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UNIVERSITE PARIS 1 – PANTHEON SORBONNE INSTITUT DE RECHERCHES ET D’ETUDES SUPERIEURES DU TOURISME La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ? L’Hôtel de la Marine Mémoire professionnel présenté pour l’obtention du Diplôme de Paris 1 - Panthéon Sorbonne MASTER PROFESSIONNEL « TOURISME » (2 ème année) Spécialité « Gestion des Sites du patrimoine culturel et naturel et Valorisation Touristique » Par Alix PANTZ Sous la direction de Madame GRAVARI – BARBAS Membres du jury : ............................................................................................ ............................................................................................. ............................................................................................. Session de juin 2012

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UNIVERSITE PARIS 1 – PANTHEON SORBONNE

INSTITUT DE RECHERCHES ET D’ETUDES SUPERIEURES DU TOURISME

La réutilisation du patrimoine monumental

protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’Hôtel de la Marine

Mémoire professionnel présenté pour l’obtention du

Diplôme de Paris 1 - Panthéon Sorbonne

MASTER PROFESSIONNEL « TOURISME » (2ème année)

Spécialité « Gestion des Sites du patrimoine culturel et naturel et Valorisation

Touristique »

Par Alix PANTZ

Sous la direction de Madame GRAVARI – BARBAS

Membres du jury : ............................................................................................

.............................................................................................

.............................................................................................

Session de juin 2012

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Alix PANTZ

La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’hôtel de la Marine

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Figure 1 – Hôtel de la Marine : Galerie dorée (© Gilles Ameil / Flikr)

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La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’hôtel de la Marine

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REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à remercier Madame Gravari-Barbas d’avoir accepté de suivre

mon mémoire et pour la confiance qu’elle m’a accordée tout au long de son élaboration.

Mes remerciements s’adressent également à Monsieur Tiard pour son encadrement

tout au long de ces années d’études à l’IREST.

En ce qui concerne les informations dont j’ai eu besoin pour la réalisation de ce

mémoire je tiens à remercier tout particulièrement messieurs Rémy Fleury, chargé de mission

pour le groupe Allard, Jean Ducros, secrétaire général de l’association des Amis de l’hôtel de

la Marine et Vincent Michelon, journaliste pour Métro et auteur de l’ouvrage « La France

solde son patrimoine » pour leur disponibilité et le temps qu’ils m’ont consacré. Mes

remerciements s’adressent également au personnel des centres de documentation de

l’ICOMOS et de la Documentation Française pour leur accueil.

Je remercie également chaleureusement Aude Ollé-Laprune, Anne Ridard et toute

l’équipe des Vieilles Maisons Françaises. En effet, mon stage au sein de cette association m’a

permis de comprendre les enjeux liés à la conservation de notre patrimoine architectural et

d’appréhender les relations entretenues avec le public. Le travail réalisé auprès des différentes

délégations régionales et départementales m’a montré à quel point il était important de faire

connaître notre patrimoine pour assurer son respect et sa conservation.

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La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

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AVANT-PROPOS

Dès mon plus jeune âge, la visite de musées, d’édifices et de sites remarquables m’a

sensibilisée à la fragilité de ces richesses. J’ai pris conscience de la chance que nous avions de

pouvoir les admirer et l’éducation que j’ai reçue m’a appris à les respecter. Les études que j’ai

entreprises en Histoire de l’art ont éveillé en moi un intérêt grandissant pour la protection et

la préservation du patrimoine. Consciente de l’attractivité touristique que pouvait exercer cet

héritage, j’ai souhaité intégrer un cursus combinant tourisme et patrimoine afin d’apprendre

comment valoriser notre patrimoine d’un point de vue touristique tout en assurant sa

protection.

C’est lors de mon année d’études à Rome que je me suis intéressée à la problématique

de la réutilisation des monuments. Réalisant un mémoire sur « L’architecture et le décor des

sacristies du XVIIIème

siècle », j’ai été amenée à visiter un grand nombre d’églises romaines

afin d’établir une liste exhaustive des différents types de sacristies. Lors de cette découverte,

j’ai été frappée par un phénomène qui se vérifiait dans la plupart des édifices religieux : les

sacristies avaient souvent perdu leur fonction première et servaient de boutique, de bureau, de

local technique ou même de salle de vidéo-surveillance. Une question s’est alors imposée à

moi : quelle utilisation est la plus acceptable pour une pièce de cette nature ? Est-il plus

logique de transformer une sacristie en bureau ou en boutique ? En réfléchissant aux

différentes possibilités de réutilisation un autre aspect s’est alors distingué : celui de l’intérêt

public. En transformant une sacristie en boutique, on la rendait accessible à tous alors qu’en la

transformant en bureau, seulement un nombre restreint de personnes pouvait y accéder.

L’accès à la sacristie étant réservé au prête, au sacristain et enfants de chœur n’est-il donc pas

contraire à sa fonction première de l’ouvrir au public ? Ou est-ce plutôt une opportunité de

voir une pièce digne d’intérêt (celles du XVIIIème

siècle sont richement décorées et présentent

un mobilier d’une grande qualité) dont l’accès était autrefois réservé ? Ainsi, les notions de

réutilisation et d’intérêt public sont étroitement liées lorsqu’il s’agit de notre patrimoine

architectural.

Dans le cadre de la poursuite de mon enseignement universitaire à l’I.R.E.S.T, j’ai

donc souhaité travailler sur la réutilisation du patrimoine architectural en m’intéressant plus

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particulièrement aux monuments historiques car ces monuments font partie de notre héritage

commun. Le choix de ce sujet a été conforté par une polémique qui s’est développée au même

moment, à savoir la réutilisation de l’Hôtel de la Marine.

Mes recherches bibliographiques m’ont permis de constater que la question de la

réutilisation des monuments historiques existait depuis de nombreuses années mais elle se

pose de façon récurrente aujourd’hui avec le développement de la notion d’économie du

patrimoine. Les monuments doivent générer une activité économique, d’autant plus que leur

entretien coûte cher et que les moyens financiers disponibles deviennent insuffisants. Quelle

solution s’offre à nous ? Comment trouver une nouvelle affectation à des monuments qui

deviennent « inutiles » ? Quel type de réutilisation est jugé acceptable pour certains

monuments ? Notre étude sera centrée sur les monuments historiques, édifices dont le

classement suppose qu’ils présentent un intérêt culturel indéniable et dont les projets de

réutilisation doivent respecter ces caractéristiques. L’exemple de l’Hôtel de la Marine nous

permettra de voir qu’un monument classé monument historique et véhiculant des valeurs

historiques, architecturales, artistiques et mémorielles n’a pas pour autant son destin assuré.

Quel est l’avenir de nos monuments ? Cette question guidera nos réflexions et j’espère que ce

travail pourra apporter quelques éléments de réponses aux personnes s’intéressant à ce sujet.

Centrée avant tout sur la réutilisation des monuments historiques, ce travail de

recherche attire en même temps l’attention sur la complexité de la gestion de ces mêmes

monuments.

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SOMMAIRE

REMERCIEMENTS ........................................................................................................................ 3

AVANT-PROPOS .......................................................................................................................... 4

INTRODUCTION ......................................................................................................................... 8

PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE ..................................................................... 13

Problématique et hypothèses .......................................................................................... 13

Méthodologie ........................................................................................................................... 14

REUTILISER LE PATRIMOINE ARCHITECTURAL .................................................. 16

Une problématique récurrente ...................................................................................... 16

Concilier forme et usage ................................................................................................... 23

Des entreprises spécialisées ............................................................................................ 30

UN MONUMENT EMBLEMATIQUE AU CŒUR DE LA POLITIQUE

IMMOBILIERE DE L’ETAT ...................................................................................................... 36

Une nouvelle politique pour le patrimoine ........................................................... 36

De l’hôtel du Garde-Meuble de la Couronne à l’hôtel de la Marine ...... 42

La valeur patrimoniale de l’hôtel de la Marine ................................................... 49

L’AVENIR DE L’HOTEL DE LA MARINE ........................................................................ 55

Un monument au cœur des débats ............................................................................. 55

La Royale / le Louvre ........................................................................................................... 64

Une simple querelle entre « anciens » et « modernes » ? ................................ 70

CONCLUSION ............................................................................................................................. 74

BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................................................... 77

TABLE DES ILLUSTRATIONS ............................................................................................... 82

ANNEXES ........................................................................................................................................ 83

« L’Université n’entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions émises dans les mémoires et thèses. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs ».

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« Il faut être fier d’avoir hérité de tout ce que le passé avait de meilleur et de

plus noble. Il ne faut pas souiller son patrimoine en multipliant les erreurs passées »

(Gandhi, Le Jeune Inde)

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INTRODUCTION

Chaque pays est caractérisé par son patrimoine culturel, reflet de son évolution

historique, artistique, économique et sociale. Chaque civilisation a forgé son patrimoine et

c’est celui-là même qui constitue aujourd’hui l’identité de ces civilisations. Cette disposition

n’a pas échappé aux hommes politiques qui, dès le début du XIXème

siècle, ont investi dans la

sauvegarde et la présentation des vestiges, monuments et objets mobiliers considérés comme

des moyens permettant de former l’éducation des populations et de construire ou renforcer

leur sentiment d’appartenance à une nation. C’est au XIXème

siècle qu’est née la notion de

patrimoine national, un héritage commun à tous les français qu’il convient de sauvegarder.

C’est aussi au XIXème

siècle que nait la notion de monuments historiques. Les monuments

historiques sont « des monuments naturels et des sites dont la conservation ou la préservation

présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un

intérêt général »1 et qui, à ce titre, doivent être conservés, protégés de la destruction en vue de

leur transmission aux générations futures. La création des monuments historiques les a fait

passer de la seule valeur d’usage par un propriétaire, qui pouvait le modifier ou même le

détruire selon son bon vouloir, à leur conservation au nom de l’intérêt public. Porteurs de sens

et objets de mémoire, les monuments historiques sont le reflet des esprits de leur temps, des

sociétés qui les ont bâtis et des canons esthétiques. Ils occupent une place fondamentale dans

notre imaginaire et leur statut traduit une reconnaissance de l’intérêt public.

Si la France peut s’enorgueillir de disposer d’un héritage patrimonial d’une telle

richesse et diversité, c’est grâce aux dispositions prises dès le début du XIXème

siècle pour le

conserver et à l’élargissement du champ patrimonial des siècles suivants. Cependant,

l’extension de la notion de monument historique est allée de pair avec l’augmentation des

besoins de financement nécessaires à leur entretien. Devant les contraintes qui pèsent sur les

1 Loi du 2 mai 1930 sur les monuments historiques.

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finances publiques l’Etat ne peut plus fournir les moyens nécessaires à l’entretien et à la

restauration des monuments historiques et doit trouver d’autres sources de financement.

L’une des solutions récemment envisagées par l’Etat fut de transférer la propriété de

certains monuments historiques aux collectivités territoriales concernées afin qu’elles en

assurent la gestion, l’entretien et la valorisation. Une deuxième solution fut d’ouvrir la gestion

des monuments à des opérateurs privés qui pourraient y développer leur propre activité sous

conditions, dont celle d’assurer la restauration et l’entretien de l’édifice. Enfin, l’Etat décida

tout simplement de vendre certains monuments. A cela, s’est ajouté un autre phénomène.

Dans un souci de réduction des dépenses publiques, l’Etat cherche à regrouper ses

administrations éparpillées dans les monuments devenus sa propriété depuis le XIXème

siècle

et se retrouve ainsi avec des édifices sans fonction.

Ce sont pour toutes ces raisons que depuis l’année 2005, l’État s’est engagé dans une

vaste campagne de cession de ses biens immobiliers. L’objectif affiché étant de vendre les

biens immobiliers sans affectation afin de renflouer les caisses de l’État. Ainsi, ce sont plus de

1 700 édifices aussi bien exceptionnels qu’inattendus qui se sont retrouvés sur le site de

France Domaine, le service chargé des cessions immobilières de l’Etat, et attendent leur tour

pour passer entre les mains de leurs nouveaux propriétaires : des familles princières des

Émirats, d’Asie et de Russie principalement.

Si ce phénomène n’a pas suscité une réelle opposition du côté des défenseurs du

patrimoine, en 2007, l’annonce de la vente d’un monument emblématique du patrimoine

français, l’hôtel de la Marine, a suscité de vives réactions. A l’horizon 2014, l’Etat-major de

la Marine, installé dans cet édifice depuis plus de deux cent ans, doit quitter les lieux pour

rejoindre le « Pentagone à la française », un vaste complexe dont la construction permettra de

regrouper les services déconcentrés du Ministère de la Défense et des Armées. Toutefois,

cette construction sera à l’origine d’une polémique qui aura alimenté l’actualité du patrimoine

pendant plus de deux ans car son financement repose en partie sur la vente des édifices ainsi

libérés, dont l’hôtel de la Marine.

La mobilisation des défenseurs du patrimoine aura permis de faire passer cette vente

en cession puis de contraindre l’Etat à garder cet édifice parmi ses biens immobiliers.

Cependant les conditions de sa réutilisation seront une autre source de débats. L’Etat a

souhaité lancer un appel à projet pour la réutilisation et la valorisation de cet édifice et

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plusieurs candidats ont manifesté leur intérêt, dont le groupe Allard avec un projet dénommé

« La Royale ». L’idée d’Alexandre Allard, épaulé par un ancien ministre de la Culture,

Renaud Donnedieu de Vabres, était de faire de l’hôtel de la Marine une sorte de « Villa

Médicis à la Française » avec des espaces dédiés à l’art et aux métiers d’art, des espaces pour

des expositions, des ateliers pour les artistes, des résidences pour les mécènes, un restaurant…

Mais ce projet a inquiété les défenseurs du patrimoine qui y voyaient un « barnum

commercial » ne respectant en aucun cas l’édifice dans lequel il comptait s’implanter et

craignaient que cet investisseur privé ne revende ensuite le monument. Devant l’ampleur de la

polémique, une commission censée réfléchir sur l’avenir de l’hôtel de la Marine a été mise en

place et a finalement décidé de garder l’édifice dans le giron de l’Etat en confiant sa gestion

au Louvre.

L’affaire de l’hôtel de la Marine a animé l’actualité du patrimoine pendant plusieurs

années et engendré un certain nombre de réflexions au sujet du patrimoine national, des

monuments historiques, de la valeur des monuments…À la veille du centenaire de la loi de

1913 sur les monuments historiques elles nous conduisent à nous demander quel est l’avenir

de nos monuments ? Est-il possible de confier leur gestion à des investisseurs privés ou l’Etat

doit-il garder leur gestion ? Quel type de réutilisation est imaginable pour des monuments

emblématiques du patrimoine national, quand ceux-ci perdent leur affectation ?

Pour étudier la question de la réutilisation du patrimoine monumental nous avons

choisi de nous concentrer sur l’étude des monuments historiques. Notre choix s’est porté sur

ce type de monuments car leur statut spécifique implique qu’ils soient conservés au nom de

l’intérêt général, leur avenir étant ainsi censé concerner tous les français. Etudier les

conditions de réutilisation de ces monuments nous conduit à nous interroger sur plusieurs

points : les monuments historiques sont-ils une contrainte ou une opportunité de

développement ? Quel type de réutilisation est jugé acceptable pour ce type de monuments ?

Quelle valeur accordons-nous à ces édifices qui font partie de notre héritage commun ?

Si certains défendent une vision dite « ancienne » du patrimoine, qui semble exclure

toute réutilisation et fige le patrimoine dans une conception purement contemplative.

D’autres, qualifiés de « modernes » souhaitent réaffecter les monuments, leur donner une

seconde vie considérant que notre patrimoine est un atout de développement. Le patrimoine

devient, dans leur conception, le témoin des générations antérieures tout en étant réapproprié

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par les générations actuelles et futures. Mais il ne s’agit pas là d’une simple querelle entre les

« anciens » et les « modernes », il s’agit d’une nouvelle conception du patrimoine.

Le débat sur la valorisation économique du patrimoine protégé ne traduirait-il pas

une évolution plus générale des rapports de la société avec le passé et ses témoins ? Ce

travail de recherche tentera de répondre à cette problématique en trois parties.

La première partie nous amènera à étudier la question de la réutilisation des monuments

historiques en retraçant l’histoire de l’usage des monuments et en analysant l’évolution de la

conception d’une telle pratique. Nous nous appuierons pour cela sur divers documents dont

l’étude de Philippe Levantale sur « L’intégration économique et sociale des édifices

anciens » (1969)2 qui montre les enjeux et contraintes de la réutilisation des édifices anciens

et souligne l’importance de se tourner vers des investisseurs privés. Le colloque d’Avignon

sur le thème « Utiliser les Monuments historiques », organisé par l’ICOMOS (1978)3,

véritable ouvrage de référence dans ce domaine, nous permettra de faire le point sur les

différentes prises de position des professionnels de la culture et historiens sur la question de la

réutilisation du patrimoine. Les rapports de Dieudonné Mandelkern sur « L’utilisation des

Monuments Historiques » (1979)4 et de Max Querrien « Pour une nouvelle politique du

patrimoine » (1982)5 illustreront l’évolution de cette question et les orientations prises en

faveur de la conservation des monuments historiques. Enfin la publication très récente des

Cahiers Espaces Tourisme & Loisirs dédiée au thème de l’ « Usage marchand du

patrimoine » (2011)6 et consacrée à l’étude de l’installation d’activités d’hébergement et de

restauration dans les monuments historiques, nous permettra de voir comment se pose cette

question aujourd’hui. Tout ceci nous permettra de comprendre l’évolution des mentalités et

des arguments en faveur ou contre la réutilisation du patrimoine mais aussi de déterminer

quels sont les règles à respecter pour un projet de réutilisation. Nous verrons que les trois

aspects primordiaux sont le respect de l’architecture, de l’esprit des lieux et de l’intérêt

2 LEVANTALE Philippe (1969), L’intégration économique et sociale des édifices anciens, Paris : La Documentation

Française, 53 pages. 3 Monuments Historiques n°5 (1978), Colloque d’Avignon : « Utiliser les Monuments Historiques », Paris : Caisse

nationale des monuments historiques et des sites, 94 pages. 4 MANDELKERN Dieudonné (1979), Utiliser les monuments historiques, Paris : Caisse nationale des Monuments

Historiques et des Sites, 65 pages. 5 QUERRIEN Max (1982), Pour une nouvelle politique du patrimoine, Paris : La Documentation française, 86

pages. 6 Usage marchand du patrimoine (2011), Cahier Espaces n°296, Paris : Editions Espaces tourisme & loisirs, 50

pages.

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général. Enfin, dans une dernière partie nous présenterons l’activité de certaines entreprises

comme Kléber Rossillon, Culturespaces, Chateauform’, Hôtels France Patrimoine, Pierre

d’Histoire qui ont fait de la réutilisation des monuments historiques leur spécialité.

Une seconde partie, nous permettra d’analyser le contexte dans lequel se place cette

étude. Nous verrons dans un premier temps la nouvelle politique de l’Etat en faveur du

patrimoine architectural afin de comprendre pourquoi aujourd’hui tant de monuments

historiques se retrouvent sur le marché immobilier ouvert aux particuliers. Puis, afin

d’appréhender la valeur d’un édifice tel que l’hôtel de la Marine, présenté comme étant un

monument emblématique devant rester dans le giron de l’Etat, nous étudierons l’histoire de sa

construction et nous verrons sur quels aspects repose sa valeur patrimoniale. Ceci nous

permettant de comprendre la place qu’il occupe parmi les monuments nationaux. Pour cela,

nous nous appuierons notamment sur la monographie consacrée à l’hôtel de la Marine7 dirigée

par Alexandre Gady et sur l’étude de la valeur patrimoniale du même édifice, réalisée par

l’Architecte en Chef des Monuments Historiques Etienne Poncelet en 20098.

Enfin, notre dernière partie sera pleinement consacrée à l’étude de la polémique autour

de la réutilisation de l’hôtel de la Marine. Dans un premier temps, nous reviendrons sur

l’historique du débat, qui a commencé en 2007 pour se terminer en 2012, même si à ce jour

certains considèrent que le sort de l’hôtel de la Marine n’est pas encore véritablement défini.

Puis nous analyserons les différents projets de réaffectation en nous penchant plus

particulièrement sur celui du groupe Allard, « La Royale » et sur celui, finalement choisi, du

Louvre. Nous verrons ainsi pourquoi un projet certes ambitieux mais innovant n’a pas

rencontré l’adhésion de tous. Enfin, nous soulignerons les différents points soulevés par le

débat sur l’hôtel de la Marine ce qui nous permettra de comprendre l’évolution des mentalités

et de la conception de la notion de patrimoine.

7 GADY Alexandre, L’hôtel de la Marine, Editions Nicolas Chaudun, Lassay-les-châteaux, 2011, 208 pages.

8 PONCELET Etienne, Hôtel de la Marine. Etude sur la valeur patrimoniale, Décembre 2009, 170 pages.

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PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE

Problématique et hypothèses

Le déroulement de ce mémoire a pour objectif de répondre à cette problématique : Le

débat sur la valorisation économique du patrimoine protégé ne traduirait-il pas une

évolution plus générale des rapports de la société avec le passé et ses témoins ? Ce qui

suppose d’une part, d’analyser les enjeux liés à la réutilisation des monuments historiques et

d’autre part, de comprendre l’évolution de la conception du patrimoine. Trois hypothèses qui

permettraient de fournir des axes de réponse ont été dégagées de cette problématique.

Hypothèse 1 : Les monuments historiques, le surpassement d’une notion.

Le débat sur la réutilisation du patrimoine monumental tendrait à montrer que la

notion de monuments historiques est surpassée. En effet, ces édifices ne sont plus seulement

considérés comme étant des œuvres d’art, ils sont réintroduits dans la réalité de la vie

quotidienne. Ce patrimoine monumental n’est plus uniquement vu pour les valeurs historico-

culturelles qu’il véhicule, il est également perçu pour sa valeur d’usage. Les projets de

réutilisation du patrimoine monumental traduisent parfaitement cette valeur d’usage conférée

aux monuments historiques. Les monuments ne sont plus figés, ils deviennent « utiles ».

Hypothèse 2 : La réutilisation, un principe de conservation.

Le débat sur la réutilisation du patrimoine monumental traduit également une certaine

volonté de trouver d’autres options de sauvegarde pour les monuments historiques.

L’installation d’activités économiques permettant d’une part de ne pas laisser ces monuments

à l’abandon et d’autre part de pouvoir financer les travaux d’entretien et de restauration dont

ce patrimoine a besoin. L’idée est de permettre à des entreprises d’exploiter ce patrimoine

architectural sous conditions, notamment celle d’en assurer l’entretien.

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Hypothèse 3 : Le patrimoine, un lien social.

Depuis quelques années, l’évolution des pratiques culturelles a montré le

développement de l’intérêt du public pour le patrimoine qui se traduit, entre autres, par une

certaine réappropriation du patrimoine. La réussite des « Journées Européennes du

Patrimoine » en est un très bon exemple. En effet, cet événement propose aux visiteurs une

nouvelle expérience, découvrir un patrimoine ordinairement fermé au public. Cet événement a

conquis l’ensemble des publics. Le patrimoine est un lien social car il est associé à des valeurs

historiques, culturelles, esthétiques, des valeurs d’usage qui réunissent tous les citoyens d’une

même patrie : « le patrimoine est un indéniable facteur de lien social transcendant tous les

clivages de la société »9. L’installation d’hôtels dans les monuments historiques montre cette

volonté d’appropriation du patrimoine, habiter le patrimoine devient une nouvelle expérience,

expérience recherchée par le public.

Méthodologie

La méthode adoptée pour répondre à notre problématique et confirmer nos hypothèses

consistera d’une part, à rassembler tous les documents traitant de la réutilisation des

monuments historiques et à réaliser une revue de presse rassemblant tous les articles

concernant la réaffectation de l’hôtel de la Marine afin d’analyser les points de vue des

différents acteurs et de comprendre leur prise de position. La question de la réutilisation de

l’hôtel de la Marine a suscité une vaste polémique mobilisant tous les acteurs du patrimoine.

Pour compléter cette analyse des articles de presse, nous réaliserons également des entretiens

avec différentes personnes concernées par l’avenir de l’hôtel de la Marine.

