la transhumance des abeilles - chapelle saint-roch

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La transhumance des abeilles (D’après la conférence faite par Agnès Pozza le 11 septembre 2016) L’an dernier, invitée par Jean-François Riotte, Agnès Pozza nous avait parlé de la symbolique de l’abeille. Cette année, elle a abordé le problème de la transhumance des abeilles qui est aussi ancienne que l’histoire humaine. Le déplacement des ruches a l’avantage d’offrir des plantes fleuries en toute saison et d’assurer la récolte de nectar en été. Les premières évocations de transport de ruche datent de l’Egypte ancienne (2500 avant JC). Les ruches étaient alors véhiculées sur le dos de l’apiculteur ou dans des hamacs suspendus à une barre en bois qui reposait sur les épaules des porteurs. Pour de plus longues distance, ânes et chameaux étaient mis à contribution, attachés en caravane. Maintenant les abeilles sont transportées par des moyens mécaniques sur de plus grandes distances et en plus grand nombre. Dans la seconde moitié du XXe siècle, d’importantes modifications dans les pratiques agricoles et la colonisation de régions jusqu’alors sauvages se sont traduites par une dégradation de la flore locale. Les abeilles sont devenues dépendantes des productions agricoles. Si l’apiculteur récolte le miel, l’agriculteur bénéficie de la pollinisation de ses cultures qui est essentielle pour produire fruits et graines, car sans pollinisation et donc sans fécondation, la fleur ne produit ni graine, ni fruit. L’activité de pollinisation est donc primordiale. Elle assure la reproduction, donc la survie de plus de 80% des plantes à fleurs. La fleur par ses couleurs vives et son odeur attire l’abeille. La pollinisation est un échange entre fleur et abeille. La fleur offre à l’abeille son pollen et son nectar. L’abeille par son passage assure la pollinisation des espèces ainsi visitées.

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Page 1: La transhumance des abeilles - Chapelle Saint-Roch

La transhumance des abeilles

(D’après la conférence faite par Agnès Pozza le 11 septembre 2016)

L’an dernier, invitée par Jean-François Riotte, Agnès Pozza nous avait parlé de la symbolique de l’abeille.

Cette année, elle a abordé le problème de la transhumance des abeilles qui est aussi ancienne que l’histoire

humaine. Le déplacement des ruches a l’avantage d’offrir des plantes fleuries en toute saison et d’assurer la récolte

de nectar en été.

Les premières évocations de transport de ruche datent de l’Egypte ancienne (2500 avant JC). Les ruches étaient alors

véhiculées sur le dos de l’apiculteur ou dans des hamacs suspendus à une barre en bois qui reposait sur les épaules

des porteurs. Pour de plus longues distance, ânes et chameaux étaient mis à contribution, attachés en caravane.

Maintenant les abeilles sont transportées par des moyens mécaniques sur de plus grandes distances et en plus grand

nombre.

Dans la seconde moitié du XXe siècle, d’importantes modifications dans les pratiques agricoles et la colonisation de

régions jusqu’alors sauvages se sont traduites par une dégradation de la flore locale. Les abeilles sont devenues

dépendantes des productions agricoles.

Si l’apiculteur récolte le miel, l’agriculteur bénéficie de la pollinisation de ses cultures qui est essentielle pour

produire fruits et graines, car sans pollinisation et donc sans fécondation, la fleur ne produit ni graine, ni fruit.

L’activité de pollinisation est donc primordiale. Elle assure la reproduction, donc la survie de plus de 80% des plantes

à fleurs. La fleur par ses couleurs vives et son odeur attire l’abeille. La pollinisation est un échange entre fleur et

abeille. La fleur offre à l’abeille son pollen et son nectar. L’abeille par son passage assure la pollinisation des espèces

ainsi visitées.

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Mais la transhumance peut être dangereuse pour les abeilles. Elle entraîne stress, fatigue et mortalité plus

importante. Les abeilles s’exposent également à un environnement variable en qualité, où maladies et produits

toxiques peuvent altérer la qualité des colonies.

Ainsi en Californie, pour polliniser 300 000 hectares d’amandiers, les arboriculteurs font venir à prix d’or chaque

année 36 milliards d’abeilles et malheureusement beaucoup vont ensuite succomber.

En France, durant l’hiver 2014, dans les Pyrénéens orientales, une soixantaine d’apiculteurs ont enregistré une

mortalité de 80 % à 100 % de leur cheptel, avec 3 500 colonies décimées. Ce fléau a touché des abeilles installées

dans des pâturages a priori épargnés par l’agriculture industrielle, mais il était lié aux insecticides utilisés par les

éleveurs pour débarrasser leurs troupeaux de leurs parasites.

Quelques exemples de transhumance.

En Provence-Alpes-Côte d’Azur, première région française productrice miel, on dénombre 165 000 ruches pour 4 500

apiculteurs. 300 d’entre eux possèdent 150 à 300 ruches (apiculteurs de métiers), 700 en possèdent 70 à 150 et

3 500 apiculteurs de loisir en possèdent moins de 70. On estime la production de cette région à 2 000 tonnes par an,

soit 8% de la production nationale. Mais l’apiculture provençale souffre aussi de facteurs climatiques défavorables

et, afin d’augmenter le nombre de récoltes et de diversifier les miels, les apiculteurs provençaux déplacent leurs

ruches en fonction du calendrier de la floraison. Cette transhumance s’effectue en partant du littoral (endroit le plus

chaud en hiver) vers les Alpes de Haute Provence.

