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UNIVERSITE PARIS 1 – PANTHEON SORBONNE
INSTITUT DE RECHERCHES ET D’ETUDES SUPERIEURES DU TOURISME
La réutilisation du patrimoine monumental
protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’Hôtel de la Marine
Mémoire professionnel présenté pour l’obtention du
Diplôme de Paris 1 - Panthéon Sorbonne
MASTER PROFESSIONNEL « TOURISME » (2ème année)
Spécialité « Gestion des Sites du patrimoine culturel et naturel et Valorisation
Touristique »
Par Alix PANTZ
Sous la direction de Madame GRAVARI – BARBAS
Membres du jury : ............................................................................................
.............................................................................................
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Session de juin 2012
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
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Figure 1 – Hôtel de la Marine : Galerie dorée (© Gilles Ameil / Flikr)
Alix PANTZ
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REMERCIEMENTS
Je tiens tout d’abord à remercier Madame Gravari-Barbas d’avoir accepté de suivre
mon mémoire et pour la confiance qu’elle m’a accordée tout au long de son élaboration.
Mes remerciements s’adressent également à Monsieur Tiard pour son encadrement
tout au long de ces années d’études à l’IREST.
En ce qui concerne les informations dont j’ai eu besoin pour la réalisation de ce
mémoire je tiens à remercier tout particulièrement messieurs Rémy Fleury, chargé de mission
pour le groupe Allard, Jean Ducros, secrétaire général de l’association des Amis de l’hôtel de
la Marine et Vincent Michelon, journaliste pour Métro et auteur de l’ouvrage « La France
solde son patrimoine » pour leur disponibilité et le temps qu’ils m’ont consacré. Mes
remerciements s’adressent également au personnel des centres de documentation de
l’ICOMOS et de la Documentation Française pour leur accueil.
Je remercie également chaleureusement Aude Ollé-Laprune, Anne Ridard et toute
l’équipe des Vieilles Maisons Françaises. En effet, mon stage au sein de cette association m’a
permis de comprendre les enjeux liés à la conservation de notre patrimoine architectural et
d’appréhender les relations entretenues avec le public. Le travail réalisé auprès des différentes
délégations régionales et départementales m’a montré à quel point il était important de faire
connaître notre patrimoine pour assurer son respect et sa conservation.
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AVANT-PROPOS
Dès mon plus jeune âge, la visite de musées, d’édifices et de sites remarquables m’a
sensibilisée à la fragilité de ces richesses. J’ai pris conscience de la chance que nous avions de
pouvoir les admirer et l’éducation que j’ai reçue m’a appris à les respecter. Les études que j’ai
entreprises en Histoire de l’art ont éveillé en moi un intérêt grandissant pour la protection et
la préservation du patrimoine. Consciente de l’attractivité touristique que pouvait exercer cet
héritage, j’ai souhaité intégrer un cursus combinant tourisme et patrimoine afin d’apprendre
comment valoriser notre patrimoine d’un point de vue touristique tout en assurant sa
protection.
C’est lors de mon année d’études à Rome que je me suis intéressée à la problématique
de la réutilisation des monuments. Réalisant un mémoire sur « L’architecture et le décor des
sacristies du XVIIIème
siècle », j’ai été amenée à visiter un grand nombre d’églises romaines
afin d’établir une liste exhaustive des différents types de sacristies. Lors de cette découverte,
j’ai été frappée par un phénomène qui se vérifiait dans la plupart des édifices religieux : les
sacristies avaient souvent perdu leur fonction première et servaient de boutique, de bureau, de
local technique ou même de salle de vidéo-surveillance. Une question s’est alors imposée à
moi : quelle utilisation est la plus acceptable pour une pièce de cette nature ? Est-il plus
logique de transformer une sacristie en bureau ou en boutique ? En réfléchissant aux
différentes possibilités de réutilisation un autre aspect s’est alors distingué : celui de l’intérêt
public. En transformant une sacristie en boutique, on la rendait accessible à tous alors qu’en la
transformant en bureau, seulement un nombre restreint de personnes pouvait y accéder.
L’accès à la sacristie étant réservé au prête, au sacristain et enfants de chœur n’est-il donc pas
contraire à sa fonction première de l’ouvrir au public ? Ou est-ce plutôt une opportunité de
voir une pièce digne d’intérêt (celles du XVIIIème
siècle sont richement décorées et présentent
un mobilier d’une grande qualité) dont l’accès était autrefois réservé ? Ainsi, les notions de
réutilisation et d’intérêt public sont étroitement liées lorsqu’il s’agit de notre patrimoine
architectural.
Dans le cadre de la poursuite de mon enseignement universitaire à l’I.R.E.S.T, j’ai
donc souhaité travailler sur la réutilisation du patrimoine architectural en m’intéressant plus
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particulièrement aux monuments historiques car ces monuments font partie de notre héritage
commun. Le choix de ce sujet a été conforté par une polémique qui s’est développée au même
moment, à savoir la réutilisation de l’Hôtel de la Marine.
Mes recherches bibliographiques m’ont permis de constater que la question de la
réutilisation des monuments historiques existait depuis de nombreuses années mais elle se
pose de façon récurrente aujourd’hui avec le développement de la notion d’économie du
patrimoine. Les monuments doivent générer une activité économique, d’autant plus que leur
entretien coûte cher et que les moyens financiers disponibles deviennent insuffisants. Quelle
solution s’offre à nous ? Comment trouver une nouvelle affectation à des monuments qui
deviennent « inutiles » ? Quel type de réutilisation est jugé acceptable pour certains
monuments ? Notre étude sera centrée sur les monuments historiques, édifices dont le
classement suppose qu’ils présentent un intérêt culturel indéniable et dont les projets de
réutilisation doivent respecter ces caractéristiques. L’exemple de l’Hôtel de la Marine nous
permettra de voir qu’un monument classé monument historique et véhiculant des valeurs
historiques, architecturales, artistiques et mémorielles n’a pas pour autant son destin assuré.
Quel est l’avenir de nos monuments ? Cette question guidera nos réflexions et j’espère que ce
travail pourra apporter quelques éléments de réponses aux personnes s’intéressant à ce sujet.
Centrée avant tout sur la réutilisation des monuments historiques, ce travail de
recherche attire en même temps l’attention sur la complexité de la gestion de ces mêmes
monuments.
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SOMMAIRE
REMERCIEMENTS ........................................................................................................................ 3
AVANT-PROPOS .......................................................................................................................... 4
INTRODUCTION ......................................................................................................................... 8
PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE ..................................................................... 13
Problématique et hypothèses .......................................................................................... 13
Méthodologie ........................................................................................................................... 14
REUTILISER LE PATRIMOINE ARCHITECTURAL .................................................. 16
Une problématique récurrente ...................................................................................... 16
Concilier forme et usage ................................................................................................... 23
Des entreprises spécialisées ............................................................................................ 30
UN MONUMENT EMBLEMATIQUE AU CŒUR DE LA POLITIQUE
IMMOBILIERE DE L’ETAT ...................................................................................................... 36
Une nouvelle politique pour le patrimoine ........................................................... 36
De l’hôtel du Garde-Meuble de la Couronne à l’hôtel de la Marine ...... 42
La valeur patrimoniale de l’hôtel de la Marine ................................................... 49
L’AVENIR DE L’HOTEL DE LA MARINE ........................................................................ 55
Un monument au cœur des débats ............................................................................. 55
La Royale / le Louvre ........................................................................................................... 64
Une simple querelle entre « anciens » et « modernes » ? ................................ 70
CONCLUSION ............................................................................................................................. 74
BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................................................... 77
TABLE DES ILLUSTRATIONS ............................................................................................... 82
ANNEXES ........................................................................................................................................ 83
« L’Université n’entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions émises dans les mémoires et thèses. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs ».
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« Il faut être fier d’avoir hérité de tout ce que le passé avait de meilleur et de
plus noble. Il ne faut pas souiller son patrimoine en multipliant les erreurs passées »
(Gandhi, Le Jeune Inde)
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INTRODUCTION
Chaque pays est caractérisé par son patrimoine culturel, reflet de son évolution
historique, artistique, économique et sociale. Chaque civilisation a forgé son patrimoine et
c’est celui-là même qui constitue aujourd’hui l’identité de ces civilisations. Cette disposition
n’a pas échappé aux hommes politiques qui, dès le début du XIXème
siècle, ont investi dans la
sauvegarde et la présentation des vestiges, monuments et objets mobiliers considérés comme
des moyens permettant de former l’éducation des populations et de construire ou renforcer
leur sentiment d’appartenance à une nation. C’est au XIXème
siècle qu’est née la notion de
patrimoine national, un héritage commun à tous les français qu’il convient de sauvegarder.
C’est aussi au XIXème
siècle que nait la notion de monuments historiques. Les monuments
historiques sont « des monuments naturels et des sites dont la conservation ou la préservation
présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un
intérêt général »1 et qui, à ce titre, doivent être conservés, protégés de la destruction en vue de
leur transmission aux générations futures. La création des monuments historiques les a fait
passer de la seule valeur d’usage par un propriétaire, qui pouvait le modifier ou même le
détruire selon son bon vouloir, à leur conservation au nom de l’intérêt public. Porteurs de sens
et objets de mémoire, les monuments historiques sont le reflet des esprits de leur temps, des
sociétés qui les ont bâtis et des canons esthétiques. Ils occupent une place fondamentale dans
notre imaginaire et leur statut traduit une reconnaissance de l’intérêt public.
Si la France peut s’enorgueillir de disposer d’un héritage patrimonial d’une telle
richesse et diversité, c’est grâce aux dispositions prises dès le début du XIXème
siècle pour le
conserver et à l’élargissement du champ patrimonial des siècles suivants. Cependant,
l’extension de la notion de monument historique est allée de pair avec l’augmentation des
besoins de financement nécessaires à leur entretien. Devant les contraintes qui pèsent sur les
1 Loi du 2 mai 1930 sur les monuments historiques.
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finances publiques l’Etat ne peut plus fournir les moyens nécessaires à l’entretien et à la
restauration des monuments historiques et doit trouver d’autres sources de financement.
L’une des solutions récemment envisagées par l’Etat fut de transférer la propriété de
certains monuments historiques aux collectivités territoriales concernées afin qu’elles en
assurent la gestion, l’entretien et la valorisation. Une deuxième solution fut d’ouvrir la gestion
des monuments à des opérateurs privés qui pourraient y développer leur propre activité sous
conditions, dont celle d’assurer la restauration et l’entretien de l’édifice. Enfin, l’Etat décida
tout simplement de vendre certains monuments. A cela, s’est ajouté un autre phénomène.
Dans un souci de réduction des dépenses publiques, l’Etat cherche à regrouper ses
administrations éparpillées dans les monuments devenus sa propriété depuis le XIXème
siècle
et se retrouve ainsi avec des édifices sans fonction.
Ce sont pour toutes ces raisons que depuis l’année 2005, l’État s’est engagé dans une
vaste campagne de cession de ses biens immobiliers. L’objectif affiché étant de vendre les
biens immobiliers sans affectation afin de renflouer les caisses de l’État. Ainsi, ce sont plus de
1 700 édifices aussi bien exceptionnels qu’inattendus qui se sont retrouvés sur le site de
France Domaine, le service chargé des cessions immobilières de l’Etat, et attendent leur tour
pour passer entre les mains de leurs nouveaux propriétaires : des familles princières des
Émirats, d’Asie et de Russie principalement.
Si ce phénomène n’a pas suscité une réelle opposition du côté des défenseurs du
patrimoine, en 2007, l’annonce de la vente d’un monument emblématique du patrimoine
français, l’hôtel de la Marine, a suscité de vives réactions. A l’horizon 2014, l’Etat-major de
la Marine, installé dans cet édifice depuis plus de deux cent ans, doit quitter les lieux pour
rejoindre le « Pentagone à la française », un vaste complexe dont la construction permettra de
regrouper les services déconcentrés du Ministère de la Défense et des Armées. Toutefois,
cette construction sera à l’origine d’une polémique qui aura alimenté l’actualité du patrimoine
pendant plus de deux ans car son financement repose en partie sur la vente des édifices ainsi
libérés, dont l’hôtel de la Marine.
La mobilisation des défenseurs du patrimoine aura permis de faire passer cette vente
en cession puis de contraindre l’Etat à garder cet édifice parmi ses biens immobiliers.
Cependant les conditions de sa réutilisation seront une autre source de débats. L’Etat a
souhaité lancer un appel à projet pour la réutilisation et la valorisation de cet édifice et
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plusieurs candidats ont manifesté leur intérêt, dont le groupe Allard avec un projet dénommé
« La Royale ». L’idée d’Alexandre Allard, épaulé par un ancien ministre de la Culture,
Renaud Donnedieu de Vabres, était de faire de l’hôtel de la Marine une sorte de « Villa
Médicis à la Française » avec des espaces dédiés à l’art et aux métiers d’art, des espaces pour
des expositions, des ateliers pour les artistes, des résidences pour les mécènes, un restaurant…
Mais ce projet a inquiété les défenseurs du patrimoine qui y voyaient un « barnum
commercial » ne respectant en aucun cas l’édifice dans lequel il comptait s’implanter et
craignaient que cet investisseur privé ne revende ensuite le monument. Devant l’ampleur de la
polémique, une commission censée réfléchir sur l’avenir de l’hôtel de la Marine a été mise en
place et a finalement décidé de garder l’édifice dans le giron de l’Etat en confiant sa gestion
au Louvre.
L’affaire de l’hôtel de la Marine a animé l’actualité du patrimoine pendant plusieurs
années et engendré un certain nombre de réflexions au sujet du patrimoine national, des
monuments historiques, de la valeur des monuments…À la veille du centenaire de la loi de
1913 sur les monuments historiques elles nous conduisent à nous demander quel est l’avenir
de nos monuments ? Est-il possible de confier leur gestion à des investisseurs privés ou l’Etat
doit-il garder leur gestion ? Quel type de réutilisation est imaginable pour des monuments
emblématiques du patrimoine national, quand ceux-ci perdent leur affectation ?
Pour étudier la question de la réutilisation du patrimoine monumental nous avons
choisi de nous concentrer sur l’étude des monuments historiques. Notre choix s’est porté sur
ce type de monuments car leur statut spécifique implique qu’ils soient conservés au nom de
l’intérêt général, leur avenir étant ainsi censé concerner tous les français. Etudier les
conditions de réutilisation de ces monuments nous conduit à nous interroger sur plusieurs
points : les monuments historiques sont-ils une contrainte ou une opportunité de
développement ? Quel type de réutilisation est jugé acceptable pour ce type de monuments ?
Quelle valeur accordons-nous à ces édifices qui font partie de notre héritage commun ?
Si certains défendent une vision dite « ancienne » du patrimoine, qui semble exclure
toute réutilisation et fige le patrimoine dans une conception purement contemplative.
D’autres, qualifiés de « modernes » souhaitent réaffecter les monuments, leur donner une
seconde vie considérant que notre patrimoine est un atout de développement. Le patrimoine
devient, dans leur conception, le témoin des générations antérieures tout en étant réapproprié
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par les générations actuelles et futures. Mais il ne s’agit pas là d’une simple querelle entre les
« anciens » et les « modernes », il s’agit d’une nouvelle conception du patrimoine.
Le débat sur la valorisation économique du patrimoine protégé ne traduirait-il pas
une évolution plus générale des rapports de la société avec le passé et ses témoins ? Ce
travail de recherche tentera de répondre à cette problématique en trois parties.
La première partie nous amènera à étudier la question de la réutilisation des monuments
historiques en retraçant l’histoire de l’usage des monuments et en analysant l’évolution de la
conception d’une telle pratique. Nous nous appuierons pour cela sur divers documents dont
l’étude de Philippe Levantale sur « L’intégration économique et sociale des édifices
anciens » (1969)2 qui montre les enjeux et contraintes de la réutilisation des édifices anciens
et souligne l’importance de se tourner vers des investisseurs privés. Le colloque d’Avignon
sur le thème « Utiliser les Monuments historiques », organisé par l’ICOMOS (1978)3,
véritable ouvrage de référence dans ce domaine, nous permettra de faire le point sur les
différentes prises de position des professionnels de la culture et historiens sur la question de la
réutilisation du patrimoine. Les rapports de Dieudonné Mandelkern sur « L’utilisation des
Monuments Historiques » (1979)4 et de Max Querrien « Pour une nouvelle politique du
patrimoine » (1982)5 illustreront l’évolution de cette question et les orientations prises en
faveur de la conservation des monuments historiques. Enfin la publication très récente des
Cahiers Espaces Tourisme & Loisirs dédiée au thème de l’ « Usage marchand du
patrimoine » (2011)6 et consacrée à l’étude de l’installation d’activités d’hébergement et de
restauration dans les monuments historiques, nous permettra de voir comment se pose cette
question aujourd’hui. Tout ceci nous permettra de comprendre l’évolution des mentalités et
des arguments en faveur ou contre la réutilisation du patrimoine mais aussi de déterminer
quels sont les règles à respecter pour un projet de réutilisation. Nous verrons que les trois
aspects primordiaux sont le respect de l’architecture, de l’esprit des lieux et de l’intérêt
2 LEVANTALE Philippe (1969), L’intégration économique et sociale des édifices anciens, Paris : La Documentation
Française, 53 pages. 3 Monuments Historiques n°5 (1978), Colloque d’Avignon : « Utiliser les Monuments Historiques », Paris : Caisse
nationale des monuments historiques et des sites, 94 pages. 4 MANDELKERN Dieudonné (1979), Utiliser les monuments historiques, Paris : Caisse nationale des Monuments
Historiques et des Sites, 65 pages. 5 QUERRIEN Max (1982), Pour une nouvelle politique du patrimoine, Paris : La Documentation française, 86
pages. 6 Usage marchand du patrimoine (2011), Cahier Espaces n°296, Paris : Editions Espaces tourisme & loisirs, 50
pages.
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général. Enfin, dans une dernière partie nous présenterons l’activité de certaines entreprises
comme Kléber Rossillon, Culturespaces, Chateauform’, Hôtels France Patrimoine, Pierre
d’Histoire qui ont fait de la réutilisation des monuments historiques leur spécialité.
Une seconde partie, nous permettra d’analyser le contexte dans lequel se place cette
étude. Nous verrons dans un premier temps la nouvelle politique de l’Etat en faveur du
patrimoine architectural afin de comprendre pourquoi aujourd’hui tant de monuments
historiques se retrouvent sur le marché immobilier ouvert aux particuliers. Puis, afin
d’appréhender la valeur d’un édifice tel que l’hôtel de la Marine, présenté comme étant un
monument emblématique devant rester dans le giron de l’Etat, nous étudierons l’histoire de sa
construction et nous verrons sur quels aspects repose sa valeur patrimoniale. Ceci nous
permettant de comprendre la place qu’il occupe parmi les monuments nationaux. Pour cela,
nous nous appuierons notamment sur la monographie consacrée à l’hôtel de la Marine7 dirigée
par Alexandre Gady et sur l’étude de la valeur patrimoniale du même édifice, réalisée par
l’Architecte en Chef des Monuments Historiques Etienne Poncelet en 20098.
Enfin, notre dernière partie sera pleinement consacrée à l’étude de la polémique autour
de la réutilisation de l’hôtel de la Marine. Dans un premier temps, nous reviendrons sur
l’historique du débat, qui a commencé en 2007 pour se terminer en 2012, même si à ce jour
certains considèrent que le sort de l’hôtel de la Marine n’est pas encore véritablement défini.
Puis nous analyserons les différents projets de réaffectation en nous penchant plus
particulièrement sur celui du groupe Allard, « La Royale » et sur celui, finalement choisi, du
Louvre. Nous verrons ainsi pourquoi un projet certes ambitieux mais innovant n’a pas
rencontré l’adhésion de tous. Enfin, nous soulignerons les différents points soulevés par le
débat sur l’hôtel de la Marine ce qui nous permettra de comprendre l’évolution des mentalités
et de la conception de la notion de patrimoine.
7 GADY Alexandre, L’hôtel de la Marine, Editions Nicolas Chaudun, Lassay-les-châteaux, 2011, 208 pages.
8 PONCELET Etienne, Hôtel de la Marine. Etude sur la valeur patrimoniale, Décembre 2009, 170 pages.
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PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE
Problématique et hypothèses
Le déroulement de ce mémoire a pour objectif de répondre à cette problématique : Le
débat sur la valorisation économique du patrimoine protégé ne traduirait-il pas une
évolution plus générale des rapports de la société avec le passé et ses témoins ? Ce qui
suppose d’une part, d’analyser les enjeux liés à la réutilisation des monuments historiques et
d’autre part, de comprendre l’évolution de la conception du patrimoine. Trois hypothèses qui
permettraient de fournir des axes de réponse ont été dégagées de cette problématique.
Hypothèse 1 : Les monuments historiques, le surpassement d’une notion.
Le débat sur la réutilisation du patrimoine monumental tendrait à montrer que la
notion de monuments historiques est surpassée. En effet, ces édifices ne sont plus seulement
considérés comme étant des œuvres d’art, ils sont réintroduits dans la réalité de la vie
quotidienne. Ce patrimoine monumental n’est plus uniquement vu pour les valeurs historico-
culturelles qu’il véhicule, il est également perçu pour sa valeur d’usage. Les projets de
réutilisation du patrimoine monumental traduisent parfaitement cette valeur d’usage conférée
aux monuments historiques. Les monuments ne sont plus figés, ils deviennent « utiles ».
Hypothèse 2 : La réutilisation, un principe de conservation.
Le débat sur la réutilisation du patrimoine monumental traduit également une certaine
volonté de trouver d’autres options de sauvegarde pour les monuments historiques.
L’installation d’activités économiques permettant d’une part de ne pas laisser ces monuments
à l’abandon et d’autre part de pouvoir financer les travaux d’entretien et de restauration dont
ce patrimoine a besoin. L’idée est de permettre à des entreprises d’exploiter ce patrimoine
architectural sous conditions, notamment celle d’en assurer l’entretien.
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Hypothèse 3 : Le patrimoine, un lien social.
Depuis quelques années, l’évolution des pratiques culturelles a montré le
développement de l’intérêt du public pour le patrimoine qui se traduit, entre autres, par une
certaine réappropriation du patrimoine. La réussite des « Journées Européennes du
Patrimoine » en est un très bon exemple. En effet, cet événement propose aux visiteurs une
nouvelle expérience, découvrir un patrimoine ordinairement fermé au public. Cet événement a
conquis l’ensemble des publics. Le patrimoine est un lien social car il est associé à des valeurs
historiques, culturelles, esthétiques, des valeurs d’usage qui réunissent tous les citoyens d’une
même patrie : « le patrimoine est un indéniable facteur de lien social transcendant tous les
clivages de la société »9. L’installation d’hôtels dans les monuments historiques montre cette
volonté d’appropriation du patrimoine, habiter le patrimoine devient une nouvelle expérience,
expérience recherchée par le public.
Méthodologie
La méthode adoptée pour répondre à notre problématique et confirmer nos hypothèses
consistera d’une part, à rassembler tous les documents traitant de la réutilisation des
monuments historiques et à réaliser une revue de presse rassemblant tous les articles
concernant la réaffectation de l’hôtel de la Marine afin d’analyser les points de vue des
différents acteurs et de comprendre leur prise de position. La question de la réutilisation de
l’hôtel de la Marine a suscité une vaste polémique mobilisant tous les acteurs du patrimoine.
Pour compléter cette analyse des articles de presse, nous réaliserons également des entretiens
avec différentes personnes concernées par l’avenir de l’hôtel de la Marine.