Les personnes qui ont été interrogées sont :

Rémy Fleury, chargé de mission pour le groupe Allard. Nous avons contacté monsieur Fleury

en septembre 2011. Cependant, étant donné l’actualité de notre sujet, notre

interlocuteur était relativement occupé et a accepté de répondre à nos questions par

mail. Monsieur Fleury nous a expliqué en quoi consistait « La Royale », leur projet de

valorisation de l’hôtel de la Marine et a exprimé le point de vue du groupe Allard vis-

9 BADY Jean-Pierre , Rapport sur l’Etat du Parc Monumental Français, Ministère de la culture et de la

communication, Décembre 2007, pp. 61.

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à-vis de la création d’une Commission chargée de déterminer la meilleure utilisation

possible de l’hôtel de la Marine.

Jean Ducros, secrétaire général de l’association des amis de l’hôtel de la Marine. Nous avons

contacté monsieur Ducros en décembre 2011. La correspondance avec monsieur

Ducros a commencé par mail, ce dernier voulant tout d’abord savoir comment

s’articulaient nos recherches et quels étaient nos axes de travail. Une fois ces

informations connues, monsieur Ducros a rédigé des notes sur chacune des notions

importantes mises en avant par ce mémoire (patrimoine national, réutilisation des

monuments historiques). Nous n’avons malheureusement pas pu rencontrer monsieur

Ducros afin de parler plus amplement de l’hôtel de la Marine.

Vincent Michelon, journaliste Métro et auteur du livre « La France solde son patrimoine ».

Nous avons contacté monsieur Michelon suite à la sortie de son ouvrage consacré à la

politique immobilière de l’Etat et traitant de l’hôtel de la Marine. Vincent Michelon a

accepté de nous rencontrer et nous avons pu lui poser une série de questions

concernant d’une part son ouvrage, et d’autre part la polémique autour de l’hôtel de la

Marine.

De plus, étant donné que la gestion et l’avenir des monuments historiques est un sujet

qui touche l’ensemble de la population, nous avons réalisé un questionnaire auquel environ

cinquante personnes ont répondu. Ce questionnaire à questions fermées nous a permis d’une

part d’évaluer la connaissance qu’avait le public de l’hôtel de la Marine et d’autre part de

connaître leur point de vue vis-à-vis de la politique immobilière de l’Etat et de l’avenir de

l’hôtel de la Marine.

Les compte-rendu de ces entretiens et résultats de cette enquête sont disponibles dans

le volume « Outil méthodologiques ».

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REUTILISER LE PATRIMOINE ARCHITECTURAL

Une problématique récurrente

La volonté de réutiliser le patrimoine architectural est une démarche qui a toujours

existé mais s’est exprimée de façon différente selon les époques et mentalités. Si l’usage des

monuments s’est développé sous diverses formes depuis la préhistoire jusqu’à nos jours, le

thème de la réutilisation du patrimoine devient, depuis les années 1970, une des

préoccupations les plus constantes de l’administration. En effet, la naissance du Service des

Monuments historiques au début du XIXème

siècle et l’extension de son champ d’action ont

engendré la création d’un parc immobilier d’une ampleur considérable dont la conservation et

la sauvegarde sont des impératifs. Toutefois, devant les difficultés rencontrées par les

administrations pour dégager les crédits nécessaires à l’entretien de ces monuments et la perte

de fonction d’un grand nombre d’entre eux, l’enjeu a été de leur trouver une nouvelle utilité.

En 1969, Philippe Levantale se penche sur cette question avec une étude10

dans

laquelle il tente de définir les conditions d’une réutilisation réussie : qui préserve le

monument et corresponde à son architecture. Selon l’auteur, l’utilisation des édifices anciens

est la meilleure manière de les sauver de la destruction : « pour un monument, la pire des

affectations est préférable à l’abandon, ou à l’effacement et […] puisqu’il ne saurait être

question, en plein XXème

siècle, de faire du moindre édifice ancien un musée figé dans

l’expression du passé, c’est vers le principe d’une réutilisation conforme à l’intérêt même des

bâtiments qu’il faudrait tendre aujourd’hui. »11

Pour cette étude, Philippe Levantale a préféré

s’intéresser à des édifices appartenant à des petites villes, peu connus et qui ainsi ne se

trouvaient pas soumis à la spéculation immobilière, comme c’est le cas dans les grandes

villes. Il insiste sur la nécessité de mettre en œuvre une politique globale d’utilisation des

édifices anciens et pour cela propose d’étudier un panel d’édifices abandonnés ou réutilisés.

10

LEVANTALE Philippe, L’intégration économique et sociale des édifices anciens, Paris : La Documentation Française, 1969, 53 pages. 11

Ibid., p.11.

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Alix PANTZ

La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’hôtel de la Marine

17

Dans son étude, Philippe Levantale insiste sur l’importance de ce qu’il dénomme le « mécénat

moderne ». Pour lui, l’avenir des édifices anciens se trouve dans le recours aux investisseurs

privés : « On aimerait que l’Etat, tout en se ménageant un pouvoir de contrôle sur les édifices

d’intérêt national, se rendit compte qu’il doit aujourd’hui confier à l’initiative privé ce qu’il

ne peut assumer ».12

Cependant, Philippe Levantale ne remet pas pour autant en cause l’action

des propriétaires privés qu’il trouve mieux adaptée à l’esprit des édifices. Avec son analyse de

l’affectation de châteaux à des colonies de vacances, Philippe Levantale illustre ensuite la

notion de valeur esthétique des monuments et de respect. Appuyé par une démonstration

reposant sur différents exemples (le château de Bierre-les-Semur (Côte d’Or), le château de

Montmoyen (Côte d’Or), et le château de Ragny (Yonne)) l’auteur nous montre à quel point

une utilisation ne respectant pas l’édifice concerné peut être dévastatrice contrairement à des

installations respectueuses du monument et de sa structure. Il introduit également la notion de

dignité. Pour lui une colonie de vacances ne serait pas à la hauteur d’un monument historique

alors qu’un hôtel de « grande classe », un Séminaire ou un lieu de colloque permettraient à

l’édifice de retrouver sa beauté ancienne. C’est notion de dignité est très importante et nous la

retrouverons dans le débat concernant la réutilisation de l’hôtel de la Marine lorsque le projet

« La Royale » sera qualifié de « barnum commercial assorti de suites de luxe »13

. L’exemple

des Instituts Médico-Pédagogiques permet ensuite à Philippe Levantale d’aborder la question

de la valeur des édifices. En effet, tous les édifices ne sont pas adaptés aux mêmes types

d’utilisations et dans certains cas il devient nécessaire de construire des dépendances

supplémentaires. Cependant ces constructions doivent respecter les qualités architecturales et

esthétiques des édifices et ne pas les dénaturer. Si la réutilisation des édifices anciens peut être

vue comme une option de sauvegarde elle peut aussi être synonyme de profondes

dégradations quand les caractéristiques intrinsèques de l’édifice ne sont pas respectées. La

notion de respect du monument est primordiale. Ainsi, pour Philippe Levantale, la

réutilisation est en premier lieu une option de sauvegarde et permet non seulement aux

monuments de retrouver une nouvelle vie quand l’activité installée respecte leurs qualités

architecturales, esthétiques et artistiques mais elle permet aussi aux propriétaires de subvenir

aux besoins financiers que représente l’entretien de tels édifices.

12

Op. Cit., p.17. 13

DEBRAY Régis, DECAUX Alain, JEANNENEY Jean-Noël, LE GOFF Jacques, NORA Pierre, OZOUF Mona et WINOCK Michel, « Sauvons l’hôtel de la Marine à Paris ! Appel au président de la République à ne pas brader un lieu chargé d’histoire », Le Monde, 11 janvier 2011.

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La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’hôtel de la Marine

18

En 1978, un colloque est organisé par la Section Française du Conseil International

des Monuments Historiques et des Sites (ICOMOS) dont le thème est « Utiliser les

Monuments Historiques ». Il rassemble les membres de la Caisse des Monuments et des Sites,

des conseillers techniques de l’état-major de Jacques Duhamel, des spécialistes de la politique

culturelle, des militants associatifs, des fonctionnaires du service des monuments historiques

et des représentants du spectacle vivant susceptibles d’être intéressés par des projets de

réutilisation. Par ce colloque, il s’agit de réfléchir à la compatibilité entre réutilisation et

monuments historiques, de déterminer les limites de ce genre de pratiques dont le

dépassement pourrait conduire à la dénaturation voire à la destruction de l’édifice,

d’appréhender les conflits qui pourraient exister entre conservateurs et utilisateurs et enfin,

d’apprécier les enjeux de la conservation du patrimoine au niveau d’une collectivité, d’une

ville. Les interventions et débats de ce colloque soulignent la nécessité de passer d’une

logique de conservation pure et simple à une conception plus active afin de redonner aux

monuments une vocation de rencontre. Le colloque d’Avignon a permis de dégager un certain

nombre de principes. Le premier réside dans la nécessité de ne pas oublier la fonction

première des édifices : conçus pour servir la société, leur construction répondait à un besoin.

Les réutiliser implique donc de continuer cette fonction utilitaire. Pour François Enaud,

inspecteur principal des monuments historiques, le pire destin pour un monument historique

est d’être abandonné.

L’exemple du château Rothschild

(photo ci-contre) illustre parfaitement cette

idée. Abandonné par son propriétaire, qui

s’est très vite désintéressé de cette nouvelle

acquisition, le monument historique est

devenu la proie de squatters et autres

personnes peu respectueuses qui ont laissé

libre court à leur créativité en taguant

abondamment intérieur et extérieur. Malgré les

tentatives de la ville de Boulogne pour récupérer ce

bien et les différents projets de réutilisation qui ont

échoué, aucune solution n’a été trouvée pour cet édifice

qui se dégrade au fil des années. Figure 2 - Le château Rothschild (Boulogne) (© Photo prise par l’auteur en février 2008)

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Alix PANTZ

La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’hôtel de la Marine

19

Le colloque d’Avignon a également souligné un autre aspect de la politique en faveur

des monuments historiques. Le passage des édifices anciens au statut de « monuments

historiques » les a fait entrer, en quelque sorte, dans une logique de contemplation. Les

monuments sont devenus figés et réduits à une fonction unique, celle d’être des témoignages

du passé. Fonction qui s’est illustrée dans leur réaffectation en musées, solution critiquée par

Jacques Rigaud qui affirme qu’une « fonction économique, sociale, civique, voire

administrative bien définie et bien mise en œuvre peut être infiniment mieux accordée à la

dignité d’un monument qu’une fonction culturelle médiocre »14

. Toutefois, l’utilisation

muséale ne peut être généralisée à tous les monuments historiques et il faut ainsi leur trouver

de nouvelles affectations. D’autant plus que le budget de l’Etat n’étant pas suffisant pour

assurer leur conservation, les monuments doivent donc « gagner leur vie ». Cependant, ce

raisonnement est jugé inacceptable par un certain nombre d’intervenants : « le patrimoine ne

doit pas payer son droit de cité par un recours à un simulacre qui remet en cause

inévitablement son authenticité »15

. Pour eux, la fonction des monuments ne doit pas être

réduite à une fonction purement utilitaire. L’enjeu est plutôt de les réintégrer dans la vie

sociale, d’y réintroduire l’activité des hommes, en somme, de favoriser la réappropriation des

monuments historiques par l’usage. En outre, chaque projet de réutilisation doit respecter

deux aspects de l’édifice : son architecture et son âme (l’esprit des lieux). Enfin, un dernier

principe mis en avant par ce colloque est d’encourager la réutilisation des édifices anciens

disponibles plutôt que d’en construire de nouveaux. Ce dernier aspect est très intéressant pour

notre étude du cas de l’hôtel de la Marine car la polémique autour de l’avenir de ce monument

historique est née de l’idée de vendre cet édifice pour financer la construction d’un nouveau…

En 1979, dans son rapport sur l’utilisation des monuments16

, Dieudonné Mandelkern

prévoit qu’au début du XXIème

siècle nombre de monuments vont perdre leur affectation,

tendance qui selon lui s’illustre par la baisse de la pratique religieuse, la modernisation des

équipements publics et l’érosion des fortunes privées17

. Pour lui, l’utilisation est la meilleure

protection car elle assure l’entretien du monument, sa restauration et sa réinsertion. Il

distingue alors différents modes d’utilisation : les musées, la forme la plus traditionnelle ;

14

RIGAUD Jacques, « Patrimoine et évolution culturelle », in Monuments Historiques n°5, Colloque d’Avignon : « Utiliser les Monuments Historiques », Paris : Caisse nationale des monuments historiques et des sites, 1978, p. 6 15

PARENT Michel, « Le sens du patrimoine, l’architecture est-elle utile ? », Op. Cit., p.23 16

MANDELKERN Dieudonné, Utiliser les monuments historiques, Paris : Caisse Nationale des Monuments Historiques et des Sites, 1979, 65 p. 17

Ibid., p. 5-6

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Alix PANTZ

La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’hôtel de la Marine

20

l’utilisation par l’administration (lycées, bureaux, ministères) mais qui tend à diminuer devant

une certaine volonté de modernité ; l’hôtellerie et enfin les utilisations culturelles (théâtre,

musique, danse…). C’est à cette époque qu’est soulevée pour la première fois la question de

l’installation d’hôtels dans les monuments historiques. En effet, la Caisse des Monuments et

des Sites souhaite améliorer la rentabilité des monuments qu’elle gère en y installant des

hôtels18

. Une expérience est lancée sur trois monuments : le Château d’Azay-le-Rideau, la

chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon et l’hôtel Jacques Cœur de Bourges. Cependant un

obstacle, l’idée de priver le public de son patrimoine en réservant sa jouissance à un petit

nombre, va empêcher la réalisation de cette expérience : « Le sous-directeur des monuments

historiques fait de cet obstacle une raison suffisante pour refuser l’utilisation des édifices

appartenant à l’Etat à des fins hôtelières. Il lui paraît inutile de sacrifier les domaines

nationaux au tourisme de luxe »19

. La privatisation des monuments historiques reste donc un

frein majeur aux projets de réutilisation.

En octobre 2011, le nouveau numéro des Cahiers Espaces Tourisme & Loisirs est

consacré à l’« Usage marchand du patrimoine »20

. Devant la raréfaction des crédits publics

les monuments doivent trouver de nouveaux usages, l’objectif de ce numéro est d’analyser

l’installation d’activités commerciales (type hébergement, restauration) dans les édifices

anciens et d’en montrer les enjeux et contraintes. Si tous les professionnels ayant participé à

l’élaboration de ce numéro s’accordent pour affirmer que l’utilisation commerciale des

monuments est une solution acceptable, chacun tente de définir des principes à respecter. La

première partie du numéro est consacrée à des réflexions d’ordre théorique. Pour Jean-Michel

Puydebat21

, ce n’est pas tant l’affectation du patrimoine à une utilisation commerciale qui fait

débat mais le fait que sa gestion soit concédée à un investisseur privé. Le directeur de PV2D

s’oppose aux « ardents défenseurs du patrimoine, qui voudraient lui interdire tout autre

usage que muséal »22

et défend les avantages de l’installation d’hébergements touristiques

dans les monuments, solution à développer tout en respectant un certain nombre de principes :

privilégier la gestion déléguée et le bail emphytéotique administratif plutôt que les cessions

quand la qualité du bien est avérée ; relancer les transferts des monuments aux collectivités

18

LAURENT Xavier, Grandeurs et misère du patrimoine, d’André Malraux à Jacques Duhamel (1959 – 1973), Paris : Ecole Nationale des Chartes, Collection Mémoires et documents, 2003, p. 287 19

Ibid., p. 285 20

Usage marchand du patrimoine, Cahier Espace n°296, Paris : Editions Espaces tourisme & loisirs, 2011, 50 p. 21

PUYDEBAT Jean-Michel, « Faire vivre le patrimoine tout en respectant l’intérêt général », in Cahier Espaces n°296, Paris : Editions Espaces tourisme & loisirs, 2011, p. 8 – 11. 22

Ibid., p. 9

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La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’hôtel de la Marine

21

locales car elles sont plus à même d’appréhender l’avenir de leur patrimoine et enfin de

rédiger des cahiers des charges bien détaillés et négocier avec les futurs partenaires pour

obtenir des compensations de service public. Jean-Michel Grard23

insiste quant à lui sur le fait

qu’aujourd’hui l’usage marchand n’est plus une option que l’on peut contourner mais une

nécessité si nous voulons continuer à pouvoir entretenir nos monuments. Pour le président

d’honneur du Géfil les projets d’utilisation des monuments doivent assurer une certaine

rentabilité et viabilité économique. Ainsi, si les activités d’hébergement et de restauration sont

créatrices de richesses Jean-Michel Grard insiste sur des fondamentaux à respecter dans toute

valorisation du patrimoine : travailler à bonne échelle (besoins/moyens), sortir de la

monoculture touristique en couplant fonctions de service et activités marchandes pérennes et

cultiver l’insertion du patrimoine dans la chaine de qualité24

. Dans son article, Valéry Patin25

souligne deux difficultés relatives aux hébergements patrimoniaux : réussir à atteindre une

certaine rentabilité et protéger le patrimoine. Pour lui, le coût d’installation d’une telle activité

dépend du niveau de protection de l’édifice mais aussi de son état, de la complexité de sa

restauration, de l’adaptabilité du monument et du montant du budget « conservation-

sécurité ». Coûts pouvant être compensés par l’augmentation des tarifs (justifiable par

l’attractivité du monument) et le recours aux aides publiques pour les travaux. Pour Valéry

Patin, le patrimoine a un rôle économique comme élément de développement local. S’il

défend la transformation de monuments anciens en hébergements touristiques, solution qui

permet d’alléger le coût du patrimoine vis-à-vis du cas des musées et sites ouverts au public

largement déficitaires, Valéry Patin insiste néanmoins sur les risques à ne pas négliger : d’une

part s’assurer que le marché existe et d’autre part le risque de dégradation physique et de perte

de signification culturelle. Cependant, ce dernier risque existe aussi pour les sites qui

cherchent à tout prix à augmenter leur fréquentation. En somme, pour l’auteur de cet article,

ce n’est pas tant l’installation d’activités hôtelières dans les monuments qui pose problème

mais le fait que ces derniers soient gérés comme des entreprises privées commerciales.

La deuxième partie de ce numéro sur l’usage marchand du patrimoine montre, à l’aide

d’exemples de projets de réutilisation de monuments, les opportunités d’une telle démarche.

Après avoir présenté le projet de l’abbaye de Fontevraud, David Martin26

cherche à expliquer

23

GRARD Jean-Michel, « Usage marchand du patrimoine. Un destin inéluctable ? », Ibid., p. 12 – 14. 24

Ibid., p. 14 25

PATIN Valéry, « Usage marchand du patrimoine. La difficile conciliation des enjeux économiques et des enjeux culturels », ibid., p. 15 – 19. 26

MARTIN David, « L’abbaye de Fontevraud, une cité à vivre aujourd’hui », ibid., p. 20 – 23.

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l’opportunité créée par l’installation d’activités hôtelières pour le développement de

l’attractivité des monuments. Pour lui, la question de l’usage marchand du patrimoine suppose

de réfléchir au regard que nous portons sur le patrimoine. Il insiste sur la nécessité de

redonner vie aux monuments tout en évitant de se focaliser sur des intérêts purement

économiques. Bruno Airaud et Alexandre Vitel présentent quant à eux le projet du Familistère

de Guise27

qui leur permet de souligner les avantages de la reconversion du patrimoine :

sauver le patrimoine et concourir au développement local. Caractéristiques également mises

en avant par Jean-François Hébert pour la réhabilitation du quartier des Héronnières28

.

Concernant l’hôtellerie patrimoniale, Bruno Airaud et Alexandre Vitel insistent sur le

développement de l’hôtellerie multistandard (dont le modèle est le Llyod hôtel d’Amsterdam)

et qui favoriserait l’accessibilité de ce type d’hébergement dans les lieux patrimoniaux à un

plus grand public. Avec le projet de la citadelle et de la caserne d’Arras, Patrice Jossep29

insiste sur l’importance de l’adhésion du public et de la population locale pour la réussite des

projets de reconversion. Enfin, Olivier Petit et Samuel Couteleau30

évoquent les préalables à

tout projet de réutilisation d’un monument. Pour eux, ce projet doit répondre à des besoins

précis et reposer sur une étude du potentiel du bâti et un diagnostic technique car si

l’hôtellerie patrimoniale présente un atout de développement elle n’est pas adaptée à tous les

monuments. L’exemple des Hôtels France Patrimoine, présenté par Olivier Gourio31

illustre

les caractéristiques qu’un monument doit avoir pour pouvoir accueillir leur activité hôtelière :

avoir une capacité suffisante, pouvoir accueillir des activités de restauration, colloques,

séminaires… En somme, ce numéro consacré à l’usage marchand du patrimoine nous aura

montré que si l’hôtellerie patrimoniale est une opportunité pour valoriser le patrimoine, le

maintenir en état et préserver son ouverture au public, chaque projet doit répondre à un certain

nombre de principes qui garantissent sa réussite et le respect du bâtiment exploité.

27

AIRAUD Bruno, VITEL Alexande, « Familistère de Guise. Hier comme aujourd’hui, la mixité des usages au service de l’utopie », ibid., p. 24 – 28. 28

HEBERT Jean-François, « Quartier des Héronnières. L’opportunité d’un projet de site pour le château de Fontainebleau », ibid., p. 32 – 33. 29

JOOSEP Patrice, « La citadelle et la caserne d’Arras se préparent à une nouvelle vie », ibid., p. 29 – 31. 30

PETIT Olivier, COUTELEAU Samuel, « Donne une vocation hôtelière au patrimoine, ce n’est pas si facile », ibid., p. 34 – 39. 31

GOURIO Olivier, « France Patrimoine. Des hôtels de charme dans des monuments historiques », ibid., p. 43 – 45.

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La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’hôtel de la Marine

23

Concilier forme et usage

Pour Jacques Rigaud, président de la CIRCA32

, la réutilisation des édifices anciens

n’est pas une pratique qui date d’aujourd’hui : « Les sociétés du passé, respectueuses des

monuments en raison de leur fonction sociale alors vivante et reconnue, qu’elle soit

religieuse, politique, stratégique ou intellectuelle, n’hésitaient pas à les renverser ou à les

altérer si la disparition ou la transformation de ces fonctions sociales l’exigeait. »33

Ainsi, les

sociétés se sont perpétuellement réapproprié les monuments, ont réinvesti ou détruit ceux qui

avaient perdu leur utilité afin d’en recréer de nouveaux correspondant à l’évolution des

besoins de leur société. L’histoire de la réutilisation témoigne de l’évolution des attitudes face

au patrimoine architectural et de la perception que les hommes ont eu des monuments.

François Enaud, dans son essai d’interprétation historique sur les bons et mauvais usages des

monuments anciens34

, distingue trois phases : l’usage spontané, l’usage sauvage et l’usage

rationnel.

L’usage spontané correspond à une période allant de la Préhistoire à la fin de l’Ancien

Régime. Durant ces temps, c’est la fonction religieuse qui domine. Les dolmens et menhirs

sont, pour François Enaud, les premiers exemples de monuments réappropriés par différentes

civilisations mais dont la fonction funéraire initiale fut respectée. C’est ensuite la fonction

militaire qui joue un rôle important, notamment durant l’antiquité grecque et romaine. Les

constructions, agrémentées de murailles et fortifications, prennent une fonction défensive. Les

édifices religieux sont également transformés. Durant le Moyen-Age, les guerres de religions

amènent les paysans à se réfugier dans les églises des villages qui sont alors agrémentées de

structures militaires. Ce sont ensuite pour des raisons esthétiques que les édifices sont

modifiés : « pendant le règne de Louis XIV et de Louis XV, de somptueuses parures de chœur

ou de vastes compositions picturales ont admirablement pris leur place dans les cathédrales

des églises médiévales, rénovées avec triomphalisme par le Concile de Trente »35

. La

modification des édifices se fait également en parallèle avec l’évolution des techniques et des

styles. Le mouvement de création continue de cette période traduit une conception assez

32

La CIRCA est l’association chargée de la gestion de la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon. 33

RIGAUD Jacques, « Patrimoine, évolution culturelle », in Monuments Historiques n°5, Colloque d’Avignon : « Utiliser les Monuments Historiques », Paris : Caisse nationale des monuments historiques et des sites, 1978, p. 4 34

ENAUD François, « Du bon et du mauvais usage des monuments anciens », ibid., p. 9-20. 35

Op. cit., p. 12

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utilitaire des monuments : ce qui est réutilisable est réadapté alors que ce qui n’a plus d’utilité

est démoli et les matériaux sont réutilisés pour de nouvelles constructions. Les rois de France

n’ont jamais hésité à embellir les châteaux et édifices religieux pour montrer leur puissance et

leurs richesses. Les monuments étant synonymes de pouvoir ils devaient être à la hauteur de

leur monarque. A cette époque, si les fonctions civiles ou religieuses des monuments sont le

plus souvent respectées, la question de leur authenticité n’était pas une préoccupation : ils

subissaient les variations du goût et des conditions socio-économiques. Nos ancêtres avaient

un regard à la fois économique et pragmatique sur les monuments.

