi que des attributions
Stimulus Cognitions causales
Emotions
Expectations
Comportement Renforcement
Phase d’évaluation de la tâche
Phase du comportement orienté vers le but
Phase de réévaluation de la tâche et des cognitions causales
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
25
produites au début de la séquence.
La théorie attributionnelle accorde donc aux attributions causales un rôle essentiel
dans la production émotionnelle et dans celle des expectations. Mais pour pouvoir mettre au
point une théorie scientifique qui puisse rendre compte des conséquences des attributions, les
tenants de la théorie attributionnelle ont dû établir une taxinomie des attributions de façon à
identifier leurs propriétés. Pour ce faire, ils ont cherché à connaître les causes habituellement
utilisées pour expliquer les événements de façon à construire une classification de ces causes
afin de pouvoir les différencier et comparer leurs effets respectifs.
2.2. L’étude des conséquences des attributions causales : La nécessité d’une taxinomie
2.2.1. Les causes habituellement évoquées pour expliquer les événements
Les premiers travaux à s’être intéressés aux causes habituellement évoquées pour
expliquer les événements se révèlent être principalement guidés par l’intuition des pionniers
de l’attribution causale plutôt que par une analyse empirique de la causalité
phénoménologique. En précurseur de l’étude de l’attribution causale, Heider (1958) est l’un
des premiers à proposer une liste de causes en mesure d’être évoquées par le sens commun
(cf. figure 1.2). C’est à Weiner, Frieze et al. (1972) que l’on doit d’avoir populariser l’idée
selon laquelle une analyse plus fine des causes que la seule distinction interne/externe pouvait
aider à la compréhension des relations entre les attributions et leurs conséquences sur les
individus. Weiner et ses collaborateurs proposent alors une liste de quatre types de causes non
exhaustive mais suffisamment générale de façon à cataloguer la plupart des causes citées par
les individus pour expliquer l’origine des renforcements. Ces quatre catégories sont l’habileté,
l’effort, la difficulté de la tâche et la chance.
Dans le but d’apporter quelques supports empiriques aux intuitions de ces précurseurs,
plusieurs recherches se sont attachées à étudier comment les individus expliquent
habituellement la réussite et l’échec. Par exemple, Elig et Frieze (1979) ont observé, après
classement des réponses des participants en format libre, que les causes les plus fréquemment
citées pour expliquer une performance à une tâche d’anagramme sont l’habileté, l’effort
stable, l’humeur et la difficulté de la tâche. De la même façon, Russel, McAuley, et Tarico
(1987) ont observé, toujours à partir d’une méthode de réponse en format libre, que les causes
les plus utilisées par des étudiants pour rendre compte d’une performance à un examen
universitaire réel sont l’effort, la difficulté de la tâche, l’habileté et autrui. Alors qu’il existe
une infinité de causes possibles pour expliquer la réussite ou l’échec, il ressort de ces études
que les individus n’ont le plus souvent recours qu’à un petit nombre d’entre elles pour
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
26
expliquer les renforcements : les plus fréquentes étant l’habileté, l’effort, la difficulté de la
tâche et la chance (voir pour revue Weiner, 1979, 1985a).
Fort de ce constat, restait pour mieux comprendre les conséquences des attributions
sur les individus à créer une taxinomie des causes sur la base de leurs propriétés sous-jacentes
identifiées à partir de leurs différences et de leurs similitudes. Cette démarche permet
d’obtenir une base de comparaison entre les attributions et de dépasser les limites imposées
par la variabilité des causes potentiellement évoquées par les individus pour expliquer les
événements (Weiner, 1979, 1983, 1985a).
2.2.2. De l’étude des causes spécifiques à la détermination des dimensions
causales
Bien que la distinction entre causalité interne et causalité externe soit critiquable sur
un certain nombre de points (Buss, 1978; Deschamps, 1987, 1996a, 1997; Dubois, 1987;
Harvey & Tucker, 1979; Kruglanski, 1975; Ross, 1977), celle-ci semble relativement adaptée
pour rendre compte des différences entre les types d’attributions évoqués dans des situations
de réalisation (C. A. Anderson, 1991; Krantz & Rude, 1984; Stratton et al., 1986). C’est à
Weiner et ses collaborateurs (Weiner, 1972; Weiner, Frieze et al., 1972; Weiner, Heckhausen,
Meyer, & Cook, 1972) que l’on doit le premier ajout d’un critère de classification à la
taxinomie des causes : la stabilité. Ce critère permet d’opposer, d’un côté des causes stables
comme la difficulté de la tâche (externe) et l’habileté (interne), et de l’autre, des causes
instables comme la chance (externe) et l’effort (interne). A ces deux critères de classification,
vient également se rajouter un troisième, désigné sous le terme de contrôlabilité. Ce critère,
proposé par Weiner (1979), désigne le fait que les causes soient ou non perçues comme
potentiellement sous l’influence d’un contrôle volontaire.
Les tenants de la théorie attributionnelle des émotions et de la motivation ont donc mis
au point une taxinomie des causes prenant en compte trois critères de classification : le lieu de
causalité (interne/externe), la stabilité (stable/instable) et la contrôlabilité (contrôlable/
incontrôlable). Le croisement factoriel de ces dimensions aboutit à la création de huit types de
causes différentes (cf. tableau 1.1.).
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
27
Tableau 1.1. Causes du succès et de l’échec en fonction du lieu de causalité, de la stabilité, et
de la contrôlabilité (d'après Weiner, 1979)
Interne Externe
Stable Instable Stable
Instable
Incontrôlable Trait, capacité
Humeur Difficulté de la tâche Chance
Contrôlable Effort habituel
Effort occasionnel Biais de
l'évaluateur Action d'autrui
Enfin, d’autres critères de classification ont également été avancés en plus, ou à la
place, de certains des trois critères précédemment évoqués. Ces dimensions causales sont la
globalité (Abramson et al., 1978) et l’universalité (Stratton et al., 1986). La dimension de la
globalité oppose les facteurs causaux globaux, qui sont en mesure d’affecter une grande
variété de renforcements, aux facteurs causaux spécifiques, qui ne sont en mesure
d’influencer qu’une petite variété de renforcements. Quant à la dimension de l’universalité, à
l’origine définie par Abramson, Seligman, et Teasdale (1978) comme correspondant à
l’opposition interne/externe, elle oppose les causes personnelles qui désignent les causes
renvoyant à des renforcements obtenus uniquement par l’individu, aux causes universelles qui
désignent les causes renvoyant à des renforcements potentiellement obtenus par tout un
chacun.
Mais, quel que soit leur nombre ou leur nature, force est de constater que toutes ces
propositions de distinctions reposent principalement sur une analyse déductive des
dimensions sous-jacentes aux causes plutôt que sur une analyse inductive basée sur les
critères pertinents du point de vue du sens commun (Michela, Peplau, & Weeks, 1982;
Weiner, 1985a). Dès lors, on peut se demander dans quelle mesure ces dimensions sont
pertinentes pour les individus. Tout un ensemble de recherches a tenté d’apporter des
éléments de réponses à cette question. Par exemple, Passer, Kelley, et Michela (1978) ont
étudié, à partir d’échelles multidimensionnelles, l’organisation des causes habituellement
perçues au sein de couples de jeunes mariés pour expliquer un comportement négatif de leur
conjoint. Les participants (des étudiants), après avoir été invités à indiquer le degré de
similarité entre 13 causes potentielles, devaient coter celles-ci sur 11 échelles bipolaires
représentant potentiellement des dimensions causales de différenciation. La moitié des
participants devait répondre comme s’ils étaient observateurs du comportement négatif de
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
28
leur conjoint, l’autre moitié comme s’ils étaient eux-mêmes le conjoint ayant émis le
comportement négatif. Les résultats obtenus montrent que deux dimensions orthogonales
semblent organiser les causes dans les deux conditions expérimentales. La première,
commune aux positions « acteur » et « observateur », oppose les causes renvoyant à une
attitude positive à l’égard du partenaire et les causes renvoyant à une attitude négative à
l’égard de celui-ci. La seconde dimension, quant à elle, diffère en fonction des positions
adoptées par les participants. En effet, si dans la position « acteur », cette dimension oppose
les causes intentionnelles à celles non intentionnelles, dans la position « observateur », elle
distingue les causes renvoyant aux traits du partenaire des causes renvoyant aux circonstances
ou aux états. Toujours dans le cadre des relations interpersonnelles et à partir d’une
méthodologie relativement similaire, Michela, Peplau, et Weeks (1982) ont observé que les
causes évoquées pour expliquer différentes situations de solitude (sociale ou affective)
semblaient s’organiser autour de deux dimensions clairement définies. La première dimension
oppose les causes internes à l’acteur, aux causes externes. La seconde renvoie à la stabilité des
différentes causes évoquées. Meyer (1980) s’est intéressé à la dimensionnalité des causes
évoquées dans le cadre de situations de réalisation. Dans cette recherche, les participants
devaient indiquer l’importance de l’influence (positive ou négative) de neuf causes8 sur les
performances universitaires d’étudiants fictifs. L’analyse factorielle effectuée sur les réponses
des participants met en évidence trois facteurs correspondant aux trois dimensions du modèle
de Weiner (1979; 1985a), à savoir la stabilité (facteur 1) qui oppose les causes stables aux
causes instables, le lieu de causalité (facteur 2) qui oppose les causes internes aux causes
externes, et la contrôlabilité (facteur 3) qui oppose les causes contrôlables aux causes
incontrôlables. Wimer et Kelley (1982) ont quant à eux observé à partir d’une analyse en
composantes principales effectuée sur les réponses attributives des participants à des
situations sociales variées, que les causes semblent s’organiser autour de neuf facteurs, dont
cinq clairement définis. Ces cinq facteurs majeurs sont, par ordre d’importance, 1) la
dimension « bon/mauvais » qui oppose les causes à l’origine d’événements positifs aux
causes à l’origine d’événements négatifs, 2) la dimension « simple/complexe » qui oppose les
causes suffisantes pour produire les événements et celles non suffisantes mais incluses dans
un réseau de causes plus larges, 3) une dimension unipolaire « la personne » qui ne renvoie
qu’à des causes psychologiquement à l’intérieur de l’individu, 4) la dimension
« endurant/transitoire » qui oppose les causes persistantes aux causes temporaires, et 5) un
autre dimension unipolaire « la motivation » qui renvoie aux désirs et aux motivations 8 Ces causes sont la difficulté de la tâche, l’intelligence générale, la chance, l’humeur, la préparation à l’examen, les habitudes de travail, l’habileté de l’enseignant, l’effort de l’enseignant, et l’habileté au test.
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
29
conscientes.
Très globalement, il ressort de ces études que certaines dimensions semblent plus
adaptées que d’autres pour rendre compte de l’organisation des causes du point de vue du
sens commun. Plus particulièrement, il apparaît que, contrairement à d’autres (e.g. globalité,
universalité), les dimensions du lieu de causalité, de la stabilité et de la contrôlabilité sont de
loin les plus fréquemment identifiées.
2.3. Les conséquences cognitives et émotionnelles des attributions
Si la théorie attributionnelle de Weiner peut être considérée comme l’une des théories
attributionnelles qui a le plus participé au développement de l’étude des attributions, c’est non
seulement parce qu’elle a contribué à la mise au point d’une taxinomie des causes mais c’est
aussi et surtout parce qu’elle a permis de spécifier la nature des liens entre, d’un côté, les
attributions et, de l’autre, les émotions et les expectations.
2.3.1. Le lien entre attributions et émotions
Dans les premières formulations de la théorie attributionnelle des émotions et de la
motivation, Weiner (1972) postule que le critère le plus impliqué dans la production
émotionnelle dans les situations de réalisation est la dimension du lieu de causalité
(interne/externe). D’une part, les attributions internes entraîneraient des émotions plus
intenses que des attributions externes et ce, pour la réussite comme pour l’échec. D’autre part,
les émotions comme la fierté et la honte, affects particulièrement liés aux comportements de
performance (Atkinson, 1957; Revelle & Michaels, 1976), seraient ressenties avec plus
d’intensité lorsque l’individu émet une attribution interne. Si quelques résultats supportent
cette idée, d’autres en revanche vont à l’encontre du postulat selon laquelle les attributions
internes entraînent des réactions émotionnelles plus intenses que les attributions externes.
C’est ce que révèlent les résultats de deux études conduites par Weiner et al. (1978; 1979). Si
certains affects, comme la joie ou le désappointement, apparaissent dépendants du
renforcement, d’autres semblent être liés de façon idiosyncrasique à certaines attributions
spécifiques (cf. tableau 1.2.).
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
30
Tableau 1.2. Synthèse des résultats obtenus par Weiner et al. (1978, 1979)
Attribution Réussite Echec Weiner et al. (1978) Weiner et al. (1979) Weiner et al. (1978) Weiner et al. (1979) Habileté Effort instable Effort stable Personnalité Autrui Chance
Compétence Confiance Activation Augmentation Relaxation Rehaussement de soi Gratitude Surprise
Compétence Fierté Soulagement Satisfaction Contentement Fierté Gratitude Reconnaissance Excitation Surprise Culpabilité Soulagement
Incompétence Culpabilité Honte Culpabilité Honte Résignation Agression Surprise
Incompétence Résignation Tristesse Peur Peur Culpabilité —— Colère Surprise Tristesse Stupidité
Comme le montre le tableau 1.2., tout en observant que les attributions internes sont
fortement liées à la production des émotions de honte et de fierté, Weiner et al. (1978, 1979)
ont également observé que, suite à une réussite ou à un échec, les attributions externes
pouvaient elles aussi produire des émotions. Alors qu’ils ressentiraient de la gratitude lorsque
la réussite est attribuée à autrui, les individus éprouveraient de la colère lorsque l’échec lui est
attribué. Dès lors, la différence entre les conséquences émotionnelles engendrées par les
attributions internes et externes ne s’observerait donc pas au niveau de l’intensité de
l’expérience émotionnelle (différence quantitative) mais au niveau du type d’émotions
éprouvées (différence qualitative). Plus particulièrement, le lieu de causalité serait impliqué
dans la production d’émotions reliées à l’estime de soi (McFarland & Ross, 1982). Cette
relation transparaît dans un certain nombre de travaux qui se sont intéressés aux stratégies
attributives développées par les individus pour protéger leur estime de soi (Bradley, 1978;
Weary & Arkin, 1981; Zuckerman, 1979). En effet, d’après Bradley (1978), « en s’attribuant
le mérite pour les bons actes et en déniant le blâme pour les renforcements négatifs, l’individu
serait en mesure d’augmenter ou de protéger son estime de soi » (p. 56). Ainsi, une manière
de maintenir une haute estime de soi consisterait à expliquer de façon interne ses succès et de
façon externe ses échecs. Cette stratégie permettrait également de maximiser les affects
négatifs dirigés vers soi dans le cas de la réussite (e.g. la fierté) et de minimiser celles
négatives dans le cas de l’échec (e.g. la honte).
Mais, s’il semble que le lieu de causalité est une dimension très impliquée dans la
production émotionnelle, certaines études tendent également à indiquer que les autres
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
31
dimensions du modèle de Weiner (1979, 1985a) peuvent également influencer la production
des émotions. Par exemple, Forsyth et McMillan (1981) ont observé, dans une recherche
menée dans un contexte de réalisation réel (un examen universitaire), que les étudiants
éprouvaient plus d’affects positifs lorsqu’ils attribuaient la cause de leur performance à des
facteurs contrôlables, et ce indépendamment de la valence des événements9. De la même
façon, McAuley, Russel, et Gross (1983, cités par Russel & McAuley, 1986) ont constaté que
la dimension de la contrôlabilité pouvait avoir un impact plus important que la dimension du
lieu de causalité sur les réactions affectives d’athlètes face à leurs performances personnelles.
Cette dimension serait fortement impliquée dans la production des émotions de culpabilité, de
honte, de colère, de sympathie (ou pitié) et de gratitude (Russel & McAuley, 1986; Weiner et
al., 1978, 1979). Cependant ses effets seraient fortement tributaires du lieu de causalité. Alors
que, dans le cas de l’échec, la culpabilité serait ressentie préférentiellement à la suite
d’attributions internes et contrôlables (e.g. le manque d’effort habituel ou occasionnel, une
mauvaise stratégie, le manque de préparation), la honte serait quant à elle éprouvée suite à
l’émission d’attributions internes et incontrôlables (e.g. le manque d’habileté, la déficience
intellectuelle). De même, face à un échec, alors que la colère serait ressentie
préférentiellement à la suite d’attributions externes et contrôlables (e.g. le pouvoir d’autrui, le
manque d’effort d’autrui), la sympathie (pitié) serait quant à elle éprouvée à la suite
d’attributions externes et incontrôlables (e.g. le manque d’habileté d’autrui ou la déficience
biologique d’autrui).
Enfin, la troisième dimension, la stabilité, interviendrait sur les émotions d’espoir et
de désespoir de par son influence sur les expectations de réussite. Par exemple, dans le cas de
l’apparition d’un événement négatif, l’émission d’une attribution à une cause stable
engendrerait l’expérience du sentiment de désespoir du fait de fortes attentes de réapparition
de l’événement. Inversement, attribué à une cause instable, ce même événement pourrait
amener l’individu à ressentir de l’espoir comme conséquence de sa croyance en la possibilité
d’une réussite future.
2.3.2. Le lien entre attributions et expectations
Si les trois dimensions causales sont susceptibles d’avoir, à des degrés divers, des
effets sur la production émotionnelle, seule la dimension de la stabilité serait impliquée dans
celle des expectations et de leur modification. En effet, contrairement aux présupposés de la
9 A noter que la définition qu’adoptent Forsyth et McMillan (1981) de la dimension de la contrôlabilité ne concerne que le contrôle exercé par l’individu (contrôle interne) et pas celui exercé par autrui (contrôle externe).
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
32
théorie du Locus of Control, le modèle de Weiner (1972; 1979; 1985a) postule que la
modification des expectations est déterminée par la nature stable ou instable des causes plutôt
que par leur orientation interne ou externe (voir figure 1.4.).
Figure 1.4. Relation théorique entre le type d’attribution et le niveau résultant d’expectations
suite à un renforcement (d'après Weiner, 1972)
D’une part, l’attribution d’un renforcement à une cause instable serait plus à même
d’entraîner une modification des expectations que l’attribution à une cause stable. D’autre
part, les conséquences de l’attribution de l’origine d’un renforcement soit à l’habileté, soit à la
difficulté de la tâche seraient identiques, bien que ces deux causes diffèrent sur leur
orientation sur la dimension interne/externe. Un certain nombre de travaux atteste de l’intérêt
de cette conception. Par exemple, Weiner, Heckausen, et al. (1972) ont montré que les
individus qui ont attribué préférentiellement leur échec à des facteurs stables (habileté et
difficulté de la tâche) manifestaient une baisse de leurs expectations de réussite plus
importante à mesure des essais que ceux ayant attribués préférentiellement leur échec à des
facteurs instables (effort et chance). Valle et Frieze (1976) ont proposé un modèle de
modification des expectations autour du concept de la stabilité des attributions produites. Ces
auteurs considèrent en effet, que le poids accordé à une performance récente dans la
détermination de expectations futures sera d’autant plus important que sa cause est considérée
comme stable. Sur la base de cet argument, Valle et Frieze (1976) proposent un modèle dans
lequel la prédiction des expectations futures (P) serait une fonction des expectations initiales
(E) plus le degré auquel la performance (O) est attribuée à des facteurs stables (S). Les
relations entre ces notions peuvent être modélisées sous la forme suivante :
Exp
ecta
tions
Interne Externe
Instable
Stable
Elevés
Faibles
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
33
P = ƒ {E + O [ ƒ (S) ]}
Afin de tester leur modèle, Valle et Frieze (1976) ont réalisé deux expériences. Il
ressort très globalement de ces deux recherches que 1) si les expectations concernant les
événements futurs sont déterminées par les expectations antérieures et la performance
actuelle, l'impact de ces deux facteurs est modulé par les attributions de causalité, 2)
l’émission d'attributions stables est influencée par le décalage entre expectations antérieures et
performance obtenue, 3) la manipulation des attributions engendre une modification des
expectations, révélant ainsi le rôle médiateur des attributions dans la genèse des expectations.
Ainsi, la théorie attributionnelle postule que les antécédents des émotions et des
expectations sont les attributions causales. Cette approche considère également que les
conséquences des attributions sur les individus sont la manifestation des propriétés
intrinsèques de ces attributions. En fonction de leurs propriétés sur les trois dimensions du
modèle, les attributions auraient des conséquences émotionnelles et cognitives spécifiques.
Toutefois, la conception dimensionnelle à la base de la théorie attributionnelle des émotions et
de la motivation n’est pas sans poser quelques problèmes. Un certain nombre de travaux a mis
en avant certaines de ses limites.
2.4. Les limites d’une approche dimensionnelle des attributions causales
La conception tridimensionnelle proposée par la théorie attributionnelle de Weiner
repose sur trois postulats. Un premier postulat est que les individus caractérisent les
attributions causales sur chaque dimension de la même façon que le chercheur. Or, les
attributions causales étant issues d’un mécanisme de perception, la décision de leur
appartenance à une catégorie plutôt qu’à une autre peut varier tant entre les individus qu’entre
les situations. Autrement dit, certaines causes peuvent ne pas correspondre à la classification
a priori du chercheur (Weiner, 1983). Par exemple, concernant la dimension de la stabilité, la
difficulté de la tâche, définie dans la classification comme une cause stable, peut être
considérée comme instable si la situation à l’origine de la performance est en mesure de
changer dans le temps. De la même façon, l’habileté, définie également comme une cause
stable, peut être considérée comme instable si l’individu pense qu’il est en mesure
d’augmenter son niveau de compétence par l’intermédiaire d’un apprentissage. Cette idée
d’un décalage entre la conception scientifique et celle du sens commun est appuyée par des
données expérimentales qui mettent en évidence que, dans certains cas, les propriétés des
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
34
causes ne sont pas celles que le chercheur attend. En effet, la plupart des recherches
consacrées à l’étude de la phénoménologie des causes (C. A. Anderson, 1991; Meyer, 1980;
Michela et al., 1982; Passer et al., 1978; Wimer & Kelley, 1982) ont mis en évidence que
certaines causes pouvaient se localiser, soit près du milieu d’une dimension (sans être
caractérisées par un pôle ou un autre), soit à l’opposé du pôle de la dimension où elle était
censée se trouver. Par exemple, Michela, Peplau, et Weeks (1982) ont observé que la cause
« être malchanceux » peut se trouver à égale distance du pôle interne et du pôle externe. De la
même façon, ces auteurs ont observé que « la timidité », qui renvoie a priori à un trait de
personnalité, est perçue comme interne mais instable. Par ailleurs, il apparaît que la
localisation dimensionnelle semble être plus consensuelle pour certaines causes que pour
d’autres. Krantz et Rude (1984) ont observé que, si la grande majorité des participants
considèrent que l’effort et l’habileté sont bien des facteurs internes (90,7 % et 83,3 % des
participants respectivement), il semble exister un consensus moins élevé sur le fait que la
chance et la difficulté de la tâche soient des facteurs externes (68,8 % et 50 % des participants
respectivement). Quoi qu’il en soit, les résultats accumulés dans ces recherches laissent planer
de sérieux doutes quant à la capacité du chercheur à inférer l’organisation des causes telle que
la conçoit l’individu naïf. Mais d’après Weiner (1985a), « bien que l’interprétation
d’explications spécifiques puissent varier dans le temps, entre les individus et les situations,
les dimensions sous-jacentes sur lesquelles les explications sont comprises ou signifiées
restent constantes » (p.555). Alors que l’orientation des explications serait susceptible de se
déplacer sur les dimensions en fonction des individus et des situations, les relations qui lient
les dimensions et leurs effets seraient invariantes. L’existence d’une telle variabilité n’est pas
sans conséquence puisqu’une traduction directe des causes en des termes dimensionnels basée
uniquement sur une classification a priori peut aboutir à ce que Russel (1982) appelle
« l’erreur fondamentale d’attribution du chercheur », à savoir une mesure erronée des
dimensions causales. C’est sur la base de ces critiques que les recherches attributionnelles ont
mis au point une nouvelle méthode d’étude des dimensions causales consistant à mesurer la
perception subjective des individus par l’intermédiaire d’échelles évaluant la localisation
dimensionnelle des causes (méthode d’évaluation des dimensions). L’un des premiers outils
de ce type est la Causal Dimension Scale (CDS, Russel, 1982). Cet outil mesure la perception
des individus à l’égard d’une cause sur les trois dimensions du modèle de Weiner (voir
également McAuley, Duncan, & Russel, 1992; Russel et al., 1987).
Un deuxième postulat sur lequel repose l’approche dimensionnelle est que les trois
dimensions du modèle sont orthogonales. Le lieu de causalité, la contrôlabilité et la stabilité
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
35
sont supposés être des dimensions indépendantes les unes des autres, permettant ainsi une
classification factorielle. Or, plusieurs travaux ont montré que les dimensions du modèle de
Weiner corrélaient entre elles. Par exemple, à partir d’une analyse factorielle confirmatoire
(AFC) réalisée sur les attributions recueillies à partir de trois méthodes à l’issue d’un examen
réel (méthode des attributions en réponse libre, méthode d’évaluation de l’importance des
causes, méthode d’évaluation des dimensions), Russel, McAuley, et Tarico (1987) ont
observé que si la dimension de la stabilité était corrélée négativement avec celles du lieu de
causalité (r = -.55) et de la contrôlabilité (r = -.67), deux derniers facteurs étaient fortement
corrélés l’un avec l’autre (r = .93). Toujours à partir d’une AFC, réalisée cette fois sur des
données recueillies au moyen de la Causal Dimension Scale (CDS, Russel, 1982), Vallerand
et Richer (1988) ont obtenu également une corrélation plutôt élevée entre le lieu de causalité
et la contrôlabilité (r = .43). Ils ont également observé que si la stabilité corrélait positivement
avec le lieu de causalité (r = .19), elle était toutefois indépendante de la contrôlabilité. Si les
résultats de ces travaux plaident en faveur d’une absence d’orthogonalité entre les dimensions
du modèle, d’autres en revanche vont plutôt dans le sens d’une indépendance. C’est ainsi que
Russel, Lenel, Spicer, Miller, Albrecht et Rose (1985, cités par Russel et al., 1987) ont
observé, dans le cadre d’une étude réalisée à partir de la CDS et portant sur la perception
d’observateurs à propos de la performance d’un étudiant à un test de Mathématiques, que le
lieu de causalité et la contrôlabilité sont indépendants (r = -.05). Au regard de ces résultats
pour le moins divergents, il apparaît difficile de déterminer dans quelle mesure les différentes
dimensions du modèle de Weiner (1979, 1985) sont véritablement orthogonales, d’autant que
les relations qui les lient sont susceptibles de changer selon le type d’événement considéré.
Pourtant, quand bien même une absence empirique d’indépendance était avérée, elle ne serait
pas forcément un obstacle à la séparation conceptuelle des dimensions. En effet, d’après
Weiner (1985a), « un échec de l’orthogonalité au niveau empirique n’invalide pas la
séparation au niveau conceptuel. Par exemple, la taille et le poids sont positivement corrélés
mais sont néanmoins des caractéristiques distinctes » (p.554). Ainsi, la distinction entre les
trois dimensions du modèle pourrait être justifiée au niveau conceptuel mais pas
nécessairement au niveau empirique.
Enfin, le troisième postulat qui sous-tend l’approche dimensionnelle est que le recours
à des dimensions, s’il permet de dépasser la spécificité des explications causales en offrant
une base commune de comparaison entre les explications, permet également de rendre compte
de façon optimale des effets des attributions. Or, plusieurs recherches tendent à indiquer que
la spécificité des effets des attributions causales n’est pas complètement épuisée par une
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
36
analyse basée sur des critères dimensionnels. Par exemple, Russel et McAuley (1986) ont
cherché à étudier les conséquences respectives des attributions et des dimensions causales sur
les réactions émotionnelles. A l’instar d’autres chercheurs (Krantz & Rude, 1984), Russel et
McAuley (1986) divisent le processus d’attribution en deux aspects : d’un côté, les
attributions spécifiques des événements et de l’autre les propriétés dimensionnelles de ces
attributions. Sur la base de cette distinction, différents modèles peuvent être en mesure de
rendre compte de la façon dont les attributions et les dimensions causales agissent sur les
émotions (cf. figure 1.5.).
Figure 1.5. Différents modèles des relations entre les processus attributifs et les réactions
émotionnelles (d'après Russel & McAuley, 1986)
Dans le premier modèle (attribution-affect script model), les attributions causales sont
directement liées aux émotions par l’intermédiaire de scripts appris. Dans le deuxième modèle
(causal dimension mediation model), les attributions agissent sur les émotions par
l’intermédiaire de leurs propriétés dimensionnelles. Enfin, dans le troisième modèle
(attribution-dimension additive model), les attributions et les dimensions causales ont des
effets distincts sur les émotions. Pour tester ces différents modèles, Russel et McAuley (1986)
ont réalisé une expérience dont le matériel était constitué d’un questionnaire composé de huit
descriptions de situations de réalisation. Chacune de ces situations était décrite comme ayant
Dimensions causales
Réactions affectives
Attributions causales
Dimensions causales Réactions affectives
Dimensions causales
Réactions affectives
Attribution-affect script model
Causal dimension mediation model
Attribution-dimension additive model
Attributions causales
Attributions causales
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
37
pour origine une des huit causes issues du croisement des trois dimensions du modèle de
Weiner (1979, 1985a). Les participants étaient répartis en deux groupes. Dans le premier
groupe, les huit situations étaient toutes des situations de réussite. Dans le second groupe, les
huit situations désignaient toutes des situations d’échec. Après avoir indiqué quelles seraient
leurs réactions émotionnelles face à chacune des situations présentées, les participants
devaient coter chacune des causes énoncées dans les situations sur la Causal Dimension Scale
(Russel, 1982). Des régressions hiérarchiques ont été réalisées intégrant les attributions et les
dimensions causales (en ordre contrebalancé) comme deux ensembles de prédicteurs des
affects. Les résultats obtenus ont montré, d’une part, que les attributions et les dimensions ont
dans une certaine mesure des effets indépendants sur les affects et d’autre part, que la prise en
compte simultanée de ces deux prédicteurs permet d’expliquer significativement plus de
variance que la prise d’un seul d’entre eux. A partir de ces résultats, il semble donc que le
modèle le plus adéquat pour rendre compte des effets des attributions et des dimensions est le
attribution-dimension additive model. De fait, la seule prise en compte des dimensions
causales ne permettrait pas de rendre compte de l’intégralité des effets des attributions sur les
émotions. Des résultats similaires ont été obtenus par Krantz et Rude (1984) en matière de
prédictions du syndrome dépressif10. Les attributions et les dimensions contribuant, dans leur
étude, de façon indépendante à la prédiction du syndrome dépressif, ces auteurs préconisent
de prendre en compte à la fois les propriétés perçues des causes évoquées ainsi que leurs
caractéristiques catégorielles spécifiques.
2.5. Le modèle attributionnel proposé par Weiner
Le modèle attributionnel complet proposé par Weiner (1985a) est présenté dans la
figure 1.6. D’après sa version la plus achevée, l'activité attributive commence par l'apparition
d'un événement. Cet événement induit un premier ressenti émotionnel général (1) qui peut
être soit positif, soit négatif, et désigné sous le terme d’affect dépendant du renforcement
(Weiner et al., 1978, 1979). Suite à cet événement, et plus particulièrement si celui-ci est
négatif, important ou inattendu (2), l’activité attributive étant initiée préférentiellement dans
ces circonstances (Watkins, 1986; Weiner, 1985b; Wong & Weiner, 1981), les processus
attributifs vont entrer en action afin de produire une attribution satisfaisante sur la base des
antécédents causaux de l'individu (3). Ces antécédents causaux peuvent inclure le style
10 Krantz et Rude (1984) ont réalisé leur étude dans le cadre de la reformulation attributionnelle de la théorie de l’impuissance apprise (Abramson et al., 1978; C. Peterson & Seligman, 1984). Ils n’ont donc pas recours à la classification issue du modèle de Weiner (lieu de causalité, stabilité, contrôlabilité) mais à celle utilisée par Seligman et ses collaborateurs (lieu de causalité, stabilité, globalité).
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
38
attributionnel de l’individu (C. A. Anderson, 1983; C. A. Anderson, Jennings, & Arnoult,
1988; Cutrona, Russel, & Jones, 1984; Ickes & Layden, 1978; Sweeney, Anderson, & Bailey,
1986), les divers biais intervenant dans l’analyse causale comme le biais acteur/observateur
(Jones & Nisbett, 1972; Watson, 1982) ou le biais d’autocomplaisance (Bradley, 1978; D. T.
Miller & Ross, 1975; Zuckerman, 1979), l’utilisation de règles causales spécifiques (Kelley,
1972) ou de scénarios (Read, 1987; Read & Miller, 1993). Une fois cette attribution émise,
celle-ci va, d’une part, entraîner des conséquences émotionnelles particulières (4) du fait de sa
spécificité (Krantz & Rude, 1984; Russel & McAuley, 1986; Weiner et al., 1978, 1979) et,
d’autre part, être traitée sur la base de ses propriétés causales (5). Dès lors, en fonction de
l'orientation de cette attribution sur les dimensions du modèle, diverses conséquences
psychologiques vont se manifester. Au niveau cognitif, la stabilité perçue de l’attribution va
engendrer des attentes concernant la réapparition future de l'événement (6) (Valle & Frieze,
1976; Weiner, Heckhausen et al., 1972; Weiner, Nierenberg, & Goldstein, 1976). Au niveau
affectif, différentes émotions vont être ressenties en fonction de l'orientation de l’attribution
sur les trois dimensions (7, 8, 9 et 10) (Russel & McAuley, 1986). Finalement, le
comportement va être sous l'influence des deux facteurs inhérents aux théories de type
expectation-valeur. Le premier facteur concerne les attentes des individus qui vont avoir un
effet direct sur leurs actes (11). Le second concerne la valeur de l'événement, matérialisée par
les émotions ressenties par les individus face à celui-ci et qui concernent à la fois les émotions
spécifiques induites par les attributions (12) et par les affects dépendant du renforcement (13).
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
39
Figure 1.6. La théorie attributionnelle des émotions et de la motivation (adaptée de Weiner, 1985a)
6
8
Accomplissement Habileté Effort Stratégie Tâche Chance Etc.
Renforcement
Si positif, heureux
Si inattendu, négatif ou important
Affect dépendant du
Renforcement
Antécédents causaux
Attributions causales
Information spécifique
Règles causales
Acteur vs observateur
Biais d’auto-complaisance
Style attributionnel
Etc.
Si négatif, frustré et triste
Dimensions causales
Conséquences psychologiques
Contrôlabilité ?Intentionnalité
Stabilité (dans le temps)
Locus
Cognitives Affectives
Dirigées vers soi
Dirigées vers autrui
Fierté Estime de soi
Attentes de réussite
Espoir Désespoir
Relaxation Surprise Etc.
Honte Culpabilité
Colère Gratitude Pitié
Conséquences comportementales
Actions Cpt de recherche de performance Cpt d’aide Etc.
Caractéristiques Intensité Latence Persistence Etc.
13
3 2
1
1
7
5
4
10
9
11
12
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
40
2.6. La théorie attributionnelle interpersonnelle
Nous venons de le voir, le domaine d’origine de la théorie attributionnelle de Weiner
(1979; 1985a) est l’étude des déterminants du comportement dans les situations de recherche
de performance. Dans ces situations, les affects et les attentes générés par l’attribution à une
cause particulière de la réussite ou de l’échec entraîneraient des conséquences au niveau de la
magnitude, de la direction et de la persistance des comportements de recherche de
performances (C. A. Anderson et al., 1996; C. A. Anderson & Weiner, 1992; Dell-Dolan &
Anderson, 1999; Weiner, 1972, 1979, 1985a, 2000, 2005). En ce sens, la théorie
attributionnelle propose une explication de niveau intra-individuel de la motivation et du
comportement individuel face aux situations de réalisation (Doise, 1982, 1983; Hewstone,
1989). Mais, d’après les tenants de cette approche, l’étude des conséquences de la perception
des causes pourrait également permettre de mieux comprendre d’autres phénomènes sociaux
relativement éloignés de la motivation à la performance. Le modèle attributionnel serait en
mesure de rendre compte des processus motivationnels interpersonnels à la base d’un certain
nombre de comportements sociaux. Cette hypothèse repose sur l’idée que les mêmes
mécanismes attributionnels pourraient être à l’œuvre dans l’autoperception comme dans
l’hétéroperception. Dans cette perspective, les relations qu’entretiennent les attributions pour
les actions d’autrui ou les renforcements obtenus (par soi ou par autrui) et les émotions, les
expectations et les comportements à l’égard d’autrui pourraient également obéir aux mêmes
règles que celles mises en évidence dans le domaine de la performance (Weiner, 1993, 1995,
1996, 2000).
Sur la base de cet argument, Weiner (1995) propose de généraliser son modèle à
d’autres contextes que les situations de réalisation. Cette généralisation serait permise par la
flexibilité du système taxinomique des causes (Weiner, 1979, 1985a). Cette classification,
dont l’objectif est de dépasser les limitations imposées par la grande diversité des causes, met
en avant, par exemple, que la différence entre les attributions en terme de manque d’effort et
celles en terme de manque d’habileté dans les situations de réalisation est de même nature que
la différence entre les attributions en terme de comportements néfastes (e.g. ivresse) et les
attributions en terme de maladie (e.g. narcolepsie) pour les comportements déviants (e.g.
dormir dans le métro). D’après Weiner (1995; 1996), bien que ces causes soient très
différentes d’un point de vue phénotypique, elles seraient très semblables d’un point de vue
génotypique : même si elles désignent un facteur causal différent, ces causes se
caractériseraient par les mêmes propriétés dimensionnelles. Par exemple, le manque d’effort
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
41
et l’ivresse seraient considérés par la majorité des gens comme internes, contrôlables et
instables. De fait, cette capacité du modèle attributionnel à rendre compte des conséquences
d’attributions très différentes lui permettrait d’être étendu à d’autres situations que les
contextes de réalisation.
Notons toutefois qu’en proposant de généraliser la théorie attributionnelle à d’autres
concepts que celui de l’étude de la motivation à réussir, les théoriciens de cette approche ne
cherchent pas à mettre au point un modèle incluant tous les déterminants du comportement
humain – ceux-ci étant beaucoup trop nombreux pour être incorporés dans un modèle unique
– pas plus qu’ils n’affirment que le comportement est déterminé de façon exclusive par les
attributions causales. Leur objectif est plutôt de mettre en évidence que, dans certains cas, le
comportement peut être l’aboutissement d’une séquence du type cognition(attribution)-
émotion-action et que les attributions causales ne sont qu’un déterminant parmi d’autres
(Weiner, 1995). Notons également que l’extension de la théorie attributionnelle aux relations
interpersonnelles ne se contente pas de généraliser le modèle proposé pour rendre compte des
processus intra-individuels à l’œuvre dans les situations d’accomplissement. Elle intègre
également de nouveaux concepts. C’est notamment le cas lorsqu’elle accorde une place
centrale aux inférences de responsabilité auxquelles elle donne le statut de médiateur principal
des effets des explications causales sur les émotions (Weiner, 1995, 2000).
2.6.1. La théorie attributionnelle interpersonnelle : Structure et organisation
des concepts
Dans le cadre de la théorie attributionnelle interpersonnelle, les concepts d’attribution
de causalité, d’attribution de responsabilité, d’émotion et de comportement sont organisés
dans une chaîne causale qui débuterait par l’apparition d’un événement spécifique. Cet
événement peut être, par exemple, la réussite ou l’échec d’un étudiant à un examen, le malaise
d’un homme dans le métro ou encore la révélation de l’état de santé d’une personne.
L’apparition de cet événement entraînerait, sous certaines conditions (Weiner, 1985b; Wong
& Weiner, 1981), des inférences causales sur son origine, et in fine des inférences de
responsabilité à l’égard de l’acteur. Ces inférences produiraient, à leur tour, des réactions
émotionnelles dirigées vers autrui, orientant elles-mêmes des réponses sociales spécifiques
(comportements, jugements).
2.6.1.1. De l’attribution de causalité à l’inférence de responsabilité
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
42
Bien qu’il soit central dans la théorie attributionnelle interpersonnelle, le concept
d’inférence de responsabilité n’est pourtant pas équivalent à celui d’attribution de causalité.
En effet, bien que dépendantes l’une de l’autre, ces deux notions seraient fondamentalement
distinctes (Fincham & Jaspers, 1980; Mantler, Schellenberg, & Page, 2003; Shaver & Drown,
1986). A propos de l’attribution de causalité, Weiner (1995) propose de distinguer les causes
qui relèveraient de la causalité personnelle et qui désignent comme facteur causal un individu
ou un groupe d’individu – le cas échéant une organisation – de celles qui relèveraient de la
causalité impersonnelle et qui ne feraient pas intervenir des individus (e.g. chance, chute
d’objet). Or, alors que les attributions de causalité concerneraient tout aussi bien la causalité
personnelle que la causalité impersonnelle, les inférences de responsabilité nécessiteraient la
présence d’une causalité personnelle. Ces dernières ne seraient possibles que lorsque les
attributions de causalité désignent comme cause de l’événement une intervention humaine. De
fait, les inférences de responsabilité seraient fondamentalement dépendantes des propriétés de
la cause désignée comme étant à l’origine de l’événement sur la dimension du lieu de
causalité. Si cette cause est externe à la personne, l’inférence de responsabilité ne peut avoir
lieu. En revanche, si elle est interne, l’inférence de responsabilité peut être émise. Pour autant,
si la causalité personnelle est une condition nécessaire à l’inférence de responsabilité, elle
n’est pas une condition suffisante. Des informations additionnelles sur le degré de
contrôlabilité exercé par l’individu sur la cause de l’événement doivent pouvoir être
disponibles. En effet, une personne ne pourrait être jugée responsable d’un événement ou
d’une situation personnelle que si elle peut exercer un contrôle volontaire sur celui-ci ou
celle-ci. Lorsque la cause de l’événement est interne à l’individu mais incontrôlable par celui-
ci, l’inférence de responsabilité ne pourrait pas être émise. A l’inverse, si la cause de
l’événement est interne et contrôlable par ce dernier, alors la personne peut être perçue
comme responsable de l’événement en question.
Pour autant, ne nous méprenons pas, ce n’est pas non plus parce qu’une cause est
perçue comme interne et contrôlable par une personne qu’une inférence de responsabilité est
nécessairement émise à son égard. La prise en compte par le juge de « circonstances
atténuantes » pourrait empêcher la reconnaissance de la responsabilité. Ces circonstances
atténuantes peuvent être des informations concernant la justification de l’acte ou son but (e.g.
la légitime défense), mais également l’incapacité de la personne à comprendre ses propres
actes (e.g. la folie). De telles circonstances, qui peuvent complètement soustraire l’individu
aux inférences de responsabilité, soulignent la difficulté de déterminer dans quelles situations
un acte est émis librement et dans quelles situations il ne l’est pas. De ce point de vue, l’idée
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
43
même de circonstances atténuantes met clairement en évidence que la notion de responsabilité
est intimement liée à celle pour le moins ambiguë de libre arbitre (voir à ce propos
Sappington, 1990).
Autrement dit, la théorie attributionnelle interpersonnelle propose que les inférences
de responsabilité découlent des attributions de causalité. Ces inférences ne seraient possibles
que 1) si l’origine causale de l’événement est attribuée à une cause interne à l’acteur et 2) si
celui-ci peut exercer un contrôle volontaire sur la cause de l’événement, et 3) si aucune
circonstance atténuante ne peut être retenue par le juge. Ces trois étapes peuvent être
modélisées sous la forme d’une série de jugements conditionnels dont la conclusion est la
mise en avant de la responsabilité de la cible du jugement (Weiner, 1995). La figure 1.7.
présente les trois étapes de l’inférence de responsabilité.
Événement
Poursuite du processus
Causalité personnelleCausalité impersonnelle
Cause contrôlableCause incontrôlable
Pas de circonstances atténuantesCirconstances atténuantes
Inférence de responsabilité
Pas responsable
Figure 1.7. Les étapes du processus d’inférence de responsabilité (d'après Weiner, 1995)
Cependant, si la séquence présentée dans la figure 1.7. permet de modéliser les
mécanismes à l’origine de l’inférence de responsabilité, elle ne permet pas de rendre compte
de l’un de ses aspects parmi les plus importants : le fait que l’acte soit intentionnel ou le
résultat d’une négligence (Berndt & Berndt, 1975). Alors que le premier cas entraînerait une
forte inférence de responsabilité due à la présomption de l’existence d’une « intention
coupable » (mens rea), le second aboutirait à une inférence moins prononcée en regard de
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
44
l’absence d’intentionnalité de l’acte accompli (Weiner, 1993). Une telle absence
d’intentionnalité pourrait même parfois empêcher les inférences de responsabilité.
Pour résumer, si la théorie attributionnelle interpersonnelle propose de différencier les
processus attributifs des inférences de responsabilité – les secondes reposant sur les
conclusions des premiers – elle accorde aux inférences de responsabilité le statut de médiateur
central entre les attributions causales et les émotions.
2.6.1.2. Les conséquences émotionnelles des jugements de
responsabilité
Comme nous venons de le voir, la théorie attributionnelle originelle des émotions et de
la motivation de Weiner (1979; 1985a) accorde aux attributions causales le rôle d’antécédents
causaux des émotions. En fonction de la cause désignée comme étant à l’origine de
l’événement, des émotions différenciées seraient ressenties (Russel & McAuley, 1986;
Weiner et al., 1978, 1979). Mais, dans le cadre de la théorie attributionnelle interpersonnelle,
ce rôle est tenu par les inférences de responsabilité, notamment dans le ressenti d’émotions
comme la colère ou la sympathie à l’égard d’autrui.
Fortement ressentie lorsqu’une inférence de responsabilité a été émise concernant un
événement négatif (Averill, 1983; Weiner et al., 1978, 1979), la colère serait « une accusation,
ou un jugement de valeur, qui découle de la croyance qu’une autre personne aurait due ou
aurait pu faire autrement » (Weiner, 1995, p.17). De nombreux travaux ont effectivement mis
en évidence que le ressenti de cette émotion serait fortement dépendant de la perception de la
contrôlabilité par autrui de la cause de l’événement : lorsque la cause de l’événement négatif
est perçue comme contrôlable par l’acteur, les observateurs ressentiraient de la colère à son
égard (C. A. Anderson & Weiner, 1992; Caprara, Pastorelli, & Weiner, 1997; S. Graham,
Doubleday, & Guarino, 1984; S. Graham & Hudley, 1994; S. Graham, Weiner, Cobb, &
Henderson, 2001; S. Graham, Weiner, & Zucker, 1997; Juvonen & Weiner, 1993; Reisenzein,
1986; Reyna & Weiner, 2001; Rudolph, Roesch, Greitemeyer, & Weiner, 2004; Stipek,
Weiner, & Li, 1989; Weiner et al., 1978, 1979; Yirmiya & Weiner, 1986). Selon Rudolph et
al. (2004), cette relation serait indépendante du type culture (individualisme vs.
collectivisme), du type d’échantillon (enfants vs. adultes) et du type de méthodologie
employée (simulation vs. situation réelle). L’activation de la colère aurait pour conséquences
d’aboutir à l’émission de comportement d’agression visant, par exemple, la protection de soi
ou la punition de la personne à l’origine de l’émotion (Rule & Nesdale, 1976; Weiner, 1995,
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
45
1996). Toutefois, si la conception développée par la théorie attributionnelle interpersonnelle
intègre l’émotion de colère comme l’un des médiateurs entre les inférences de responsabilité
et les comportements à l’égard d’autrui, cette approche ne considère pas que seules les
inférences de responsabilité peuvent être à l’origine de cette émotion. En effet, si considérer
une personne comme responsable d’un événement négatif est susceptible de générer de la
colère, d’autres facteurs peuvent également être à l’origine de cette émotion (e.g. douleur,
frustration, voir Berkowitz & Harmon-Jones, 2004; Törestad, 1990). Les inférences de
responsabilité ne sont qu’une cause possible parmi d’autres. Dans le même ordre d’idée, la
théorie attributionnelle interpersonnelle ne considère pas non plus que la colère soit la seule
émotion induite par les inférences de responsabilité. Face à un événement négatif, l’absence
d’inférence de responsabilité à l’égard de l’acteur peut être liée à la sympathie et, le cas
échéant, aux émotions qui lui sont associées (e.g. la pitié, la compassion). De nombreux
travaux ont effectivement mis en évidence l’existence d’un lien entre la contrôlabilité perçue
et ces émotions (Betancourt & Blair, 1992; Caprara et al., 1997; S. Graham et al., 1984; S.
Graham et al., 1997; Juvonen & Weiner, 1993; Reisenzein, 1986; Rudolph et al., 2004; Stipek
et al., 1989; Weiner, 1980a, 1980b). Là encore, cette relation apparaît relativement stable au
travers des cultures, des échantillons et des méthodes employées pour la mesurer (Rudolph et
al., 2004). De la même façon que la colère, la sympathie aurait des conséquences
comportementales spécifiques. Elle conduirait à émettre des comportements prosociaux,
comme des comportements d’aide, ou à réduire l’importance des comportements de punition.
2.6.2. Les domaines d’application de la théorie attributionnelle
interpersonnelle
L’objectif poursuivie par les tenants de cette approche étant de proposer que les
mêmes mécanismes intra-individuels peuvent permettre de rendre compte de comportements
sociaux très divers (Rudolph et al., 2004), de nombreuses recherches ont testé le modèle
proposé dans des domaines variés. Ces domaines concernent les comportements d’aide (Ickes
& Kidd, 1976; Reisenzein, 1986; Schmidt & Weiner, 1988; Weiner, 1980a, 1980b) et
d’agression (Betancourt & Blair, 1992; S. Graham et al., 1997), les réactions à l’égard des
populations stigmatisées (Dijker & Koomen, 2003; Menec & Perry, 1998; Weiner, Perry, &
Magnusson, 1988), les situations de réalisation ainsi que l’étude des stratégies de
communication de la causalité. Toutefois, compte tenu de l’ancrage de cette thèse dans le
domaine éducatif, nous nous limiterons dans les parties qui suivent à la présentation d’études
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
46
portant sur les situations de réalisation et les stratégies de communication de la causalité.
2.6.2.1. Situations de réalisation et jugement social
Le premier champ d’étude des conséquences des explications sur les relations
interpersonnelles à avoir été investie par la théorie attributionnelle interpersonnelle est le
domaine des situations d’accomplissement. En effet, la réussite et l’échec dans des contextes
de performances ne se produisent pas dans un vide social mais, au contraire, dans un
environnement socialement riche incluant, par exemple, les pairs, les enseignants et les
parents. L’objectif de cette approche n’est plus ici de chercher à rendre compte des
conséquences des explications fournies par les élèves sur eux-mêmes. Il s’agit plutôt de
mettre en évidence les effets de l’activité explicative réalisée par des pairs, des parents et des
enseignants sur leurs propres réactions cognitives, émotionnelles et comportementales à la
suite des performances des élèves.
Une des premières recherches en la matière a été réalisée par Weiner et Kukla (1970).
Dans cette étude, ces auteurs ont demandé à des étudiants de se placer en position
d’enseignant et de se prononcer sur le degré de récompense/punition à accorder à des élèves
fictifs connus à partir de leur niveau de performance (cinq niveaux de « excellente » à
« clairement échoué »), leur niveau d’habileté (élevée vs. faible) et les efforts fournis (élevés
vs.faibles). Les résultats ont montré que dans le cas de l’échec, l’élève le moins puni est celui
ayant un niveau d’habileté faible mais connu pour avoir fait des efforts. Inversement, l’élève
le plus puni est celui ayant un niveau d’habileté élevé mais connu pour n’avoir pas fait
d’effort. Dans le cas de la réussite, les élèves qui sont supposés avoir fait des efforts sont plus
récompensés que ceux n’en ayant pas fait. De tels résultats, reproduits à maintes reprises (M.
D. Clark, 1997; M. D. Clark & Artiles, 2000; Georgiou, Christou, Stavrinides, & Panaoura,
2002; Juvonen & Murdock, 1993, 1995; Matteucci & Gosling, 2004), vont dans le sens des
conclusions de la théorie attributionnelle interpersonnelle. Selon Weiner (2003), la situation
de classe peut être assimilée à une cour de justice, dans laquelle les enseignants tiennent le
rôle de juges et les élèves, le rôle d’accusés. Or, les jugements émis par les enseignants à
l’égard de leurs élèves sont tributaires de deux principes fondamentaux. Le premier, le
principe de distribution équitable, stipule que les individus doivent être récompensés
proportionnellement au niveau de performance atteint. Le second principe, basé sur l’éthique
du travail (Spence, 1985; Weber, 1906/1967), met en avant la nécessité morale d’exceller. Ce
principe a pour conséquence de récompenser les individus qui cherchent à atteindre la
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
47
performance et de sanctionner ceux qui s’éloignent de cette voie. Ainsi, de ces deux principes
il ressort que, si le degré de performance atteint par les élèves apparaît comme un paramètre
essentiel dans le jugement porté par l’enseignant, les causes fournies – par le juge et/ou
l’évalué – pour expliquer l’origine de cette performance moduleraient les réactions des
enseignants. Par exemple, leurs réactions seraient extrêmisées lorsque la performance est
attribuée aux efforts fournis par les élèves : une explication en appelant à l’effort maximiserait
les récompenses en cas de réussite (« j’ai réussi parce que j’ai beaucoup travaillé ») alors
qu’elle maximiserait les punitions en cas d’échec (« j’ai échoué parce que je n’ai pas
étudié suffisamment »). Dans le cadre de la théorie attributionnelle interpersonnelle, de tels
conséquences comportementales auraient pour origine le fait que, lorsque la cause de la
performance de l’élève est attribuée à l’effort – qui d’après la typologie proposé par Weiner
(1985a) serait interne et contrôlable –, l’élève se verrait reconnaître sa responsabilité
personnelle dans l’apparition du renforcement. Une telle inférence ne pourrait se faire lorsque
la performance de l’élève est attribuée à son habileté qui, d’après la typologie développée par
Weiner (1985a), serait perçue comme interne mais incontrôlable. En effet, à suivre le
processus décrit dans la figure 1.7., bien que l’habileté permette de recourir à la causalité
personnelle, l’absence de contrôle de l’élève empêcherait l’enseignant de faire une inférence
de responsabilité. De fait, le recours à une explication en terme d’effort ou à une explication
en terme d’habileté pour rendre compte d’une performance donnée aurait des conséquences
émotionnelles chez les enseignants bien différentes. Lorsque la performance est bonne,
l’enseignant éprouverait de la sympathie et peu de colère à l’égard de l’élève qui a fait des
efforts, le considérant comme responsable de cette réussite. De telles émotions auraient pour
conséquence d’amener l’enseignant à fortement récompenser cet élève. A l’inverse, lorsque la
performance est médiocre, l’enseignant ressentirait de la colère et peu de sympathie à l’égard
de l’élève qui n’a pas fait d’effort. Il le tiendrait alors pour responsable de son échec et, en
conséquence, le punirait fortement pour sa faible performance.
Des résultats identiques ont été observés dans d’autres contextes de réalisation. Ainsi
en est-il par exemple dans le milieu professionnel, tant en matière de promotion d’employés
(Struthers, Weiner, & Allred, 1998) que dans le cadre d’interactions entre collègues de travail
(Struthers, Miller, Boudens, & Briggs, 2001). Globalement, lorsque les juges (qu’ils soient
employeurs ou collègues) attribuent la cause de l’événement négatif à un manque d’effort des
personnes jugées, ils éprouvent de la colère à leur égard, peu de sympathie et les sanctionnent
fortement.
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
48
2.6.2.2. Les stratégies de communication des attributions causales
Traditionnellement, l’étude des stratégies de prétexte (excuse giving) s’est centrée sur
le phénomène d’explication des événements négatifs survenus dans le cadre des situations de
réalisation. En effet, dans ce type de contexte, les individus auraient recours
préférentiellement à certaines attributions plutôt que d’autres et ce, afin d’atteindre différents
objectifs. Le premier d’entre eux pourrait consister à permettre aux individus de préserver leur
estime de soi et leur sentiment de contrôle (Bradley, 1978; Mezulis, Abramson, Hyde, &
Hankin, 2004; Snyder & Higgins, 1988). Cependant, d’autres auteurs ont donné des
définitions des stratégies de prétexte beaucoup plus générales (Leary & Kowalsky, 1990).
Dans cette optique, la stratégie de prétexte peut être définie comme « la consciencieuse
supplantation d’une cause par une autre avec le but d’influencer autrui » (Weiner, Figueroa-
Muños, & Kakihara, 1991, p.5). Cette définition met l’accent sur l’aspect interactif de la
stratégie de prétexte puisque celle-ci n’est plus seulement considérée comme une stratégie
d’autoprésentation mais également comme une stratégie de gestion des impressions11. Dans
un contexte public, elle se manifesterait d’une action volontaire engagée par la source de la
communication qui la conduirait à substituer une cause qu’elle considère comme « vraie » au
profit d’une autre qui sera transmise à la cible de la communication. Les objectifs de cette
substitution concerneraient les conséquences des trois dimensions causales de la théorie
attributionnelle (Weiner, 1979, 1985a) : le lieu de causalité, la contrôlabilité et la stabilité. Le
premier serait de préserver l’estime de soi personnelle ou celle d’autrui. Cet objectif serait
atteint en déplaçant l’orientation de la « vraie » cause de l’événement négatif sur le lieu de
causalité du pôle interne vers le pôle externe. Par exemple, Folkes (1982, cité par Weiner,
Figueroa-Muños et al., 1991) a observé que des étudiantes utilisaient des explications externes
à autrui pour justifier leur refus d’un rendez-vous sentimental alors que la cause qu’elles
considéraient comme « vraie » était l’apparence physique de l’homme qui les avait invitées.
Le deuxième objectif des stratégies d’excuses consisterait à prévenir les émotions de colère
que pourrait éprouver autrui à l’égard de la source de la communication, notamment lorsque
le contrat social entre la cible et la source de la communication a été rompu par cette dernière
(Weiner, Figueroa-Muños et al., 1991). La dimension de la contrôlabilité étant liée à
l’inférence de responsabilité et à la production d’émotions de colère lorsqu’elle est couplée
11 D’après Leary et Kowalsky (1990), l’autoprésentation se différencie de la gestion des impressions de par le fait que la seconde notion englobe la première. Alors que l’autoprésentation ne concerne que les phénomènes de perception de soi, la gestion des impressions désigne tous les phénomènes d’altération de la réalité ayant pour objectif d’influencer la perception de soi ou d’autrui.
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
49
avec la causalité personnelle (Weiner, 1995), la source de communication chercherait à
déplacer la cause « vraie » de l’événement négatif du pôle contrôlable vers le pôle
incontrôlable. En utilisant des explications incontrôlables, la source chercherait à échapper à
la responsabilité de l’événement négatif et tenterait ainsi d’empêcher la cible de la
communication d’éprouver des émotions de colère à son égard. Enfin, le troisième objectif
des stratégies d’excuses consisterait à agir sur les expectations d’autrui concernant la
croyance de réapparition dans le temps de l’événement négatif dont la source de la
communication est à l’origine. Pour ce faire, les individus chercheraient à déplacer la cause
« vraie » de l’événement du pôle stable vers le pôle instable de la dimension de la stabilité
(Weiner, Figueroa-Muños et al., 1991). Ainsi, en fonction des différents buts qui les animent,
les individus pourraient modifier l’orientation de la cause « vraie » sur une ou plusieurs
dimensions (Weiner, Figueroa-Muños et al., 1991). Dès lors, on peut se demander si le
recours à des stratégies de communication des explications ne suppose pas, si ces stratégies se
montrent efficaces, que les individus disposent de connaissances naïves concernant les
relations entre attributions, émotions et expectations. Cette idée suppose que les
connaissances dont disposent les individus sur le fonctionnement humain sont, dans une
certaine mesure, correctes et peuvent être en adéquation avec les théories psychologiques
scientifiques (Cacioppo, 2004; Kelley, 1992; Kluger & Tikochinsky, 2001; Weiner, 1995).
Plusieurs recherches ont mis en évidence que les individus semblent bien disposer de telles
connaissances (S. Graham, 1984; Thompson, 1987; Weiner, Amirkhan, Folkes, & Verette,
1987). Par exemple, dans une première étude, Weiner, Amirkhan, Folkes et Verrette (1987)
ont demandé à des étudiants de décrire la dernière fois qu’ils avaient donné une raison pour
rendre compte d’un comportement négatif à l’égard d’autrui (e.g. retard à une convocation,
absence à une fête). Les participants étaient répartis dans deux conditions : soit la raison
communiquée était vraie, soit elle ne l’était pas. La tâche des participants était de décrire
l’événement ainsi que la raison communiquée et dans quelle mesure cette raison avait été crue
par autrui. Dans la condition dans laquelle la raison communiquée était fausse, les participants
devaient également indiquer quelle était la cause cachée. Les résultats obtenus ont révélé que
la majorité des causes cachées sont internes, contrôlables et intentionnelles (e.g. dans le cas de
l’absence à une fête, « je ne voulais pas y aller »). Les causes communiquées sont quant à
elles massivement externes, incontrôlables, et non intentionnelles (e.g. dans le cas de
l’absence à une fête, « ma voiture est tombée en panne »). De plus, les causes cachées sont
décrites par les participants comme particulièrement capables de nuire aux relations
interpersonnelles et à l’image du communiquant. A leurs yeux, elles entraîneraient de grandes
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
50
inférences de responsabilité ainsi que des niveaux de colère élevés. De tels résultats indiquent
donc que les individus disposent de connaissances naïves sur les effets des explications sur les
émotions. Mais sont-ils pour autant capables de mobiliser volontairement de telles
connaissances dans le cadre d’interactions sociales réelles ? Ces connaissances sont-elles en
mesure de produire sur autrui les effets attendus ? Weiner et al. (1987) ont apporté quelques
éléments de réponse en la matière. Pour ce faire, ils ont demandé à des étudiants de participer
à une recherche sur la formation d’impression. Les passations se sont déroulées en binômes.
Le premier participant du binôme était informé qu’il devait travailler avec un autre étudiant
puis se faire une impression sur celui-ci à la fin de la tâche. On l’informait également que la
tâche ne commencerait que lorsque le second participant serait là. Le second participant,
quant à lui, était également informé qu’il s’agissait là d’une tâche de formation d’impression
et qu’il allait devoir jouer un peu la comédie. Dans les faits, il lui était demandé d’arriver avec
un retard de 10 minutes. Dans un premier cas, il ne devait pas expliquer ce retard à l’autre
participant. Dans deux autres cas, il devait expliquer son retard soit par une bonne excuse, soit
par une mauvaise excuse susceptible de provoquer la colère. Dans une dernière condition, il
devait expliquer son retard par une excuse au choix. Les résultats concernant les choix
explicatifs des participants « en retard » ont confirmé ceux obtenus dans l’étude précédente :
les « mauvaises » raisons sont généralement internes, contrôlables et intentionnelles alors que
les « bonnes » sont externes, incontrôlables et non intentionnelles. Ils ont également mis en
évidence que les participants « en retard » qui avaient pour consigne de communiquer une
bonne excuse ou une excuse au choix ont été perçus par leurs collègues plus positivement que
ceux qui devaient communiquer une mauvaise excuse ou pas d’excuse du tout. Ces résultats
révèlent donc que les individus pensent que mettre en avant des causes internes et
contrôlables n’est pas nécessairement une bonne stratégie de communication, bien au
contraire. En revanche, la communication de causes externes et incontrôlables serait plus
adaptée pour rendre compte de leur comportement négatif. De plus, il semble que leur
connaissance naïve des effets des explications causales renverrait, au moins dans une certaine
mesure, à une connaissance effective du modèle attribution-émotion-action puisque les
participants ayant eu recours à ces stratégies spécifiques ont bien produit chez autrui les
réactions émotionnelles et comportementales attendues.
Enfin, les travaux ayant porté sur les stratégies de communication des explications
causales par les élèves dans le cadre des situations de réalisation ont largement mis en
évidence que toutes les explications n’étaient pas choisies de la même façon lorsqu’il
s’agissait de produire une image favorable sur autrui (Juvonen, 1992, 1996, 2000; Juvonen &
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
51
Murdock, 1993, 1995). Dans la plupart de ces études, les participants (de jeunes élèves, des
étudiants) ont été invités à indiquer, parmi plusieurs explications12, celles qu’ils choisiraient
pour expliquer à une cible (un enseignant, un parent ou un pair) l’origine d’une performance à
un examen et ce, qu’il s’agisse d’une réussite ou d’un échec. D’une manière générale, ces
travaux ont montré, de façon très consistante, que les sujets choisissaient préférentiellement
les explications en appelant à l’effort occasionnel pour expliquer leur réussite à un examen à
un enseignant. Inversement, lorsqu’il s’agissait de rendre compte d’un échec, leur choix
s’orientait vers d’autres explications que l’effort, comme par exemple le manque d’habileté.
Pour Juvonen (2000), l’aversion des élèves pour ce type d’explications s’explique par le fait
que les élèves, même très jeunes, savent que les enseignants n’aiment pas ceux qui ont recours
à de telles explications (i.e. au manque d’effort). Comme nous l’avons déjà évoqué, les
explications en terme d’effort auraient pour conséquence d’extrêmiser les réactions des
enseignants face à une performance donnée. De fait, les élèves, mêmes jeunes, seraient tout à
fait capables de mobiliser des stratégies de communication efficaces lorsqu’ils sont engagés
dans des interactions avec leurs enseignants.
Cependant, si expliquer l’origine d’événements négatifs par des explications
permettant de se dédouaner de la responsabilité dans leur apparition peut permettre de
modifier les émotions qu’autrui éprouvent à notre égard et leurs conséquences
comportementales, ce n’est toutefois pas la seule stratégie envisageable. Par exemple, dans
certains cas, mettre en avant (ou reconnaître) sa responsabilité personnelle peut permettre de
produire des effets plus positifs chez autrui que la stratégie de prétexte. Par exemple, Weiner,
Graham, Peter et Zmuidinas (1991) ont mis en évidence que la confession peut être une
stratégie de communication efficace lorsque l’acteur est déjà perçu comme étant à l’origine de
l’événement négatif, lorsque la cause de l’événement est ambiguë ou lorsque les jugements
portés sur lui reposent sur autre chose que la performance (e.g. juger de la moralité de
l’acteur). Dans le domaine de la performance, la communication de certaines attributions peut
également permettre d’atteindre certains objectifs de gestion des impressions spécifiques. Plus
particulièrement, l’effort et l’habileté étant perçus par le sens commun comme étant associés
de façon multiplicative (Heider, 1958, cf. figure 1.2.), l’absence de l’une de ces deux
composantes serait une condition suffisante pour produire l’échec. Or, pour Covington et
Omelich (Covington, 1984; 1979a; 1979b; 1985; Covington, Spratt, & Omelich, 1980),
l’évaluation de soi dans les sociétés occidentales passerait prioritairement par la perception du
12 Souvent au nombre de quatre : effort, habileté, tâche et chance.
Chapitre 1. L’explication des événements quotidiens : Processus et conséquences
52
niveau d’habileté. Dès lors, le fait de se percevoir, ou de penser que l’on est perçu par autrui,
comme ayant un faible niveau d’habileté serait très anxiogène pour les individus. On
comprendrait alors pourquoi les individus chercheraient à éviter que puisse être émise une
attribution en terme de manque d’habileté pour rendre compte de leur échec. Du fait de la
nature compensatoire de la relation entre l’effort et l’habileté, les individus pourraient choisir
de mettre en avant une explication en terme de manque d’effort pour empêcher que ne soit
émise une explication en terme de manque d’habileté pour expliquer l’échec. En mettant en
avant le fait d’échouer par manque d’effort, les individus se protègeraient d’une attribution de
leur échec à leur habileté, cette dernière étant un indicateur de leur valeur personnelle.
Nous l’avons vu, dans ce chapitre, l’explication des événements quotidiens est une
thématique qui a produit de nombreuses recherches depuis plus de 50 ans. Qu’elles abordent
la question de la perception de la causalité sous l’angle des croyances de contrôle ou comme
des attributions causales, les recherches en la matière ont accordé à la distinction entre causes
internes et causes externes un statut particulier. L’engouement des chercheurs pour une telle
distinction en a fait un critère de classification incontournable dans l’étude des explications
causales en général. Mais, nous avons vu également que de nombreux travaux ont mis en
évidence la nécessité de dépasser une telle distinction et que la compréhension tant des
mécanismes intra-individuels que des processus à l’œuvre dans les relations interpersonnelles
semble améliorée par la prise en compte d’autres critères de classification. Pourtant, bien que
ces nombreux travaux aient fortement suscité l’intérêt des chercheurs en psychologie sociale,
force est de constater que la plupart d’entre eux ont abordé la question de la perception de
causalité uniquement d’un point de vue intra-individuel. Or, l’activité explicative n’est pas
seulement le produit de mécanismes cognitifs. Elle est également sous l’influence de facteurs
sociétaux. Tout un ensemble de travaux atteste en effet de l’existence d’une norme sociale de
jugement, la norme d’internalité (Beauvois & Dubois, 1988), qui intervient dans les
productions explicatives des membres des sociétés occidentales libérales. Cette approche
propose une interprétation normative de l’origine d’un certain nombre de distorsions
systématiques observées dans la perception de la causalité. Avant de nous arrêter plus
longuement sur la perspective sociétale de l’activité explicative développée par Beauvois et
Dubois (1988), nous allons revenir dans le chapitre suivant sur quelques uns de ces biais et
erreurs.
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
53
CHAPITRE 2
DE QUELQUES BIAIS ET ERREURS A UNE APPROCHE
NORMATIVE DES EXPLICATIONS CAUSALES
A suivre les théoriciens de l’attribution causale (Heider, 1958; Jones & Davis, 1965;
Kelley, 1967; Weiner, 1985a), l’individu fonctionnerait à la manière d’un scientifique intuitif.
Mais, force est de constater que cette métaphore s’est très rapidement avérée inappropriée.
Dès 1972, Kelley admet que, parfois, les individus semblent émettre des attributions sur la
base de principes cognitifs relativement éloignés du fonctionnement scientifique. Plus
particulièrement, lorsque le temps ou les informations viennent à manquer, les individus ne se
livreraient pas à une analyse causale approfondie mais émettraient des attributions sur la base
de « schémas causaux », des formes de raisonnements raccourcis dont le but serait de
permettre une compréhension rapide de l’événement (Kelley, 1972).
Depuis lors, de nombreux travaux ont effectivement montré que, bien souvent, les
décisions que prennent les individus sont relativement éloignées de la rationalité scientifique.
D’une part, du fait de capacités cognitives limitées, les individus se révèlent être de piètres
utilisateurs de l’information (Hansen, 1980; Higgins, 1996; Higgins & Bargh, 1987;
Kahneman & Tversky, 1973). D’autre part, les décisions prises par les individus semblent être
orientées tant par leurs motivations que par leurs outils cognitifs, le fonctionnement de ces
derniers pouvant d’ailleurs être fortement dépendants de déterminants motivationnels (Kunda,
1987, 1990; Pyszczynski & Greenberg, 1987; Trope & Liberman, 1996). Ces limites à la
rationalité des individus ont entraîné le remplacement de la métaphore du scientifique intuitif
par d’autres, plus en accord avec le fonctionnement cognitif des individus. Par exemple,
Hansen (1980) compare les individus à des « avares cognitifs ». Pour lui, ils procèderaient le
plus souvent à une activité explicative minimale, fonctionnant ainsi selon le principe
d’économie. Lorsqu’ils sont confrontés à un événement, les individus émettraient en premier
lieu une hypothèse sur son origine causale. Puis, face à de nouvelles informations, ils ne
prendraient en compte que celles en accord avec leur hypothèse initiale. Pour d’autres auteurs
(Read, 1987; Read & Miller, 1993), les individus se comporteraient comme des « raconteurs
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
54
d’histoire intuitifs ». Ils sont décrits comme tentant de comprendre les événements en créant,
autour de ces derniers, d’autres événements de façon à former un scénario plausible. Ces
événements supplémentaires seraient obtenus à partir de connaissances préalables (e.g.
scripts, plans). En insérant un événement isolé dans une histoire cohérente et compréhensible,
la construction de scénario permettrait, par exemple, de révéler le sens de l’action d’un acteur
au travers des relations que cette action entretient avec d’autres comportements (de l’acteur
et/ou d’autrui). La construction de ces événements supplémentaires et leur connexion avec
celui à expliquer entraîneraient un grand nombre d’inférences dont le résultat serait une
représentation mentale de la séquence initiale. Cette représentation pourrait être alors utilisée
afin de fournir une explication de l’origine de l’événement.
La métaphore du « scientifique intuitif » a également été mise à mal par la découverte
d’un certain nombre de distorsions systématiques altérant l’objectivité des procédures de
traitement de l’information (Dépret & Filisetti, 2001). L’impact de ces biais et erreurs est
d’ailleurs si important qu’il semble difficile de statuer sur leur nature puisqu’ils apparaissent
« non comme des exceptions, mais comme la règle » (Beauvois, 1984b, p.398). Dans une
première partie, nous évoquerons certains des biais parmi les plus récurrents en matière
d’explication des événements. Dans un premier temps, nous verrons le biais
d’autocomplaisance (Bradley, 1978; Famose & Troadec, 2005; Mezulis et al., 2004; D. T.
Miller & Ross, 1975; Taylor & Brown, 1988) et les différentes approches qui ont tenté d’en
rendre compte. Dans un second temps, nous présenterons deux phénomènes psychologiques
particulièrement récurrents dans l’explication des événements psychologiques : l’erreur
fondamentale d’attribution (Ross, 1977) dans l’explication des comportements et l’illusion de
contrôle dans celle des renforcements (Langer, 1975). L’existence de ces deux biais, qui se
manifestent par une accentuation du poids de l’acteur dans l’origine des événements, nous
amènera à présenter, dans une seconde partie, la théorie de la norme d’internalité (Beauvois,
1984a; Beauvois & Dubois, 1988; Dubois, 1994, 2003b). Cette approche sociocognitive des
explications causales nous permettra d’aborder le phénomène de surestimation du poids de
l’acteur, non plus seulement comme un biais cognitif et/ou motivationnel, mais comme la
manifestation de l’intervention d’une norme sociale spécifique aux sociétés occidentales
libérales, la norme d’internalité. Cette norme valoriserait l’expression d’explications qui
accentuent le poids causal de l’acteur comme facteur causal au détriment des explications qui
mettent en avant des facteurs externes.
1. De quelques biais et erreurs dans l’explication des événements quotidiens
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
55
1.1. Le biais d’autocomplaisance
Depuis les premières recherches portant sur l’attribution causale, de nombreux travaux
ont montré que les individus ont tendance, lorsqu’ils cherchent la cause des événements, à
accentuer leur propre poids causal dans l’origine des événements positifs et à augmenter
l’influence des facteurs environnementaux dans l’origine des événements négatifs. Cette
tendance, appelée biais d’autocomplaisance, se caractérise donc par le fait d’expliquer le
succès par des facteurs internes et l’échec par des facteurs externes. Par exemple, Beckman
(1970, cité par C. A. Anderson et al., 1996) a montré que des participants qui ont enseigné à
des enfants des concepts d’arithmétique ont tendance à s’attribuer la responsabilité de la
performance de l’enfant lorsque celui-ci réussit ultérieurement une tâche d’arithmétique. A
l’inverse, lorsque l’enfant échoue à cette même tâche, les participants ont tendance à attribuer
la cause de l’échec de l’enfant à des causes externes (e.g. la faible motivation de l’enfant, la
situation).
Pour rendre compte des processus sous-jacents à ce phénomène, plusieurs conceptions
se distinguent. Pour certains auteurs (Bradley, 1978; Weiner, 1985a), celui-ci serait déterminé
par des facteurs motivationnels qui entraîneraient une erreur dans les processus d’attribution
causale, les individus influant ainsi sur la perception qu’ils ont d’eux-mêmes et sur l’image
qu’ils donnent à autrui. Pour d’autres auteurs (Ajzen & Fishbein, 1975; D. T. Miller & Ross,
1975; Wetzel, 1982), le biais d’autocomplaisance n’aurait rien d’une erreur, il serait
simplement une conséquence du fonctionnement normal des processus cognitifs mis en œuvre
dans ce type d’activité. Enfin, d’autres auteurs (Kunda, 1987, 1990; Pyszczynski &
Greenberg, 1987), considèrent qu’il est dû à la fois à des facteurs motivationnels et à des
facteurs cognitifs et proposent des modèles intégrant ces deux aspects. Nous rappellerons dans
les parties qui suivent rapidement chacune de ces conceptions.
1.1.1. L’approche motivationnelle du biais d’autocomplaisance
Les premières théories portant sur l’attribution causale ont très tôt postulé l’existence
de facteurs motivationnels dans les processus de recherche de causes. En effet, d’après Heider
(1958), la sélection d’une attribution causale acceptable dépend de deux facteurs : « (1) la
raison doit s’accorder avec les souhaits de la personne et (2) l’élément doit être plausiblement
dérivé de la raison » (p.172). Ainsi, les motivations des individus interviendraient directement
dans les processus d’attribution et pourraient amener à la production d’erreurs
attributionnelles. Pour certains auteurs, le biais d’autocomplaisance serait une conséquence de
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
56
ces facteurs motivationnels. D’après Kelley (1973, cité par D. T. Miller & Ross, 1975), la
tendance des individus à attribuer la cause de la réussite à des facteurs internes et la cause de
l’échec à des facteurs externes serait la manifestation de leur besoin de contrôle. En attribuant
la cause du succès à eux-mêmes et celle de l’échec à des facteurs environnementaux, les
individus conserveraient intact leurs attentes de contrôle. Par l’intermédiaire de ce pattern
explicatif défensif, ils tenteraient de se préserver d’attributions causales néfastes. En effet,
d’après la théorie attributionnelle des émotions et de la motivation (cf. chapitre 1), les
attributions produites par les individus seraient à l’origine du type d’émotions que ceux-ci
éprouvent face aux événements. D’après Weiner et al. (1978; 1979), les affects éprouvés pour
la réussite les plus intimement liés à l’estime personnel (e.g. compétence, fierté) sont
également associés aux attributions internes. Le recours à des causes internes pour expliquer
la réussite provoquerait une augmentation de l’estime de soi alors que l’attribution à des
causes internes pour expliquer l’échec entraînerait une baisse de l’estime de soi (C. A.
Anderson et al., 1996; Bradley, 1978; Weiner, 1985a). Il semble donc que le lien entre
attribution et affect puisse être suffisant pour inciter les individus à modifier leurs attributions
à la suite d’un succès ou d’un échec, cela dans le but d’augmenter ou de maintenir leur estime
de soi. La modification des attributions dans le sens de l’autocomplaisance peut donc être
considérée comme un mécanisme de coping (Chwalisz, Altmaier, & Russel, 1992; Cousson,
Bruchon-Schweitzer, Quintard, Nuissier, & Rascle, 1996; Paulhan, 1992; Skinner, Edge,
Altman, & Sherwood, 2003). Cependant, toutes les situations ne seraient pas susceptibles de
motiver les individus à s’engager dans un style attributif défensif. Le biais
d’autocomplaisance n’apparaîtrait que sous certaines conditions (Bradley, 1978) : (1) lorsque
la performance de l’individu est publique, (2) lorsque l’individu se perçoit comme ayant eu
une grande possibilité de choix au moment de l’action et se sent responsable du renforcement,
(3) lorsque l’individu se trouve dans des situations impliquant fortement son estime de soi, (4)
lorsque l’individu se trouve dans des situations susceptibles de rendre compte de façon
objective de ce qu’il est.
Les théories motivationnelles du biais d’autocomplaisance expliquent donc la
tendance des individus à attribuer à des facteurs internes leurs réussites et leurs échecs à des
facteurs externes, par un besoin d’augmenter l’intensité des affects positifs et d’éviter de
ressentir des affects trop négatifs mais également par un besoin de garder une image positive
d’eux-mêmes. Ces facteurs motivationnels les amèneraient ainsi à commettre des erreurs dans
les attributions qu’ils produisent pour expliquer l’origine des événements. Cependant, et
contrairement à ces premières théories, certains auteurs considèrent que le biais
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
57
d’autocomplaisance n’existe pas en tant que tel mais que l’erreur attributionnelle que font les
individus ne serait que la conséquence rationnelle des processus cognitifs en œuvre dans les
processus d’attribution causale.
1.1.2. L’approche cognitive du biais d’autocomplaisance
Dans un article de 1975, D. T. Miller et Ross émettent l’hypothèse que le biais
d’autocomplaisance ne serait pas imputable à des facteurs motivationnels, mais à des
processus de traitement de l’information. Pour attester de la validité de leur hypothèse, ces
auteurs reprennent la plupart des études attestant de la composante motivationnelle du biais et
réinterprètent les résultats dans une optique de traitement de l’information.
D’après D. T. Miller et Ross (1975), « tandis que les preuves pour les biais
d’autoprotection sont minimes, il y a quelques données consistantes avec le point de vue de
l’autorehaussement de soi. […] l’autorehaussement de soi n’a pas besoin d’être expliqué en
termes motivationnels. […] les sujets ont simplement plus de probabilité de percevoir une
relation entre leurs comportements et les renforcements lorsqu’ils réussissent que lorsqu’ils
échouent. » (p.233). D’après ces auteurs, le biais d’autocomplaisance pourrait être expliqué
par plusieurs facteurs. Deux d’entre eux sont particulièrement intéressants. Le premier repose
sur le constat de l’existence d’une asymétrie entre les expectations des individus concernant la
probabilité d’apparition des renforcements positifs et négatifs : les individus s’attendent plus à
obtenir les premiers que les seconds. De plus, ils auraient également tendance à plus accepter
la responsabilité des événements attendus que celle des événements inattendus. De fait, D. T.
Miller et Ross (1975) émettent l’hypothèse selon laquelle la réussite provoque plus
d’attributions internes que l’échec, le premier événement étant attendu et le second inattendu.
Le second facteur susceptible d’expliquer l’existence du pattern explicatif
autocomplaisant concerne le fait que les individus auraient une conception erronée de la
contingence (D. T. Miller & Ross, 1975). Les individus auraient tendance à associer
principalement le contrôle avec les renforcements désirés. En effet, dans une recherche
concernant la perception des individus de la contingence entre comportements et
renforcements, Jenkins et Ward (1968, cités par D. T. Miller & Ross, 1975) ont montré que le
niveau de contrôle perçu était déterminé, non pas par la contingence réelle entre
comportements et renforcements mais par la fréquence des estimations correctes. L’estimation
du niveau de contrôle serait donc basée sur la fréquence des cas de contingence alors que les
cas de non contingence seraient non informatifs. En transposant ces conclusions dans le cadre
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
58
des processus d’attribution, les exemples positifs de co-occurrence entre la réponse de
l’individu et le renforcement désiré (le succès) induiraient la perception d’un contrôle
personnel. En revanche, les exemples d’absence de co-occurrence seraient non informatifs et
ne produiraient pas d’attributions. En d’autres termes, à cause de leur conception erronée de la
contingence, les individus auraient tendance à percevoir les facteurs internes comme covariant
avec les renforcements positifs alors que les informations concernant la covariation entre leurs
comportements et les renforcements négatifs ne leur apporteraient que très peu
d’informations. Ainsi, pour les renforcements positifs, les individus percevraient le lien entre
leurs comportements et les renforcements qu’ils obtiennent alors qu’ils ne le percevraient pas
pour les renforcements négatifs.
La conception cognitive développée par D. T. Miller et Ross (1975) trouve également
des appuis dans la réinterprétation des processus d’attribution effectuée par Ajzen et Fishbein
(1975) à partir du théorème de Bayes. Ce théorème est une modélisation mathématique des
processus de formation et de révision de croyances lors de la présentation de nouvelles
informations. D’après ces auteurs, « une croyance à propos d’un objet est définie par la
probabilité subjective que l’objet ait l’attribut donné » (Ajzen & Fishbein, 1975, p.261).
Ainsi, pour chaque hypothèse qu’ils émettent concernant l’origine des événements (en
l’occurrence chaque attribution), les individus calculeraient un ratio de probabilité entre la
probabilité que l’hypothèse antérieure soit vraie et la probabilité que l’hypothèse antérieure
soit fausse au regard de l’information nouvelle. Ainsi, le ratio obtenu peut être considéré
comme un index de la diagnosticité de l’information en question. Pour chaque hypothèse (ou
attribution), les individus opèreraient ce calcul de ratio, l’hypothèse ayant le ratio le plus
important étant celle ayant la plus grande probabilité d’être à l’origine de l’événement.
De nombreuses recherches ont montré que le théorème de Bayes était un modèle
correspondant de façon satisfaisante aux processus humains de traitement de l’information
(Ajzen & Fishbein, 1975). Les données concernant la révision des croyances seraient
relativement consistantes avec les prédictions obtenues à partir de ce modèle mathématique.
Appliqué aux processus d’attribution causale, il semblerait bien qu’il puisse rendre compte du
biais d’autocomplaisance d’un point de vue strictement cognitif lorsque l’on prend en compte
différents facteurs : (1) la différence d’expectations des individus entre les renforcements
positifs et négatifs, (2) la différence de perception de covariation entre les renforcements
stables et les renforcements instables, (3) la différence de perception de la covariation entre
les renforcements positifs et négatifs. Par exemple, la prise en compte de la différence
d’expectations entre les renforcements positifs et les renforcements négatifs dans le calcul du
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
59
ratio de probabilité de l’hypothèse (ou attribution) engendre une plus grande probabilité que
l’hypothèse soit vraie pour les attributions internes que pour les attributions externes lorsque
l’individu a de fortes expectations de réussite (Wetzel, 1982).
Au regard de ces différents arguments, il semble donc que l’on puisse interpréter la
tendance des individus à surestimer leur poids causal dans l’origine de leurs réussites et à
minimiser l’impact de leur rôle dans l’origine de leurs échecs du strict point de vue du
traitement de l’information. Cette conception cognitive des biais attributifs a rencontré un vif
succès auprès de la communauté scientifique de l’époque. Ross (1977) préconise même
d’abandonner la conception motivationnelle pour se concentrer sur les facteurs
informationnels et cognitifs qui interviennent dans ces biais.
Au-delà de telles considérations, il faut objectivement reconnaître que l’une et l’autre
de ces positions sont tenables et qu’aucune donnée n’est à même d’invalider totalement l’une
ou l’autre (C. A. Anderson et al., 1996). Un tel statu quo entre l’approche motivationnelle et
l’approche cognitive du biais d’autocomplaisance a abouti à la mise au point de modèle mixte
intégrant ces deux aspects dans un même champ théorique.
1.1.3. L’approche cognitivo-motivationnelle du biais d’autocomplaisance
A la suite des théories motivationnelles et des théories cognitives, d’autres
conceptions prenant en compte ces deux aspects ont émergé. Ces dernières considèrent que le
biais d’autocomplaisance serait dû à la fois à des facteurs motivationnels mais également à
des facteurs cognitifs, ces deux paramètres intervenant à des stades différents des processus
d’attribution causale. D’après Kunda (1987), « l’appareil cognitif est harnaché au service des
fins motivationnelles. Les gens utilisent les mécanismes et processus cognitifs inférentiels
pour arriver aux conclusions qu’ils désirent, mais les forces motivationnelles déterminent
quels processus seront utilisés dans un cas donné et quelles preuves seront prises en
considération » (p.637). Lorsqu’ils sont engagés dans des processus de recherches de causes,
les individus analyseraient les preuves de façon rationnelle. Cependant, ces informations ainsi
que les règles inférentielles destinées à les évaluer seraient soumises à l’influence des
motivations des individus. Les processus cognitifs, comme la recherche en mémoire, seraient
donc soumis aux facteurs motivationnels. Par exemple, la motivation de se voir comme étant
capable d’obtenir le renforcement désiré et d’éviter le renforcement craint peut déclencher
une recherche en mémoire qui activerait seulement les connaissances allant dans le sens de ce
que cherche à savoir l’individu. Les informations et les règles inférentielles allant dans le sens
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
60
inverse des attentes de l’individu resteraient inactives dans ce cas (Kunda, 1987). D’après
Anderson et Slusher (1986), les processus d’attribution s’effectueraient en deux phases
successives. Durant la première phase, l’individu essayerait de définir la cause de l’événement
et la motivation agirait sur le choix des structures cognitives qui seront conservées pour la
phase suivante du processus d’attribution, les autres étant mises de côté. Durant la seconde
phase, les structures sélectionnées seraient traitées de façon logique et la cause ayant le plus
de probabilité d’être correcte serait retenue.
Les approches cognitivo-motivationnelles du biais d’autocomplaisance intègrent donc
les facteurs motivationnels et les facteurs cognitifs dans un même champ théorique, les
structures cognitives étant soumises aux forces motivationnelles. En ce sens, elles ont permis
de dépasser les limites respectives des théories antérieures et ont participé au développement
des connaissances sur le fonctionnement humain. Mais le biais d’autocomplaisance n’est pas
la seule distorsion systématique que l’on ait observée en matière d’explication des
événements. Un autre phénomène particulièrement récurrent a également été observé lorsque
les individus rendent compte de l’origine des événements. Qu’ils expliquent l’origine du
comportement d’autrui ou qu’ils cherchent la cause des renforcements qu’ils obtiennent, les
individus semblent avoir tendance à privilégier les explications qui désignent l’acteur comme
facteur causal. Contrairement au biais d’autocomplaisance, cette accentuation du poids de
l’acteur semble indépendante de la valence des événements expliqués.
1.2. L’accentuation du poids causal de l’acteur dans l’explication des événements
psychologiques
A suivre très globalement les premiers travaux sur l’attribution (Heider, 1958) et sur le
Locus of Control (Dubois, 1987), il ressort que les individus semblent avoir une préférence
marquée pour les explications internes lorsqu’ils rendent compte de l’origine des événements.
Cette préférence, qui se manifesterait par l’intermédiaire de deux biais particulièrement
récurrents dans la littérature psychosociale : d’un côté, l’erreur fondamentale d’attribution
dans le cadre de l’explication des comportements et, de l’autre, l’illusion de contrôle dans le
cadre de l’explication des renforcements. Nous allons revenir sur les travaux ayant étudié ces
deux phénomènes pour avancer ensuite l’idée que ces derniers semblent être davantage le
reflet d’un pattern culturel spécifique aux sociétés occidentales plutôt que la manifestation
d’une tendance inhérente au fonctionnement humain.
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
61
1.2.1. La surestimation du poids causal de l’acteur dans l’explication des
comportements : Une erreur dans la perception sociale
Qu’il soit appelé « erreur fondamentale d’attribution » (Ross, 1977), « biais de
surattribution » (Quattrone, 1982), « dispositionnisme naïf » (Ross & Nisbett, 1991) ou
encore « biais de correspondance » (Gilbert & Malone, 1995), ce phénomène psychologique
peut être considéré comme « le résultat le plus robuste et reproductible de la psychologie
sociale » (Jones, 1990, p.138). Celui-ci se manifeste par la tendance à surestimer le poids
causal des dispositions stables de l’acteur dans la détermination de ses comportements quand
d’autres facteurs tout aussi explicatifs pourraient être également évoqués (e.g. la situation, une
réponse naturelle consensuelle).
La première recherche à avoir mis en évidence l’existence de ce biais a été réalisée par
Jones et Harris (1967). Ces auteurs, ont demandé à des étudiants de lire des essais supposés
écrits par des pairs. Ces essais étaient soit favorables à Fidel Castro, soit a contrario
défavorables à celui-ci. Il était précisé aux participants que les étudiants avaient écrit les
essais soit librement, soit sur les instructions d’un animateur de débat. Les résultats ont
montré que, si les participants pensaient que l’essai reflétait l’attitude réelle de l’étudiant
lorsque celui-ci était supposé écrit librement, ils avaient également tendance à le penser
lorsque l’essai était supposé écrit sous la contrainte. De tels résultats indiquent donc que
même lorsque les individus possèdent des informations sur l’existence de contraintes
situationnelles pouvant expliquer complètement le comportement de l’acteur (i.e. les
instructions de l’animateur), ils continuent de penser que ce comportement reflète bien
l’attitude de l’acteur. Des résultats similaires ont été obtenus par Ross, Amabile et Steinmetz
(1977) en matière de perception de niveau de culture générale. Ces auteurs ont demandé à des
étudiants d’assumer soit le rôle de questionneur soit le rôle de questionné dans une simulation
d’un jeu de questions/réponses. Les étudiants dans le rôle de questionneurs ont été incités à
choisir des questions particulièrement difficiles – mais pas impossibles – à même de mettre en
avant leurs connaissances. Bien entendu, la conséquence directe d’une telle consigne est que
les questionnés sont le plus souvent dans l’incapacité de répondre aux questions qu’on leur
pose. Les résultats obtenus ont révélé que, bien que la position de questionneur ou de
questionné soit déterminée de façon aléatoire, les questionnés considéraient les questionneurs
comme plus cultivés qu’eux. C’est également ce que rapporte un groupe de personnes placé
en position d’observateur. Il semble donc que, là encore, les participants ont négligé de
prendre en compte la situation d’asymétrie entre questionneurs et questionnés dans leurs
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
62
estimations pour considérer que les comportements émis dans cette situation sont le reflet de
ce que sont les gens.
Différentes explications ont été proposées pour rendre compte de ce phénomène
(Gilbert, 1998). Une première explication est que les individus produisent ce biais parce qu’ils
sont motivés à le faire (Heider, 1958; Webster, 1993). Cette motivation trouverait son origine
dans le besoin des individus de contrôler leur environnement et d’accéder aux propriétés
stables d’autrui. La surestimation de l’intervention de ces propriétés stables serait la
conséquence du besoin des individus de les découvrir. Une deuxième explication consiste à
mettre en avant la plus grande saillance du comportement de l’acteur aux yeux des
observateurs en comparaison de celle des contraintes situationnelles. De ce point de vue, le
« comportement en particulier a de telles propriétés saillantes qu’il tend à engloutir le champ
total plutôt que d’être confiné dans sa propre position de stimulus local dont l’interprétation
requière les informations additionnelles du champ environnant » (Heider, 1958, p.54). En
revanche, les contraintes situationnelles ne seraient pas aussi saillantes et seraient souvent
inconnues des observateurs. Pour l’observateur, la surestimation du poids des dispositions de
l’acteur dans la détermination de son comportement serait liée en quelque sorte à la difficulté
à disposer d’informations sur les contraintes de l’environnement (Ross, 1977; Ross & Nisbett,
1991). Une troisième explication concerne la tendance des individus à percevoir leur
environnement conformément à leurs attentes (Heider, 1958). En effet, la confrontation entre
la perception de l’environnement et les attentes des individus aboutit à deux phénomènes. Le
premier, l’assimilation, consiste à diminuer la différence entre la perception et les attentes. Le
second, le contraste, produit une augmentation de ce décalage. De ce point de vue, l’erreur
fondamentale pourrait être la conséquence du phénomène d’assimilation du comportement de
l’acteur aux attentes situationnelles de l’observateur. Cette assimilation aurait pour
conséquence d’amener les observateurs à percevoir le comportement de l’acteur comme plus
conforme aux attentes qu’il ne l’est en réalité. Ainsi, tout en limitant l’importance de l’acteur
dans la détermination de son comportement, les informations situationnelles peuvent dans
certains cas produire cette accentuation (Trope, 1986). Enfin, la quatrième et dernière
explication de ce phénomène concerne la tendance des individus à penser que leur perception
de l’environnement est le reflet objectif de la réalité. En effet, les observateurs peuvent penser
que la situation d’observation dans laquelle ils se trouvent est identique (parce qu’objective) à
celle dans laquelle se trouvent les acteurs. Les observateurs peuvent donc penser que les
acteurs perçoivent la situation de la même façon qu’eux. Une telle perception pourrait
produire chez les observateurs une accentuation du poids de l’acteur puisque aucune pression
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
63
de l’environnement n’est perceptible dans la situation d’observation (Griffin & Ross, 1991).
