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LA RUSSIE ENTRE L'ESPACE EUROPÉEN ET L'ASIE Barbara Despiney-Zochowska De Boeck Supérieur | Innovations 2007/2 - n° 26 pages 177 à 198 ISSN 1267-4982 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-innovations-2007-2-page-177.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Despiney-Zochowska Barbara, « La Russie entre l'espace européen et l'Asie », Innovations, 2007/2 n° 26, p. 177-198. DOI : 10.3917/inno.026.0177 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur. © De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - National Chung Hsing University - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 03h02. © De Boeck Supérieur Document téléchargé depuis www.cairn.info - National Chung Hsing University - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 03h02. © De Boeck Supérieur

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LA RUSSIE ENTRE L'ESPACE EUROPÉEN ET L'ASIE Barbara Despiney-Zochowska De Boeck Supérieur | Innovations 2007/2 - n° 26pages 177 à 198

ISSN 1267-4982

Article disponible en ligne à l'adresse:

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Despiney-Zochowska Barbara, « La Russie entre l'espace européen et l'Asie »,

Innovations, 2007/2 n° 26, p. 177-198. DOI : 10.3917/inno.026.0177

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LA RUSSIE ENTRE L’ESPACEEUROPÉEN ET L’ASIEBarbara DESPINEY-ZOCHOWSKA

Centre d’Économie de la Sorbonne,Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, CNRS

[email protected]

INTRODUCTION

Deux mouvements majeurs marquent l’évolution des relations économiquesinternationales : mondialisation et régionalisation. Les deux signifient la findu dialogue Nord-Sud, telle qu’il a été conçu par les Nations Unies, et sonremplacement par les blocs régionaux. En effet, après l’époque du débat surun nouvel ordre économique mondial (années 1970 - début des années 1980),débat auquel l’Europe de l’Est a pris une part plutôt limitée 1, nous sommesentrés dans une époque des « ordres économiques régionaux ». En effet, ils’opère un déplacement du centre de gravité de l’économie mondiale du bas-sin Atlantique au Bassin Pacifique et l’émergence d’un monde « triadique » :Amérique du Nord / Europe / Asie-Pacifique 2. Quinze ans après la chute duMur de Berlin il s’agit de voir quelle est aujourd’hui la place de la Russie dansla nouvelle division internationale du travail (DIT). Est-ce que ce pays vadevenir membre d’un espace économique paneuropéen, où plutôt membre àpart entière de l’APEC ? L’adhésion éventuelle de la Russie à la zone Asie-Pacifique ne pourra que satisfaire le courant néo-eurasien auquel se réfèreaujourd’hui implicitement ou explicitement l’ensemble de la classe politiquerusse. Étudier la transition en Russie est d’autant plus intéressant qu’elle

1. Voir à ce propos notre thèse de doctorat « Les pays socialistes face au Nouvel ordre économi-que international. L’Attitude des pays socialistes envers les PVD depuis 1974 », Université Paris 1,1982.2. Voir à ce propos le livre de Gérard Kebabdjian, Nouveux enjeux de l’économie mondiale, Paris,Seuil, 1994 ; ainsi que P. Kennedy, Naissance et déclin des grandes puissances, Paris, Payot, 1989 ;Nye, J. 1990, Bound to Lead: The Changing Nature of American Power, New York, Basic Books(trad. fr. : le Leadership américain, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1992) ; Wallerstein, I.1987, The United States and the World ‘Crisis’, in T. Boswell et A. Bergensen (ed.), America’sChanging Role in the World System, New York, Praeger.

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s’inscrit dans le cadre de ces deux processus parallèles qui sont justement lamondialisation et la régionalisation. Cet article a pour but d’alimenter ledébat sur la participation de la Russie à la nouvelle DIT, suite au démantèle-ment du CAEM 3, et ne prétend pas épuiser la vaste problématique que sug-gère son titre.

QUELLE PLACE POUR LA RUSSIE DANS LA NOUVELLE DIVISION INTERNATIONALE DU TRAVAIL ?

Selon les idées dominantes de la théorie du commerce international, les paysou régions proches géographiquement commercent davantage entre ellesqu’avec les régions éloignées (Krugman et Obsfeld, 1996). L’impact des lienshistoriques sur le commerce est également fréquemment pris en compte.Tout cela est parfaitement visible à travers la désintégration du monde com-muniste après 1989. Depuis le démantèlement du CAEM et l’adhésion desdix pays de l’Europe centrale à l’Union Européenne (y compris la Bulgarie etla Roumanie à partir du 1er janvier 2007), la Russie cherche sa nouvelle placedans la DIT. Les anciennes républiques soviétiques, libérées du joug russequant à elles cherchent également de nouvelles alliances. Ceci est visible àtravers la baisse des échanges de la Russie avec les pays membres de la CEI 4.Le volume d’échanges commerciaux de la Russie avec ces pays a été divisé parcinq en passant de 138,1 milliards de dollars en 1991 à 25 milliards en 2002 5.La Russie cherche à diversifier ses échanges tant avec l’Europe qu’avec l’Asie.Au début de la transition (1992), les échanges de la Russie avec les payseuropéens atteignaient deux tiers des échanges globaux de la Fédération 6.La part de l’Asie dans le commerce russe était de 25 %, et le Japon le premierclient asiatique avec 6,1 % d’échanges. Les pays du Nord-Pacifique assu-maient 9,5 % d’échanges, avec les Etats-Unis en tête avec 2,9 %. Dix ansaprès, en 2002, l’Europe (l’Union européenne ainsi que l’Europe Centrale)détient toujours la première place, mais seulement avec 49,5 % pour lesexportations et 58,9 % pour les importations. Ces chiffres restent presque les

3. Conseil d’Assistance Economique Mutuelle.4. Communauté des États indépendants.5. Vashanov, V. 2005, “Problems of interregional Co-operation between Russia and the Com-monwealth of Independent States”, Problems of Economic Transition, n° 12.6. Cf. Despiney-Zochowska, B. 1999, « Quelle place pour la Russie dans la zone Asie-Pacifique ? »,communication à la Conférence « La Russie, l’étranger proche et l’Europe », Paris, Sénat, 19-20novembre, et du même auteur 2001, « Quelle place pour la Russie dans la nouvelle DIT ? », dansEuropa Wschodnia w obliczu integracji i glopbalizacji (Europe de l’Est face à l’intégration et à la mon-dialisation), M. Dobroczynski, Ed. Université de Varsovie, Faculté de gestion, p. 177-202.

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même en 2004 : 49 % pour les exportations et 54 % pour les importations(ici une baisse de presque 5 % est à noter). Entre 1993 et 2002, ce sont lesimportations en direction de l’Union à 15 qui augmentent le plus avec 25,1 %de hausse, cependant les exportations baissent de 3,2 %. La baisse concernetant les exportations que les importations en provenance de l’Europe Centrale(-5,1 % et -5,2 % respectivement). Ceci est la suite logique de la désintégra-tion du CAEM. En Europe c’est l’Allemagne qui est le principal partenairerusse, leurs échanges mutuels atteignent le niveau record en 2004 : 24 mil-liards des dollars. Elle devance le Belarus et l’Ukraine qui occupent la deuxièmeet troisième place. Le poids de la Russie dans le commerce européen est fai-ble, elle ne représente qu’une part plutôt faible dans le commerce européen :9 % en ce qui concerne ses importations et 5 % pour les exportations (chif-fres de 2005). La Russie est le troisième partenaire commercial de l’Union der-rière les Etats-Unis et la Chine.

