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Mian Newson KM ASSANVO. La Trière athénienne au V ème siècle Av. J.-C. Première partie : aspects tech- niques et élaboration d’un instrument de conquête. Rev hist archéol afr (GODO GODO) 2012;22:28-45. LA TRIERE ATHENIENNE AU V EME S AV. J.-C. PREMIERE PARTIE : ASPECTS TECHNIQUES ET ELABORATION D’UN INSTRUMENT DE CONQUETE Mian Newson K. M. ASSANVO Maître assistant Filière Histoire Université de Cocody-Côte d’Ivoire RÉSUMÉ Navire de guerre, la trière est une amélioration technique du pentekontère. Elle est devenue l’une des armes absolues de l’armée athénienne. Sa conception bénéficia de la découverte et l’utilisation à des fins militaires des ressources argentifères du Laurion. Avec des matériaux (fer, bois, lin, etc.) surtout importés et des instruments appropriés, les chantiers navals athéniens mirent sur mer de nombreuses trières tout au long du V ème siècle. Malgré ses limites, sa fiabilité et sa rapidité en firent un formidable outil de dissuasion et de conquête militaire. Mots-clés : Trière, Pentekontère, Athènes, Herminette, Gouvernail, Voile, Rame, Trié- rarchie, Ancre. ABSTRACT Warship, the trireme is a technical improvement pentekontère. She became one of the absolute weapons of the Athenian army. Design benefited from the discovery and use for military purposes of Laurion silver-resources. With materials (iron, wood, flax, etc.). Mostly imported and appropriate instruments, shipyards began Athenian triremes many sea throughout the fifth century. Despite its limitations, its reliability and speed made him a formidable tool of deterrence and military conquest. Key Word: Trireme, Pentekontère, Athens, Adze-helm, Sailing, Train, Trierarchy, Anchor INTRODUCTION L’histoire de la marine dans l’antiquité est très importante pour une connaissance efficiente de l’histoire des Techniques. L’utilisation des navi- res pour porter la guerre chez l’adversaire et le combat sur mer apparaissent dès les guerres médiques. Par la suite, la transformation de l’Hégémonie en impérialisme donna à la marine un rôle fondamentale pour porter la combat chez l’adversaire. La deuxième moitié du Vème siècle vit la consécration de la puissance maritime comme instrument de conquête et de domination ; en plus d’être pour Athènes un moyen de résorber le problème d’emploi des thètes

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Mian Newson KM ASSANVO. La Trière athénienne au Vème siècle Av. J.-C. Première partie : aspects tech-niques et élaboration d’un instrument de conquête. Rev hist archéol afr (GODO GODO) 2012;22:28-45.

LA TRIERE ATHENIENNE AU VEME S AV. J.-C.PREMIERE PARTIE : ASPECTS TECHNIQUES ET ELABORATION

D’UN INSTRUMENT DE CONQUETE

Mian Newson K. M. ASSANVO

Maître assistant Filière Histoire

Université de Cocody-Côte d’Ivoire

RÉSUMÉNavire de guerre, la trière est une amélioration technique du pentekontère. Elle est devenue

l’une des armes absolues de l’armée athénienne. Sa conception bénéficia de la découverte et l’utilisation à des fins militaires des ressources argentifères du Laurion. Avec des matériaux (fer, bois, lin, etc.) surtout importés et des instruments appropriés, les chantiers navals athéniens mirent sur mer de nombreuses trières tout au long du Vème siècle. Malgré ses limites, sa fiabilité et sa rapidité en firent un formidable outil de dissuasion et de conquête militaire.

Mots-clés : Trière, Pentekontère, Athènes, Herminette, Gouvernail, Voile, Rame, Trié-rarchie, Ancre.

ABSTRACTWarship, the trireme is a technical improvement pentekontère. She became one of

the absolute weapons of the Athenian army. Design benefited from the discovery and use for military purposes of Laurion silver-resources. With materials (iron, wood, flax, etc.). Mostly imported and appropriate instruments, shipyards began Athenian triremes many sea throughout the fifth century. Despite its limitations, its reliability and speed made him a formidable tool of deterrence and military conquest.

Key Word: Trireme, Pentekontère, Athens, Adze-helm, Sailing, Train, Trierarchy, Anchor

INTRODUCTIONL’histoire de la marine dans l’antiquité est très importante pour une

connaissance efficiente de l’histoire des Techniques. L’utilisation des navi-res pour porter la guerre chez l’adversaire et le combat sur mer apparaissent dès les guerres médiques. Par la suite, la transformation de l’Hégémonie en impérialisme donna à la marine un rôle fondamentale pour porter la combat chez l’adversaire. La deuxième moitié du Vème siècle vit la consécration de la puissance maritime comme instrument de conquête et de domination ; en plus d’être pour Athènes un moyen de résorber le problème d’emploi des thètes

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Le fleuron de la flotte est la trière1 ; galère de combat antique, développée à partir de la Pentécontore2. Plus court que son prédécesseur, c’est un navre équipé d’une ou deux voiles dans lequel prennent place 170 rameurs étagés sur trois rangs de chaque côté, chaque rang comprenant une trentaine de Thètes. La coque était sur-montée d’un pont, d’un château (ou préceinte) à l’avant et à l’arrière, d’un éperon de bronze à point Triple à la proue, et d’une décoration en forme d’éventail à la poupe. La trière grecque (Fig 2) était un navire de 35 mètres de longueur sur 5,50 mètres de largeur,

Fig 1: Représentation sur vase d’un pentécontoresource : http://en.wikipedia.org/wiki/File:B..