Les personnes qui ont été interrogées sont :
Rémy Fleury, chargé de mission pour le groupe Allard. Nous avons contacté monsieur Fleury
en septembre 2011. Cependant, étant donné l’actualité de notre sujet, notre
interlocuteur était relativement occupé et a accepté de répondre à nos questions par
mail. Monsieur Fleury nous a expliqué en quoi consistait « La Royale », leur projet de
valorisation de l’hôtel de la Marine et a exprimé le point de vue du groupe Allard vis-
9 BADY Jean-Pierre , Rapport sur l’Etat du Parc Monumental Français, Ministère de la culture et de la
communication, Décembre 2007, pp. 61.
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à-vis de la création d’une Commission chargée de déterminer la meilleure utilisation
possible de l’hôtel de la Marine.
Jean Ducros, secrétaire général de l’association des amis de l’hôtel de la Marine. Nous avons
contacté monsieur Ducros en décembre 2011. La correspondance avec monsieur
Ducros a commencé par mail, ce dernier voulant tout d’abord savoir comment
s’articulaient nos recherches et quels étaient nos axes de travail. Une fois ces
informations connues, monsieur Ducros a rédigé des notes sur chacune des notions
importantes mises en avant par ce mémoire (patrimoine national, réutilisation des
monuments historiques). Nous n’avons malheureusement pas pu rencontrer monsieur
Ducros afin de parler plus amplement de l’hôtel de la Marine.
Vincent Michelon, journaliste Métro et auteur du livre « La France solde son patrimoine ».
Nous avons contacté monsieur Michelon suite à la sortie de son ouvrage consacré à la
politique immobilière de l’Etat et traitant de l’hôtel de la Marine. Vincent Michelon a
accepté de nous rencontrer et nous avons pu lui poser une série de questions
concernant d’une part son ouvrage, et d’autre part la polémique autour de l’hôtel de la
Marine.
De plus, étant donné que la gestion et l’avenir des monuments historiques est un sujet
qui touche l’ensemble de la population, nous avons réalisé un questionnaire auquel environ
cinquante personnes ont répondu. Ce questionnaire à questions fermées nous a permis d’une
part d’évaluer la connaissance qu’avait le public de l’hôtel de la Marine et d’autre part de
connaître leur point de vue vis-à-vis de la politique immobilière de l’Etat et de l’avenir de
l’hôtel de la Marine.
Les compte-rendu de ces entretiens et résultats de cette enquête sont disponibles dans
le volume « Outil méthodologiques ».
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REUTILISER LE PATRIMOINE ARCHITECTURAL
Une problématique récurrente
La volonté de réutiliser le patrimoine architectural est une démarche qui a toujours
existé mais s’est exprimée de façon différente selon les époques et mentalités. Si l’usage des
monuments s’est développé sous diverses formes depuis la préhistoire jusqu’à nos jours, le
thème de la réutilisation du patrimoine devient, depuis les années 1970, une des
préoccupations les plus constantes de l’administration. En effet, la naissance du Service des
Monuments historiques au début du XIXème
siècle et l’extension de son champ d’action ont
engendré la création d’un parc immobilier d’une ampleur considérable dont la conservation et
la sauvegarde sont des impératifs. Toutefois, devant les difficultés rencontrées par les
administrations pour dégager les crédits nécessaires à l’entretien de ces monuments et la perte
de fonction d’un grand nombre d’entre eux, l’enjeu a été de leur trouver une nouvelle utilité.
En 1969, Philippe Levantale se penche sur cette question avec une étude10
dans
laquelle il tente de définir les conditions d’une réutilisation réussie : qui préserve le
monument et corresponde à son architecture. Selon l’auteur, l’utilisation des édifices anciens
est la meilleure manière de les sauver de la destruction : « pour un monument, la pire des
affectations est préférable à l’abandon, ou à l’effacement et […] puisqu’il ne saurait être
question, en plein XXème
siècle, de faire du moindre édifice ancien un musée figé dans
l’expression du passé, c’est vers le principe d’une réutilisation conforme à l’intérêt même des
bâtiments qu’il faudrait tendre aujourd’hui. »11
Pour cette étude, Philippe Levantale a préféré
s’intéresser à des édifices appartenant à des petites villes, peu connus et qui ainsi ne se
trouvaient pas soumis à la spéculation immobilière, comme c’est le cas dans les grandes
villes. Il insiste sur la nécessité de mettre en œuvre une politique globale d’utilisation des
édifices anciens et pour cela propose d’étudier un panel d’édifices abandonnés ou réutilisés.
10
LEVANTALE Philippe, L’intégration économique et sociale des édifices anciens, Paris : La Documentation Française, 1969, 53 pages. 11
Ibid., p.11.
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Dans son étude, Philippe Levantale insiste sur l’importance de ce qu’il dénomme le « mécénat
moderne ». Pour lui, l’avenir des édifices anciens se trouve dans le recours aux investisseurs
privés : « On aimerait que l’Etat, tout en se ménageant un pouvoir de contrôle sur les édifices
d’intérêt national, se rendit compte qu’il doit aujourd’hui confier à l’initiative privé ce qu’il
ne peut assumer ».12
Cependant, Philippe Levantale ne remet pas pour autant en cause l’action
des propriétaires privés qu’il trouve mieux adaptée à l’esprit des édifices. Avec son analyse de
l’affectation de châteaux à des colonies de vacances, Philippe Levantale illustre ensuite la
notion de valeur esthétique des monuments et de respect. Appuyé par une démonstration
reposant sur différents exemples (le château de Bierre-les-Semur (Côte d’Or), le château de
Montmoyen (Côte d’Or), et le château de Ragny (Yonne)) l’auteur nous montre à quel point
une utilisation ne respectant pas l’édifice concerné peut être dévastatrice contrairement à des
installations respectueuses du monument et de sa structure. Il introduit également la notion de
dignité. Pour lui une colonie de vacances ne serait pas à la hauteur d’un monument historique
alors qu’un hôtel de « grande classe », un Séminaire ou un lieu de colloque permettraient à
l’édifice de retrouver sa beauté ancienne. C’est notion de dignité est très importante et nous la
retrouverons dans le débat concernant la réutilisation de l’hôtel de la Marine lorsque le projet
« La Royale » sera qualifié de « barnum commercial assorti de suites de luxe »13
. L’exemple
des Instituts Médico-Pédagogiques permet ensuite à Philippe Levantale d’aborder la question
de la valeur des édifices. En effet, tous les édifices ne sont pas adaptés aux mêmes types
d’utilisations et dans certains cas il devient nécessaire de construire des dépendances
supplémentaires. Cependant ces constructions doivent respecter les qualités architecturales et
esthétiques des édifices et ne pas les dénaturer. Si la réutilisation des édifices anciens peut être
vue comme une option de sauvegarde elle peut aussi être synonyme de profondes
dégradations quand les caractéristiques intrinsèques de l’édifice ne sont pas respectées. La
notion de respect du monument est primordiale. Ainsi, pour Philippe Levantale, la
réutilisation est en premier lieu une option de sauvegarde et permet non seulement aux
monuments de retrouver une nouvelle vie quand l’activité installée respecte leurs qualités
architecturales, esthétiques et artistiques mais elle permet aussi aux propriétaires de subvenir
aux besoins financiers que représente l’entretien de tels édifices.
12
Op. Cit., p.17. 13
DEBRAY Régis, DECAUX Alain, JEANNENEY Jean-Noël, LE GOFF Jacques, NORA Pierre, OZOUF Mona et WINOCK Michel, « Sauvons l’hôtel de la Marine à Paris ! Appel au président de la République à ne pas brader un lieu chargé d’histoire », Le Monde, 11 janvier 2011.
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
18
En 1978, un colloque est organisé par la Section Française du Conseil International
des Monuments Historiques et des Sites (ICOMOS) dont le thème est « Utiliser les
Monuments Historiques ». Il rassemble les membres de la Caisse des Monuments et des Sites,
des conseillers techniques de l’état-major de Jacques Duhamel, des spécialistes de la politique
culturelle, des militants associatifs, des fonctionnaires du service des monuments historiques
et des représentants du spectacle vivant susceptibles d’être intéressés par des projets de
réutilisation. Par ce colloque, il s’agit de réfléchir à la compatibilité entre réutilisation et
monuments historiques, de déterminer les limites de ce genre de pratiques dont le
dépassement pourrait conduire à la dénaturation voire à la destruction de l’édifice,
d’appréhender les conflits qui pourraient exister entre conservateurs et utilisateurs et enfin,
d’apprécier les enjeux de la conservation du patrimoine au niveau d’une collectivité, d’une
ville. Les interventions et débats de ce colloque soulignent la nécessité de passer d’une
logique de conservation pure et simple à une conception plus active afin de redonner aux
monuments une vocation de rencontre. Le colloque d’Avignon a permis de dégager un certain
nombre de principes. Le premier réside dans la nécessité de ne pas oublier la fonction
première des édifices : conçus pour servir la société, leur construction répondait à un besoin.
Les réutiliser implique donc de continuer cette fonction utilitaire. Pour François Enaud,
inspecteur principal des monuments historiques, le pire destin pour un monument historique
est d’être abandonné.
L’exemple du château Rothschild
(photo ci-contre) illustre parfaitement cette
idée. Abandonné par son propriétaire, qui
s’est très vite désintéressé de cette nouvelle
acquisition, le monument historique est
devenu la proie de squatters et autres
personnes peu respectueuses qui ont laissé
libre court à leur créativité en taguant
abondamment intérieur et extérieur. Malgré les
tentatives de la ville de Boulogne pour récupérer ce
bien et les différents projets de réutilisation qui ont
échoué, aucune solution n’a été trouvée pour cet édifice
qui se dégrade au fil des années. Figure 2 - Le château Rothschild (Boulogne) (© Photo prise par l’auteur en février 2008)
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
19
Le colloque d’Avignon a également souligné un autre aspect de la politique en faveur
des monuments historiques. Le passage des édifices anciens au statut de « monuments
historiques » les a fait entrer, en quelque sorte, dans une logique de contemplation. Les
monuments sont devenus figés et réduits à une fonction unique, celle d’être des témoignages
du passé. Fonction qui s’est illustrée dans leur réaffectation en musées, solution critiquée par
Jacques Rigaud qui affirme qu’une « fonction économique, sociale, civique, voire
administrative bien définie et bien mise en œuvre peut être infiniment mieux accordée à la
dignité d’un monument qu’une fonction culturelle médiocre »14
. Toutefois, l’utilisation
muséale ne peut être généralisée à tous les monuments historiques et il faut ainsi leur trouver
de nouvelles affectations. D’autant plus que le budget de l’Etat n’étant pas suffisant pour
assurer leur conservation, les monuments doivent donc « gagner leur vie ». Cependant, ce
raisonnement est jugé inacceptable par un certain nombre d’intervenants : « le patrimoine ne
doit pas payer son droit de cité par un recours à un simulacre qui remet en cause
inévitablement son authenticité »15
. Pour eux, la fonction des monuments ne doit pas être
réduite à une fonction purement utilitaire. L’enjeu est plutôt de les réintégrer dans la vie
sociale, d’y réintroduire l’activité des hommes, en somme, de favoriser la réappropriation des
monuments historiques par l’usage. En outre, chaque projet de réutilisation doit respecter
deux aspects de l’édifice : son architecture et son âme (l’esprit des lieux). Enfin, un dernier
principe mis en avant par ce colloque est d’encourager la réutilisation des édifices anciens
disponibles plutôt que d’en construire de nouveaux. Ce dernier aspect est très intéressant pour
notre étude du cas de l’hôtel de la Marine car la polémique autour de l’avenir de ce monument
historique est née de l’idée de vendre cet édifice pour financer la construction d’un nouveau…
En 1979, dans son rapport sur l’utilisation des monuments16
, Dieudonné Mandelkern
prévoit qu’au début du XXIème
siècle nombre de monuments vont perdre leur affectation,
tendance qui selon lui s’illustre par la baisse de la pratique religieuse, la modernisation des
équipements publics et l’érosion des fortunes privées17
. Pour lui, l’utilisation est la meilleure
protection car elle assure l’entretien du monument, sa restauration et sa réinsertion. Il
distingue alors différents modes d’utilisation : les musées, la forme la plus traditionnelle ;
14
RIGAUD Jacques, « Patrimoine et évolution culturelle », in Monuments Historiques n°5, Colloque d’Avignon : « Utiliser les Monuments Historiques », Paris : Caisse nationale des monuments historiques et des sites, 1978, p. 6 15
PARENT Michel, « Le sens du patrimoine, l’architecture est-elle utile ? », Op. Cit., p.23 16
MANDELKERN Dieudonné, Utiliser les monuments historiques, Paris : Caisse Nationale des Monuments Historiques et des Sites, 1979, 65 p. 17
Ibid., p. 5-6
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
20
l’utilisation par l’administration (lycées, bureaux, ministères) mais qui tend à diminuer devant
une certaine volonté de modernité ; l’hôtellerie et enfin les utilisations culturelles (théâtre,
musique, danse…). C’est à cette époque qu’est soulevée pour la première fois la question de
l’installation d’hôtels dans les monuments historiques. En effet, la Caisse des Monuments et
des Sites souhaite améliorer la rentabilité des monuments qu’elle gère en y installant des
hôtels18
. Une expérience est lancée sur trois monuments : le Château d’Azay-le-Rideau, la
chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon et l’hôtel Jacques Cœur de Bourges. Cependant un
obstacle, l’idée de priver le public de son patrimoine en réservant sa jouissance à un petit
nombre, va empêcher la réalisation de cette expérience : « Le sous-directeur des monuments
historiques fait de cet obstacle une raison suffisante pour refuser l’utilisation des édifices
appartenant à l’Etat à des fins hôtelières. Il lui paraît inutile de sacrifier les domaines
nationaux au tourisme de luxe »19
. La privatisation des monuments historiques reste donc un
frein majeur aux projets de réutilisation.
En octobre 2011, le nouveau numéro des Cahiers Espaces Tourisme & Loisirs est
consacré à l’« Usage marchand du patrimoine »20
. Devant la raréfaction des crédits publics
les monuments doivent trouver de nouveaux usages, l’objectif de ce numéro est d’analyser
l’installation d’activités commerciales (type hébergement, restauration) dans les édifices
anciens et d’en montrer les enjeux et contraintes. Si tous les professionnels ayant participé à
l’élaboration de ce numéro s’accordent pour affirmer que l’utilisation commerciale des
monuments est une solution acceptable, chacun tente de définir des principes à respecter. La
première partie du numéro est consacrée à des réflexions d’ordre théorique. Pour Jean-Michel
Puydebat21
, ce n’est pas tant l’affectation du patrimoine à une utilisation commerciale qui fait
débat mais le fait que sa gestion soit concédée à un investisseur privé. Le directeur de PV2D
s’oppose aux « ardents défenseurs du patrimoine, qui voudraient lui interdire tout autre
usage que muséal »22
et défend les avantages de l’installation d’hébergements touristiques
dans les monuments, solution à développer tout en respectant un certain nombre de principes :
privilégier la gestion déléguée et le bail emphytéotique administratif plutôt que les cessions
quand la qualité du bien est avérée ; relancer les transferts des monuments aux collectivités
18
LAURENT Xavier, Grandeurs et misère du patrimoine, d’André Malraux à Jacques Duhamel (1959 – 1973), Paris : Ecole Nationale des Chartes, Collection Mémoires et documents, 2003, p. 287 19
Ibid., p. 285 20
Usage marchand du patrimoine, Cahier Espace n°296, Paris : Editions Espaces tourisme & loisirs, 2011, 50 p. 21
PUYDEBAT Jean-Michel, « Faire vivre le patrimoine tout en respectant l’intérêt général », in Cahier Espaces n°296, Paris : Editions Espaces tourisme & loisirs, 2011, p. 8 – 11. 22
Ibid., p. 9
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
21
locales car elles sont plus à même d’appréhender l’avenir de leur patrimoine et enfin de
rédiger des cahiers des charges bien détaillés et négocier avec les futurs partenaires pour
obtenir des compensations de service public. Jean-Michel Grard23
insiste quant à lui sur le fait
qu’aujourd’hui l’usage marchand n’est plus une option que l’on peut contourner mais une
nécessité si nous voulons continuer à pouvoir entretenir nos monuments. Pour le président
d’honneur du Géfil les projets d’utilisation des monuments doivent assurer une certaine
rentabilité et viabilité économique. Ainsi, si les activités d’hébergement et de restauration sont
créatrices de richesses Jean-Michel Grard insiste sur des fondamentaux à respecter dans toute
valorisation du patrimoine : travailler à bonne échelle (besoins/moyens), sortir de la
monoculture touristique en couplant fonctions de service et activités marchandes pérennes et
cultiver l’insertion du patrimoine dans la chaine de qualité24
. Dans son article, Valéry Patin25
souligne deux difficultés relatives aux hébergements patrimoniaux : réussir à atteindre une
certaine rentabilité et protéger le patrimoine. Pour lui, le coût d’installation d’une telle activité
dépend du niveau de protection de l’édifice mais aussi de son état, de la complexité de sa
restauration, de l’adaptabilité du monument et du montant du budget « conservation-
sécurité ». Coûts pouvant être compensés par l’augmentation des tarifs (justifiable par
l’attractivité du monument) et le recours aux aides publiques pour les travaux. Pour Valéry
Patin, le patrimoine a un rôle économique comme élément de développement local. S’il
défend la transformation de monuments anciens en hébergements touristiques, solution qui
permet d’alléger le coût du patrimoine vis-à-vis du cas des musées et sites ouverts au public
largement déficitaires, Valéry Patin insiste néanmoins sur les risques à ne pas négliger : d’une
part s’assurer que le marché existe et d’autre part le risque de dégradation physique et de perte
de signification culturelle. Cependant, ce dernier risque existe aussi pour les sites qui
cherchent à tout prix à augmenter leur fréquentation. En somme, pour l’auteur de cet article,
ce n’est pas tant l’installation d’activités hôtelières dans les monuments qui pose problème
mais le fait que ces derniers soient gérés comme des entreprises privées commerciales.
La deuxième partie de ce numéro sur l’usage marchand du patrimoine montre, à l’aide
d’exemples de projets de réutilisation de monuments, les opportunités d’une telle démarche.
Après avoir présenté le projet de l’abbaye de Fontevraud, David Martin26
cherche à expliquer
23
GRARD Jean-Michel, « Usage marchand du patrimoine. Un destin inéluctable ? », Ibid., p. 12 – 14. 24
Ibid., p. 14 25
PATIN Valéry, « Usage marchand du patrimoine. La difficile conciliation des enjeux économiques et des enjeux culturels », ibid., p. 15 – 19. 26
MARTIN David, « L’abbaye de Fontevraud, une cité à vivre aujourd’hui », ibid., p. 20 – 23.
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
22
l’opportunité créée par l’installation d’activités hôtelières pour le développement de
l’attractivité des monuments. Pour lui, la question de l’usage marchand du patrimoine suppose
de réfléchir au regard que nous portons sur le patrimoine. Il insiste sur la nécessité de
redonner vie aux monuments tout en évitant de se focaliser sur des intérêts purement
économiques. Bruno Airaud et Alexandre Vitel présentent quant à eux le projet du Familistère
de Guise27
qui leur permet de souligner les avantages de la reconversion du patrimoine :
sauver le patrimoine et concourir au développement local. Caractéristiques également mises
en avant par Jean-François Hébert pour la réhabilitation du quartier des Héronnières28
.
Concernant l’hôtellerie patrimoniale, Bruno Airaud et Alexandre Vitel insistent sur le
développement de l’hôtellerie multistandard (dont le modèle est le Llyod hôtel d’Amsterdam)
et qui favoriserait l’accessibilité de ce type d’hébergement dans les lieux patrimoniaux à un
plus grand public. Avec le projet de la citadelle et de la caserne d’Arras, Patrice Jossep29
insiste sur l’importance de l’adhésion du public et de la population locale pour la réussite des
projets de reconversion. Enfin, Olivier Petit et Samuel Couteleau30
évoquent les préalables à
tout projet de réutilisation d’un monument. Pour eux, ce projet doit répondre à des besoins
précis et reposer sur une étude du potentiel du bâti et un diagnostic technique car si
l’hôtellerie patrimoniale présente un atout de développement elle n’est pas adaptée à tous les
monuments. L’exemple des Hôtels France Patrimoine, présenté par Olivier Gourio31
illustre
les caractéristiques qu’un monument doit avoir pour pouvoir accueillir leur activité hôtelière :
avoir une capacité suffisante, pouvoir accueillir des activités de restauration, colloques,
séminaires… En somme, ce numéro consacré à l’usage marchand du patrimoine nous aura
montré que si l’hôtellerie patrimoniale est une opportunité pour valoriser le patrimoine, le
maintenir en état et préserver son ouverture au public, chaque projet doit répondre à un certain
nombre de principes qui garantissent sa réussite et le respect du bâtiment exploité.
27
AIRAUD Bruno, VITEL Alexande, « Familistère de Guise. Hier comme aujourd’hui, la mixité des usages au service de l’utopie », ibid., p. 24 – 28. 28
HEBERT Jean-François, « Quartier des Héronnières. L’opportunité d’un projet de site pour le château de Fontainebleau », ibid., p. 32 – 33. 29
JOOSEP Patrice, « La citadelle et la caserne d’Arras se préparent à une nouvelle vie », ibid., p. 29 – 31. 30
PETIT Olivier, COUTELEAU Samuel, « Donne une vocation hôtelière au patrimoine, ce n’est pas si facile », ibid., p. 34 – 39. 31
GOURIO Olivier, « France Patrimoine. Des hôtels de charme dans des monuments historiques », ibid., p. 43 – 45.
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
23
Concilier forme et usage
Pour Jacques Rigaud, président de la CIRCA32
, la réutilisation des édifices anciens
n’est pas une pratique qui date d’aujourd’hui : « Les sociétés du passé, respectueuses des
monuments en raison de leur fonction sociale alors vivante et reconnue, qu’elle soit
religieuse, politique, stratégique ou intellectuelle, n’hésitaient pas à les renverser ou à les
altérer si la disparition ou la transformation de ces fonctions sociales l’exigeait. »33
Ainsi, les
sociétés se sont perpétuellement réapproprié les monuments, ont réinvesti ou détruit ceux qui
avaient perdu leur utilité afin d’en recréer de nouveaux correspondant à l’évolution des
besoins de leur société. L’histoire de la réutilisation témoigne de l’évolution des attitudes face
au patrimoine architectural et de la perception que les hommes ont eu des monuments.
François Enaud, dans son essai d’interprétation historique sur les bons et mauvais usages des
monuments anciens34
, distingue trois phases : l’usage spontané, l’usage sauvage et l’usage
rationnel.
L’usage spontané correspond à une période allant de la Préhistoire à la fin de l’Ancien
Régime. Durant ces temps, c’est la fonction religieuse qui domine. Les dolmens et menhirs
sont, pour François Enaud, les premiers exemples de monuments réappropriés par différentes
civilisations mais dont la fonction funéraire initiale fut respectée. C’est ensuite la fonction
militaire qui joue un rôle important, notamment durant l’antiquité grecque et romaine. Les
constructions, agrémentées de murailles et fortifications, prennent une fonction défensive. Les
édifices religieux sont également transformés. Durant le Moyen-Age, les guerres de religions
amènent les paysans à se réfugier dans les églises des villages qui sont alors agrémentées de
structures militaires. Ce sont ensuite pour des raisons esthétiques que les édifices sont
modifiés : « pendant le règne de Louis XIV et de Louis XV, de somptueuses parures de chœur
ou de vastes compositions picturales ont admirablement pris leur place dans les cathédrales
des églises médiévales, rénovées avec triomphalisme par le Concile de Trente »35
. La
modification des édifices se fait également en parallèle avec l’évolution des techniques et des
styles. Le mouvement de création continue de cette période traduit une conception assez
32
La CIRCA est l’association chargée de la gestion de la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon. 33
RIGAUD Jacques, « Patrimoine, évolution culturelle », in Monuments Historiques n°5, Colloque d’Avignon : « Utiliser les Monuments Historiques », Paris : Caisse nationale des monuments historiques et des sites, 1978, p. 4 34
ENAUD François, « Du bon et du mauvais usage des monuments anciens », ibid., p. 9-20. 35
Op. cit., p. 12
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
24
utilitaire des monuments : ce qui est réutilisable est réadapté alors que ce qui n’a plus d’utilité
est démoli et les matériaux sont réutilisés pour de nouvelles constructions. Les rois de France
n’ont jamais hésité à embellir les châteaux et édifices religieux pour montrer leur puissance et
leurs richesses. Les monuments étant synonymes de pouvoir ils devaient être à la hauteur de
leur monarque. A cette époque, si les fonctions civiles ou religieuses des monuments sont le
plus souvent respectées, la question de leur authenticité n’était pas une préoccupation : ils
subissaient les variations du goût et des conditions socio-économiques. Nos ancêtres avaient
un regard à la fois économique et pragmatique sur les monuments.