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Quant à l’Asie, divers modèles de coopération sont en discussion danscette partie du monde depuis la fin des années 1980, mais c’est avec l’effon-drement de l’ancienne Union soviétique et la politique d’ouverture de la Russieque de tels modèles ont pris de l’importance. Les anciennes républiques asia-tiques font à présent partie de la Communauté des États indépendants (CEI).En Asie il s’agit d’Arménie, d’Azerbaïdjan, de Géorgie, de Kazakhstan, deKirghizstan, d’Ouzbékistan, de Turkménistan et Tadjikistan 7. Depuis 1996, laRussie, la Chine, le Kazakhstan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan forment l’Orga-nisation de coopération de Shanghai (OCS). Quant aux Etats côtiers de lamer du Japon : la Chine, les deux Corées, le Japon et y compris la Russie, ilssemblent fondamentalement prédestinés à une coopération économiqueplus étroite pouvant à terme se matérialiser par un regroupement d’États, quiressemblerait à l’ASEAN. Mais là s’arrête la similitude car les pays partici-pants sont tellement différents par leur poids économique qu’une coopérationplus étroite semble impossible pour le moment. Une nouvelle entité régio-nale devant accélérer cette intégration a vu le jour en Asie-Pacifique : Asia-Pacific Economic Co-operation. L’APEC n’est pour le moment qu’un forumintergouvernemental, que la Russie a rejoint 8. C’est un succès pour ellecompte tenu du fait que lorsqu’un bloc économique se forme, la pire dessituations est de se retrouver en dehors de lui (Krugman, 1993). L’impor-tance de sa démarche est double, face à l’annonce par l’APEC de la créationdans la région d’une zone de libre-échange en l’an 2020 9. En ce qui concernel’APEC, en 2002, elle représente 20,5 % des exportations russes et 16,2 %des importations. Entre 1992 et 2002 les importations russes en provenancede l’APEC baissent de 22 %, mais une légère augmentation est à noter ducôté des exportations : 4,5 %. Parmi les membres de l’APEC ce sont lesÉtats-Unis et la Chine qui détiennent les deux premières places dans le com-merce russe.

7. Lors du sommet de Kazan, le 26 août 2005, le Turkménistan annonçait qu’il prenait ses dis-tances avec l’organisation en se déclarant en tant que « membre associé ».8. L’APEC regroupe les pays de l’ASEAN (Brunei, Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour,Thaïlande et Vietnam), l’Australie, le Canada,le Chili, la Chine, la Corée du Sud, les Etats Unis,le Japon, le Mexique, la Nouvelle Zélande, la Papouasie Nouvelle Guinée et Taiwan.9. Annonce faite lors de la réunion de l’APEC à Bogor (Indonésie) le 15 novembre 1994.

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Graphique 3 – Russie : évolution des importations en provenance de l’APEC

Source : Données Chelem

Graphique 4 – Russie : évolution des exportations vers l’APEC

Source : données Chelem

La structure des échanges par produits est mauvaise : la Russie reste tou-jours prisonnière de ce que l’on appelle le » syndrome hollandais » 10. Lesexportations russes se composent en grande majorité d’hydrocarbures et dematières premières, tandis que l’UE exporte essentiellement vers l’ex-URSSdes biens d’équipement et des produits industriels finis. En effet, l’économierusse est basée sur une dynamique liée aux exportations de matières premières

10. Corden, M. 1992, “Booming sector and Dutch disease economics: survey and consolidation”,in Development Economics, vol. 4.

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(hydrocarbures, métaux et bois), qui met en cause sa capacité à redevenir unacteur économique majeur sur la scène internationale 11. Le processus dedésindustrialisation lié à la transition, ainsi qu’à la tendance généralisée audéveloppement des services n’épargne pas la Russie. Le secteur industriel etde construction qui a atteint 40 % du PIB durant la période socialiste ne re-présente pas plus que 29 % en 1998, la date de la crise financière russe. En cemoment le secteur des services représente plus de 57 % du PIB, rejoignantainsi cette tendance généralisée en économie. Mais son retard dans les servi-ces aux entreprises est un frein au développement de relations de service, quis’ajoute à celui provenant des structures économiques en réseau.

La faible rentabilité du secteur industriel relativement au secteur énergé-tique constitue un signe supplémentaire des effets du « syndrome hollandais ».A partir de 1998, la dévaluation du rouble a permis à l’industrie russe deretrouver une certaine compétitivité et de diminuer les effets néfastes liés ausyndrome. Cependant, la Russie reste toujours une véritable économie de renteénergétique, comme le Venezuela, l’Algérie ou encore le Nigeria. L’appro-fondissement de cette tendance rentière se manifeste avec beaucoup de forcedepuis l’été 2002 (Sapir, 2005). Aujourd’hui, « le syndrome hollandais » ases répercutions sur le plan régional. Les régions riches en ressources naturel-les ont profité des effets positifs de l’exploitation des matières premières oude l’énergie, à l’inverse, les régions industrielles et agricoles ont souffert deseffets négatifs. Pour nos deux régions étudiées, l’Extrême-Orient appartientau premier groupe et Kaliningrad est une région pauvre.

VERS UN ESPACE PANEUROPEEN ?

Les dix pays en transition, issus de l’éclatement du CAEM, ont adhéré àl’Union européenne. La Croatie et la Turquie viennent d’ouvrir les négo-ciations d’adhésion. L’Ukraine a demandé officiellement l’ouverture de né-gociation en vue d’une adhésion future. Les événements de l’Ukraine ontbouleversé le statu quo à la nouvelle frontière orientale de l’Union. Il y a dixans encore, il été possible de traiter l’ex-Union soviétique comme une seuleentité, mais plus aujourd’hui. Cette perception subit de profonds changementsau sein de l’Union, depuis des événements en Ukraine. En effet, les récentsévénements dans l’étranger proche de la Russie apportent un éclairage nou-veau à cette question. Avec la transition et la mondialisation, l’ancienne ap-partenance au CAEM crée des trajectoires différentes dans les restructurations

11. Cf. la communication de Jacques Sapir « La croissance russe au péril de la “maladie hollan-daise” », présentée au Séminaire franco-russe sur les problèmes économiques et financières dudéveloppement de la Russie, Paris, 27-29 juin, 2005.

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économiques. Ces trajectoires s’expliquent à la fois par l’histoire récente(celle du communisme), et par l’histoire longue de tous ces pays limitrophesde l’Union. L’histoire influence également les choix politiques récents de cespays. Pour comprendre ce qui s’est passé en Ukraine, il faut faire un retourhistorique plus long que celui du communisme.

Il faut voir l’histoire longue de ce pays ballotté, d’abord entre Pologne-Lituanie et la Moscovie, et par la suite entre les deux empires, russe d’un côtéet empire austro-hongrois de l’autre (après les partages de la Pologne-Lituanieen 1795) 12. Le poids de l’héritage historique est fondamental pour les nationsde la région, où le passé est un instrument politique qui « fonctionne »aujourd’hui, dans des sociétés où l’histoire récente n’a que rarement faitl’objet d’une relecture et d’un débat critique. Elle rappelle aussi la réalité cen-tre-européenne d’aujourd’hui d’un « passé qui ne passe pas » 13. Si, dans ledébat sur les futurs élargissements il est difficile d’envisager l’adhésion de laRussie à l’Union, on parle ouvertement de la candidature turque 14. Danscette situation comment ne pas parler de celle de l’Ukraine, de la Moldavie,et même du Belarus ?