Selon Pline l’Ancien, c’est Erythræ, ville ionienne, qui eut la première des vais-seaux à deux rangs de rames ou dières 3. Thucydide nous apprend que ce furent les Corinthiens qui inventèrent la trière.

« Les premiers, d’après la tradition, les Corinthiens se rapprochè-rent dans les constructions navales du système actuel, et c’est à Corinthe que furent bâties les premières trières ; il semble prouvé que le constructeur Aminoklès de Corinthe édifia pour le compte des Samiens quatre trières, il y a de cela environ trois cents ans jusqu’à la fin de la guerre actuelle. »4

1 La désignation de type de vaisseaux de guerre reposait sur le nombre de rangées de rameurs ainsi nous avions les distinctions suivantes :

- La monère comporte une seule rangée de rameurs.- La dière comporte deux rangées de rameurs. - La trière (trirème) dite aussi « 3 » comporte trois rangées de rameurs.- La tétrère (quadrirème) ou « 4 » comporte quatre rangées de rameurs. - La pentère (quinquérème) ou « 5 » comporte cinq rangées de rameurs. - L’hexère ou « 6 » comporte théoriquement six rangées de rameurs.- Puis viennent l’heptère ou « 7 » l’octère ou « 8 », la décère ou « 10 », etc2 Les vaisseaux longs primitifs n’ayant qu’une rangée de rameurs, les Triakontores et les Pen-

tékontores furent les plus usités avant les guerres médiques Elles comptaient les premières quinze, les secondes vingt-cinq rameurs de chaque bord

3 Pline l’Ancien, Histoire. Naturelle., VII, 564 Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 13

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C’est donc à la fin du VIIIè ou au commencement du VIIè siècle que la trière hellé-nique fit son apparition dans les eaux de l’Archipel. Mais l’invention nouvelle, malgré tous ses avantages, connue une expansion très lente ; car, d’après Thucydide5 , ce n’est que peu de temps avant les guerres médiques qu’on rencontre des trières en grande quantité dans les deux marines les plus considérables de l’époque, celles des tyrans de Sicile et des Corcyréens. Les puissances maritimes antérieures ne possédaient que des Pentékontores et d’autres vaisseaux longs construits d’après le même système. Quant aux Athéniens, c’est Thémistocle qui les persuada de construire des trières dans leurs guerres contre les Éginètes ; ce furent celles qui combattirent pendant les guerres médiques ; encore n’étaient-elles pas pontées dans toute leur longueur.

« (...) Thémistocle convainquit les Athéniens de ne plus procéder à ces distributions et de se donner avec cet argent deux cent navires pour faire la guerre, — il s’agissait de la guerre contre Égine. »6

En effet, Plutarque, dans son Thémistocle (VII et XVIII), nous dit que son person-nage « attira les citoyens d’Athènes vers la marine en leur assurant que par elle ils parviendront non seulement à se défendre contre les Barbares mais que plus tard, ils dicteront la loi aux autres Grecs »7.

La pensée navale de Thémistocle fondement de sa politique d’acquisition d’une flotte de guerre est retranscrite par Thucydide en ces termes :

« Car c’est à la flotte qu’il consacrait tous ses soins les plus attentifs et cela, je crois, parce qu’il s’était rendu compte que la mer offrait une voie d’accès plus facile que la terre aux forces du roi de Perse. Par sa situation, pensait-il, le Pirée présentait plus d’avantages que la ville et on l’entendit souvent donner aux Athéniens le conseil de s’y retirer si jamais ils devaient se trouver débordés sur terre par quelques ennemis. Ils pourraient ainsi, avec leur flotte, tenir tête à l’ensemble des forces adverses »8.

Lorsque nous analysons le développement de la puissance athénienne autour de la mer Egée, notre attention est attirée par l’importance que joua la marine et donc la trière dans l’émergence et le développement de cet impérialisme. Il nous est donc apparu nécessaire de chercher à connaitre et comprendre les instruments de cette domination sans équivoque. La trière est sans aucun doute l’un des fers de lance de la thalassocratie athénienne. Aussi est-il apparu opportun de porter notre attention sur la trière athénienne au Vème siècle ; et plus particulièrement sur les aspects techniques qui firent de ce navire de guerre un fabuleux instrument de conquête.

5 Thucydide, I, 146 Hérodote, Histoire, VII, 1447 Plutarque, Thémistocle VII et XVIII8 Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 93

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Fig 2: Trière Athénienne à une voile

Notre préoccupation, à travers cette analyse est de nous interroger sur les particu-larités ou les spécificités de la trière athénienne au Vème siècle, les objectifs étant de montrer comment ce navire de guerre était mis en œuvre mais également de décrire l’ensemble des éléments qui permettaient d’aboutir à une trière prête à l’emploi.

