la russie d'aujourd'hui

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Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux Distribué avec Mercredi 19 octobre 2011 Objectif braqué sur les Kalachnikovs L’intéractivité ou l’art participatif Iouri Kozyrev, photographe des guerres et des révolu- tions, distingué en France. La 4ème biennale d’art contemporain de Moscou transforme les visiteurs en partenaires de la création. P. 7 P. 7 Sous-représentées à la Douma, les femmes peinent à se faire une place dans les hautes sphères du pouvoir. Et aucune mesure n’est annoncée pour changer la donne. La parité piétine PAGE 2 PAGE 5 Au pays des Tatars Le Tatarstan se distingue comme l’une des régions les plus dynamiques de la Fédération de Russie. Les efforts pour attirer les investissements étrangers portent leurs fruits. La filière des engrais PAGE 4 VLADIMIR RUVINSKY LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI On ne sait jamais très bien ce qui se cache derrière le nom des partis. En outre, ces derniers sont dépourvus d’une idéologie bien définie, ce qui déroute et surtout éloigne les électeurs. Qu’attend-on d’un parti qui se nomme « libéral-démocrate » ? Qu’il prône des principes libé- raux et démocratiques ? Pas en Russie. Dans ce pays, la forma- tion qui en porte le nom (LDPR en abrégé) se présente comme un « parti d’État » au service des intérêts du peuple. Or, il s’agit d’un parti proche des mouve- ments nationalistes. Son chef, Vladimir Jirinovski, a déclaré le 22 août dernier qu’il porterait à la Douma un projet de loi à ré- sonance ethnocentriste de « sou- tien au peuple russe ». Qu’est censé représenter le Parti communiste ? En principe, la dé- fense des intérêts des travailleurs dans une société sans classes et athée ? Eh bien, non. En Russie, le KPRF prend activement part au monde des affaires et soutient l’ Église orthodoxe, que les com- munistes ont combattue avec Des partis en quête d’idéologie Politique La Russie à l’aube d’une campagne dans laquelle les électeurs cherchent des points de repère SUITE EN PAGE 2 Dans le cadre du programme de réarmement des Îles Kou- riles, un navire parcourt les cô- tes du Pacifique pour enlever PHOTO DU MOIS Les vieux tanks à la casse La bougeotte fait baisser le chômage Dimanche dernier, dans une rue de Moscou, j’ai remarqué deux jeunes femmes habillées avec un chic tout provincial. Elles sem- SERGEÏ MINAEV KOMMERSANT VLAST En septembre, l’Institut des statistiques Rosstat a révélé des résultats très positifs dans la lutte contre le chômage. Surtout grâce à une mobilité géographique accrue. Emploi La mobilité géographique des salariés est tendance SUITE EN PAGE 3 le matériel militaire vétuste des- tiné à la destruction. Les vieux tanks doivent libérer la place au profit de leurs successeurs. blaient venues en visite touris- tique. Mais quelle ne fut ma sur- prise lorsque l’une d’entre elles décrocha son portable et répon- dit : « J’ai fait partir l’un des convois marchands de Moscou à Perm, le convoi pour Ékate- rinbourg partira plus tard ».Vi- siblement, malgré son jeune âge, elle avait trouvé à Moscou un travail dans le transport de mar- chandises, un poste à responsa- bilité et nécessitant une bonne OPINIONS LOISIRS Permutation au sommet : les retombées Deux spécialistes commentent l’inversion des rôles annoncée entre le Président Dmitri Med- vedev et le Premier ministre Vladimir Poutine en 2012. acharnement sous le régime so- viétique. L’observation vaut pour le parti Juste cause, qui regroupe les li- béraux de droite. Or, quand le milliardaire Mikhaïl Prokhorov en a pris les rênes, il a produit un manifeste en porte-à-faux avec toute idéologie de droite, mettant l’accent sur les garan- ties sociales et affichant un an- ticléricalisme marqué. Selon l’institut de sondage « Opinion publique », l’électorat de Pro- khorov serait constitué en ma- jorité de citoyens dotés de reve- nus modestes mais d’un bon bagage éducatif. L’une des caractéristiques du système politique russe est donc l’inadéquation entre le nom du parti et son programme. Les partis sont dépourvus d’idéo- logie clairement définie. On mise tout sur la personnalité du chef. Exemple : Russie unie, le parti qui soutient Vladimir Poutine – celui-ci, qui n’en est même pas membre, se déclare centriste. Dans la pratique, Russie unie est le parti du pouvoir par excel- lence, sans programme réel. En période électorale, les partis laissent de côté l’idéologie pour se limiter à la publication de leur programme, sans débats publics. Conséquence : le désintérêt total des électeurs. Le politologue Nikolaï Petrov, de la fondation Carnegy à Moscou, explique que « l’idéologie au sein des partis a commencé à disparaître déjà sous Eltsine. Ce n’est pas la faute du pouvoir actuel mais une parti- cularité de la Russie post-sovié- tique qui, contrairement aux autres républiques de l’ex-URSS, n’a toujours pas su trouver un ancrage idéologique ». Les chefs des partis représentés au Parlement en compagnie de Medvedev. À la pêche aux voix ? La demande croissante en potasse donne au groupe Uralkali et à la Russie dans son ensemble une place stratégique au sein des pays émergents. connaissance des spécificités territoriales russes. Cet exemple témoigne d’un réel regain d’activité en Russie après la crise économique de 2008- 2009, un regain nettement plus prononcé que celui observé dans les autres grandes puissances industrielles. Le taux de chômage en Russie, qui était en juin 2009 de 8,3% de la population active, est des- cendu à 6,1% en juin 2011. Pour cette même période, dans l’Union européenne, ce taux est passé de 9,4% en 2009 à 9,9% en 2011 (de 9,5% à 9,7% pour la Fran- ce). PAGE 6 KOMMERSANT KOMMERSANT ITAR-TASS SERVICE DE PRESSE LORI/LEGION MEDIA LORI/LEGION MEDIA Quelle Église orthodoxe ? PAGE 3 POLITIQUE & SOCIÉTÉ Les 7 sœurs staliniennes PAGE 8 Derrière ce surnom peu enga- geant se profilent les gratte-ciels d’après-guerre qui ont long- temps dominé l’horizon mosco- vite. Bien que désormais dépas- sées en hauteur, les « sept sœurs » gardent tout leur prestige. Réorganisation majeure ou vo- lonté de renforcer le pouvoir patriarcal ? L’Église orthodoxe russe est à la croisée des che- mins. Certains s’inquiètent de la création de nouveaux dio- cèses, d’autres y voient une ré- ponse à un regain de la foi.

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La Russie d'Aujourd'hui est une source d'informations politiques, économiques et culturelles internationalement reconnue. Elle propose une couverture médiatique réalisée sur le terrain par des journalistes possédant une connaissance en profondeur du pays, ainsi que des analystes et un vaste éventail d'opinions sur les événements actuels.

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Page 1: La Russie d'Aujourd'hui

Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu

Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux

Distribué avec

Mercredi 19 octobre 2011

Objectif braqué sur les Kalachnikovs

L’intéractivité ou l’art participatif

Iouri Kozyrev, photographe des guerres et des révolu-tions, distingué en France.

La 4ème biennale d’art contemporain de Moscoutransforme les visiteurs en partenaires de la création.

P. 7

P. 7

Sous-représentées à la Douma, les femmes peinent à se faire une place dans les hautes sphères du pouvoir. Et aucune mesure n’est annoncée pour changer la donne.

La parité piétine

PAGE 2 PAGE 5

Au pays des TatarsLe Tatarstan se distingue comme l’une des régions les plus dynamiques de la Fédération de Russie. Les efforts pour attirer les investissements étrangers portent leurs fruits.

La filière des engrais

PAGE 4

vLAdimir ruvinsKyLa RuSSIE D’aujouRD’huI

On ne sait jamais très bien ce qui se cache derrière le nom des partis. En outre, ces derniers sont dépourvus d’une idéologie bien définie, ce qui déroute et surtout éloigne les électeurs.

Qu’attend-on d’un parti qui se nomme « libéral-démocrate » ? Qu’il prône des principes libé-raux et démocratiques ? Pas en Russie. Dans ce pays, la forma-tion qui en porte le nom (LDPR en abrégé) se présente comme un « parti d’État » au service des intérêts du peuple. Or, il s’agit d’un parti proche des mouve-ments nationalistes. Son chef, Vladimir Jirinovski, a déclaré le 22 août dernier qu’il porterait à la Douma un projet de loi à ré-sonance ethnocentriste de « sou-tien au peuple russe ».Qu’est censé représenter le Parti communiste ? En principe, la dé-fense des intérêts des travailleurs dans une société sans classes et athée ? Eh bien, non. En Russie, le KPRF prend activement part au monde des affaires et soutient l’ Église orthodoxe, que les com-munistes ont combattue avec

des partis en quête d’idéologiePolitique La Russie à l’aube d’une campagne dans laquelle les électeurs cherchent des points de repère

suiTE En PAGE 2

dans le cadre du programme de réarmement des Îles Kou­riles, un navire parcourt les cô­tes du Pacifique pour enlever

PhOTO du mOis

Les vieux tanks à la casseLa bougeotte fait baisser le chômage

Dimanche dernier, dans une rue de Moscou, j’ai remarqué deux jeunes femmes habillées avec un chic tout provincial. Elles sem-

sErGEï minAEvKoMMERSanT vLaST

En septembre, l’institut des statistiques rosstat a révélé des résultats très positifs dans la lutte contre le chômage. surtout grâce à une mobilité géographique accrue.

Emploi La mobilité géographique des salariés est tendance

suiTE En PAGE 3

le matériel militaire vétuste des­tiné à la destruction. Les vieux tanks doivent libérer la place au profit de leurs successeurs.

blaient venues en visite touris-tique. Mais quelle ne fut ma sur-prise lorsque l’une d’entre elles décrocha son portable et répon-dit : « J’ai fait partir l’un des convois marchands de Moscou à Perm, le convoi pour Ékate-rinbourg partira plus tard ». Vi-siblement, malgré son jeune âge, elle avait trouvé à Moscou un travail dans le transport de mar-chandises, un poste à responsa-bilité et nécessitant une bonne

OPiniOns

LOisirs

Permutation au sommet : les retombées

Deux spécialistes commentent l’inversion des rôles annoncée entre le Président Dmitri Med-vedev et le Premier ministre Vladimir Poutine en 2012.

acharnement sous le régime so-viétique. L’observation vaut pour le parti Juste cause, qui regroupe les li-béraux de droite. Or, quand le milliardaire Mikhaïl Prokhorov

en a pris les rênes, il a produit un manifeste en porte-à-faux avec toute idéologie de droite, mettant l’accent sur les garan-ties sociales et affichant un an-ticléricalisme marqué. Selon

l’institut de sondage « Opinion publique », l’électorat de Pro-khorov serait constitué en ma-jorité de citoyens dotés de reve-nus modestes mais d’un bon bagage éducatif.

