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La résistible intégration des énergies renouvelables Changement et stabilité des politiques énergétiques en Allemagne et en France PAR AURELIEN EVRARD Doctorant au CEVIPOF et à l'ADEME Notes de recherche / Working Papers n°21 Mai 2007

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La résistible intégration des

énergies renouvelables

Changement et stabilité des politiques

énergétiques en Allemagne et en France

PAR AURELIEN EVRARD

Doctorant au CEVIPOF et à l'ADEME

Notes de recherche / Working Papers n°21

Mai 2007

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CEVIPOF – Notes de recherche/Working Papers N°21 / Mai 2007

Aurélien Evrard – La résistible intégration des énergies renouvelables

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La résistible intégration des

énergies renouvelables

Changement et stabilité des politiques

énergétiques en Allemagne et en France

Aurélien Evrard (Doctorant au CEVIPOF et à l’ADME.)

Introduction

Les énergies renouvelables occupent une place croissante,

tant sur la scène médiatique que sur les agendas politiques de la plupart des gouvernements nationaux et organisations internationales. Cette tendance est généralement expliquée par la hausse des préoccupations écologiques et les incertitudes relatives à l’activité pétrolière. Cependant, ce phénomène nous semble poser des questions à la fois plus complexes et plus générales sur la question de l’inertie et du changement dans l’action publique. Cette problématique constitue l’un des chantiers fondateurs de l’analyse des politiques publiques et suscite, aujourd’hui encore nombre de travaux dans la discipline. Elle est pourtant plus rarement appliquée des secteurs réputés stables comme la politique énergétique. Aborder la problématique du changement dans un domaine enclin à l’inertie, de par ses caractéristiques intrinsèques, ses configurations d’acteurs et les représentations qui lui sont associées, nous semble cependant utile à la compréhension de ce processus politique.

En comparant les cas français et allemands, l’objectif de cet article est d’expliquer par quelles dynamiques, et dans quelle mesure, l’émergence des énergies renouvelables remet en question la stabilité des politiques énergétiques. Nous tenterons d’apporter des réponses à ces interrogations par le recours à un ensemble structuré de variables, parmi lesquelles, la dimension institutionnelle, mais également l’évolution des idées et le jeu politique

Problèmes communs, réponses différentes ? La

place des énergies renouvelables dans les

politiques énergétiques française et allemande

Les politiques énergétiques nationales se trouvent aujourd’hui confrontées à un contexte international particulièrement favorable au changement, pour des raisons géopolitiques et économiques, aussi bien qu’environnementales et sociétales. La raréfaction des ressources pétrolières, l’éventualité d’un Peak Oil1 prochain et l’instabilité géopolitique qui règne au Moyen-Orient, font peser sur l’exploitation du pétrole une incertitude autrement plus importante que dans les années 1970. On s’inquiétait en août 2005 d’un prix du baril flirtant avec les 70 $, il semblait l’année suivante s’installer autour des 75 $. Le pétrole est également discrédité, avec les autres

1 Ce terme fait référence au moment où la production maximale de pétrole sera atteinte, avant de décroître progressivement.

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énergies fossiles comme le charbon, par l’émergence de la question climatique et le renforcement des initiatives visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Enfin, l’institutionnalisation des mouvements écologistes, leur entrée dans le jeu politique et leur participation récente au gouvernement dans plusieurs Etats européens ont enclenché, dans la plupart de ces Etats, une dynamique de détournement de l’énergie nucléaire, impulsée vers la fin des années 1970 et alimentée par l’accident de Tchernobyl. Dans ce contexte, la thématique de la maîtrise de l’énergie (baisse de la consommation et diversification des ressources) bénéficie ainsi d’un écho plus fort et les énergies renouvelables apparaissent de plus en plus comme l’une des solutions pour répondre à ces défis économiques et environnementaux en raison de leurs trois caractéristiques principales : elles sont présentes sur tous les territoires, sont inépuisables et non (ou peu) polluantes. Les institutions internationales, l’Union européenne et les gouvernements nationaux font donc quasi-unanimement référence aux énergies renouvelables lorsqu’il s’agit de répondre aux crises énergétiques.