Les sources nous permettant d’élaborer cette étude sont extraites de Thucydide dans son Histoire de la guerre du Péloponnèse, Aristote dans la Constitution d’Athènes, les Helléniques de Xénophon, les Vies des hommes illustres de Plu-tarque et l’Histoire romaine de Zozime.

Cette étude portera sur le monde méditerranéen, sur l’aire géographique dans laquelle la trière a évolué à savoir la mer méditerranée, la mer adriatique, la mer Egée. La période chronologique est celle du Véme siècle qui a vu la création et le développement de la flotte athénienne.

Afin d’apporter des éléments d’appréciation pertinents, nous nous attèlerons à mettre en relief quelques point particuliers qui nous paraissent essentiels à savoir les moyens utilisés pour bâtir la trière, les différentes phases de construction et les techniques de manœuvre et les limites du navire.

I- LES MOYENS UTILISES POUR BATIR LA TRIERE ATHENNIENNE

Dans cette partie, nous articulerons notre travail sur quatre points fondamentaux à savoir les moyens financiers, matériels, humains, et les lieux d’exploitation et de stockage.

I.1-Les moyens financiers L’argent constitue un élément essentiel pour la réalisation de cet outil de guerre.

Cette exigence est évoquée lorsque Thémistocle, avec l’argent des mines construi-

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sit cent trières qui servirent aussi dans le combat naval contre Xerxès. En effet, au début du Vème siècle avant Jésus-Christ, la flotte Athénienne n’est presque encore équipée que de Pentecontères et de Triacontères, mais la guerre qu’elle mène à ce moment-la contre Egine et le danger perse qui subsiste après l’épisode de Marathon lui impose de moderniser ses navires. La découverte en 483 avant Jésus-Christ à Maronnée dans le Laurion d’un important filon d’argent va lui en donner les moyens : c’est l’année suivante que le stratège Thémistocle parvient à convaincre sa cité de cette nécessité et qu’il lance sur un peu plus de deux ans un vaste programme afin de renouveler la flotte, financé par le métal extrait des mines. L’argent ainsi réuni, va permettre l’achat des matériaux issus des autres cités en majorité alliées.

Cette opération de financement ne fut pas renouvelée, ou si elle l’a été les sources du V° siècle ne l’évoquent pas. Tandis que la cité continuait d’assurer le financement de l’élaboration, la mise sur mer des trières reposait désormais sur un autre système à savoir : la liturgie.

Il s’agit d’un service public mis en place par la cité et que les plus riches (citoyens ou métèques), avec plus ou moins de bonnes volontés9 finançaient et géraient avec leur fortune personnelle10. Il existait deux grandes catégories de liturgie que sont les liturgies civiles ou agonistiques liées aux concours sportifs et religieux et les liturgies militaires intervenant en cas de besoin. La principale est la triérarchie, c’est-à-dire l’équipement et l’entretien d’une trière et de son équipage pendant un an. Le triérar-que doit en outre en assurer, sous les ordres des stratèges, le commandement, sauf s’il choisit contre rémunération de le confier à un spécialiste, auquel cas sa charge devient purement financière.

Dans le cadre de cette dépense le montant alloué peut varier en fonction de la générosité du triérarque d’une part, de la durée de la campagne militaire et de l’état initial du navire qui lui est confié d’autre part. La somme investie, de l’ordre au minimum de 2000 à 3000 drachmes, s’établit le plus souvent aux alentours de 4000 à 6000 drachmes. Dans la défense d’un anonyme, un plaideur défendu par Lysias déclare avoir, en sept ans de triérarchie, déboursé six talents11. Plus tard Démosthène écrivait qu’« avec un talent, les triérarques font les frais de la triérarchie »12

Avec ce mode de financement l’entretien de la flotte de trière devenait moins pesant pour la cité et rendait son développement plus aisé.

9 Aristophane ironise sur les réticences de certains riches représentés par Eschyle quant à l’acceptation de la triérarchie : « Cela fait que pas un riche ne veut être triérarque, mais s’en-veloppe de haillons, pleure et dit qu’il est pauvre. » Aristophane, Grenouilles, v. 1065-1066

10 Michel Austin, Pierre Vidal-Naquet, Économies et sociétés en Grèce ancienne, Armand Colin, 2007, p. 347. Voir Socrate au riche Critobule dans l’Économique (Xénophon) (II, 6) de Xénophon : « Que tu paraisses être en deçà de ces obligations et, je le sais, les Athéniens te châtieront comme s’ils te prenaient à voler leurs propres biens. »

11 Lysias, XXI = Défense d’un anonyme, 2.12 Démosthène, XXI = Contre Midias 155.

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I.2- les matériauxLes matériaux constituent l’ensemble des produits nécessaires à la réalisation de

la trière. Ils sont de deux types : les produits et les outils. En matière de produits, Xénophon énumère Le bois(…) le fer(…) le cuivre(…) le lin….Le bois employé pour construire les trières est un sapin ou pin noir, imputrescible provenant de la Macédoine et de la Thrace. Normalement les bois dont on se sert le plus sont les bois conifères. C’est tout d’abord le pin. Les deux autres conifères les plus utilisés avec lui sont le cèdre, d’où la célébrité des cèdres du Liban et les cyprès. A coté des conifères, on se sert de nombreuses autres essences. Si le châtaignier est utilisé pour la fabrication des carcasses de coracles, le chêne semble avoir été par excellence l’arbre des constructions navales.