L’une des caractéristiques du système politique russe est donc l’inadéquation entre le nom du parti et son programme. Les partis sont dépourvus d’idéo-logie clairement définie. On mise tout sur la personnalité du chef. Exemple : Russie unie, le parti qui soutient Vladimir Poutine – celui-ci, qui n’en est même pas membre, se déclare centriste. Dans la pratique, Russie unie est le parti du pouvoir par excel-lence, sans programme réel. En période électorale, les partis laissent de côté l’idéologie pour se limiter à la publication de leur programme, sans débats publics. Conséquence : le désintérêt total des électeurs. Le politologue Nikolaï Petrov, de la fondation Carnegy à Moscou, explique que « l’idéologie au sein des partis a commencé à disparaître déjà sous Eltsine. Ce n’est pas la faute du pouvoir actuel mais une parti-cularité de la Russie post-sovié-tique qui, contrairement aux autres républiques de l’ex-URSS, n’a toujours pas su trouver un ancrage idéologique ».

Les chefs des partis représentés au Parlement en compagnie de medvedev. À la pêche aux voix ?

La demande croissante en potasse donne au groupe uralkali et à la Russie dans son ensemble une place stratégique au sein des pays émergents.

connaissance des spécificités territoriales russes.Cet exemple témoigne d’un réel regain d’activité en Russie après la crise économique de 2008-2009, un regain nettement plus prononcé que celui observé dans les autres grandes puissances industrielles. Le taux de chômage en Russie, qui était en juin 2009 de 8,3% de la population active, est des-cendu à 6,1% en juin 2011. Pour cette même période, dans l’Union européenne, ce taux est passé de 9,4% en 2009 à 9,9% en 2011 (de 9,5% à 9,7% pour la Fran-ce).

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Quelle Église orthodoxe ?

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POLiTiquE &sOciéTé

Les 7 sœurs staliniennes

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Derrière ce surnom peu enga-geant se profilent les gratte-ciels d’après-guerre qui ont long-temps dominé l’horizon mosco-vite. Bien que désormais dépas-sées en hauteur, les « sept sœurs » gardent tout leur prestige.

Réorganisation majeure ou vo-lonté de renforcer le pouvoir patriarcal ? L’Église orthodoxe russe est à la croisée des che-mins. Certains s’inquiètent de la création de nouveaux dio-cèses, d’autres y voient une ré-ponse à un regain de la foi.

Page 2: La Russie d'Aujourd'hui

02 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.frcommuniqué de rossiYsKaYa GaZeTadisTribué aVec le fiGaro Politique & société

des partis en quête d’idéologieCes onze dernières années, le ter­rain politique russe a rétréci. Moins de joueurs, et des joueurs de plus en plus dociles. « Le gros du pouvoir politique était déte­nu par la Russie unie, qui ne sup­porte pas la concurrence. D’autre part, il n’y avait pas de réelle re­vendication sociale en matière de partis indépendants. La men­talité russe est en mal de leaders charismatiques mais les gens en place s’avèrent plus faciles à contrôler », explique Alexei Moukhine, directeur du Centre de l’Information politique.Parallèlement, les barrières élec­torales se renforcent. Il faut 7% de voix pour qu’un parti soit re­présenté à la Douma, et il de­vient de plus en plus difficile d’enregistrer une nouvelle for­mation. De fait, sept partis se­ront en lice aux élections parle­mentaires de décembre prochain, dont quatre sont déjà présents à la Douma : Russie unie, LDPR, KPRF, et Russie juste. Ce der­nier, créé par l’équipe de Pou­tine sur le créneau socialiste, est dirigé par des hommes loyaux envers le Premier ministre.Autre cas de parti piloté du Kremlin : Juste Cause, destiné à occuper la niche libérale. Mais son chef, l’oligarque Mikhaïl Pro­khorov, vient d’en claquer la porte, ne supportant plus d’être instrumentalisé. Ce scandale prive le parti de toute chance de passer la barre des 7%. Selon les derniers résultats du centre d’analyse indépendant Le­vada, la moitié des Russes veut conserver le statu­quo politique, tandis que l’autre moitié se dit prête à de grands changements. Une priorité pour Russie unie : atteindre le taux de participa­tion de 50% aux élections, ce qui lui permettrait de revendiquer le soutien de la majorité des élec­teurs. L’augmentation du taux de par­ticipation intervenait souvent dans les régions à la faveur de

les principales formations politiquessuiTe de la PremiÈre PaGe

pressions administratives, no­tamment sur la partie de l’élec­torat dont les salaires et mini­mas soc iaux dépendent directement des décisions prises par le parti au pouvoir. Dans les régions de Tchétchénie et du Da­ghestan, le taux de participation

aux élections régionales d’oc­tobre 2010 a été égal et même par endroits supérieur à 100%, et 95% des suffrages se sont por­tés sur Russie unie. Face à ces résultats, les trois partis d’oppo­sition ont quitté la Chambre de la Douma en signe de protesta­tion en accusant Russie unie de fraude massive. La Commission électorale centrale et la Haute cour de justice ont pourtant confirmé la légitimité du scru­tin et jugé insignifiantes les en­freintes aux règles électorales. À la suite de quoi les partis d’op­

position ont remis en cause l’in­dépendance des autorités, mais l’affaire resta sans suite.La fraude électorale est devenue si évidente en Russie que la po­pulation a perdu toute con fiance dans le processus. D’après les données récentes du centre Le­vada, 52% des électeurs russes sont prêts à aller aux urnes contre 53% en 2007, le taux des indécis ayant grimpé de 5 points. Parmi ceux qui n’iront pas voter, 34% considèrent que leur par­ticipation n’aura aucune inci­dence sur la situation politique.

Et une majorité écrasante des sondés (70%) sont persuadés que les députés « ne tiennent pas leurs promesses électorales ».Les politologues s’accordent à dire que de nombreux partis ont gauchisé leurs slogans pour ré­pondre aux revendications crois­santes de la population, notam­ment en matière de justice sociale. Mais le courant porté par l’idéologie nationaliste dispose aussi de ses relais politiques. L’électorat nationaliste est cour­tisé par le LDPR qui propose de faire adopter des lois relatives à

la défense du « peuple russe », par le KPRF qui prône un « so­cialisme russe », et par le parti Juste Cause qui s’oppose à l’im­migration des Caucasiens et des Asiatiques.Une chose est certaine : le Kremlin a tiré les leçons des der­niers scrutins qui ont eu lieu en Russie, en Ukraine et au Bela­rus. À savoir que le déroulement des élections convient d’autant mieux au pouvoir en place que les partis échappant à son contrô­le sont moins nombreux à par­ticiper au scrutin.

VeroniKa dorman La russie d’aujourd’hui

on ne compte aucune femme parmi les personnalités prépondérantes du pouvoir russe, hormis la présidente controversée du sénat, Valentina matvienko.

Le très discret parfum féminin de la politique russe

Parité Peu représentées, les femmes peinent à se faire une place dans les hautes sphères du pouvoir

« Chaque cuisinière doit ap­prendre à gouverner l’État », scandait Lénine. Ce précepte, qui avait permis aux femmes d’êtres représentées dans les organes du pouvoir en URSS, a fait long feu. Dans la Russie du XXIe siècle, la lutte pour la parité en poli­tique est à reprendre à zéro.Dans l’arène politique, les grandes dames se comptent sur les doigts d’une main. L’unique politi cienne d’envergure nationale est Valen­tina Matvienko, ancien gouver­neur de Saint­Pétersbourg, qui vient d’être nommée présidente de la Chambre haute du Parle­ment russe. « Elle est la seule avec

matvienko est la seule à occuper un poste de premier plan.

comparatif à l’échelle mondiale

La fraude électorale est devenue si manifeste que la population a perdu confiance dans la consultation

une véritable carrure politique et une vision », assure Olga Krych­tanovskaya, sociologue spécia liste des élites. Selon l’experte, il y a deux types de femmes en poli­tique actuellement : les jolies pou­pées dociles et les très rares qui se sont faites une place à la force de leur talent.Quand les élections sont deve­nues libres et que les quotas sovié tiques ont été annulés, au début des années 1990, les f emmes ont disparu de la scène politique. Elles ne présentaient plus leur candidature, et dans le même temps, les gens ne voyaient pas de raisons de voter pour le sexe faible, rappelle Krychtano­vskaya. La mentalité patriar cale a repris ses droits, comme si 70 ans de commu nisme n’avaient été qu’une parenthèse anecdo­tique.Aujourd’hui, le système social se fonde sur une conception très conservatrice des relations

homme­femme, aggravée par l’obsession croissante, au niveau éta tique, d’une démographie dé­sastreuse et de l’urgence de pro­créer. Il devient plus difficile de cumu­ler vie professionnelle et mater­nité à mesure que les c rèches et maternelles diminuent en nombre et sont plus chères. Les nou velles lois sur la famille orientent la femme davantage vers le foyer. À tout cela s’ajoute un esprit ma­chiste triomphant. « Une femme, quelles que soient ses qualités, et qui qu’elle soit, suscite tou­jours la méfiance », affirme Irina Khakamada.

Dans le système clientéliste ac­tuel, le charisme et les talents réels d’un homme sont moins im­portants que son allégeance au pouvoir. « Les hommes politiques en Russie sont souvent gris et insignifiants, parce que le sys­tème travaille pour eux. Ils peuvent n’avoir aucun intérêt et être pourtant des leaders », pour­suit Khakamada. « Alors qu’une femme va à contre­courant, elle doit forcément se faire remarquer. Elle doit être hors du com­mun ».Pour autant, les 12% des dépu­tées à la Douma, par exemple, sont loin d’être toutes des su­perwomen. Souvent, elles y lé­gifèrent plutôt sur la famille, l’enfance, l’éducation, le sport, la santé… « Ce ne sont pas des politiciennes au sens propre, avec une idéologie et une vision large, mais des fonctionnaires profes­sionnelles », résume Krychtano­vskaya. Certaines se détachent néan­moins du lot, comme l’ancienne championne olympique de pa­tinage de vitesse, Svetlana Jou­rova, vice­présidente de la Douma et membre du comité olympique. « Les femmes sont capables d’aller au compromis et à la coopération, de s’intéres­ser aux conséquences de leur décision pour une personne con­crète », estime­t­elle. Krychta­novskaïa se réjouit car « au début, on se disait, encore une pimbêche sportive qui va faire de la figuration. Mais elle a mon­tré de vrais talents poli­tiques ».

" Si les femmes n'inter­viennent pas davantage en politique, la démocratie qui

se construit aujourd'hui dans notre pays sera démocratique... mais sans les femmes et pas pour elles. Ce sera une démocratie patriarcale."

elle l'a diT

Larissa Nikovskaïadocteur eN scieNces sociaLes à L'académie

des scieNces de russie

Figure emblématique de la femme politique dans la nou velle Russie postsoviétique et candi­date à la présidentielle de 2004, Khakamada s’est retirée des af­faires : « Pendant 13 ans, j’ai consacré 70% de mon temps et de mon énergie à prouver que je suis une politi cienne égale en droits. Il ne m’en restait plus que 30% pour effectivement passer des lois ». Elle est cependant op­posée aux quotas qui ne sont qu’une discrimination positive humiliante pour la femme, et ne constituent pas un véritable pro­grès. « Il faut réformer les esprits et l’environnement ».