Toutefois, de la Révolution jusqu’au XIXème

siècle, les édifices vont connaître un tout

autre sort, c’est l’usage sauvage. La Révolution est la négation du passé et de tout ce que

représentent l’Ancien régime, la monarchie et l’église. Les révolutionnaires s’attaquent

d’abord aux édifices religieux qui sont désacralisés, pillés et dévastés. De plus, dans un souci

de rentabilité, certains sont loués, d’autres vendus et leurs matériaux de construction

récupérés. Durant cette période, François Enaud distingue trois principes de réutilisation

« contre nature » : militaire, pénitentiaire et industriel. Les églises sont transformées en

granges, en écuries, en dépôts, ce qui engendrera de profondes modifications structurelles.

Cette époque, correspond à une négation des valeurs symboliques et esthétiques des

monuments engendrant des pratiques de réutilisation sauvages ne respectant en aucun cas la

nature des édifices. Les monuments ne sont considérés que pour le cadre architectural qu’ils

offrent et non pour leurs valeurs intrinsèques.

Cependant, les vandalismes de la Révolution vont engendrer la prise de conscience de

la valeur de ces monuments et de l’idée d’un patrimoine national qu’il faut sauvegarder. La

période allant du milieu du XIXème

siècle à la fin du XXème

siècle correspond à l’usage

rationnel des monuments. C’est à cette époque que naissent les notions de patrimoine et de

monuments historiques. La perception que les hommes ont des monuments change. Ils

deviennent des témoins de l’histoire et ont en quelque sorte une valeur de refuge. La volonté

devient alors de rendre aux édifices une utilisation plus digne. Les édifices religieux sont

sauvés et retrouvent, dans la mesure du possible, un usage cultuel. Toutefois, lorsque cette

reconversion est impossible on se tourne vers un usage culturel (la fonction muséale est

souvent privilégiée) ou encore vers l’installation de services publics comme un hôtel des

postes, un marché couvert, un syndicat d’initiative… Les édifices civils (manoirs, châteaux,

hôtels particuliers…) sont quant à eux réutilisés avec plus de facilité. La plupart d’entre eux

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L’hôtel de la Marine

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reçoivent ainsi des affectations muséographiques, culturelles, administratives et collectives

(collèges, hospices, maison de retraite, colonies de vacances, hôtels). Toutefois, la

reconversion reste encore problématique pour les fortifications médiévales qui sont déclassées

et abandonnées car on ne leur trouve plus d’utilité. Elles deviennent ainsi de « vastes coquilles

vides ». Cette période nous montre ainsi la volonté de rendre aux monuments un usage

respectant l’esprit des lieux. La démarche adoptée consiste à sauvegarder les édifices en leur

trouvant une nouvelle affectation, la réutilisation étant ainsi une option de sauvegarde.

Toutefois, la création des monuments historiques a engendré un autre phénomène : la

dissociation de l’édifice et de son usage. Œuvres du passé, témoins vidés de leur fonction, les

édifices reçoivent une utilité affective, symbolique, esthétique et identitaire. Voués à un usage

que l’on peut qualifier de « contemplatif » le seul objectif est de les conserver.

A cet essai d’analyse historique des usages des monuments anciens, nous ajouterons

une dernière phase correspondant à la période allant de la fin du XXème

siècle à nos jours et

que nous pourrons appeler « l’usage rentable ». Tout au long du XXème

siècle, le champ

d’action de la protection des monuments historiques s’est considérablement élargi pour

englober à la fois les biens mobiliers et immobiliers, les sites urbains ou naturels, le

patrimoine matériel et immatériel. A ce jour, en France, plus de 43 180 monuments sont

protégés au titre des monuments historiques : dont 33% classés et 67% inscrits. De plus, sur

l’ensemble de ces édifices protégés, 52 % appartiennent à des propriétaires privés, 44 % à des

communes et seulement 4 % à l’Etat.

Figure 3 - Nombre total d'édifices protégés et Répartition du parc monumental (© Ministère de la Culture et de la Communication)

Le régime de protection et de conservation des monuments historiques est régi par la

loi de 1913 sur les monuments historiques dans laquelle l’Etat a un rôle central en tant que

soutien financier et garant du respect de certaines normes d’entretien ou de restauration.

67%

33% Inscrits

Classés52% 44%

4% Propriétairesprivés

Communes

Etat

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La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’hôtel de la Marine

26

Cependant, au regard de l’état sanitaire dégradé des monuments36

et de la difficulté des

pouvoirs publics à réunir les fonds nécessaires à leur entretien l’enjeu est certes d’assurer leur

conservation mais il est apparu nécessaire de trouver d’autres sources de financement. On

passe alors d’une logique de conservation pure à une logique de valorisation économique. La

volonté est d’affecter aux monuments historiques des utilisations dont les bénéfices

permettront d’assurer leur entretien. Toutefois, quelles conditions les projets de réutilisation

doivent réunir pour assurer le respect de l’édifice, à savoir de son architecture et de son

identité ?

De ces deux premières parties, où nous avons pu comprendre d’une part les enjeux et

contraintes de la réutilisation des monuments anciens et d’autre part, l’évolution du regard

porté par l’homme sur ces édifices, nous pouvons dégager un principe général. A savoir, la

réussite d’un projet de réutilisation d’un monument historique doit reposer sur le respect de :

l’architecture, de l’esprit des lieux et de l’intérêt général.

Le premier principe est le respect de l’architecture car un monument est avant tout une

œuvre architecturale. Un monument est caractérisé à la fois par son aspect extérieur, sa

façade, son allure générale, et son aspect intérieur, ses différentes pièces, leur agencement,

l’équilibre entre les pleins et les vides. C’est un ensemble à considérer dans sa totalité. Un

monument historique diffère d’un monument par le seul fait que ses qualités architecturales,

esthétiques et son histoire l’ont rendu, aux yeux des décideurs publics, comme un témoin de

l’histoire et de l’art. La loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques définit ainsi la

notion de monument historique : « Les immeubles dont la conservation présente, au point de

36

Voir : BADY Jean-Pierre (2007), Rapport sur l’Etat du Parc Monumental Français, Ministère de la culture et de la communication, 64 pages.

Architecture

Intérêt général

Esprit des lieux Figure 4 - Les trois aspects

que tout projet de

réutilisation d'un monument

historique doit respecter.

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vue de l’histoire ou de l’art, un intérêt public, sont classés comme monuments historiques »37

.

De plus, comme nous l’avons vu précédemment, les monuments ont été construits pour une

fonction bien définie, fonction à laquelle a répondu un programme, traduit dans l’œuvre

architecturale qui en est le résultat. C’est donc cette fonction qui a commandé le plan de

l’édifice. En somme, pour élaborer un projet de réutilisation d’un monument il semble

impératif d’une part, d’effectuer une analyse historique du monument afin d’en comprendre

les conditions de création mais aussi de créer un nouveau programme qui appréhendera

l’édifice dans son ensemble. Cependant, l’architecture ne concerne pas seulement la forme de

l’édifice mais aussi son décor. Décor qui fait souvent partie des raisons pour lesquelles le

monument a été protégé au titre des monuments historiques. Ainsi, le projet de réutilisation ne

devra ni cacher, ni altérer, ni modifier, ni détourner ce décor car il fait partie intégrante de

l’édifice et contribue à sa valeur patrimoniale. L’article 4 de la Charte Internationale de

Venise résume ainsi les deux principes qui nous venons d’énoncer s’agissant du respect de

l’architecture : « La conservation des monuments est toujours favorisée par l'affectation de

ceux-ci à une fonction utile à la société; une telle affectation est donc souhaitable mais elle ne

peut altérer l'ordonnance ou le décor des édifices. C'est dans ces limites qu'il faut concevoir

et que l'on peut autoriser les aménagements exigés par l'évolution des usages et des

coutumes. » Du point de vue des installations qui accompagneront la mise en place du

nouveau projet, certains préfèrent qu’elles soient temporaires, d’autres pérennes, l’importance

reste qu’elles s’adaptent à l’architecture de l’édifice et que ce ne soit pas l’édifice qui soit

modifié pour s’adapter à elles. Comme le souligne Michel Parent, « on ne plaque donc pas un

usage, un programme, a priori, sur un édifice : c’est lui qui, dans l’occasion de finalités

renouvelées (culturelles à la place de cultuelles par exemple), impose son propre style de

vie »38

. Enfin, le respect de l’architecture passe aussi par la restauration de l’édifice car ne

l’oublions pas, l’objectif de la réutilisation des monuments historiques est aussi, et surtout, de

pouvoir financer son entretien.

Le deuxième principe à respecter est l’esprit des lieux. Par esprit des lieux, nous

entendons à la fois la fonction initiale de l’édifice, qui a déterminé son usage, mais aussi

l’histoire de l’édifice, qui en fait un témoin de l’histoire. Il s’agit là de la valeur immatérielle

37

Article 1er

de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques. 38

PARENT Michel, « Le sens du patrimoine, l’architecture est-elle utile ? », in Monuments Historiques n°5, Colloque d’Avignon : « Utiliser les Monuments Historiques », Paris : Caisse nationale des monuments historiques et des sites, 1978, p. 23.

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du monument historique. Cet aspect est très important car quand bien même bon nombre de

nouvelles utilisations semblent pouvoir s’adapter à tous les types d’édifices, il ne serait pas

acceptable d’installer, pour caricaturer notre exemple, une boîte de nuit dans une église. S’il

n’est pas toujours possible de conserver la fonction de l’édifice, il est du moins important d’en

garder la mémoire en l’évoquant, dans le futur projet. Ainsi, dans le cadre d’un édifice

militaire transformé en hôtel on pourrait imaginer que la fonction initiale de l’édifice,

militaire, soit expliquée aux nouveaux visiteurs afin que sa mémoire ne soit pas effacée. Mais

parce que l’esprit des lieux passe aussi par l’histoire du monument historique, il convient

également de ne pas chercher à modifier, ni effacer son souvenir. L’exemple de l’hôtel de la

Marine nous montrera que cette valeur immatérielle des monuments historiques fut soulignée

par certains défenseurs du patrimoine comme Jean Ducros, qui distingue bien les valeurs

matérielles et immatérielles des monuments : « Lorsque j'ai écrit que l'hôtel de la Marine

était "une sorte de cathédrale laïque", j'ai voulu rappeler que pour comprendre ce monument,

il convenait de dépasser cette admiration naïve qui fait écarquiller des yeux ébahis devant des

dorures et de riches décors ouvragés. J'ai voulu indiquer qu'il fallait en considérer le

patrimoine immatériel »39

. Aussi, parce que la création des monuments historiques a, comme

nous l’avons dit précédemment, favorisé une vision contemplative des monuments, il semble

important de ne pas oublier cette valeur immatérielle qui se traduit dans la fonction initiale

mais aussi dans l’histoire des édifices.

Enfin, le troisième principe est l’intérêt général. Ce principe est fondamental, surtout à

l’heure actuelle, où l’implication d’investisseurs privés dans la gestion des monuments

historiques appartenant à l’Etat fait débat. L’intérêt général se traduit par le fait que les

monuments historiques font partie du patrimoine national, un héritage commun qui appartient

à tous les français. Cependant, si les monuments historiques appartenant à des propriétaires

privés semblent pouvoir déroger à la règle de l’ouverture au public, ce n’est pas le cas des

monuments appartenant à l’Etat. Comme le souligne Vincent Michelon, « les Français sont

très attachés au patrimoine public car ils considèrent à juste titre qu'il leur appartient »40

. Le

respect de l’intérêt général suppose donc que le projet prévoit une ouverture du monument au

public afin que celui-ci n’en soit pas privé et puisse continuer à l’admirer, à en profiter. La

39

Voir la Correspondance avec Jean Ducros, secrétaire général de l’Association des Amis de l’Hôtel de la

Marine, dans le volume d’outils méthodologiques. 40

Voir l’entretien réalisé avec Vincent Michelon, journaliste pour Metro et auteur de l’ouvrage « La France solde son patrimoine », dans le volume d’outils méthodologiques.

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polémique suscitée par l’hôtel de la Marine nous montrera qu’une des valeurs défendues par

les opposants au projet de l’investisseur privé Alexandre Allard sera l’appartenance du

patrimoine au peuple français. Les propos de Valéry Giscard d’Estaing à propos de l’avenir de

l’hôtel de la Marine illustrent cette conception : « […] nous allons rendre ce bâtiment à la

population française. Il sera ouvert à la visite et contiendra des éléments admirables. Les

Français se retrouveront ainsi en possession de ce que leur appartient et qui a failli leur

échapper »41

.

La réutilisation des monuments historiques est donc une question qui se pose depuis

une quarantaine d’années. Si les tenants et aboutissants d’une telle pratique semblent faire

débat parmi les défenseurs du patrimoine, des entreprises ont fait de la réutilisation des

monuments historiques leur spécialité.

41

Propos tenu par Valéry Giscard d’Estaing lors de la table ronde sur l’avenir du patrimoine national, organisée par les Vieilles Maisons Françaises le 22 juin 2011 à l’Institut Pasteur.

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Des entreprises spécialisées

Depuis que la question de la réutilisation des monuments historiques se pose, un

certain nombre d’entreprises se sont développées pour tenter de rendre aux monuments ayant

perdu leur affectation le « souffle de la vie » et leur trouver une nouvelle affectation

permettant, par les bénéfices dégagés, de financer leur entretien. En France, nous avons ainsi

recensé cinq entreprises importantes que nous allons présenter dans les lignes suivantes.

Kléber Rossillon

La société Kléber Rossillon est spécialisée dans la gestion de

sites et de monuments historiques. Créée en 1985, elle porte le nom

de son fondateur, un ingénieur diplômé de l’Ecole Polytechnique et

de l’Ecole Nationale de l’Aéronautique et de l’Espace. A partir de

1987, parallèlement à ses diverses responsabilités au service de l’Etat

(il fit partie de la maitrise d’ouvrage du programme Ariane entre 1978 et 1995), Kléber

Rossillon fut en charge des travaux de restauration du château de Castelnaud (Dordogne) où il

créa la scénographie du Musée de la Guerre au Moyen-Age, de la restauration du château de

Gençay (Vienne) et des travaux des Jardins de Marqueyssac. Elu président de Patrimoine

Environnement en 1993, il devient le directeur technique de la Fondation du Patrimoine en

1997 puis président de l’association Journées du Patrimoine de Pays en 2000. Aujourd’hui, la

société Kléber Rossillon gère cinq sites patrimoniaux classés : le château de Castelnaud, les

jardins de Marqueyssac, le château de Commarque et le château de Langeais. Ses domaines

d’intervention sont multiples :

- gestion et conduite de travaux dans des monuments historiques, des musées et des

sites naturels ;

- conception et suivi d’aménagements intérieurs et extérieurs

- élaboration et mise en place de politiques culturelles

- mise en œuvre de programmes pédagogiques

- gestion de boutiques et de librairies

- gestion de restaurants et de salons de thé

- définition de la politique marketing et commerciale

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Pour la société Kléber Rossillon la visite d’un monument sollicite tous les sens, ainsi

un projet de monument est à la fois la mise en scène de cette visite, la capacité à intéresser le

public (qui passe par une bonne connaissance de ce public), la mise en valeur des éléments

phares d’un édifice, qui permettent d’en appréhender l’histoire mais aussi des aménagements

permettant de recevoir le public et lui offrir les services attendus. La société Kléber Rossillon

conçoit la gestion d’un monument historique avec des programmes liant l’histoire du lieu à

des activités commerciales. Même si la réussite de projets culturels ne se limite pas aux taux

de fréquentation, ceux du château de Castelnaud, des jardins de Marqueyssac et du château de

Langeais42

montrent une augmentation constante depuis que la société Kléber Rossillon s’est

vu confier leur gestion. La société a d’ailleurs été choisie pour gérer le fac-similé de la Grotte

Chauvet.

Culturespaces

Fondée en 1991 avec le soutien du groupe GDF SUEZ

Culturespaces est une autre entreprise spécialisée dans la

valorisation et la gestion de monuments, musées et sites historiques. Son fondateur, Bruno

Monnier fut tout d’abord chargé de mission auprès du Ministère de la Culture pour la

modernisation et la gestion des musées et monuments (commission « Patrimoine 2000 ») et la

réorganisation du « Grand Versailles ». Fort de son expérience dans le domaine culturel, il

quitte le ministère en 1988 pour créer Culturespaces avec pour objectif de répondre aux

besoins des collectivités territoriales et des institutions publiques. Centrée avant tout sur

l’accueil des visiteurs, la société gère aujourd’hui plus de dix sites et monuments : le musée

Jacquemart-André (Paris), la villa Ephrussi de Rothschild (Côte d’Azur), la Villa Grecque

Kérylos (Cote d’Azur), le Théâtre Antique et le Musée d’Orange (Provence), les Arènes de

Nîmes, la Maison Carré et la tour Magne (Gard), le château des Baux de Provence, les

Carrières de Lumières, la Cité de l’automobile et la Cité du Train (Alsace) et la Champ de

bataille de Waterloo (Belgique). Avec plus de deux millions de visiteurs par an dans ses sites,

les domaines d’actions de Culturespaces sont multiples :

- mise en valeur des espaces, des collections et scénographie des visites

- création d’expositions et de manifestations culturelles

42

Dossier de presse, (www.kleber-rossillon.com)

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- communication nationale et internationale ; accueil des publics, gestion de la

billetterie et de la visite

- organisation de visites guidées et d’ateliers pédagogiques

- gestion des librairies-boutiques, salons de thé et restaurants

- accueil d’événements professionnels et de réceptions privées de prestige, entretien

des espaces et des jardins.

Fonctionnant avec ses recettes propres, l’objectif de Culturespaces est de faire vivre

les sites et monuments tout en assurant leur équilibre financier.

Chateauform’

Chateauform’ un groupe européen, créé par Jacques Horovitz

au début des années 2000, spécialisé dans les séminaires et réunions

d’entreprises. L’idée de cette entreprise est née du constat de son

fondateur, animateur de séminaires dans le monde entier, de

l’inadéquation des lieux accueillant ces activités. Le concept de Chateauform’ est d’accueillir

les participants dans des lieux conviviaux où l’on se sent chez soi et de leur offrir un grand

nombre de prestations : salles de travail équipées, hébergement, repas, activités de loisirs et de

détente. Ces maisons sont situées en France, en Espagne, en Italie et en Belgique. En France,

la société gère un peu moins d’une vingtaine d’édifices : le château de Suduiraut (Aquitaine),

le château de Faverges (Rhône-Alpes), le château du Haut-Rosay (Eure), le château de

Neuville et la château de Bellinglise (Oise), le château de Crécy, le château de Guermantes, le

château des Prés d’Ecoublay, le Manoir de Fontenay Tresigny et le Fief des Epoisses (Seine-

et-Marne), le château de Mareil, le château de Mensuls, le château de Rochefort, le château de

Ronqueux et le château de Romainville (Yvelines), le château de Nointel (Val d’Oise). Centré

avant tout sur l’accueil des participants aux séminaires, Chateauform’ gère donc des édifices

d’une grande qualité.

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Hôtels France Patrimoine

Hôtels France Patrimoine est une chaine

hôtelière créée au début des années 2000. Née de la

volonté d’installer des hôtels de charme dans des

monuments historiques, un modèle qui s’inspire

des paradores espagnols, la société s’est spécialisée dans l’exploitation d’hôtels ou de

restaurants situés dans des lieux d’exception, classés monuments historiques et proposant des

activités culturelles de prestige. Les Hôtels France Patrimoine gèrent aujourd’hui un ensemble

de quatorze établissements dans toute la France : le Saint James & Albany Hôtel-Spa (un 4*

installé dans l’ancienne demeure des Ducs de Noailles), l’hôtel Auteuil Tour Eiffel***, l’hôtel

Turenne le Marais*** et l’hôtel Vanneau Saint-Germain (Paris) ; l’hôtel de l’Abbaye Royale

de Fontevraud**, l’hôtel La Petite Verrerie** (installé dans une ancienne dépendance du

château de la Verrerie), l’hôtel Cloître Saint-Louis** et l’Avignon Grand Hôtel**** (installée

dans les remparts de la ville), l’hôtel Abbaye Ecole de Sorèze, l’hôtel Le Château fort

(installée dans l’enceinte du château fort de Sedan). Pour accueillir un Hôtel France

Patrimoine les monuments doivent présenter une capacité permettant l’installation d’au moins

cinquante chambres, offrir la possibilité de mettre en place un restaurant gastronomique

pouvant exister en autonomie et pouvoir accueillir des événements comme des mariages ou

séminaires, conditions assurant une certaine rentabilité de leur activité.

Pierres d’Histoire

Fondée en 2011 par Dominique Imbert, ancien

dirigeant d’entreprise, Pierres d’Histoire est la dernière-

née de ces entreprises spécialisées dans la gestion de

monuments historiques. Inspirée du modèle du Landmark

Trust (un modèle liant tourisme et patrimoine qui a sauvé plus de deux cents lieux historiques

de Grande-Bretagne), l’idée est de sauver des édifices historiques de taille moyenne en les

transformant en gîtes. Elle repose pour cela sur le principe que les ressources générées

permettront d’assurer l’entretien des édifices.

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La société d’économie solidaire repose sur un certain nombre de principes qu’elle

s’engage à respecter :

- se former aux règles de l’entreprise solidaire,

- restaurer les édifices dans le respect de leur histoire,

- solliciter les artisans locaux, recourir aux entreprises d’insertion,

- créer des emplois de service dans chaque site,

- pratiquer des tarifs accessibles,

- promouvoir les commerçants locaux,

- faire découvrir l’histoire du bâtiment et de son territoire,

- organiser des journées portes ouvertes,

- respecter l’environnement bâti et naturel,

- privilégier les énergies renouvelables,

- réinvestir les excédents disponibles dans la cause43

.

Pierre d’Histoire assure donc la restauration et le respect des édifices dans lesquels

l’entreprise s’installe. Elle propose également aux propriétaires une solution pour sauver leurs

demeures. Ses premiers sites sont le moulin de Conas (Hérault), la Tour aux Vingt angles

(Haute-Loire) et le château de Séchilienne (Isère). L’objectif de Pierres d’Histoire est donc de

rendre accessibles au public des lieux du patrimoine abandonnés en les transformant en lieux

de vacances.

L’étude de ces différentes entreprises nous a permis de découvrir les potentialités de

notre patrimoine. Hôtels, gîtes, restaurants, musées, lieux de séminaires sont tout autant

d’utilisations possibles de nos monuments qui permettent de les sauver.

43

www.pierresdhistoire.fr

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35

Avec cette première partie, dédiée à l’étude de la réutilisation du patrimoine

architectural, nous aurons vu que la question de l’affectation des édifices anciens à une

nouvelle fonction s’est développée parallèlement à la naissance de la notion de monuments

historiques. En effet, après avoir protégé nombre de monuments témoins de l’histoire et de

l’art de la France qui ont ensuite perdu leur fonction, la volonté a ensuite été de les réutiliser.

Toutefois, quelles activités sont dignes de ces édifices et comment concevoir les projets de

réutilisation ? L’étude de l’usage des monuments depuis la préhistoire jusqu’à nos jours nous

a conduit à établir une règle devant régir chaque projet de réutilisation qui devra donc

respecter à la fois l’architecture de l’édifice mais aussi l’esprit des lieux tout en assurant son

ouverture au public. C’est le pari que de nombreuses entreprises spécialisées dans la gestion

des sites et monuments historiques tentent de réaliser. Toutefois, si les modalités d’action de

certaines sont critiquées elles ont le mérite de chercher à sauver notre patrimoine en lui

trouvant de nouvelles fonctions.