En Méditerranée, on emploie le chêne pour la construction des quilles des navires de guerre, qui ont besoin d’une quille robuste pour supporter le choc de l’épéronnage. La voile13 est en lin ou en papyrus et est importé d’Egypte. Le fer s’obtient dans les mines de fer de Rhodes et de Chypre et le cuivre de l’Eubée et de la Chalcis. Les matériaux sont souvent rares et de coût élevé parce que leurs importations sont soumises à de multiples aléas.

Outre les produits de diverses natures, nous avons indéniablement des outils que l’on utilise pour donner une forme à la trière14 . En effet, dès les débuts de la construc-tion navale jusqu’à la fin de l’antiquité – et même au-delà – on peut dire que l’outil par excellence du constructeur est l’herminette15 . Apte à façonner les courbures, cette herminette se retrouve dans les épaves des navires, car faisant partie de la caisse à outils habituelle du naupegus embarqué. A côté de cet outil nous trouvons tous les outils habituels du travail du bois : hache, rabot, tarières16 et forets17 de toutes sortes, maillets18 et marteaux ; sans oublier les scies, les équerres, les fils à plomb et les niveaux.

13 Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, VII, 24, 2. 414 Plutarque, Vies de Thémistocle, II, 14, 215 HERMINETTE, s. f. (Tailland.) espèce de hache à un ciseau, qui sert à aplanir le bois. Les

Charpentiers l’emploient aux ouvrages cintrés: c’est aussi un outil du charron. Il y a deux sortes d’herminette, une à marteau & l’autre à piochon. L’herminette à marteau a la tête du marteau d’un côté de l’œil, & la planche ou hermi-

nette de l’autre. La planche est dans un plan perpendiculaire à l’œil & au manche. Depuis l’œil jusqu’au tranchant en biseau, elle va toujours en s’élargissant jusqu’à cinq ou six pou-ces; son épaisseur est celle des poignées à épaule ou à touches. Elle se cintre un peu depuis l’œil jusqu’au tranchant; mais la courbure est plus considérable à environ six pouces du tranchant. La longueur du manche varie selon l’usage & la force de l’herminette. Planch. de Tailland. de Menuiser. & de Charpent. Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, p 8 : 172, http://portail.atilf.fr/cgi-bin/getobject_?a.57:127./var/artfla/encyclopedie/textdata/image/

16 Grande vrille pour faire des trous dans le bois.17 Instrument pour percer.18 Marteaux à deux têtes et en bois très dur.

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Fig 3 : Herminette en fer de Maroni Source : Karageorghis (V.). ‘’Chronique des fouilles et découvertes archéologiques

à Chypre en 1971’’. In Bulletin de correspondance hellénique, p. 1019

I.3- Les lieux d’exploitation et de stockageXénophon évoque la présence de « vaisseaux qui étaient dans le port »19. En effet,

de nombreux textes et inscriptions font connaître les chantiers navals situés dans les ports comme ceux du Pirée. Le Pirée est le principal port d’Athènes mais également le premier et le principal centre industriel de la Grèce. Ces conditions permettaient le « mouillage »20 de nombreuses trières.

Pour offrir à la flotte d’Athènes deux cent (200) trières, un lieu de mouillage plus sûr que la rade de Phalère, Thémistocle21 entama la construction des longs murs. Ils étaient tous juste achevés au début de la guerre du Péloponnèse. Par ailleurs, les ports étaient également utilisés comme lieux de stockage comme le montre Thucydide

« les Athéniens utilisaient leurs ports comme magasins, il s’y trouvait, avec du blé, quantité de bien appartenant à des négo-ciants… »22

II- LES DIFFERENTES PHASES DE CONSTRUCTION DE LA TRIERE ATHENIENNE

La trière était construite selon un processus qui commence par l’élaboration de la coque suivi de la mise en place des moyens de propulsion et celui du système de gouverne et s’achève par l’appareil de stabilisation.

19 Xénophon, Helléniques, V, 1, 2020 Thucydide, II, 9021 Archonte d’Athènes de 493 à 492 av. J.-C.22 Thucydide, VII, 24

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II.1- L’élaboration de la coqueLa construction de la trière débute par la fabrication de la coque. Même si « on a

oublié les méthodes de construction de la trière »23 elles ont tout de même existé et l’on a pu obtenir quelques bribes d’informations. Normalement la coque d’un navire est constituée de deux parties étroitement unies entre elles. La carcasse et le bordé, revêtement intérieur de la carcasse. Lorsque la carcasse du navire est ainsi construite, on construit le bordé en le montant en quelque sorte sur les couples et les serres.