Aux Etats-Unis à la fin du XIXe siècle l’apiculture migratoire comptait au nombre des activités industrielles les plus

rentables. Les américains déplaçaient les ruches par voie de chemin de fer. Maintenant ces déplacements se font par

la route. Au printemps, 40 milliards d’abeilles se trouvent dans les vergers californiens. Puis, elles sont déplacées en

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Floride pour butiner les agrumes, vers le nord pour butiner les pommiers et cerisiers, vers l’est dans le Maine pour

butiner les myrtilles et ainsi de suite.

En Roumanie, 36 800 apiculteurs transhument. On les appelle les bergers des abeilles. Ils disposent d’une remorque

dans laquelle ils aménagent un espace de vie avec lit, cuisinière etc… et surtout d’un extracteur. Les ruches sont

installées de façon permanente sur cette remorque. Chaque année, une ruche peut ainsi parcourir entre 400 et 600

km au fil des floraisons. La flore roumaine est encore abondante et dominée par 3 grandes plantes mellifères : le

robinier, le tilleul et le tournesol.

En Asie Centrale, les apiculteurs exercent aussi une apiculture nomade. Ils installent en permanence sur des

remorques 150 à 300 ruches. Ainsi, ils vivent avec leur famille au grès des floraisons. Les abeilles produisent la moitié

du miel entre juillet et septembre et le miel est extrait en chemin.

Mais comment s’effectue la transhumance des abeilles ?

Ainsi que l’explique sur son site L’abeille du Forez, c’est principalement le nombre de ruches, le moyen de transport et la longueur du voyage qui vont déterminer la technique à employer pour la transhumance.

Quelle que soit la façon de procéder, il y a plusieurs constantes à ne pas négliger. La fumée de l’enfumoir doit être froide et abondante. Il faut éviter de transhumer des colonies en pleine miellée (beaucoup de nectar très liquide). Les ruches doivent pouvoir largement contenir toutes les abeilles (il est préférable de récolter avant et de placer une hausse vide). La ruche doit être adaptée à la transhumance (plancher grillagé, cadres non battants).

On distingue ainsi trois types de transhumance : avec ruches fermées, avec « muselière » et avec ruches ouvertes.

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La transhumance avec ruches fermées s’adresse surtout aux petits apiculteurs qui utilisent leur voiture (abeilles et conducteurs dans le même habitacle) pour un trajet qui ne dure pas longtemps (1 heure). A la tombée de la nuit ou avant le lever du jour, il faut faire entrer les abeilles dans les ruches que l’on ferme avec une bande de mousse ou avec tout autre moyen. Les planchers doivent absolument être grillagés afin que l’air frais empêche les abeilles de s’échauffer en voulant ventiler en vain. Si le chargement est bien arrimé et bien aéré, cette technique ne présente pas d’inconvénient, elle permet en outre de voyager en début de matinée. Mais si les ruches sont mal adaptées, on risque d’étouffer les colonies.

La transhumance avec « muselière » présente les mêmes avantages que la précédente tout en donnant plus d’espace et d’air aux abeilles évitant ainsi l’étouffement en cas de trop forte chaleur ou de voyage trop long. La muselière doit pouvoir permettre aux abeilles de sortir de la ruche et de se regrouper à l’extérieur car trop d’abeilles agglutinées vers l’entrée, attirées par la lumière du jour obturerait l’aération par la masse de leurs corps. Il existe une variante : le couvre cadre grillagé que l’on fixe la veille. Dans ce cas il n’est pas nécessaire de placer une muselière à l’entrée, on peut l’obturer avec une mousse.

La transhumance avec ruches ouvertes s’adresse surtout aux apiculteurs plus expérimentés qui transportent un bon nombre de ruches sur une remorque. Elle nécessite plus de doigté mais donne aux abeilles d’excellentes conditions de voyage. Enfin c’est la technique la plus rapide à mettre en œuvre qui permet de charger avant la nuit, sans lampe de poche.

« Entre chien et loup » lorsque les dernières abeilles rentrent il faut enfumer copieusement toutes les ruches du rucher avec une fumée abondante et froide. Puis le chargement peut commencer en prenant soin de toujours enfumer doucement chaque fois que l’on choque une ruche directement ou indirectement. Les vibrations calment beaucoup les abeilles, il est donc nécessaire de laisser tourner le moteur du véhicule pendant toute l’opération.

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Lorsqu’on voyage, les abeilles sont très calmes. Parfois certaines se groupent par paquets à l’extérieur de la ruche. Lorsqu’on s’arrête de rouler ou si le véhicule ralentit beaucoup sur un chemin peu carrossable il se peut que les abeilles sortent en plus ou moins grand nombre et courent sur tout le chargement. Il faut prévenir cet inconvénient en enfumant copieusement et globalement tout le chargement. On doit faire de même lorsqu’on

Malgré la vigilance des apiculteurs et des scientifiques, la production française de miel diminue de façon

remarquable et cela pose un véritable questionnement quant à notre implication et la gestion de notre

environnement.

Quelques chiffres : 16 000 tonnes en 2012, 15 000 en 2013 et 30 000 tonnes en 1990. Maintenant, la France en

importe 26 000 tonnes.

Reconnaître que l’abeille a un rôle primordial dans notre monde est essentiel. Et en octobre 2008, M. Martial

Saddier, député de Haute Saône, remettait un rapport demandant l’inscription de l’abeille et des autres

pollinisateurs sauvages sur la liste du Patrimoine mondial qui « vise à identifier, protéger et préserver le patrimoine

culturel et naturel à travers le monde, considéré comme ayant une valeur exceptionnelle » pour le bénéfice de

l’humanité.

Les photos illustrant cet article ont été prises le dimanche 11 septembre 2016 lors de la visite du rucher des Jardins de la Chapelle Saint-Roch