Toutefois, de la Révolution jusqu’au XIXème
siècle, les édifices vont connaître un tout
autre sort, c’est l’usage sauvage. La Révolution est la négation du passé et de tout ce que
représentent l’Ancien régime, la monarchie et l’église. Les révolutionnaires s’attaquent
d’abord aux édifices religieux qui sont désacralisés, pillés et dévastés. De plus, dans un souci
de rentabilité, certains sont loués, d’autres vendus et leurs matériaux de construction
récupérés. Durant cette période, François Enaud distingue trois principes de réutilisation
« contre nature » : militaire, pénitentiaire et industriel. Les églises sont transformées en
granges, en écuries, en dépôts, ce qui engendrera de profondes modifications structurelles.
Cette époque, correspond à une négation des valeurs symboliques et esthétiques des
monuments engendrant des pratiques de réutilisation sauvages ne respectant en aucun cas la
nature des édifices. Les monuments ne sont considérés que pour le cadre architectural qu’ils
offrent et non pour leurs valeurs intrinsèques.
Cependant, les vandalismes de la Révolution vont engendrer la prise de conscience de
la valeur de ces monuments et de l’idée d’un patrimoine national qu’il faut sauvegarder. La
période allant du milieu du XIXème
siècle à la fin du XXème
siècle correspond à l’usage
rationnel des monuments. C’est à cette époque que naissent les notions de patrimoine et de
monuments historiques. La perception que les hommes ont des monuments change. Ils
deviennent des témoins de l’histoire et ont en quelque sorte une valeur de refuge. La volonté
devient alors de rendre aux édifices une utilisation plus digne. Les édifices religieux sont
sauvés et retrouvent, dans la mesure du possible, un usage cultuel. Toutefois, lorsque cette
reconversion est impossible on se tourne vers un usage culturel (la fonction muséale est
souvent privilégiée) ou encore vers l’installation de services publics comme un hôtel des
postes, un marché couvert, un syndicat d’initiative… Les édifices civils (manoirs, châteaux,
hôtels particuliers…) sont quant à eux réutilisés avec plus de facilité. La plupart d’entre eux
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
25
reçoivent ainsi des affectations muséographiques, culturelles, administratives et collectives
(collèges, hospices, maison de retraite, colonies de vacances, hôtels). Toutefois, la
reconversion reste encore problématique pour les fortifications médiévales qui sont déclassées
et abandonnées car on ne leur trouve plus d’utilité. Elles deviennent ainsi de « vastes coquilles
vides ». Cette période nous montre ainsi la volonté de rendre aux monuments un usage
respectant l’esprit des lieux. La démarche adoptée consiste à sauvegarder les édifices en leur
trouvant une nouvelle affectation, la réutilisation étant ainsi une option de sauvegarde.
Toutefois, la création des monuments historiques a engendré un autre phénomène : la
dissociation de l’édifice et de son usage. Œuvres du passé, témoins vidés de leur fonction, les
édifices reçoivent une utilité affective, symbolique, esthétique et identitaire. Voués à un usage
que l’on peut qualifier de « contemplatif » le seul objectif est de les conserver.
A cet essai d’analyse historique des usages des monuments anciens, nous ajouterons
une dernière phase correspondant à la période allant de la fin du XXème
siècle à nos jours et
que nous pourrons appeler « l’usage rentable ». Tout au long du XXème
siècle, le champ
d’action de la protection des monuments historiques s’est considérablement élargi pour
englober à la fois les biens mobiliers et immobiliers, les sites urbains ou naturels, le
patrimoine matériel et immatériel. A ce jour, en France, plus de 43 180 monuments sont
protégés au titre des monuments historiques : dont 33% classés et 67% inscrits. De plus, sur
l’ensemble de ces édifices protégés, 52 % appartiennent à des propriétaires privés, 44 % à des
communes et seulement 4 % à l’Etat.
Figure 3 - Nombre total d'édifices protégés et Répartition du parc monumental (© Ministère de la Culture et de la Communication)
Le régime de protection et de conservation des monuments historiques est régi par la
loi de 1913 sur les monuments historiques dans laquelle l’Etat a un rôle central en tant que
soutien financier et garant du respect de certaines normes d’entretien ou de restauration.
67%
33% Inscrits
Classés52% 44%
4% Propriétairesprivés
Communes
Etat
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
26
Cependant, au regard de l’état sanitaire dégradé des monuments36
et de la difficulté des
pouvoirs publics à réunir les fonds nécessaires à leur entretien l’enjeu est certes d’assurer leur
conservation mais il est apparu nécessaire de trouver d’autres sources de financement. On
passe alors d’une logique de conservation pure à une logique de valorisation économique. La
volonté est d’affecter aux monuments historiques des utilisations dont les bénéfices
permettront d’assurer leur entretien. Toutefois, quelles conditions les projets de réutilisation
doivent réunir pour assurer le respect de l’édifice, à savoir de son architecture et de son
identité ?
De ces deux premières parties, où nous avons pu comprendre d’une part les enjeux et
contraintes de la réutilisation des monuments anciens et d’autre part, l’évolution du regard
porté par l’homme sur ces édifices, nous pouvons dégager un principe général. A savoir, la
réussite d’un projet de réutilisation d’un monument historique doit reposer sur le respect de :
l’architecture, de l’esprit des lieux et de l’intérêt général.
Le premier principe est le respect de l’architecture car un monument est avant tout une
œuvre architecturale. Un monument est caractérisé à la fois par son aspect extérieur, sa
façade, son allure générale, et son aspect intérieur, ses différentes pièces, leur agencement,
l’équilibre entre les pleins et les vides. C’est un ensemble à considérer dans sa totalité. Un
monument historique diffère d’un monument par le seul fait que ses qualités architecturales,
esthétiques et son histoire l’ont rendu, aux yeux des décideurs publics, comme un témoin de
l’histoire et de l’art. La loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques définit ainsi la
notion de monument historique : « Les immeubles dont la conservation présente, au point de
36
Voir : BADY Jean-Pierre (2007), Rapport sur l’Etat du Parc Monumental Français, Ministère de la culture et de la communication, 64 pages.
Architecture
Intérêt général
Esprit des lieux Figure 4 - Les trois aspects
que tout projet de
réutilisation d'un monument
historique doit respecter.
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
27
vue de l’histoire ou de l’art, un intérêt public, sont classés comme monuments historiques »37
.
De plus, comme nous l’avons vu précédemment, les monuments ont été construits pour une
fonction bien définie, fonction à laquelle a répondu un programme, traduit dans l’œuvre
architecturale qui en est le résultat. C’est donc cette fonction qui a commandé le plan de
l’édifice. En somme, pour élaborer un projet de réutilisation d’un monument il semble
impératif d’une part, d’effectuer une analyse historique du monument afin d’en comprendre
les conditions de création mais aussi de créer un nouveau programme qui appréhendera
l’édifice dans son ensemble. Cependant, l’architecture ne concerne pas seulement la forme de
l’édifice mais aussi son décor. Décor qui fait souvent partie des raisons pour lesquelles le
monument a été protégé au titre des monuments historiques. Ainsi, le projet de réutilisation ne
devra ni cacher, ni altérer, ni modifier, ni détourner ce décor car il fait partie intégrante de
l’édifice et contribue à sa valeur patrimoniale. L’article 4 de la Charte Internationale de
Venise résume ainsi les deux principes qui nous venons d’énoncer s’agissant du respect de
l’architecture : « La conservation des monuments est toujours favorisée par l'affectation de
ceux-ci à une fonction utile à la société; une telle affectation est donc souhaitable mais elle ne
peut altérer l'ordonnance ou le décor des édifices. C'est dans ces limites qu'il faut concevoir
et que l'on peut autoriser les aménagements exigés par l'évolution des usages et des
coutumes. » Du point de vue des installations qui accompagneront la mise en place du
nouveau projet, certains préfèrent qu’elles soient temporaires, d’autres pérennes, l’importance
reste qu’elles s’adaptent à l’architecture de l’édifice et que ce ne soit pas l’édifice qui soit
modifié pour s’adapter à elles. Comme le souligne Michel Parent, « on ne plaque donc pas un
usage, un programme, a priori, sur un édifice : c’est lui qui, dans l’occasion de finalités
renouvelées (culturelles à la place de cultuelles par exemple), impose son propre style de
vie »38
. Enfin, le respect de l’architecture passe aussi par la restauration de l’édifice car ne
l’oublions pas, l’objectif de la réutilisation des monuments historiques est aussi, et surtout, de
pouvoir financer son entretien.
Le deuxième principe à respecter est l’esprit des lieux. Par esprit des lieux, nous
entendons à la fois la fonction initiale de l’édifice, qui a déterminé son usage, mais aussi
l’histoire de l’édifice, qui en fait un témoin de l’histoire. Il s’agit là de la valeur immatérielle
37
Article 1er
de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques. 38
PARENT Michel, « Le sens du patrimoine, l’architecture est-elle utile ? », in Monuments Historiques n°5, Colloque d’Avignon : « Utiliser les Monuments Historiques », Paris : Caisse nationale des monuments historiques et des sites, 1978, p. 23.
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
28
du monument historique. Cet aspect est très important car quand bien même bon nombre de
nouvelles utilisations semblent pouvoir s’adapter à tous les types d’édifices, il ne serait pas
acceptable d’installer, pour caricaturer notre exemple, une boîte de nuit dans une église. S’il
n’est pas toujours possible de conserver la fonction de l’édifice, il est du moins important d’en
garder la mémoire en l’évoquant, dans le futur projet. Ainsi, dans le cadre d’un édifice
militaire transformé en hôtel on pourrait imaginer que la fonction initiale de l’édifice,
militaire, soit expliquée aux nouveaux visiteurs afin que sa mémoire ne soit pas effacée. Mais
parce que l’esprit des lieux passe aussi par l’histoire du monument historique, il convient
également de ne pas chercher à modifier, ni effacer son souvenir. L’exemple de l’hôtel de la
Marine nous montrera que cette valeur immatérielle des monuments historiques fut soulignée
par certains défenseurs du patrimoine comme Jean Ducros, qui distingue bien les valeurs
matérielles et immatérielles des monuments : « Lorsque j'ai écrit que l'hôtel de la Marine
était "une sorte de cathédrale laïque", j'ai voulu rappeler que pour comprendre ce monument,
il convenait de dépasser cette admiration naïve qui fait écarquiller des yeux ébahis devant des
dorures et de riches décors ouvragés. J'ai voulu indiquer qu'il fallait en considérer le
patrimoine immatériel »39
. Aussi, parce que la création des monuments historiques a, comme
nous l’avons dit précédemment, favorisé une vision contemplative des monuments, il semble
important de ne pas oublier cette valeur immatérielle qui se traduit dans la fonction initiale
mais aussi dans l’histoire des édifices.
Enfin, le troisième principe est l’intérêt général. Ce principe est fondamental, surtout à
l’heure actuelle, où l’implication d’investisseurs privés dans la gestion des monuments
historiques appartenant à l’Etat fait débat. L’intérêt général se traduit par le fait que les
monuments historiques font partie du patrimoine national, un héritage commun qui appartient
à tous les français. Cependant, si les monuments historiques appartenant à des propriétaires
privés semblent pouvoir déroger à la règle de l’ouverture au public, ce n’est pas le cas des
monuments appartenant à l’Etat. Comme le souligne Vincent Michelon, « les Français sont
très attachés au patrimoine public car ils considèrent à juste titre qu'il leur appartient »40
. Le
respect de l’intérêt général suppose donc que le projet prévoit une ouverture du monument au
public afin que celui-ci n’en soit pas privé et puisse continuer à l’admirer, à en profiter. La
39
Voir la Correspondance avec Jean Ducros, secrétaire général de l’Association des Amis de l’Hôtel de la
Marine, dans le volume d’outils méthodologiques. 40
Voir l’entretien réalisé avec Vincent Michelon, journaliste pour Metro et auteur de l’ouvrage « La France solde son patrimoine », dans le volume d’outils méthodologiques.
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
29
polémique suscitée par l’hôtel de la Marine nous montrera qu’une des valeurs défendues par
les opposants au projet de l’investisseur privé Alexandre Allard sera l’appartenance du
patrimoine au peuple français. Les propos de Valéry Giscard d’Estaing à propos de l’avenir de
l’hôtel de la Marine illustrent cette conception : « […] nous allons rendre ce bâtiment à la
population française. Il sera ouvert à la visite et contiendra des éléments admirables. Les
Français se retrouveront ainsi en possession de ce que leur appartient et qui a failli leur
échapper »41
.
La réutilisation des monuments historiques est donc une question qui se pose depuis
une quarantaine d’années. Si les tenants et aboutissants d’une telle pratique semblent faire
débat parmi les défenseurs du patrimoine, des entreprises ont fait de la réutilisation des
monuments historiques leur spécialité.
41
Propos tenu par Valéry Giscard d’Estaing lors de la table ronde sur l’avenir du patrimoine national, organisée par les Vieilles Maisons Françaises le 22 juin 2011 à l’Institut Pasteur.
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
30
Des entreprises spécialisées
Depuis que la question de la réutilisation des monuments historiques se pose, un
certain nombre d’entreprises se sont développées pour tenter de rendre aux monuments ayant
perdu leur affectation le « souffle de la vie » et leur trouver une nouvelle affectation
permettant, par les bénéfices dégagés, de financer leur entretien. En France, nous avons ainsi
recensé cinq entreprises importantes que nous allons présenter dans les lignes suivantes.
Kléber Rossillon
La société Kléber Rossillon est spécialisée dans la gestion de
sites et de monuments historiques. Créée en 1985, elle porte le nom
de son fondateur, un ingénieur diplômé de l’Ecole Polytechnique et
de l’Ecole Nationale de l’Aéronautique et de l’Espace. A partir de
1987, parallèlement à ses diverses responsabilités au service de l’Etat
(il fit partie de la maitrise d’ouvrage du programme Ariane entre 1978 et 1995), Kléber
Rossillon fut en charge des travaux de restauration du château de Castelnaud (Dordogne) où il
créa la scénographie du Musée de la Guerre au Moyen-Age, de la restauration du château de
Gençay (Vienne) et des travaux des Jardins de Marqueyssac. Elu président de Patrimoine
Environnement en 1993, il devient le directeur technique de la Fondation du Patrimoine en
1997 puis président de l’association Journées du Patrimoine de Pays en 2000. Aujourd’hui, la
société Kléber Rossillon gère cinq sites patrimoniaux classés : le château de Castelnaud, les
jardins de Marqueyssac, le château de Commarque et le château de Langeais. Ses domaines
d’intervention sont multiples :
- gestion et conduite de travaux dans des monuments historiques, des musées et des
sites naturels ;
- conception et suivi d’aménagements intérieurs et extérieurs
- élaboration et mise en place de politiques culturelles
- mise en œuvre de programmes pédagogiques
- gestion de boutiques et de librairies
- gestion de restaurants et de salons de thé
- définition de la politique marketing et commerciale
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
31
Pour la société Kléber Rossillon la visite d’un monument sollicite tous les sens, ainsi
un projet de monument est à la fois la mise en scène de cette visite, la capacité à intéresser le
public (qui passe par une bonne connaissance de ce public), la mise en valeur des éléments
phares d’un édifice, qui permettent d’en appréhender l’histoire mais aussi des aménagements
permettant de recevoir le public et lui offrir les services attendus. La société Kléber Rossillon
conçoit la gestion d’un monument historique avec des programmes liant l’histoire du lieu à
des activités commerciales. Même si la réussite de projets culturels ne se limite pas aux taux
de fréquentation, ceux du château de Castelnaud, des jardins de Marqueyssac et du château de
Langeais42
montrent une augmentation constante depuis que la société Kléber Rossillon s’est
vu confier leur gestion. La société a d’ailleurs été choisie pour gérer le fac-similé de la Grotte
Chauvet.
Culturespaces
Fondée en 1991 avec le soutien du groupe GDF SUEZ
Culturespaces est une autre entreprise spécialisée dans la
valorisation et la gestion de monuments, musées et sites historiques. Son fondateur, Bruno
Monnier fut tout d’abord chargé de mission auprès du Ministère de la Culture pour la
modernisation et la gestion des musées et monuments (commission « Patrimoine 2000 ») et la
réorganisation du « Grand Versailles ». Fort de son expérience dans le domaine culturel, il
quitte le ministère en 1988 pour créer Culturespaces avec pour objectif de répondre aux
besoins des collectivités territoriales et des institutions publiques. Centrée avant tout sur
l’accueil des visiteurs, la société gère aujourd’hui plus de dix sites et monuments : le musée
Jacquemart-André (Paris), la villa Ephrussi de Rothschild (Côte d’Azur), la Villa Grecque
Kérylos (Cote d’Azur), le Théâtre Antique et le Musée d’Orange (Provence), les Arènes de
Nîmes, la Maison Carré et la tour Magne (Gard), le château des Baux de Provence, les
Carrières de Lumières, la Cité de l’automobile et la Cité du Train (Alsace) et la Champ de
bataille de Waterloo (Belgique). Avec plus de deux millions de visiteurs par an dans ses sites,
les domaines d’actions de Culturespaces sont multiples :
- mise en valeur des espaces, des collections et scénographie des visites
- création d’expositions et de manifestations culturelles
42
Dossier de presse, (www.kleber-rossillon.com)
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
32
- communication nationale et internationale ; accueil des publics, gestion de la
billetterie et de la visite
- organisation de visites guidées et d’ateliers pédagogiques
- gestion des librairies-boutiques, salons de thé et restaurants
- accueil d’événements professionnels et de réceptions privées de prestige, entretien
des espaces et des jardins.
Fonctionnant avec ses recettes propres, l’objectif de Culturespaces est de faire vivre
les sites et monuments tout en assurant leur équilibre financier.
Chateauform’
Chateauform’ un groupe européen, créé par Jacques Horovitz
au début des années 2000, spécialisé dans les séminaires et réunions
d’entreprises. L’idée de cette entreprise est née du constat de son
fondateur, animateur de séminaires dans le monde entier, de
l’inadéquation des lieux accueillant ces activités. Le concept de Chateauform’ est d’accueillir
les participants dans des lieux conviviaux où l’on se sent chez soi et de leur offrir un grand
nombre de prestations : salles de travail équipées, hébergement, repas, activités de loisirs et de
détente. Ces maisons sont situées en France, en Espagne, en Italie et en Belgique. En France,
la société gère un peu moins d’une vingtaine d’édifices : le château de Suduiraut (Aquitaine),
le château de Faverges (Rhône-Alpes), le château du Haut-Rosay (Eure), le château de
Neuville et la château de Bellinglise (Oise), le château de Crécy, le château de Guermantes, le
château des Prés d’Ecoublay, le Manoir de Fontenay Tresigny et le Fief des Epoisses (Seine-
et-Marne), le château de Mareil, le château de Mensuls, le château de Rochefort, le château de
Ronqueux et le château de Romainville (Yvelines), le château de Nointel (Val d’Oise). Centré
avant tout sur l’accueil des participants aux séminaires, Chateauform’ gère donc des édifices
d’une grande qualité.
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
33
Hôtels France Patrimoine
Hôtels France Patrimoine est une chaine
hôtelière créée au début des années 2000. Née de la
volonté d’installer des hôtels de charme dans des
monuments historiques, un modèle qui s’inspire
des paradores espagnols, la société s’est spécialisée dans l’exploitation d’hôtels ou de
restaurants situés dans des lieux d’exception, classés monuments historiques et proposant des
activités culturelles de prestige. Les Hôtels France Patrimoine gèrent aujourd’hui un ensemble
de quatorze établissements dans toute la France : le Saint James & Albany Hôtel-Spa (un 4*
installé dans l’ancienne demeure des Ducs de Noailles), l’hôtel Auteuil Tour Eiffel***, l’hôtel
Turenne le Marais*** et l’hôtel Vanneau Saint-Germain (Paris) ; l’hôtel de l’Abbaye Royale
de Fontevraud**, l’hôtel La Petite Verrerie** (installé dans une ancienne dépendance du
château de la Verrerie), l’hôtel Cloître Saint-Louis** et l’Avignon Grand Hôtel**** (installée
dans les remparts de la ville), l’hôtel Abbaye Ecole de Sorèze, l’hôtel Le Château fort
(installée dans l’enceinte du château fort de Sedan). Pour accueillir un Hôtel France
Patrimoine les monuments doivent présenter une capacité permettant l’installation d’au moins
cinquante chambres, offrir la possibilité de mettre en place un restaurant gastronomique
pouvant exister en autonomie et pouvoir accueillir des événements comme des mariages ou
séminaires, conditions assurant une certaine rentabilité de leur activité.
Pierres d’Histoire
Fondée en 2011 par Dominique Imbert, ancien
dirigeant d’entreprise, Pierres d’Histoire est la dernière-
née de ces entreprises spécialisées dans la gestion de
monuments historiques. Inspirée du modèle du Landmark
Trust (un modèle liant tourisme et patrimoine qui a sauvé plus de deux cents lieux historiques
de Grande-Bretagne), l’idée est de sauver des édifices historiques de taille moyenne en les
transformant en gîtes. Elle repose pour cela sur le principe que les ressources générées
permettront d’assurer l’entretien des édifices.
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
34
La société d’économie solidaire repose sur un certain nombre de principes qu’elle
s’engage à respecter :
- se former aux règles de l’entreprise solidaire,
- restaurer les édifices dans le respect de leur histoire,
- solliciter les artisans locaux, recourir aux entreprises d’insertion,
- créer des emplois de service dans chaque site,
- pratiquer des tarifs accessibles,
- promouvoir les commerçants locaux,
- faire découvrir l’histoire du bâtiment et de son territoire,
- organiser des journées portes ouvertes,
- respecter l’environnement bâti et naturel,
- privilégier les énergies renouvelables,
- réinvestir les excédents disponibles dans la cause43
.
Pierre d’Histoire assure donc la restauration et le respect des édifices dans lesquels
l’entreprise s’installe. Elle propose également aux propriétaires une solution pour sauver leurs
demeures. Ses premiers sites sont le moulin de Conas (Hérault), la Tour aux Vingt angles
(Haute-Loire) et le château de Séchilienne (Isère). L’objectif de Pierres d’Histoire est donc de
rendre accessibles au public des lieux du patrimoine abandonnés en les transformant en lieux
de vacances.
L’étude de ces différentes entreprises nous a permis de découvrir les potentialités de
notre patrimoine. Hôtels, gîtes, restaurants, musées, lieux de séminaires sont tout autant
d’utilisations possibles de nos monuments qui permettent de les sauver.
43
www.pierresdhistoire.fr
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
35
Avec cette première partie, dédiée à l’étude de la réutilisation du patrimoine
architectural, nous aurons vu que la question de l’affectation des édifices anciens à une
nouvelle fonction s’est développée parallèlement à la naissance de la notion de monuments
historiques. En effet, après avoir protégé nombre de monuments témoins de l’histoire et de
l’art de la France qui ont ensuite perdu leur fonction, la volonté a ensuite été de les réutiliser.