Le mode normal de construction semble avoir été durant toute l’antiquité le suivant : On commençait par établir la quille (un assemblage de pièce de bois nécessaire pour que le navire puisse être sans dommage tiré à terre. L’étambot et l’étrave ; puis on construisait le bordé. Ce n’est qu’une fois que le bordé était terminé que l’on établis-sait la carcasse à l’intérieur. De nombreuses épaves retrouvées montrent que des couples recouvrent à l’intérieur du bord les tenons d’assemblage des bordages qui le composent. La carcasse est donc formée tout d’abord de la quille, d’une contre-quille (chelysma) destinée à la protéger, de l’étrave courbe formée de plusieurs pièces d’étambot.

Par la suite étaient introduit à l’intérieur du bordé les couples et les varangues. Les couples étaient souvent, du fait de la courbure de la coque, constitués de deux pièces. Pour maintenir les varangues en place les ouvriers pouvaient disposer au dessus d’elles et parallèlement à la quille une carlingue. Au dessus de la carlingue, un plancher délimite la sentine ou viennent se réunir les eaux d’infiltrations et les eaux usées. La serre et les baux (pouvant servir de banc de nage sur les navires à rames) étaient enfin établis.

En règle générale, retenons que suivant la taille du navire, les courbures de l’étrave et de l’étambot pouvaient être renforcées à l’intérieur. En outre, les diverses pièces de la carcasse sont soigneusement chevillées pour assurer leur cohésion. C’est à ce moment –là, également que lorsqu’il y en a un, ce qui est le cas normal pour tous les gros navires de charge, on construit à l’intérieur de la carcasse le vaigrage. Cette sorte de bordé intérieure qui protège la cargaison des eaux d’infiltration qui peuvent ainsi aller se rassembler dans la sentine sans pénétrer à l’intérieur. Puis le vaigrage établi, on passe à la construction du pont. Sur ce pont il y avait un château (préceinte) à l’avant et à l’arrière un éperon de bronze à pointe triple à la proue et d’une décoration en forme d’éventail à la poupe.

Parfois la trière n’était pas pontée sur toute sa longueur et la coque restait appa-rente à certains endroits. En 467 av. J.-C. Cimon fit ponter et élargir les trières pour pouvoir embarquer plus de combattants. Une fois la coque achevée, les constructeurs s’attaquaient aux moyens de propulsion.

II.2- Les moyens de propulsionLe système de propulsion de la trière était constitué du mât, des voiles et des

rames. La voile greco-romaine normale est supportée par une verge faite en générale 23 Zozimz, Histoire romaine V, 20

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de deux espars24 qui sont solidement maintenus entre eux par la rousture, cordage de faible diamètre formant une série de demi-clefs serrées à l’aide d’une drise qui passe sur une poulie ou sur un moufle en tête de mât ; le plus souvent cette poulie est située dans un calcet creusé à l’intérieur du mât lui-même.

Sur de nombreuses représentations nous voyons des cordages qui relient la verge à la tête du mât. Les cordages sont ce qu’on appelle des balancines. Dans la voile greco-romaine, sur les bandes de renfort on coud à intervalle régulier des anneaux de bronze et l’on en a trouvé de nombreux dans les fouilles sous-marines.

En outre pour diminuer la voilure on tire sur les cargues et la voile se replie à la manière d’un store. La voile carré en fait le plus souvent rectangulaire voire trapé-zoïdale est formée d’une ou de plusieurs laisses de toile de lin solidement cousues entre elles et renforcées par des bandes horizontales parfois faites de cuir

Fig 4 : Une voile gréco-romaineSource : ROUGE (J), La marine dans l’antiquité, p. 70

La voile apparait comme une solution de propulsion alternative utilisée en haute mer pour économiser la force des rameurs :

« (...) si la brise était favorable, il mettait les voiles et faisait repo-ser ses hommes ; s’il fallait user de la rame, il faisait reposer ses matelots à tour de rôle. »25

24 Longue pièce de bois, de métal ou de plastique appartenant au gréement d’un bateau25 Xénophon, Helléniques, VI, 2, 29

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L’ensemble voile-verge se trouve manœuvré par deux surement, et peut être trois sortes de cordages allant par paire. La verge est orientée et inclinée en fonction du vent à l’aide des bras qui partent de ses extrémités

Le Mât simple est celui de toutes les marines. Il est fait de préférence en sapin et est rarement d’une seule pièce. En général, il passe à l’intérieur d’un bau ou dans une forte ceinture qui l’assujettit à un bau et sa base vient se loger dans une emplanture solidement fixée sur la carlingue ou sur la quille. Somme toute, la voile prise dans son ensemble est composée de plusieurs éléments avec chacun sa particularité.

Les rames ou aviron constituaient le dernier moyen de propulsion mettant en exergue la motricité humaine. La dimension des avirons nous est connue par les inscriptions du Pirée ; les rames avaient environ 4,20 m 35 à 4,35 m, la longueur étant légèrement différente pour les 3 rangs de rameurs. La rame-type est représentée dans la figure ci-dessous : le tolet lui donne un point d’appui au tiers environ de la longueur totale26.