1.2.2. La surestimation du poids causal de l’acteur dans l’explication des
renforcements : Une fonction adaptative
Outre sa présence dans l’explication des comportements, la tendance des gens à
surestimer le poids causal de l’acteur a également été observée dans le cas de l’explication des
renforcements. Ce phénomène psychologique, bien connu dans la littérature sous le terme
d’« illusion de contrôle », a été mis en évidence expérimentalement par Langer (1975). Cet
auteur définit l’illusion de contrôle comme « une attente quant à la probabilité d’un succès
personnel plus élevée que ne le garantit la probabilité objective » (Langer, 1975, p.313). Dans
son article princeps, Langer (1975) a montré que, dans certains cas, les individus pouvaient se
comporter face à des tâches de hasard (e.g. loterie) comme s’il s’agissait de tâches de
compétences. La distinction entre ces deux types de tâches repose fondamentalement sur
l’existence, pour les tâches de compétence, et la non existence, pour les tâches de hasard,
d’une contingence entre les comportements des individus et les renforcements qu’ils
reçoivent. Cependant, Langer a pu observer que les individus semblent se baser sur d’autres
critères comme, par exemple, l’existence d’une situation de compétition, la possibilité d’un
choix ou encore la familiarité de la tâche13. Pour expliquer le phénomène d’illusion de
contrôle, Langer (1975) avance deux hypothèses principales, l’une d’ordre cognitif, l’autre
d’ordre motivationnel. La première explication repose sur la difficulté, pour les individus, de
séparer ce qui peut être imputable à la compétence et ce qui peut être attribuable à la chance
dans l’origine d’un renforcement. Ces deux facteurs étant très souvent imbriqués dans la
plupart des situations de la vie quotidienne, il serait difficile de distinguer clairement les
tâches dont les renforcements relèvent fortement de la compétence de celles déterminées par
le hasard. La seconde explication proposée par Langer concerne la motivation des individus à
exercer un contrôle sur leur environnement. Souvent mise en avant par les chercheurs
(Lefcourt, 1973), ce besoin de contrôle prendrait une forme extrême dans les situations de
renforcements aléatoires, amenant les individus à croire qu’ils peuvent contrôler le hasard. En
ce sens, « l’illusion de contrôle est l’inverse de l’impuissance apprise » (Langer, 1975, p.325).
Alors que le phénomène d’impuissance apprise (Maier & Seligman, 1976; C. Peterson &
13 La validité des résultats obtenus par Langer est étayée par ceux d’une méta-analyse réalisée par Presson et Benassi (1996) sur 29 études ayant porté sur l’illusion de contrôle. Ces auteurs ont effectivement montré que ce phénomène très robuste se manifestait dans différents types de tâches, dans des situations variées et avait été obtenu par un certain nombre chercheurs différents.
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
64
Seligman, 1984; Swendsen & Blatier, 1996) se manifeste par la perception de l’indépendance
entre les actions et les renforcements, l’illusion de contrôle est caractérisée par la perception
irréaliste de dépendance entre des comportements et des renforcements. De fait, étant donné
les conséquences délétères de l’impuissance apprise sur l’individu, on pourrait s’interroger sur
la dysfonctionnalité de l’illusion de contrôle. Sur ce point, plusieurs auteurs ont avancé
l’hypothèse que cette illusion pouvait avoir des conséquences positives sur les individus. En
effet, pour Lefcourt (1973), « le sentiment de contrôle, l’illusion que l’on peut exercer un
choix personnel, a un rôle positif évident dans le maintien de la vie » (p.424). Dans le même
ordre d’idée, Taylor et Brown (1988; 1994) considèrent que certaines illusions, dont l’illusion
de contrôle, pourraient avoir des conséquences positives sur la santé mentale. Ces conclusions
vont dans le sens de celles émises dans le cadre du Locus of Control (Furnham & Steele,
1993; Rotter, 1966, cf. chapitre 1).
A s’en tenir à ces travaux, il semblerait bien que le fonctionnement de l’individu
s’avère relativement éloigné de celui d’un scientifique intuitif. Qu’ils accentuent l’importance
des dispositions stables des acteurs dans la détermination de leurs comportements ou qu’ils
pensent être en mesure d’exercer du contrôle sur le hasard, les individus semblent fortement
enclins à considérer que l’être humain est central dans la détermination de ce qu’il fait et de ce
qui lui arrive. Mais si les différentes explications que nous venons d’évoquer pour rendre
compte de ces deux phénomènes psychologiques sont en mesure d’expliquer l’origine de cette
croyance, force est de constater que les théories qui les énoncent ont toutes pour particularité
de situer leur origine au niveau intra-individuel. Qu’elles désignent les faiblesses de leurs
processus cognitifs ou encore leur motivation à contrôler leur environnement, ces théories
avancent toutes que la cause du phénomène d’accentuation du poids de l’acteur est à trouver
dans le fonctionnement humain. Pourtant tout un ensemble de travaux a mis en évidence
l’existence de variations interculturelles, tant en matière d’explication des comportements
qu’en matière de contrôle des renforcements.
1.2.3. L’exacerbation de l’internalité : Un syndrome culturel spécifique aux
sociétés occidentales
De nombreux travaux interculturels se sont attachés à mettre en évidence que
l’appartenance des individus à des cultures différentes pouvait engendrer de fortes disparités,
tant au niveau des contenus des systèmes de représentations qu’au niveau du fonctionnement
même des processus cognitifs (Hofstede, 2001; Kitayama, 2002; Markus & Kitayama, 1991;
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
65
Nisbett et al., 2001; Oyserman, Coon, & Kemmelmeier, 2002; Triandis, 1989). En matière
d’explication des comportements, plusieurs résultats supportent l’idée selon laquelle l’erreur
fondamentale d’attribution est, soit plus faible, soit inexistante dans les cultures de l’est de
l’Asie (Choi, Nisbett, & Norenzayan, 1999; Norenzayan & Nisbett, 2000). Par exemple, les
personnes issues de ce type de cultures (e.g. Coréens, Japonais) ont tendance à plus faire
appel aux facteurs contextuels (e.g. rôles, identités sociales, professions) que les personnes
issues des cultures européennes ou américaines lorsqu’elles cherchent à se décrire (Cousins,
1989) ou à décrire autrui (J. G. Miller, 1987). Dans le même ordre d’idée, contrairement aux
membres des sociétés individualistes (Uleman, Hon, Roman, & Moskowitz, 1996; Winter &
Uleman, 1984; Winter, Uleman, & Cunniff, 1985), les personnes issues de cultures
collectivistes ont moins tendance à inférer spontanément des traits de personnalité à partir des
comportements (Newman, 1991, 1993; Zarate, Uleman, & Voils, 2001). Enfin, une telle
variabilité interculturelle se retrouve dans l’activité explicative elle-même. J. G. Miller (1984)
a observé, d’une part, que les Hindous ont plus tendance que les Américains à expliquer les
comportements d’autrui par des explications faisant appel au contexte (e.g. rôles sociaux,
obligations) ; d’autre part, elle a également observé que ces différences sont attribuables à un
processus de socialisation : alors que les enfants américains et hindous apparaissent
relativement similaires dans leurs productions explicatives, seuls les premiers voient leurs
productions d’attributions dispositionnelles augmenter avec l’âge. De même, Morris et Peng
(1994) ont mis en évidence expérimentalement des différences similaires entre Américains et
Chinois : les Américains ont plus tendance que les Chinois à expliquer les événements
sociaux par des facteurs internes. Selon ces auteurs, une telle différence culturelle n’est pas le
reflet d’un artefact expérimental puisqu’elle peut s’observer dans la façon dont les médias des
deux cultures traitent l’information. Par exemple, ils ont observé que, face à des faits divers
relativement similaires (massacre perpétré par un forcené qui se suicide après son acte), les
reporters américains ont tendance à expliquer ce fait divers par des causes internes au
protagoniste alors que les reporters chinois semblent davantage mettre en avant des causes
externes. Cet ensemble de travaux semble donc supporter l’existence de facteurs culturels
dans la façon dont les individus expliquent les comportements.
D’autres travaux en matière de contrôle des renforcements vont globalement dans ce
sens et montrent que ces mêmes facteurs culturels peuvent intervenir sur le rapport
qu’entretiennent les individus envers la notion de contrôle des renforcements. En effet, des
recherches tendent à indiquer que l’importance accordée au contrôle personnel ainsi que les
effets de ce dernier sur les individus sont susceptibles de varier en fonction de la culture
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
66
(Nisbett et al., 2001). C’est ainsi que Yamaguchi, Gelfand, Misuno et Zemba (1997, cités par
Nisbett et al., 2001) ont observé que les Américains de sexe masculin étaient plus optimistes
quant à leur performance à une tâche lorsqu’ils se trouvaient dans une condition dans laquelle
ils disposaient d’un contrôle illusoire sur leur environnement. Toutefois, cette illusion de
contrôle n’avait pas d’effet sur l’optimisme des femmes américaines, pas plus que sur celui
des japonais des deux sexes. De la même façon, Ji, Peng, & Nisbett (2000) ont mis en
évidence que le fait de disposer d’un contrôle personnel sur une tâche R.F.T. (Rod and Frame
Test) amène les américains à être plus confiants dans leur performance d’ajustement que
lorsqu’ils ne disposent pas de contrôle. Cet effet de la perception du contrôle ne se retrouve
pas chez les participants asiatiques.
A l’évidence, il apparaît que les conclusions issues des travaux des courants dominants
de la psychologie sociale occidentale sont à relativiser et à replacer dans les contextes
culturels dans lesquels ces théories ont émergées. Ainsi, des phénomènes que l’on a
considérés comme la manifestation du fonctionnement humain, dans tout ce que cette
conception suppose d’universalisme, s’avère être sous l’influence de fluctuations culturelles
marquées. De tels phénomènes pourraient bien s’avérer être le produit d’un syndrome culturel
temporellement et spatialement situé plutôt que le reflet du fonctionnement individuel et de la
nature humaine. Cette idée est d’ailleurs en accord avec tout un courant de recherches qui
s’est attaché depuis le début des années 80 à mettre en évidence l’impact des facteurs sociaux
sur la production des explications causales. En effet, l’existence de cette tendance
déraisonnable des individus à recourir à l’internalité pour rendre compte des événements ont
amené Beauvois (1984a) a considéré que ces faits psychologiques, bien qu’apparemment
disjoints, pouvaient être les manifestations d’un seul et même phénomène : une préférence
pour l’internalité dans la pensée sociale.
2. Une approche sociocognitive de l’activité explicative : La théorie de la norme d’internalité
Le concept de norme d’internalité est apparu suite à une proposition de Jellison et
Green (1981)14 qui, dans le cadre de l’étude du Locus of Control, ont mis en évidence que les
personnes qui accentuent leur propre poids causal dans l’origine des renforcements font
l’objet d’une valorisation sociale. Pour mettre en évidence l’existence de cette valorisation,
Jellison et Green (1981) ont eu recours à trois méthodes distinctes. Dans une première étude, 14 La première recherche effectuée sur l’idée de l’existence d’une valorisation sociale de l’internalité a été réalisée par Stern et Manifold (1977).
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
67
ils ont demandé à des étudiants de juger un étudiant fictif à partir du nombre de ses choix
internes à une échelle de LOC (ROT I-E, Rotter, 1966). Quatre niveaux d’internalité ont été
présentés aux participants : faible (1 choix interne sur 23 possibles), modéré (13 sur 23), élevé
(20 sur 23) ou très élevé (23 sur 23). Les résultats obtenus ont indiqué que plus les cibles sont
censées avoir choisi de réponses internes, plus elles obtiennent d’approbation sociale. Dans
une deuxième recherche, Jellison et Green ont demandé à des étudiants de répondre deux fois
à la ROT I-E, une première fois en leur nom propre et une seconde fois au nom de l’étudiant
moyen, de façon à voir si l’internalité pouvait être une caractéristique que les participants
pensaient avoir plus que la moyenne des gens. Les résultats ont révélé que les participants se
décrivent comme plus internes que l’étudiant moyen. Enfin, dans une dernière étude, Jellison
et Green ont demandé à des étudiants d’adopter des stratégies d’autoprésentation de façon à
donner soit une bonne image, soit une mauvaise image d’eux-mêmes. Les résultats obtenus
ont révélé que les participants choisissent plus d’explications internes lorsqu’il s’agit de se
faire bien voir que lorsqu’il s’agit de se faire mal voir. Pris dans leur ensemble, ces résultats
attestent que l’échelle de Rotter (Rotter, 1966) est bien porteuse de désirabilité sociale. Ces
auteurs interprètent cette désirabilité comme la manifestation d’une norme sociale, la norme
d’internalité, qui expliquerait l’origine de l’erreur fondamentale d’attribution. Pourtant, si
cette recherche princeps a posé les bases de la théorie de la norme d’internalité, l’approche
proposée par Jellison et Green (1981) se trouve limitée sur plusieurs aspects (Dubois, 1994).
Tout d’abord, celle-ci repose essentiellement sur une confusion entre le domaine de
l’attribution causale et celui du Locus of Control. En effet, alors que leur objectif est de
proposer une interprétation normative de l’erreur fondamentale d’attribution, qui intervient,
rappelons-le, dans l’explication des comportements, ces auteurs utilisent une échelle de LOC
exclusivement dédiée à la mesure des croyances de contrôle des renforcements. Ensuite, s’ils
ont montré que les explications internes étaient bien désirables, Jellison et Green ne
s’interrogent pas sur l’origine de cette désirabilité. Sans doute est-ce parce qu’ils considèrent
tout simplement que les gens apprécient plus les explications internes que les explications
externes. En ce sens, la désirabilité des explications causales serait la conséquence d’une
préférence de type « affectif ». Enfin, ces auteurs ne s’interrogent pas non plus sur les
contextes d’activation de cette norme. Puisque, pour ces auteurs, la désirabilité des
explications internes provient de la préférence des individus pour ces explications, il n’est pas
surprenant qu’ils ne supposent pas l’existence de variations possibles de cette désirabilité en
fonction des contextes sociaux. Ces quelques limites ont été dépassées par les travaux réalisés
sur la norme d’internalité sous l’impulsion de Beauvois et Dubois (1988).
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
68
2.1. La norme d’internalité : Une norme sociale de jugement
La norme d’internalité a été définie par Beauvois et Dubois (1988) comme « la
valorisation sociale des explications des événements psychologiques (comportements et
renforcements) qui accentuent le poids de l’acteur comme facteur causal », (p.301). C’est à
Beauvois (1984a) que l’on doit la généralisation du concept de norme d’internalité à
l’explication des comportements. Ainsi, indépendamment du type d’événements expliqués,
les explications internes seraient plus valorisées que les explications externes. Outre le fait
qu’elle intervient dans l’explication à la fois des comportements et des renforcements, la
théorie de la norme d’internalité suppose également que la valorisation des explications
internes ne dépend pas de la valence des événements expliqués. En ce sens, elle émet des
prédictions différentes de celles émises par d’autres courants comme, par exemple, l’approche
du biais d’autocomplaisance. Alors que ce dernier courant considère que les explications
internes sont préférées pour rendre compte des événements positifs et les explications
externes pour expliquer les événements négatifs, la théorie de la norme d’internalité postule
que, dans les deux cas, les explications internes sont toujours plus valorisées que les
explications externes. Toutefois, plutôt que de supposer que cette valorisation des explications
internes est la manifestation d’une préférence affective, Beauvois et Dubois (Beauvois, 1984a,
1994; Beauvois & Dubois, 1988; Dubois, 1994)ancrent celle-ci dans l’utilité des explications
internes dans le fonctionnement social des sociétés occidentales libérales et plus
particulièrement dans le cadre des pratiques évaluatives.
D’un point de vue théorique, cette approche considère que l’activité explicative des
évènements psychologiques est sous l’influence de critères normatifs. A suivre Dubois
(1994), une norme sociale 1) est toujours l’expression d’un collectif donné, 2) fait l’objet d’un
apprentissage social ou d’une transmission sociale, 3) repose toujours sur une attribution de
valeur, 4) n’est jamais réalisée sous l’effet de contraintes institutionnalisées, 5) est
indépendante de tout critère de vérité. De façon à mieux cerner les implications du concept de
norme sociale, nous allons revenir sur celui-ci dans la partie qui suit (Dubois, 1994, 2003b,
2005b).
2.1.1. Le concept de norme sociale
Le concept de norme sociale est un de ceux que l’on retrouve tout au long de l’histoire
des sciences sociales en général et de la psychologie sociale en particulier. Il a d’ailleurs le
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
69
mérite d’avoir au moins autant suscité l’intérêt des chercheurs que leur perplexité. Si certains
l’ont critiqué pour sa trop grande généralité et ses limites en matière d’opérationnalisation
(Krebs & Miller, 1985), d’autres l’ont considéré comme étant de première importance pour
analyser et comprendre les déterminants du fonctionnement social humain (Aarts &
Dijksterhuis, 2003; Abrams, Marques, Bown, & Henson, 2000; Ajzen, 1987; Berkowitz,
1972; Christensen, Rothgerber, Wood, & Matz, 2004; Cialdini, 2004; Cialdini et al., 2006;
Cialdini, Kallgren, & Reno, 1991; Cialdini, Reno, & Kallgren, 1990; Cialdini & Trost, 1998;
Crandall, Eshleman, & O'Brien, 2002; Dubois, 2003b; Kallgren, Reno, & Cialdini, 2000;
Marques, Abrams, Paez, & Martinez-Taboada, 1998; Postmes, Spears, & Cihangir, 2001).
Cette ambivalence à l’endroit du concept de norme tient sans doute au fait qu’il est
généralement abordé par les chercheurs à partir de deux définitions distinctes, l’une que l’on
peut qualifier de descriptive et l’autre de prescriptive (Cialdini et al., 1990; Dubois, 2003a) et
qu’il peut concerner tant les comportements des individus que leurs jugements et préférences
(Dubois, 1994, 2003a).
2.1.1.1. Normes descriptives et normes prescriptives
Une première acceptation du concept de norme sociale consiste à mettre en avant son
caractère descriptif. Elle pose le concept de norme en tant que mesure statistique de ce que
fait et/ou pense la majorité des personnes qui composent un groupe social donné (Abrams et
al., 2000; Crandall et al., 2002; Durkheim, 1895/1997; Marques et al., 1998). De ce point de
vue, une norme exprime ce qui est « normal » et se définit par l’observation des
comportements et jugements majoritaires au sein d’une population donnée. Ainsi, sont
considérés comme conformes à la norme les comportements et jugements émis par la majorité
des gens. De la même façon, sont considérés comme déviants les comportements et jugements
non émis par cette même majorité. Toutefois, bien qu’elle soit partagée par de nombreux
chercheurs issus de disciplines diverses – en particulier par les sociologues –, une telle
définition descriptive ne prévaut pas dans nombre de travaux en psychologie sociale où l’on
insiste sur l’aspect socialement prescriptif des normes. De ce point de vue, la norme indique,
non pas ce que font les individus, mais ce qu’ils devraient faire, ce qui est attendu d’eux dans
une situation donnée15. C’est en ce sens qu’elle est envisagée comme une prescription sociale.
Pourtant, une telle conception ne doit pas aboutir à assimiler le concept de norme à celui de
loi ou de règle. Plutôt qu’être guidés par l’existence d’une obligation formelle – comme c’est 15 De fait, le contenu normatif identifié à partir d’une conception prescriptive de la norme peut être très différent du contenu normatif observé à partir d’une conception descriptive (Hofstede, 2001).
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
70
le cas pour la loi ou pour la règle –, les comportements et jugements en présence d’une norme
seraient orientés par la désirabilité sociale de ces comportements et jugements. La désirabilité
sociale étant ancrée fondamentalement dans les valeurs16 partagées par un ensemble
d’individus (Hofstede, 2001; Rohan, 2000; Schwartz, 1992; Schwartz & Bilsky, 1987, 1990),
le concept de norme serait de fait chargé de ces valeurs, sans pour autant y être simplement
assimilable. Alors que les valeurs peuvent être considérées comme des buts à atteindre, les
normes ne sont que des moyens d’atteindre ces buts (Dubois, 2003a), des programmes
mentaux visant « le maintien de la stabilité des patterns culturels à travers de nombreuses
générations » (Hofstede, 2001, p.11). Si la distinction entre les conceptions descriptive et
prescriptive du concept de norme permet de mieux cerner la polysémie de cette notion, la
prise en compte de la spécificité des événements auxquels elle s’applique peut également
rendre ce concept plus heuristique. En effet, à la distinction théorique entre norme descriptive
et norme prescriptive peut également s’ajouter celle entre normes de comportement et normes
de jugement.
2.1.1.2. Normes de comportement et normes de jugement
Le concept de norme sociale peut également être spécifié par l’intermédiaire de la
prise en compte de l’objet sur lequel il porte (Dubois, 1994). Sur ce point, on peut distinguer,
d’une part, les normes de comportement qui concernent des conduites spécifiques (e.g.
alimentaires, vestimentaires, professionnelles) et, d’autre part, les normes de jugement qui
concernent des opinions ou des croyances (e.g. d’ordre politique, religieux, esthétique). Outre
le fait qu’elles portent sur des objets différents, ces deux types de normes n’auraient pas les
mêmes conséquences, notamment en ce qui concerne les réactions suscitées par l’adhésion ou
à la non adhésion des individus (Testé, 2003). Par exemple, si en matière de comportements,
la conformité n’implique pas forcément l’obtention de récompenses, la déviance est quant à
elle largement sanctionnée. En matière de normes de jugement, les conséquences de
l’adhésion normative sont bien différentes. En particulier, si la non adhésion à ces normes
n’entraîne pas nécessairement de sanctions négatives, la mise en avant d’un pattern de
réponses normatif a pour conséquence d’entraîner une attribution de valeur. De ce point de
16 Il convient ici de bien distinguer le concept de « valeurs » de celui de « valeur ». En effet, alors que le premier terme désigne à « un but à atteindre par les membres d’un collectif social et basé sur leurs motivations » (Beauvois, 2003a, p.251), la valeur désigne quant à elle « une propriété d’un événement, objet, ou personne qui, dans un collectif social particulier et en situations de comparaison, amène un événement, objet ou personne donnée à être préféré à un autre par les membres de ce collectif » (Beauvois, 2003a, p.251).
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
71
vue, il convient de bien distinguer le phénomène de conformité/déviance, plus spécifique aux
normes de comportement de celui de normativité, plus spécifique aux normes de jugement.
Alors que le premier renvoie au rejet ou à l’acceptation de l’individu par le groupe, le second
renvoie à une attribution de valeur aux individus (Testé, 2003).
La norme d’internalité, parce qu’elle porte sur la valorisation sociale d’un type
particulier d’explications qui accentue le poids causal de l’acteur (les explications internes),
appartient à la catégorie des normes sociales de jugement.
2.1.2. La norme d’internalité et les pratiques évaluatives : l’utilité sociale des
explications internes
S’il est une problématique centrale dans l’étude des normes sociales, c’est bien la
question de leur origine. Sur ce point, plusieurs perspectives sont envisageables (Cialdini &
Trost, 1998). Pour certains auteurs (Opp, 1982, 2001), les normes sociales sont arbitraires et
émergent parce qu’elles sont valorisées ou renforcées dans une culture donnée. Pour d’autres
(Cialdini & Trost, 1998; Lehman, Chiu, & Schaller, 2004), elles portent fondamentalement
sur des objets définis sur la base d’impératifs biologiques ou sociaux. C’est dans cette seconde
perspective qu’on peut situer la théorie de la norme d’internalité. En effet, à suivre ses
théoriciens, la norme d’internalité n’est pas un phénomène culturel aléatoire mais est ancrée
dans les pratiques sociales évaluatives et est indissociable de l’exercice du pouvoir tel qu’il
s’exerce dans les sociétés occidentales démocratiques et libérales (Beauvois, 1984b, 1994,
2005). Elle serait l’une des manifestation d’un pattern culturel spécifique aux sociétés
occidentales libérales : l’individualisme (Beauvois, 2003b, 2005; Dubois, 2004; Dubois &
Beauvois, 2002, 2005)17. La préférence des individus pour les explications internes serait
donc la conséquence d’un phénomène d’imprégnation culturelle. Au contact des systèmes
socio-éducatifs (e.g. école, formation pour adultes), les individus adhéreraient au modèle
individualiste dominant. Une telle conception est étayée par de nombreux travaux qui ont mis
en évidence l’influence de la variable sociétale individualisme/collectivisme sur les processus
attributifs (Choi et al., 1999; Oyserman et al., 2002). Comme nous l’avons évoqué
précédemment, des recherches ont effectivement montré que, comparativement à celles issues
de cultures collectivistes (e.g. Chine, Russie), les personnes issues de cultures individualistes
(e.g. Angleterre, Etats-Unis) avaient tendance à expliquer préférentiellement les événements 17 D’après Beauvois (2003b), les différentes facettes du syndrome individualiste sont l’internalité, l’autosuffisance, l’individualisme au sens restreint, l’ancrage individuel et la contractualité.
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
72
quotidiens par des explications internes (Little, Oettingen, Stetsenko, & Baltes, 1995; J. G.
Miller, 1984; Morris & Peng, 1994; Newman, 1993; Zarate et al., 2001). Pourtant, la théorie
de la norme d’internalité – comme l’approche sociocognitive des normes sociales en général
(Dubois, 2003b) – n’est pas en soi une approche interculturelle. En effet, « plutôt que de
comparer différentes normes de différents univers sociétaux, [l’approche sociocognitive des
normes sociales] s’efforce d’étudier les normes sociales d’un seul et même univers, à savoir le
nôtre, pour les relier aux priorités qui définissent comment notre système social fonctionne,
pour tester leur acquisition par les enfants et les élèves immergés dans cet univers social, et
pour saisir leur impact psychologique sur les jugements sociaux des adultes et les pratiques
évaluatives, ainsi que sur les processus cognitifs en général » (Dubois & Beauvois, 2003,
p.231). La préoccupation principale des tenants de la norme d’internalité n’est donc pas de
chercher à comparer les cultures entre elles mais plutôt de comprendre comment le système
social des sociétés occidentales et libérales influence l’émission d’explications causales. En ce
sens, la théorie de la norme d’internalité propose une explication de type sociétal de la
production explicative (Doise, 1982, 1983, 2004). De plus, cette approche propose une
explication de l’origine de la valeur des explications internes en ancrant celle-ci dans les
nécessités imposées par le fonctionnement sociétal des sociétés individualistes. Parce qu’elles
désignent l’acteur comme étant la cause des événements et non l’environnement, les
explications internes permettraient l’exercice du pouvoir dans les sociétés libérales. En effet,
d’après Beauvois et Le Poultier (1986), « ce qui différencie les premiers [énoncés de type
interne] des seconds [énoncés de type externe], c’est qu’ils sont impliqués par l’exercice du
pouvoir et de l’activité évaluative lorsque celle-ci, comme il en est pour un chef ou pour un
enseignant, repose sur un principe de rotation du personnel ou, si on préfère, de substituabilité
virtuelle des agents sociaux » (p.106). De par son action sur les choix explicatifs des
individus, la norme d’internalité aurait une fonction sociale : favoriser la distribution des
renforcements sociaux. Sans l’accentuation du poids causal de l’acteur qu’elle engendre, les
évaluateurs seraient dans l’incapacité de pouvoir différencier les individus et donc de les
évaluer. La norme d’internalité leur permettrait ainsi d’affirmer que les actions des gens sont
le reflet de ce qu’ils sont et donc de ce qu’ils valent (Beauvois & Le Poultier, 1986). En
participant au fonctionnement social des sociétés libérales, les explications causales internes
seraient socialement utiles (Beauvois, 1994; Beauvois & Le Poultier, 1986; Curie, 1995;
Dubois, 1994, 1998). Leur utilité tiendrait justement dans « l’assimilation de la connaissance
personnologique a) de l’évaluation des personnes (ce qu’elles valent, leur utilité) et b) du
diagnostique psychologique concernant ces personnes (ce qu’elles sont en tant qu’hommes et
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
73
femmes) » (Beauvois, 1994, p.60). Ainsi, le fait que les personnes issues des classes
dominantes (e.g. cadres) soient plus internes que d’autres tiendrait au fait que les membres de
ces classes sont « rompus aux pratiques évaluatives auxquelles ils sont confrontés depuis
longtemps en position et d’évalués et d’évaluateurs » (Dubois, 1994, p.164). Le recours aux
explications internes serait recherché par les évaluateurs comme la preuve de l’adhésion des
individus aux idéaux psychologiques libéraux qui prônent, entre autres valeurs, la
différenciation sociale entre soi et autrui, l’indépendance émotionnelle, l’affirmation de soi et
l’autosuffisance (Beauvois, 2003b; Loose, 2001; Sampson, 1977). En adhérant à la norme
d’internalité, les individus apparaîtraient aux yeux des évaluateurs comme des gens « biens »
issus des classes dominantes et dont l’accession aux positions de pouvoir serait favorisée par
ces derniers, eux-mêmes issus pour la plupart de ces mêmes classes. La norme d’internalité
participerait à la reproduction idéologique des sociétés libérales (Beauvois, 1994, 1995; Curie,
1995) par l’intermédiaire du biais de sélection normative (Beauvois, 2003a). De ce point de
vue, la réussite sociale des « internes » ne s’expliquerait pas par leurs personnalités qui les
amènent à émettre des comportements adaptés ou de réussite, comme le suppose la théorie du
Locus of Control, mais serait la conséquence de l’adhésion de ces personnes à la norme
d’internalité (Beauvois, 1994). C’est là une caractéristique particulièrement intéressante de la
théorie de la norme d’internalité. La conception qu’elle développe de l’origine de la valeur
des explications internes tend à la faire correspondre à la description que fait Boudon (1999)
des théories sceptiques causalistes. Selon cet auteur, ces théories considèrent que les
croyances normatives sont causées, non pas par des raisons – comme le pensent les individus
eux-mêmes – mais par des facteurs biologiques, psychologiques ou sociologiques. Le fait que
les individus pensent que ces croyances normatives sont fondées sur des raisons (e.g. recruter
une personne interne parce qu’on pense que les internes sont compétents) serait la
conséquence d’une illusion dont l’origine serait à trouver dans la notion de « fausse
conscience »18. En ce sens, la théorie de la norme d’internalité apparaît, sous certains aspects,
comme une théorie fonctionnaliste d’inspiration marxienne19 (pour quelques illustrations des
18 D’après Boudon (1999), pour certains courants de pensée – comme le marxiste –, la notion de « fausse conscience » renvoie à l’idée que « la conscience est fausse par construction […], comme il ne peut exister de certitudes objectivement fondées, tout sentiment de certitude, étant illusoire, témoigne de la fausse conscience du sujet » (p.42). 19 En effet, « pour Marx, les croyances normatives sont le reflet déformé des intérêts de classes. Il développe, lui aussi, une théorie de caractère fonctionnaliste : selon cette théorie, les croyances s’expliquent par leur fonction : promouvoir les intérêts sociaux de ceux qui les endossent. […] Pourquoi cette fausse conscience ? La réponse donnée à cette question par les théories des croyances de caractère fonctionnaliste est en général que la « fausse conscience », en éliminant le doute de l’esprit du sujet, consolide des croyances « utiles ». La « fausse conscience » s’expliquerait donc, elle aussi, par sa fonction : renforcer les convictions du sujet » (Boudon, 1999, p.45-46).
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
74
relations entre marxisme et psychologie, voir Augoustinos, 1999; Dobles, 1999; Foster, 1999;
Ibanez, 1994; Lane, 1999; Osterkamp, 1999).
Ces remarques ne sauraient nous faire oublier que l’objectif poursuivi par les tenants
de la norme d’internalité n’est pas si habituel puisqu’il s’agit de mettre en évidence l’impact
des nécessités du fonctionnement social sur les productions explicatives. En regard de la
spécificité de ce champ d’étude, les auteurs s’inscrivant dans cette approche se sont vu
contraints de mettre au point des critères de validité et de méthodes adaptés à leur objet
d’étude.
2.2. Les méthodes d’étude de la norme d’internalité
2.2.1. La mesure de la norme d’internalité
Si la mesure des phénomènes normatifs peut prendre bien des formes (e.g. observation
sur le terrain, mesures en laboratoire), en matière de normes sociales de jugement (Dubois,
2003b), la méthode la plus utilisée est le recours à un questionnaire. Une des raisons
principales est que ce format offre un cadre standardisé dans lequel un certain nombre de
variables vont pouvoir être contrôlées. Mais, contrairement aux outils destinés à mesurer des
variables de personnalité dans la production explicative (e.g. le style explicatif dans le
domaine de l’attribution causale, les croyances de contrôle dans le domaine du Locus of
Control), ceux développés dans le cadre de l’étude des normes sociales de jugement et en
particulier de la norme d’internalité, ne cherchent pas à mettre en évidence l’existence d’un
syndrome psychologique spécifique permettant de différencier les individus. Ces outils
cherchent plutôt à rendre compte de l’existence d’un système de croyances normatif au sein
des sociétés occidentales individualistes. Dès lors, de par la nature sociétale de l’objet étudié,
il apparaît que les méthodes traditionnelles de validation d’outils de mesure ne sont pas des
plus adaptées. Si les méthodes traditionnelles consistent à s’assurer de la fiabilité et de la
validité des outils de mesure (Cronbach & Meehl, 1955; John & Benet-Martinez, 2000;
Messick, 1995), une telle démarche peut s’avérer peu pertinente étant donné que la rationalité
de ces normes est à trouver dans le fonctionnement social plus que dans les mécanismes
cognitifs des individus (Dubois, 1997; Jouffre, 2003b). Leur spécificité en tant qu’objet
d’étude implique de recourir à d’autres critères de validation. En l’occurrence, l’approche
sociocognitive des normes sociales considère que les effets induits par le questionnaire
peuvent être diagnostiques de la capacité de l’outil en question à mettre en évidence un
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
75
phénomène normatif. Ainsi, en matière d’explications causales, un questionnaire d’internalité
peut être considéré comme valide s’il induit les effets habituellement produits par d’autres
questionnaires en fonction des trois paradigmes traditionnellement utilisés dans l’étude de la
norme d’internalité : le paradigme d’autoprésentation, le paradigme de l’identification et le
paradigme des juges (Gilibert & Cambon, 2003; Jellison & Green, 1981).
De nombreux questionnaires ont vu le jour depuis les premières recherches sur la
norme d’internalité. Parmi les outils les plus utilisés (cf. Dubois, 1997; Jouffre, 2003b), on
peut citer le QI-E (Dubois & Tarquinio, 1997) adapté à une population d’étudiants, le QIAL
(Bertone, Delmas, Py, & Somat, 1989) et le questionnaire d’internalité pour élèves scolarisés
en primaire (Dubois, 1994) adapté à une population d’élèves, ou encore le QIST (Pansu,
1994) adapté aux situations de travail. Sur un plan opérationnel, ces outils se doivent
d’embrasser l’ensemble des domaines dans lesquels cette norme est censée avoir de
l’influence. Un questionnaire d’internalité est généralement construit autour de la
manipulation de plusieurs variables en accord avec la définition proposée par Beauvois et
Dubois (1988) de la norme d’internalité. L’une d’entre elles est le type d’événements. La
norme d’internalité étant supposée rendre compte de la valorisation sociale des explications
internes pour les comportements et pour les renforcements (Beauvois & Dubois, 1988), les
événements proposés sont, le plus souvent, pour la moitié d’entre eux des comportements et,
pour l’autre moitié, des renforcements. Une deuxième variable souvent manipulée dans les
questionnaires d’internalité est la valence des événements psychologiques. En effet, rappelons
que la théorie de la norme d’internalité suppose que la valeur des explications internes est
indépendante de la valence des événements. Que les événements soient positifs ou négatifs,
les explications internes sont censées être porteuses de valeur. De fait, les travaux ayant
cherché à tester cette hypothèse ont donc eu recours à des questionnaires proposant des
événements de valence positive et d’autres de valence négative. Une troisième variable
également souvent manipulée concerne la personne impliquée par les événements à expliquer.
Cette personne peut être soit le participant lui-même soit une ou plusieurs autres personnes.
L’intérêt de l’utilisation de cette différenciation soi/autrui est qu’elle peut permettre de mettre
en évidence des patterns de réponses différents en fonction de la personne qui explique les
événements. Enfin, la quatrième variable fréquemment manipulée dans les questionnaires
d’internalité est le domaine d’occurrences des événements proposés. Ces domaines renvoient
le plus souvent aux différentes sphères de la vie des participants et ont trait à la vie
professionnelle, scolaire ou familiale. Outre ces quelques variables, les questionnaires
d’internalité peuvent varier également en fonction du format de réponses qu’ils proposent aux
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
76
participants. Trois formats de réponses sont particulièrement utilisés. Le premier, le choix
forcé, consiste à demander aux participants de choisir une et une seule réponse parmi celles
proposées pour expliquer l’événement. Un score d’internalité est calculé sur la base du
nombre d’explications internes choisis. Le deuxième, le format de type likert, consiste à
demander aux participants d’indiquer leur degré d’accord avec chacune des explications
proposées sur des échelles en plusieurs points. Dans ce cas, un score d’internalité est calculé
en faisant la moyenne des scores obtenus par les explications internes. Un troisième format,
moins courant que les deux précédents, consiste à demander aux participants de classer les
différentes explications proposées en fonction de leur préférence. Un score d’internalité est
alors calculé à partir de la moyenne des rangs obtenus par les explications internes. Enfin, un
dernier critère concerne le nombre et le type d’explications proposées aux participants pour
expliquer les différents événements présents dans le questionnaire. Ainsi le nombre
d’explications peut varier de deux (une explication interne et une externe par événement) à
quatre (deux internes et deux externes). Le type d’explications manipulées peut également
varier en fonction des questionnaires, soit à partir de critères dimensionnels (e.g.
interne/externe, stable/instable), soit sur la base de critères catégoriels (e.g. trait, intention,
effort, but, circonstances, chance, autrui). Nous reviendrons ultérieurement sur ce point qui est
central dans cette thèse.
2.2.2. Les paradigmes de l’approche sociocognitive de l’internalité
L’approche sociocognitive de l’internalité est basée sur des résultats empiriques
obtenus à partir de trois paradigmes : le paradigme d’autoprésentation, le paradigme de
l’identification et le paradigme des juges (Dubois, 1994; Gilibert & Cambon, 2003; Jellison &
Green, 1981). Ces différentes méthodes ayant fait l’objet d’un nombre conséquent de
présentation (Dubois, 1994; Gilibert & Cambon, 2003), nous ne les aborderons que de façon
succincte.
Le premier paradigme utilisé dans l’étude de la norme d’internalité est le paradigme
d’autoprésentation. Sur un plan opérationnel, il consiste de demander aux participants de
répondre à un questionnaire d’internalité sous différentes consignes : une consigne standard
qui leur demande de répondre de la façon qui les caractérise habituellement, une consigne
pronormative qui les invite à répondre de façon à donner une bonne image d’eux-mêmes et
enfin une consigne contre normative qui leur demande de chercher à donner une mauvaise
image d’eux-mêmes. La cible de la communication peut être un parent (Dubois, 1988c), un
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
77
enseignant (Bressoux & Pansu, 2001a; Dubois, 1988c, 2000; Py & Somat, 1991, 1996), ou un
employeur potentiel (Dubois & Beauvois, 2005). Notons que, bien souvent, les résultats
obtenus en consigne standard et ceux obtenus en consigne pronormative sont très proches,
voire dans certains cas identiques (Bressoux & Pansu, 2003, sous presse; Jouffre, Py, &
Somat, 2001), laissant ainsi entendre que les participants ont tendance à adopter spontanément
une stratégie d’autoprésentation positive (Gilibert & Cambon, 2003).
Le paradigme de l’identification est la deuxième méthode d’étude de la norme
d’internalité. Dans sa version la plus usuelle, il consiste à demander aux participants de
répondre à un questionnaire en leur nom propre mais également au nom d’une autre personne,
souvent caractérisée par sa valeur sociale (e.g. répondre à la place d’un bon élève vs. d’un
mauvais élève, à la place d’un cadre vs. d’un employé). Les résultats généralement obtenus
indiquent que les réponses socialement valorisées (i.e. les explications internes) sont
préférentiellement associées aux personnes de haut statut (e.g. les bons élèves, les cadres). Le
paradigme de l’identification est également mobilisé dans l’étude de la valeur sociale de
l’internalité appliquée aux relations intergroupes (Beauvois, Gilibert, Pansu, & Abdelaoui,
1998; Dubois & Beauvois, 1996; Dubois, Beauvois, Gilibert, & Zentner, 2000; Pansu,
Tarquinio, & Gilibert, 2005).
Le troisième paradigme, le paradigme des juges, permet de vérifier que les
explications qui sont tenues pour normatives (i.e. les explications internes) sont effectivement
porteuses de valeur dans les faits. Il consiste à demander aux participants de juger des
personnes connues par leurs réponses à un questionnaire d’internalité et qui peuvent être
caractérisées, soit par leur degré d’internalité (Beauvois & Le Poultier, 1986; Dubois & Le
Poultier, 1991; Jellison & Green, 1981; Pansu, 1997b), soit par un pattern explicatif
spécifique (Dubois, 1994, 2000)20. Le type de jugements portés peut également donné lieu à
des variations en fonction des études. Ceux-ci peuvent prendre la forme d’attribution de traits
à partir desquels un indice global de positivité est calculé (Jellison & Green, 1981; Stern &
Manifold, 1977), de jugements sur la valeur professionnelle (Beauvois et al., 1991; Luminet,
1996; Pansu, 1997b) ou scolaire (Dubois & Le Poultier, 1991; Tarquinio & Tarquinio, 2001).
Enfin, une dernière méthode peut être évoquée bien qu’elle n’ait pas été aussi souvent
utilisée que les trois autres. Cette méthode, que l’on peut désigner sous le terme de
« paradigme écologique », a été développée par Bressoux et Pansu (1998; 2001a; 2001b;
20 Les stratégies présentées sont le plus souvent au nombre de quatre : interne (indépendamment de la valence des événements), externe (indépendamment de la valence des événements), auto-complaisant (interne pour les événements positifs et externe pour les événements négatifs) et modeste (externe pour les événements positifs et interne pour les événements négatifs
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
78
2003) pour étudier, en autres, l’impact de la norme d’internalité sur le jugement scolaire en
contexte naturel de classe. Elle consiste à mettre en relation, par l’intermédiaire de modèles de
régression, les jugements des enseignants sur la valeur scolaire de leurs élèves (e.g. français,
mathématiques) avec les réponses des élèves à un questionnaire d’internalité, soit en consigne
standard (Bressoux & Pansu, 1998), soit sous les trois consignes du paradigme
d’autoprésentation (Bressoux & Pansu, 2001a). Une variante du paradigme écologique étant
utilisée dans certaines des études présentées dans cette thèse, nous reviendrons sur cette
méthode ultérieurement (cf. chapitre 4).
2.3. Des résultats en faveur de l’existence d’une norme d’internalité
A la suite de la recherche menée par Jellison et Green (1981), de nombreux travaux
sont venus soutenir l’hypothèse de l’existence d’une norme d’internalité. D’une part, les
chercheurs ont testé les différentes hypothèses qui découlent de la définition donnée par
Beauvois et Dubois (1988). D’autre part, ils ont cherché à montrer que l’acquisition de
l’internalité était le résultat d’un apprentissage social et non la conséquence du
développement de compétences cognitives.
2.3.1. La valeur sociale des explications causales internes
Les recherches sur la norme d’internalité ont tout d’abord eu pour objectif de vérifier
certaines des hypothèses issues de la définition proposée par Beauvois et Dubois (1988).
Rappelons que cette définition insiste sur le fait que les explications internes seraient
valorisées pour rendre compte des comportements comme des renforcements. Or, si les
travaux menés par Jellison et Green (1981) ont mis en évidence que les explications internes
étaient bien valorisées dans l’explication des renforcements, il restait néanmoins aux tenants
de la théorie de la norme d’internalité à montrer que le même constat pouvait être fait en
matière de comportements. La première recherche ayant porté sur l’explication de ce type
d’événements a été réalisée par Beauvois et Le Poultier (1986). A partir du paradigme
d’autoprésentation (étude 1), ces auteurs ont mis en évidence que les explications internes
sont choisies par des étudiants pour se faire bien voir (consigne pronormative) plutôt que pour
se faire mal voir (consigne contre normative). A partir du paradigme des juges (étude 2), ils
ont également montré que des assistantes sociales émettent des pronostics de réinsertion plus
favorables à l’égard de cas sociaux mobilisant des explications internes plutôt qu’externes. De
tels résultats ont été répliqués par Beauvois et al. (1991) dans le milieu professionnel. Ces
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
79
auteurs ont observé que des salariés fictifs, connus pour avoir expliquer des comportements
de façon très interne, étaient jugés plus favorablement que d’autres qui avaient répondu de
façon moyennement interne ou de façon externe. Enfin, à partir du paradigme de
l’identification, Dubois (1991) a observé que des élèves de 8 à 16 ans attribuent plus de
réponses internes à un « bon élève » ou à « un élève qu’on aime bien » qu’à « un mauvais
élève » ou « un élève qu’on n’aime pas » lorsqu’ils devaient répondre en son nom à un
questionnaire d’internalité. Au regard de ces résultats, il semble donc que les conclusions
émises par Jellison et Green peuvent être étendues à l’explication des comportements. Les
explications internes, qu’elles rendent compte des renforcements comme des comportements
sont bien socialement désirables.
Néanmoins, au-delà du fait de considérer que la valeur des explications internes serait
indépendante du registre événementiel considéré (comportements vs. renforcements),
rappelons que la théorie de la norme d’internalité postule également que cette valeur serait
indépendante de la valence des événements. Tout un ensemble de travaux a donc cherché à
montrer que les explications internes étaient plus valorisées que les explications externes, que
les événements expliqués soient positifs ou négatifs. Plusieurs études réalisées à partir du
paradigme d’autoprésentation vont dans ce sens. En effet, il semble que l’une des stratégies
préférées des participants pour produire une image positive d’eux-mêmes consiste à mobiliser
des explications internes et ce, indépendamment de la valence des événements. A l’inverse,
lorsqu’ils cherchent à donner une mauvaise image d’eux-mêmes, les participants dirigent
préférentiellement leur choix vers les explications externes (Dubois, 1988c, 1994, 2000;
Pansu & Gilibert, 2002; Py & Somat, 1991). Toutefois, notons que, si la stratégie interne –
pour les événements positifs et négatifs – est l’une des plus fréquentes, elle n’est pas
forcément celle vers laquelle les participants se tournent le plus souvent (Gilibert & Cambon,
2003). En effet, plusieurs recherches ont mis en évidence que les individus choisissent très
fréquemment de se présenter de façon autocomplaisante (Bradley, 1978; Dubois, 1994, 2000;
D. T. Miller & Ross, 1975; Weary, 1979; Weary & Arkin, 1981; Zuckerman, 1979).
Toutefois, comme le note Dubois (1994; 2000), le choix d’une telle stratégie peut être guidé
par autre chose que la normativité des explications causales. En effet, certaines explications
peuvent être désirables pour d’autres raisons que leur normativité. Parce qu’il s’ancre
préférentiellement dans la désirabilité, le paradigme d’autoprésentation ne peut pas permettre
à lui seul de statuer sur la normativité des explications causales. Le fait que les individus
adoptent une stratégie d’autoprésentation pour se faire bien voir n’implique pas forcément que
cette stratégie soit en mesure d’influencer positivement le jugement des évaluateurs. Afin de
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
80
déterminer l’impact respectif des différentes stratégies d’autoprésentation possibles sur le
jugement social, Dubois (2000) a réalisé une série de trois études auprès d’étudiants, de
lycéens et d’enseignants. Dans les deux premières études, les participants (étude 1 : étudiants ;
étude 2 : lycéens) ont été invités, dans un premier temps, à répondre à un questionnaire
d’internalité en situation d’autoprésentation. Puis, dans un second temps, placés en situation
de juge, ils ont dû émettre un jugement de pronostic de réussite (scolaire ou universitaire) à
l’égard de quatre cibles qui se différenciaient les unes des autres sur leurs stratégies de
réponses (interne, autocomplaisante, modeste ou externe). Les résultats de ces deux études ont
révélé que les participants ne jugent pas plus favorablement les cibles qui ont mobilisé une
stratégie d’autoprésentation similaire à la leur. Quelle que soit la stratégie qu’ils ont eux-
mêmes choisie, les participants jugent plus favorablement les cibles internes. Les résultats
d’une troisième étude supportent également cette dernière conclusion : placés dans le
paradigme des juges, des enseignants considèrent qu’un élève interne a plus de chances de
réussir son cursus que d’autres connus pour avoir mobilisé une stratégie autocomplaisante,
modeste et externe. De fait, si, lorsqu’ils s’autoprésentent, les individus peuvent choisir de
mettre en avant différentes stratégies (e.g. interne, autocomplaisante, externe), ils semblent
émettre systématiquement des jugements plus favorables à l’égard des individus qui ont eu
recours à la stratégie interne (indépendamment de la valence des événements) et ce, quelle
que soit la stratégie qu’eux-mêmes ont mis en place. Dubois (2000) explique un tel décalage
par la spécificité des paradigmes mobilisés. Alors que le paradigme d’autoprésentation
inciterait les participants à mettre en place une stratégie basée sur un registre affectif
« permettant d’être assimilés à une « gentille fille » ou à un « gentil garçon » (Dubois, 2000,
p.179), le paradigme des juges focaliserait les mêmes participants sur l’aspect normatif des
réponses des cibles, les incitant ainsi à préférer la cible interne. Selon Dubois (2000), ces deux
registres de réponses seraient la manifestation de l’activation de deux différents aspects de
valeur : la désirabilité et l’utilité (Beauvois, 1995). Ainsi, le paradigme d’autoprésentation
s’ancrerait dans la désirabilité et le paradigme des juges dans l’utilité. Nous reviendrons
ultérieurement sur ces deux notions (cf. chapitres 4 et 5).
Nous l’avons vu, il semble que la stratégie la plus adaptée pour se faire bien voir par
autrui est de mettre en avant des explications internes, indépendamment de la valence des
événements. De nombreuses recherches ont effectivement montré, de façon très consistante,
que les personnes exprimant un pattern explicatif interne font l’objet d’une valorisation
sociale marquée, que ce soit dans des contextes scolaires (Bressoux & Pansu, 1998, 2001a; B.
Dompnier, Pansu, & Bressoux, 2006; Dubois, 1991; Dubois & Le Poultier, 1991; Tarquinio &
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
81
Tarquinio, 2001) ou professionnels (Beauvois et al., 1991; Castra, 1995; Desrumeaux, 2005;
Desrumeaux-Zagrodnicki, Masclet, Poignet, & Sterckeman, 2000; Louche, 1998; Louche,
Papet, & Pansu, 2001; Luminet, 1996; Pansu, 1997a, 1997b; Pansu & Gilibert, 2002). Il
semble donc que les évaluateurs se basent sur l’internalité autant que sur d’autres critères pour
juger de la valeur des personnes. Cet effet de l’internalité sur le jugement est d’autant plus
intéressant qu’il se maintient même en présence d’informations sur les performances
effectives des individus. C’est d’ailleurs ce qu’ont observé Dubois et Le Poultier (1991) en
matière de jugement scolaire. Ces auteurs ont demandé à des enseignants d’émettre un
pronostic concernant le passage d’élèves de CM2 dans la classe supérieure (en 6e). Pour
porter leur jugement, les enseignants avaient à leur disposition plusieurs informations
concernant les élèves fictifs. D’une part, ils disposaient des résultats scolaires des élèves
(faible vs. moyen-faible) et du niveau socio-économique de leur famille (bas vs. élevé).
D’autre part, ils disposaient de leurs réponses à un questionnaire d’internalité. L’internalité
des élèves était manipulée de façon à ce que l’élève apparaisse soit massivement interne, soit
massivement externe. Les résultats de cette étude ont révélé que les élèves internes sont jugés
plus positivement que les externes et ce, même lorsque les enseignants disposent
d’informations objectives sur leur niveau scolaire effectif. Des résultats similaires ont été
obtenus par Pansu (1997b) en situation de recrutement. Dans cette étude, des cadres d’une
entreprise multinationale ont été invités à comparer deux salariés postulant au même emploi et
se différenciant, d’une part, sur leur niveau de performance (très performant vs. moyennement
performant) et, d’autre part, sur leurs réponses à un questionnaire d’internalité (interne vs.
externe). Les résultats ont montré que si l’interne très performant est le candidat le mieux jugé
et l’externe moyennement performant le moins bien jugé, l’interne moyennement performant
est aussi bien jugé que l’externe très performant. Ainsi, que ce soit dans le cas du jugement de
la valeur scolaire ou dans celui du jugement sur la valeur professionnelle, il apparaît que
l’internalité n’intervient pas seulement comme palliatif d’un manque d’informations mais est
également un critère d’évaluation à part entière. De plus, le biais de positivité de l’internalité
se manifeste également lorsque les cibles sont de « vrais » individus et avec lesquels les juges
disposent d’informations multiples obtenues à la suite d’interactions réelles. C’est ainsi que,
dans deux études réalisées à partir du « paradigme écologique », Bressoux et Pansu (1998;
2001a) ont mis en évidence que l’internalité des élèves, mesurée à partir de leurs réponses
spontanées, est positivement reliée au jugement que leurs enseignants respectifs portent sur
eux, même lorsque l’on contrôle, entre autres, les performances scolaires effectives de ces
élèves. Ainsi, à performances scolaires identiques, plus les élèves ont recours spontanément à
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
82
des explications internes lorsqu’ils répondent à un questionnaire d’internalité, plus leurs
enseignants les jugent favorablement (voir pour revue Bressoux & Pansu, 2003; Pansu &
Bressoux, 2004; Pansu, Bressoux, Leonesoi, & Mezière, 2000)21.
Pris dans leur ensemble, les résultats des études réalisées par les tenants de l’approche
sociocognitive de l’internalité semblent bien supporter l’hypothèse de l’existence d’une
norme d’internalité. L’internalité apparaît donc valorisée indépendamment du type
d’événements expliqués et de la valence de ces derniers.
2.3.2. L’acquisition de la norme d’internalité
Parallèlement à ces recherches, les chercheurs s’inscrivant dans le courant de
l’approche sociocognitive de l’internalité ont cherché à mettre en évidence que l’acquisition
de l’internalité était le résultat d’un processus de socialisation. En effet, contrairement aux
présupposés des théoriciens du LOC, l’hypothèse de l’existence d’une norme d’internalité
intervenant dans les préférences explicatives des individus des sociétés occidentales libérales
implique que l’acquisition du registre explicatif interne dépend plus d’un principe de
transmission normative que de la maturation des processus cognitifs. De cette conception
normative de l’internalité découlent quatre hypothèses principales que les chercheurs
s’inscrivant de ce courant ont cherché à tester empiriquement (Dubois, 1994, 2001; Dubois et
al., 2003).
Une première hypothèse concerne le fait que la norme d’internalité interviendrait dans
l’explication des renforcements comme dans celle des comportements. Si l’acquisition de
l’internalité est effectivement la conséquence de l’apprentissage par les enfants de la valeur
des explications internes et ce, pour rendre compte de ces deux types d’événements, elle
devrait être sous-tendue par le même mécanisme d’apprentissage. Deux recherches vont dans
le sens de cette hypothèse. La première (Dubois, Schneider, & Villemin, 1988, cités par
Dubois, 1994) indique que les élèves de CE1 ont en moyenne un score d’internalité plus élevé
que les élèves de CP. La seconde (Dubois et Martin, 1989, cités par Dubois, 1994) indique
que les élèves de CM1 ont en moyenne un score global d’internalité plus élevé que celui des
élèves de CE2. Si ces résultats corroborent ceux obtenus dans le cadre des travaux sur le
LOC, à savoir une augmentation de l’internalité avec l’âge, ils indiquent également que cette
21 A noter que la relation linéaire entre l’internalité des élèves en consigne standard et le jugement des enseignants n’a été observée que dans une des deux études (Bressoux & Pansu, 1998). Dans la seconde, cette relation est apparue, non pas linéaire, mais quadratique : les élèves les mieux jugés étaient ceux les plus internes et ceux les plus externes (Bressoux & Pansu, 2001a).
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
83
augmentation est relativement indépendante du type d’événements expliqués (comportements
ou renforcements), de leur valence (positive ou négative) et du type de situations (école,
famille ou loisirs). Il semble donc que l’acquisition de l’internalité en matière de
comportements comme de renforcements se fasse en parallèle, au moins jusqu’à la fin du
cycle primaire, laissant ainsi supposer l’existence d’un même mécanisme à l’origine de cette
augmentation.
Une deuxième hypothèse concerne le mécanisme responsable de l’augmentation de
l’internalité avec l’âge. En effet, bien que l’acquisition de l’internalité soit dans une certaine
mesure dépendante de l’âge, pour les tenants de l’approche sociocognitive de l’internalité,
cette dépendance ne serait pas la conséquence de l’augmentation des capacités cognitives des
élèves, mais plutôt la manifestation de l’accentuation de la pression normative exercée par les
enseignants sur les élèves les plus âgés. Cela amène à supposer que les élèves devraient se
montrer très internes lorsqu’ils sont les plus âgés de leur école (CM2) mais devraient
exprimer moins d’internalité lorsqu’ils redeviennent les plus jeunes dans un autre
établissement (6ème). Une étude réalisée par Dubois (1988a) auprès d’élèves de CE2, CM2,
6ème, 5ème, 4ème et 3ème a mis en évidence l’existence d’un tel pattern de résultats. En effet, bien
que les élèves de CE2 obtiennent un score d’internalité plus faible que ceux de CM2 –
indépendamment du type d’événements expliqués, de leur valence ainsi que du type de
situations – les élèves de 6ème obtiennent un score d’internalité plus faible que ces derniers, en
particulier en ce qui concerne les renforcements. A partir de cette classe, le pattern de résultats
semble légèrement différent en fonction du type d’événements. Alors que les élèves de 6ème
répondent de façon moins interne que ceux de 3ème en matière d’explication des
comportements (avec une légère stagnation pour les élèves de 5ème et de 4ème), ces élèves sont
plus internes que leurs aînés en matière d’explication des renforcements.
Une troisième hypothèse découle de l’ancrage de la norme d’internalité dans les
pratiques évaluatives (Beauvois, 1984a, 1994; Dubois, 1987, 1994). A suivre les théoriciens
de la norme d’internalité, son apprentissage transiterait par la fréquentation des dispositifs
socio-éducatifs comme le système scolaire, les institutions de réinsertion et les formations
pour adultes (Beauvois & Le Poultier, 1986; Dubois, 1988a, 1988b; Dubois & Trognon,
1989). Cet apprentissage s’effectuerait lors de la confrontation des individus aux situations
d’évaluation durant lesquelles ils apprendraient la valeur des explications internes. Un des
objectifs des tenants de la conception normative de l’internalité a donc été de montrer que de
tels dispositifs éducatifs étaient propices à l’acquisition de la normativité et à la production de
réponses normatives. C’est ainsi que Beauvois et Le Poultier (1986) ont montré que la prise
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
84
en charge de jeunes en difficultés par des éducateurs dans le cadre de centres spécialisés a
pour conséquence d’augmenter de façon significative leur niveau d’internalité. Un constat
similaire a par la suite été fait auprès de populations d’adultes. Plusieurs recherches (Dubois,
1988a; Dubois & Trognon, 1989) ont effectivement montré que la fréquentation de dispositifs
de formation pour adultes a pour conséquences d’augmenter l’internalité des stagiaires.
Parallèlement, dans le cadre scolaire, Jouffre (2003a) a observé, à partir de productions
explicatives spontanées, que des élèves scolarisés du CE1 à la classe de 3ème produisent à
mesure qu’ils avancent dans leur cursus, plus d’explications internes lorsqu’ils doivent
expliquer des événements scolaires plutôt que non scolaires. Ces résultats semblent donc
indiquer que les dispositifs socio-éducatifs, qu’ils soient dirigés vers des populations d’adultes
ou d’enfants, semblent favoriser la transmission de la normativité des explications internes.
Enfin, une quatrième hypothèse résulte du rôle essentiel accordé à l’école dans la
transmission de la norme d’internalité. Si, comme le supposent les tenants de cette approche,
les enseignants sont les vecteurs privilégiés de l’apprentissage de la normativité, les élèves
devraient particulièrement recourir aux réponses internes lorsqu’ils cherchent à se faire bien
voir de ces derniers et ce, de façon plus marquée que lorsqu’ils cherchent à se faire bien voir
de leurs parents ou de leurs pairs. Une telle hypothèse a trouvé quelques supports empiriques
dans une recherche menée par Dubois (1988c). Cet auteur a effectivement observé que des
élèves âgés de 8 à 16 ans choisissent plus d’explications internes lorsqu’ils doivent se faire
bien voir lorsque la cible de la communication est leur enseignant plutôt que leurs parents.
Tout un ensemble de résultats convergents tend donc à indiquer que le recours à
l’internalité pour expliquer les comportements et les renforcements résulte d’un processus
d’apprentissage qui se réalise par l’intermédiaire des dispositifs éducatifs. De telles
conclusions vont dans le sens d’une interprétation normative de l’internalité et plaident en
faveur d’un processus de socialisation par l’intermédiaire duquel la norme d’internalité serait
intériorisée.
Depuis plus de 25 ans, tout un ensemble de travaux tend à indiquer que l’activité
explicative est sous l’influence d’une norme sociale de jugement, la norme d’internalité, qui
valorise l’expression des explications internes au détriment des explications externes. Pris
dans leur ensemble, ces résultats font de cette norme celle qui a obtenu le plus grand nombre
de résultats convergents parmi l’ensemble des normes sociales de jugement (Gilibert &
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
85
Cambon, 2003)22.
2.4. L’existence d’une variabilité de valeur au sein du registre interne
Nous venons de le voir, de nombreuses recherches ont montré qu’il existait une norme
sociale de jugement, la norme d’internalité, qui intervient dans les productions explicatives.
L’ensemble des résultats accumulés depuis 25 ans tend à faire de la théorie de la norme
d’internalité une théorie « forte » dont la validité n’est que très peu remise en question dans la
littérature. Mais force est de constater que cette approche normative des explications causales
repose explicitement sur le postulat que la distinction interne/externe est un critère
fondamental pour étudier la normativité des explications causales. Une telle interrogation
n’est pas nouvelle puisqu’on peut la faire remonter aux premiers écrits sur la norme
d’internalité. Comme le souligne Beauvois (1987b), « ce critère s’il n’est pas très efficient
pour classer des explications ordinaires ou pour décrire le processus d’inférence, reste un
critère absolument fondamental pour une approche normative de ces explications et
inférences » (p.119). Dans le même ordre d’idée, Dubois (1994) énonce que « non seulement
la mise en relief de cette dichotomie [causalité interne/causalité externe] apparaît pertinente,
mais elle semble bien correspondre à la situation la plus appropriée à l’étude d’une norme : la
norme d’internalité » (p.48). D’après ces auteurs, le critère interne/externe est donc une
distinction nécessaire pour étudier la normativité des explications causales. Pour autant, peut-
on considérer qu’il s’agit là d’un critère suffisant ? Les remarques issues d’autres courants de
recherche – comme par exemple la théorie attributionnelle des émotions et de la motivation –
peuvent-elles aider à la compréhension de l’étude de la normativité des explications causales ?
Rappelons que cette dernière théorie a proposé d’adjoindre à la distinction interne/externe
d’autres critères de façon à permettre une meilleure analyse des effets des explications
causales sur les individus (e.g. stabilité, contrôlabilité). L’extension de cette approche aux
situations d’interactions sociales (Weiner, 1995, 1996, 2000, 2005) tend d’ailleurs à indiquer
que la prise en compte de ces critères supplémentaires peut être un élément crucial dans la
compréhension des effets des explications causales dans les relations interpersonnelles (cf.
22 La théorie de la norme d’internalité a également donné lieu à plusieurs extensions dans lesquelles les chercheurs se sont interrogés, par exemple, sur l’impact de la valeur des explications internes sur le traitement cognitif des énoncés explicatifs (Channouf, 1991; Channouf, Py, & Somat, 1999; Le Floch, Py, & Somat, 2002; Le Floch & Somat, 2003), ou encore sur l’existence de différences interindividuelles en matière de connaissance de la norme d’internalité (i.e. la clairvoyance normative, voir Channouf, Py, & Somat, 1995; Guingouain, 2001; Jouffre, 2003a; Jouffre et al., 2001; Py & Ginet, 2003; Py & Somat, 1991, 1996; Somat & Vazel, 1999). Cependant, ces extensions n’étant pas directement en rapport avec la thématique de cette thèse, nous ne les présenteront pas plus ici.
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
86
chapitre 1).
Une telle interrogation nous semble d’autant plus importante que, dans certains écrits,
les théoriciens de la norme d’internalité laissent entendre que toutes les explications internes
n’ont pas la même valeur. En effet, la théorie de la norme d’internalité postule que les
explications internes sont socialement utiles. De par leurs propriétés intrinsèques, elles
permettent la distribution des renforcements sociaux. Mais parmi toutes les explications
internes, certaines seraient plus à même de permettre l’évaluation. En particulier, parce
qu’elles renvoient directement aux propriétés stables des individus, les explications
internes/stables en terme de trait de personnalité permettraient de recourir directement à la
personnologie et au modèle des différences individuelles (Beauvois, 1976, 1984a, 1987a,
1994; Pansu & Beauvois, 2004). Pour Beauvois (1982), « dès l’instant où les attributions
internes reposent sur l’inférence de causes stables, elles mobilisent les TIP. En effet, faire une
attribution interne dans ce cas, c’est rendre compte de la conduite observée par une
disposition permanente, autrement dit par un trait » (p.527). Ce type d’explications serait
d’ailleurs « le summum de l’internalité » (Beauvois, 1994, p.76). Sur ce point, il semble
également que les interrogations des tenants de la théorie de la norme d’internalité concernant
la distinction interne/externe transparaissent dans certains des outils créés pour étudier la
norme d’internalité. Par exemple, l’un des premiers questionnaires d’internalité publié, le
QIAL (Bertone et al., 1989) intègre quatre types d’explications causales à partir du croisement
du lieu de causalité (interne/externe) et de la stabilité (stable/instable). De la même façon, le
questionnaire destiné à une population d’étudiants créé par Dubois et Tarquinio (1997)
propose également quatre explications par événement sur la base de l’opposition
interne/externe et de la distinction stable/instable. Ces quelques arguments laissent donc sous-
entendre que l’existence de différences de valeur au sein du registre interne est une
problématique présente à l’esprit des tenants de la théorie de la norme d’internalité, d’autant
que plusieurs recherches empiriques ont visé à mettre en évidence que toutes les explications
internes ne sont pas porteuses de valeur au même niveau. Le tableau 2.1. présente une
synthèse de ces recherches.
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
87
Tableau 2.1. Synthèse de 6 recherches publiées ayant dépassé la seule distinction interne/externe dans l’étude de la valeur des explications
Etude Participants Lieu Tâche Résultats
Beauvois & Le Poultier
(1986) Etude 1
30 exécutants, 30 cadres
fonctionnels et 30 cadres
hiérarchiques
Lieux publics
Répondre à un questionnaire d’attribution (comportements et émotions). Types d’explications : - 2 internes : trait vs intention - 2 externes : stimulus vs circonstances
Les exécutants donnent moins de réponses internes que les cadres. Les cadres préfèrent les explications en terme de trait aux explications en terme d’intention. L’inverse étant observé pour les exécutants lorsqu’ils choisissent des explications internes.
Beauvois et al. (1991),
Etude 3
128 salariés d'organisations variées (50% hommes, 50% femmes ; 50 %
cadres, 50% exécutants).
Local ad hoc de
l'entreprise
Evaluer 2 questionnaires d'attribution supposés remplis par des salariés (masculins vs féminins) soit de manière interne-trait soit de manière interne-intention. Les participants devaient attribuer un pronostic de réussite professionnelle aux salariés fictifs.
Les explications internes en terme de trait sont globalement plus appréciées que les explications internes évoquant des causes intentionnelles. Cette valorisation n’est le fait que des cadres.
Castra (1998) Etude 1
80 professionnels de l’insertion et 70 étudiants en
Sciences de l’Education
Université
Pronostic à émettre sur les chances de réussir son insertion sociale et professionnelle pour un sujet cible en situation d’échec présenté comme externe, interne-trait ou interne-intention.
L’interne-intention bénéficie d’un pronostic plus favorable que les deux autres. Pas de différence significative entre interne-trait et externe.
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
88
Tableau 2.1. Suite
Etude Participants Lieu Tâche Résultats
Clémence et al. (1996) Etude 2
310 élèves de cycle primaire (CP à CM2)
Classes des élèves
Répondre spontanément à un questionnaire composé de 16 renforcements en mathématiques et en dessin, de valence positive et négative Les élèves devaient indiquer, pour chaque item le degré d’importance (de 1 à 5) qu’ils accordent à chacune des 4 explications proposées : - Effort (interne/instable) - Habileté (interne/stable) - Tâche (externe/stable) - Chance (externe/instable)
En général, l’effort est perçu comme plus important que l’habileté. L’importance accordée à l’effort reste stable avec l’âge. L’importance accordée aux facteurs externes (tâche et chance), et dans une certaine mesure à l’habileté diminue avec l’âge. La stabilité de l’importance accordée à l’effort explique l’accentuation du recours à l’internalité avec l’âge.
Desrumeaux-Zagrodnicki
& Rainis (2000)
26 recruteurs professionnels
Cabinets privés et agences d'intérim
Un 1er groupe de recruteurs évalue des profils de candidats : interne-trait faible aptitude, interne-trait aptitude élevée, externe faible aptitude, externe aptitude élevée. Un 2ème groupe évalue des profils de candidats : interne-intention faible aptitude, interne-intention aptitude élevée, externe faible aptitude, externe aptitude élevée. Les participants devaient : 1. attribuer un pronostic de "recrutabilité" aux candidats. 2. classer les candidats par ordre de préférence. 3. évaluer l'importance attribuée à chaque critère de décision.
Effets de l'internalité-intention et de l'aptitude sur le pronostic de "recrutabilité" et sur le classement.
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
89
Tableau 2.1. Suite
Etude Participants Lieu Tâche Résultats
Pansu & Gilibert (2002) Etude 1
29 managers Entreprise
Répondre à un questionnaire d’internalité composé - Pour les comportements : 2 internes (trait
vs intention) vs 2 externes - Pour les renforcements : 2 internes (effort
vs trait) et 2 externes. - 2 groupes de participants Groupe 1 : consigne pronormative Groupe 2 : consigne contre normative
Consigne pronormative : - Intention < trait pour les comportements
positifs - Effort > trait pour les renforcements
positifs Consigne contre normative : - Intention > trait pour les comportements
positifs
Pansu & Gilibert (2002) Etude 2
80 managers Entreprise
Evaluer 2 profils de candidats pour un poste à responsabilité à partir de 2 bilans d’activités (bon vs moyen/faible) et d'un extrait d'entretien orienté interne (trait ou effort) vs externe. Les participants doivent attribuer un pronostic de "recrutabilité" aux candidats.
Les candidats internes font l'objet des jugements les plus favorables et a fortiori
lorsqu'ils avancent des explications internes en terme d'effort comportemental.
Pansu & Gilibert (2002) Etude 3
70 salariés Enquête
2 groupes de participants sont constitués. Dans le groupe 1 : Les participants doivent juger 3 cibles internes ayant répondu à questionnaire d’internalité (renforcement uniquement : effort, trait, but) Dans le groupe 2 : Les participants doivent juger 3 cibles externes ayant répondu au questionnaire d’internalité (renforcement uniquement : situation, autrui, chance)
Pour le registre interne : Effort > intention > trait
Pour le registre externe :
Situation > Pouvoir d’autrui = Chance
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
90
Tableau 2.1. Suite
Etude Participants Lieu Tâche Résultats
Pansu & Gilibert (2002) Etude 4
105 salariés Enquête
4 groupes de participants doivent juger deux profils de candidats : Groupe 1 : profil interne (effort) vs. externe (chance) Groupe 2 : profil interne (trait) vs. externe (chance) Groupe 3 : profil interne (effort) vs. externe (situation) Groupe 4 : profil interne (trait) vs. externe (situation)
Pour les groupes 1, 2 et 3, le profil interne fait l'objet des jugements les plus favorables. Aucune différence significative entre les profils interne (trait) et externe (situation) dans le groupe 4
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
91
Les premiers travaux en la matière ont porté sur l’explication des comportements et
confirmé que les explications internes les plus susceptibles d’engendrer l’approbation des
évaluateurs sont les explications personnologiques (e.g. trait de personnalité, aptitude,
compétence). Beauvois et Le Poultier (1986) ont mis en évidence que, lorsqu’elles répondent
à un questionnaire d’attribution, les personnes de position hiérarchique supérieure, en
l’occurrence des cadres, donnent plus d’explications personnologiques que d’explications en
terme d’intention comportementale. A l’inverse, lorsqu’elles doivent répondre à ce même
questionnaire, les personnes qui occupent des postes d’exécution ont tendance à recourir aux
explications en terme d’intention plutôt qu’à celles en terme de trait de personnalité.
Beauvois, Bourjade et Pansu (1991) ont également montré que des personnes fictives évaluées
sur la base de leurs réponses à un questionnaire d’attribution sont plus favorablement jugées
lorsqu’elles utilisent des explications en terme de trait que lorsqu’elles utilisent des
explications en terme d’intention, cette valorisation n’étant le fait que des cadres. D’après
Beauvois (1994), ces derniers résultats confortent la relation entre l’internalité et la
personnologie : « entre deux individus présentés comme des internes, c’est celui qui a surtout
choisi des traits (plutôt que des intentions) qui est le mieux évalué quant à ses qualités
professionnelles. Cette idée est d’une importance capitale puisqu’elle associe l’oméga
normatif de l’internalité à l’univers de la personnologie » (p.76). Dans le cadre d’une
recherche basée sur l’analyse d’entretiens d’embauche, Castra (1995) a effectivement mis en
évidence que les recruteurs ont tendance à se focaliser sur les éléments dispositionnels du
discours des interviewés.
Ainsi, à s’en tenir aux résultats de ces études, les explications personnologiques
seraient les plus porteuses de valeur parmi l’ensemble des explications disponibles. Toutefois,
d’autres travaux sont venus contredire ces premiers résultats. A partir du même matériel que
celui utilisé par Beauvois et Le Poultier (1986) et Beauvois et al. (1991), Desrumeaux-
Zagrodnicki et Rainis (2000) ont demandé à des recruteurs de juger des cibles connues d’une
part par leur niveau d’aptitude (apte vs. peu apte) et, d’autre part, par leurs choix explicatifs
(interne-trait, interne-intention ou externe). Les résultats obtenus indiquent que seule la cible
interne-intention est mieux jugée que la cible externe. Castra (1998) a obtenu des résultats
allant dans le même sens. Dans cette étude, des professionnels de l’insertion ainsi que des
étudiants ont été invités à décrire, à l’aide de traits de personnalité, un adulte en rupture
sociale décrit à partir d’un compte rendu d’entretien avec un conseiller d’orientation. Dans ce
compte rendu, la cible expliquait sa situation actuelle par des explications en terme de trait ou
par des explications en terme d’intention, ou encore par des explications externes. Les
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
92
résultats obtenus indiquent que l’interne-intention est mieux jugé que l’interne-trait et que
l’externe, ces deux derniers ne se différenciant pas significativement.
La recherche ayant le plus étudié les variations de valeur au sein du registre interne est
sans doute celle réalisée par Pansu et Gilibert (2002, voir également Pansu, 1994). Dans une
série de quatre études réalisées auprès de cadres et de salariés, ces auteurs ont montré que
toutes les explications internes n’étaient pas valorisées au même titre. Dans une première
étude, des managers ont été invités à répondre à un questionnaire d’internalité – le QIST
(Pansu, 1994) – dans le cadre du paradigme d’autoprésentation. La moitié des items de ce
questionnaire est composé de comportements et l’autre moitié de renforcements. Quatre
explications étaient proposées pour chaque item. Pour les comportements, les participants
devaient choisir entre deux explications internes (trait vs. intention) et deux explications
externes. Pour chaque renforcement, ils devaient choisir entre une explication en terme
d’effort, une explication en terme de trait et deux explications internes. Les résultats obtenus
ont indiqué que, pour les comportements, les explications en terme de trait sont préférées aux
explications en terme d’intention pour donner une bonne image de soi, mais uniquement pour
expliquer les comportements positifs. Inversement, pour donner une mauvaise image de soi,
les participants choisissent en moyenne plus d’explications en terme d’intention qu’en terme
de trait, uniquement en matière de comportements positifs. Si ces premiers résultats vont en
partie dans le sens de ceux de Beauvois et Le Poultier (1986) et de Beauvois et al. (1991) – a
minima lorsqu’il s’agit d’expliquer les comportements positifs –, ils s’en détachent néanmoins
en matière de renforcements. En effet, pour ce type d’événements, les explications en terme
d’effort sont plus choisies pour donner une bonne image de soi que les explications en terme
de trait, mais uniquement lorsque les renforcements sont positifs. Dans une deuxième étude
basée sur le paradigme des juges, Pansu et Gilibert (2002) ont demandé à des managers de
juger des cibles qui étaient soit interne (traits vs. effort), soit externe, et dont le niveau de
performance variait (fort vs. faible). Les résultats obtenus ont révélé, là encore, que seule la
cible interne-effort est jugée plus favorablement que la cible externe, l’interne-trait ne se
différenciant pas de cette dernière. Dans une troisième étude, Pansu et Gilibert (2002) ont
cherché à répliquer ces résultats et à étendre leur analyse à l’étude des variations de valeur au
sein du registre externe. Pour ce faire, ils ont demandé à des salariés de juger trois cibles
connues par leurs réponses à un questionnaire d’internalité composé uniquement de
renforcements. Ces cibles étaient soit toutes internes (efforts vs. traits vs. intentions) soit
toutes externes (chance vs. autrui vs. situation). Les résultats ont montré que la cible interne-
effort est mieux jugée que la cible interne-intention, cette dernière étant elle-même mieux
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
93
jugée que la cible interne-trait. En matière d’externalité cette fois, la cible externe-situation est
mieux jugée que la cible externe-autrui et que la cible externe-chance, ces deux dernières ne
se différenciant pas l’une de l’autre. Ces résultats, s’ils confirment la valeur sociale des
explications en terme d’effort, indiquent également l’existence d’une variabilité de valeur au
sein du registre externe. Certaines explications externes apparaissent plus dévalorisées que
d’autres. Pansu et Gilibert (2002) ont alors cherché à déterminer si l’explication la plus
valorisée du registre externe pouvait être plus valorisée que la moins valorisée du registre
interne. Dans une quatrième étude, ces auteurs ont demandé à des salariés de juger deux cibles
connues par leurs réponses au même questionnaire d’internalité que celui utilisé dans l’étude
précédente. Quatre cibles prototypiques – deux internes et deux externes – ont été créées sur
la base des résultats de l’étude 3. Ces cibles étaient supposées avoir choisi massivement des
explications issues soit de la catégorie la plus valorisée, soit de la catégorie d’explications la
moins valorisée et ce, dans chacun des deux registres interne et externe. La cible interne
valorisée présentait un profil interne-effort, la cible interne dévalorisée un profil interne-trait,
la cible externe valorisée un profil externe-situation et la cible externe dévalorisée un profil
externe-chance. Les résultats ont mis en évidence que si la cible interne-effort (I+) est mieux
jugée que les deux cibles externes, la cible interne-trait (I-), bien qu’elle soit mieux jugée que
la cible externe-chance (E-), ne se différencie pas significativement de la cible externe-
situation (E+). Cette dernière étude semble donc indiquer, d’une part, que les explications en
terme d’effort semblent être les plus valorisées pour rendre compte des renforcements et,
d’autre part, qu’un cible interne n’est pas forcément plus valorisée qu’une cible externe.
Ainsi, les résultats obtenus par Pansu et Gilibert (2002) semblent donc indiquer 1) que toutes
les explications internes ne sont pas forcément plus valorisées que toutes les explications
externes et 2) que la valeur des explications internes serait susceptible de varier en fonction du
type d’événements expliqués. Alors que dans l’explication des comportements, les
explications en terme de trait de personnalité seraient les explications les plus valorisées, dans
le cas de l’explication des renforcements, il s’agirait des explications en terme d’effort de
l’acteur (Pansu, 2004, 2006; Pansu, Bressoux, & Louche, 2003; Pansu & Gilibert, 2002).
L’existence d’une telle valorisation sociale de l’effort a également été observée par
Silvester, Anderson-Gough, Anderson, et Mohamed (2002). Bien que se situant dans le cadre
de la théorie attributionnelle des émotions et de la motivation (Weiner, 1979, 1985a, 2000,
2005), ces auteurs ont observé que les candidats à des entretiens de sélection, ainsi que des
recruteurs, cotent les explications internes/contrôlables (e.g. manque d’effort) pour des
événements négatifs passés comme étant plus en mesure de véhiculer une image positive que
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
94
les explications internes/incontrôlables (e.g. manque d’habileté) ou externes/incontrôlables
(e.g. manque de chance). Parallèlement, ces auteurs ont également observé que les candidats
qui se décrivent comme étant particulièrement susceptibles d’utiliser des explications
internes/contrôlables pour expliquer l’échec, obtiennent de meilleures notes de la part
d’interviewers lors de situations réelles d’entretien de sélection que d’autres candidats qui ont
recours à des explications internes/incontrôlables ou externes. L’existence d’une valorisation
possible de l’effort pour expliquer les renforcements se retrouve également dans le milieu
scolaire. En effet, Clémence et al. (1996, étude 2) ont observé que des élèves de cycle
primaire (6-11 ans) manifestaient une préférence pour les explications en terme d’effort pour
rendre compte de leurs performances en mathématiques et en dessin par rapport à d’autres
types d’explications (e.g. habileté, tâche, chance), et cela d’autant plus qu’ils étaient âgés.
Notons également que cette augmentation avec l’âge de la différence entre les scores de
préférence pour les explications en terme d’effort et ceux des autres types d’explications n’est
pas due à une augmentation globale de l’accord avec le premier type d’explication mais plutôt
à une baisse de la préférence pour les autres types.
A suivre ces quelques résultats, il semble donc que les explications qui mettent en
avant l’effort de l’acteur seraient les explications internes les plus valorisées pour rendre
compte des renforcements. Pansu (2004; 2006; Pansu, Bressoux et al., 2003; Pansu &
Gilibert, 2002) a proposé deux explications possibles pour rendre compte de la valeur sociale
de ces explications. La première consiste à envisager les explications comme un indicateur de
l’utilité sociale des individus pour l’organisation. C’est d’ailleurs ce que suggère également
Silvester (1997) lorsqu’elle émet l’hypothèse selon laquelle, lors de situations d’entretiens de
sélection, les recruteurs se serviraient de façon non consciente des explications causales
fournies par les candidats pour prédire leur motivation à réussir, agissant ainsi comme un
« baromètre psychométrique de la motivation » (Silvester, 1997, p.62). Les explications en
terme d’effort, définies comme étant internes/contrôlables/instables dans la taxinomie
proposée par Weiner (1979), laisseraient entendre, d’une part, que les renforcements (positifs
comme négatifs) obtenus par l’individu ne seraient pas nécessairement reconduits et, d’autre
part, que l’individu exercerait un contrôle sur eux. La seconde explication possible évoquée
par Pansu (2004; 2006; Pansu, Bressoux et al., 2003; Pansu & Gilibert, 2002) pour rendre
compte de la valeur sociale, découle du modèle proposé par la théorie de la norme
d’internalité. Rappelons que cette théorie suppose que la valeur des explications causales
internes provient de leur capacité à permettre la distribution des renforcements sociaux. Dans
ce cadre théorique, l’effort ne serait que « l’expression subtile d’un trait de personnalité
Chapitre 2. De quelques biais et erreurs à une approche normative des explications causales
95
particulier : « être capable d’effort ». […] L’effort agirait alors comme un trait purement
évaluatif qui nous informerait sur l’utilité et la valeur des gens » (Pansu, 2004, p.47-48). Dans
le cadre théorique de l’approche sociocognitive de l’internalité, l’effort occuperait une place
centrale dans les théories naïves puisqu’il permettrait de dire ce que l’on peut faire avec les
gens, donc d’évaluer.
3. Problématique générale de la première partie
L’objectif de la première partie de cette thèse est d’approfondir la question de la
variabilité de valeur au sein du registre interne. Nous investiguerons la possibilité de
l’existence de telles variations en deux temps.
Dans un premier temps (chapitre 3), nous chercherons tout d’abord à répliquer les
résultats obtenus par Pansu et Gilibert (2002) en ce qui concerne la valeur des explications en
terme d’effort dans l’explication des renforcements. En effet, à l’instar de ces chercheurs,
nous supposons que ce type d’explications est le plus valorisé pour expliquer les
renforcements et ce, indépendamment de la valence des événements. Pour tester cette
hypothèse, nous allons baser notre approche sur la conception multidimensionnelle
développée par la théorie attributionnelle des émotions et de la motivation (Weiner, 1979,
1985a, 2000, 2005). Nous chercherons également dans ce chapitre à montrer que l’approche
attributionnelle développée par Weiner et l’approche sociocognitive de l’internalité, bien
qu’émettant a priori des hypothèses contradictoires concernant les effets des explications en
terme d’effort sur le jugement social, peuvent être articulées.
Dans un second temps (chapitre 4), nous chercherons à répliquer les résultats obtenus
dans le chapitre précédent auprès d’élèves et d’enseignants et nous nous intéresserons à la
valeur des explications internes dans l’explication des comportements. Dans la lignée des
travaux de Beauvois (Beauvois et al., 1991; Beauvois & Le Poultier, 1986), nous supposons
que les explications les plus valorisées du registre interne pour expliquer ce type
d’événements sont les explications en terme de trait et ce, indépendamment de la valence des
événements.
Ces objectifs nous amènerons à nous interroger sur les conséquences de l’existence
d’une variabilité de valeur au sein du registre interne pour la théorie de la norme d’internalité
telle qu’elle est énoncée actuellement.
Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social
97
CHAPITRE 3
POUR UNE APPROCHE PERSPECTIVISTE DES EFFETS DES
EXPLICATIONS CAUSALES SUR LE JUGEMENT SOCIAL
Comme nous l’avons évoqué dans les chapitres précédents, depuis les premiers
travaux sur l’attribution (Heider, 1958; Heider & Simmel, 1944), de nombreuses recherches
se sont intéressées aux effets des explications causales sur le jugement social (Beauvois & Le
Poultier, 1986; Dubois, 1994; Juvonen & Murdock, 1993; Pansu, 1997b; Silvester et al.,
2002; Weiner & Kukla, 1970). Ces travaux se sont surtout attachés à montrer que les
explications étaient une des variables déterminantes de la perception sociale, influant aussi
bien sur les stratégies individuelles de présentation de soi que sur le jugement porté sur autrui.
Deux méthodes ont souvent été utilisées pour mener à bien ces travaux. L’une est destinée à
appréhender le choix des explications causales dans les stratégies d’autoprésentation et de
communication (e.g. en demandant aux gens de produire une image favorable ou défavorable
de soi face à autrui). L’autre est mobilisée pour savoir quelle est, parmi les diverses stratégies
d’autoprésentation possibles, celle qui est préférée par les cibles des communications. Il s’agit
par là d’éprouver quel type d’explications est le plus efficace pour la personne jugée (méthode
des juges). Ces travaux peuvent, comme nous l’avons vu, relever très globalement de deux
grandes perspectives théoriques. La première, la théorie attributionnelle interpersonnelle, se
situe à un niveau d’explication qui décrit des processus intra ou interindividuels. Cette
approche, lorsqu’elle traite du jugement social, l’aborde le plus souvent comme un jugement
de sanction (e.g. réprimande, aide, récompense, punition) ou un jugement de préférence
affective (quelqu’un qu’on aime bien). La seconde perspective, l’approche sociocognitive de
l’internalité, fait appel aux systèmes de représentations, d’appréciations et de normes sociales
et se centre sur les facteurs culturels et idéologiques. Les travaux issus de ce courant abordent
généralement le jugement social comme une description psychologique qui permet de
communiquer une idée quant à l’utilité de la personne jugée (soi ou autrui), donc de porter un
jugement de valeur. Dans les faits, ce jugement prend souvent la forme d’un jugement de
diagnostic sur les compétences d’un individu et/ou de pronostic de réussite future qui nous
Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social
98
éclaire sur ce qu’on peut faire et attendre de cet individu dans la société : diagnostic
d’efficacité, pronostic de réussite universitaire, de recrutabilité, de promotion, etc.
Tout en admettant la valeur heuristique de ces deux positions, nous nous inscrirons ici
délibérément dans la continuité de la seconde. Dans ce chapitre, nous tenterons, en fait, de
montrer que la prise en compte d’autres critères de classification des explications causales,
que ceux-ci soient dimensionnels ou catégoriels, peut permettre un élargissement de la
réflexion sur la valeur sociale des différentes explications causales internes (e.g. trait, effort,
état), du moins telle qu’elle a été développée par les théoriciens de l’approche sociocognitive
de l’internalité. Si le recours à la structure dimensionnelle du modèle de Weiner ainsi qu’aux
catégories d’explications qu’elle inclut peut, selon nous, permettre de préciser la normativité
des explications internes, il est essentiel de bien différencier ces deux approches tant sur le
plan théorique (niveau d’analyse intra-individuel vs. sociétal) que sur le plan empirique
(jugement de sanction vs. de pronostic de réussite). C’est d’ailleurs pour cette raison que, dans
ce premier chapitre expérimental, nous avons tenu d’emblée à spécifier, sous quelles
conditions, l’une et l’autre sont valides. On rejoint par là, les propos de McGuire (1983, 1999)
sur le perspectivisme qui, plus que d’inviter à départager les théories, appelle à en rechercher
les limites.
1. L’articulation de la théorie attributionnelle et de l’approche sociocognitive de l’internalité
1.1. Vers un dépassement des antagonismes théoriques : La métathéorie perspectiviste
William McGuire est à l’origine de l’une des plus grandes contributions au
développement métathéorique et philosophique de la recherche en psychologie sociale (Jost,
Banaji, & Prentice, 2004). Son approche, qu’il a désigné d’abord sous le nom de
contextualisme (McGuire, 1983) et renommé ensuite le perspectivisme (McGuire, 1999,
2004), peut être considérée comme une approche épistémologique consistant en une
intégration des critiques issues du constructivisme social et de la démarche objectiviste de la
psychologie sociale expérimentale. En effet, contrairement à la plupart des psychologues
sociaux expérimentalistes qui ont massivement rejeté les critiques faites par le courant du
constructivisme social (Gergen, 1973, 1985, 1991, 1996, 2001, 2002)23, McGuire s’est attaché
23 Les critiques émises par le constructivisme social reposent sur des bases méthodologiques et idéologiques. Au niveau méthodologique, les constructivistes sociaux s’opposent à l’idée qu’un ensemble spécifique de méthodes (e.g. la méthode expérimentale) puisse être considéré comme étant plus adapté que d’autres pour étudier la réalité sociale. Au niveau idéologique, ils critiquent l’idée selon laquelle les théories issues de la recherche expérimentale ont vocation à rendre compte de l’universalité du fonctionnement humain de par le fait qu’elles sont fondamentalement idéologiquement neutres (voir également Kukla, 1982). L’une des thèses centrales du
Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social
99
à prendre en compte ces remarques tout en conservant l’idéal d’objectivité de la démarche
scientifique. Ainsi, tout en reconnaissant l’importance des facteurs idéologiques et sociaux
dans la construction des théories scientifiques, il rejette néanmoins l’idée que toutes les façons
d’appréhender la réalité se valent. Pour lui, l’idéal de la science reste l’objectivité dans
l’évaluation des hypothèses.
L’épistémologie perspectiviste de McGuire repose fondamentalement sur l’idée que la
connaissance est « un mode de coping représentationnel nécessairement défectueux mais
essentiel face à un soi et un environnement ouvertement complexe » (McGuire, 1999, p.395).
Le postulat à la base de l’approche perspectiviste est que la connaissance a une fonction
principale : permettre aux individus de faire face à la complexité du monde extérieur. Pour
autant, les limites cognitives du cerveau humain sont là et la connaissance ne peut être qu’une
représentation nécessairement incomplète du réel. A ce propos, McGuire (1999) cite trois
types d’erreurs qui font de la connaissance une déformation de la réalité. La première, la sous-
représentation, est la conséquence de la nécessité pour l’organisme de sélectionner les stimuli
en provenance de l’environnement (e.g. pour l’humain, le fait de ne percevoir visuellement
que les longueurs d’ondes comprises entre 400 et 700 nanomètres). La deuxième, la
malreprésentation, résulte du fait que toute représentation est construite tant par les outils de
la connaissance que par les caractéristiques de l’objet lui-même. Enfin, la troisième erreur, la
surreprésentation, est la conséquence de la nécessité pour les individus d’extrapoler les
connaissances dont ils disposent dans le but de s’adapter à des situations nouvelles. Mais si la
connaissance est nécessairement fausse, elle n’en est pas moins efficace. L’existence même
de l’être humain, dont les appareils cognitifs sont le produit de millions d’années d’évolution,
en serait la preuve. D’après McGuire (1999, p.400), « la tragédie de la connaissance n’est pas
qu’elle est intrinsèquement erronée mais que, toute erronée qu’elle soit, elle est
indispensable : nous devons faire ce que nous ne pouvons faire bien ». A suivre ces propos, on
ne peut donc que s’interroger sur la validité de la connaissance scientifique. C’est sur ce point
que l’on trouve l’idée centrale du perspectivisme : les imperfections de la connaissance
« appellent, non pas au rejet de la théorisation scientifique, mais à l’utilisation de mesures de
compensation comme la génération d’explications multiples (même contradictoires) qui
constructivisme social est que les recherches en psychologie sociale étudient des phénomènes sociaux et culturels spatialement et historiquement situés plutôt que des phénomènes liés à la nature humaine (Gergen, 1973) et que l’interprétation proposée de ces phénomènes repose sur une base idéologique qui opère « subtilement comme une forme d’impérialisme occidental » (Gergen, 1998, p.303, cité par Jost & Kruglanski, 2002). De ce point de vue, les critiques du constructivisme social ont connu plus d’échos auprès des chercheurs européens (Beauvois, 1984a, 1984b, 1994, 2005; Moscovici, 1988) qu’auprès des expérimentalistes nord américains.
Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social
100
révèlent la variété des raisons pour lesquelles, et les limitations contextuelles dans lesquelles,
toute relation formulée est obtenue » (McGuire, 1999, p.400).
Le perspectivisme s’inscrit dans le prolongement du courant de l’empirisme logique
(Popper, 1957, cité par McGuire, 1999) et partage avec lui certaines idées fortes. D’une part,
le perspectivisme considère que la dérivation des hypothèses d’un ensemble de théories doit
intervenir en amont des observations empiriques. D’autre part, il considère que la
confrontation entre les hypothèses et la réalité empirique est une phase essentielle dans le
développement des théories scientifiques. Mais le perspectivisme et l’empirisme logique se
différencient également radicalement sur un certain nombre de points (McGuire, 1983). En
effet, contrairement à ce dernier qui part du principe que certaines théories sont vraies et
d’autres sont fausses, le postulat de base de l’approche perspectiviste est que « toutes les
représentations de la connaissance sont imparfaites mais toutes capturent quelques aspects du
connu » (McGuire, 1999, p.400). De ce point de vue, puisque toute théorie scientifique est
fondamentalement inexacte mais en même temps en mesure de capter une partie de l’objet à
connaître, l’objectif de la confrontation empirique n’est plus seulement de déterminer si une
hypothèse est vraie ou fausse dans un contexte donné – ce que suppose l’empirisme logique –
mais de chercher à « découvrir dans quel sens l’hypothèse et ses explications théoriques sont
vraies et dans quel sens elles sont fausses » (McGuire, 1999, p.408). Cette importance
accordée par le perspectivisme à la confrontation empirique dans le processus de découverte a
pour conséquence d’inciter les chercheurs à développer leur capacité à multiplier les contextes
dans lesquels tester leurs modèles théoriques (Greenwald, Pratkanis, Leippe, & Baumgardner,
1986). Or, un des constats que dresse McGuire concernant le fonctionnement de la discipline
psychologique en général, et de la formation des chercheurs en particulier, est que l’étude des
principes à la base du test d’hypothèses est plus centrale que celle des principes permettant la
génération d’hypothèses (McGuire, 1973, 1983, 1997, 2004). Ce constat est d’autant plus
problématique que le test d’hypothèses ne peut être réalisé qu’une fois que l’hypothèse elle-
même est formulée. Pour pallier ce déficit en matière d’élaboration d’hypothèses et de
création théorique, McGuire (1997) propose une liste de 49 heuristiques permettant de générer
des hypothèses théoriques originales. L’objectif de ces heuristiques est de stimuler la
recherche en offrant de nouvelles perspectives vers lesquelles les travaux antérieurs ne se sont
pas spontanément dirigés. En stimulant la créativité des hypothèses théoriques, l’approche de
McGuire permet de déterminer les limites de validité des théories en distinguant les cas (e.g.
situations, méthodologies, définitions théoriques) dans lesquelles les théories s’appliquent
ainsi que ceux dans lesquelles elles ne s’appliquent pas.
Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social
101
C’est dans cet esprit que, dans ce premier chapitre expérimental, nous avons tenté
d’articuler l’approche sociocognitive de l’internalité et l’approche attributionnelle.
1.2. Une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement
social
A suivre leurs prédictions respectives en matière d’explications des renforcements, il
semble que l’approche sociocognitive de l’internalité et la théorie attributionnelle
interpersonnelle émettent des hypothèses très différentes concernant les effets de la
communication à autrui de certaines explications internes sur le jugement social. Bien qu’elles
soient identiques lorsqu’il s’agit de renforcements positifs (les deux théories considèrent que
les explications qui entraînent le jugement le plus positif sont celles en terme d’effort
occasionnel), leurs prédictions diffèrent radicalement dans le cas de l’échec. En effet, alors
que pour l’approche attributionnelle (Weiner, 2003), expliquer l’échec par le manque d’effort
serait jugé très négativement par les enseignants, pour l’approche sociocognitive de
l’internalité (Pansu & Gilibert, 2002), avoir recours à ce type d’explications entraînerait un
jugement très positif. Or, à s’en tenir à une démarche guidée par l’empirisme logique, il nous
faudrait mettre en place une expérience cruciale permettant de dire laquelle de ces deux
théories permet de rendre compte des effets des explications causales sur le jugement social.
La théorie qui se trouverait validée empiriquement pourrait alors être considérée comme la
théorie « vraie »24, l’autre théorie étant infirmée par les données. Mais, plutôt que de chercher
à départager ces deux théories, nous avons choisi, en accord avec les principes du
perspectivisme, de dépasser leurs antagonismes théoriques en cherchant à déterminer les
limites de la validité de l’une et l’autre. Pour ce faire, nous avons eu recours à une version
modifiée de l’un des heuristiques proposés par McGuire (1997) pour générer une hypothèse
quant à l’articulation empirique de ces deux approches. En effet, cet heuristique (F17) propose
de scinder la variable dépendante usuellement utilisée dans le champ de recherche en
différentes sous-échelles de façon à observer des variations d’effet non visibles dans les
recherches habituelles. Or, une telle scission nous semble particulièrement intéressante à
appliquer sur la notion de jugement social et ce, pour deux raisons principales. Premièrement,
il semble que cette notion ne soit pas unidimensionnelle. Si de nombreux travaux affirment
étudier les mécanismes qui jugement sous-tendent le jugement social, force est de constater
24 En tout cas jusqu’à ce que celle-ci soit elle-même infirmée par d’autres données.
Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social
102
que ces recherches ont recours à des opérationnalisations bien différentes25. Il semble à ce
propos plus juste, plutôt que de parler de jugement social, de parler de jugements sociaux, ce
qui laisse entendre qu’ils peuvent être multiples et variés26. La seconde raison est qu’opérer
une distinction entre différents types de jugements sociaux nous semble tout à fait en mesure
de capter une différence parmi les plus essentielles entre les travaux réalisés dans le cadre de
l’approche sociocognitive de l’internalité et l’approche attributionnelle des relations
interpersonnelles. En effet, il semble que ces deux ensembles de travaux abordent la notion de
jugement social sous deux angles différents. Alors que les travaux issus de l’approche
sociocognitive de l’internalité abordent généralement le jugement social comme une
description psychologique qui permet de communiquer une idée quant à l’utilité de la
personne jugée, donc porter un jugement de valeur, les recherches issues de l’approche
attributionnelle l’abordent le plus souvent comme un jugement de sanction (e.g. réprimande,
aide, agression, récompense, punition) ou un jugement de préférence affective (e.g. quelqu’un
qu’on aime bien).
1.3. Problématique des études 1a, 1b et 2
Cette première série d’études27 poursuivait deux objectifs. Le premier, dérivé de
l’approche sociocognitive de l’internalité, nous a conduit à chercher à montrer que les
explications en appelant à l’effort étaient les plus porteuses de valeur sociale. Les deux
premières études s’inscrivent pleinement dans cette perspective. Dans la première (étude 1a),
réalisée à partir du paradigme d’autoprésentation, on se situait dans le milieu universitaire et
l’étude portait sur des étudiants. Les participants devaient indiquer, parmi plusieurs
explications, celle qu’ils choisiraient spontanément pour expliquer une réussite ou un échec
universitaire. En considérant les travaux effectués sur la valeur de l’effort, nous nous
attendions à ce que les sujets choisissent préférentiellement, en consigne spontanée, des
explications en appelant à l’effort comportemental (effort et manque d’effort occasionnel) et
ce, indépendamment de la positivité ou négativité des événements. Dans la deuxième étude
(étude 1b), on restait dans le milieu académique et l’on utilisait une forme particulière de la
25 Des recherches récentes laissent entendre que le concept de jugement social peut a minima être scindé en deux sous-dimensions (Beauvois, 1995; Dubois & Beauvois, 2001; Fiske, Cuddy, Glick, & Xu, 2002; Fiske, Xu, Cuddy, & Glick, 1999; Judd, James-Hawkins, Yzerbyt, & Kashima, 2005; Wojciszke, 1997, 2005). Nous reviendrons sur ces travaux dans le chapitre 5. 26 Cette idée nous semble d’autant plus pertinente que le concept d’estime de soi, s’il peut être assimilé à un jugement social sur soi (Dubois, 2006), est généralement abordé comme un construit multidimensionnel (Bressoux & Pansu, 2003). 27 Ces trois études font l’objet d’une soumission pour publication (B. Dompnier & Pansu, soumis).
Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social
103
méthode des juges. Les sujets, invités à se mettre en position d’évaluateurs, devaient énoncer
un jugement de préférence pour chacune des explications susceptibles d’être données par un
étudiant. Nous nous attendions à ce que les explications en appelant à l’effort occasionnel
fassent l’objet des meilleurs jugements.
Le deuxième objectif était d’élargir la réflexion sur la distinction entre les approches
attributionnelles et sociétales en recherchant sous quelles conditions ces deux approches sont
valides. Il s’agit donc moins de les considérer comme des théories concurrentes que de
rechercher à déterminer les limites de leur validité respective. Cela nous semble, ici, d’autant
plus pertinent que les définitions et les opérationnalisations du jugement social qui découlent
des modèles explicatifs des approches retenues sont différentes. Dans une nouvelle étude
(étude 2), nous avons pris en compte ces différences en opérationnalisant le jugement social
sous différentes facettes. Cette étude portait également sur des étudiants et se situait dans le
milieu académique. Les sujets, placés en situation d’évaluateurs, devaient émettre
successivement un jugement de sanction, de pronostic, de compétence et de motivation à
l’encontre de quatre élèves connus à partir de leur performance à un examen (réussite ou
échec) et de l’explication (effort ou habileté) qu’ils donnaient de l’origine de ce résultat. En
considérant la valeur heuristique de chacune de ces deux approches et les hypothèses qui en
découlent, nous nous attendions à ce que les effets des explications sur le jugement social
varient en fonction de la nature même de ce jugement. Ainsi, en matière de jugement de
sanction – i.e. approche attributionnelle – on peut s’attendre à ce que le recours à l’effort
entraîne un jugement positif suite à une réussite et un jugement négatif en cas d’échec (appel
au manque d’effort). En revanche, en matière de jugement de pronostic de réussite – i.e.
approche sociocognitive de l’internalité – le recours à l’effort devrait conduire à des
jugements globalement positifs et ce, que l’événement soit désirable (réussite) ou indésirable
(échec). A élargir cette conjecture, on pourrait s’attendre à ce que le recours à l’effort affecte
aussi différemment d’autres jugements dont on ne peut nier l’importance dans la vie sociale,
comme les jugements de motivation et de compétence.
2. Etude 1a : Paradigme d’autoprésentation
2.1. Vue générale
Dans cette étude, les participants ont été invités à donner leur degré d’accord avec huit
explications causales susceptibles d’être émises par des étudiants pour rendre compte d’un
échec et d’une réussite à un examen.
Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social
104
2.2. Méthode
2.2.1. Participants
Cent cinquante cinq étudiants en 1ère année de Psychologie de l’Université de Savoie
ont participé à l’étude. La moyenne d’âge est de 19.84 ans (écart-type = 3.84).
2.2.2. Matériel
Pour tester nos hypothèses, nous avons créé deux saynètes (cf. annexe Ia) sur la base
de questionnaires d’internalité déjà existants (Beauvois & Le Poultier, 1986; Bertone et al.,
1989; Dubois, 1994; Dubois & Tarquinio, 1997; Somat, 1994). Ces deux saynètes décrivaient
des renforcements renvoyant dans un cas à une réussite (« réussir brillamment un examen »)
et dans l’autre cas à un échec universitaire (« obtenir de mauvaises notes aux partiels »). Huit
explications causales, obtenues en croisant factoriellement les trois dimensions du modèle de
Weiner (1979; 1985a), ont été associées à chaque saynète. Ainsi, chaque explication renvoyait
à une cause spécifique caractérisée par son orientation interne ou externe, sa stabilité ou
instabilité temporelle et sa contrôlabilité ou incontrôlabilité (contrôle exercé ou non par soi ou
par autrui). Ces huit explications étaient : l’effort habituel (interne/contrôlable/stable), l’effort
occasionnel (interne/contrôlable/instable), l’habilité (interne/incontrôlable/stable), l’état
émotionnel et/ou physiologique (interne/incontrôlable/instable), le pouvoir d’autrui habituel
(externe/contrôlable/stable), le pouvoir d’autrui occasionnel (externe/contrôlable/instable), la
difficulté de la tâche (externe/incontrôlable/stable), et la chance
(externe/incontrôlable/instable). Par exemple, on pouvait lire pour l’échec :
« Si vous obtenez de mauvaises notes aux partiels, c’est parce que :
- Vous ne vous donnez jamais assez de mal pour réviser vos cours (effort habituel).
- Cette fois-là, vous n’avez pas suffisamment révisé vos cours (effort occasionnel).
- Vous n’êtes pas doué dans ce domaine (habileté).
- Vous n’étiez pas en forme au moment des partiels (état).
- Les enseignants sont particulièrement exigeants (pouvoir d’autrui habituel).
- Cette fois-là, les enseignants ont particulièrement été sévères (pouvoir d’autrui occasionnel).
- Les matières sont plutôt difficiles (difficulté de la tâche).
- Vous n’avez pas eu de chance (chance). »
2.2.3. Procédure
Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social
105
Les données ont été récoltées lors d’une session de passation collective effectuée dans
le cadre d’un cours d’introduction en psychologie. Les participants étaient informés oralement
qu’ils devaient répondre en leur nom aux deux situations proposées (l’une concernant une
réussite, l’autre concernant un échec) de manière spontanée. Dans les faits, et pour chacune
des huit explications proposées pour expliquer la réussite ou l’échec à un examen, les
participants devaient exprimer l’intensité de leur accord ou de leur désaccord sur une échelle
en huit points – allant de 1 pas du tout d’accord à 8 tout à fait d’accord. L’ordre de
présentation des saynètes (réussite et échec) était contrebalancé. La position des explications
associées à chaque saynète variait également et était déterminée par l’intermédiaire de 20
tirages aléatoires. L’ensemble de l’épreuve (lecture des saynètes et réponses aux échelles)
durait environ 15 minutes.
2.3. Résultats
Une analyse de variance (ANOVA) à un facteur composé de 16 conditions de
traitement a été réalisée sur les données28. La variable dépendante était le score moyen
d’approbation (ou degré d’accord) obtenu pour chaque explication proposée. Ce score pouvait
donc varier de 1 à 8.
Pour tester l’hypothèse selon laquelle les explications en terme d’effort occasionnel
seraient, plus que d’autres, porteuses de valeur, sept contrastes non orthogonaux en situation
« réussite » et sept en situation « échec » ont été réalisés. Ils permettent de comparer la
moyenne des scores obtenus pour les explications en terme d’effort occasionnel à la moyenne
des scores obtenus à partir des autres catégories explications29. Une estimation de l’intensité
de chacun des contrastes a été également effectuée par l’intermédiaire du calcul de l’écart-
calibré (Corroyer & Rouanet, 1994)30. Les scores moyens d’approbation pour chacune des
28 Le choix de ne pas recourir à la décomposition de l’analyse canonique de type 2 (lieu de causalité) x 2 (contrôlabilité) x 2 (stabilité) est motivé par la nature même de l’hypothèse focale testée. En effet, l’hypothèse selon laquelle les explications en terme d’effort occasionnel seraient plus que d’autres porteuses de valeur implique de tester sept contrastes non orthogonaux. 29 La procédure de Bonferroni modifiée (Keppel, 1991) indique qu’aucune correction visant à éviter l’inflation du risque d’erreur de type I du fait du nombre de comparaisons non orthogonales ne s’impose ici. En effet, le nombre de contrastes effectués n’excède pas le nombre de degré de liberté d’effet de l’analyse (nombres de contrastes effectuées = 14 ; nombre de degré de liberté d’effet = 15). Le seuil de décision de rejet de l’hypothèse nulle par contraste est donc � = .05 avec Fcritique = 3.90 pour un ddleffet = 1 et un ddlerreur = 154. 30 Corroyer et Rouanet (1994) préconisent l’utilisation de conventions pour quantifier l’intensité d’un effet (Effet faible : EC = 0.20 ; Effet moyen : EC = 0.50 ; Effet important : EC = 1). L’intérêt de cet indice est qu’il permet de rendre de compte de la différence entre les moyennes de deux groupes appariés exprimée en nombre d’écarts-types.
Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social
106
huit explications proposées ainsi que les valeurs F de Fisher et écarts-calibrés des contrastes
sont présentés dans le tableau 3.1.
Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social
107
Tableau 3.1. Moyennes (et écarts-types) de chaque type d’explications et valeurs des tests de contrastes des explications avec celle en terme
d’effort d’occasionnel (F de Fisher et écarts-calibrés) en fonction de la valence de l’événement
Réussite
Echec
Moyenne
F(1, 154)
EC
Moyenne
F(1, 154)
EC
Effort occasionnel
6.24
__ __ 5.68
__ __
Interne / Contrôlable / Instable
(1.68)
(2)
Effort habituel 5.79 9.2* 0.34 4.45 48.66* 0.78 Interne / Contrôlable / Stable
(1.69)
(2.4)
Etat 4.45 88.12* 1.06 3.98 64.91* 0.91 Interne / Incontrôlable / Instable
(1.86)
(1.94)
Habileté 4.75 75.65* 0.98 4.16 40.74* 0.72 Interne / Incontrôlable / Stable
(1.8)
(2.18)
Autrui occasionnel 3.19 285. 13* 1.9 3.64 85.99* 1.04 Externe / Contrôlable / Instable
(1.89)
(1.79)
Autrui habituel 4.57 89.06* 1.06 4.26 41.52* 0.72 Externe / Contrôlable / Stable
(1.98)
(1.74)
Chance 3.54 172.09* 1.48 3.13 122.99* 1.25 Externe / Incontrôlable / Instable
(1.88)
(1.9)
Difficulté de la tâche 4.02 130.27* 1.28 4.62 21.97* 0.53 Externe / Incontrôlable / Stable
(1.83)
(1.77)
Note. * p < .05
Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social
108
En situation de réussite, les contrastes effectués révèlent qu’en moyenne le score
d’approbation pour recourir à une explication interne en appelant à l’effort occasionnel est
supérieur à celui obtenu pour les autres explications. L’estimation de l’écart-calibré effectuée
sur ces contrastes montre que l’intensité de ces différences est importante (ECs � 0.98),
excepté pour la différence entre les explications en terme d’effort occasionnel et d’effort
habituel qui se révèle d’intensité plutôt faible (EC = 0.34).
En situation d’échec, les contrastes effectués révèlent qu’en moyenne le score
d’approbation pour recourir à une explication interne en appelant au manque d’effort
occasionnel est supérieur à celui obtenu pour les autres explications. L’estimation de l’écart-
calibré montre que l’intensité de ces différences varie d’une intensité moyenne (EC = 0.53) à
une intensité importante (EC = 1.25).
2.4. Discussion
Globalement, ces résultats tendent à supporter l’idée selon laquelle les explications
internes ne sont pas toutes porteuses de valeur sociale au même titre. On rejoint là les résultats
d’autres travaux conduits dans la perspective sociocognitive de l’internalité (Jouffre, 2003a;
Pansu & Gilibert, 2002). En effet, nos résultats plaident en faveur d’une préférence sociale
pour les explications en terme d’effort occasionnel, qui plus que d’autres, semblent mobilisées
lorsqu’il s’agit d’expliquer spontanément des événements positifs et négatifs (Pansu, 2006).
Pour peu qu’on rapproche ces résultats de ceux obtenus dans d’autres recherches (Bressoux &
Pansu, 2003; Dubois, 1994; Jouffre et al., 2001) qui attestent d’une forte correspondance entre
les scores en consigne standard (répondre spontanément) et pronormative (répondre pour
donner une image favorable de soi), on peut voir dans cette préférence pour les explications
en appelant à l’effort occasionnel la manifestation d’une volonté de produire une image
socialement valorisée, donc d’une stratégie d’internalité bien particulière à des fins de
valorisation.
Si nos résultats tendent à supporter l’hypothèse d’une préférence sociale des
explications internes en appelant à l’effort occasionnel, reste à savoir si de telles explications
donnent effectivement lieu à de meilleurs jugements. Les études qui suivent ont été réalisées
dans cette optique et constituent une tentative d’appréciation de cette conjecture.
3. Etude 1b : Paradigme des juges
3.1. Vue générale
Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social
109
Dans cette étude, les participants ont été invités à se mettre à la place d’un évaluateur
(un enseignant) et devaient porter un jugement sur des cibles (des étudiants) connues pour
avoir donné une des huit explications causales utilisées dans l’étude 1 suite à une réussite ou
un échec à un examen universitaire.
3.2. Méthode
3.2.1. Participants
Quatre vingt étudiants de premier cycle universitaire, inscrits en Sciences Humaines et
Sociales dans les universités de Grenoble 2 et de Savoie, ont participé à l’étude. La moyenne
d’âge est de 20.88 ans (écart-type = 1.83).
3.2.2. Matériel et procédure
Le matériel utilisé dans cette expérience est identique à celui de l’étude précédente. Il
se compose des mêmes saynètes, l’une renvoyant à une réussite à un examen universitaire et
l’autre à un échec, et des mêmes huit explications causales (cf. annexe Ib).
Les participants, recrutés sur les sites des universités de Grenoble et de Chambéry, ont
été interrogés individuellement ou en petits groupes (< 11 personnes). Il leur était demandé,
non plus de répondre pour eux-mêmes mais de se mettre à la place d’un évaluateur
(enseignant). Ils étaient alors invités à porter un jugement de préférence pour chacune des huit
explications susceptibles d’être données tantôt par une cible (un étudiant) en position de
réussite ou tantôt par une cible en position échec. Plus précisément, les participants devaient
exprimer pour chaque explication leur degré d’appréciation sur une échelle en huit points,
allant de 1 (très peu appréciée) à 8 (très appréciée). Les saynètes de réussite et d’échec étaient
contrebalancées et les positions des explications associées aux deux saynètes ont été obtenues
par l’intermédiaire de 10 tirages aléatoires. L’ensemble de la passation durait environ 15
minutes.
3.3. Résultats
Comme dans l’étude 1a, les données ont été soumises à une analyse de variance
(ANOVA) à un facteur composé de 16 conditions de traitement (cf. note 28). La variable
dépendante était le score moyen de préférence (ou degré d’appréciation) obtenu pour chaque
explication. Il pouvait varier de 1 à 8.
Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social
110
Pour tester l’hypothèse selon laquelle les explications internes en appelant directement
à l’effort occasionnel feraient l’objet d’une meilleure appréciation que d’autres explications,
sept contrastes non orthogonaux en situation « réussite » et sept en situation « échec » ont été
réalisés31. Une estimation de l’intensité de chacun des contrastes a aussi été effectuée par
l’intermédiaire du calcul de l’écart-calibré. Les résultats sont présentés dans le tableau 3.2.
31 Comme dans l’étude précédente, la procédure de Bonferroni modifiée indique que le seuil � par contraste ne doit pas être corrigé. Le seuil de décision de rejet de l’hypothèse nulle par contraste s’élève ici à � = .05 avec Fcritique = 3.96 pour un ddleffet = 1 et un ddlerreur = 79.
Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social
111
Tableau 3.2. Moyennes (et écarts-types) de chaque type d’explications et valeurs des tests de contrastes des explications avec celle en terme
d’effort d’occasionnel (F de Fisher et écarts-calibrés) en fonction de la valence de l’événement
Réussite
Echec
Moyenne
F(1, 79)
EC
Moyenne
F(1, 79)
EC
Effort occasionnel
7
__ __ 5.33
__ __
Interne / Contrôlable / Instable
(0.97)
(2.07)
Effort habituel 6.49 10.27* 0.36 5.69 3.45 0.21 Interne / Contrôlable / Stable
(1.41)
(1.94)
Etat 4.04 180.81* 1.51 3.62 40.74* 0.72 Interne / Incontrôlable / Instable
(1.61)
(1.7)
Habileté 4.5 128.35* 1.27 3.6 34.45* 0.66 Interne / Incontrôlable / Stable
(1.72)
(1.81)
Autrui occasionnel 5.35 91.53* 1.08 2.83 77.45* 0.99 Externe / Contrôlable / Instable
(1.42)
(1.46)
Autrui habituel 6.66 3.96* 0.22 3.58 34.14* 0.66 Externe / Contrôlable / Stable
(1.48)
(1.87)
Chance 2.66 374.31* 2.18 2.41 113.97* 1.2 Externe / Incontrôlable / Instable
(1.74)
(1.63)
Difficulté de la tâche 3.55 229.56* 1.7 3.96 27* 0.58 Externe / Incontrôlable / Stable
(1.63)
(1.55)
Note. * p < .05
Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social
112
En situation de réussite, les contrastes effectués montrent que le score moyen de
préférence obtenu pour l’explication interne en appelant à l’effort occasionnel est supérieur à
celui des autres explications. L’estimation de l’écart-calibré montre que ces différences sont
toutes d’intensité importante (ECs � 1.08), excepté pour les différences entre, d’une part, les
explications en appelant à l’effort occasionnel et l’effort habituel (EC = 0.36) et, d’autre part,
celles en appelant à l’effort occasionnel et au pouvoir d’autrui de manière habituelle (EC =
0.22).
En situation d’échec, les contrastes effectués montrent que le score moyen de
préférence obtenu pour l’explication interne en appelant au manque d’effort occasionnel est
supérieur à celui des autres explications; à l’exception toutefois de la différence entre les deux
explications en appelant au manque d’effort : occasionnel dans un cas, habituel dans l’autre
(ns.). L’estimation de l’écart-calibré révèle que les différences significatives oscillent entre
une intensité moyenne et importante (0.58 � ECs � 1.2).
3.4. Discussion
Dans l’ensemble, les résultats vont dans le sens des prédictions de l’approche
sociocognitive de l’internalité concernant la valorisation des explications internes accentuant
l’aspect comportemental (effort et manque d’effort). Ils révèlent que les explications internes
en appelant à l’effort comportemental sont, indépendamment de la valence des événements,
plus appréciées que les autres explications, y compris des explications internes qui évoquent
des dispositions personnologiques en terme d’habileté. On notera toutefois que, si pour la
réussite le pattern de réponses observé est tout à fait conforme à nos prédictions (valorisation
de l’effort occasionnel), il est sensiblement différent en matière d’échec. Dans ce dernier cas,
on observe que l’explication en appelant au manque d’effort occasionnel est quasi-
systématiquement plus valorisée que les autres explications, à l’exception de celle en appelant
au manque d’effort habituel. Cela laisse à penser que le manque d’effort occasionnel comme
le manque d’effort habituel serait porteur d’un plus de valeur sociale. On peut voir là
l’expression d’un seul et même phénomène qui traduirait la valorisation sociale des
explications internes en appelant à l’effort.
Quoi qu’il en soit, notons que les résultats obtenus en matière d’échec, s’ils sont
conformes à nos prédictions, se distinguent radicalement de celles émises par les tenants de
l’approche attributionnelle (Weiner, 2000, 2003). Rappelons que, selon Weiner, les
prédictions concernant l’échec seraient tout autres : l’explication de l’échec par le manque
Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social
113
d’effort devrait susciter des jugements défavorables de la part des évaluateurs. Faut-il voir là
une remise en question de la valeur heuristique de l’approche attributionnelle ? Rien n’est
moins sûr. Mais on peut y voir, au moins, une limite quant à sa généralité en matière de
jugement social. Cette limite n’est probablement pas sans rapport avec la manière dont le
jugement social est souvent opérationnalisé dans l’approche attributionnelle (jugement de
sanction ou jugement de préférence affective). Cette remarque peut, de la même façon, valoir
pour l’approche sociocognitive de l’internalité (jugement de pronostic ou jugement de
préférence de valeur)32. C’est pourquoi, plutôt que de rechercher à départager les théories – ce
qui reviendrait à dire que l’une est plus « vraie » que l’autre – préférons-nous chercher à
déterminer sous quelles conditions et dans quels contextes l’une et l’autre sont valides
(McGuire, 1983, 1999). C’est là un des objectifs de l’étude 2 : spécifier le contexte de validité
des deux théories à partir de leur définition et opérationnalisation du jugement social. Aussi
peut-on concevoir que la nature du jugement à émettre ne soit pas sans expliquer la variation
des résultats observée dans les travaux issus de ces deux courants. C’est la raison pour
laquelle nous avons délibérément manipulé la nature du jugement dans cette dernière étude à
partir de la distinction entre jugement de sanction et jugement de pronostic de réussite et celle
communément opérée entre jugement de compétence et jugement de motivation. La prise en
compte de ces deux derniers n’a d’autre objectif que permettre d’étendre à d’autres jugements
(donc proposer une première tentative de généralisation) l’hypothèse selon laquelle les effets
des explications causales sont dépendants du jugement mobilisé.
4. Etude 2 : Paradigme des juges et spécificité des jugements sociaux
4.1. Vue générale
Dans cette étude, les participants ont été invités à porter quatre types de jugements
(sanction, pronostic de réussite, compétence et motivation) sur des cibles (élèves) supposées
rendre compte de leur réussite ou échec par des explications en appelant à l’effort occasionnel
(ou manque d’effort) ou des explications en appelant à l’habileté (ou manque d’habileté).
4.2. Méthode
4.2.1. Participants
32 Tout porte à croire que dans cette étude, où le jugement de préférence n’a pas été marqué explicitement en termes affectif ou de valeur sociale, que les sujets ont inféré qu’il s’agissait là d’un jugement sur la valeur des personnes.
Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social
114
Soixante trois étudiants inscrits en 3ème année de Licence de Sciences de l’Education à
l’université de Grenoble 2 ont participé à cette expérience. La moyenne d’âge est de 21.84 ans
(écart-type = 3.87).
4.2.2. Matériel et procédure
Les données ont été récoltées lors d’une passation collective durant laquelle un
questionnaire composé de trois pages était distribué aux participants. Sur la première page,
une consigne les invitait à se mettre à la place d’un enseignant d’une classe de CM2 restituant
les résultats d’un contrôle à ses élèves (cf. annexe Ic). L’issue du contrôle constituait une
première source de variation et pouvait être ou non favorable : réussite ou échec. Dans les
faits, parmi les quatre élèves (fictifs) présentés, deux d’entre eux étaient décrits comme ayant
réussi le contrôle et deux décrits comme l’ayant au contraire échoué. A cette première
distinction, une seconde source de variation fut ajoutée. Elle concerne le type d’explication
interne mobilisé par ces élèves pour rendre compte de l’événement. Ainsi, pour la condition
réussite, les deux élèves concernés se différenciaient par l’explication qu’ils étaient supposés
avoir donnée : l’un étant connu pour avoir donné une explication en terme d’effort, l’autre une
explication en terme d’habileté. Il en était de même pour les deux élèves de la condition
échec, les explications mobilisées renvoyant soit au manque d’effort, soit au manque
d’habileté. L’ordre de présentation des élèves dans le questionnaire était contrebalancé. Après
avoir pris connaissance des réponses supposées données par les élèves, les participants
devaient se prononcer sur chaque élève à partir de quatre échelles en 21 points. La première,
appelée « jugement de sanction », concernait le niveau de récompense/punition à attribuer à
l’élève (de –10, une très forte punition à +10, une très forte récompense). La deuxième,
appelée « jugement de pronostic de réussite » permettait aux participants de se prononcer sur
la probabilité de passage de l’élève dans classe supérieure (de –10, un passage très peu
probable à +10, un passage très probable). La troisième, dite échelle de « jugement de
compétence », permettait d’appréhender le niveau de compétence de l’élève (de –10, une
compétence très faible à +10, une compétence très forte). Enfin, sur la quatrième et dernière
échelle, les participants devaient indiquer leur perception du niveau de motivation de l’élève
(de –10, une motivation très faible à +10, une motivation très forte).
4.3. Résultats
Le plan 2 (type de renforcements : réussite vs. échec) x 2 (type d’explications : effort
Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social
115
occasionnel vs. habileté) a été traité par analyse de variance multivariée (MANOVA) sur les
quatre variables dépendantes que sont les jugements de sanction, de pronostic de réussite, de
compétence et de motivation. Les scores moyens obtenus par élève sur les quatre jugements
sont présentés dans le tableau 3.3.
Tableau 3.3. Moyennes (et écarts-types) des scores accordés par les participants sur les
différents jugements en fonction de la valence des événements et du type d’explications fourni
par l’élève
Réussite Echec
Effort Habileté Effort Habileté
Récompense/punition 7.21 (2.74)
4.29 (3.04)
-1.79 (3.18)
-0.59 (2.81)
Passage en 6ème 6.65 (2.46)
6.24 (2.72)
0.68 (3.47)
-0.02 (3.20)
Compétence perçue 5.27 (2.48)
6.63 (2.34)
1.81 (2.82)
0.34 (3.34)
Motivation perçue 8.44 (2.07)
4.08 (3.36)
-3.92 (4.34)
-2.41 (4.64)
La MANOVA met en évidence un effet principal de la valence de l’événement, R/Rao
(4, 59) = 82.34, p < .0001 : les élèves qui ont réussi le contrôle sont plus récompensés, F(1,
62) = 192.609, p < .0001, obtiennent un meilleur pronostic de passage dans la classe
supérieure, F(1, 62) = 201.80, p < .0001, sont perçus comme plus compétents, F(1, 62) =
149.811, p < .0001, et plus motivés, F(1, 62) = 285.22, p < .0001, que ceux qui ont échoué.
On observe également un effet principal du facteur « type d’explication », R/Rao (4,
59) = 5.01, p < .01 : les élèves qui expliquent leur performance par des explications en
appelant à l’effort ou au manque d’effort occasionnel sont plus récompensés, F(1, 62) = 9.54,
p < .01, obtiennent un meilleur pronostic de passage dans la classe supérieure, F(1, 62) =
3.81, p < .06, sont perçus comme plus motivés, F(1, 62) = 14.20, p < .001, que ceux ayant
donné des explications en appelant à l’habileté. En revanche, ils ne sont pas perçus comme
plus compétents, F(1, 62) = 0.05, ns.
Enfin, la MANOVA révèle un effet d’interaction significatif entre les facteurs « type
de renforcements » et « type d’explications », R/Rao (4, 59) = 25.96, p < .0001.
Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social
116
Les analyses univariées conduites séparément sur chacun des jugements montrent que
l’effet du type d’explications varie selon la valence des événements pour au moins trois
d’entre eux (voir tableau 3.3.)33 :
- Jugement de sanction, F(1, 62) = 55.49, p < .0001 : conformément à nos attentes,
l’élève qui explique la réussite par l’effort est plus récompensé que celui qui
l’explique par l’habileté. Inversement, dans le cas de l’échec, l’élève qui explique sa
performance par le manque d’effort est plus sanctionné que celui qui l’explique par le
manque d’habileté.
- Jugement de compétence, F(1, 62) = 19.14, p < .0001 : expliquer la réussite par
l’effort entraîne un jugement de compétence plus négatif que recourir à une
explication en terme d’habileté. Inversement, expliquer l’échec par le manque d’effort
entraîne un jugement de compétence plus positif que recourir à une explication en
terme de manque d’habileté.
- Jugement de motivation, F(1, 62) = 54.26, p < .0001 : émettre une explication en
terme d’effort pour expliquer sa réussite permet d’être perçu par un évaluateur comme
plus motivé que l’expliquer par l’habileté. Inversement, expliquer l’échec par le
manque d’effort conduit à une perception de motivation plus faible qu’expliquer ce
même échec par le manque d’habileté.
En revanche, on n’observe aucun effet d’interaction significatif sur le jugement de
pronostic de passage dans la classe supérieure, F(1, 62) = 0.25, ns.
4.4. Discussion
Les résultats de cette dernière étude montrent l’intérêt qu’il peut y avoir, pour le
chercheur, à prendre en compte la particularité des différents types de jugements mobilisés
lorsqu’on s’intéresse aux effets des explications en matière de jugement social. Les résultats
obtenus montrent clairement que l’effet du type d’explications mobilisé selon la valence des
événements varie en fonction de la nature du jugement considéré. En effet, pour les jugements
de sanction et de motivation, expliquer la réussite par l’effort entraîne un jugement plus
positif qu’émettre une explication en terme d’habileté et inversement en matière d’échec : le
manque d’effort étant perçu plus négativement que le manque d’habileté. On rejoint là les
présupposés de la théorie attributionnelle interpersonnelle (Weiner, 1995) qui, en matière de 33 Les comparaisons de moyennes décrites à la suite de la description des effets univariés de la MANOVA sont toutes significatives à p < .05 (HSD de Tukey).
Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social
117
jugement de sanction, a observé que le manque d’habileté est moins sanctionné puisqu’il
dédouanerait en quelque sorte l’individu de sa responsabilité en matière d’échec. Cela semble
également s’appliquer au jugement de motivation. Ceci n’est finalement guère surprenant si
l’on considère que la motivation perçue peut être vue comme un indice important pour
l’évaluateur qui doit émettre un jugement de sanction à l’encontre d’un autre agent social. En
revanche, le pattern inverse est observé en matière de jugement de compétence : les cibles
perçues comme les plus compétentes sont celles connues pour avoir émis des explications en
terme d’habileté dans le cas de la réussite et de manque d’effort dans le cas de l’échec. Cela
peut se comprendre dans la mesure où le jugement de compétence fait non plus appel à la
distribution immédiate des renforcements mais à l’évaluation du potentiel tel qu’il s’exprime
à partir de la performance réalisée et des explications choisies par l’évalué pour expliquer
cette performance. En matière de jugement de pronostic de réussite future, les résultats
supportent les conclusions des deux études précédentes. Ils montrent que l’émission
d’explications en appelant à l’effort occasionnel entraîne globalement un jugement plus
positif et ceci indépendamment de la valence des événements. Tout semble se passer un peu
comme si le recours au contrôle de l’individu tel qu’il s’exprime dans ce type d’explications
était un critère d’excellence central dans les théories implicites des évaluateurs (Pansu, 2004,
2006).
5. Conclusion
L’objectif de ce premier ensemble de recherches était double. Premièrement, dans la
continuité des travaux sur la norme d’internalité, il s’agissait de se demander si toutes les
explications internes impliquent de la valeur au même titre. Les résultats de cette série
d’études montrent l’intérêt qu’il peut y avoir à dépasser la seule distinction interne/externe
dans l’étude de la normativité des explications causales puisque les explications en appelant à
l’effort semblent ici porteuses de plus de valeur que d’autres explications internes et ce que
l’événement considéré soit positif ou négatif. Ces résultats supportent ceux obtenus dans
d’autres études conduites dans le milieu éducatif et professionnel (Jouffre, 2003a; Pansu &
Gilibert, 2002) qui montrent, indépendamment de la valence des événements, que les
explications en terme d’effort/manque d’effort occasionnel a) font l’objet d’une préférence
marquée lorsqu’il s’agit de s’autoprésenter (paradigme d’autoprésentation), et b) sont perçues
par des évaluateurs plus positivement que d’autres explications (paradigme des juges). A
suivre ces résultats, on pourrait penser d’emblée que l’effort serait fortement prisé dans les
Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social
118
sociétés occidentales parce qu’il permet précisément d’insister, à l’instar des autres
explications internes, sur l’aspect des caractéristiques propres à la personne mais aussi
d’inférer que cette personne peut exercer du contrôle sur les événements et modifier le cours
de ces derniers, notamment en matière d’échec (Pansu, 2004, 2006). Dans la perspective
sociocognitive de l’internalité, l’effort occuperait une place centrale dans les théories naïves
puisqu’il permettrait de dire ce que l’on peut faire avec les gens et de distribuer des
renforcements, donc d’évaluer.
Le second objectif de cet ensemble d’études était de s’interroger sur la validité
respective des approches sociocognitive de l’internalité et attributionnelle en matière de
jugement social. Si les résultats des deux premières études (études 1a et 1b) semblent surtout
soutenir les conclusions des théoriciens de l’approche sociocognitive de l’internalité, ils
contrastent, au moins de prime abord, avec les présupposés de l’approche attributionnelle
(Weiner, 1985a, 1995, 2000, 2003). A se limiter aux données recueillies dans ces deux études,
on serait tenté de dire que les résultats supportent davantage la première approche que la
seconde. Pourtant la moindre validité de l’approche attributionnelle n’est peut être
qu’apparente. Elle peut en effet ne tenir qu’à la nature du jugement impliqué par la tâche elle-
même. Dès lors qu’on s’intéresse de près à l’activité de jugement, il apparaît clairement que la
tâche demandée par les tenants de l’approche sociocognitive de l’internalité et ceux de
l’approche attributionnelle n’impliquent pas le même type de jugement. En effet, alors que
pour les premiers, le jugement social renvoie à une attribution de valeur opérationnalisée par
l’intermédiaire d’un jugement de recrutabilité ou d’un pronostic de réussite future (cf. pour
revue Dubois, 2003b), pour les seconds, le jugement social est opérationnalisé sous la forme
d’un jugement de sanction qui repose directement sur la distribution de récompenses et de
punitions subséquente à l’événement ou d’intentions comportementales à l’égard de cette
personne (e.g. aide à apporter). Cette différence que nous posons entre jugement sur la valeur
sociale (e.g. pronostic de réussite) et jugement de sanction (e.g. jugement affectif, jugement
moral) n’est pas des moindres puisqu’elle suppose que ces deux activités de jugement peuvent
être mobilisées dans des situations particulières et à des fins différentes. Alors que dans le cas
de l’approche sociocognitive de l’internalité, les évaluateurs doivent juger de la valeur sociale
des personnes, dans le cadre de l’approche attributionnelle, ils ont pour tâche de les punir ou
de les récompenser. Dès lors, ces deux approches pourraient s’avérer plus complémentaires
qu’antinomiques puisque les prédictions qu’elles permettent de faire sont issues de situations
différentes qui, elles-mêmes, assignent aux juges des objectifs différents. C’est ce que
supportent les résultats de l’étude 2. Les explications supposées mobilisées par les cibles à
Chapitre 3. Pour une approche perspectiviste des effets des explications causales sur le jugement social
119
évaluer conduisent à des jugements de pronostic et de sanction différents (surtout en matière
d’événements négatifs), validant ainsi empiriquement les deux conceptions sans pour autant
invalider l’une plutôt que l’autre (McGuire, 1983, 1999). Ainsi, un même élève connu pour
avoir donné une explication en terme de manque d’effort suite à un échec peut, à la fois, faire
l’objet d’un jugement de sanction défavorable et d’un jugement de pronostic de réussite
favorable (e.g. forte punition et pronostic de réussite élevé). Cette apparente incongruence
entre ces deux formes de jugement ne leur est pas spécifique. On la retrouve lorsqu’on
compare des jugements qui se démarquent dans leurs objectifs et finalités, comme c’est le cas
dans l’étude 2. Cette étude pointe l’intérêt qu’il peut y avoir à considérer le jugement social
non pas comme un jugement unidimensionnel mais au contraire de l’appréhender sous ses
multiples facettes (e.g. jugements de sanction, de pronostic, de compétence, de motivation)
susceptibles de rendre compte d’une activité de jugement spécifique dans un rapport social
particulier (e.g. contexte dans lequel le jugement est émis, rôle et statut des juges, des
évalués). Toutefois, considérer la possibilité d’une multiplicité des dimensions du jugement
social n’implique pas l’absence d’une organisation de ces dimensions qui peut varier en
fonction de la situation de jugement. C’est sans doute le cas des jugements de motivation et de
sanction dans un contexte méritocratique : une personne peu motivée est plus
« sanctionnable ».
Ces précisions étant maintenant faites, il nous faut resituer le lien de la valeur des
différentes explications avec l’évaluation. En effet, rappelons que notre objectif principal est
d’étudier la valeur sociale des différentes catégories d’explications internes. Les trois études
précédentes nous ont permis de mettre en évidence que les hypothèses émises dans le cadre de
la théorie de la norme d’internalité pouvaient être indépendantes de celles émises dans le
cadre de l’approche attributionnelle. Parce qu’elles ne portent pas sur le même objet d’étude
(valeur sociale des personnes pour la théorie de la norme d’internalité vs.
récompense/punition des individus pour l’approche attributionnelle), les conclusions émises
dans l’un de ces deux cadres théoriques n’ont aucune incidence sur celles émises dans l’autre.
L’objectif du chapitre suivant est donc d’étudier de façon plus approfondie la question de la
valeur sociale des différentes explications causales internes.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
121
CHAPITRE 4
LA VALEUR SOCIALE DES EXPLICATIONS INTERNES EN
MILIEU NATUREL DE CLASSE
A suivre les résultats des études préliminaires 1a et 1b, il semble bien exister des
différences de valeur au sein des registres explicatifs interne et externe en matière de
renforcements. De ce point de vue, les explications en terme d’effort semblent être les plus
valorisées du registre interne indépendamment de la valence des événements. Toutefois,
l’étude 2 révèle que les effets des explications causales sur le jugement social varient en
fonction du type de jugement mobilisé. Ainsi, le recours à une même explication pour rendre
compte d’un événement peut entraîner un jugement favorable sur un type de jugement
spécifique et défavorable sur un autre. Les résultats de cette dernière étude laissent également
entendre qu’il est possible de valider simultanément les conclusions de l’approche
attributionnelle d’un côté et l’extension de la théorie de la norme d’internalité proposée par
Pansu et Gilibert (2002) de l’autre.
Pourtant si ces études préliminaires apportent quelques éléments de réponses
concernant la valeur des différents types d’explications causales au sein des registres interne
et externe en matière d’explications des renforcements, elles ne permettent pas véritablement
de conclure sur la possibilité d’une spécification de la théorie de la norme d’internalité. Une
première raison tient dans la généralisation de ces résultats à d’autres populations que celle
des étudiants (Sears, 1986). Ce point est d’autant plus essentiel que de nombreuses recherches
ont mis en évidence l’aspect général de la norme d’internalité à partir de travaux réalisés
auprès de populations très différentes (e.g. élèves, enseignants, recruteurs, travailleurs
sociaux). Dès lors, toute tentative de spécification de ce modèle théorique se doit de montrer
que les résultats obtenus ne sont pas spécifiques à une population donnée (i.e. les étudiants).
Une seconde raison porte sur l’opérationnalisation même de la norme d’internalité. En
effet, si les études préliminaires accréditent l’hypothèse de l’existence de variations de valeur
des explications causales internes, le matériel que nous avons utilisé se différencie sur
plusieurs points de celui habituellement employé dans les travaux sur la norme d’internalité.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
122
Dans les recherches classiques, indépendamment du paradigme mobilisé (paradigmes de
l’autoprésentation, de l’identification ou des juges), le matériel est systématiquement un
questionnaire d’internalité composé de plusieurs saynètes au travers desquels plusieurs
variables sont généralement manipulées (voir chapitre 2, Dubois, 1997; Jouffre, 2003b). Les
plus fréquentes sont le type d’événements (comportements vs. renforcements), le type
d’environnement (scolaire vs. familiale) ainsi que la valence des événements (positive vs.
négative). A contrario, le matériel utilisé dans les trois études préliminaires ne propose aux
participants que deux renforcements universitaires, l’un positif, l’autre négatif. Alors que les
chercheurs qui ont étudié la norme d’internalité ont toujours cherché à dépasser la spécificité
des événements en utilisant des événements multiples et variés, les résultats que nous avons
obtenus dans les trois premières études sont peut-être, tout simplement, propres au seul
renforcement positif et au seul renforcement négatif utilisés. On peut donc s’interroger sur la
capacité d’un tel matériel à capter la valeur des explications causales telle que l’étudie les
tenants de la théorie de la norme d’internalité dès lors que l’on ne mesure que les réactions
des individus face à un seul événement. Pour pouvoir rendre comparables ces résultats à ceux
obtenus dans le cadre de la théorie de la norme d’internalité et ainsi pouvoir étendre les
conclusions issues de nos études préliminaires, l’utilisation d’un questionnaire d’internalité
impliquant des événements plus nombreux et plus variés s’imposait.
Enfin, une troisième raison concerne le fait que la norme d’internalité interviendrait
tant dans l’explication des renforcements que dans celle des comportements. Or, jusqu’à
présent, nous ne nous sommes intéressés qu’au premier type d’événements psychologiques et
non au second. Aussi, nous fallait-il, pour tenter de généraliser nos conclusions à l’ensemble
des événements psychologiques, intégrer dans notre questionnaire des saynètes portant sur des
comportements. Cela semblait d’autant plus important qu’en matière d’explication des
comportements plusieurs résultats obtenus supportaient l’hypothèse d’une existence de
variations de valeur au sein des explications internes, tantôt en faveur des explications
personnologiques (Beauvois et al., 1991; Beauvois & Le Poultier, 1986), tantôt en faveur des
explications en terme d’intention comportementale (Castra, 1998; Desrumeaux-Zagrodnicki
& Rainis, 2000).
Dans les études qui suivent, nous avons cherché à pallier ces contrepoints. Tout en
restant dans le milieu académique, nous avons cherché à élargir et à tester nos hypothèses
dans le milieu scolaire élémentaire auprès d’élèves et d’enseignants. Nous avons aussi
modifié le matériel de manière à le rendre le plus comparable possible avec celui
habituellement utilisé dans les travaux sur la norme d’internalité, c’est-à-dire un outil
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
123
comprenant plusieurs types d’événements psychologiques, ce tant en matière de
comportements que de renforcements. Pour ce faire, nous avons créé un questionnaire
d’internalité répondant à nos besoins.
1. Etude 3 : Une étude en milieu naturel de classe
L’objectif de cette troisième étude était double. Il s’agissait de montrer 1) que le
matériel élaboré était bien en mesure de reproduire les effets classiques de la norme
d’internalité et 2) que ces effets pouvaient être spécifiés par une décomposition plus fine du
score d’internalité global.
1.1. Vue générale
Des élèves ont été invités à répondre au questionnaire d’internalité scolaire (version a)
dans le cadre du paradigme d’autoprésentation. Leurs enseignants respectifs ont été invités,
d’une part, à imaginer les réponses qu’ils pensent que chacun de leurs élèves auraient données
spontanément à ce même questionnaire et, d’autre part, à juger de leur niveau d’acquisition
scolaire en français et en mathématiques.
1.2. Méthode
1.2.1. Participants
Six cent soixante trois élèves issus de 38 classes de CE2 (3rd grade) provenant de
différentes régions de France (régions Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes) et leurs 38
enseignants respectifs, ont participé à cette étude. L’échantillon a été constitué en fonction
des autorisations obtenues (auprès des inspecteurs d’académie, des directeurs
d’établissement, des enseignants et des parents) et de la disponibilité des expérimentateurs
impliqués dans cette étude34. Comme nous le montre le tableau 4.1., les élèves sont issus de
milieux sociaux divers (classification INSEE).
34 Je remercie Stéphane Biboud, Laurence Reynier, et Caroline Roulet pour leur participation au recueil des données de cette étude.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
124
Tableau 4.1. Répartition de l’échantillon d’élèves en fonction de la catégorie
socioprofessionnelle du père, du sexe des élèves et de leur statut de redoublant
Garçon Fille
Redoublant Non redoublant Redoublant Non
redoublant
Cadre 1 21 0 32
Artisan 8 30 9 32
Profession intermédiaire 4 34 2 39
Employé 9 39 6 36
Ouvrier 17 94 16 107
Autre 24 40 23 40
L’échantillon est composé approximativement d’autant de filles (N = 343) que de
garçons (N = 321). Il y a près de cinq fois plus d’élèves non redoublants (N = 544) que
d’élèves redoublants (N = 119). Près d’un élève sur trois est enfant d’ouvrier (N = 234), les
autres catégories socioprofessionnelles étant représentées dans des proportions relativement
équivalentes (employé : N = 90 ; profession intermédiaire : N = 79 ; artisan : N = 79), les
enfants de cadres étant les moins nombreux (N = 54). Enfin, plus d’un élève sur cinq est
classé dans la catégorie « autre » (N = 127). Cette catégorie, sans signification particulière,
intègre les enfants dont le père est sans emploi (N = 100), agriculteur (N = 8), retraité (N = 3)
ou dont la profession n’est pas renseignée (N = 16).
1.2.2. Matériel
1.2.2.1. Les fiches d’identification des élèves
Le matériel utilisé dans cette étude est adapté de celui mis en place par Bressoux et
Pansu (1998; 2001a). Il incluait deux types de documents. Le premier était un ensemble de
fiches d’identification (cf. annexe IIa) à partir desquelles nous avons recueilli des
informations sociodémographiques sur les élèves (sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle
des parents), leurs scores aux épreuves standardisées de français et de mathématiques ainsi
que les jugements émis par leur enseignant concernant leur niveau dans ces deux disciplines
sur deux échelles en 11 points allant de 0 (très faible dans la discipline) à 10 (très fort dans la
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
125
discipline). Les épreuves standardisées utilisées dans cette étude sont passées au niveau
national par tous les élèves de CE2 (3rd grade) au début de l’année scolaire. Prendre en
compte ces scores ne revient pas à les considérer « comme des mesures d’un « vrai » niveau
d’acquisitions ; leur intérêt est de fournir un étalon de mesure commun à toutes les classes et
donc de rendre comparables les niveaux de performance des élèves » (Bressoux & Pansu,
2001a, p.357).
1.2.2.2. Le questionnaire d’internalité
Le second type de document utilisé est un questionnaire d’internalité scolaire. Il a été
spécialement construit pour les besoins de cette recherche et adapté aux enseignants et élèves
de cycle primaire.
1.2.2.2.1. Construction des items
Ce questionnaire d’internalité est inspiré de ceux déjà utilisés dans d’autres travaux
consacrés à l’étude de la norme d’internalité (Bertone et al., 1989; Dubois, 1994; Dubois &
Tarquinio, 1997; Jouffre, 2003a; Pichot, 1997). Conformément à la plupart des questionnaires
d’internalité déjà existants, ce questionnaire était composé à l’origine de 16 saynètes décrivant
des événements de la vie quotidienne scolaire. Ces événements ont été construits à partir
d’événements produits spontanément par les élèves (Jouffre, 2003a; Pichot, 1997). Ils
renvoyaient pour moitié à des comportements scolaires des élèves et pour l’autre moitié à des
renforcements scolaires. La valence des événements était également contrôlée de façon à
proposer autant d’événements positifs que négatifs. Enfin, chacun des événements proposés
était associé à quatre types d’explications causales. Ces explications ont été construites de
façon à refléter des propriétés causales spécifiques sur deux dimensions particulièrement
intéressantes dans l’étude de la normativité des explications causales (Beauvois, 1994;
Jouffre, 2003a; Pansu, 1994) : le lieu de causalité (interne vs. externe) et la stabilité (stable vs.
instable)35. Ces deux dimensions ont été croisées factoriellement pour permettre de constituer
35 Dans ce questionnaire, nous avons délibérément choisi de mettre de côté la dimension de la contrôlabilité et ce, pour deux raisons. La première est que nous avons observé, dans une étude pilote non présentée dans cette thèse, que les dimensions du lieu de causalité et de la contrôlabilité étaient difficilement différenciables (r > .90) dès qu’il s’agissait d’expliquer des renforcements scolaires proches de ceux que nous avons utilisé. La seconde raison est que si la dimension de la contrôlabilité peut être utilisée pour différencier les explications causales utilisées pour rendre compte des renforcements, aucune recherche à notre connaissance n’a utilisé ce critère pour classifier les explications mobilisées dans le cas des comportements. De ce point de vue, la dimension de la stabilité semble être adaptée pour distinguer les explications pour les comportements et pour les renforcements (Passer et al., 1978).
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
126
quatre catégories d’explications : les explications internes/stables, internes/instables,
externes/stables et externes/instables. Parallèlement à ces deux critères dimensionnels, les
explications proposées étaient construites de façon à prendre en compte la spécificité du
facteur causal auquel elles renvoient. Pour les renforcements, ces facteurs causaux étaient
l’effort, l’habileté, la difficulté de la tâche, et la chance. Pour les comportements, il s’agit de
l’intention, du trait, de la contrainte extérieure et d’autrui. Ainsi, chacune des explications
proposées était à la fois caractérisée par une orientation particulière sur l’un des pôles des
deux dimensions (I/E et S/I) mais également par une appartenance à une catégorie spécifique
d’explications. En matière de renforcements, les explications internes/instables renvoyaient
systématiquement à l’effort, les explications internes/stables à l’habileté, les explications
externes/stables à la difficulté de la tâche, et les explications externes/instables à la chance. En
matière de comportements, les explications internes/instables renvoyaient toujours à
l’intention de l’acteur, les explications internes/stables à un trait de l’acteur, les explications
externes/stables à l’existence d’une contrainte extérieure, et les explications externes/instables
au pouvoir ou à l’action d’autrui. Cette double classification (dimensionnelle et catégorielle)
avait pour but de pallier un problème inhérent à l’étude des explications causales et de leurs
effets. Comme l’ont souligné certaines recherches issues des théories attributionnelles (Krantz
& Rude, 1984; Russel & McAuley, 1986), l’utilisation de dimensions causales pour
caractériser les explications est loin d’épuiser la signification des causes. Avoir recours à des
catégories d’explications spécifiques avait pour objectif de nous permettre de nous assurer
d’une certaine homogénéité sémantique au sein des explications possédant des
caractéristiques dimensionnelles identiques. Toutefois, comme nous l’avons évoqué
précédemment (cf. chapitre 1), l’un des principaux problèmes rencontrés par l’approche
attributionnelle concerne la mesure des explications causales et la signification que celles-ci
revêt pour les individus (McAuley et al., 1992; Russel, 1982; Weiner, 1983). Appliquée à
l’étude de la valeur sociale des explications causales, le problème de la perception des
individus quant à la signification des explications causales implique de s’assurer de la
correspondance entre les propriétés des explications causales telles qu’elles sont perçues par
le chercheur et les propriétés de ces mêmes explications telles qu’elles sont perçues par les
individus naïfs. Deux prétests ont été réalisés afin de nous assurer de cette correspondance.
1.2.2.2.2. Prétest 1 du questionnaire d’internalité
Soixante seize étudiants inscrits en Licence de Sciences de l’Education à l’université
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
127
de Grenoble 2 ont participé au premier prétest. Le matériel était composé d’un questionnaire
de 5 pages. Sur les deux premières pages, les participants pouvaient lire une consigne les
invitant à se prononcer sur un certain nombre d’explications que des élèves de CE2 pouvaient
être amenés à exprimer à la suite d’un événement scolaire. Ils devaient se prononcer sur les
propriétés perçues des explications proposées. Il leur était précisé qu’ils devaient indiquer,
pour chaque explication, si celle-ci était interne ou externe36, et si celle-ci était stable ou
instable37. Il leur était également précisé qu’il n’y avait ni de bonnes, ni de mauvaises
réponses et que leurs réponses seraient toujours bonnes s’ils répondaient ce qu’ils pensaient
réellement. Les passations ont été réalisées lors d’une seule séance collective. Les participants
ont été divisés en deux groupes. Le premier groupe (N = 43) devait se prononcer sur les
propriétés des explications des comportements. Le second groupe (N = 33), quant à lui, devait
se prononcer sur les propriétés des explications des renforcements.
Pour chaque explication, les réponses des participants ont été classées en deux
catégories. Ces deux catégories opposent le nombre de participants en accord avec la
classification a priori à celui du nombre de participants en désaccord avec celle-ci38. Les
fréquences ainsi obtenues ont été traitées par l’intermédiaire de tests du X² (Siegel, 1956). Une
différence significative39 et dans le sens attendu indiquait que la majorité de l’échantillon
avait perçu l’explication en accord avec la classification a priori. Toutefois, le critère de
validité que nous avons choisi pour chaque événement impliquait que toutes les explications
proposées pour un même événement soient perçues sur les deux dimensions par la majorité de
l’échantillon comme ayant les propriétés supposées par la classification a priori. Ainsi, nous
n’avons considéré comme acceptable que les saynètes dont toutes les explications étaient
perçues par la majorité de l’échantillon comme conforme à la classification a priori sur les
deux dimensions. La présence d’une seule explication non conforme sur une des deux
dimensions aboutissait au rejet de la saynète entière.
Les données recueillies (cf. annexe IIb) ont mis en évidence que le pourcentage moyen
d’accord avec la classification a priori diffère en fonction de la dimension évaluée. En effet,
celui-ci est plus élevé sur la dimension du lieu de causalité que sur la dimension de la stabilité
36 Les participants devaient choisir entre deux possibilités : soit l’explication avait « à voir avec l’élève » (interne), soit elle n’avait « rien à voir avec l’élève » (externe). 37 Là encore, les participants avaient le choix entre deux options : soit l’explication pouvait « changer dans le temps » (instable), soit elle restait « pareil tout le temps » (stable). 38 Cette seconde catégorie inclut également les participants n’ayant pas fait de choix entre les deux possibilités sur la dimension considérée et ceux n’ayant pas donné de réponses. 39 A noter qu’étant donné le nombre relativement faible de participants dans chacun des deux groupes, nous avons choisi un critère de décision statistique moins stricte que pour d’autres analyses. Nous avons ainsi fixé, pour chaque X² calculé, comme seuil critique � = .10.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
128
(M = 78.49 % et M = 62.79 % respectivement). Ensuite, les tests du X² réalisés sur les
données mettent en évidence que certaines saynètes semblent plus consensuelles que d’autres.
A propos de la dimension du lieu de causalité, 7 saynètes sur 16 atteignent le critère de
validité retenu. Concernant la dimension de la stabilité, seuls 3 saynètes parviennent à
satisfaire le critère de validité. Enfin, le croisement de ces deux critères montre qu’aucune des
saynètes n’a atteint le critère que nous nous sommes fixé.
Etant donné l’absence d’un consensus satisfaisant sur les items construits, nous les
avons modifié de façon à enlever l’ambiguïté sous-jacente à certains d’entre eux. Suite à cette
modification, nous avons réalisé un nouveau prétest.
1.2.2.2.3. Prétest 2 du questionnaire d’internalité
Cent quatorze étudiants inscrits en 1e, 2e et 3e année de Psychologie à l’université de
Grenoble 2 ont participé à ce second prétest. Le matériel proposé est quasiment identique au
précédent. Seules les saynètes problématiques ont été modifiées. A la différence du prétest 1,
les participants devaient se prononcer à la fois sur les items de comportements et sur les items
de renforcements. L’ordre de présentation de ces deux types d’événements était contrebalancé
de façon à ce que les comportements et les renforcements se retrouvent autant de fois en
première qu’en seconde position dans le questionnaire. Les passations ont été effectuées lors
de différentes sessions collectives. La consigne, comme précédemment, invitait les
participants à caractériser les explications proposées sur les dimensions du lieu de causalité et
de la stabilité.
Les données recueillies ont été traitées de la même façon que celles du premier prétest
et les résultats obtenus (cf. annexe IIb) ont mis en évidence que le pourcentage moyen
d’accord avec la classification a priori plus élevé que lors du premier prétest. En effet, celui-
ci s’élève à 87.90 % sur la dimension du lieu de causalité (+ 9.41 %) et à 80.95 % sur la
dimension de la stabilité (+ 18.16 %). Les tests du X² ont montré que 12 saynètes sur 16
atteignent le critère de validité sur la dimension du lieu de causalité et que 12 saynètes sur 16
atteignent le critère sur la dimension de la stabilité. Le croisement des deux critères a montré
que 9 saynètes sur les 16 atteignent le critère de validité. Finalement, afin d’obtenir un
questionnaire contenant autant de comportements que de renforcements, autant d’événements
positifs que d’événements négatifs, trois saynètes40 ont été modifiées de façon à accentuer le
consensus autour des caractéristiques dimensionnelles des explications problématiques. 40 Deux concernant une explication sur la dimension de la stabilité et une concernant une explication sur la dimension du lieu de causalité.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
129
1.2.2.2.4. Structure du questionnaire d’internalité
C’est ce questionnaire d’internalité composé de 12 saynètes, dont 3 comportements
positifs, 3 comportements négatifs, 3 renforcements positifs, et 3 renforcements négatifs que
nous avons retenu. Quatre explications sont associées à chacune des 12 saynètes, soit au total
48 explications distinctes (cf. annexe IIc). Les répondants sont invités à choisir une et une
seule explication parmi les quatre proposées (questionnaire à choix forcé).
L’ordre de présentation des saynètes ainsi celui des explications qui leur sont
associées ont été déterminés par l’intermédiaire de tirages aléatoires.
Le questionnaire d’internalité scolaire ainsi constitué permet d’obtenir différents
scores. D’une part, il permet de calculer un score global d’internalité par individu à partir du
nombre d’explications internes choisies. Ce score global peut être lui-même décomposé en
scores spécifiques selon le type d’événements considéré (comportements vs. renforcements) et
selon leur valence (positive vs. négative). D’autre part, il permet de calculer différents scores
correspondant aux différentes catégories d’explications manipulées. Le recours au calcul de
ces différents scores devrait nous permettre de mieux étudier la valeur des explications
causales manipulées.
1.2.3. Procédure
Les passations ont été effectuées lors de deux sessions collectives espacées
d’approximativement deux semaines. Lors de la première session, les élèves étaient invités à
répondre au questionnaire d’internalité de façon spontanée (cf. annexe IId). Lors de la
seconde session, ils devaient à nouveau répondre au même questionnaire mais cette fois, soit
de façon à donner une bonne image d’eux-mêmes à leur enseignant (consigne pronormative),
soit de façon à donner une mauvaise image d’eux-mêmes (consigne contre normative).
L’ordre de présentation des consignes était contrebalancé entre les classes.
Les enseignants avaient, quant à eux, des tâches à réaliser durant chacune des deux
sessions. Durant la première session, ils devaient remplir une fiche d’identification concernant
chacun de leurs élèves et porter un jugement en français et en mathématiques sur deux
échelles en 11 points allant de 0 (niveau très faible) à 10 (niveau très élevé). Afin de ne pas
influencer le jugement des enseignants, les scores des élèves aux épreuves standardisées
étaient recueillis par l’expérimentateur à la fin de la première session. Durant la seconde
session, les enseignants devaient répondre au questionnaire d’internalité scolaire, non pas en
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
130
leur nom propre, mais au nom de chacun de leurs élèves. Pour ce faire, les enseignants étaient
invités à imaginer les réponses qu’aurait données spontanément chacun des élèves de leur
classe. Cette procédure était pour le moins coûteuse puisqu’elle impliquait que les enseignants
répondent à autant de questionnaires d’internalité qu’ils avaient d’élèves dans leur classe. Le
tableau 4.2. présente un récapitulatif de la procédure mise en place dans l’étude 3.
Tableau 4.2. Récapitulatif de la procédure de l’étude 3
Elèves Enseignants
Session 1 Répondre au questionnaire d’internalité en consigne
standard
Remplir les fiches d’identification des élèves
Juger leurs élèves en Français et mathématiques
Session 2 Répondre au questionnaire d’internalité en consignes pro et contre normative
Répondre au questionnaire d’internalité pour chacun de leurs élèves comme ils imaginent qu’ils auraient
répondu
Les différentes tâches demandées aux élèves et à leurs enseignants avaient pour
objectif de nous permettre de tester nos hypothèses dans le cadre de deux paradigmes
distincts. Le premier, le paradigme d’autoprésentation, a mobilisé les réponses des élèves au
questionnaire d’internalité scolaire à partir des trois consignes d’autoprésentation (consignes
standard, pronormative, contre normative). Le second, que nous avons appelé le paradigme
d’identification/jugement, consiste à mettre en rapport les réponses des enseignants au
questionnaire d’internalité scolaire au nom de chacun de leurs élèves et les jugements qu’ils
ont émis à leur endroit. Ce paradigme est issu de la méthode développée par Bressoux et
Pansu (1998; 2001a; 2003) pour étudier l’impact de la norme d’internalité sur le jugement
scolaire.
1.3. Analyses statistiques
Les données ont été traitées de deux manières différentes. Le premier ensemble
d’analyses visait à tester l’hypothèse selon laquelle les explications internes sont dans
l’ensemble plus valorisées que les explications externes. Dans un premier temps, les données
recueillies à partir du paradigme d’autoprésentation et à partir du paradigme
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
131
d’identification/jugement ont été analysées par l’intermédiaire du calcul d’un score
d’internalité global par élève.
Le second ensemble d’analyses visait à tester les hypothèses spécifiques concernant
l’existence d’une plus grande valorisation de certaines explications internes. Dans un second
temps, ces mêmes données ont été traitées sur la base des différentes catégories utilisées dans
le questionnaire d’internalité scolaire. Plus particulièrement, conformément aux résultats
obtenus par Pansu et Gilibert (2002) ainsi qu’à nos résultats antérieurs, nous nous attendons à
ce que les explications les plus valorisées en matière des renforcements soient celles en terme
d’effort de l’acteur et cela indépendamment de la valence des événements. En matière de
comportements, conformément aux présupposés théoriques de Beauvois (Beauvois et al.,
1991; Beauvois & Le Poultier, 1986), nous nous attendons à ce que les explications les plus
valorisées en matière de comportements soient les explications personnologiques,
indépendamment de leur positivité ou de leur négativité.
1.3.1. Analyses sur le score global d’internalité
1.3.1.1. Paradigme d’autoprésentation (élèves)
Les données ont tout d’abord été traitées par analyse de variance à partir du plan
suivant : 3 (type de consigne : standard vs. pronormative vs. contre normative) x 2 (type
d’événements : renforcements vs. comportements) x 2 (valence des événements : positive vs.
négative). La variable dépendante est le score moyen d’internalité. Dans un souci de synthèse
et de clarté, nous n’avons présenté ici que les effets significatifs. Les scores d’internalité
moyens en fonction du type de consignes, du type d’événements et de leur valence sont
présentés dans le tableau 4.3.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
132
Tableau 4.3. Scores d’internalité (et écarts-types) en fonction du type de consigne, du type
d’événements et de leur valence (autoprésentation)
Comportements Renforcements
Positifs Négatifs Positifs Négatifs
Standard 1.41a (0.86)
1.04b (0.95)
2.18b (0.85)
2.17a (0.91)
Pronormative 1.46a (0.87)
1.12b (0.97)
2.40a (0.78)
2.24a (0.91)
Contre normative
1.24b (0.93)
1.74a (0.82)
0.67c (0.89)
1.01b (0.97)
Note. Les scores indicés par une lettre distincte en colonne sont significativement différents à p < .05 (HSD de Tukey).
Tout d’abord, l’analyse de variance met en évidence un effet principal du type de
consigne, F(2, 1324) = 355.71, p < .0001, �² = .35. Le score d’internalité moyen est plus élevé
en consigne pronormative (M = 1.81) que celui obtenu en consigne standard (M = 1.70), ces
deux derniers scores étant plus élevés que celui obtenu en consigne contre normative (M =
1.17)41.
L’ANOVA révèle également un effet principal du type d’événements, F(1, 662) =
520.15, p < .0001, �² = .44. Le score d’internalité moyen est globalement plus élevé pour les
renforcements (M = 1.78) que pour les comportements (M = 1.34).
L’interaction entre le type de consignes et le type d’événements est significative, F(2,
1324) = 687.36, p < .0001, �² = .51. En consigne standard, le score d’internalité moyen est
plus élevé pour les renforcements (M = 2.18) que pour les comportements (M = 1.23). De la
même façon, en consigne pronormative, le score d’internalité moyen est également plus élevé
pour les renforcements (M = 2.32) que pour les comportements (M = 1.13). En revanche, en
consigne contre normative, le score d’internalité moyen est moins élevé pour les
renforcements (M = 0.84) que pour les comportements (M = 1.49).
L’interaction entre le type de consigne et la valence des événements est également
significative, F(2, 1324) = 117.20, p < .0001, �² = .15. En consigne standard, le score
41 Les comparaisons de moyennes par paires consécutives à la décomposition des effets principaux et d’interactions de l’ANOVA ont été testées par l’intermédiaire du test HSD de Tukey (Hancock & Klockars, 1996). Les différences indiquées sont significatives à p < .05.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
133
d’internalité moyen est globalement plus élevé pour les événements positifs (M = 1.80) que
pour les événements négatifs (M = 1.61). De la même façon, le score d’internalité moyen est
également plus élevé pour les événements positifs (M = 1.93) que pour les événements
négatifs (M = 1.68). Par contre, en consigne contre normative, le score d’internalité moyen est
également moins élevé pour les événements positifs (M = 0.96) que pour les événements
négatifs (M = 1.38).
L’interaction entre le type d’événements et leur valence est également significative,
F(1, 662) = 11.13, p < .001, �² = .02. Le score d’internalité moyen est plus positif pour les
comportements positifs (M = 1.37) que pour les comportements négatifs (M = 1.30) alors que
la différence entre les renforcements positifs et négatifs n’est pas significative (M = 1.75 et M
= 1.80 respectivement).
Enfin, l’interaction entre le type de consignes, le type d’événements et la valence des
événements est également significative, F(2, 1324) = 18.72, p < .0001, �² = .03. Pour les
comportements positifs, le score d’internalité moyen n’est pas plus élevé en consigne
pronormative (M = 1.41) qu’en consigne standard (M = 1.46), bien que ces deux scores se
différencient de celui obtenu en consigne contre normative (M = 1.24). Pour les
comportements négatifs, cette fois, le score d’internalité moyen, s’il n’est pas
significativement plus élevé en consigne pronormative (M = 1.12) qu’en consigne standard
(M = 1.04), s’avère être le plus élevé en consigne contre normative (M = 1.74). Pour les
renforcements positifs, c’est en consigne pronormative que le score d’internalité moyen est
significativement le plus élevé (M = 2.40). Le score moyen en consigne standard (M = 2.18)
se différencie significativement de celui obtenu en consigne contre normative (M = 0.67).
Enfin, pour les renforcements négatifs, le pattern de résultats ressemble à celui obtenu pour
les comportements positifs : le score d’internalité moyen ne se différencie pas
significativement entre la consigne standard (M = 2.17) et la consigne pronormative (M =
2.24) mais les scores d’internalité moyens obtenus dans ces deux conditions sont
significativement plus élevés que celui observé en consigne contre normative (M = 1.01).
L’analyse de variance met en évidence que, dans l’ensemble, les résultats sont
conformes à ceux obtenus dans le cadre des travaux sur la norme d’internalité. L’internalité
apparaît bien plus valorisée que l’externalité. En moyenne, les élèves sont plus internes en
consigne pronormative qu’en consigne standard, leur score d’internalité chutant de façon
importante en consigne contre normative par rapport à ces deux conditions.
Ces résultats, s’ils sont conformes à ceux obtenus dans le cadre de l’étude de la norme
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
134
d’internalité, doivent toutefois être nuancés. En effet, les comparaisons par paires révèlent
que, pour les élèves, les explications internes ne semblent être valorisées que pour trois types
d’événements sur quatre : les comportements positifs, les renforcements positifs et les
renforcements négatifs. En effet, si pour ces trois types d’événements, le score d’internalité
augmente ou a minima reste identique en consigne pronormative comparativement au score
obtenu en consigne standard, il chute massivement en consigne contre normative. En
revanche, pour les comportements négatifs, le pattern inverse est observé. Si la différence
entre le score d’internalité en consigne standard et celui en consigne pronormative n’est pas
significative, ces deux scores sont significativement plus faibles que celui en consigne contre
normative. Il semblerait donc que les élèves aient perçu ces explications internes comme
pouvant produire chez leurs enseignants une image défavorable.
Toutefois, comme nous l’avons déjà évoqué, le paradigme de l’autoprésentation ne
permet pas à lui seul de conclure sur la valeur des explications causales. Les élèves peuvent
choisir de mobiliser différentes stratégies et baser leurs réponses sur d’autres critères de la
normativité. Il est donc nécessaire de regarder ce qu’il en est du point de vue des enseignants.
1.3.1.2. Paradigme d’identification/jugement (enseignants)
Le paradigme d’identification/jugement est une méthode dérivée du « paradigme
écologique » développée par Bressoux et Pansu (1998; 2001a; 2003). Très proche du
paradigme des juges, il consiste à mettre en correspondance la perception des enseignants
quant aux réponses que donneraient leurs élèves à un questionnaire d’internalité et leur
jugement sur chacun de leurs élèves. La différence entre les deux réside principalement dans
le fait que, dans le paradigme des juges, les perceptions des juges sont déterminées par les
réponses des cibles alors que dans le paradigme d’identification/jugement, elles ne sont pas
directement guidées par les réponses des cibles mais par la connaissance qu’ils ont de ces
cibles dans le cadre d’interactions quotidiennes. En ce sens, le paradigme
d’identification/jugement n’est pas totalement assimilable à un paradigme des juges à
proprement parler. En effet, alors que dans le paradigme des juges, les juges ont directement
accès aux réponses des cibles, ceux placés dans le paradigme d’identification/jugement ne
disposent pas de cette information. Ainsi, alors que les réponses des cibles correspondent
théoriquement toujours à celles qui sont perçues par les juges dans le premier paradigme, ce
n’est pas forcément le cas dans le second. Dans ce dernier, il est possible d’observer une
décorrélation entre ce que répondent les cibles (les élèves) et ce qu’imaginent les juges (les
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
135
enseignants). Toutefois, afin de tester nos hypothèses, nous avons choisi de recourir
préférentiellement à la perception des enseignants des réponses de leurs élèves au
questionnaire d’internalité scolaire plutôt que de prendre en compte les réponses
effectivement données par les élèves. Ce choix repose sur l’idée que la perception des
enseignants de l’internalité de leurs élèves est une variable plus proximale de leurs jugements
que ne le sont les réponses au questionnaire des élèves eux-mêmes. En ce sens, la perception
des enseignants peut être considérée comme un médiateur de la relation entre l’internalité
spontanée des élèves et les jugements scolaires (cf. encadré 1).
Pour mesurer l’impact de l’internalité perçue par les enseignants sur leur jugement,
nous avons construit un modèle de base contenant quelques uns des principaux déterminants
du jugement scolaire. Ce modèle intègre comme variables indépendantes le score moyen des
élèves aux épreuves standardisées, le niveau scolaire moyen de la classe à ces épreuves, la
catégorie socioprofessionnelle du père des élèves, leur sexe (garçon vs. fille) ainsi que leur
histoire scolaire (redoublant vs. non redoublant). La variable dépendante est le jugement
scolaire moyen. Le score moyen des élèves aux épreuves standardisées, le niveau scolaire
moyen de la classe ainsi que le jugement scolaire moyen ont été obtenus en agrégeant les
variables correspondantes en français et en mathématiques. Ainsi, le score moyen des élèves
aux épreuves standardisées a été obtenu en moyennant leurs scores aux épreuves de français
et de mathématiques (� de Cronbach = .85). Le score moyen de la classe a été obtenu à partir
des moyennes de classes à ces deux ensembles d’épreuves (� de Cronbach = .91). Enfin, le
jugement scolaire moyen a été obtenu en faisant la moyenne par élève des jugements en
français et en mathématiques (� de Cronbach = .89).
Bien que certaines variables incluses dans le modèle de base soient très pertinentes dès
lors que l’on cherche à mieux comprendre les mécanismes qui sous-tendent le jugement
scolaire (cf. encadré 1), elles n’ont pas d’intérêt théorique à proprement parler dans le cadre
de ce travail de thèse et sont à considérer comme des variables de contrôle.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
136
Encadré 1 : Vers un modèle intégratif du jugement scolaire
(adapté de B. Dompnier et al., 2006)
L’étude des déterminants du jugement scolaire est un domaine de recherches
particulièrement intéressant dès lors qu’on cherche à mieux connaître les dynamiques à l’œuvre dans les situations d’apprentissages. En effet, de par ses fonctions formative et sommative, le jugement scolaire est au cœur du fonctionnement du système éducatif (Monteil, 1990). Mais le jugement scolaire n’est pas uniquement le reflet du niveau de performances scolaires des élèves. D’autres informations sont prises en compte par les enseignants pour juger leurs élèves (Bressoux & Pansu, 2003). L’objectif ici est de proposer un modèle des mécanismes qui sous-tendent le jugement scolaire. Ce modèle prend en compte certaines de ces informations et vise à clarifier deux points. Quelles informations les enseignants utilisent-ils pour juger leurs élèves ? Quel rôle jouent-elles dans la construction des jugements scolaires ?
Globalement, les recherches ont montré que différents facteurs intervenaient dans le jugement scolaire. Le premier facteur est le niveau de performances effectives des élèves. De nombreuses études ont montré que les évaluations des enseignants dans des disciplines spécifiques étaient très fortement reliées aux performances des élèves mesurées à partir de tests standardisés. Par exemple, Hoge et Coladarci (1989) ont observé que, bien que les corrélations entre les performances des élèves sur ce type de tests et le jugement des enseignants pouvaient varier fortement d’un enseignant à l’autre (de .28 à .92), la corrélation médiane entre ces deux mesures était relativement forte (environ .66).
Un deuxième facteur susceptible d’intervenir dans la construction du jugement scolaire est la tendance des individus à coter de façon similaire des dimensions perçues comme proches ou logiquement reliées. Cette tendance, considérée comme un type spécifique d’effet de halo (Balzer & Sulsky, 1992; W. H. Cooper, 1981; Nisbett & Wilson, 1977a), peut influencer les enseignants lorsqu’ils doivent émettre des jugements concernant le niveau des élèves dans des disciplines spécifiques.
Un troisième facteur est le contexte dans lequel le jugement est produit. Plusieurs recherches ont en effet rapporté que les jugements réalisés par les enseignants dépendaient en partie du niveau moyen de la classe (Duru-Bellat & Mingat, 1993). Au-delà de leurs performances effectives, les élèves sont mieux jugés dans une classe dans laquelle le niveau moyen de performances est faible que dans une classe où ce niveau est fort.
Un quatrième facteur concerne la connaissance qu’ont les enseignants des caractéristiques individuelles des élèves (Dusek & Joseph, 1983) et plus particulièrement de leur histoire scolaire (Duru-Bellat & Mingat, 1993). Par exemple, Bressoux et Pansu (1998, 2001) ont montré que la connaissance des enseignants du redoublement des élèves a un effet sur leurs jugements : à niveau de performances égal, les élèves qui ont redoublé au moins une fois sont moins bien jugés que ceux n’ayant jamais redoublé.
Enfin, un cinquième facteur susceptible d’intervenir sur le jugement scolaire concerne la nature sociétale de l’évaluation académique. D’après Smith (1989), l’école, en tant que structure organisationnelle, est influencée par ce qui est valorisé dans la société, telles que peuvent le refléter certaines normes sociales de jugement (Dubois, 2003b). Parmi les différentes normes sociales de jugement, la norme d’internalité est celle qui a fait l’objet du plus grand nombre de travaux (Beauvois & Dubois, 1988; Dubois, 1994; Jellison & Green, 1981; Pansu, 2006; Pansu, Bressoux et al., 2003; Weary, Jordan, & Hill, 1985). De nombreuses recherches ont montré que plus les élèves sont internes, plus ils sont jugés favorablement (Bressoux & Pansu, 2003).
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
137
Un modèle intégratif du jugement scolaire L’objectif ici est de proposer un modèle intégratif qui incorpore plusieurs des
déterminants des jugements sur la valeur scolaire en français et en mathématiques, deux disciplines importantes dans le système éducatif français. Ce modèle suppose que les jugements émis par les enseignants dans des disciplines spécifiques sont sous l’influence de différentes variables : les performances des élèves en français et en mathématiques, le niveau moyen de la classe dans ces deux disciplines, les caractéristiques individuelles des élèves et l’adhésion des élèves à la norme d’internalité. De plus, ce modèle propose une organisation causale entre la clairvoyance normative des élèves (Guingouain, 2001; Py & Ginet, 1999, 2003; Py & Somat, 1991, 1996; Somat & Vazel, 1999)42, leur expression spontanée de l’internalité et la perception qu’ont les enseignants de leur internalité. Plus spécifiquement, le modèle prédit que : 1. Les performances effectives des élèves ont un effet direct positif sur les jugements
des enseignants dans la discipline correspondante : plus le score des élèves aux épreuves standardisées est élevé dans une discipline donnée (français ou mathématiques), plus le jugement des enseignants devrait être favorable dans cette discipline.
2. Les performances effectives des élèves ont un effet direct et positif sur les jugements des enseignants dans d’autres disciplines : plus le score des élèves aux épreuves standardisées est élevé dans une discipline donnée (e.g. français), plus le jugement des enseignants devrait être favorable dans une autre (e.g. mathématiques).
3. Le contexte de classe devrait influencer le jugement scolaire : plus le niveau moyen de la classe est élevé dans une discipline donnée (français ou mathématiques), plus le jugement des enseignants devrait être sévère dans cette même discipline.
4. L’histoire scolaire des élèves devrait également influencer directement les jugements des enseignants : on s’attend à ce que les redoublants soient moins bien jugés que les autres, en français comme en mathématiques.
5. Les jugements des enseignants devraient être influencés par la perception qu’ils ont de l’internalité de leurs élèves : plus les enseignants pensent que leurs élèves choisiraient des explications internes, plus leur jugement devrait être favorable, en français comme en mathématiques.
Concernant l’internalité perçue par les enseignants, le modèle prédit également que : 6. La perception qu’ont les enseignants de l’internalité de leurs élèves doit dépendre
pour partie des réponses spontanées des élèves : plus les élèves choisissent d’explications internes en consigne standard, plus les enseignants devraient les percevoir comme étant internes dans leur choix explicatif.
7. La connaissance des élèves de la valorisation sociale des explications causales (clairvoyance normative, voir Py & Somat, 1991) devrait les amener à produire des réponses socialement adaptées : plus les élèves sont clairvoyants, plus ils devraient spontanément choisir d’explications internes (consigne standard).
42 Rappelons que la clairvoyance normative est définie comme « une connaissance (versus une non-connaissance) du caractère normatif ou contre-normatif d’un type de comportements sociaux, ou d’un type de jugements » (Py & Somat, 1991, p.172). La clairvoyance de la norme d’internalité désigne la connaissance du caractère socialement valorisé des explications internes et du caractère socialement dévalorisé des explications externes. La mesure du niveau de clairvoyance de l’internalité passe par la passation des consignes pro et contre normatives du paradigme d’autoprésentation. Le score de clairvoyance de chaque participant est obtenu à partir de la différence intraindividuelle entre le nombre d’explications internes choisies en consigne pronormative et le nombre d’explications internes en consigne contre normative. Plus le score de différence est positif, plus l’individu est considéré comme clairvoyant.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
138
Enfin, parce que juger des compétences des élèves en français et en mathématiques sont des activités très similaires, le modèle prédit que les erreurs de ces deux variables endogènes devraient être corrélées (Kenny, 2004).
Note méthodologique
Ce modèle du jugement scolaire a été testé en milieu naturel de classe à partir des deux échantillons constitués pour l’un de 663 élèves et pour l’autre de leurs 38 enseignants (cf. tableau 1, p.6, programme de recherche 2). A la différence des analyses réalisées dans le cadre du paradigme d’identification/jugement de l’étude 3, les scores des élèves aux épreuves standardisées de français et de mathématiques, de même que les scores moyens de la classe dans ces deux disciplines ainsi que les jugements relatifs à ces deux matières, n’ont pas été agrégés. Nous avons procédé de cette manière de façon à mettre en évidence l’effet réciproque des performances des élèves dans une discipline sur le jugement des enseignants dans l’autre discipline (effet de halo).
Un score de clairvoyance normative des élèves a été obtenu en calculant, pour chaque élève, le nombre d’explications internes choisies en consigne pronormative moins le nombre d’explications externes choisies en consigne contre normative. Plus la différence est positive, plus l’élève peut être considéré comme clairvoyant.
Analyses statistiques
Les données récoltées ont été traitées par l’intermédiaire d’analyses de trajet (Kline, 2005). Les différents modèles ont été estimés à partir de la méthode du maximum de vraisemblance (ML). Différents indices ont été utilisés pour déterminer l’adéquation des modèles testés avec les données (Bentler, 1990; Bentler & Bonnet, 1980; Hair, Anderson, Tatham, & Black, 1998; Kline, 2005; MacCallum & Austin, 2000; Medsker, Williams, & Holahan, 1994; Mulaik et al., 1989). Premièrement, nous avons utilisé des indices d’ajustement absolus de façon à déterminer dans quelle mesure les modèles prédisaient la matrice de covariance observée. Ces indices sont le Chi-deux d’ajustement (X²), le « goodness-of-fit-index » (GFI), le « standardized root mean-square residual » (SRMR) et le « root mean-square error of approximation » (RMSEA) et ses intervalles de confiance (90%). Alors qu’une valeur plus petite ou égale à .05 pour le SRMR et .08 pour le RMSEA indique un ajustement acceptable du modèle aux données, une valeur de .90 ou plus est nécessaire pour le GFI. En ce qui concerne le X², il est attendu un résultat non significatif (p>.05). Cet indice étant affecté par la taille de l’échantillon (plus l’échantillon est important, plus la valeur du X² augmente), nous l’avons corrigé en divisant sa valeur par le nombre de degrés de liberté (le « normed chi-square » : X²/df). Jöreskog (1969) propose d’utiliser ce ratio plutôt que le X² lorsque l’échantillon est inhabituellement important (supérieur à 200). Toutefois, les recommandations visant à déterminer un ajustement satisfaisant varient. Alors que certains auteurs suggèrent que ce ratio doit au maximum être de cinq (Hair et al., 1998), d’autres suggèrent qu’il ne doit pas dépasser trois (Kline, 2005). Deuxièmement, en plus des indices d’ajustement absolus, nous avons utilisé des mesures d’ajustement incrémentielles de façon à évaluer l’augmentation de l’ajustement des modèles comparativement au modèle nul. Ces indices sont le « adjusted goodness-of-fit index » (AGFI), le « comparative fit index » (CFI), le « nonnormed fit index » (NNFI, connu également comme le « Tucker-Lewis index ») et le « normed fit index » (NFI). Une valeur acceptable de l’augmentation de l’ajustement est de .90 sur chaque indice.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
139
Résultats La solution du modèle théorique est présentée dans la figure 4.1.
Jugement en Mathématiques
Score d’internalité perçu par l’enseignant
Score moyen de la classe(Français)
Redoublant
Score de clairvoyance normative
Score moyen de la classe (Mathématiques)
Score aux épreuves standardisées
(Mathématiques)
Score d’internalité avec une consigne standard
Score aux épreuves standardisées (Français)
D.60
D.64
Jugement en Français
D.99
D.98
.07*
.54* .10*
.23*
.08*.22*
.16*
.67*
.62*
-.17*
-.25*
-.19*
-.32*
.51*
.85*
.43*
.41*
.49*
.74*
.06
.08*
.12*
.19* -.09*
-.10*
-.29*
-.35*
-.08*
*p<.05
Figure 4.1. Résultats obtenus pour le modèle théorique
Globalement, les résultats indiquent que tous les coefficients sont statistiquement
significatifs (p < .05) et vont dans le sens attendu. Les jugements des enseignants en français et en mathématiques sont bien reliés aux performances des élèves dans ces deux disciplines (français : β = .62 ; mathématiques : β = .67). Un effet de halo apparaît également. Les performances des élèves en français sont reliées au jugement des enseignants en mathématiques (β = .16). Inversement, les performances des élèves en mathématiques sont reliées au jugement des enseignants en français (β = .23). Le niveau moyen de la classe dans les deux disciplines influence le jugement des enseignants dans ces disciplines (français : β = -.25 ; mathématiques : β = -.32). Les redoublants sont moins bien jugés que les non redoublants en français (β = -.19) comme en mathématiques (β = -.17). Enfin, les scores d’internalité perçus par les enseignants sont reliés au jugement en français (β = .10) et en mathématiques (β = .07). De plus, comme attendu, les scores de clairvoyance normative des élèves prédisent leurs scores d’internalité en consigne standard (β = .22), qui eux-mêmes prédisent les scores d’internalité perçus par les enseignants (β = .08).
La pertinence du modèle théorique est également étayée par les valeurs prises par ce modèle sur les différents indices d’ajustement absolus et incrémentiels (X²/df = 2.82, GFI = .99, SRMR = .04, RMSEA = .05, AGFI = .96, CFI = .99, NNFI = .98, NFI = .99). En effet, le modèle théorique obtient des valeurs satisfaisantes sur tous ces indices.
Une fois le modèle théorique testé, nous avons cherché à déterminer si le modèle théorique pouvait être amélioré par l’ajout de liens supplémentaires pertinents. Pour ce faire, nous avons conduit une recherche basée sur des considérations théoriques. Sur la base de la nature de la tâche donnée aux enseignants lorsqu’ils doivent répondre à la place de chacun de leurs élèves (consigne d’identification), on peut émettre l’hypothèse que leurs perceptions de l’internalité de leurs élèves est une type particulier de tâche d’attribution (perception d’attributions) qui guiderait les jugements des enseignants. En conséquence, on devrait s’attendre à ce que les perceptions des enseignants de l’internalité de leurs élèves soient
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
140
influencées par d’autres variables. En particulier, l’internalité perçue pourrait être reliée aux performances effectives des élèves, au niveau moyen de la classe et à l’histoire scolaire des élèves. De façon à voir si plus de paramètres libres nécessitaient d’être ajoutés au modèle théorique, nous avons utilisé le Lagrange Multiplier test avec une procédure pas-à-pas. (Bentler, 2002; Chou & Bentler, 1990). Cette procédure, qui débute avec un modèle restreint et teste une séquence de modèles hiérarchiques différents les uns des autres uniquement par l’inclusion d’un lien additionnel, fournit des informations concernant les effets de chaque paramètre individuel sur l’amélioration du modèle. Les paramètres sont évalués par une procédure pas-à-pas ascendant en fonction de leur importance. A chaque pas, un X² univarié significatif implique que fixer les paramètres examinés devrait augmenter l’ajustement du modèle. Les valeurs des X² univariés pour chaque pas et leur degré de significativité sont présentés dans le tableau 4.4.
Tableau 4.4. Procédure pas-à-pas d’ajustement du modèle (Lagrange Multiplier test). Pas X² univarié 1. Scores des élèves aux épreuves standardisées de français 19.95* 2. Niveau moyen de la classe en français 10.98* 3. Scores des élèves aux épreuves standardisées de mathématiques 3.46 4. Niveau moyen de la classe en mathématiques 1.85 5. Redoublant 0.11
* p < .05
D’après les valeurs du X², l’inclusion d’au moins deux liens additionnels pourrait significativement augmenter l’ajustement du modèle. Ces liens supposent que les performances des élèves en français et le niveau moyen de la classe dans cette discipline sont reliés au score d’internalité perçu par les enseignants. Leur inclusion dans le modèle théorique, si elle ne modifie pas les coefficients présentés dans la figure 4.1., révèle que plus les élèves ont un score élevé aux épreuves standardisées de français, plus les enseignants perçoivent ces élèves comme internes (β = .24). Inversement, plus le niveau moyen de la classe en français est élevé, moins les enseignants perçoivent leurs élèves comme internes (β = -.15). Discussion
Globalement, les résultats obtenus corroborent ceux obtenus dans d’autres recherches
sur la construction du jugement scolaire (Bressoux & Pansu, 2003; Duru-Bellat & Mingat, 1993). Le modèle théorique proposé semble en mesure de rendre compte des mécanismes à l’œuvre dans la construction des jugements scolaires. Les résultats indiquent également que ce modèle pourrait être amélioré en intégrant des liens additionnels allant de certaines variables exogènes (scores des élèves aux épreuves standardisées de français et score moyen de la classe dans cette discipline) à certaines variables endogènes (e.g. internalité perçue). L’existence de ces relations semble indiquer que l’internalité perçue par les enseignants peut être affectée par d’autres variables comme par exemple les performances effectives ou le contexte de classe. Notons également que, les performances effectives des élèves en français ne sont pas reliées significativement à leur score d’internalité en consigne standard. Pris dans leur ensemble, ces résultats tendent à laisser penser que la relation entre l’internalité des élèves et leurs performances scolaires effectives (au moins en français) relève plus de la manifestation de croyances des enseignants que d’une association réelle entre ces deux
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
141
variables. En conclusion, bien que la magnitude de l’effet de l’internalité perçue sur les
jugements scolaires n’est pas très importante, ces résultats soulignent que cet effet n’est pas un simple artefact expérimental et que les résultats obtenus dans des contextes expérimentaux (Dubois, 1994, 2003b) sur le rôle de la norme d’internalité dans le jugement social peuvent être généralisés à des situations évaluatives réelles.
A partir de ce modèle de base, nous avons créé six modèles distincts. Chaque modèle
se différencie des autres par la ou les variables introduites dans le modèle de base. Le premier
d’entre eux intègre le score global d’internalité perçu par les enseignants. L’objectif de ce
modèle est de tester la significativité de la relation entre l’internalité perçue et le jugement
scolaire moyen tout en contrôlant les effets des autres variables présentes dans le modèle.
Toutefois, afin de voir si l’effet de l’internalité sur le jugement varie en fonction du type
d’événements expliqués et de leur valence, nous avons crée un deuxième modèle tenant
compte des variables « type d’événements » et « valence des événements » de façon à tester
l’effet respectif de ces deux variables et leur interaction sur la relation entre internalité perçue
et jugement scolaire moyen (Judd, 2000; Judd & McClelland, 1989)43. Enfin, nous avons créé
quatre autres modèles dans lesquels nous avons introduit le score d’internalité spécifique
perçu par les enseignants pour un type d’événements donné (comportements positifs,
comportements négatifs, renforcements positifs, renforcements négatifs). L’objectif de ces
quatre modèles est de tester la significativité de la relation entre internalité perçue et jugement
scolaire moyen pour chacun de ces types d’événements. Les six modèles testés44 sont
présentés dans le tableau 4.5.