Toutefois, quelles activités sont dignes de ces édifices et comment concevoir les projets de
réutilisation ? L’étude de l’usage des monuments depuis la préhistoire jusqu’à nos jours nous
a conduit à établir une règle devant régir chaque projet de réutilisation qui devra donc
respecter à la fois l’architecture de l’édifice mais aussi l’esprit des lieux tout en assurant son
ouverture au public. C’est le pari que de nombreuses entreprises spécialisées dans la gestion
des sites et monuments historiques tentent de réaliser. Toutefois, si les modalités d’action de
certaines sont critiquées elles ont le mérite de chercher à sauver notre patrimoine en lui
trouvant de nouvelles fonctions.
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
36
UN MONUMENT EMBLEMATIQUE AU CŒUR DE LA
POLITIQUE IMMOBILIERE DE L’ETAT
Une nouvelle politique pour le patrimoine
L’affaire de l’hôtel de la Marine, que nous proposons d’étudier pour illustrer nos
recherches n’est pas un cas isolé mais la conséquence d’un changement de politique en faveur
du patrimoine immobilier de l’Etat.
En effet, depuis l’année 2003, l’Etat s’est engagé dans une vaste politique immobilière
qui s’est traduite par le transfert et la cession d’un certain nombre de ses monuments.
L’objectif étant d’une part de partager la gestion d’un patrimoine difficile à entretenir avec
d’autres acteurs et d’autre part, d’encourager l’installation d’activités économiques dans les
monuments historiques afin d’en assurer la rentabilité. Les conditions de cette politique
peuvent être étudiées en plusieurs étapes grâce à certains documents qui nous permettront
également d’introduire les différents thèmes que nous aborderons tout au long de ce travail.
En juillet 2003, Jean-Jacques Aillagon, Ministre de la culture et de la communication,
demande à René Rémond d’établir une liste de monuments pouvant être transférés en pleine
propriété aux collectivités locales selon un certain nombre de critères. L’objectif de cette
mission étant d’une part d’encourager l’implication des collectivités locales envers le
patrimoine et d’autre part, d’apprécier les liens entre ces monuments et la mémoire nationale.
Les conclusions de ce rapport44
nous montrent que sur l’ensemble des quatre cent monuments
historiques étudiés45
, cent trente-six devaient être conservés par l’Etat et cent soixante-deux
pouvaient être transférés aux collectivités territoriales (quatre-vingt-quatre monuments ont
reçu l’avis « transfert possible » et soixante-dix-huit l’avis « transfert souhaité »). Outre les
44 Rapport de la commission présidée par M. René Rémond, Président de la Fondation nationale des sciences
politiques à Jean-Jacques Aillagon, Ministre de la culture et de la communication, 17 novembre 2003. 45
Monuments appartenant à l’Etat et affectés au Ministère de la Culture.
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
37
conclusions qu’il présente, ce rapport est important pour notre étude car il introduit la notion
de « mémoire nationale » et cherche à distinguer les monuments qui doivent rester dans le
giron de l’Etat. Ceux-ci sont associés à des événements majeurs de l’histoire nationale et
participent à l’image de la France dans le monde. Des édifices comme l’Abbaye de Cluny, la
Colonne Vendôme, la chapelle Expiatoire ou le Panthéon et l’Arc de Triomphe sont
considérés comme étant emblématiques du patrimoine national et se trouvent ainsi écartés
d’un quelconque projet de cession à d’autres acteurs, aussi bien publics que privés. Les
édifices qui doivent rester dans le giron de l’Etat sont classés selon trois critères : les lieux de
mémoire nationale (commémoratifs des grandes dates de l’histoire de France), les anciens
biens de la Couronne (représentatifs de la constitution de l’Etat national) et les archétypes
architecturaux dont la qualité exceptionnelle et la valeur pédagogique justifient leur
possession par l’Etat. A ces trois types d’édifices ont été ajoutés les sites archéologiques
constituant des réserves et les grottes ornées dont la fragilité et les difficultés de gestion
exigent la compétence de l’Etat. Ainsi, la notion de patrimoine national est très importante, et
comme nous le verrons plus tard, elle sera déterminante dans les débats concernant la
réaffectation de l’hôtel de la Marine.
La loi de décentralisation de 2004 a donné lieu à plusieurs mesures significatives en
matière de gestion du patrimoine : une première vague de transfert de monuments historiques
aux collectivités, le transfert du service de l’inventaire aux régions et le transfert de la maîtrise
d’ouvrage aux collectivités territoriales et propriétaires privés. L’Etat est propriétaire d’un
certain nombre d’édifices qui peuvent être divisés en deux catégories : ceux qui ont vocation à
rester dans le giron de l’Etat, car ils sont emblématiques du patrimoine national, et les autres.
Suite au rapport Rémond, une liste de monuments pouvant être transférés aux collectivités à
titre gratuit fut établie et pour les cent soixante-seize monuments retenus seuls soixante-dix
dossiers de candidature ont été déposés par les collectivités et soixante-cinq d’entre eux
retenus (cinquante-neuf conventions de transferts ont été signées et six retardées pour des
raisons administratives) 46
. En 2004, les collectivités devaient justifier d’un « projet culturel »
pour bénéficier d’un édifice appartenant à l’Etat, critère important de cette première vague de
transferts qui sera remise en cause par la suite avec l’article 52 du projet de loi des finances
2010. La décentralisation est une étape importante car elle traduit une évolution importante de 46 Propos tenus par Isabelle Maréchal, Chef du Service Patrimoine, Ministère de la Culture et de la
Communication, Direction Générale des Patrimoines, lors de la journée technique « Châteaux, abbayes, sites militaires… : comment réussir la valorisation touristique de ce patrimoine en région ? » organisée par Atout France au Musée Guimet le 18 octobre 2011.
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
38
la gestion du patrimoine immobilier de l’Etat et du rapport entre l’Etat et ses monuments. De
plus, il nous apparait important de noter d’une part que ces cessions ne concernaient que les
monuments gérés par le Ministère de la Culture et d’autre part que les collectivités intéressées
par un transfert avaient pour obligation de justifier d’un « projet culturel » viable, conditions
qui, nous le verrons plus tard, changerons dans la deuxième étape de cette décentralisation.
En 2009, Frédéric Mitterrand et Hervé Novelli47
signent une « Convention cadre
Culture-Tourisme » dont l’objectif est de valoriser le patrimoine par le tourisme. Son premier
article 1 introduit l’idée de l’installation d’activités économiques dans les monuments
historiques : « les deux ministères affirment que la sauvegarde et la préservation du
patrimoine monumental historique peuvent se concilier avec une exploitation économique
raisonnable et respectueuse des lieux […]. Ils encourageront des opérations de valorisation
du patrimoine par le tourisme qui constitueront des exemples pouvant conduire dans le
respect de la conservation de ce patrimoine à la création d’activités touristiques d’affaires,
d’hébergement ou de création d’événements ». A titre d’expérimentation, une étude sur les
« Conditions de création de structures d’hébergement dans les monuments nationaux » est
commandée à Atout France. C’est ainsi qu’une vingtaine de monuments48
appartenant au
Centre des Monuments Nationaux est passée au crible afin de déterminer dans quelles
conditions pourraient être installées des activités d’hébergement dans des parties de ces
édifices actuellement inutilisées.
Toutefois, l’installation d’hôtels dans les monuments historiques est critiquée car il
n’apparait pas acceptable de privatiser un établissement public pour le confort d’un nombre
restreint de personnes. Cette critique annonce une deuxième notion importante pour notre
étude, à savoir, celle d’ « intérêt général ». La privatisation de monuments nationaux semble
aller à l’encontre de la conception même de patrimoine national. Considérant que le
patrimoine national appartient au peuple français, il n’est pas concevable de restreindre sa
47
Respectivement Ministre de la Culture et de la Communication et Secrétaire d’Etat chargé du Commerce, de l’Artisanat, des Petites et moyennes entreprises, du Tourisme, des Services et de la Consommation. 48 Les 20 monuments sont : le château d’Assier dans le Lot ; le château de Bussy-Rabutin en Côte-d’Or ; le château de Cadillac en Gironde ; le château de Carrouges, dans l’Orne ; la Cité de Carcassonne, dans l’Aude ; le château de Champs-sur-Marne, en Seine-et-Marne ; le château de Chareil-Cintrat, dans l’Allier ; le château de Gramont, dans le Tarn-et-Garonne ; le château de Jossigny, en Seine-et-Marne ; le château de la Motte-Tilly, dans l’Aube ; l’Hôtel de Lunas, dans l’Hérault ; l’Hôtel de Sade, dans les Bouches-du-Rhône ; la place forte de Mont-Dauphin, dans les Hautes-Alpes ; l’abbaye de Montmajour, dans les Bouches du Rhône ; le château d’Oiron, dans les Deux-Sèvres ; le domaine national de Saint-Cloud, dans les Hauts-de-Seine ; l’abbaye de la Sauve-Majeure, en Gironde ; le monastère de Saorge, dans les Alpes Maritimes ; la forteresse de Salses, dans les Pyrénées Orientales ; le fort Saint-André, dans le Gard à proximité d’Avignon.
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
39
jouissance à une certaine catégorie de personnes. En étudiant l’exemple de l’hôtel de la
Marine, nous verrons que l’un des arguments mis en avant pour justifier la nécessité de garder
cet édifice dans le giron de l’Etat fut de « rendre le patrimoine aux français ».
A cette nécessité de rentabiliser le patrimoine s’est ensuite ajoutée la volonté
d’entamer une seconde étape de la décentralisation en reprenant le processus de transfert des
monuments historiques. Toutefois, les conditions des cessions changent et traduisent la
volonté d’élargir les possibilités de transferts. D’une part, l’article 52 du projet de loi des
finances de 2010 prévoit de généraliser ces transferts à tous les monuments appartenant à
l’Etat sans condition pour les collectivités locales de justifier d’un projet culturel. D’autre
part, le rapport d’Albéric de Montgolfier sur la valorisation du patrimoine culturel introduit la
possibilité d’ouvrir ces transfert aux acteurs privés : « A défaut de repreneur public, ouvrir la
possibilité d’un transfert à titre gratuit de ces monuments à vocation culturelle à des
organismes d’intérêt général, ou à titre onéreux aux autres acteurs privés dans le cadre de
projets visant une meilleure valorisation culturelle et économique »49
. Dans son rapport, le
sénateur d’Eure-et-Loir souligne la nécessité pour l’Etat de passer d’une logique de
conservation pure du patrimoine à une logique de valorisation économique en favorisant la
réutilisation du patrimoine monumental. Les propositions reprises dans l’encadré ci-dessous
montrent les différents axes de la politique immobilière de l’Etat et permettent d’expliquer les
conditions dans lesquelles l’hôtel de la Marine s’est retrouvé au cœur d’un projet de cession.
Extrait des propositions du rapport sur la valorisation du patrimoine culturel
Proposition n° 2 : « Considérer qu’au même titre que la protection, la conservation et la mise en valeur du patrimoine culturel, le Ministère de la Culture a également comme objectif de favoriser la valorisation économique de monuments historiques ouverts au public ».
Proposition n° 23 : « Confier à titre expérimental la gestion de certains monuments du centre des monuments nationaux au secteur privé dans le cadre d’une gestion déléguée ou d’un partenariat public-privé ».
Proposition n° 24 : « Utiliser tous les instruments juridiques aujourd’hui disponibles, et notamment l’emphytéose, pour faciliter la gestion par l’Etat et ses établissements publics de leur patrimoine monumental et contribuer à sa valorisation économique ».
Proposition n° 26 : « Lancer une réflexion sur une modification du Code civil afin de ne plus limiter à 30 ans la durée maximale de la cession temporaire d’usufruit ».
Proposition n° 27 : « Soutenir activement les projets envisagés par les opérateurs culturels de l’Etat de réutilisation des monuments historiques ou de leurs dépendances non ouverts au public et qui ne font pas l’objet d’une exploitation culturelle ».
49
MONTGOLFIER de Albéric, Rapport sur la valorisation du patrimoine culturel, Octobre 2010, proposition n°10.
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
40
Parallèlement à cette volonté affichée de faciliter la réutilisation des monuments
historiques s’est développé une autre dynamique, celle de la vente de monuments appartenant
à l’Etat. L’objectif de cette politique, qui s’inscrit dans le cadre de la Révision Générale des
Politiques Publiques (RGPP)50
, étant de réduire le nombre d’immeubles et de surfaces
occupées par les services de l’Etat, d’améliorer le cadre de travail des fonctionnaires
(modernisation des structures) et plus largement, de contribuer au désendettement de l’Etat :
« Une politique volontariste de cessions d’immeubles a été mise en œuvre par les pouvoirs
publics à compter de 2005. Sur la seule période de 2005-2007, l’Etat a ainsi encaissé un
montant total de 2,252 milliards d’euros de produits de cessions immobilières »51
. Pour la
gouvernance de la politique immobilière de l’Etat, deux services ont étés créés : le Conseil de
l’immobilier de l’Etat (CIE) et France Domaine.
Le Conseil de l’immobilier de l’Etat, créé en octobre 2006 est composé d’élus et de
personnes qualifiées. Il est chargé, auprès du Ministre du Budget : des comptes publics et de
la fonction publique, de le conseiller en matière de stratégie immobilière, de suivre et
d’évaluer l’avancement de la démarche de modernisation ainsi que de l’évolution du parc
immobilier de l’Etat.
France Domaine, créé en janvier 2007 et rattaché à la direction générale de la
comptabilité publique, est chargé de représenter l’Etat-propriétaire. Ce service est donc
l’opérateur principal de cette nouvelle politique immobilière du patrimoine. Son site internet52
présente les biens proposés à la vente dans toute la France ainsi que les prévisions de vente53
.
C’est ainsi qu’au début du mois de décembre 2010 l’hôtel de la Marine apparaissait dans les
cessions des biens immobilier de l’Etat sous cette appellation : « Hôtel de la Marine,
immeuble de prestige et d’exception ».
Toutefois, devant cette volonté de relancer les processus de cession et au regard de
l’absence de principe de précaution applicable à ces transferts, une proposition de loi relative
au patrimoine monumental de l’Etat a été élaborée par Françoise Férat et Jacques Legendre.
50
Lancé en juin 2007, la RGPP est un programme de modernisation de l’action de l’Etat touchant l’ensemble des politiques publiques et des ministères. Son objectif est de déterminer les actions de modernisation et d’économies qui peuvent être réalisées. Ainsi s’agissant du volet immobilier les mesures sont : le regroupement de services dans des immeubles fonctionnels, la réduction des surfaces occupées et un meilleur entretien de ce patrimoine pour préserver sa valeur. 51
Cour des Comptes, Les cessions des biens immobiliers de prestige par France Domaine, Février 2009, page 83. 52
http://www2.budget.gouv.fr/cessions/ 53
Voir annexe A : prévisions de vente pour Paris, page 81.
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
41
L’article 1er
de cette proposition de loi54
prévoit la création d’un Haut conseil du patrimoine
chargé d’encadrer ces transferts. Par cette proposition de loi, plusieurs principes sont
réaffirmés comme l’appréciation du caractère non transférable d’un monument au regard de
son appartenance à la mémoire de la Nation, l’impossibilité d’entamer une procédure de bail
emphytéotique pour un monument d’intérêt national ou fortement symbolique. Mais aussi
l’affirmation du caractère exceptionnel du recours aux cessions et baux emphytéotiques (qui
ne doivent pas « constituer un mode de gestion global et pérenne du patrimoine monumental
de l’Etat comme des collectivités territoriales »), la soumission du projet de vente à l’avis du
Haut Conseil du patrimoine (dans le cas d’une vente de l’Etat envers une personne privée),
l’impossibilité de vente d’un monument préalablement transféré à une collectivité ainsi que
l’encadrement des transferts par une convention entre l’Etat et la collectivité territoriale.
Par cette proposition de loi, ces deux sénateurs montrent une certaine volonté
d’instaurer un cadre réglementaire à cette nouvelle politique immobilière visant à cesser la
« braderie du patrimoine de l’Etat » et éviter des cessions comme celle de l’hôtel de la
Marine.
Après avoir étudié les conditions et objectifs de cette politique en faveur du patrimoine
il convient de présenter l’hôtel de la Marine, l’exemple sur lequel nous nous appuyons pour
analyser et comprendre le changement de regard porté sur notre patrimoine.
54
Françoise Férat, Jacques Legendre, Proposition de loi relative au patrimoine monumental de l’Etat, 27 octobre 2010.
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
42
De l’hôtel du Garde-Meuble de la Couronne à l’hôtel de la Marine
« Fait exceptionnel en France, l’Hôtel de la Marine, place de la Concorde,
l’un des plus beaux ensembles de Paris, a conservé ses décors et son mobilier
d’origine. Il témoigne, depuis sa création jusqu’à nos jours, de nos arts
décoratifs dans ce qu’ils ont de plus prestigieux. Ses murs, ont été témoins de
biens des moments tragiques ou glorieux de l’Histoire de France, il importe
d’en conserver à travers eux un souvenir vivant. L’Etat pourrait-il se dessaisir
d’un lieu, conçu pour lui, et qui depuis lors n’a jamais cessé d’être avec gloire
et honneur à son service ? » 55
Afin de comprendre et d’analyser la polémique suscitée par le projet de réutilisation de
l’Hôtel de la Marine il convient tout d’abord de revenir sur les conditions de sa construction et
de ses différentes affectations. Nous aborderons l’histoire de l’Hôtel de la Marine en trois
grandes dates : la construction de la Place Louis XV en 1755, l’affectation du bâtiment au
Garde-Meuble de la Couronne en 1768 et l’installation du Ministère de la Marine en 1789.
La place Louis XV : un lieu hautement symbolique
En 1748, la signature de la paix d’Aix-la-Chapelle incita la Ville de Paris à honorer
son souverain en lui édifiant une statue équestre en bronze, commandée au sculpteur Edme
Bouchardon. Une année après cette décision, Le Normand de Tournehem, surintendant des
Bâtiments du Roi, ouvra un concours pour l’aménagement d’une place monumentale destinée
à servir d’écrin à cette statue.56
De nombreux architectes y participèrent mais aucun des cent
cinquante projets57
présentés ne fut retenu car tous impliquaient des expropriations trop
onéreuses. Devant cette difficulté, Louis XV décida en 1750, d’aménager la place au lieu-dit
Pont-Tournant, un vaste espace à l’extrémité du jardin des Tuileries, dont il était propriétaire
et qu’il donna à la Ville de Paris. Trois ans après cette décision, le marquis de Vandières,
surintendant des bâtiments, ouvra un nouveau concours, réservé cette fois-ci, à la demande du
55
Olivier de Rohan Chabot, Lettre à Monsieur le Premier Ministre, 14 Janvier 2011. 56
MONTGOLFIER de Bernard, « La Place Louis XV à Paris », in Monuments Historiques n°120 « Gabriel et l’urbanisme », Avril 1982, page 38. 57
Le nombre de projets varie en fonction des auteurs. Pour Alexandre Gady (L’Hôtel de la Marine, Paris, Editions Nicolas Chadun, Octobre 2011, page 17) 150 projets furent déposées alors qu’Etienne Poncelet (Etude sur la valeur patrimoniale de l’hôtel de la Marine, tome 1, Décembre 2009, page 16) n’en compte que 60.
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
43
Roi, aux seuls membres de l’Académie Royale d’Architecture. Toutefois, les dix-neuf
projets58
furent de nouveau rejetés et Louis XV demanda à Jacques-Ange Gabriel, son
premier architecte et directeur de l’Académie, de réaliser une synthèse à partir des meilleurs
éléments de chacune des propositions de ses confrères. Le 9 décembre 1755, le projet définitif
fut approuvé par le Roi et guida, en 1757, la construction des façades des deux grands
bâtiments jumeaux séparés par la rue Royale et formant le côté Nord de la place. La statue
équestre de Louis XV, œuvre commandée à Edme Bouchardon terminée par Jean-Baptiste
Pigalle, fut placée et inaugurée le 20 juin 1763, alors que son « écrin » n’était toujours pas
terminé.
Figure 5 - Plan de la place Louis XV par Jacques-Ange Gabriel en 1756 (© Paris, Archives Nationales, N III Seine 841)
La façade occidentale (où se trouve aujourd’hui l’Hôtel Crillon) fut achevée deux ans
après la pose de la statue alors que son affectation n’était toujours pas déterminée. Deux
projets furent proposés : l’un par le Roi en 1765 qui décida d’y établir la Monnaie, l’autre par
la Ville de Paris qui souhaita y installer une caserne de mousquetaires gris, mais tous deux
furent abandonnés laissant l’édifice sans affectation. La Ville fut alors autorisée à vendre les
terrains qu’elle divisa en quatre. Entre 1775 et 1777, ils furent acquis d’est en ouest par
58
Encore une fois, le nombre de projets varie en fonction des deux auteurs cités précédemment mais cela n’a pas d’incidence majeure pour la compréhension de l’histoire de l’édifice.
Emplacement de
l’Hôtel du Garde-
meuble de la
Couronne (actuel
Hôtel de la Marine).
Alix PANTZ
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L’hôtel de la Marine
44
Madame de Coislin, Pierre-Louis Moreau (architecte de la Ville), Monsieur Rouillé de
l’Etang et Trouard (un autre architecte du Roi). Des hôtels particuliers furent élevés à chacun
des emplacements. Celui de l’architecte Trouard est devenu aujourd’hui l’Hôtel Crillon.
En ce qui concerne le bâtiment oriental, achevé en 1768, plusieurs projets furent
étudiés par Jacques-Ange Gabriel et l’édifice fut finalement affecté en 1767, au Garde-
Meuble de la Couronne. Il fallut donc plus de trente ans pour achever cet ensemble hautement
symbolique à la gloire de Louis XV, qui mourut avant sa réalisation complète.
L’Hôtel du Garde-Meuble de la Couronne
Le Garde-Meuble de la Couronne est une administration royale créée par Henri IV en
1604 dont la mission était de meubler les résidences royales par des commandes de
tapisseries, brocarts, soieries, meubles de menuiserie et d’ébénisterie, bronzes dorés… aux
artistes, artisans et aux manufactures du royaume. Elle était également chargée de l’entretien
et de la conservation de ces pièces : meubles et collections royales d’armes et armures, vases
de pierres dures, petits bronzes et surtout les diamants de la Couronne, accumulés pour
certains depuis François Ier
. Le Garde-Meuble déménagea en novembre 1774 dans ses
nouveaux locaux de la place Louis XV. Il fut auparavant successivement dans l’hôtel du Petit-
Bourbon, l’Hôtel de Conti et l’Hôtel d’Evreux (actuel Palais de l’Elysée).
Bâtiment construit autour de trois cours, l’Hôtel du Garde-Meuble mélangeait salles
d’exposition, magasins et appartements de l’intendant et du garde général. Le rez-de-chaussée
était occupé par des pièces d’ordre fonctionnel (salles pour le déchargement des meubles,
cuisines et offices, écuries, remises) ; le premier étage était, selon la coutume, l’étage noble, il
comprenait les salles d’exposition, les appartements de l’intendant général et du garde
général ; le deuxième étage, l’attique, se composait des appartements de fonction, de
l’appartement de l’inspecteur et du petit appartement de l’intendant général.