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UN MONUMENT EMBLEMATIQUE AU CŒUR DE LA

POLITIQUE IMMOBILIERE DE L’ETAT

Une nouvelle politique pour le patrimoine

L’affaire de l’hôtel de la Marine, que nous proposons d’étudier pour illustrer nos

recherches n’est pas un cas isolé mais la conséquence d’un changement de politique en faveur

du patrimoine immobilier de l’Etat.

En effet, depuis l’année 2003, l’Etat s’est engagé dans une vaste politique immobilière

qui s’est traduite par le transfert et la cession d’un certain nombre de ses monuments.

L’objectif étant d’une part de partager la gestion d’un patrimoine difficile à entretenir avec

d’autres acteurs et d’autre part, d’encourager l’installation d’activités économiques dans les

monuments historiques afin d’en assurer la rentabilité. Les conditions de cette politique

peuvent être étudiées en plusieurs étapes grâce à certains documents qui nous permettront

également d’introduire les différents thèmes que nous aborderons tout au long de ce travail.

En juillet 2003, Jean-Jacques Aillagon, Ministre de la culture et de la communication,

demande à René Rémond d’établir une liste de monuments pouvant être transférés en pleine

propriété aux collectivités locales selon un certain nombre de critères. L’objectif de cette

mission étant d’une part d’encourager l’implication des collectivités locales envers le

patrimoine et d’autre part, d’apprécier les liens entre ces monuments et la mémoire nationale.

Les conclusions de ce rapport44

nous montrent que sur l’ensemble des quatre cent monuments

historiques étudiés45

, cent trente-six devaient être conservés par l’Etat et cent soixante-deux

pouvaient être transférés aux collectivités territoriales (quatre-vingt-quatre monuments ont

reçu l’avis « transfert possible » et soixante-dix-huit l’avis « transfert souhaité »). Outre les

44 Rapport de la commission présidée par M. René Rémond, Président de la Fondation nationale des sciences

politiques à Jean-Jacques Aillagon, Ministre de la culture et de la communication, 17 novembre 2003. 45

Monuments appartenant à l’Etat et affectés au Ministère de la Culture.

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conclusions qu’il présente, ce rapport est important pour notre étude car il introduit la notion

de « mémoire nationale » et cherche à distinguer les monuments qui doivent rester dans le

giron de l’Etat. Ceux-ci sont associés à des événements majeurs de l’histoire nationale et

participent à l’image de la France dans le monde. Des édifices comme l’Abbaye de Cluny, la

Colonne Vendôme, la chapelle Expiatoire ou le Panthéon et l’Arc de Triomphe sont

considérés comme étant emblématiques du patrimoine national et se trouvent ainsi écartés

d’un quelconque projet de cession à d’autres acteurs, aussi bien publics que privés. Les

édifices qui doivent rester dans le giron de l’Etat sont classés selon trois critères : les lieux de

mémoire nationale (commémoratifs des grandes dates de l’histoire de France), les anciens

biens de la Couronne (représentatifs de la constitution de l’Etat national) et les archétypes

architecturaux dont la qualité exceptionnelle et la valeur pédagogique justifient leur

possession par l’Etat. A ces trois types d’édifices ont été ajoutés les sites archéologiques

constituant des réserves et les grottes ornées dont la fragilité et les difficultés de gestion

exigent la compétence de l’Etat. Ainsi, la notion de patrimoine national est très importante, et

comme nous le verrons plus tard, elle sera déterminante dans les débats concernant la

réaffectation de l’hôtel de la Marine.

La loi de décentralisation de 2004 a donné lieu à plusieurs mesures significatives en

matière de gestion du patrimoine : une première vague de transfert de monuments historiques

aux collectivités, le transfert du service de l’inventaire aux régions et le transfert de la maîtrise

d’ouvrage aux collectivités territoriales et propriétaires privés. L’Etat est propriétaire d’un

certain nombre d’édifices qui peuvent être divisés en deux catégories : ceux qui ont vocation à

rester dans le giron de l’Etat, car ils sont emblématiques du patrimoine national, et les autres.

Suite au rapport Rémond, une liste de monuments pouvant être transférés aux collectivités à

titre gratuit fut établie et pour les cent soixante-seize monuments retenus seuls soixante-dix

dossiers de candidature ont été déposés par les collectivités et soixante-cinq d’entre eux

retenus (cinquante-neuf conventions de transferts ont été signées et six retardées pour des

raisons administratives) 46

. En 2004, les collectivités devaient justifier d’un « projet culturel »

pour bénéficier d’un édifice appartenant à l’Etat, critère important de cette première vague de

transferts qui sera remise en cause par la suite avec l’article 52 du projet de loi des finances

2010. La décentralisation est une étape importante car elle traduit une évolution importante de 46 Propos tenus par Isabelle Maréchal, Chef du Service Patrimoine, Ministère de la Culture et de la

Communication, Direction Générale des Patrimoines, lors de la journée technique « Châteaux, abbayes, sites militaires… : comment réussir la valorisation touristique de ce patrimoine en région ? » organisée par Atout France au Musée Guimet le 18 octobre 2011.

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la gestion du patrimoine immobilier de l’Etat et du rapport entre l’Etat et ses monuments. De

plus, il nous apparait important de noter d’une part que ces cessions ne concernaient que les

monuments gérés par le Ministère de la Culture et d’autre part que les collectivités intéressées

par un transfert avaient pour obligation de justifier d’un « projet culturel » viable, conditions

qui, nous le verrons plus tard, changerons dans la deuxième étape de cette décentralisation.

En 2009, Frédéric Mitterrand et Hervé Novelli47

signent une « Convention cadre

Culture-Tourisme » dont l’objectif est de valoriser le patrimoine par le tourisme. Son premier

article 1 introduit l’idée de l’installation d’activités économiques dans les monuments

historiques : « les deux ministères affirment que la sauvegarde et la préservation du

patrimoine monumental historique peuvent se concilier avec une exploitation économique

raisonnable et respectueuse des lieux […]. Ils encourageront des opérations de valorisation

du patrimoine par le tourisme qui constitueront des exemples pouvant conduire dans le

respect de la conservation de ce patrimoine à la création d’activités touristiques d’affaires,

d’hébergement ou de création d’événements ». A titre d’expérimentation, une étude sur les

« Conditions de création de structures d’hébergement dans les monuments nationaux » est

commandée à Atout France. C’est ainsi qu’une vingtaine de monuments48

appartenant au

Centre des Monuments Nationaux est passée au crible afin de déterminer dans quelles

conditions pourraient être installées des activités d’hébergement dans des parties de ces

édifices actuellement inutilisées.

Toutefois, l’installation d’hôtels dans les monuments historiques est critiquée car il

n’apparait pas acceptable de privatiser un établissement public pour le confort d’un nombre

restreint de personnes. Cette critique annonce une deuxième notion importante pour notre

étude, à savoir, celle d’ « intérêt général ». La privatisation de monuments nationaux semble

aller à l’encontre de la conception même de patrimoine national. Considérant que le

patrimoine national appartient au peuple français, il n’est pas concevable de restreindre sa

47

Respectivement Ministre de la Culture et de la Communication et Secrétaire d’Etat chargé du Commerce, de l’Artisanat, des Petites et moyennes entreprises, du Tourisme, des Services et de la Consommation. 48 Les 20 monuments sont : le château d’Assier dans le Lot ; le château de Bussy-Rabutin en Côte-d’Or ; le château de Cadillac en Gironde ; le château de Carrouges, dans l’Orne ; la Cité de Carcassonne, dans l’Aude ; le château de Champs-sur-Marne, en Seine-et-Marne ; le château de Chareil-Cintrat, dans l’Allier ; le château de Gramont, dans le Tarn-et-Garonne ; le château de Jossigny, en Seine-et-Marne ; le château de la Motte-Tilly, dans l’Aube ; l’Hôtel de Lunas, dans l’Hérault ; l’Hôtel de Sade, dans les Bouches-du-Rhône ; la place forte de Mont-Dauphin, dans les Hautes-Alpes ; l’abbaye de Montmajour, dans les Bouches du Rhône ; le château d’Oiron, dans les Deux-Sèvres ; le domaine national de Saint-Cloud, dans les Hauts-de-Seine ; l’abbaye de la Sauve-Majeure, en Gironde ; le monastère de Saorge, dans les Alpes Maritimes ; la forteresse de Salses, dans les Pyrénées Orientales ; le fort Saint-André, dans le Gard à proximité d’Avignon.

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jouissance à une certaine catégorie de personnes. En étudiant l’exemple de l’hôtel de la

Marine, nous verrons que l’un des arguments mis en avant pour justifier la nécessité de garder

cet édifice dans le giron de l’Etat fut de « rendre le patrimoine aux français ».

A cette nécessité de rentabiliser le patrimoine s’est ensuite ajoutée la volonté

d’entamer une seconde étape de la décentralisation en reprenant le processus de transfert des

monuments historiques. Toutefois, les conditions des cessions changent et traduisent la

volonté d’élargir les possibilités de transferts. D’une part, l’article 52 du projet de loi des

finances de 2010 prévoit de généraliser ces transferts à tous les monuments appartenant à

l’Etat sans condition pour les collectivités locales de justifier d’un projet culturel. D’autre

part, le rapport d’Albéric de Montgolfier sur la valorisation du patrimoine culturel introduit la

possibilité d’ouvrir ces transfert aux acteurs privés : « A défaut de repreneur public, ouvrir la

possibilité d’un transfert à titre gratuit de ces monuments à vocation culturelle à des

organismes d’intérêt général, ou à titre onéreux aux autres acteurs privés dans le cadre de

projets visant une meilleure valorisation culturelle et économique »49

. Dans son rapport, le

sénateur d’Eure-et-Loir souligne la nécessité pour l’Etat de passer d’une logique de

conservation pure du patrimoine à une logique de valorisation économique en favorisant la

réutilisation du patrimoine monumental. Les propositions reprises dans l’encadré ci-dessous

montrent les différents axes de la politique immobilière de l’Etat et permettent d’expliquer les

conditions dans lesquelles l’hôtel de la Marine s’est retrouvé au cœur d’un projet de cession.

Extrait des propositions du rapport sur la valorisation du patrimoine culturel

Proposition n° 2 : « Considérer qu’au même titre que la protection, la conservation et la mise en valeur du patrimoine culturel, le Ministère de la Culture a également comme objectif de favoriser la valorisation économique de monuments historiques ouverts au public ».

Proposition n° 23 : « Confier à titre expérimental la gestion de certains monuments du centre des monuments nationaux au secteur privé dans le cadre d’une gestion déléguée ou d’un partenariat public-privé ».

Proposition n° 24 : « Utiliser tous les instruments juridiques aujourd’hui disponibles, et notamment l’emphytéose, pour faciliter la gestion par l’Etat et ses établissements publics de leur patrimoine monumental et contribuer à sa valorisation économique ».

Proposition n° 26 : « Lancer une réflexion sur une modification du Code civil afin de ne plus limiter à 30 ans la durée maximale de la cession temporaire d’usufruit ».

Proposition n° 27 : « Soutenir activement les projets envisagés par les opérateurs culturels de l’Etat de réutilisation des monuments historiques ou de leurs dépendances non ouverts au public et qui ne font pas l’objet d’une exploitation culturelle ».

49

MONTGOLFIER de Albéric, Rapport sur la valorisation du patrimoine culturel, Octobre 2010, proposition n°10.

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Parallèlement à cette volonté affichée de faciliter la réutilisation des monuments

historiques s’est développé une autre dynamique, celle de la vente de monuments appartenant

à l’Etat. L’objectif de cette politique, qui s’inscrit dans le cadre de la Révision Générale des

Politiques Publiques (RGPP)50

, étant de réduire le nombre d’immeubles et de surfaces

occupées par les services de l’Etat, d’améliorer le cadre de travail des fonctionnaires

(modernisation des structures) et plus largement, de contribuer au désendettement de l’Etat :

« Une politique volontariste de cessions d’immeubles a été mise en œuvre par les pouvoirs

publics à compter de 2005. Sur la seule période de 2005-2007, l’Etat a ainsi encaissé un

montant total de 2,252 milliards d’euros de produits de cessions immobilières »51

. Pour la

gouvernance de la politique immobilière de l’Etat, deux services ont étés créés : le Conseil de

l’immobilier de l’Etat (CIE) et France Domaine.

Le Conseil de l’immobilier de l’Etat, créé en octobre 2006 est composé d’élus et de

personnes qualifiées. Il est chargé, auprès du Ministre du Budget : des comptes publics et de

la fonction publique, de le conseiller en matière de stratégie immobilière, de suivre et

d’évaluer l’avancement de la démarche de modernisation ainsi que de l’évolution du parc

immobilier de l’Etat.

France Domaine, créé en janvier 2007 et rattaché à la direction générale de la

comptabilité publique, est chargé de représenter l’Etat-propriétaire. Ce service est donc

l’opérateur principal de cette nouvelle politique immobilière du patrimoine. Son site internet52

présente les biens proposés à la vente dans toute la France ainsi que les prévisions de vente53

.

C’est ainsi qu’au début du mois de décembre 2010 l’hôtel de la Marine apparaissait dans les

cessions des biens immobilier de l’Etat sous cette appellation : « Hôtel de la Marine,

immeuble de prestige et d’exception ».

Toutefois, devant cette volonté de relancer les processus de cession et au regard de

l’absence de principe de précaution applicable à ces transferts, une proposition de loi relative

au patrimoine monumental de l’Etat a été élaborée par Françoise Férat et Jacques Legendre.

50

Lancé en juin 2007, la RGPP est un programme de modernisation de l’action de l’Etat touchant l’ensemble des politiques publiques et des ministères. Son objectif est de déterminer les actions de modernisation et d’économies qui peuvent être réalisées. Ainsi s’agissant du volet immobilier les mesures sont : le regroupement de services dans des immeubles fonctionnels, la réduction des surfaces occupées et un meilleur entretien de ce patrimoine pour préserver sa valeur. 51

Cour des Comptes, Les cessions des biens immobiliers de prestige par France Domaine, Février 2009, page 83. 52

http://www2.budget.gouv.fr/cessions/ 53

Voir annexe A : prévisions de vente pour Paris, page 81.

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41

L’article 1er

de cette proposition de loi54

prévoit la création d’un Haut conseil du patrimoine

chargé d’encadrer ces transferts. Par cette proposition de loi, plusieurs principes sont

réaffirmés comme l’appréciation du caractère non transférable d’un monument au regard de

son appartenance à la mémoire de la Nation, l’impossibilité d’entamer une procédure de bail

emphytéotique pour un monument d’intérêt national ou fortement symbolique. Mais aussi

l’affirmation du caractère exceptionnel du recours aux cessions et baux emphytéotiques (qui

ne doivent pas « constituer un mode de gestion global et pérenne du patrimoine monumental

de l’Etat comme des collectivités territoriales »), la soumission du projet de vente à l’avis du

Haut Conseil du patrimoine (dans le cas d’une vente de l’Etat envers une personne privée),

l’impossibilité de vente d’un monument préalablement transféré à une collectivité ainsi que

l’encadrement des transferts par une convention entre l’Etat et la collectivité territoriale.

Par cette proposition de loi, ces deux sénateurs montrent une certaine volonté

d’instaurer un cadre réglementaire à cette nouvelle politique immobilière visant à cesser la

« braderie du patrimoine de l’Etat » et éviter des cessions comme celle de l’hôtel de la

Marine.

Après avoir étudié les conditions et objectifs de cette politique en faveur du patrimoine

il convient de présenter l’hôtel de la Marine, l’exemple sur lequel nous nous appuyons pour

analyser et comprendre le changement de regard porté sur notre patrimoine.

54

Françoise Férat, Jacques Legendre, Proposition de loi relative au patrimoine monumental de l’Etat, 27 octobre 2010.

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De l’hôtel du Garde-Meuble de la Couronne à l’hôtel de la Marine

« Fait exceptionnel en France, l’Hôtel de la Marine, place de la Concorde,

l’un des plus beaux ensembles de Paris, a conservé ses décors et son mobilier

d’origine. Il témoigne, depuis sa création jusqu’à nos jours, de nos arts

décoratifs dans ce qu’ils ont de plus prestigieux. Ses murs, ont été témoins de

biens des moments tragiques ou glorieux de l’Histoire de France, il importe

d’en conserver à travers eux un souvenir vivant. L’Etat pourrait-il se dessaisir

d’un lieu, conçu pour lui, et qui depuis lors n’a jamais cessé d’être avec gloire

et honneur à son service ? » 55

Afin de comprendre et d’analyser la polémique suscitée par le projet de réutilisation de

l’Hôtel de la Marine il convient tout d’abord de revenir sur les conditions de sa construction et

de ses différentes affectations. Nous aborderons l’histoire de l’Hôtel de la Marine en trois

grandes dates : la construction de la Place Louis XV en 1755, l’affectation du bâtiment au

Garde-Meuble de la Couronne en 1768 et l’installation du Ministère de la Marine en 1789.

La place Louis XV : un lieu hautement symbolique

En 1748, la signature de la paix d’Aix-la-Chapelle incita la Ville de Paris à honorer

son souverain en lui édifiant une statue équestre en bronze, commandée au sculpteur Edme

Bouchardon. Une année après cette décision, Le Normand de Tournehem, surintendant des

Bâtiments du Roi, ouvra un concours pour l’aménagement d’une place monumentale destinée

à servir d’écrin à cette statue.56

De nombreux architectes y participèrent mais aucun des cent

cinquante projets57

présentés ne fut retenu car tous impliquaient des expropriations trop

onéreuses. Devant cette difficulté, Louis XV décida en 1750, d’aménager la place au lieu-dit

Pont-Tournant, un vaste espace à l’extrémité du jardin des Tuileries, dont il était propriétaire

et qu’il donna à la Ville de Paris. Trois ans après cette décision, le marquis de Vandières,

surintendant des bâtiments, ouvra un nouveau concours, réservé cette fois-ci, à la demande du

55

Olivier de Rohan Chabot, Lettre à Monsieur le Premier Ministre, 14 Janvier 2011. 56

MONTGOLFIER de Bernard, « La Place Louis XV à Paris », in Monuments Historiques n°120 « Gabriel et l’urbanisme », Avril 1982, page 38. 57

Le nombre de projets varie en fonction des auteurs. Pour Alexandre Gady (L’Hôtel de la Marine, Paris, Editions Nicolas Chadun, Octobre 2011, page 17) 150 projets furent déposées alors qu’Etienne Poncelet (Etude sur la valeur patrimoniale de l’hôtel de la Marine, tome 1, Décembre 2009, page 16) n’en compte que 60.

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Roi, aux seuls membres de l’Académie Royale d’Architecture. Toutefois, les dix-neuf

projets58

furent de nouveau rejetés et Louis XV demanda à Jacques-Ange Gabriel, son

premier architecte et directeur de l’Académie, de réaliser une synthèse à partir des meilleurs

éléments de chacune des propositions de ses confrères. Le 9 décembre 1755, le projet définitif

fut approuvé par le Roi et guida, en 1757, la construction des façades des deux grands

bâtiments jumeaux séparés par la rue Royale et formant le côté Nord de la place. La statue

équestre de Louis XV, œuvre commandée à Edme Bouchardon terminée par Jean-Baptiste

Pigalle, fut placée et inaugurée le 20 juin 1763, alors que son « écrin » n’était toujours pas

terminé.

Figure 5 - Plan de la place Louis XV par Jacques-Ange Gabriel en 1756 (© Paris, Archives Nationales, N III Seine 841)

La façade occidentale (où se trouve aujourd’hui l’Hôtel Crillon) fut achevée deux ans

après la pose de la statue alors que son affectation n’était toujours pas déterminée. Deux

projets furent proposés : l’un par le Roi en 1765 qui décida d’y établir la Monnaie, l’autre par

la Ville de Paris qui souhaita y installer une caserne de mousquetaires gris, mais tous deux

furent abandonnés laissant l’édifice sans affectation. La Ville fut alors autorisée à vendre les

terrains qu’elle divisa en quatre. Entre 1775 et 1777, ils furent acquis d’est en ouest par

58

Encore une fois, le nombre de projets varie en fonction des deux auteurs cités précédemment mais cela n’a pas d’incidence majeure pour la compréhension de l’histoire de l’édifice.

Emplacement de

l’Hôtel du Garde-

meuble de la

Couronne (actuel

Hôtel de la Marine).

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Madame de Coislin, Pierre-Louis Moreau (architecte de la Ville), Monsieur Rouillé de

l’Etang et Trouard (un autre architecte du Roi). Des hôtels particuliers furent élevés à chacun

des emplacements. Celui de l’architecte Trouard est devenu aujourd’hui l’Hôtel Crillon.

En ce qui concerne le bâtiment oriental, achevé en 1768, plusieurs projets furent

étudiés par Jacques-Ange Gabriel et l’édifice fut finalement affecté en 1767, au Garde-

Meuble de la Couronne. Il fallut donc plus de trente ans pour achever cet ensemble hautement

symbolique à la gloire de Louis XV, qui mourut avant sa réalisation complète.

L’Hôtel du Garde-Meuble de la Couronne

Le Garde-Meuble de la Couronne est une administration royale créée par Henri IV en

1604 dont la mission était de meubler les résidences royales par des commandes de

tapisseries, brocarts, soieries, meubles de menuiserie et d’ébénisterie, bronzes dorés… aux

artistes, artisans et aux manufactures du royaume. Elle était également chargée de l’entretien

et de la conservation de ces pièces : meubles et collections royales d’armes et armures, vases

de pierres dures, petits bronzes et surtout les diamants de la Couronne, accumulés pour

certains depuis François Ier

. Le Garde-Meuble déménagea en novembre 1774 dans ses

nouveaux locaux de la place Louis XV. Il fut auparavant successivement dans l’hôtel du Petit-

Bourbon, l’Hôtel de Conti et l’Hôtel d’Evreux (actuel Palais de l’Elysée).

Bâtiment construit autour de trois cours, l’Hôtel du Garde-Meuble mélangeait salles

d’exposition, magasins et appartements de l’intendant et du garde général. Le rez-de-chaussée

était occupé par des pièces d’ordre fonctionnel (salles pour le déchargement des meubles,

cuisines et offices, écuries, remises) ; le premier étage était, selon la coutume, l’étage noble, il

comprenait les salles d’exposition, les appartements de l’intendant général et du garde

général ; le deuxième étage, l’attique, se composait des appartements de fonction, de

l’appartement de l’inspecteur et du petit appartement de l’intendant général.

Les salles d’exposition, espaces en façade derrière la colonnade, étaient destinées à

exposer les chefs-d’œuvre des collections royales. En effet, depuis le règne de Louis XIV, la

tradition était de montrer aux ambassadeurs, invités de marque et autres amateurs d’art, les

pièces les plus prestigieuses de la Couronne. Pierre-Elisabeth de Fontanieu, intendant du

Garde-Meuble, eut le loisir d’organiser cette collection en trois salles : la salle des Armes, la

galerie des Grands Meubles et la salle des Bijoux. Pour cet espace, Jacques-Ange Gabriel

avait reprit la disposition de la Galerie des Glaces soit une galerie agrémentée d’un salon carré

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à chaque extrémité. Cet espace du bâtiment présentait un décor simple afin de mettre en

valeur les pièces exposées. Lorsque Marc-Antoine Thierry de Ville d’Avray prit la succession

de Fontanieu, il décida d’aménager une galerie des Bronzes (couloir de sortie de la salle des

bijoux). Les salles d’expositions étaient ouvertes au public un mardi par mois durant la saison

chaude (d’avril à novembre) jusqu’en 1791, où elles fermèrent au public. Premier musée

d’Arts Décoratifs ouvert dans la capitale, le Garde-Meuble de la Couronne était une curiosité

que les visiteurs étrangers, amateurs parisiens et de province venaient admirer.