43 Le test des variables « type d’événements », « valence des événements » et leur interaction est possible par l’intermédiaire du test d’effets intrasujets en régression (Judd, 2000; Judd & McClelland, 1989). Ce test implique de créer trois nouvelles variables. Les deux premières variables, qui testent les effets principaux des variables intrasujets, sont obtenues en contrastant les conditions intrasujets concernées (type d’événements = score d’internalité pour les renforcements – score d’internalité pour les comportements ; valence des événements = score d’internalité pour les événements positifs – score d’internalité pour les événements négatifs). La troisième variable, qui représente l’interaction entre les deux variables précédentes, s’obtient en multipliant la première variable par la seconde. Introduites dans le même modèle de régression, ces trois variables permettent de déterminer si la relation entre l’internalité perçue par l’enseignant et le jugement scolaire global varie en fonction du type d’événements considéré et de leur valence. 44 L’ensemble des variables intégrées dans ces modèles a été centré.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
142
Tableau 4.5. Modèles de régression évaluant l’effet de l’internalité perçue sur le jugement scolaire moyen (identification/jugement)
Modèle 1 Modèle 2 Modèle 3 Modèle 4 Modèle 5 Modèle 6
Score moyen de l’élève aux épreuves standardisées Score moyen de la classe aux épreuves standardisées Profession du père (référence = cadre)45
Artisan Profession intermédiaire Employé Ouvrier Autre
Fille Redoublement Score d’internalité global Type d’événements Valence des événements Interaction Type x Valence Score d’internalité : Comportements positifs Score d’internalité : Comportements négatifs Score d’internalité : Renforcements positifs Score d’internalité : Renforcements négatifs
.83** -.34**
.01 .00
-.06t -.08* -.07* -.02
-.18** .08**
.84** -.34**
-.01 .01
-.06t -.08* -.08* -.02
-.18**
.04* .09** .04
.83** -.33**
-.00 .00
-.06t -.09* -.08* -.00
-.18**
.08**
.85** -.35**
-.00 .01
-.06t -.08* -.07* -.02
-.17**
-.04t
.83** -.34**
.00 .00
-.06t -.08* -.08* -.03
-.18**
.10**
.84** -.35**
.00 .01
-.06t -.08* -.07* -.02
-.17**
.04t
R² .69 .70 .69 .69 .70 .69 Note. Les coefficients présentés sont standardisés (�). N = 663, ** p < .01, * p < .05, t p < .10
45 La variable catégorielle à six modalités « catégorie socioprofessionnelle du père » a été introduite dans les modèles de régression par l’intermédiaire de la création de cinq variables muettes (Aiken & West, 1991). Chacune de ces variables muettes teste la significativité de la différence de moyennes sur la variable dépendante entre une modalité spécifique (e.g. ouvrier) et le niveau de référence (il s’agit toujours ici de la catégorie « cadre »).
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
143
Le modèle 1 indique que le score global d’internalité perçue sur le jugement des
enseignants est significativement relié au jugement moyen des enseignants. Cet effet s’avère
linéaire46 et positif (� = .08) : plus le score d’internalité perçu augmente, plus le jugement
scolaire est favorable. Le modèle 2 apporte quelques précisions à cet effet global et montre
que l’effet de l’internalité perçue sur le jugement scolaire moyen n’est pas le même en
fonction du type d’événements et de leur valence. On observe un effet significatif et positif
des variables 1) « type d’événements » : l’effet de l’internalité perçue est plus positif
lorsqu’elle rend compte des renforcements que des comportements (� = .04), 2) « valence des
événements » : l’effet de l’internalité perçue sur le jugement scolaire moyen est plus positif
pour les événements positifs que pour les événements négatifs (� = .09). L’interaction entre
ces deux variables n’est pas significative. Ces conclusions sont également étayées par les
modèles 3 à 6. L’internalité perçue et le jugement sont positivement et significativement reliés
pour les comportements positifs (modèle 3 : � = .08), pour les renforcements positifs (modèle
5 : � = .10), et tendanciellement pour les renforcements négatifs (modèle 6 : � = .04).
Cependant, pour les comportements négatifs, le score d’internalité perçu apparaît
tendanciellement mais négativement relié au jugement scolaire global (modèle 4 : � = -.04).
A s’en tenir à ces résultats, les conclusions que nous pouvons tirer vont très
globalement dans le sens des conclusions de la théorie de la norme d’internalité. La
perception qu’ont les enseignants de l’internalité de leurs élèves est bien liée positivement au
jugement qu’ils portent sur eux et cela indépendamment de leurs performances scolaires
effectives. De ce point de vue, l’internalité perçue apparaît comme une information évaluative
à part entière dont l’effet est indépendant des performances scolaires des élèves. Mais cette
conclusion est à modérer puisque la relation entre l’internalité perçue par les enseignants et le
jugement scolaire moyen semble varier en fonction du type d’événements expliqués et de la
valence de ces événements. Si le score global d’internalité est positivement et
significativement lié au jugement (modèle 1), les analyses supplémentaires effectuées (modèle
2) soulignent que cet effet est plus marqué, d’une part, pour les renforcements que pour les
comportements et, d’autre part, pour les événements positifs en comparaison des événements
négatifs. De plus, à suivre les résultats du modèle 4, le sens de la relation entre l’internalité
perçue diffère pour les comportements négatifs des autres catégories d’événements (modèles
3, 5, 6). En effet, le signe du coefficient est cette fois négatif laissant entendre que plus les
élèves expliquent leurs comportements négatifs par des explications internes, moins il sont
46 L’introduction d’un terme quadratique portant sur le score global d’internalité n’augmente pas de façon significative la qualité du modèle.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
144
jugés favorablement. Ce résultat n’est pas sans rappeler celui observé dans le paradigme
d’autoprésentation où nous avions observé que les élèves exprimaient l’idée que recourir aux
explications internes pour expliquer ce type d’événements n’était pas valorisant, bien au
contraire. Ainsi, il apparaît qu’enseignants et élèves semblent relativement d’accord pour dire
qu’expliquer de façon interne des comportements négatifs n’est pas une stratégie des plus
valorisées.
Toutefois, si les résultats des enseignants et des élèves semblent consistants sur ce
point, qu’en est-il lorsqu’on s’intéresse aux différents types d’explications qui composent le
questionnaire d’internalité scolaire ? Rappelons que l’originalité de ce questionnaire est de
permettre de différencier au sein des registres interne et externe des catégories d’explications
qui renvoient à des facteurs causaux spécifiques et dont les propriétés dimensionnelles ont été
prétestées. Plus particulièrement, conformément aux résultats des études préliminaires et aux
résultats issus de la littérature, nous nous attendons à observer des variations de valeur au sein
du registre interne. En d’autres termes, toutes les explications internes ne seraient pas
valorisées au même titre pour expliquer les comportements et les renforcements. Plus
particulièrement, nous nous attendons à ce que les explications internes/instables en terme
d’effort soient les explications les plus valorisées du registre interne pour expliquer les
renforcements et ce indépendamment de leur valence. En matière de comportements, à suivre
les présupposés théoriques de Beauvois (Beauvois et al., 1991; Beauvois & Le Poultier,
1986), nous nous attendons à ce que les explications internes/stables en terme de trait soient
les explications les plus valorisées du registre, indépendamment de leur valence.
Afin de tester nos hypothèses, nous avons réanalysé les données recueillies en prenant
en compte des distinctions plus fines que le seul critère interne/externe.
1.3.2. Analyses à partir des scores des différentes catégories d’explications
1.3.2.1. Paradigme d’autoprésentation (élèves)
Avant de nous intéresser aux scores des différentes catégories d’explications selon le
type de consignes, nous avons cherché à déterminer l’effet global des consignes sur les choix
des élèves. La figure 4.2. présente les moyennes cumulées des catégories d’explications du
questionnaire d’internalité en fonction des différentes consignes utilisées dans le paradigme
d’autoprésentation.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
145
Standard Pronormative Contre normative
C- contrainte (ES)C- autrui (EI)R- tâche (ES)R- chance (EI)C+ contrainte (ES)C+ autrui (EI)R+ tâche (ES)R+ chance (EI)C- trait (IS)C- intention (II)R- habileté (IS)R- effort (II)C+ trait (IS)C+ intention (II)R+ habileté (IS)R+ effort (II)
Inte
rne
Ext
erne
Ext
erne
Ext
erne
Inte
rne
Inte
rne
Figure 4.2. Moyennes cumulées des scores des différentes catégories d’explications en
fonction des trois consignes d’autoprésentation (étude 3)
La figure 4.2. montre que les scores obtenus par les catégories d’explications varient
en fonction de la consigne mobilisée. C’est notamment le cas de la consigne contre normative
qui se différencie nettement des deux autres.
Afin de mesurer le degré de correspondance entre les moyennes des différentes
catégories d’explications du questionnaire en fonction des trois consignes, nous avons
effectué des corrélations de Spearman (Siegel, 1956). Les corrélations effectuées sont
présentées dans le tableau 4.6.
3
0
6
9
12
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
146
Tableau 4.6. Corrélations (� de Spearman) entre les moyennes des différentes catégories du
questionnaire en fonction du type de consignes
Standard Pronormative Contre normative
Standard 1
Pronormative .95** 1
Contre normative -.61* -.72** 1
Note. N = 16, ** p < .01, * p < .05, t p < .10
Les corrélations effectuées montrent, tout d’abord, que les moyennes des catégories
d’explications du questionnaire obtenues en consigne standard sont très similaires à celles
obtenues en consigne pronormative. Ce résultat n’est pas nouveau et indique une fois de plus
que les réponses « spontanées » des élèves à un questionnaire d’internalité correspondent très
fortement à celles qu’ils choisissent en consigne pronormative (Bressoux & Pansu, 2003, sous
presse; Dubois, 1994; Gilibert & Cambon, 2003)47. Ensuite, les résultats révèlent que les
moyennes des catégories d’explications obtenues en consigne pronormative corrèlent
négativement avec celles obtenues en consigne contre normative. Ainsi, plus les différents
types d’explications sont choisis en consigne pronormative, moins ils le sont en consigne
contre normative. Ce résultat, qui laisse préfigurer l’existence de variations dans les réponses
des élèves, nous permet de considérer que les explications qui composent notre questionnaire
sont globalement sensibles aux consignes d’autoprésentation. Toutefois, cette forte corrélation
négative ne nous permet pas d’identifier les explications les plus valorisées parmi celles
disponibles. Afin d’identifier ces dernières, nous avons calculé pour chacune d’entre elles un
score de valorisation (Strauch, 2001, cité par Dubois & Beauvois, 2003). Ce score a été
obtenu en calculant, pour chaque catégorie d’explications, la différence entre son score moyen
en consigne pronormative et son score moyen en consigne contre normative. Il peut donc
varier de -3 à 3. La particularité de ce score est qu’il traduit la variation de valeur des
explications telle qu’elle est perçue par les élèves. Plus le score de valorisation d’un type
d’explications est élevé, plus celui-ci est choisi sous consigne pronormative et moins il est
choisi sous consigne contre normative. Inversement, plus ce score est négatif, plus la
catégorie d’explication concernée a été choisie en consigne contre normative moins elle a été
47 Les moyennes en consignes standard et pronormative des différentes catégories d’explications étant très proches, nous ne traiterons ici que les résultats obtenus sous la consigne pronormative.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
147
choisie en consigne pronormative48.
Afin de tester nos différentes hypothèses, deux ensembles d’analyses ont été réalisés
sur les scores de valorisation. Le premier utilise la propriété du score de valorisation à
exprimer le sens de la préférence des participants en fonction des consignes pro et contre
normatives. Ces analyses ont consisté à déterminer, pour chaque catégorie d’explications, si
celle-ci était significativement plus choisie sous l’une des deux consignes. Pour ce faire, nous
avons testé la significativité des scores obtenus pour chaque catégorie d’explications contre la
valeur 0 (tests t pour échantillon unique). Un test significatif indique que la catégorie
d’explication testée a été plus choisie sous une consigne plutôt que sous l’autre. Une absence
de significativité du test indique que les choix des participants ne se différencient pas en
fonction du type de consigne. Le second ensemble d’analyses complète les résultats obtenus
dans le premier. En effet, si les tests t contre la valeur 0 nous permettent d’identifier la
positivité ou la négativité de la valeur véhiculée par les explications sur la base de la
différence des choix des élèves en fonction des deux consignes d’autoprésentation, ils ne nous
permettent pas de déterminer quelles sont les catégories d’explications les plus valorisées
pour rendre compte des différents types d’événements manipulés. Pour comparer les scores
obtenus par chaque catégorie d’explications, nous avons testé ces différences à partir de tests
post hoc (HSD de Tukey). Comme le montre le tableau 4.7., certaines explications obtiennent
des scores de valorisation plus positifs que d’autres.
48 Bien qu’il se construise a priori de la même façon que le score de clairvoyance normative (Py & Ginet, 2003; Py & Somat, 1991; Somat & Vazel, 1999), le score de valorisation que nous avons calculé ne mesure pas la même chose. En effet, alors que le score de clairvoyance permet d’étudier les différences interindividuelles en matière de connaissance de l’aspect valorisé de certains types de jugement et comportements, le score de valorisation permet d’étudier les différences entre les catégories d’explications en matière de valeur sociale. Ainsi, alors que le score de clairvoyance permet de hiérarchiser les individus et d’étudier la relation de cette hiérarchie avec celles de ces individus sur d’autres variables (e.g. internalité spontanée, besoin de cognition), le score de valorisation permet de classer les catégories d’explications sur la base des fluctuations des réponses des participants en fonction des consignes d’autoprésentation. En ce sens, si le score de clairvoyance permet d’étudier les propriétés des individus, le score de valorisation permet d’étudier les propriétés des catégories d’explications.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
148
Tableau 4.7. Scores de valorisation (et écarts-types) pour chaque type d’explications en
fonction du type d’événements et de leur valence (autoprésentation)
Comportements Renforcements
Positifs Négatifs Positifs Négatifs
Interne/Instable -0.40b (1.13)
-0.89d (1.02) 1.07a
(1.30) 0.92a (1.39)
Interne/Stable 0.62a (1.04)
0.27b (1.18) 0.67b
(1.15) 0.30b (1.01)
Externe/Instable -0.95c (1.35)
0.92a (1.19) -0.68c
(1.08) 0.21b (0.99)
Externe/Stable 0.73a (1.13)
-0.30c (1.14) -1.04d
(1.40) -1.44c (1.26)
Note. Les scores indicés en colonne par des lettres distinctes sont significativement différents à p < .05 (HSD de Tukey).
Premièrement, les résultats des tests t contre la valeur 0 indiquent que toutes les
catégories se différencient significativement de cette valeur (p < .0001). Chacune des 16
catégories d’explications a donc été plus choisie sous une consigne que sous une autre. Il
semble donc qu’aux yeux des élèves, toutes les différentes catégories d’explications varient
en matière de valeur sociale. Plus particulièrement, pour les comportements, les explications
internes/stables en terme de trait sont plus choisies en consigne pronormative qu’en consigne
contre normative et ce, que les comportements soient positifs (M = 0.62) ou négatifs (M =
0.27). Inversement, les explications internes/instables en terme d’intention ont été plus
choisies en consigne contre normative qu’en consigne pronormative, indépendamment de la
valence des événements (M = -0.40 et M = -0.89 respectivement). En matière de
renforcements, les résultats vont dans le sens de nos hypothèses puisque les explications en
terme d’effort sont préférées par les élèves lorsqu’il s’agit de se faire bien voir plutôt que mal
voir et ce, que les renforcements soient positifs (M = 1.07) ou négatifs (M = 0.92). Si ces
premiers résultats vont globalement dans le sens de certaines de nos attentes, il reste
néanmoins à identifier les explications sont les plus porteuses de valeur sociale pour chacun
des événements étudiés. Les comparaisons post hoc (HSD de Tukey) semblent indiquer que
les données sont en accord avec certaines de nos hypothèses.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
149
En effet, pour les comportements positifs, si les explications internes/stables en terme
de trait de personnalité sont plus valorisées que les explications internes/instables qui mettent
en avant l’intention de l’acteur (M = -0.40) et celles externes/instables en terme d’action
d’autrui (M = -0.95), elles ne se différencient pas des explications externes/stables qui font
appel à la contrainte extérieure (M = 0.73).
Pour les comportements négatifs, cette fois, les explications internes/stables en terme
de trait sont plus valorisées que celles externes/stables en terme de contrainte extérieure (M =
-0.30) et celles internes/instables en terme d’intention (M = -0.89). En revanche, elles
semblent moins porteuses de valeur aux yeux des élèves que les explications
externes/instables qui semblent privilégier l’action d’autrui (M = 0.92).
Pour les renforcements positifs, les résultats sont conformes à nos hypothèses puisque
les explications internes/instables en terme d’effort occasionnel (M = 1.07) sont plus
valorisées aux yeux des élèves que celles internes/stables en terme d’habileté (M = 0.67), que
celles externes/instables de chance (M = -0.68) et que celles externes/stables de difficulté de
la tâche (M = -1.04).
Enfin, dans le cas des renforcements négatifs, le pattern de résultats est assez similaire
aux résultats obtenus dans le cas de la réussite. Conformément à nos hypothèses, les
explications internes/instables en terme de manque d’effort occasionnel (M = 0.92) obtiennent
un score de valorisation supérieur à celui des explications internes/stables en terme de
manque d’habileté (M = 0.30), que celles externes/instables en terme de chance (M = 0.21) et
que celles externes/stables en terme de difficulté de la tâche (M = 1.44).
Les résultats obtenus à partir de ces analyses révèlent l’existence de variations de
valeur au sein des registres interne et externe. Plusieurs points méritent d’être soulignés. En
matière de comportements, nous avons effectivement pu observer l’existence d’une
hétérogénéité de valeur au sein du registre interne. Bien qu’elles soient préférentiellement
mobilisées par les élèves pour donner une bonne image d’eux-mêmes et qu’elles soient plus
valorisées que d’autres explications internes en terme d’intention, les explications en terme de
trait ne sont pas nécessairement les plus valorisées. A suivre les élèves, d’autres catégories
d’explications externes semblent au moins autant valorisées, voire plus, pour expliquer ce
type d’événements. Pour les renforcements, cette fois, les résultats vont dans le sens de nos
hypothèses et semblent confirmer ceux obtenus dans les études préliminaires. Ils révèlent que,
pour les élèves, les explications en terme d’effort sont préférentiellement choisies à des fins
d’autoprésentation celles les plus porteuses de valeur pour expliquer ce type d’événements.
Toutefois, si les réponses des élèves au questionnaire dans le cadre du paradigme
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
150
d’autoprésentation vont dans le sens de nos hypothèses concernant l’existence d’une
variabilité de la valeur des explications causales au sein du registre interne, ces seuls résultats
ne nous permettent pas de véritablement conclure à l’existence de telles différences. En effet,
l’une des faiblesses du paradigme d’autoprésentation réside dans le fait que les participants
répondent en fonction de leur perception de ce qui serait susceptible de moduler le jugement
des évaluateurs. Or, rien ne prouve ici que les stratégies mises en place par les élèves leur
permettent effectivement d’influencer le jugement des enseignants. Afin de répondre à cette
question, nous avons cherché à déterminer les relations qu’entretiennent les différents types
d’explications du questionnaire avec le jugement scolaire.
1.3.2.2. Paradigme d’identification/jugement (enseignants)
Il s’agissait ici de mesurer l’association entre les différentes catégories d’explications
et le jugement moyen des enseignants. La méthode employée est identique à celle que nous
avons utilisée pour tester l’impact du score global d’internalité perçue par les enseignants sur
le jugement scolaire moyen. Chacun des 16 scores des catégories d’explications du
questionnaire a été intégré dans un modèle de base composé du score moyen des élèves aux
épreuves standardisées, du niveau moyen de la classe, de la catégorie socioprofessionnelle du
père des élèves, de leur sexe et de leur histoire scolaire (redoublant vs. non redoublant). Les
coefficients � des relations entre les scores des différentes catégories du questionnaire
d’internalité scolaire et le jugement scolaire moyen en contrôlant les effets des autres
variables indépendantes sont présentés dans le tableau 4.8.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
151
Tableau 4.8. Coefficients � des relations entre les scores des différentes catégories du
questionnaire d’internalité scolaire et le jugement scolaire moyen
Comportements Renforcements
Positifs Négatifs Positifs Négatifs
Interne/Instable .04t -.01 .02 .10**
Interne/Stable .06* -.05* .13** -.10**
Externe/Instable -.10** .07** -.08** .03
Externe/Stable .02 -.05* -.05* -.09**
Note. N = 663, ** p < .01, * p < .05, t p < .10
Conformément aux résultats obtenus à partir du paradigme d’autoprésentation, les
analyses de régression montrent l’existence de variations dans les relations entre les scores
des différentes catégories du questionnaire et le jugement moyen des enseignants. De notre
point de vue, ces variations expriment des différences de valeur entre les différentes
catégories d’explications manipulées.
Ainsi, pour les comportements positifs, les explications internes/stables en terme de
trait sont reliées positivement au jugement scolaire moyen (� = .06). C’est également le cas
des explications internes/instables en terme d’intention mais tendanciellement (� = .04). En
revanche, les explications externes/instables en terme d’autrui apparaissent négativement
associées à ce jugement (� = -.10)
Pour les comportements négatifs, les explications internes/stables en terme de trait
sont cette fois reliées significativement et négativement au jugement scolaire (� = -.05). Il en
est de même pour les explications externes/stables en terme de contrainte (� = -.05). Seules
les explications externes/instables en terme d’action d’autrui sont reliées significativement et
positivement au jugement des enseignants (� = .07).
Pour les renforcements positifs, les seules explications internes reliées positivement au
jugement sont les explications internes/stables en terme d’habileté (� = .13). Les explications
internes/instables en terme d’effort n’étant pas associées à ce jugement (� = .02). En matière
d’externalité, les explications externes/instables en terme de chance et celles externes/stables
en terme de difficulté de la tâche sont négativement associées au jugement (� = -.08 et � = -
.05 respectivement).
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
152
Enfin, pour les renforcements négatifs, les explications internes/instables en terme
d’effort sont positivement reliées au jugement scolaire moyen (� = .10). Ce n’est pas le cas
des explications internes/stables en terme de manque d’habileté qui sont négativement reliées
à ce jugement (� = -.10) comme les explications externes/stables en terme de difficulté de la
tâche (� = -.09).
Ces résultats indiquent donc l’existence de différences dans les relations
qu’entretiennent les catégories d’explications qui composent le questionnaire d’internalité
scolaire et le jugement des enseignants. Cette variabilité laisse entendre que toutes les
explications du registre interne ou du registre externe ne sont pas valorisées au même titre. Si
certaines explications internes sont positivement associées au jugement scolaire, ce n’est pas
le cas de toutes.
1.4. Discussion
L’étude que nous venons de présenter poursuivait plusieurs objectifs. Tout d’abord, il
s’agissait de tester les hypothèses issues de la théorie de la norme d’internalité à partir d’un
questionnaire d’internalité scolaire construit à cet effet. Nos résultats, obtenus à partir du
paradigme d’autoprésentation et du paradigme d’identification/jugement, vont globalement
dans le sens des conclusions des tenants de la théorie de la norme d’internalité. De ce point de
vue, l’internalité apparaît effectivement plus valorisée que l’externalité. Pourtant, au regard de
la définition donnée par Beauvois et Dubois (1988), on devrait s’attendre à observer un
pattern de résultats similaires indépendamment du type d’événements (comportements vs.
renforcements) et de leur valence (positive vs. négative). Nos données ne vont pas tout à fait
dans ce sens. Quelque soit le paradigme mobilisé (autoprésentation et identification/
jugement), on observe que les explications internes n’apparaissent pas toujours valorisées
pour expliquer les événements scolaires. Alors qu’elle semble valorisée lorsqu’elle rend
compte des renforcements d’une manière générale (positifs comme négatifs) ainsi que des
comportements positifs, l’internalité semble, à l’inverse, plutôt dévalorisée lorsqu’elle est
mobilisée pour expliquer les comportements négatifs. De fait, bien qu’elle soit globalement
plus valorisée que l’externalité, faut-il voir là la possibilité que l’internalité puisse être
dévalorisée lorsqu’elle rend compte de certains événements ? L’explication d’un tel
phénomène pourrait être appréhendée par l’intermédiaire d’une analyse plus fine de la valeur
des différents types d’explications causales qui composent le questionnaire d’internalité
scolaire. C’était là notre second objectif. Il s’agissait en effet de mettre en évidence
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
153
l’existence de variations de valeur au sein du registre explicatif interne. Rappelons que, dans
la lignée des travaux de Pansu et Gilibert (2002) ainsi que dans le prolongement des études
préliminaires 1a, 1b et 2 (cf. chapitre 3), nous nous attendions à ce que les explications
internes/instables en terme d’effort soient les explications les plus valorisées du registre
interne pour expliquer les renforcements, et ce indépendamment de la valence des
événements. Puis, sur la base des présupposés de la théorie de la norme d’internalité en
matière d’explication des comportements (Beauvois et al., 1991; Beauvois & Le Poultier,
1986), nous avions émis l’hypothèse selon laquelle, en matière d’explication des
comportements, les explications internes/stables en terme de trait seraient les plus valorisées
du registre interne. Les résultats obtenus ne vont dans le sens que de certaines de nos
hypothèses.
En effet, pour les renforcements, si nos hypothèses concernant la valeur des
explications internes/stables en terme d’effort s’avèrent être non-infirmées dans le cadre du
paradigme d’autoprésentation, elles ne le sont pas complètement dans le cadre du paradigme
d’identification/jugement. En effet, bien que le score d’explications en terme d’effort perçues
soit positivement relié au jugement des enseignants lorsque ce type d’explications rend
compte des renforcements négatifs, celui-ci n’apparaît pas significativement relié au jugement
scolaire dès lors qu’il s’agit de renforcements positifs. Pour ce type d’événements, les
données semblent plutôt indiquer que ce sont les explications internes/stables en terme
d’habileté qui sont associées positivement au jugement scolaire. Ces résultats ne sont pas sans
rappeler ceux obtenus dans l’étude 2 en matière de jugement de compétence. Rappelons que,
dans cette étude, l’élève qui expliquait la réussite par l’habileté était perçu comme plus
compétent que celui qui l’expliquait par l’effort. Dans le cas de l’échec, l’élève qui expliquait
sa mauvaise performance par le manque d’effort était jugé comme plus compétent que celui
qui avait recours à une explication en terme de manque d’habileté. De tels résultats ne sont
finalement pas surprenants si l’on considère que le jugement scolaire, que nous avons
appréhendé ici comme un jugement d’acquisition scolaire moyen en français et en
mathématiques, est sans doute fondamentalement un jugement de compétence.
En matière de comportements, les données recueillies révèlent un pattern de résultats
beaucoup plus hétérogène. En effet, dans le cadre du paradigme d’autoprésentation, bien
qu’elles soient préférentiellement choisies par les élèves en consigne pronormative plutôt
qu’en consigne contre normative et même si elles s’avèrent plus valorisées que les
explications en terme d’intention, les explications en terme de trait ne sont pas les plus
valorisées parmi les différentes catégories d’explications proposées et ce pour les événements
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
154
négatifs et positifs. Dans le cadre du paradigme d’identification/jugement cette fois, si elles
apparaissent positivement associées au jugement des enseignants lorsqu’elles expliquent les
comportements positifs, les explications internes/stables en terme de trait sont négativement
associées dans le cas des comportements négatifs à ce jugement. Globalement, ces résultats
semblent aller à l’encontre de certaines des conclusions de Beauvois et ses collaborateurs
(Beauvois et al., 1991; Beauvois & Le Poultier, 1986). Mais, ces résultats ne vont pas non
plus dans le sens de ceux obtenus par Castra (1998) et Desrumeaux-Zagrodnicki et Rainis
(2000). En ce sens, nos résultats divergent de façon notable de ceux obtenus habituellement
dans la littérature. Peut-être peut-on voir là la manifestation de la spécificité de notre
matériel ? A défaut de pouvoir répondre à cette question à partir de ces seules données,
retenons néanmoins que, comme nous l’avons observé dans le cas des renforcements, les deux
paradigmes semblent aboutir à des conclusions différentes. En effet, alors que le paradigme
d’autoprésentation semble indique que les explications internes/stables en terme d’intention
sont dévalorisées indépendamment de la valence des événements, cette dévalorisation ne
transparaît pas dans le cadre du paradigme d’identification/jugement. De plus, si en
autoprésentation, les élèves préfèrent recourir aux explications en terme de trait pour
expliquer leurs comportements négatifs lorsqu’il s’agit de se faire bien voir plutôt que de se
faire mal voir, le recours à ce type d’explications pour ces événements est associé
négativement au jugement des enseignants.
Ainsi, il semble qu’en matière de comportements comme de renforcements, les
résultats obtenus dans le cadre des deux paradigmes semblent bien différents. Or, l’existence
de divergences entre les conclusions que l’on pourrait tirer sur la base des réponses des
participants aux différents paradigmes mobilisés ne concerne pas seulement les explications
sur lesquelles portaient nos hypothèses. Il s’agit plutôt d’un phénomène qui touche plusieurs
catégories d’explications du questionnaire. Le tableau 4.9. propose une synthèse des résultats
obtenus à partir des deux méthodes.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
155
Tableau 4.9. Synthèse des résultats obtenus dans le cadre du paradigme d’autoprésentation et
dans celui du paradigme d’identification/jugement
Comportements Renforcements
Positifs Négatifs Positifs Négatifs
A B A B A B A B
Interne/Instable - + - = + = + +
Interne/Stable + + + - + + + -
Externe/Instable - - + + - - - =
Externe/Stable + = - - - - - -
Note. A : autoprésentation, B : identification/jugement, + : catégorie valorisée, - : catégorie dévalorisée, = : catégorie non valorisée.
Globalement, le tableau 4.9. indique que les conclusions que l’on peut tirer concernant
la valeur des explications causales à partir du paradigme d’autoprésentation et celles issues du
paradigme d’identification/jugement vont dans le même sens pour neuf catégories
d’explications. Elles divergent toutefois pour sept d’entre elles, d’autant que parmi celles-ci
trois apparaissent porteuses de valeur dans un cas et de dévaleur dans l’autre49. Au regard de
ces résultats, s’il semble exister une variabilité de valeur des explications au sein des registres
interne et externe, il apparaît également que la valeur des explications varie elle-même en
fonction de la méthode utilisée. Sur ce point, nos résultats ne sont pas sans rappeler ceux
obtenus par Dubois (2000) à partir du paradigme d’autoprésentation et du paradigme des
juges. Rappelons que cet auteur a effectivement mis en évidence que les stratégies de
réponses mises en place par les individus pour se faire bien voir lorsqu’ils répondent à un
questionnaire d’internalité dans le cadre du paradigme d’autoprésentation pouvaient ne pas
correspondre aux stratégies que ces mêmes personnes valorisaient dans le cadre du paradigme
des juges. Si, lorsqu’ils s’autoprésentent, les individus peuvent mobiliser différentes stratégies
(e.g. autocomplaisance, modestie), ce sont les cibles qui ont recours à la stratégie interne
(indépendamment de la valence des événements) qui sont les mieux jugées par ces personnes,
49 Ces trois catégories sont les explications internes/instables en terme d’intention pour les comportements positifs, les explications internes/stables en terme de trait pour les comportements négatifs et les explications internes/stables en terme d’habileté pour les renforcements négatifs.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
156
indépendamment des stratégies qu’elles avaient elles-mêmes mises en place. Dubois (2000)
explique ce décalage par le type de valeur impliqué dans les deux paradigmes. Le paradigme
d’autoprésentation et le paradigme des juges ne mobiliseraient pas la même composante de la
valeur sociale. Des travaux récents (Beauvois, 1995; Cambon, 2002; Dubois & Beauvois,
2001; 2005, voir chapitre 5) ont effectivement mis en évidence que le concept de valeur
pouvait être scindé en deux composantes : la désirabilité et l’utilité sociales. La désirabilité
sociale peut être définie l’adéquation « d’objets, d’événements, ou de personnes aux
motivations des membres d’un collectif social » (Beauvois, 2003a, p.251). L’utilité sociale,
quant à elle, est définie comme l’adéquation « d’objets, d’événements, ou de personnes aux
options qui caractérisent le fonctionnement social du système auquel le collectif appartient »
(Beauvois, 2003a, p.251). A suivre Dubois (2000), le paradigme d’autoprésentation amènerait
les participants à faire leur choix sur la base de la désirabilité des explications causales (i.e.
leur capacité à permettre de montrer que l’on est une personne qui peut être aimée) alors que
le paradigme des juges les amènerait à prendre en compte leur utilité (i.e. leur capacité à
permettre de montrer que l’on est ne personne qui réussit). En d’autres termes, les divergences
de résultats observés entre les deux méthodes pourraient être la manifestation du fait que le
paradigme d’autoprésentation et le paradigme d’identification/jugement ne mobilisent pas la
même composante de la valeur sociale. Ce dernier, de par le fait qu’il implique des jugements
sur le niveau d’acquisition scolaire des élèves, s’ancrerait fondamentalement plus dans
l’utilité que dans la désirabilité. Cette perspective nous amène à considérer que les résultats
obtenus à partir de ces deux paradigmes varient parce que les phénomènes qu’ils mettent en
évidence sont différents. A suivre cette logique, il est donc possible que les variations que
nous avons observées entre les deux paradigmes soient le reflet de la saturation des différentes
catégories d’explications sur les deux dimensions de la valeur sociale.
De telles variations nous semblent d’autant plus intéressantes qu’elles contrastent avec
les conclusions issues des analyses réalisées à partir du score global d’internalité.
Contrairement à celles-ci où nous avions observé une relative homogénéité des résultats au
travers des deux méthodes employées (valorisation des explications internes pour les
renforcements positifs et négatifs ainsi que pour les comportements positifs ; dévalorisation
de l’internalité pour les comportements négatifs), les analyses plus fines prenant en compte la
spécificité des explications causales révèlent l’existence d’une hétérogénéité de résultats assez
prononcée. L’explication de cette contradiction tient sans doute à la construction même du
score d’internalité utilisé dans le premier ensemble d’analyses. En effet, ce score est composé
à partir de l’agrégation des scores des élèves sur les deux catégories d’explications internes
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
157
(stables et instables). Or, si à un niveau agrégé, les choix stratégiques des élèves se dirigent
préférentiellement vers les explications internes (au moins pour les renforcements et les
comportements positifs), ils ne portent pas sur les mêmes explications internes que celles
impliquées dans les effets du score d’internalité perçu par les enseignants sur leur jugement.
Par exemple, le fait que les explications internes apparaissent fortement valorisées pour
expliquer les renforcements positifs dans le paradigme d’autoprésentation serait
principalement dû à la valeur véhiculée par les explications internes/instables en terme
d’effort. Dans le paradigme d’identification/jugement, la valeur des explications internes
observée pour le même type d’événements serait due principalement aux explications
internes/stables en terme d’habileté. Ces explications sont en effet les seules à être
positivement associées au jugement. Contrairement au paradigme d’autoprésentation, les
explications internes/instables ne participeraient pas à l’association positive entre le score
d’internalité et le jugement scolaire étant donné qu’elles n’y sont pas reliées. De la même
façon, la prise en compte d’une classification plus fine des explications causales internes
permet de mieux comprendre pourquoi l’internalité semble être dévalorisée pour expliquer les
comportements négatifs. Là encore, bien que le phénomène semble être homogène entre les
deux paradigmes lorsque l’on utilise ce seul critère, une analyse à partir des catégories
d’explications révèle que la dévalorisation des explications internes pour ce type
d’événements serait uniquement due à certaines catégories internes particulièrement
dévalorisées. Celles-ci ne seraient pas les mêmes en fonction du paradigme étudié. En effet,
en autoprésentation, si la dévalorisation des explications internes semble être attribuable aux
explications internes/instables en terme d’intention, dans le cadre du paradigme
d’identification/jugement, cette dévalorisation semble plutôt être le fait des explications
internes/stables en terme de trait. De tels résultats attestent, selon nous, de l’intérêt qu’il peut
y avoir à prendre en compte d’autres critères de classification que la seule distinction
interne/externe. Les variations de valeur que nous avons observées entre le paradigme
d’autoprésentation et le paradigme d’identification/jugement seraient invisibles à une analyse
ne prenant en compte que le score global d’internalité. Seul le recours à des distinctions plus
fines permettrait de mettre en évidence, d’une part, l’existence de variations de valeur entre
les différentes catégories d’explications internes et externes et, d’autre part, d’observer que la
valeur de ces catégories peut varier en fonction du paradigme à partir duquel on observe cette
valeur.
Cependant, les seuls résultats de l’étude 3 ne nous permettent pas de conclure sur
l’idée d’un ancrage préférentiel des paradigmes d’autoprésentation et
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
158
d’identification/jugement dans l’une des deux composantes de la valeur. En effet, une autre
hypothèse peut également être avancée pour rendre compte des variations de résultats
observées. Si les données recueillies l’ont été à partir de deux méthodes différentes, elles l’ont
été également auprès de deux populations différentes : les élèves et les enseignants. De fait les
résultats obtenus dans cette étude ne nous permettent pas de savoir si les variations de valeur
observées sont la conséquence de la spécificité des paradigmes employés ou le reflet de ce qui
est valorisé, d’un côté pour les élèves et, de l’autre pour les enseignants. Afin d’apporter
quelques éléments de réponses sur ce point, nous avons réalisé une étude complémentaire.
Cette quatrième étude a repris l’intégralité de la procédure mise en place dans l’étude 3.
Cependant, plusieurs mesures ont été ajoutées. Ces dernières avaient pour objectif de nous
permettre de montrer que les résultats obtenus auprès des élèves en autoprésentation
pouvaient se retrouver dans les réponses des enseignants pour peu que ces derniers soient
incités à répondre sur la base de la désirabilité des explications plutôt que sur leur utilité. Pour
ce faire, nous avons demandé aux enseignants, entre autres, de répondre au questionnaire
d’internalité dans le cadre du paradigme de l’identification (Gilibert & Cambon, 2003). Cette
méthode, qui comme le paradigme d’autoprésentation s’ancrerait préférentiellement dans la
désirabilité, devrait nous permettre de montrer que les variations de valeur observées dans
l’étude 3 sont principalement la conséquence de la spécificité des paradigmes mobilisés.
2. Etude 4 : Réplication et prolongement
Cette étude poursuivait trois objectifs. Tout d’abord, il s’agissait de répliquer les
résultats obtenus dans l’étude 3 à partir du paradigme d’autoprésentation et du paradigme
d’identification/jugement. Ensuite, il s’agissait de tenter de montrer que les résultats en
matière de variations de valeur des explications internes en autoprésentation (élèves)
pouvaient également être observés à partir du paradigme de l’identification (enseignants).
Enfin, il s’agissait de déterminer si nos résultats en matière d’explication des comportements
reflétaient les propriétés effectives des catégories d’explications internes manipulées ou si ces
effets étaient spécifiques au matériel utilisé dans l’étude 3.
2.1. Vue générale
Des élèves placés en situations d’autoprésentation ont été invités à répondre à un
questionnaire d’internalité scolaire. Leurs enseignants, invités dans un premier temps à juger
de leur niveau d’acquisition scolaire en français et en mathématiques et à les décrire à partir
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
159
d’une liste de traits de personnalité, ont dû dans un second temps imaginer les réponses de
leurs élèves à ce même questionnaire. Enfin, ils leur étaient demandés d’y répondre à nouveau
mais cette fois au nom de l’élève idéal versus non idéal.
2.2. Méthode
2.2.1. Participants
Quatre cent quatre vingt dix neuf élèves de CE2 (3rd grade) et leurs 33 enseignants
respectifs ont participé à cette étude. Les participants provenaient de différentes écoles
localisées dans différentes régions de France (régions Languedoc-Roussillon et Rhône-
Alpes). Comme dans l’étude 3, l’échantillon de classes a été constitué en fonction de la
disponibilité des expérimentateurs50 et des autorisations obtenues auprès des inspecteurs
d’académie, des directeurs d’établissement, des enseignants et des parents. La répartition des
élèves en fonction de leur sexe, de leur histoire scolaire (redoublant vs. non redoublant) ainsi
que de la catégorie socioprofessionnelle de leur père est présentée dans le tableau 4.10.
Tableau 4.10. Répartition de l’échantillon d’élèves en fonction de la catégorie
socioprofessionnelle du père, du sexe des élèves et de leur statut de redoublant
Garçon Fille
Redoublant Non redoublant Redoublant Non
redoublant
Cadre 1 42 0 34
Artisan 5 33 2 31
Profession intermédiaire 2 30 1 28
Employé 3 32 0 37
Ouvrier 7 53 5 44
Autre 10 40 12 47
Le tableau 4.10. révèle que la répartition des élèves est légèrement différente de celles
de l’étude 3. En effet, si le nombre de garçons (N = 258) et de filles (N = 241) est globalement
50 Je remercie Sylvie Despesse, Nathalie Estellon, Sandrine Michelas-Traversier et Sandra Ukalovic pour leur participation au recueil des données de cette étude.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
160
équivalent, le nombre de redoublant (N = 48) représente moins de 10 % de l’effectif total
(contre près de 18 % dans l’étude 3). De plus, la répartition des élèves en fonction de la
catégorie socioprofessionnelle du père souligne également l’existence de différences entre les
deux échantillons. Alors que dans l’étude 3, près du tiers des élèves était enfant d’ouvrier, ces
derniers ne représentent ici qu’un cinquième de l’échantillon (N = 109), à égal niveau des
enfants classés dans la catégorie « Autre » (N = 109). Cette catégorie englobe les enfants dont
le père est sans emploi (N = 34), agriculteur (N = 4) et retraité (N = 1) ou dont la profession
n’est pas renseignée (N = 70). Les autres catégories socioprofessionnelles, quant à elles, sont
représentées dans des proportions relativement homogènes (cadre : N = 77 ; artisan : N = 71 ;
profession intermédiaire : N = 61 ; employé : N = 72).
2.2.2. Matériel
Le matériel est quasi identique à celui de l’étude 3. Il est composé de fiches
individuelles contenant des informations sociodémographiques (âge, sexe, catégorie
socioprofessionnelle des parents), d’un questionnaire d’internalité et d’une échelle de
désirabilité/utilité scolaire51 (cf. annexe IIIa). Retenons pour ce qui nous concerne ici que le
questionnaire d’internalité utilisé dans cette étude a fait l’objet de modifications à partir des
résultats obtenus dans l’étude 3. En effet, dans cette étude, nous avons observé que les
explications internes proposées pour rendre compte des comportements pouvaient apparaître
comme dévalorisées. De plus, les résultats que nous avons obtenus en tenant compte de la
spécificité des catégories d’explications sont apparus très différents de ceux obtenus dans la
littérature pour ce type d’événements. Afin de déterminer si nos résultats concernant la valeur
des explications internes pour les comportements étaient le reflet de la particularité des items
de notre questionnaire ou s’ils traduisaient un phénomène plus général, nous avons modifié
certaines saynètes de comportements. Les explications modifiées ont fait l’objet d’un prétest
identique aux deux prétests précédents (questionnaire d’internalité version a) afin de nous
assurer de la correspondance entre la classification des explications a priori et celles réalisées
par les participants. Ce prétest a été mené auprès d’un échantillon de 90 étudiants en Sciences
de l’Education. Les participants étaient invités à indiquer, pour chaque explication, si celle-ci
avait « à voir avec l’élève » (pôle interne) ou n’avait « rien à voir avec l’élève » (pôle
externe), et si celle-ci pouvait « changer dans le temps » (pôle instable) ou restait « pareil tout
le temps » (pôle stable). Les résultats détaillés de ce prétest sont présentés en annexe (annexe 51 Cette échelle ainsi que la procédure mise en place dans sa construction sont présentées en détail dans le chapitre 6.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
161
IIIb). Globalement, le pourcentage d’accord avec la classification a priori est très élevé (lieu
de causalité : 85.80 % ; stabilité : 81.42 %). Sur les 24 explications, 22 ont été
significativement caractérisées par la majorité de l’échantillon comme ayant les propriétés
supposées par la classification a priori. Seules deux explications n’ont pas atteint le critère de
significativité statistique. Alors que la première n’a pas été significativement reconnue
comme étant interne par la majorité de l’échantillon, la seconde n’a pas été significativement
désignée par la majorité de l’échantillon comme étant stable (X² ns.). Toutefois, étant donné
que ces explications ont été correctement identifiées sur au moins une des deux dimensions,
nous avons choisi de les conserver en l’état. La deuxième version du questionnaire
d’internalité scolaire (version b) est donc composée de 12 saynètes (6 comportements et 6
renforcements) de valence positive et négative et associées pour chacune d’elles à 4
explications causales (cf. annexe IIIc). Le questionnaire d’internalité scolaire (version b)
possède les mêmes propriétés en terme de construction de scores que la première version
(version a).
2.2.3. Procédure
La procédure mise en place est globalement identique à celle de l’étude 3. Les données
ont été récoltées lors de deux sessions de passations collectives effectuées à environ deux
semaines d’intervalle. Les tâches des élèves et celles des enseignants étaient identiques à celle
de l’étude 3. Dans cette étude, les enseignants devaient réaliser deux tâches additionnelles.
Lors de la première session, ils devaient décrire chacun de leurs élèves à partir d’une liste de
24 traits de personnalité issus de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire. Lors de la seconde
session, ils devaient remplir deux questionnaires supplémentaires, l’un au nom de l’élève
idéal et l’autre au nom de l’élève non idéal. L’ordre de présentation de ces deux consignes
était contrebalancé dans les classes. La procédure mise en place dans cette étude est résumée
dans le tableau 4.11.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
162
Tableau 4.11. Récapitulatif de la procédure de l’étude 4
Elèves Enseignants
Session 1 Répondre au questionnaire d’internalité en consigne standard
Remplir les fiches d’identification des élèves
Juger leurs élèves en Français et mathématiques
Décrire chacun de leurs élèves à partir de 24 traits
Session 2 Répondre au questionnaire
d’internalité en consignes pro et contre normative
Répondre au questionnaire d’internalité pour chacun de leurs
élèves Répondre au questionnaire
d’internalité au nom de l’élève idéal et au nom de l’élève non
idéal
2.3. Analyses statistiques
Les données récoltées dans les différents paradigmes (autoprésentation,
identification/jugement, identification) ont été analysées de la même façon que dans l’étude 3.
Un premier ensemble d’analyses a été mené sur les données des trois paradigmes en utilisant
le seul critère interne/externe. Les données ont ensuite été analysées à partir des différentes
catégories d’explications manipulées dans le questionnaire d’internalité scolaire (version b).
2.3.1. Analyses à partir du score global d’internalité
2.3.1.1. Paradigme d’autoprésentation (élèves)
Les données obtenues dans le cadre du paradigme d’autoprésentation ont été traitées
par analyse de variance sous la forme suivante : 3 (type de consigne : standard vs.
pronormative vs. contre normative) x 2 (type d’événements : comportements vs.
renforcements) x 2 (valence des événements : positifs vs. négatifs). La variable dépendante est
le score d’internalité moyen. Seuls les effets significatifs ont été rapportés ici. Les scores
d’internalité moyens en fonction du type de consigne, du type et de la valence des événements
sont présentés dans le tableau 4.12.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
163
Tableau 4.12. Scores d’internalité moyens (et écarts-types) en fonction du type de consignes,
du type et de la valence des événements (autoprésentation)
Comportements Renforcements
Positifs Négatifs Positifs Négatifs
Standard 1.80b (0.92)
1.36b (0.94)
2.13b (0.85)
2.19a (0.95)
Pronormative 2.11a (0.92)
1.26b (0.95)
2.40a (0.81)
2.20a (0.97)
Contre normative
0.68c (0.90)
1.65a (0.95)
0.80c (0.90)
1.11b (1.02)
Note. Les scores indicés par une lettre distincte en colonne sont significativement différents à p < .05 (HSD de Tukey).
L’analyse de variance met en évidence un effet principal du type de consigne, F(2,
996) = 499.90, p < .0001, �² = .50. Le score d’internalité moyen est plus élevé en consigne
pronormative (M = 1.99) que celui obtenu en consigne standard (M = 1.87), ces deux derniers
scores étant plus élevé que celui obtenu en consigne contre normative (M = 1.06)52.
L’ANOVA indique également un effet principal du type d’événements, F(1, 498) =
170.46, p < .0001, �² = .26. Le score d’internalité moyen est globalement plus élevé pour les
renforcements (M = 1.80) que pour les comportements (M = 1.48).
L’interaction entre les types de consigne et d’événements est significative, F(2, 996) =
144.34, p < .0001, �² = .22. En consigne standard, le score d’internalité moyen est
globalement plus élevé pour les renforcements (M = 2.16) que pour les comportements (M =
1.58). De la même façon, le score d’internalité moyen est également plus élevé pour les
renforcements (M = 2.30) que pour les comportements (M = 1.68). En revanche, en consigne
contre normative, le score d’internalité moyen est moins élevé pour les renforcements (M =
0.95) que pour les comportements (M = 1.17).
L’interaction entre le type de consigne et la valence des événements est également
significative, F(2, 996) = 214.17, p < .0001, �² = .30. En consigne standard, le score
d’internalité moyen est globalement plus élevé pour les événements positifs (M = 1.97) que
52 Les comparaisons de moyennes par paires consécutives à la décomposition des effets principaux et d’interactions de l’ANOVA ont été testées par l’intermédiaire du test HSD de Tukey. Les différences indiquées sont significatives à p < .05.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
164
pour les événements négatifs (M = 1.78). De la même façon, en consigne pronormative, le
score d’internalité moyen est également plus élevé pour les événements positifs (M = 2.26)
que pour les événements négatifs (M = 1.73). A l’inverse, en consigne contre normative, le
score d’internalité moyen est moins élevé pour les événements positifs (M = 0.74) que pour
les événements négatifs (M = 1.38).
L’interaction entre le type d’événements et leur valence est également significative,
F(1, 498) = 15.86, p < .0001, �² = .03. Le score d’internalité moyen est plus positif pour les
comportements positifs (M = 1.53) que pour les comportements négatifs (M = 1.42) alors que
la différence entre les renforcements positifs et négatifs n’est pas significative (M = 1.78 et M
= 1.83 respectivement).
Enfin, l’interaction de 2ème ordre entre le type de consigne, le type d’événements et la
valence des événements est également significative, F(2, 996) = 96.26, p < .0001, �² = .16.
Pour les comportements positifs, le score d’internalité moyen est plus élevé en consigne
pronormative qu’en consigne standard, ces deux scores se différenciant tous deux de celui
obtenu en consigne contre normative. Pour les comportements négatifs, c’est en consigne
contre normative qu’il s’avère être le plus élevé. Pour les renforcements positifs, c’est en
consigne pronormative que le score d’internalité moyen est significativement le plus élevé,
suivi du score d’internalité en consigne standard qui lui-même ne se différencie pas
significativement de celui en consigne contre normative. Enfin, pour les renforcements
négatifs, les scores d’internalité moyens ne se différencient pas significativement en consigne
standard et en consigne pronormative mais ces deux scores sont significativement plus élevés
que celui obtenu en consigne contre normative.
D’une manière générale, ces résultats sont très similaires à ceux obtenus dans l’étude 3
et vont dans le sens des conclusions des tenants de la norme d’internalité : les explications
internes font l’objet d’un choix préférentiel de la part des individus placés en situation
d’autoprésentation positive. Pour trois catégories d’événements (comportements positifs,
renforcements positifs, renforcements négatifs), les explications internes sont massivement
choisies par les élèves lorsqu’ils doivent donner une bonne image d’eux-mêmes. Inversement,
lorsqu’ils doivent donner une mauvaise image d’eux-mêmes, ces mêmes élèves ont en
moyenne plutôt recours aux explications externes. La seule exception à ce pattern de résultats
concerne l’explication des comportements négatifs : les élèves mobilisent davantage les
explications internes pour les comportements indésirables. Ce résultat, déjà observé dans
l’étude 3, laisse à penser que la modification des saynètes de comportements positifs effectuée
entre la version a et la version b du questionnaire d’internalité scolaire n’a pas entraîné un
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
165
changement radical concernant la valeur de ces explications. A suivre ces résultats, il
semblerait que l’internalité soit globalement valorisée, excepté lorsqu’elle explique des
comportements négatifs.
2.3.1.2. Paradigme d’identification/jugement (enseignants)
Les analyses réalisées sur la base du seul critère interne/externe ont été conduites de la
même façon que dans l’étude 3. Pour tester la significativité de la relation entre le score
d’internalité perçu par les enseignants et le jugement scolaire, nous avons créé un modèle de
régression de base incluant comme variables indépendantes le score moyen des élèves aux
épreuves standardisées, le niveau scolaire moyen de la classe, la catégorie
socioprofessionnelle du père des élèves, leur sexe ainsi que leur histoire scolaire (redoublant
vs. non redoublant). La variable dépendante est le jugement scolaire moyen53. Six modèles de
régression ont été réalisés. Le premier intègre dans le modèle de base le score global
d’internalité calculé sur la totalité du questionnaire. Le deuxième modèle intègre les variables
« type d’événements », « valence des événements » et leur interaction. Ce modèle vise à tester
si la relation entre internalité perçue et jugement scolaire moyen varie en fonction de ces
variables. Les quatre derniers modèles intègrent au modèle de base les scores d’internalité
spécifiques calculés sur une partie des saynètes du questionnaire (modèle 3 : comportements
positifs ; modèle 4 : comportements négatifs ; modèle 5 : renforcements positifs ; modèle 6 :
renforcements négatifs). Les résultats des six modèles54 sont présentés dans le tableau 4.13.
53 Les scores moyens des élèves aux épreuves standardisées, le niveau scolaire moyen de la classe ainsi que le jugement scolaire moyen ont été obtenus en agrégeant les variables correspondantes en français et en mathématiques (score moyen aux épreuves standardisées : � de Cronbach = .86 ; niveau scolaire moyen de la classe : � de Cronbach = .96 ; jugement scolaire moyen : � de Cronbach = .89). 54 L’ensemble des variables intégrées dans ces modèles a été centré.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
166
Tableau 4.13. Modèles de régression évaluant l’effet de l’internalité perçue sur le jugement scolaire moyen (identification/jugement)
Modèle 1 Modèle 2 Modèle 3 Modèle 4 Modèle 5 Modèle 6
Score moyen de l’élève aux épreuves standardisées Score moyen de la classe aux épreuves standardisées Profession du père (référence = cadre)
Artisan Profession intermédiaire Employé Ouvrier Autre
Fille Redoublement Score d’internalité global Type d’événements Valence des événements Interaction Type x Valence Score d’internalité : Comportements positifs Score d’internalité : Comportements négatifs Score d’internalité : Renforcements positifs Score d’internalité : Renforcements négatifs
.72** -.29**
-.07t
-.11** -.09* -.08t -.03 .00
-.16** .16**
.76*
-.29**
-.08* -.12** -.10* -.07 -.04 -.02
-.16**
.05 .06t -.02
.74** -.28**
-.08* -.11** -.10* -.08t -.04 .01
-.16**
.09**
.76** -.29**
-.08t
-.11** -.09* -.07 -.04 -.01
-.16**
.04
.74** -.29**
-.08t
-.12** -.10* -.08t -.04 -.03
-.15**
.15**
.75** -.30**
-.07t
-.11** -.09* -.07 -.03 -.00
-.16**
.09** R² .53 .52 .52 .51 .53 .52
Note. Les coefficients présentés sont standardisés (�). N = 499, ** p < .01, * p < .05, t p < .10
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
167
Le modèle 1 indique que le score global d’internalité perçu par les enseignants est lié
positivement au jugement scolaire moyen qu’ils ont porté sur leurs élèves (� = .16). Le
modèle 2 indique que cette relation ne varie pas significativement en fonction du type
d’événements, bien qu’elle soit tendanciellement plus positive pour les événements positifs
que pour les événements négatifs. Les modèles 3, 5 et 6 indiquent,quant à eux, que cette
relation entre internalité perçue et jugement scolaire moyen est significative et positive pour
les comportements positifs (� = .09) et les renforcements positifs (� = .15) et négatifs (� =
.09). Seule la relation entre internalité et jugement scolaire moyen pour les comportements
négatifs n’atteint pas le seuil de significativité (� = .04).
Pris dans leur ensemble, ces résultats vont globalement dans le sens de la théorie de la
norme d’internalité. Les enseignants associent bien l’internalité à la compétence scolaire et
cette association persiste même lorsque l’on contrôle le niveau de performances scolaires
effectives des élèves. De plus, l’association entre l’internalité perçue par les enseignants et
leur jugement est relativement stable en fonction du type et de la valence des événements. A
noter toutefois, que la seule relation non significative observée concerne une fois de plus les
comportements négatifs. Cela conforte, semble-t-il, les résultats observés en situation
d’autoprésentation où le recours à l’internalité ne semble pas faire l’objet d’un choix
préférentiel de la part des élèves pour donner une bonne image de soi lorsqu’il s’agit
d’expliquer des comportements négatifs. Ces résultats supportent donc l’idée selon laquelle la
norme d’internalité s’exprimerait différemment sur chacun des deux pôles événementiels qui
la compose. Reste maintenant à s’assurer si des conclusions similaires peuvent être tirées à
partir du paradigme d’identification.
2.3.1.3. Paradigme de l’identification (enseignants)
Les réponses des enseignants au paradigme d’identification (répondre pour l’élève
idéal vs. répondre pour l’élève non idéal) ont été traitées par analyse de variance sous la forme
suivante : 2 (valeur des élèves : idéal vs. non idéal) x 2 (type d’événements : comportements
vs. renforcements) x 2 (valence des événements : positifs vs. négatifs). La variable dépendante
est le score d’internalité moyen. Seuls les effets significatifs ont été reportés. Le tableau 4.14.
présente les scores d’internalité en fonction des trois variables manipulées.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
168
Tableau 4.14. Scores moyens d’internalité (et écarts-types) en fonction de la valeur des
élèves, du type d’événements et de leur valence (identification)
Comportements Renforcements
Positifs Négatifs Positifs Négatifs
Idéal 2.45a (0.75)
1.79a (0.82)
2.24a (0.87)
2.91a (0.29)
Non idéal 0.09b (0.29)
1.21b (0.86)
0.64b (0.86)
0.58b (0.94)
Note. Les scores indicés en colonne par une lettre distincte sont significativement différents à p < .05 (HSD de Tukey).
L’analyse de variance met en évidence un effet massif de la valeur des élèves, F(1, 32)
= 140.55, p < .0001, �² = .81. L’élève idéal est décrit en moyenne comme plus interne (M =
2.35) que l’élève non idéal (M = 0.63).
L’analyse de variance montre un effet du type d’événements, F(1, 32) = 4.95, p < .05,
�² = .13. Le score d’internalité moyen est plus élevé pour les renforcements (M = 1.59) que
pour les comportements (M = 1.39).
L’effet de la valence des événements est également significatif, F(1, 32) = 14.87, p <
.001, �² = .32. Le score d’internalité moyen est plus élevé pour les événements positifs (M =
1.62) que pour les événements négatifs (M = 1.36).
L’interaction entre la valeur des élèves et le type d’événements est significative, F(1,
32) = 10.15, p < .01, �² = .24. Si, dans le cas de l’élève idéal, le score d’internalité moyen est
plus élevé pour les renforcements (M = 2.58) que pour les comportements (M = 2.12), dans le
cas de l’élève non idéal, cette différence n’est plus significative (comportements : M = 0.65,
renforcements : M = 0.61)55.
L’interaction entre la valeur des élèves et la valence des événements est également
significative, F(1, 32) = 10.25, p < .01, �² = .24. Si, dans le cas de l’élève non idéal, le score
d’internalité moyen est plus élevé pour les événements négatifs (M = 0.89) que pour les
événements positifs (M = 0.36), dans le cas de l’élève idéal, cette différence n’est plus
significative (événements positifs : M = 2.35, événements négatifs : M = 2.35).
Enfin, l’interaction entre la valeur des élèves, le type d’événements et la valence des 55 Ces comparaisons de moyennes par paires, ainsi que les suivantes, ont été effectuées à partir du test post hoc HSD de Tukey.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
169
événements est significative, F(1, 32) = 50.52, p < .0001, �² = .61.
Le tableau 4.15 révèle que, pour les quatre catégories d’événements, l’élève idéal
obtient systématiquement un score d’internalité moyen plus élevé que l’élève non idéal. En
effet, pour l’élève idéal, il n’y a pas de différence entre le score d’internalité moyen pour les
renforcements positifs et celui pour les renforcements négatifs alors que le score d’internalité
moyen est plus élevé pour les comportements positifs que pour les comportements négatifs.
Pour l’élève non idéal, alors que la différence entre le score d’internalité moyen pour les
comportements positifs est plus faible que celui pour les comportements négatifs, la
différence entre le score d’internalité moyen pour les renforcements positifs et celui pour les
renforcements négatifs n’est pas significative.
Globalement, le recours au seul critère interne/externe dans l’analyse des réponses des
enseignants au paradigme d’identification aboutit à la non-infirmation de l’ensemble des
présupposés de la théorie de la norme d’internalité. Indépendamment de l’événement
considéré et de sa valence, l’élève idéal est crédité d’un score d’internalité plus élevé que
l’élève non idéal. De ce point de vue, nos données vont dans le sens de l’idée selon laquelle
l’internalité est bien valorisée indépendamment du type et de la valence des événements
expliqués. Ces résultats, qui d’emblée contrastent en matière d’explication des comportements
négatifs avec ceux obtenus dans le paradigme d’autoprésentation, nous montrent l’intérêt de
considérer le paradigme mobilisé. Contrairement aux élèves pour qui expliquer ce type
d’événements par des explications internes semblait susceptible de produire une mauvaise
image aux yeux des enseignants, les enseignants considèrent que l’élève idéal est plus interne
lorsqu’il explique ses comportements négatifs que ne l’est l’élève non idéal.
A s’en tenir aux résultats obtenus dans les trois paradigmes et à partir du seul critère
interne/externe, il semble que l’internalité apparaisse bien comme étant plus valorisée que
l’externalité. De ce point de vue, les données vont dans le même sens que celles obtenues
dans l’étude 3, à savoir une assez bonne convergence des résultats entre plusieurs paradigmes
dès lors que l’on a recours au seul critère interne/externe pour catégoriser les explications
causales.
2.3.2. Analyses à partir des scores des catégories d’explications
2.3.2.1. Paradigme d’autoprésentation (élèves)
Avant d’analyser les réponses des élèves dans le cadre du paradigme
d’autoprésentation, nous avons représenté dans la figure 4.3. les différentes moyennes
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
170
obtenues par les catégories d’explications manipulées dans le questionnaire d’internalité
scolaire (version b) en fonction des trois consignes utilisées.
Standard Pronormative Contre normative
C- contrainte (ES)C- autrui (EI)R- tâche (ES)R- chance (EI)C+ contrainte (ES)C+ autrui (EI)R+ tâche (ES)R+ chance (EI)C- trait (IS)C- intention (II)R- trait (IS)R- effort (II)C+ trait (IS)C+ intention (II)R+ trait (IS)R+ effort (II)
Inte
rne
Ext
erne
Ext
erne
Ext
erne
Inte
rneIn
tern
e
Figure 4.3. Moyennes cumulées des scores des différentes catégories d’explications en
fonction des trois consignes d’autoprésentation (étude 4)
La figure 4.3. révèle que les moyennes obtenues en consigne standard sont très
proches de celles obtenues en consigne pronormative. Le pattern de résultats est toutefois très
différent en consigne contre normative. Afin de quantifier leur degré de correspondance, nous
avons réalisé des corrélations entre les moyennes obtenues par les 16 catégories
d’explications en fonction des trois consignes d’autoprésentation. Ces corrélations (� de
Spearman) sont présentées dans le tableau 4.15.
3
0
6
9
12
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
171
Tableau 4.15. Corrélations (� de Spearman) entre les moyennes des différentes catégories
d’explications en fonction du type de consigne
Standard Pronormative Contre normative
Standard 1
Pronormative .93** 1
Contre normative -.43t -.63** 1
Note. N = 16, ** p < .01, * p < .05, t p < .10
Les corrélations mettent en évidence, d’une part, que les moyennes obtenues en
consigne standard par les différentes catégories d’explications sont très proches de celles
obtenues en consigne pronormative. D’autre part, il apparaît que les moyennes obtenues par
les différentes catégories d’explications en consigne pronormative sont corrélées
négativement à celles obtenues en consigne contre normative. Cette corrélation négative tend
à indiquer l’existence de variations des scores des catégories en fonction de la consigne
d’autoprésentation. Plus les catégories d’explications sont choisies en consigne pronormative,
moins elles le sont en consigne contre normative. Bien que tendancielle, la corrélation entre
les moyennes en consigne standard et celles en consigne contre normative nous indique une
relation similaire. Toutefois, afin d’identifier parmi ces catégories d’explications celles qui
sont les plus valorisées aux yeux des élèves, il convient de s’intéresser aux variations de ces
moyennes en fonction des consignes pronormative et contre normative. Pour ce faire, nous
avons calculé, comme dans l’étude 3, un score de valorisation par catégorie en faisant la
différence entre le score obtenu en consigne pronormative et celui obtenu en consigne contre
normative. Cela nous permettra de vérifier si les explications internes/instables en terme
d’effort sont bien les plus valorisées pour expliquer les renforcements, indépendamment de la
valence des événements. En matière de comportements, conformément aux présupposés de
Beauvois (Beauvois et al., 1991; Beauvois & Le Poultier, 1986), nous nous attendons à ce que
les explications internes/stables en terme de trait soient celles les plus valorisées du registre
interne, indépendamment de la valence des événements.
Nous avons réalisé deux ensembles d’analyses sur les scores de valorisation des
différentes catégories. Le premier a consisté à tester si les catégories avaient obtenu un score
de valorisation différent de 0 (test t pour échantillon unique). Une différence significative
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
172
indique que cette catégorie a été significativement plus choisie sous l’une des deux consignes.
Le second ensemble d’analyses a consisté à comparer les catégories d’explications sur la base
de leur score de valorisation de façon à déterminer la catégorie la plus valorisée pour rendre
compte des différents types d’événements manipulés. Pour ce faire, nous avons testé ces
différences à partir de tests post hoc (HSD de Tukey).
Les scores de valorisation obtenus pour chaque type d’explications sont présentés dans
le tableau 4.16.
Tableau 4.16. Scores de valorisation (et écarts-types) pour chaque catégorie d’explications
en fonction du type d’événements et de leur valence (autoprésentation)
Comportements Renforcements
Positifs Négatifs Positifs Négatifs
Interne/Instable 0.66a (1.08)
-0.19b (1.12) 0.79a
(1.32) 0.96a (1.38)
Interne/Stable 0.78a (1.16)
-0.21b (1.18) 0.82a
(1.12) 0.13b (0.98)
Externe/Instable -0.53b (1.15)
0.74a (1.18) -0.55b
(1.02) 0.32b (0.98)
Externe/Stable -0.90c (1.13)
-0.34b (1.25) -1.05c
(1.28) -1.41c (1.26)
Note. Les scores indicés en colonne par des lettres distinctes sont significativement différents à p < .05 (HSD de Tukey).
Les tests t pour échantillon unique réalisés contre la valeur 0 indiquent que toutes les
catégories se différencient significativement de cette valeur (p <.01). Ces résultats indiquent
chacune des 16 catégories d’explications a été plus choisie pour une consigne que pour
l’autre. Pour les comportements positifs, les explications internes/stables en terme de trait,
comme celles internes/instables sont plus choisies en consigne pronormative qu’en consigne
contre normative (M = 0.78 et M = 0.66). Le pattern inverse est observé pour les
comportements négatifs où ces deux catégories d’explications internes sont significativement
plus choisies par les élèves pour se faire mal voir que pour se faire bien voir (internes/stables
en terme de trait : M = -0.21 ; internes/instables en terme d’intention : M = -0.19). En matière
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
173
de renforcements, les explications internes/instables en terme d’effort sont préférées par les
élèves pour se faire bien voir plutôt que pour se faire mal voir, pour les renforcements positifs
(M = 0.79) et négatifs (M = 0.96). De la même façon, les explications internes/stables en
terme d’habileté sont plus choisies par les élèves pour se faire bien voir que pour se faire mal
voir pour les renforcements positifs (M = 0.82) comme négatifs (M = 0.13).
En complément de ces analyses, les comparaisons post hoc (HSD de Tukey) indiquent
que, si certaines de nos hypothèses sont en accord avec les données, ce n’est pas le cas de
toutes. A noter qu’en matière de comportements positifs, si les explications internes/stables en
terme de trait de personnalité (M = 0.78) sont plus valorisées que les explications externes en
général (externes/stables en terme de contrainte : M = -0.90 ; externes/instables en terme
d’action d’autrui : M = -0.53) elles ne se différencient pas des explications internes/instables
en terme d’intention (M = 0.66).
Pour les comportements négatifs, cette fois, les explications internes/stables en terme
de trait (M = -0.21) ne sont pas plus valorisées que celles externes/stables en terme de
contrainte extérieure (M = -0.34) et celles internes/instables en terme d’intention (M = -0.19).
En revanche, elles sont moins valorisées aux yeux des élèves que les explications
externes/instables mettant en avant l’action d’autrui (M = 0.74).
A noter que pour les renforcements positifs, si les explications internes/instables en
terme d’effort (M = 0.79) sont plus valorisées que celles externes/instables en terme de chance
(M = -0.55) et que celles externes/stables en terme de difficulté de la tâche (M = -1.05), elles
ne se différencient toutefois pas des explications internes/stables en terme d’habileté (M =
0.82).
En matière de renforcements négatifs, les résultats indiquent que, pour les élèves, les
explications internes/instables en terme d’effort (M = 0.96) sont bien plus valorisées que les
autres catégories d’explications (internes/stables en terme de manque d’habileté, M = 0.13 ;
externes/instables en terme de chance, M = 0.32 ; externes/stables en terme de difficulté de la
tâche, M = 1.41). Les explications internes/stables en terme d’habileté, si elles ne se
différencient pas des explications externes/instables en terme de chance, sont plus valorisées
que celles en terme de difficulté de la tâche.
D’une manière générale, les résultats obtenus soulignent donc l’existence d’une
variabilité de valeur des explications causales au sein des registres interne et externe. Les
élèves choisissent plus certaines explications internes pour donner une bonne image qu’une
mauvaise image de soi et ce, de façon plus marquée que d’autres explications internes (e.g. les
explications internes/instables en terme d’effort pour les renforcements négatifs). A noter
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
174
également que certaines explications externes apparaissent plus valorisées que certaines
explications internes (e.g. les explications externes/instables en terme d’action d’autrui).
2.3.2.2. Paradigme d’identification/jugement (enseignants)
Les données concernant la perception des enseignants des réponses de leurs élèves au
questionnaire d’internalité et les jugements émis par les enseignants à leur endroit ont été
traitées de la même façon que dans l’étude 3. Ainsi, avons-nous créé, en premier lieu, un
modèle de régression de base intégrant le score moyen des élèves aux épreuves standardisées,
le niveau moyen de la classe, la catégorie socioprofessionnelle du père des élèves, le sexe des
élèves et leur statut scolaire (redoublant vs. non redoublant). Puis, sur la base de ce modèle,
nous avons créé 16 modèles de régression intégrant chacun un score correspondant à une
catégorie d’explications. Les coefficients � des relations entre les scores des différentes
catégories du questionnaire d’internalité scolaire et le jugement scolaire moyen sont présentés
dans le tableau 4.17.
Tableau 4.17. Coefficients � des relations entre les scores des différentes catégories du
questionnaire d’internalité et le jugement scolaire moyen (identification/jugement)
Comportements Renforcements
Positifs Négatifs Positifs Négatifs
Interne/Instable .03 .03 .01 .14**
Interne/Stable .09* .02 .18** -.09*
Externe/Instable -.04 .07* -.21** .01
Externe/Stable -.07* -.14** .01 -.14*
Note. N = 499, ** p < .01, * p < .05, t p < .10
Le tableau 4.17. indique clairement l’existence de variations dans les relations entre le
jugement scolaire et les différentes catégories d’explications manipulées dans le questionnaire
d’internalité. Ces variations répliquent dans une certaine mesure les résultats de l’étude 3 à
partir du même paradigme.
Pour les comportements positifs, conformément aux résultats de l’étude 3, les
explications internes/stables en terme de trait sont significativement et positivement associées
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
175
au jugement scolaire moyen (� = .09). Seules les explications externes/stables en terme de
contraintes sont liées significativement et négativement au jugement des enseignants (� = -
.07).
Pour les comportements négatifs, contrairement aux données obtenues précédemment
où elles étaient apparues reliées négativement au jugement (cf. tableau 4.8., étude 3), les
explications en terme de trait ne sont pas reliées significativement au jugement des
enseignants (� = .02). A noter également que les explications externes/instables en terme
d’action d’autrui sont positivement et significativement associées au jugement scolaire moyen
(� = .07), les explications externes/stables en terme de contrainte sont quant à elles reliées
significativement et négativement à ce jugement (� = -.14).
Concernant les renforcements positifs, les données répliquent les effets observés dans
l’étude 3. En effet, seules les explications internes/stables en terme d’habileté sont
significativement et positivement associées au jugement (� = .18). Ce n’est pas le cas des
explications internes/instables en terme d’effort (� = .01). Les explications externes/instables
en terme de chance sont les seules à être significativement et négativement associées au
jugement (� = -.21).
Enfin, en matière d’explication des renforcements négatifs, les explications
internes/instables en terme d’effort apparaissent, une fois de plus, significativement et
positivement associées au jugement scolaire moyen (� = .14), contrairement aux explications
internes/stables en terme d’habileté qui, quant à elles, sont reliées négativement à ce jugement
(� = -.09), comme d’ailleurs les explications externes/stables en terme de contraintes (� = -
.14).
Au regard de ces résultats, il apparaît donc que cette étude réplique la plupart des
résultats obtenus dans l’étude 3. Si certaines explications internes semblent porteuses de
valeur, d’autres ne le sont pas. Toutes choses égales par ailleurs, plus les enseignants pensent
que leurs élèves ont expliqué leurs réussites par des explications en terme d’habileté, plus ils
les jugent favorablement. De même, plus les enseignants pensent que leurs élèves ont
expliqué leurs échecs par le manque d’effort, plus ils les jugent favorablement. A l’inverse,
plus les enseignants pensent que leurs élèves ont eu recours à des explications en terme de
manque d’habileté pour expliquer leurs échecs, moins ils les jugent favorablement. Enfin, plus
les enseignants pensent que leurs élèves expliquent leurs comportements désirables par des
traits de personnalité, plus ils les jugent favorablement. A noter également que, comme dans
l’étude 3, certaines explications externes semblent être porteuses de valeur sociale. En effet,
plus les enseignants pensent que leurs élèves expliquent les comportements négatifs par des
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
176
explications en terme d’autrui (externes/instables), plus ils les jugent favorablement
2.3.2.3. Paradigme de l’identification (enseignants)
La figure 4.4. présente les moyennes cumulées des scores obtenus par les différentes
catégories qui composent le questionnaire d’internalité (version b) dans le cadre du paradigme
de l’identification.
Idéal Non idéal
C- contrainte (ES)C- autrui (EI)R- tâche (ES)R- chance (EI)C+ contrainte (ES)C+ autrui (EI)R+ tâche (ES)R+ chance (EI)C- trait (IS)C- intention (II)R- trait (IS)R- effort (II)C+ trait (IS)C+ intention (II)R+ trait (IS)R+ effort (II)
Inte
rne
Ext
erne
Ext
erne
Inte
rne
Figure 4.4. Moyennes cumulées des scores des différentes catégories d’explications en
fonction du type d’élèves (étude 4)
Cette figure schématise les résultats observés en fonction de la consigne
d’identification. Les choix des participants ne se portent pas sur les mêmes explications pour
décrire l’élève idéal et l’élève non idéal. Afin d’estimer le degré de correspondance entre ces
deux consignes, nous avons réalisé une corrélation (� de Spearman) sur les moyennes
obtenues par les différentes catégories d’explications pour chacun des deux profils d’élèves.
Cette analyse montre que les moyennes obtenues dans ces deux consignes corrèlent
négativement, �(16) = -.76, p < .001, indiquant que plus les catégories d’explications sont
perçues comme étant susceptibles d’être choisies par l’élève idéal, moins les enseignants
3
0
6
9
12
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
177
pensent que les mêmes types d’explications sont susceptibles d’être choisis par l’élève non
idéal.
Comme dans les deux paradigmes d’autoprésentation précédents, nous avons calculé
un indice de valorisation sur la base des réponses des enseignants en consignes « élève idéal »
et « élève non idéal ». Rappelons que cet indice consiste à calculer, pour chaque enseignant et
pour chaque catégorie d’explications, la différence entre le nombre d’explications choisi avec
la consigne « élève idéal » et celui choisi avec la consigne « élève non idéal ». Plus cette
différence est positive, plus la catégorie d’explications est considérée par les enseignants
comme typique de l’élève idéal et comme et donc comme non caractéristique de l’élève non
idéal56.
Deux ensembles d’analyses ont été réalisés sur les données. Le premier vise à
déterminer si les catégories d’explications ont été préférentiellement choisies pour décrire
l’élève idéal ou l’élève non idéal (tests t pour échantillon unique). Le second ensemble
d’analyses vise à comparer les différentes catégories d’explications sur la base de leur score
de valorisation. Les scores moyens de valorisation obtenus par les différentes catégories
d’explications sont présentés dans le tableau 4.18.
Tableau 4.18. Scores de valorisation (et écarts-types) pour chaque type d’explications en
fonction du type d’événements et de leur valence (identification)
Comportements Renforcements
Positifs Négatifs Positifs Négatifs
Interne/Instable 1.03a (0.88)
0.39a (1.06) 1.73a
(1.80) 2.42a (0.83)
Interne/Stable 1.33a (0.78)
0.18a (1.33) -0.12b
(0.99) -0.09b (0.95)
Externe/Instable -1.39b (0.89)
0.00a (1.15) -1.79c
(1.19) -0.97b,c (1.02)
Externe/Stable -0.97b (1.10)
-0.58b (0.97) 0.18b
(1.19) -1.39c (1.03)
Note. Les scores indicés en colonne par des lettres distinctes sont significativement différents à p < .05 (HSD de Tukey)
56 A noter que la valorisation mesurée par ce score diffère de celle calculée dans le paradigme d’autoprésentation. Alors que la première renvoie à la valeur telle qu’elle est perçue par les enseignants, la seconde renvoie à la valeur telle qu’elle est perçue par les élèves.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
178
Les résultats des tests t contre la valeur 0 indiquent que toutes les catégories ne sont
pas sensibles à la manipulation des consignes d’identification. En effet, seules certaines
d’entre elles apparaissent préférentiellement choisies sous une consigne plutôt que sous une
autre. Parmi les catégories dont le score de valorisation ne se différencie pas de 0, on peut
citer, pour les comportements négatifs les explications internes/stables en terme de trait (M =
0.18) et externes/instables en terme d’action d’autrui (M = 0.00). Pour les renforcements
positifs, on peut citer les explications internes/stables en terme d’habileté (M = 0.12) et
externes/stables en terme de difficulté de la tâche (M = 0.18) et, pour les renforcements
négatifs, les explications internes/stables en terme d’habileté (M = -0.09). Les autres
catégories se différencient significativement de la valeur 0 (p < .05). Ainsi, en matière de
comportements positifs, les explications internes, qu’elles soient stables en terme de trait (M =
1.33) ou instables en terme d’intention (M = 1.03), sont préférentiellement choisies pour
décrire l’élève idéal plutôt que l’élève non idéal. Cependant, pour les comportements négatifs,
seules les explications en terme d’intention semblent être plus caractéristiques de l’élève idéal
que de l’élève non idéal (M = 0.39). En matière de renforcements, seules les explications
internes/instables en terme d’effort sont plus caractéristiques de l’élève idéal plutôt que de
l’élève non idéal, indépendamment de la valence des renforcements (renforcements positifs :
M = 1.73 ; renforcements négatifs : M = 2.42.
Les comparaisons post hoc (HSD de Tukey) révèlent que, pour les comportements
positifs, la distinction interne/externe semble bien capter les différences de valeur des
explications. Si les deux explications internes (internes/stables en terme de trait, M = 1.03 ;
internes/instables en terme d’intention, M = 1.33) ne se différencient pas significativement
l’une de l’autre, elles sont toutefois significativement différentes des deux explications
externes (externes/instables en terme d’action d’autrui, M = -1.39 ; externes/stables en terme
de contrainte, M = -0.97) qui, elles-mêmes, ne se différencient pas significativement l’une de
l’autre.
Pour les comportements négatifs cette fois, les différences entre les catégories
semblent moins marquées étant donné que seules les explications externes/stables en terme de
contrainte extérieure (M = -0.58) obtiennent un score de valorisation significativement plus
négatif que les trois autres catégories qui ne se différencient pas significativement
(internes/instables en terme d’intention : M = 0.39 ; internes/stables en terme de trait : M =
0.18) ; externes/instables en terme d’action d’autrui : M = 0.00).
Pour les renforcements positifs, conformément à nos hypothèses, les explications en
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
179
terme d’effort (M = 1.73) apparaissent fortement plus valorisées aux yeux des enseignants que
les trois autres catégories. De plus, alors que les explications en terme d’habileté (M = -0.12)
et celles en terme de difficulté de la tâche (M = 0.18) ne se différencient pas significativement
l’une de l’autre, ces deux catégories obtiennent un score de normativité plus élevé que les
explications en terme de chance (M = -1.79).
Enfin, pour les renforcements négatifs, là encore, les explications en terme de manque
d’effort (M = 2.42) obtiennent le score de valorisation le plus élevé. Les explications en terme
d’habileté (M = -0.09) se différencient de celles en terme de malchance (M = -0.97) et de
celles en terme de difficulté de la tâche (M = -1.39), ces deux dernières n’étant pas
significativement différentes l’une de l’autre.
D’une manière générale, ces résultats révèlent encore une fois l’existence de variations
de valeur au sein des registres interne et externe sur les deux pôles événementiels que sont les
comportements et les renforcements. Aux yeux des enseignants, il semble que toutes les
explications internes ne se valent pas, pas plus d’ailleurs que toutes les explications externes.
Ces résultats attestent encore une fois de l’intérêt de dépasser la seule distinction
interne/externe dans l’étude de la valorisation des explications causales. Ils supportent
également une fois de plus l’hypothèse concernant la plus grande valeur des explications
causales internes/instables en terme d’effort lorsqu’il s’agit d’expliquer les renforcements. En
effet, les enseignants choisissent plus ce type d’explications pour répondre au nom de l’élève
idéal que pour répondre au nom de l’élève non idéal et de façon plus marquée que les autres
explications. Cette préférence des enseignants pour les explications en terme d’effort est
indépendante de la valence des événements expliqués. En matière de comportements, les
résultats sont moins nets et révèlent que les deux catégories d’explications internes ne se
différencient pas l’une de l’autre que ce soit lorsqu’il s’agit d’expliquer les comportements
positifs ou négatifs.
2.4. Discussion
Le premier objectif de cette étude était de répliquer les résultats de l’étude 3, tant en ce
qui concerne les résultats obtenus à partir du score global d’internalité que ceux mis en
évidence par la prise en compte de la spécificité des catégories d’explications.
Tout d’abord, conformément aux présupposés de la théorie de la norme d’internalité,
nous avons observé que les explications internes faisaient globalement l’objet d’une
valorisation plus marquée que les explications externes et ce indépendamment des
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
180
événements considérés57. Prendre en compte uniquement la distinction interne/externe comme
critère de classification des explications causales aboutit donc à considérer que nos résultats
vont globalement dans le sens de la théorie de la norme d’internalité. Toutefois, un pattern de
résultats bien différent semble se dégager dès lors que l’on recourt à des distinctions plus
fines. En effet, au travers des trois paradigmes, nous avons observé des variations de
valorisation au sein des registres interne et externe. Comme dans le cas de l’étude 4, ces
variations ne vont que partiellement dans le sens de nos hypothèses.
Par exemple, en matière de comportements, nous n’avons pas observé que les
explications internes en terme de trait étaient systématiquement les plus valorisées. De même,
nous n’avons observé que les explications internes/instables en terme d’intention étaient plus
valorisées que les autres. La valeur de ces explications semblent avant tout dépendre de la
valence des événements et du paradigme mobilisé. Dans le cadre du paradigme
d’autoprésentation, et pour les comportements positifs, ces deux catégories d’explications
internes semblent être globalement porteuses de valeur. Le même pattern de résultats est
observé dans le cadre du paradigme de l’identification. La seule différence notable entre ces
deux catégories d’explications apparaît dans le cadre du paradigme d’identification/jugement.
Seules les explications en terme de trait sont liées significativement au jugement des
enseignants. En matière de comportements négatifs, les résultats semblent là bien différents.
Face à ce type d’événements, ces deux catégories (traits et intention) ne semblent pas
particulièrement porteuses de valeur. Pris dans leur ensemble, ces résultats diffèrent de ceux
que nous avons observés dans l’étude 3 sur plusieurs points. Une des différences les plus
notables concerne les explications internes en terme d’intention. Alors qu’elles apparaissaient
fortement dévalorisées pour les élèves indépendamment de la valence des événements dans
l’étude 3, ce type d’explications semblent très valorisées pour rendre compte des
comportements positifs et peu dévalorisées en matière de comportements négatifs. Ce pattern
de résultats se retrouve chez les enseignants en identification. Cela n’est pas sans doute pas
sans rapport avec la modification opérée sur le questionnaire d’internalité à l’issue de l’étude
3. Il semble donc que la modification que nous avons opérée sur le questionnaire a produit des
effets non négligeables sur la valeur des explications. Cette conclusion tranche assez
nettement avec celle que nous avons émise sur la base des résultats obtenus à partir du critère
57 Les deux seules exceptions à cette assertion concernent, d’un côté, les données recueillies à partir du paradigme d’autoprésentation où les élèves semblent penser qu’expliquer des comportements négatifs de façon interne serait susceptible de produire une image défavorable, et de l’autre, celles issues du paradigme d’identification/jugement où le score d’internalité perçu par les enseignants pour ce même type d’événements n’est pas significativement relié à leur jugement.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
181
interne/externe. De ce point de vue, les données semblent globalement répliquer celles de
l’étude 3. Ainsi, alors que le seul recours à la distinction interne/externe nous amènerait à
considérer que la modification du matériel n’a eu que peu ou pas de conséquences sur les
effets observés, l’utilisation d’une classification plus fine des explications causales révèle
l’existence de variations non négligeables d’une étude à l’autre.
En matière de renforcements cette fois, les résultats obtenus dans cette étude
répliquent dans une large mesure ceux obtenus dans l’étude 3. S’ils indiquent sans ambiguïté
que les explications les plus valorisées sont les explications internes/instables en terme
d’effort lorsqu’il s’agit d’expliquer les échecs, le pattern de résultats s’avère moins consistant
en matière de renforcements positifs. En matière d’identification/jugement, on retrouve le
pattern déjà observé dans l’étude 3 : seules les explications en terme d’habileté semblent
reliées au jugement des enseignants et non les explications en terme d’effort. De la même
façon, il ressort en matière d’autoprésentation que, bien qu’elles ne se différencient pas
significativement des explications internes/stables en terme d’habileté, les explications en
terme d’effort semblent être valorisées puisqu’elles obtiennent un score de valorisation
positif. Enfin, en situation d’identification, les explications en terme d’effort sont les
explications les plus valorisées lorsqu’elles rendent compte des renforcements
indépendamment de leur valence. Pour les enseignants, ce type d’explications serait fortement
choisi par l’élève idéal et très peu par l’élève non idéal.
Ce résultat, s’il va dans le sens de nos hypothèses, met également en évidence un point
qui nous semble essentiel à la compréhension des mécanismes à l’œuvre dans cette étude. En
effet, la valeur accordée par les participants à certaines catégories d’explications semble être
fonction du paradigme dans lequel ils sont placés. Par exemple, alors qu’ils considèrent les
explications internes/instables en terme d’effort pour rendre compte des renforcements
positifs comme particulièrement typiques de l’élève idéal, ils ne jugent pas plus
favorablement les élèves dont ils pensent qu’ils auraient recours à ce type d’explications.
Rappelons également que dans l’étude 3, une inconsistance du même ordre avait déjà été
observée entre, d’un côté, les élèves placés en autoprésentation et, de l’autre, leurs
enseignants placés en paradigme d’identification/jugement. Par exemple, alors que les
explications en terme d’effort apparaissaient comme les plus valorisées aux yeux des élèves
pour rendre compte des renforcements positifs, les enseignants ne jugeaient pas plus
favorablement les élèves dont ils pensaient qu’ils auraient eu recours à ce type d’explications.
Reprenant les arguments développés par Dubois (2000), nous avions avancé l’idée que la
valeur mise en avant par le paradigme d’autoprésentation et celle révélée par le paradigme
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
182
d’identification/jugement n’étaient pas de même nature. Chacune d’entre elles reposeraient
sur l’une des deux composantes de la valeur sociale (Beauvois, 1995; Dubois & Beauvois,
2001). Alors que la valeur exprimée par les élèves reposerait sur la désirabilité des
explications, celle exprimée par les enseignants reposerait sur l’utilité des explications. Les
résultats obtenus dans l’étude 4 nous permettent d’avancer a minima quelques éléments de
réponses sur ce point. A la différence de l’étude 3, cette divergence de résultats ne concerne
pas des populations distinctes (élèves vs. enseignants) mais se retrouve dans les réponses des
mêmes individus. De fait, une interprétation en terme de différences de populations ne peut
permettre de rendre compte de cette inconsistance de résultats, contrairement à l’hypothèse
selon laquelle les deux paradigmes ne mobilisent pas le même aspect des explications
causales. Cette interprétation permettrait également de rendre compte du fait que les élèves en
autoprésentation semblent penser que les explications internes/instables en terme d’effort et
celles internes/stables en terme d’habileté sont toutes deux capables de produire une image
favorable aux yeux de leurs enseignants pour expliquer la réussite. Alors que les premières
seraient particulièrement porteuses de désirabilité sociale, les secondes seraient fortement
porteuses d’utilité sociale. De fait, recourir à ces deux types d’explications pour rendre
compte de la réussite permettrait aux élèves de produire une image favorable sur les deux
dimensions de la valeur sociale. Cette explication permettrait en outre d’expliquer pourquoi
les explications en terme d’effort pour expliquer les renforcements négatifs sont valorisées
indépendamment de la méthode employée. Sans doute, ces explications sont à la fois
porteuses d’utilité et de désirabilité. Le fait de les évoquer serait susceptible de produire une
image favorable sur ces deux aspects. Il semble donc que les différences de résultats observés
dans les deux études puissent être expliquées par la spécificité des paradigmes employés.
Cette explication, si elle nous permet de rendre compte de la variabilité de valorisation des
explications, n’est pas sans conséquences sur la formulation de nos hypothèses initiales. En
effet, plus que de chercher à déterminer quelles sont les explications les plus valorisées du
registre interne, il nous semble, à ce stade de ce travail, plus heuristique de chercher à savoir
quel type de valeur est véhiculé par les différentes catégories d’explications internes.
3. Conclusion
Au travers de ces deux études, nous avons pu observer différents phénomènes
concernant la valeur des explications causales. Sur ce point, nos données supportent
globalement la définition proposée par Beauvois et Dubois (1988) selon laquelle les
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
183
explications internes seraient plus valorisées que les explications externes pour rendre compte
des événements psychologiques (comportements et renforcements). Cependant, les résultats
que nous avons observés dans les deux études dès lors que l’on tient compte d’autres critères
de classification que la seule distinction interne/externe nous invitent à nous interroger sur le
bien-fondé de la théorie de la norme d’internalité. En effet, peut-on considérer que la théorie
de la norme d’internalité peut être infirmée par le fait d’observer que toutes les explications
internes ne sont pas valorisées et que toutes les explications externes ne sont pas
dévalorisées ? Répondre à une telle question suppose avant tout de chercher à identifier de
façon précise les prédictions que permet de faire la définition de la norme d’internalité
proposée par Beauvois et Dubois (1988). Rappelons que la norme d’internalité est définie
comme « la valorisation sociale des explications des événements psychologiques
(comportements et renforcements) qui accentuent le poids causal de l’acteur » (Beauvois &
Dubois, , p.299). Cette définition semble interprétable de deux manières. Une première
manière consisterait à dire qu’elle implique que toutes les explications internes doivent
forcément être plus valorisées que toutes les explications externes. Sur la base de cette
interprétation, la théorie de la norme d’internalité serait infirmée à partir du moment où l’on
observerait une catégorie d’explications externes qui soit a minima au moins autant valorisée
que certaines catégories d’explications internes. De fait, accepter une telle interprétation
aboutirait à l’infirmation de la théorie de la norme d’internalité sur la base de nos données58.
Une seconde manière consisterait à supposer que cette définition se limite à indiquer que les
explications internes sont en moyenne plus valorisées que les explications externes. Il nous
semble que c’est cette seconde conception qui est sans doute la plus adaptée pour qualifier la
norme d’internalité. En effet, cette norme désigne un phénomène social qui ne s’applique pas
à l’explication des événements quotidiens dans le cadre d’interactions entre individus.
L’opérationnalisation sous forme de questionnaire d’internalité renvoyant à de multiples
événements de type (comportements et renforcements) et de valence (positive et négative)
divers en est la preuve. Comme le note Beauvois (1987b), « ce que nous étudions avec ces
questionnaires, ce ne sont ni les explications ordinaires, ni les inférences ordinaires. […]. Ce
qui est étudié c’est une norme : la norme d’internalité qui ne fait qu’intervenir dans les
explications et inférences, sans bien sûr les épuiser » (p.120). La norme d’internalité traite
donc plutôt d’une tendance de la pensée sociale à accorder en moyenne aux explications
58 De ce point de vue, les résultats obtenus par Pansu et Gilibert (2002, étude 4) auraient également les mêmes répercutions étant donné que ces auteurs ont observé que certaines explications externes (en terme de situation) pouvaient être au moins autant valorisées que certaines explications internes (en terme de trait) dans l’explication des renforcements.
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
184
internes une plus grande valeur qu’aux explications externes. Le recours à la notion de valeur
moyenne suppose ici la possibilité de l’existence d’une distribution d’échantillonnage de la
valeur des explications dans chacun des deux registres autour de leur moyenne respective.
Cette approche suppose donc l’existence d’explications internes non valorisées voire
dévalorisées ainsi que l’existence d’explications externes non dévalorisées, voire porteuses de
valeur. Cependant, cette interprétation de la définition de la norme d’internalité, si elle
conserve à la théorie initiale une certaine validité à un niveau général, a également pour
conséquence de limiter fortement sa portée heuristique. Le caractère très général de la
définition de la norme d’internalité porterait en lui-même les limitations de cette approche de
la valeur des explications causales. En effet, si la norme d’internalité reflète une tendance
moyenne de la pensée sociale, elle n’appréhende que de façon agrégée la valorisation des
explications causales. De fait, elle ne peut pas rendre compte des différences de valeur entre
les différentes catégories d’explications internes et externes. Ce phénomène, loin d’être
nouveau, a été observé dans les deux études réalisées. Ainsi, dès lors qu’on a recours à
d’autres critères de classification, l’aspect homogène de la valeur des explications causales
révélé par l’utilisation du seul critère interne/externe disparaît au profit d’une vision beaucoup
plus éclatée. Toutefois, bien que plus complexe que l’analyse proposée par la théorie de la
norme d’internalité, il nous semble qu’une approche intégrant d’autres critères de
classification (que ceux-ci soit dimensionnels et/ou catégoriels) serait plus à même de
permettre une modélisation de la valeur des explications causales. Cette idée peut être
illustrée par les résultats que nous avons obtenus, en particulier ceux concernant l’explication
des renforcements. En effet alors que le critère interne/externe nous amènerait à conclure que
les explications internes sont plus valorisées que les explications externes pour rendre compte
de ce type d’événements indépendamment de leur valence, une approche plus fine de la
spécificité des explications causales nous permet de savoir qu’au sein du registre interne,
seules certaines explications sont en mesure de produire des jugements favorables et d’autres
sont au contraire à éviter. Ainsi, nous semble-t-il, à l’instar d’autres auteurs (Pansu, 2006;
Pansu & Gilibert, 2002), que l’étude de la valeur des explications causales nécessite de
recourir à une analyse plus fine que ne le permet la seule distinction interne/externe.