Les salles d’exposition, espaces en façade derrière la colonnade, étaient destinées à
exposer les chefs-d’œuvre des collections royales. En effet, depuis le règne de Louis XIV, la
tradition était de montrer aux ambassadeurs, invités de marque et autres amateurs d’art, les
pièces les plus prestigieuses de la Couronne. Pierre-Elisabeth de Fontanieu, intendant du
Garde-Meuble, eut le loisir d’organiser cette collection en trois salles : la salle des Armes, la
galerie des Grands Meubles et la salle des Bijoux. Pour cet espace, Jacques-Ange Gabriel
avait reprit la disposition de la Galerie des Glaces soit une galerie agrémentée d’un salon carré
Alix PANTZ
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L’hôtel de la Marine
45
à chaque extrémité. Cet espace du bâtiment présentait un décor simple afin de mettre en
valeur les pièces exposées. Lorsque Marc-Antoine Thierry de Ville d’Avray prit la succession
de Fontanieu, il décida d’aménager une galerie des Bronzes (couloir de sortie de la salle des
bijoux). Les salles d’expositions étaient ouvertes au public un mardi par mois durant la saison
chaude (d’avril à novembre) jusqu’en 1791, où elles fermèrent au public. Premier musée
d’Arts Décoratifs ouvert dans la capitale, le Garde-Meuble de la Couronne était une curiosité
que les visiteurs étrangers, amateurs parisiens et de province venaient admirer.
Toutefois, la richesse de ce bâtiment ne résidait pas seulement dans le prestige des
collections qui y étaient présentées mais également dans la richesses de décors. Passant outre
les consignes d’économie du marquis de Marigny (directeur des Bâtiments du Roi) Fontanieu
commanda à Jacques Gondouin de magnifiques décors et à l’ébéniste Jean-Henri Riesener ses
plus beaux meubles. L’intendant du Garde-meuble, qui manifestait un grand intérêt pour l’art
et était sans cesse à la recherche de nouveaux talents, dota ses appartements d’un décor et
d’un ameublement dont la richesse rivalisait avec les plus grandes demeures royales. Son
successeur, Marc-Antoine Thierry de Ville d’Avray, qui prit ses fonctions en 1783, fit
quelques modifications mais puisa également dans les réserves de son administration pour
meubler ses appartements. Cependant, à la différence de Fontanieu, il ne contribua pas à
développer le prestige du Garde-meuble en faisant preuve d’innovation mais se meubla
somptueusement aux frais du roi et profita de cette administration pour son usage personnel.
Les appartements du Garde-Général, moins richement ornés que ceux de l’intendant général
présentaient néanmoins un décor de grande qualité.
Le destin du Garde-meuble de la Couronne prit un tout autre tournant avec la
Révolution. Le 13 juillet 1789, la salle des Armes fut pillée par les Révolutionnaires en quête
d’armes supplémentaires pour prendre la Bastille. Trois jours plus tard, c’est au tour de la
salle des Bijoux dont les pièces les plus précieuses furent dérobées pendant la nuit, par quatre
individus qui s’étaient introduits dans la salle par les fenêtres. Toutefois, ces deux événements
ne représentent rien au regard de ceux qui auront lieu après la chute de la Monarchie. Le
Garde-meuble, jugé inutile mais surtout représentant du faste de l’Ancien Régime fut saccagé.
Les portraits des souverains de la galerie des Grands-meubles furent brûlés ainsi que les
meubles les plus richement ornés dont on récupéra les matériaux précieux. De plus, une
grande partie du fond du Garde-meuble fut vendue aux enchères. Durant l’été 1794, la
Commission temporaire des arts décida d’effectuer une sélection d’objets selon des critères
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
46
précis, ces pièces exceptionnelles et remarquables alimentèrent les collections d’institutions
comme le Jardin des Plantes ou le Louvre dans un but d’instruction publique. Enfin, le 20 mai
1798, l’administration du Garde-Meuble de la Couronne fut définitivement liquidée.
L’Hôtel de la Marine
En octobre 1789, Louis XVI décida de quitter Versailles pour Paris. Ce déménagement
de l’administration Royale nécessita de trouver des lieux pour accueillir les différents
départements, dont celui de la Marine, qui partageait avec ceux de la Guerre et des Affaires
étrangères un ensemble à deux pas du château. L’ensemble était géré par Jean-Baptiste
Berthier. L’Hôtel du Garde-meuble par sa position géographique et l’espace qu’il offrait fut
très vite visé et Thierry de Ville d’Avray fut contraint de partager une partie des locaux. Il
céda ainsi une partie de l’aile donnant sur la rue Royale, du rez-de-chaussée au deuxième
étage. L’installation d’une partie du Ministère de la Marine fut suivie d’une importante
campagne de travaux pour aménager le logement du Ministre et de ses proches, ainsi que ses
bureaux et ceux du Conseil de la Marine. Toutefois, le manque de place les contraignit à louer
l’Hôtel Randon de la Tour pour les commis du Ministre. La Marine souhaita donc très vite
s’emparer de l’ensemble de l’Hôtel du Garde-meuble afin d’y installer toute son
administration. S’ensuit alors une bataille entre les deux administrations. Le Garde-meuble
résista mais finit par perdre cette « bataille » lorsque son administration fut liquidée en 1798.
La Marine se déploya alors dans ce bâtiment si prestigieux.
« L’hôtel de la Marine ne serait jamais un simple bâtiment administratif,
comme l’avaient été les hôtels de Versailles : il serait aussi et toujours un des
palais les plus en vue de la capitale. » 59
Afin de s’approprier le bâtiment, le ministère de la Marine commença alors toute une
série d’actions destinées à marquer le lieu de son sceau. La première consista à créer un
« musée naval » dont les collections étaient constituées par des modèles réduits de navires, de
dessins et de tableaux relatifs à la marine et à la science nautique. Le musée fut inauguré en
août 1801. Ouvert au public dans les mêmes conditions que le Garde-meuble on pouvait y
découvrir la « série des Ports de France » de Vernet et les plus beaux modèles réduits de
navires. Dans la continuité de ces réaménagements, la salle d’Armes reçu un nouveau décor et
fut rebaptisée « Salon Neuf ».
59
Op. Cit., p.102
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
47
L’Empire fut une période faste pour l’Hôtel de la Marine, Napoléon voulut redonner
au bâtiment l’éclat de l’Ancien Régime. Ainsi, en 1820, les douze tableaux de la Galerie des
ports de guerre furent restaurés et les meubles des salons et du cabinet des ministres furent
renouvelés.
A partir de 1835, les différents travaux entrepris dans le bâtiment changèrent
considérablement son aspect. Entre 1835 et 1837 un nouveau bâtiment fut construit dans
l’arrière-cour pour abriter les archives du ministère alors rapatriées à Paris. En 1840 – 1841,
les pourtours des cours intérieures furent surélevés d’un niveau. En 1841 – 1843, la Galerie
des Grands Meubles fut coupée en deux. Un nouveau mobilier sera commandé à l’ébéniste
Jeanselme et la décoration intérieure entièrement refaite : portraits des amiraux de l’Ancien-
Régime dans un décor aux couleurs bleu, blanc et rouge. En 1861 c’est au tour de l’attique
d’être surélevé au niveau des cotés sud et ouest de la cour du Ministre. En 1862, l’Hôtel de la
Marine reçu le classement au titre des Monuments Historiques et entra dans le giron des
bâtiments civils. Toutefois, ce classement n’empêcha en aucun cas la réalisation de travaux
supplémentaires touchant la structure de l’édifice. En 1868, le bâtiment fut rattaché au reste
du Ministère qui se trouvait alors au 5 rue Florentin et en 1877 une deuxième campagne de
surélévation toucha cette fois les côtés nord et est de la Cour d’ Honneur. Durant les années
suivantes la Galerie des Ports de Guerre fut aménagée. La Commune transforma le bâtiment
en hôpital mais il sera épargné par les communards. En 1893, c’est au tour du décor du Salon
d’Honneur d’être complété, ce qui fut la dernière modification des décors par création
nouvelle et la fin des grands travaux d’appropriation de l’hôtel de la Marine.
Au début du XXème
siècle, la Marine sembla se désintéresser de ce bâtiment. En 1907-
1916, les Services détachés de la Marine s’installèrent au Champ de Mars dans un édifice
construit spécialement à cet effet. En 1930, le Musée de la Marine fut transféré au Trocadéro.
Toutefois, en 1935, décision fut prise de construire un grand abri souterrain sous la cour
d’Honneur, comme dans tous les bâtiments ministériels et répondant aux nécessités de
« défense passive ». En 1940, les Allemands réquisitionnèrent le bâtiment et y installèrent la
Kriegsmarine jusqu’à la fin de la guerre. En 1950, l’Hôtel de la Marine est sauvé in extremis
d’un vaste programme de restructuration qui projetait de démolir le bâtiment, en ne gardant
que la façade et les salons sur la place, afin d’en reconstruire un nouveau moderne tout en
béton avec climatisation, ascenseurs, grandes salles vitrées… Toutefois, grâce à l’intervention
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
48
de l’administration des bâtiments civils qui rappelle le classement monument historique de
l’Hôtel de la Marine ce projet est abandonné.
En 1968, la prise de conscience de la valeur architecturale du bâtiment se traduit par la
création de l’Association des Amis de l’Hôtel de la Marine. C’est grâce à son action que des
travaux de restauration de la chambre de Marie-Antoinette et du Cabinet des Glaces seront
entrepris. Cependant, la suppression du régime des bâtiments civils et des palais nationaux en
1977 libéra le bâtiment de la tutelle du Ministère de la Culture et permis au Ministère de la
Défense de réaliser la restauration des salons. A partir de 1983, ce fut au tour de la cour du
Ministre, de la façade sur la place et de la grande cour. Enfin de 2006 à 2009, la dernière
campagne de restauration remis en état le péristyle et les salons de l’hôtel de la Marine grâce
au mécénat de Bouygues.
Cet historique de la présence de la Marine dans ce bâtiment nous a montré à quel point
cette « occupation » a profondément marqué et changé ce monument. L’Hôtel de la Marine
est aujourd’hui un édifice dont l’architecture et le décor sont à la fois des témoins de son
histoire mais aussi de l’histoire nationale. Toutefois, à l’horizon 2014, l’état-major de la
Marine devra quitter les lieux pour rejoindre le « Pentagone à la française » de Balard. La
question qui se pose alors est de savoir quelle nouvelle affectation trouver à cet édifice
emblématique ?
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
49
La valeur patrimoniale de l’hôtel de la Marine
A l’occasion du départ de l’Etat-major, l’hôtel de la Marine doit faire l’objet d’une
réaffectation et d’une opération de valorisation. En vue d’orienter les futurs projets de
réutilisation en accord avec les caractéristiques de l’édifice, une étude sur la valeur
patrimoniale de l’hôtel a été commandée à Etienne Poncelet. Son objectif étant d’évaluer la
valeur patrimoniale de l’ensemble des bâtiments et de réaliser une critique d’authenticité des
diverses pièces.
En préambule de son étude Etienne Poncelet propose de déterminer la place de
l’édifice parmi les immeubles insignes de l’Etat et de la Nation. Après avoir inventorié les
vingt-huit immeubles insignes (résidences principales des rois et reines de France, lieux de
pouvoir de la République, lieux de représentation de l’Etat et de la Nation et lieux de
commémoration nationale60
) l’architecte en chef des monuments historiques a sélectionné
neuf lieux remarquables à partir de trois critères : « appartenir à la mémoire de la Nation »,
« être un lieu de représentation actuel de l’Etat et de la Nation » et « avoir une notoriété
internationale et un rayonnement universel ». En plus de son appartenance aux neufs lieux
insignes de la nation, Etienne Poncelet précise également que l’hôtel de la Marine est le
dernier grand bâtiment royal construit sous l’Ancien Régime61
.
Place de l’hôtel de la Marine parmi les neuf lieux remarquables
Critère Edifice concerné
« Appartenir à la mémoire de la
Nation »
- L’Arc de Triomphe
- Le palais Bourbon
- Les palais de la place de la Concorde dont l’hôtel
de la Marine qui représente l’Etat
« Etre un lieu de représentation
actuel de l’Etat et de la Nation »
- Le Palais de l’Elysée (Présidence de la République)
- L’Hôtel Matignon (Premier Ministre)
- Le Palais du Luxembourg (Sénat)
« Avoir une notoriété
internationale et un rayonnement
universel »
- Les Invalides et le tombeau de Napoléon Ier
- Le palais de Versailles (musée de l’histoire de
France sous Louis-Philippe) et le Trianon (lieu de
réception des hôtes officiels de la République)
- Le Panthéon (mausolée de toutes les gloires de la
France)
60
Voir annexe B : Les immeubles insignes de l’Etat et de la nation, page 83. 61
En excluant les résidences royales construites autour de Paris.
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
50
D’après l’étude réalisée par Etienne Poncelet, nous pouvons analyser la valeur
patrimoniale de l’hôtel de la Marine d’un point de vue matériel et immatériel.
Valeur matérielle
La valeur matérielle s’illustre tout d’abord dans l’architecture de l’édifice. L’architecte
en chef des monuments historiques tient en effet à souligner la différence existant entre les
édifices côté ouest (Hôtels Coislin, Plessis-Bellière, Cartier et Crillon) et l’hôtel de la Marine.
Pour lui, les premiers ne sont que des « palais-décors […] reconstruits en hôtels –
restaurants, cercles et bureaux sur le principe d’une architecture métallique habillée en style
Louis XV »62
cachés derrière la première colonnade construite par Gabriel qui n’est
aujourd’hui qu’un « paravent décoratif » alors que l’hôtel de la Marine est présenté comme un
élément majeur de l’architecture du siècle des Lumières. Toujours selon l’auteur, cet édifice a
été un « modèle architectural dans les domaines académiques de l’ordonnance, des
proportions et des décors […] un modèle d’organisation des volumes entre eux, articulant de
manière particulièrement fonctionnelle deux hôtels avec leurs cours et basses-cours desservis
par leurs entrées latérales, réunis dans une seule et même institution »63
. Bien que modifié au
fil de ses utilisations successives, l’hôtel de la Marine a su conserver les dispositions
architecturales et l’aménagement prévus par Jacques-Ange Gabriel lors de sa construction.
L’hôtel de la Marine est donc un brillant témoin de l’architecture du XVIIIème
siècle.
La valeur matérielle se mesure également dans la richesse des décors. L’occupation
continue des lieux par une administration a permis la conservation des structures, des
matériaux, des formes et des décors car dans un souci d’économie rien n’a été détruit mais
chaque nouveau décor a été superposé aux anciens. Etienne Poncelet, qui répertorie pas moins
de cinq cent quarante-deux menuiseries de vingt-trois types différents, affirme que « la
plupart des menuiseries des premiers niveaux date du XVIIIème
siècle »64
. Si les décors de
l’appartement d’apparat de Thierry de Ville d’Avray sont complets, les décors des autres
appartements sont certes cachés mais toujours existants. A la richesse des décors s’ajoute la
collection des objets mobiliers de la Marine, hérités du Garde-meuble de la Couronne. Etienne
Poncelet a recensé pas moins de sept cent trente objets d’art dont deux cent soixante-sept
protégés au titre des monuments historiques répartis au premier étage, dans l’appartement de
62
Etienne Poncelet, Etude sur la valeur patrimoniale de l’hôtel de la Marine, décembre 2009, p. 35. 63
Ibid., p. 39 64
Ibid., p. 61
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
51
Thierry de Ville d’Avray, dans les salles de réception et dans l’appartement de l’Amiral 65
. Il
convient également de mentionner que nombreux de ces objets mobiliers ont été conçu pour
l’hôtel de la Marine. L’hôtel de la Marine est donc un conservatoire de matériaux et savoir-
faire anciens, dont l’étude illustre l’évolution des techniques architecturales et des décors.
D’après Etienne Poncelet « nous sommes en présence d’un bâtiment conservé dans l’intégrité
presque complète de ses matériaux et de ses structures d’origine, même si certains éléments
ont parfois été réutilisés sur place ou complétés »66
.
Valeur immatérielle
La valeur immatérielle de l’hôtel de la Marine trouve ses fondements dans les
fonctions attribuées au monument : urbaine, sociale, utilitaire, administrative. La première est
urbaine. En effet, comme nous l’avons vu dans l’historique de la construction de l’édifice, les
façades des deux palais dessinées par Jacques-Ange Gabriel étaient tout d’abord destinées à
servir de décors urbains à la place chargée d’accueillir la statue équestre de Louis XV. De
plus, les angles de chacun des deux palais font écho, par leur architecture, à la Madeleine et
au Palais Bourbon. Les palais de la place de la Concorde ont ainsi un rôle structurant pour le
paysage urbain environnant.
La fonction sociale est la deuxième valeur immatérielle. L’hôtel de la Marine traduit,
dans son architecture, la hiérarchie sociale de l’époque avec au rez-de-chaussée la galerie
publique accessible à la population (reprise dans l’architecture des bâtiments de la rue de
Rivoli) et au premier étage, la loggia (ou péristyle) dont la fonction de représentation du
pouvoir fut utilisée par les rois, empereurs et présidents de la République de manière
continue67
. De plus, la répartition même de l’édifice, lorsqu’il était le Garde-Meuble de la
Couronne, traduit cet aspect social. Le bâtiment comprenait aussi bien les logements des
ouvriers et manœuvres que ceux de l’Intendant du garde-meuble, du Garde Général et des
Inspecteurs. Le tout agrémenté d’un espace sacré, la chapelle des résidents qui a aujourd’hui
disparu. A cela s’ajoute la présence des artisans. L’hôtel de la Marine est donc un bâtiment
traduisant une grande mixité sociale.
65
Ibid., p. 84 66
Ibid., p. 96 67
En 1778, présentation du dauphin de France depuis la loggia de l’hôtel du Garde-Meuble de la Couronne. En 1836, Louis-Philippe assiste à l’érection de l’obélisque de Louxor depuis la loggia de l’hôtel de la Marine. En 1989, à l’occasion de la Fête du bicentenaire de la Révolution, François Mitterrand reçoit ses invités sur le péristyle.
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
52
Enfin, les deux autres valeurs immatérielles résident dans la présence du Garde-
Meuble de la Couronne puis de l’état-major de la Marine. Le garde-meuble était une
administration royale qui jouait un rôle important à l’époque : dépôt des meubles de la
couronne (stockage et ateliers), manufacture du palais (espace de création) , conservatoire des
objets de représentations du pouvoir (les regaliae : armes anciennes et historiques, bijoux et
diamants de la couronne…) et musée.
La présence du Ministère de la Marine dans l’édifice, pendant deux siècles, est
significative pour la valeur patrimoniale car outre les modifications architecturales et
ornementales qui ont donné un nouveau prestige à l’édifice, l’hôtel de la Marine se trouva
ainsi au cœur de nombreux événements historiques. Le bal du sacre dans les salons en
décembre 1804, la signature de l’acte d’abolition de l’esclavage par Victor Schœlcher, sous-
secrétaire d’Etat à la Marine, en 1848, l’installation du commandement militaire allemand de
Paris dans l’hôtel en 1941 et la construction du blockhaus dans la grande cour sur deux
niveaux de sous-sol sont tout autant d’éléments qui positionnent l’hôtel de la Marine au cœur
de l’histoire de France.
La valeur patrimoniale de l’hôtel de la Marine, édifice entièrement classé au titre des
monuments historiques, se traduit d’un point de vue matériel dans ses qualités architecturales,
urbanistiques et ornementales ainsi que d’un point de vue immatériel dans ses liens perpétuels
avec l’art français et la création et dans la mémoire qu’il porte de l’histoire du pays. Les futurs
projets de réutilisation de l’édifice devront donc veiller à respecter l’esprit général du
bâtiment et ne pas modifier les traces de ses occupations successives, témoins de l’histoire de
ce monument historique. Etienne Poncelet insiste sur la nécessité de « respecter l’esprit
général du monument et l’enrichissement des strates successives de son évolution »68
et
avance un certain nombre d’usages qu’un futur projet de réaménagement devra privilégier
pour respecter le sens du monument et ses fonctions originelles :
- Lieu d’expression du savoir-faire et de l’excellence de l’art français
- Lieu d’exposition et de conservation des collections concernant les arts décoratifs
- Lieu de fréquentation du public, pour le plaisir esthétique et la connaissance
- Lieu de représentation du pouvoir, conservant l’accès et l’usage permanent pour
les autorités de l’Etat à la loggia et aux salons de réception
68
Op. Cit., p. 93
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
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Légende :
Salles de réception et péristyle
Visite de l’appartement d’apparat
Visite de l’Aile Royale
Musée interactif de la Marine
- Lieu de mémoire des activités de la Marine sous la forme ancienne du ministère de
la Marine et des Colonies comme sous la forme actuelle de l’Etat-major de la
Marine.
S’agissant de l’ouverture au public de l’hôtel de la Marine, pour Etienne Poncelet
« l’essentiel de la découverte de l’hôtel peut se faire en visitant le premier étage que l’on
pourrait appeler le « bel étage de la Marine » »69
. Visite qui permettra, toujours selon ses
propos de découvrir « les quatre éléments majeurs qui font la valeur patrimoniale de l’hôtel
de la Marine » 70
, à savoir :
- Les salles de réception et le péristyle
- L’appartement d’apparat de l’Intendant du garde-meuble Thierry de Ville d’Avray
(appartement qui permettrait, selon Etienne Poncelet, de présenter les collections
de la Marine)
- Les deux appartements de commodité du garde-meuble et de Monge (qui
correspondent aux actuels bureaux du Chef d’Etat-major et de ses collaborateurs
directs)
- Le « musée interactif » de la Marine (illustré par le Centre des Opérations
Maritimes (COM) qui, d’après l’étude d’Etienne Poncelet, serait le meilleur
témoin de l’activité de la Marine).
69
Ibid., p. 128 70
Ibid.
Figure 6 - Parcours de visite proposé par Etienne Poncelet (© Etienne Poncelet, Etude sur la valeur patrimoniale de l’hôtel de la Marine, décembre 2009, p. 131)
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
54
Cette deuxième partie nous a permis d’appréhender l’évolution des actions en faveur
du patrimoine depuis les dix dernières années et de souligner les nouvelles orientations de la
politique immobilière de l’Etat. Ceci nous permettant de comprendre la situation dans laquelle
se trouvent les monuments historiques aujourd’hui et le contexte dans lequel a émergé l’idée
de la cession de l’hôtel de la Marine par un appel à projets de réutilisation du bâtiment
historique. En étudiant l’historique de la construction de l’édifice et en appréciant les valeurs
patrimoniales de ce monument nous comprenons aisément que sa réutilisation ne se fera pas
sans polémiques car quelle utilisation est acceptable pour un monument emblématique du
patrimoine national ? C’est ce que nous tenterons de définir en retraçant et analysant le débat
lancé en 2007 par la rumeur de la vente de l’édifice.
« A l’instar du pavillon tricolore solidement armé au bâtiment amiral par le
roi des français et qui doit continuer de flotter quotidiennement sur la place de
la Concorde, le palais de la Royale doit, quelques soient les flots qui le
porteront, continuer de nous parler de France » 71
.
71
Ibid., p. 133
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
55
L’AVENIR DE L’HOTEL DE LA MARINE
Un monument au cœur des débats
Figure 7 - L'Hôtel de la Marine. Situé au cœur de Paris ce monument emblématique du patrimoine national risque d'être vendu pour financer le nouveau "pentagone à la
française". (© Photo prise par l'auteur en septembre 2011).