Ukraine, Belarus et Moldavie : étranger proche de la Russie… et de l’UE

Après les dernières élections l’Ukraine cherche un rapprochement avecl’Union européenne et a signé un plan d’action sur trois ans qui s’inscrit dansle cadre de la politique de voisinage de l’UE. Elle a annoncé lors du dernierSommet de la CEI à Kazan sa volonté de quitter l’Espace Economique Com-mun composée de la Russie, du Belarus, de l’Ukraine et du Kazakhstan, dontla création a été ratifiée par le Parlement ukrainien le 20 avril 2004 (à la veillede l’élargissement de l’Union à l’Est). La dépendance ukrainienne de la Russieest d’ordre structurel. La Russie reste le premier partenaire avec 19 % des ex-portations ukrainiennes et 38 % des importations en 2003 (70 % des impor-tations de Russie sont des combustibles) 15. En général, et en particulier à

12. La présence du Président lituanien Adamkus et du Président polonais Kwasniewski à la tablede négociation à Kiev lors de la « révolution orange » témoigne de cette histoire commune.13. Cf. Anne Bazin, « Le passé présent : l’enjeu des “décrets Benès” dans la perspective de l’élar-gissement de l’UE », CERI, 9 décembre 2002.14. Selon les chiffres, la Turquie présente les mêmes performances économiques que la Bulgarieet la Roumanie, cf. l’exposé de Daniel Gross au séminaire du ROSES “Turkey on the Way to theEU”, avril 2004. Le problème d’adhésion est donc plus d’ordre politique qu’économique.15. Par exemple, la dette « énergétique » ukrainienne était évaluée à 1,4 milliard de dollars en2001. Récemment, un accord a été conclu sur le prix du gaz que Gazprom livrera à l’Ukraine en2007. Il ne dépassera pas 130 dollars pour 1000 m3.

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l’Est du pays, de nombreux géants industriels ukrainiens restent fortementdépendants des matières premières russes et ont leur principal débouché surle marché russe. L’Ukraine est le 3e fournisseur de la Russie avec moins de9 % du marché russe, alors qu’elle est le 5e client de la Russie. Sans la coopé-ration économique étroite avec l’Ukraine, la Russie perdrait 2 à 3 points desa croissance, mais le pays présente toujours les caractéristiques d’une écono-mie périphérique. La Russie est officiellement le cinquième investisseur enUkraine, ses investissements représentant 6 % des capitaux étrangers. Celapeut sembler modeste, mais il faut savoir que ne sont pas comptabilisés commerusses les apports en provenance des paradis fiscaux, qui cachent de manièrequasi certaine des capitaux russes (mais aussi ukrainiens) pour la plupart en« fuite ». Certaines sources allant jusqu’à faire passer la part russe dans les in-vestissements ukrainiens à 20 % une fois pris en compte les grandes holdingsoffshore 16.

Si l’Ukraine opte pour une adhésion simple à l’Union européenne, leBelarus, quant à lui privilégie le partenariat avec la Fédération russe, avecune union monétaire à la clef. Le budget de l’Union a été fixé à 3,1 milliardsde roubles, soit une augmentation de 10 % par rapport à l’année précédente.L’introduction d’une monnaie commune le 1er janvier 2006 s’est avérée pour-tant impossible à cause d’importantes asymétries entre les deux pays. Le PNBbélarusse en 2003 calculé en PPA n’atteint que 4,5 % de PNB russe, la popu-lation 6,7 % de la population russe. Les réformes politiques et économiquessont loin derrière les réformes russes, le secteur privé atteint 70 % en Russieet seulement 25 % en Belarus. Seul, le Belarus n’a pas conclu un partenariatà part entière avec l’Union dans le cadre de sa politique de voisinage. Unedictature empêche une vraie coopération avec l’Union européenne : aucuncontrat de partenariat n’a pas été signé sauf l’accord sur TACIS et CORE.Les restrictions instaurées par le décret du Président Loukachenko du 17 août2005 relatif à l’aide étrangère, risquent de compromettre encore plus cettecoopération.

La situation est difficile pour la Moldavie, où le problème de la Transnis-trie, où la minorité russe a imposé le statut spécial, bloque toute négociationavec l’Union. Reconnue par 120 pays, membre de l’OMC, insérée dans desnombreuses relations diplomatiques, la république de Moldavie qui consti-tuait un maillon important de l’ex-Union soviétique, aura en effet quelquesdifficultés à rompre effectivement ses liens avec la Russie. Le tableau 1 mon-tre la part de la Russie, de l’Ukraine, de la Moldavie et du Belarus dans lesimportations et les exportations européennes.

16. Cf. Business Intelligence Unit, Ukraine. EIU Country Report, avril 2001, p. 33.

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Tableau 1 : La part des quatre pays étudiés dans les échanges de l’UE à 10 et à 15 (en %)

Kaliningrad : une enclave européenne

Pour le moment l’intégration de la Russie à l’Union s’opère de facto à traversl’oblast de Kaliningrad. Cette région appartient à des régions les plus pauvresde la Fédération de Russie. La situation difficile de Kaliningrad s’expliquepar la grave crise que connaît la région depuis la transition liée tout d’abordà sa vocation militaire (flotte de la Baltique), la crise du la perte de ses mar-chés extérieurs, ainsi qu’à son éloignement du reste de la Fédération. En 2002,les anciens membres de l’Union représentent environ 40 % des exportationset 50 % des importations de Kaliningrad. L’Allemagne y détient une placedominante (11 %), suivie de la Belgique (4 %), l’Italie (4 %) et le Royaume-Uni (3 %). En ce qui concerne les pays voisins (aujourd’hui les membres del’UE), ils représentaient plus de 50 % des exportations et 35 % d’importationsde Kaliningrad 17. Il s’agit surtout de la Pologne (32 % d’exportations) et laLituanie (6 %), où la région vend principalement du pétrole brut et des pro-duits pétroliers, du bois de construction, des produits issus de l’industrie pape-tière. Quant aux importations, elles proviennent principalement de laPologne (17 %) et de la Lituanie. Il s’agit surtout des produits agro-alimen-taires bénéficiant de la régulation de la zone économique spéciale (exemp-tion des droits de douane et de TVA). En effet, l’oblast de Kaliningradbénéficie de statut de zone économique spéciale. Les résultats le la ZES« Kaliningrad » sont médiocres, elle aurait même causé un important excé-dent d’importation, détruisant une partie de l’industrie et de l’agriculturelocale 18. La ZES de Kaliningrad était la seule à posséder une loi à partentière la concernant, les autres ont dû attendre quinze ans le vote d’un

L’UE-15 L’UE-10 Russie

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Russie 41 42 14,4 4,5 - -

Ukraine 22,4 26,4 9,2 12 24 32

Bélarus 8,2 15,5 17,3 7 53 65

Moldavie 36,8 37,9 3,5 8,1 44 16

17. Cf. Samson, I. et Lamande, V. 2001, « Stratégies de développement régional en Russie : lecas de Kaliningrad », PEPSE, Université Pierre Mendès France, Grenoble.18. Cf. Ivan Samson et Vincent Lamande, op. cit., p. 3.