Fig 5 : Représentation d’une rame-typeSource : Gille Paul, op cit, p 45

Dans son analyse, Gille Paul nous donne le mode de fonctionnement du rameur. En effet, selon lui, le rameur, prenant appui sur ses pieds ou son siège, exerce un effort égal sur le poignet de l’aviron ; l’aviron, appuyé sur le tolet fixé au plat-bord, se comporte comme un levier, soumis à la traction exercée par le rameur et à la résistance de la pelle dans l’eau.

Nous avons vu que la trière à trois rangs de rameurs constituait la seule solution rationnelle pour accroître la force propulsive d’une dière à deux rangs de rameurs. Mais, en ajoutant un rang supplémentaire de rameurs, il fallait adjoindre sur le plat-bord (limitant en haut les bordages de bois) une petite plate-forme ou apostis débordant du navire sur lequel prenaient place les rames du rang supérieur des rameurs. Ces rameurs, excentrés par rapport à la coque, maniaient la plus longue rame (4,40m) des

26 Gille Paul. ‘’Les Navires à rames de l’Antiquité, trières grecques et liburnes romaines’’. In: Journal des savants. 1965, N°1. P 44. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jds_0021-8103_1965_num_1_1_1092

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trois rangées de rameurs. Nous aurons donc trois catégories de rameurs distingués selon leur situation sur le bord du navire : soit de haut en bas27.

Fig 6 : Représentation de la disposition des rameurs dans une trière

Cependant, nous ne saurions évoquer les moyens de propulsion sans énumérer un temps soit peu l’appareil de gouverne.

II.3- L’appareil de gouverne

Ce dernier n’était primitivement qu’un grand aviron à large pelle appuyé à l’ar-rière du navire sur le plat-bord et maintenu à un tolet par un cordage. Cette rame - gouvernail était mobile dans tous les sens. Elle pouvait aller de l’avant à l’arrière (ou d’arrière en avant) et aussi tourner sur elle-même selon son axe par l’action du pilote ou timonier.

Fig 7 : Représentation d’un grand aviron primitif

27 1) Les thranites de la rangée supérieure en position un peu instable ; presqu’en dehors de la coque. Ce seront les plus expérimentés puisqu’ils manieront la rame la plus longue. Ces thranites étaient protégés sur certaines trières dites cataphractes (ou cuirassées) par des bordages supérieurs ou farges obturant l’intervalle entre le bordé extérieur de l’apostis et le pont.

2) Les zygites, à hauteur du pont et entre les deux rangées de thranites et de thalamites 3) Les thalamites de la rangée inférieure dans le thalamos au-dessous du pont. Les rames de la rangée inférieure

passaient à travers la coque par des ouvertures ou sabords de nage un peu au-dessus de la ligne de flottaison, obturées par des manchons souples ou askomata afin d’éviter les projections d’eau de mer dans le navire.

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Le plus simple des appareils de gouverne pour une embarcation propulsée par des rames est l’utilisation du gouvernail. L’installation d’un appareil de gouverne à l’arrière est de loin plus commode car il ne gène ni la marche ni la stabilité de l’embarcation. Très vite le gouvernail s’est perfectionné. Tout d’abord le manche de la rame fut pourvu un poignet en forme d’anneau d’Aktylos, destiné à faciliter la tâche du timonier. Puis ce poignet fut remplacé par une véritable barre perpendiculaire au manche de la rame et en gros, parallèle au pont. En contrepartie, ce gouvernail présentait de très grands avantages par rapport au gouvernail d’étambot qui lui a succédé : une sensibilité beaucoup plus grande et une plus grande fragilité de manœuvre.

Fig 8 : Un gouvernailSource : ROUGE (J), La marine dans l’antiquité, p. 70

Enfin, si dans ce type de gouvernail, le timonier ne peut plus écarter la pelle du bord pour mieux asseoir le navire à la vague, il n’en conserve pas moins la possibilité de la faire dans une certaine mesure en agissant simultanément sur les barres. En somme l’appareil de gouverne, le gouvernail, est différent de la rame de par sa taille et sa position sur la trière.

Cependant pour faire face au mauvais temps, la trière était équipée de deux gou-vernails, le second étant placé vers la proue comme l’atteste Polybe:

« Dans les navigations maritimes, Chabrias voulant se munir contre les tempêtes, mettait dans chaque vaisseau un double gou-vernail. En temps calme il n’employait que l’ordinaire mais quand la mer devenait grosse et agitée, il faisait planter l’autre à la proue en dehors des rameurs, de manière que le timon du gouvernail surpassât le tillac, et de cette sorte, quand les flots élevaient trop la poupe, le vaisseau était gouverné à l’autre bout. »28

Tandis que l’appareil de gouverne permettait de donner une orientation au navire lorsque ce dernier était en manœuvre, l’équipage avait recours à des instruments particuliers pour stabiliser le navire en arrêt.