14%

RUSSIE

19,4%

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Dans d’autres pays:

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03LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.frcommuniqué de rossiYsKaYa GaZeTadisTribué aVec le fiGaro Politique & société

dmiTri soKoloV-miTriTchrusski reporter

un conflit a éclaté autour du centre de loisirs de bitsa, mena-cé par un projet immobilier : les promoteurs se sont heurtés à une farouche opposition.

Les défenseurs d’un parc gagnent la première manche

société civile Quand les sportifs triomphent des spéculateurs immobiliers

familial et sportif. Mais l’an der­nier, à l’issue d’une série de tran­sactions douteuses, on a appris la construction prochaine d’un quartier résidentiel et d’un centre commercial par la mystérieuse société Verkos. « Ce lieu unique va être détruit pour permettre à certains de réa-liser un profit immédiat, s’est in­dignée la championne du monde de ski de fond, Olga Zavialova, au Palais de la Culture où avait lieu l’audience. On n’arrête pas de parler de la promotion du sport, mais où irons-nous faire du sport ? Si on nous prive de

L’approbation par les riverains d’un chantier est une procédure peu appréciée des promoteurs, mais exigée par la loi. Dans la pra­tique, les riverains s’indignent un peu, les membres de la commis­sion d’examen promettent de prendre en compte toutes les ob­jections. Et puis on oublie tout. Pas cette fois. L’audience pub lique relative à la construction d’im­meubles à Bitsa avait été fixée au moment le moins propice pour y participer : 15 heures. Qu’im­porte : la société civile s’est mo­bilisée pour défendre ses droits. La zone de loisirs de Bitsa se situe en bordure sud­ouest de la capitale et offre un vaste espace boisé fréquenté par des cen taines de milliers de gens. En été, les cyclistes s’y entraînent ; en hiver, le bois devient une Mecque pour les skieurs de fond. La plus longue piste de ski de Bitsa s’étire sur 25 km, une rareté dans le pays. Depuis 40 ans, le parc est un coin de paradis pour le repos

ce bois, où est-ce que nos enfants iront skier ? »Pour pouvoir construire à Bitsa il suffisait de valider une modi­fication du plan d’urbanisme, et

là précisément était l’écueil. Les représentants de Verkos, affron­tant une salle comble et une co­lère populaire inhabituelle pour la Russie, ont vu la demande de report de la séance rejetée par le public, qui y voyait un piège, tandis que des juristes indépen­dants rappelaient qu’une audien­ce ne pouvait être annulée qu’en cas de renoncement au chantier ou d’absence de débat. Le chef de l’administration locale, Ser­gei Belokonev, a finalement dit non aux promoteurs, prenant en compte un avis exprimé par des centaines de milliers de ses conci­toyens. La salle, victorieuse, a applaudi à tout rompre. Sur la place, devant le Palais de la Culture, le porte­parole des militants, Alexei Ilvovski, a ce­pendant appelé à la vigilance car « nous avons atteint notre objec-tif mais il nous faudra vraisem-blablement nous remobiliser. Les terrains demeurent à la disposi-tion de Verkos, qui ne fera pas marche arrière facilement. Une société commerciale cherchera toujours à tirer profit d’un ter-rain qui lui appartient ».

ce sont les sportifs qui ont montré la plus grande détermination.

en chiffres

23 km2 de superficie font du bois de Bitsa le deuxième parc le plus vaste de la capitale.

en bref

éducation 15 000 énfanTs scolarisés à moscou ne ParlenT Pas russe

Près de 28 000 des écoliers moscovites n’ont pas la citoyen­neté russe, et 15 000 d’entre eux ne parlent pas la langue, a dé­claré l’adjointe au maire de la capitale, chargée des questions

de l’éducation et de la santé, Olga Golodets. « Des cours supplémen­taires de langue r usse sont prévus pour ces enfants », a­t­elle indi­qué. Elle a également précisé que l’apprentissage du r usse avait déjà été organisé dans 245 écoles de la ville. Il y a peu, les autorités ont pris une série de mesures so ciales pour favoriser l’adaptation des ar­rivants, et elles ont notamment l’intention de continuer à ouvrir des classes de r usse pour les étrangers. Un suivi du programme est en cours pour déterminer les besoins éducatifs des enfants is­sus de familles immigrées.

alexandre braTersKithe moscow times

réorganisation majeure ou volonté de renforcer le pouvoir patriarcal ? la création de nouveaux diocèses nourrit les interrogations mais certains y voient un renouveau de la foi.

Le grand chantier qui agite l’Église orthodoxe

religion Le patriarcat réforme sa structure

viser certaines régions du nord où il n’y a qu’un seul prêtre, ce qui représente une économie en déplacements car certains en-droits ne sont accessibles que par hélicoptère ».John Farina, professeur d’his­ t oire des religions à l’Université George Mason, trouve que ces réformes témoignent d’un regain de la foi dans la Russie post­so­viétique. « L’ouverture de nou-velles églises est l’un des signes de la renaissance religieuse parmi tant d’autres », affirme­t­il.Pourtant, certains considèrent cette réorganisation des dio cèses comme un moyen pour le pa­triarche Cyrille, considéré en Russie comme une figure aussi bien religieuse que politique, d’affermir son pouvoir. Pour Roman Lounkine, directeur de l’Institut de la religion et du droit à Moscou, « les nouveaux dio-cèses vont bien sûr permettre d’améliorer la gouvernance de l’Église. Mais ces mesures ac-croissent aussi le pouvoir du pa-triarche dans la mesure où les évêques seront choisis par lui et lui seront loyaux ».

Le patriarche de l’Église ortho­doxe russe, Cyrille Ier, procède à la création d’une douzaine de nouveaux diocèses à travers le pays. Certains considèrent cette mesure comme la plus impor­tante réforme de l’Église russe depuis la chute de l’Union so­viétique, tandis que d’autres y voient un moyen subtil de ren­forcer son autorité. Poursuivant la réforme territo­riale entamée en mars dernier, où huit nouveaux diocèses avaient vu le jour, dont trois dans le Caucase du Nord, le Saint­Synode a entériné la création de treize diocèses supplémentaires dans les régions d’Irkoutsk, Orenbourg, Riazan, Saratov ainsi qu’au Kazakhstan. Vladimir Vigilianski, le porte­pa­role du patriarcat de Moscou, a expliqué au journal Kommersant que cette réforme devrait amé­liorer la gouvernance des dio­cèses en modifiant une struc ture inchangée depuis l’époque sovié­tique, où un diocèse pouvait s’étendre sur plusieurs milliers de kilomètres carrés.En province, cette réforme a été plébiscitée par les prêtres locaux car elle permettra aux évêques d’être plus proches de leurs fi­dèles. « Souvent, le prêtre ne voit son évêque que quelques fois dans sa vie, et l’évêque, lui, ignore tout du quotidien de ses paroissiens », estime le père Andreï, de l’église de Notre­Dame de l’Assomption à Angarsk. Selon lui, « l’évêque de Bratsk pourra même super-

cyrille ier cherche probable-ment à renforcer son autorité.

la mobilité des salariés fait reculer le chômage

des flux migratoires entre les ré­gions. Selon les études menées sur les problèmes liés à l’emploi, en 2008, le nombre de per sonnes travaillant hors de leur région atteignait une moyenne de 1,6 million. En 2009, en raison de la baisse de la demande de main d’œuvre et de la diminution im­portante des emplois, la mobi­lité des travailleurs est tombée à 1,4 million, pour augmenter de nouveau en 2010. Si, en janvier­février 2010, elle était de 1,5 mil­lion (2,4% de la population ac­t ive ) , e l l e a connu une croissance progressive à partir de mars, pour atteindre 2,3 mil­lions en décembre 2010 (3,3% de la population active). Pour 2010, la moyenne de personnes travaillant hors de leur région est passée à 1,8 millions (2,6% de la population active).

Début 2011, les centres qui at­tiraient le plus de main d’œuvre étaient Moscou, les régions de Tioumen, de Moscou et de Kras­nodar ainsi que Saint­Péters­bourg.D’après Rosstat, la main d’œu­vre venant travailler à Moscou provient à 46% de la région de Moscou et à 28% des Répub­liques de Mordovie, Tchouvachie, et des régions de Briansk, Vla­

Précisons qu’il s’agit ici de chô­meurs au sens de l’Organisation internationale du travail (OIT), qui ne comptabilise que les per­sonnes cherchant un emploi et disponibles à brève échéance pour travailler. Ne sont pas prises en compte celles qui ont aban­donné la recherche d’un emploi ou ne sont pas disponibles im­médiatement.En août 2011, la Russie comp­tait 4,7 millions de sans­emplois (6,1% de la population active). On entend par population ac tive la somme des personnes em­ployées et des chômeurs. En Rus­sie, en août, la population active était de 76,7 millions de per­sonnes, c’est à dire 54% de la population totale. Pour la même période, dans l’Union europé­enne, le nombre de chômeurs s’élevait à 15,6 millions, tandis que la population active était de 157,5 millions de personnes, ce qui représente 48% de la popu­lation totale des pays de l’UE.Une question se pose. L’exemple des deux jeunes femmes n’illus­tre­t­il pas le rôle de la mobili­té des travailleurs sur tout le ter­ritoire russe dans la lutte contre le chômage ? On peut supposer que dans la région d’où elles viennent, peu d’emplois ont été créés après la crise, tandis qu’à Moscou, on observe un véritable boum du marché du travail.C’est ce que confirment les sta­tistiques. Début 2008, avant le début de la crise, Rosstat avait déjà signalé une augmentation

les travailleurs qui bougent trouvent des emplois.

suiTe de la PremiÈre PaGe

secteurs phares en terme de migration

dimir, Ivanovo, Tambov, Toula, Penza. La moitié est employée dans les secteurs du bâtiment, du commerce et du transport.Parmi les travailleurs se dépla­çant vers Tioumen, 46,4% tra­vaillent dans le pétrole et 27% dans le bâtiment. Dans la région de Moscou, un tiers se re trouvent dans le bâtiment et 17% dans le commerce.À Saint­Pétersbourg, 73% viennent de la région de Lenin­grad. 56% trouvent des emplois dans le bâtiment, le commerce ou le transport.Moscou a toujours activement contribué à la lutte contre le chô­mage en offrant des emplois aux cadres régionaux. Le poète et

écrivain moscovite Ivan Beloou­sov s’est exprimé ainsi sur les besoins traditionnels et ances­traux de la capitale en main d’œuvre : « Les apprentis étaient acheminés vers Moscou depuis les districts et les provinces en-vironnantes. Chaque contrée avait ses métier de prédilection. Ainsi, Tver nous envoyait ses ap-prentis cordonniers, Yaroslavl ses bottiers mais surtout ses auber-gistes et ses petits commerçants, Riazan ses tailleurs et chapeliers, Vladimir ses menuisiers et char-pentiers ».

certaines régions ont vu peu de créations d’emploi après la crise, tandis que moscou connaît un boum

Article publié dansKommersant Vlast

Article publié dansrusski reporter

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04 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FRCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Économie

EN BREF

Depuis le 2 octobre, Air France propose plusieurs nouvelles liaisons en Europe au départ de Marseille, dont le trajet di-rect Marseille-Moscou-Mar-seille. Quatre vols par se maine sont prévus entre les deux villes, à partir de 90 euros le billet aller-retour. Marseille sera ainsi la troisième desti-nation française béné� ciant d’une liaison régulière directe avec Moscou, après Paris et Nice.