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texte définitif 19. Par ailleurs, l’oblast de Kaliningrad fait partie de l’euro-région « Baltique », une des trois euro-régions établies à la nouvelle frontièreorientale de l’Union 20. Les euro-régions constituent une opportunité consi-dérable à la fois pour favoriser le local et pour arrimer les régions concernéesà l’Europe (Despiney-Zochowska, 2006). Le pari institutionnel transfronta-lier ne se conçoit que dans la perspective des communautés régionales ettransfrontalières, qui seules permettront la naissance de nouvelles solidari-tés. Hanson, qui travaille sur l’intégration américano-mexicaine, considèreque les économies frontalières sont des laboratoires naturels, dans lesquels ilest possible d’identifier les effets de relocalisation dus à l’intégration, et que lesvilles frontalières apparaissent comme les meilleures unités d’analyse (Hanson,1996). Les euro-régions peuvent être utilisées comme perspective communeaux régions frontalières. Aujourd’hui, un projet plus large d’un triangle decroissance de la baltique méridionale, qui inclut l’oblast de Kaliningrad, est àl’étude 21. Les triangles de croissance sont des zones économiques transnatio-nales, étendues sur des espaces relativement importants mais bien définis,réunissant trois ou plusieurs régions en vue de promouvoir le commerceextérieur et les IDE. Mis à part Kaliningrad, ce triangle devrait inclure desrégions développées de l’Union (Suède du Sud, Danemark, Allemagne duNord), les régions du Nord de la Pologne, les États Baltes, ainsi que le Belarusdu Nord-Est.

Quel espace paneuropéen ?

D’emblée, les spécificités du projet de voisinage, tel qu’il se présente actuel-lement, méritent d’être soulignées. Tout d’abord formulée sous l’expressionInitiative « Nouveaux voisins » par le Conseil de l’UE, la réflexion qui con-cernait uniquement les nouveaux voisins orientaux de l’Union (Ukraine,Biélorussie, Moldavie) s’est transformée en une politique de voisinage englo-bant tous les États disposant d’une frontière terrestre ou maritime avec l’Europe

19. Depuis la dislocation de l’URSS, la gestion des zones se trouvait aux mains des autorités loca-les. Faute d’une législation spécifique, la question des zones économiques franches fut réglée parla loi sur les privatisations (comportant le chapitre sur la création et l’installation des investisseursétrangers) votée en Russie le 4 juillet 1991. Cependant, la situation socio-économique et politique,ainsi que le chaos législatif existant, tant sur le plan des républiques que de l’Union, ont reporté dequinze ans l’élaboration d’une législation appropriée. Le retard pris semble être également le résul-tat d’une certaine opposition de la part de la population à l’idée de créer des enclaves de prospérité,avec le danger de la corruption et de l’apparition possible d’inégalités sociales, qui a vu le jour àtravers l’Union.20. Il s’agit des euro-régions : « Carpathique, « Bug » et « Niemen », cf. Despiney-Zochowska,2006.21. Il s’agit d’un projet élaboré à l’Université de Turku par le Prof. U. Kivkari.

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élargie. En juin 2004, le Conseil européen a également étendu cette initia-tive aux trois pays du Caucase du Sud. L’idée maîtresse qui guide le projet devoisinage, est l’absence de création des véritables institutions communes afinque les États gardent une pleine et entière autonomie décisionnelle. Ainsi, ily a peu de raisons pour s’attendre à ce que l’architecture d’un éventuel Espaceéconomique européen commun à court et à moyen terme soit suffisammentforte pour assurer sa survie comme communauté régionale capable d’affron-ter ses futurs défis collectifs. À notre avis, bien que la Politique Européennede Voisinage rapproche les nouveaux voisins de l’UE, elle éloigne pourtantla perspective d’une adhésion. La stratégie de l’UE à l’égard de l’ex-URSS sebase sur plusieurs instruments :

1. la conclusion des Accords de Partenariat et de Coopération (APC) ;2. les programmes pluriannuels d’assistance TACIS (programmes na-tionaux/multinationaux et thématiques) ;3. les programmes d’aides d’urgences, notamment alimentaires, et leprogrammes liés aux crédits et prêts ;4. un vaste programme de coopération dans des secteurs importantscomme l’énergie nucléaire ;5. l’instauration et l’institutionnalisation des contacts techniques, poli-tiques et culturels.

Les Accords de Partenariat et de Coopération (APC) constituent le cadrefondamental des relations entre les pays de la CEI et l’Union européenne.En ce qui concerne la Russie, elle a signé un l’Accord de partenariat et decoopération avec l’Union qui est entré en vigueur le 1er décembre 1997 22.Plutôt que de la faire entrer dans le cadre établi par la politique européennede voisinage, la décision a été prise de développer le partenariat stratégiqueau moyen de la création de « quatre espaces communs », conformément à ladécision prise lors du sommet de Saint-Pétersbourg qui s’est tenu en mai2003 (mais sans trop savoir comment elles seront à même de s’entendre surla matérialisation de ces objectifs ce qui a montré le sommet l’UE – Russieen novembre 2004). Le but principal de cet Accord est la création d’unezone de libre échange avec une possibilité de l’élargir aux capitaux et services.

Par ailleurs, dans la mesure où l’adoption d’une définition commune de lanotion d’Espace économique européen commun (EEEC) est en cours demise en œuvre et où les discussions commencent sur la manière de commentdonner forme aux feuilles de route qui serviront à la mise en œuvre de cesespaces, les informations sur les politiques dont on dispose sont sujettes à

22. La reconduite de cet accord pour dix ans est actuellement bloquée par la Pologne à cause d’uncontentieux sur les exportations de la viande polonaise vers la Russie.

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modification et à mise à jour constantes (Despiney et Denysyuk, 2006).Après avoir aménagé :

1. sa périphérie orientale (logique d’intégration, les accords européenset la ZLE avec les PECO depuis 1998 et l’adhésion en 2004) ;2. méditerranéenne (logique de stabilisation régionale, le processus deBarcelone, les accords d’association et l’instauration de ZLE à l’hori-zon 2010) ;3. balkanique (logique de stabilisation régionale, les accords de stabi-lisation et d’association qui visent l’établissement progressif du libre-échange), Bruxelles commence à aménager sa nouvelle périphérie del’Est à travers les APC et la proposition de l’Espace économique euro-péen commun. Si une vraie adhésion de la Russie à l’Union européennenous semble peu probable, une coopération paneuropéenne semble plusenvisageable 23. Quelles sont les étapes du projet ?

D’abord, ces pays doivent adhérer à l’OMC (seule la Russie et la Moldavieen sont membres pour l’instant). Par la suite, il faut instaurer progressivementune zone de libre-échange (à l’instar d’ALECE, CEI – en cours –, accords deZLE des PECO avec l’UE et l’AELE, la Suisse et la Norvège, les ZLE bilaté-raux). Enfin, mettre en œuvre une coopération et une concertation écono-mique appropriées dans les domaines concernés. Bruxelles prône un espacede libre-échange avec les nouveaux voisins orientaux conçu sur le modèle decelui que l’Union tente à édifier avec le bassin méditerranéen. La Russie, lestrois nouveaux voisins orientaux de l’Union et les pays au sud de la Méditer-ranée doivent se voir offrir la perspective d’une participation au marchéintérieur de l’UE et d’un degré accru d’intégration et de libéralisation pourpromouvoir la liberté de circulation des personnes, des biens, des services etdes capitaux. La Commission estime que l’objectif à long terme est d’évoluervers une relation calquée sur les liens économiques et politiques avec les paysde l’Espace économique européen (Norvège, Islande, Liechtenstein). L’EEEpermet d’étendre, aux 3 pays de l’AELE membres de l’EEE, les quatre libertésqui fondent le marché unique de l’Union européenne.