Mais, au-delà de l’importance que semble revêtir le dépassement de la distinction
interne/externe dans l’étude de la valorisation des explications causales, avoir recours à
d’autres critères de classification nous a également permis d’observer que cette valeur était
loin d’être homogène d’un paradigme à l’autre. En d’autres termes, la plus ou moins grande
valeur des explications peut varier en fonction de la tâche proposée aux participants. Partant
Chapitre 4. La valeur sociale des explications internes en milieu naturel de classe
185
de ce constat, nous sommes venus à nous demander si la question de la valeur des différentes
explications internes était véritablement pertinente ainsi posée. C’est ainsi que nous avons été
amené à nous interroger sur le type de valeur sociale véhiculée par ces types d’explications
particuliers. Les résultats obtenus dans les études précédentes, en particulier l’étude 4, ont
ouvert quelques pistes à suivre. D’un côté, les résultats obtenus à partir des paradigmes
d’autoprésentation et d’identification nous renseigneraient sur la désirabilité des catégories
d’explications. De l’autre, les résultats obtenus à partir du paradigme
d’identification/jugement nous informeraient sur leur utilité. De fait, nous pouvons émettre
l’hypothèse que chacune des catégories d’explications internes est porteuse soit d’un type de
valeur spécifique – désirabilité ou utilité – soit des deux. Par exemple, les explications
internes/instables en terme d’effort pour les renforcements négatifs devraient être porteuses
d’utilité et de désirabilité. En revanche, pour les renforcements positifs, ce type d’explications
devrait être désirable mais neutre sur l’utilité. Les explications internes/stables en terme
d’habileté devraient, quant à elles, être utiles mais neutre sur la désirabilité. De plus, si cette
nouvelle conception nous permet d’émettre de nouvelles prédictions concernant les
différentes catégories d’explications internes, elle nous permet également d’avancer des
hypothèses sur la valeur de l’ensemble des catégories que nous avons manipulé dans le
questionnaire d’internalité, y compris les catégories d’explications externes. Par exemple, les
explications externes/instables en terme de chance devraient être indésirables mais neutres en
matière d’utilité.
Afin de tester la pertinence de cette nouvelle approche de notre problématique initiale,
nous avons conduit de nouvelles études avec pour objectif principal de mettre en évidence les
relations qu’entretiennent les explications causales avec les deux composantes de la valeur.
L’étude de ces relations est la thématique centrale de la seconde partie de cette thèse.
Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur
189
CHAPITRE 5
L’ETUDE DE LA PERSONNOLOGIE : DES PROCESSUS
D’INFERENCES A LA DECOMPOSITION DU CONCEPT DE VALEUR
Afin de mieux comprendre les variations de valeur des différentes catégories
d’explications causales, nous allons nous intéresser dans ce cinquième chapitre, à la
distinction entre utilité et désirabilité sociales et aux conséquences de la décomposition du
concept de valeur sur notre questionnement de départ. Avant de présenter les différents
travaux ayant porté sur cette thématique, nous la resituerons dans un premier temps dans le
champ de la perception sociale. Sur ce point, l’étude de la psychologie quotidienne est
centrale pour la psychologie sociale cognitive (Beauvois, 1984a; Gilbert, 1998; Heider, 1958;
Leyens, 1983). Au cœur de cette psychologie quotidienne se trouve la personnologie. De fait,
l’étude des mécanismes et des contenus personnologiques a fait l’objet d’un nombre
considérable de recherches. Dans ce chapitre, nous verrons quelques unes des différentes
perspectives sous lesquelles les recherches ont abordé le concept de personnologie ainsi que
son unité de base : le trait de personnalité.
Dans une première partie, différentes approches développées autour du concept de
trait dans le domaine de la perception sociale seront présentées. Tout d’abord, nous
aborderons les modèles dominants de l’inférence dispositionnelle (Gilbert, 1998; Quattrone,
1982; Trope, 1986; Winter & Uleman, 1984) ainsi que leurs principales limites. Nous verrons
ensuite que la conception sous-jacente à ces modèles peut être enrichie par la théorie de la
double connaissance (Beauvois & Dubois, 1992) qui envisage le trait de personnalité non plus
seulement sous l’angle de la description de ce que sont les gens, mais également en tant que
source d’informations sur la valeur des personnes dans un rapport social donné. Ce dernier
aspect nous amènera à évoquer enfin l’approche écologique développée par Gibson (1979,
cité par Nakayama, 1994) et les extensions de cette approche en matière de perception sociale
(Leonova, 2004). Combinée avec la théorie de la double connaissance, l’approche écologique
nous permettra d’envisager les traits de personnalité en tant que généralisations d’affordances
(Beauvois & Dubois, 2000).
Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur
190
Dans une seconde partie, nous nous intéresserons plus particulièrement au contenu
véhiculé par les traits ainsi qu’à leur organisation. Nous verrons que de nombreuses
recherches indiquent que les traits se structurent globalement autour de deux dimensions
principales. Dans un premier temps, nous présenterons les recherches d’Osgood et de ses
collaborateurs sur le différenciateur sémantique (Osgood, Suci, & Tannenbaum, 1957). Nous
verrons, dans un deuxième temps, que les conclusions issues des recherches précédentes
peuvent être étendues à l’organisation des théories implicites de la personnalité (Schneider,
1973). Dans un troisième temps, nous verrons deux interprétations théoriques de l’origine
bidimensionnelle de la valeur des traits de personnalité, l’une située à un niveau individuel
(Peeters, 1992, 1999), l’autre à un niveau sociétal (Beauvois, 1995; Dubois & Beauvois,
2001). Après avoir passé en revue, dans un quatrième temps, certaines des recherches qui
attestent de l’intérêt de cette distinction, nous énoncerons comment celle-ci a été mobilisée
afin d’améliorer la compréhension de l’impact sur le jugement social des normes sociales de
jugement en général et de la norme d’internalité en particulier.
Nous conclurons ce chapitre en resituant la problématique de cette thèse dans ce
nouveau cadre théorique. Nous verrons alors comment la question de la variabilité de valeur
au sein du registre interne peut être enrichie par la prise en compte de la distinction entre la
désirabilité et l’utilité.
1. L’étude de la personnologie : Vers de nouvelles approches des phénomènes de perception
sociale
Défini comme « un mode d’adaptation consistant et stable de l’individu à son
environnement » (Allport & Odbert, 1936, cités par Mollaret, 1998), le trait de personnalité
est l’unité de base de l’étude de la personnologie. Différents statuts théoriques ont été donnés
à ce concept. D’une part, le trait de personnalité peut être considéré comme une disposition
présente chez les individus ayant des manifestations comportementales relativement stables
dans le temps (Heider, 1958). En ce sens, le trait peut être considéré comme la cause du
comportement (Mollaret, 1998). D’autre part, il peut être envisagé comme une catégorie
cognitive exemplifiée par un ensemble de comportements spécifiques. Si la première
conception du trait de personnalité est plutôt le reflet des théories classiques de la personnalité
(F. H. Allport & Allport, 1921; G. W. Allport, 1927; voir également Pervin, 1994; Wiggins &
Pincus, 1992), la seconde est issue du courant de la cognition sociale qui, sur la base des
travaux de Rosch en matière de classification d’objets naturels (L. Dompnier, 2006; Rosch,
Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur
191
1975; Rosch, Mervis, Gray, Johnson, & Boyes-Braem, 1976), cherche à étudier les processus
à l’œuvre dans les phénomènes de perception sociale (Mollaret, 1998). Dans ce cadre
théorique, les traits de personnalité sont envisagés à la fois comme des attributs
personnologiques (« traits-as-person-attributs ») et comme des catégories cognitives (« traits-
as-action-categories »). C’est principalement à ce dernier courant que nous allons nous
intéresser.
1.1. L’approche cognitiviste de la perception sociale : Le courant de la cognition
sociale
Avec la révolution cognitiviste (Baars, 1986; Legrand, 1990), l’étude des mécanismes
à l’œuvre dans les phénomènes de perception sociale a connu de grands changements, tant
théoriques que méthodologiques. Inévitablement, sont apparues, avec ces évolutions, de
nouvelles questions que les théories classiques de l’attribution (Heider, 1958; Jones & Davis,
1965; Jones & McGillis, 1976; Kelley, 1967) avaient laissées en suspend. Alors que l’intérêt
principal des tenants des théories de l’attribution résidait dans la détermination de règles
logiques permettant le passage de l’observation des comportements des individus aux
inférences sur leurs dispositions stables59 (Kelley, 1967), les chercheurs issus du courant de la
cognition sociale se sont principalement attachés à modéliser les mécanismes à l’œuvre dans
la « boite noire » (Gilbert, 1998). C’est ainsi que, par exemple, en matière d’inférence
dispositionnelle, différents modèles ont été proposés, le plus souvent avec le souci de
s’inscrire dans le cadre plus général des modèles du traitement de l’information (E. R. Smith,
1984, 1994, 1998; Srull & Wyer, 1989; Wyer & Srull, 1986). Parmi ces modèles, quatre ont
particulièrement suscité l’intérêt des chercheurs (cf. figure 5.1.).
59 En ce sens, les théories classiques de l’attribution (Jones & Davis, 1965; Kelley, 1967) modélisent plutôt les procédures que les individus devraient mettre en place pour produire des inférences plutôt que celles qu’ils utilisent au quotidien, bien que dans certains cas ils puissent y avoir recours (Hewstone, 1989; Hewstone & Jaspard, 1987).
Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur
192
Le modèle de Trope
Le modèle de Quattrone
Le modèle de Uleman
Le modèle de Gilbert
Comportement automatiqueIdentification
Comportement automatiqueCatégorisation
Attribution contrôléeInférence
DispositionnelAncrage
SituationnelAjustement
SpontanéInférence de traits
DispositionnelCaractérisation
SituationnelCorrection
Figure 5.1. Les modèles dominants de l’inférence dispositionnelle (d'après Gilbert, 1998)
Le premier de ces modèles, énoncé par Quattrone (1982), propose de diviser le
processus d’inférence dispositionnelle en deux phases. Dans la première phase, les individus
inféreraient directement une disposition sur la base de l’observation du comportement
(l’ancrage) puis, dans une seconde phase, ajusteraient leur inférence à partir des informations
situationnelles. D’après cet auteur, l’ancrage dispositionnel serait la conséquence de la
saillance du couple comportement-acteur qui, dans la majorité des cas, amènerait les
observateurs à se focaliser sur l’acteur plutôt que sur la situation60.
Le deuxième modèle est celui de Trope (Trope, 1986; Trope & Alfieri, 1997; Trope &
Gaunt, 2000; Trope & Higgins, 1993; Trope & Liberman, 1993). Cet auteur propose de
séparer le processus d’inférence en deux phases successives. Dans la première, les individus
identifieraient le comportement observé à partir d’informations comme, par exemple, les
comportements antérieurs de l’acteur ou la spécificité de la situation dans laquelle est émise le
comportement. Dans la seconde phase, les individus inféreraient une disposition sur la base de
l’identification qui a été faite du comportement de l’acteur. Trope considère également que les
informations dont disposent les individus influenceraient l’émission d’une inférence
dispositionnelle. En effet, alors que les informations sur les comportements passés de l’acteur
favoriseraient positivement l’identification du comportement et l’inférence dispositionnelle,
celles concernant la spécificité de la situation ne faciliteraient que l’identification et
inhiberaient l’inférence dispositionnelle.
Le troisième modèle, proposé par Uleman, suppose que l’inférence dispositionnelle est
directement émise à la suite de l’observation d’un comportement donné (Bassili, 1993;
60 Quattrone (1982) a d’ailleurs mis en évidence que le fait de rendre saillant le couple comportement-situation pouvait aboutir à un ancrage situationnel plutôt que dispositionel.
Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur
193
Moskowitz & Roman, 1992; Newman & Uleman, 1993; Uleman et al., 1996; Uleman,
Moskowitz, Roman, & Rhee, 1993; Winter & Uleman, 1984; Winter et al., 1985). Ce modèle
met l’accent sur l’aspect spontané de l’inférence dispositionnelle en supposant que celle-ci
possède toutes les propriétés d’un processus automatique, à savoir être non intentionnel, non
conscient, peu coûteux cognitivement et incontrôlable (Bargh, 1996; Higgins & Bargh, 1987).
Enfin, le quatrième modèle, proposé par Gilbert (Gilbert & Krull, 1988; Gilbert, Krull,
& Malone, 1990; Gilbert & Osborne, 1989; Gilbert, Pelham, & Krull, 1988) emprunte
largement aux trois modèles précédents. En effet, Gilbert propose une séquence inférentielle
en trois étapes. Dans la première, à l’instar du modèle de Trope, cet auteur propose que le
processus d’inférence dispositionnelle commence par une phase d’identification
comportementale (la catégorisation). Dans les deuxième et troisième étapes, calquées sur les
propositions de Quattrone, les individus infèrent directement une disposition chez l’acteur à
partir de son comportement (la caractérisation), inférence qu’ils corrigeraient par la suite à
partir d’informations situationnelles (la correction). Enfin, sur la base des travaux de Uleman,
Gilbert propose que les deux premières phases du processus, la catégorisation et la
caractérisation, soient relativement automatiques, ce qui n’est pas le cas de la correction.
Cette dernière relèverait d’une activité consciente et contrôlée, nécessitant d’importantes
ressources cognitives.
Si de nombreuses recherches ont attesté de la capacité de ces différents modèles à
rendre compte des mécanismes qui sous-tendent les inférences dispositionnelles (Corneille,
1997; Gawronski, 2004; Gilbert, 1998), plusieurs d’entre elles ont soulevé leurs limites. Une
limite souvent évoquée concerne le fait que ces modèles proposent de rendre compte du
processus d’inférence dispositionnelle en général sans tenir compte de la spécificité de
l’inférence en question. Plusieurs recherches ont effectivement montré l’existence de règles
inférentielles spécifiques appliquées à certaines dispositions (Reeder, 1993; Reeder & Brewer,
1979). En effet, selon le type de disposition à inférer (e.g. traits liés à l’habileté, traits liés à la
moralité), des règles inférentielles différentes seraient susceptibles de s’appliquer. De fait, le
contenu même de l’inférence pourrait modifier la nature des processus mis en place par les
individus.
Une deuxième limite porte sur la nature (automatique vs. contrôlée) des processus mis
en place par les individus. Si les inférences dispositionnelles semblent pouvoir être émises
non intentionnellement, sans effort et sans en avoir conscience, il semble qu’elles puissent
être, dans une certaine mesure, contrôlables (voir Bargh, 1996; Yzerbyt, 1997). En effet, pour
qu’une inférence dispositionnelle soit émise, les individus doivent avoir comme objectif de
Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur
194
départ de chercher à comprendre la personnalité de l’acteur. Plusieurs recherches tendent à
indiquer que l’induction d’un but incitant à obtenir une connaissance sur la situation peut
empêcher la production d’inférences dispositionnelles au profit d’inférences sur la nature de
la situation (Krull, 1993; Krull & Dill, 1996). De fait, bien que possédant la plupart des
caractéristiques des processus automatiques, les inférences dispositionnelles ne sont pas
nécessairement émises à la suite de l’observation d’un comportement.
Une troisième limite porte sur le fait que de tels modèles semblent plutôt aptes à
décrire et à expliquer les processus cognitifs des individus issus des sociétés occidentales.
Tout un ensemble de travaux soutiennent cette idée et indiquent que l’activité d’inférence
dispositionnelle est fortement dépendante de phénomènes culturels (Choi et al., 1999;
Norenzayan, Choi, & Nisbett, 2002; Norenzayan & Nisbett, 2000). De nombreuses recherches
révèlent que des modèles dont la finalité est de produire des inférences sur les invariants
dispositionnels ne permettent de rendre compte que des procédures cognitives mobilisées par
les membres des sociétés individualistes (Duff & Newman, 1997; Newman, 1991, 1993;
Zarate et al., 2001).
Enfin, une quatrième limite de ces modèles concerne le fait qu’ils reposent tous sur un
postulat d’unicité de la connaissance. Dans cette conception, les traits véhiculent une
information de nature descriptive et sont appréhendés comme des catégories abstraites
permettant de décrire autrui. Toutefois, si les observateurs peuvent, dans certaines
circonstances, chercher à décrire les propriétés intrinsèques d’acteurs qu’ils ne connaissent
pas, il reste que, dans la vie quotidienne, acteurs et observateurs sont bien souvent impliqués
dans des rapports sociaux et que la nature de ces rapports peut intervenir sur le type de
connaissance qu’ils mobilisent. Tout un ensemble de recherches conduit depuis une quinzaine
d’années en France sur les éléments de la connaissance évaluative soutient cette hypothèse.
Ces recherches indiquent que les inférences dispositionnelles peuvent véhiculer des
informations, tant sur ce que sont les gens que sur ce que l’on peut faire avec eux sans que le
second type de connaissance ne repose directement sur le premier.
1.2. Le traitement de l’information personnologique et les registres de connaissances
La plupart des travaux qui s’intéressent aux mécanismes sous-jacents à la production
d’inférences personnologiques repose implicitement sur l’idée que les inférences émises par
un observateur à l’endroit d’un acteur sont le reflet d’une caractéristique stable de cet acteur
(Robert, Tarquinio, Le Manio, & Guingouain, 1998; Tarquinio, Leonova, Robert, &
Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur
195
Guingouain, 2003). Parce qu’il permet d’énoncer ce que sont les gens, le trait de personnalité
est envisagé, dans cette perspective, comme faisant partie d’une forme de connaissance que
l’on peut qualifier de descriptive. Bien que dominante dans le champ de la cognition sociale,
néanmoins, cette conception de la connaissance véhiculée par les traits de personnalité a été
remise en question. En effet, la nature de la connaissance acquise par les observateurs
concernant les acteurs dépendrait fondamentalement des rapports sociaux dans lesquels ils se
trouvent impliqués.
Dans la continuité de ses travaux sur la psychologie quotidienne (Beauvois, 1976,
1984a), Beauvois (1990) avance l’idée que la personnologie ne renverrait pas à une
connaissance unique : la connaissance descriptive. A suivre cet auteur, dans la vie
quotidienne, la connaissance issue de l’inférence personnologique n’aurait même pas grand-
chose à voir avec la connaissance descriptive. Cette idée repose sur tout un ensemble de
travaux qui indiquent que les traits de personnalité sont de piètres prédicteurs du
comportement (Beauvois, 1984a; Leyens, 1983). Ce constat amène par conséquent à
s’interroger sur la fonction des traits de personnalité. Pour Beauvois (1976; 1984a; 1994;
2005), cette fonction consisterait à permettre l’évaluation sociale. En ce sens, les traits ne
permettent pas seulement de décrire ce que sont les gens mais surtout de « saisir leur valeur
dans un environnement donné » (Beauvois, 2005, p.315). Une telle conception considère donc
que les traits de personnalité renvoient à deux types de connaissances : d’un côté, la
connaissance descriptive et, de l’autre, la connaissance évaluative. Contrairement à la
connaissance descriptive, la connaissance évaluative ne renseignerait pas sur ce que sont
intrinsèquement les objets mais plutôt sur ce que l’on peut faire avec dans le cadre d’un
rapport social spécifique. Il s’agit donc d’une connaissance dirigée vers l’action. Bien que ces
deux versants de la connaissance divergent dans leur finalité (description vs. évaluation), ces
deux types de connaissance seraient tributaires de la relation tripartite entre le sujet, l’objet et
les rapports sociaux qui lient le sujet et l’objet (voir figure 5.2.).
Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur
196
Sujet Objet
Connaissance descriptive
Connaissance évaluative
Rapports sociaux
Rapport social d’observation
Rapport s
ocial d
’élev
age
Rapport s
ocial d
e domina
tion
Rapport s
ocial d
e séd
uctio
n
Etc.
Figure 5.2. Registres de connaissance et rapports sociaux (adaptée de Beauvois, 2005)
A suivre Beauvois (2005), toute connaissance, qu’elle soit descriptive ou évaluative,
serait construite dans le cadre de rapports sociaux. Ainsi, la distinction entre les deux registres
de connaissance serait la conséquence des différents rapports dans lesquels sont impliqués les
sujets et les objets. La connaissance descriptive dont disposerait le sujet concernant un objet
spécifique se construirait dans le cadre d’un rapport social spécifique, le rapport social
d’observation. Ce rapport, caractéristique de celui qui lie le chercheur à son objet de
recherche, ne serait toutefois pas l’archétype des rapports sociaux. Au contraire, il aurait
plutôt le statut d’exception. En effet, la plupart des rapports sociaux impliquent bien d’autres
types de relations et toute connaissance de la valeur des individus ne peut être envisagée sans
prendre en compte la nature des rapports sociaux qui lient les individus entre eux (e.g.
rapports sociaux d’élevage, de domination hiérarchique, de séduction). De ce point de vue, le
trait de personnalité apparaît comme « l’expression d’un rapport social capable de proposer
une typologie d’actions à l’égard d’un individu, dans un contexte donné » (Robert et al., 1998,
p.157). Ainsi, à suivre les tenants de cette conception duale de la connaissance, les traits de
personnalité seraient issus de la connaissance descriptive comme de la connaissance
évaluative et permettraient à la fois de décrire les individus mais également de nous
renseigner sur ce que l’on peut faire avec eux dans le cadre d’un rapport social donné. C’est
en partant de tels présupposés que Beauvois et Dubois (1992) ont proposé que les traits
pouvaient être en lien, non seulement avec les comportements de la cible censée posséder le
Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur
197
trait (désignés sous le terme de comportements CC), mais également avec les comportements
qu’autrui peut adopter à l’égard de la cible (désignés sous le terme de comportements CA)61.
Depuis ses premières formulations, de nombreux travaux ont cherché à apporter
quelques éléments empiriques à la théorie de la double connaissance (Beauvois & Dubois,
1992, 2001; Beauvois, Dubois, Mira, & Monteil, 1996; Dubois, 2006; Dubois & Beauvois,
2004; Dubois & Tarquinio, 1998; Mignon & Mollaret, 2002; Robert et al., 1998; Tarquinio,
1999). A partir de méthodologies variées (e.g. tâche de décision lexicale, association trait-
comportement, formation d’impression), ces travaux ont permis de mettre en évidence un
certain nombre de résultats convergents. Premièrement, les comportements CA semblent être
des exemplaires de traits au même titre que les comportements CC. La rapidité avec laquelle
la typicalité des comportements CA est reconnue ne semble pas résulter d’inférences sur la
base de la connaissance descriptive (Beauvois & Dubois, 1992). Deuxièmement, les
comportements CA semblent posséder des propriétés similaires à celles des comportements
CC. Par exemple, de la même façon que ces derniers, ils peuvent être utilisés comme des
indices de rappel d’informations relatives à une cible (Dubois & Beauvois, 2004).
Troisièmement, les comportements CC et CA ne sont pas associés de la même façon à tous les
types de traits. Alors que les comportements CC sont préférentiellement activés par les traits
les plus descriptifs, les comportements CA le sont davantage par les traits les plus évaluatifs
(Beauvois & Dubois, 1992; Beauvois et al., 1996)62.
A ce jour, cet ensemble de travaux mené sous l’impulsion de Beauvois et Dubois
soutient l’idée que les traits de personnalité peuvent être envisagés non seulement comme des
labels catégoriels descriptifs des comportements, mais également comme des indices
susceptibles de transmettre des informations sur la valeur des personnes dans le cadre d’un
rapport social donné. En tant qu’outils de la connaissance évaluative, les traits véhiculeraient
la valeur des personnes sans que cette valeur soit inférée à partir de la connaissance
descriptive. Au-delà de leur capacité à décrire un ensemble de comportements, les traits de
personnalité auraient une fonction : renseigner directement sur la valeur des gens sans pour
autant avoir recours à une analyse préliminaire. Cette idée n’est d’ailleurs pas sans rappeler
celles développées par Gibson (1979, cité par Nakayama, 1994) en matière de perception 61 Par exemple, en ce qui concerne le trait « honnête », un exemple de comportement CC pourrait être « rapporte un portefeuille trouvé dans la rue ». Pour le même trait, un exemple de comportement CA pourrait être « on peut lui confier de l’argent ». 62 La distinction entre les traits descriptifs et les traits évaluatifs reflète la tendance des traits soit à permettre la description des comportements, soit à être porteur de valeur (Beauvois & Dubois, 1992; Beauvois et al., 1996; John, Hampson, & Goldberg, 1991; Le Poultier, 1989). Différentes méthodes ont été développées pour permettre d’isoler les traits en fonction de ces deux caractéristiques (voir pour revue Robert et al., 1998).
Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur
198
visuelle et qui a donné lieu à plusieurs extensions, notamment en matière de perception
sociale.
1.3. Personnologie et affordances
L’approche écologique de la perception, développée à l’origine par James J. Gibson
(Nakayama, 1994), est sans doute l’une des avancées théoriques les plus importantes de
l’histoire des théories de la perception.
S’opposant à certains des présupposés théoriques les plus fondamentaux du courant
cognitiviste, l’approche écologique de la perception propose que la connaissance de la nature
de l’information est une étape incontournable pour appréhender les mécanismes de traitement
de l’information. A partir des travaux de chercheurs comme Brunswik (voir Hammond &
Stewart, 2001), Gibson réfute deux des postulats centraux de l’approche cognitiviste de la
perception (Leonova, 2004). D’une part, il réfute l’idée que la perception repose sur les
informations sensorielles internes aux individus et avance qu’elle est fondamentalement
dépendante de la stimulation issue de l’environnement. En ce sens, la perception serait
directement reliée à l’environnement par l’intermédiaire de la stimulation produite par
l’environnement et ce, sans avoir besoin de recourir à un traitement cognitif élaboré. D’autre
part, Gibson met au coeur de l’activité perceptive l’activité de l’individu lui-même. Il
considère que l’extraction de l’information ne peut être réalisée que lorsque la stimulation est
obtenue par une action de l’individu percevant motivée par un but. Cela conduit Gibson à
distinguer les stimulations imposées des stimulations obtenues. Les premières renvoient aux
informations sensorielles sur lesquelles va s’opérer un traitement cognitif, alors que les
secondes permettent de saisir directement les informations issues de l’environnement. La
distinction entre ces deux types de stimulations est particulièrement bien illustrée dans le
cadre de l’étude des phénomènes de perception visuelle. Alors qu’un certain nombre d’erreurs
perceptives peuvent apparaître dans le cadre de l’obtention de stimulations imposées, ces
erreurs perceptives disparaissent lorsque l’individu est autorisé à interagir de manière active
avec son environnement (Leonova, 2004).
L’approche développée par Gibson considère donc l’activité perceptive comme une
activité d’exploration ayant pour objectif l’extraction de l’information présente dans
l’environnement avec pour but ultime l’action. Il s’agit là d’un processus dynamique ayant
pour objectif l’adaptation de l’individu à son environnement. Cette approche interactive du
phénomène perceptif se retrouve dans un des concepts centraux de la théorie de Gibson :
Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur
199
l’affordance. Celle-ci peut être appréhendée comme « les possibilités d’action offertes par un
environnement donné à un observateur donné » (Leonova, 2004, p.257) et est, à la fois,
subjective et objective. En effet, si les affordances ne sont accessibles qu’aux observateurs
actifs, elles existent dans l’environnement en tant que possibilités d’action indépendamment
des observateurs (Leonova, 2004). Dès lors, on comprend mieux pourquoi les chercheurs ont
étendu la théorie de Gibson à d’autres phénomènes que la perception visuelle, en particulier à
la perception sociale (Baron & Misovich, 1993; Beauvois & Dubois, 2000; Leonova, 2004;
McArthur & Baron, 1983; Mignon & Mollaret, 2002; Zebrowitz & Collins, 1997).
En matière de perception sociale, l’approche écologique s’oppose là aussi à l’approche
cognitiviste. D’ailleurs, les approches de la perception sociale qui ont eu recours à la théorie
écologique ont critiqué les approches classiques globalement sur les mêmes points que ceux
évoqués par Gibson dans l’étude de la perception visuelle (Leonova, 2004; McArthur &
Baron, 1983; Zebrowitz & Collins, 1997). Très globalement, les travaux conduits dans cette
perspective considèrent que 1) l’objectif de la perception est l’action, 2) les informations sont
accessibles aux observateurs par l’intermédiaire d’affordances sociales, 3) ces affordances
sociales sont présentes chez les individus, en particulier par l’intermédiaire de leurs
caractéristiques physiques, 4) l’identification des affordances sociales dépend des attentes63
des observateurs. D’un point de vue opérationnel, ces travaux accordent une importance
centrale à la prise en compte simultanée des déterminants propres à l’observateur et au
contexte. Ils privilégient le recours à des informations dynamiques et multimodales obtenues
dans le cadre d’interactions sociales réelles. Enfin, ils se sont également intéressés à des
variables jusqu’alors négligées par les théories cognitivistes, comme par exemple l’aspect
développemental de la perception sociale ainsi que l’impact des phénomènes culturels sur
cette perception (Leonova, 2004).
A ce jour, nombreuses sont les recherches qui supportent la validité d’une telle
approche (Leonova, 2004; Zebrowitz & Collins, 1997). La plupart de ces recherches se sont
centrées sur l’étude de l’exactitude de la perception des propriétés dispositionnelles des
individus à partir d’informations directement perceptibles (e.g. caractéristiques physiques,
voix, démarche). Ces travaux ont globalement montré que l’observation des caractéristiques
physiques d’autrui pouvait, dans certains cas, permettre d’accéder directement aux
caractéristiques personnologiques des acteurs (Leonova, 2004; Zebrowitz & Collins, 1997).
63 Ces attentes peuvent être soit innées, soit être le résultat des objectifs poursuivis par les observateurs.
Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur
200
Mais si les recherches en la matière ne manquent pas, en revanche peu d’entre elles ont étudié
les traits de personnalité en tant qu’informations relatives aux possibilités d’action à l’égard
d’autrui. Cette conception, qui considère les traits de personnalité comme des affordances
sociales, s’avère très proche de la théorie de la double connaissance développée par Beauvois
et Dubois (Beauvois, 1990; Beauvois & Dubois, 1992; Dubois & Beauvois, 2004). En effet,
rappelons que la théorie de la double connaissance (Beauvois & Dubois, 1992; Dubois, 2006)
postule que les traits de personnalité permettent aussi bien de décrire ce que sont les gens
(connaissance descriptive) que d’indiquer ce que l’on peut faire avec eux (connaissance
évaluative). Cette approche suppose également que le second type de connaissance ne découle
pas du premier mais qu’il est directement saisi dans l’interaction sociale. Cette proximité
théorique entre les concepts de connaissance évaluative et d’affordance a d’ailleurs conduit
Beauvois et Dubois (2000) à proposer une approche théorique permettant la synthèse, d’un
côté, des travaux de Gibson et, de l’autre, de leurs propres recherches. Intégrant certaines des
notions issues de l’approche écologique à leurs propres travaux sur la connaissance
évaluative, ces auteurs proposent d’envisager les traits de personnalité comme des
généralisations d’affordances. Une telle approche du concept de trait repose sur deux
arguments principaux. D’une part, le concept de trait peut être assimilé à celui d’affordance
parce qu’il véhicule des informations sur ce que l’on peut faire avec les gens, sur les
comportements que l’on peut adopter à leur égard (autrement dit les comportements CA).
D’autre part, les informations contenues dans la notion de trait dépassent le cadre de la seule
situation dans laquelle celles-ci sont obtenues et peuvent être étendues à d’autres cadres. En
ce sens, le concept de trait, parce qu’il transmet des informations générales sur les individus
au-delà de la spécificité des situations, permet de renseigner sur « les affordances qui peuvent
survenir lorsqu’on entre en contact avec cette personne » (Beauvois & Dubois, 2000, p.20).
Les recherches actuelles en matière de personnologie, on le voit, mettent l’accent sur
l’aspect fonctionnel de cette activité si présente dans la vie quotidienne. Souvent abordée
uniquement comme outil de connaissance, la personnologie apparaît également comme un
outil ancré dans l’action. Une telle fonction semble donc accorder à la personnologie un statut
particulier, notamment en ce qui concerne l’évaluation d’autrui. Si les traits de personnalité
transmettent directement de l’information sur ce que l’on peut faire avec autrui dans un
rapport social donné, ils apparaissent comme étant fondamentalement associés à la notion
d’évaluation. Cette idée, avancée très tôt par Beauvois (1976), considère la personnologie
comme l’outil par excellence de l’évaluation sociale. Pour cet auteur, la personnologie
Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur
201
apparaît comme un élément essentiel du modèle des différences individuelles (Beauvois,
1987a; Pansu & Beauvois, 2004) qui serait, lui-même, la manifestation cognitive du principe
de rotation du personnel dans les organisations (Etzioni, 1964). Ainsi, le fait d’attribuer un
trait à une personne reviendrait à permettre, non seulement de lui attribuer une certaine valeur,
mais également de classer cette personne par rapport à d’autres dans le cadre d’un rapport
social donné.
Mais si les traits de personnalité permettent de transmettre une connaissance sur la
valeur des gens dans un rapport social spécifique, il semble que le recours à une conception
unidimensionnelle du concept de valeur soit réducteur. Tout un ensemble de recherches,
certaines anciennes, d’autres très récentes, tendent à indiquer que la valeur sociale est un
concept multidimensionnel constitué de différentes facettes.
2. Vers une décomposition de la notion de valeur
Comme le souligne Kluckholn (1954, cité par Beauvois, 1995), « l’homme est un
animal évaluateur ». En effet, l’une des activités essentielles au maintien de la vie consiste à
être en mesure d’évaluer ce qui est bon pour soi et ce qui ne l’est pas (Peeters, 1999; Tesser &
Martin, 1996). Pour nombres de théories, le concept d’évaluation est envisagé comme étant
particulièrement lié au registre affectif (Lazarus, 1991). Mais si une forte correspondance
semble exister entre la notion d’évaluation et celle d’émotion (toutes deux peuvent prendre
des valeurs positives et négatives), il reste néanmoins que les deux ne vont pas forcément de
pair (Tesser & Martin, 1996). C’est en tout cas ce que soutiennent certains chercheurs qui
accordent à l’appareil cognitif un rôle primordial dans l’activité évaluative. Par exemple,
Mandler (1984, cité par Peeters, 1999) place ce dernier au cœur de l’activité évaluative en
partant de l’idée que l’évaluation serait dépendante de l’assimilation des stimuli perçus à des
schémas cognitifs préexistants. Mais d’autres conceptions mettent en avant l’importance de
l’évaluation en tant que processus biologique essentiel à la survie des organismes. Une telle
approche psychobiologique permet de comprendre l’existence de l’asymétrie généralement
observée entre valeur positive et valeur négative : face à des stimuli nouveaux, les individus
s’attendent à ce qu’ils soient positifs mais sont toutefois prêts à les rejeter immédiatement
s’ils leur semblent possible qu’ils soient négatifs (Peeters, 1999). Cette asymétrie
« positif/négatif » prendrait tout son sens dès lors qu’on la place dans une perspective
adaptative où l’objectif des individus consiste à maximiser les bénéfices potentiels issus de
l’environnement tout en minimisant les risques liés à cette utilisation de l’environnement
Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur
202
(Peeters, 1999).
Si l’évaluation peut être considérée comme le résultat de mécanismes affectifs et/ou
cognitifs dont l’origine est à trouver dans les impératifs de la survie des espèces, elle se
réfléchit au niveau du langage au travers des mots et du sens qu’on leur donne. Cette forme
d’évaluation a été étudiée par Osgood et ses collaborateurs dans le cadre de leurs recherches
sur le différenciateur sémantique.
2.1. Le différenciateur sémantique
Charles E. Osgood est à l’origine d’un vaste programme de recherches visant à
identifier la signification des mots (Osgood, 1962, 1969, 1979; Osgood et al., 1957).
Toutefois, plus que la dénotation des mots, Osgood cherche à identifier la nature de
l’organisation de leur connotation64. D’après lui, la signification connotative de tout mot, que
celui-ci désigne un objet physique ou une idée, peut être dérivée de la localisation de ce mot
dans un espace défini par un nombre restreint de dimensions. Pour réaliser leur cartographie,
Osgood et ses collaborateurs ont eu recours à un ensemble d’adjectifs organisés en échelle
bipolaire, représentant chacune une dimension potentielle (e.g. bon vs. mauvais, positif vs.
négatif). Leur objectif était de tenter d’organiser l’ensemble de ces échelles bipolaires à partir
d’un nombre restreint de dimensions indépendantes. Après avoir observé les corrélations entre
les échelles lors de descriptions de différents concepts, Osgood a constaté que trois
dimensions « élémentaires » semblent organiser l’ensemble des échelles. La première
dimension, désignée comme « évaluative », est fortement saturée par des échelles comme
« bon vs. mauvais », « gentil vs. méchant », ou encore « agréable vs. désagréable ». La
deuxième dimension, appelée « puissance », renvoie à des échelles comme « grand vs. petit »
ou « fort vs. faible ». Enfin, la troisième dimension, « activité », est saturée par des échelles
comme « rapide vs. lent » ou « jeune vs. vieux ». Cet ensemble tridimensionnel, la structure
E.P.A. (evaluation, potency, activity), semble se retrouver dans la plupart des cultures, bien
que les dimensions de puissance et d’activité se trouvent souvent confondues en une seule
dimension (le « dynamisme »). Ainsi, si le modèle originel proposé par Osgood propose une
organisation de l’espace connotatif sur la base de trois dimensions, il apparaît qu’une solution
bidimensionnelle puisse également rendre compte de l’organisation de la connotation des
64 Alors que la dénotation peut être définie comme la relation qui existe entre le mot et sa définition, la connotation renvoie à l'ensemble des évocations et associations qu’il véhicule (voir à ce propos Osgood et al., 1957).
Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur
203
mots (Beauvois, Dubois, & Peeters, 1999; Vonk, 1993). Une telle organisation
bidimensionnelle se retrouve également dans les travaux ayant étudié la structure des théories
implicites de la personnalité.
2.2. Les théories implicites de la personnalité
Evoquées pour la première fois sous leur appellation actuelle par Bruner et Tagiuri
(1954, cités par Schneider, 1973), les théories implicites de la personnalité (T.I.P.) désignent
les liens que font les individus entre les traits de personnalité (Beauvois, 1984a; Leyens, 1983;
Vonk, 1993; Yzerbyt & Schadron, 1996). De nature inférentielle, les théories implicites de la
personnalité seraient des théories naïves que possèdent les gens quant à la fréquence de co-
occurrences des traits de personnalité dans la population. Non seulement ces théories
intègreraient des informations sur la moyenne et la variance de chaque trait dans la population
mais également des informations sur les covariances entre traits (Cronbach, 1955, cité par
Schneider, 1973). L’une des particularités de ces théories est qu’elles dépassent la seule
organisation idiosyncrasique puisqu’elles sont relativement stables d’un individu à l’autre65.
Différentes structures ont été proposées pour rendre compte de l’organisation des
traits. C. A. Anderson et Sedikides (1991) en distinguent au moins trois. La première,
l’approche typologique, considère que les T.I.P. sont la manifestation de l’appartenance
conjointe des traits à des types de personnes valorisés et dévalorisés sous la forme
d’exemplaires ou de prototypes. De ce point de vue, les traits sont organisés en clusters
correspondant chacun à un type de personne spécifique. La deuxième, l’approche
associationniste, considère que les T.I.P. sont la manifestation de théories naïves sur les
covariations des traits de personnalité chez les individus. Ainsi, la croyance qu’un trait est
présent chez une personne dépendrait de la croyance concernant la présence d’autres traits
chez cette même personne. Enfin, la troisième structure, l’approche dimensionnelle, considère
que les T.I.P. sont la manifestation de l’existence de dimensions fondamentales de la
personnalité qui organisent les traits. Elle suppose que la façon dont les gens pensent aux
autres ne repose pas uniquement sur les covariations entre les traits mais sur quelques
dimensions plus générales. Bien que ces trois approches soient soutenues par de nombreux
résultats empiriques, nous nous centrerons volontairement ici sur les résultats de l’approche
dimensionnelle (Kim & Rosenberg, 1980; Rosenberg, Nelson, & Vivekananthan, 1968;
65 Une telle stabilité amène d’ailleurs certains chercheurs à douter de la capacité des théories implicites de la personnalité à rendre compte de l’organisation effective des traits de personnalité dans la population (Beauvois, 1984a; Leyens, 1983).
Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur
204
Rosenberg & Sedlak, 1972; Vonk, 1993). Cette approche tend à indiquer que la structure des
théories implicites de la personnalité est étroitement liée à celle observée dans les travaux
d’Osgood sur le différenciateur sémantique66. Les traits de personnalité semblent, là aussi,
s’organiser à partir de deux dimensions, la première correspondant à la dimension « valeur »
du système E.P.A., la seconde à la dimension « dynamisme ». Retrouvées au sein de
différentes cultures, ces deux dimensions semblent universelles, même dans les cultures où
l’utilisation de traits de personnalité pour décrire autrui s’avère peu marquée (Beauvois et al.,
1999). Différentes théorisations et appellations leur ont été données (Devos-Comby & Devos,
2000, 2001; Dubois & Beauvois, 2001; Fiske et al., 2002; Fiske et al., 1999; Judd et al., 2005;
Le Barbenchon, Cambon, & Lavigne, 2005; Peeters, 1992, 2002; Rosenberg et al., 1968;
Vonk, 1993; Wiggins, 1979; Wojciszke, 1997, 2005). Le plus souvent, les recherches publiées
se contentent de rendre compte de la nature de l’organisation des traits sans pour autant
chercher à remonter à l’origine de ces dimensions. Sans doute, ne s’y intéressent-elles pas
parce qu’elles considèrent que l’origine de cette valeur appartient au champ des phénomènes
affectifs, négligeant ainsi qu’elle puisse trouver son origine dans d’autres facteurs. Nous
évoquerons dans la partie qui suit deux approches qui situent différemment l’origine de
l’organisation des traits de personnalité67. La première, l’approche individuelle énoncée par
Peters (1992; 1999; 2002), avance que cette organisation répond à des impératifs
sociobiologiques. La seconde, l’approche sociétale proposée par Beauvois et Dubois
(Beauvois, 1995; Dubois & Beauvois, 2001), considère que si la valeur des traits peut être le
reflet des motivations individuelles, elle peut également trouver son origine dans les
impératifs du fonctionnement social.
2.3. Expliquer l’origine de la valeur des traits de personnalité
La première interprétation de l’origine de la valeur présente dans les T.I.P. est
proposée par Peeters (1992; 1999; 2002; Peeters, Cornelissen, & Pandelaere, 2003) qui la
situe à un niveau individuel. Cet auteur se base sur la potentielle universalité des deux
dimensions pour avancer l’hypothèse d’une origine sociobiologique. Les traits auraient une
plus ou moins grande valeur adaptative pour l’espèce humaine en général et ce, relativement
66 Osgood (1969) lui-même rapproche ses propres travaux de ceux des théories implicites de la personnalité. 67 Comme nous l’avons évoqué, d’autres théorisations ont été proposées pour rendre compte de la nature des deux dimensions de la valeur dans les T.I.P. Parmi ces dernières, notons par exemple la distinction entre les traits basés sur la moralité et ceux basés sur la compétence (Wojciszke, 1997, 2005) ainsi que celle entre les dimensions de la sympathie et de la compétence (Fiske et al., 2002; Fiske et al., 1999; Judd et al., 2005). Etant donné que ces travaux ne transforment pas fondamentalement la lecture des dimensions de valeur, nous ne les évoquerons pas plus ici.
Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur
205
indépendamment du contexte (Peeters et al., 2003). Peeters propose d’aborder cette valeur par
l’intermédiaire d’une double distinction. La première concerne la valeur en terme d’approche-
évitement. Elle oppose la valeur adaptative des traits, non pas pour les personnes les
possédant, mais pour autrui. Certains traits, comme par exemple généreux ou tolérant,
auraient des conséquences adaptatives inconditionnellement plus positives pour autrui que
d’autres, comme avare ou intolérant. Cette distinction opérée sur la base de la profitabilité des
traits pour autrui nous informe sur les potentialités d’interaction entre autrui et la personne
caractérisée par ces traits. Ainsi, une personne possédant des traits « profitables pour autrui »
est potentiellement abordable alors q’une personne possédant des traits « non profitables pour
autrui » est à éviter. La seconde distinction proposée par Peeters oppose cette fois les traits sur
la base de leur valeur adaptative pour la personne les possédant. Certains traits (e.g.
travailleur, compétent) auraient des conséquences adaptatives inconditionnellement plus
positives pour soi que d’autres (e.g. fainéant, incompétent). Peeters appelle cette seconde
distinction la « profitabilité pour soi ». Un certain nombre de résultats vont dans le sens de la
double distinction proposée par Peeters (Peeters, 1992). Par exemple, Wojciszke (1997) a
observé que la profitabilité pour autrui est particulièrement impliquée dans l’évaluation des
autres alors que la profitabilité pour soi l’est plus particulièrement dans l’évaluation de soi.
Wojciszke, Dowhyluk, et Jaworski (1998, cités par Wojciszke, 2005) ont mis en évidence
que, parmi un ensemble d’une douzaine de critères (e.g. contrôlabilité, stabilité temporelle et
intersituationnelle), seuls ceux de la profitabilité pour autrui et de la profitabilité pour soi
permettent d’expliquer l’évaluation globale des traits. Ces auteurs ont également observé que
la prise en compte de ces deux seuls critères expliquent presque toute la variance de
l’évaluation globale des traits (R²ajusté = .97).
La seconde interprétation de la composante évaluative des T.I.P. que nous évoquerons
a été proposée par Beauvois et Dubois (Beauvois, 1995, 2003b, 2005; Dubois, 2006; Dubois
& Beauvois, 2001; Pansu & Beauvois, 2004). Cette approche avance que l’origine de la
valeur sociale des traits est à chercher autant dans les motivations individuelles que dans les
nécessités du fonctionnement social – les premières étant déterminées en grande partie par et
dans le fonctionnement social –. Cette approche s’inscrit dans le prolongement des travaux de
Beauvois (1976; 1984a; 1995) sur la psychologie quotidienne où la personnologie tient un
rôle essentiel puisqu’en informant sur la valeur des gens dans un rapport social donné, elle
permet l’évaluation. Pour autant, Beauvois (1995) ne s’en tient pas à une conception
unidimensionnelle et propose de distinguer, d’un côté, la désirabilité sociale qui renverrait à
un registre de valeur affectif et, de l’autre, l’utilité sociale qui renverrait à un registre de
Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur
206
valeur ancré dans le social et plus particulièrement sur la base de la production de valeurs
économiques. D’un point de vue opérationnel, la différenciation entre désirabilité et utilité
peut être exemplifiée par la différence existante dans le sens commun entre une personne dont
on dit qu’elle « a bon ou mauvais caractère » et d’une autre dont on dit qu’elle « a ou n’a pas
de caractère » (Peeters, 1999)68. Si la première assertion nous renseigne sur le fait que nous
pouvons approcher la personne ou au contraire l’éviter, la seconde nous renseigne sur
l’adéquation de l’individu avec les options du fonctionnement social. Car « c’est le
fonctionnement social qui énonce ce qu’est un trait ou un caractère utile et ce qui ne l’est
pas » (Dubois & Beauvois, 2001, p.394). En effet, c’est sur ce point que l’approche proposée
par Beauvois et Dubois se distingue de celle de Peeters. Si les deux perspectives semblent
considérer l’origine de la désirabilité dans l’universalité des besoins et des motivations
humains, elles divergent quelque peu sur l’origine de l’utilité des choses. En effet, alors que
Peeters ancre la profitabilité pour soi dans une perspective sociobiologique, certains traits
étant plus avantageux pour soi de façon inconditionnelle (Peeters et al., 2003), Beauvois et
Dubois considèrent que l’utilité d’un trait ou d’une personne dépend fortement du contexte
dans lequel il ou elle est placé69. Pourtant, sur un plan empirique, ces deux approches sont
difficilement séparables puisque, bien souvent, les traits profitables pour autrui semblent
également être porteurs de désirabilité sociale. De la même façon, les traits profitables pour
soi semblent être également ceux fortement saturés d’utilité sociale (Le Barbenchon et al.,
2005). Quoiqu’il en soit, la conception duale de la valeur sociale énoncée par Beauvois et
Dubois a trouvé de nombreux supports empiriques (Cambon, 2000; Dubois & Beauvois,
2001; Le Barbenchon et al., 2005). Nous allons présenter quelques unes des recherches
attestant de l’intérêt de cette approche théorique.
2.4. Des résultats en faveur de l’intérêt d’une approche bidimensionnelle de la valeur
L’une des premières recherches ayant mis en avant une distinction entre les deux
composantes de la valeur, la désirabilité et l’utilité, est une étude réalisée par Gallay (1992,
cité par Dubois & Beauvois, 2001). Ce chercheur a observé que les deux facteurs qui
organisent les traits de descriptions personnologiques de cibles connues, d’une part, par leur
68 Notons toutefois que cet exemple s’applique également à la différenciation entre les traits profitables pour autrui et les traits profitables pour soi. 69 Pour reprendre la métaphore proposée par Beauvois (1984, 2005) sur la passance des bois, alors que pour Beauvois et Dubois, la passance des bois consiste à faire en sorte qu’un bois passe parfaitement dans un orifice donné, pour Peeters, certains bois passeront toujours indépendamment du type des trous (un petit morceau de bois passera toujours plus facilement qu’un gros pour peu qu’il soit plus petit que le plus petit des orifices du jeu éducatif du petit Léo).
Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur
207
positivité (vs. négativité) sur la dimension affective et, d’autre part, par leur positivité (vs.
négativité) sur la dimension utile renvoyaient bien, d’un côté à la désirabilité (aimé/non aimé)
et, de l’autre à l’utilité (tout pour réussir/rien pour réussir). La relation entre ces deux
composantes de la valeur et le modèle V.P.A. (Osgood et al., 1957) a été directement mise en
évidence par Cambon (2000). A partir des échelles du différenciateur sémantique, cet auteur a
montré que la désirabilité et l’utilité correspondaient bien à l’évaluation et au dynamisme
(puissance + activité) du modèle d’Osgood (voir également Beauvois, 2003b). Il a également
montré que la distinction entre utilité et désirabilité pouvait également permettre de
différencier les professions (Cambon, 2000, 2002, 2004; voir Le Barbenchon et al., 2005).
Plus particulièrement, cet auteur a mis en évidence que les professions liées directement à la
fonction de production du capital (e.g. production de biens destinés au marché) sont perçues
comme plus utiles que les professions d’entretien permettant de produire du capital (e.g.
maintenance des moyens de production, aide aux producteurs), les premières disposant d’une
« cote sociale » (Cambon, 2002, p.94) plus élevée que les secondes. A l’inverse, les
professions d’entretien sont perçues comme plus désirables que les professions de production.
Par exemple, un directeur d’usine est décrit par les participants comme plus utile que
désirable. En revanche, un directeur de service hospitalier est décrit comme plus désirable
qu’utile. Si cet exemple permet de mieux saisir la disjonction qui peut exister entre les deux
composantes de la valeur, il permet d’illustrer la spécificité que revêt la notion « d’utilité
sociale ». En effet, l’utilisation du terme « utilité » est ici à prendre dans un sens quasi-
économique (Beauvois, 2005) : l’utilité d’une personne correspond essentiellement à sa
capacité à produire des biens échangeables et commercialisables (Le Barbenchon et al., 2005)
puisque la production de valeurs économiques constitue « un principe fondamental
d’évaluation de tout objet ou personne » (Cambon, 2002, p.76). Plusieurs résultats attestent
d’une telle conception. En effet, dans une étude, Cambon (2000) a montré que les participants
décrivent plus des visages, initialement neutres, à partir de traits « utiles » lorsque ces visages
ont été associés à des indicateurs de richesse financière (e.g. billet de banque de grande
valeur, voiture de grosse cylindrée) que lorsqu’ils ne l’étaient pas.
Si ces premières recherches attestent de l’intérêt de bien différencier la désirabilité de
l’utilité, d’autres ont montré que la prise en compte de ces deux dimensions pouvait permettre
de mieux comprendre le jugement porté sur autrui. Par exemple, Devos-Comby et Devos
(2000; 2001) ont montré que la perception que les individus avaient de personnes
séropositives pouvait varier sur ces deux dimensions et cela en fonction des circonstances de
leur contamination. Ces auteurs observent que les individus devenus séropositifs à la suite
Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur
208
d’un « amour romantique » sont perçus comme plus utiles que les personnes devenues
séropositives à la suite d’un « amour hédoniste ». Cette différence ne se retrouve pas sur la
perception de la désirabilité des cibles.
Plus récemment, les chercheurs ont étendu cette distinction à d’autres domaines. Par
exemple, en matière de stéréotypes de genre, Testé et Simon (2005) ont montré que les traits
typiquement masculins était plus fortement associés aux personnes de haut statut (donc à
l’utilité) que les traits typiquement féminins. Inversement, les traits typiquement féminins
étaient plus fortement associés avec les personnes aimées (donc à la désirabilité) que les traits
masculins. Cette différence de valeur véhiculée par les traits se retrouve dans les
autodescriptions des participants. En effet, alors que les garçons se décrivent
préférentiellement à l’aide de traits masculins et les filles à l’aide de traits féminins, leur choix
se dirige de façon plus marquée sur les traits particulièrement saturés par la dimension de la
valeur impliquée dans le stéréotype. Dans un autre registre, Le Barbenchon et Milhabet
(2005) ont appliqué cette approche à l’étude de l’optimisme comparatif (Taylor & Brown,
1994). Ces auteurs ont mis en évidence que les personnes optimistes étaient perçues comme
plus utiles que celles ne l’étant pas. De ce point de vue, il semble que la réponse optimiste soit
préférentiellement associée à l’utilité des personnes plutôt qu’à leur désirabilité. Enfin, B.
Dompnier, Darnon, Butera, et Delmas (2005) ont mis en évidence que les différents buts
d’accomplissement (Darnon, 2004; Darnon & Butera, 2005; Elliot, 2005; Harackiewicz,
Barron, Pintrich, Elliot, & Thrash, 2002) n’étaient pas porteurs du même type de valeur
sociale. Alors que certains buts seraient porteurs de désirabilité (buts de maîtrise et de
performance-évitement), d’autres seraient porteurs d’utilité (buts de maîtrise et de
performance-approche).
A ce jour, de nombreuses recherches témoignent de l’intérêt qu’il peut y avoir à
dépasser une conception unidimensionnelle de la valeur sociale. En ce sens, la distinction
entre désirabilité sociale et utilité sociale semble posséder un intérêt heuristique certain dans
l’étude du jugement social. C’est donc tout naturellement que cette distinction a été prise en
compte dans l’étude des normes sociales de jugement.
2.5. Utilité/désirabilité et normes sociales de jugement
Dans le cadre de l’approche sociocognitive des normes sociales (Dubois, 2003b), le
concept de norme est fondamentalement associé à celui d’utilité sociale (cf. chapitre 2).
Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur
209
Rappelons que dès les premières formulations de la théorie de la norme d’internalité,
Beauvois (1984a) ancrait la valeur véhiculée par les explications internes, non dans les
besoins et les motivations inhérents à la nature humaine, mais dans les options du
fonctionnement social, en particulier dans les pratiques sociales d’évaluation (Beauvois & Le
Poultier, 1986; Dubois, 1994). Cet ancrage de la norme d’internalité dans l’utilité sociale a été
mis en évidence dans plusieurs recherches. Par exemple, Dubois (2000) a montré que si les
individus pouvaient adopter différentes stratégies de réponses en situation d’autoprésentation
(e.g. interne, autocomplaisante, modeste, externe), placés en position de juges ils jugeaient
plus favorablement les cibles internes que les autres et ce, indépendamment des stratégies
qu’ils avaient eux-mêmes mis en place pour se faire bien voir. Ainsi, si le paradigme
d’autoprésentation favoriserait davantage l’émergence de stratégies de type motivationnelles –
donc désirables – le paradigme des juges prédisposerait à la recherche de l’utilité sociale
(Dubois, 2000; Gilibert & Cambon, 2003). Une autre recherche menée par Cambon, Djouari
et Beauvois (2001, cités par Beauvois, 2003b) soutient également l’idée selon laquelle les
explications internes seraient plus porteuses d’utilité que de désirabilité. Dans cette recherche,
réalisée auprès d’étudiants, ces auteurs ont montré que des cibles très internes sont décrites
comme moins désirables mais plus utiles que des cibles moyennement internes. Ces auteurs
ont également observé des effets en partie similaires à ceux obtenus en matière d’internalité
sur d’autres normes, comme la norme de consistance (Channouf & Mangard, 1997; Mangard,
2004; Senemeaud, 2003) et la norme d’autosuffisance (Beauvois, 2003b). Les résultats ont
révélé que les cibles très autosuffisantes et celles très consistantes sont décrites comme moins
désirables que des cibles moyennement autosuffisantes et consistantes. En revanche, seules
les cibles très autosuffisantes sont décrites comme plus utiles que les cibles modérément
autosuffisante. A suivre ces résultats, on serait tenté de dire que la normativité est associée à
l’utilité plutôt qu’à la désirabilité (Beauvois, 2003b). Toutefois, des travaux récents (Dubois,
2005a; Dubois & Beauvois, 2005) nous éclairent sur ce point et démentent une telle
affirmation. Il a été en effet observé que si certaines normes semblent bien être associées à
l’utilité (e.g. norme d’internalité, norme d’autosuffisance), d’autres semblent plutôt être
porteuses de désirabilité (e.g. norme d’ancrage individuel). Ainsi, deux catégories de normes
semblent coexister : celles qui s’ancrent dans l’utilité – les normes de jugement d’utilité – et
celles qui s’ancrent dans la désirabilité – les normes de jugement de désirabilité –. Plusieurs
résultats disponibles à ce jour soutiennent une telle conclusion. Par exemple, Dubois (2005a,
étude 1) a montré que des étudiants placés en position de juges attribuaient plus de traits utiles
à des cibles fictives fortement normatives eu égard à la norme d’internalité et à la norme
Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur
210
d’autosuffisance qu’à des cibles faiblement normatives. Cet effet de la connaissance de la plus
ou moins grande normativité des cibles n’est pas observé pour l’attribution des traits
désirables. Les résultats obtenus dans une seconde recherche (Dubois, 2005a, étude 2) vont
dans le sens de ces conclusions en montrant que les étudiants attribuent plus de traits utiles et
moins de traits inutiles à des cibles fortement normatives en matière d’internalité et
d’autosuffisance et ce, indépendamment de leur normativité en matière d’ancrage individuel.
Inversement, les cibles connues pour mettre en avant leur normativité en matière d’ancrage
individuel se sont vu attribuer plus de traits désirables et moins de traits indésirables que
d’autres non ancrées individuellement, indépendamment de leur normativité en matière
d’internalité et d’autosuffisance. De tels résultats laissent à penser que la normativité à l’égard
de la norme d’internalité ou la norme d’autosuffisance entraînerait une attribution de valeur
sur la dimension de l’utilité. La normativité à l’égard de la norme d’ancrage individuel
entraînerait une attribution de valeur sur la dimension de la désirabilité.
Nous venons de le voir, de nombreuses recherches accordent à la personnologie une
place centrale dans la psychologie quotidienne. Qu’elle soit abordée en tant qu’outil de
connaissance sur le monde ou comme étant essentiellement orientée vers l’action, la
personnologie apparaît indissociable de la notion de valeur. A ce titre, la prise en compte des
deux dimensions de la valeur sociale peut permettre de mieux comprendre certains
phénomènes observés dans le cadre de l’étude du jugement social et celui des normes
sociales. C’est pourquoi, dans les études qui suivent, nous avons eu recours à ces deux
composantes de la valeur sociale. Cela devrait nous aider à mieux comprendre les variations
de valeur sociale observées dans les études précédentes.
3. Problématique de la seconde partie
L’objectif de la seconde partie de cette thèse est de pousser plus avant nos travaux sur
les différences de valeur au sein du registre interne. Les résultats que nous avons obtenus dans
les chapitres précédents – en particulier les études 3 et 4 – ont mis en évidence que la valeur
des catégories d’explications internes pouvait varier d’un paradigme à l’autre. Nous avons
expliqué ces fluctuations par le fait que les différents paradigmes utilisés ne mobiliseraient
pas la même composante de la valeur sociale. Cette hypothèse nous a amené à envisager
différemment nos hypothèses de départ. En effet, plutôt que de chercher à identifier quelles
sont les explications internes les plus porteuses de valeur, il nous a semblé plus pertinent de
Chapitre 5. L’étude de la personnologie : Des processus d’inférences à la décomposition du concept de valeur
211
nous interroger sur le type de valeur véhiculée par les différentes catégories impliquées. En ce
sens, il nous semble possible de nous interroger sur la possibilité de l’existence de variations
de valeur au sein du registre interne et ce, sur les deux dimensions de la valeur sociale.
Les études qui suivent ont été réalisées de façon à apporter quelques éléments de
réponse à ces questions. Dans le chapitre 6, nous présenterons trois études à partir desquelles
nous avons construit une mesure de désirabilité et d’utilité adaptée à la description d’une
population d’élèves de cycle primaire. Dans les chapitres 7 et 8, nous nous intéresserons aux
relations entre les explications causales et les deux composantes de la valeur.
Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire
213
CHAPITRE 6
CONSTRUCTION D’UNE MESURE DE DESIRABILITE/UTILITE
ADAPTEE AU CONTEXTE SCOLAIRE
L’objectif des études présentées dans ce chapitre est de construire une mesure de
l’utilité et de la désirabilité sociales adaptée à la description personnologique d’élèves de
cycle primaire. Force est de constater que jusqu’à présent, les travaux ayant étudié les deux
composantes de la valeur sociale se sont exclusivement centrés sur des populations adultes
(Cambon, 2000, 2002; Dubois & Beauvois, 2001; Le Barbenchon et al., 2005). Créer une
mesure adaptée à notre population d’intérêt était donc nécessaire pour tester nos hypothèses.
D’une part, il fallait s’assurer que les descriptions personnologiques des élèves s’organisaient
de la même façon que celles des adultes. D’autre part, étant donné la spécificité éventuelle des
traits impliqués dans la description d’élèves de cycle primaire, il nous fallait développer une
mesure de désirabilité/utilité composée des traits les plus adaptés pour décrire cette
population. Pour atteindre ces deux objectifs, trois études ont été réalisées. La méthodologie
employée dans chacune de ces études a consisté à demander à des enseignants de produire des
descriptions personnologiques d’élèves qu’ils connaissaient bien. Ces descriptions pouvaient
être guidées par l’intermédiaire de consignes invitant les participants à décrire, parmi les
élèves qu’ils connaissaient, ceux qui correspondaient à des caractéristiques particulières
énoncées à partir des dimensions utiles et désirables (études 5 et 6). Elles pouvaient également
être spontanées, les enseignants décrivant dans ce cas chaque élève de leur classe (étude 7)70.
1. Etude 5 : Sélection des traits et premières validations
Cette étude visait à vérifier que les traits de personnalité susceptibles de décrire des
élèves de cycle primaire pouvaient s’organiser autour de deux axes : l’utilité et la désirabilité.
70 Rappelons que les études 6 et 7 n’avaient pas pour seul objectif de nous permettre de créer notre mesure de désirabilité/utilité scolaire (cf. tableau 1). Elles s’intègrent chacune dans des programmes de recherches plus larges. Toutefois, pour des raisons de clarté, nous ne présenterons ici que les résultats de ces recherches concernant la structure de l’échelle de mesure. Certains résultats présentés seront donc réutilisés lorsque nous testerons spécifiquement nos hypothèses.
Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire
214
La méthode employée a consisté à demander à des enseignants en formation de décrire des
élèves qu’ils connaissaient à partir de traits de personnalité.
1.1. Vue générale
Des stagiaires enseignants ont été invités, à partir d’une liste de traits de personnalité,
à décrire différents élèves qu’ils connaissaient et qu’ils supposaient correspondre aux
prototypes d’élèves présentés par l’expérimentateur.
1.2. Méthode
1.2.1. Participants
Cent quarante deux stagiaires enseignants des écoles en deuxième année de formation
(PE2) à l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres (I.U.F.M.) de Chambéry ont
participé à cette recherche.
1.2.2. Matériel
Le matériel était composé d’un dossier contenant un questionnaire et une liste de traits
de personnalité. Dans le questionnaire étaient présentés plusieurs profils d’élèves. Ces élèves
différaient les uns des autres sur leur degré de désirabilité sociale et sur leur degré d’utilité
sociale. L’opérationnalisation du degré de désirabilité des élèves consistait à décrire l’élève
soit comme une personne ayant « tout pour être aimée » (désirabilité positive : D+), soit
comme une personne étant « neutre quant à sa capacité à être aimée » (désirabilité neutre :
D=), ou encore comme une personne n’ayant « rien pour être aimée » (désirabilité négative :
D-). Le degré d’utilité des élèves était opérationnalisé d’une façon quasi-identique : l’élève
était décrit soit comme une personne ayant « tout pour réussir » (utilité positive : U+), soit
comme une personne étant « neutre quant à sa capacité à réussir » (utilité neutre : U=), ou
comme une personne n’ayant « rien pour réussir » (utilité négative : U-). Le croisement des
deux variables « désirabilité des élèves » et « utilité des élèves » a aboutit à la création de neuf
profils d’élèves distincts (cf. tableau 6.1.)
Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire
215
Tableau 6.1. Présentation des différentes conditions expérimentales de l’étude 5
Utilité Neutre Inutilité
Désirabilité D+U+ D+U= D+U-
Neutre D=U+ D=U= D=U-
Indésirabilité D-U+ D-U= D-U-
Le matériel était également constitué d’une liste de 150 traits de personnalité. Ces
traits ont été retenus à la suite d’une phase antérieure de tri au cours de laquelle neuf juges,
(des enseignants), avaient été invités à choisir, dans une liste de 300 traits (cf. Le Barbenchon
et al., 2005), les traits les plus susceptibles d’être utilisés par des enseignants pour décrire des
élèves de leur classe. L’objectif de cette préselection était de ne conserver que les traits les
plus adaptés pour décrire des élèves. De fait, les 150 traits présentés aux participants sont les
traits les plus cités par les neuf juges (cf. annexe IVa).
Enfin, l’ordre de présentation des différents profils dans le questionnaire a été
déterminé par l’intermédiaire de 10 tirages aléatoires. L’ordre de présentation des
caractéristiques des élèves sur les deux dimensions a été également contrebalancé de façon à
ce que les informations données sur les degrés d’utilité et de désirabilité apparaissent autant
de fois en première position qu’en seconde.
1.2.3. Procédure
Les données ont été récoltées lors de passations collectives dans les salles de cours de
l’I.U.F.M. de Chambéry. La passation s’est déroulée de la façon suivante. Pour chaque profil,
les participants ont été informés par l’intermédiaire d’une consigne écrite et reprise oralement
par l’expérimentateur que la tâche consistait à penser à un élève particulier, de noter son
prénom et de le décrire à l’aide de trois traits de personnalité issus d’une liste de 150. Ils ont
également eu la possibilité de décrire les différents élèves à partir d’autres traits de
personnalité que ceux présentés. Il leur suffisait alors de les mentionner par écrit.
1.3. Résultats
1.3.1. Extraction de la valeur des traits
Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire
216
Les descriptions personnologiques faites par les participants ont été codées de façon à
obtenir les fréquences de choix de chacun des 150 traits de personnalité proposés pour chacun
des 9 profils d’élèves. Les traits supplémentaires utilisés par plus d’un participant mais non
répertoriés dans la liste originelle (21 au total, voir annexe IVa) ont été également incorporés
au corpus de départ. Les données ainsi codées ont été intégrées dans une matrice composée en
ligne de 171 traits de personnalité et en colonne de neuf profils d’élèves. Cette matrice a été
traitée par l’intermédiaire d’une analyse des correspondances (Benzécri & Benzécri, 1980;
Hair et al., 1998). Etant donné que les profils d’élèves variaient sur deux dimensions, nous
nous attendions à ce que deux facteurs organisent la position des profils dans le nuage de
points.
L’analyse des correspondances révèle, comme attendu, que deux dimensions
permettent de rendre compte de la position des profils. Ces deux dimensions permettent
d’expliquer plus de 60% de l’inertie totale. L’observation de la position des profils sur les
deux dimensions permet de les identifier (cf. figure 6.1.).
-2
0
2
-2 0 2
Figure 6.1. Position des profils sur les deux premiers facteurs issus de l’analyse des
correspondances
D+U+
D+U=
D+U-
D=U+
D-U+
D-U= D-U-
D=U=
D=U-
Désirabilité
Util
ité
Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire
217
Alors que la première dimension (37.54% d’inertie expliquée) semble organiser les
profils d’élèves en fonction de leur niveau de désirabilité, la seconde (22.50% d’inertie
expliquée) semble répartir les profils en fonction de leur niveau d’utilité. Le premier axe
correspond donc à la dimension « désirabilité » et le second axe à la dimension « utilité ». Ces
premiers résultats nous permettent d’ores et déjà de considérer que l’induction expérimentale
a fonctionné correctement.
L’observation de la position des traits de personnalité sur les deux dimensions (cf.
figure 6.2.) permet de considérer que les traits se répartissent sur les deux dimensions de
façon homogène, même si la densité des traits parait plus faible au centre du nuage qu’en
périphérie.
-2
0
2
-2 0 2
Traits de la liste
Traits supplémentaires
Figure 6.2. Position des traits de personnalité sur les deux premiers facteurs issus de
l’analyse des correspondances
La figure 6.2. montre que les traits supplémentaires utilisés par les participants se
Désirabilité
Util
ité
Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire
218
répartissent globalement de la même façon que les traits issus de la liste originelle71. Cette
répartition des traits sur les deux axes nous permet d’obtenir des traits qui saturent fortement
une dimension et pas l’autre, de même que des traits qui saturent fortement (positivement ou
négativement) les deux dimensions simultanément. De plus, étant donné que les dimensions
extraites de l’analyse des correspondances sont par définition orthogonales, la corrélation
entre les coordonnées des traits sur chacune de ces dimensions est non significative, r (148) =
.05, ns. À partir des coordonnées des traits sur les deux dimensions, nous avons cherché à
comparer nos résultats avec les résultats présents dans la littérature sur la double composante
de la valeur sociale.
1.3.2. Test de la validité externe des coordonnées des traits sur les deux
composantes de la valeur
Si les résultats de l’analyse des correspondances tendent à indiquer que deux
dimensions (l’une correspondant à la désirabilité et l’autre à l’utilité) organisent bien les
descriptions personnologiques d’élèves de cycle primaire, il nous a semblé intéressant
d’estimer le degré de correspondance entre ces résultats et ceux obtenus dans la littérature.
Sur ce point, l’étude réalisée par Le Barbenchon et al. (2005) auprès d’étudiants semble
parfaitement adaptée, d’autant que la liste de 150 traits utilisée ici est issue de leur matériel.
La comparaison des normes qu’ils proposent pour chaque trait sur les deux dimensions et nos
propres données devrait nous permettre de nous assurer des validités convergente et
divergente de nos propres mesures de désirabilité et d’utilité (Campbell & Fiske, 1959; John
& Benet-Martinez, 2000). Pour ce faire, nous avons réalisé des corrélations entre les
coordonnées de chacun des 150 traits de notre étude et les scores obtenus par ces mêmes traits
dans l’étude de Le Barbenchon et al. (2005). Le tableau 6.2. présente les corrélations
obtenues.
71 Les positions des profils et des traits sur les deux axes ont été obtenues sans prendre en compte les traits supplémentaires. Ces derniers ont été intégrés dans l’analyse a posteriori. Cette méthode permet de connaître la position de ces traits sans qu’ils influencent directement l’analyse.
Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire
219
Tableau 6.2. Corrélations entre les résultats de l’étude 5 et ceux de l’étude de Le Barbenchon
et al. (2005)
Désirabilité (Etude 5)
Utilité (Etude 5)
Désirabilité (Le Barbenchon et al., 2005) -.90** -.14t
Utilité (Le Barbenchon et al., 2005) -.79** .38**
Note. N = 150, ** p < .01, * p < .05, t p < .10
Les corrélations révèlent que les mesures de désirabilité et d’utilité des traits
bénéficient tous deux d’une validité convergente satisfaisante. Cette dernière est attestée par
les corrélations significatives entre les deux mesures de désirabilité des traits (r = .-.90) et
entre les deux mesures d’utilité des traits (r = .38). Les corrélations indiquent que ces deux
mesures bénéficient également d’une validité divergente satisfaisante. En effet, la corrélation
entre les deux mesures de désirabilité des deux études (r = -.90) est significativement plus
forte (p < .001) que la corrélation entre la mesure de désirabilité des traits de l’étude 5 et la
mesure d’utilité des traits de l’étude de Le Barbenchon et al. (r = -.79). De même, la
corrélation entre les mesures d’utilité des traits des deux études (r = .38) est significativement
plus élevée (p < .0001) que la corrélation entre la mesure de désirabilité des traits de l’étude
de Le Barbenchon et al. et la mesure d’utilité des traits de l’étude 5 (r = -.14).
Au regard de ces résultats, nous pouvons considérer que les scores de désirabilité et
d’utilité des traits que nous avons dérivés de l’analyse des correspondances semblent
bénéficier d’une validité externe satisfaisante.
1.3.3. Sélection des traits les plus caractéristiques des deux composantes de la
valeur
Après nous être assuré de la validité externe de nos mesures, nous avons cherché à
identifier, parmi l’ensemble des 171 des traits de personnalité du corpus total, les traits les
plus porteurs d’utilité et/ou de désirabilité. Pour ce faire, nous avons choisi de recourir à
plusieurs critères de sélection. Le premier critère concernait la position des traits dans le
nuage de points. Afin de disposer d’une représentation optimale de ce nuage, nous avons
divisé l’espace en huit régions correspondant à différentes catégories de traits. La moitié de
Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire
220
ces catégories correspondaient à des traits mixtes : des traits désirables et utiles, des traits
désirables et inutiles, des traits indésirables et utiles, des traits indésirables et inutiles. L’autre
moitié des catégories correspondait à des traits saturant fortement une des deux dimensions et
pas l’autre : des traits désirables et neutres du point de vue de l’utilité et des traits indésirables
et neutres du point de vue de l’utilité, des traits utiles et neutres du point de vue de la
désirabilité, des traits inutiles et neutres du point de vue de la désirabilité. Dans chacune de
ces catégories, nous avons sélectionné les cinq traits les plus représentatifs sur la base de leur
position sur les deux dimensions. Le second critère a consisté à choisir, parmi les cinq traits
de chaque catégorie, les trois traits les plus fréquemment choisis par les participants72. Enfin,
le dernier critère que nous avons choisi a consisté à éliminer les traits synonymes d’autres
traits plus fréquents dans la même catégorie. Le recours à ces trois critères de sélection nous a
permis de sélectionner 24 traits de personnalité parmi les 171 de départ (3 par catégorie de
traits). Ces traits composent l’échelle de désirabilité/utilité scolaire (cf. tableau 6.3.)
72 Ce critère de sélection a aboutit au rejet de tous les traits hors liste.
Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire
221
Tableau 6.3. Scores des traits sur les dimensions de la désirabilité et de l’utilité ainsi que leur
appartenance à l’une des huit catégories
Désirabilité Utilité Catégorie
Agréable -0.72 -0.03 Spontané -0.55 -0.10 Volontaire -0.51 0.03
D+U=
Agressif 1.23 0.35 Pénible 0.85 0.14 Insolent 1.00 0.16
D-U=
Intelligent -0.29 1.01 Performant -0.40 1.12 Cultivé -0.33 0.95
D=U+
Inattentif 0.31 -0.77 Lent 0.34 -0.91 Faible 0.25 -0.88
D=U-
Réfléchi -0.71 0.75 Déterminé -0.52 0.64 Studieux -0.70 0.57
D+U+
Souriant -0.64 -0.60 Gentil -0.63 -0.39 Drôle -0.78 -0.38
D+U-
Envahissant 0.99 0.85 Arrogant 1.06 0.71 Egocentrique 0.88 0.51
D-U+
Immature 0.40 -0.52 Paresseux 0.50 -0.61 Passif 0.40 -0.64
D-U-
1.4. Discussion
Les résultats obtenus dans cette étude sont doublement intéressants. Sur un plan
théorique, conformément aux travaux sur les théories implicites de la personnalité (Kim &
Rosenberg, 1980; Rosenberg et al., 1968; Rosenberg & Sedlak, 1972; Schneider, 1973) et aux
travaux conduits plus récemment sur la double composante de la valeur sociale (Cambon,
2000, 2002; Dubois, 2006; Dubois & Beauvois, 2001; Le Barbenchon et al., 2005), ces
résultats indiquent que les différents profils d’élèves ainsi que les traits utilisés pour les
décrire semblent s’organiser dans un espace à deux dimensions. Ces deux dimensions
correspondent aux deux composantes de la valeur sociale : la désirabilité (dimension 1) et
l’utilité (dimension 2). Les comparaisons de nos résultats avec les normes proposées par Le
Barbenchon et al. (2005) vont dans ce sens. Il semble donc que les résultats obtenus à partir
des descriptions d’adultes s’appliquent également à la description personnologique d’élèves et
Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire
222
sont susceptibles de véhiculer des informations sur la valeur sociale de ces élèves. Ces
premiers résultats indiquent clairement que nos hypothèses quant aux relations entre
explications causales et les deux composantes de la valeur sociale sont, a minima,
empiriquement testables.
Sur un plan méthodologique, cette étude nous a également permis de sélectionner,
dans un ensemble de traits, 24 traits reliés de façon marquée à l’une ou l’autre de ces
dimensions. Ces 24 traits composent la première ébauche de notre mesure de
désirabilité/utilité scolaire. La validité interne de cette mesure a été retestée dans les deux
études suivantes. Ces deux tests supplémentaires sont importants pour au moins deux raisons.
D’une part, cela devrait permettre de vérifier la structure bifactorielle de l’échelle sur de
nouveaux échantillons. D’autre part, cela devrait permettre d’identifier les traits les plus
adaptés pour mesurer l’utilité et la désirabilité sociales afin de disposer d’une mesure plus
parcimonieuse de ces deux dimensions. Ce sont là les objectifs poursuivis par les études 6 et 7
que nous allons maintenant présenter de façon détaillée.
2. Etude 6 : Test de la structure de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire
2.1. Vue générale
Des stagiaires enseignants ont été invités à se mettre à la place d’un élève qu’ils
connaissaient bien et qui était supposé être caractérisé d’une certaine manière sur les deux
dimensions de la valeur sociale. Dans les faits, la tâche des enseignants consistait à décrire ces
élèves à partir de l’échelle de mesure de désirabilité/utilité scolaire.
2.2. Méthode
2.2.1. Participants
Cent treize stagiaires enseignants (PE2) à l’Institut Universitaire de Formation des
Maîtres (I.U.F.M.) de Grenoble ont participé à cette recherche.
2.2.2. Matériel
Le matériel était composé d’un dossier comprenant deux documents. Le premier était
un exemplaire du questionnaire d’internalité scolaire (version b) que nous avons utilisé dans
l’étude 4. Le second document était un exemplaire de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire
et était composé des 24 traits de personnalité sélectionnés sur la base des résultats de l’étude
Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire
223
5. L’ordre de présentation des traits dans l’échelle a été déterminé par l’intermédiaire d’un
tirage aléatoire.
2.2.3. Procédure
Les passations ont été effectuées lors de séances collectives sur le site de l’I.U.F.M. de
Grenoble. Au début de chaque passation, un questionnaire était distribué aux participants. Ce
questionnaire contenait, dans l’ordre, un exemplaire du questionnaire d’internalité (version b),
un exemplaire de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire ainsi qu’une fiche d’identification. Il
était indiqué aux participants qu’ils devaient répondre aux questions qui leur étaient posées en
suivant l’ordre d’apparition dans le questionnaire. Sur la première page du questionnaire, il
était indiqué aux participants qu’ils devaient penser à un élève qu’ils connaissaient et qu’ils
voyaient comme une personne qui a, soit tout pour réussir et tout pour être aimée (U+D+),
soit tout pour réussir et rien pour être aimée (U+D-), soit rien pour réussir mais tout pour être
aimée (U-D+), soit rien pour réussir et rien pour être aimée (U-D-)73. Après avoir identifier
leur cible, les participants étaient invités à imaginer les réponses qu’aurait données cet élève
au questionnaire d’internalité scolaire et à le décrire à partir de la liste des 24 traits de
personnalité issus de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire.
2.3. Résultats
Les données concernant les descriptions des élèves sur l’échelle de désirabilité/utilité
scolaire ont été soumises à différents traitements. Ces traitements visaient à 1) tester
l’homogénéité des descriptions personnologiques au sein des différentes conditions
expérimentales et à identifier d’éventuels déviants, 2) vérifier la structure bifactorielle de
l’échelle de désirabilité/utilité scolaire et sélectionner les traits les plus représentatifs d’une
seule des deux composantes, 3) tester la validité de la manipulation expérimentale des profils
à partir des scores factoriels des élèves obtenus à partir d’une version réduite de l’échelle de
désirabilité/utilité scolaire.
2.3.1. Test de l’homogénéité des descriptions personnologiques et
identification des déviants
73 Contrairement à l’étude 5, outre le fait qu’il s’agit ici d’un plan complètement intersujet, les variables « utilité des élèves » et « désirabilité des élèves » ne comprennent plus que deux modalités chacune (positif et négatif). Les conditions neutres n’ont pas été réutilisées du fait de leur grande proximité observée dans l’étude 5 avec l’un ou l’autre des pôles des dimensions.
Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire
224
Les données recueillies ont tout d’abord été traitées par l’intermédiaire d’une analyse
discriminante (Hair et al., 1998; Huberty, 1984). L’objectif de cette première analyse était
d’estimer la correspondance entre la classification des individus sur la base d’un critère
théorique (appartenance de l’individu à l’un des groupes expérimentaux) et celle réalisée à
partir d’un certain nombre de variables indépendantes (descriptions des enseignants sur les 24
traits). Dans le cadre de cette étude, nous avons cherché à nous assurer que la classification
des participants dans chacune des quatre conditions expérimentales correspondait bien à celle
que l’on pouvait déduire sur la base de la description de l’élève faite à partir de l’échelle de
désirabilité/utilité scolaire.
Afin de tester cette correspondance, nous avons réalisé une analyse discriminante avec
comme variables indépendantes les 24 traits de personnalité présents dans l’échelle de
désirabilité/utilité scolaire et comme critère de classification a priori l’appartenance des
participants aux différents groupes expérimentaux. Les résultats concernant la correspondance
entre la classification a priori et celle obtenue à partir des données sont présentés dans le
tableau 6.4.
Tableau 6.4. Correspondance entre la classification a priori et la classification obtenue sur la
base des descriptions des élèves faites par les enseignants
% de classification correcte 1 2 3 4
1. Élève utile et désirable 89.66 26 0 2 1
2. Élève utile et indésirable 93.10 1 27 0 1
3. Élève inutile et désirable 92.31 1 0 24 1
4. Élève inutile et indésirable 96.55 0 1 0 28
Total 92.92 28 28 26 31
Comme le montre le tableau 6.4., le niveau de correspondance entre les deux
classifications est très élevé. En effet, près de 93 % des participants ont été classés de façon
non ambiguë dans la catégorie correspondant à la classification a priori. Ces premiers
résultats permettent, d’une part, de constater que l’induction expérimentale a bien amené la
plupart des participants à se référer à des élèves dont les descriptions personnologiques sont
Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire
225
proches sur les 24 traits de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire. D’autre part, ils ont permis
d’identifier, parmi l’ensemble des participants, ceux ayant effectué une description
personnologique trop différente de la majorité des membres de leur groupe. Ainsi, sur les 113
participants de départ, huit n’ont pas été classés dans la catégorie correspondant à la
classification a priori. Ces participants, considérés comme des déviants dans leur groupe
respectif, ont été retirés de l’échantillon pour les analyses ultérieures. Le nombre de
participants est donc passé de 113 à 105 sujets.
2.3.2. Structure de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire
Le second ensemble d’analyses que nous avons mené a concerné plus particulièrement
les réponses des participants à l’échelle de désirabilité/utilité scolaire. Il s’agissait là de
vérifier la structure bifactorielle de l’échelle et de sélectionner les traits les plus
caractéristiques de l’une ou l’autre de deux dimensions.
Pour tester la structure de l’échelle, nous avons réalisé une analyse factorielle
(factorisation en axes principaux, rotation oblimin) sur les données (Fabrigar, Wegener,
MacCallum, & Strahan, 1999; Floyd & Widaman, 1995; Hair et al., 1998; Russel, 2002). Sur
la base de cette analyse, nous avons extrait deux facteurs non orthogonaux (r = -.37)
expliquant conjointement 53.12 % de la variance totale. Le premier facteur (39.04 % de la
variance), qui oppose les traits indésirables (e.g. insolent, arrogant, agressif) aux traits
désirables (e.g. agréable, gentil, souriant), a été identifié comme étant la dimension désirable.
Le second facteur (14.08 % de la variance) oppose quant à lui les traits utiles (e.g. performant,
intelligent, cultivé) aux traits inutiles (e.g. passif, faible, lent) et correspond à la dimension
utile. Les poids factoriels après rotation des 24 traits sur les deux facteurs sont présentés dans
le tableau 6.5.
Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire
226
Tableau 6.5. Poids factoriels des 24 traits de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire sur les
facteurs « désirabilité » et « utilité »
Désirabilité Utilité
Insolent .91 .05 Agréable -.90 -.02 Arrogant .87 .07 Agressif .85 -.08 Pénible .83 -.02 Egocentrique .81 .31 Gentil -.79 -.03 Souriant -.67 .06 Envahissant .65 .05 Paresseux .63 -.25 Inattentif .49 -.32 Drôle -.45 -.00 Immature .43 -.18 Spontané -.18 .04 Performant .08 .94 Intelligent .10 .83 Cultivé .06 .79 Réfléchi -.20 .74 Déterminé .05 .72 Studieux -.09 .70 Passif .38 -.51 Faible -.03 -.49 Lent .13 -.46 Volontaire -.44 .45
Globalement, l’analyse factorielle montre que l’organisation des 24 traits de l’échelle
de désirabilité/utilité scolaire obéit bien à une structure bifactorielle. Conformément à nos
attentes, ces deux facteurs non orthogonaux correspondent aux dimensions de la désirabilité et
de l’utilité.
Sur la base de cette analyse, nous avons sélectionné certains traits de façon à disposer
d’une version réduite de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire. L’objectif de cette sélection
était de créer une échelle composée de deux sous échelles non ambiguë mesurant l’une ou
l’autre des deux composantes de la valeur et cela de façon parcimonieuse tout en conservant
la validité de contenu (L. A. Clark & Watson, 1995; Cronbach & Meehl, 1955; John & Benet-
Martinez, 2000; Messick, 1995). Cette échelle se devait de contenir un nombre restreint de
traits ne saturant qu’une seule des deux dimensions. Elle devait également être composée
d’autant de traits positifs et négatifs saturant la dimension de la désirabilité que de traits
positifs et négatifs saturant la dimension de l’utilité. A partir de là, sur la base des poids
Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire
227
factoriels obtenus à partir de l’analyse factorielle et des résultats de l’étude 5, nous avons
choisi huit traits parmi les 24 de départ. Quatre de ces traits saturent la dimension de la
désirabilité et quatre autres saturent la dimension de l’utilité. Pour la dimension de la
désirabilité, les traits retenus sont « insolent » (D-), « pénible » (D-), « agréable » (D+) et
« gentil » (D+). Pour la dimension de l’utilité, les traits retenus sont « performant » (U+),
« intelligent » (U+), « faible » (U-) et « lent » (U-)74.
Deux analyses complémentaires ont été réalisées sur les données issues de la version
réduite de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire. La première a consisté à évaluer la
consistance interne de ces deux sous-échelles par l’intermédiaire de l’alpha de Cronbach
(Cortina, 1993; R. A. Peterson, 1994). Pour l’échelle de désirabilité, l’alpha s’élève à .91 et à
.77 pour l’échelle d’utilité. Eu égard au nombre restreint d’items impliqués dans les deux
analyses (seulement quatre), la consistance interne des deux sous-échelles peut être
considérée comme étant satisfaisante. La seconde analyse a consisté à réaliser une nouvelle
analyse factorielle sur les données. Cette analyse, qui confirme la structure bifactorielle de
l’échelle réduite75, nous a permis de calculer les scores factoriels de chaque description
d’élèves sur les deux dimensions. Ce sont ces scores globaux qui ont été utilisés lors du
traitement ultérieur des données.
2.3.3. Vérification de la manipulation expérimentale et de la sensibilité de
l’échelle de désirabilité/utilité scolaire réduite
Afin de vérifier que la manipulation expérimentale a effectivement produit des
variations sur les descriptions personnologiques des élèves sur les dimensions de la
désirabilité et de l’utilité, nous avons effectué deux analyses de variance, la première sur le
score global de désirabilité, la seconde sur le score global d’utilité. Nous nous attendons à ce
que les élèves « ayant tout pour être aimé » obtiennent en moyenne un score global de
désirabilité plus élevé que les élèves « n’ayant rien pour être aimé » (effet principal de la
variable « désirabilité de l’élève »). Inversement, nous nous attendons à ce que les élèves
« ayant tout pour réussir » obtiennent en moyenne un score global d’utilité plus élevé que
74 A noter que sept des huit traits sélectionnés (hormis le trait « gentil ») étaient déjà identifiés dans l’étude 5 comme des traits ne saturant fortement qu’une seule des deux dimensions. 75 L’analyse factorielle réalisée sur les huit traits de l’échelle réduite (factorisation en axes principaux, rotation oblimin) indique que deux facteurs non orthogonaux (r = .30) expliquent conjointement 60.22 % de la variance totale. Le premier facteur, correspondant à la désirabilité (41.09 %), est fortement saturé par les traits « agréable » (.93), « insolent » (-.85), « pénible » (-.82) et « gentil » (.81). Le second facteur, correspondant à l’utilité (19.13 %), est fortement saturé par les traits « performant » (.84), « intelligent » (.78), « lent » (-.54) et « faible » (-.53).
Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire
228
ceux « n’ayant rien pour réussir » (effet principal de la variable « utilité de l’élève »). Les
scores moyens de désirabilité et d’utilité obtenus par chaque profil d’élèves sont présentés
dans le tableau 6.6. Pour chacune des analyses, seuls les effets significatifs ont été reportés.
Tableau 6.6. Scores moyens de désirabilité et d’utilité des descriptions des élèves en fonction
de leur désirabilité et de leur utilité
Désirabilité Utilité
Elève désirable et utile 0.91a 1.02a
Elève désirable et inutile 0.75a -0.56c
Elève indésirable et utile -0.94b 0.30b
Elève indésirable et inutile -0.59b -0.76c
Note. Les scores indicés par une lettre distincte en colonne sont significativement différents à p < .05 (HSD de Tukey).
La première ANOVA, réalisée avec comme variable dépendante le score global de
désirabilité, met en évidence, comme attendu, un effet principal de la désirabilité de l’élève,
F(1, 101) = 234.52, p < .0001, �² = .70. Les élèves ayant tout pour être aimés (M = 0.83) sont
décrits comme plus désirables que les élèves n’ayant rien pour être aimés (M = -0.76).
L’interaction entre la désirabilité et l’utilité de l’élève est significative, F(1, 101) = 5.94, p <
.02, �² = .06. Les comparaisons post hoc (cf. tableau 6.6.) montrent que si l’élève ayant tout
pour être aimé et tout pour réussir est décrit comme plus désirable (M = 0.91) que celui
n’ayant rien pour être aimé et tout pour réussir (M = -0.94) et que celui n’ayant rien pour être
aimé et rien pour réussir (M = -0.59), il ne se différencie pas de l’élève ayant tout pour être
aimé et rien pour réussir (M = 0.75). De plus, l’élève n’ayant rien pour être aimé et tout pour
réussir ne se différencie pas de celui n’ayant rien pour être aimé et rien pour réussir76.
La seconde ANOVA, réalisée sur le score global d’utilité, révèle un effet principal de
l’utilité de l’élève, F(1, 101) = 141.32, p < .0001, �² = .58. Les élèves ayant tout pour réussir
(M = 0.66) sont décrits comme plus utiles que les élèves n’ayant rien pour réussir (M = -0.66). 76 Malgré la significativité du test de l’interaction sur le score global de désirabilité, sa décomposition par l’intermédiaire d’analyses post hoc ne met pas en évidence un pattern différent de celui que nous aurions pu obtenir dans le cas où l’interaction n’aurait pas été significative. Ce type de résultats peut être expliqué par une plus grande sévérité du test HSD de Tukey en comparaison de celui du contraste d’interaction.
Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire
229
L’effet principal de la désirabilité de l’élève est également significatif, F(1, 101) = 17.30, p <
.0001; �² = .15. Les élèves ayant tout pour être aimés (M = 0.23) sont décrits comme plus
utiles que les élèves n’ayant rien pour être aimés (M = -0.23). Enfin, l’interaction entre la
désirabilité et l’utilité de l’élève est significative, F(1, 101) = 5.31, p < .02, �² = .05. Les
comparaisons post hoc (cf. tableau 6.6.) montrent que si l’élève ayant tout pour être aimé et
tout pour réussir (M = 1.02) est celui qui est décrit comme le plus utile, celui n’ayant rien pour
être aimé et tout pour réussir (M = 0.30) est décrit comme étant plus utile que les élèves ayant
tout pour être aimés et rien pour réussir (M = -0.56) ou n’ayant rien pour être aimés et rien
pour réussir (M = -0.76), ces deux derniers ne se différenciant pas l’un de l’autre.
Au regard de ces résultats, il semble possible de conclure que 1) la manipulation
expérimentale a bien entraîné des variations dans les descriptions personnologiques des élèves
sur les deux dimensions et 2) que les scores factoriels obtenus sur la base de l’échelle réduite
de désirabilité/utilité scolaire reflètent bien les scores des élèves sur les deux dimensions. En
effet, l’effet principal de la désirabilité des élèves sur le score global de désirabilité explique à
lui seul environ 70 % de la variance totale du score global de désirabilité des descriptions des
élèves. De la même façon, l’effet principal de l’utilité des élèves explique environ 58 % de la
variance totale du score global d’utilité. Comme le montre le tableau 6.6., les deux élèves
« ayant tout pour réussir » sont décrits comme plus utiles que les deux élèves « n’ayant rien
pour réussir ». De la même façon, les deux élèves « ayant tout pour être aimé » sont décrits
comme plus désirables que les deux élèves « n’ayant rien pour être aimé ».
2.4. Discussion
Globalement, ces résultats indiquent que l’échelle de désirabilité/utilité scolaire est
apte à mesurer la désirabilité et l’utilité des descriptions que font les enseignants de leurs
élèves. Ils révèlent que les propriétés des 24 traits sur les deux dimensions sont relativement
stables d’une méthode à l’autre et d’un échantillon à l’autre. De plus, les résultats obtenus à
partir de la version réduite de l’échelle laissent entrevoir la possibilité de mesurer l’utilité et la
désirabilité de façon optimale avec un nombre restreint de traits. Afin de nous assurer de cela,
nous avons testé une dernière fois la structure de cette échelle réduite sur un nouvel
échantillon et à partir d’une méthode plus écologique. L’étude 7 a été réalisée à cet effet.
3. Etude 7 : Validation de l’échelle réduite de désirabilité/utilité scolaire en milieu naturel de
classe
Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire
230
3.1. Vue générale
Cette étude poursuivait plusieurs objectifs. L’un d’entre eux visait à tester la structure
interne de l’échelle réduite de désirabilité/utilité scolaire à partir de descriptions spontanées
d’élèves. Pour ce faire, des enseignants de classe de CE2 ont été invités à décrire chacun des
élèves de leur classe à partir de traits de personnalité.
3.2. Méthode
3.2.1. Participants
Quatre cent quatre vingt dix neuf élèves de CE2 et leurs 33 enseignants respectifs ont
participé à cette étude. Les participants sont ceux de l’étude 4 (cf. tableau 1, p.6).