Marseille-Moscou sans escale !

L’entreprise française Total étend ses alliances stratégiques en Russie en participant à hau-teur de 20% à un futur projet de liquéfaction du gaz dans la péninsule de Yamal. L’investis-sement se situe entre 11 et 15 milliards d’euros. Novatek a indiqué que Total rachètera non seulement des parts, mais � nancera également une par-tie du projet en contribuant au capital de la société de Yamal et en octroyant des « prêts d’actionnaires dispro-portionnés ». Avec une contribution de 20%, Total sera probablement le principal investisseur étranger dans le projet, les autres parti-cipations devant théoriquement rester inférieures.

Total conclut un troisième accord avec Novatek

PAUL DUVERNETLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Uralkali se fraie tranquillement un chemin parmi les leaders mondiaux de la potasse, un en-grais vital pour les agricultures chinoise, indienne et brésilienne.

L’engrais rêvé des émergentsExpansion La demande croissante en matière de produits fertilisants donne à la Russie un avantage stratégique

positionne déjà parmi la poignée de producteurs de potasse comme celui qui béné� cie des plus bas coûts de production. C’est cette assurance qui l’a pous-sé, vendredi 7 octobre, à rache-ter 10% de ses propres actions pour une somme de 2,5 milliards de dollars (soit 1,8 milliards d’euros). Les actionnaires d’Ural-kali (principalement Souleïman Kerimov – 17% ; Alexandre Nesis – 12% ; Filaret Galtchev – 10% et Zelimkhan Moutsoïev – 8%) savent que la valorisation du titre va remonter après une déprime globale qui l’a fait plonger de 30%, sans rapport avec les fon-damentaux du groupe. Une semaine auparavant, le di-

Il fait un froid de canard dans les vastes galeries de la mine Be-rezniki. À 400 mètres sous terre, on aurait pu penser que la cha-leur géothermique contrasterait avec le climat automnal frisquet de l’Oural. Mais voilà, l’air de surface est puissamment venti-lé jusqu’au fond des tunnels à travers des tuyaux de près de 80 cm de diamètre. Uralkali met un point d’honneur à assurer la sé-curité de l’exploitation. Il faut chasser les formations de mé-thane et d’hydrogène explosif. Rien à voir avec l’image d’Épi-nal d’une mine de charbon d’où l’on ressort couvert de suie noire. Certes, de � nes particules � ottent dans l’air, mais ce sont des sels blancs. Quant aux parois, elles sont marbrées de rose, de blanc et de couleurs chatoyantes. Assez plaisant à regarder. Non moins plaisante, du moins pour les actionnaires d’Uralka-li, est la conjoncture du marché. Les prix de la potasse, dont les terres relativement pauvres des grands pays émergents ont un besoin grandissant, remontent après la chute de 2008. Or, les réserves de potasse sont extrê-mement concentrées : 43,6% au Canada et 34,7% en Russie, où ces réserves sont dans leur qua-si-totalité entre les mains du groupe Uralkali. Avec la remon-tée des prix, la rentabilité de l’en-treprise russe progresse rapide-ment, surtout qu’Uralkali se

recteur � nancier, Viktor Belyakov, con� ait à un petit groupe de jour-nalistes revenant d’un voyage de presse dans les mines du groupe que « 50% de dividendes seront versés aux actionnaires [une gé-nérosité exceptionnelle] car nous sommes absolument confiants dans les perspectives du groupe ». Le directeur � nancier insiste sur la « volonté d’améliorer la liqui-dité du titre » et affirme que « tout est fait pour créer de la valeur pour les actionnaires ». Uralkali, dont la capitalisation boursière tourne autour de 25 milliards de dollars (18,4 mil-liards d’euros) à la mi-octobre, espère monter en grade sur le marché boursier londonien :

« Nous voulons entrer sur le mar-ché principal ». Le groupe se né-gocie déjà sur le marché secon-daire et sur les deux bourses russes, RTS et MICEX. À l’heure actuelle, 45% de ses actions s’échangent sur le marché. Les éléments fondamentaux qui sous-tendent la con� ance des di-rigeants sont la montée inexo-rable de la demande en matière de potasse, « en particulier en

Inde », précise Vladislav Baum-gertner, PDG d’Uralkali. La principale menace, pour Baum gertner, vient de la hausse des coûts de production. « Une augmentation de la facture éner-gétique est inévitable », ex plique-t-il. L’aspect positif vient du coût du travail, qui reste beaucoup plus bas que celui du concurrent canadien. « Les salaires vont aussi augmenter, mais nous com-pensons en améliorant fortement notre productivité », assure Baum gertner.Sur le plan stratégique, Ural kali voit grand avec l’ouverture pro-bable d’une nouvelle mine ca-pable de produire 2,5 millions de tonnes par an à partir de 2018. « En plus de la nouvelle mine, nous modernisons nos actifs exis-tants et nous allons augmenter notre production annuelle de 2 millions de tonnes pour attein-dre 13 millions au total en 2012 », annonce Evgueni Kotlyar, direc-teur opérationnel. Conséquence : « Uralkali prendra à court terme la place de leader mondial de la production de potassium », af-� rme le PDG du groupe. Une des inconnues les plus dis-cutées aujourd’hui sur le marché de la potasse reste le sort de Be-larusKali, le troisième producteur mondial, dont la privatisation partielle par le gouvernement bié-lorusse aiguise les appétits. Ural-kali ne cache pas son intérêt pour le petit voisin, poussé en cela par un Kremlin toujours ravi de voir ses champions nationaux prendre le leadership mondial. Mais Baum gertner reste prudent : « Nous avons de bonnes relations avec le gouvernement biélorusse, mais nous pensons que la vente n’aura pas lieu de sitôt ».

Excavatrice dans une galerie de la mine de Berezniki.

EN CHIFFRES

13�millions de tonnes de capacité de production seront pro duites en

2012 contre 11,5 millions de ton-nes cette année, grâce à l’entrée en service d’une nouvelle ligne de production Berezniki 4.

8,7�milliards de tonnes de ressources miné-rales sont contenues

dans les deux grands gisements ouraliens exploités par Uralkali (Polovodovsky et Ust-Yayvinsky).

79%�de la produc-tion sont ex-portés, dont

25% vers la Chine, 20% vers l’In-de, 27% vers d’autres pays d’Asie et 28% dans le reste du monde.

Uralkali prendra à court terme la place de leader mondial de la production de potassium

ANASTASSIA GUERASSIMOVAIZVESTIA

La récession qui s’annonce a été déterminante dans la décision du groupe allemand BASF de céder au géant chimique russe ses activités dans les engrais minéraux à un prix avantageux.

Eurochem hérite du secteur des engrais de BASF

Acquisition Accord russo-germanique

La société russe Eurochem a an-noncé � n septembre qu’elle allait acquérir toutes les activités que mène BASF à Anvers (Belgique) dans le secteur des engrais mi-néraux. Eurochem compte éga-lement racheter au groupe alle-mand sa participation de 50% dans la joint-venture PEC-Rhin à Ottmarsheim (France). Il s’agit d’une co-entreprise entre BASF et la société française GPN (� -liale de Total).Le montant de la transaction a été estimé à seulement 700 mil-lions d’euros, alors que la re prise des actifs de BASF aurait pu at-teindre les 950 millions d’euros, assure Konstantin Iouminov, analyste chez Reiffeisen Bank. Mais la menace d’une crise de grande ampleur a incité BASF à vendre au plus vite, explique une source proche des négocia-tions.Pour Eurochem, qui est contrô-lée par l’homme d’affaires russe Andreï Melnitchenko, cette tran-saction est une aubaine. Le ra-chat valorise fortement un groupe qui prévoit une introduction en

bourse en 2014. Le volume de la production des sites vendus par BASF représente 2,5 millions de t onnes. La production d’Euro-chem en 2010 était de 7,2 mil-lions de tonnes. Mais le vrai « plus », c’est l’accès au marché européen et aux infrastructures connexes. Anvers est le cin-quième port mondial, et le deuxième en Europe. C’est par lui que transitent la plupart des produits à destination du conti-nent américain. À l’avenir, et grâce à une logistique bien struc-turée, les usines seront capables de réduire les pertes liées à une baisse de la rentabilité, notam-ment causée par la hausse des prix du gaz, principale matière première du secteur industriel.« Cet accord donne accès à des clients phares, en plein cœur de l’Europe. En outre, les sites sont construits selon les technologies de BASF, de sorte qu’ils s’agit d’un réel accès aux technologies du groupe, et c’est une expé-rience unique », estime le PDG d’Eurochem Dmitri Strejnev. La transaction sera � nalisée en mars 2012. Mais un aspect essen-tiel est déjà réglé : le � nancement a été sécurisé. En juillet, Euro-chem a reçu un crédit syndiqué de 1,3 milliards de dollars.

Article publié dans Izvestia

ALEXEI KNELZLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

En réparant son lave-linge, Gueorgui Patchikov a eu une idée qui allait faire de lui un concepteur mondialement reconnu dans la technologie 3D.

La 3D au service de l’assistance technique

Portrait Il a le premier exploité un outil virtuel dont personne ne savait que faire

Gueorgui Patchikov est à la fois le fondateur et le directeur de Pa-rallel Graphics, qui produit de la documentation technique et des manuels de dépannage en utili-sant la technologie tridimension-nelle (3D). Les instructions per-mettent de répondre à la question qui obsède Patchikov depuis son enfance : « Comment est ce que c’est fait ? ».En 1989, Gueorgui et son frère Stepan, tous deux ingénieurs-in-formaticiens, fondent ParaGra-ph. « Nous avons été les premiers au monde à modeler la vie quo-tidienne par informatique, long-temps avant Second Life », se rap-pelle Patchikov avec � erté. Ils avaient créé un monde virtuel dans lequel chaque utilisateur pouvait s’inventer un alter ego et se promener sur la Place Rouge. Mais malgré son côté innovant, le projet n’avait pas eu de succès. Personne ne savait que faire de la 3D et il n’existait encore aucun marché pour l’accueillir. En 1999, Patchikov emménage dans un nouvel appartement et un beau jour, son lave-linge cesse de fonctionner. Avec un collègue, il démonte la machine « jusqu’au

Boîte à outils de l’ingénieur

Cortona 3D est un logiciel d’auto-matisation des processus d’élabo-ration de la documentation tech-nique, qui peut être utilisé dans une variété presque illimitée de domaines : il peut servir à mo-deler n’importe quel mécanisme, du pendule de Foucault à la cen-trale hydro-électrique. La création de l’animation est complètement automatisée. Les données obte-nues sont converties en vidéos pour composer ensuite le manuel d’exploitation et de réparation qui permet de suivre tout le processus pas à pas.