La définition de l’EEEC et le contenu du chapitre relatif à ce partenariatéconomique demeurent purement rhétoriques et vagues 24. La question de

23. En effet, une telle idée était développée par le RECEP, Moscou.24. Il s’agit d’un niveau faible d’intégration économique : zone de coopération multilatérale(associations et forums de coopération économique) : gouvernements nationaux totalement auto-nomes, aucune libéralisation du commerce mutuel, coopération sur des questions économiques ausens large ; coordination de la politique macroéconomique, commerce, investissement, normes,politiques de la concurrence, environnement, etc.

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savoir comment un véritable espace économique européen commun peut êtrecréé s’il diffère des accords passés avec d’autres pays voisins et s’il ne serait paslogique de créer plutôt un seul espace économique européen commun/uneseule zone de libre-échange pour tous les pays qui ne sont pas parties au pro-cessus d’élargissement, reste ouverte. Les stratégies communes, introduites parle traité d’Amsterdam concernant la Russie (juin 1999) et l’Ukraine (décem-bre 1999) n’apportent pas de grands éléments de nouveauté sur la vision qu’al’Union de cette région. La stratégie porte essentiellement sur la justice et lesaffaires intérieures (l’APC ne s’attardant guère sur ce domaine), la sécurité(et à ce titre, sur les liens avec l’Organisation pour la Sécurité et la Coopéra-tion en Europe), ainsi que sur la coopération régionale (les thèmes commer-ciaux sont repris en grande partie par l’APC).

La signature des « Accords européens » a assuré aux PECO un accès pré-férentiel sur les marchés les plus importants pour eux en Europe de l’Ouest.Une analyse des préférences commerciales autonomes de la part de l’UE auxcinq pays situés à l’ouest des Balkans donne à penser qu’elles offrent un accèstrès libéral aux marchés de l’UE, peut-être même plus libéral que celui dontjouissaient les autres PECO au titre des « Accords européens » 25. Les paysméditerranéens ont presque tous signé des accords d’association avec l’UEqui prévoient le libre-échange vers 2010 dans de multiples secteurs et un trai-tement préférentiel dans d’autres. On s’est mis d’accord sur le principe de la par-ticipation des partenaires méditerranéens au système paneuropéen du cumuldes règles d’origine des produits (UE+AELE+Turquie+PECO), lequel devraitpermettre une circulation plus facile et des échanges commerciaux plus im-portants entre ces pays.

LA RUSSIE : UNE PUISSANCE RÉGIONALE ?

Le voisinage du Japon, principal bailleur des fonds dans la région, semblaitprimordial pour le développement socio-économique de la zone. La puissanceéconomique japonaise confirmée au travers de la hausse du yen ininterrompuependant dix ans a contribué à redessiner la configuration commerciale et in-dustrielle de la région Asie-Pacifique. Le Japon est devenu le pivot et le mo-teur de la région en accélérant son intégration à l’économie mondiale. Lesintérêts du Japon pour une coopération plus ferme avec la Russie s’expli-quaient par son aspiration à mettre en valeur les ressources minières de l’Ex-trême-Orient russe et de la Mandchourie, pour les préfectures occidentalesde la principale île japonaise (Honshu). La mise en valeur économique de

25. Michalopoulos, C. 2002, « Quelle intégration des économies en transition ? », Problèmes éco-nomiques, n° 2760, 8 mai, p. 4.

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cette région permettrait secondairement la mise en place de nouvelles rela-tions avec le continent asiatique, liaisons qui pourraient donner une impul-sion à des régions structurellement en retard. Le contentieux sur les îlesKouriles était souvent présenté comme la principale cause du refus japonaisde mieux participer à l’effort de redressement de l’économie russe 26. Cettethèse nous l’avons réfuté, face à la primauté des considérations politico-éco-nomiques, telles l’imbroglio législatif en matière économique et la fragilité dupouvoir politique à Moscou, surtout jusqu’à l’arrivé de Vladimir Poutine aupouvoir (Despiney-Zochowska, 1994). Ce conflit, avant d’être économiqueou politique, est tout d’abord hautement symbolique (il n’empêche que lesdeux pays s’affrontent sur le droit de pêche autour de ces îles) 27. Le conflit àpropos des îles n’est pas la préoccupation principale pour les entrepreneursjaponais, la moitié d’entre eux envisagent toujours un retour graduel des« territoires du Nord » au pays. Pour le moment, les quatre îles (Kunashiri,Etorofu, Habomai et Shikotan) constituent avec Sakhaline la zone priori-taire pour les activités économiques extérieures des entreprises du Hokkaidô.Le Hokkaidô oriental et septentrional opte pour Sakhaline, le Hokkaidôcentral pour la région de Khabarovsk et le Hokkaidô méridional pour lazone littorale. La proximité géographique constitue donc un facteur très im-portant dans le choix des zones de coopération. À présent, la constructiond’un réseau de transports est indispensable à l’activation des échanges éco-nomiques.

Nouvelles puissances régionales : Chine et Inde

Lors de la crise financière japonaise, deux nouvelles puissances régionalesémergent sur le continent asiatique : Chine et Inde. L’Inde a occupé pendantplus de quarante ans une place privilégiée parmi les partenaires non commu-nistes de l’URSS dans le tiers monde (les relations diplomatiques entre lesdeux pays sont établies en 1947) 28. C’est elle qui est devenue le partenairemodèle de l’URSS et cela se comprend facilement étant donné son poids enAsie et son niveau de développement dans certaines branches de l’économie.Par exemple, la coopération soviéto-indienne dans le domaine de l’espace était

26. Sur le conflit, lire Ferro, M. 1993, « Le problème des Kouriles », in l’État de toutes le Russies,RENISE, Paris.27. Les Russes ont recensé 8 000 cas de pêche illégale en 1993 et capturé douze chalutiers japonais.Cf. « Iles Kouriles : le poisson de la discorde », Courrier international, n° 187, 2-8 juin 1994, p. 27.28. Despiney, B. et Elkoubi, A. 1985, Les Relations économiques des pays socialistes européens avecl’Inde, étude réalisée pour le commissariat général du Plan, ceips – Université de Paris I, vol. II,p. 91.