3.2.2. Matériel et procédure
Le matériel utilisé dans cette étude est identique à celui que nous avons utilisé dans
l’étude 4. Celui-ci se compose de fiches individuelles contenant des informations
sociodémographiques (âge, sexe, catégorie socioprofessionnelle des parents), du questionnaire
d’internalité scolaire (version b) ainsi que de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire (version
complète). La procédure est identique à celle de l’étude 4. Les données ont été récoltées lors
de deux séances de passations collectives. Ces passations se sont déroulées en classe et ont été
effectuées à environ deux semaines d’intervalle (cf. tableau 4.11.). Lors des deux passations,
les élèves ont été invités à répondre au questionnaire d’internalité (paradigme
d’autoprésentation ; phase 1 : consigne standard ; phase 2 : consignes pronormative et contre
normative). Les enseignants, quant à eux, ont été placés en situation d’identification/jugement
(phase 1 : jugements disciplinaires ; phase 2 : identification à chacun de leurs élèves).
Parallèlement, ils devaient répondre au questionnaire d’internalité dans le cadre du paradigme
de l’identification (phase 2) et décrire chacun de leurs élèves à partir de la liste 24 traits de
personnalité issus de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire (échelle en 11 points par trait, de
0 « ne décrit pas du tout l’élève » à 10 « décrit tout à fait l’élève ») (phase 1). Les analyses
visant à tester la validité interne de l’échelle réduite ont été réalisées sur ces dernières
données.
3.2.3. Analyses statistiques
Les données récoltées ont été traitées par l’intermédiaire d’analyses factorielles
Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire
231
confirmatoires (J. C. Anderson & Gerbing, 1988; Fabrigar et al., 1999; Floyd & Widaman,
1995; J. M. Graham, Guthrie, & Thompson, 2002; Hair et al., 1998; Jöreskog, 1969; Kline,
2005; Russel, 2002; Wegener & Fabrigar, 2000). Les différents modèles ont été estimés à
partir de la méthode du maximum de vraisemblance (ML). Trois types d’indices ont été
utilisés pour déterminer l’adéquation des modèles testés avec les données (cf. encadré 1) : des
indices d’ajustement absolus (X²(df), X²/df, GFI, SRMR, RMSEA), des indices d’ajustement
incrémentiels (AGFI, CFI, NNFI, NFI), et des indices de parcimonie (AIC, X²/df). Concernant
ces deux derniers indices, plus la valeur est faible, plus le modèle est parcimonieux.
Toutefois, étant donné la nature très particulière de nos données, nous nous sommes
interrogés sur la capacité des modèles d’équations structurelles traditionnelles à être utilisés
dans le cas présent. Rappelons que les descriptions d’élèves ont été réalisées par un seul et
même enseignant par classe. De fait, il est possible que les scores obtenus par les élèves d’une
même classe sur les différentes variables mesurées soient plus proches les uns des autres que
les scores obtenus par les élèves d’une autre classe, créant ainsi une structure hiérarchisée à
deux niveaux : d’un côté, les élèves qui ont fait l’objet d’une description personnologique et,
de l’autre, les enseignants ayant décrit tous les élèves d’une même classe. Or, l’existence de
cette structure hiérarchisée peut contrevenir à l’hypothèse d’indépendance des résidus qui
sous-tend les modèles basés sur les moindres carrés ordinaires (voir pour revue Bressoux,
2000). Pour pallier ce problème, des extensions de ces modèles ont été développées. Ces
derniers, désignés sous le terme de modèles multiniveaux, permettent de prendre en compte
simultanément plusieurs niveaux emboîtés les uns dans les autres (Bressoux, 2000, 2001;
Bressoux, Coustère, & Leroy-Audouin, 1997; Bressoux & Pansu, 2003; Courgeau, 2004;
Duru-Bellat & Suchaut, 2005; Hox, 1995, 1998, 2002; Kashy & Kenny, 2000; Kenny, Kashy,
& Bolger, 1998; Maas & Hox, 2004; Snijders & Bosker, 1999). Si la non indépendance des
résidus est un problème pour les modèles MCO, elle s’avère également problématique pour
les modèles d’équations structurelles conventionnels. C’est pourquoi un certain nombre de
travaux se sont attachés à proposer des modélisations d’équations structurelles intégrant les
principes de la régression multiniveau. L’utilisation de ces modèles, désignés sous le terme de
modèles d’équations structurelles multiniveaux (Byrne, 2006; Hox, 1995, 2002; Kline, 2005;
Rabe-Hesketh, Skrondal, & Zheng, 2006), serait requise, d’une part, lorsque les observations
sont incluses dans des clusters et, d’autre part, lorsque les variables d’intérêt sont mesurées de
façon imparfaite à partir de plusieurs items (Rabe-Hesketh et al., 2006). La structure de nos
données étant constituée de deux niveaux emboîtés l’un dans l’autre et nos variables d’intérêt
(utilité et désirabilité) mesurées imparfaitement par l’intermédiaire d’items spécifiques (huit
Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire
232
traits de personnalité), l’utilisation de ce type de méthodologie statistique semble ici
particulièrement bien adaptée.
3.3. Résultats
Bien que les enseignants aient décrit chacun de leurs élèves sur les 24 traits de
l’échelle de désirabilité/utilité scolaire, nous n’avons analysé ici que leurs réponses sur les
huit traits qui composent la version réduite de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire77.
A suivre Byrne (2006), l’utilisation d’équations structurelles multiniveaux serait
justifiée lorsque le nombre de clusters est supérieur à 15 et lorsque les corrélations
intraclasses excèdent .10 (voir également Muthén, 1997). Pour déterminer dans quelle mesure
le recours à des modèles d’équations structurelles multiniveaux était pertinent dans le cadre de
cette étude, nous avons en premier lieu cherché à déterminer si nos données étaient bien
organisées de façon hiérarchique. Pour ce faire, nous avons calculé les corrélations
intraclasses78 des huit traits de personnalité avec comme variable de cluster la classe des
élèves. Ces analyses ont mis en évidence que, sur les huit corrélations effectuées, cinq étaient
supérieures à .10. Couplés avec le fait que le nombre de clusters (ici les enseignants) s’élève à
33, ces résultats nous amènent à penser que le recours à des équations structurelles
multiniveaux pourrait être plus adapté que l’utilisation d’équations structurelles
traditionnelles.
A partir des calculs des corrélations intraclasses, nous avons séparé les variances et
covariances intragroupe et intergroupe pour chacune des huit variables impliquées dans
l’analyse. Le tableau 6.7. présente les moyennes, écarts-types et corrélations des variables au
niveau des élèves (niveau intragroupe).
77 Une analyse factorielle (factorisation en axes principaux, rotation oblimin) réalisée sur les 24 traits indique que deux facteurs non orthogonaux (r=-.23) permettent d’expliquer 51,98 % de la variance totale. Ces deux facteurs correspondent bien à l’utilité (37,74 %) et à la désirabilité (14,24 %). 78 La corrélation intraclasse peut être considérée comme le rapport entre la variance intergroupe et la variance totale, elle-même correspondant à la somme des variances intragroupe et intergroupe. Plus la corrélation intraclasse est élevée, plus la part de la variance intergroupe dans la variance totale est élevée (Kashy & Kenny, 2000; McGraw & Wong, 1996; Shrout & Fleiss, 1979).
Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire
233
Tableau 6.7. Moyennes, écarts-types et corrélations entre les variables (niveau intragroupe)
1 2 3 4 5 6 7 8 1. Agréable 1 2. Gentil .70 1 3. Faible -.25 -.22 1 4. Insolent -.54 -.42 .05 1 5. Intelligent .28 .30 -.61 -.06 1 6. Lent -.22 -.21 .51 .04 -.48 1 7. Pénible -.66 -.56 .17 .66 -.16 .12 1 8. Performant .38 .32 -.60 -.12 .74 -.61 -.27 1 Moyenne 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 0.00 Écart-type 1.94 1.60 2.77 2.38 1.74 3.00 2.85 2.34
Le tableau 6.8. présente les moyennes, écarts-types et corrélations des variables au
niveau des enseignants (niveau intergroupe).
Tableau 6.8. Moyennes, écarts-types et corrélations entre les variables (niveau intergroupe)
1 2 3 4 5 6 7 8 1. Agréable 1 2. Gentil .75 1 3. Faible -.49 -.47 1 4. Insolent -.55 -.49 .36 1 5. Intelligent .69 .53 -.36 -.41 1 6. Lent -.67 -.51 .45 .48 -.51 1 7. Pénible -.59 -.42 .59 .54 -.45 .71 1 8. Performant .64 .54 -.61 -.41 .76 -.49 -.42 1 Moyenne 27.45 29.83 13.57 7.81 27.97 18.00 12.71 23.59 Écart-type 3.23 2.91 4.17 4.63 3.48 3.20 5.14 2.77
Afin de tester la validité de notre modèle théorique, nous avons testé plusieurs
analyses factorielles confirmatoires multiniveaux. Cette méthode, qui s’apparente au test de
modèle sur échantillons multiples, permet de tester simultanément une même structure
factorielle sur les différents niveaux impliqués dans les données. Pour chaque analyse, le
modèle d’intérêt est testé en parallèle sur la matrice intragroupe et sur la matrice intergroupe.
Les valeurs des indices d’ajustement obtenues renseignent sur l’ajustement du modèle aux
deux matrices.
Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire
234
Deux modèles distincts ont été testés. Le premier (modèle 1) portait directement sur
notre modèle théorique. Celui-ci supposait l’existence de deux facteurs latents non
orthogonaux, la désirabilité et l’utilité, reliés chacun à des items spécifiques de l’échelle.
Ainsi, la désirabilité devait avoir comme indicateur les traits « agréable », « gentil »,
« insolent » et « pénible ». L’utilité devait avoir comme indicateur les traits « performant »,
« intelligent », « faible » et « lent ». Le second modèle testait un modèle alternatif non
hiérarchique. Contrairement au modèle théorique, il supposait que les huit traits qui
composent l’échelle réduite s’organisent sur un seul facteur. Ainsi, le modèle 2 était composé
d’une seule variable latente dont les huit traits seraient les indicateurs. Les deux modèles ainsi
que leurs solutions sont présentés dans la figure 6.3.79
79 A noter que les analyses effectuées ont mis en évidence que les variances des facteurs latents au niveau intergroupe (niveau des enseignants) étaient significatives, et cela pour chacun des deux modèles testés. De tels résultats attestent de l’intérêt de recourir à des modèles multiniveaux dans le traitement de nos données.
Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire
235
E.68
E.86
E.38
E.47
LentPerformant
-.73*-.51*.92*.89*
PénibleGentil
-.53*-.54*.81*.99*
.92*
E.85
E.84
E.59
E.16
InsolentAgréable Intelligent Faible
Niveau 2Enseignants
UtilitéDésirabilité
Agréable Gentil Insolent Pénible
E.52
E.64
E.73
E.61
.86* .77* -.68* -.79*
Intelligent Performant Faible Lent
E.58
E.42
E.72
E.76
.82* .91* -.70* -.65*
.40*Niveau 1 Élèves
UtilitéDésirabilité
Agréable Gentil Insolent Pénible
E.88
E.90
E.98
E.94
.48* .43* -.21* -.35*
Intelligent Performant Faible Lent
E.60
E.45
E.73
E.77
.80* .89* -.69* -.63*
Niveau 1 Élèves Valeur
E.46
E.72
E.49
E.68
-.89*-.69*.87*.73*-.82*-.78*.89*.99*
E.57
E.62
E.46
E.10
Niveau 2Enseignants
Valeur
LentPerformantPénibleGentil InsolentAgréable Intelligent Faible
Figure 6.3. Résultats obtenus pour les modèles 1 et 2
a. Modèle 1 b. Modèle 2
Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire
236
Sur la base des résultats présentés dans la figure 6.3., il apparaît que, pour les deux
modèles, les relations observées entre les différents indicateurs et les variables latentes qu’ils
représentent sont significatives et dans le sens attendu, que ce soit au niveau des élèves
comme au niveau des enseignants. Concernant le modèle 1, nous avons observé que si au
niveau des élèves, la corrélation entre l’utilité et la désirabilité est plutôt moyenne (r = .40),
elle apparaît très forte au niveau des enseignants (r = .92). Concernant le modèle 2, notons
que sa solution indique qu’au niveau des élèves les relations entre les différents indicateurs et
la variable latente « valeur » sont relativement faibles, en particulier en ce qui concerne les
traits désignés dans notre modèle théorique comme désirables et indésirables. Un tel résultat
laisse préfigurer d’une éventuelle déficience de ce modèle quant à sa capacité à modéliser les
relations entre les variables à ce niveau.
Parallèlement à ces analyses, nous avons mesuré leurs valeurs sur différents indices
d’ajustement. Les mesures d’ajustement des deux modèles sont présentées dans le tableau 6.9.
Tableau 6.9. Valeurs des indices d’ajustement pour les modèles
Modèle 1 Modèle 2
X² (df) 154.62* (38) 837.46* (40)
X²/df 4.07 20.94
GFI 1 .73
SRMR .05 .14
RMSEA (90% CI) .08 (.07, .09) .20 (.19, .21)
AGFI 1 .52
CFI .95 .63
NNFI .93 .48
NFI .94 .62
AIC 78.62 757.46
Note. *p < .05
En regard des indices d’ajustement absolus (X²/df, GFI, SRMR, RMSEA) et
Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire
237
incrémentiels (AGFI, CFI, NNFI, NFI), il apparaît que le modèle 1 s’ajuste de façon
satisfaisante aux données80. Le modèle 2, quant à lui, obtient des valeurs très insuffisantes sur
tous ces indices. Il semble donc qu’un modèle unidimensionnel ne puisse rendre compte de
l’organisation des traits de l’échelle de façon satisfaisante. Enfin, les indices de parcimonie
(X²/df, AIC) indiquent que le modèle 1 est le modèle le plus parcimonieux.
3.4. Discussion
Globalement, les différents modèles structuraux réalisés indiquent que l’échelle
réduite de désirabilité/utilité scolaire repose sur une structure à deux facteurs. Le modèle
théorique (modèle 1) est satisfaisant du point de vue de son ajustement aux données et ce
même en comparaison d’un modèle plus simple reposant sur une conception
unidimensionnelle de la valeur (modèle 2).
4. Conclusion
Les résultats obtenus dans les études 5, 6 et 7 nous semblent intéressants à plus d’un
titre. Sur un plan théorique, ils attestent de la validité de l’utilisation des concepts d’utilité et
de désirabilité en contexte scolaire. Tout d’abord, les résultats obtenus dans l’étude 5
montrent que les traits de personnalité susceptibles d’être utilisés pour décrire des élèves
s’organisent sur les dimensions de la désirabilité et de l’utilité. De tels résultats vont bien dans
le sens de l’existence d’une double composante de la valeur (Beauvois, 1995; Dubois &
Beauvois, 2001). La comparaison des résultats de l’étude 5 avec les normes proposées par Le
Barbenchon et al. (2005) indique l’existence d’une correspondance entre nos mesures et les
leurs globalement satisfaisante et ce, sur les deux dimensions. De plus, l’organisation des
traits mise en évidence dans cette cinquième étude apparaît relativement stable puisqu’elle se
retrouve dans les études 6 et 7. Même si dans ces deux études, les deux composantes de la
valeur corrèlent positivement, l’importance relativement moyenne de ces corrélations atteste
de l’intérêt à bien séparer ces deux dimensions. L’étude 7 révèle même que si la désirabilité et
l’utilité peuvent être très fortement corrélées au niveau des enseignants, un modèle ne prenant
pas en compte la spécificité de ces deux dimensions ne permet pas de rendre compte de façon
satisfaisante des données.
Ensuite, si les résultats obtenus vont dans le sens de la conception bidimensionnelle de
80 Bien que la valeur du X² soit significative pour le modèle 1, nous ne pouvons pas conclure que ce modèle ne s’ajuste pas aux données de façon satisfaisante. Comme nous l’avons déjà évoqué, cette significativité peut n’être que la conséquence de la taille importante de notre échantillon (N = 499).
Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire
238
la valeur sociale défendue par Beauvois et Dubois (Beauvois, 1995; Dubois & Beauvois,
2001), la nature des traits qui composent l’échelle réduite de désirabilité/utilité scolaire tend à
indiquer que la désirabilité et l’utilité sont deux dimensions très proches des deux facteurs
organisateurs des T.I.P. identifiés par Rosenberg et al. (1968) sous les termes de « désirabilité
sociale » et de « désirabilité intellectuelle ». D’une part, parce qu’elle est particulièrement
bien représentée par des traits comme « agréable », « gentil », « pénible » et « insolent », la
désirabilité sociale semble bien correspondre à la même dimension que celle mise en évidence
par ces auteurs. D’autre part, étant donné que les traits qui saturent fortement l’utilité sont
« intelligent », « performant », « lent » et « faible », cette dimension semble correspondre à la
seconde dimension identifiée par ces auteurs, c’est-à-dire la « désirabilité intellectuelle ».
Mais le contenu de l’échelle réduite de désirabilité/utilité scolaire nous permet également de
situer les deux dimensions que nous avons identifiées par rapport au modèle proposé par
Peeters (1992; 1999; 2002). Ainsi les traits qui saturent la dimension de la désirabilité
pourraient également être abordés sous l’angle de la profitabilité pour autrui (e.g., agréable,
pénible) alors que ceux qui saturent la dimension utile semblent bien se différencier sur la
base de leur profitabilité pour soi (e.g., intelligent, faible). Pris dans leur ensemble, les
données recueillies en contexte scolaire concernant les deux composantes de la valeur sociale
tendent à indiquer que le contenu de ces composantes est relativement similaire à celui
observé auprès de populations d’adultes.
Enfin, les résultats de l’étude 7 soulignent que les données issues des études 5 et 6 à
partir de procédures expérimentales sont transposables à des situations de descriptions
personnologiques en milieu naturel de classe. Rappelons sur ce point que les descriptions
faites par les enseignants dans cette étude concernent les élèves de leur classe et, à ce titre,
peuvent être représentatives des inférences personnologiques faites quotidiennement par les
enseignants sur leurs propres élèves. De ce point de vue, les concepts d’utilité et de
désirabilité des élèves seraient donc susceptibles de permettre de mieux comprendre les
mécanismes qui sous-tendent les jugements scolaires. De par son importance dans l’activité
évaluative, la personnologie et ses deux composantes jouent, sans doute, un rôle essentiel
dans la construction des jugements sociaux81.
Cependant, ces remarques ne sauraient nous faire oublier que cette série d’études nous
a surtout permis de mettre au point une échelle de désirabilité et d’utilité adaptée à la
description personnologique d’élèves de cycle primaire indispensable pour nous permettre de
81 L’encadré 2 présentera une illustration de cette hypothèse en matière de jugements d’acquisition scolaire (cf. chapitre 7).
Chapitre 6. Construction d’une mesure de désirabilité/utilité adaptée au contexte scolaire
239
tester nos hypothèses concernant les relations entre les deux composantes de la valeur et les
différentes catégories d’explications causales. Rappelons que nous avons émis l’hypothèse
que les divergences de résultats observés dans l’étude 4 entre les différents paradigmes
mobilisés (autoprésentation, identification, identification/jugement) pouvaient être expliquées
par la spécificité de ces paradigmes à mettre en évidence soit la désirabilité des explications
soit leur utilité. Cette idée nous a amené à envisager la possibilité de l’existence de variations
de valeur au sein du registre interne, tant sur la désirabilité que sur l’utilité. Ainsi, toutes les
explications internes ne seraient pas désirables au même titre. De même, toutes les
explications internes ne seraient pas utiles au même niveau. C’est là l’objectif des études
présentées dans le chapitre suivant : étudier les variations de valeur des différentes catégories
d’explications causales sur les deux composantes de la valeur sociale.
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
241
CHAPITRE 7
L’UTILITE ET LA DESIRABILITE DES CATEGORIES
D’EXPLICATIONS CAUSALES
La question de la valeur des explications causales est centrale dans l’étude de la norme
d’internalité (cf. chapitre 2). Néanmoins, avec le développement des travaux sur le concept de
valeur sociale et sa séparation en deux composantes distinctes, l’étude des normes sociales de
jugement a connu une récente évolution (cf. chapitre 5). En effet, si certaines normes
semblent porteuses de désirabilité (e.g. norme d’ancrage individuel), la norme d’internalité
s’ancrerait fondamentalement dans l’utilité sociale (Cambon, Djouari, & Beauvois, 2001,
cités par Beauvois, 2003b; Dubois, 2005a; Dubois & Beauvois, 2005). Toutefois, deux
questions nous semblent pouvoir être posées à ce niveau. La première porte sur la généralité
de ce phénomène. Peut-on généraliser les travaux mettant en avant l’ancrage de la norme
d’internalité dans l’utilité à d’autres populations que des étudiants, comme par exemple des
enseignants ? Sur ce point, rien n’est moins sûr. En effet, les enseignants, de par l’inconfort
qu’ils pourraient ressentir à évaluer leurs élèves uniquement sur la seule base de leur utilité et
non de leur désirabilité, pourraient très bien « apprendre à aimer, ce qui, au départ, n’est
qu’utile et à ne pas aimer ce qui, au départ, ne l’est pas » (Dubois & Beauvois, 2001, p.402).
Cet apprentissage transiterait par l’intermédiaire des processus de rationalisation et
d’internalisation (Beauvois, 2001; Beauvois & Joule, 1981; Joule, 1999; Joule & Beauvois,
1998, 2002). De fait, en contexte scolaire, il est possible que les enseignants associent
l’internalité à l’utilité mais également à la désirabilité.
La seconde question rejoint notre préoccupation principale et concerne la prise en
compte d’autres critères de classification que la seule distinction interne/externe. Peut-on
observer la même variabilité de valeur au sein des registres interne et externe lorsque l’on
s’intéresse plus spécifiquement à la désirabilité des explications causales et à leur utilité ?
L’étude 3 a mis en évidence que le recours à une classification des explications causales plus
fine permettait de faire apparaître des variations de valeur invisibles à partir de la seule prise
en compte du lieu de causalité, tant au niveau des différentes catégories d’explications qu’au
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
242
niveau des différents paradigmes mobilisés. L’étude 4 nous a permis de mieux comprendre les
mécanismes qui sous-tendaient ces variations. Rappelons que certaines explications, comme
les explications internes/instables en terme d’effort pour les renforcements positifs, étaient
apparues aux yeux des mêmes enseignants fortement valorisées dans le cadre du paradigme de
l’identification mais non valorisées dans celui du paradigme d’identification/jugement.
Inversement, d’autres explications, comme les explications internes/stables en terme
d’habileté ne semblaient pas valorisées en identification et valorisées en
identification/jugement. Plutôt que de voir là, la manifestation d’un phénomène aléatoire,
nous avions émis l’idée que ces divergences de résultats pouvaient être la conséquence de la
spécificité des paradigmes utilisés. Cela nous amène maintenant à émettre de nouvelles
hypothèses sur la valeur des différents types d’explications manipulés. En effet, plutôt que de
chercher à déterminer parmi les différentes catégories d’explications internes celles qui sont
les plus porteuses de valeur, il nous est apparu plus pertinent de nous interroger sur le type de
valeur véhiculé par ces catégories. Sur ce point, les résultats de l’étude 4 nous semblent
particulièrement appropriés pour nous informer sur cette valeur. S’il est effectivement admis
que les paradigmes de l’autoprésentation et de l’identification mobilisent préférentiellement la
désirabilité des explications plutôt que leur utilité et si le paradigme d’identification/jugement
nous renseigne plus sur l’utilité des explications que sur leur désirabilité, nous pouvons donc
émettre des hypothèses relativement précises sur l’utilité et la désirabilité des différentes
catégories d’explications internes.
Les différentes hypothèses que nous pouvons dériver de l’étude 4 sont présentées dans
le tableau 7.1. En matière de désirabilité, nous avons émis nos hypothèses à partir des
résultats issus du paradigme de l’identification82. En matière d’utilité, nous nous sommes
basés sur les résultats obtenus à partir du paradigme d’identification/jugement.
82 Il nous a semblé en effet plus pertinent de nous baser sur les réponses des enseignants en identification plutôt que sur celles des élèves en autoprésentation. Ces derniers étant relativement jeunes (CE2), leurs réponses nous semblent susceptibles de moins bien refléter la désirabilité des explications que celles de leurs enseignants.
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
243
Tableau 7.1. Hypothèses concernant la désirabilité et l’utilité des différentes catégories
d’explications
Comportements Renforcements
Positifs Négatifs Positifs Négatifs
Interne/Instable D+U= D+U= D+U= D+U+
Interne/Stable D+U+ D=U= D=U+ D=U-
Externe/Instable D-U= D=U+ D-U- D-U=
Externe/Stable D-U- D-U- D=U= D-U-
Note. D+ : désirable, D= : neutre sur la désirabilité, D- : indésirable, U+ : utile, U= : neutre sur l’utilité, U- : inutile.
Comme le montre le tableau 7.1., nous nous attendons à ce que seules certaines
catégories d’explications internes soient valorisées sur la dimension de la désirabilité. Pour les
comportements positifs, nous nous attendons à ce que les explications internes en terme de
trait et d’intention soient désirables. En revanche, pour les comportements négatifs, seules les
explications internes/instables en terme d’intention devraient être porteuses de désirabilité.
Pour les renforcements positifs cette fois, nous nous attendons à ce que les seules explications
internes à être désirables soient les explications internes/instables en terme d’effort. Enfin,
pour les renforcements négatifs, seules les explications internes/instables en terme d’effort
devraient être positivement associées à cette dimension.
Sur la dimension de l’utilité, là encore, nous nous attendons à ce que seules certaines
catégories d’explications internes soient valorisées. Pour les comportements positifs, les
explications internes/stables en terme de trait devraient être les seules explications porteuses
d’utilité. Pour les comportements négatifs, aucune catégorie d’explications internes ne devrait
être particulièrement marquée sur cette dimension83. Pour les renforcements positifs, les
seules explications « utiles » devraient être les explications internes/stables en terme
d’habileté. Enfin, pour les renforcements négatifs, si les explications internes/instables en 83 Nous avons conscience que certaines de nos hypothèses sont problématiques puisqu’elles reposent sur le test de l’hypothèse nulle (Kluger & Tikochinsky, 2001; Rosenthal & Rubin, 1994). Toutefois, plutôt que chercher à tester véritablement H0, l’objectif de ces hypothèses est de mettre en évidence que certaines catégories d’explications apparaissent significativement reliées à une dimension alors que d’autres ne le sont pas à un niveau de puissance de test donné. Obtenir de tels résultats, s’ils ne permettent jamais de statuer sur une absence d’effet, nous permet toutefois de classer de façon ordinale les effets en trois catégories : les effets négatifs, les effets non significatifs et les effets positifs (voir à ce propos Frick, 1996).
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
244
terme d’effort devraient être valorisées sur l’utilité, les explications internes/instables en
terme d’habileté devraient être dévalorisées sur cette dimension.
Au-delà de permettre d’émettre des hypothèses précises sur la valeur véhiculée par les
différentes catégories d’explications internes, les résultats de l’étude 4 nous renseignent
également sur la valeur des catégories d’explications externes (cf. tableau 7.1.). Par exemple,
parce que les explications externes/instables en terme de chance pour expliquer la réussite
sont apparues associées négativement au jugement scolaire dans le cadre du paradigme
d’identification/jugement, nous pouvons nous attendre à ce que ce type d’explications soit
relié négativement à l’utilité.
Les deux études qui suivent visent à tester ces hypothèses. La première étude, basée
sur la méthode expérimentale, a pour objectif d’étudier les associations que les enseignants de
cycle primaire font entre les deux composantes de la valeur sociale et le questionnaire
d’internalité scolaire (version b). La seconde étude vise à tester nos hypothèses en milieu
naturel de classe.
1. Etude 8 : Mesure des associations entre les deux composantes de la valeur et le
questionnaire d’internalité scolaire
1.1. Vue générale
Des enseignants ont été invités à se mettre à la place d’un élève connu d’eux et ayant
des caractéristiques spécifiques en terme d’utilité et de désirabilité sociales. Après avoir
imaginé ce que cet élève aurait répondu au questionnaire d’internalité scolaire (version b), ils
devaient décrire cet élève à l’aide d’une liste de traits de personnalité.
1.2. Méthode
1.2.1. Participants
Les participants sont ceux de l’étude 5 (cf. tableau 1, p.6), soit 113 stagiaires
enseignants. Rappelons que huit d’entre eux ont été éliminés sur la base de leurs réponses à
l’échelle de désirabilité/utilité scolaire (cf. étude 6). Le nombre de participants final est donc
de 105.
1.2.2. Matériel et procédure
Rappelons qu’au début de chaque passation, un dossier a été distribué aux participants.
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
245
Ce dossier contenait, dans l’ordre, un exemplaire du questionnaire d’internalité scolaire
(version b) et un exemplaire de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire. Une consigne invitait
les participants à penser à un élève qu’ils connaissaient bien et qui était connu pour être soit
un élève désirable et utile (D+U+), soit un élève désirable et inutile (D+U-), soit un élève
indésirable et utile (D-U+), soit un élève indésirable et inutile (D-U-). Une fois l’élève choisi,
les participants devaient imaginer les réponses qu’aurait données cet élève au questionnaire
d’internalité scolaire et le décrire sur les 24 traits de personnalité de l’échelle de
désirabilité/utilité scolaire.
1.3. Résultats
Dans cette étude, nous nous sommes intéressés aux covariations entre les descriptions
des élèves réalisées par les enseignants à partir de l’échelle réduite de désirabilité/utilité
scolaire et les réponses des enseignants au questionnaire d’internalité scolaire (version b).
Pour ce faire, nous avons mis en relation les scores globaux de désirabilité et d’utilité avec les
réponses des participants au questionnaire à partir d’analyses de régression multiple84.
Comme dans les études 3 et 4, nous avons, dans un premier temps, traité les données
en intégrant dans les modèles de régression le score d’internalité. Dans un second temps, nous
avons réalisé de nouvelles analyses en intégrant dans les modèles les scores des différentes
catégories manipulées dans le questionnaire.
Les deux variables dépendantes (le score global de désirabilité et le score global
d’utilité) ont été obtenues à partir des scores factoriels des participants suite à une analyse
factorielle réalisée sur les huit traits de personnalité qui composent l’échelle réduite de
désirabilité/utilité scolaire (cf. étude 6)85.
1.3.1. Analyses à partir du score global d’internalité
Des analyses de régression ont été conduites dans la perspective de mettre à jour les
relations entre les deux composantes de la valeur sociale et le score d’internalité.
84 Dans ces analyses, nous n’avons pas pris en compte l’appartenance des participants à un groupe expérimental ou à un autre. Nous supposons en effet que la consigne devrait entraîner des variations, tant sur les scores globaux issus des descriptions personnologiques des participants que sur leurs réponses au questionnaire d’internalité. 85 Rappelons que cette analyse factorielle (factorisation en axes principaux, rotation oblimin) indique que deux facteurs non orthogonaux (r = .30) expliquent conjointement 60.22 % de la variance totale. Le premier facteur, correspondant à la désirabilité (41.09 %), est fortement saturé par les traits « agréable » (.93), « insolent » (-.85), « pénible » (-.82) et « gentil » (.81). Le second facteur, correspondant à l’utilité (19.13 %), est fortement saturé par les traits « performant » (.84), « intelligent » (.78), « lent » (-.54) et « faible » (-.53).
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
246
Plusieurs modèles de régression ont été réalisés. Notons que pour ne mesurer que
l’association unique entre le score d’internalité et une seule des deux composantes de la
valeur sociale, nous avons intégré dans chacun des modèles de régression le score des élèves
sur la dimension non utilisée en tant que variable dépendante. Ainsi, lorsque la variable
dépendante est le score global de désirabilité, les différents modèles de régression intègrent le
score global d’utilité en même temps que le score d’internalité. De la même façon, lorsque la
variable dépendante est le score global d’utilité, les modèles intègrent cette fois le score
global de désirabilité en même temps que le score d’internalité. Cette intégration successive
des scores globaux d’utilité et de désirabilité a pour objectif de contrecarrer la corrélation
existante entre les deux mesures (r = .33) de façon à ne prendre en compte que l’association
des explications avec une seule des deux dimensions en contrôlant l’association de ces mêmes
explications avec la seconde. Les différents modèles de régression réalisés sur le score global
de désirabilité sont au nombre de six. Le modèle 1 vise à tester la relation entre le score global
d’internalité et le score global de désirabilité. Le modèle 2 vise à tester si les relations entre le
score d’internalité et le score global de désirabilité varient en fonction du type d’événements
(comportements vs. renforcements) et de leur valence (positive vs. négative). Enfin, les
modèles 3, 4, 5 et 6 testent les relations entre les scores d’internalité spécifiques pour chaque
catégorie d’événements (comportements positifs, comportements négatifs, renforcements
positifs, renforcements négatifs) et le score global de désirabilité. Des modèles similaires
(modèles 1’ à 6’) ont été testés sur le score global d’utilité. Les résultats des modèles de
régression86 réalisés sur les scores globaux de désirabilité et d’utilité sont présentés dans le
tableau 7.2.
86 L’ensemble des variables intégrées dans ces modèles a été centré.
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
247
Tableau 7.2. Modèles de régression évaluant la relation entre le score global d’internalité attribué par les enseignants et les scores globaux
d’utilité et de désirabilité des descriptions des élèves
Variable dépendante : Score global de désirabilité Modèle 1 Modèle 2 Modèle 3 Modèle 4 Modèle 5 Modèle 6
Score global d’utilité Score d’internalité global Type d’événements Valence des événements Interaction Type x Valence Score d’internalité : Comportements positifs Score d’internalité : Comportements négatifs Score d’internalité : Renforcements positifs Score d’internalité : Renforcements négatifs
.24** 41**
.32**
-.07 .05 .01
.22*
.44**
.32**
.14
.32**
.12
.27**
.36** R² .27 .11 .29 .13 .12 .24
Variable dépendante : Score global d’utilité Modèle 1’
Modèle 2’ Modèle
3’ Modèle 4’ Modèle
5’ Modèle 6’
Score global de désirabilité Score d’internalité global Type d’événements Valence des événements Interaction Type x Valence Score d’internalité : Comportements positifs Score d’internalité : Comportements négatifs Score d’internalité : Renforcements positifs Score d’internalité : Renforcements négatifs
.29** .09
.32**
-.01 .11 .07
.27**
.13
.33**
-.01
.32**
.07
.32**
.02 R² .11 .12 .12 .11 .11 .11
Note. Les coefficients de régression présentés sont standardisés (�). N = 105, ** p < .01, * p < .05, t p < .10
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
248
Le modèle 1 révèle que le score global d’internalité attribué aux élèves par les
enseignants est positivement et significativement relié à leur score global de désirabilité (� =
.41). Le modèle 2 indique que cette relation ne varie pas significativement en fonction des
événements et de leur valence. Les modèles 3, 4, 5 et 6 indiquent que le sens de cette relation
est toujours positif, bien que pour certains événements la relation n’atteigne pas le seuil de
significativité fixé. On notera surtout que l’internalité attribuée par les enseignants aux élèves
est reliée significativement à leur score global de désirabilité lorsqu’elle explique les
comportements positifs (� = .44) et les renforcements négatifs (� = .36). Lorsqu’elle rend
compte des comportements négatifs et des renforcements positifs, l’internalité attribuée n’est
pas significativement reliée à ce score.
Concernant l’utilité, aucun des modèles n’indique l’existence d’une relation
significative. Bien que le sens de cette relation soit positif pour trois catégories d’événements
sur quatre (la seule exception concerne les comportements négatifs), l’internalité des élèves
n’est pas reliée significativement à leur score global d’utilité lorsque l’on contrôle leur score
de désirabilité.
En résumé, nos résultats semblent indiquer que l’internalité est positivement associée
à la désirabilité des descriptions des élèves et non à leur utilité. Toutefois, afin de dépasser la
seule distinction interne/externe, nous avons réalisé de nouvelles analyses qui intègrent les
scores des différentes catégories d’explications.
1.3.2. Analyses à partir des scores des catégories d’explications
La méthode statistique employée est la même que celle utilisée précédemment.
Plusieurs modèles de régression ont été réalisés dans lesquels nous avons intégré un des 16
scores des catégories d’explications du questionnaire ainsi qu’un des scores globaux de valeur
sociale en fonction de la variable dépendante (score global d’utilité lorsque la variable
dépendante est le score global de désirabilité, score global de désirabilité lorsque la variable
dépendante est le score global d’utilité). Cette dernière variable a été intégrée de façon à ce
que les coefficients obtenus ne reflètent que la relation unique du score de chaque catégorie
d’explications avec une seule des deux dimensions. Au final, 32 analyses de régression ont été
réalisées. Les résultats de ces analyses de régression (16 pour chaque variable dépendante)
sont présentés dans les tableaux 7.3. et 7.4.
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
249
Tableau 7.3. Coefficients � des relations entre chacune des différentes catégories
d’explications et le score global de désirabilité
Comportements Renforcements
Positifs Négatifs Positifs Négatifs
Interne/Instable .31** .25** .33** .41**
Interne/Stable .27** -.19* -.27** -.05
Externe/Instable -.33** -.07 -.27** -.14
Externe/Stable -.13 -.10 .12 -.32**
Note. N = 105, ** p < .01, * p < .05, t p < .10
Concernant la désirabilité sociale, les résultats des différents modèles de régression
révèlent l’existence d’une hétérogénéité de valeur au sein du registre interne conforme à la
plupart de nos prédictions.
Plus particulièrement, pour les comportements positifs, les explications
internes/stables en terme de trait sont bien positivement associées au score global de
désirabilité (� = .27). Ces explications ne sont pas les seules à être reliées positivement à cette
dimension. En effet, plus les enseignants imaginent que l’élève explique ses comportements
positifs par des explications internes/instables, plus ils le décrivent comme désirable (� = .31).
Seul le score des explications externes/instables l’est négativement (� = -.33).
Pour les comportements négatifs, comme nous l’attendions, le score d’explications
internes/instables en terme d’intention est positivement associé à la désirabilité des élèves (�
= .25). En revanche, le score d’explications internes/stables en terme de trait est négativement
et significativement associé à leur désirabilité (� = -.19). En regard des résultats de l’étude 4,
nous nous attendions à que cette catégorie d’explications ne soit pas marquée sur cette
dimension. Il n’en est rien puisque plus les enseignants pensent que l’élève aurait recours à ce
type d’explications, moins ils le décrivent comme désirable.
Pour les renforcements positifs, les résultats sont conformes à nos attentes, au moins
en ce qui concerne les explications internes/instables en terme d’effort (� = .33). Plus les
enseignants pensent que l’élève explique ses réussites par l’effort, plus ils le décrivent comme
désirable. Notons toutefois que le score des explications internes/stables en terme d’habileté
est négativement associé à la désirabilité (� = -.27). Ce résultat peut paraître surprenant. Là
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
250
aussi, en regard des résultats antérieurs, nous nous attendions à ce que cette catégorie
d’explications soit neutre sur cette dimension. En matière d’externalité, seules les explications
externes/stables en terme de chance sont négativement liées à la désirabilité (� = -.27).
Enfin, pour les renforcements négatifs, les données vont dans le sens de nos
hypothèses puisque le score d’explications internes/instables en terme d’effort est le seul à
être positivement et significativement relié à la désirabilité (� = .41). Le seul score à être
négativement associé à cette dimension est celui des explications externes/stables en terme de
difficulté de la tâche (� = -.32).
Tableau 7.4. Coefficients � des relations entre chacune des différentes catégories
d’explications et le score global d’utilité
Comportements Renforcements
Positifs Négatifs Positifs Négatifs
Interne/Instable -.01 -.08 -.09 .24*
Interne/Stable .20* .10 .20* -.20*
Externe/Instable -.05 .13 -.18t -.04
Externe/Stable -.07 -.12 .06 -.01
Note. N = 105, ** p < .01, * p < .05, t p < .10
Sur la dimension utile, les résultats obtenus vont tout à fait dans le sens de nos
hypothèses sur l’utilité des explications internes. En effet, pour les comportements positifs, le
score d’explications internes/stables en terme de trait est bien positivement associé à l’utilité
des élèves (� = .20).
En revanche, pour les comportements négatifs, aucune catégorie n’apparaît
significativement reliée à l’utilité des élèves.
Pour les renforcements positifs, seul le score d’explications internes/stables en terme
d’habileté est lié positivement et significativement à l’utilité des élèves (� = .20). Le score
d’explications externes/instables y est négativement mais tendanciellement associé (� = -.18).
Enfin, pour les renforcements négatifs, les résultats vont encore une fois dans le sens
de nos prédictions. En effet, le score d’explications internes/instables en terme d’effort est
positivement et significativement associé à l’utilité (� = .24). Inversement, cette relation est
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
251
négative pour le score d’explications internes/stables en terme d’habileté (� = -.20).
En résumé, ces résultats indiquent l’existence de variations de valeur sociale au sein
du registre interne et ce, sur la désirabilité comme sur l’utilité. En effet, sur ces deux
dimensions, certaines explications internes apparaissent valorisées alors que d’autres semblent
dévalorisées. Cette hétérogénéité se retrouve également dans le registre externe et indique que
toutes les explications externes ne sont pas stigmatisées au même titre. Globalement, le fait
qu’une catégorie d’explications soit valorisée sur une dimension n’implique pas forcément
qu’elle le soit sur l’autre. Il est même possible qu’une catégorie d’explications soit valorisée
sur une dimension et dévalorisée sur l’autre.
1.4. Discussion
Les résultats que nous avons obtenus à partir du score d’internalité nous semblent
intéressants à plus d’un titre. Tout d’abord, si l’on s’en tient uniquement à l’opposition
interne/externe, il apparaît que l’internalité est reliée positivement à la désirabilité et non à
l’utilité. Plus les élèves sont décrits comme internes, plus ils sont décrits comme désirables. A
la lecture de ces résultats, il semblerait que l’internalité soit préférentiellement associée à la
désirabilité plutôt qu’à l’utilité. Une telle conclusion contraste donc avec celles émises sur la
base de travaux qui ancrent la norme d’internalité dans l’utilité plus que dans la désirabilité
(Cambon, Djouari, & Beauvois, 2001, cités par Beauvois, 2003b; Dubois, 2005a; Dubois &
Beauvois, 2005). Au moins trois explications non exclusives nous semblent pouvoir être
avancées pour rendre compte de cette divergence. La première est d’ordre statistique. Bien
qu’elle n’atteigne jamais le seuil de significativité fixé (p < .05), la relation entre l’internalité
attribuée aux élèves et le degré d’utilité de leurs descriptions personnologiques est positive
pour la plupart des quatre catégories d’événements. Cette absence de significativité peut être
due, tout simplement, à un problème de puissance de test87. Une augmentation du nombre de
participants pourrait peut-être alors suffire à rendre significative cette relation. Toutefois, si
cette explication peut justifier pourquoi, dans notre étude, l’internalité n’est pas reliée à
l’utilité, elle n’explique pas pourquoi celle-ci est reliée positivement à la désirabilité. Est-ce
propre à notre population ? Cette hypothèse ne peut pas être écartée. Contrairement aux
travaux conduits jusqu’à présent dans ce domaine où l’on demandait à des étudiants de juger
des pairs connus par leur degré de normativité (Cambon, Djouari, & Beauvois, 2001, cités par
87 Avec un seuil d’erreur � de .05 et un effectif total de 105 participants, la puissance de test associée à une valeur de .09 (bilatéral) s’élève à .14, ce qui s’avère très en deçà du critère d’acceptabilité en la matière (>.80, voir à ce propos Cohen, 1990).
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
252
Beauvois, 2003b; Dubois, 2005a; Dubois & Beauvois, 2005), dans notre étude, nous avons
associé la représentation que se font les enseignants des réponses données à un questionnaire
d’internalité par un élève spécifique à la description personnologique qu’ils font de lui. De
fait, la relation entre internalité et désirabilité que nous avons observée pourrait être due au
fait que les enseignants ont appris à considérer l’internalité comme désirable de par son
utilité. On rejoint par là les propos de Beauvois (1995) lorsqu’il énonce que « les utilités
sociales peuvent être ou devenir désirables sur la seule base du fait que ce sont des utilités
sociales » (p.376). Les enseignants, de par leur fonction d’évaluation et de formation,
pourraient apprendre à considérer que ce qui est utile est également désirable (Dubois &
Beauvois, 2001; Pansu & Beauvois, 2004).
A s’en tenir là, on pourrait conclure que ces deux explications suffisent à rendre
compte des divergences observées entre nos résultats et ceux disponibles dans la littérature.
Mais, la prise en compte de la spécificité des catégories nous invite à les dépasser. En effet,
ces résultats indiquent l’existence de variations de valeur au sein des registres interne et
externe à la fois sur la désirabilité et sur l’utilité. Rappelons-nous à ce propos des effets
observés dans les études 3 et 4 où l’on observait que le score d’internalité semblait être le
reflet de l’agrégation des effets des catégories qui composent ce score. Nous avions vu 1) que
la valeur véhiculée par le score d’internalité pouvait provenir de la valeur de certaines
explications internes plutôt que d’autres et 2) que les explications impliquées pouvaient varier
en fonction du paradigme utilisé. A étendre ce raisonnement aux relations entre l’internalité et
les deux composantes de la valeur sociale, il ressort que les variations de résultats quant à
l’ancrage de l’internalité sur l’utilité ou sur la désirabilité pourraient relever de cette même
logique. Cet ancrage pourrait dépendre de la composition du score d’internalité par certaines
catégories d’explications internes ancrées sur une dimension plutôt que sur l’autre. La valeur
accordée à ce score pourrait alors provenir, tout simplement, de la présence de certaines
catégories d’explications internes plutôt que d’autres dans le questionnaire. En effet, les
résultats des modèles de régression intégrant les scores des différentes catégories
d’explications, s’ils ne nous permettent pas de conclure véritablement sur ce point, indiquent
clairement que toutes les explications internes ne sont pas porteuses de valeur au même titre
et que cette valeur peut varier en fonction de la dimension considérée, utile ou désirable. Sur
ce point, plusieurs de nos prédictions – faites sur la base des résultats de l’étude 4 – se sont
avérées confirmées. Le tableau 7.5. présente ces prédictions ainsi que les résultats obtenus sur
la désirabilité.
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
253
Tableau 7.5. Comparaison des hypothèses avec les résultats de l’étude 8 sur la désirabilité
Comportements Renforcements
Positifs Négatifs Positifs Négatifs
A B A B A B A B
Interne/Instable + + + + + + + +
Interne/Stable + + = - = - = =
Externe/Instable - - = = - - - =
Externe/Stable - = - = = = - -
Note. A : valeur théorique, B : étude 8, + : catégorie valorisée, - : catégorie dévalorisée, = : catégorie non valorisée
Le tableau 7.5 révèle en premier lieu que, sur les 16 hypothèses portant sur la
désirabilité, 11 ont été non infirmées. Il ressort notamment que la désirabilité de l’internalité
est surtout le fait des explications internes/instables (intention pour les comportements et
effort pour les renforcements) indépendamment de la valence des événements et des
explications internes/stables qui mobilisent des traits pour les comportements positifs (voir
catégories + dans le tableau 7.5). Toutefois certaines explications internes comme celles en
terme d’habileté apparaissent dévalorisées sur cette dimension lorsqu’elles rendent compte
des renforcements positifs. Plus les enseignants pensent que les élèves ont expliqué leurs
réussites par l’habileté, moins ils les décrivent comme désirables. Une telle hétérogénéité de
valeur se retrouve au sein du registre externe puisque toutes les catégories d’explications
externes ne sont pas indésirables. Ce tableau présente également un autre intérêt. Il permet de
mieux comprendre certains résultats obtenus à partir du score global d’internalité. Rappelons-
nous, ce score était apparu significativement lié à la désirabilité pour les comportements
positifs et les renforcements négatifs. Or, si l’on considère que les effets du score d’internalité
sont le résultat de l’agrégation des effets des explications qui le composent, il n’est plus
surprenant de voir que le score d’internalité n’est pas significativement relié à la désirabilité
dans le cas des comportements négatifs et des renforcements positifs. En effet, pour ces deux
types d’événements, si l’une des catégories d’explications internes est associée positivement à
la désirabilité, l’autre l’est négativement. Le fait d’agréger ces deux catégories a pour
conséquence d’annuler leurs effets respectifs.
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
254
Un constat similaire peut être fait pour la dimension de l’utilité. Le tableau 7.6.
présente les hypothèses sur les relations entre les différentes catégories d’explications et
l’utilité.
Tableau 7.6. Comparaison des hypothèses avec les résultats de l’étude 8 sur l’utilité
Comportements Renforcements
Positifs Négatifs Positifs Négatifs
A B A B A B A B
Interne/Instable = = = = = = + +
Interne/Stable + + = = + + - -
Externe/Instable = = + = - - = =
Externe/Stable - = - = = = - =
Note. A : valeur théorique, B : étude 8, + : catégorie valorisée, - : catégorie dévalorisée, = : catégorie non valorisée
Là encore, il apparaît que la majorité des hypothèses issues de l’étude 4 s’est avérée
non infirmée. En effet, 12 d’entre elles sont conformes à nos prédictions. Comme pour la
désirabilité, toutes les explications internes ne semblent pas porteuses d’utilité. Certaines
semblent même dévalorisées sur cette dimension. C’est le cas, par exemple, des explications
internes/stables en terme de manque d’habileté pour les renforcements négatifs. Ce tableau
nous apporte également quelques éclairages sur les relations entre le score d’internalité global
et l’utilité. Bien que non significative, la relation entre le score d’internalité et l’utilité semble
varier en fonction des effets des catégories qui le composent. Comme on pouvait le supposer,
les événements où l’internalité apparaît le plus reliée à l’utilité sont ceux où une des
catégories d’explications internes est positivement reliée à l’utilité. C’est le cas des
événements positifs pour les comportements et les renforcements. Dans le cas des événements
négatifs, l’absence d’effet au niveau du score d’internalité pourrait provenir de causes
distinctes. Pour les comportements négatifs, cette absence d’effet pourrait être due au fait
qu’aucune catégorie d’explications internes n’est particulièrement porteuse d’utilité. Pour les
renforcements négatifs, l’absence d’effet pourrait provenir du fait que les deux catégories
d’explications internes qui composent le score global d’internalité ont des effets inverses
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
255
(positif pour les explications internes/instables en terme d’effort et négatif pour les
explications internes/stables en terme d’habileté). L’agrégation de ces deux catégories en un
même score d’internalité pourrait alors aboutir à une annulation réciproque des relations de
ces catégories avec l’utilité. De fait si les degrés d’utilité ou de désirabilité du score
d’internalité dépendent des catégories d’explications qui le composent, il n’est plus étonnant
d’observer des variations entre deux études n’utilisant pas le même questionnaire
d’internalité. En effet, on peut alors comprendre qu’un questionnaire composé d’explications
internes fortement utiles et peu désirables (e.g. les explications internes/stables en terme
d’habileté) puisse conduire les chercheurs à conclure que la norme d’internalité s’ancre plus
dans l’utilité que dans la désirabilité. Inversement un questionnaire comprenant des
explications internes s’ancrant fortement dans la désirabilité et peu dans l’utilité (e.g. les
explications en terme d’effort pour les renforcements positifs) conduirait à conclure que la
norme d’internalité s’ancre plus dans la désirabilité que dans l’utilité.
A ce stade de notre travail, nous pouvons avancer que 1) si certaines explications
internes semblent fortement valorisées, d’autres ne le sont pas, voire même sont dévalorisées,
2) cette valorisation n’a de sens que si l’on tient compte de la composante de la valeur sociale
sur laquelle elle s’exprime, 3) les relations entre le score d’internalité et les deux composantes
de la valeur sociale semblent être le résultat d’un phénomène d’agrégation. Dès lors, pour
pouvoir étudier la valeur sociale des explications causales, il semble nécessaire, d’une part, de
dépasser le seul critère interne/externe dans la classification des explications causales et,
d’autre part, de définir la dimension de jugement sur laquelle on souhaite étudier les effets des
explications. Cependant, si nos résultats plaident en faveur de ces deux points, il nous semble
nécessaire d’aller plus en avant en cherchant, à partir d’une autre méthodologie, à les
reproduire en contexte naturel de classe.
2. Etude 9 : Réplication et prolongement en milieu naturel de classe
2.1. Vue générale
Des enseignants devaient imaginer les réponses des élèves de leur classe au
questionnaire d’internalité scolaire (version b). Ils devaient également les décrire à l’aide
d’une liste de traits de personnalité et juger de leur niveau scolaire en français et en
mathématiques. Les données sont issues du même échantillon que celui des études 4 et 7 (cf.
tableau 1, p.6).
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
256
2.2. Méthode
Les participants sont les mêmes que ceux des études 4 et 7 (cf. tableau 1, p.6), soit 499
élèves de CE2 et leurs 33 enseignants. Le matériel utilisé et la procédure mise en place sont
identiques à ceux de ces études (cf. tableau 4.11.).
2.3. Résultats
Les données récoltées ont été analysées de la même façon que pour les études 3, 4 et
8. Un premier ensemble d’analyses a été mené en utilisant le seul critère interne/externe. Les
données ont ensuite été retraitées à partir des différentes catégories d’explications manipulées
dans le questionnaire d’internalité scolaire.
Comme dans le cas de l’étude 8, le score global d’utilité et le score global de
désirabilité ont été créés à partir des scores factoriels obtenus à la suite d’une analyse
factorielle (factorisation en axes principaux, rotation oblimin) sur les huit traits qui composent
l’échelle réduite de désirabilité et d’utilité scolaire (cf. étude 7)88.
2.3.1. Analyses à partir du score global d’internalité
Différents modèles de régression ont été réalisés. Ces modèles reposent sur un modèle
de base intégrant différentes variables de contrôle : le score moyen des élèves aux épreuves
standardisées, le niveau scolaire moyen de la classe, la catégorie socioprofessionnelle du père
des élèves, le sexe des élèves ainsi que leur statut de redoublant. Les variables dépendantes
sont respectivement le score global de désirabilité et le score global d’utilité. Nous avons ici
aussi (cf. étude 8) intégré dans chacun des modèles de régression le score des élèves sur la
dimension non utilisée comme variable dépendante.
Ainsi, pour chaque score global (l’un de désirabilité, l’autre d’utilité), six modèles de
régression ont été créés. Ils se différenciaient au niveau des différents scores d’internalité
testés. Le tableau 7.7. présente, tout d’abord, les six modèles testés avec comme variable
dépendante le score global de désirabilité89.
88 Cette analyse indique que deux facteurs non orthogonaux (r = -.37) permettent d’expliquer conjointement 59.95% de la variance totale. Le premier axe, correspondant à la dimension de l’utilité (42.48%), oppose les traits utiles (performance = .89 ; intelligent = .78) aux traits inutiles (faible = -.70 ; lent = -.66). Le second facteur, correspondant à la dimension de la désirabilité (17.47%), oppose les traits indésirables (pénible = .80 ; insolent = .77) aux traits désirables (agréable = -.79 ; gentil = -.68). Etant donné que les deux dimensions sont corrélées négativement, nous avons multiplié les scores factoriels obtenus sur la dimension de la désirabilité par la valeur -1 de façon à faciliter la lecture des résultats. 89 L’ensemble des variables intégrées dans ces modèles a été centré.
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
257
Tableau 7.7. Modèles de régression évaluant l’effet de l’internalité sur le score global de désirabilité
Modèle 1 Modèle 2 Modèle 3 Modèle 4 Modèle 5 Modèle 6
Score moyen de l’élève aux épreuves standardisées Score moyen de la classe aux épreuves standardisées Profession du père (référence = cadre)
Artisan Profession intermédiaire Employé Ouvrier Autre
Fille Redoublement Score global d’utilité Score d’internalité global Type d’événements Valence des événements Interaction Type x Valence Score d’internalité : Comportements positifs Score d’internalité : Comportements négatifs Score d’internalité : Renforcements positifs Score d’internalité : Renforcements négatifs
-.08 .03
.02 -.03 .01 -.03 -.05
-.30** -.02
.35**
.17**
-.08 .05
.02 -.02 .00 -.03 -.06
-.31** -.01
.41**
.03
.06 .08*
-.10 .05
.01 -.03 -.01 -.05 -.07
-.25** -.03
.36**
.24**
-.09 .06
.01 -.03 .01 -.02 -.06
-.30** -.01
.43**
-.07t
-.09 .05
.02 -.02 .01 -.02 -.06
-.31** -.01
.41**
.02
-.09 .02
.03 -.02 .02 -.02 -.04
-.30** -.02
.38**
.19**
R² .31 .29 .33 .29 .28 .31 Note. Les coefficients de régression présentés sont standardisés (�). N = 499, ** p < .01, * p < .05, t p < .10
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
258
Le modèle 1 indique que le score global d’internalité perçue par les enseignants est
relié positivement au score global de désirabilité (� = .17). Plus les enseignants imaginent que
leurs élèves sont internes, plus ils les décrivent comme désirables. Toutefois, le modèle 2
indique l’existence d’une interaction significative entre le type d’événements et leur valence.
L’effet de l’internalité sur le score global de désirabilité est plus marqué pour les
comportements positifs et les renforcements négatifs que pour les comportements négatifs et
les renforcements positifs. Les modèles 3, 4, 5 et 6 confirment ce pattern de résultats. En
effet, la relation entre internalité perçue par les enseignants et désirabilité des élèves n’est
positive et significative que pour les comportements positifs (� = .24) et les renforcements
négatifs (� = .19). Cette relation n’est pas significative pour les renforcements positifs et
apparaît même tendanciellement négative pour les comportements négatifs (� = -.07).
Après avoir testé les six modèles sur le score global de désirabilité, nous avons retesté
les mêmes modèles sur le score global d’utilité90. Le tableau 7.8. indique que le score global
d’internalité perçue par les enseignants est positivement et significativement relié au score
global d’utilité des élèves (� = .17). Le modèle 2 indique que cette relation ne semble pas
varier en fonction du type et de la valence des événements. En effet, comme l’indique les
modèles 3, 4, 5 et 6, la relation entre l’internalité perçue et le score global d’utilité est positive
et significative pour les comportements positifs (� = .08), pour les comportements négatifs (�
= .09), pour les renforcements positifs (� = .14) et pour les renforcements négatifs (� = .07). A
suivre ces résultats, il semblerait bien que l’internalité soit associée à l’utilité
indépendamment de la catégorie d’événements considérée.
90 L’ensemble des variables intégrées dans ces modèles a été centré.
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
259
Tableau 7.8. Modèles de régression évaluant l’effet de l’internalité sur le score global d’utilité
Modèle 1 Modèle 2 Modèle 3 Modèle 4 Modèle 5 Modèle 6
Score moyen de l’élève aux épreuves standardisées Score moyen de la classe aux épreuves standardisées Profession du père (référence = cadre)
Artisan Profession intermédiaire Employé Ouvrier Autre
Fille Redoublement Score global de désirabilité Score d’internalité global Type d’événements Valence des événements Interaction Type x Valence Score d’internalité : Comportements positifs Score d’internalité : Comportements négatifs Score d’internalité : Renforcements positifs Score d’internalité : Renforcements négatifs
.65** -.36**
-.06 -.06
-.12** -.09* -.04 -.00
-.10** .22** .17**
.68** -.36**
-.07t -06t
-.12** -.08t -.05 -.01
-.10** .27**
.03 .03 -.03
.67** -.35**
-.07t -.06
-.12** -.09* -.05 -.01
-.10** .24**
.08*
.68** -.36**
-.06 -.05
-.11** -.08t -.04 -.01
-.09** .27**
.09**
.67** -.36**
-.07 -.07
-.13** -.09* -.05 -.02
-.10** .25**
.14**
.68** -.37**
-.06 -.06
-.12** -.08t -.07* -.04
-.10** .25**
.07*
R² .56 .54 .54 .55 .56 .54 Note. Les coefficients de régression présentés sont standardisés (�). N = 499, ** p < .01, * p < .05, t p < .10
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
260
Après avoir testé les relations entre le score d’internalité des élèves perçu par les
enseignants et les deux composantes de la valeur sociale, nous avons cherché à mettre en
relation ces résultats avec ceux obtenus dans l’étude 4. Rappelons que dans cette étude
(paradigme d’identification/jugement), nous avions observé que le score global d’internalité
perçu par les enseignants était positivement et significativement associé au jugement moyen
qu’ils portaient sur leurs élèves. Or, nous avons également avancé l’idée que le paradigme
d’identification/jugement était une méthode particulièrement adaptée pour mesurer l’utilité
sociale plus que la désirabilité. Si tel est le cas, nous devrions nous attendre à ce que l’effet de
l’internalité perçue sur le jugement scolaire soit médiatisé par l’utilité des élèves et non par
leur désirabilité. En d’autres termes, plus les élèves seraient perçus par leurs enseignants
comme internes, plus ces derniers devraient les décrire comme étant utiles, et plus ils
devraient les juger favorablement. Bien que l’internalité perçue soit également reliée
positivement à la désirabilité des élèves, cette dernière variable ne devrait pas médiatiser
l’effet de l’internalité perçue sur le jugement scolaire.
Pour tester nos hypothèses, nous avons réalisé une analyse de médiation (Baron &
Kenny, 1986; Brauer, 2000; Kenny et al., 1998; MacKinnon, Lockwood, Hoffman, West, &
Sheets, 2002; MacKinnon, Warsi, & Dwyer, 1995; Muller & Judd, 2005; Preacher & Hayes,
2004; Shrout & Bolger, 2002)91. Toutefois, celles-ci impliquant deux médiateurs potentiels,
nous avons introduit deux modifications dans la procédure originale proposée par Baron et
Kenny (1986). La première concerne l’intégration des différentes variables de contrôle
présentes dans le modèle de base. L’intégration de ces variables dans l’analyse de médiation a
pour but de s’assurer de ne mesurer à chaque étape que la relation unique entre la ou les
variables indépendantes d’intérêt et la variable dépendante. La seconde modification consiste
à tester, non pas trois modèles de régression mais quatre. Le premier modèle vise à tester la
significativité de la relation entre l’internalité perçue et le jugement scolaire moyen tout en
contrôlant les effets des variables impliquées dans le modèle de base92. Le deuxième modèle
vise à tester la significativité de la relation entre le score d’internalité perçu et le score global
91 La réalisation d’une analyse de médiation implique trois variables distinctes : une variable indépendante, un médiateur, une variable dépendante. Elle nécessite de tester trois modèles de régression distincts. Le premier modèle teste la significativité de la relation entre la variable indépendante et la variable dépendante. Le second modèle de régression teste la significativité de la relation entre la variable indépendante et le médiateur. Enfin, le troisième modèle intègre les trois variables et vise à vérifier si la relation entre le médiateur et la variable dépendante persiste lorsqu’on contrôle l’effet de la variable indépendante sur la variable dépendante. De plus, la relation entre la variable indépendante et la variable dépendante doit au mieux disparaître (il s’agit alors d’une médiation complète) ou a minima diminuer de façon significative (il s’agit alors d’une médiation partielle) lorsqu’on contrôle l’effet du médiateur sur la variable dépendante. 92 Ce modèle correspond au modèle 1 testé dans l’étude 4.
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
261
de désirabilité en contrôlant les effets des autres variables impliquées dans le modèle de base
et celui du score global d’utilité. Le troisième modèle vise à tester la significativité de la
relation entre le score d’internalité perçu et le score global d’utilité en contrôlant les effets des
autres variables impliquées dans le modèle de base et celui du score global de désirabilité93.
Enfin, le quatrième et dernier modèle vise à tester les relations entre le score global
d’internalité perçu, le score global de désirabilité, le score global d’utilité et le jugement
scolaire moyen, tout en contrôlant les effets des autres variables intégrées dans le modèle de
base. La figure 7.1. présente les différents coefficients d’intérêts obtenus dans les quatre
modèles de régression réalisés94.
Figure 7.1. Analyse de médiations multiples de la relation entre l’internalité perçue par les
enseignants et le jugement scolaire moyen
Le premier modèle indique que la relation entre l’internalité perçue et le jugement
scolaire est bien significative et positive, toute chose égale par ailleurs (� = .16). Les
deuxième et troisième modèles indiquent que l’internalité perçue par les enseignants est
positivement associée à la fois au score global de désirabilité des élèves (� = .17) et au score
global d’utilité (� = .17). Enfin, le quatrième modèle indique, d’une part, que la relation entre
l’internalité perçue et le jugement scolaire n’est plus significative (� = .00) lorsqu’on contrôle
les effets des deux médiateurs et, d’autre part, que seule la relation entre le score global
93 Les deuxième et troisième modèles correspondent aux modèles 1 testés précédemment sur les scores globaux de désirabilité et d’utilité. 94 L’intégralité de ces coefficients présentés dans la figure 7.1. est à comprendre à performances des élèves, niveau de la classe, C.S.P. du père, sexe et redoublement contrôlés. Pour les coefficients reliant l’internalité perçue à l’une des composantes de la valeur sociale, la relation de cette variable avec l’autre composante est également contrôlée.
Score d’internalité perçu par l’enseignant
Jugement scolaire moyen
Score global de désirabilité
Score global d’utilité
.00 (.16*)
.02
.74* .17*
.17*
*p < .05
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
262
d’utilité et le jugement scolaire est significative (� = .74), la relation entre le score global de
désirabilité ne l’étant pas (� = .02). Afin de tester la significativité de l’effet indirect de
l’internalité perçue au travers des deux médiateurs, deux tests de Sobel ont été réalisés (Sobel,
1982)95. Le premier test réalisé avec le score global d’utilité en tant que variable médiatrice
indique que l’effet indirect du score d’internalité perçu sur le jugement scolaire moyen est
significatif, Z = 4.99, p < .0001. Le second test réalisé avec le score global de désirabilité en
tant que variable médiatrice révèle que cet effet indirect n’est pas significatif, Z = 0.92, ns. En
regard de ces résultats, seul le score global d’utilité des élèves peut être considéré comme un
médiateur de la relation entre l’internalité perçue par les enseignants et le jugement scolaire
moyen.
2.3.2. Analyses à partir des scores des catégories d’explications
Les données recueillies ont été retraitées en prenant en compte les différentes
catégories d’explications disponibles dans le questionnaire d’internalité scolaire (version b).
16 modèles de régression ont été réalisés. Ces modèles intégraient un modèle de base
comprenant le score moyen des élèves aux épreuves standardisées, le niveau scolaire moyen
de la classe, la catégorie socioprofessionnelle du père de l’élève, son sexe ainsi que son
histoire scolaire (redoublant vs. non redoublant). En fonction de la variable dépendante
utilisée (score global de désirabilité vs. score global d’utilité), l’autre composante de la valeur
sociale a été intégrée dans le modèle de façon à séparer les effets de ces deux dimensions (r =
-.37). Chacun des 16 modèles intègre un et un seul des 16 scores du questionnaire
d’internalité scolaire. Le tableau 7.9. présente les coefficients � de la relation entre chacun des
scores des catégories d’explications avec le score global de désirabilité.
95 Les deux tests de Sobel ont été réalisés sur la base des t de Student calculés pour tester la significativité des relations présentées dans la figure 7.1. Ces tests prennent donc en compte l’ensemble des variables de contrôle incluses dans les différents modèles.
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
263
Tableau 7.9. Coefficients � des relations entre les scores des différentes catégories du
questionnaire d’internalité et le score global de désirabilité
Comportements Renforcements
Positifs Négatifs Positifs Négatifs
Interne/Instable .12** .08* -.02 .25**
Interne/Stable .18** -.20** .04 -.08*
Externe/Instable -.12** .12** -.02 .07t
Externe/Stable -.17** -.07t -.01 -.18**
Note. N = 499, ** p < .01, * p < .05, t p < .10
Les résultats obtenus indiquent, là encore, l’existence de variations de valeur au sein
du registre interne. En effet, toutes les explications internes ne sont pas porteuses de
désirabilité.
Pour les comportements positifs, conformément à nos hypothèses, les explications
internes/stables en terme de trait sont positivement et significativement associées à la
désirabilité des élèves (� = .18). De plus, les explications/instables en terme d’intention
apparaissent également reliées positivement à cette dimension (� = .12). A l’inverse, les deux
explications externes (instables en terme d’action d’autrui et stables en terme de contrainte
extérieure) sont significativement et négativement associées à la désirabilité des élèves (� = -
.12 et � = -.17 respectivement).
Pour les comportements négatifs cette fois, les seules explications internes à être
positivement associées à la désirabilité des élèves sont les explications internes/instables en
terme d’intention (� = .08). Les explications internes/stables en terme de trait sont, quant à
elles, reliées négativement à la désirabilité (� = -.20). Ce résultat, s’il ne correspond pas à
notre hypothèse initiale, est toutefois conforme aux données de l’étude 8. De plus au sein du
registre externe, si les explications externes/instables en terme d’action d’autrui apparaissent
positivement associées à cette dimension (� = .12), les explications externes/stables lui sont
tendanciellement mais négativement associées (� = -.07).
S’agissant des renforcements positifs, contrairement à nos attentes, les explications
internes/instables en terme d’effort n’apparaissent pas significativement associées à cette
dimension.
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
264
En revanche, pour les renforcements négatifs, les explications internes/instables en
terme d’effort sont bien positivement associées à la désirabilité (� = .25). Cependant,
contrairement à nos attentes, les explications internes/stables en terme d’habileté sont
associées négativement à cette dimension (� = -.08). La seule catégorie associée négativement
reliée à la désirabilité est celle des explications externes/stables en terme de difficulté de la
tâche (� = -.18). Les explications externes/instables en terme de chance sont quant à elles
tendanciellement mais positivement associées à cette dimension (� = .07).
Concernant la dimension de l’utilité, les résultats obtenus confirment la plupart de nos
hypothèses (cf. tableau 7.10.).
Tableau 7.10. Coefficients � des relations entre les scores des différentes catégories du
questionnaire d’internalité et le score global d’utilité
Comportements Renforcements
Positifs Négatifs Positifs Négatifs
Interne/Instable .02 .02 .04 .11**
Interne/Stable .07* .10** .14** -.05
Externe/Instable -.03 -.01 -.18** .01
Externe/Stable -.05 -.12** -.02 -.11**
N = 499, ** p < .01, * p < .05, t p < .10
Pour les comportements positifs, seules les explications internes/stables en terme de
trait sont significativement associées à cette dimension (� = .07). Comme nous le supposions,
plus les enseignants pensent que leurs élèves ont choisi ce type d’explications, plus ils les
décrivent comme utiles. Il en est de même pour les comportements négatifs, les explications
internes/stables en terme de trait sont apparues comme étant positivement reliées à l’utilité (�
= .10). A l’inverse, seules les explications externes/stables en terme de contrainte extérieure
sont négativement associées à l’utilité (� = -.12).
Pour les renforcements positifs, les explications internes/stables en terme d’habileté
sont les seules à être positivement associées à l’utilité des élèves (� = .14). Inversement, la
seule catégorie d’explications externes à être négativement reliée à l’utilité est celle composée
d’explications externes/instables en terme de chance (� = -.18). Enfin, pour les renforcements
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
265
négatifs, conformément à nos hypothèses, les seules explications reliées positivement à
l’utilité sont les explications internes/instables en terme d’effort (� = .11). Toutefois,
contrairement à nos attentes, les explications internes/stables en terme d’habileté ne sont pas
significativement associées à l’utilité. Bien que négative (� = -.05), la relation n’atteint pas le
seuil de significativité fixé. Les seules explications à être associées négativement à l’utilité
pour rendre compte de ce type d’événements sont celles externes/stables en terme de difficulté
de la tâche (� = -.11).
Enfin, les dernières analyses effectuées ont consisté à tester les rôles médiateurs de
l’utilité et de la désirabilité sociales concernant les effets des différentes catégories
d’explications sur le jugement scolaire moyen (cf. étude 4). Comme pour le score global
d’internalité, nous nous attendons à ce que les relations entre les différentes catégories
d’explications et le jugement scolaire moyen soient expliquées plus par l’utilité et que par la
désirabilité. Pour ce faire, nous avons réalisé 16 analyses de médiations multiples. Pour
chaque analyse (une par catégorie d’explications), nous avons testé quatre modèles de
régression. Chacun de ces modèles intègre systématiquement les variables de contrôle
usuelles (le score moyen des élèves aux épreuves standardisées, le niveau scolaire moyen de
la classe, la catégorie socioprofessionnelle du père des élèves, le sexe des élèves ainsi que leur
statut de redoublant). Le premier modèle teste la significativité de la relation entre le score des
élèves sur la catégorie d’explications d’intérêt et le jugement scolaire moyen. Le deuxième
modèle teste la relation entre le score des élèves sur la catégorie d’explication d’intérêt et
l’utilité des élèves tout en contrôlant leur désirabilité. Le troisième modèle teste la relation
entre le score des élèves sur la catégorie d’explication d’intérêt et la désirabilité des élèves
tout en contrôlant leur utilité. Enfin, le quatrième modèle teste 1) si l’utilité des élèves est
reliée au jugement scolaire moyen lorsqu’on contrôle le score des élèves sur la catégorie
d’explications d’intérêt et leur score de désirabilité, 2) si l’effet du score des élèves sur la
catégorie d’explications d’intérêt sur le jugement scolaire moyen disparaît lorsque l’on
contrôle l’utilité des élèves ainsi que leur désirabilité. De plus, pour chacune des 16 analyses
de médiations multiples, nous avons testé la significativité des effets indirects impliquant soit
l’utilité des élèves, soit leur désirabilité par l’intermédiaire de tests de Sobel (1982).
Le tableau 7.11. résume les résultats les plus importants des analyses de médiations
multiples effectuées. La première colonne de ce tableau présente les coefficients de régression
entre les scores de chaque catégorie d’explications et le jugement scolaire moyen lorsque l’on
contrôle les effets des deux médiateurs. Dans cette colonne sont présentés entre parenthèses
les coefficients de régression des relations entre les différentes catégories d’explications et le
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
266
jugement scolaire moyen (cf. tableau 4.17.). Les deux autres colonnes du tableau 7.11.
présentent les résultats des tests de significativité des effets indirects (tests de Sobel) des
scores des catégories d’explications sur le jugement scolaire moyen à partir avec comme
variable intermédiaire soit l’utilité des élèves (colonne 2) soit la désirabilité des élèves
(colonne 3). Pour les relations entre les différentes catégories d’explications et les deux
médiateurs (modèles 2 et 3), le lecteur est invité à se reporter aux tableaux 7.9 et 7.10.
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
267
Tableau 7.11. Analyses de médiations multiples des relations entre les scores des différentes
catégories d’explications perçues par les enseignants et le jugement scolaire moyen
Jugement scolaire moyen
Test de Sobel (utilité)
Test de Sobel (désirabilité)
Comportements positifs
Interne/instable (intention) -.02 (.03) 0.72 0.85
Interne/stable (trait) -.00 (.09*) 2.13* 0.95
Externe/instable (autrui) .00 (-.04) -0.98 -0.90
Externe/stable (contrainte) -.01 (-.07*) -1.61 -0.89
Comportements négatifs
Interne/instable (intention) -.01 (.03) 0.74 0.86
Interne/stable (trait) -.02 (.02) 2.93** -1.13
Externe/instable (autrui) .05* (.07*) -0.15 1.22
Externe/stable (contrainte) -.04t (-.14**) -3.61** -0.94
Renforcements positifs
Interne/instable (effort) -.02 (.01) 1.11 -0.38
Interne/stable (habileté) .06* (.18**) 4.41** 0.76
Externe/instable (chance) -.07* (-.21**) -5.51** -0.35
Externe/stable (tâche) .03 (.01) -0.53 -0.18
Renforcements négatifs
Interne/instable (effort) -.02 (.14**) 3.04** 1.19
Interne/stable (habileté) -.03 (-.09*) -1.42 -0.97
Externe/instable (chance) .02 (.01) 0.26 -0.81
Externe/stable (tâche) .02 (-.14*) -3.23** -1.14
Note. Les coefficients de régression présentés sont standardisés (�). N = 499, ** p < .01, * p < .05, t p < .10
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
268
Les différentes analyses de médiations multiples réalisées indiquent que, sur les neuf
catégories significativement reliées positivement ou négativement au jugement scolaire, cinq
ne sont plus significatives lorsque l’on contrôle les scores d’utilité et de désirabilité des
élèves. Concernant la dimension de l’utilité, le test de Sobel indique l’existence d’un effet
indirect significatif pour trois d’entre elles. Ainsi, pour les comportements positifs, la relation
positive entre le score d’explications internes/stables en terme de trait perçu par les
enseignants et le jugement scolaire moyen, est complètement médiatisée par le score global
d’utilité des élèves. Plus les enseignants ont eu recours à ce type d’explications, plus ils les
décrivent comme utiles et plus ils les jugent favorablement. De la même façon, pour les
renforcements négatifs, la relation entre le score d’explications internes/instables en terme
d’effort perçu et le jugement scolaire moyen est également complètement médiatisée par leur
utilité. La dernière relation à être complètement médiatisée par l’utilité des élèves est celle
entre le score perçu d’explications externes/stables en terme de difficulté de la tâche et le
jugement des enseignants lorsque ces explications rendent compte des renforcements négatifs.
Trois autres catégories d’explications voient leur relation avec le jugement scolaire
moyen être, au moins en partie, médiatisées par l’utilité des élèves. Ainsi en est-il pour les
comportements négatifs, de la relation entre le score attribué d’explications externes/stables
en terme de contrainte. C’est également le cas pour deux des catégories des renforcements
positifs : d’un côté, les explications internes/stables en terme d’habilité et, de l’autre, les
explications externes/stables en terme de difficulté de la tâche. Notons toutefois que les effets
directs de scores perçus de ces catégories d’explications, bien que significatifs, s’avèrent
extrêmement réduits (�s < .07). Enfin, le test de Sobel indique l’existence d’un effet indirect
significatif transmis au jugement scolaire moyen par l’utilité et dont la relation directe
n’apparaissait pas significative. Cet effet concerne le score attribué aux explications
internes/stables en terme de trait96.
Une seule relation sur les neuf n’est pas expliquée, même partiellement, ni par l’utilité
des élèves, ni par leur désirabilité. Cette relation concerne les explications externes/instables
en terme d’action d’autrui. D’une part, l’introduction des scores globaux de désirabilité et
d’utilité n’a pas rendu non significative la relation entre ce score et le jugement scolaire
moyen. D’autre part, les deux tests de Sobel réalisés indiquent qu’aucun effet indirect n’est
96 Comme le soulignent Shrout et Bolger (2002), ce cas de figure peut se produire lorsque la variable indépendante et la variable dépendante sont trop éloignées causalement pour qu’une relation directe entre elles apparaisse significative. Toutefois, l’introduction d’une variable médiatrice peut mettre en évidence l’existence d’un effet indirect entre ces deux variables en transformant le test d’un effet direct distal en deux tests d’effets plus proximaux.
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
269
significatif. L’existence de cet effet ne semble imputable ni à l’utilité des élèves, ni à leur
désirabilité.
En résumé, sur les neuf relations significatives observées entre les différentes
catégories d’explications et le jugement scolaire moyen, huit sont au moins partiellement
expliquées par l’utilité des élèves telle qu’elle se manifeste dans les descriptions des
enseignants. Aucune de ces relations n’est expliquée par la désirabilité des élèves97.
2.4. Discussion
Les résultats de cette étude appellent à plusieurs commentaires. Tout d’abord, les
résultats obtenus à partir de la seule distinction interne/externe vont globalement dans le sens
de ceux obtenus dans l’étude 8. En effet, nous avons observé une fois de plus que l’internalité
perçue par les enseignants était reliée significativement et positivement à la désirabilité des
élèves telle qu’elle s’exprimait dans les descriptions des enseignants. Nous avons également
observé que cette relation n’est véritablement significative que lorsqu’il s’agissait de rendre
compte des comportements positifs et des renforcements négatifs. En ce qui concerne l’utilité,
contrairement à l’étude 8 où elle n’avait pas atteint le seuil de significativité statistique, la
relation entre l’internalité perçue et l’utilité des élèves apparaît significative et positive98. Ce
résultat nous semble d’autant plus intéressant que cette relation semble relativement stable au
travers des différents types d’événements expliqués. L’analyse de médiations multiples ainsi
que les différents tests de Sobel réalisés indiquent également que seule l’utilité des élèves peut
être considérée comme un médiateur de la relation entre l’internalité perçue et le jugement
scolaire moyen. Ainsi, bien qu’elle apparaisse également liée à la désirabilité, l’internalité
perçue n’aurait d’effet sur le jugement scolaire que par l’intermédiaire de l’utilité. Les
données obtenues vont donc dans le sens d’un modèle causal dans lequel, au-delà des effets
des variables de contrôle incluses dans le modèle de base, la perception des enseignants de
l’internalité de leurs élèves influence positivement l’utilité qu’ils leur attribuent, utilité qui,
elle-même, influence le jugement des enseignants. Si de prime abord, nos résultats semblent
diverger de ceux obtenus par Dubois (2005a) et Dubois et Beauvois (2005) sur la relation
entre internalité et désirabilité, ils confirment que l’internalité est bien associée à l’utilité. Pris
dans leur ensemble, ils suggèrent aussi que la personnologie, et en particulier l’utilité des
97 Un tel résultat n’est pas surprenant puisque que le score global de désirabilité des élèves n’est pas significativement relié au jugement scolaire moyen. 98 Contrairement à l’étude 8 où elle s’est avérée très faible, la puissance de test dans cette étude est plus que satisfaisante (>.96, bilatéral).
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
270
élèves, apparaît comme une variable médiatrice centrale dans la construction du jugement
scolaire (cf. encadré 2).
Encadré 2 : Vers un modèle personnologique de la construction du jugement scolaire
(adapté de B. Dompnier, Pansu, & Bressoux, soumis)
A la suite des travaux de Bressoux et Pansu (1998; 2001a), nous avons proposé, dans
l’encadré 1, un modèle visant à intégrer les principaux déterminants du jugement scolaire. Rappelons que ce modèle suppose que les jugements que portent les enseignants sur leurs élèves dans des disciplines spécifiques sont influencés par 1) les performances effectives des élèves dans la discipline, 2) les performances des élèves dans d’autres disciplines (effet de halo), 3) le niveau moyen de la classe dans la discipline (effet de contexte), 4) l’histoire scolaire des élèves (redoublant vs. non redoublant) et enfin 5) l’adéquation des élèves avec la norme d’internalité. Sur ce dernier point, le modèle propose une organisation des différentes variables liées à la normativité en une chaîne causale allant de la clairvoyance normative des élèves aux jugements disciplinaires. Ainsi, plus les élèves sont clairvoyants à l’égard de la norme d’internalité, plus ils émettent spontanément des explications internes à un questionnaire d’internalité, pour, in fine, être perçus comme plus internes par leurs enseignants et être jugé plus favorablement que d’autres. Enfin, plus les enseignants perçoivent leurs élèves comme internes, plus ils devraient les juger favorablement.
Une version améliorée de ce modèle a été présentée dans l’encadré 1 (voir également, Dompnier, Pansu & Bressoux, 2006). Il est représenté schématiquement dans la figure 7.2.
Jugement en mathématiques
Redoublement
Score de clairvoyance normative
Niveau moyen de la classe (mathématiques)
Score aux épreuves standardisées
(mathématiques)
Score d’internalité en consigne standard
Score aux épreuves standardisées (français)
D
D
Jugement en français
DD
+
+
-
-
-
-
+
+
+ +
+
++
+-
Niveau moyen de la classe (français)
Score d’internalité perçue par l’enseignant
Figure 7.2. Modèle intégratif amélioré (cf. encadré 1)
L’objectif de cet encadré est de proposer de prolonger notre réflexion première sur la
construction du jugement scolaire en cherchant à identifier plus précisément les processus à l’œuvre dans son élaboration. Plus particulièrement, à partir des recherches menées par Dubois et
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
271
Beauvois (2001) sur les deux composantes de la valeur sociale des personnes (cf. chapitre 5), nous supposons que ces deux composantes (utilité et désirabilité) devraient permettre de mieux comprendre les mécanismes qui président à la construction des jugements scolaires disciplinaires.
La personnologie : Un médiateur central dans l’évaluation scolaire
S’appuyant sur les premières idées de Beauvois concernant la personnologie et sur celles plus récentes en rapport à l’approche bidimensionnelle de la valeur sociale des personnes (Beauvois, 1976, 1984a, 1994, 2003b, 2005; Dubois, 2006; Dubois & Beauvois, 2001), nous nous attendons à ce que les inférences personnologiques jouent le rôle de variables médiatrices centrales dans la construction du jugement scolaire. Plus spécifiquement, nous supposons, sur la base des considérations théoriques déjà développées dans le chapitre 5, que de ces deux composantes de la personnologie, seule l’utilité occuperait une place centrale dans la construction des jugements scolaires disciplinaires. De cette conception découlent plusieurs hypothèses.
Premièrement, nous nous attendons à ce que l’utilité des élèves perçue par les enseignants soit fortement reliée à leurs jugements. Cette hypothèse découle des travaux sur l’effet de halo. Celui-ci étant généralement abordé comme l’effet de l’impression globale du juge sur des qualités spécifiques de la personne jugée, nous postulons que l’utilité peut être considérée comme une mesure de cette impression globale. Dès lors, l’utilité des élèves perçue par les enseignants devrait exercer une forte influence sur leurs jugements scolaires : plus les enseignants perçoivent leurs élèves comme utiles, plus ils devraient les juger favorablement.
Deuxièmement, nous supposons que l’utilité perçue par les enseignants soit en partie déterminée par les performances effectives des élèves dans la discipline considérée : plus les élèves ont des performances scolaires élevées, plus ils devraient être perçus comme utiles.
Troisièmement, nous supposons que l’utilité perçue par les enseignants soit fortement dépendante du contexte de la classe. Plusieurs recherches sur la personnologie et le modèle des différences individuelles (Beauvois, 1987a; Pansu & Beauvois, 2004), laissent supposer que la répartition des individus sur des dimensions psychologiques est essentiellement une activité comparative consistant à classer les individus les uns par rapport aux autres. En ce sens, l’utilité perçue par les enseignants devrait être fortement dépendante du niveau des élèves dans chaque classe : plus le niveau de la classe est élevé, moins les enseignants devraient juger leurs élèves comme étant utiles.
Quatrièmement, nous supposons que l’utilité perçue soit reliée à l’internalité perçue. Comme nous l’avons vu dans le chapitre 5, plusieurs recherches ont effectivement mis en évidence que la norme d’internalité s’ancrait préférentiellement dans cette dimension (Dubois, 2005a; Dubois & Beauvois, 2005) : plus les élèves sont perçus comme étant internes par leur enseignant, plus ils devraient être perçus comme utiles par ces derniers.
La conjonction de l’hypothèse 1 avec les hypothèses 2, 3 et 4 nous amène à émettre trois
nouvelles prédictions : - L’utilité des élèves perçue par les enseignants serait un médiateur de l’effet de halo
(hypothèses 1 et 2). - L’utilité des élèves serait également un médiateur de l’effet de contexte (hypothèses 1 et
3). - L’utilité des élèves médiatiserait l’effet de l’internalité perçue sur les jugements
disciplinaires (hypothèses 1 et 4).
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
272
Enfin, rien ne permettant, bien au contraire, d’exclure l’hypothèse selon laquelle les enseignants pourraient également associer l’internalité des élèves à leur désirabilité, nous nous attendons à ce que l’internalité perçue par les enseignants puisse être reliée à la désirabilité perçue. Cela pourrait être due à l’inconfort ressenti par les enseignants d’évaluer leurs élèves uniquement à partir de leur utilité, ce qui les conduirait via un processus de rationalisation et d’internalisation à « apprendre à aimer, ce qui, au départ, n’est qu’utile et à ne pas aimer ce qui, au départ, ne l’est pas » (Dubois & Beauvois, 2001, p.402).
Un modèle personnologique des jugements scolaires Le modèle théorique prédit que les jugements scolaires disciplinaires sont sous
l’influence directe de certaines variables : 1. Les performances effectives des élèves ont un effet direct positif sur les jugements des
enseignants dans la discipline correspondante : plus les scores des élèves à des épreuves standardisées sont élevés dans une discipline (français ou mathématiques), plus le jugement des enseignants devrait être favorable dans cette même discipline.
2. L’histoire scolaire des élèves influence les jugements des enseignants : les élèves qui ont redoublé une classe au moins une fois devraient être moins bien jugés que les autres, en français comme en mathématiques.
3. L’utilité perçue par les enseignants influence leurs jugements en français et en mathématiques : plus les enseignants perçoivent leurs élèves comme utiles, plus ils devraient les juger favorablement en français et en mathématiques.
Concernant l’internalité perçue par les enseignants, le modèle prédit que : 4. L’internalité perçue par les enseignants dépend de l’internalité exprimée spontanément
par les élèves : plus les élèves choisissent d’explications internes en consigne standard, plus les enseignants devraient les percevoir comme étant internes.
5. L’internalité perçue par les enseignants est déterminée par les performances effectives des élèves en français : plus les scores des élèves à des épreuves standardisées sont élevées dans cette discipline, plus les enseignants devraient les percevoir comme internes.
6. L’internalité perçue par les enseignants dépend, pour partie, du contexte de classe : plus le niveau est élevé, moins les enseignants devraient percevoir leurs élèves comme internes.
7. Etre clairvoyant devrait produire spontanément des réponses socialement adaptées : plus les élèves sont clairvoyants, plus ils devraient choisir d’explications internes sous une consigne standard.
Le modèle prédit également que l’utilité perçue par les enseignants est directement influencée par : 8. Les performances effectives des élèves : plus les scores des élèves à des épreuves
standardisées sont élevées en français et en mathématiques, plus les enseignants devraient les percevoir comme étant utiles.
9. Le niveau moyen de la classe : plus le niveau moyen de la classe aux épreuves standardisées est élevé, plus les enseignants devraient les percevoir comme étant utiles.
10. L’internalité perçue par les enseignants : plus les enseignants perçoivent les élèves comme internes, plus ils devraient les percevoir comme étant utiles.
En matière de désirabilité perçue par les enseignants, le modèle prédit que : 11. Seule l’internalité perçue par les enseignants est reliée à cette variable : plus les
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
273
enseignants perçoivent leurs élèves comme étant internes, plus ils devraient les percevoir comme désirables.
Enfin, le modèle prédit que les erreurs de certaines variables endogènes devraient être
corrélées. C’est le cas des erreurs des jugements disciplinaires (en français et en mathématiques) et des perceptions des enseignants concernant l’utilité et la désirabilité de leurs élèves.
Note méthodologique
Ce modèle théorique a été testé auprès de 499 élèves et leurs 33 enseignants (cf. tableau 1, p.6, programme de recherche 3). Les scores des élèves aux épreuves standardisées de français et de mathématiques, de même que les jugements relatifs à ces deux matières, n’ont pas été agrégés de façon à mettre en évidence l’effet de halo. Seuls les scores moyens de la classe en français et en mathématiques l’ont été de façon à éviter un éventuel problème de multicollinéarité sur la variabilité « utilité perçue » (r = .92). Les autres informations utilisées, sont identiques à celles déjà utilisées dans le modèle intégratif amélioré (cf. figure 7.2)
Les scores d’utilité perçue et de désirabilité perçue ont été obtenus à partir des scores factoriels issus d’une analyse factorielle (factorisation en axes principaux, rotation oblimin) réalisée sur les 24 traits qui composent l’échelle de désirabilité/utilité scolaire.
Résultats Les données recueillies ont été traitées à partir d’analyses de trajet. Le modèle théorique a
été estimé à partir de la méthode du maximum de vraisemblance (ML). Sa solution est présentée dans la figure 7.3.
Jugement en mathématiques
Jugement en français
Score d’internalité perçu par
l’enseignant
Score d’internalité en consigne standard
D.56
D.63Score de
clairvoyance normative
Score aux épreuves standardisées
(mathématiques)
Redoublement
* p<.05
.31* .11* .23*
.29*
.30*
.41*
-.40*
-.10*
-.11*
.33*
.27*
.56*
Désirabilité perçue par l’enseignant
D.71
D.97
Utilité perçue par l’enseignant
.63*
Score moyen de la classe aux épreuve
standardisées
Score aux épreuves standardisées
(français)
.03 .24*
.20*
.22*
.53*
-.12*
-.20*
.11*
-.20*
.47*
.75*
-.11*
D.96
D.95
.21*
.49*
Figure 7.3. Résultats obtenus pour le modèle théorique
Globalement, les résultats indiquent que la plupart des relations prédites sont
statistiquement significatives (p < .05) et vont dans le sens attendu. Conformément aux prédictions du modèle, les jugements des enseignants en français et en mathématiques sont reliés directement aux performances des élèves dans ces deux disciplines (français : β = .27 ;
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
274
mathématiques : β = .30). Les redoublants sont moins bien jugés que les non redoublants (français : β = -.11 ;
mathématiques : β = -.10). La perception des enseignants de l’utilité de leurs élèves est bien reliée aux jugements
disciplinaires (français : β = .63 ; mathématiques : β = .56). L’utilité perçue par les enseignants est prédit par les performances des élèves en français
(β = .33) et en mathématiques (β = .41), le niveau moyen de la classe à ces épreuves (β = -.40) et le score d’internalité perçu par les enseignants (β = .29).
La désirabilité perçue par les enseignants est reliée au score d’internalité perçu par les enseignants (β = .23).
Le score d’internalité perçu est relié, d’une part, au score d’internalité des élèves en consigne standard (β = .11) et, d’autre part, aux scores des élèves aux épreuves standardisées de français (β = .24).
Le score d’internalité en consigne standard est relié au score de clairvoyance normative (β = .31).
Une seule relation est non significative. Elle concerne la relation entre le niveau moyen de la classe aux épreuves standardisées et le score d’internalité perçu par les enseignants (hypothèse 6 : β = .03).
Au-delà de la significativité des relations prédites par le modèle, la pertinence de celui-ci
est également soutenue par ses valeurs sur les différents indices d’ajustement absolus et incrémentiels qui se révèlent toutes satisfaisantes (X²/df = 2.27 ; GFI = .98 ; SRMR = .04 ; RMSEA = .05 ; AGFI = .95 ; CFI = .99 ; NNFI = .97 ; NFI = .97).
Après avoir cherché la solution du modèle théorique, nous avons testé la significativité
des différents effets indirects attendus (Bollen, 1987; Muller & Judd, 2005; Sobel, 1982). Les résultats indiquent que tous les tests réalisés sont significatifs (p < .05). Le jugement des enseignants en français est bien sous l’influence indirecte des performances des élèves aux épreuves standardisées de mathématiques (Z = 7.65), du niveau moyen de la classe aux épreuves standardisées (Z = -8.52) et de la clairvoyance normative des élèves (Z = 2.35). De la même façon, le jugement des enseignants en mathématiques est indirectement influencé par les performances des élèves en français (Z = 7.50), le niveau moyen de la classe aux épreuves standardisées (Z = -8.89) et le degré de clairvoyance des élèves (Z = 2.34).
Discussion Les résultats obtenus dans cette étude appellent à plusieurs commentaires. Tout d’abord,
ils vont dans le sens des conclusions du modèle intégratif des jugements scolaires (cf. encadré 1, voir également B. Dompnier et al., 2006). Les jugements scolaires disciplinaires sont bien sous l’influence directe d’un certain nombre de déterminants comme les performances effectives des élèves dans la discipline correspondante ou leur histoire scolaire. L’internalité perçue par les enseignants est bien prédite par l’internalité exprimée spontanément par les élèves qui, elle-même, est influencée par le niveau de clairvoyance de ces derniers à l’égard de la norme d’internalité.
Plus encore, le modèle testé nous permet d’avancer dans la compréhension des mécanismes qui sous-tendent la construction des jugements scolaires. Celui-ci révèle que l’une des deux composantes de la personnologie, l’utilité sociale, joue un rôle essentiel dans la détermination des jugements disciplinaires. En effet, cette composante médiatise plusieurs des
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
275
effets des variables exogènes. C’est notamment le cas de l’effet de halo, de l’effet de contexte et de l’effet de l’internalité perçue par les enseignants. En ce sens, elle peut être considérée comme un élément central autour duquel se construit le jugement scolaire. Quant à la composante désirable, elle n’apparaît pas reliée aux jugements des enseignants. De tels résultats attestent donc, une fois de plus, de l’intérêt de séparer les deux composantes de la valeur sociale.