Le destin de l’hôtel de la Marine a été au cœur des préoccupations du monde
patrimonial pendant environ cinq années. Afin de comprendre les enjeux de cette affaire, il
convient de revenir sur sa chronologie. Tout commence en 2007 lorsque Nicolas Sarkozy
annonce à l’issue de la première réunion du conseil de modernisation des politiques
publiques, le regroupement des états-majors des armées (dont les 1 000 marins installés à
l’hôtel de la Marine) dans un seul et même site. Un projet encouragé par le Ministre de la
Défense de l’époque, Hervé Morin, et qui entrainerait la construction d’un véritable
« Pentagone à la française » dans le quartier dénommé « Balard » du XVème
arrondissement
de Paris. Malgré l’utilité probable d’une telle mesure ce projet suscite la polémique car
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L’hôtel de la Marine
56
comme le souligne un fonctionnaire de l’Etat « Cette opération ne coûterait pas un centime à
l’État et pourrait même lui en faire gagner »72
. En effet, le financement d’un tel projet
reposerait sur la vente de trois hectares de foncier constructible à Balard (propriété du
Ministère de la Défense) et sur la vente des immeubles ainsi libérés dans le centre de Paris : à
savoir ceux du boulevard Saint-Germain (où sont logés l’état-major de l’armée de terre et
l’état-major des armées) et l’hôtel de la Marine (occupé par l’état-major de la Marine). Le
seul édifice conservé étant l’hôtel de Brienne, qui héberge les actuels bureaux du Ministre de
la Défense et deviendrait un lieu de réception. La polémique est lancée. L’hôtel de la Marine,
estimé entre 400 et 500 millions d’euros73
, va être vendu. Annonce qui suscite un profond
émoi parmi les défenseurs du patrimoine qui commencent à se mobiliser pour empêcher la
vente d’un monument emblématique du patrimoine national. Pour Olivier de Rohan-Chabot,
président de l’association des Amis de l’hôtel de la Marine, « il est inconcevable qu’un édifice
construit par l’Etat et pour l’Etat, qui a conservé ses meubles d’origine qui plus est, soit
vendu sans autre forme de procès et uniquement parce qu’on veut le rentabiliser »74
.
Devant ces réactions, le Ministre de la Défense est contraint de changer ses projets et de
décider de garder l’hôtel de la Marine : « Ce bâtiment appartient à l’histoire du pays […] Il
est situé dans un lieu exceptionnel où la République peut très bien donner ses réceptions ». Il
serait donc ouvert à la location pour des groupes privés ou pour des événements personnels,
comme par exemple des mariages75
. Toutefois, la rumeur d’une vente ou cession du bâtiment
plane encore. Le 23 février 2009, dans un article intitulé « L’Etat va-t-il se débarrasser de
l’Hôtel de la Marine ? »76
Didier Rykner affirme que pour le Ministère de la Défense « la
vente a été décidée et celle-ci serait imminente » alors que pour le Ministère de la Culture la
conservation du bâtiment comme propriété de l’Etat semble être acquise : « le bâtiment
pourrait être affecté à une grande institution de l’Etat et le mobilier resterait en place, avec
un accès possible au public ». La vente de l’hôtel de la Marine apparait pour certains d’autant
plus scandaleuse que le péristyle, les salons et la galerie d’apparat du premier étage viennent
d’être entièrement restaurés grâce au mécénat de Bouygues77
. Une restauration respectueuse
72
ROYAN Anne, « Défense : vers un Pentagone à la française », Le Figaro, 10 décembre 2007. 73
MARMARA Jean-Christophe, « L’avenir incertain de l’hôtel de la Marine », Le Figaro, 19 mars 2009. 74
BOMMELAER Claire, « Bataille autour de l’hôtel de la Marine », Le Figaro, 23 octobre 2010. 75
« Marine Nationale. L’Hôtel de la Marine transformé en lieu de réception de la République ? », Mer et Marine, 8 janvier 2008. (www.meretmarine.com) 76
RYKNER Didier, « L’Etat va-t-il se débarrasser de l’Hôtel de la Marine ? », La Tribune de l’Art, 23 février 2009. 77
Voir le numéro hors-série n°140 (2009) de la revue Connaissance des Arts consacré à L’Hôtel de la Marine.
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L’hôtel de la Marine
57
du bâtiment dont le maître d’œuvre fut l’architecte en chef des monuments historiques,
Etienne Poncelet.
Le 26 mars 2009, la décision est officielle, l’hôtel de la Marine sera proposé à la
location via un bail de longue durée78
. Annonce confirmée en août 2009 par le Ministère de la
Défense « en raison de son intérêt historique et architectural unique, il a été décidé que l’Etat
ne vendrait pas l’hôtel de la Marine mais rechercherait des modalités adaptées de
valorisation de ce bien. Il est ainsi envisagé de lancer un appel à projet et de confier, selon
une forme juridique et des modalités financières appropriées, la totalité de l’entretien et des
travaux d’aménagement à un repreneur »79
.
Que va devenir l’hôtel de la Marine ? A côté des rumeurs les plus folles, comme celle
d’une boite de nuit, des repreneurs plus « sérieux » se dévoilent comme le groupe hôtelier
Accord, la Cour des Comptes (qui serait intéressée par les bureaux) ou encore l’homme
d’affaire et patron du nouvel hôtel Royal Monceau qui voudrait en faire une sorte de « Villa
Médicis parisienne ». D’autres, comme l’inspecteur général honoraire des monuments
historiques, Christian Prévost-Marcilhacy, proposent d’en faire un « lieu de résidence pour les
grands hôtes étrangers de la France »80
. Jean Ducros, secrétaire général de l’association des
Amis de l’hôtel de la Marine imagine qu’on pourrait y installer la future Maison de l’histoire
de France.
Toutefois, un problème majeur se pose. Le statut juridique de l’hôtel de la Marine, qui
appartient au domaine public, empêche sa location. L’Etat demande donc un rapport à un
grand cabinet d’avocat parisien, Gide-Loyrette-Nouel, afin de déterminer les solutions
possibles pour contourner cet obstacle81
. C’est ainsi que le 23 juillet 2010, par l’article 11 de
la « loi relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services »82
, l’État
obtient la possibilité de louer ses biens immobiliers par bail emphytéotique administratif83
78
RYKNER Didier, « L’hôtel de la Marine va effectivement être loué en bail emphytéotique », La Tribune de l’Art, 27 mars 2009. 79
Réponse du Ministère de la Défense à Madame François de Panafieu, Journal Officiel du 11 août 2009, page 7868. 80
MARMARA Jean-Christophe, « L’avenir incertain de l’hôtel de la Marine », Le Figaro, 19 mars 2009. 81
RYKNER Didier, « Problème concret : comment hypothéquer l’hôtel de la Marine », La Tribune de l’Art, 22 octobre 2009. 82
Voir annexe C page 85. 83
La bail emphytéotique ou « emphytéose » est un bail de location de très longue durée (entre 18 et 99 ans en droit français) qui confère au locataire un droit réel sur le bien immobilier, ce dernier devant quasi-propriétaire du bien.
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L’hôtel de la Marine
58
pour une période longue allant jusqu’à 99 ans, soit trois générations. Mesure permettant ainsi
de louer l’hôtel de la Marine dans de telles conditions.
Quatre mois plus tard, le 27 novembre 2010, la décision est officielle, l’appel à projet
relatif à la reprise de l’hôtel de la Marine est publié au Journal Officiel de l’Union
Européenne84
. Le texte ne suppose presque aucunes contraintes pour le repreneur : pas de
mention du mobilier historique, pas de nécessité de garantir l’accès du monument au public,
pas de restrictions d’usage. Le candidat est seulement informé de l’existence d’une étude sur
la valeur patrimoniale de l’édifice85
et d’un procès-verbal de la commission nationale des
monuments historiques qui valide cette étude. La publication au Journal Officiel est suivie au
début du mois de décembre 2010, par la mise en ligne de l’annonce en tête des offres de
cessions du site internet de France Domaine. Sur l’illustration ci-dessous, la date limite de
dépôt des candidatures est reportée au 1er
juin 2011, alors qu’elle était initialement fixée au 17
janvier 2011, ce qui laissait aux potentiels candidats un mois pour concevoir leur projet.
Figure 8 - Annonce de l'appel à projets relatif à la réutilisation de l'hôtel de la Marine (© Capture d'écran à partie du site internet de France Domaine,
http://www2.budget.gouv.fr/cessions/)
Les réactions ne se font pas attendre. Le G8 Patrimoine, regroupement des associations
nationales de sauvegarde du patrimoine bâti et paysager, envoie une lettre au premier
Ministre, François Fillon. Les présidents des associations y expriment leur volonté que l’Etat
garde une activité dans ce « palais régalien » et que « l’hôtel de la Marine reste au service de
84
Voir annexe D page 86. 85
PONCELET Etienne, « Hôtel de la Marine. Etude sur la valeur patrimoniale », Décembre 2009.
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L’hôtel de la Marine
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la France »86
. L’association des Amis de l’hôtel de la Marine, lance une pétition87
. Son
président, également président de La Sauvegarde de l’art français88
, mobilise Valéry Giscard
d’Estaing, un des premiers à la signer : « J'ai signé la pétition lancée par Olivier de Rohan-
Chabot pour que l'Etat garde ce monument. En effet, si nous pouvons comprendre que l'Etat
soit conduit à se défaire de bâtiments dont il n'a plus l'usage et dont l'entretien constitue de
trop lourdes charges, il doit cependant, auparavant, prendre en compte l'intérêt patrimonial
du bâtiment. »89
L’ancien président de la République souhaite que le bâtiment connaisse une
affectation plus actuelle comme celle d’un musée ouvert au public et propose qu’on y installe
les collections du Musée des Arts Décoratifs. Olivier de Rohan-Chabot espère quant à lui que
Nicolas Sarkozy décidera d’y installer la Maison de l’Histoire de France, qui peine à trouver
des locaux, ou un musée de la marine.
D’autres idées de réutilisation de ce bâtiment vont émerger. Un groupe de juristes et de
hauts fonctionnaires, Alcofribas Nasier, proposera d’en faire un « hôtel des libertés
publiques »90
. Jean-Robert Pitte, responsable de la Mission du patrimoine alimentaire, voudra
quant à lui transformer le bâtiment en une « Cité Internationale de la Gastronomie ».91
L’Emir du Qatar envisagerait d’en faire un complexe culturel avec galeries d’art et salles de
vente.92
Un collectif d’historiens propose d’en faire un « Musée de l’esclavage, de la
colonisation et de l’outre-mer »93
(MECOM) en souvenir du décret d’abolition de l’esclavage
qui fut signé en 1848 dans l’hôtel de la Marine. L’entrepreneur Alain Destrem, élu UMP,
aimerait quant à lui y installer une résidence gérée par le groupe hôtelier Shangri-La (qui a
déjà racheté le palais princier de Roland Bonaparte, situé dans le XVIème
arrondissement
parisien, pour le transformer en palace). Tout autant de projets qui montrent l’inspiration
suscitée par l’hôtel de la Marine. Toutefois, pour Claire Bommelaer, la publication de l’appel
à projets sonne la fin des espoirs des défenseurs de l’hôtel de la Marine : « le « vrai » choix a
de toute façon déjà été fait : pour des raisons budgétaires, il n’y aura ni résidence pour hôtes
86
Voir annexe E page 93. 87
http://www.hotel-marine-paris.org/index.php 88
http://www.sauvegardeartfrancais.fr/ 89
PIGOZZI Caroline, « Valéry Giscard d’Estaing. « L’Hôtel de la Marine fait partie du patrimoine national » », Paris Match, 3 avril 2010. 90
Alcofribas Nasier, « Proposition pour un « hôtel des libertés publiques », Libération, 1er
juin 2010. 91
« Une Cité de la gastronomie dans l’hôtel de la Marine ? », Le Journal des Arts, 28 septembre 2010. 92
Journal des Arts n°388 (du 7 au 20 janvier 2011). 93
Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Esther Benbassa, Catherine Coquery-Vidrovitch, Marcel Dorigny, Benoît Falaize, Yvan Gastaut, Gilles Manceron, Pap Ndiaye, Benjamin Stora, Françoise Vergès et Ahmed Boubeker, « Faire de l’hôtel de la Marine un musée de l’esclavage. Sauvons ce lieu de la mémoire nationale et coloniale », Le Monde, 19 janvier 2011.
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L’hôtel de la Marine
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étrangers, ni musée de la marine à cette adresse prestigieuse. Les défenseurs du patrimoine,
qui militaient pour de vraies solutions, viennent de perdre une sacrée bataille »94
.
Le projet le plus sérieux, aux yeux de l’Élysée, reste donc celui du groupe Allard, « La
Royale », un projet chiffré à environ 200 millions d’euros95
qui prévoit des galeries d’art, un
espace pour les ventes aux enchères, un restaurant et des résidences de luxe pour les mécènes
et artistes. Alexandre Allard, un financier de 42 ans, semble être le candidat préféré.
Accompagné de Renaud Donnedieu de Vabres, ancien ministre de la culture, il est soutenu
par un très grand nombre de personnalités influentes du milieu artistique96
et du Syndicat des
maisons de vente aux enchères (Symev)97
.
Après l’inquiétude provoquée par l’idée d’une vente pure et simple de l’hôtel de la
Marine au plus offrant c’est donc la préférence de l’Etat pour le projet d’un investisseur privé
qui suscite la colère des défenseurs du patrimoine : « Ne voyant dans l’édifice de Gabriel
qu’une source de dépense, incapable de comprendre la signification patrimoniale et
symbolique d’un tel monument, l’un des fleurons de la Nation depuis sa construction au
milieu du XVIIIème
siècle, le Président de la République est prêt à s’en débarrasser au profit
d’Alexandre Allard et de son conseiller, l’ancien ministre de la Culture, Renaud Donnedieu
de Vabres »98
. D’autant plus que le porteur de ce projet, qui a fort mauvaise réputation dans le
monde culturel à cause de la « demolition party » organisée en juin 2009 dans les murs de
l’ancien Royal Monceau, cherche à obtenir une modification de l’article L251-1 du code de la
construction pour pouvoir emprunter et amortir son investissement en hypothéquant l’hôtel de
la Marine et que le rapport du sénateur Albéric de Montgolfier consacré à la valorisation
économique du patrimoine propose la location de certains monuments, comme l’hôtel de la
Marine, sur la longue durée et plaide pour une plus grande exploitation économique du
patrimoine99
.
La tension règne auprès des défenseurs du patrimoine qui s’indignent de voir un
« fleuron » du patrimoine national soumis à des intérêts purement économiques et
94
BOMMELAER Claire, « Un appel à projets pour l’hôtel de la Marine », Le Figaro, 26 novembre 2010. 95
BOMMELAER Claire, « Bataille autour de l’hôtel de la Marine », Le Figaro, 23 octobre 2010. 96 Voir « Hôtel de la Marine : Osons la rupture. Osons la culture », Lettre ouverte au Président Giscard d’Estaing
(www.la-royale.fr) 97
ROBERT Martine, « L’hôtel de la Marine pourrait bientôt concurrencer Drouot », Les Echos, 14 janvier 2011. 98
RYKNER Didier, « Nicolas Sarkozy prêt à sacrifier l’hôtel de la Marine », La Tribune de l’Art, 1er
mai 2010. 99
« Des hôtels dans les monuments historiques », Artclair.com, 8 octobre 2010.
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L’hôtel de la Marine
61
commerciaux. Olivier de Rohan-Chabot s’indigne : « La promotion de la culture française,
comme disent ceux qui en réalité veulent privatiser ce lieu chargé d’histoire, consiste à faire
venir Vuitton et Hermès, et à transformer le bâtiment en annexe du Crillon ».100
Le 11 janvier
2011, des historiens lancent un appel au président de la République et refusent que l’hôtel de
la Marine soit transformé en « barnum commercial assorti de suites de luxe »101
. Deux
journalistes estiment que la guerre est déclarée entre « maniaques de la dorure » et
« marchands du temple »102
. Le 19 janvier 2011, comme pour apaiser les esprits et clore le
débat, le Président de la République, lors de ses vœux au « Monde de la Culture et de la
connaissance », annonce la mise en place d’une « Commission composée de gens
indépendants pour voir quelle est la meilleure utilisation de l’hôtel de la Marine ».103
Dans la
continuité de cette annonce, l’Ifop organise un sondage sur « Les Français et l’avenir de
l’hôtel de la Marine »104
auprès d’un échantillon de 1007 personnes105
. Même si nous
pouvons émettre quelques réserves vis-à-vis de la tournure de la question posée106
, qui
pourrait influencer la réponse des personnes interrogées, les résultats montrent clairement que
les français sont à 71% opposés à l’idée de vendre les monuments historiques au secteur
privé. L’enquête que nous avons réalisée nous a montré que d’une part, 84 %107
des sondés
pensent que l’Etat a tort de vendre ses monuments et que pour 83 % d’entre eux la location
n’est pas un bon compromis. D’autre part, 86 % des personnes interrogées considèrent que
l’Etat a tort de louer l’hôtel de la Marine.
Le 4 février 2011, le monde patrimonial apprend que c’est l’ancien président de la
République, Valéry Giscard d’Estaing qui est désigné à la tête de la Commission sur l’avenir
de l’hôtel de la Marine108
. La date limite de dépôt des candidatures, déjà repoussée à février,
est reportée au 1er
juin. Avec la création de cette commission, une question revient dans les
débats : faut-il privatiser l’hôtel de la Marine ? Les opinions divergent. D’autant plus que
Valéry Giscard d’Estaing avait clairement affiché son opposition à la cession de l’édifice à un
100
CHEMIN Ariane, ETCHEGOIN Marie-France, « Les petits et grands travaux de Donnedieu », Le Nouvel Observateur, 16 – 22 décembre 2010. 101
Voir annexe F page 94. 102
Ibid. 103
RYKNER Didier, « Hôtel de la Marine : Nicolas Sarkozy annonce la création d’une commission », La Tribune de l’Art, 19 janvier 2011. 104
Voir annexe G page 95. 105
Echantillon représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. 106
Il ne s’agit en effet plus de « vendre » l’hôtel de la Marine mais de confier sa gestion à un opérateur privé. 107
Voir les résultats de notre enquête dans les outils méthodologiques. 108
Voir annexe H page 96.
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L’hôtel de la Marine
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quelconque investisseur privé. Le 5 mai 2011, à sa demande, le Ministère du Budget met fin à
l’appel à projet, ce qui laisse le temps à la commission d’auditionner la dizaine de candidats à
la reprise de l’édifice de la place de la Concorde109
. Mais alors qu’Alexandre Allard défend
son projet, « La Royale », la rumeur d’un nouveau candidat de taille s’amplifie : Le Louvre110
.
L’institution proposerait en effet de transférer ses bureaux dans la partie arrière de l’hôtel de
la Marine, de consacrer les appartements historiques à des expositions temporaires et de
dédier une salle à l’exposition des « bijoux de la Couronne »111
.
Figure 9 - Valéry Giscard d'Estaing, président de la Commission sur l'avenir de l'hôtel de la Marine, remet son rapport à Nicolas Sarkozy, ancien président de la République.
(© Présidence de l'Elysée / Flickr)
Le 12 juillet 2011, le choix du Louvre comme « partenaire privilégié de l’Etat » est
confirmé par le communiqué de la Commission sur l’avenir de l’hôtel de la Marine : « […] il
apparaît que l’Etablissement Public du Louvre pourrait être retenu comme partenaire
privilégié de l’Etat. Il lui appartiendrait d’assurer la présentation au public, directement ou
sous forme d’expositions temporaires, des objets d’art et des collections faisant partie du
patrimoine national. La galeries affectées à cette présentation prendraient le nom de
109
EVIN Florence, « Bercy interrompt l’appel à projets pour l’hôtel de la Marine », Le Monde, 7 mai 2011. 110
EVIN Florence, « Le Louvre est candidat pour l’hôtel de la Marine », Le Monde, 30 juin 2011. 111
FOUQUET Sophie, « Hôtel de la Marine, vers une solution en faveur du Louvre ? », Artclair.com, 8 juillet 2011.
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L’hôtel de la Marine
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« Galerie du Trésor Français » […]». 112
La commission propose en outre d’affecter les
bureaux de l’ancien hôtel Saint Florentin à la Cour des Comptes ainsi que des locaux à
l’Académie de la Marine mais également de louer des espaces de bureaux pour contribuer à
l’équilibre financier du projet. Enfin, le 24 janvier 2012, Nicolas Sarkozy confirme
l’affectation de l’hôtel de la Marine au Louvre : « Je fais miennes les conclusions de la
commission du président Giscard d’Estaing […] les zones patrimoniales de l’Hôtel de la
Marine seront ouvertes au public sous la responsabilité du Louvre, qui y présentera des
pièces de très grande valeur, historiques et artistiques […] les cours principales étant
transformées en rues piétonnes, les emplacements du rez-de-chaussée étant concédés aux
métiers d’art et aux civilisations françaises »113
.
La polémique autour de la réaffectation de l’hôtel de la Marine aura donc suscité de
nombreux débats. Pour comprendre leurs conséquences sur la conception de la notion de
patrimoine et sur la gestion des monuments historiques appartenant à l’Etat, il nous semble
indispensable d’analyser les deux projets phares de réutilisation de l’hôtel de la Marine : La
Royale et celui du Louvre.
112
Voir annexe I page 98. 113
RYKNER Didier, « L’affectation de l’hôtel de la Marine au Louvre confirmée par Nicolas Sarkozy », La Tribune de l’Art, 24 janvier 2011.
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L’hôtel de la Marine
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La Royale / le Louvre
La bataille autour de la reprise de l’hôtel de la Marine nous a montré que pour certains
les monuments historiques, et le patrimoine en général, devaient être placés dans une autre
logique, plus active que la conservation pure et simple de cet héritage national. Pour
Alexandre Allard, « le patrimoine est source de rayonnement et de richesses ». Ainsi, avec
son projet « La Royale » il souhaitait faire de l’hôtel de la Marine « un centre de rencontres
entre créateurs (artistes, artisans d'art, musiciens…), producteurs et marchands,
collectionneurs et passionnés »114
.
Le projet du groupe Allard repose sur quatre principes : la restauration intégrale du
bâtiment, la restitution du bâtiment aux artisans d’art (pour lui rendre sa fonction initiale, le
Garde-meuble de la Couronne), la volonté de dédier ce lieu à la création, l’exposition et la
vente d’art et enfin, la nécessité d’ouvrir le
bâtiment au public. Le projet, conçu avec
Jean Nouvel, s’articule autour de différents
espaces dédiés à l’art (en violet), aux
métiers d’art (en rouge) et à l’art culinaire
(en bleu). Mais aussi des suites pour les
grands mécènes et des artistes invités à
résidence, le Cercle de la Royale et une
Fondation (en vert).
Ainsi, les bureaux administratifs
auraient laissé la place à des espaces de
création (ateliers d'artistes, studios
d'enregistrement, cinéma pour la
postproduction de films, salle de concert) et
de promotion (galerie de présentation
d'œuvres d'artisans d'art, galerie d'art, librairie d'art et de résidence pour fixer sur place les
acteurs du monde de la création). Les salons d'apparat auraient quant à eux accueilli des
ventes aux enchères et des expositions ouvertes au public ce qui aurait permis de réaliser des
partenariats avec des institutions culturelles publiques ou des fondations. Les cours, couvertes
114
Entretien avec Rémy Fleury, chargé de mission du groupe Allard.
Figure 10 - Le projet du groupe Allard, « La Royale » (© La Royale)
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L’hôtel de la Marine
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Architecture
3/10
Intérêt général
6/10
Esprit des lieux
6/10
dans ce projet, auraient offert des lieux de vie avec café et restaurant. Soutenu par les
principales associations françaises d'artisans d'art, le syndicat national des maisons de vente
(SYMEV) et près de deux cents créateurs, le projet « La Royale » repose sur un modèle
économique assurant son autofinancement.
Pour Alexandre Allard l’objectif est de « retrouver le lustre et l’esprit du lieu, quand il
s’appelait l’hôtel du Garde-Meuble, au XVIIIème
siècle, et portait haut la création du royaume
en impulsant des styles nouveaux »115
. Toutefois, devant la méfiance des défenseurs du
patrimoine vis-à-vis de cet homme d’affaire son projet n’a pas été choisi. Mais pourquoi ?