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un cas unique dans l’histoire des relations Est-Sud 29. L’URSS a activementcontribué à l’industrialisation de l’Inde : de 1955 à 1970 le poste machineset équipement représentait 65 % – 70 % des exportations russes vers ce pays.À partir de 1973, la part de cette catégorie de produits commence à diminuerdrastiquement pour tomber à 11 % en 1983. L’Inde est dès à présent enmesure de produire elle-même une grande quantité de biens d’équipement,d’une part, et elle cherche, d’autre part, à diversifier ses sources d’approvi-sionnement. Ce pays a été toujours considéré comme l’exemple à suivre pard’autres pays dans le cadre du dialogue Nord-Sud 30. Tout au long de la coo-pération, les aspects politiques et militaires ont été indissociables de l’aspectpurement économique dans le contexte de la guerre froide, surtout danscelui du conflit frontalier qui opposait l’Inde et la Chine (de 1959 à 1962).Le premier accord militaire entre les deux pays est signé en 1962 31. Suiventla signature en 1971 d’un traité de paix, d’amitié et de coopération, puis d’unaccord en mars 1979 d’une durée de 10 à 15 ans, visant à réactiver la coopé-ration tant militaire qu’économique entre les deux pays. Ce dernier a servide cadre à l’accord militaire de 1980, le plus important jamais conclu entrel’URSS et l’Inde et portant sur la vente d’armes soviétiques pour un montantde 1,6 milliard de dollars 32. La coopération avec l’Inde était d’autant plus flo-rissante que la rupture avec la Chine se prolongeait.

Retrouvailles russo-chinoises

La rupture sino-russe prend fin avec la perestroïka. En effet, avec la transi-tion russe et chinoise la situation a changée et dans le processus complexe del’intégration de la Russie à la zone Asie-Pacifique, ce sont les retrouvaillesrusso-chinoises qui nous semblent fondamentales. Elles coïncident avec lavisite effectuée à Pékin en 1982 par le vice-ministre soviétique des Affairesétrangères, M. Ilitchev. Cette date semble d’ailleurs marquer la reprise réelle

29. Cette coopération a subi un coup dur avec l’opposition américaine à la vente à l’Inde demoteurs de fusée russes. L’accord prévu avec New Delhi a été « gelé » pour une durée indétermi-née (Le Monde, 19 juil. 1993, p. 4) ; l’Inde a quand même réussi le 15 octobre 1994 le lancementd’un satellite d’observation de la Terre de 870 kilos. Tant le satellite que la fusée ont été de fabri-cation indienne. Ce lancement marqua l’entrée de l’Inde dans le club fermé des puissances spatia-les, États-Unis, Russie, Europe, Chine et Japon (le Monde, 18 oct. 1994, p. 30). Sur les relations Est-Sud, lire Lavigne, M. 1986 (dir.), Les Relations Est-Sud dans l’économie mondiale, Economica, Paris(trad. East-South Relations in the World Economy, Westview Press, New York, 1988).30. CNUCED 1979, Les échanges commerciaux et les relations économiques entre l’Inde et les payssocialistes d’Europe orientale : utilité et expérience indienne pour les pays en voie de développement,document TD/B753, Nations Unies, Genève.31. Jyotirmoy, B. 1977, India and Soviet Global Strategy, South Asia Books, Calcutta.32. Despiney et Elkoubi, op. cit., p. 92.

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des relations entre la Chine et toute l’Europe de l’Est, après de longues annéesde brouille33. La reprise russo-chinoise se solde par un accroissement impor-tant des échanges commerciaux entre 1989 et 2002 (en millions de dollars) :

Tableau 2 – Echanges Chine / Russie 1989-2002

Source : Rowinski, J. 1994, “China and Central and Eastern Europe: a New Relationship”, Issues and Studies: a Journalof Chinese Studies and International Affairs, Taipei, vol. 30, n° 2, p. 58 ; Colin, S. 2003, « Le développement des rela-tions frontalières entre la Chine et la Russie », Les études du CERI, n° 96, p. 41.

La Chine devient à présent le principal partenaire de la Russie en Extrême-Orient et son deuxième partenaire à l’échelle du pays, après l’Allemagne.C’est elle qui occupe la première place en Extrême-Orient pour ce qui est desjoint-ventures. Elle est passée devant l’Inde, et est devenue le premier ache-teur d’armes russes. Un partenariat stratégique est signé par les deux pays en1997, et un nouveau traité d’amitié en 2001 34. Aujourd’hui, Moscou et Pékinforment un noyau dur d’une nouvelle coalition régionale, l’Organisation decoopération de Shanghai (SCO) qui réunit aussi quatre républiques d’Asiecentrale : Kazakhstan, Kirghizstan, Tadjikistan et Ouzbékistan. Récemment,le groupe a accordé au Pakistan, à l’Inde et à l’Iran le statut d’observateurs.La reprise russo-chinoise est définitivement couronnée par le sommet Deng-Gorbatchev à Pékin au mois de mai 1989 35. Ce sommet ne pouvait qu’encou-rager le développement des échanges frontaliers. Auparavant, en mai 1988,Moscou levait le monopole des échanges jusqu’alors réservé à l’Organisationorientale du commerce extérieur (Vostokintorg), autorisant ainsi toutes les

33. Rowinski, J. 1994, « China and Central and Eastern Europe: a New Relationship », Issuesand Studies: a Journal of Chinese Studies and International Affairs, Taipei, vol. 30, n° 2 ; Despiney-Zochowska, B. 1991, « Une nouvelle étape dans les relations sino-polonaises », ronéo, confé-rence donnée à l’Institut de recherche économique de Khabarovsk, 17 janvier ; Fouquoire, E. 1983,« Désarmement et sécurité dans la politique extérieure chinoise : ni carte soviétique ni carte amé-ricaine », Défense nationale, janvier.

1989 1990 1991 1993 1994 2002

Exportations 1 848,0 2 048,0 1 860,0 1 330,0 - -

Importations 2 147,0 2 213,0 2 109,0 3 520,0 - -

Total 3 996,0 4 261,0 3 969,0 4 850, 0 5 400,0 12000,0

34. Cf. Colin, S. 2003, « Le développement des relations frontalières entre la Chine et la Russie »,Les études du CERI, n° 96, p. 41.35. En 1994 une série d’événements ont consolidé cette reprise. Et tout d’abord la visite en jan-vier du ministre des Affaires étrangères Andreï Kozyrev à Pékin, la signature le 12 juillet de l’accorddestiné à prévenir les accrochages le long de la frontière commune longue de 4 000 kilomètres ;et, enfin, la visite en septembre à Moscou du président chinois Jiang Zemin.

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provinces, régions autonomes et entreprises locales à commercer librementselon leur propre plan. Les retrouvailles russo-chinoises se manifestent parune importante augmentation des échanges frontaliers (leur reprise est visi-ble dès 1982) 36. L’établissement des visas en 1994 à la frontière, a fait chuterle commerce mutuel de 34 %, il remonte par la suite, et triple entre 1989 et2002. Avant la reprise en main de W. Poutine, 90 % de ces échanges échap-paient à la maîtrise du pouvoir central se faisant directement soit par lesentreprises, soit par les autorités régionales 37. D’un volume relativement res-treint, les échanges frontaliers jouent un rôle non négligeable dans l’écono-mie des régions éloignées de Moscou, et spécialement en Extrême-Orientrusse. Ils permettent en effet à ces régions de parer aux difficultés d’approvi-sionnement en certains produits ainsi que de trouver un marché d’écoule-ment pour ses propres produits et de trouver une main-d’œuvre bon marché.Ce sont les deux provinces côtières : Primorskij et Khabarovski Kraï, ainsique la région frontalière de l’Amour, qui exportent le plus vers leurs voisinsdirects, le Japon et la Chine (respectivement 44,3 %, 26,1 % et 13,1 %). En1997, le poids de ces échanges se déplace vers l’ouest (Blagoveschensk) à lasuite de la création d’une zone de libre trafic, sans obligation de visas, d’unesuperficie de 10 km2. Les spécialistes s’accordent à dire que l’économie del’Extrême-Orient et celle des régions frontalières chinoises étaient complé-mentaires. L’analyse des échanges commerciaux montre clairement que 50 %des exportations chinoises vers l’Extrême-Orient sont composés de produitsoriginaires de la province de Heilongjiang 38. Dans le cas de la Province mari-time, 60 % d’exportations sont composées des produits fabriqués sur place 39.Le rôle moteur de ces échanges dans le développement régional, et surtoutcomme facteur de modernisation, est minime, il s’agit avant tout de produitsde consommation courante pour la Chine (qu’on trouve en excédent et dontla qualité ne satisfait pas toujours les exigences des acheteurs russes), et desmatières premières ou des produits semi-finis, côté russe.