Enfin, au-delà des différentes implications liées à l’activité personnologique dans la construction des jugements scolaires, les tests des différents effets indirects révèlent que le degré de clairvoyance normative des élèves a un effet indirect significatif sur les jugements scolaires, à travers son impact sur les choix explicatifs spontanés des élèves. Ces résultats attestent de l’intérêt qu’il peut y avoir à favoriser chez les élèves l’émergence de la clairvoyance de la norme d’internalité.
Cependant, si les conclusions que nous pouvons tirer à partir du seul critère
interne/externe restent globalement conformes aux présupposés de la théorie de la norme
d’internalité, qu’en est-il dès lors que l’on a recours à une classification des explications plus
fine ? Les résultats obtenus à partir de la prise en compte des différentes catégories
d’explications vont dans le sens des résultats de l’étude 8. En effet, que ce soit sur la
désirabilité ou sur l’utilité, nous avons observé une hétérogénéité de valeur au sein des
registres interne et externe. Cette hétérogénéité ne semble pas être uniquement le reflet de la
distribution d’échantillonnage des coefficients de régression puisqu’un certain nombre de
résultats répliquent ceux de l’étude 8, indiquant ainsi une relative stabilité des variations
observées entre les deux études. Plus particulièrement, conformément à nos hypothèses, nous
avons observé que les explications internes/instables en terme d’effort peuvent être à la fois
utiles et désirables mais uniquement lorsque ces explications rendent compte de l’origine des
renforcements négatifs. Toujours en accord avec nos hypothèses, nous avons observé que les
explications internes/stables en terme d’habilité pour expliquer les renforcements positifs sont
fortement porteuses d’utilité sociale, bien qu’elles n’apparaissent pas spécialement marquées
sur la désirabilité. A noter également que cette variabilité au sein du registre interne concerne
aussi l’explication des comportements. En effet, dans le cas des comportements positifs, si les
deux catégories d’explications internes apparaissent désirables, seules les explications
internes/stables en terme de trait semblent porteuses d’utilité. Dans le cas des comportements
négatifs, alors que les explications internes/instables en terme d’intention semblent désirables,
celles internes/stables en terme de trait apparaissent indésirables mais utiles. Ces résultats en
matière de comportements nous semblent particulièrement intéressants puisqu’ils pourraient
peut-être expliquer certaines divergences de résultats obtenus dans la littérature. Rappelons
que si certains auteurs ont observé que les explications en terme de trait pouvaient être plus
valorisées que celles en terme d’intention (Beauvois et al., 1991; Beauvois & Le Poultier,
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
276
1986; Pansu & Gilibert, 2002), d’autres auteurs ont observé le résultat inverse (Castra, 1998;
Desrumeaux-Zagrodnicki & Rainis, 2000). Nos résultats laissent donc entendre que ces
affirmations pourraient s’avérer toutes deux justifiées si l’on considère qu’elles portent sur
des dimensions différentes, la première sur l’utilité, la seconde sur la désirabilité. Si nos
données ne nous permettent pas d’aller plus loin sur ce point, elles nous permettent toutefois
d’envisager la possibilité que la valorisation de l’une ou de l’autre de ces deux catégories
d’explications internes puisse dépendre tout simplement de la composante de la valeur sur
laquelle les participants se sont basés pour émettre leurs réponses.
Néanmoins, nous l’avons vu, ces variations sur les deux composantes de la valeur ne
sont pas propres au registre interne. Toutes les explications externes ne sont pas dévalorisées
au même niveau et certaines semblent même porteuses de valeur sociale. C’est le cas par
exemple, pour les comportements négatifs, des explications externes/instables en terme
d’action d’autrui et pour les renforcements négatifs, des explications externes/instables en
terme de chance. Seules cinq catégories d’explications externes sur les huit apparaissent
vraiment stigmatisées sur la désirabilité. De la même façon, seules trois catégories
d’explications externes semblent être dévalorisées sur l’utilité.
Pris dans leur ensemble, les résultats de cette étude vont dans le sens de la plupart des
hypothèses émises sur la base des résultats de l’étude 4. Les tableaux 7.12. et 7.13. permettent
de comparer les résultats de l’étude 4 et ceux de l’étude 9.
Tableau 7.12. Comparaison des hypothèses avec les résultats de l’étude 9 sur la désirabilité
Comportements Renforcements
Positifs Négatifs Positifs Négatifs
A B A B A B A B
Interne/Instable + + + + + = + +
Interne/Stable + + = - = = = =
Externe/Instable - - = + - = - +
Externe/Stable - - - - = = - -
Note. A : valeur théorique, B : étude 9, + : Catégorie valorisée, - : Catégorie dévalorisée, = : Catégorie non valorisée
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
277
Concernant la désirabilité (cf. tableau 7.12.), les résultats de l’étude 4 obtenus à partir
du paradigme de l’identification ont été répliqués pour 11 catégories sur 16. Le tableau 7.13.
nous permet également de conclure que les prédictions issues des données de l’étude 4
(paradigme d’identification/jugement) sont en accord avec les résultats obtenus sur la
dimension utile.
Tableau 7.13. Comparaison des hypothèses avec les résultats de l’étude 9 sur l’utilité.
Comportements Renforcements
Positifs Négatifs Positifs Négatifs
A B A B A B A B
Interne/Instable = = = = = = + +
Interne/Stable + + = + + + - =
Externe/Instable = = + = - - = =
Externe/Stable - = - - = = - -
Note. A : valeur théorique, B : étude 9, + : catégorie valorisée, - : catégorie dévalorisée, = : catégorie non valorisée
En effet, sur les 16 hypothèses de départ, 12 sont avérées non-infirmées. De tels
résultats sont également supportés plus directement par les analyses de médiations multiples.
Ces dernières indiquent clairement que les relations qu’entretiennent les différentes catégories
d’explications avec le jugement scolaire moyen proviennent de leur association avec l’utilité
des élèves et non avec leur désirabilité. En effet, sur les neuf relations mises en avant par le
paradigme d’identification/jugement entre les catégories d’explications et le jugement scolaire
moyen (cf. tableau 4.17.), huit sont expliquées, au moins en partie, par l’association entre les
catégories d’explications et l’utilité des élèves. Ainsi, comme nous l’avions supposé, le
paradigme d’identification/jugement semble donc particulièrement adapté pour mesurer
l’utilité des explications causales. Ces résultats permettent également de mettre en évidence
que l’effet de l’internalité perçue sur le jugement scolaire et celui de chaque catégorie
d’explications sur ce même jugement sont de même nature. Tous sont reliés au jugement
scolaire par leur degré d’utilité. Toutefois, si l’on considère que les effets du score global
d’internalité sont dépendants des effets des catégories d’explications spécifiques qui le
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
278
composent, un tel résultat n’a en fait rien de surprenant. Nous observons ici que les effets de
l’internalité sur le jugement scolaire et les deux composantes de la valeur sociale sont le reflet
des effets des différentes catégories d’explications internes. Il semble donc que les
conclusions que l’on puisse tirer des analyses réalisées concernant la valeur de l’internalité
dépendent de la valeur des catégories d’explications utilisées pour la mesurer.
3. Conclusion
L’objectif de ces deux études était d’étudier la désirabilité et l’utilité des catégories
d’explications causales manipulées dans le questionnaire d’internalité scolaire (version b). A
nous en tenir au seul critère interne/externe, nous avons observé une assez bonne consistance
des résultats entre les études 8 et 9. De ce point de vue, bien qu’ils ne supportent pas tout à
fait l’hypothèse selon laquelle la norme d’internalité s’ancre plus dans l’utilité que dans la
désirabilité (Dubois, 2005a; Dubois & Beauvois, 2005), nos résultats indiquent, tout de
même, que l’internalité peut être reliée à l’utilité et que l’effet de l’internalité sur le jugement
scolaire peut être expliqué par cette relation. A s’en tenir là, on peut conclure que ces résultats
vont, très globalement, dans le sens des propos tenus par les théoriciens de la norme
d’internalité. Pour autant, cela ne doit pas nous faire oublier qu’en cherchant à dépasser la
seule distinction interne/externe à partir d’autres critères de classification nous pouvons
aborder ces données sous une nouvelle perspective. Rappelons que les études 8 et 9 ont mis en
évidence de façon très consistante que la valeur des catégories d’explications causales pouvait
varier au sein du registre interne et du registre externe sur les dimensions désirable et utile.
Ces quelques résultats semblent donc indiquer que ce que nous avancions (études 3 et 4) sur
la préférence pour l’internalité comme reflet d’un phénomène moyen duquel pouvaient
s’écarter certaines catégories d’explications semblent pouvoir également s’appliquer à l’étude
de la valeur des explications causales sur la désirabilité et l’utilité. Toutefois, une telle
conception n’est pas sans poser quelques problèmes. Un premier problème, déjà évoqué dans
le chapitre 4, concerne les limites heuristiques d’un tel modèle. Le fait que celui-ci n’aborde
les explications causales qu’à partir du critère interne/externe limite fortement sa capacité à
discriminer les explications et à prendre en compte des variations sur les deux composantes de
la valeur. Si les explications internes semblent bien, en moyenne, plus désirables et plus utiles
que les explications externes, catégoriser exclusivement les explications sur la base de leur
orientation sur le lieu de causalité rend invisible des variations de valeur au sein des deux
registres causaux. Un second problème, indissociable du premier, porte sur les conclusions
Chapitre 7. L’utilité et la désirabilité des catégories d’explications causales
279
qui peuvent être émises à partir d’un score global d’internalité. En effet, pour peu qu’on
considère que la valeur reflétée par le score global d’internalité soit le résultat de l’agrégation
de la valeur des catégories d’explications qui le constituent, l’ancrage de l’internalité dans
l’utilité ou la désirabilité est alors susceptible de varier selon les catégories d’explications
internes mobilisées dans le questionnaire lui-même. Par exemple, si la plupart des
explications sont utiles et neutres sur la désirabilité (e.g. les explications en termes d’habileté
pour les renforcements positifs), le score global d’internalité devrait être relié
préférentiellement à l’utilité et non à la désirabilité. Inversement, si le questionnaire
d’internalité est massivement composé d’explications internes désirables et neutres sur
l’utilité (e.g. les explications en terme d’intention pour les comportements positifs et négatifs),
le score d’internalité devrait être positivement associé à la désirabilité et non à l’utilité. De
fait, il semble que la définition que se donne le chercheur de ce que doivent être les
explications internes mobilisées dans son questionnaire peut avoir des conséquences non
négligeables sur les conclusions tirées sur la base du score global d’internalité. Sur ce point,
une approche plus fine de la classification des explications causales devrait limiter
l’ambiguïté inhérente à la classification des explications causales.
Pourtant, si une telle approche nous semble utile pour mieux appréhender la spécificité
des explications sur les deux dimensions de la valeur sociale, on peut se demander si elle
change véritablement la logique sous-jacente à la distinction interne/externe. Elle repose sur la
même idée, à savoir que certaines catégories d’explications sont en moyenne plus valorisées
que d’autres. En effet, dans le questionnaire d’internalité scolaire, chaque catégorie
d’explications est composée de trois explications différentes. La valeur de chacune de ces
catégories d’explications est déduite à partir d’un score global qui repose sur l’agrégation de
ces trois explications. On peut alors se demander si la valeur de chaque catégorie n’est pas, là
aussi, le résultat de l’agrégation de la valeur de chacune des explications qui la compose.
Aussi, serait-il logique d’attendre une hétérogénéité de valeur au sein même des différentes
catégories explicatives. Par exemple, certaines explications en terme d’effort pourraient être
fortement porteuses de valeur sociale alors que d’autres ne le seraient que faiblement. En
d’autres termes, l’approche que nous défendions jusqu’à présent – sur la base d’autres critères
de classification (catégoriel ou dimensionnel) – reposerait, elle aussi, sur un phénomène
d’agrégation des explications. Bien qu’elle soit plus heuristique, du fait de sa plus grande
précision, elle serait soumise aux mêmes limites que la distinction interne/externe. Le chapitre
8 propose de dépasser cette question en s’intéressant à la valeur prise par ces explications à
leur niveau le plus désagrégé, c’est-à-dire au niveau des items eux-mêmes.
Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité
281
CHAPITRE 8
LA VALEUR SPECIFIQUE DE CHAQUE EXPLICATION SUR L’UTILITE
ET LA DESIRABILLITE
Dans les chapitres précédents, nous avons avancé l’idée que le critère interne/externe
était relativement limité dans sa capacité à rendre de compte de la variabilité des explications
causales en matière de valeur sociale. Au travers de nos études, nous avons effectivement
observé que la prise en compte d’autres critères de classification permettait de mettre en
évidence des variations autrement invisibles à partir de la seule dichotomie interne/externe.
Nous avons également avancé l’idée que, bien qu’elle ne permette d’étudier ces variations que
de façon limitée, la théorie de la norme d’internalité pourrait conserver une certaine validité à
un niveau général, pour peu que l’on accepte l’idée que cette théorie rend compte d’un
phénomène moyen de la pensée sociale. Toutefois, si une approche plus fine de la valeur des
explications causales nous semble présenter de nombreux avantages, il apparaît néanmoins
qu’une telle conception ne permet pas de pallier les limites que nous avons avancées
concernant la théorie de la norme d’internalité. Par exemple, notre hypothèse concernant
l’utilité des explications internes/instables en terme de manque d’effort pour expliquer les
renforcements négatifs consiste à supposer que ces explications sont en moyenne plus utiles
que les autres catégories d’explications internes pour expliquer ce type d’événements. Le
recours au concept de moyenne, là encore, laisse entendre la possibilité d’une variabilité
d’utilité au sein de ce type d’explications. Ainsi, de la même façon que la valeur du score
global d’internalité est le reflet du degré de valeur moyenne des scores des catégories
d’explications qui le composent, on peut également avancer l’hypothèse que la valeur des
scores des catégories d’explications est le reflet des effets moyennés des explications qui les
composent.
Une manière de dépasser ce problème d’agrégation peut consister à étudier les
explications plutôt que les catégories et à faire un parallèle direct entre la valeur des
explications causales et la valeur des traits. A l’instar de chaque trait de personnalité qui
dispose d’une valeur sur l’utilité et la désirabilité, toute explication causale pourrait être
Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité
282
caractérisée par sa position sur ces deux dimensions. Une telle conception n’est d’ailleurs pas
incompatible avec les travaux d’Osgood sur le différenciateur sémantique (Osgood, 1962,
1969, 1979; Osgood et al., 1957). Dans leurs travaux sur les mélanges de mots (word
mixture), ces auteurs ont observé que l’association spécifique de deux mots pour former une
nouvelle unité sémantique n’était pas équivalente à la simple combinaison des propriétés de
ces deux mots sur les différentes dimensions. Par exemple, les propriétés du mot hot dog ne
correspondent pas à la combinaison des mots hot et dog. A étendre cette logique à des suites
de mots plus complexes – comme des explications causales – il nous semble possible de
mesurer les propriétés spécifiques de chaque explication sur les deux dimensions. Chacune
d’entre elles pourrait correspondre à un assemblage de mots ayant une valeur non réductible à
la combinaison des mots qui le compose. De fait, les explications pourraient posséder des
propriétés spécifiques sur les deux dimensions de la valeur sociale.
Les analyses qui suivent ont pour objectif de tester quelques hypothèses qui découlent
d’une telle conception. Premièrement, nous avons cherché à identifier la valeur accordée par
les enseignants à chaque explication présentée dans le questionnaire d’internalité scolaire
(version b). Cette identification nécessitait de dépasser la singularité des effets observés dans
des études isolées et d’étudier la régularité des relations entre les explications et la
signification que les individus leur donnent. Un postulat fondamental sous-tend cette analyse :
la valeur que les explications véhiculent est stable d’un individu à l’autre et d’une méthode à
l’autre. Afin de tester cette idée, nous avons pratiqué de nouvelles analyses sur les données
des études 8 et 9. Dans les faits, celles-ci ont été retraitées de façon à évaluer la relation
unique qu’entretient chacune des 48 explications du questionnaire d’internalité et les deux
dimensions de la valeur sociale (utilité et désirabilité) à partir d’analyses de régression. Puis,
sur la base de ce premier ensemble d’analyses, nous avons cherché à savoir dans quelle
mesure les associations entre les explications et les deux composantes de la valeur sociale
étaient stables entre les deux études. Pour ce faire, nous avons réalisé une analyse en
composantes principales (A.C.P.) sur les résultats des analyses de régression. Enfin, sur la
base des scores factoriels de l’A.C.P., nous avons identifié le poids de chaque explication sur
la désirabilité et l’utilité. Ces poids, qui représenteraient la valeur accordée par les individus
aux différentes explications du questionnaire, devraient nous permettre de créer des profils
d’élèves spécifiques (e.g. élève utile, élève désirable, élève inutile et élève indésirable).
Notre deuxième objectif a consisté à tester la pertinence des scores des explications
sur les deux composantes de la valeur de façon à tester directement l’hypothèse selon laquelle
les élèves en autoprésentation et les enseignants en identification (cf. étude 4) auraient
Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité
283
préférentiellement recouru à la désirabilité des explications. Toujours à partir de modèles de
régression, nous avons cherché à montrer que la désirabilité des explications corrèle très
fortement avec la valeur des explications causales telle qu’on peut la mesurer à partir des
réponses des élèves (autoprésentation) et des enseignants (identification).
Enfin, le troisième et dernier objectif de ce chapitre était de mieux comprendre
l’intervention de la valeur des explications causales dans la formation du jugement des
enseignants. En particulier, l’hypothèse éprouvée ici était que la prise en compte de la
spécificité de cette valeur sur l’utilité et la désirabilité item par item devait permettre de mieux
prédire les jugements des enseignants sur ces deux dimensions que ne le permet le recours au
seul critère interne/externe.
1. Extraction de l’utilité et de la désirabilité des explications causales
1.1. Identification de la valeur de chaque explication sur les deux dimensions
Le but poursuivit ici est de tenter de dépasser les limites imposées par la catégorisation
des explications causales et de s’intéresser à la valeur spécifique de chaque explication sur les
deux composantes de la valeur sociale. Pour ce faire, les données des études 8 et 9 ont été
retraitées par l’intermédiaire d’analyses de régression. En effet, alors que ces deux études
visaient à mettre en évidence les relations entre les différentes catégories d’explications et les
deux composantes de la valeur sociale, les analyses que nous avons réalisées ici cherchent
plutôt à étudier les relations qu’entretient chacune des explications du questionnaire avec
l’utilité et la désirabilité, indépendamment de leurs propriétés dimensionnelles et de leur
appartenance catégorielle.
Concernant l’étude 8, les données ont été traitées par l’intermédiaire d’analyses de
régression avec comme variables dépendantes soit le score global d’utilité soit le score global
de désirabilité de chaque élève. Rappelons que la procédure mise en place dans cette étude a
consisté à demander aux enseignants de répondre au questionnaire d’internalité au nom d’un
élève qu’ils connaissaient et qu’ils devaient choisir sur la base de son utilité (U+ vs. U-) et de
sa désirabilité (D+ vs. D-). Pour mesurer l’association entre chaque explication et les deux
composantes de la valeur, nous avons réalisé autant de modèles de régression qu’il y a
d’explications dans le questionnaire. Ces modèles intégraient comme variables indépendantes,
d’une part, un des deux scores de valeur en fonction de la variable dépendante utilisée de
façon à séparer les relations des explications avec les deux dimensions (voir études 8 et 9).
D’autre part, chaque modèle de régression intégrait une variable catégorielle indiquant la
Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité
284
présence (codée 1) ou l’absence (codée 0) d’une explication du questionnaire dans la
description des élèves. 48 modèles de régression ont été testés sur le score global de
désirabilité et 48 autres modèles ont été testés sur le score global d’utilité. Seule la variable
« explication » variait en fonction des modèles. Les modèles portant sur le score global de
désirabilité ont été testé sous la forme suivante : Désirabilité = B0 + B1Utilité +
B2Explication, avec Explication : 1 = présence de l’explication et 0 = absence de
l’explication. Ceux portant sur le score global d’utilité ont, quant à eux, été testé sous la forme
suivante : Utilité = B0 + B1Désirabilité + B2Explication, avec Explication : 1 = présence de
l’explication et 0 = absence de l’explication. Ainsi, indépendamment de la dimension étudiée,
le coefficient B2 de chaque modèle nous renseigne sur la relation entre l’explication du
questionnaire intégrée dans le modèle testé et une des deux composantes de la valeur en
contrôlant la relation qu’entretient cette explication avec l’autre composante99.
Concernant l’étude 9, les données ont également été traitées par l’intermédiaire
d’analyses de régression avec comme variables dépendantes soit le score global d’utilité, soit
le score global de désirabilité de chaque élève. Rappelons que cette étude a consisté à
demander aux enseignants, entre autres, de répondre au questionnaire d’internalité pour
chacun de leur élève et de les décrire à partir de traits de personnalité. Etant donné l’aspect
écologique de cette étude, la procédure statistique utilisée ici a impliqué plus de variables que
dans le retraitement des données de l’étude 8. Plus particulièrement, les modèles de régression
ont intégré les scores moyens des élèves aux épreuves standardisées de CE2, le niveau moyen
de la classe à ces épreuves, la catégorie socioprofessionnelle du père des élèves, leur sexe, et
leur statut scolaire (redoublant vs. non redoublant) ainsi que leur score sur l’une des deux
dimensions de la valeur sociale en fonction de la variable dépendante utilisée. Comme
précédemment, 48 modèles de régression ont été réalisés et ce, sur le score global de
désirabilité des élèves et sur leur score global d’utilité. Chacun de ces modèles intégrait toutes
les variables précédemment citées plus une variable catégorielle dichotomique
(« Explication ») indiquant la présence (codée 1) ou l’absence (codée 0) d’une explication
donnée dans les réponses des enseignants émises au nom de leurs élèves. Les 48 modèles
99 La signification de cette variable catégorielle est du même ordre que celle de la variable « redoublement ». Le coefficient de régression lui correspondant indique la différence moyenne entre le groupe d’individus codé 1 et le groupe d’individus codé 0. Dans le cas de la variable « redoublement », le coefficient de régression exprime la différence de moyennes sur la variable dépendante entre le groupe des élèves non redoublants (0) et celui des élèves redoublants (1). Dans le cas des variables catégorielles utilisées ici, celles-ci expriment la différence sur la variable dépendante entre les élèves caractérisés par l’explication étudiée (1) et ceux n’étant pas caractérisés par cette même explication (0). Ce type de variable mesure donc le pouvoir discriminant de l’explication causale étudiée sur la variable dépendante. Nous supposons que cette capacité à différencier les individus peut être considérée comme un indicateur de la valeur des explications causales sur la dimension considérée.
Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité
285
portant sur le score global de désirabilité ont, quant à eux, été testés sous la forme suivante :
Désirabilité = B0 + B1Utilité + B2Explication + B3Performances + B4NiveauClasse +
B5Artisan + B6Profinter + B7Employé + B8Ouvrier + B9Autre + B10Redoublant + B11Fille.
Les 48 modèles portant sur le score global d’utilité ont, quant à eux, été testés sous la forme
suivante : Désirabilité = B0 + B1Utilité + B2Explication + B3Performances +
B4NiveauClasse + B5Artisan + B6Profinter + B7Employé + B8Ouvrier + B9Autre +
B10Redoublant + B11Fille. Comme dans les analyses précédentes, les coefficients de
régression B2 nous renseignent sur la relation entretenue par chaque explication avec l’une ou
l’autre des deux dimensions de la valeur sociale tout en contrôlant les effets des autres
variables intégrées dans le modèle.
1.2. Analyse en composantes principales sur les coefficients de régression
Les coefficients B2 de chacun des modèles testés dans les deux ensembles d’analyses
précédemment décrits ont été extraits sous leur forme standardisée (�) et modifiés par
l’intermédiaire de la transformation de Fisher100. Une fois les coefficients transformés, ils ont
été intégrés dans une matrice contenant en lignes les 48 explications du questionnaire
d’internalité scolaire (version b) et en colonnes les quatre variables de coefficients
correspondant aux relations entre ces explications et les deux composantes de la valeur sociale
dans les études 8 et 9. Une analyse en composantes principales (rotation oblimin) a été
réalisée sur ces données. L’objectif de cette analyse est de chercher à déterminer si les
coefficients de régression obtenus à partir des résultats des études 8 et 9 s’organisent bien
autour de deux facteurs correspondant aux deux dimensions de la valeur sociale. Un tel
résultat nous permettrait a minima de conclure sur la relative stabilité des relations observées
dans les deux études entre chaque explication et les deux composantes de la valeur.
L’analyse en composantes principales met en évidence l’existence de deux facteurs
non orthogonaux (r = .20) expliquant conjointement 77.57 % de la variance totale. Le premier
facteur, correspondant à la dimension de la désirabilité explique 47.34 % de la variance. Le
second facteur, qui correspond à l’utilité, explique quant à lui 30.23 % de la variance. Les
poids factoriels des variables représentant les relations entre chaque explication et les deux
dimensions dans les études 8 et 9 sont présentés dans le tableau 8.1.
100 Cette transformation a été utilisée de façon à pallier la tendance des coefficients de régression standardisés à ne pas être distribués normalement.
Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité
286
Tableau 8.1. Poids factoriels des variables de coefficients sur les deux facteurs issus de
l’analyse en composantes principales
Désirabilité Utilité
Désirabilité étude 9 .92 -.05
Désirabilité étude 8 .83 .05
Utilité étude 9 -.15 .93
Utilité étude 8 .21 .79
L’analyse en composantes principales met en évidence que les variables censées
mesurer la désirabilité des explications dans les études 8 et 9 saturent bien le même facteur.
Les variables censées mesurer l’utilité dans ces deux études saturent également le même
facteur. Parallèlement, la consistance interne des deux facteurs a également été testée par
l’intermédiaire de l’alpha de Cronbach101. Etant donné le nombre de variables impliquées
dans chaque test (seulement 2 par dimension), les valeurs obtenues tant sur la désirabilité (� =
.68) que sur l’utilité (� = .61) s’avèrent satisfaisantes.
A partir de l’analyse en composantes principales, nous avons extrait les scores
factoriels standardisés des explications sur les deux dimensions. Ces scores peuvent être
considérés comme une estimation du score « vrai » de chaque explication sur les dimensions
de la désirabilité et de l’utilité, indépendamment des méthodes employées dans les études 8 et
9 et des deux échantillons d’enseignants. Les scores factoriels des explications du
questionnaire sur les dimensions de la désirabilité et de l’utilité sont présentés dans le tableau
8.2. Ces scores permettent de réaliser une analyse descriptive approfondie de la valeur
véhiculée par ces explications.
101 Notons que les alphas de Cronbach réalisés sur ces données ne cherchent pas à mettre en évidence l’existence d’une consistance intra individuelle sur une dimension spécifique au travers différents items mais une consistance intra explication sur une dimension spécifique au travers différentes études.
Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité
287
Tableau 8.2. Scores factoriels de chaque explication du questionnaire d’internalité scolaire
(version b) sur les dimensions de la désirabilité et de l’utilité
Type d’événements Valence des événements Catégorie Désirabilité Utilité Saynète 1 (Cpt) Positive Intention 0.31 -0.74 Saynète 1 (Cpt) Positive Contrainte -1.53 -0.07 Saynète 1 (Cpt) Positive Trait 1.37 0.56 Saynète 1 (Cpt) Positive Autrui -0.47 0.14 Saynète 2 (Rft) Positive Effort -1.04 0.61 Saynète 2 (Rft) Positive Chance -1.04 -1.42 Saynète 2 (Rft) Positive Tâche 1.00 0.24 Saynète 2 (Rft) Positive Habileté 1.45 0.31 Saynète 3 (Rft) Positive Habileté -0.62 2.58 Saynète 3 (Rft) Positive Chance -0.78 -2.28 Saynète 3 (Rft) Positive Effort 1.17 -0.90 Saynète 3 (Rft) Positive Tâche 0.09 0.40 Saynète 4 (Cpt) Négative Contrainte -0.04 -1.41 Saynète 4 (Cpt) Négative Intention 0.40 0.36 Saynète 4 (Cpt) Négative Autrui 0.07 0.48 Saynète 4 (Cpt) Négative Trait -0.48 0.76 Saynète 5 (Cpt) Positive Contrainte -0.68 -1.05 Saynète 5 (Cpt) Positive Autrui -1.05 0.09 Saynète 5 (Cpt) Positive Intention 1.38 0.25 Saynète 5 (Cpt) Positive Trait 0.83 0.95 Saynète 6 (Rft) Négative Effort 1.08 2.63 Saynète 6 (Rft) Négative Chance -0.75 -0.08 Saynète 6 (Rft) Négative Tâche -0.12 -0.76 Saynète 6 (Rft) Négative Habileté -0.07 -1.73 Saynète 7 (Cpt) Négative Trait -1.60 1.15 Saynète 7 (Cpt) Négative Contrainte -0.72 -0.56 Saynète 7 (Cpt) Négative Autrui 1.76 0.18 Saynète 7 (Cpt) Négative Intention 0.07 -0.53 Saynète 8 (Rft) Négative Chance -0.25 -0.22 Saynète 8 (Rft) Négative Habileté -0.73 -0.22 Saynète 8 (Rft) Négative Effort 2.39 0.53 Saynète 8 (Rft) Négative Tâche -1.76 -0.06 Saynète 9 (Cpt) Négative Autrui -0.75 0.29 Saynète 9 (Cpt) Négative Intention 1.32 -0.12 Saynète 9 (Cpt) Négative Trait -0.46 0.75 Saynète 9 (Cpt) Négative Contrainte -0.20 -1.11 Saynète 10 (Cpt) Positive Trait 0.60 1.41 Saynète 10 (Cpt) Positive Autrui -1.18 -1.48 Saynète 10 (Cpt) Positive Intention 0.85 0.71 Saynète 10 (Cpt) Positive Contrainte 0.06 -0.30 Saynète 11 (Rft) Négative Chance -0.41 0.10 Saynète 11 (Rft) Négative Effort 1.52 1.17 Saynète 11 (Rft) Négative Habileté -0.25 -0.70 Saynète 11 (Rft) Négative Tâche -0.92 -0.83 Saynète 12 (Rft) Positive Effort 1.33 0.29 Saynète 12 (Rft) Positive Habileté -1.57 1.28 Saynète 12 (Rft) Positive Chance 0.57 -1.40 Saynète 12 (Rft) Positive Tâche -0.15 -0.25
Note. Cpt : comportement, Rft : renforcement.
Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité
288
Le tableau 8.2. met en évidence l’existence d’explications « critiques » en ce sens que
ces dernières saturent positivement une dimension et négativement l’autre. Ces explications
permettent donc de montrer que des informations distinctes concernant les deux composantes
de la valeur peuvent être communiquées par l’expression d’une seule et même explication.
C’est le cas, par exemple, pour la saynète 3 (renforcement positif) et l’explication
interne/instable en terme d’effort qui lui est associée « lorsqu’ils réussissent bien un contrôle,
certains élèves disent : c’est parce que je me suis donné à fond pour ce contrôle » qui apparaît
comme désirable (1.17) mais inutile (-0.90). A suivre cet exemple, il semblerait qu’expliquer
la réussite à un contrôle par ses efforts maximum soit la marque des élèves qui sont très
appréciés (désirables) mais qui en même temps ne réussissent pas à l’école. A contrario, pour
la saynète 12 (renforcement positif), l’explication interne/stable en terme d’habileté qui lui est
associée « Lorsqu’ils gagnent à un jeu à l’école, certains disent : c’est parce que je suis
quelqu’un de fort aux jeux » apparaît fortement utile (1.28) mais très indésirable (-1.57). Il
semble donc que cette explication soit susceptible d’être mise en avant préférentiellement par
les élèves qui réussissent à l’école mais qui ne sont pas appréciés par les enseignants. Cela
renverrait en quelque sorte à un manque de modestie de l’élève face à la réussite.
De plus, les différents scores calculés pour chaque explication nous permettent
également de mettre en évidence que la valeur des différentes catégories d’explications
semble bien dépendre des explications qui composent ces catégories. Conformément aux
résultats des études 8 et 9, la catégorie des explications internes (M = 0.38) obtient bien un
score moyen de désirabilité plus élevé que la catégorie des explications externes (M = -0.21).
Les explications internes (M = 0.47) apparaissent en moyenne également plus utiles que les
explications externes (M = 0.19). Un même constat peut être fait concernant les 16 catégories
d’explications de notre questionnaire. Par exemple, la catégorie des explications
internes/stables en terme d’habileté apparaît comme étant très utile (M = 1.39) et comme étant
plutôt neutre sur la désirabilité (M = -0.25). De même, la catégorie des explications
internes/instables en terme d’effort pour les renforcements négatifs apparaît à la fois désirable
(M = 1.68) et utile (M = 1.44).
Plus encore, le tableau 8.2. révèle l’existence d’une hétérogénéité de valeur au sein des
catégories d’explications. Par exemple, pour la saynète 2 (renforcement positif), l’explication
interne/instable en terme d’effort « lorsqu’ils sont félicités par le maître pour leur conduite en
classe, certains élèves disent : c’est parce que, ce jour-là, j’ai fait des efforts pour être sage »
apparaît comme indésirable (-1.04) mais plutôt utile (0.61). Cependant, notons qu’en
moyenne, cette catégorie d’explications est plutôt désirable (M = 0.49) et neutre sur l’utilité
Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité
289
(M = 0). Ainsi, ces quelques exemples semblent donc indiquer que 1) les explications causales
peuvent prendre des scores spécifiques sur la désirabilité et l’utilité relativement indépendants
l’un de l’autre, 2) la valeur prise par les différentes catégories d’explications peut être
considérée comme le reflet de l’agrégation de la valeur des explications qui les composent, 3)
la même hétérogénéité de valeur observée à partir du critère interne/externe peut être observée
au sein des différentes catégories d’explications.
Mais, au-delà de ces quelques résultats, le fait de mesurer l’utilité et la désirabilité de
chaque explication a l’avantage de nous permettre de créer des profils d’élèves spécifiques.
Ces profils devraient pouvoir nous permettre d’accéder au contenu des représentations des
enseignants en matière d’utilité et désirabilité des élèves.
1.3. Création de profils d’élèves spécifiques
A partir des scores factoriels de chaque explication sur les deux facteurs issus de
l’A.C.P., nous avons cherché à construire quatre profils d’élèves : un élève très utile, un élève
très désirable, un élève très inutile et un élève très indésirable. Ces profils d’élèves sont
caractérisés, pour chacun des 12 événements, par les explications saturant le plus fortement
(positivement pour les profils utile et désirable ou négativement pour les profils inutile et
indésirable) l’une ou l’autre des deux dimensions. Par exemple, pour la saynète 1,
l’explication interne/stable en terme de trait a été retenue pour le profil de l’élève désirable.
En effet cette explication obtient le score de désirabilité le plus élevé des quatre explications
(1.37). Cette même explication a également été retenue pour le profil utile puisqu’elle obtient
également le score d’utilité plus élevé (0.56). En revanche, pour le profil indésirable, c’est
l’explication externe/stable en terme de contrainte qui a été retenue. Cette explication obtient
effectivement le score de désirabilité le plus négatif (-1.53). Enfin, l’explication
interne/instable en terme d’intention a été retenue pour le profil inutile. Cette explication
obtient le score le plus négatif sur la dimension utile (-0.74) Le tableau 8.3. contient les
explications contenues dans chacun des quatre profils.
Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité
290
Tableau 8.3. Profils de réponses des élèves utile, désirable, inutile, et indésirable
Type d’événements Valence des événements Catégorie Profil
désirable Profil utile Profil indésirable
Profil inutile
Saynète 1 (Cpt) Positive Intention X Saynète 1 (Cpt) Positive Contrainte X Saynète 1 (Cpt) Positive Trait X X Saynète 1 (Cpt) Positive Autrui Saynète 2 (Rft) Positive Effort X X Saynète 2 (Rft) Positive Chance X Saynète 2 (Rft) Positive Tâche Saynète 2 (Rft) Positive Habileté X Saynète 3 (Rft) Positive Habileté X Saynète 3 (Rft) Positive Chance X X Saynète 3 (Rft) Positive Effort X Saynète 3 (Rft) Positive Tâche Saynète 4 (Cpt) Négative Contrainte X Saynète 4 (Cpt) Négative Intention X Saynète 4 (Cpt) Négative Autrui Saynète 4 (Cpt) Négative Trait X X Saynète 5 (Cpt) Positive Contrainte X Saynète 5 (Cpt) Positive Autrui X Saynète 5 (Cpt) Positive Intention X Saynète 5 (Cpt) Positive Trait X Saynète 6 (Rft) Négative Effort X X Saynète 6 (Rft) Négative Chance X Saynète 6 (Rft) Négative Tâche Saynète 6 (Rft) Négative Habileté X Saynète 7 (Cpt) Négative Trait X X Saynète 7 (Cpt) Négative Contrainte X Saynète 7 (Cpt) Négative Autrui X Saynète 7 (Cpt) Négative Intention Saynète 8 (Rft) Négative Chance Saynète 8 (Rft) Négative Habileté X Saynète 8 (Rft) Négative Effort X X Saynète 8 (Rft) Négative Tâche X Saynète 9 (Cpt) Négative Autrui X Saynète 9 (Cpt) Négative Intention X Saynète 9 (Cpt) Négative Trait X Saynète 9 (Cpt) Négative Contrainte X
Saynète 10 (Cpt) Positive Trait X Saynète 10 (Cpt) Positive Autrui X X Saynète 10 (Cpt) Positive Intention X Saynète 10 (Cpt) Positive Contrainte Saynète 11 (Rft) Négative Chance Saynète 11 (Rft) Négative Effort X X Saynète 11 (Rft) Négative Habileté Saynète 11 (Rft) Négative Tâche X X Saynète 12 (Rft) Positive Effort X Saynète 12 (Rft) Positive Habileté X X Saynète 12 (Rft) Positive Chance X Saynète 12 (Rft) Positive Tâche
Note. Cpt : comportement, Rft : renforcement.
Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité
291
L’analyse de contenu des profils montre que les profils utile et désirable sont
massivement internes (12 explications internes sur 12 pour le profil utile et 11 explications
internes sur 12 pour le profil désirable). A l’inverse, les profils inutile et indésirable semblent
massivement externes (9 explications externes sur 12 pour le profil inutile et 8 explications
externes sur 12 pour le profil indésirable). Il apparaît également que les quatre profils ne
semblent pas constitués des mêmes explications. En effet, le profil utile est composé
d’explications en terme de trait pour les comportements positifs (3 sur 3) comme pour les
comportements négatifs (3 sur 3), d’explications en terme d’habileté pour les renforcements
positifs (2 sur 3) et d’explications en terme de manque d’effort pour les renforcements
négatifs (3 sur 3). Le profil désirable, quant à lui, est composé d’explications en terme
d’intention pour les comportements positifs (2 sur 3) comme pour les comportements négatifs
(2 sur 3), d’explications en terme d’effort pour les renforcements positifs (2 sur 3) et par des
explications en terme de manque d’effort pour les renforcements négatifs (3 sur 3). Le profil
inutile est moins marqué sur les comportements, bien qu’il soit composé d’explications en
terme de contrainte pour les comportements négatifs (2 sur 3). Pour les renforcements positifs,
ce profil est composé d’explications en terme de chance (3 sur 3) et, dans le cas des
renforcements négatifs, par des explications en terme de manque d’habileté (2 sur 3). Enfin, le
profil indésirable est composé d’explications en terme d’autrui pour les comportements
positifs (2 sur 3), de trait pour les comportements négatifs (2 sur 3) et d’explications en terme
de tâche pour les renforcements négatifs (2 sur 3).
En résumé, l’analyse du contenu des quatre profils nous permet d’étudier les
représentations des enseignants en matière d’utilité et de désirabilité. Celle-ci montre que
l’élève utile serait un élève qui attribue ses comportements positifs comme négatifs à sa
personnalité. Lorsqu’il réussit, il penserait qu’il est intrinsèquement doué et lorsqu’il échoue,
il penserait que c’est parce qu’il ne s’est pas donné à fond. L’élève désirable, quant à lui,
aurait de bonnes intentions qui guident ses comportements positifs mais aurait du mal à
résister à ses envies (d’aller jouer ou de parler). Il ferait toutefois des efforts à l’école et
lorsqu’il échoue en classe, il penserait que c’est parce qu’il n’a pas assez travaillé. L’élève
inutile penserait que lorsqu’il fait une bêtise, c’est à cause des contraintes de l’environnement.
De plus, lorsqu’il réussit à l’école, il penserait que c’est à cause de la chance et lorsqu’il
échoue, ce serait dû au fait qu’il n’est pas intrinsèquement bon. Enfin, l’élève indésirable
attribuerait ses comportements positifs en faisant appel au pouvoir d’autrui et ses
comportements négatifs en faisant appel à sa personnalité. A l’école, il aurait tendance à
penser que ses échecs sont dus à la difficulté de la tâche. Un exemplaire de chaque profil est
Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité
292
présenté en annexes (cf. annexe IVb).
Bien entendu, les profils présentés ne sont que des exemples prototypiques déterminés
à partir des explications ayant des valeurs extrêmes sur les deux dimensions. D’autres
combinaisons de réponses sont envisageables. Il est en effet possible d’évaluer le degré
d’utilité et de désirabilité de profils d’élèves moins marqués que ceux présentés
précédemment. Nous reviendrons sur ce point dans le cadre de l’étude 10.
2. Autoprésentation, identification et valeur des explications causales
Après avoir mesuré les relations entre chaque explication du questionnaire
d’internalité scolaire (version b) et les deux composantes de la valeur sociale, nous avons
cherché à tester l’hypothèse selon laquelle les participants de l’étude 4 (élèves en
autoprésentation et enseignants en identification) ont basé leurs choix explicatifs sur la
désirabilité des explications plutôt que sur leur utilité. Si l’étude 9 nous a permis de montrer
que le paradigme d’identification/jugement était plus sensible à l’utilité qu’à la désirabilité, il
nous restait à montrer que la désirabilité de ces explications s’exprimait préférentiellement en
autoprésentation et en identification. Pour ce faire, nous avons retraité les données issues de
l’étude 4 à partir d’analyses des correspondances (Benzécri & Benzécri, 1980; Hair et al.,
1998). Ces analyses des correspondances ont été réalisées, pour la première, sur les
fréquences de choix des élèves concernant les explications du questionnaire en
autoprésentation et pour la seconde sur les fréquences de choix des enseignants concernant les
explications du questionnaire en identification. L’objectif de ces deux analyses était de
calculer deux scores de valorisation des explications du questionnaire, l’un à partir des
réponses des élèves et l’autre à partir de celles des enseignants. Ce score a été obtenu à partir
des variations de fréquences de choix des individus pour chaque explication en fonction des
différentes modalités du paradigme étudié.
2.1. Analyse des correspondances sur les réponses des élèves en autoprésentation
La première analyse des correspondances a été réalisée sur les réponses des élèves au
questionnaire d’internalité scolaire en autoprésentation (cf. étude 4). La matrice sur laquelle
celle-ci a été réalisée contenait en lignes les 48 explications du questionnaire et en colonnes
les trois consignes d’autoprésentation. Chaque cellule de cette matrice contenait le nombre
d’élèves ayant choisi une explication particulière pour une consigne donnée.
L’analyse des correspondances met en évidence une dimension expliquant 95.51 % de
Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité
293
l’inertie totale et sur laquelle se répartissent les trois consignes d’autoprésentation : la
consigne pronormative obtient un poids factoriel de .41, la consigne standard un poids de .27
et la consigne contre normative un poids de -.68. La dispersion des consignes sur la dimension
indique que cette dimension renvoie à la valeur des explications causales du point de vue des
élèves avec un pôle « valorisé » et un pôle « dévalorisé ». L’analyse des correspondances
montre également que les explications causales du questionnaire se répartissent sur un
continuum allant des explications les plus valorisées (lorsqu’ils aident le maître à ranger la
classe, certains disent « c’est parce que j’aime quand tout est en ordre ») à celles les plus
dévalorisées (lorsqu’ils aident un camarade de classe à terminer un exercice, certains disent
« c’est parce qu’on est obligé d’aider les autres à l’école »). La position de chaque explication
sur la dimension indique son degré de valorisation du point de vue des élèves.
2.2. Analyse des correspondances sur les réponses des enseignants en identification
La seconde analyse des correspondances a été réalisée sur les réponses des enseignants
au questionnaire d’internalité en identification (cf. étude 4). Cette analyse a été réalisée sur
une matrice dans laquelle les lignes correspondent aux 48 explications du questionnaire et les
colonnes aux deux consignes d’identification (élève idéal vs. élève non idéal).
L’analyse des correspondances réalisée met en évidence une seule dimension qui
explique 100% de l’inertie du nuage de points102. Cette dimension oppose la consigne
d’identification à l’élève idéal (.79) à celle d’identification à l’élève non idéal (-.79), ce qui
laisse entendre que cette dimension exprime la valeur telle qu’elle est perçue par les
enseignants. La position de chaque explication sur la dimension indique son degré de
valorisation du point de vue des enseignants. Les 48 explications se répartissent sur une
dimension allant des explications les plus valorisées (lorsqu’ils aident le maître à ranger la
classe, certains disent « c’est parce que j’aime quand tout est en ordre ») aux plus dévalorisées
(lorsqu’en classe, ils sont punis, certains élèves disent « c’est parce qu’on ne peut jamais rien
faire à l’école »).
La corrélation entre les scores de valorisation des explications en autoprésentation
(élèves) et en identification (enseignants) est significative, r(46) = .55, p < .0001. Il y a bien
une correspondance entre ces deux expressions de la valeur. Reste à savoir dans quelle mesure
ces deux scores reposent sur la désirabilité et sur l’utilité des explications causales. Les
102 Etant donné que la matrice des données n’est composée que de deux colonnes (consignes d’identification à l’élève idéal vs. l’élève non idéal), l’analyse des correspondances ne peut extraire qu’une seule dimension. En effet, le nombre maximal de dimensions potentiellement extraites correspond au nombre de colonnes moins une.
Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité
294
analyses qui suivent ont été réalisées dans ce but.
2.3. Tests des hypothèses concernant l’association entre la désirabilité et les
paradigmes de l’autoprésentation et de l’identification
Nous nous attendons à ce que les scores de valorisation obtenus à partir des analyses
précédentes soient préférentiellement reliés à la désirabilité des explications plutôt qu’à leur
utilité. Afin de tester cette hypothèse, nous avons mis en relation ces scores de valorisation
des explications avec leurs scores spécifiques de désirabilité et d’utilité à partir de modèles de
régression. Deux modèles de régression ont été élaborés. Le premier intègre comme variable
dépendante le score de valorisation en autoprésentation (modèle « élèves »). Le second
intègre comme variable dépendante le score de valorisation en identification (modèle
« enseignant »). Les résultats des deux modèles de régression sont présentés dans le tableau
8.4.
Tableau 8.4. Résultats des analyses de régression sur les scores de valorisation perçue par
les élèves et par les enseignants
Modèle « élèves »
Modèle « enseignants »
Score factoriel (désirabilité) .50** .72**
Score factoriel (utilité) .32** .27**
R² .41 .67
Note. Les coefficients de régression présentés sont standardisés (�). N = 48, ** p < .01, * p < .05, t p < .10
Conformément à nos prédictions, le score de désirabilité des explications prédit
significativement leurs scores de valorisation obtenus à partir des réponses des élèves (� =
.50) et de celles des enseignants (� = .72). Le score d’utilité des explications prédit également
leurs scores de valorisation obtenus et cela que ce soit à partir des réponses des élèves (� =
.32) ou de celles des enseignants (� = .27). Toutefois, les coefficients de régression
standardisés indiquent que, pour les deux scores de valorisation, l’effet de la désirabilité est
plus fort que celui de l’utilité dans l’échantillon d’explications considéré. Notons également
que les modèles réalisés expliquent une part importante de la variance des deux scores de
valorisation. Dans le cas du modèle « élèves », les scores de désirabilité et d’utilité expliquent
Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité
295
plus de 40 % de la variance du score de valorisation. Dans le cas du modèle « enseignant »,
ces deux variables expliquent plus des deux tiers de la variance du score de valorisation (67
%).
Ces résultats vont donc dans le sens de Dubois (2000) qui affirmait que le paradigme
d’autoprésentation mobilisait préférentiellement la désirabilité des explications. Ils indiquent
également que le paradigme de l’identification repose sur la logique similaire (voir à ce
propos Gilibert & Cambon, 2003). Ces résultats indiquent également que les scores de
désirabilité et d’utilité de chaque explication que nous avons calculés semblent bien
correspondre à la valeur que l’on aurait pu déduire des réponses des élèves en
autoprésentation et de celles des enseignants en identification.
Enfin, dans une dernière étude, nous avons cherché à montrer que l’intervention de la
valeur des explications dans le jugement des enseignants pouvait être mieux appréhendée par
l’intermédiaire de la prise en compte de la spécificité des explications causales sur les deux
composantes de la valeur sociale que par le seul recours au critère interne/externe.
3. Etude 10 : Paradigme des juges avec cibles aléatoires
Dans les analyses précédentes, nous avons montré que les explications étaient reliées
de façon spécifique à la désirabilité et à l’utilité. Toutefois, les relations mises en évidence
sont uniquement de nature corrélationnelle. En effet, les analyses effectuées reposent sur les
résultats des études 8 et 9. Dans ces études, les explications causales n’étaient pas manipulées
mais étaient choisies par les enseignants eux-mêmes lorsqu’ils répondaient pour les élèves-
cibles. Or, si les scores de désirabilité et d’utilité nous renseignent sur la connotation des
explications causales et que cette connotation guide le jugement, ces scores devraient
permettre de prédire les jugements de désirabilité et d’utilité des enseignants à l’égard
d’élèves connus par leurs réponses au questionnaire d’internalité scolaire. Parce qu’ils
tiennent compte de la spécificité de chaque explication du questionnaire, ils devraient même
permettre une meilleure prédiction des jugements d’utilité et de désirabilité que le recours à la
seule distinction interne/externe.
Pour rendre compte des mécanismes à l’œuvre dans la détermination des jugements de
désirabilité et d’utilité des enseignants, nous avons eu recours au modèle V.I.A. (Value,
Integration, Action) proposé par N. H. Anderson (2004)103. Sur un plan théorique, ce modèle
103 Le modèle V.I.A. présente, pour nous, l’avantage de reposer sur un ensemble restreint de principes facilement adaptables à notre problématique et dont la pertinence est soutenue par de nombreuses recherches (voir pour revue N. H. Anderson, 2004). Cependant, le fait d’utiliser ce modèle comme support théorique ne signifie pas
Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité
296
décompose les processus de traitement de l’information en trois phases successives. La
première phase, l’évaluation (V), consiste à transformer les stimuli physiques en
représentations psychologiques en fonction de l’objectif à atteindre (e.g. juger de l’agréabilité
d’une personne). La deuxième phase, l’intégration (I), consiste à intégrer les différentes
représentations psychologiques en une réponse implicite. Enfin, la troisième phase consiste à
transformer la réponse implicite en une réponse observable (e.g. jugement d’agréabilité).
D’après N. H. Anderson (2004), le modèle V.I.A. repose sur cinq principes fondamentaux. Le
premier considère que la règle d’intégration des représentations psychologiques est additive.
Le deuxième suppose que la réponse observée est une fonction linéaire de la réponse
implicite. Le troisième principe repose sur l’idée que les effets principaux sont des fonctions
linéaires de chaque variable. Le quatrième principe suppose que les stimuli n’interagissent pas
mais disposent d’une signification invariante. Enfin, le cinquième principe avance que la
phase d’évaluation et la phase d’intégration sont deux processus indépendants. Afin de mieux
comprendre l’intervention de la valeur des explications causales sur le jugement, nous avons
utilisé les principes du modèle V.I.A. La figure 8.1. présente le modèle sur lequel reposent
nos hypothèses.
que nous le considérons comme le modèle le plus adapté pour décrire les mécanismes qui sous-tendent le traitement de l’information. Notre objectif se limite ici à utiliser le cadre théorique qu’il propose pour mettre en évidence l’intérêt de prendre compte la valeur spécifique des explications causales dès lors qu’on souhaite étudier les effets de cette valeur sur les jugements de désirabilité et d’utilité.
Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité
297
Choix explicatif (saynète 1)
Choix explicatif (saynète 2)
Choix explicatif (saynète n)
Désirabilité de l’explication 1
Utilité de l’explication 1
Désirabilité de l’explication 2
Réponse implicite
(désirabilité)Description
personnologique de la cible
Évaluation (V)
Intégration (I)
Réponse (A)
Utilité de l’explication 2
Désirabilité de l’explication n
Utilité de l’explication n
Réponse implicite (utilité)
Figure 8.1. Modélisation des processus des jugements de désirabilité et d’utilité à partir du
modèle V.I.A.
La figure 8.1. présente un modèle des processus de jugement de désirabilité et d’utilité
adapté de la théorie de N. H. Anderson (2004). Ce modèle repose sur les mêmes présupposés
théoriques que le modèle V.I.A. La différence principale est qu’il propose de rendre compte
de l’évaluation et de l’intégration de deux dimensions simultanément : la désirabilité et
l’utilité. En effet, les explications causales choisies par la cible – qui ont ici le statut de stimuli
physiques – seraient évaluées en parallèle sur les deux dimensions et transformées en
représentations psychologiques en terme de désirabilité et en terme d’utilité. Ces
représentations seraient ensuite intégrées à partir d’une règle additive pour aboutir à une
réponse implicite en terme de désirabilité et à une réponse implicite en terme d’utilité. Ces
deux réponses implicites seraient par la suite combinées en une même réponse
comportementale sous la forme d’une description personnologique. La décomposition de cette
description personnologique en terme d’utilité et en terme de désirabilité permettrait
d’accéder au contenu des deux réponses implicites construites par l’intégration des
représentations psychologiques de la valeur des explications causales.
L’étude 10 a pour objectif de tester certaines prédictions issues de ce modèle. Une
première hypothèse est que le score global de désirabilité d’un élève (somme des scores de
désirabilité des explications choisies) devrait prédire significativement le jugement de
Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité
298
désirabilité que devraient émettre des enseignants à son endroit lorsqu’ils disposent de ses
choix explicatifs. Une deuxième hypothèse est que le score global d’utilité d’un élève (somme
des scores d’utilité des explications choisies) devrait prédire les jugements d’utilité émis par
des enseignants à partir de ses choix explicatifs. De plus, le score global de désirabilité devrait
uniquement être relié au jugement de désirabilité et non au jugement d’utilité. Inversement, le
score global d’utilité devrait uniquement être relié au jugement d’utilité et non au jugement de
désirabilité. Enfin, une dernière hypothèse est que le recours au score global d’internalité
devrait être moins prédictif des jugements de désirabilité et d’utilité que ne le sont les scores
globaux de désirabilité et d’utilité.
Notons toutefois que, bien que proches de celles émises dans l’étude 9, les hypothèses
testées dans cette étude ne sont pas des hypothèses de médiation. Il s’agit plutôt ici de
comparer deux façons d’aborder les caractéristiques d’un même matériel sur leur capacité à
expliquer les variations de jugement sur les deux dimensions. La première repose sur le
regroupement des explications causales à partir du seul critère interne/externe. La seconde
repose sur des mesures empiriques concernant la spécificité de chaque explication sur l’utilité
et la désirabilité104.
3.1. Vue générale
Des enseignants ont été invités à attribuer des traits de personnalité à des élèves fictifs
décrits à partir de leurs performances scolaires et de leurs réponses au questionnaire
d’internalité scolaire (version b). La méthode utilisée est le paradigme des juges, à la
différence près que les participants sont confrontés à une cible dont les réponses au
questionnaire d’internalité ont été déterminées de façon aléatoire.
3.2. Méthode
3.2.1. Participants
Cent trente enseignants ont participé à l’expérience. Parmi eux, 69 sont des stagiaires
enseignants des écoles à l’I.U.F.M. de Grenoble et de Chambéry en première (39) et en
deuxième année de formation (30) et 61 sont en poste en cycle primaire dans la région
grenobloise.
104 En effet, contrairement aux études présentées dans le chapitre 7 où nous avons mesuré l’utilité et la désirabilité des élèves perçues par leurs enseignants, nous mesurons dans ce chapitre l’utilité et la désirabilité des explications causales.
Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité
299
3.2.2. Matériel
Le matériel utilisé dans cette étude comportait un dossier concernant un élève fictif de
CE2. Ce dossier était composé de plusieurs documents. Un premier, le questionnaire
d’internalité scolaire (version b), était censé avoir été rempli par un élève fictif. A la
différence de la méthode classique, les réponses de cet élève ont été sélectionnées de façon
aléatoire. En effet, pour chacune des 12 saynètes, un tirage aléatoire a été effectué pour
déterminer laquelle des quatre explications devait être cochée. Le questionnaire final était
donc constitué de 12 réponses déterminées aléatoirement et indépendantes les unes des autres.
Cette procédure a été répétée pour chaque participant. De fait, on disposait d’autant de
questionnaires différents que de participants.
Le deuxième document était un dossier concernant les performances scolaires de
l’élève lors de quatre périodes de l’année scolaire (cf. annexe IVc). Pour chacune des
périodes, différentes aptitudes étaient évaluées sur une grille élaborée à partir du programme
de CE2 en français et en mathématiques. Le bilan de la première période impliquait sept
aptitudes en français et sept en mathématiques, celui de la deuxième période 12 aptitudes en
français et quatre en mathématiques, celui de la troisième période 11 aptitudes en français et
six en mathématiques et, enfin, celui de la quatrième période 12 aptitudes en français et six en
mathématiques. Chaque aptitude de l’élève pouvait être décrite soit comme acquise, soit en
voie d’acquisition, soit non acquise.
Le troisième document était une fiche indiquant les performances de l’élève aux
épreuves standardisées de français et de mathématiques. Ces épreuves indiquaient le score
global de l’élève dans ces deux disciplines ainsi que le détail des scores de l’élève aux sous-
épreuves des tests. Ces sous-épreuves étaient au nombre de quatre en français et de cinq en
mathématiques.
Trois profils d’élèves ont été élaborés : un fort, un moyen et un faible. Ils se
différenciaient au niveau de leurs performances, d’une part, sur les bilans des quatre périodes
et, d’autre part, sur les scores obtenus aux épreuves standardisées de CE2. Les valeurs prises
par ces trois profils d’élèves sur les bilans et sur les épreuves standardisées ont été choisies
sur la base des recommandations d’une enseignante en poste en classe de CE2 depuis
plusieurs années. Le sexe de l’élève ainsi que son âge ont également été contrôlés. Il s’agissait
pour les trois profils d’un garçon de 8-9 ans.
Enfin, le dossier contenait également une fiche sur laquelle les participants devaient
Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité
300
attribuer des traits de personnalité à l’élève cible. Pour ce faire, les enseignants devaient
choisir dans une liste comprenant les 24 traits de personnalité de l’échelle de
désirabilité/utilité scolaire trois traits qui, selon eux, caractériseraient le mieux l’élève dont ils
venaient de lire le dossier.
3.2.3. Procédure
Les passations ont été réalisées lors de plusieurs séances collectives sur les sites des
I.U.F.M. de Grenoble et de Chambéry et dans différentes écoles du département de l’Isère. En
début de séance, un dossier était distribué à chaque participant. Ceux-ci étaient informés
oralement et par l’intermédiaire d’une consigne écrite que le dossier contenait des
informations sur un élève de CE2 (performances aux épreuves standardisées de CE2, bilan
des quatre périodes scolaires, réponses à un questionnaire de situations scolaires). Après avoir
pris connaissance de ces informations, les enseignants devaient décrire l’élève en question à
partir de trois traits de personnalité parmi les 24 traits proposés.
3.3. Résultats
Les données ont été traitées par l’intermédiaire d’analyses de régression. Pour tester
nos hypothèses, différents modèles ont été construits. Ces modèles ont été testés sur deux
variables dépendantes : le score global de désirabilité des élèves et le score global d’utilité des
élèves. Ces deux scores ont été obtenus à partir des trois traits choisis par les enseignants. Ces
trois traits ont été transformés en deux scores continus distincts à partir de leur poids
respectifs sur les dimensions de la désirabilité et de l’utilité. Ne pouvant pas calculer ces poids
auprès de cet échantillon, nous avons utilisé comme pondération les poids de ces traits
obtenus par l’intermédiaire d’une analyse factorielle réalisée sur l’échantillon de 105
enseignants de l’étude 6. Les deux variables dépendantes représentent la somme des poids
factoriels des traits choisis par les enseignants sur chacune des deux dimensions. Ces scores
renvoient aux jugements de désirabilité et d’utilité des enseignants. La corrélation entre ces
deux variables est de -.29105.
Comme pour les études 3, 4, 8 et 9, différents modèles ont été créés à partir d’un
105 Les distributions de ces deux scores suivent toutes deux une loi normale (tests K-S de normalité non significatifs). La corrélation négative entre ces deux scores n’indique pas que les deux scores de jugements sont corrélés négativement. Elle n’est que le reflet de l’inversion des pôles négatifs et positifs du facteur « désirabilité » observée dans l’analyse factorielle présentée dans l’étude 6. Etant donné que cette inversion est produite arbitrairement par l’algorithme utilisé par l’analyse factorielle, nous avons choisi d’inverser le score de jugement de désirabilité de façon à faciliter la lecture des résultats.
Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité
301
modèle de base. Ce modèle de base intégrait, d’une part, la variable « niveau de l’élève »
appréhendée sous la forme de deux contrastes orthogonaux opposant, d’un côté, l’élève faible
à l’élève fort (contraste linéaire : -1 0 1) et, de l’autre, l’élève moyen aux deux autres
(contraste quadratique : -1 2 -1). D’autre part, il intégrait également une des deux dimensions
de la valeur qui n’était pas utilisée comme variable dépendante. Ainsi, pour les modèles testés
sur le jugement de désirabilité (VD), le modèle de base intégrait le jugement d’utilité.
Inversement, pour les modèles réalisés sur le jugement d’utilité (VD), le modèle de base
intégrait le jugement de désirabilité. L’introduction dans le modèle de base de la composante
de la valeur sociale non utilisée comme variable dépendante avait pour but de nous assurer de
ne mesurer que les effets des variables indépendantes sur une seule des deux dimensions.
Six modèles distincts ont finalement été créés. Trois modèles (modèles 1, 2 et 3) ont
été testés sur le jugement de désirabilité et trois autres (modèles 1’, 2’ et 3’) sur le jugement
d’utilité.
Le modèle 1 teste le modèle proposé par la théorie de la norme d’internalité. Ce
modèle vise à répliquer les résultats obtenus dans les études 8 et 9 concernant la relation entre
le score global d’internalité et la désirabilité. De fait, il intègre le score global d’internalité des
élèves comme prédicteur du jugement de désirabilité. Ce score a été obtenu en faisant la
somme des explications internes cochées dans le questionnaire d’internalité scolaire par
chaque élève fictif. Les réponses de chaque élève ayant été sélectionnées aléatoirement, le
score global d’internalité est donc une variable aléatoire discrète variant potentiellement de 0
à 12.
Le modèle 2 teste si les scores de désirabilité et d’utilité des explications, une fois
transformés en score global par élève, prédisent de façon différenciée le jugement de
désirabilité des enseignants à l’endroit des élèves fictifs. Ce modèle intègre deux scores par
élève fictif. Le premier, le score global de désirabilité des élèves, a été obtenu en pondérant
les réponses aléatoires de chaque élève au questionnaire par les scores factoriels des
explications sur la dimension de la désirabilité et en calculant la somme de ces douze scores.
Le second score, le score global d’utilité des élèves, a été obtenu de la même manière mais à
partir des scores factoriels des explications sur la dimension de l’utilité. Les scores de
désirabilité et d’utilité des élèves (r = .30) sont donc des variables aléatoires continues qui
peuvent varier de -13.41 à +16.00 pour le score de désirabilité et de -14.37 à +12.81 pour le
score d’utilité. Nous nous attendons à ce que, de ces deux scores, seul le score de désirabilité
des élèves prédise le jugement de désirabilité.
Enfin, le modèle 3 a pour objectif de montrer que le score global d’internalité n’est un
Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité
302
prédicteur du jugement de désirabilité que parce qu’il explique une part de variance commune
avec le score de désirabilité des élèves. Nous nous attendons donc à ce que l’effet du score
global d’internalité sur le jugement de désirabilité disparaisse lorsque l’on contrôle le score de
désirabilité des élèves. Le modèle 3 intègre donc simultanément le score global d’internalité
des élèves fictifs, leur score global de désirabilité et leur score global d’utilité.
Trois autres modèles ont été testés sur le jugement d’utilité. Ces modèles sont
identiques aux modèles précédents à ceci près qu’ils ont intégré comme variable dépendante
le jugement d’utilité. L’objectif du modèle 1’ est de montrer que le score global d’internalité
des élèves est bien relié au jugement d’utilité. Le modèle 2’ vise à mettre en évidence que seul
le score global d’utilité des élèves prédit significativement le jugement d’utilité. Le modèle 3’
vise à mettre en évidence que la relation entre le score global d’internalité des élèves et le
jugement d’utilité disparaît lorsque l’on contrôle le score global d’utilité des élèves.
Les résultats des trois modèles testés sur le jugement de désirabilité sont présentés
dans le tableau 8.5.
Tableau 8.5. Modèles de régression avec comme variable dépendante le jugement de
désirabilité
Modèle 1 Modèle 2 Modèle 3
Contraste linéaire (-1 0 1) .19t .16 .18
Contraste quadratique (-1 2 -1) .24** .26** .24**
Jugement d’utilité .07 .10 .09
Score global d’internalité des élèves .19* .12
Score global d’utilité des élèves -.01 -.05
Score global de désirabilité des élèves .24** .21*
R² .18 .21 .22
Note. Les coefficients de régression présentés sont standardisés (�). N = 130, ** p < .01, * p < .05, t p < .10
Le modèle 1 indique que le score global d’internalité des élèves fictifs est
positivement et significativement relié au jugement de désirabilité (� = .19). Plus les élèves
fictifs sont internes, plus les enseignants les jugent comme désirables. Le modèle 2 indique
que seul le score global de désirabilité des élèves fictifs prédit positivement et
significativement le jugement de désirabilité des enseignants à l’endroit de ces élèves (� =
Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité
303
.24). Plus les élèves mettent en avant des explications porteuses de désirabilité, plus ils sont
jugés comme désirables. Le score global d’utilité des élèves n’est pas significativement
associé à ce jugement. Enfin, le modèle 3 révèle que le score global de désirabilité des élèves
continue de prédire le jugement de désirabilité lorsque l’on contrôle le score global
d’internalité des élèves (� = .21). En revanche, ce dernier ne prédit plus le jugement de
désirabilité lorsque l’on contrôle les scores globaux de désirabilité et d’utilité des élèves.
Les résultats des trois modèles testés sur le jugement d’utilité sont présentés dans le
tableau 8.6.
Tableau 8.6. Modèles de régression avec comme variable dépendante le jugement d’utilité
Modèle 1’ Modèle 2’ Modèle 3’
Contraste linéaire (-1 0 1) .63** .61** .62**
Contraste quadratique (-1 2 -1) .26** .27** .26**
Jugement de désirabilité .04 .06 .05
Score global d’internalité des élèves .12t .06
Score global d’utilité des élèves .21** .19**
Score global de désirabilité des élèves -.05 -.07
R² .51 .54 .54
Note. Les coefficients de régression présentés sont standardisés (�). N = 130, ** p < .01, * p < .05, t p < .10
Sur le jugement d’utilité, les résultats obtenus sont sensiblement les mêmes que ceux
obtenus sur le jugement de désirabilité. Le modèle 1’ indique que le score global d’internalité
est positivement mais tendanciellement relié au jugement d’utilité émis par les enseignants (�
= .12). Plus les élèves sont internes, plus les enseignants jugent ces élèves comme étant utiles.
Le modèle 2’ révèle que seul le score global d’utilité des élèves prédit significativement le
jugement d’utilité (� = .21). Plus les élèves mettent en avant des explications porteuses
d’utilité, plus ils sont décrits comme utiles. Le score global de désirabilité des élèves, quant à
lui, n’est pas significativement associé à ce jugement. Enfin, le modèle 3’ indique que seul le
score global d’utilité des élèves prédit positivement et significativement le jugement d’utilité
(� = .19). En effet, en contrôlant l’utilité et la désirabilité des élèves, le score global
d’internalité des élèves ne prédit plus ce jugement.
Enfin, nous avons comparé le pouvoir explicatif des modèles 1 et 2 et des modèles 1’
Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité
304
et 2’. En matière de jugement de désirabilité, le modèle 2 explique significativement plus de
variance que le modèle 1, Fincrémentiel(1,124) = 4.07, p < .05. En matière de jugement d’utilité,
le modèle 2’ explique significativement plus de variance que le modèle 1’, Fincrémentiel(1,124) =
7.20, p < .01. Au regard de ces seuls critères, les modèles 2 et 2’ semblent être les modèles les
plus parcimonieux pour rendre compte des jugements de désirabilité et d’utilité d’enseignants
à l’endroit d’élèves fictifs.
3.4. Discussion
Les résultats de cette dernière étude confirment clairement ceux obtenus à partir du
seul critère interne/externe dans les études précédentes. Comme le montrent les modèles 1 et
1’, le score global d’internalité des élèves est relié significativement et positivement à la
désirabilité des élèves et positivement mais tendanciellement à leur utilité. De ce point de vue,
nos résultats vont donc globalement dans le sens de la théorie de la norme d’internalité. De
plus, la manipulation aléatoire des réponses des élèves fictifs opérée dans cette étude nous
permet de conclure que la relation entre les explications causales et les deux composantes de
la valeur sociale peut être une relation de nature causale, ce que ne nous permettaient pas
jusqu’à présent de conclure les différentes études réalisées. Pourtant, si nos résultats vont bien
dans le sens de la théorie de la norme d’internalité lorsqu’on a recours au score global
d’internalité, un pattern de résultats bien différent semble se dégager dès lors que l’on intègre
les scores de désirabilité et d’utilité calculés à partir de l’observation empirique des relations
entre chaque explication et les deux composantes de la valeur sociale.
En effet, le modèle 2 indique que, de ces deux scores, seul le score de désirabilité des
élèves fictifs prédit significativement le jugement de désirabilité des enseignants à leur
endroit. Inversement, le modèle 2’ indique que seul le score d’utilité des élèves prédit
significativement le jugement d’utilité des enseignants. Ainsi, nous observons que les scores
de désirabilité et d’utilité des élèves fictifs prédisent bien de façon différenciée les jugements
de désirabilité et d’utilité des enseignants. De tels résultats sont, pour nous, d’autant plus
intéressants qu’ils ont été obtenus auprès d’un échantillon totalement indépendant de ceux sur
lesquels nous nous sommes basés pour déterminer les poids respectifs des explications sur les
deux dimensions. Sur cette raison, ils semblent attester de la validité des coefficients reliant
chaque explication avec les deux composantes de la valeur. En fait, les coefficients obtenus à
partir des données des études 8 et 9 semblent être de bons prédicteurs des impressions des
enseignants à l’endroit d’élèves connus, entre autres informations, par leurs réponses au
Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité
305
questionnaire d’internalité scolaire (version b). Ces résultats semblent également indiquer que
la règle additive de la phase d’intégration du modèle V.I.A. (N. H. Anderson, 2004) semble
avoir permis de rendre compte des opérations cognitives effectuées par les enseignants
puisque ceux-ci semblent avoir décrit les élèves sur la désirabilité et l’utilité à partir de
l’addition des poids respectifs des explications sur ces deux dimensions. Nos résultats
semblent donc bien aller dans le sens du modèle présenté dans la figure 8.1.
Enfin, les modèles 3 et 3’ indiquent que l’effet du score global d’internalité des élèves
n’est plus significatif sur les jugements de désirabilité et d’utilité des enseignants dès lors que
l’on contrôle les scores de désirabilité et d’utilité des élèves fictifs. Seul le score de
désirabilité des élèves reste un prédicteur significatif du jugement de désirabilité.
Inversement, seul le score d’utilité des élèves reste un prédicteur significatif du jugement
d’utilité. De plus, les comparaisons des pouvoirs explicatifs des différents modèles de
régression indiquent sans ambiguïté que les modèles prenant en compte les deux scores de
désirabilité et d’utilité des élèves sont meilleurs que les modèles issus de la théorie de la
norme d’internalité. A s’en tenir à ces résultats, il semble donc que, bien que le modèle
théorique proposé par la théorie de la norme d’internalité soit en mesure de capter les effets de
la valeur des explications causales sur les jugements de désirabilité et d’utilité des enseignants
à l’égard d’élèves fictifs, son pouvoir explicatif s’avère limité et ce, pour au moins deux
raisons. D’une part, étant donné que le score d’internalité prédit à la fois l’utilité et la
désirabilité attribuée, ce modèle s’avère peu discriminant sur ce point : il ne renseigne en rien
sur la spécificité des explications internes telle qu’elle peut être abordée à partir des deux
composantes de la valeur. D’autre part, il s’avère moins explicatif que le modèle prenant en
compte la valeur de chaque explication sur chacune des deux dimensions. Il semble donc
qu’un modèle ayant recours à la valeur spécifique des explications causales soit plus adapté
pour appréhender l’intervention de la valeur sociale de ces explications dans la formation
d’impression.
4. Conclusion
Les résultats issus du retraitement des données des études 8 et 9 ainsi que ceux mis en
évidence dans l’étude 10 révèlent qu’il est possible de mesurer la valeur des explications
causales au niveau des items eux-mêmes. Ces résultats vont également dans le sens de l’idée
que la valeur des explications que l’on pouvait inférer sur la base du critère interne/externe ou
à partir d’une classification plus fine, reposait sur la valeur spécifique de chaque explication
Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité
306
causale. Il semble donc que les résultats que nous avons obtenus dans les études précédentes,
tant à partir de l’opposition interne/externe que des différentes catégories d’explications, sont
bien le reflet d’un phénomène d’agrégation. Les différents scores créés et leurs effets
apparaissent donc dépendants du contenu des items du questionnaire d’internalité.
Nous l’avons vu, les explications causales présentes dans un questionnaire
d’internalité ne sont pas seulement envisageables en terme de catégories d’explications
spécifiques (e.g. les explications internes, les explications en terme d’effort). Elles véhiculent
également des informations sur les personnes qui les émettent. La distinction entre les deux
composantes de la valeur sociale nous semble permettre de capter, dans une certaine mesure,
ces informations. A partir de la prise en compte de la spécificité des explications sur ces deux
dimensions, nous avons pu mettre en évidence que les élèves pouvaient utiliser cette
spécificité dans le cadre de leurs stratégies d’autoprésentation. S’ils ont surtout mis en avant
des explications sur la base de leur désirabilité, ils ont également utilisé dans une moindre
mesure l’utilité de ces explications. La valeur véhiculée par les explications sur les deux
dimensions a également été utilisée par les enseignants lorsqu’ils ont répondu au nom de
l’élève idéal vs. non idéal. Il semble que, pour eux, la différence entre l’élève idéal et l’élève
non idéal soit principalement le fait de la désirabilité de leurs explications, même s’ils ont
également différencié ces deux profils sur l’utilité. Ces résultats semblent donc indiquer que
les élèves comme les enseignants sont en mesure d’identifier la valeur des explications
causales pour réaliser la tâche demandée. Un constat similaire peut être fait à partir des
résultats de l’étude 10. Dans cette étude, les enseignants semblent avoir basé leurs
descriptions personnologiques des élèves fictifs – au-delà des informations sur leurs
performances aux épreuves standardisées et leurs bilans scolaires – sur leurs réponses au
questionnaire d’internalité. Le fait que les scores de désirabilité des élèves corrèlent avec les
jugements de désirabilité émis à leur endroit tend à indiquer que les enseignants ont bien
utilisé la valeur spécifique des explications pour se faire une impression sur cette dimension.
De même, le fait que les scores d’utilité des élèves corrèlent uniquement avec les jugements
d’utilité indique que les enseignants se sont basés sur la valeur des explications sur cette
dimension pour inférer l’utilité des élèves. De plus, la prise en compte de la valeur spécifique
des explications sur les deux dimensions par l’intermédiaire de ces deux scores permet de
mieux prédire les jugements de désirabilité et d’utilité que ne le permet le recours à la
distinction interne/externe. Ces résultats semblent donc indiquer que les effets de la valeur
sociale des explications causales sur les jugements d’utilité et de désirabilité sont mieux
appréhendés à partir d’un modèle tenant compte de la spécificité de chaque explication plutôt
Chapitre 8. La valeur spécifique de chaque explication sur l’utilité et la désirabilité
307
qu’un modèle différenciant les explications uniquement sur leur orientation interne/externe.
Chapitre 9. Conclusion générale
309
CHAPITRE 9
CONCLUSION GENERALE
L’objectif principal de cette thèse portait sur l’étude de la valeur des explications
causales. Nous avons situé nos recherches dans le cadre de la théorie de la norme d’internalité
(Beauvois, 1984a; Beauvois & Dubois, 1988; Dubois, 1994, 2003b), et dans la lignée des
travaux qui ont étudié les variations de valeur au sein du registre interne (Beauvois et al.,
1991; Beauvois & Le Poultier, 1986; Castra, 1998; Clémence et al., 1996; Desrumeaux-
Zagrodnicki & Rainis, 2000; Pansu & Gilibert, 2002). Le lecteur trouvera dans cette thèse des
résultats qui confirment des données antérieures concernant la plus ou moins grande valeur
sociale des explications internes et d’autres qui apportent des extensions nouvelles. Dans ce
dernier chapitre, nous reviendrons, tout d’abord, sur les principaux résultats de nos études et
préciserons en quoi ils permettent d’enrichir la discussion sur la valeur sociale des
explications causales internes dans l’explication des événements et des jugements sociaux.
Enfin, nous clorons cette thèse en soulignant quelques limites à ce travail et tracerons
quelques pistes de recherches futures.
En regard des nombreux résultats présentés, deux points nous semblent
particulièrement intéressants à retenir. Bien que portant sur des problématiques a priori
distinctes, ces points s’articulent tous deux autour d’une même idée : l’intérêt de spécifier les
objets sur lesquels on travaille, tant au niveau de la formulation des hypothèses que de la
mesure des objets eux-mêmes. Cette idée, centrale dans le perspectivisme (McGuire, 1983,
1999, 2004), est, pour nous, de première importance lorsqu’on s’intéresse de plus près à la
valorisation sociale des différentes explications causales. C’est donc dans cette optique que
nous discuterons l’intérêt de spécifier 1) la notion de jugement social, en particulier le type de
jugement social mobilisé lorsqu’on s’intéresse aux effets des explications causales sur ce
dernier et 2) la valeur sociale des explications causales.
Le premier point concerne la notion de jugement social. Préciser les différentes formes
que pouvait prendre le jugement social nous a permis de mieux situer les effets des
Chapitre 9. Conclusion générale
310
explications causales sur ce type de jugement en regard d’autres champs théoriques. C’est
ainsi que nous avons cherché à montrer que la prise en compte de l’aspect multidimensionnel
de la notion de jugement social pouvait permettre d’articuler l’approche sociocognitive de
l’internalité (Beauvois & Dubois, 1988) et l’approche attributionnelle des relations
interpersonnelles (Weiner, 1995). En effet, bien qu’elles semblent étudier une thématique
similaire – les effets des explications causales sur le jugement social – et qu’elles émettent a
priori des hypothèses contradictoires, ces théories n’abordent pas le jugement social à partir
de la même définition. Alors que l’approche sociocognitive de l’internalité s’intéresse au
jugement sur la valeur des personnes (e.g. pronostic de réussite), l’approche attributionnelle
opérationnalise ce jugement sous la forme d’un jugement de sanction (e.g.
récompense/punition, aide). Poser ainsi, une telle différence laisse entrevoir que les jugements
étudiés par ces deux courants théoriques renvoient à deux activités différentes poursuivant des
finalités particulières (sanction dans un cas, prédiction de réussite dans l’autre cas) dans des
situations également particulières (immédiates ou futures). Dès lors, il est fort probable que
chacune de ces approches puisse voir ses hypothèses confirmées par les données, pour peu
que l’on tienne compte de la spécificité de l’activité de jugement mobilisée. Les résultats de
l’étude 2 vont dans ce sens. Par exemple, ils mettent clairement en évidence qu’un élève
attribuant son échec à un manque d’effort occasionnel puisse être jugé favorablement dans un
cas (pronostic de réussite favorable) et défavorablement dans l’autre (sanction sévère). De
fait, la spécification de la notion de jugement social – et sa décomposition en différentes
dimensions – permet de dépasser les antagonismes théoriques de ces deux approches en les
rendant plus complémentaires qu’antinomiques. Se définissant l’une par rapport à l’autre à
partir de leurs limites respectives, l’approche sociocognitive de l’internalité et l’approche
attributionnelle semblent pouvoir s’enrichir mutuellement.
Si l’on admet cette interprétation en terme de différence de jugement social, il nous
faut alors reconnaître qu’elle vaut également lorsqu’on compare les résultats des études du
chapitre 3, en particulier ceux de l’étude 2 (jugement de pronostic), aux études des chapitres
qui suivent (jugement de compétence scolaire et/ou jugement bidimensionnel sur la valeur des
personnes). Rappelons que les résultats de l’étude 2 nous conduisaient à conclure, à partir
d’un jugement de pronostic de réussite future, que les explications en terme d’effort étaient les
plus valorisées du registre interne pour les renforcements et ce, que l’événement considéré
soit positif ou négatif. Pourtant, les résultats des études ultérieures (cf. chapitres 4 et 7)
tendent à indiquer que de telles conclusions ne s’appliquent plus vraiment, ou alors seulement
de façon partielle, lorsqu’on s’intéresse au jugement d’acquisition scolaire et aux jugements
Chapitre 9. Conclusion générale
311
sur les deux composantes de la valeur des personnes. A s’en tenir aux seuls résultats de
l’étude 2, les effets mis en évidence sur ces types de jugement semblent plus proches de ceux
obtenus sur le jugement de compétence que de ceux obtenus sur le jugement de pronostic. Il
semble donc possible de recourir à un jugement sur la valeur des personnes de plusieurs
façons et que l’opérationnalisation de ce jugement peut avoir des conséquences sur les effets
observés. S’ils nous renseignent tous deux sur ce que l’on peut faire avec les gens, le
jugement de pronostic et le jugement de compétence ne semblent pas complètement
assimilables. Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons pas, dans l’état actuel de nos données,
statuer sur les relations qu’entretiennent véritablement ces deux types de jugement. De
nouvelles recherches sont nécessaires pour s’attacher à comprendre la nature de ces relations.
Le second point mis en évidence par nos études concerne plus particulièrement
l’approche sociocognitive de l’internalité et l’étude des fluctuations de valeur au sein du
registre interne. Les résultats des études 3 et 4 (cf. chapitre 4) ont montré, dans l’explication
des renforcements comme dans celle des comportements, que le seul recours au critère
interne/externe pouvait masquer des variations de valeur non négligeables au sein du registre
causal interne. Plus spécifiquement, les études 3 et 4 ont mis en évidence que, si l’utilisation
du critère interne/externe amène à considérer que les effets de l’internalité sont relativement
homogènes au travers des différents paradigmes mobilisés, la prise en compte d’autres critères
de classification – catégoriels et dimensionnels – aboutit à des conclusions bien différentes.
En effet, ces critères additionnels nous ont permis d’observer 1) que toutes les explications
internes ne sont pas porteuses de valeur au même niveau, certaines d’entre elles pouvant
apparaître valorisées, d’autres neutres, et d’autres encore dévalorisées et 2) que la valeur
accordée par les participants aux différentes catégories d’explications peut varier en fonction
du paradigme utilisé. De telles différences seraient la conséquence d’un phénomène
d’agrégation. Si les individus valorisent certaines explications internes plutôt que d’autres, ils
ne valorisent pas les mêmes explications internes en fonction du paradigme dans lequel ils se
trouvent. Prises dans leur ensemble, ces différentes études indiquent que l’existence d’une
hétérogénéité de valeur au sein des deux registres causaux semble être une constante que l’on
retrouve dès lors qu’on dépasse la seule distinction interne/externe. Un tel constat nous
semble d’autant plus fondé que cette hétérogénéité se retrouve sur les deux composantes de la
valeur sociale. Les études 8 et 9 (cf. chapitre 7) ont mis en évidence, d’une part, que les
différentes catégories d’explications manipulées possédaient une valeur spécifique sur l’utilité
et la désirabilité et, d’autre part, que les fluctuations de valeur de ces catégories observées
Chapitre 9. Conclusion générale
312
entre les différents paradigmes mobilisés dans l’étude 4 pouvaient être attribuables à leur
ancrage respectif dans l’une de ces deux composantes de la valeur. Eu égard à ces remarques,
le lecteur serait en droit de se demander quelle position tenir à l’endroit de la théorie de la
norme d’internalité. La réponse à cette question est étroitement liée à la lecture que l’on veut
bien faire de la définition proposée par Beauvois et Dubois (1988). La norme d’internalité
porte sur la valorisation sociale des explications internes et en ce sens elle est l’expression
d’une tendance moyenne de la pensée sociale à valoriser certaines explications plutôt que
d’autres. Aussi, peut-il y avoir des cas où une explication interne ne soit tout simplement pas
plus, voire moins valorisée qu’une autre explication (quand bien même cette dernière serait
externe). Ainsi, cette tendance moyenne, de laquelle peuvent s’écarter dans l’absolu certaines
explications internes, satisferait les idéaux des sociétés démocratiques et individualistes.
Néanmoins, si la norme d’internalité traduit un phénomène moyen, il reste qu’à
l’instar d’autres travaux (Beauvois et al., 1991; Beauvois & Le Poultier, 1986; Castra, 1998;
Desrumeaux-Zagrodnicki & Rainis, 2000; Pansu, 1994, 2006; Pansu & Gilibert, 2002), nous
avons observé que certaines catégories d’explications internes étaient plus valorisées que
d’autres et ce, pour expliquer les renforcements comme les comportements. Ceci est
particulièrement vrai pour les explications qui font appel à l’effort individuel en matière de
renforcement négatif. Indépendamment du paradigme employé ou de la dimension de la
valeur étudiée, ce type d’explications apparaît systématiquement porteur d’un maximum de
valeur sociale (cf. études 1a, 1b, 2, 3, 4, 8, 9). Aussi, à suivre nos premiers résultats, il
semblerait que le recours à l’effort pour expliquer un échec (ou plutôt au manque d’effort) soit
socialement valorisé, les personnes mettant en avant de telles explications étant préférées à
d’autres. Pourtant, face à l’inconsistance de certains de nos résultats, d’un événement à l’autre
(positif vs. négatif, comportement vs. renforcement), d’un paradigme à l’autre, nous avons
préféré, plutôt que de persister dans cette voie, aborder la question de la valeur des différentes
explications sous un angle différent, en étudiant les liens entre les explications causales et les
dimensions de la valeur sociale (utilité et désirabilité). Nos résultats sur ce point (cf. études 3,
4, 8, 9), nous conduisent à penser que la question de la valeur des catégories d’explications
n’a véritablement de sens que si l’on tient compte de la dimension de la valeur étudiée
(Beauvois, 1995; Dubois & Beauvois, 2001). En effet, nous avons observé que la valeur de
ces catégories est susceptible de varier selon la dimension de jugement considérée.
En matière de comportements, la distinction entre les deux composantes de la valeur
nous a permis d’énoncer quelques hypothèses sur l’origine des divergences de résultats
observées dans la littérature. Comme l’ont montré les études 8 et 9, alors que les explications
Chapitre 9. Conclusion générale
313
en terme d’intention semblent être désirables et ce, que les événements expliqués soient
positifs ou négatifs, la valeur des explications en terme de trait sur cette dimension semble
dépendre de la valence des événements : désirables pour les comportements positifs et
indésirables pour les comportements négatifs. Un tel pattern de résultats ne se retrouve pas sur
l’utilité puisque les explications en terme de trait sont utiles indépendamment de la valence
des événements, contrairement aux explications en terme d’intention qui sont plutôt neutres
sur cette dimension. De telles variations de valeur sur la désirabilité et l’utilité pourraient
permettre d’expliquer les divergences de résultats observées dans la littérature. Ainsi, alors
que dans les études qui attestent de la valeur supérieure des explications en terme de trait, les
participants auraient répondu à partir de l’utilité des explications (Beauvois et al., 1991;
Beauvois & Le Poultier, 1986; Pansu & Gilibert, 2002), ils auraient davantage répondu sur la
base de leur désirabilité dans les travaux attestant de la valeur supérieure des explications en
terme d’intention (Castra, 1998; Desrumeaux-Zagrodnicki & Rainis, 2000). Pour peu qu’elle
s’avère pertinente, une telle interprétation irait dans le sens des présupposés de Beauvois
concernant l’utilité sociale des traits de personnalité. Si elles ne sont pas désirables
lorsqu’elles rendent compte des comportements négatifs, les explications personnologiques
seraient néanmoins porteuses d’utilité.
En matière de renforcements, la distinction entre désirabilité et utilité nous a
également permis d’aller plus en avant dans la compréhension de la valeur des différentes
catégories d’explications internes. A partir des quelques travaux existants sur le sujet (Pansu
& Gilibert, 2002), nous avions initialement émis l’hypothèse selon laquelle les explications en
terme d’effort devaient être les plus valorisées du registre interne et ce, indépendamment de la
valence des événements. Si certains de nos résultats vont dans le sens de cette hypothèse
(études 1a, 1b, et 2), d’autres (études 3, 4, 8 et 9) nous incitent à envisager la question de la
valeur des explications en terme d’effort sous un angle différent. Rappelons que si de telles
explications sont porteuses à la fois d’utilité et de désirabilité lorsqu’il s’agit d’expliquer un
échec, elles sont uniquement porteuses de désirabilité lorsqu’il s’agit de réussite. Ces
explications relèveraient en quelque sorte d’une double logique. D’une part, lorsqu’elles sont
mobilisées à la suite d’un échec, elles laisseraient entendre que la personne (e.g. un élève)
peut exercer un contrôle sur sa mauvaise performance et être en mesure de la modifier à
l’avenir106. D’autre part, mobilisées à la suite d’une réussite, les explications en terme d’effort
106 Le fait que les explications en terme d’habileté pour ce type d’événements apparaissent plutôt comme dévalorisées sur l’utilité semble aller dans le même sens. Lorsque les individus pensent que leurs échecs sont la
Chapitre 9. Conclusion générale
314
seraient la marque des élèves « gentils » et qui se conforment à ce que l’on attend d’eux dans
le système scolaire. Cela n’est guère surprenant si l’on considère que faire des efforts pour
atteindre la performance est une idée fortement ancrée dans l’éthique du travail (Weiner,
1995). Mais, à suivre nos données, si faire des efforts permet de se faire apprécier des
enseignants, ceux-ci tendent à penser que cela n’est pas forcément caractéristique des
personnes qui réussissent. Les résultats des études 8 et 9 et l’analyse du contenu des
représentations des enseignants sur les deux dimensions de la valeur (cf. chapitre 8) révèlent
que ces derniers pensent que les élèves utiles mobilisent préférentiellement des explications
en terme d’habileté pour expliquer leurs réussites. Cela tend à indiquer que les croyances des
enseignants en matière de réussite scolaire sont fortement guidées par « l’idéologie du don »
(Bourdieu & Passeron, 1964; Croizet & Neuville, 2004; Mugny & Carugati, 1985) en ce sens
que la réussite est intrinsèquement liée aux propriétés stables des personnes. Une telle
constatation n’est pas sans rappeler certains présupposés de la théorie de la norme
d’internalité, notamment ceux concernant l’origine de la valeur des explications internes.
Rappelons que d’après Beauvois (1994), « l’utilité des explications internes tient à
l’assimilation de la connaissance personnologique a) de l’évaluation des personnes (ce
qu’elles valent, leur utilité) et b) du diagnostique psychologique concernant ces personnes (ce
qu’elles sont en tant qu’hommes et femmes) » (p.60). En ce sens, les explications en terme
d’habileté seraient socialement utiles parce qu’elles sont le résultat de la naturalisation de la
performance par l’individu. Si cette thèse plaide en faveur d’un dépassement de la distinction
interne/externe dans l’étude de la valeur sociale des explications causales, les résultats
obtenus ne sont pas sans renforcer certains des présupposés fondamentaux qui ont guidé les
tenants de la norme d’internalité. Ainsi, la valeur des différentes explications sur l’utilité
pourrait dépendre de leur capacité à permettre aux évaluateurs d’accéder à une connaissance
sur les propriétés stables des individus, pour in fine, leur permettre d’évaluer et de distribuer
les renforcements sociaux.
Enfin, si l’usage des deux registres de la valeur des personnes – la désirabilité et
l’utilité – permet de mieux appréhender la spécificité des catégories d’explications internes,
elle a également permis de mettre en évidence que la valeur sociale des explications causales
pouvait être mesurée au niveau le plus désagrégé, à savoir celui des explications elles-mêmes
(cf. chapitre 7 et 8). Les quelques résultats présentés dans le chapitre 8 montrent qu’il est
possible, à partir des deux composantes de la valeur des personnes, de mesurer la valeur
conséquence de leur manque d’habileté, ils indiquent que l’échec a de fortes chances de se reproduire dans l’avenir.
Chapitre 9. Conclusion générale
315
sociale spécifique de chaque explication. Cela nous a été suggéré après avoir noté que le
recours à une classification plus fine ne semblait guère modifier le problème lié à l’agrégation
des données, la valeur des catégories pouvant, elle aussi, apparaître comme le reflet de la
valeur des explications qui les composent. Les données présentées dans le chapitre 8 montrent
l’intérêt qu’il peut y avoir à considérer la valeur des explications causales item par item
puisque chaque explication semble disposer d’une valeur relativement stable sur la désirabilité
et l’utilité. Elles révèlent aussi et surtout la possibilité de fluctuations de valeur au sein des
catégories d’explications elles-mêmes (e.g. internes/instables en terme d’effort,
internes/stables en terme d’habileté) : toutes les explications d’une même catégorie ne
disposent pas de la même valeur sociale. Dès lors, même si le recours à une classification plus
fine des explications causales permet de mieux appréhender la variabilité de la valeur de ces
explications, cela conduit à réduire les informations à une catégorie et à perdre de
l’information sur la valeur de chacune des explications. Procéder de la sorte nous a donc
permis de montrer que les scores de chaque explication sur les deux dimensions de la valeur
des personnes pouvaient permettre 1) d’appréhender plus finement les stratégies de réponses
utilisées par les participants – élèves en autoprésentation et enseignants en identification et 2)
de mieux prédire les jugements de désirabilité et d’utilité d’enseignants à l’égard des élèves
que ne permet le recours au seul critère interne/externe (étude 10). Appréhender ainsi la
valeur des explications causales présente, selon nous, un double intérêt. D’une part, cette
approche permet de mettre en évidence que la valeur sociale des catégories supra ordonnées
repose essentiellement sur la valeur des explications qui composent ces catégories D’autre
part, elle inverse la logique en vigueur jusqu’à présent dans les travaux sur la norme
d’internalité. Il s’agit donc là, non plus de chercher à connaître la valeur de certains types
d’explications causales (e.g. explications internes, explications en terme d’effort) mais plutôt
de chercher à déterminer la valeur véhiculée par ces explications à partir de leur capacité à
discriminer les personnes. De ce point de vue, les explications causales ne sont plus seulement
envisagées comme des exemplaires de catégories explicatives mais comme des unités
véhiculant une signification particulière et non réductible à une appellation catégorielle.