Analysons le projet « La Royale » selon les aspects à respecter pour assurer la
réutilisation et la valorisation d’un monument dans les conditions que nous avions déterminé
dans notre première partie. Il s’agissait du respect de l’architecture, de l’esprit des lieux et de
l’intérêt général. La figure ci-contre indique
les notes que nous pourrions attribuer à ce
projet en fonction de ces aspects.
S’agissant de l’architecture, le projet
« La Royale » semble respecter l’architecture
mais la nature des installations prévues
(studios d'enregistrement, cinéma pour la
postproduction de films, salle de concert,
restaurant et café) pourrait paraître quelque
peu inadaptée à l’architecture de l’édifice,
même si ces installations ne seront pas dans les
parties dites « nobles ». De plus, la couverture
des cours va à l’encontre des préconisations du
rapport d’Etienne Poncelet116
et porterait
directement atteinte à l’équilibre architectural de l’hôtel de la Marine.
D’un point de vue de l’esprit des lieux, le projet du groupe Allard cherche à revenir à
la fonction première du monument historique, celle de Garde-meuble de la Couronne, en
ouvrant les espaces aux artistes, artisans mais aussi aux visiteurs. Cet aspect traduit un certain
115
Dossier de presse du projet La Royale (www.la-royale.fr) 116
PONCELET Etienne, Etude sur la valeur patrimoniale de l’hôtel de la Marine, décembre 2009, p. 99
Figure 11 - Analyse du projet "La Royale" selon les trois critères
"architecture", "esprit des lieux" et "intérêt général".
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L’hôtel de la Marine
66
respect de l’esprit des lieux et de l’âme du monument, destiné à la promotion de l’art français
et de la création. Cependant, la présence de la Marine, qui a tout de même occupé les lieux
pendant environ deux cents ans (bien plus longtemps que le Garde-meuble de la Couronne)
n’est que peu mentionnée dans ce projet117
même si un « Cercle de la Royale » est prévu :
« un espace réservé, le Cercle de La Royale, lieu de rencontre privilégié des marins,
armateurs, constructeurs, navigateurs, écrivains, peintres de marine, amoureux de la mer du
monde entier. Un espace qui accueillera ou retransmettra les grands événements du monde
nautique et maritime qui pourront se voir ouvrir d’autres espaces en fonction de la
programmation de la Royale. De même que les salons d’honneur, au premier étage, pourront
continuer de recevoir les principales manifestations de la Marine nationale. »118
Enfin, en ce
qui concerne le respect de l’intérêt général, le projet du groupe Allard semble respecter
relativement bien ce principe, même si quelques parties ne seront surement pas accessibles à
tous en raison de leur fonction (studios d’enregistrement, résidences pour les artistes), car
l’hôtel de la Marine sera ouvert aux artisans, aux artistes et au public.
Figure 12 - Présentation du projet
« La Royale » (© www.la-royale.fr)
« La Royale » est (ou était) donc un projet innovant mais il n’aurait pas rencontré
autant d’opposants s’il avait été prévu pour un monument moins important, moins
emblématique que l’hôtel de la Marine. L’ancien Garde-meuble de la Couronne, comme nous
l’avons vu précédemment, est lié à l’histoire du pays et fut le théâtre de nombreux
117
Dans le dossier de presse du projet « La Royale » seulement une page fait mention de la part réservée à la Marine dans le réaménagement de l’hôtel de la Marine. 118
Op. Cit., p. 28
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L’hôtel de la Marine
67
événements majeurs de notre histoire nationale. De plus, il est situé en plein cœur de Paris, sur
une des places les plus connues de la capitale. A cela, s’est ajouté le fait qu’il s’agit d’un
monument construit pour l’Etat et qui est resté occupé par des administrations depuis sa
création. Porté par un investisseur privé qui n’a pas hésité à vendre ses parts du Royal
Monceau au Qatar pour financer le projet, ses opposants craignaient ainsi qu’il fasse la même
chose avec l’hôtel de la Marine : « il est probable que cinq ans plus tard, c’est un émirat du
Golfe qui en deviendrait propriétaire »119
. Défendu par Renaud Donnedieu de Vabres, lui
aussi très critiqué pour ses actions envers la culture, le projet n’a pas abouti. Malgré sa
conception et sa volonté de valoriser l’hôtel de la Marine grâce à un projet comprenant
l’édifice dans son ensemble, et non pas en le fractionnant, « La Royale » a été rejeté, décision
suscitant la colère de son initiateur : « Je ne vais pas me laisser faire. C’est un geste désespéré
de la présidence de la République. Le quinquennat le plus pauvre en la matière [la
culture] »120
.
C’est donc le Louvre, en partenariat avec la Caisse des Dépôts, chargée de l’expertise
juridique et financière, qui aura la charge du projet scientifique et culturel destiné à valoriser
ce haut lieu d’histoire. Pour Henri Loyrette, président du Musée du Louvre, l’objectif est de
« retrouver l’esprit des lieux. Il faut raconter une histoire riche des diverses occupations et
recréer avec d’autres partenaires la grande histoire renouvelée de la création française »121
.
Le projet ainsi élaboré se divise en quatre grands espaces aux fonctions bien différentes. Il
prévoit donc :
- Un espace d’exposition avec la création d’une « Galerie du Trésor Français » qui
s’étendrait, au premier étage de l’hôtel de la Marine, dans les grands salons d’apparat et
les appartements adjacents dans lesquels seront exposés les bijoux de la Couronne
conservés au Louvre. Cet ensemble serait ouvert au public, ainsi que le péristyle. Il est
également prévu que le Louvre s’associe au Mobilier National, aux Manufactures de
Sèvres et des Gobelins, ainsi qu’aux Arts Décoratifs et au Cabinet des Médailles. Cette
disposition ferait donc appel à la mémoire du Garde-meuble de la Couronne.
119
Propos tenus par Valéry Giscard d’Estaing lors de la table-ronde organisée par les Vieilles Maisons Françaises intitulée « Quel avenir pour le patrimoine national ? », 22 juin 2011. 120
EVIN Florence, « Hôtel de la Marine : la bataille prend fin », Le Monde, 2 février 2012. 121
Ibid.
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
68
Architecture
4/10
Intérêt général
5/10
Esprit des lieux
4/10
- Un espace commercial avec l’ouverture d’une allée piétonnière (reliant la rue Royale et la
rue Saint Florentin aux deux cours centrales du bâtiment) bordée d’espaces loués à des
opérateurs publics ou privés des secteurs culturel, des métiers d’art, de la gastronomie
française…
- Un espace administratif avec l’installation de la Caisse des Dépôts et de l’Académie de la
Marine dans les bureaux de l’ancien hôtel de Saint-Florentin.
- Un espace locatif constitué par tous les espaces restants qui seraient loués pour contribuer
à l’équilibre financier du projet.
Si, avec ce projet, les modalités d’occupation de l’hôtel de la Marine sont différentes
de celles du projet « La Royale » on peut toutefois noter un certain nombre de similitudes
(allée bordée de boutiques, espaces d’expositions, ateliers …).
Analysons maintenant le projet du
Louvre selon les critères que nous avions
défini : architecture, esprit des lieux, intérêt
général. La figure ci-contre mentionne les notes
que nous pourrions attribuer au projet géré par
le Louvre selon ces trois critères. S’agissant de
l’architecture, nous pouvons donner une note
légèrement au-dessus de celle du projet « La
Royale » car la nature des équipements reste
sensiblement la même, la différence étant que le
Louvre ne projette pas de couvrir la grande cour mais la petite cour. Or dans son étude
Etienne Poncelet ne mentionne pas cette solution comme impossible.
D’un point de vue de l’esprit des lieux, ici encore, le projet implique un retour à l’état
« Garde-meuble de la Couronne » pour les espaces ouverts au public. La mémoire de la
Marine n’étant présente qu’au travers de l’Académie de Marine dont nous ne savons pas si
elle sera ouverte au public. D’autant plus qu’interrogé sur ce point lors de la table ronde des
Vieilles Maisons Françaises, Valéry Giscard d’Estaing a évoqué la conservation du drapeau
français comme seul témoignage de la présence de la Marine dans l’édifice : « le mât porteur
des couleurs nationales pourrait, à ce titre, constituer le meilleur témoignage de la présence
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
69
de l’état-major de la Marine »122
. Ainsi, si cet espace n’est pas accessible aux visiteurs, la
double mémoire Garde-meuble de la Couronne / Marine ne sera pas respectée.
Enfin, pour le respect de l’intérêt général, nous pouvons attribuer une note inférieure à
celle du projet « La Royale » car la proportion d’espaces non ouverts au public représente plus
de la moitié de la surface totale de l’édifice (voir tableau ci-après). Même si nous ne
disposons pas de données de la même nature pour le projet du groupe Allard, dans son plan
(figure 9 page 64) les espaces ouverts au public semblent occuper plus de place.
1er et 2e étages : parties d’intérêt historique ou architectural incontestable (incluant surfaces d’expositions, locaux techniques, vestiaires, billetterie, administration directe, …)
3 500 16 %
« Allée de l’art de vivre » et espaces concédés autour de la cour d’Estienne d’Orves (grande cour), de la cour du ministre et des ouvertures de circulation
2 500
11,3 %
Salle de présentation de l’histoire des lieux, boutique, librairie, accueil des expositions
500 2,2 %
Académie de Marine et Présidence de l’Union Européenne 800 0,3 % Cour des comptes 2 000 9 % Locations de bureaux 12 700 57 %
Figure 13 - Hotel de la Marine : estimations de l’occupation des surfaces (en m²)
(© CARREZ Gilles, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2012, Octobre 2011)
Une dernière remarque pourrait être formulée au sujet du projet du Louvre. Si le
rapport de la Commission sur l’avenir de l’hôtel de la Marine semble assurer qu’il sera
économiquement viable nous voudrions quand même attirer l’attention sur une différence
considérable au niveau de l’évaluation du coût du projet : chiffré à une centaine de millions
d’euros pour le projet du Louvre contre deux cent quatre millions pour le projet Allard123
.
Si le projet du Louvre a été choisi il ne parait pas pour autant offrir une solution
permettant de valoriser l’hôtel de la Marine dans les conditions que pourrait exiger un
monument emblématique du patrimoine national. Le choix du Louvre rassure car il s’agit
d’un opérateur public et non d’un investisseur privé. Toutefois, l’avenir de l’hôtel de la
Marine n’est pas encore tracé car les travaux du « Pentagone à la française » de Balard
semblent susciter quelques polémiques, la Marine restera peut-être finalement place de la
Concorde… ?
122
Propos tenus par Valéry Giscard d’Estaing lors de la table-ronde organisée par les Vieilles Maisons Françaises intitulée « Quel avenir pour le patrimoine national ? », 22 juin 2011. 123
CARREZ Gilles, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2012, Octobre 2011, p. 50
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
70
Une simple querelle entre « anciens » et « modernes » ?
La polémique suscitée par la réaffectation de l’hôtel de la Marine a profondément
bouleversé le monde patrimonial et remis en cause un certain nombre de principes que nous
allons analyser. La première question soulevée par ce débat est celle du rôle de l’Etat. En
effet, depuis quelques années, l’Etat est accusé de « brader les bijoux de famille », pour
reprendre une expression fréquemment utilisée dans la presse, afin de combler le déficit des
dépenses publiques. Cette pratique remet en cause deux notions importantes : d’une part,
comme nous l’avons dit, le rôle de l’Etat envers le patrimoine et d’autre part la notion même
de monument historique. Au début du XIXème
, la création d’un patrimoine national, héritage
commun à tous les français, avait pour objectif de réunir le peuple français, déchiré par la
Révolution, autour d’une histoire commune. Les monuments historiques étaient les témoins
« matériels » au service de cette histoire. L’organisation de la protection de ce patrimoine a
créé une législation dans laquelle l’Etat avait un rôle de garant de la conservation et de la
sauvegarde du patrimoine. L’Etat peut décider de classer un monument, financer une partie
des travaux de restauration, obliger un propriétaire à faire les travaux nécessaires pour
entretenir un monument en péril…124
L’Etat a donc un rôle primordial et un devoir envers les
français. En vendant une grande partie de ce patrimoine, qui rappelons-le est censé appartenir
à la France donc aux français « Le patrimoine de l’Etat n’appartient pas à l’Etat, mais à la
France, aux citoyens, c’est-à-dire : à nous »125
, l’Etat semble donc vouloir abandonner son
rôle et se débarrasser de son histoire qui ainsi n’aurait plus de valeur à ses yeux. Toutefois, il
s’agit là de l’histoire de tout un pays, de plus de 65 millions de français.
La remise en cause du rôle de l’Etat envers le patrimoine va de pair avec celle de la
propriété des monuments. La vente du patrimoine de l’Etat a montré que n’importe quel
investisseur privé, qu’il soit français ou non, pouvait du moment qu’il en avait les moyens
acquérir le patrimoine français. A l’heure où la crise qui touche le monde entier favorise un
regain du sentiment nationaliste, cela n’est pas acceptable. D’autant plus que les monuments
historiques passent ainsi du domaine public au domaine privé, remettant en cause la notion
d’intérêt général et leur transmission aux générations futures. Or l’objectif de la loi sur les
monuments historiques est de préserver les immeubles au nom de l’intérêt général. Tout au
124
Même si l’application de tous ces principes n’est pas toujours véridique. 125
Propos tenus par Alexandre Gady le 8 avril 2011 (http://coulissesdelaculture.wordpress.com)
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
71
long de la polémique autour de la réaffectation de l’hôtel de la Marine, nous avons vu que les
notions d’intérêts général et d’ouverture au public étaient systématiquement défendues.
Il n’est par ailleurs pas concevable de priver les français de leur patrimoine, de
quelque chose qui leur appartient surtout sans leur demander leur avis. En effet, un autre point
soulevé par l’hôtel de la Marine est l’absence de débat public. Ce sont essentiellement des
historiens et spécialistes du patrimoine qui se sont prononcés dans cette affaire et ce sont les
mêmes qui ont décidé de l’avenir de ce bâtiment. Comme l’a affirmé Vincent Michelon lors
de notre entretien « Tout le monde aime les monuments français, mais seuls quelques initiés
échangent sur leur avenir ». Quand bien même les journaux (aussi bien la presse écrite
qu’audiovisuelle) ont relayé l’information pour impliquer les français dans ce qui est devenu
une « affaire d’Etat », jamais il n’a été question de prendre en compte l’opinion publique. Les
résultats de notre enquête nous ont permis de confirmer ce phénomène. A la question « Vous
sentez-vous impliqué dans la gestion du patrimoine de notre pays ? », 87 % des personnes
interrogées ont répondu par la négative. D’autre part, en effectuant nos recherches nous avons
pu lire un certain nombre de commentaires sur les articles traitant de ce sujet et les opinions
étaient partagées. La nécessité de garder l’hôtel de la Marine géré par l’Etat ou un organisme
d’Etat ne faisant pas forcément l’unanimité.
L’affaire de l’hôtel de la Marine a aussi bouleversé la notion de monument historique.
D’une part car les monuments historiques sont les témoins d’une histoire commune et leur
vente traduit un désintérêt envers ces valeurs (nous ne reviendrons pas sur cet aspect) et
d’autre part car l’installation d’activités économiques dans les monuments historiques change
le rapport établi entre l’homme et ces monuments. Nous l’avons vu, ce rapport était
« contemplatif », les monuments historiques étaient des témoins figés, des bâtiments devenus
« inutiles » que l’on se contentait d’admirer pour leur esthétique et leurs dimensions… On
privilégie ainsi les valeurs matérielles des monuments au détriment de leurs valeurs
immatérielles. L’affaire de l’hôtel de la Marine en est le parfait témoin, l’avenir des décors et
du mobilier ont suscité plus d’inquiétudes que la mémoire de la fonction de l’édifice. Les
arguments défendant la valeur historique de l’hôtel de la Marine étaient plus destinés à
distinguer ce monument du reste du patrimoine qu’à montrer l’importance de sa valeur
immatérielle.
Pour revenir à la remise en cause de la notion de monument historique, la politique
immobilière de l’Etat a favorisé le passage de ces monuments dans une logique financière, les
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
72
renversant ainsi de leur piédestal pour les plonger dans une réalité moins prestigieuse.
L’activité de France Domaine, dont la conception des monuments n’est guidée que par leur
valeur économique, illustre cette perte de valeur patrimoniale des monuments. Les
monuments historiques ont ainsi perdu ce qui les distinguait des autres monuments, ce qui les
rendait en quelque sorte intouchables. Phénomène amplifié par l’idée selon laquelle les
monuments devaient subvenir à leurs besoins.
En effet, si les mentalités ont évolué et que beaucoup conçoivent aujourd’hui la
nécessité pour l’Etat de trouver d’autres sources de financement que ses propres fonds pour
subvenir aux besoins requis par les monuments historiques, le recours à des investisseurs
privés pose encore un problème idéologique. Notre enquête nous a montré que pour 42 % des
répondants les monuments devaient être rentables contre 58 % contre cet avis. Toutefois, la
location des monuments ne semble pas être un bon compromis (83 % des répondants contre).
Les critiques envers le projet du groupe Allard ont illustré une certaine méfiance vis-à-vis non
seulement des investisseurs privés126
mais également envers des personnes développant une
idéologie consistant à placer le patrimoine au cœur du développement économique de notre
pays. Le tourisme est une source de richesse non négligeable et le rôle du patrimoine
architectural dans cette économie n’avait, jusqu’alors, jamais été véritablement souligné.
Malgré la lente acceptation d’une économie du patrimoine, notamment grâce aux ouvrages de
Xavier Greffe127
et de l’affirmation du rôle de notre patrimoine comme créateur d’emplois et
de richesses, l’idée selon laquelle le patrimoine doit subvenir à ses besoins est encore mal
acceptée.
L’affaire de l’hôtel de la Marine a également soulevé une question primordiale, à
savoir, quelles sont les solutions qui s’offrent à nous pour sauver notre patrimoine ? Les
finances publiques sont déficitaires, personne ne peut remettre cela en question. Mais alors,
comment entretenir ces monuments dont l’état dégradé est avéré ? Plusieurs solutions ont été
mises en avant dont celle d’installer des activités commerciales type hôtellerie, restauration.
Si certains restent convaincus que les monuments doivent devenir des musées128
, ils ne
peuvent pas tous héberger ce type d’activité. D’une part car il n’y aurait pas assez d’œuvres à
126
Notre enquête a montré que 68 % des répondants considèrent que le projet La Royale a peu de chances d’aboutir car il est porté par un investisseur privé. 127 GREFFE Xavier, La valorisation économique du patrimoine, Paris : Editions de la Documentation Française,
Collection Question de la culture, 2003, 384 pages. 128
63 % des personnes interrogées lors de notre enquête considèrent que les activités d’hôtellerie et de restauration ne sont pas compatibles avec les monuments historiques.
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
73
exposer et que l’idée de transformer la France en musée est tout bonnement inimaginable.
D’autre part car l’installation d’un musée n’est pas la meilleure option de sauvegarde. Les
règles de sécurité et autres normes impliquent l’ajout d’équipements dénaturant profondément
l’ordonnance des édifices. De plus, la fréquentation induite par la visite des monuments
augmenterait considérablement ce qui entraînerait des dommages sur la stabilité de l’édifice.
Il suffit d’aller visiter Versailles en période de forte affluence pour comprendre à quel point la
transformation d’un monument en musée peut être dévastatrice...
La recherche de nouvelles utilisations nous conduit également à nous interroger sur la
dignité des monuments. Tout au long de nos recherches nous avons pu voir que cet aspect
revenait régulièrement. Philippe Levantale, en étudiant l’installation de colonies de vacances
dans les édifices anciens, avait abordé ce problème en affirmant que les colonies de vacances
n’étaient en quelque sorte pas dignes d’édifices du XVIIème
siècle. Les détracteurs du projet
du groupe Allard, considéraient quant à eux que l’hôtel de la Marine, édifice emblématique du
patrimoine national, ne devait pas abriter ce « barnum commercial assorti de suite de luxe ».
Toutefois, nous pouvons nous demander quelles sont les utilisations dignes et qui peut le
définir ? La question de la dignité des monuments historiques rejoint le débat sur la rentabilité
du patrimoine. Interrogé sur l’avenir de l’hôtel de la Marine, Alexandre Gady utilise
l’expression « prostitution culturelle »129
en évoquant des exemples où des investisseurs
privés cherchaient à utiliser les monuments comme support de communication en contrepartie
du financement de leur restauration. Les monuments ne peuvent pas être considérés comme
une monnaie d’échange dont l’Etat pourrait disposer à son gré.
L’affaire de l’hôtel de la Marine nous aura donc montré qu’il ne s’agit pas là d’une
simple opposition entre deux idéologies, confrontant les « anciens » aux « modernes » mais
d’une réelle évolution de la conception du patrimoine. Les contraintes budgétaires liées à leur
conservation contraignent l’Etat à se tourner vers d’autres sources de financement et vers
d’autres utilisations des monuments historiques dont la rentabilité est censée contribuer aux
besoins des édifices. Le patrimoine n’est plus considéré pour les valeurs historico-culturelles
qu’il véhicule mais pour son utilité et sa capacité à contribuer au développement local.
129
Propos tenus par Alexandre Gady le 8 avril 2011 (http://coulissesdelaculture.wordpress.com)
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
74
CONCLUSION
Les populations réutilisent les monuments depuis que ces derniers sont capables de
survivre à leur usage d’origine. Si cette pratique relevait autrefois d’une conception assez
pragmatique des monuments elle relève aujourd’hui d’une toute autre nécessité.
Le XIXème
siècle a créé les monuments historiques, des édifices protégés à ce titre
pour les valeurs esthétiques, artistiques, historiques, culturelles et sociales qu’ils portent et ce
dans un souci d’intérêt général. Toutefois, l’élargissement du champ patrimonial tout au long
du XXème
siècle a engendré l’augmentation des besoins financiers des monuments. Besoins
que l’Etat peine à couvrir depuis un certain nombre d’années.
La nécessité de trouver d’autres utilisations pour les monuments historiques s’impose
donc aux décideurs publics depuis une cinquantaine d’années. Si la réutilisation des édifices
anciens est très vite apparue comme une option de sauvegarde, évitant l’abandon des
monuments, ses conditions d’application ont suscité de profonds débats auprès des acteurs du
patrimoine. Certains insistant sur la dignité des monuments et défendant l’idée selon laquelle
il n’était pas possible de plaquer n’importe quelle utilisation sur un édifice. D’autres,
défendant le respect de l’architecture en insistant sur la nécessité de veiller à ce que la
nouvelle activité ne porte pas atteinte à la structure même de l’édifice, ni à son décor.
D’autres encore, n’acceptant pas l’idée selon laquelle les monuments doivent subvenir à leur
entretien, les placant sur un piédestal.
Toutefois, au-delà de tous ces freins, des entreprises ont fait de la réutilisation des
monuments historiques leur spécialité et se sont distinguées dans ce domaine. En développant
des activités commerciales elles permettent non seulement de contribuer à l’entretien des
monuments mais aussi de leur trouver une affectation qui corresponde aux besoins socio-
économiques de la société.
L’idée d’installer des hôtels dans les monuments historiques est apparue à la fin du
XXème
siècle et témoigne de la volonté de rentabiliser le patrimoine. L’objectif est de trouver
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
75
des activités dont les bénéfices permettront de contribuer à l’entretien des édifices. Le
développement de l’hébergement patrimonial dans les monuments historiques a longtemps
rencontré des opposants car l’installation de ces activités impliquait la privatisation de ces
édifices et la réservation de leur jouissance à un nombre restreint de personnes. Si cette idée
semble avoir été mise de côté à la fin du XXème
siècle pour ces raisons elle revient aujourd’hui
au cœur des débats.