28 Polyen, Stratagèmes, III, 11, 14

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II.4- L’appareil de stabilisationPour stabiliser le navire et le maintenir immobile sur les flots, l’ancre s’avérait

indispensable. Il existe différents types d’ancres dont celle de pierre semble être la plus ancienne. Il s’agit d’un gros bloc de pierre d’assez faible épaisseur percé de trois trous ; celui du sommet est destiné à recevoir le câble de mouillage utilisé uniquement lorsque la trière est en phase de mouillage. Les deux du bas recevaient des traverses de bois solidement calcées qui joueraient le rôle de patte d’une ancre classique. Par ailleurs, la faible épaisseur de ces ancres s’explique par le fait qu’elles devaient se coucher sur le fond de la mer de manière à permettre à leur patte de prendre et de maintenir le navire en place. Mais très souvent l’ancre de pierre est faite d’un bloc taillé en forme de tronc pyramidale.

Fig 9 : Ancre de pierreSource : Source : ROUGE (J), La marine dans l’antiquité, p. 72

A côté de l’ancre de pierre sont apparues sans doute assez tôt des ancres de bois alourdies par du plomb. La forme la plus classique comporte trois parties : une verge robuste terminée à son sommet par un anneau pour la fixation du câble ; sur la base de la verge se greffent les deux pattes qui peuvent être maintenues en place par une bande métallique ; enfin vient s’emboîter sur le sommet de la verge un jas de bois dans lequel on a coulé du plomb.

Plus tard semble-t-il ce jas fut remplacé par un jas entièrement en plomb. Le rôle du jas qui se situe dans un plan perpendiculaire à celui des pattes, est d’empêcher l’ancre de rester debout en la forçant à se coucher afin que les pattes puissent s’ac-crocher au fond de l’eau.

Fig 10 : Ancre classiqueSource : Source : ROUGE (J), La marine dans l’antiquité, p. 73

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En règle générale, chaque navire possédait un certain nombre d’ancres qui étaient placées sur le pont du navire d’où elles étaient jetées quand nécessaire. C’est ainsi qu’apparu une ancre à l’avant d’un navire représenté sur un bas relief de Narbonne. Parmi ces ancres il en était une qui portait le nom d’ancre sacrée. Il s’agit de la plus grosse ancre du bord, celle qu’on utilise en dernier ressort quand toutes les autres se sont montrées incapables de fixer le navire et chassent sous l’effet des vents, des courants ou de la tempête ;

Fig 11 : Deux aspects d’une pièce d’ancre en bois chape de plomb.Source : François Braemer et Jean Marcadé. ‘’Céramique antique et pièces d’ancres trouvées en mer

(baie de Marathon)’’ p 146

Il apparait donc que la construction de la trière athénienne s’est faite par étape successives depuis la coque jusqu’à l’habillage externe.

III- LES TECHNIQUES DE MANŒUVRE ET LES LIMITES DE LA TRIERE

III-1- Les techniques de manœuvreLa trière est manœuvrée par un ensemble d’individus réunis sous le terme d’équi-

page. Il comptait environ 200 hommes : cent soixante-dix (170) rameurs, c’est-à-dire : soixante deux (62) thranites dans la rangée supérieure, cinquante quatre (54) zygites dans la rangée médiane, cinquante quatre (54) thalamites dans la rangée inférieure et quatorze (14) hommes faisant partie de l’infanterie de marine, du moins pour ce qui concerne la trière athénienne soit : dix (10) hoplites (4) archers.

Les trières des autres cités, quand elles ont été pontées, pouvaient porter jusqu’à quarante (40) fantassins de marine ou épibates. L’équipage comportait aussi des matelots (13 à l’époque classique) et un charpentier de la marine (naupégos).

L’état major de la trière incluait en particulier :

- Le commandant du navire ou triérarque qui dépendait du navarque, comman-dant d’une flotte ou amiral chez les Spartiates. L’état lui confiait un navire qu’il s’engageait à entretenir pendant un an en avançant la solde des marins qu’il avait lui-même engagés.

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- Le magister, maître d’équipage donnant ses ordres au timonier et à l’équipage.- Le gubernator, timonier, chef pilote commandant les rameurs et la manœuvre des voiles.- Le proreute, second sous les ordres du gubernator, se tenant à l’avant du navire pour indiquer la route et surveiller la mer.- Le pentékontarque officier d’intendance et adjoint administratif du trié-rarque.- L’hortator ou chef des rameurs réglant leur cadence à l’aide de cris ou d’un chant nautique (celeusma) afin de frapper les flots en mesure. Cet air était parfois repris en chœur par les rameurs et même joué sur des instruments de musique dont la flûte jouée par l’aulète. Le chef des ra-meurs était généralement assis à l’arrière du bâtiment avec une baguette à la main pour battre la mesure.

Parmi ceux-ci nous avons les rameurs qui disposent chacun de sa rame, son coussin et sa courroie… »29. Le coussin servait d’assise et la courroie permettait de maintenir l’aviron au niveau de l’apostis. Les rames ont une longueur de 4, 17 m.