Ainsi, à suivre ces quelques remarques, il semble que la problématique de la valeur
des explications causales soit abordable à partir de trois niveaux distincts : le critère
interne/externe, les catégories d’explications et les explications elles-mêmes. Plutôt que de
chercher à déterminer lequel de ces niveaux est le plus adapté pour rendre compte de la valeur
des explications, nous pensons qu’il est plus heuristique de s’intéresser aux avantages et aux
limites de chacun d’entre eux. En effet, aborder les explications à partir du seul critère
Chapitre 9. Conclusion générale
316
interne/externe permet de rendre compte d’une tendance moyenne de la pensée sociale à un
niveau très général. Ce critère permet de mettre en évidence la tendance des membres des
sociétés occidentales et individualistes à préférer et à se diriger vers un certain mode
d’inférence causale : l’internalité. Un des points faibles de cette approche réside probablement
dans sa trop grande généralité qui peut faire courir le risque d’agréger des phénomènes
relevant de logiques potentiellement distinctes dans un même ensemble. Sur ce point, une
classification plus fine des explications causales nous semble particulièrement adaptée pour
mettre en évidence les spécificités de valeur des différentes catégories d’explications au sein
des registres interne et externe. Cette approche dispose d’une capacité heuristique plus
importante et permet des prédictions plus précises que ne le permet la seule distinction
interne/externe. Cette plus grande précision nous semble d’ailleurs à même d’augmenter la
capacité du modèle à être appliqué dans des situations réelles. Par exemple, dans les ateliers
de formation à la clairvoyance normative (Pansu, Py, & Somat, 2003), l’utilisation stratégique
de la valeur spécifique des catégories d’explications causales permet d’apprendre à des
personnes à faire face à des situations d’évaluations de manière efficace (e.g. en leur
apprenant à jouer des explications en terme d’effort pour expliquer des renforcements
négatifs). Néanmoins, bien que plus informatif, ce niveau de classification n’épuise pas toute
l’information sur la valeur sociale présente dans chacune des explications. Pour pallier ce
problème, il nous faut recourir à un niveau plus désagrégé en étudiant la valeur de chaque
explication. Celui-ci permet d’étudier, au plus près des items, la manière dont les individus
utilisent cette valeur pour 1) produire une image de soi à autrui (paradigme
d’autoprésentation), 2) répondre au nom de quelqu’un d’autre (paradigme de l’identification),
3) émettre un jugement sur une personne donné (paradigme des juges). Mais, parce qu’elle
étudie les explications pour elles-mêmes et non en tant qu’exemplaires d’une catégorie
donnée, la principale limite de cette approche est sa très faible capacité à permettre de
généraliser les résultats obtenus à d’autres explications que celles présentes dans le
questionnaire.
Pris dans leur ensemble, ces commentaires semblent donc indiquer, qu’en matière
d’étude de la valeur sociale des explications causales, le choix du niveau d’agrégation des
explications repose essentiellement sur les objectifs théoriques du chercheur. En fonction de
ses intérêts théoriques, celui-ci peut être amené à privilégier une approche plutôt qu’une autre.
Mais si ces objectifs guident la façon dont vont être abordées les explications causales, ils ont
également pour conséquence de limiter les conclusions émises à la suite des recherches
menées.
Chapitre 9. Conclusion générale
317
Limites et ouvertures
Si les résultats présentés dans ce travail de thèse apportent quelques éléments
empiriques à la question de l’étude des variations de valeur des explications causales, ils n’en
demeurent pas moins limités sur plusieurs points.
La première limite de ces travaux concerne la centration de nos études dans le milieu
académique (scolaire et universitaire). En effet, si travailler sur un type de population présente
de nombreux intérêts, cela a également pour conséquence de limiter la généralité des résultats.
Il ne peut en effet être exclu que certaines de nos conclusions ne soient valables que dans le
contexte éducatif. En regard des variations de valeur observées en fonction des paradigmes
dans les études 3 et 4, on peut être en droit de se demander si le dépassement du seul critère
interne/externe dans l’étude de la valeur des explications ne permettrait pas de mettre à jour
des variations de valeur jusqu’alors invisibles en fonction du milieu étudié (scolaire vs.
professionnel). Par exemple, on peut s’interroger sur le statut des explications en terme
d’effort dans le milieu de l’entreprise : sont-elles, comme dans le milieu éducatif, désirables et
neutres sur l’utilité lorsqu’il s’agit d’expliquer des réussites ?
La deuxième limite de nos travaux est liée au format de réponse du questionnaire
d’internalité utilisé dans les études 3, 4, 8, 9 et 10. Rappelons que, dans ce questionnaire à
choix forcé, les participants devaient choisir une et une seule explication pour chaque
événement proposé. Or, l’utilisation d’un tel format n’est pas sans conséquences sur les
résultats obtenus puisqu’il produit des corrélations artificielles négatives entre les explications
d’une même saynète : plus une explication est choisie, moins les autres le sont (voir à ce
propos Greer & Dunlap, 1997). La valeur des explications causales mesurée à partir de ce
questionnaire est donc une valeur relative qui dépend inévitablement de la valeur des autres
explications concurrentes.
La troisième limite concerne la procédure mise en place pour construire notre
questionnaire d’internalité. Au regard des résultats obtenus dans les différentes études, il
apparaît que les conclusions que l’on peut tirer à partir de l’utilisation d’un questionnaire
d’internalité semblent fortement dépendantes des items qui composent ce questionnaire. De ce
point de vue, les effets mis en évidence par le score global d’internalité semblent être le
résultat de l’agrégation des effets des explications internes impliquées dans son calcul.
Cependant, la pertinence de ce score repose sur un postulat méthodologique implicite : s’il a
effectivement vocation à rendre compte de la valorisation moyenne des explications causales
internes, il se doit d’être représentatif de l’ensemble des explications internes. En fait, le
problème que nous soulevons n’est pas spécifique à notre matériel, il est valable pour tout
Chapitre 9. Conclusion générale
318
questionnaire d’internalité et pose une question importante : celle de leur validité de contenu.
Or, d’après Cronbach et Meehl (1955) « la validité de contenu est établie en montrant que les
items du test sont un échantillon d’un univers pour lequel l’investigateur est intéressé. La
validité de contenu est ordinairement établie déductivement, en définissant un univers d’items
et en échantillonnant systématiquement à l’intérieur de cet univers pour établir le test »
(p.282). L’idée que les items doivent être échantillonnés au sein de l’univers des items
concernés nous semble être un point essentiel dans le processus de création d’un questionnaire
d’internalité. La notion d’échantillonnage regroupe globalement deux classes de méthodes
(Visser, Krosnick, & Lavrakas, 2000). La première, l’échantillonnage aléatoire, consiste à
sélectionner aléatoirement les observations au sein d’un ensemble donné, chaque élément
ayant par conséquent une probabilité non nulle d’être sélectionné. La seconde classe de
méthodes, l’échantillonnage non aléatoire, renvoie à la sélection arbitraire d’observations au
sein d’un ensemble, basée le plus souvent sur des critères théoriques ou pratiques. De ces
deux catégories de méthodes, la plus avantageuse – mais bien souvent la plus difficile à
mettre en œuvre – est l’échantillonnage aléatoire qui seul permet, à notre connaissance, de
pouvoir généraliser à d’autres observations que celles sélectionnées dans l’échantillon. Si ces
remarques s’appliquent aux études ayant recours au seul critère interne/externe, elles
s’appliquent également à une approche plus fine de la valeur des explications causales. Cette
approche a pour conséquence d’augmenter le problème de la représentativité des explications
causales puisque le nombre d’explications par catégorie diminue107. Pour ces raisons, il nous
est difficile de déterminer dans quelle mesure nos résultats peuvent être généralisés à d’autres
explications que celles utilisées dans notre matériel. Pour pallier ce problème de
représentativité, nous proposons de recourir à plusieurs mesures organisées en trois phases
successives. La première – la phase de production – serait similaire à la méthode utilisée par
Jouffre (2003) et consisterait à demander à des personnes issues de la population à étudier
(e.g. étudiants, élèves) d’émettre des explications causales pour expliquer des événements
donnés. La deuxième phase – la phase d’évaluation – consisterait à demander à d’autres
personnes issues de la même population d’évaluer 1) les propriétés des explications produites
en fonction des critères de classification choisis (e.g. interne, externe, effort, trait, intention)
ainsi que 2) leur plausibilité108 (Jouffre, 2003a; Le Floch & Somat, 2003). Cette phase
107 Rappelons que, dans le cas de notre questionnaire d’internalité, chacune des 16 catégories d’explications n’est constituée que de trois explications seulement. 108 D’après Beauvois et Ghiglione (1981, p.152, cités par Le Floch & Somat, 2003), « une phrase plausible est une phrase que l’on n’est pas étonné d’entendre, qui est naturellement dite par quiconque quelle que soit la situation ».
Chapitre 9. Conclusion générale
319
permettrait, d’une part, de s’assurer que les explications ont bien les propriétés supposées par
le chercheur et, d’autre part, de limiter l’univers des explications à celles susceptibles d’être
produites par les individus, en l’occurrence les explications plausibles. Enfin, la troisième
phase – la phase de sélection – consisterait, pour chaque saynète, à échantillonner
aléatoirement les explications au sein de l’univers d’explications qui intéresse le chercheur
(e.g. les explications internes, les explications externes, les explications en terme d’effort).
L’utilisation de ces trois phases dans la création d’un questionnaire d’internalité nous semble
en mesure a minima de garantir que les explications proposées sont bien représentatives de
l’univers d’items qu’elles sont censées représenter. Une telle procédure devrait permettre de
statuer sur la valeur de la catégorie d’explications causales étudiée à partir des explications
proposées aux participants. Elle devrait également permettre de pallier le problème évoqué en
conclusion du chapitre 7 concernant les conséquences de l’inclusion dans les questionnaires
d’internalité de certaines catégories d’explications internes plutôt que d’autres. A partir de
cette procédure, la sélection des items ne dépend plus essentiellement des choix
expérimentaux du chercheur puisqu’elle repose, d’une part, sur les explications fournies par
les individus et de la définition qu’ils en donnent et d’autre part, sur un échantillonnage
aléatoire.
Les recherches ultérieures auront donc pour objectif de dépasser ces limites. Mais,
plus encore, elles pourraient nous permettre de mieux comprendre les mécanismes qui sous-
tendent les phénomènes étudiés.
A partir de notre parcours de recherche, nous avons pu apprécier l’intérêt de l’un des
principes fondamentaux de l’approche perspectiviste de McGuire (1983; 1999) : la
confrontation empirique dans la création des hypothèses théoriques. Cette confrontation aux
données nous a amené à revoir nos hypothèses initiales et à en émettre de nouvelles dont nous
avons pu éprouver la pertinence et les limites. Tout en reposant sur les acquis des recherches
passées, ce travail de thèse, nous l’espérons, aura participé au développement de la question
sur la valeur sociale des explications causales.
321
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349
INDEX DES AUTEURS
A Aarts, 69 Abdelaoui, 13, 77 Abrams, 69 Abramson, 16, 27, 37, 48 Aiken, 142 Ajzen, 55, 58, 69 Albrecht, 35 Alfieri, 192 Allport, 190 Allred, 47 Altmaier, 56 Altman, 56 Amabile, 61 Amirkhan, 49 Anderson, 20, 22, 26, 34, 38, 40, 44, 55, 56, 59, 60, 93,
136, 203, 231, 295, 297, 305 Anderson-Gough, 93 Arkin, 30, 79 Arnoult, 38 Artiles, 46 Ashmore, 14 Atkinson, 22, 23, 29 Augoustinos, 74 Austin, 136 Averill, 44 Aymard, 1
B Baars, 9, 22, 191 Bailey, 38 Baltes, 72 Balzer, 136 Banaji, 98 Bargh, 53, 193 Baron, 199, 260 Barron, 208 Bassili, 192 Baumgardner, 100 Beauvois, 1, 3, 4, 15, 20, 52, 54, 66, 67, 68, 70, 71, 75,
77, 78, 80, 81, 83, 85, 86, 87, 91, 92, 95, 97, 99, 102, 104, 122, 125, 131, 136, 144, 146, 152, 154, 156, 171, 182, 189, 190, 195, 196, 197, 199, 200, 201, 203, 204, 205, 206, 209, 213, 221, 237, 238, 241, 251, 269, 270, 275, 278, 309, 310, 312, 313, 314, 318
Beckman, 55 Benassi, 63 Benet-Martinez, 74, 218, 226 Bentler, 136 Benzécri, 216, 292 Berkowitz, 45, 69
Berndt, 43 Bertone, 75, 86, 104, 125 Betancourt, 45 Bigot, 14 Bilsky, 70 Black, 136 Blair, 45 Blatier, 16, 64 Bolger, 231, 260, 268 Bollen, 270 Bonnet, 136 Bosker, 231 Boudens, 47 Boudon, 73 Bourdieu, 314 Bourjade, 1, 91 Bown, 69 Boyes-Braem, 191 Bradley, 30, 38, 48, 54, 55, 56, 79 Brauer, 260 Bressoux, 1, 3, 22, 77, 81, 82, 93, 94, 102, 108, 124, 130,
134, 136, 146, 231, 270 Brewer, 193 Briggs, 47 Brown, 54, 64, 208 Bruchon-Schweitzer, 13, 56 Bruner, 203 Brunswik, 198 Buss, 21, 26 Butera, 208 Byrne, 231, 232
C Cacioppo, 49 Cambon, 3, 75, 76, 77, 79, 85, 146, 156, 158, 204, 206,
207, 209, 213, 221, 241, 251, 295 Campbell, 218 Caprara, 44 Carugati, 314 Castra, 1, 81, 87, 91, 122, 154, 276, 309, 312, 313 Channouf, 85, 209 Chiu, 71 Choi, 2, 65, 71, 194 Chou, 136 Christensen, 69 Christou, 46 Chwalisz, 56 Cialdini, 69, 71 Cihangir, 69 Clark, 46, 226 Clémence, 1, 16, 88, 94, 309 Cobb, 44 Cohen, 251 Coladarci, 136
350
Collins, 14, 199 Comby, 207 Cook, 26 Coon, 65 Cooper, 13, 16, 136 Corneille, 193 Cornelissen, 204 Corroyer, 105 Cortina, 227 Courgeau, 231 Cousins, 65 Cousson, 56 Coustère, 231 Covington, 51 Crandall, 69 Croizet, 314 Cronbach, 74, 135, 165, 203, 226, 227, 286, 318 Cuddy, 102 Cunniff, 65 Curie, 72 Cutrona, 38
D Darnon, 208 Davis, 16, 53, 191 Deci, 14 Dell-Dolan, 22, 40 Delmas, 75, 208 Dépret, 54 Deschamps, 16, 21, 26 Desrumeaux, 1, 81, 88, 91, 122, 154, 276, 309, 312, 313 Desrumeaux-Zagrodnicki, 1, 81, 88, 91, 122, 154, 276,
309, 312, 313 Devos, 204, 207 Devos-Comby, 204, 207 Dijker, 45 Dijksterhuis, 69 Dill, 194 Dobles, 74 Doise, 40, 72 Dompnier, 22, 80, 102, 136, 190, 208, 270 Doubleday, 44 Drown, 42 Dubois, 1, 3, 4, 10, 13, 14, 15, 26, 52, 54, 60, 67, 68, 69,
70, 71, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 82, 83, 84, 85, 86, 97, 102, 104, 108, 118, 122, 125, 136, 146, 152, 155, 181, 182, 189, 190, 196, 197, 199, 200, 203, 204, 205, 206, 208, 213, 221, 237, 238, 241, 251, 269, 270, 278, 295, 309, 310, 312
Duff, 194 Duncan, 34 Dunlap, 317 Durkheim, 69 Duru-Bellat, 136, 231 Dusek, 136 Dwyer, 260
E Edge, 56 Elig, 25 Elliot, 208 Eshleman, 69 Etzioni, 201
F Fabrigar, 225, 231 Famose, 54 Fazio, 16 Figueroa-Muños, 48 Filisetti, 54 Fincham, 42 Findley, 13 Fishbein, 55, 58 Fiske, 102, 204, 218 Fleiss, 232 Floyd, 225, 231 Folkes, 48 Forsyth, 31 Foster, 74 Frick, 243 Frieze, 25, 26, 32, 33, 38 Furnham, 13, 64
G Gaunt, 192 Gawronski, 193 Gelfand, 66 Georgiou, 46 Gerbing, 231 Gergen, 98, 99 Ghiglione, 318 Gibson, 189, 197, 198, 199, 200 Gilbert, 15, 16, 61, 62, 189, 191, 192, 193 Gilibert, 1, 3, 75, 76, 77, 79, 81, 84, 89, 90, 92, 94, 95,
101, 108, 117, 121, 131, 146, 153, 158, 183, 184, 209, 276, 295, 309, 312, 313
Ginet, 85, 136, 147 Glick, 102 Goldberg, 197 Goldstein, 38 Gosling, 46 Graham, 10, 22, 23, 44, 45, 49, 51, 231 Gray, 191 Green, 1, 66, 75, 76, 77, 78, 136 Greenberg, 53, 55 Greenwald, 100 Greer, 317 Gregory, 15 Greitemeyer, 44 Griffin, 63 Gross, 31 Guarino, 44 Guingouain, 85, 136, 194 Guthrie, 231
H Hair, 136, 216, 224, 225, 231, 292 Hammond, 198 Hampson, 197 Hancock, 132 Hankin, 48 Hansen, 53 Harackiewicz, 208 Harmon-Jones, 45 Harris, 61 Harvey, 21, 26 Hayes, 260 Heckhausen, 26, 38
351
Heider, 2, 9, 15, 16, 17, 19, 20, 23, 25, 51, 53, 55, 60, 62, 97, 189, 190, 191
Henderson, 44 Henson, 69 Hewstone, 16, 40, 191 Higgins, 48, 53, 192, 193 Hill, 136 Hoffman, 260 Hofstede, 64, 69, 70 Hoge, 136 Holahan, 136 Hon, 65 Hox, 231 Huberty, 224 Hudley, 44 Hyde, 48
I Ibanez, 74 Ickes, 38, 45 Im, 13
J James, 102, 198 James-Hawkins, 102 Jaspard, 191 Jaspers, 42 Jaworski, 205 Jellison, 1, 66, 75, 76, 77, 78, 136 Jenkins, 57 Jennings, 38 Ji, 66 John, 74, 197, 218, 226 Johnson, 191 Jones, 16, 19, 38, 53, 61, 191 Jordan, 136 Jöreskog, 136, 231 Joseph, 136 Jost, 98, 99 Jouffre, 1, 13, 74, 75, 77, 84, 85, 108, 117, 122, 125, 318 Joule, 241 Judd, 102, 141, 204, 260, 270 Juvonen, 44, 46, 50, 97
K Kahneman, 53 Kakihara, 48 Kalechstein, 13 Kallgren, 69 Kashima, 102 Kashy, 231, 232 Kelley, 2, 15, 16, 27, 28, 34, 38, 49, 53, 56, 191 Kemmelmeier, 65 Kenny, 136, 231, 232, 260 Keppel, 105 Kidd, 45 Kim, 203, 221 Kitayama, 64 Kline, 136, 231 Klockars, 132 Kluger, 49, 243 Koomen, 45 Kowalsky, 48 Krantz, 26, 34, 36, 37, 38, 126
Krebs, 69 Krosnick, 318 Kruglanski, 21, 26, 99 Krull, 20, 193, 194 Kukla, 46, 97, 98 Kunda, 53, 55, 59
L Lane, 74 Langer, 2, 54, 63 Lavigne, 204 Lavrakas, 318 Layden, 38 Lazarus, 201 Le Barbenchon, 204, 206, 207, 208, 213, 215, 218, 219,
221, 237 Le Floch, 85, 318 Le Manio, 194 Le Poultier, 1, 72, 77, 78, 80, 83, 87, 91, 92, 95, 97, 104,
122, 131, 144, 153, 154, 171, 197, 209, 275, 309, 312, 313
Leary, 48 Lefcourt, 2, 10, 63 Legrand, 9, 22, 191 Lehman, 71 Leippe, 100 Lenel, 35 Leonesoi, 82 Leonova, 189, 194, 198, 199 Lerman, 24 Leroy-Audouin, 231 Lewin, 17 Lewis, 136 Leyens, 189, 195, 203 Li, 44 Liberman, 53, 192 Little, 72 Lockwood, 260 Loose, 14, 73 Louche, 81, 93 Luminet, 77, 81
M Maas, 231 MacCallum, 136, 225 MacKinnon, 260 Magnusson, 45 Maier, 63 Malone, 61, 193 Mangard, 16, 209 Manifold, 66, 77 Mantler, 42 Markus, 64 Marques, 69 Martin, 14, 82, 201 Martinez-Taboada, 69 Masclet, 81 Matteucci, 14, 46 Matz, 69 McArthur, 199 McAuley, 25, 31, 34, 35, 36, 38, 44, 126 McClelland, 141 McFarland, 30 McGillis, 191 McGraw, 232
352
McGuire, 3, 98, 99, 100, 101, 113, 119, 309, 319 McMillan, 31 Medsker, 136 Meehl, 74, 226, 318 Menec, 45 Mervis, 191 Messick, 74, 226 Meyer, 26, 28, 34 Mezière, 82 Mezulis, 48, 54 Michaels, 22, 29 Michela, 2, 15, 27, 28, 34 Mignon, 197, 199 Milhabet, 208 Miller, 35, 38, 47, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 65, 69, 72, 79 Mingat, 136 Mira, 197 Misovich, 199 Mohamed, 93 Mollaret, 190, 197, 199 Monteil, 136, 197 Morris, 65, 72 Moscovici, 99 Moskowitz, 65, 193 Mugny, 314 Mulaik, 136 Muller, 260, 270 Murdock, 46, 51, 97 Muthén, 232
N Nakayama, 16, 189, 197, 198 Nelson, 203 Nesdale, 44 Neuville, 314 Newman, 65, 72, 193, 194 Nierenberg, 38 Nisbett, 2, 17, 38, 61, 62, 65, 66, 136, 194 Norenzayan, 2, 65, 194 Nowicki, 13 Nuissier, 56
O Odbert, 190 Oettingen, 72 Omelich, 51 Opp, 71 Osborne, 193 Osgood, 190, 202, 204, 207, 282 Osterkamp, 74 Oyserman, 65, 71
P Paez, 69 Page, 42 Panaoura, 46 Pandelaere, 204 Pansu, 1, 3, 13, 22, 75, 77, 79, 81, 82, 86, 89, 90, 91, 92,
94, 95, 97, 101, 102, 108, 117, 121, 124, 125, 130, 131, 134, 136, 146, 153, 183, 184, 201, 205, 231, 252, 270, 276, 309, 312, 313, 316
Papet, 81 Passer, 27, 34, 125, 314 Passeron, 314
Pastorelli, 44 Paulhan, 56 Peeters, 190, 201, 203, 204, 206, 238 Pelham, 193 Peng, 2, 65, 66, 72 Peplau, 28, 34 Perry, 45 Pervin, 190 Peter, 51 Peterson, 16, 37, 63, 227 Pichot, 1, 14, 125 Pincus, 190 Pintrich, 208 Poignet, 81 Popper, 100 Postmes, 69 Pratkanis, 100 Preacher, 260 Prentice, 98 Presson, 63 Py, 75, 77, 79, 85, 136, 137, 147, 316 Pyszczynski, 53, 55
Q Quattrone, 61, 189, 192, 193 Quintard, 56
R Rabe-Hesketh, 231 Rainis, 1, 88, 91, 122, 154, 276, 309, 312, 313 Ramey, 13 Rascle, 13, 56 Read, 38, 53 Reeder, 193 Reisenzein, 44, 45 Reno, 69 Revelle, 22, 29 Reyna, 44 Rhee, 193 Richer, 35 Robert, 194, 196, 197 Roesch, 44 Rohan, 70 Roman, 65, 193 Rosch, 190 Rose, 35 Rosenberg, 203, 221, 238 Rosenthal, 243 Ross, 2, 14, 20, 26, 30, 38, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 61, 62,
79 Rothgerber, 69 Rotter, 2, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 22, 23, 64, 67 Rouanet, 105 Roumagnac, 1 Rubin, 243 Rude, 26, 34, 36, 37, 38, 126 Rudolph, 44, 45 Rule, 44 Russel, 24, 25, 31, 34, 35, 36, 38, 44, 56, 126, 225, 231 Ryan, 14
S Sampson, 73 Sappington, 43
353
Schachter, 23 Schadron, 203 Schaller, 71 Schellenberg, 42 Schmidt, 45 Schneider, 82, 190, 203, 221 Scholl, 16 Schwartz, 70 Sears, 121 Sedikides, 203 Sedlak, 204, 221 Seligman, 16, 27, 37, 63 Selleri, 14 Senemeaud, 209 Serlin, 20 Shaver, 42 Sheets, 260 Sherwood, 56 Shrout, 232, 260, 268 Siegel, 127, 145 Silvester, 93, 94, 97 Simmel, 16, 97 Simon, 208 Singer, 23 Skinner, 56 Skrondal, 231 Slusher, 60 Smith, 136, 191 Snijders, 231 Snyder, 48 So, 30 Sobel, 262, 265, 266, 267, 268, 269, 270 Somat, 75, 77, 79, 85, 104, 136, 137, 147, 316, 318 Spears, 69 Spector, 13 Spence, 46 Spicer, 35 Spratt, 51 Srull, 191 Stavrinides, 46 Steele, 13, 64 Steinmetz, 61 Sterckeman, 81 Stern, 66, 77 Stetsenko, 72 Stewart, 198 Stipek, 44 Strahan, 225 Stratton, 26, 27 Struthers, 47 Suchaut, 231 Suci, 190 Sulsky, 136 Sweeney, 38 Swendsen, 16, 64
T Tannenbaum, 190 Tarico, 25, 35 Tarquinio, 75, 77, 80, 86, 104, 125, 194, 197 Tatham, 136 Taylor, 54, 64, 208 Teasdale, 16, 27 Tesser, 201 Testé, 14, 70, 208 Thompson, 49, 231
Thrash, 208 Tikochinsky, 49, 243 Törestad, 45 Tremoulet, 16 Triandis, 65 Troadec, 54 Trognon, 83 Trope, 53, 62, 189, 192, 193 Trost, 69, 71 Tucker, 21, 26, 136 Tversky, 53 Twenge, 13
U Uleman, 65, 189, 192, 193
V Valle, 32, 33, 38 Vallerand, 35 Vazel, 85, 136, 147 Verette, 49 Visser, 318 Vivekananthan, 203 Voils, 65 Vonk, 203, 204
W Walden, 13 Ward, 57 Warsi, 260 Watkins, 37 Watson, 38, 226 Weary, 30, 79, 136 Weber, 46 Webster, 62 Weeks, 28, 34 Wegener, 225, 231 Weiner, 2, 3, 9, 10, 11, 12, 14, 15, 16, 20, 22, 23, 24, 25,
26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 35, 37, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 51, 53, 55, 56, 85, 93, 94, 95, 97, 98, 101, 104, 112, 116, 118, 126, 310, 314
West, 142, 260 Wetzel, 55, 59 White, 16 Widaman, 225, 231 Wiggins, 190, 204 Williams, 136 Wilson, 17, 136 Wimer, 28, 34 Winter, 65, 189, 193 Wojciszke, 102, 204, 205 Wong, 37, 41, 232 Wood, 69 Wyer, 191
X Xu, 102
Y Yamaguchi, 66 Yirmiya, 44
354
Yzerbyt, 102, 193, 203
Z Zarate, 65, 72, 194 Zebrowitz, 199 Zentner, 77
Zhang, 13 Zheng, 231 Zmuidinas, 51 Zucker, 44 Zuckerman, 30, 38, 79
355
INDEX DES TABLEAUX
Tableau 1. Synthèse des programmes de recherche et description des études _____________ 6 Tableau 1.1. Causes du succès et de l’échec en fonction du lieu de causalité, de la stabilité, et
de la contrôlabilité (d'après Weiner, 1979) ________________________________ 27 Tableau 1.2. Synthèse des résultats obtenus par Weiner et al. (1978, 1979) _____________ 30 Tableau 2.1. Synthèse de 6 recherches publiées ayant dépassé la seule distinction
interne/externe dans l’étude de la valeur des explications _____________________ 87 Tableau 3.1. Moyennes (et écarts-types) de chaque type d’explications et valeurs des tests de
contrastes des explications avec celle en terme d’effort d’occasionnel (F de Fisher et écarts-calibrés) en fonction de la valence de l’événement ____________________ 107
Tableau 3.2. Moyennes (et écarts-types) de chaque type d’explications et valeurs des tests de contrastes des explications avec celle en terme d’effort d’occasionnel (F de Fisher et écarts-calibrés) en fonction de la valence de l’événement ____________________ 111
Tableau 3.3. Moyennes (et écarts-types) des scores accordés par les participants sur les différents jugements en fonction de la valence des événements et du type d’explications fourni par l’élève ____________________________________________________ 115
Tableau 4.1. Répartition de l’échantillon d’élèves en fonction de la catégorie socioprofessionnelle du père, du sexe des élèves et de leur statut de redoublant___ 124
Tableau 4.2. Récapitulatif de la procédure de l’étude 3____________________________ 130 Tableau 4.3. Scores d’internalité (et écarts-types) en fonction du type de consigne, du type
d’événements et de leur valence (autoprésentation) _________________________ 132 Tableau 4.4. Procédure pas-à-pas d’ajustement du modèle (Lagrange Multiplier test).___ 140 Tableau 4.5. Modèles de régression évaluant l’effet de l’internalité perçue sur le jugement
scolaire moyen (identification/jugement) _________________________________ 142 Tableau 4.6. Corrélations (� de Spearman) entre les moyennes des différentes catégories du
questionnaire en fonction du type de consignes ____________________________ 146 Tableau 4.7. Scores de valorisation (et écarts-types) pour chaque type d’explications en
fonction du type d’événements et de leur valence (autoprésentation) ___________ 148 Tableau 4.8. Coefficients � des relations entre les scores des différentes catégories du
questionnaire d’internalité scolaire et le jugement scolaire moyen _____________ 151 Tableau 4.9. Synthèse des résultats obtenus dans le cadre du paradigme d’autoprésentation et
dans celui du paradigme d’identification/jugement _________________________ 155 Tableau 4.10. Répartition de l’échantillon d’élèves en fonction de la catégorie
socioprofessionnelle du père, du sexe des élèves et de leur statut de redoublant___ 159 Tableau 4.11. Récapitulatif de la procédure de l’étude 4___________________________ 162 Tableau 4.12. Scores d’internalité moyens (et écarts-types) en fonction du type de consignes,
du type et de la valence des événements (autoprésentation)___________________ 163 Tableau 4.13. Modèles de régression évaluant l’effet de l’internalité perçue sur le jugement
scolaire moyen (identification/jugement) _________________________________ 166 Tableau 4.14. Scores moyens d’internalité (et écarts-types) en fonction de la valeur des
élèves, du type d’événements et de leur valence (identification)________________ 168
356
Tableau 4.15. Corrélations (� de Spearman) entre les moyennes des différentes catégories d’explications en fonction du type de consigne_____________________________ 171
Tableau 4.16. Scores de valorisation (et écarts-types) pour chaque catégorie d’explications en fonction du type d’événements et de leur valence (autoprésentation) _________ 172
Tableau 4.17. Coefficients � des relations entre les scores des différentes catégories du questionnaire d’internalité et le jugement scolaire moyen (identification/jugement) 174
Tableau 4.18. Scores de valorisation (et écarts-types) pour chaque type d’explications en fonction du type d’événements et de leur valence (identification) ______________ 177
Tableau 6.1. Présentation des différentes conditions expérimentales de l’étude 5 _______ 215 Tableau 6.2. Corrélations entre les résultats de l’étude 5 et ceux de l’étude de Le Barbenchon
et al. (2005) ________________________________________________________ 219 Tableau 6.3. Scores des traits sur les dimensions de la désirabilité et de l’utilité ainsi que leur
appartenance à l’une des huit catégories _________________________________ 221 Tableau 6.4. Correspondance entre la classification a priori et la classification obtenue sur la
base des descriptions des élèves faites par les enseignants ___________________ 224 Tableau 6.5. Poids factoriels des 24 traits de l’échelle de désirabilité/utilité scolaire sur les
facteurs « désirabilité » et « utilité »_____________________________________ 226 Tableau 6.6. Scores moyens de désirabilité et d’utilité des descriptions des élèves en fonction
de leur désirabilité et de leur utilité _____________________________________ 228 Tableau 6.7. Moyennes, écarts-types et corrélations entre les variables (niveau intragroupe)
__________________________________________________________________ 233 Tableau 6.8. Moyennes, écarts-types et corrélations entre les variables (niveau intergroupe)
__________________________________________________________________ 233 Tableau 6.9. Valeurs des indices d’ajustement pour les modèles_____________________ 236 Tableau 7.1. Hypothèses concernant la désirabilité et l’utilité des différentes catégories
d’explications ______________________________________________________ 243 Tableau 7.2. Modèles de régression évaluant la relation entre le score global d’internalité
attribué par les enseignants et les scores globaux d’utilité et de désirabilité des descriptions des élèves _______________________________________________ 247
Tableau 7.3. Coefficients � des relations entre chacune des différentes catégories d’explications et le score global de désirabilité ____________________________ 249
Tableau 7.4. Coefficients � des relations entre chacune des différentes catégories d’explications et le score global d’utilité _________________________________ 250
Tableau 7.5. Comparaison des hypothèses avec les résultats de l’étude 8 sur la désirabilité__________________________________________________________________ 253
Tableau 7.6. Comparaison des hypothèses avec les résultats de l’étude 8 sur l’utilité ____ 254 Tableau 7.7. Modèles de régression évaluant l’effet de l’internalité sur le score global de
désirabilité_________________________________________________________ 257 Tableau 7.8. Modèles de régression évaluant l’effet de l’internalité sur le score global
d’utilité ___________________________________________________________ 259 Tableau 7.9. Coefficients � des relations entre les scores des différentes catégories du
questionnaire d’internalité et le score global de désirabilité __________________ 263 Tableau 7.10. Coefficients � des relations entre les scores des différentes catégories du
questionnaire d’internalité et le score global d’utilité _______________________ 264 Tableau 7.11. Analyses de médiations multiples des relations entre les scores des différentes
catégories d’explications perçues par les enseignants et le jugement scolaire moyen__________________________________________________________________ 267
Tableau 7.12. Comparaison des hypothèses avec les résultats de l’étude 9 sur la désirabilité__________________________________________________________________ 276
Tableau 7.13. Comparaison des hypothèses avec les résultats de l’étude 9 sur l’utilité.___ 277
357
Tableau 8.1. Poids factoriels des variables de coefficients sur les deux facteurs issus de l’analyse en composantes principales____________________________________ 286
Tableau 8.2. Scores factoriels de chaque explication du questionnaire d’internalité scolaire (version b) sur les dimensions de la désirabilité et de l’utilité _________________ 287
Tableau 8.3. Profils de réponses des élèves utile, désirable, inutile, et indésirable_______ 290 Tableau 8.4. Résultats des analyses de régression sur les scores de valorisation perçue par
les élèves et par les enseignants ________________________________________ 294 Tableau 8.5. Modèles de régression avec comme variable dépendante le jugement de
désirabilité_________________________________________________________ 302 Tableau 8.6. Modèles de régression avec comme variable dépendante le jugement d’utilité303
359
INDEX DES FIGURES
Figure 1.1. Modèle général du champ de l’attribution (d'après Kelley & Michela, 1980) __ 15 Figure 1.2. Le modèle de l’analyse naïve de l’action de Heider (d'après Jones, 1990)_____ 19 Figure 1.3. Modélisation de la théorie attributionnelle des émotions et de la motivation
(adaptée de Weiner, 1972) _____________________________________________ 24 Figure 1.4. Relation théorique entre le type d’attribution et le niveau résultant d’expectations
suite à un renforcement (d'après Weiner, 1972) _____________________________ 32 Figure 1.5. Différents modèles des relations entre les processus attributifs et les réactions
émotionnelles (d'après Russel & McAuley, 1986)____________________________ 36 Figure 1.6. La théorie attributionnelle des émotions et de la motivation (adaptée de Weiner,
1985a) _____________________________________________________________ 39 Figure 1.7. Les étapes du processus d’inférence de responsabilité (d'après Weiner, 1995) _ 43 Figure 4.1. Résultats obtenus pour le modèle théorique____________________________ 139 Figure 4.2. Moyennes cumulées des scores des différentes catégories d’explications en
fonction des trois consignes d’autoprésentation (étude 3) ____________________ 145 Figure 4.3. Moyennes cumulées des scores des différentes catégories d’explications en
fonction des trois consignes d’autoprésentation (étude 4) ____________________ 170 Figure 4.4. Moyennes cumulées des scores des différentes catégories d’explications en
fonction du type d’élèves (étude 4) ______________________________________ 176 Figure 5.1. Les modèles dominants de l’inférence dispositionnelle (d'après Gilbert, 1998) 192 Figure 5.2. Registres de connaissance et rapports sociaux (adaptée de Beauvois, 2005) __ 196 Figure 6.1. Position des profils sur les deux premiers facteurs issus de l’analyse des
correspondances ____________________________________________________ 216 Figure 6.2. Position des traits de personnalité sur les deux premiers facteurs issus de
l’analyse des correspondances _________________________________________ 217 Figure 6.3. Résultats obtenus pour les modèles 1 et 2 _____________________________ 235 Figure 7.1. Analyse de médiations multiples de la relation entre l’internalité perçue par les
enseignants et le jugement scolaire moyen ________________________________ 261 Figure 7.2. Modèle intégratif amélioré (cf. encadré 1) ____________________________ 270 Figure 7.3. Résultats obtenus pour le modèle théorique____________________________ 273 Figure 8.1. Modélisation des processus des jugements de désirabilité et d’utilité à partir du
modèle V.I.A. _______________________________________________________ 297
3
TABLE DES MATIERES DES ANNEXES
Annexes I Programme de recherche 1 __________________________________________ 5
1. Annexe Ia : Matériel de l’étude 1a ____________________________________________ 5
2. Annexe Ib : Matériel de l’étude 1b ____________________________________________ 6
3. Annexe Ic : Matériel de l’étude 2 _____________________________________________ 7
Annexes II Programme de recherche 2 _________________________________________ 9
1. Annexe IIa : Fiche d’identification des élèves ___________________________________ 9
2. Annexe IIb : Résultats des prétests du questionnaire d’internalité scolaire (version a) 10
3. Annexe IIc : Questionnaire d’internalité scolaire (version a) _____________________ 18
4. Annexe IId : Consignes d’autoprésentation____________________________________ 20
Annexes III Programme de recherche 3 _______________________________________ 21
1. Annexe IIIa : Echelle de désirabilité/utilité scolaire _____________________________ 21
2. Annexe IIIb : Résultats du prétest du questionnaire d’internalité scolaire (version b)_ 26
3. Annexe IIIc : Questionnaire d’internalité scolaire (version b)_____________________ 28
Annexes IV Programme de recherche 4________________________________________ 31
1. Annexe IVa : Traits de personnalité__________________________________________ 31
2. Annexe IVb : Profils d’élèves spécifiques sur les deux dimensions de la valeur sociale 33
3. Annexe IVc : Bilans scolaires des élèves fictifs _________________________________ 37
Annexes
5
ANNEXES I
PROGRAMME DE RECHERCHE 1
1. Annexe Ia : Matériel de l’étude 1a
Consigne :
« Vous trouverez ci-dessous 2 saynètes retraçant brièvement un événement relatif à un
résultat universitaire. Pour expliquer cet événement 8 explications vous sont proposées. On
vous demande d’évaluer chacune de ces explications en indiquant l’intensité de votre accord
ou de votre désaccord avec chacune des explications proposées.
Plus le numéro que vous choisissez est élevé, plus vous indiquez votre accord avec
l’explication (1 = pas du tout d’accord ; 8 = tout à fait d’accord).
Note : vous ne devez entourer qu’un seul numéro par échelle »
Saynètes
Renforcement positif
Si vous réussissez brillamment un examen, c’est parce que :
• Vous faites toujours des efforts pour réussir vos examens.
• Vous vous êtes donné à fond pour cet examen.
• Vous êtes quelqu’un de compétent.
• Vous étiez particulièrement en forme cette fois là.
• Les enseignants vous préparent bien aux examens.
• On vous a aidé pour les révisions.
• Les questions posées sont généralement faciles.
• La chance était de votre côté.
Renforcement négatif
Si vous obtenez de mauvaises notes aux partiels, c’est parce que :
• Vous ne vous donnez jamais assez de mal pour réviser vos cours.
• Cette fois là, vous n’avez pas suffisamment révisé vos cours.
Annexes
6
• Vous n’êtes pas doué dans ce domaine.
• Vous n’étiez pas en forme au moment des partiels.
• Les enseignants sont particulièrement exigeants.
• Cette fois là, les enseignants ont été particulièrement sévères.
• Les matières sont plutôt difficiles.
• Vous n’avez pas eu de chance.
2. Annexe Ib : Matériel de l’étude 1b
Consigne :
« Vous trouverez ci-dessous plusieurs explications évoquées par des étudiants pour
expliquer la réussite ou l’échec à un examen universitaire. Ces explications sont au nombre de
16, 8 d’entre elles sont relatives à une réussite et les 8 autres sont relatives à un échec.
Votre tâche consiste à vous mettre, non plus en position d’étudiant, mais en position
d’évaluateur (i.e. à la place d’un enseignant). Après avoir pris connaissance des différentes
explications énoncées pour rendre compte d’une réussite ou d’un échec, nous vous
demandons d’indiquer, pour chacune d’entre-elles, si l’explication en question, est une
explication susceptible d’être faiblement ou fortement appréciée par l’évaluateur. Plus
précisément, vous devez d’attribuer une note allant de 1 (une explication très faiblement
appréciée par l’évaluateur) à 8 (une explication très fortement appréciée par l’évaluateur) à
chacune des 8 explications énoncées pour rendre compte d’un échec et d’une réussite
universitaire. »
Saynètes
Renforcement positif
Si j’ai réussi brillamment un examen, c’est parce que :
• Je fais toujours des efforts pour réussir mes examens.
• Je me suis donné à fond pour cet examen.
• Je suis quelqu’un de compétent.
• J’étais particulièrement en forme cette fois là.
• Les enseignants nous préparent bien aux examens.
• On m’a aidé pour les révisions.
• Les questions posées sont généralement faciles.
• La chance était de mon côté.
Annexes
7
Renforcement négatif
Si j’ai obtenu de mauvaises notes aux partiels, c’est parce que :
• Je ne me donne jamais assez de mal pour réviser mes cours.
• Cette fois là, je n’ai pas suffisamment révisé mes cours.
• Je ne suis pas doué dans ce domaine.
• Je n’étais pas en forme au moment des partiels.
• Les enseignants sont particulièrement exigeants.
• Cette fois là, les enseignants ont noté sévèrement.
• Les matières sont plutôt difficiles.
• Je n’ai pas eu de chance.
3. Annexe Ic : Matériel de l’étude 2
Consigne :
« Dans cette expérience, il vous est demandé d’imaginer que vous êtes une autre
personne. Plus particulièrement, il vous est demandé de vous mettre à la place d’un
enseignant d’une classe de CM2. Vous devez également imaginer que vous avez fait passer
récemment un contrôle important à vos élèves. Ce contrôle a ceci de particulier qu’il
n’attribue pas de note aux élèves mais qu’il indique seulement s’ils ont globalement réussi ou
globalement échoué. Quelques jours après avoir fait passer le contrôle, vous interrogez vos
élèves sur la cause principale qui pourrait expliquer leur réussite ou leur échec passé au
contrôle. La tâche que vous devez réaliser en tant qu’enseignant consiste à vous prononcer sur
un certain nombre de questions concernant les quatre élèves en fonction de leur réponse.
Dans un premier temps vous devez imaginer que vous devez distribuer à vos élèves
des récompenses ou des punitions. Pour ce faire, vous devez indiquer le niveau de
récompense que vous donneriez à chaque élève sur une échelle allant de –10 (punition très
forte) à +10 (récompense très forte). Dans un deuxième temps, vous devez vous prononcer
quant à la probabilité du passage en 6ème de chacun des quatre élèves. Pour ce faire, vous
devez indiquer votre pronostic sur une échelle allant de –10 (passage très peu probable) à +10
(passage très probable). Dans un troisième temps, vous devez donner votre perception du
niveau de compétence de chacun des quatre élèves. Pour ce faire, vous devez indiquer le
niveau de compétence que vous percevez sur une échelle allant de –10 (compétence très
faible) à +10 (compétence très forte). Enfin, vous devez donner votre perception du niveau de
Annexes
8
motivation de chacun des quatre élèves. Pour ce faire, vous devez indiquer le niveau de
motivation que vous percevez sur une échelle allant de –10 (motivation très faible) à +10
(motivation très forte). »
Élèves fictifs
L’élève A vous dit que, s’il a réussi le contrôle, c’est parce qu’il a fait beaucoup
d’efforts pour préparer ce contrôle là.
L’élève B vous dit que, s’il a réussi le contrôle, c’est parce qu’il est plutôt doué pour
ce type d’examen.
L’élève C vous dit, que s’il a échoué le contrôle, c’est parce qu’il n’a pas fait assez
d’effort pour préparer ce contrôle.
L’élève D vous dit que s’il a échoué le contrôle, c’est parce qu’il n’est pas très doué
pour ce type d’examen.
Annexes
9
ANNEXES II
PROGRAMME DE RECHERCHE 2
1. Annexe IIa : Fiche d’identification des élèves
Nom de l'élève.......................................................................................................... (cette information ne sera pas saisie informatiquement) Numéro de la classe Numéro de l’élève Sexe (féminin : code 0 ; masculin : code 1) Année de naissance Profession du père ..................................................................................................... (voir nomenclature INSEE des PCS) Profession de la mère ................................................................................................ (voir nomenclature INSEE des PCS)
Résultats de l’élève vus par l’enseignant(e)
Veuillez attribuer un score indiquant le niveau scolaire de l’élève en français et en mathématiques, allant de 0 (résultats très faibles) à 10 (résultats très bons). Entourez le score choisi parmi ceux présentés.
En français
Résultats très
faibles
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Résultats très bons
En mathématiques
Résultats très
faibles
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Résultats très bons
Annexes
10
2. Annexe IIb : Résultats des prétests du questionnaire d’internalité scolaire (version a)
I/E : Lieu de causalité
S/I : Stabilité
S : significatif au seuil fixé
Résultats du prétest 1
Saynètes de comportements
1) Lorsqu’ils aident le maître à ranger la classe, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que la classe était sale » 28 3,93 S 4 28,49 S � « c’est parce qu’il me l’a demandé » 24 0,58 p<.44 30 6,72 S � « c’est parce que j’ai envie de ranger la classe » 42 39,09 S 39 28,49 S � « c’est parce que j’aime quand tout est en ordre » 41 35,37 S 33 12,30 S
2) Lorsqu’ils discutent avec leur voisin durant un cours, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce qu’il m’a demandé quelque chose » 29 5,23 S 33 12,30 S � « c’est parce que je veux lui dire quelque chose d’important » 41 35,37 S 29 5,23 S � « c’est parce que je suis quelqu’un de plutôt bavard » 41 35,37 S 35 16,95 S � « c’est parce que c’est difficile de ne pas discuter avec son voisin en classe » 20 0,21 p<.65 29 5,23 S
3) Lorsqu’ils écoutent bien la leçon en classe, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que le maître me l’a demandé » 26 1,88 p<.17 27 2,81 p<.09 � « c’est parce que je veux apprendre de nouvelles choses » 41 35,37 S 20 0,21 p<.65 � « c’est parce que la leçon est très intéressante » 27 2,81 p<.09 37 22,35 S � « c’est parce que je suis un élève sérieux » 39 28,49 S 30 6,72 S
Annexes
11
4) Lorsqu’ils regardent par la fenêtre durant une leçon, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que c’est une leçon ennuyeuse » 26 1,88 p<.17 2 35,37 S � « c’est parce que je suis un élève distrait » 39 28,49 S 23 0,21 p<.65 � « c’est parce que je n’avais pas envie d’écouter » 43 43,00 S 39 28,49 S � « c’est parce que quelqu’un a attiré mon attention dehors » 33 12,30 S 34 14,53 S
5) Lorsqu’ils s’appliquent sur leur cahier de classe, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que je suis un élève soigneux » 41 35,37 S 31 8,40 S � « c’est parce que le maître me l’a demandé » 29 5,23 S 30 6,72 S � « c’est parce que j’avais envie que mon cahier soit propre » 41 35,37 S 28 3,93 S � « c’est parce qu’il faut tenir son cahier propre à l’école » 38 25,33 S 30 6,72 S
6) Lorsqu’ils chahutent en classe, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que j’aime bien jouer en classe » 39 28,49 S 20 0,21 p<.65 � « c’est parce que la leçon était ennuyeuse » 32 10,26 S 4 28,49 S � « c’est parce que les autres ont commencé » 35 16,95 S 34 14,53 S � « c’est parce que j’avais envie de m’amuser » 43 43,00 S 37 22,35 S
7) Lorsqu’ils aident un camarade de classe à terminer un exercice, certains élèves disent :
I/E �² p S/I �² p
� « c’est parce que j’en avais envie » 42 39,09 S 36 19,56 S � « c’est parce qu’il faut aider les autres » 29 5,23 S 31 8,40 S � « c’est parce que j’aime bien aider mes copains » 38 25,33 S 29 5,23 S � « c’est parce qu’il m’a demandé de l’aider » 27 2,81 p<.09 34 14,53 S
8) Lorsqu’ils font leurs devoirs en vitesse et sans soin, certains élèves disent : I/E �² p S/I �² p � « c’est parce que c’est difficile de faire ses devoirs après une journée d’école » 26 1,88 p<.16 22 0,02 p<.88 � « c’est parce que je voulais m’en débarrasser » 42 39,09 S 34 14,53 S � « c’est parce qu’on m’a dérangé ce jour-là » 34 14,53 S 39 28,49 S � « c’est parce que je ne suis pas un élève très appliqué » 43 43,00 S 24 0,58 p<.45
Annexes
12
Saynètes de renforcements
1) Lorsque le maître les interroge et qu’ils ont une mauvaise note dans une matière, certains élèves disent :
I/E
X²
p
S/I
X²
p � « c’est parce que je n’ai pas assez révisé ma leçon » 31 25,48 S 33 33,00 S � « c’est parce que je n’ai pas eu de chance cette fois là » 24 6,82 S 31 25,48 S � « c’est parce que les questions posées étaient difficiles » 31 2,45 S 1 29,12 S � « c’est parce que je ne suis pas fort dans ce domaine » 31 25,48 S 15 0,27 p<.60
2) Lorsqu’ils réussissent bien un contrôle, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que je suis bon » 29 18,94 S 13 1,48 p<.22 � « c’est parce que la chance était de mon côté » 26 10,94 S 31 25,48 S � « c’est parce que je me suis donné à fond pour ce contrôle » 33 33,00 S 29 18,94 S � « c’est parce que le contrôle était facile » 25 8,76 S 1 29,12 S
3) Lorsque le maître fait des reproches sur leur travail en classe, certains élèves disent :
I/E
X²
p
S/I
X²
p
� « c’est parce que le travail demandé est dur à faire » 20 1,48 p<.22 3 22,09 S � « c’est parce que, ce jour là, je n’ai pas eu de chance » 18 0,27 p<.60 29 18,94 S � « c’est parce que je ne suis pas assez sérieux dans mon travail » 31 25,48 S 6 13,36 S � « c’est parce que je n’ai pas fait suffisamment d’efforts » 31 25,48 S 31 25,48 S
4) Lorsqu’ils ont de bonnes notes, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que j’ai bien révisé ma leçon » 31 25,48 S 28 16,03 S � « c’est parce que je suis intelligent » 28 16,03 S 17 0,03 p<.86 � « c’est parce que l’exercice était facile » 23 5,12 S 5 16,03 S � « c’est parce que j’ai eu de la chance » 24 6,82 S 31 25,48 S
Annexes
13
5) Lorsqu’ils sont punis pour n’avoir pas récité correctement une leçon, certains élèves disent :
I/E
X²
p
S/I
X²
p
� « c’est parce que je n’ai pas eu de chance ce jour là » 20 1,48 p<.22 28 16,03 S � « c’est parce que je n’ai pas pris assez de temps pour apprendre ma leçon » 31 25,48 S 33 33,00 S � « c’est parce que j’ai du mal à apprendre mes leçons » 22 3,67 p<.06 14 0,76 p<.38 � « c’est parce que c’est difficile de réciter une leçon devant le maître » 9 6,82 S 15 3,50 p<.06
6) Lorsqu’ils sont félicités par le maître pour leur conduite, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que j’ai fait beaucoup d’efforts pour être sage en classe » 31 25,48 S 5 16,03 S � « c’est parce qu’il y a des jours où j’ai plus de chance que d’autres » 23 5,12 S 30 22,09 S � « c’est parce que les règles de classe sont faciles à respecter » 20 1,48 p<.22 20 5,67 S � « c’est parce que je suis un élève plutôt calme » 31 25,48 S 17 0,27 p<.86
7) Lorsqu’ils sont convoqués dans le bureau du directeur, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que je n’ai pas eu de chance ce jour là » 19 0,76 p<.38 30 22,09 S � « c’est parce que je suis un élève plutôt agité » 30 22,09 S 13 1,48 p<.22 � « c’est parce que je n’ai pas fait assez d’effort pour être sage » 31 25,48 S 31 25,48 S � « c’est parce que c’est difficile de toujours rester tranquille » 2 25,48 S 10 5,12 S
8) Lorsqu’à l’école, ils gagnent à un jeu, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que j’ai fait beaucoup d’effort pour gagner » 29 18,94 S 28 16,03 S � « c’est parce que je suis doué » 27 13,36 S 17 0,03 p<.86 � « c’est parce que la chance était de mon côté ce jour là » 24 6,82 S 31 25,48 S � « c’est parce que c’est un jeu facile » 24 6,82 S 4 18,94 S
Annexes
14
Résultats du prétest 2
Saynètes de comportements
1) Lorsqu’ils aident le maître à ranger la classe, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce qu’on nettoie la classe quand elle est sale » 83 23,720 S 72 7,89 S � « c’est parce que le maître m’a désigné » 96 53,37 S 108 91,26 S � « c’est parce que j’ai envie de ranger la classe » 114 114 S 104 77,51 S � « c’est parce que j’aime quand tout est en ordre » 111 102,32 S 98 58,98 S
2) Lorsqu’ils discutent avec leur voisin durant un cours, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce qu’il m’a demandé quelque chose » 90 38,21 S 98 58,98 S � « c’est parce que je veux lui dire quelque chose d’important » 112 106,14 S 106 84,25 S � « c’est parce que je suis quelqu’un de plutôt bavard » 111 102,32 S 97 56,14 S � « c’est parce que c’est difficile de rester silencieux toute une journée » 46 4,25 S 83 23,72 S
3) Lorsqu’ils écoutent bien la leçon en classe, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que le maître me l’a demandé » 92 42,98 S 88 33,72 S � « c’est parce que, ce jour-là, j’avais envie d’apprendre de nouvelles choses » 111 102,328 S 106 84,25 S � « c’est parce que la leçon est très intéressante » 78 15,47 S 19 50,667 S � « c’est parce que je suis un élève sérieux » 112 106,14 S 90 38,21 S
4) Lorsqu’ils regardent par la fenêtre durant une leçon, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que cette matière est ennuyeuse » 75 11,37 S 60 0,32 p<.57 � « c’est parce que je suis quelqu’un de distrait » 108 91,26 S 88 33,72 S � « c’est parce que je n’avais pas envie d’écouter » 110 98,56 S 112 106,14 S � « c’est parce que quelqu’un a attiré mon attention dehors » 97 56,14 S 108 91,26 S
Annexes
15
5) Lorsqu’ils s’appliquent sur leur cahier de classe, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que je suis un élève soigneux » 111 102,32 S 98 58,98 S � « c’est parce que le maître me l’a demandé » 102 71,05 S 92 42,98 S � « c’est parce que j’avais envie que mon cahier soit propre » 113 110,04 S 83 23,72 S � « c’est parce qu’il faut tenir son cahier propre à l’école » 91 40,56 S 95 50,67 S
6) Lorsqu’ils chahutent en classe, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que je suis un élève chahuteur » 110 98,56 S 85 27,51 S � « c’est parce que la matière est ennuyeuse » 81 20,21 S 60 0,32 p<.57 � « c’est parce que les autres ont commencé » 100 64,88 S 103 74,25 S � « c’est parce que j’avais envie de m’amuser » 113 110,04 S 107 87,72 S
7) Lorsqu’ils aident un camarade de classe à terminer un exercice, certains élèves disent :
I/E
X²
p
S/I
X²
p
� « c’est parce que j’en avais envie » 110 98,56 S 103 74,25 S � « c’est parce qu’il faut aider les autres » 66 2,84 p<.09 87 31,58 S � « c’est parce que j’aime bien aider mes copains » 113 110,04 S 93 45,47 S � « c’est parce qu’il m’a demandé de l’aider » 100 64,88 S 106 84,25 S
8) Lorsqu’ils bâclent leurs devoirs à la maison, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que c’est toujours difficile de se remettre au travail après une
journée d’école » 67 3,51 p<.06 75 11,37 S
� « c’est parce que je voulais m’en débarrasser » 110 98,56 S 99 61,89 S � « c’est parce qu’on m’a dérangé ce jour-là » 103 74,25 S 111 102,32 S � « c’est parce que je suis un élève peu appliqué » 109 94,88 S 84 25,58 S
Annexes
16
Saynètes de renforcements
1) Lorsqu’ils ont une mauvaise note dans une matière, certains élèves disent :
I/E
X²
p
S/I
X²
p � « c’est parce que je n’ai pas assez révisé ma leçon » 112 106,14 S 108 91,26 S � « c’est parce que je n’ai pas eu de chance cette fois là » 94 48,04 S 110 98,56 S � « c’est parce que les contrôles dans cette matière sont toujours difficiles » 100 64,88 S 89 35,93 S � « c’est parce que je ne suis pas quelqu’un de fort dans cette matière » 109 94,88 S 69 5,05 S
2) Lorsqu’ils réussissent bien un contrôle, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que je suis un bon élève » 113 110,04 S 77 14,04 S � « c’est parce que la chance était de mon côté » 104 77,51 S 112 106,14 S � « c’est parce que je me suis donné à fond pour ce contrôle » 111 102,32 S 99 61,89 S � « c’est parce que la matière est facile » 101 67,92982 S 74 10,14 S
3) Lorsque le maître fait des reproches sur leur travail en classe, certains élèves disent :
I/E
X²
p
S/I
X²
p
� « c’est parce que le maître donne toujours des exercices difficiles » 101 67,93 S 79 16,98 S � « c’est parce que, ce jour là, je n’ai pas eu de chance » 95 50,67 S 112 106,14 S � « c’est parce que je suis quelqu’un qui a des difficultés à l’école » 107 87,72 S 58 0,04 p<.85 � « c’est parce que je n’ai pas fait suffisamment d’efforts » 111 102,32 S 107 87,72 S
4) Lorsqu’ils ont de bonnes notes, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que j’ai bien révisé ma leçon » 113 110,04 S 94 48,04 S � « c’est parce que je suis fort à l’école » 107 87,72 S 83 23,72 S � « c’est parce que les matières sont faciles » 91 40,56 S 73 8,98 S � « c’est parce que j’ai eu de la chance » 100 64,88 S 109 94,88 S
Annexes
17
5) Lorsqu’ils sont disputés pour avoir mal récité une leçon, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p
� « c’est parce que je n’ai pas eu de chance d’être interrogé ce jour là » 94 48,04 S 111 102,32 S � « c’est parce que je n’ai pas pris assez de temps pour apprendre ma leçon » 111 102,32 S 107 87,720 S � « c’est parce que j’ai toujours du mal à apprendre mes leçons » 109 94,88 S 80 18,56 S � « c’est parce que c’est toujours difficile d’apprendre correctement sa leçon » 62 0,88 p<.34 81 20,21 S
6) Lorsqu’ils sont félicités par le maître pour leur conduite, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que, ce jour-là, j’ai fait des efforts pour être sage en classe » 112 106,14 S 111 102,32 S � « c’est parce que, il y a des jours où j’ai plus de chance que d’autres » 101 67,93 S 100 64,88 S � « c’est parce que les règles de classe sont faciles à respecter » 85 27,51 S 88 33,72 S � « c’est parce que je suis quelqu’un de calme » 110 98,56 S 91 40,56 S
7) Lorsqu’ils sont punis, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que je n’ai pas eu de chance ce jour là » 94 48,04 S 112 106,14 S � « c’est parce que je suis un élève turbulent » 109 94,88 S 76 12,67 S � « c’est parce que je n’ai pas fait assez d’effort pour être sage » 110 98,56 S 108 91,26 S � « c’est parce qu’on ne peut jamais rien faire à l’école » 88 33,72 S 84 25,58 S
8) Lorsqu’ils gagnent à un jeu à l’école, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que j’ai fait beaucoup d’effort pour gagner » 110 98,56 S 105 80,84 S � « c’est parce que je suis quelqu’un de fort aux jeux » 106 84,25 S 85 27,51 S � « c’est parce que la chance était de mon côté ce jour là » 103 74,25 S 110 98,56 S � « c’est parce que les jeux à l’école sont toujours faciles » 95 50,67 S 86 29,51 S
Annexes
18
3. Annexe IIc : Questionnaire d’internalité scolaire (version a)
Toi, tu dirais plutôt comment ? 1) Lorsqu’ils aident un camarade de classe à terminer un exercice :
� certains élèves disent « c’est parce que j’en avais envie »
� d’autres disent « c’est parce qu’il faut aider les autres en classe »
� d’autres disent « c’est parce que j’aime bien aider mes copains »
� d’autres disent « c’est parce qu’il m’a demandé de l’aider »
2) Lorsqu’ils sont félicités par le maître pour leur conduite en classe :
� certains élèves disent « c’est parce que, ce jour-là, j’ai fait des efforts pour être sage »
� d’autres disent « c’est parce qu’il y a des jours où j’ai plus de chance que d’autres »
� d’autres disent « c’est parce que les règles de classe sont faciles à respecter »
� d’autres disent « c’est parce que je suis quelqu’un de calme »
3) Lorsqu’ils réussissent bien un contrôle :
� certains élèves disent « c’est parce que je suis un bon élève »
� d’autres disent « c’est parce que la chance était de mon côté »
� d’autres disent « c’est parce que je me suis donné à fond pour ce contrôle »
� d’autres disent « c’est parce que la matière est facile »
4) Lorsqu’ils bâclent leurs devoirs à la maison :
� certains élèves disent « c’est parce qu’après l’école, c’est toujours difficile de se remettre au travail »
� d’autres disent « c’est parce que je voulais m’en débarrasser »
� d’autres disent « c’est parce qu’on m’a dérangé ce jour-là »
� d’autres disent « c’est parce que je suis un élève peu appliqué »
5) Lorsqu’ils aident le maître à ranger la classe :
� certains élèves disent « c’est parce qu’on nettoie la classe quand elle est sale »
� d’autres disent « c’est parce que le maître m’a désigné »
� d’autres disent « c’est parce que j’ai envie de ranger la classe »
� d’autres disent « c’est parce que j’aime quand tout est en ordre »
6) Lorsqu’ils ont une mauvaise note dans une matière :
� certains élèves disent « c’est parce que je n’ai pas assez révisé ma leçon »
� d’autres disent « c’est parce que je n’ai pas eu de chance cette fois-là »
� d’autres disent « c’est parce que les contrôles dans cette matière sont toujours difficiles »
� d’autres disent « c’est parce que je ne suis pas quelqu’un de fort dans cette matière »
Annexes
19
7) Lorsqu’ils chahutent en classe pendant une leçon :
� certains élèves disent « c’est parce que je suis un élève chahuteur »
� d’autres disent « c’est parce que cette matière est toujours ennuyeuse »
� d’autres disent « c’est parce que les autres ont commencé »
� d’autres disent « c’est parce que j’avais envie de m’amuser »
8) Lorsqu’en classe, ils sont punis :
� certains élèves disent « c’est parce que je n’ai pas eu de chance ce jour-là »
� d’autres disent « c’est parce que je suis un élève turbulent »
� d’autres disent « c’est parce que je n’ai pas fait assez d’efforts pour être sage »
� d’autres disent « c’est parce qu’on ne peut jamais rien faire à l’école »
9) Lorsqu’en classe, ils discutent avec leur voisin :
� certains élèves disent « c’est parce qu’il m’a demandé quelque chose »
� d’autres disent « c’est parce que je veux lui dire quelque chose d’important »
� d’autres disent « c’est parce que je suis quelqu’un de plutôt bavard »
� d’autres disent « c’est parce que c’est impossible de rester toute une journée sans parler à ses copains »
10) Lorsqu’ils s’appliquent sur leur cahier de classe :
� certains élèves disent « c’est parce que je suis un élève soigneux »
� d’autres disent « c’est parce que le maître me l’a demandé »
� d’autres disent « c’est parce que j’avais envie que mon cahier soit propre »
� d’autres disent « c’est parce qu’il faut tenir son cahier propre à l’école »
11) Lorsqu’ils sont disputés pour avoir mal récité une leçon :
� certains élèves disent « c’est parce que je n’ai pas eu de chance d’être interrogé ce jour-là »
� d’autres disent « c’est parce que je n’ai pas pris assez de temps pour apprendre ma leçon »
� d’autres disent « c’est parce que j’ai toujours du mal à apprendre mes leçons »
� d’autres disent « c’est parce que le maître donne toujours des leçons difficiles à apprendre »
12) Lorsqu’ils gagnent à un jeu à l’école :
� certains élèves disent « c’est parce que j’ai fait beaucoup d’efforts pour gagner »
� d’autres disent « c’est parce que je suis quelqu’un de fort aux jeux »
� d’autres disent « c’est parce que la chance était de mon côté ce jour-là »
� d’autres disent « c’est parce que les jeux à l’école sont toujours faciles »
Annexes
20
4. Annexe IId : Consignes d’autoprésentation
Consigne standard : « Je vais vous demander votre avis sur certaines choses. Ce n’est pas un exercice. C’est juste pour savoir ce que vous pensez. Il n’y a pas de bonne ni de mauvaise réponse. Vos réponses seront toujours bonnes si vous dites ce que vous pensez réellement. » Après la lecture de chaque item, dire : « toi, tu dirais plutôt comment, comme ceux qui disent c’est parce que… (rappeler la première explication) ou comme ceux qui disent c’est parce que… (rappeler la deuxième explication) ou encore comme ceux qui disent c’est parce que… (rappeler la troisième explication) ou ceux qui disent c’est parce que… (rappeler la quatrième explication) ?» Consigne pronormative : « Maintenant, je vais vous donner le même questionnaire à remplir. Mais cette fois, je vous demande de répondre aux questions en essayant de vous faire bien voir par votre maître(sse). Comme si vous vouliez que votre maître(sse) soit très content(e) de vous. » Après la lecture de chaque item, dire : « toi, tu dirais plutôt comment pour te faire bien voir de ton maître, comme ceux qui disent c’est parce que… (rappeler la première explication) ou comme ceux qui disent c’est parce que… (rappeler la deuxième explication) ou encore comme ceux qui disent c’est parce que… (rappeler la troisième explication) ou ceux qui disent c’est parce que… (rappeler la quatrième explication) ?» Consigne contre normative : « Maintenant, je vais vous donner, pour la dernière fois, le même questionnaire à remplir. Mais cette fois, écoutez bien, je vous demande de répondre aux questions en essayant de vous faire mal voir par votre maître(sse). Comme si vous vouliez que votre maître(sse) ne soit vraiment pas content(e) de vous. » Après la lecture de chaque item, dire : « toi, tu dirais plutôt comment pour te faire mal voir de ton maître, comme ceux qui disent c’est parce que… (rappeler la première explication) ou comme ceux qui disent c’est parce que… (rappeler la deuxième explication) ou encore comme ceux qui disent c’est parce que… (rappeler la troisième explication) ou enfin comme ceux qui disent c’est parce que… (rappeler la quatrième explication) ?»
Annexes
21
ANNEXES III
PROGRAMME DE RECHERCHE 3
5. Annexe IIIa : Echelle de désirabilité/utilité scolaire
Nom de l'élève.......................................................................................................... (Cette information ne sera pas saisie informatiquement) Numéro de la classe Numéro de l’élève
L’élève vu par l’enseignant(e)
Veuillez attribuer un score pour chaque trait présenté afin d’indiquer si
celui-ci décrit ou ne décrit pas l’élève. Ce score peut aller de 0 (ne décrit pas du
tout l’élève) à 10 (décrit tout à fait l’élève). Entourez le score choisi parmi ceux
présentés.
Souriant(e)
Ne décrit pas du
tout l’élève
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à
fait l’élève
Pénible
Ne décrit pas du
tout l’élève
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à
fait l’élève
Annexes
22
Studieux(se)
Ne décrit pas du
tout l’élève
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à
fait l’élève
Envahissant(e)
Ne décrit pas du
tout l’élève
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à
fait l’élève
Gentil(le)
Ne décrit pas du
tout l’élève
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à
fait l’élève
Paresseux(se)
Ne décrit pas du
tout l’élève
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à
fait l’élève
Egocentrique
Ne décrit pas du
tout l’élève
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à
fait l’élève
Annexes
23
Spontané(e)
Ne décrit pas du
tout l’élève
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à
fait l’élève
Lent(e)
Ne décrit pas du
tout l’élève
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à
fait l’élève
Performant(e)
Ne décrit pas du
tout l’élève
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à
fait l’élève
Intelligent(e)
Ne décrit pas du
tout l’élève
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à
fait l’élève
Immature
Ne décrit pas du
tout l’élève
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à
fait l’élève
Passif(ve)
Ne décrit pas du
tout l’élève
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à
fait l’élève
Annexes
24
Réfléchi(e)
Ne décrit pas du
tout l’élève
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à
fait l’élève
Cultivé(e)
Ne décrit pas du
tout l’élève
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à
fait l’élève
Insolent(e)
Ne décrit pas du
tout l’élève
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à
fait l’élève
Faible
Ne décrit pas du
tout l’élève
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à
fait l’élève
Déterminé(e)
Ne décrit pas du
tout l’élève
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à
fait l’élève
Agréable
Ne décrit pas du
tout l’élève
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à
fait l’élève
Annexes
25
Volontaire
Ne décrit pas du
tout l’élève
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à
fait l’élève
Agressif(ve)
Ne décrit pas du
tout l’élève
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à
fait l’élève
Inattentif(ve)
Ne décrit pas du
tout l’élève
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à
fait l’élève
Arrogant(e)
Ne décrit pas du
tout l’élève
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à
fait l’élève
Drôle
Ne décrit pas du
tout l’élève
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Décrit tout à
fait l’élève
Annexes
26
6. Annexe IIIb : Résultats du prétest du questionnaire d’internalité scolaire (version b)
Saynètes de comportements uniquement
1) Lorsqu’ils aident le maître à ranger la classe, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce qu’on est obligé de nettoyer la classe quand elle est sale » 76 42,71 S 58 7,51 S � « c’est parce que le maître m’a désigné » 58 7,51 S 83 64,18 S � « c’est parce que j’avais envie de ranger la classe » 89 86,04 S 87 78,40 S � « c’est parce que j’aime quand tout est en ordre » 87 78,40 S 76 42,71 S
2) Lorsqu’en classe, ils discutent avec leur voisin, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce qu’il n’arrête pas de parler » 64 16,04 S 59 8,71 S � « c’est parce que je voulais lui dire quelque chose d’important » 87 78,40 S 84 67,60 S � « c’est parce que j’aime bien discuter avec mes copains » 87 78,40 S 76 42,71 S � « c’est parce que c’est impossible de rester toute une journée sans parler à ses
copains » 39 1,60 p<.22 81 57,60 S
3) Lorsqu’ils s’appliquent sur leur cahier de classe, certains enfants disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que je suis un élève soigneux » 88 82,18 S 72 32,40 S � « c’est parce que le maître me l’a demandé » 74 37,38 S 62 18,84 S � « c’est parce que j’avais envie que mon cahier soit propre » 89 86,04 S 73 34,84 S � « c’est parce qu’on est obligé de tenir son cahier propre à l’école » 84 67,60 S 77 45,41 S
4) Lorsqu’ils chahutent en classe pendant une leçon, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que je suis un élève chahuteur » 85 71,11 S 56 5,38 S � « c’est parce que cette matière est toujours ennuyeuse » 59 8,71 S 58 7,51 S � « c’est parce que ce jour-là tout le monde était excité » 72 32,40 S 86 74,71 S � « c’est parce que j’avais envie de faire rire mes copains » 88 82,18 S 83 64,18 S
Annexes
27
5) Lorsqu’ils aident un camarade de classe à terminer un exercice, certains élèves disent :
I/E
X²
p
S/I
X²
p
� « c’est parce que je voulais faire plaisir » 84 67,60 S 83 64,18 S � « c’est parce qu’on est obligé d’aider les autres à l’école » 80 64,44 S 65 17,78 S � « c’est parce que j’aime bien aider mes copains » 90 90,00 S 63 14,40 S � « c’est parce que, cette fois-là, le maître voulait que je l’aide » 79 51,38 S 87 78,40 S
6) Lorsqu’ils ne font pas leurs devoirs à la maison, certains élèves disent : I/E X² p S/I X² p � « c’est parce que c’est toujours difficile de travailler après l’école » 38 2,28 p<.15 61 11,38 S � « c’est parce que je voulais aller m’amuser » 84 67,60 S 80 64,44 S � « c’est parce que mes copains sont venus me chercher pour jouer, à ce moment-
là » 63 14,40 S 81 57,60 S
� « c’est parce que je suis un élève pas très sérieux » 82 60,84 S 53 2,84 p<.10
Annexes
28
7. Annexe IIIc : Questionnaire d’internalité scolaire (version b)
Les mots entre parenthèses correspondent au texte de la version a du questionnaire qui
a été remplacé dans la version b. Les mots qui les ont remplacé sont soulignés et en italique.
1) Lorsqu’ils aident un camarade de classe à terminer un exercice :
� certains élèves disent « c’est parce que je voulais faire plaisir (j’en avais envie) »
� d’autres disent « c’est parce qu’on est obligé d’ (qu’il faut) aider les autres à l’école »
� d’autres disent « c’est parce que j’aime bien aider mes copains »
� d’autres disent « c’est parce que, cette fois-là, le maître voulait que je l’aide (qu’il m’a
demandé de l’aider) »
2) Lorsqu’ils sont félicités par le maître pour leur conduite en classe :
� certains élèves disent « c’est parce que, ce jour-là, j’ai fait des efforts pour être sage »
� d’autres disent « c’est parce qu’il y a des jours où j’ai plus de chance que d’autres »
� d’autres disent « c’est parce que les règles de classe sont faciles à respecter »
� d’autres disent « c’est parce que je suis quelqu’un de calme »
3) Lorsqu’ils réussissent bien un contrôle :
� certains élèves disent « c’est parce que je suis un bon élève »
� d’autres disent « c’est parce que la chance était de mon côté »
� d’autres disent « c’est parce que je me suis donné à fond pour ce contrôle »
� d’autres disent « c’est parce que la matière est facile »
4) Lorsqu’ils ne font pas (bâclent) leurs devoirs à la maison :
� certains élèves disent « c’est parce que (qu’après l’école) c’est toujours difficile de travailler après
l’école (se remettre au travail) »
� d’autres disent « c’est parce que je voulais aller m’amuser (m’en débarrasser) »
� d’autres disent « c’est parce que mes copains sont venus me chercher pour jouer à (qu’on m’a
dérangé) ce moment (jour)-là »
� d’autres disent « c’est parce que je suis un élève pas très sérieux (peu appliqué) »
5) Lorsqu’ils aident le maître à ranger la classe :
� certains élèves disent « c’est parce qu’on est obligé de nettoyer (nettoie) la classe quand elle est
sale »
� d’autres disent « c’est parce que le maître m’a désigné »
� d’autres disent « c’est parce que j’avais (ai) envie de ranger la classe »
� d’autres disent « c’est parce que j’aime quand tout est en ordre »
Annexes
29
6) Lorsqu’ils ont une mauvaise note dans une matière :
� certains élèves disent « c’est parce que je n’ai pas assez révisé ma leçon »
� d’autres disent « c’est parce que je n’ai pas eu de chance cette fois-là »
� d’autres disent « c’est parce que les contrôles dans cette matière sont toujours difficiles »
� d’autres disent « c’est parce que je ne suis pas quelqu’un de fort dans cette matière »
7) Lorsqu’ils chahutent en classe pendant une leçon :
� certains élèves disent « c’est parce que je suis un élève chahuteur »
� d’autres disent « c’est parce que cette matière est toujours ennuyeuse »
� d’autres disent « c’est parce que ce jour-là tout le monde était excité (les autres ont commencé) »
� d’autres disent « c’est parce que j’avais envie de faire rire mes copains (m’amuser) »
8) Lorsqu’en classe, ils sont punis :
� certains élèves disent « c’est parce que je n’ai pas eu de chance ce jour-là »
� d’autres disent « c’est parce que je suis un élève turbulent »
� d’autres disent « c’est parce que je n’ai pas fait assez d’efforts pour être sage »
� d’autres disent « c’est parce qu’on ne peut jamais rien faire à l’école »
9) Lorsqu’en classe, ils discutent avec leur voisin :
� certains élèves disent « c’est parce qu’il n’arrête pas de parler (m’a demandé quelque chose) »
� d’autres disent « c’est parce que je voulais (veux) lui dire quelque chose d’important »
� d’autres disent « c’est parce que j’aime bien discuter avec mes copains (je suis quelqu’un de plutôt bavard) »
� d’autres disent « c’est parce que c’est impossible de rester toute une journée sans parler à ses copains »
10) Lorsqu’ils s’appliquent sur leur cahier de classe :
� certains élèves disent « c’est parce que je suis un élève soigneux »
� d’autres disent « c’est parce que le maître me l’a demandé »
� d’autres disent « c’est parce que j’avais envie que mon cahier soit propre »
� d’autres disent « c’est parce qu’on est obligé de (qu’il faut) tenir son cahier propre à l’école »
11) Lorsqu’ils sont disputés pour avoir mal récité une leçon :
� certains élèves disent « c’est parce que je n’ai pas eu de chance d’être interrogé ce jour-là »
� d’autres disent « c’est parce que je n’ai pas pris assez de temps pour apprendre ma leçon »
� d’autres disent « c’est parce que j’ai toujours du mal à apprendre mes leçons »
� d’autres disent « c’est parce que le maître donne toujours des leçons difficiles à apprendre »
Annexes
30
12) Lorsqu’ils gagnent à un jeu à l’école :
� certains élèves disent « c’est parce que j’ai fait beaucoup d’efforts pour gagner »
� d’autres disent « c’est parce que je suis quelqu’un de fort aux jeux »
� d’autres disent « c’est parce que la chance était de mon côté ce jour-là »
� d’autres disent « c’est parce que les jeux à l’école sont toujours faciles »
Annexes
31
ANNEXES IV
PROGRAMME DE RECHERCHE 4
8. Annexe IVa : Traits de personnalité
Liste des 150 traits de personnalité
Actif Affectueux Agaçant Agréable Agressif Amusant Angoissé Antipathique Arrogant Attachant Attentif Autonome Bagarreur Bavard Bête Borné Brusque Brutal Cachottier Calme Capricieux Charmant Collant Comique Consciencieux Courageux Cultivé Curieux Débrouillard Dépendant Déterminé Détestable Discipliné Discret Doux Drôle Dynamique Effronté Egocentrique
Egoïste Emotif Empoté Energique Enervant Entêté Enthousiaste Entreprenant Envahissant Etourdi Exaspérant Fabulateur Faible Fainéant Fier Fragile Franc Gai Gentil Grincheux Grossier Honnête Hypocrite Immature Impoli Impressionnable Imprévisible Impulsif Inattentif Incapable Indépendant Insolent Instruit Insupportable Intelligent Inventif Irréfléchi Irrespectueux Irresponsable
Jaloux Lent Lunatique Maladroit Malicieux Malin Matheux Méchant Menteur Mesquin Mesuré Méthodique Méticuleux Minutieux Modeste Moqueur Mou Mûr Naïf Nerveux Nonchalant Obéissant Obstiné Odieux Ordonné Orgueilleux Ouvert Paresseux Passif Pénible Perfectionniste Performant Persévérant Perspicace Pointilleux Posé Précis Prétentieux Prudent
Annexes
32
Puéril Raciste Raisonnable Rancunier Réfléchi Renfermé Réservé Respectueux Responsable Rigolo Rigoureux
Rusé Sage Sensé Sensible Sérieux Serviable Sociable Soigneux Solitaire Souriant Sournois
Spontané Studieux Susceptible Sympathique Têtu Tourmenté Travailleur Vantard Vif Violent Volontaire
Liste des 21 traits supplémentaires
Adorable Appliqué Brouillon Désordonné Dissipé Distrait Effacé Extraverti Hyperactif Intéressé Isolé Meneur Motivé Niais Pleurnichard Rêveur Sale Séducteur Suiveur Timide Transparent
Annexes
33
9. Annexe IVb : Profils d’élèves spécifiques sur les deux dimensions de la valeur sociale
Profil désirable 1) Lorsqu’ils aident un camarade de classe à terminer un exercice :
� certains élèves disent « c’est parce que j’aime bien aider mes copains »
2) Lorsqu’ils sont félicités par le maître pour leur conduite en classe :
� certains élèves disent « c’est parce que je suis quelqu’un de calme »
3) Lorsqu’ils réussissent bien un contrôle :
� certains élèves disent « c’est parce que je me suis donné à fond pour ce contrôle »
4) Lorsqu’ils ne font pas leurs devoirs à la maison :
� certains élèves disent « c’est parce que je voulais aller m’amuser »
5) Lorsqu’ils aident le maître à ranger la classe :
� certains élèves disent « c’est parce que j’avais envie de ranger la classe »
6) Lorsqu’ils ont une mauvaise note dans une matière :
� certains élèves disent « c’est parce que je n’ai pas assez révisé ma leçon »
7) Lorsqu’ils chahutent en classe pendant une leçon :
� certains élèves disent « c’est parce que ce jour-là tout le monde était excité »
8) Lorsqu’en classe, ils sont punis :
� certains élèves disent « c’est parce que je n’ai pas fait assez d’efforts pour être sage »
9) Lorsqu’en classe, ils discutent avec leur voisin :
� certains élèves disent « c’est parce que je voulais lui dire quelque chose d’important »
10) Lorsqu’ils s’appliquent sur leur cahier de classe :
� certains élèves disent « c’est parce que j’avais envie que mon cahier soit propre »
11) Lorsqu’ils se font disputés pour avoir mal récité une leçon :
� certains élèves disent « c’est parce que je n’ai pas pris assez de temps pour apprendre ma leçon »
12) Lorsqu’ils gagnent à un jeu à l’école :
� certains élèves disent « c’est parce que j’ai fait beaucoup d’efforts pour gagner »
Annexes
34
Profil utile 1) Lorsqu’ils aident un camarade de classe à terminer un exercice :
� certains élèves disent « c’est parce que j’aime bien aider mes copains »
2) Lorsqu’ils sont félicités par le maître pour leur conduite en classe :
� certains élèves disent « c’est parce que, ce jour-là, j’ai fait des efforts pour être sage »
3) Lorsqu’ils réussissent bien un contrôle :
� certains élèves disent « c’est parce que je suis un bon élève »
4) Lorsqu’ils ne font pas leurs devoirs à la maison :
� certains élèves disent « c’est parce que je suis un élève pas très sérieux »
5) Lorsqu’ils aident le maître à ranger la classe :
� certains élèves disent « c’est parce que j’aime quand tout est en ordre »
6) Lorsqu’ils ont une mauvaise note dans une matière :
� certains élèves disent « c’est parce que je n’ai pas assez révisé ma leçon »
7) Lorsqu’ils chahutent en classe pendant une leçon :
� certains élèves disent « c’est parce que je suis un élève chahuteur »
8) Lorsqu’en classe, ils sont punis :
� certains élèves disent « c’est parce que je n’ai pas fait assez d’efforts pour être sage »
9) Lorsqu’en classe, ils discutent avec leur voisin :
� certains élèves disent « c’est parce que j’aime bien discuter avec mes copains »
10) Lorsqu’ils s’appliquent sur leur cahier de classe :
� certains élèves disent « c’est parce que je suis un élève soigneux »
11) Lorsqu’ils se font disputés pour avoir mal récité une leçon :
� certains élèves disent « c’est parce que je n’ai pas pris assez de temps pour apprendre ma leçon »
12) Lorsqu’ils gagnent à un jeu à l’école :
� certains élèves disent « c’est parce que je suis quelqu’un de fort aux jeux »
Annexes
35
Profil indésirable 1) Lorsqu’ils aident un camarade de classe à terminer un exercice :
� certains élèves disent « c’est parce qu’on est obligé d’aider les autres à l’école »
2) Lorsqu’ils sont félicités par le maître pour leur conduite en classe :
� certains élèves disent « c’est parce que, ce jour-là, j’ai fait des efforts pour être sage »
3) Lorsqu’ils réussissent bien un contrôle :
� certains élèves disent « c’est parce que la chance était de mon côté »
4) Lorsqu’ils ne font pas leurs devoirs à la maison :
� certains élèves disent « c’est parce que je suis un élève pas très sérieux »
5) Lorsqu’ils aident le maître à ranger la classe :
� certains élèves disent « c’est parce que le maître m’a désigné »
6) Lorsqu’ils ont une mauvaise note dans une matière :
� certains élèves disent « c’est parce que je n’ai pas eu de chance cette fois-là »
7) Lorsqu’ils chahutent en classe pendant une leçon :
� certains élèves disent « c’est parce que je suis un élève chahuteur »
8) Lorsqu’en classe, ils sont punis :
� certains élèves disent « c’est parce qu’on ne peut jamais rien faire à l’école »
9) Lorsqu’en classe, ils discutent avec leur voisin :
� certains élèves disent « c’est parce qu’il n’arrête pas de parler »
10) Lorsqu’ils s’appliquent sur leur cahier de classe :
� certains élèves disent « c’est parce que le maître me l’a demandé »
11) Lorsqu’ils se font disputés pour avoir mal récité une leçon :
� certains élèves disent « c’est parce que le maître donne toujours des leçons difficiles à apprendre »
12) Lorsqu’ils gagnent à un jeu à l’école :
� certains élèves disent « c’est parce que je suis quelqu’un de fort aux jeux »
Annexes
36
Profil inutile 1) Lorsqu’ils aident un camarade de classe à terminer un exercice :
� certains élèves disent « c’est parce que je voulais faire plaisir »
2) Lorsqu’ils sont félicités par le maître pour leur conduite en classe :
� certains élèves disent « c’est parce qu’il y a des jours où j’ai plus de chance que d’autres »
3) Lorsqu’ils réussissent bien un contrôle :
� certains élèves disent « c’est parce que la chance était de mon côté »
4) Lorsqu’ils ne font pas leurs devoirs à la maison :
� certains élèves disent « c’est parce que c’est toujours difficile de travailler après l’école »
5) Lorsqu’ils aident le maître à ranger la classe :
� certains élèves disent « c’est parce qu’on est obligé de nettoyer la classe quand elle est sale »
6) Lorsqu’ils ont une mauvaise note dans une matière :
� certains élèves disent « c’est parce que je ne suis pas quelqu’un de fort dans cette matière »
7) Lorsqu’ils chahutent en classe pendant une leçon :
� certains élèves disent « c’est parce que cette matière est toujours ennuyeuse »
8) Lorsqu’en classe, ils sont punis :
� certains élèves disent « c’est parce que je suis un élève turbulent »
9) Lorsqu’en classe, ils discutent avec leur voisin :
� certains élèves disent « c’est parce que c’est impossible de rester toute une journée sans parler à ses copains »
10) Lorsqu’ils s’appliquent sur leur cahier de classe :
� certains élèves disent « c’est parce que le maître me l’a demandé »
11) Lorsqu’ils se font disputés pour avoir mal récité une leçon :
� certains élèves disent « c’est parce que le maître donne toujours des leçons difficiles à apprendre »
12) Lorsqu’ils gagnent à un jeu à l’école :
� certains élèves disent « c’est parce que la chance était de mon côté ce jour-là »
Annexes
37
10. Annexe IVc : Bilans scolaires des élèves fictifs
Elève fort
Bilan des évaluations 1ère période Prénom : Cédric Sexe : Masculin Date de naissance : 14/08/1996
Classe de CE2
Français Acquis En voie d’acquisition Non Acquis Maîtrise de l’ordre alphabétique X Notion de passé, présent, futur X Reconnaître l’infinitif d’un verbe X La phrase X La phrase interrogative X Lecture et compréhension X Lecture et oralisation X
Mathématiques Acquis En voie d’acquisition Non Acquis Les nombres jusqu’à 1000 X Décomposer des nombres X Ecrire des nombres en lettres X Comparer des nombres X Ordre de grandeur X Géométrie : les solides X Tables de multiplication (×2, ×3, ×4) X Signature des parents :
Annexes
38
Bilan des évaluations 2ème période
Classe de CE2
Français Acquis En voie d’acquisition Non Acquis Les 3 groupes du verbe X Présent des verbes du 1er groupe X Présent des verbes du 2ème groupe X Ecrire un texte connu en dictée X Les mots invariables X Les homophones :
a / à / as X est / et X
on / ont X son / sont X
Lecture et compréhension X Lecture et oralisation X
Mathématiques
Acquis En voie d’acquisition Non Acquis Situation problèmes X Ecrire les nombres > 1000 X Les additions X Les calculs de produits X
Signature des parents :
Annexes
39
Bilan des évaluations 3ème période
Classe de CE2
Français Acquis En voie d’acquisition Non acquis Futur des verbes du 1er groupe X Futur des verbes du 2ème groupe X Mots invariables X Groupe nominal sujet et groupe verbal X Le son /S/ X M devant m, b, p X La cédille X Les phonies de la lettre G (ge, gu...) X Ecrire un texte sous la dictée X Lecture orale X Lecture compréhension X
Mathématiques Acquis En voie d’acquisition Non acquis Connaître les tables de multiplication < à 7 X Technique opératoire de la multiplication X Technique opératoire de la soustraction X Résoudre des problèmes : choisir la bonne opération X
Numération : les nombres > à 10000 X Mesure de segments X Signature des parents :
Annexes
40
Bilan des évaluations dernière période
Classe de CE2
Français Acquis En voie d’acquisition Non acquis Passé composé 1er et 2ème groupes X Imparfait 1er et 2ème groupes X Verbes aller, venir, faire aux 4 temps X Les constituants du GN : déterminant et nom X
Noms propres et noms communs X L’adjectif qualificatif X Le genre X Le nombre X Le son /j/ (ail, eil, …) X Les noms en oir, oire X Les noms en eur X Lecture compréhension X
Mathématiques Acquis En voie d’acquisition Non acquis Connaître les tables de multiplication (jusqu’à 10) X
Technique opératoire de la multiplication X Multiplier par 10, 100, … 20, 200, … X Technique opératoire de la soustraction X Numération (> à 1000) X Résolution de problèmes X Signature des parents :
Annexes
41
Elève moyen
Bilan des évaluations 1ère période Prénom : Cédric Sexe : Masculin Date de naissance : 14/08/1996
Classe de CE2
Français Acquis En voie d’acquisition Non Acquis Maîtrise de l’ordre alphabétique X Notion de passé, présent, futur X Reconnaître l’infinitif d’un verbe X La phrase X La phrase interrogative X Lecture et compréhension X Lecture et oralisation. X
Mathématiques Acquis En voie d’acquisition Non Acquis Les nombres jusqu’à 1000 X Décomposer des nombres X Ecrire des nombres en lettres X Comparer des nombres X Ordre de grandeur X Géométrie : les solides X Tables de multiplication (×2, ×3, ×4) X Signature des parents :
Annexes
42
Bilan des évaluations 2ème période
Classe de CE2
Français Acquis En voie d’acquisition Non Acquis Les 3 groupes du verbe X Présent des verbes du 1er groupe X Présent des verbes du 2ème groupe X Ecrire un texte connu en dictée X Les mots invariables X Les homophones :
a / à / as X est / et / est X
on / ont X son / sont X
Lecture et compréhension X Lecture et oralisation X
Mathématiques
Acquis En voie d’acquisition Non Acquis Situation problèmes X Ecrire les nombres > 1000 X Les additions X Les calculs de produits X
Signature des parents
Annexes
43
Bilan des évaluations 3ème période
Classe de CE2
Français Acquis En voie d’acquisition Non acquis Futur des verbes du 1er groupe X Futur des verbes du 2ème groupe X Mots invariables X Groupe nominal sujet et groupe verbal X Le son /S/ X M devant m, b, p X La cédille X Les phonies de la lettre G (ge, gu...) X Ecrire un texte sous la dictée X Lecture orale X Lecture compréhension X
Mathématiques Acquis En voie d’acquisition Non acquis Connaître les tables de multiplication < à 7 X Technique opératoire de la multiplication X Technique opératoire de la soustraction X Résoudre des problèmes : choisir la bonne opération
X
Numération : les nombres > à 10000 X Mesures de segments X Signature des parents :
Annexes
44
Bilan des évaluations dernière période
Classe de CE2
Français Acquis En voie d’acquisition Non acquis Passé composé 1er et 2ème groupes X Imparfait 1er et 2ème groupes X Verbes aller, venir, faire aux 4 temps X Les constituants du GN : déterminant et nom X
Noms propres et noms communs X L’adjectif qualificatif X Le genre X Le nombre X Le son /j/ (ail, eil, …) X Les noms en oir, oire X Les noms en eur X Lecture compréhension X
Mathématiques Acquis En voie d’acquisition Non acquis Connaître les tables de multiplication (jusqu’à10) X
Technique opératoire de la multiplication X Multiplier par 10, 100, …20, 200, … X Technique opératoire de la soustraction X Numération (> à 1000) X Résolution de problèmes X
Signature des parents :
Annexes
45
Elève faible
Bilan des évaluations 1ère période Prénom : Cédric Sexe : Masculin Date de naissance : 14/08/1996
Classe de CE2
Français Acquis En voie d’acquisition Non Acquis Maîtrise de l’ordre alphabétique X Notion de passé, présent, futur X Reconnaître l’infinitif d’un verbe X La phrase X La phrase interrogative X Lecture et compréhension X Lecture et oralisation X
Mathématiques Acquis En voie d’acquisition Non Acquis Les nombres jusqu’à 1000 X Décomposer des nombres X Ecrire des nombres en lettres X Comparer des nombres X Ordre de grandeur X Géométrie : les solides X Tables de multiplication (×2, ×3, ×4) X Signature des parents :
Annexes
46
Bilan des évaluations 2ème période
Classe de CE2
Français Acquis En voie d’acquisition Non Acquis Les 3 groupes du verbe X Présent des verbes du 1er groupe X Présent des verbes du 2ème groupe X Ecrire un texte connu en dictée X Les mots invariables X Les homophones :
a / à / as X est / et / est X
on / ont X son / sont X
Lecture et compréhension X Lecture et oralisation X
Mathématiques
Acquis En voie d’acquisition Non Acquis Situation problèmes X Ecrire les nombres > 1000 X Les additions X Les calculs de produits X
Signature des parents
Annexes
47
Bilan des évaluations 3ème période
Classe de CE2
Français Acquis En voie d’acquisition Non acquis Futur des verbes du 1er groupe X Futur des verbes du 2ème groupe X Mots invariables X Groupe nominal sujet et groupe verbal X Le son /S/ X M devant m, b, p X La cédille X Les phonies de la lettre G (ge, gu...) X Ecrire un texte sous la dictée X Lecture orale X Lecture compréhension X
Mathématiques Acquis En voie d’acquisition Non acquis Connaître les tables de multiplication < à 7 X Technique opératoire de la multiplication X Technique opératoire de la soustraction X Résoudre des problèmes : choisir la bonne opération
X
Numération : les nombres > à 10000 X Mesures de segments X
Signature des parents :
Annexes
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Bilan des évaluations dernière période
Classe de CE2
Français Acquis En voie d’acquisition Non acquis Passé composé 1er et 2ème groupes X Imparfait 1er et 2ème groupes X Verbes aller, venir, faire aux 4 temps X Les constituants du GN : déterminant et nom
X
Noms propres et noms communs X L’adjectif qualificatif X Le genre X Le nombre X Le son /j/ (ail, eil, …) X Les noms en oir, oire X Les noms en eur X Lecture compréhension X
Mathématiques Acquis En voie
d’acquisition Non acquis
Connaître les tables de multiplication (jusqu’à10)
X
Technique opératoire de la multiplication X Multiplier par 10, 100, …20, 200, … X Technique opératoire de la soustraction X Numération (> à 1000) X Résolution de problèmes X
Signature des parents :