L’importance des relations locales non marchandes au sein de commu-nautés qui continuent d’exister dans la période post-socialiste, malgré l’in-troduction d’une monnaie active et de la propriété privée est particulièrementvisible en Extrême-Orient russe. Le barter est devenu la forme principale du

36. Despiney-Zochowska, B. 1994, « La régionalisation en Russie : le cas de l’Extrême-Orient »,Revue des études slaves, t. LXVI, 1, p. 184.37. Baltzinger, H. et Pineye, D. 1994, « Les relations économiques de la Russie avec l’Asie-Pacifique », Le Courrier des Pays de l’Est, n°392, p. 48-59.38. Minakir, P. et Freeze, L. 1994, The Russian Far East: an Economic Handbook, M. E. Sharpe,New York, London.39. Voir dans « Perspektivy rozvitija Primorskogo Kraja (perspectives de développement de laProvince maritime) », Problemy Dal’nego Vostoka, 1995, n° 1, p. 18.

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commerce russo-chinois. Les relations informelles et illicites ont pris des pro-portions inquiétantes. Les autorités chinoises ont pris des dispositions nouvel-les par rapport au commerce frontalier à partir du 1er avril 1996. La notionmême du commerce frontalier a changé et englobe à présent les échanges quise situent dans une bande ne dépassant pas 30 km au-delà de la frontière.L’entrée de la Chine et de la Russie à l’OMC va certainement civiliser quel-que peu ces échanges.

Intégration de l’Extrême-Orient russe dans la zone l’Asie-Pacifique

En Extrême-Orient russe une réorientation du commerce, se caractérisantpar une ouverture vers l’extérieur, commence à se manifester à la fin des an-nées 1980 40. Les tendances centrifuges se sont encore renforcées du fait del’éloignement de la région par rapport aux centres de décision politiques etéconomiques. Après une période d’espoir suscité dans les années 1990-1991par les activités de l’Association des soviets d’Extrême-Orient, et qui s’estsoldée par l’élaboration d’une conception d’autonomie régionale devant accé-lérer l’intégration de la région à la zone Pacifique, le temps est à la crise 41.Cette crise se traduit par la baisse de la production dans les domaines du bois,de la pâte à papier, des matériaux de construction, de la métallurgie et ducomplexe militaro-industriel. La politique déflationniste de 1993, introduiteaprès le départ d’Egor Gaïdar, a encore approfondi la crise, entraînant unebaisse généralisée de la rentabilité des entreprises (celles d’Extrême-Orientétant doublement pénalisées par le coût élevé de l’énergie et du transport).Le nombre d’entreprises en difficulté était de 10,9 et de 11,8 points plus élevéen Extrême-Orient qu’à l’échelle du pays respectivement pour 1992 et 1993.Faute d’investissements, la décapitalisation commencée à la fin des années1980 continue. Quant au commerce extérieur régional aucune modificationde la structure des exportations n’est intervenue : pour 60 % elles sont com-posées des produits de l’industrie forestière, de la pêche et des combustibles.De plus, la politique fiscale menée par le Centre pénalise ces exportations quideviennent de moins en moins compétitives face aux produits de la Corée duSud, de Taïwan et de Singapour. Est-ce que la nouvelle politique de WladimirPoutine va encourager les échanges régionaux ? Est-ce que, en soutenant lesdynamiques propres de développement « spontané » des régions pilotes (par

40. Despiney-Zochowska, B. 1993, « L’Extrême-Orient russe à l’heure de la transition », Revued’études comparatives Est-Ouest, vol. 24, n° 1, p. 69-79.41. Cette conception fut approuvée le 31 mai 1991 lors d’une réunion gouvernementale à Kha-barovsk. Le putsch du 31 août a compromis toute cette démarche.

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exemple, en Yakoutie et à Sakhaline, où les prix sont libres), la Russie pour-rait se doter de pôles régionaux capables de tirer vers le haut les régionsmoyennes et faibles ? 42 Est-ce que, la stratégie chinoise fondée sur des pôlesde développement multidimensionnel, dont le pôle côtier avec ses avantagescomparatifs, peut toujours servir d’exemple 43 ? Ne risque-t-on pas une frag-mentation territoriale, avec d’un côté les espaces qui participent à la mon-dialisation et y trouvent avantage, et de l’autre les espaces marginaliséscomme cela est le cas en Chine 44 ? Le passage abrupt d’une politique régio-nale ancienne à une différentiation des traitements (exigée par la transition)dans le cas de l’Extrême-Orient s’est avéré néfaste et a rendu cette transi-tion particulièrement difficile. L’ancienne politique régionale de l’URSS amené à une situation où le pays avait été coupé en deux : une partie compo-sée des régions-donneuses et l’autre regroupant les régions-récipiendairesd’aides 45.

Depuis l’arrivée de W. Poutine au pouvoir, une nouvelle politique régio-nale est en train de se mettre en place avec l’adoption de la deuxième partiedu code fiscal (été 2000). Ses principaux objectifs sont la plus grande trans-parence dans les relations financières entre les différents niveaux d’adminis-tration et le contrôle plus strict sur l’application réelle des lois. Cette réformeintroduit le concept de verticalité du pouvoir afin de centraliser davantagele pouvoir fédéral, et a déjà permis de reprendre un certain contrôle sur lesdirigeants locaux en les obligeant à mettre leur législation en conformitéavec les lois fédérales. La nouvelle répartition des ressources se fera désor-mais au profit du Centre : 60 % des impôts collectés resteront à Moscou(Russian Economic Trends, 2001). La totalité du produit de la TVA et de l’im-pôt sur le chiffre d’affaires resteront aussi à la disposition du budget fédéral,ainsi que 7,5 % (sur 24 %) de l’impôt sur le revenu et 80 % de l’impositionsur la production de ressources naturelles (pétrole, gaz, métaux). L’imposi-tion sur l’extraction des matières premières a été simplifiée au cours de l’an-née 2001 : une taxe unique calculée sur les revenues tirées de la vente a

42. Brunat, E. 1995, « Emergence régionale et dynamique territoriale : essai sur la transformationdes économies de type soviétique à partir des exemples russe et polonais », Thèse de doctorat,Université Pierre Mendès France, Grenoble p. 10143. A ce propos voir les travaux de Chavance, B. 1986, « La nouvelle stratégie de développe-ment en Chine », Cahiers du GERTTD, Série Développement, Université de Paris 7, n° 2, et dumême auteur 1994, La fin des systèmes socialistes, L’Harmattan, Paris.44. Minakir, P. 1994, « Facteurs économiques et politiques d’un séparatisme régional : les cas del’Extrême-Orient russe », ronéo, Khabarovsk.45. Pour plus des détails, voir Dmitrieva, O. G. 1992, Regionalnaæ ekonomieskaæ diagnostika(Perspectives de l’économie régionale), Saint-Pétersbourg.