manuel animé en 3D avec une démonstration détaillée de toutes les étapes de la réparation, c’est de cela qu’a besoin tout techni-cien ! »Au bout de douze années de mise au point du produit, Parallel Gra-phics édite le programme Corto-na 3D qui traduit les descriptions techniques de divers processus en animation 3D. En 2001, Patchikov trouve un premier gros client : Boeing. La collaboration s’avère extrêmement productive : « Une fois le contrat avec Boeing arri-vé à terme, nous avons été abor-dés par Airbus », se réjouit Gueor-gui. Car suivent d’autres grosses entreprises comme General Elec-trics, Honda et Siemens. Patchikov est convaincu que les � rmes y retrouvent leur compte : « General Electric a économisé 70% sur la préparation de la do-cumentation technique grâce à nous », assure-t-il. En outre, le logiciel de Parallel Graphics per-met de lancer plus rapidement le produit sur le marché, car il sert également à calculer tous les paramètres au stade de la concep-tion. Cortona 3D peut être utili-sé non seulement dans l’indus-trie, mais aussi dans les établissements scolaires d’ensei-gnement technique. Avant de parler de son plus grand rêve, un « Musée des inventions », Gueorgui rallume son ordinateur, agrandit l’image du moteur d’avi-on et en quelques clics de souris il le démonte dans l’espace vir-tuel, puis le remonte et lance les turbines. « Imaginez-vous un musée virtuel où sont exposées toutes les inventions techniques de l’homme. On peut s’y prome-ner, démonter et remonter chaque objet, regarder comment il fonc-tionne ». Et répondre à la ques-tion : « Comment est ce que tout cela fonctionne ? ».

dernier boulon », puis la re monte. Le lave-linge se remet en marche, tandis que cinq pièces « inutiles » gisent sur le sol. « Nous ne sa-vions absolument pas quoi en faire. Le mode d’emploi était en français, sans traduction. Et nous étions totalement perdus », ra-conte-t-il. Vient alors l’idée de génie : « Un

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05LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.frcommuniqué de rossiYsKaYa GaZeTadisTribué aVec le fiGaro régions

Vladimir sTepanoVLa russie d’aujourd’hui

Vladimir ruVinsKYLa russie d’aujourd’hui

les autorités du Tatarstan veulent que la première ville de la république, Kazan, obtienne le statut officiel de troisième capitale de la russie. la région ne manque pas d’atouts.

Tatarstan Les investissements feront tomber les barrières administratives

« Les investisseurs en ont assez de Moscou et Saint-Pétersbourg, où la main-d’œuvre est chère. Le Tatarstan devient une alterna-tive intéressante », affirme Niko-laï Nikiforov, vice-Premier mi-nistre et ministre de l’information et de la communication de la Ré-publique. Son objectif est d’ob-tenir le soutien de l’Agence des initiatives stratégiques, créée et supervisée par Poutine et dont

où se loger Situé dans un grand parc, l’hôtel Riviera offre des chambres à partir de 80

euros. Juste en face du Kremlin de Kazan, l’hôtel cinq étoiles Mirage propose des chambres à partir de 115 euros.

où dîner Le Tango pour une cuisi-ne méditerranéenne. Pour goûter la cuisine tatare,

mieux vaut opter pour le Dom Ta-tarskoï Kulinari, situé au centre-ville et très estimé par les autoch-tones. Tablez sur 100 euros pour un dîner à deux.

À voirVisitez le Kremlin local, inscrit au Patrimoine de l’UNESCO. Le site, où cer-

tains éléments remontent au XIIè-me siècle, comprend une des plus anciennes cathédrales orthodo-xes russes ainsi que la mosquée Kul Sharif - la plus grande d’Eu-rope -, des musées d’art islamique et d’art tatar, ainsi que des bâti-ments gouvernementaux.Faites une promenade le long de la rue Baumana, la plus ancien-ne de la ville. Arborant des sty-les architecturaux de différentes époques, c’est l’artère principale de la ville avec boutiques, cafés, restaurants et clubs.Pour découvrir la culture tatare, visitez le Musée national qui abrite une exposition sur l’histoire du Ta-tarstan, des objets de l’Égypte an-cienne, ainsi que des collections de monnaies d’or, de livres an-ciens et d’exemples de l’artisanat du peuple tatar.

Bientôt sous les projecteurs du monde entier

Dans deux ans, la ville de Kazan sera l’hôte des Jeux internatio-naux universitaires. En 2013, du 6 au 17 Juillet, la capitale du Ta-tarstan servira de cadre à la 27ème Universiade. Pour la Rus-sie, c’est un événement important, le pays n’ayant accueilli les jeux étudiants qu’une seule fois, en 1973 à Moscou. Il est prévu que les épreuves attirent cette fois plus de 13 500 athlètes et délégués de 170 pays, complétés par environ 100 000 supporteurs.L’Universiade, principal événe-ment sportif réunissant des étu-diants venus du monde entier, se tient tous les deux ans. Elle constitue le deuxième rassem-blement sportif le plus impor-tant après les Jeux olympiques. L’Universiade réunit des milliers de sportifs de classe mondiale de 17 à 28 ans, des étudiants, des thésards et de jeunes diplômés (des deux promotions précédant l’Universiade). Plus de la moitié de ces athlètes participent aux Jeux olympiques.Le fondateur des Jeux étudiants est le pédagogue et chercheur français Jean Petitjean. Depuis

1960, on a lancé l’organisation des Universiades d’hiver, qui se tiennent les années paires.Les Jeux de Kazan affichent un record du nombre de compéti-tions : 27 sports seront représen-tés. En plus de l’athlétisme, de la natation, du football, de la boxe, du tennis et du volley-ball, le programme comprendra pour la première fois cinq autres dis-ciplines : les échecs, le badmin-ton, le Kourach, le sambo et le rugby à VII. La Russie espère que l’Universiade de Kazan contri-buera à populariser les épreuves olympiques et servira de pré lude aux Jeux olympiques d’hiver de Sotchi en 2014.« Nous organiserons des compé-titions sur 64 équipements spor-tifs, dont 30 entièrement nou-veaux. Depuis deux ans que nous avons remporté le droit d’orga-niser l’universiade, nous avons construit 27 équipements sur les 30 », explique Vladimir Leonov, directeur général du comité or-ganisateur. Et de préciser que « les dépenses totales, y compris celles concernant les athlètes, les invités et les journalistes, 25 000 personnes en tout, s’élèveront à 10 milliards de roubles (240 mil-lions d’euros)».

la mission est de contribuer à la mobilité professionnelle et à la création d’entre prises.Selon Nikiforov, au Tatarstan, l’Agence pourrait soutenir des projets de création de pôles de technologie. Il souligne que, sou-vent, les projets innovants né-cessitent plus que des investis-sements financiers : une assistance permettant de fran-chir les barrières bureaucra-tiques et législatives. Le Tatars-tan et l’Agence ont signé un accord cet automne.Les autorités du Tatarstan misent tout particulièrement sur la créa-tion d’un village d’innovation, dont le chantier débutera au début de l’année prochaine et qui devra constituer une véritable

« fourmilière » de projets dans les secteurs des nouvelles tech-nologies de l’information et dans la pétrochimie. Cette cité s’éten-dra sur 1 200 hectares à 35 km de Kazan. Il ne reste plus qu’à construire le reste : un ensemble de bâtiments pour accueillir et faire travailler 50 000 person-nes. Nikiforov compte sur au moins 10 000 spécialistes venus d’autres régions et 200 sociétés russes et étrangères destinés à peupler le « village ».Les autorités du Tatarstan finan-ceront la mise en place de l’infrastruc ture sociale et du ré-seau de transport, tandis que les investisseurs privés se charge-ront de la construction des lo-gements et des bureaux.

Ce village n’est pas la première technopole en Tatarstan. Il exis-te une zone économique spécia-le, « Alabuga », qui élabore des projets dans les secteurs de la pétrochimie, de la construction automobile et du bâtiment. Les industries « traditionnelles » (construction automobile, maté-riel naval civil et militaire, aé-ronautique) sont présentes.Le Tatarstan est aussi doté d’un parc scientifique important, sous la coupe de l’Université de Kazan (où ont étudié Léon Tolstoï et Lénine).Ces dernières années, le Tatars-tan s’est placé dans les dix pre-mières régions de Russie en ma-tière d’investissements. D’après les données du ministère de l’ Économie, l’indice de production industrielle pour 2011 sera de 105%, ce qui est légèrement su-périeur à la moyenne russe.Le pays est doté d’une économie diversifiée, d’une politique bud-gétaire raisonnable et d’une dette publique qui reste modérée, mal-gré une tendance à la hausse. « Ce n’est pas une raison pour nous reposer sur nos lauriers », dé clare Linar Yakoupov, le président de la toute jeune Agence pour le dé-veloppement des investissements du Tatarstan. « Pour arriver à ob-tenir le volume d’investissements que nous visons, il faut insister au maximum ».Cette agence a pour objectif d’aider les investisseurs dans

Tatarstan - numéro trois après moscou et saint-pétersbourg.

les français s’aventurent à KazanLeur présence va des géants de l’hôtellerie à l’énergie en passant par la grande distribution. Kazan, la capitale du Tatarstan, symbo-lise le carrefour entre les peuples russe, tatar, tchouvache et bachkir. La ville est aussi le centre écono-mique et touristique de la région, et c’est justement à quelques pas du Kremlin que le groupe Accor a implanté son deuxième hôtel Ibis en Russie, dirigé par le Français Ni-colas Torio.« Le défi principal pour Accor a été de positionner le produit Ibis

investissements

part du pib venant des innovations

18%

8 milliards d euro

la technologie sert l’ambition tatare

" Nous misons gros sur l’aé-ronautique. Il ne faut pas réduire le Tatarstan à la

pétrochimie, car il existe ici une solide base industrielle orientée vers les hautes technologies et une main d’œuvre qualifiée ».

il l’a diT

Linar iakoupov chef de L’agence pour Le déveLoppement

des investissements

pour s’y rendreL’aéroport International de Kazan reçoit des vols directs de Tel Aviv, Is-

tanbul et Francfort assurés par la Lufthansa. Aucun vol direct de-puis la France. Le taxi reste le meilleur moyen pour rejoindre le centre-ville. Le tarif est de 20 euros pour un trajet de 30 mi-nutes.

toutes leurs démarches, d’accom-pagner les projets depuis la pla-nification jusqu’à la réalisation en passant par l’obtention des nombreuses autorisations auprès des administrations. Linar Yakoupov avance que les inves-tissements ne se limiteront pas à la sphère pétrolière mais iront vers des secteurs traditionnelle-ment forts comme la construc-tion automobile et aérienne, l’in-génierie, l’agroalimentaire.Le secteur du commerce et des ser-vices est également très propice aux investissements. Le pouvoir d’achat est assez élevé, par rap-port à la moyenne russe. L’hy-permarché Auchan, tout juste ouvert à Kazan, sert 15 000 vi-siteurs chaque fin de semaine et jusqu’à 10 000 visiteurs en se-maine, pour un panier moyen de 600 roubles. La logique veut qu’au fur et à mesure que les in-vestissements augmenteront, le nombre de clients et la moyenne de leurs paniers en feront autant, et pas seulement à Auchan.

sur le marché très fermé de Kazan, explique Torio. La concurrence y est très forte et il nous fallait faire connaître le produit à la clientèle russe ». Coup de poker ou straté-gie réfléchie ? Accor n’est en tout cas pas le seul à parier sur Kazan. En 2008, Schneider Electric ouvrait une usine en banlieue de la ville, avec l’objectif de remporter les ap-pels d’offre des nombreuses usines du Tatarstan. Selon Henri Lach-mann, membre du conseil de sur-veillance du groupe, « le Tatarstan est une tête de pont pour l’expan-

sion de la société dans les régions russes ». Et plus récemment, Au-chan a ouvert à Kazan son 46ème hypermarché russe.Kazan reste somme toute un peu trop provincial pour certains. « Il est certain qu’il y a plus à faire à Saint-Pétersbourg ou Moscou, mais Kazan a été l’an dernier la pre-mière ville de Russie en termes d’investissements », relativise le di-recteur de l’hôtel Ibis.En 2013, une grande compétition sportive va contribuer au rayonne-ment international du Tatarstan et attirer de nouveaux investisseurs, prêts eux aussi à jouer le jeu.