Toutefois, la richesse de ce bâtiment ne résidait pas seulement dans le prestige des

collections qui y étaient présentées mais également dans la richesses de décors. Passant outre

les consignes d’économie du marquis de Marigny (directeur des Bâtiments du Roi) Fontanieu

commanda à Jacques Gondouin de magnifiques décors et à l’ébéniste Jean-Henri Riesener ses

plus beaux meubles. L’intendant du Garde-meuble, qui manifestait un grand intérêt pour l’art

et était sans cesse à la recherche de nouveaux talents, dota ses appartements d’un décor et

d’un ameublement dont la richesse rivalisait avec les plus grandes demeures royales. Son

successeur, Marc-Antoine Thierry de Ville d’Avray, qui prit ses fonctions en 1783, fit

quelques modifications mais puisa également dans les réserves de son administration pour

meubler ses appartements. Cependant, à la différence de Fontanieu, il ne contribua pas à

développer le prestige du Garde-meuble en faisant preuve d’innovation mais se meubla

somptueusement aux frais du roi et profita de cette administration pour son usage personnel.

Les appartements du Garde-Général, moins richement ornés que ceux de l’intendant général

présentaient néanmoins un décor de grande qualité.

Le destin du Garde-meuble de la Couronne prit un tout autre tournant avec la

Révolution. Le 13 juillet 1789, la salle des Armes fut pillée par les Révolutionnaires en quête

d’armes supplémentaires pour prendre la Bastille. Trois jours plus tard, c’est au tour de la

salle des Bijoux dont les pièces les plus précieuses furent dérobées pendant la nuit, par quatre

individus qui s’étaient introduits dans la salle par les fenêtres. Toutefois, ces deux événements

ne représentent rien au regard de ceux qui auront lieu après la chute de la Monarchie. Le

Garde-meuble, jugé inutile mais surtout représentant du faste de l’Ancien Régime fut saccagé.

Les portraits des souverains de la galerie des Grands-meubles furent brûlés ainsi que les

meubles les plus richement ornés dont on récupéra les matériaux précieux. De plus, une

grande partie du fond du Garde-meuble fut vendue aux enchères. Durant l’été 1794, la

Commission temporaire des arts décida d’effectuer une sélection d’objets selon des critères

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précis, ces pièces exceptionnelles et remarquables alimentèrent les collections d’institutions

comme le Jardin des Plantes ou le Louvre dans un but d’instruction publique. Enfin, le 20 mai

1798, l’administration du Garde-Meuble de la Couronne fut définitivement liquidée.

L’Hôtel de la Marine

En octobre 1789, Louis XVI décida de quitter Versailles pour Paris. Ce déménagement

de l’administration Royale nécessita de trouver des lieux pour accueillir les différents

départements, dont celui de la Marine, qui partageait avec ceux de la Guerre et des Affaires

étrangères un ensemble à deux pas du château. L’ensemble était géré par Jean-Baptiste

Berthier. L’Hôtel du Garde-meuble par sa position géographique et l’espace qu’il offrait fut

très vite visé et Thierry de Ville d’Avray fut contraint de partager une partie des locaux. Il

céda ainsi une partie de l’aile donnant sur la rue Royale, du rez-de-chaussée au deuxième

étage. L’installation d’une partie du Ministère de la Marine fut suivie d’une importante

campagne de travaux pour aménager le logement du Ministre et de ses proches, ainsi que ses

bureaux et ceux du Conseil de la Marine. Toutefois, le manque de place les contraignit à louer

l’Hôtel Randon de la Tour pour les commis du Ministre. La Marine souhaita donc très vite

s’emparer de l’ensemble de l’Hôtel du Garde-meuble afin d’y installer toute son

administration. S’ensuit alors une bataille entre les deux administrations. Le Garde-meuble

résista mais finit par perdre cette « bataille » lorsque son administration fut liquidée en 1798.

La Marine se déploya alors dans ce bâtiment si prestigieux.

« L’hôtel de la Marine ne serait jamais un simple bâtiment administratif,

comme l’avaient été les hôtels de Versailles : il serait aussi et toujours un des

palais les plus en vue de la capitale. » 59

Afin de s’approprier le bâtiment, le ministère de la Marine commença alors toute une

série d’actions destinées à marquer le lieu de son sceau. La première consista à créer un

« musée naval » dont les collections étaient constituées par des modèles réduits de navires, de

dessins et de tableaux relatifs à la marine et à la science nautique. Le musée fut inauguré en

août 1801. Ouvert au public dans les mêmes conditions que le Garde-meuble on pouvait y

découvrir la « série des Ports de France » de Vernet et les plus beaux modèles réduits de

navires. Dans la continuité de ces réaménagements, la salle d’Armes reçu un nouveau décor et

fut rebaptisée « Salon Neuf ».

59

Op. Cit., p.102

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L’Empire fut une période faste pour l’Hôtel de la Marine, Napoléon voulut redonner

au bâtiment l’éclat de l’Ancien Régime. Ainsi, en 1820, les douze tableaux de la Galerie des

ports de guerre furent restaurés et les meubles des salons et du cabinet des ministres furent

renouvelés.

A partir de 1835, les différents travaux entrepris dans le bâtiment changèrent

considérablement son aspect. Entre 1835 et 1837 un nouveau bâtiment fut construit dans

l’arrière-cour pour abriter les archives du ministère alors rapatriées à Paris. En 1840 – 1841,

les pourtours des cours intérieures furent surélevés d’un niveau. En 1841 – 1843, la Galerie

des Grands Meubles fut coupée en deux. Un nouveau mobilier sera commandé à l’ébéniste

Jeanselme et la décoration intérieure entièrement refaite : portraits des amiraux de l’Ancien-

Régime dans un décor aux couleurs bleu, blanc et rouge. En 1861 c’est au tour de l’attique

d’être surélevé au niveau des cotés sud et ouest de la cour du Ministre. En 1862, l’Hôtel de la

Marine reçu le classement au titre des Monuments Historiques et entra dans le giron des

bâtiments civils. Toutefois, ce classement n’empêcha en aucun cas la réalisation de travaux

supplémentaires touchant la structure de l’édifice. En 1868, le bâtiment fut rattaché au reste

du Ministère qui se trouvait alors au 5 rue Florentin et en 1877 une deuxième campagne de

surélévation toucha cette fois les côtés nord et est de la Cour d’ Honneur. Durant les années

suivantes la Galerie des Ports de Guerre fut aménagée. La Commune transforma le bâtiment

en hôpital mais il sera épargné par les communards. En 1893, c’est au tour du décor du Salon

d’Honneur d’être complété, ce qui fut la dernière modification des décors par création

nouvelle et la fin des grands travaux d’appropriation de l’hôtel de la Marine.

Au début du XXème

siècle, la Marine sembla se désintéresser de ce bâtiment. En 1907-

1916, les Services détachés de la Marine s’installèrent au Champ de Mars dans un édifice

construit spécialement à cet effet. En 1930, le Musée de la Marine fut transféré au Trocadéro.

Toutefois, en 1935, décision fut prise de construire un grand abri souterrain sous la cour

d’Honneur, comme dans tous les bâtiments ministériels et répondant aux nécessités de

« défense passive ». En 1940, les Allemands réquisitionnèrent le bâtiment et y installèrent la

Kriegsmarine jusqu’à la fin de la guerre. En 1950, l’Hôtel de la Marine est sauvé in extremis

d’un vaste programme de restructuration qui projetait de démolir le bâtiment, en ne gardant

que la façade et les salons sur la place, afin d’en reconstruire un nouveau moderne tout en

béton avec climatisation, ascenseurs, grandes salles vitrées… Toutefois, grâce à l’intervention

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de l’administration des bâtiments civils qui rappelle le classement monument historique de

l’Hôtel de la Marine ce projet est abandonné.

En 1968, la prise de conscience de la valeur architecturale du bâtiment se traduit par la

création de l’Association des Amis de l’Hôtel de la Marine. C’est grâce à son action que des

travaux de restauration de la chambre de Marie-Antoinette et du Cabinet des Glaces seront

entrepris. Cependant, la suppression du régime des bâtiments civils et des palais nationaux en

1977 libéra le bâtiment de la tutelle du Ministère de la Culture et permis au Ministère de la

Défense de réaliser la restauration des salons. A partir de 1983, ce fut au tour de la cour du

Ministre, de la façade sur la place et de la grande cour. Enfin de 2006 à 2009, la dernière

campagne de restauration remis en état le péristyle et les salons de l’hôtel de la Marine grâce

au mécénat de Bouygues.

Cet historique de la présence de la Marine dans ce bâtiment nous a montré à quel point

cette « occupation » a profondément marqué et changé ce monument. L’Hôtel de la Marine

est aujourd’hui un édifice dont l’architecture et le décor sont à la fois des témoins de son

histoire mais aussi de l’histoire nationale. Toutefois, à l’horizon 2014, l’état-major de la

Marine devra quitter les lieux pour rejoindre le « Pentagone à la française » de Balard. La

question qui se pose alors est de savoir quelle nouvelle affectation trouver à cet édifice

emblématique ?

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La valeur patrimoniale de l’hôtel de la Marine

A l’occasion du départ de l’Etat-major, l’hôtel de la Marine doit faire l’objet d’une

réaffectation et d’une opération de valorisation. En vue d’orienter les futurs projets de

réutilisation en accord avec les caractéristiques de l’édifice, une étude sur la valeur

patrimoniale de l’hôtel a été commandée à Etienne Poncelet. Son objectif étant d’évaluer la

valeur patrimoniale de l’ensemble des bâtiments et de réaliser une critique d’authenticité des

diverses pièces.

En préambule de son étude Etienne Poncelet propose de déterminer la place de

l’édifice parmi les immeubles insignes de l’Etat et de la Nation. Après avoir inventorié les

vingt-huit immeubles insignes (résidences principales des rois et reines de France, lieux de

pouvoir de la République, lieux de représentation de l’Etat et de la Nation et lieux de

commémoration nationale60

) l’architecte en chef des monuments historiques a sélectionné

neuf lieux remarquables à partir de trois critères : « appartenir à la mémoire de la Nation »,

« être un lieu de représentation actuel de l’Etat et de la Nation » et « avoir une notoriété

internationale et un rayonnement universel ». En plus de son appartenance aux neufs lieux

insignes de la nation, Etienne Poncelet précise également que l’hôtel de la Marine est le

dernier grand bâtiment royal construit sous l’Ancien Régime61

.

Place de l’hôtel de la Marine parmi les neuf lieux remarquables

Critère Edifice concerné

« Appartenir à la mémoire de la

Nation »

- L’Arc de Triomphe

- Le palais Bourbon

- Les palais de la place de la Concorde dont l’hôtel

de la Marine qui représente l’Etat

« Etre un lieu de représentation

actuel de l’Etat et de la Nation »

- Le Palais de l’Elysée (Présidence de la République)

- L’Hôtel Matignon (Premier Ministre)

- Le Palais du Luxembourg (Sénat)

« Avoir une notoriété

internationale et un rayonnement

universel »

- Les Invalides et le tombeau de Napoléon Ier

- Le palais de Versailles (musée de l’histoire de

France sous Louis-Philippe) et le Trianon (lieu de

réception des hôtes officiels de la République)

- Le Panthéon (mausolée de toutes les gloires de la

France)

60

Voir annexe B : Les immeubles insignes de l’Etat et de la nation, page 83. 61

En excluant les résidences royales construites autour de Paris.

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D’après l’étude réalisée par Etienne Poncelet, nous pouvons analyser la valeur

patrimoniale de l’hôtel de la Marine d’un point de vue matériel et immatériel.

Valeur matérielle

La valeur matérielle s’illustre tout d’abord dans l’architecture de l’édifice. L’architecte

en chef des monuments historiques tient en effet à souligner la différence existant entre les

édifices côté ouest (Hôtels Coislin, Plessis-Bellière, Cartier et Crillon) et l’hôtel de la Marine.

Pour lui, les premiers ne sont que des « palais-décors […] reconstruits en hôtels –

restaurants, cercles et bureaux sur le principe d’une architecture métallique habillée en style

Louis XV »62

cachés derrière la première colonnade construite par Gabriel qui n’est

aujourd’hui qu’un « paravent décoratif » alors que l’hôtel de la Marine est présenté comme un

élément majeur de l’architecture du siècle des Lumières. Toujours selon l’auteur, cet édifice a

été un « modèle architectural dans les domaines académiques de l’ordonnance, des

proportions et des décors […] un modèle d’organisation des volumes entre eux, articulant de

manière particulièrement fonctionnelle deux hôtels avec leurs cours et basses-cours desservis

par leurs entrées latérales, réunis dans une seule et même institution »63

. Bien que modifié au

fil de ses utilisations successives, l’hôtel de la Marine a su conserver les dispositions

architecturales et l’aménagement prévus par Jacques-Ange Gabriel lors de sa construction.

L’hôtel de la Marine est donc un brillant témoin de l’architecture du XVIIIème

siècle.

La valeur matérielle se mesure également dans la richesse des décors. L’occupation

continue des lieux par une administration a permis la conservation des structures, des

matériaux, des formes et des décors car dans un souci d’économie rien n’a été détruit mais

chaque nouveau décor a été superposé aux anciens. Etienne Poncelet, qui répertorie pas moins

de cinq cent quarante-deux menuiseries de vingt-trois types différents, affirme que « la

plupart des menuiseries des premiers niveaux date du XVIIIème

siècle »64

. Si les décors de

l’appartement d’apparat de Thierry de Ville d’Avray sont complets, les décors des autres

appartements sont certes cachés mais toujours existants. A la richesse des décors s’ajoute la

collection des objets mobiliers de la Marine, hérités du Garde-meuble de la Couronne. Etienne

Poncelet a recensé pas moins de sept cent trente objets d’art dont deux cent soixante-sept

protégés au titre des monuments historiques répartis au premier étage, dans l’appartement de

62

Etienne Poncelet, Etude sur la valeur patrimoniale de l’hôtel de la Marine, décembre 2009, p. 35. 63

Ibid., p. 39 64

Ibid., p. 61

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La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’hôtel de la Marine

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Thierry de Ville d’Avray, dans les salles de réception et dans l’appartement de l’Amiral 65

. Il

convient également de mentionner que nombreux de ces objets mobiliers ont été conçu pour

l’hôtel de la Marine. L’hôtel de la Marine est donc un conservatoire de matériaux et savoir-

faire anciens, dont l’étude illustre l’évolution des techniques architecturales et des décors.

D’après Etienne Poncelet « nous sommes en présence d’un bâtiment conservé dans l’intégrité

presque complète de ses matériaux et de ses structures d’origine, même si certains éléments

ont parfois été réutilisés sur place ou complétés »66

.

Valeur immatérielle

La valeur immatérielle de l’hôtel de la Marine trouve ses fondements dans les

fonctions attribuées au monument : urbaine, sociale, utilitaire, administrative. La première est

urbaine. En effet, comme nous l’avons vu dans l’historique de la construction de l’édifice, les

façades des deux palais dessinées par Jacques-Ange Gabriel étaient tout d’abord destinées à

servir de décors urbains à la place chargée d’accueillir la statue équestre de Louis XV. De

plus, les angles de chacun des deux palais font écho, par leur architecture, à la Madeleine et

au Palais Bourbon. Les palais de la place de la Concorde ont ainsi un rôle structurant pour le

paysage urbain environnant.

La fonction sociale est la deuxième valeur immatérielle. L’hôtel de la Marine traduit,

dans son architecture, la hiérarchie sociale de l’époque avec au rez-de-chaussée la galerie

publique accessible à la population (reprise dans l’architecture des bâtiments de la rue de

Rivoli) et au premier étage, la loggia (ou péristyle) dont la fonction de représentation du

pouvoir fut utilisée par les rois, empereurs et présidents de la République de manière

continue67

. De plus, la répartition même de l’édifice, lorsqu’il était le Garde-Meuble de la

Couronne, traduit cet aspect social. Le bâtiment comprenait aussi bien les logements des

ouvriers et manœuvres que ceux de l’Intendant du garde-meuble, du Garde Général et des

Inspecteurs. Le tout agrémenté d’un espace sacré, la chapelle des résidents qui a aujourd’hui

disparu. A cela s’ajoute la présence des artisans. L’hôtel de la Marine est donc un bâtiment

traduisant une grande mixité sociale.

65

Ibid., p. 84 66

Ibid., p. 96 67

En 1778, présentation du dauphin de France depuis la loggia de l’hôtel du Garde-Meuble de la Couronne. En 1836, Louis-Philippe assiste à l’érection de l’obélisque de Louxor depuis la loggia de l’hôtel de la Marine. En 1989, à l’occasion de la Fête du bicentenaire de la Révolution, François Mitterrand reçoit ses invités sur le péristyle.

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L’hôtel de la Marine

52

Enfin, les deux autres valeurs immatérielles résident dans la présence du Garde-

Meuble de la Couronne puis de l’état-major de la Marine. Le garde-meuble était une

administration royale qui jouait un rôle important à l’époque : dépôt des meubles de la

couronne (stockage et ateliers), manufacture du palais (espace de création) , conservatoire des

objets de représentations du pouvoir (les regaliae : armes anciennes et historiques, bijoux et

diamants de la couronne…) et musée.

La présence du Ministère de la Marine dans l’édifice, pendant deux siècles, est

significative pour la valeur patrimoniale car outre les modifications architecturales et

ornementales qui ont donné un nouveau prestige à l’édifice, l’hôtel de la Marine se trouva

ainsi au cœur de nombreux événements historiques. Le bal du sacre dans les salons en

décembre 1804, la signature de l’acte d’abolition de l’esclavage par Victor Schœlcher, sous-

secrétaire d’Etat à la Marine, en 1848, l’installation du commandement militaire allemand de

Paris dans l’hôtel en 1941 et la construction du blockhaus dans la grande cour sur deux

niveaux de sous-sol sont tout autant d’éléments qui positionnent l’hôtel de la Marine au cœur

de l’histoire de France.

La valeur patrimoniale de l’hôtel de la Marine, édifice entièrement classé au titre des

monuments historiques, se traduit d’un point de vue matériel dans ses qualités architecturales,

urbanistiques et ornementales ainsi que d’un point de vue immatériel dans ses liens perpétuels

avec l’art français et la création et dans la mémoire qu’il porte de l’histoire du pays. Les futurs

projets de réutilisation de l’édifice devront donc veiller à respecter l’esprit général du

bâtiment et ne pas modifier les traces de ses occupations successives, témoins de l’histoire de

ce monument historique. Etienne Poncelet insiste sur la nécessité de « respecter l’esprit

général du monument et l’enrichissement des strates successives de son évolution »68

et

avance un certain nombre d’usages qu’un futur projet de réaménagement devra privilégier

pour respecter le sens du monument et ses fonctions originelles :

- Lieu d’expression du savoir-faire et de l’excellence de l’art français

- Lieu d’exposition et de conservation des collections concernant les arts décoratifs

- Lieu de fréquentation du public, pour le plaisir esthétique et la connaissance

- Lieu de représentation du pouvoir, conservant l’accès et l’usage permanent pour

les autorités de l’Etat à la loggia et aux salons de réception

68

Op. Cit., p. 93

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La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’hôtel de la Marine

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Légende :

Salles de réception et péristyle

Visite de l’appartement d’apparat

Visite de l’Aile Royale

Musée interactif de la Marine

- Lieu de mémoire des activités de la Marine sous la forme ancienne du ministère de

la Marine et des Colonies comme sous la forme actuelle de l’Etat-major de la

Marine.

S’agissant de l’ouverture au public de l’hôtel de la Marine, pour Etienne Poncelet

« l’essentiel de la découverte de l’hôtel peut se faire en visitant le premier étage que l’on

pourrait appeler le « bel étage de la Marine » »69

. Visite qui permettra, toujours selon ses

propos de découvrir « les quatre éléments majeurs qui font la valeur patrimoniale de l’hôtel

de la Marine » 70

, à savoir :

- Les salles de réception et le péristyle

- L’appartement d’apparat de l’Intendant du garde-meuble Thierry de Ville d’Avray

(appartement qui permettrait, selon Etienne Poncelet, de présenter les collections

de la Marine)

- Les deux appartements de commodité du garde-meuble et de Monge (qui

correspondent aux actuels bureaux du Chef d’Etat-major et de ses collaborateurs

directs)

- Le « musée interactif » de la Marine (illustré par le Centre des Opérations

Maritimes (COM) qui, d’après l’étude d’Etienne Poncelet, serait le meilleur

témoin de l’activité de la Marine).

69

Ibid., p. 128 70

Ibid.

Figure 6 - Parcours de visite proposé par Etienne Poncelet (© Etienne Poncelet, Etude sur la valeur patrimoniale de l’hôtel de la Marine, décembre 2009, p. 131)

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La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’hôtel de la Marine

54

Cette deuxième partie nous a permis d’appréhender l’évolution des actions en faveur

du patrimoine depuis les dix dernières années et de souligner les nouvelles orientations de la

politique immobilière de l’Etat. Ceci nous permettant de comprendre la situation dans laquelle

se trouvent les monuments historiques aujourd’hui et le contexte dans lequel a émergé l’idée

de la cession de l’hôtel de la Marine par un appel à projets de réutilisation du bâtiment

historique. En étudiant l’historique de la construction de l’édifice et en appréciant les valeurs

patrimoniales de ce monument nous comprenons aisément que sa réutilisation ne se fera pas

sans polémiques car quelle utilisation est acceptable pour un monument emblématique du

patrimoine national ? C’est ce que nous tenterons de définir en retraçant et analysant le débat

lancé en 2007 par la rumeur de la vente de l’édifice.

« A l’instar du pavillon tricolore solidement armé au bâtiment amiral par le

roi des français et qui doit continuer de flotter quotidiennement sur la place de

la Concorde, le palais de la Royale doit, quelques soient les flots qui le

porteront, continuer de nous parler de France » 71

.

71

Ibid., p. 133

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L’hôtel de la Marine

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L’AVENIR DE L’HOTEL DE LA MARINE

Un monument au cœur des débats

Figure 7 - L'Hôtel de la Marine. Situé au cœur de Paris ce monument emblématique du patrimoine national risque d'être vendu pour financer le nouveau "pentagone à la

française". (© Photo prise par l'auteur en septembre 2011).

Le destin de l’hôtel de la Marine a été au cœur des préoccupations du monde

patrimonial pendant environ cinq années. Afin de comprendre les enjeux de cette affaire, il

convient de revenir sur sa chronologie. Tout commence en 2007 lorsque Nicolas Sarkozy

annonce à l’issue de la première réunion du conseil de modernisation des politiques

publiques, le regroupement des états-majors des armées (dont les 1 000 marins installés à

l’hôtel de la Marine) dans un seul et même site. Un projet encouragé par le Ministre de la

Défense de l’époque, Hervé Morin, et qui entrainerait la construction d’un véritable

« Pentagone à la française » dans le quartier dénommé « Balard » du XVème

arrondissement

de Paris. Malgré l’utilité probable d’une telle mesure ce projet suscite la polémique car

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La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’hôtel de la Marine

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comme le souligne un fonctionnaire de l’Etat « Cette opération ne coûterait pas un centime à

l’État et pourrait même lui en faire gagner »72

. En effet, le financement d’un tel projet

reposerait sur la vente de trois hectares de foncier constructible à Balard (propriété du

Ministère de la Défense) et sur la vente des immeubles ainsi libérés dans le centre de Paris : à

savoir ceux du boulevard Saint-Germain (où sont logés l’état-major de l’armée de terre et

l’état-major des armées) et l’hôtel de la Marine (occupé par l’état-major de la Marine). Le

seul édifice conservé étant l’hôtel de Brienne, qui héberge les actuels bureaux du Ministre de

la Défense et deviendrait un lieu de réception. La polémique est lancée. L’hôtel de la Marine,

estimé entre 400 et 500 millions d’euros73

, va être vendu. Annonce qui suscite un profond

émoi parmi les défenseurs du patrimoine qui commencent à se mobiliser pour empêcher la

vente d’un monument emblématique du patrimoine national. Pour Olivier de Rohan-Chabot,

président de l’association des Amis de l’hôtel de la Marine, « il est inconcevable qu’un édifice

construit par l’Etat et pour l’Etat, qui a conservé ses meubles d’origine qui plus est, soit

vendu sans autre forme de procès et uniquement parce qu’on veut le rentabiliser »74

.