Mais ce n’est pas seulement de réutilisation dont il est question aujourd’hui. La
politique patrimoniale de l’Etat montre une certaine volonté d’impliquer d’autres acteurs dans
l’avenir des monuments historiques. Si le transfert des monuments aux collectivités locales
n’a pas suscité de polémique, l’élargissement de cette possibilité aux acteurs privés a quant à
lui engendré de nombreuses polémiques. D’autant plus qu’il ne s’agissait plus seulement du
transfert mais aussi de la vente de ces édifices. La politique immobilière de l’Etat est qualifiée
de « braderie des monuments » et les défenseurs du patrimoine s’indignent devant un Etat qui
cherchent à de se débarrasser de ces édifices dont il ne peut plus assumer l’entretien et la
conservation.
La polémique suscitée par la réaffectation de l’hôtel de la Marine nous a montré que la
question de la rentabilité des monuments pose encore un problème idéologique. Si certains
considèrent que les monuments doivent rester des témoins d’art et d’histoire d’autres
cherchent à les réintégrer dans le circuit de la vie quotidienne en leur trouvant une fonction
utile à la société. Toutefois, il ne s’agit pas d’une simple opposition entre deux points de vue
mais d’une nouvelle conception des monuments historiques. Notion qui devient alors
surpassée. Les monuments ne sont plus seulement admirés, ils deviennent utiles et contribuent
au développement local.
Si l’exemple de l’hôtel de la Marine ne peut pas être considéré comme un cas d’école
car il concernait un monument dont la valeur patrimoniale impliquait qu’il reste dans le giron
de l’Etat, il a toutefois montré qu’en terme de réutilisation il n’était pas possible de faire des
généralités. Un projet de réutilisation ne doit pas être plaqué sur n’importe quel édifice. Ce
sont les valeurs matérielles et immatérielles du monument qui doivent contribuer à
l’élaboration d’un projet de réutilisation qui doit respecter l’architecture de l’édifice et
l’esprit des lieux, l’âme du monument. L’hôtel de la Marine nous a montré que le respect de
l’intérêt général était également un principe fondamental.
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
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Si ce travail de recherche a souligné la nécessité de passer d’une logique de
conservation à une logique d’exploitation, il a également montré l’évolution du rapport de la
société avec le passé et ses témoins.
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
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ROYAN Anne, « Défense : vers un Pentagone à la française », Le Figaro, 10
décembre 2007.
RYKNER Didier, « Hôtel de la Marine : Nicolas Sarkozy annonce la création d’une
commission », La Tribune de l’Art, 19 janvier 2011.
RYKNER Didier, « L’affectation de l’hôtel de la Marine au Louvre confirmée par
Nicolas Sarkozy », La Tribune de l’Art, 24 janvier 2011.
RYKNER Didier, « L’Etat va-t-il se débarrasser de l’Hôtel de la Marine ? », La
Tribune de l’Art, 23 février 2009.
RYKNER Didier, « L’hôtel de la Marine va effectivement être loué en bail
emphytéotique », La Tribune de l’Art, 27 mars 2009.
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
L’hôtel de la Marine
81
RYKNER Didier, « Nicolas Sarkozy prêt à sacrifier l’hôtel de la Marine », La
Tribune de l’Art, 1er
mai 2010.
RYKNER Didier, « Problème concret : comment hypothéquer l’hôtel de la Marine »,
La Tribune de l’Art, 22 octobre 2009.
Sites internet :
- www.meretmarine.com
- http://coulissesdelaculture.wordpress.com
- www.la-royale.fr
- http://www.hotel-marine-paris.org/index.php
- http://www.sauvegardeartfrancais.fr/
Alix PANTZ
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L’hôtel de la Marine
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TABLE DES ILLUSTRATIONS
Figure 1 – Hôtel de la Marine : Galerie dorée (© Gilles Ameil / Flikr) ............................. 2
Figure 2 - Le château Rothschild (Boulogne) (© Photo prise par l’auteur en février
2008) .................................................................................................................................................... 18
Figure 3 - Nombre total d'édifices protégés et Répartition du parc monumental (©
Ministère de la Culture et de la Communication) ................................................................ 25
Figure 4 - Les trois aspects que tout projet de réutilisation d'un monument historique
doit respecter. .................................................................................................................................... 26
Figure 5 - Plan de la place Louis XV par Jacques-Ange Gabriel en 1756 (© Paris,
Archives Nationales, N III Seine 841) .......................................................................................... 43
Figure 6 - Parcours de visite proposé par Etienne Poncelet ................................................ 53
Figure 7 - L'Hôtel de la Marine. Situé au cœur de Paris ce monument emblématique
du patrimoine national risque d'être vendu pour financer le nouveau "pentagone à la
française". (© Photo prise par l'auteur en septembre 2011). ............................................... 55
Figure 8 - Annonce de l'appel à projets relatif à la réutilisation de l'hôtel de la
Marine (© Capture d'écran à partie du site internet de France Domaine,
http://www2.budget.gouv.fr/cessions/) ........................................................................................ 58
Figure 9 - Valéry Giscard d'Estaing, président de la Commission sur l'avenir de l'hôtel
de la Marine, remet son rapport à Nicolas Sarkozy, ancien président de la
République. ........................................................................................................................................ 62
Figure 10 - Le projet du groupe Allard, « La Royale » (© La Royale) ................................. 64
Figure 11 - Analyse du projet "La Royale" selon les trois critères "architecture", "esprit
des lieux" et "intérêt général". ...................................................................................................... 65
Figure 12 - Présentation du projet « La Royale » ..................................................................... 66
Figure 13 - Hotel de la Marine : estimations de l’occupation des surfaces (en m²) ...... 69
Alix PANTZ
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ANNEXES
Annexe A - Prévisions de ventes pour Paris. ................................................................................. 84
Annexe B - Les immeubles insignes de l'Etat et de la nation................................................. 86
Annexe C - Article 11 de la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux
consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services. ............................................................. 88
Annexe D - Appel à projets relatif à l’occupation, la mise en valeur et l’exploitation
de l’Hôtel de la Marine à Paris. ............................................................................................................. 89
Annexe E - Lettre des associations nationales de sauvegarde du patrimoine bâti
paysager au Premier Ministre. ............................................................................................................... 95
Annexe F - Appel au président de la République à ne pas brader un lieu chargé
d’histoire. ......................................................................................................................................................... 96
Annexe G - Sondage Ifop : « Les Français et l’avenir de l’hôtel de la Marine » (Février
2011). ................................................................................................................................................................. 97
Annexe H - Lettre de mission et composition de la Commission sur l’avenir de
l’hôtel de la Marine. ................................................................................................................................... 98
Annexe I - Communiqué de presse de la Commission sur l’avenir de l’hôtel de la
Marine. ........................................................................................................................................................... 100
Alix PANTZ
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Annexe A - Prévisions de ventes pour Paris.
Commune Adresse Nature Ministère occupant
Année prévisionnelle
de cession
PARIS 01 6, avenue de l'Opéra Autre
Budget, Comptes publics et
Réforme de l'État 2011
PARIS 02 109, rue Montmartre Bureau
Travail, Solidarité et Fonction
Publique En cours
PARIS 03 14 rue Perrée Bureau
Budget, Comptes publics et
Réforme de l'État 2012
PARIS 04 3/7, rue de Venise Logements Culture 2012
PARIS 07
Hôtel de Clermont -
69 rue de Varenne Bureau Services du Premier Ministre 2013
PARIS 07
Hôtel de Broglie - 35
rue Saint Dominique Bureau Services du Premier Ministre 2013
PARIS 07
Hôtel de Vogüé - 18
rue de Martignac Bureau Services du Premier Ministre 2013
PARIS 07 19 rue Constantine Bureau Services du Premier Ministre 2013
PARIS 07 113 rue de Grenelle Bureau Services du Premier Ministre 2013
PARIS 07
120 rue du Cherche
Midi Bureau Services du Premier Ministre 2013
PARIS 07
1 ter, avenue de
Lowendal Bureau
Alimentation, Agriculture et
Pêche 2012
PARIS 07
1, place Saint Thomas
d'Aquin Bureau Défense 2012-2013
PARIS 07
231, bd St Germain -
8 à 18, rue St
Dominique (hors
Hôtel de Brienne) Bureau Défense 2011-2012
PARIS 07
îlot Bellechasse : 37
rue Bellechasse Bureau Défense 2012-2013
PARIS 07
îlot Bellechasse : 39
rue Bellechasse Bureau Défense 2012-2013
PARIS 07
îlot Bellechasse : 104
rue de Grenelle Bureau Défense 2012-2013
PARIS 07 44, rue de Bellechasse Bureau Education nationale 2011
PARIS 07
80, rue de Lille -
Hotel particulier
Seignelay Bureau
Budget, Comptes publics et
Réforme de l'État
En cours (bail
emphytéotique)
PARIS 08
Caserne Pépinière, 15
Rue DE LABORDE Bureau Défense 2012-2013
Alix PANTZ
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PARIS 08
26 bis rue de Saint-
Pétersbourg Bureau Économie, Industrie et Emploi 2012
PARIS 09 14/16 rue Halévy Bureau Justice et Libertés 2011
PARIS 11
25/27, rue de la
Fontaine au Roi Bureau Justice et Libertés 2011
PARIS 12
Caserne Reuilly, 20
Rue de Reuilly, 34
Rue Chaligny, 63
Boulevard Diderot
mixte
(logements
et bureaux) Défense 2011
PARIS 15
6, boulevard de
Grenelle Autre
Intérieur, Outre-mer et
Collectivités territoriales 2012
PARIS 15 19, Avenue du Maine Bureau
Alimentation, Agriculture et
Pêche 2012
PARIS 16 37, rue Molitor Bureau
Budget, Comptes publics et
Réforme de l'État En cours
PARIS 16 35, rue St Didier Bureau
Intérieur, Outre-mer et
Collectivités territoriales 2011
PARIS 17
28-30, rue de
Chazelles Bureau
Budget, Comptes publics et
Réforme de l'État
En cours
(vente aux enchères le
4 octobre 2011)
PARIS 17
71-73, rue de
Saussure Bureau
Budget, Comptes publics et
Réforme de l'État En cours
PARIS 17
Porte Pouchet -
boulevard Bessières Bureau Education nationale En cours
PARIS 18
Caserne Gley,
1, avenue de la Porte
des Poissonniers, 86
boulevard Ney
mixte
(logements
et bureaux) Défense
PARIS 19
58 à 66, rue de la
Mouzaia Bureau
Intérieur, Outre-mer et
Collectivités territoriales 2011
(Source = France Domaine)
Alix PANTZ
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Annexe B - Les immeubles insignes de l'Etat et de la nation.
Nous avons regroupé ces lieux en quatre ensembles :
- Les résidences principales des rois et reines de France.
- Les lieux du pouvoir de la République.
- Les lieux de représentation de l’Etat et de la Nation.
- Les lieux de commémoration nationale.
Les résidences principales des rois et reines de France (par ordre chronologique) :
- Le palais de la cité de Robert le Pieux et de Saint Louis, devenu la cour de Cassation.
- Le Louvre de Philippe-Auguste, devenu musée national.
- Le château de Vincennes de Saint Louis.
- Le château de Fontainebleau de François Ier.
- Le château de Chambord de François Ier.
- Le palais du Luxembourg de Marie de Médicis, affecté au Sénat par Napoléon Ier
.
- Le palais Royal, palais des deux régences, de Marie de Médicis et de Philippe
d’Orléans, devenu le Conseil d’Etat.
- Le château de Saint-Germain en Laye où naît Louis XIV, qu’il habite comme roi de
1661 à 1680.
- Le palais de Versailles et le Trianon, habité par le roi et la cour de 1683 à 1722,
transformé par Louis-Philippe en musée de l’histoire de France.
- Le palais de Compiègne, de Louis XV, Louis XVI, Louis-Philippe et Napoléon III.
- Le site de l’ancien palais des Tuileries, incendié en 1871, occupé par les rois jusqu’à
Louis XVI et ses annexes dont le garde-meuble.
Les lieux du pouvoir de la République :
- Le palais Bourbon devenu Conseil des Cinq Cents en 1795 puis Assemblée
Nationale.
- L’hôtel d’Evreux acquis par Louis XVIII en échange de l’hôtel de Matignon, devenu
palais de l’Elysée, résidence de Napoléon III puis des Présidents de la République.
- L’hôtel de Matignon devenu en 1934 siège de la Présidence du Conseil puis du
Premier Ministre.
Les lieux de représentation de l’Etat et de la Nation :
- La place Royale de Louis XIII devenue place des Vosges.
- La place Louis XV avec la loggia royale du garde-meuble, devenues place de la
Concorde et hôtel de la Marine.
- L’ensemble urbain Concorde - Champs-Elysées - Arc de Triomphe, lieu de
représentation du peuple français.
Alix PANTZ
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Les lieux de commémoration nationale :
- La cathédrale de Reims, cathédrale du sacre.
- La basilique Saint-Denis, mausolée des rois.
- La chapelle expiatoire, sépulture de Louis XVI et des guillotinés de la Terreur.
- Le Panthéon, mausolée des gloires de la France.
- La chapelle des Invalides et le tombeau de Napoléon Ier
.
- La chapelle de la Sorbonne et le tombeau de Richelieu.
- La Coupole de l’Institut, mausolée de Mazarin et siège du « Parlement des Savants ».
- L ‘Arc de Triomphe, autel de la Nation, tombe du Soldat Inconnu.
- La colonne de la Grande Armée à Wimille.
- La colonne Vendôme du vainqueur d’Austerlitz.
- La colonne de Juillet de Louis-Philippe.
En conclusion, nous pouvons remarquer que l’hôtel de la Marine n’est pas seulement un
hôtel ministériel ni un décor urbain comme un autre mais qu’il participe en bonne place
parmi les édifices insignes représentatifs de l’Etat et de la Nation, au titre de l’histoire de
France comme au titre de l’image de la « marque France ».
(Source = Etienne Poncelet, Etude sur la valeur patrimoniale de l’hôtel de la Marine, Tome
2, décembre 2009).
Alix PANTZ
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Annexe C - Article 11 de la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux
consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services.
Article L2341-1
Créé par LOI n°2010-853 du 23 juillet 2010 - art. 11
I.-Un bien immobilier appartenant à l'Etat ou à un établissement public mentionné au onzième
alinéa de l'article L. 710-1 du code de commerce, au premier alinéa de l'article 5-1 du code de
l'artisanat ou à l'article L. 510-1 du code rural et de la pêche maritime peut faire l'objet d'un
bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-1 du même code, en vue de sa restauration, de sa
réparation ou de sa mise en valeur. Ce bail est dénommé bail emphytéotique administratif.
Un tel bail peut être conclu même s'il porte sur une dépendance du domaine public.
Il peut prévoir l'obligation pour le preneur de se libérer du paiement de la redevance d'avance,
pour tout ou partie de la durée du bail.
II.-Lorsque le bien objet du bail emphytéotique fait partie du domaine public de la personne
publique, le bail conclu en application du I satisfait aux conditions particulières suivantes :
1° Les droits résultant du bail ne peuvent être cédés, avec l'agrément de la personne publique
propriétaire, qu'à une personne subrogée au preneur dans les droits et obligations découlant de
ce bail et, le cas échéant, des conventions non détachables conclues pour la réalisation de
l'opération ;
2° Le droit réel conféré au preneur et les ouvrages dont il est propriétaire ne peuvent être
hypothéqués qu'en vue de garantir des emprunts contractés par le preneur pour financer la
réalisation des obligations qu'il tient du bail ; le contrat constituant l'hypothèque doit, à peine
de nullité, être approuvé par la personne publique propriétaire ;
3° Seuls les créanciers hypothécaires peuvent exercer des mesures conservatoires ou des
mesures d'exécution sur les droits immobiliers résultant du bail. La personne publique
propriétaire peut se substituer au preneur dans la charge des emprunts en résiliant ou en
modifiant le bail et, le cas échéant, les conventions non détachables ;
4° Les modalités de contrôle de l'activité du preneur par la personne publique propriétaire sont
prévues dans le bail ;
5° Les constructions réalisées dans le cadre de ce bail peuvent donner lieu à la conclusion de
contrats de crédit-bail. Dans ce cas, le contrat comporte des clauses permettant de préserver
les exigences du service public.
III.-L'une ou plusieurs de ces conditions peuvent également être imposées au preneur lorsque
le bien fait partie du domaine privé de la personne publique.
(Source = http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000022511227)
Alix PANTZ
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Annexe D - Appel à projets relatif à l’occupation, la mise en valeur et l’exploitation
de l’Hôtel de la Marine à Paris.
Alix PANTZ
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Annexe E - Lettre des associations nationales de sauvegarde du patrimoine
bâti paysager au Premier Ministre.
Alix PANTZ
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Annexe F - Appel au président de la République à ne pas brader un lieu chargé
d’histoire.
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Annexe G - Sondage Ifop : « Les Français et l’avenir de l’hôtel de la Marine » (Février
2011).
Alix PANTZ
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Annexe H - Lettre de mission et composition de la Commission sur l’avenir de
l’hôtel de la Marine.
Valéry Giscard d'Estaing nommé responsable de la Commission sur l'avenir de l'Hôtel de la
Marine - retrouvez la lettre de mission du Président de la République
Monsieur le Président,
L'Hôtel de la Marine, situé place de la Concorde à Paris, est actuellement occupé par l'état-major de la
Marine qui le quittera à la fin de l'année 2014 pour rejoindre le site de Balard, dans le XVème
arrondissement.
Sa réaffectation à la suite du départ de cette administration nécessitera, quelle que soit la nature de
l'utilisation retenue, des travaux lourds, complexes et coûteux, qui devront être conduits avec soin.
En effet, l'Hôtel de la Marine présente des caractéristiques uniques : son emplacement même, son
occupation depuis l'origine par les services de l'État, d'abord comme Garde-meuble royal ouvert par
intermittence au public, puis comme ministère de la Marine et des Colonies. Il a conservé sa structure
architecturale conçue par Gabriel, dispose d'importantes collections de mobilier et se présente comme
un véritable conservatoire des matériaux anciens et de l'évolution des techniques architecturales et des
arts décoratifs.
Je souhaite donc vous confier la responsabilité d'une Commission qui sera chargée de donner aux
pouvoirs publics un avis sur l'avenir et la meilleure utilisation possible de ce bâtiment qui appartient au
patrimoine national.
Cette Commission, composée d'une dizaine de personnalités qualifiées dans le domaine de l'histoire de
l'art et de l'histoire de l'État, du patrimoine et de la gestion des institutions publiques, notamment
culturelles, procédera à l'audition des personnes ou des institutions qui souhaitent donner un avis ou
proposer des solutions quant à l'affectation future de ce bâtiment.
A la lumière de ces échanges, vous serez amené à formuler des propositions concrètes destinées à
guider l'État dans la définition de sa politique à l'égard de l'Hôtel de la Marine. Ces propositions
devront prendre en compte, tant les aspects patrimoniaux que juridiques des solutions préconisées,
ainsi que la question de leur coût à moyen et long terme pour les finances publiques.
Monsieur Thierry TUOT, conseiller d'État, pourra être le rapporteur de votre Commission. Vous
disposerez, pour l'accomplissement de vos travaux, de l'appui des services des différents ministères
concernés et notamment de ceux du ministère de la Culture et de la Communication qui apporteront
leur concours au fonctionnement de la Commission.
Vos conclusions feront l'objet d'un rapport, dont j'attacherais du prix à ce qu'il me soit remis avant
l'été.
Je vous remercie d'avoir accepté la charge que représente pour vous cette mission et je vous prie
d'agréer, Monsieur le
Président, l'expression de ma haute considération.
Nicolas Sarkozy
Alix PANTZ
La réutilisation du patrimoine monumental protégé : la braderie des monuments historiques ?
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Valéry Giscard d'Estaing a rendu publique la liste des personnalités qui participeront à la Commission
de réflexion sur l'avenir de l'Hôtel de la Marine qu'il préside, comme le lui a demandé le Président de
la République Nicolas Sarkozy.
Cette Commission réunira :
M. Christophe BEAUX Président-directeur général de la Monnaie de Paris
M. Pierre CHEVALIER Président du Conseil national du marché de l'art
Président d'honneur de la Société d'encouragement aux métiers d'art (SEMA)
M. Bertrand COLLOMB de l'Institut (Académie des Sciences Morales et Politiques)
Président d'Honneur de Lafarge
Mme Sabine FROMMEL Universitaire allemande
Directeur d'études à l'Ecole pratique des hautes études et à l'Institut national de l'histoire de l'art
M. Marc FUMAROLI de l'Académie française,
Professeur honoraire au Collège de France
M. Hugues GALL de l'Institut (Académie des Beaux-Arts)
Ancien Directeur de l'Opéra de Paris, Directeur de la Fondation Claude Monet
M. Adrien GOETZ Maître de conférences d'histoire de l'art à la Sorbonne, Romancier
M. Xavier de LA GORGE Membre de l'Académie de Marine,
Ancien Secrétaire général de la mer
M. Jean-Philippe LEGAT Ancien Ministre de la culture et de la communication
M. Jacques LEGENDRE Ancien Ministre,
Président de la Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat
Mme Isabelle LEMESLE Président du Centre des Monuments Nationaux
M. Pierre NORA de l'Académie française
Ces personnalités ont été choisies en s'assurant notamment de leur indépendance au regard des
différents projets d'affectation du patrimoine immobilier de l'Etat.
La participation aux travaux de la Commission ne fera l'objet d'aucune rémunération. M. Thierry
TUOT, Conseiller d'Etat, sera rapporteur de la Commission.
Alix PANTZ
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Annexe I - Communiqué de presse de la Commission sur l’avenir de l’hôtel de la
Marine.
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TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS ........................................................................................................................ 3
AVANT-PROPOS .......................................................................................................................... 4
INTRODUCTION ......................................................................................................................... 8
PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE ..................................................................... 13
Problématique et hypothèses .......................................................................................... 13
Méthodologie ........................................................................................................................... 14
REUTILISER LE PATRIMOINE ARCHITECTURAL .................................................. 16
Une problématique récurrente ...................................................................................... 16
Concilier forme et usage ................................................................................................... 23
Des entreprises spécialisées ............................................................................................ 30
UN MONUMENT EMBLEMATIQUE AU CŒUR DE LA POLITIQUE
IMMOBILIERE DE L’ETAT ...................................................................................................... 36
Une nouvelle politique pour le patrimoine ........................................................... 36
De l’hôtel du Garde-Meuble de la Couronne à l’hôtel de la Marine ...... 42
La valeur patrimoniale de l’hôtel de la Marine ................................................... 49
L’AVENIR DE L’HOTEL DE LA MARINE ........................................................................ 55
Un monument au cœur des débats ............................................................................. 55
La Royale / le Louvre ........................................................................................................... 64
Une simple querelle entre « anciens » et « modernes » ? ................................ 70
CONCLUSION ............................................................................................................................. 74
BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................................................... 77
Alix PANTZ
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TABLE DES ILLUSTRATIONS ............................................................................................... 82
ANNEXES ........................................................................................................................................ 83
Annexe A - Prévisions de ventes pour Paris. ................................................................................. 84
Annexe B - Les immeubles insignes de l'Etat et de la nation................................................. 86
Annexe C - Article 11 de la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux
consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services. ............................................................. 88
Annexe D - Appel à projets relatif à l’occupation, la mise en valeur et l’exploitation
de l’Hôtel de la Marine à Paris. ............................................................................................................. 89
Annexe E - Lettre des associations nationales de sauvegarde du patrimoine bâti
paysager au Premier Ministre. ............................................................................................................... 95
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d’histoire. ......................................................................................................................................................... 96
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Annexe H - Lettre de mission et composition de la Commission sur l’avenir de
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Annexe I - Communiqué de presse de la Commission sur l’avenir de l’hôtel de la
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