Guillaume marchal

investissement total en 2010

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06 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.frcommuniqué de rossiYsKaYa GaZeTadisTribué aVec le fiGaro opinions

permutation au sommet : réflexions

CE SUPPLéMENT DE hUiT PAGES EST éDiTé ET PUBLié PAR ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSiE), QUi ASSUME L’ENTièRE RESPONSABiLiTé DU CONTENU. SiTE iNTERNET WWW.lARuSSIEdAujOuRdhuI.fR EMAiL [email protected] TéL. +7 (495) 775 3114 FAX +7 (495) 9889213 ADRESSE 24 / 4 RuE PRAVdY, éTAGE 12, MOScOu 125 993, RuSSIE. EVGENY ABOV : DiRECTEUR DE LA PUBLiCATiON, jEAN-lOuIS TuRlIN : DiRECTEUR DéLéGUé, MARIA AfONINA : RéDACTRiCE EN ChEF, dIMITRI dE KOchKO : CONSEiLLER DE LA RéDACTiON, ANdREI ZAYTSEV: SERViCE PhOTO, GAIA RuSSO, NIYAZ KARIMOV : iNPhOGRAPhiE. julIA GOlIKOVA : DiRECTRiCE DE PUBLiCiTE & RP ([email protected]) OU EIlEEN lE MuET ([email protected]). MARIA TchOBANOV : REPRéSENTANTE À PARiS ([email protected], 06 60 70 11 03). TRADUCTEURS : VERONIKA dORMAN, chlOé VAlETTE.© COPYRiGhT 2011, ZAO ‘ROSSiYSKAYA GAZETA’. TOUS DROiTS RéSERVéS.AlEXANdRE GORBENKO : PRéSiDENT DU CONSEiL DE DiRECTiON, PAVEl NEGOITSA : DiRECTEUR GéNéRAL, VlAdISlAV fRONIN : DiRECTEUR DES RéDACTiONS. TOUTE REPRODUCTiON OU DiSTRiBUTiON DES PASSAGES DE L’OEUVRE, SAUF À USAGE PERSONNEL, EST iNTERDiTE SANS CONSENTEMENT PAR éCRiT DE ROSSiYSKAYA GAZETA. ADRESSEZ VOS REQUêTES À [email protected] OU PAR TéLéPhONE AU +7 (495) 775 3114.

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poutine le pragmatique

medvedev À la case du fou

Les libéraux se sont indi-gnés de la nouvelle selon laquelle le président russe et le Premier ministre

avaient « convenu depuis long-temps » d’échanger leurs fonc-tions. Tout cela est strictement constituionnel mais le peuple n’a pu s’exprimer librement sur la question. Ce dernier point ne semble pas être le problème ma-jeur de la Russie aux yeux ni de Dmitri Medvedev, ni de Vladimir Poutine, comme d’ailleurs d’une grande partie de la société. Peut-être les deux hommes craignaient-ils qu’en lâchant une parcelle de leur pouvoir, ils se retrouveraient face à un peuple libre mais dé-voré par la faim et la colère. À peine un jour s’est écoulé entre deux événements cruciaux, l’an-nonce de l’échange des rôles entre les deux leaders, et la dé-mission, le 25 septembre, du vice-Premier ministre et mi nistre des Finances Alexeï Koudrine. Il ne faut pas s’étonner que le président et le chef du gouver-nement aient tenu sans tarder à montrer à la classe politique qu’il faut savoir prendre des décisions. En nommant notamment des professionnels loyaux aux postes clés.Récemment, lors d’une visite aux États-Unis, Alexeï Koudrine s’était déclaré opposé à la déci-sion présidentielle d’augmenter sensiblement le budget de la dé-fense, rappelant le déficit crois-sant des caisses de retraite, seule source véritable, à l’heure ac-tuelle, du financement des pen-sions. L’ex-ministre des Fi nances avait critiqué publiquement d’autres initiatives économiques du Président Medvedev.En Russie, la première initiative du nouveau tandem a été ac-cueillie avec enthousiasme par les communistes. Alexeï Kou-drine leur avait maintes fois donné des raisons

Il ne s’agit pas de « roque », comme on l’a beaucoup en-tendu. Le roque implique deux pièces d’échecs, le roi et

une tour, qui échangent simple-ment leurs positions sur l’échi-quier. Par contraste, le « troc » proposé entre les dirigeants va fondamentalement modifier l’équilibre du pouvoir au Kremlin : en termes d’échecs, elle va conférer à Poutine l’impor-tance du roi combinée au pou-voir de la reine, tandis que le rôle de Medvedev sera réduit à celle du fou, une pièce souvent

sacrifiée pour des rai-

s o n s t a c -

tiques.On peut soutenir que le retour de Pou-

Vladimir babkine

SpécIaLement pourLa ruSSIe d’aujourd’huI

eugeneivanov

SpécIaLement pourLa ruSSIe d’aujourd’huI

tine à la présidence permettrait de résoudre la principale contro-verse de la politique russe. Pou-tine est et a été pendant des an-nées le politicien russe le plus populaire. En 2000-2008, sa po-pularité coïncidait avec son poste de président, la position la plus élevée de l’État conformément à la Constitution. Cependant, en 2008, cette « harmonie » a été rompue lorsque Poutine est passé Premier ministre. Le « tandem » Poutine-Medvedev avait été créé pour gérer cette distortion, avec à l’origine l’espoir que la nou-velle structure introduirait un minimum de concur rence entre les deux bureaux de l’exécutif, l’administration présidentielle et le Cabinet des ministres. Mais l’arrangement s’est avéré trop flou pour les élites russes. Pou-tine est de retour à une position correspondant à son statut réel de « leader de la nation », qu’il aurait facilement conquise à l’is-sue de toute élection libre et ré-gulière.La proposition de Med-vedev de nommer Poutine candidat de Russie unie pour la présidentielle a valu à l’actuel président une ovation debout des délégués du Congrès, réaction qui a fait observer à Medvedev qu’elle lui donnait le droit de ne fournir aucune autre explication quant à la désignation de Pou-tine. Mais s’il a raison en ce qui concerne Poutine, il se trompe s’il croit ne devoir aucune explication sur son propre compte. Medvedev vient de conquérir l’honneur douteux de devenir le premier chef d’État russe à man-dat unique. Et la question qui s’impose alors, c’est : « Pour-quoi ? ». Medvedev est apparu comme un homme fort et résolu durant la guerre d’août 2008 en Ossétie du Sud ; il a guidé avec succès la Russie à travers les eaux tumultueuses de la crise écono-mique mon diale ; il a lancé une réforme, quoique timide, du sys-tème judiciaire russe en panne ;

cessaire. Désormais, le potentiel offert par cette voie est épuisé ».Certains experts estiment que Vladimir Poutine ne partage pas cette idée, et qu’une fois revenu au pouvoir, il cherchera à ren-forcer le rôle de l’État, du moins dans les secteurs stratégiques.De telles divergences ne font que confirmer les avis d’une large partie de l’opinion qui voient mal les deux leaders travailler en tan-dem : d’un côté, Poutine, parti-san d’un État fort comme dans une dictature, et de l’autre, Med-vedev, plutôt libéral. D’ailleurs, on compare souvent « les yeux durs de l’ex-officier du KGB » au « regard pensif » du profes-seur d’université.Ce n’est pas la question. La po-litique, domestique ou étran gère, ne sera ni libérale, ni réaction-naire. Elle sera déterminée par des facteurs internes qui sont pour l’instant très complexes.

il a amélioré l’image du pays à l’étranger ; enfin, il a sensibilisé le public à la nécessité de la mo-dernisation. À tous égards, le pre-mier mandat de Medvedev au pouvoir n’a pas été un échec. Au cours des deux dernières années, interrogé sur ses projets, il a plu-sieurs fois dit son intérêt pour un deuxième mandat, précisant que la décision finale serait prise en fonction de la situation du pays. Si la décision était prise depuis 2007, ne trompait-il pas délibé-rément ses compatriotes ?La Russie est une démocratie, quoiqu’imparfaite, un pays où les décisions politiques sont cen-sées tenir compte des débats pu-blics et des consultations au sein des élites. Medvedev ne craint-il pas que le pouvoir à deux ne repose sur une base trop ét roite pour de telles décisions ? Croit-il vraiment que les institutions démocratiques de la Russie puissent être renforcées par la mise en place d’une entité aussi inconstitutionnelle qu’une « union de camarades » ?

Ces derniers mois, une forte pres-sion a été exercée sur Medvedev pour qu’il annonce sa candida-ture et utilise le reste de son man-dat, d’ici à l’élection présiden-tielle de mars prochain, pour mobiliser l’électorat autour de son programme de modernisa-tion. Le retrait de Medvedev a non seulement brisé les grands es-poirs que certains en Russie avaient placés en lui, il a aussi définitivement transformé le pré-sident en canard boîteux pour le long semestre qu’il lui reste à la tête du pays. Tandis que les Russes guettent le gambit de Poutine, le jeu de Medvedev vire soudain à une fin de partie qu’il ne peut gagner. Échec et mat ?

préparé parVeronika dorman

lu dans la presserÈgLementS de compteS au Sommet

Ioulia timochenko, ex-premier ministre et chef de l’opposi-tion ukrainienne, a été condam-née à sept ans de prison et à une amende de 137 millions d’euros, accusée d’avoir signé des contrats gaziers désavantageux avec la russie. on soupçonne le président Ianoukovitch d’uti-liser la justice contre sa rivale à des fins politiques. Les relations de l’ukraine avec la russie d’une part, et avec l’union européenne de l’autre, devraient en pâtir.

VicToire douTeuseÉditorialvedomoStI

le marTYre de sainTe-iouliaMikhail RostovskymoSkovSky komSomoLetS

l’ue se senT TrahieElena TchernenkokommerSant

En utilisant le tribunal pour régler son compte à sa rivale, Ianouko-vitch a remporté une victoire in-déniable. Mais le prix de cette victoire est la dégradation de l’institution judiciaire en tant que pouvoir indépendant. Peut-être Ia-noukovitch et Timochenko sont-ils encore en train de négocier en privé et le verdict sera-t-il allé-gé. Derrière le conflit politique se cache une lutte pour les actifs et les intérêts, et l’histoire n’est pas terminée. Mais à la surface, on ne voit que l’emprisonnement d’un concurrent politique. Ianoukovitch a rejoint la bande nombreuse des dirigeants qui, en accédant au pouvoir, envoient derrière les bar-reaux leurs rivaux d’hier.