Cependant, depuis le début des années 1990 et de manière encore plus significative depuis la fin de cette même décennie, l’Allemagne et la France ont semblé emprunter des voies opposées, tant sur l’orientation générale de la politique énergétique que sur la question particulière des énergies renouvelables. Jusqu’à cette période, les deux pays avaient suivi des chemins parallèles, à savoir un développement assez lent de la recherche sur les ENR, essentiellement porté par des associations et experts militants, dont l’impact sur le reste de la population et sur les deux politiques énergétiques était resté limité. Puis, à la fin des années 1980, l’Allemagne augmente sensiblement les crédits publics dédiés à la R&D et lance des programmes de développement des énergies éolienne et solaire. Si l’ampleur de ces mesures reste encore limitée en comparaison avec les investissements dans le secteur nucléaire civil et les énergies fossiles, elles permettent une avancée des connaissances scientifiques et la création d’embryons de réseaux d’experts, entre universitaires et acteurs du monde économique et associatif. En France, au contraire, le contre-choc pétrolier s’est traduit par l’abandon de mesures encore balbutiantes en faveur des énergies renouvelables et de la maîtrise de l’énergie. Depuis cette période, la différenciation des deux politiques énergétiques semble s’être accrue. Ainsi, alors qu’en Allemagne, on observe un changement tant au niveau des outputs (produits) que des outcomes (résultats) de la politique énergétique, la France semble faire preuve d’une relative inertie.

L’arrivée au gouvernement de la coalition « rouge-verte » en

Allemagne a déclenché, à partir de 1998, une véritable accélération du processus de changement de la politique énergétique. Un accord de sortie du nucléaire est signé le 14 juin 2000 avec les industriels et entre les partenaires de la coalition et aboutit à une loi en 2001, qui prévoit la fermeture de toutes les centrales allemandes sur une période de trente ans. En 2000, une loi sur les énergies renouvelables est adoptée (loi EEG) ; elle aménage et renforce les mécanismes de soutien aux ENR issus d’une loi de 1991, notamment des tarifs de rachat obligatoires fixés par filière, pour une période de vingt ans. Cette loi, encore insuffisante aux yeux des partisans des énergies renouvelables, est renouvelée en 2004, améliorant encore leur sort de manière significative. Par ailleurs, les crédits publics dédiés à la recherche augmentent considérablement pour atteindre aujourd’hui près de 60 millions d’euro annuels. En France, la recherche publique sur les énergies renouvelables ne bénéficie que de la moitié de cette somme. En outre, les textes adoptés en matière de politique énergétique témoignent d’une relative inertie et d’une grande timidité à l’égard des énergies renouvelables. Certes, en 2000, la Loi relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité fut l’occasion d’introduire l’obligation d’achat de l’électricité renouvelable par EDF selon des tarifs fixés l’année suivante par décrets. Cependant, si le système est le même qu’en Allemagne, les tarifs de rachats sont moins élevés du côté Français, comme l’indique le tableau 1, donné en annexe. En outre, les industriels doivent faire face à des barrières administratives beaucoup plus forte,

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notamment pour l’obtention de permis de construire, si bien que la portée de l’ensemble des mécanismes de soutien aux énergies renouvelables s’en trouve limitée.2

Enfin, les discours sur la politique énergétique ont changé en Allemagne. Ils se caractérisent par une place majeure accordée au principe de durabilité et par le refus de choisir entre le risque climatique et le risque nucléaire.3 C’est précisément ce discours qui est adopté dans le programme national de protection du climat : « La sortie de l’énergie atomique place la politique climatique devant un nouveau défi. Le nouveau positionnement politique offre avant tout l’occasion de repenser la politique de l’énergie et d’entrer dans un approvisionnement énergétique orienté vers la durabilité et remplit les critères de la sécurité d’approvisionnement, de l’efficacité économique et du respect de l’environnement ».4 En France, c’est justement un discours fondé sur le nécessaire arbitrage entre ces deux risques qui prévaut, avec l’idée que les énergies renouvelables ne peuvent constituer qu’une ressource d’appoint, comme en témoigne le texte de la loi sur l’énergie adoptée en 2005.5 En ce qui concerne les résultats, comme l’illustre le tableau 2 (cf. annexes), cette différence, bien que masquée par le poids de la grande hydraulique6 en France, est assez flagrante. D’autres indicateurs entrent également en jeu. Ainsi, l’industrialisation de la filière en Allemagne, dont les entreprises sont parmi les leaders du marché de l’éolien ou du solaire, n’est d’aucune commune mesure avec la situation française. Enfin, les énergies renouvelables emploient près de 135.000 personnes en Allemagne, contre environ 40.000 en France.

Tant sur le plan des objectifs et instruments de la politique énergétique par rapport à la question des énergies renouvelables, qu’au niveau des résultats obtenus dans ce domaine, il nous semble approprié de considérer qu’un changement très important a été opéré en Allemagne, notamment depuis la fin des années 1990, tandis que la politique française est restée relativement stable. L’objectif de l’article est donc de comparer les processus de changement des deux politiques énergétiques sur cette question des énergies renouvelables. Il s’agit précisément de comprendre à la fois le poids des contextes nationaux et de mettre en évidence le rôle de la variable politique.