Devant ces réactions, le Ministre de la Défense est contraint de changer ses projets et de

décider de garder l’hôtel de la Marine : « Ce bâtiment appartient à l’histoire du pays […] Il

est situé dans un lieu exceptionnel où la République peut très bien donner ses réceptions ». Il

serait donc ouvert à la location pour des groupes privés ou pour des événements personnels,

comme par exemple des mariages75

. Toutefois, la rumeur d’une vente ou cession du bâtiment

plane encore. Le 23 février 2009, dans un article intitulé « L’Etat va-t-il se débarrasser de

l’Hôtel de la Marine ? »76

Didier Rykner affirme que pour le Ministère de la Défense « la

vente a été décidée et celle-ci serait imminente » alors que pour le Ministère de la Culture la

conservation du bâtiment comme propriété de l’Etat semble être acquise : « le bâtiment

pourrait être affecté à une grande institution de l’Etat et le mobilier resterait en place, avec

un accès possible au public ». La vente de l’hôtel de la Marine apparait pour certains d’autant

plus scandaleuse que le péristyle, les salons et la galerie d’apparat du premier étage viennent

d’être entièrement restaurés grâce au mécénat de Bouygues77

. Une restauration respectueuse

72

ROYAN Anne, « Défense : vers un Pentagone à la française », Le Figaro, 10 décembre 2007. 73

MARMARA Jean-Christophe, « L’avenir incertain de l’hôtel de la Marine », Le Figaro, 19 mars 2009. 74

BOMMELAER Claire, « Bataille autour de l’hôtel de la Marine », Le Figaro, 23 octobre 2010. 75

« Marine Nationale. L’Hôtel de la Marine transformé en lieu de réception de la République ? », Mer et Marine, 8 janvier 2008. (www.meretmarine.com) 76

RYKNER Didier, « L’Etat va-t-il se débarrasser de l’Hôtel de la Marine ? », La Tribune de l’Art, 23 février 2009. 77

Voir le numéro hors-série n°140 (2009) de la revue Connaissance des Arts consacré à L’Hôtel de la Marine.

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La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’hôtel de la Marine

57

du bâtiment dont le maître d’œuvre fut l’architecte en chef des monuments historiques,

Etienne Poncelet.

Le 26 mars 2009, la décision est officielle, l’hôtel de la Marine sera proposé à la

location via un bail de longue durée78

. Annonce confirmée en août 2009 par le Ministère de la

Défense « en raison de son intérêt historique et architectural unique, il a été décidé que l’Etat

ne vendrait pas l’hôtel de la Marine mais rechercherait des modalités adaptées de

valorisation de ce bien. Il est ainsi envisagé de lancer un appel à projet et de confier, selon

une forme juridique et des modalités financières appropriées, la totalité de l’entretien et des

travaux d’aménagement à un repreneur »79

.

Que va devenir l’hôtel de la Marine ? A côté des rumeurs les plus folles, comme celle

d’une boite de nuit, des repreneurs plus « sérieux » se dévoilent comme le groupe hôtelier

Accord, la Cour des Comptes (qui serait intéressée par les bureaux) ou encore l’homme

d’affaire et patron du nouvel hôtel Royal Monceau qui voudrait en faire une sorte de « Villa

Médicis parisienne ». D’autres, comme l’inspecteur général honoraire des monuments

historiques, Christian Prévost-Marcilhacy, proposent d’en faire un « lieu de résidence pour les

grands hôtes étrangers de la France »80

. Jean Ducros, secrétaire général de l’association des

Amis de l’hôtel de la Marine imagine qu’on pourrait y installer la future Maison de l’histoire

de France.

Toutefois, un problème majeur se pose. Le statut juridique de l’hôtel de la Marine, qui

appartient au domaine public, empêche sa location. L’Etat demande donc un rapport à un

grand cabinet d’avocat parisien, Gide-Loyrette-Nouel, afin de déterminer les solutions

possibles pour contourner cet obstacle81

. C’est ainsi que le 23 juillet 2010, par l’article 11 de

la « loi relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services »82

, l’État

obtient la possibilité de louer ses biens immobiliers par bail emphytéotique administratif83

78

RYKNER Didier, « L’hôtel de la Marine va effectivement être loué en bail emphytéotique », La Tribune de l’Art, 27 mars 2009. 79

Réponse du Ministère de la Défense à Madame François de Panafieu, Journal Officiel du 11 août 2009, page 7868. 80

MARMARA Jean-Christophe, « L’avenir incertain de l’hôtel de la Marine », Le Figaro, 19 mars 2009. 81

RYKNER Didier, « Problème concret : comment hypothéquer l’hôtel de la Marine », La Tribune de l’Art, 22 octobre 2009. 82

Voir annexe C page 85. 83

La bail emphytéotique ou « emphytéose » est un bail de location de très longue durée (entre 18 et 99 ans en droit français) qui confère au locataire un droit réel sur le bien immobilier, ce dernier devant quasi-propriétaire du bien.

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L’hôtel de la Marine

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pour une période longue allant jusqu’à 99 ans, soit trois générations. Mesure permettant ainsi

de louer l’hôtel de la Marine dans de telles conditions.

Quatre mois plus tard, le 27 novembre 2010, la décision est officielle, l’appel à projet

relatif à la reprise de l’hôtel de la Marine est publié au Journal Officiel de l’Union

Européenne84

. Le texte ne suppose presque aucunes contraintes pour le repreneur : pas de

mention du mobilier historique, pas de nécessité de garantir l’accès du monument au public,

pas de restrictions d’usage. Le candidat est seulement informé de l’existence d’une étude sur

la valeur patrimoniale de l’édifice85

et d’un procès-verbal de la commission nationale des

monuments historiques qui valide cette étude. La publication au Journal Officiel est suivie au

début du mois de décembre 2010, par la mise en ligne de l’annonce en tête des offres de

cessions du site internet de France Domaine. Sur l’illustration ci-dessous, la date limite de

dépôt des candidatures est reportée au 1er

juin 2011, alors qu’elle était initialement fixée au 17

janvier 2011, ce qui laissait aux potentiels candidats un mois pour concevoir leur projet.

Figure 8 - Annonce de l'appel à projets relatif à la réutilisation de l'hôtel de la Marine (© Capture d'écran à partie du site internet de France Domaine,

http://www2.budget.gouv.fr/cessions/)

Les réactions ne se font pas attendre. Le G8 Patrimoine, regroupement des associations

nationales de sauvegarde du patrimoine bâti et paysager, envoie une lettre au premier

Ministre, François Fillon. Les présidents des associations y expriment leur volonté que l’Etat

garde une activité dans ce « palais régalien » et que « l’hôtel de la Marine reste au service de

84

Voir annexe D page 86. 85

PONCELET Etienne, « Hôtel de la Marine. Etude sur la valeur patrimoniale », Décembre 2009.

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La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’hôtel de la Marine

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la France »86

. L’association des Amis de l’hôtel de la Marine, lance une pétition87

. Son

président, également président de La Sauvegarde de l’art français88

, mobilise Valéry Giscard

d’Estaing, un des premiers à la signer : « J'ai signé la pétition lancée par Olivier de Rohan-

Chabot pour que l'Etat garde ce monument. En effet, si nous pouvons comprendre que l'Etat

soit conduit à se défaire de bâtiments dont il n'a plus l'usage et dont l'entretien constitue de

trop lourdes charges, il doit cependant, auparavant, prendre en compte l'intérêt patrimonial

du bâtiment. »89

L’ancien président de la République souhaite que le bâtiment connaisse une

affectation plus actuelle comme celle d’un musée ouvert au public et propose qu’on y installe

les collections du Musée des Arts Décoratifs. Olivier de Rohan-Chabot espère quant à lui que

Nicolas Sarkozy décidera d’y installer la Maison de l’Histoire de France, qui peine à trouver

des locaux, ou un musée de la marine.

D’autres idées de réutilisation de ce bâtiment vont émerger. Un groupe de juristes et de

hauts fonctionnaires, Alcofribas Nasier, proposera d’en faire un « hôtel des libertés

publiques »90

. Jean-Robert Pitte, responsable de la Mission du patrimoine alimentaire, voudra

quant à lui transformer le bâtiment en une « Cité Internationale de la Gastronomie ».91

L’Emir du Qatar envisagerait d’en faire un complexe culturel avec galeries d’art et salles de

vente.92

Un collectif d’historiens propose d’en faire un « Musée de l’esclavage, de la

colonisation et de l’outre-mer »93

(MECOM) en souvenir du décret d’abolition de l’esclavage

qui fut signé en 1848 dans l’hôtel de la Marine. L’entrepreneur Alain Destrem, élu UMP,

aimerait quant à lui y installer une résidence gérée par le groupe hôtelier Shangri-La (qui a

déjà racheté le palais princier de Roland Bonaparte, situé dans le XVIème

arrondissement

parisien, pour le transformer en palace). Tout autant de projets qui montrent l’inspiration

suscitée par l’hôtel de la Marine. Toutefois, pour Claire Bommelaer, la publication de l’appel

à projets sonne la fin des espoirs des défenseurs de l’hôtel de la Marine : « le « vrai » choix a

de toute façon déjà été fait : pour des raisons budgétaires, il n’y aura ni résidence pour hôtes

86

Voir annexe E page 93. 87

http://www.hotel-marine-paris.org/index.php 88

http://www.sauvegardeartfrancais.fr/ 89

PIGOZZI Caroline, « Valéry Giscard d’Estaing. « L’Hôtel de la Marine fait partie du patrimoine national » », Paris Match, 3 avril 2010. 90

Alcofribas Nasier, « Proposition pour un « hôtel des libertés publiques », Libération, 1er

juin 2010. 91

« Une Cité de la gastronomie dans l’hôtel de la Marine ? », Le Journal des Arts, 28 septembre 2010. 92

Journal des Arts n°388 (du 7 au 20 janvier 2011). 93

Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Esther Benbassa, Catherine Coquery-Vidrovitch, Marcel Dorigny, Benoît Falaize, Yvan Gastaut, Gilles Manceron, Pap Ndiaye, Benjamin Stora, Françoise Vergès et Ahmed Boubeker, « Faire de l’hôtel de la Marine un musée de l’esclavage. Sauvons ce lieu de la mémoire nationale et coloniale », Le Monde, 19 janvier 2011.

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étrangers, ni musée de la marine à cette adresse prestigieuse. Les défenseurs du patrimoine,

qui militaient pour de vraies solutions, viennent de perdre une sacrée bataille »94

.

Le projet le plus sérieux, aux yeux de l’Élysée, reste donc celui du groupe Allard, « La

Royale », un projet chiffré à environ 200 millions d’euros95

qui prévoit des galeries d’art, un

espace pour les ventes aux enchères, un restaurant et des résidences de luxe pour les mécènes

et artistes. Alexandre Allard, un financier de 42 ans, semble être le candidat préféré.

Accompagné de Renaud Donnedieu de Vabres, ancien ministre de la culture, il est soutenu

par un très grand nombre de personnalités influentes du milieu artistique96

et du Syndicat des

maisons de vente aux enchères (Symev)97

.

Après l’inquiétude provoquée par l’idée d’une vente pure et simple de l’hôtel de la

Marine au plus offrant c’est donc la préférence de l’Etat pour le projet d’un investisseur privé

qui suscite la colère des défenseurs du patrimoine : « Ne voyant dans l’édifice de Gabriel

qu’une source de dépense, incapable de comprendre la signification patrimoniale et

symbolique d’un tel monument, l’un des fleurons de la Nation depuis sa construction au

milieu du XVIIIème

siècle, le Président de la République est prêt à s’en débarrasser au profit

d’Alexandre Allard et de son conseiller, l’ancien ministre de la Culture, Renaud Donnedieu

de Vabres »98

. D’autant plus que le porteur de ce projet, qui a fort mauvaise réputation dans le

monde culturel à cause de la « demolition party » organisée en juin 2009 dans les murs de

l’ancien Royal Monceau, cherche à obtenir une modification de l’article L251-1 du code de la

construction pour pouvoir emprunter et amortir son investissement en hypothéquant l’hôtel de

la Marine et que le rapport du sénateur Albéric de Montgolfier consacré à la valorisation

économique du patrimoine propose la location de certains monuments, comme l’hôtel de la

Marine, sur la longue durée et plaide pour une plus grande exploitation économique du

patrimoine99

.

La tension règne auprès des défenseurs du patrimoine qui s’indignent de voir un

« fleuron » du patrimoine national soumis à des intérêts purement économiques et

94

BOMMELAER Claire, « Un appel à projets pour l’hôtel de la Marine », Le Figaro, 26 novembre 2010. 95

BOMMELAER Claire, « Bataille autour de l’hôtel de la Marine », Le Figaro, 23 octobre 2010. 96 Voir « Hôtel de la Marine : Osons la rupture. Osons la culture », Lettre ouverte au Président Giscard d’Estaing

(www.la-royale.fr) 97

ROBERT Martine, « L’hôtel de la Marine pourrait bientôt concurrencer Drouot », Les Echos, 14 janvier 2011. 98

RYKNER Didier, « Nicolas Sarkozy prêt à sacrifier l’hôtel de la Marine », La Tribune de l’Art, 1er

mai 2010. 99

« Des hôtels dans les monuments historiques », Artclair.com, 8 octobre 2010.

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commerciaux. Olivier de Rohan-Chabot s’indigne : « La promotion de la culture française,

comme disent ceux qui en réalité veulent privatiser ce lieu chargé d’histoire, consiste à faire

venir Vuitton et Hermès, et à transformer le bâtiment en annexe du Crillon ».100

Le 11 janvier

2011, des historiens lancent un appel au président de la République et refusent que l’hôtel de

la Marine soit transformé en « barnum commercial assorti de suites de luxe »101

. Deux

journalistes estiment que la guerre est déclarée entre « maniaques de la dorure » et

« marchands du temple »102

. Le 19 janvier 2011, comme pour apaiser les esprits et clore le

débat, le Président de la République, lors de ses vœux au « Monde de la Culture et de la

connaissance », annonce la mise en place d’une « Commission composée de gens

indépendants pour voir quelle est la meilleure utilisation de l’hôtel de la Marine ».103

Dans la

continuité de cette annonce, l’Ifop organise un sondage sur « Les Français et l’avenir de

l’hôtel de la Marine »104

auprès d’un échantillon de 1007 personnes105

. Même si nous

pouvons émettre quelques réserves vis-à-vis de la tournure de la question posée106

, qui

pourrait influencer la réponse des personnes interrogées, les résultats montrent clairement que

les français sont à 71% opposés à l’idée de vendre les monuments historiques au secteur

privé. L’enquête que nous avons réalisée nous a montré que d’une part, 84 %107

des sondés

pensent que l’Etat a tort de vendre ses monuments et que pour 83 % d’entre eux la location

n’est pas un bon compromis. D’autre part, 86 % des personnes interrogées considèrent que

l’Etat a tort de louer l’hôtel de la Marine.

Le 4 février 2011, le monde patrimonial apprend que c’est l’ancien président de la

République, Valéry Giscard d’Estaing qui est désigné à la tête de la Commission sur l’avenir

de l’hôtel de la Marine108

. La date limite de dépôt des candidatures, déjà repoussée à février,

est reportée au 1er

juin. Avec la création de cette commission, une question revient dans les

débats : faut-il privatiser l’hôtel de la Marine ? Les opinions divergent. D’autant plus que

Valéry Giscard d’Estaing avait clairement affiché son opposition à la cession de l’édifice à un

100

CHEMIN Ariane, ETCHEGOIN Marie-France, « Les petits et grands travaux de Donnedieu », Le Nouvel Observateur, 16 – 22 décembre 2010. 101

Voir annexe F page 94. 102

Ibid. 103

RYKNER Didier, « Hôtel de la Marine : Nicolas Sarkozy annonce la création d’une commission », La Tribune de l’Art, 19 janvier 2011. 104

Voir annexe G page 95. 105

Echantillon représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. 106

Il ne s’agit en effet plus de « vendre » l’hôtel de la Marine mais de confier sa gestion à un opérateur privé. 107

Voir les résultats de notre enquête dans les outils méthodologiques. 108

Voir annexe H page 96.

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quelconque investisseur privé. Le 5 mai 2011, à sa demande, le Ministère du Budget met fin à

l’appel à projet, ce qui laisse le temps à la commission d’auditionner la dizaine de candidats à

la reprise de l’édifice de la place de la Concorde109

. Mais alors qu’Alexandre Allard défend

son projet, « La Royale », la rumeur d’un nouveau candidat de taille s’amplifie : Le Louvre110

.

L’institution proposerait en effet de transférer ses bureaux dans la partie arrière de l’hôtel de

la Marine, de consacrer les appartements historiques à des expositions temporaires et de

dédier une salle à l’exposition des « bijoux de la Couronne »111

.

Figure 9 - Valéry Giscard d'Estaing, président de la Commission sur l'avenir de l'hôtel de la Marine, remet son rapport à Nicolas Sarkozy, ancien président de la République.

(© Présidence de l'Elysée / Flickr)

Le 12 juillet 2011, le choix du Louvre comme « partenaire privilégié de l’Etat » est

confirmé par le communiqué de la Commission sur l’avenir de l’hôtel de la Marine : « […] il

apparaît que l’Etablissement Public du Louvre pourrait être retenu comme partenaire

privilégié de l’Etat. Il lui appartiendrait d’assurer la présentation au public, directement ou

sous forme d’expositions temporaires, des objets d’art et des collections faisant partie du

patrimoine national. La galeries affectées à cette présentation prendraient le nom de

109

EVIN Florence, « Bercy interrompt l’appel à projets pour l’hôtel de la Marine », Le Monde, 7 mai 2011. 110

EVIN Florence, « Le Louvre est candidat pour l’hôtel de la Marine », Le Monde, 30 juin 2011. 111

FOUQUET Sophie, « Hôtel de la Marine, vers une solution en faveur du Louvre ? », Artclair.com, 8 juillet 2011.

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Alix PANTZ

La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’hôtel de la Marine

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« Galerie du Trésor Français » […]». 112

La commission propose en outre d’affecter les

bureaux de l’ancien hôtel Saint Florentin à la Cour des Comptes ainsi que des locaux à

l’Académie de la Marine mais également de louer des espaces de bureaux pour contribuer à

l’équilibre financier du projet. Enfin, le 24 janvier 2012, Nicolas Sarkozy confirme

l’affectation de l’hôtel de la Marine au Louvre : « Je fais miennes les conclusions de la

commission du président Giscard d’Estaing […] les zones patrimoniales de l’Hôtel de la

Marine seront ouvertes au public sous la responsabilité du Louvre, qui y présentera des

pièces de très grande valeur, historiques et artistiques […] les cours principales étant

transformées en rues piétonnes, les emplacements du rez-de-chaussée étant concédés aux

métiers d’art et aux civilisations françaises »113

.

La polémique autour de la réaffectation de l’hôtel de la Marine aura donc suscité de

nombreux débats. Pour comprendre leurs conséquences sur la conception de la notion de

patrimoine et sur la gestion des monuments historiques appartenant à l’Etat, il nous semble

indispensable d’analyser les deux projets phares de réutilisation de l’hôtel de la Marine : La

Royale et celui du Louvre.

112

Voir annexe I page 98. 113

RYKNER Didier, « L’affectation de l’hôtel de la Marine au Louvre confirmée par Nicolas Sarkozy », La Tribune de l’Art, 24 janvier 2011.

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Alix PANTZ

La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’hôtel de la Marine

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La Royale / le Louvre

La bataille autour de la reprise de l’hôtel de la Marine nous a montré que pour certains

les monuments historiques, et le patrimoine en général, devaient être placés dans une autre

logique, plus active que la conservation pure et simple de cet héritage national. Pour

Alexandre Allard, « le patrimoine est source de rayonnement et de richesses ». Ainsi, avec

son projet « La Royale » il souhaitait faire de l’hôtel de la Marine « un centre de rencontres

entre créateurs (artistes, artisans d'art, musiciens…), producteurs et marchands,

collectionneurs et passionnés »114

.

Le projet du groupe Allard repose sur quatre principes : la restauration intégrale du

bâtiment, la restitution du bâtiment aux artisans d’art (pour lui rendre sa fonction initiale, le

Garde-meuble de la Couronne), la volonté de dédier ce lieu à la création, l’exposition et la

vente d’art et enfin, la nécessité d’ouvrir le

bâtiment au public. Le projet, conçu avec

Jean Nouvel, s’articule autour de différents

espaces dédiés à l’art (en violet), aux

métiers d’art (en rouge) et à l’art culinaire

(en bleu). Mais aussi des suites pour les

grands mécènes et des artistes invités à

résidence, le Cercle de la Royale et une

Fondation (en vert).

Ainsi, les bureaux administratifs

auraient laissé la place à des espaces de

création (ateliers d'artistes, studios

d'enregistrement, cinéma pour la

postproduction de films, salle de concert) et

de promotion (galerie de présentation

d'œuvres d'artisans d'art, galerie d'art, librairie d'art et de résidence pour fixer sur place les

acteurs du monde de la création). Les salons d'apparat auraient quant à eux accueilli des

ventes aux enchères et des expositions ouvertes au public ce qui aurait permis de réaliser des

partenariats avec des institutions culturelles publiques ou des fondations. Les cours, couvertes

114

Entretien avec Rémy Fleury, chargé de mission du groupe Allard.

Figure 10 - Le projet du groupe Allard, « La Royale » (© La Royale)

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Alix PANTZ

La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’hôtel de la Marine

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Architecture

3/10

Intérêt général

6/10

Esprit des lieux

6/10

dans ce projet, auraient offert des lieux de vie avec café et restaurant. Soutenu par les

principales associations françaises d'artisans d'art, le syndicat national des maisons de vente

(SYMEV) et près de deux cents créateurs, le projet « La Royale » repose sur un modèle

économique assurant son autofinancement.

Pour Alexandre Allard l’objectif est de « retrouver le lustre et l’esprit du lieu, quand il

s’appelait l’hôtel du Garde-Meuble, au XVIIIème

siècle, et portait haut la création du royaume

en impulsant des styles nouveaux »115

. Toutefois, devant la méfiance des défenseurs du

patrimoine vis-à-vis de cet homme d’affaire son projet n’a pas été choisi. Mais pourquoi ?

Analysons le projet « La Royale » selon les aspects à respecter pour assurer la

réutilisation et la valorisation d’un monument dans les conditions que nous avions déterminé

dans notre première partie. Il s’agissait du respect de l’architecture, de l’esprit des lieux et de

l’intérêt général. La figure ci-contre indique

les notes que nous pourrions attribuer à ce

projet en fonction de ces aspects.

S’agissant de l’architecture, le projet

« La Royale » semble respecter l’architecture

mais la nature des installations prévues

(studios d'enregistrement, cinéma pour la

postproduction de films, salle de concert,

restaurant et café) pourrait paraître quelque

peu inadaptée à l’architecture de l’édifice,

même si ces installations ne seront pas dans les

parties dites « nobles ». De plus, la couverture

des cours va à l’encontre des préconisations du

rapport d’Etienne Poncelet116

et porterait

directement atteinte à l’équilibre architectural de l’hôtel de la Marine.

D’un point de vue de l’esprit des lieux, le projet du groupe Allard cherche à revenir à

la fonction première du monument historique, celle de Garde-meuble de la Couronne, en

ouvrant les espaces aux artistes, artisans mais aussi aux visiteurs. Cet aspect traduit un certain

115

Dossier de presse du projet La Royale (www.la-royale.fr) 116

PONCELET Etienne, Etude sur la valeur patrimoniale de l’hôtel de la Marine, décembre 2009, p. 99

Figure 11 - Analyse du projet "La Royale" selon les trois critères

"architecture", "esprit des lieux" et "intérêt général".

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Alix PANTZ

La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’hôtel de la Marine

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respect de l’esprit des lieux et de l’âme du monument, destiné à la promotion de l’art français

et de la création. Cependant, la présence de la Marine, qui a tout de même occupé les lieux

pendant environ deux cents ans (bien plus longtemps que le Garde-meuble de la Couronne)

n’est que peu mentionnée dans ce projet117

même si un « Cercle de la Royale » est prévu :

« un espace réservé, le Cercle de La Royale, lieu de rencontre privilégié des marins,

armateurs, constructeurs, navigateurs, écrivains, peintres de marine, amoureux de la mer du

monde entier. Un espace qui accueillera ou retransmettra les grands événements du monde

nautique et maritime qui pourront se voir ouvrir d’autres espaces en fonction de la

programmation de la Royale. De même que les salons d’honneur, au premier étage, pourront

continuer de recevoir les principales manifestations de la Marine nationale. »118

Enfin, en ce

qui concerne le respect de l’intérêt général, le projet du groupe Allard semble respecter

relativement bien ce principe, même si quelques parties ne seront surement pas accessibles à

tous en raison de leur fonction (studios d’enregistrement, résidences pour les artistes), car

l’hôtel de la Marine sera ouvert aux artisans, aux artistes et au public.