En envoyant Timochenko en pri-son, Ianoukovitch lui a infligé une souffrance physique et morale. Mais du point de vue politique, il s’est tiré une balle dans le pied. Les chances du « martyre » Timo-chenko de devenir le prochain lea-der de l’Ukraine se sont accrues considérablement. Rien ne sert de faire peur à Timochenko en l’in-carcérant : elle n’a pas hésité à al-ler derrière les barreaux sous l’an-cien Président Koutchma, alors qu’elle était vice-Premier ministre du pays. Et ce séjour l’avait ren-forcée politiquement, en lui confé-rant le statut de victime, souffrant pour la vérité, et persécutée par les « mauvais gnomes » de l’ad-ministration présidentielle.

« L’Europe ne va pas mettre en danger ses relations avec l’Ukraine au nom de Timochenko », assure une source au sein du gouverne-ment ukrainien, « l’UE ne va pas isoler l’Ukraine et la pousser dans les bras de la Russie pour une fonctionnaire corrompue ». Cô-té européen, on n’est pas du tout d’accord. « L’Ukraine a plus besoin de l’UE que l’inverse », a déclaré un membre du Parlement euro-péen. La Commission européenne compte sur un règlement de la si-tuation en appel, grâce à la décri-minalisation de l’article du code pénal en vertu duquel l’ex-Premier ministre a été condamnée. Kiev a exactement deux mois pour sau-ver ses relations avec l’UE.

medvedev aura l’honneur douteux de devenir le premier chef d’état russe réduit à un mandat unique

Vladimir Babkine est l’ancien rédacteur en chef du quotidien Izvestia.

Eugene Ivanov est un commen-tateur politique.

La politique ne sera ni libérale, ni réactionnaire. elle sera déterminée par des facteurs internes et externes

de se plaindre en s’opposant à des mesures sociales qu’il jugeait financièrement inopportunes. Les libéraux y avaient immédiate-ment vu un signe du pouvoir ar-bitraire du Kremlin. Mais comme l’ex-ministre des Finances n’était pas un libéral - c’était plutôt un « faucon » - il n’y avait pas lieu de le défendre. Et le temps pres-sait. Il est plus important de se pencher sur les prochaines ini-tiatives des autorités.

La tâche principale sera de poursuivre la modernisation et la diversification de l’économie. On peut donc s’attendre à des mesures favorables à l’investis-sement dans les secteurs de haute technologie. L’un des programmes les plus ambi-tieux et les plus coûteux sera sans doute celui de la mo-dernisation de l’armée. Le budget devra être révisé pour financer la modernisation à la fois économique et militaire mais aussi les dépenses sociales. Parmi les nouvelles ressources envisagées, l’introduction d’un impôt progressif sur le revenu risque d’effrayer les investis-seurs.Une nouvelle vague de privati-sations des grandes entreprises est prévisible, notamment dans le secteur du gaz et du pétrole, ainsi que des chemins de fer, et sans doute aussi la plus grande banque d’épargne de la Russie, Sberbank. « Il ne s’agit pas de bâtir un capitalisme d’État, a rappelé Dmitri Medvedev l’été dernier. Il fut un temps où le rôle de l’État s’était accru, car c’était inévi-table et né-

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07LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FRCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Culture

On retrouve dans le dernier re-cueil de nouvelles de Zakhar Prilepine les héros de ses pré-cédents livres, des jeunes h ommes qui tentent à leur façon de se construire ou de survivre dans un pays qui se délite. « Le pays était pauvre et nous étions tellement jeunes que nous n’entendions pas le vacarme du ciel au-dessus de nos têtes ». Prilepine développe ses thèmes de prédilection : les amitiés vi-riles, l’amour, la guerre, l’alco-ol, l’adolescence, la nostalgie de la ruralité et de l’enfance : « On marchait … à travers une prairie d’une beauté insoute-nable… l’immense joie du monde nous avait pour la der-nière fois peut-être rendus bons, honnêtes, joyeux, et pas du tout, mais alors pas du tout adultes ». Quelque chose se � é-trit à l’âge adulte ; veulerie, mal de vivre, absence totale de pro-jet, sauf celui récurrent de se saouler. On boit une bière et on rate le train ; quelques bières plus loin, on manque l’arrêt ; on s’endort ivre mort dans un cendrier ou dans la neige, lais-sant � ler le moment tant at-tendu de coucher avec une � lle. Un des trois lascars de « Récit de garçons » emprunte de l’ar-gent à sa mère pour monter une petite affaire de réparation de voitures. Bien entendu, la pre-mière voiture qu’il acquiert après moult péripéties finit dans un ravin. Fin des ambi-tions entrepreneuriales. Chez Prilepine, la vie a peu de prix au regard des émotions qu’elle offre : le bonheur fu-gace d’un rayon de soleil, l’ami-tié, l’amour, la peur. Le livre n’est pas sans rappe-ler une certaine littérature amé-ricaine, mais ici le héros n’est pas un « bad boy ». S’il décrit, jusqu’à la nausée, d’épaisses brutes sans les justi� er ni les condamner, il y a en lui un trop plein d’amour qui l’amène à absoudre l’autre simplement parce qu’au fond de la plus sombre brute il y a quelque chose d’humain. Auteur controversé pour son engagement politique au sein du parti national bolchévique Zakhar Prilepine, est aussi em-blématique de la Russie actu-elle. Le jury qui lui a décerné cette année le prix Super Best-seller National consacrant un des dix auteurs de la décennie ne s’y est pas trompé. Prile pine s’inscrit dans la tradition de la littérature russe par son écri-ture et par le mépris de la vie, et de l’argent, par le fatalisme, l’absence d’espoir, l’amour immodéré de la Russie, la � er-té de souffrir d’elle et pour elle.

Christine Mestre

CHRONIQUE LITTÉRAIRE

Violence comprise

TITRE : DES CHAUSSURES PLEINES DE VODKA CHAUDEAUTEUR : ZAKHAR PRILEPINEÉDITIONS ACTES SUD TRADUIT PAR JOËLLE DUBLANCHET

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À L’AFFICHE LE FESTIVAL NOUVEAU THÉÂTRE EUROPÉENDU 18 AU 30 OCTOBREMOSCOU, CENTRE MEÏERKHOLD

La crème du théâtre contemporain avec, cette année, l’artiste plasti-cien et vidéaste français Pierrick Sorin et son spectacle 22.13.

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UNE GUERRE PERSONNELLE LES 25, 26, 27 OCTOBRE LYON, THÉÂTRE DES CÉLESTINS

Le festival Sans Interdits pré sente une adaptation des récits d’Ar-kadi Babtchenko sur son expé-rience personnelle de la guerre en Tchétchénie. La réalisatrice Tatiana Frolova fait vivre le conflit par et dans les mots : quatre comédiens interprètent des extraits du livre en laissant par intermittence la place à des témoignages vidéo de combattants.

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LE LAC DES SYGNESDU 1 NOVEMBRE AU 14 DÉCEMBREPARIS, PALAIS DES CONGRÈS

Redécouvrez ce joyau indémo-dable de la danse sur une mu-sique de Piotr Tchaïkovski, pré-senté par le Théâtre-Ballet de Saint-Pétersbourg.

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LE CIRQUE DE MOSCOU SUR GLACEDU 9 NOVEMBRE AU 18 DÉCEMBREEN TOURNÉE À TRAVERS LA FRANCE

Le Cirque de Moscou sur glace offre un subtil assortiment de spectacles mêlant le monde fas-cinant du cirque et la féerie d’un gala de danse sur glace. 28 ar-tistes vous feront vivre deux heures de pur bonheur, de rire et d’émotion au rythme des mu-siques traditionnelles mais aussi des tendances du nouveau cirque.

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ANNA NEMTSOVALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le photographe russe Iouri Kozyrev a récemment reçu le prix Bayeux-Calvados. Il avait remporté le Visa d’or dans la catégorie « News » pour ses re-portages sur le printemps arabe.

Un objectif face aux KalachnikovsPhotojournalisme Depuis plus de vingt ans, Iouri Kozyrev couvre les conflits armés à travers le monde

photographe de guerre poétique. Ses images sont pleines d’un ly-risme et d’une poésie que je n’avais jamais vus auparavant… Iouri a les capacités pour deve-nir l’un des plus grands photo-graphes de guerre ».

Après la chute de l’Union sovié-tique, Kozyrev s’est mis à pho-tographier une série de guerres de l’ère post-soviétique en Ar-ménie, en Moldavie, au Tadjikis-tan et en Géorgie. Depuis lors, il n’a pas cessé d’aller d’un con� it à un autre.Parcourant le monde sans re-lâche, Kozyrev a acquis la répu-tation d’un témoin intuitif des drames humains et de l’histoire en marche. Selon Stanley Greene, qui travaille à l’agence NOOR avec Kozyrev, « Iouri a placé la barre plus haut dans le domaine du reportage dans les zones de con� it. Grâce à lui, nous avons tous repensé notre manière de couvrir ces événements. C’est un

Les clichés de Iouri Kozyrev sont profonds et démontrent un sens de la composition d’autant plus étonnant quand on sait les condi-tions périlleuses dans lesquelles il travaille. Photojournaliste de-puis plus de 20 ans, il a couvert les con� its les plus importants de l’espace post-soviétique, et notamment les deux guerres de Tchétchénie. Il a également dé-crit la chute des Talibans il y a dix ans et vécu pendant près de huit ans à Bagdad avant et après l’invasion américaine, pour re-venir à Moscou en 2009.Mari Bastachevski, un photo-graphe indépendant danois qui a travaillé dans le désert libyen avec Kozyrev au printemps der-nier, souligne l’éthique du pho-tographe russe : « Il reste au front jusqu’à 9 heures du soir, et ré-dige ensuite des articles jusqu’à minuit. Et c’est comme ça tous les jours ».Kozyrev est connu pour vouloir être en permanence au cœur de l’action. Ses photos sont appa-

rues dans un grand nombre de publications, dont Newsweek et La Russie d’Aujourd’hui. La cou-verture des manifestations anti-gouvernementales dans les pays arabes pour Time a constitué l’une de ses missions les plus dan-gereuses. En Libye par exemple, il s’est fait tirer dessus ; il a par ailleurs été détenu au Bahreïn et en Arabie saoudite.En outre, il a perdu des col lègues, dont ses amis Chris Hondros et Tim Hetherington, deux photo-graphes tués en avril durant une mission dans la ville libyenne de Misrata. Qu’est-ce qui pousse cet homme de 47 ans à continuer de mettre sa vie en péril ? Andreï Polika-nov, directeur de la photographie au sein du magazine Russki Re-porter, attribue à la loyauté et au dévouement inconditionnels de Kozyrev envers le journa lisme sa capacité à garder intacte la motivation qui le conduit systé-matiquement sur la piste des con� its et des révolutions.

L’exposition des travaux de Iouri Kozyrev en France.

MARIA KRAVTSOVALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

La quatrième Biennale d’art contemporain de Moscou n’est pas faite pour des visiteurs passifs. Elle est axée sur leur participation, qu’elle invite jusqu’au 30 octobre.