En règle générale, la rame se rencontre sur les navires à assez fort coefficient d’allongement (rapport entre la longueur er la largeur). Le rameur tourne le dos à l’avant et, par rapport à lui, le mouvement actif de la pelle va de l’arrière vers l’avant. La longueur d’un manche explique les diverses attitudes successives du rameur : tout d’abord debout il porte la pelle le plus en arrière possible pour attaquer l’eau ; puis pen-dant la passe dans l’eau, il s’assied et porte son corps justement en arrière ; enfin au dégagé, il se relève et penché vers l’avant ramène la pelle en position d’attaque.

III-2- Les limites de la trièreLa trière athénienne à certes des avantages ou atouts, mais elle à également

des insuffisances. Tout d’abord, « il ne nous est pas possible de les haler à terre pour les éventer… » En effet, légère afin d’être plus rapide et plus agile, elle est en contrepartie fragile, surtout lorsqu’il y a des chocs latéraux, ce qui explique aussi la standardisation de la tactique d’épéronnage. Construite rapidement, sa structure souffre lors d’une durée prolongée en mer d’une déformation des bordages et par conséquent d’une perte d’étanchéité.

De plus, c’est un navire qui vieilli mal et qui pourrit au bout de quelques années. Pour pallier ce défaut, le bois employé pour construire la trière est du sapin ou du pin noir. La trière doit également être tirée à sec afin de permettre au bois de sécher. Cette opération est facilitée par le fait que le fond du navire est plat, mais sa répétition fatigue prématurément la structure. La fragilité de sa structure fait qu’elle ne peut rester longtemps à la mer.

29 Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, II, 93, 2

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En effet, cette forme de la coque, alliée à la légèreté de l’embarcation, fait qu’elle tient mal la mer en cas de tempête, or celles-ci sont fréquentes dans la mer Egée en août et en septembre et expliquent les désastres que subissent des flottes entières prises dans la tourmente. Si le fond plat à faible tirant d’eau du navire favorise une rapide remise à l’horizontale de celui-ci par petite houle, le résultat est dramatique si la gite devient importante car le mouvement de bascule ne peut plus être stoppé. Quand les vents ne sont pas favorables, c’est aux hommes qu’il est fait appel pour atteindre la destination.

La trière est effectivement incapable de louvoyer30 en raison de la piètre efficacité de son gouvernail. Ses faiblesses maritimes font qu’elle n’est donc pas destinée à naviguer en haute mer et se limité généralement au cabotage31 . Enfin l’exiguïté de la trière entraîne la mobilisation d’un grand nombre de trières pour « qu’on ne manquât pas d’eau, de rade, de tout nécessaire dans les escales »32. En effet, outre le fait qu’il faille faire sécher la trière, ses dimensions et son inconfort ne permettent pas à l’équipage d’y passer la nuit ni d’emporter d’importantes provisions de nourriture et d’eau, ce qui met un autre frein aux grandes expéditions sans s’être au préalable assuré des possibilités de relâche dans le port ami chaque soir.

CONCLUSIONLa mise en place et le développement de la démocratie à Athènes permirent un

accroissement des besoins de défense et d’attaque de la cité. Les différents épisodes du conflit avec les Perses firent émerger la question de l’alliance militaire à laquelle, la ligue de Délos tentait d’apporter une réponse. En décidant d’exploiter le potentiel militaire qu’offrait la surface maritime, l’hégemon de la ligue s’est doté d’un instrument à même de lui garantir rapidité d’action, large couverture opérationnelle et efficacité : il s’agissait de la trière.

Issue de l’évolution du pentécontore, ce navire de guerre, bénéficia au début du Vè siècle d’un financement spécial, par la suite le mécanisme financier publique que constituait la triérarchie permis son entretien régulier. Dans sa conception, les chantiers navals utilisaient des matériaux de bois , de fer , de cuivre et de lin, taillés pour les uns et forgés pour d’autres en vue de leur donner forme.

La construction commençait par l’élaboration de la coque, ensuite les ouvriers procédaient à l’installation des voiles et des rames servant à la propulsion. L’appareil de gouverne était ensuite posé et la construction s’achevait par la pose de l’appareil de stabilisation.

L’équipage de la trière était composé de deux cent hommes dont les deux tiers étaient des rameurs, qui sous la direction de l’hortator, ramaient avec cadence.

Bien que révolutionnaire, la trière n’en demeurait pas moins limitée à certains niveaux. Elle était sujette à un mauvais vieillissement, le peu d’efficacité de son

30 Naviguer contre le vent tantôt sur un bord tantôt sur l’autre31 Navigation marchande côtière.32 Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, VI, 42, 1-2

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gouvernail lui interdisait de louvoyer ; et enfin elle était exigüe, ne permettant pas d’embarquer un grand nombre de personnes autres que les rameurs.

Au-delà de ce qui précède, la trière permis tout de même à Athènes d’asseoir sa domination sur les mers et de s’imposer comme une puissance à part entière jusqu’a sa chute à la fin du Vème siècle. Comment cette cité a-t-elle utilisé les potentialités qu’offrait ce navire pour asseoir sa suprématie sur les mers ?

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Sources

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