Figure 12 - Présentation du projet

« La Royale » (© www.la-royale.fr)

« La Royale » est (ou était) donc un projet innovant mais il n’aurait pas rencontré

autant d’opposants s’il avait été prévu pour un monument moins important, moins

emblématique que l’hôtel de la Marine. L’ancien Garde-meuble de la Couronne, comme nous

l’avons vu précédemment, est lié à l’histoire du pays et fut le théâtre de nombreux

117

Dans le dossier de presse du projet « La Royale » seulement une page fait mention de la part réservée à la Marine dans le réaménagement de l’hôtel de la Marine. 118

Op. Cit., p. 28

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Alix PANTZ

La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’hôtel de la Marine

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événements majeurs de notre histoire nationale. De plus, il est situé en plein cœur de Paris, sur

une des places les plus connues de la capitale. A cela, s’est ajouté le fait qu’il s’agit d’un

monument construit pour l’Etat et qui est resté occupé par des administrations depuis sa

création. Porté par un investisseur privé qui n’a pas hésité à vendre ses parts du Royal

Monceau au Qatar pour financer le projet, ses opposants craignaient ainsi qu’il fasse la même

chose avec l’hôtel de la Marine : « il est probable que cinq ans plus tard, c’est un émirat du

Golfe qui en deviendrait propriétaire »119

. Défendu par Renaud Donnedieu de Vabres, lui

aussi très critiqué pour ses actions envers la culture, le projet n’a pas abouti. Malgré sa

conception et sa volonté de valoriser l’hôtel de la Marine grâce à un projet comprenant

l’édifice dans son ensemble, et non pas en le fractionnant, « La Royale » a été rejeté, décision

suscitant la colère de son initiateur : « Je ne vais pas me laisser faire. C’est un geste désespéré

de la présidence de la République. Le quinquennat le plus pauvre en la matière [la

culture] »120

.

C’est donc le Louvre, en partenariat avec la Caisse des Dépôts, chargée de l’expertise

juridique et financière, qui aura la charge du projet scientifique et culturel destiné à valoriser

ce haut lieu d’histoire. Pour Henri Loyrette, président du Musée du Louvre, l’objectif est de

« retrouver l’esprit des lieux. Il faut raconter une histoire riche des diverses occupations et

recréer avec d’autres partenaires la grande histoire renouvelée de la création française »121

.

Le projet ainsi élaboré se divise en quatre grands espaces aux fonctions bien différentes. Il

prévoit donc :

- Un espace d’exposition avec la création d’une « Galerie du Trésor Français » qui

s’étendrait, au premier étage de l’hôtel de la Marine, dans les grands salons d’apparat et

les appartements adjacents dans lesquels seront exposés les bijoux de la Couronne

conservés au Louvre. Cet ensemble serait ouvert au public, ainsi que le péristyle. Il est

également prévu que le Louvre s’associe au Mobilier National, aux Manufactures de

Sèvres et des Gobelins, ainsi qu’aux Arts Décoratifs et au Cabinet des Médailles. Cette

disposition ferait donc appel à la mémoire du Garde-meuble de la Couronne.

119

Propos tenus par Valéry Giscard d’Estaing lors de la table-ronde organisée par les Vieilles Maisons Françaises intitulée « Quel avenir pour le patrimoine national ? », 22 juin 2011. 120

EVIN Florence, « Hôtel de la Marine : la bataille prend fin », Le Monde, 2 février 2012. 121

Ibid.

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La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’hôtel de la Marine

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Architecture

4/10

Intérêt général

5/10

Esprit des lieux

4/10

- Un espace commercial avec l’ouverture d’une allée piétonnière (reliant la rue Royale et la

rue Saint Florentin aux deux cours centrales du bâtiment) bordée d’espaces loués à des

opérateurs publics ou privés des secteurs culturel, des métiers d’art, de la gastronomie

française…

- Un espace administratif avec l’installation de la Caisse des Dépôts et de l’Académie de la

Marine dans les bureaux de l’ancien hôtel de Saint-Florentin.

- Un espace locatif constitué par tous les espaces restants qui seraient loués pour contribuer

à l’équilibre financier du projet.

Si, avec ce projet, les modalités d’occupation de l’hôtel de la Marine sont différentes

de celles du projet « La Royale » on peut toutefois noter un certain nombre de similitudes

(allée bordée de boutiques, espaces d’expositions, ateliers …).

Analysons maintenant le projet du

Louvre selon les critères que nous avions

défini : architecture, esprit des lieux, intérêt

général. La figure ci-contre mentionne les notes

que nous pourrions attribuer au projet géré par

le Louvre selon ces trois critères. S’agissant de

l’architecture, nous pouvons donner une note

légèrement au-dessus de celle du projet « La

Royale » car la nature des équipements reste

sensiblement la même, la différence étant que le

Louvre ne projette pas de couvrir la grande cour mais la petite cour. Or dans son étude

Etienne Poncelet ne mentionne pas cette solution comme impossible.

D’un point de vue de l’esprit des lieux, ici encore, le projet implique un retour à l’état

« Garde-meuble de la Couronne » pour les espaces ouverts au public. La mémoire de la

Marine n’étant présente qu’au travers de l’Académie de Marine dont nous ne savons pas si

elle sera ouverte au public. D’autant plus qu’interrogé sur ce point lors de la table ronde des

Vieilles Maisons Françaises, Valéry Giscard d’Estaing a évoqué la conservation du drapeau

français comme seul témoignage de la présence de la Marine dans l’édifice : « le mât porteur

des couleurs nationales pourrait, à ce titre, constituer le meilleur témoignage de la présence

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La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’hôtel de la Marine

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de l’état-major de la Marine »122

. Ainsi, si cet espace n’est pas accessible aux visiteurs, la

double mémoire Garde-meuble de la Couronne / Marine ne sera pas respectée.

Enfin, pour le respect de l’intérêt général, nous pouvons attribuer une note inférieure à

celle du projet « La Royale » car la proportion d’espaces non ouverts au public représente plus

de la moitié de la surface totale de l’édifice (voir tableau ci-après). Même si nous ne

disposons pas de données de la même nature pour le projet du groupe Allard, dans son plan

(figure 9 page 64) les espaces ouverts au public semblent occuper plus de place.

1er et 2e étages : parties d’intérêt historique ou architectural incontestable (incluant surfaces d’expositions, locaux techniques, vestiaires, billetterie, administration directe, …)

3 500 16 %

« Allée de l’art de vivre » et espaces concédés autour de la cour d’Estienne d’Orves (grande cour), de la cour du ministre et des ouvertures de circulation

2 500

11,3 %

Salle de présentation de l’histoire des lieux, boutique, librairie, accueil des expositions

500 2,2 %

Académie de Marine et Présidence de l’Union Européenne 800 0,3 % Cour des comptes 2 000 9 % Locations de bureaux 12 700 57 %

Figure 13 - Hotel de la Marine : estimations de l’occupation des surfaces (en m²)

(© CARREZ Gilles, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2012, Octobre 2011)

Une dernière remarque pourrait être formulée au sujet du projet du Louvre. Si le

rapport de la Commission sur l’avenir de l’hôtel de la Marine semble assurer qu’il sera

économiquement viable nous voudrions quand même attirer l’attention sur une différence

considérable au niveau de l’évaluation du coût du projet : chiffré à une centaine de millions

d’euros pour le projet du Louvre contre deux cent quatre millions pour le projet Allard123

.

Si le projet du Louvre a été choisi il ne parait pas pour autant offrir une solution

permettant de valoriser l’hôtel de la Marine dans les conditions que pourrait exiger un

monument emblématique du patrimoine national. Le choix du Louvre rassure car il s’agit

d’un opérateur public et non d’un investisseur privé. Toutefois, l’avenir de l’hôtel de la

Marine n’est pas encore tracé car les travaux du « Pentagone à la française » de Balard

semblent susciter quelques polémiques, la Marine restera peut-être finalement place de la

Concorde… ?

122

Propos tenus par Valéry Giscard d’Estaing lors de la table-ronde organisée par les Vieilles Maisons Françaises intitulée « Quel avenir pour le patrimoine national ? », 22 juin 2011. 123

CARREZ Gilles, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2012, Octobre 2011, p. 50

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La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’hôtel de la Marine

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Une simple querelle entre « anciens » et « modernes » ?

La polémique suscitée par la réaffectation de l’hôtel de la Marine a profondément

bouleversé le monde patrimonial et remis en cause un certain nombre de principes que nous

allons analyser. La première question soulevée par ce débat est celle du rôle de l’Etat. En

effet, depuis quelques années, l’Etat est accusé de « brader les bijoux de famille », pour

reprendre une expression fréquemment utilisée dans la presse, afin de combler le déficit des

dépenses publiques. Cette pratique remet en cause deux notions importantes : d’une part,

comme nous l’avons dit, le rôle de l’Etat envers le patrimoine et d’autre part la notion même

de monument historique. Au début du XIXème

, la création d’un patrimoine national, héritage

commun à tous les français, avait pour objectif de réunir le peuple français, déchiré par la

Révolution, autour d’une histoire commune. Les monuments historiques étaient les témoins

« matériels » au service de cette histoire. L’organisation de la protection de ce patrimoine a

créé une législation dans laquelle l’Etat avait un rôle de garant de la conservation et de la

sauvegarde du patrimoine. L’Etat peut décider de classer un monument, financer une partie

des travaux de restauration, obliger un propriétaire à faire les travaux nécessaires pour

entretenir un monument en péril…124

L’Etat a donc un rôle primordial et un devoir envers les

français. En vendant une grande partie de ce patrimoine, qui rappelons-le est censé appartenir

à la France donc aux français « Le patrimoine de l’Etat n’appartient pas à l’Etat, mais à la

France, aux citoyens, c’est-à-dire : à nous »125

, l’Etat semble donc vouloir abandonner son

rôle et se débarrasser de son histoire qui ainsi n’aurait plus de valeur à ses yeux. Toutefois, il

s’agit là de l’histoire de tout un pays, de plus de 65 millions de français.

La remise en cause du rôle de l’Etat envers le patrimoine va de pair avec celle de la

propriété des monuments. La vente du patrimoine de l’Etat a montré que n’importe quel

investisseur privé, qu’il soit français ou non, pouvait du moment qu’il en avait les moyens

acquérir le patrimoine français. A l’heure où la crise qui touche le monde entier favorise un

regain du sentiment nationaliste, cela n’est pas acceptable. D’autant plus que les monuments

historiques passent ainsi du domaine public au domaine privé, remettant en cause la notion

d’intérêt général et leur transmission aux générations futures. Or l’objectif de la loi sur les

monuments historiques est de préserver les immeubles au nom de l’intérêt général. Tout au

124

Même si l’application de tous ces principes n’est pas toujours véridique. 125

Propos tenus par Alexandre Gady le 8 avril 2011 (http://coulissesdelaculture.wordpress.com)

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La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’hôtel de la Marine

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long de la polémique autour de la réaffectation de l’hôtel de la Marine, nous avons vu que les

notions d’intérêts général et d’ouverture au public étaient systématiquement défendues.

Il n’est par ailleurs pas concevable de priver les français de leur patrimoine, de

quelque chose qui leur appartient surtout sans leur demander leur avis. En effet, un autre point

soulevé par l’hôtel de la Marine est l’absence de débat public. Ce sont essentiellement des

historiens et spécialistes du patrimoine qui se sont prononcés dans cette affaire et ce sont les

mêmes qui ont décidé de l’avenir de ce bâtiment. Comme l’a affirmé Vincent Michelon lors

de notre entretien « Tout le monde aime les monuments français, mais seuls quelques initiés

échangent sur leur avenir ». Quand bien même les journaux (aussi bien la presse écrite

qu’audiovisuelle) ont relayé l’information pour impliquer les français dans ce qui est devenu

une « affaire d’Etat », jamais il n’a été question de prendre en compte l’opinion publique. Les

résultats de notre enquête nous ont permis de confirmer ce phénomène. A la question « Vous

sentez-vous impliqué dans la gestion du patrimoine de notre pays ? », 87 % des personnes

interrogées ont répondu par la négative. D’autre part, en effectuant nos recherches nous avons

pu lire un certain nombre de commentaires sur les articles traitant de ce sujet et les opinions

étaient partagées. La nécessité de garder l’hôtel de la Marine géré par l’Etat ou un organisme

d’Etat ne faisant pas forcément l’unanimité.

L’affaire de l’hôtel de la Marine a aussi bouleversé la notion de monument historique.

D’une part car les monuments historiques sont les témoins d’une histoire commune et leur

vente traduit un désintérêt envers ces valeurs (nous ne reviendrons pas sur cet aspect) et

d’autre part car l’installation d’activités économiques dans les monuments historiques change

le rapport établi entre l’homme et ces monuments. Nous l’avons vu, ce rapport était

« contemplatif », les monuments historiques étaient des témoins figés, des bâtiments devenus

« inutiles » que l’on se contentait d’admirer pour leur esthétique et leurs dimensions… On

privilégie ainsi les valeurs matérielles des monuments au détriment de leurs valeurs

immatérielles. L’affaire de l’hôtel de la Marine en est le parfait témoin, l’avenir des décors et

du mobilier ont suscité plus d’inquiétudes que la mémoire de la fonction de l’édifice. Les

arguments défendant la valeur historique de l’hôtel de la Marine étaient plus destinés à

distinguer ce monument du reste du patrimoine qu’à montrer l’importance de sa valeur

immatérielle.

Pour revenir à la remise en cause de la notion de monument historique, la politique

immobilière de l’Etat a favorisé le passage de ces monuments dans une logique financière, les

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La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’hôtel de la Marine

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renversant ainsi de leur piédestal pour les plonger dans une réalité moins prestigieuse.

L’activité de France Domaine, dont la conception des monuments n’est guidée que par leur

valeur économique, illustre cette perte de valeur patrimoniale des monuments. Les

monuments historiques ont ainsi perdu ce qui les distinguait des autres monuments, ce qui les

rendait en quelque sorte intouchables. Phénomène amplifié par l’idée selon laquelle les

monuments devaient subvenir à leurs besoins.

En effet, si les mentalités ont évolué et que beaucoup conçoivent aujourd’hui la

nécessité pour l’Etat de trouver d’autres sources de financement que ses propres fonds pour

subvenir aux besoins requis par les monuments historiques, le recours à des investisseurs

privés pose encore un problème idéologique. Notre enquête nous a montré que pour 42 % des

répondants les monuments devaient être rentables contre 58 % contre cet avis. Toutefois, la

location des monuments ne semble pas être un bon compromis (83 % des répondants contre).

Les critiques envers le projet du groupe Allard ont illustré une certaine méfiance vis-à-vis non

seulement des investisseurs privés126

mais également envers des personnes développant une

idéologie consistant à placer le patrimoine au cœur du développement économique de notre

pays. Le tourisme est une source de richesse non négligeable et le rôle du patrimoine

architectural dans cette économie n’avait, jusqu’alors, jamais été véritablement souligné.

Malgré la lente acceptation d’une économie du patrimoine, notamment grâce aux ouvrages de

Xavier Greffe127

et de l’affirmation du rôle de notre patrimoine comme créateur d’emplois et

de richesses, l’idée selon laquelle le patrimoine doit subvenir à ses besoins est encore mal

acceptée.

L’affaire de l’hôtel de la Marine a également soulevé une question primordiale, à

savoir, quelles sont les solutions qui s’offrent à nous pour sauver notre patrimoine ? Les

finances publiques sont déficitaires, personne ne peut remettre cela en question. Mais alors,

comment entretenir ces monuments dont l’état dégradé est avéré ? Plusieurs solutions ont été

mises en avant dont celle d’installer des activités commerciales type hôtellerie, restauration.

Si certains restent convaincus que les monuments doivent devenir des musées128

, ils ne

peuvent pas tous héberger ce type d’activité. D’une part car il n’y aurait pas assez d’œuvres à

126

Notre enquête a montré que 68 % des répondants considèrent que le projet La Royale a peu de chances d’aboutir car il est porté par un investisseur privé. 127 GREFFE Xavier, La valorisation économique du patrimoine, Paris : Editions de la Documentation Française,

Collection Question de la culture, 2003, 384 pages. 128

63 % des personnes interrogées lors de notre enquête considèrent que les activités d’hôtellerie et de restauration ne sont pas compatibles avec les monuments historiques.

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La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’hôtel de la Marine

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exposer et que l’idée de transformer la France en musée est tout bonnement inimaginable.

D’autre part car l’installation d’un musée n’est pas la meilleure option de sauvegarde. Les

règles de sécurité et autres normes impliquent l’ajout d’équipements dénaturant profondément

l’ordonnance des édifices. De plus, la fréquentation induite par la visite des monuments

augmenterait considérablement ce qui entraînerait des dommages sur la stabilité de l’édifice.

Il suffit d’aller visiter Versailles en période de forte affluence pour comprendre à quel point la

transformation d’un monument en musée peut être dévastatrice...

La recherche de nouvelles utilisations nous conduit également à nous interroger sur la

dignité des monuments. Tout au long de nos recherches nous avons pu voir que cet aspect

revenait régulièrement. Philippe Levantale, en étudiant l’installation de colonies de vacances

dans les édifices anciens, avait abordé ce problème en affirmant que les colonies de vacances

n’étaient en quelque sorte pas dignes d’édifices du XVIIème

siècle. Les détracteurs du projet

du groupe Allard, considéraient quant à eux que l’hôtel de la Marine, édifice emblématique du

patrimoine national, ne devait pas abriter ce « barnum commercial assorti de suite de luxe ».

Toutefois, nous pouvons nous demander quelles sont les utilisations dignes et qui peut le

définir ? La question de la dignité des monuments historiques rejoint le débat sur la rentabilité

du patrimoine. Interrogé sur l’avenir de l’hôtel de la Marine, Alexandre Gady utilise

l’expression « prostitution culturelle »129

en évoquant des exemples où des investisseurs

privés cherchaient à utiliser les monuments comme support de communication en contrepartie

du financement de leur restauration. Les monuments ne peuvent pas être considérés comme

une monnaie d’échange dont l’Etat pourrait disposer à son gré.

L’affaire de l’hôtel de la Marine nous aura donc montré qu’il ne s’agit pas là d’une

simple opposition entre deux idéologies, confrontant les « anciens » aux « modernes » mais

d’une réelle évolution de la conception du patrimoine. Les contraintes budgétaires liées à leur

conservation contraignent l’Etat à se tourner vers d’autres sources de financement et vers

d’autres utilisations des monuments historiques dont la rentabilité est censée contribuer aux

besoins des édifices. Le patrimoine n’est plus considéré pour les valeurs historico-culturelles

qu’il véhicule mais pour son utilité et sa capacité à contribuer au développement local.

129

Propos tenus par Alexandre Gady le 8 avril 2011 (http://coulissesdelaculture.wordpress.com)

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L’hôtel de la Marine

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CONCLUSION

Les populations réutilisent les monuments depuis que ces derniers sont capables de

survivre à leur usage d’origine. Si cette pratique relevait autrefois d’une conception assez

pragmatique des monuments elle relève aujourd’hui d’une toute autre nécessité.

Le XIXème

siècle a créé les monuments historiques, des édifices protégés à ce titre

pour les valeurs esthétiques, artistiques, historiques, culturelles et sociales qu’ils portent et ce

dans un souci d’intérêt général. Toutefois, l’élargissement du champ patrimonial tout au long

du XXème

siècle a engendré l’augmentation des besoins financiers des monuments. Besoins

que l’Etat peine à couvrir depuis un certain nombre d’années.

La nécessité de trouver d’autres utilisations pour les monuments historiques s’impose

donc aux décideurs publics depuis une cinquantaine d’années. Si la réutilisation des édifices

anciens est très vite apparue comme une option de sauvegarde, évitant l’abandon des

monuments, ses conditions d’application ont suscité de profonds débats auprès des acteurs du

patrimoine. Certains insistant sur la dignité des monuments et défendant l’idée selon laquelle

il n’était pas possible de plaquer n’importe quelle utilisation sur un édifice. D’autres,

défendant le respect de l’architecture en insistant sur la nécessité de veiller à ce que la

nouvelle activité ne porte pas atteinte à la structure même de l’édifice, ni à son décor.

D’autres encore, n’acceptant pas l’idée selon laquelle les monuments doivent subvenir à leur

entretien, les placant sur un piédestal.

Toutefois, au-delà de tous ces freins, des entreprises ont fait de la réutilisation des

monuments historiques leur spécialité et se sont distinguées dans ce domaine. En développant

des activités commerciales elles permettent non seulement de contribuer à l’entretien des

monuments mais aussi de leur trouver une affectation qui corresponde aux besoins socio-

économiques de la société.

L’idée d’installer des hôtels dans les monuments historiques est apparue à la fin du

XXème

siècle et témoigne de la volonté de rentabiliser le patrimoine. L’objectif est de trouver

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des activités dont les bénéfices permettront de contribuer à l’entretien des édifices. Le

développement de l’hébergement patrimonial dans les monuments historiques a longtemps

rencontré des opposants car l’installation de ces activités impliquait la privatisation de ces

édifices et la réservation de leur jouissance à un nombre restreint de personnes. Si cette idée

semble avoir été mise de côté à la fin du XXème

siècle pour ces raisons elle revient aujourd’hui

au cœur des débats.

Mais ce n’est pas seulement de réutilisation dont il est question aujourd’hui. La

politique patrimoniale de l’Etat montre une certaine volonté d’impliquer d’autres acteurs dans

l’avenir des monuments historiques. Si le transfert des monuments aux collectivités locales

n’a pas suscité de polémique, l’élargissement de cette possibilité aux acteurs privés a quant à

lui engendré de nombreuses polémiques. D’autant plus qu’il ne s’agissait plus seulement du

transfert mais aussi de la vente de ces édifices. La politique immobilière de l’Etat est qualifiée

de « braderie des monuments » et les défenseurs du patrimoine s’indignent devant un Etat qui

cherchent à de se débarrasser de ces édifices dont il ne peut plus assumer l’entretien et la

conservation.

La polémique suscitée par la réaffectation de l’hôtel de la Marine nous a montré que la

question de la rentabilité des monuments pose encore un problème idéologique. Si certains

considèrent que les monuments doivent rester des témoins d’art et d’histoire d’autres

cherchent à les réintégrer dans le circuit de la vie quotidienne en leur trouvant une fonction

utile à la société. Toutefois, il ne s’agit pas d’une simple opposition entre deux points de vue

mais d’une nouvelle conception des monuments historiques. Notion qui devient alors

surpassée. Les monuments ne sont plus seulement admirés, ils deviennent utiles et contribuent

au développement local.

Si l’exemple de l’hôtel de la Marine ne peut pas être considéré comme un cas d’école

car il concernait un monument dont la valeur patrimoniale impliquait qu’il reste dans le giron

de l’Etat, il a toutefois montré qu’en terme de réutilisation il n’était pas possible de faire des

généralités. Un projet de réutilisation ne doit pas être plaqué sur n’importe quel édifice. Ce

sont les valeurs matérielles et immatérielles du monument qui doivent contribuer à

l’élaboration d’un projet de réutilisation qui doit respecter l’architecture de l’édifice et

l’esprit des lieux, l’âme du monument. L’hôtel de la Marine nous a montré que le respect de

l’intérêt général était également un principe fondamental.

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Alix PANTZ

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L’hôtel de la Marine

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Si ce travail de recherche a souligné la nécessité de passer d’une logique de

conservation à une logique d’exploitation, il a également montré l’évolution du rapport de la

société avec le passé et ses témoins.

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Alix PANTZ

La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’hôtel de la Marine

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pages.

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Patrimoine culturel et naturel, 262 pages.

PRIEUR Michel (ouvrage collectif réalisé sous la direction de) (2004), Les monuments

historiques. Un nouvel enjeu ?, vol.2, Paris : Editions l’Harmattan, Collection Droit du

Patrimoine culturel et naturel, 280 pages.

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tourisme & loisirs, 50 pages.

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Alix PANTZ

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Articles de presse :

« Des hôtels dans les monuments historiques », Artclair.com, 8 octobre 2010.

« Marine Nationale. L’Hôtel de la Marine transformé en lieu de réception de la

République ? », Mer et Marine, 8 janvier 2008.

« Une Cité de la gastronomie dans l’hôtel de la Marine ? », Le Journal des Arts, 28

septembre 2010.