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remplacé les accises et autres droits. Une loi unique sur les ZES vient d’êtreégalement votée 46.

Plusieurs travaux sur l’économie russe confirment la difficulté pour desrégions éloignées du Centre, comme cela est le cas de l’Extrême-Orient russe,de s’adapter à la nouvelle situation. Le Programme fédéral de développementéconomique et social de l’Extrême-Orient et Transbaïkalie établi en 1995pour 1996-2005, et qui préconisait le développement autonome de l’indus-trie de la région s’est avéré une gageure. Cette décision a été justifiée par lepouvoir central comme étant la première étape du passage d’une économiedirigiste vers l’économie de marché. Le résultat fut l’effondrement des finan-ces régionales, l’abandon du programme de construction de logements et lafragmentation des marchés des produits de consommation suivie de mesuresde rationnement. L’énorme effort d’investissement qui devrait être effectuédans tous les secteurs, y compris miniers, s’est avéré tout à fait hors de portéedes entreprises privées ou étatiques russes. Les objectifs productifs de l’Extrême-Orient sont de plus en plus influencés par les relations économiques avec lespays asiatiques, la Sibérie étant quant à elle plus nettement engagée vers lesmarchés de Russie centrale et l’Europe 47. Et si l’on observait un certain éloi-gnement de la région par rapport aux centres des décisions politiques et éco-nomiques depuis les années 1980, cette tendance s’était renforcée encoreplus durant la décennie quatre-vingt. L’enchérissement des coûts de trans-port y a joué un rôle fondamental.

Triangle de croissance : projet Toumangan

Un projet de coopération supranationale sur le littoral des États riverains dela Mer du Japon a vu le jour. C’est le cas du projet Toumangan dont le coûttotal fut estimé à 30 milliards des dollars. Son lancement a eu lieu en octo-bre 1991 à Pyongyang lors d’une réunion à laquelle participaient la Chine,la Corée du Nord, la Russie, la Mongolie, le PNUD et la Corée du Sud. Ona fixé la durée de réalisation du projet entre 7 et 12 ans. Ce projet comportela construction d’usines, de liaisons ferroviaires rapides, d’autoroutes et d’ins-

46. Il a fallu quinze ans à la Douma pour pouvoir voter un texte de loi sur les zones économiquesspéciales en Russie. La loi du 22 juillet 2005 substitue un statut unique aux différentes zonesmises en place par les régions. Celles-ci disparaissent automatiquement, un appel d’offre devantpermettre aux autorités locales de présenter leurs propositions selon deux catégories définies parla loi : zones technologiques sur des territoires ne dépassant pas 2 km2, et zones industrielles surdes surfaces inférieures à 20 km2. Une troisième catégorie de zones à vocation touristique devraitêtre créée. Elles seront créées pour 20 ans et vont bénéficier d’une exonération pendant cinq ansdes impôts sur les biens, la terre et les transports.47. Voir à ce propos Giqiuau, H. 1997, « Industrie de la Sibérie et de l’Extrême-Orient », dansLe Courrier des Pays de l’Est, n° 422.

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tallations portuaires. Le PNUD a proposé deux solutions de création d’unetelle ZES : soit la région de Najin (Corée du Nord), Jingxin ou Hunshun(Chine) et Posyet (Russie), représentant 1 000 km2. La solution « étendue »serait la région de Chongjin (Corée du Nord), Yanji (Chine) et la ville deVladivostok. Comme premier pas vers la réalisation du projet de ZES sous laconduite du PNUD, la RPD de Corée a convenu avec l’organisation inter-nationale de lui céder en leasing une portion de territoire du Tumen, destinéà devenir une ZES. La première étape, du côté nord-coréen a été de trans-former les 621 km2 comprenant la ville de Rajin (Najin) et le district deSonbong en une « zone franche économique et commerciale ». Côté chi-nois, le gouvernement de la province de Jilin a donné l’impulsion aux plansde développement de Hunchun (port pour des bateaux allant jusqu’à 10 000tonneaux) et Fangchuan (zone franche) ainsi que pour une ZES sur le terri-toire chinois du delta du Tumen. La position chinoise était claire : elle vou-lait insérer les trois provinces du nord-est de la Chine dans le projet. Il s’agittout d’abord de trois régions qui jouxtent l’Extrême-Orient russe : Heilon-gjiang, Jilin et Liaoning. Selon un travail des chercheurs de Tsinghua Univer-sity, ces régions tout en possédant un potentiel de développement importantont souffert de la transition russe, phénomène qui se mesure par la baissede leur rang parmi les 31 régions chinoises (y compris trois municipalités :Beijging, Shanghai et Tientsin) 48. Heilongjiang chute de la 11e à la 16e placeentre 1990 et 1997, Jilin de la 6e à la 10e place et Liaoning de la 4e à la 5e place.Leur potentiel tient essentiellement à leur position géographique, surtoutfrontalière et côtière. Seule la province de Jilin est entrée véritablementdans le jeu : le gouvernement de la province a inscrit au 8e plan quinquennal(1991-95) la somme de 1 milliard de yuan pour le développement de la ré-gion du Tumen (pour les investir dans la ZES de Hunchun).

Les réactions japonaises au projet Toumangan ont été dans un premiertemps assez réservées. Au début, le Japon a limité son acceptation pour unecoopération régionale aux trois provinces chinoises de Jilin, Liaoning etHeilongjang, puis l’a élargie à la Sibérie orientale en raison des contacts tra-ditionnels entre la préfecture d’Ishikawa avec Irkoutsk. Le projet Toumangana été bloqué par les Russes craignant que les infrastructures portuaires pré-vues par ce projet ne concurrencent les ports russes situés à proximité. L’inté-gration du Primorié dans le Projet a ouvert une nouvelle étape dans sondéroulement, et la sixième réunion de la commission consultative, qui réunitles représentants des cinq Etats partenaires et des observateurs japonais, s’esttenue en juin 2002 à Vladivostok.

48. Zinai, L., Haiwen, Z. et Mingqiang, B. 1999, “The Empirical Analysis of Regional Develop-ment Disparity in China and The Choice of Strategis about Regional Harmonius Development”,communication à la 4ème Conférence Internationale sur les économies en transition, Beijing, août.

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CONCLUSION

Il est peu probable que la Russie devienne membre à part entière de l’Unioneuropéenne. Elle va rester une puissance euro-asiatique. Elle a un rôle impor-tant à jouer en Asie-Pacifique surtout face à l’émergence de deux nouvellespuissances : Chine et Inde. Son rôle dans la région Asie-Pacifique s’accroît,en témoigne un rééquilibrage des ses échanges extérieurs. Les derniers événe-ments liés au terrorisme international l’ont rapproché des États-Unis. Le 19mars 2002 le gouvernement fédéral approuvait la suite du « Programme fédé-ral pour le développement économique et social de l’Extrême-Orient russe etde la Transbaïkalie (1996-2010) ». En juillet 2005, la Douma a enfin voté laloi sur les zones économiques franches, et aujourd’hui la Russie semble moinsrésistante au Projet Toumangan.

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