Quand la création se fait participative

Biennale Coup d’œil sur la quatrième édition du principal événement de l’art contemporain moscovite

– seul l’homme pur, nu au sens propre et � guré, peut retrouver la nature originelle – vous pré-pare à passer d’un rôle d’obser-vateur passif à celui d’ « utilisa-teur actif », invité à participer à la création de l’œuvre d’art. L’interactivité est au cœur de cette biennale. On touche les œu-vres, on leur parle, on peut même les piétiner. Déroutant pour le visiteur traditionnel habitué à se comporter dans un musée comme dans une église. Mais le choc culturel est vite remplacé par le sentiment familier qu’on éprouve dans un magasin de gad-gets rassemblant toutes les nou-velles technologies. Juste ce que voulait le directeur de cette Bien-nale, le pionnier et propagan-

D’emblée, le visiteur de la Bien-nale, Réécriture des mondes, se heurte à un immense masque à gaz (œuvre « Grosse tête verte » du groupe russe Electrobou-tique), embrasé de l’intérieur par l’Apocalypse. Il s’agit d’un objet interactif : le spectateur doit se dévêtir pour que le paysage apo-calyptique cède la place à une nature � orissante. Cette instal-lation au message transparent

diste des nouveaux médias au service de l’art, Peter Weibel.Seuls 14 artistes russes parti-cipent à la manifestation, sur un total de 194 exposants. Peut-être parce qu’en Russie, où l’on vé-nère encore le plus traditionnel des moyens d’expression artis-tique, la peinture, il n’est pas fa-cile de trouver des créateurs au goût de Weibel. Le projet « Tekh-nologia » de la jeune artiste Tais-sia Korotkova ironise sur ce sujet en représentant les espaces sté-riles d’un laboratoire à l’aide d’une technique archaïque, la tempera sur bois. Les artistes russes témoignent d’ une philosophie généralement différente de leurs collègues oc-cidentaux ou orientaux, mani-

Le principe de la quatrième Biennale est l’interactivité : une appro-che totalement neuve et franchement déroutante pour le public russe.

festant un moindre intérêt pour les sujets d’actualité (pollution, con� its armés, inégalités so ciales, terrorisme international). Leur engagement est souvent plus mé-taphysique que politique. Ainsi,Valery Tchtak, en obligeant les spectateurs à piétiner ses peintures, évoque la crise du mo-dernisme et de son principal sup-port, le tableau, qui, selon Wei-bel, va bientôt définitivement

céder la place aux nouveaux vec-teurs technologiques. La jeune Aline Goutkina interroge des adolescents qui avouent vivre en proie à un sentiment d’angoisse irrationnelle. Le groupe Blue-Soup créé, à l’aide d’un procédé d’animation virtuelle, un som-met alpin qui s’éloigne in� niment dans les cieux - un simple pic, objet idéal pour la méditation et la ré� exion sur l’éternité.

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08 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FRCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Loisirs

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16 Novembre

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GALINA MASTEROVALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Les « Sept sœurs » ne dominent plus les sommets de Moscou, mais leurs silhouettes continuent de diviser. Chefs d’œuvre néoclassiques ou vaniteuses « pièces montées » ?

Icônes architecturales de l’ère soviétiquePatrimoine Gros plan sur les sept gratte-ciels staliniens qui ont longtemps dominé les toits de la capitale

Elles ont surgi dans l’immédiat après-guerre. Les sept gratte-ciels ont été élevés en dix ans, un défi remarquable pour un pays en ruine. Ils ont accueilli deux hôtels, le « Leningrad » et l’ « Ukraine » ; deux bâtiments administratifs, le ministère des Affaires étrangères et les bureaux de Krasnye Vorota ; l’Université de Moscou et deux immeubles résidentiels, l’un sur les berges Kotelnitcheskaïa, l’autre sur la place Koudrinskaïa. « C’était le premier chantier d’une telle ampleur dans l’Eu-rope d’après-guerre et le premier consistant à élever des gratte-ciels sur le Vieux continent », commente Natalia Douchkina, professeur à l’Institut d’archi-tecture de Moscou, dont le grand-père, Alexei Douchkine, a par-ticipé à la création de la tour de Krasnye Vorota.

Les sept sœurs staliniennes sont tour à tour entrées en grâce et tombées en disgrâce au � l des années. Elles sont nées dans le triomphalisme soviétique et ont vécu quelques beaux jours, sym-boles d’un pays renaissant après la guerre, explique Douchkina. Elles rendaient un sens d’échel-le à une ville ravagée par la guerre et les destructions par Staline du vieux Moscou. « Les nouveaux gratte-ciels ont bouleversé l’horizon, en resti-tuant les accents verticaux jadis tenus par les églises et clochers récemment rasés », a pu écrire l’historien Karl Schlogl dans son ouvrage Moscou. Avant la construction, les auto-rités soviétiques ont stipulé par décret que les bâtiments ne de-vraient pas copier les gratte-ciels étrangers. Mais impossible de ne pas voir l’in� uence des tours de Manhattan et de Chicago. Après la mort de Staline, les sept sœurs sont devenues des représen tantes de son régime, jusqu’à ce que le style et les architectes, dépouillés de leurs décorations stalinien-nes, tombent en disgrâce. Aujourd’hui, ce style connaît un regain d’intérêt. Douchkina va

bientôt diriger une thèse sur l’im-meuble administratif de Kras-nye Vorota. En outre, des protec-teurs de l’architecture, russes et allemands, militent pour que les tours soient inscrites sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO.Le ministère des Affaires étran-gères, lourdement gothique, est le plus imposant. Au départ, le

projet ne comportait pas de tou-relle, mais Staline aurait insisté pour qu’on en ajoute une. Quand Khrouchtchev est arrivé au pou-voir, les architectes sont venus lui demander de l’enlever, mais il aurait répondu : « Laissons la � èche comme un monument à la bêtise de Staline ». Les sept sœurs traînent leur lot d’horreurs, notamment la parti-cipation des prisonniers de guerre allemands et ceux du Goulag à la construction. Ainsi,

pendant les travaux, le 22ème étage de l’université aurait été transformé en mini-goulag.L’écrivain Anne Nivat a décrit la peur et l’espionnage qui ré-gnaient dans l’immeuble sur la Kotelnitcheskaïa, où logeaient les hauts fonctionnaires du parti et les privilégiés, pendant la pé-riode soviétique (La maison haute). Nivat, qui y a vécu, cite l’un de ses voisins : « Certains résidents de ce monstre sont des monst res eux-mêmes » . Aujourd’hui, les appartements dans les tours sont parmi les plus prisés de la ville et lorsque les administrations quitteront le centre de Moscou, deux autres sœurs staliniennes s’ouvriront aux résidents. Mais certains immeubles ont pris un coup de vieux. Les ascenseurs sont souvent en panne et l’an-cienne nomenklatura (généraux, cosmonautes, dignitaires) coha-bite parfois difficilement avec des personnalités des affaires, des stars du showbiz ou des per-sonnages franchement douteux. Finalement, celles des soeurs qui se sont reconverties en hôtels s’en sortent le mieux en cette époque tourbillonnante !

Elles encerclent le centre-ville

La 2ème édition du Concours na-tional d’architecture du paysage a récompensé les professionnels sélectionnés dans une dizaine de compétitions. Le 12 octobre, le jury, qui comprenait la vice-présidente de la Fondation des Parcs et Jardins de France, Ma-rie-Sol de la Tour d’Auvergne, a remis les diplômes synonymes d’encouragement au développe-ment du paysagisme en Russie.

Coup de pouce au paysagisme

EN BREF

ALENA TVERITINALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

L’an prochain, l’hôtel « Ukraine », qui figure comme l’une des plus célèbres « sept sœurs » de Moscou, fêtera ses 55 ans, redoré à l’issue de gros travaux de rénovation.

Du soviétisme pur sucre à l’élégance teintée de nostalgie

Rénovation L’hôtel « Ukraine » : l’une des « sept sœurs » qui a réussi sa reconversion esthétique et commerciale

Pour les Moscovites, l’hôtel « Ukraine » ne ressemble pas aux autres édi� ces construits au lendemain de la Seconde Guerre mon diale à l’initiative de Staline (les sept sœurs). À la différence des ministères ultra surveillés et des immeubles d’appartements gardés par des concierges cer bères, n’importe qui peut s’y rendre pour admi-rer la vue panora mique sur la capitale. Inauguré en 1957, l’« Ukraine » était le plus grand

puis, la nuit tombée, s’illumi-ner les rues minuscules (échel-le 1/75). À l’instar des autres visiteurs, je mets les écouteurs, et une voix explique que ce diorama im-pressionnant de 16 mètres de long, 9,5 de profondeur et 6 de haut, a été réalisé pour une ex-position nationale aux États-Unis et montré à New York. Neil Armstrong, l’homme qui a le premier marché sur la Lune, avait voulu l’acheter, mais le Moscou soviétique n’était pas à vendre. Ultérieurement, le dio-rama a remporté la médaille d’or à la foire de Leipzig. La rénovation de l ’hôtel a duré trois ans. L’établissement appartient désormais au groupe Rezidor et a rouvert sous la marque Radisson Royal. Les tra-

Des intérieurs de grand luxe.

L’immeuble de la place Kou-drinskaïa, le ministère des Af-faires étrangères et l’hôtel « Ukraine ».

Impossible, en observant les sept sœurs, de ne pas voir l’influence des tours de Manhattan et Chicago

hôtel non seulement d’URSS, mais d’Europe. L’établissement offre des vues époustou� antes dans la galerie du premier étage où un diora-ma reconstitue le Moscou so-

viétique. Ce panorama, qui em-brasse tout le centre- ville, est entré dans l’éternité en 1977, année de la réalisation du dio-rama qui voit la lumière du jour céder la place au crépuscule,

vaux ont transformé le plus cé-lèbre des hôtels soviétiques en une oasis luxueuse. L’architec-ture intérieure a changé, mais les ornements d’origine – en marbre, bouleau de Carélie ou onyx – ont été conservés. Le nombre de chambres, de mille à l’origine, a diminué de moitié. Le hall est surplombé d’énormes lustres de cristal. L’atmosphère de l’époque stalinienne est pré-sente dans les riches rideaux plissés garnissant les très hau-tes fenêtres, dans les abat-jours verts et le calme de la biblio-thèque, où les œuvres de Marx et Engels côtoient les ordina-teurs portables dernier cri à la disposition des clients, dans la gigantesque fresque au plafond intitulée « La fête du labeur et de la moisson dans l’Ukraine hospitalière ». Et bien sûr, dans les toiles des peintres sovié-tiques qui ornent les murs des couloirs, des salons et des chambres. En tout, l’hôtel abrite 1 200 œuvres originales, dont les plus célèbres sont de Pole-nov et Deineke.

RECTIFICATIF

L’article Un mousseux bien de « chez nous » ! paru dans notre numéro du 21 septembre 2011 a pu donner lieu à une confu-sion regrettable. Le vin mous-seux russe auquel il est fait ré-férence ne peut en aucun cas être quali� é de vin de cham-pagne. Nous prions nos lec-teurs de nous en excuser.

Conseille:

P o u r c o n t a c t e r l a r é d a c t i o n : r e d a c @ l a r u s s i e d a u j o u r d h u i . f r S e r v i c e d e p u b l i c i t é s a l e s @ r b t h . r u t é l . + 7 ( 4 9 5 ) 7 7 5 3 1 1 4

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