Alcofribas Nasier, « Proposition pour un « hôtel des libertés publiques », Libération,

1er

juin 2010.

BLANCHARD Pascal, BANCEL Nicolas, BENBASSA Esther, COQUERY-

VIDROVITCH Catherine, DORIGNY Marcel, FALAIZE Benoît, GASTAUT Yvan,

MANCERON Gilles, NDIAYE Pap, STORA Benjamin, VERGES Françoise et BOUBEKER

Ahmed, « Faire de l’hôtel de la Marine un musée de l’esclavage. Sauvons ce lieu de la

mémoire nationale et coloniale », Le Monde, 19 janvier 2011.

BOMMELAER Claire, « Bataille autour de l’hôtel de la Marine », Le Figaro, 23

octobre 2010.

BOMMELAER Claire, « Bataille autour de l’hôtel de la Marine », Le Figaro, 23

octobre 2010.

BOMMELAER Claire, « Un appel à projets pour l’hôtel de la Marine », Le Figaro,

26 novembre 2010.

CHEMIN Ariane, ETCHEGOIN Marie-France, « Les petits et grands travaux de

Donnedieu », Le Nouvel Observateur, 16 – 22 décembre 2010.

DEBRAY Régis, DECAUX Alain, JEANNENEY Jean-Noël, LE GOFF Jacques,

NORA Pierre, OZOUF Mona et WINOCK Michel, « Sauvons l’hôtel de la Marine à Paris !

Appel au président de la République à ne pas brader un lieu chargé d’histoire », Le Monde,

11 janvier 2011.

EVIN Florence, « Bercy interrompt l’appel à projets pour l’hôtel de la Marine », Le

Monde, 7 mai 2011.

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Alix PANTZ

La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

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EVIN Florence, « Hôtel de la Marine : la bataille prend fin », Le Monde, 2 février

2012.

EVIN Florence, « Le Louvre est candidat pour l’hôtel de la Marine », Le Monde, 30

juin 2011.

FOUQUET Sophie, « Hôtel de la Marine, vers une solution en faveur du Louvre ? »,

Artclair.com, 8 juillet 2011.

MARMARA Jean-Christophe, « L’avenir incertain de l’hôtel de la Marine », Le

Figaro, 19 mars 2009.

MARMARA Jean-Christophe, « L’avenir incertain de l’hôtel de la Marine », Le

Figaro, 19 mars 2009.

PIGOZZI Caroline, « Valéry Giscard d’Estaing. « L’Hôtel de la Marine fait partie du

patrimoine national » », Paris Match, 3 avril 2010.

QUERRIEN Max (1982), Pour une nouvelle politique du patrimoine, Paris : La

Documentation française, 86 pages.

ROBERT Martine, « L’hôtel de la Marine pourrait bientôt concurrencer Drouot »,

Les Echos, 14 janvier 2011.

ROYAN Anne, « Défense : vers un Pentagone à la française », Le Figaro, 10

décembre 2007.

RYKNER Didier, « Hôtel de la Marine : Nicolas Sarkozy annonce la création d’une

commission », La Tribune de l’Art, 19 janvier 2011.

RYKNER Didier, « L’affectation de l’hôtel de la Marine au Louvre confirmée par

Nicolas Sarkozy », La Tribune de l’Art, 24 janvier 2011.

RYKNER Didier, « L’Etat va-t-il se débarrasser de l’Hôtel de la Marine ? », La

Tribune de l’Art, 23 février 2009.

RYKNER Didier, « L’hôtel de la Marine va effectivement être loué en bail

emphytéotique », La Tribune de l’Art, 27 mars 2009.

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Alix PANTZ

La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?

L’hôtel de la Marine

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RYKNER Didier, « Nicolas Sarkozy prêt à sacrifier l’hôtel de la Marine », La

Tribune de l’Art, 1er

mai 2010.

RYKNER Didier, « Problème concret : comment hypothéquer l’hôtel de la Marine »,

La Tribune de l’Art, 22 octobre 2009.

Sites internet :

- www.meretmarine.com

- http://coulissesdelaculture.wordpress.com

- www.la-royale.fr

- http://www.hotel-marine-paris.org/index.php

- http://www.sauvegardeartfrancais.fr/

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TABLE DES ILLUSTRATIONS

Figure 1 – Hôtel de la Marine : Galerie dorée (© Gilles Ameil / Flikr) ............................. 2

Figure 2 - Le château Rothschild (Boulogne) (© Photo prise par l’auteur en février

2008) .................................................................................................................................................... 18

Figure 3 - Nombre total d'édifices protégés et Répartition du parc monumental (©

Ministère de la Culture et de la Communication) ................................................................ 25

Figure 4 - Les trois aspects que tout projet de réutilisation d'un monument historique

doit respecter. .................................................................................................................................... 26

Figure 5 - Plan de la place Louis XV par Jacques-Ange Gabriel en 1756 (© Paris,

Archives Nationales, N III Seine 841) .......................................................................................... 43

Figure 6 - Parcours de visite proposé par Etienne Poncelet ................................................ 53

Figure 7 - L'Hôtel de la Marine. Situé au cœur de Paris ce monument emblématique

du patrimoine national risque d'être vendu pour financer le nouveau "pentagone à la

française". (© Photo prise par l'auteur en septembre 2011). ............................................... 55

Figure 8 - Annonce de l'appel à projets relatif à la réutilisation de l'hôtel de la

Marine (© Capture d'écran à partie du site internet de France Domaine,

http://www2.budget.gouv.fr/cessions/) ........................................................................................ 58

Figure 9 - Valéry Giscard d'Estaing, président de la Commission sur l'avenir de l'hôtel

de la Marine, remet son rapport à Nicolas Sarkozy, ancien président de la

République. ........................................................................................................................................ 62

Figure 10 - Le projet du groupe Allard, « La Royale » (© La Royale) ................................. 64

Figure 11 - Analyse du projet "La Royale" selon les trois critères "architecture", "esprit

des lieux" et "intérêt général". ...................................................................................................... 65

Figure 12 - Présentation du projet « La Royale » ..................................................................... 66

Figure 13 - Hotel de la Marine : estimations de l’occupation des surfaces (en m²) ...... 69

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ANNEXES

Annexe A - Prévisions de ventes pour Paris. ................................................................................. 84

Annexe B - Les immeubles insignes de l'Etat et de la nation................................................. 86

Annexe C - Article 11 de la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux

consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services. ............................................................. 88

Annexe D - Appel à projets relatif à l’occupation, la mise en valeur et l’exploitation

de l’Hôtel de la Marine à Paris. ............................................................................................................. 89

Annexe E - Lettre des associations nationales de sauvegarde du patrimoine bâti

paysager au Premier Ministre. ............................................................................................................... 95

Annexe F - Appel au président de la République à ne pas brader un lieu chargé

d’histoire. ......................................................................................................................................................... 96

Annexe G - Sondage Ifop : « Les Français et l’avenir de l’hôtel de la Marine » (Février

2011). ................................................................................................................................................................. 97

Annexe H - Lettre de mission et composition de la Commission sur l’avenir de

l’hôtel de la Marine. ................................................................................................................................... 98

Annexe I - Communiqué de presse de la Commission sur l’avenir de l’hôtel de la

Marine. ........................................................................................................................................................... 100

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Annexe A - Prévisions de ventes pour Paris.

Commune Adresse Nature Ministère occupant

Année prévisionnelle

de cession

PARIS 01 6, avenue de l'Opéra Autre

Budget, Comptes publics et

Réforme de l'État 2011

PARIS 02 109, rue Montmartre Bureau

Travail, Solidarité et Fonction

Publique En cours

PARIS 03 14 rue Perrée Bureau

Budget, Comptes publics et

Réforme de l'État 2012

PARIS 04 3/7, rue de Venise Logements Culture 2012

PARIS 07

Hôtel de Clermont -

69 rue de Varenne Bureau Services du Premier Ministre 2013

PARIS 07

Hôtel de Broglie - 35

rue Saint Dominique Bureau Services du Premier Ministre 2013

PARIS 07

Hôtel de Vogüé - 18

rue de Martignac Bureau Services du Premier Ministre 2013

PARIS 07 19 rue Constantine Bureau Services du Premier Ministre 2013

PARIS 07 113 rue de Grenelle Bureau Services du Premier Ministre 2013

PARIS 07

120 rue du Cherche

Midi Bureau Services du Premier Ministre 2013

PARIS 07

1 ter, avenue de

Lowendal Bureau

Alimentation, Agriculture et

Pêche 2012

PARIS 07

1, place Saint Thomas

d'Aquin Bureau Défense 2012-2013

PARIS 07

231, bd St Germain -

8 à 18, rue St

Dominique (hors

Hôtel de Brienne) Bureau Défense 2011-2012

PARIS 07

îlot Bellechasse : 37

rue Bellechasse Bureau Défense 2012-2013

PARIS 07

îlot Bellechasse : 39

rue Bellechasse Bureau Défense 2012-2013

PARIS 07

îlot Bellechasse : 104

rue de Grenelle Bureau Défense 2012-2013

PARIS 07 44, rue de Bellechasse Bureau Education nationale 2011

PARIS 07

80, rue de Lille -

Hotel particulier

Seignelay Bureau

Budget, Comptes publics et

Réforme de l'État

En cours (bail

emphytéotique)

PARIS 08

Caserne Pépinière, 15

Rue DE LABORDE Bureau Défense 2012-2013

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PARIS 08

26 bis rue de Saint-

Pétersbourg Bureau Économie, Industrie et Emploi 2012

PARIS 09 14/16 rue Halévy Bureau Justice et Libertés 2011

PARIS 11

25/27, rue de la

Fontaine au Roi Bureau Justice et Libertés 2011

PARIS 12

Caserne Reuilly, 20

Rue de Reuilly, 34

Rue Chaligny, 63

Boulevard Diderot

mixte

(logements

et bureaux) Défense 2011

PARIS 15

6, boulevard de

Grenelle Autre

Intérieur, Outre-mer et

Collectivités territoriales 2012

PARIS 15 19, Avenue du Maine Bureau

Alimentation, Agriculture et

Pêche 2012

PARIS 16 37, rue Molitor Bureau

Budget, Comptes publics et

Réforme de l'État En cours

PARIS 16 35, rue St Didier Bureau

Intérieur, Outre-mer et

Collectivités territoriales 2011

PARIS 17

28-30, rue de

Chazelles Bureau

Budget, Comptes publics et

Réforme de l'État

En cours

(vente aux enchères le

4 octobre 2011)

PARIS 17

71-73, rue de

Saussure Bureau

Budget, Comptes publics et

Réforme de l'État En cours

PARIS 17

Porte Pouchet -

boulevard Bessières Bureau Education nationale En cours

PARIS 18

Caserne Gley,

1, avenue de la Porte

des Poissonniers, 86

boulevard Ney

mixte

(logements

et bureaux) Défense

PARIS 19

58 à 66, rue de la

Mouzaia Bureau

Intérieur, Outre-mer et

Collectivités territoriales 2011

(Source = France Domaine)

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Annexe B - Les immeubles insignes de l'Etat et de la nation.

Nous avons regroupé ces lieux en quatre ensembles :

- Les résidences principales des rois et reines de France.

- Les lieux du pouvoir de la République.

- Les lieux de représentation de l’Etat et de la Nation.

- Les lieux de commémoration nationale.

Les résidences principales des rois et reines de France (par ordre chronologique) :

- Le palais de la cité de Robert le Pieux et de Saint Louis, devenu la cour de Cassation.

- Le Louvre de Philippe-Auguste, devenu musée national.

- Le château de Vincennes de Saint Louis.

- Le château de Fontainebleau de François Ier.

- Le château de Chambord de François Ier.

- Le palais du Luxembourg de Marie de Médicis, affecté au Sénat par Napoléon Ier

.

- Le palais Royal, palais des deux régences, de Marie de Médicis et de Philippe

d’Orléans, devenu le Conseil d’Etat.

- Le château de Saint-Germain en Laye où naît Louis XIV, qu’il habite comme roi de

1661 à 1680.

- Le palais de Versailles et le Trianon, habité par le roi et la cour de 1683 à 1722,

transformé par Louis-Philippe en musée de l’histoire de France.

- Le palais de Compiègne, de Louis XV, Louis XVI, Louis-Philippe et Napoléon III.

- Le site de l’ancien palais des Tuileries, incendié en 1871, occupé par les rois jusqu’à

Louis XVI et ses annexes dont le garde-meuble.

Les lieux du pouvoir de la République :

- Le palais Bourbon devenu Conseil des Cinq Cents en 1795 puis Assemblée

Nationale.

- L’hôtel d’Evreux acquis par Louis XVIII en échange de l’hôtel de Matignon, devenu

palais de l’Elysée, résidence de Napoléon III puis des Présidents de la République.

- L’hôtel de Matignon devenu en 1934 siège de la Présidence du Conseil puis du

Premier Ministre.

Les lieux de représentation de l’Etat et de la Nation :

- La place Royale de Louis XIII devenue place des Vosges.

- La place Louis XV avec la loggia royale du garde-meuble, devenues place de la

Concorde et hôtel de la Marine.

- L’ensemble urbain Concorde - Champs-Elysées - Arc de Triomphe, lieu de

représentation du peuple français.

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Les lieux de commémoration nationale :

- La cathédrale de Reims, cathédrale du sacre.

- La basilique Saint-Denis, mausolée des rois.

- La chapelle expiatoire, sépulture de Louis XVI et des guillotinés de la Terreur.

- Le Panthéon, mausolée des gloires de la France.

- La chapelle des Invalides et le tombeau de Napoléon Ier

.

- La chapelle de la Sorbonne et le tombeau de Richelieu.

- La Coupole de l’Institut, mausolée de Mazarin et siège du « Parlement des Savants ».

- L ‘Arc de Triomphe, autel de la Nation, tombe du Soldat Inconnu.

- La colonne de la Grande Armée à Wimille.

- La colonne Vendôme du vainqueur d’Austerlitz.

- La colonne de Juillet de Louis-Philippe.

En conclusion, nous pouvons remarquer que l’hôtel de la Marine n’est pas seulement un

hôtel ministériel ni un décor urbain comme un autre mais qu’il participe en bonne place

parmi les édifices insignes représentatifs de l’Etat et de la Nation, au titre de l’histoire de

France comme au titre de l’image de la « marque France ».

(Source = Etienne Poncelet, Etude sur la valeur patrimoniale de l’hôtel de la Marine, Tome

2, décembre 2009).

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Annexe C - Article 11 de la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux

consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services.

Article L2341-1

Créé par LOI n°2010-853 du 23 juillet 2010 - art. 11

I.-Un bien immobilier appartenant à l'Etat ou à un établissement public mentionné au onzième

alinéa de l'article L. 710-1 du code de commerce, au premier alinéa de l'article 5-1 du code de

l'artisanat ou à l'article L. 510-1 du code rural et de la pêche maritime peut faire l'objet d'un

bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-1 du même code, en vue de sa restauration, de sa

réparation ou de sa mise en valeur. Ce bail est dénommé bail emphytéotique administratif.

Un tel bail peut être conclu même s'il porte sur une dépendance du domaine public.

Il peut prévoir l'obligation pour le preneur de se libérer du paiement de la redevance d'avance,

pour tout ou partie de la durée du bail.

II.-Lorsque le bien objet du bail emphytéotique fait partie du domaine public de la personne

publique, le bail conclu en application du I satisfait aux conditions particulières suivantes :

1° Les droits résultant du bail ne peuvent être cédés, avec l'agrément de la personne publique

propriétaire, qu'à une personne subrogée au preneur dans les droits et obligations découlant de

ce bail et, le cas échéant, des conventions non détachables conclues pour la réalisation de

l'opération ;

2° Le droit réel conféré au preneur et les ouvrages dont il est propriétaire ne peuvent être

hypothéqués qu'en vue de garantir des emprunts contractés par le preneur pour financer la

réalisation des obligations qu'il tient du bail ; le contrat constituant l'hypothèque doit, à peine

de nullité, être approuvé par la personne publique propriétaire ;

3° Seuls les créanciers hypothécaires peuvent exercer des mesures conservatoires ou des

mesures d'exécution sur les droits immobiliers résultant du bail. La personne publique

propriétaire peut se substituer au preneur dans la charge des emprunts en résiliant ou en

modifiant le bail et, le cas échéant, les conventions non détachables ;

4° Les modalités de contrôle de l'activité du preneur par la personne publique propriétaire sont

prévues dans le bail ;

5° Les constructions réalisées dans le cadre de ce bail peuvent donner lieu à la conclusion de

contrats de crédit-bail. Dans ce cas, le contrat comporte des clauses permettant de préserver

les exigences du service public.

III.-L'une ou plusieurs de ces conditions peuvent également être imposées au preneur lorsque

le bien fait partie du domaine privé de la personne publique.

(Source = http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000022511227)

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Annexe D - Appel à projets relatif à l’occupation, la mise en valeur et l’exploitation

de l’Hôtel de la Marine à Paris.

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Annexe E - Lettre des associations nationales de sauvegarde du patrimoine

bâti paysager au Premier Ministre.

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Annexe F - Appel au président de la République à ne pas brader un lieu chargé

d’histoire.

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Annexe G - Sondage Ifop : « Les Français et l’avenir de l’hôtel de la Marine » (Février

2011).

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Annexe H - Lettre de mission et composition de la Commission sur l’avenir de

l’hôtel de la Marine.

Valéry Giscard d'Estaing nommé responsable de la Commission sur l'avenir de l'Hôtel de la

Marine - retrouvez la lettre de mission du Président de la République

Monsieur le Président,

L'Hôtel de la Marine, situé place de la Concorde à Paris, est actuellement occupé par l'état-major de la

Marine qui le quittera à la fin de l'année 2014 pour rejoindre le site de Balard, dans le XVème

arrondissement.

Sa réaffectation à la suite du départ de cette administration nécessitera, quelle que soit la nature de

l'utilisation retenue, des travaux lourds, complexes et coûteux, qui devront être conduits avec soin.

En effet, l'Hôtel de la Marine présente des caractéristiques uniques : son emplacement même, son

occupation depuis l'origine par les services de l'État, d'abord comme Garde-meuble royal ouvert par

intermittence au public, puis comme ministère de la Marine et des Colonies. Il a conservé sa structure

architecturale conçue par Gabriel, dispose d'importantes collections de mobilier et se présente comme

un véritable conservatoire des matériaux anciens et de l'évolution des techniques architecturales et des

arts décoratifs.

Je souhaite donc vous confier la responsabilité d'une Commission qui sera chargée de donner aux

pouvoirs publics un avis sur l'avenir et la meilleure utilisation possible de ce bâtiment qui appartient au

patrimoine national.

Cette Commission, composée d'une dizaine de personnalités qualifiées dans le domaine de l'histoire de

l'art et de l'histoire de l'État, du patrimoine et de la gestion des institutions publiques, notamment

culturelles, procédera à l'audition des personnes ou des institutions qui souhaitent donner un avis ou

proposer des solutions quant à l'affectation future de ce bâtiment.

A la lumière de ces échanges, vous serez amené à formuler des propositions concrètes destinées à

guider l'État dans la définition de sa politique à l'égard de l'Hôtel de la Marine. Ces propositions

devront prendre en compte, tant les aspects patrimoniaux que juridiques des solutions préconisées,

ainsi que la question de leur coût à moyen et long terme pour les finances publiques.

Monsieur Thierry TUOT, conseiller d'État, pourra être le rapporteur de votre Commission. Vous

disposerez, pour l'accomplissement de vos travaux, de l'appui des services des différents ministères

concernés et notamment de ceux du ministère de la Culture et de la Communication qui apporteront

leur concours au fonctionnement de la Commission.

Vos conclusions feront l'objet d'un rapport, dont j'attacherais du prix à ce qu'il me soit remis avant

l'été.

Je vous remercie d'avoir accepté la charge que représente pour vous cette mission et je vous prie

d'agréer, Monsieur le

Président, l'expression de ma haute considération.

Nicolas Sarkozy

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Valéry Giscard d'Estaing a rendu publique la liste des personnalités qui participeront à la Commission

de réflexion sur l'avenir de l'Hôtel de la Marine qu'il préside, comme le lui a demandé le Président de

la République Nicolas Sarkozy.

Cette Commission réunira :

M. Christophe BEAUX Président-directeur général de la Monnaie de Paris

M. Pierre CHEVALIER Président du Conseil national du marché de l'art

Président d'honneur de la Société d'encouragement aux métiers d'art (SEMA)

M. Bertrand COLLOMB de l'Institut (Académie des Sciences Morales et Politiques)

Président d'Honneur de Lafarge

Mme Sabine FROMMEL Universitaire allemande

Directeur d'études à l'Ecole pratique des hautes études et à l'Institut national de l'histoire de l'art

M. Marc FUMAROLI de l'Académie française,

Professeur honoraire au Collège de France

M. Hugues GALL de l'Institut (Académie des Beaux-Arts)

Ancien Directeur de l'Opéra de Paris, Directeur de la Fondation Claude Monet

M. Adrien GOETZ Maître de conférences d'histoire de l'art à la Sorbonne, Romancier

M. Xavier de LA GORGE Membre de l'Académie de Marine,

Ancien Secrétaire général de la mer

M. Jean-Philippe LEGAT Ancien Ministre de la culture et de la communication

M. Jacques LEGENDRE Ancien Ministre,

Président de la Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat

Mme Isabelle LEMESLE Président du Centre des Monuments Nationaux

M. Pierre NORA de l'Académie française

Ces personnalités ont été choisies en s'assurant notamment de leur indépendance au regard des

différents projets d'affectation du patrimoine immobilier de l'Etat.

La participation aux travaux de la Commission ne fera l'objet d'aucune rémunération. M. Thierry

TUOT, Conseiller d'Etat, sera rapporteur de la Commission.

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Annexe I - Communiqué de presse de la Commission sur l’avenir de l’hôtel de la

Marine.

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TABLE DES MATIERES

REMERCIEMENTS ........................................................................................................................ 3

AVANT-PROPOS .......................................................................................................................... 4

INTRODUCTION ......................................................................................................................... 8

PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE ..................................................................... 13

Problématique et hypothèses .......................................................................................... 13

Méthodologie ........................................................................................................................... 14

REUTILISER LE PATRIMOINE ARCHITECTURAL .................................................. 16

Une problématique récurrente ...................................................................................... 16

Concilier forme et usage ................................................................................................... 23

Des entreprises spécialisées ............................................................................................ 30

UN MONUMENT EMBLEMATIQUE AU CŒUR DE LA POLITIQUE

IMMOBILIERE DE L’ETAT ...................................................................................................... 36

Une nouvelle politique pour le patrimoine ........................................................... 36

De l’hôtel du Garde-Meuble de la Couronne à l’hôtel de la Marine ...... 42

La valeur patrimoniale de l’hôtel de la Marine ................................................... 49

L’AVENIR DE L’HOTEL DE LA MARINE ........................................................................ 55

Un monument au cœur des débats ............................................................................. 55

La Royale / le Louvre ........................................................................................................... 64

Une simple querelle entre « anciens » et « modernes » ? ................................ 70

CONCLUSION ............................................................................................................................. 74

BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................................................... 77

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TABLE DES ILLUSTRATIONS ............................................................................................... 82

ANNEXES ........................................................................................................................................ 83

Annexe A - Prévisions de ventes pour Paris. ................................................................................. 84

Annexe B - Les immeubles insignes de l'Etat et de la nation................................................. 86

Annexe C - Article 11 de la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux

consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services. ............................................................. 88

Annexe D - Appel à projets relatif à l’occupation, la mise en valeur et l’exploitation

de l’Hôtel de la Marine à Paris. ............................................................................................................. 89

Annexe E - Lettre des associations nationales de sauvegarde du patrimoine bâti

paysager au Premier Ministre. ............................................................................................................... 95

Annexe F - Appel au président de la République à ne pas brader un lieu chargé

d’histoire. ......................................................................................................................................................... 96

Annexe G - Sondage Ifop : « Les Français et l’avenir de l’hôtel de la Marine » (Février

2011). ................................................................................................................................................................. 97

Annexe H - Lettre de mission et composition de la Commission sur l’avenir de

l’hôtel de la Marine. ................................................................................................................................... 98

Annexe I - Communiqué de presse de la Commission sur l’avenir de l’hôtel de la

Marine. ........................................................................................................................................................... 100