Analyser les dynamiques de changement et de

stabilité dans l’action publique L’analyse du changement dans l’action publique reste

généralement marquée par une distinction entre, d’une part, les théories de

2 Entretiens : Ministère de l’écologie et du développement durable, Paris, 6 mai 2005 ; Ministère fédéral de l’environnement, Berlin, 13 juin 2005 3 Ministère Fédéral de l’Environnement (BMU), Rapport environnemental 2002, Berlin, mars 2002, p. 5 4 Bundestag, Nationales Klimaschutzprogramm. Fünfter Bericht der Interministeriellen Arbeitsgruppe‚ CO2-Reduktion’, 14 novembre 2000, p. 12 (traduction personnelle) 5 Discours de clôture du débat sur l’énergie de 2003, prononcé par Nicole Fontaine, accessible sur le site : www.debat-energie.gouv.fr ; voir également : Assemblée nationale, « Energies renouvelables : changeons d’échelle pour lutter contre le changement climatique », Rapport d’information de la Commission des affaires économiques, n°1153 6 Comme nous l’expliquons plus loin, la France dispose d’une longue tradition hydro-électrique qui est souvent considérée comme une énergie renouvelable. Cette ressource énergétique pose cependant plusieurs problèmes. Premièrement, son inclusion dans les énergies renouvelables a suscité des débats entre les différents Etats membres de l’UE (Rowlands 2005). Deuxièmement, en tant qu’industrie centenaire, elle ne constitue pas véritablement un élément de changement. Enfin, ses perspectives d’évolution sont aujourd’hui limitées comparativement aux autres sources d’énergie renouvelables.

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l’incrémentalisme (Lindblom 1979) et de l’institutionnalisme, qui mettent surtout en évidence les obstacles au changement et, d’autre part, les travaux qui s’intéressent principalement aux processus de mise sur agenda et adoptent une approche plus radicale du changement (Kingdon 1984). Par ailleurs, une autre question traverse ces analyses dynamiques de changement et de stabilité : le débat entre structures et acteurs. Les approches du choix rationnel visent à mettre en évidence le rôle des acteurs, dont les préférences sont considérées comme clairement identifiables, qui développent des stratégies particulières pour instaurer un changement ou s’y opposer (Moe 1984). L’approche cognitive et normative explique plutôt le changement comme le résultat d’une tension entre les structures et la marge de manœuvre des acteurs, dont les notions de référentiel et de paradigme permettent de rendre compte (Muller et Surel 2000 ; Muller 2005 ; Faure et al. 1995). Enfin, les approches néo-institutionnalistes s’intéressent également à cette dichotomie structure/acteurs, en abordant les questions du changement et de ses obstacles, soit par les effets de sédimentation institutionnelles et le poids des trajectoires historiques (Pierson 1994, 2000 ; Thatcher 1999 ; Saurugger 2003), soit par les influences réciproques entre les institutions et les préférences et stratégies des acteurs (Ostrom 1999) ou encore par des processus d’apprentissage et l’évolution des cadres normatifs des acteurs (Di Maggio et Powell 1991 ; Hall 1993).

Ces trois courants néo-institutionnalistes, présentés ici de

façon schématique7, sont aujourd’hui discutés dans un ensemble de travaux cherchant à dépasser les divisions classiques. Dans la lignée de travaux plus anciens de l’école allemande d’analyse des politiques publiques (voir Giraud 2002), l’institutionnalisme centré sur les acteurs vise par exemple à combiner deux types de variables : « institutions » et « intérêts » (Mayntz et Scharpf 2001). D’autres souhaitent élargir cette pratique pour chercher ce que les trois courants peuvent apprendre l’un de l’autre (Heclo 1994 ; Hall et Taylor, 1997) ou évaluer la pertinence d’une approche qui ne poserait pas, a priori, une hiérarchie entre les trois variables que sont les idées, les intérêts et les institutions, mais qui chercherait dans leur combinaison les moyens d’expliquer des processus politiques complexes (Palier et Surel, 2005). Comme le concèdent les auteurs, ce modèle des « trois I » souffre encore de ne pas avoir été réellement appliqué à des recherches empiriques pour en tester les postulats théoriques. D’ailleurs, plus qu’un véritable modèle théorique, l’approche des « trois I » nous semble avant tout constituer une démarche de recherche, de fait utilisée dans de nombreux travaux. Cet article se donne ainsi deux objectifs : il s’agit d’une part de tester cette démarche en l’appliquant à la politique énergétique et, plus précisément, aux dynamiques de changement induites en France et en Allemagne par l’intégration des énergies renouvelables. D’autre part, il s’agit de comprendre ces trois variables interagissent et de proposer un cadre analytique permettant de rendre compte de ces interactions.

Il importe, dans un premier temps, de préciser la

signification que recouvrent, dans nos recherches, les trois variables qui servent l’analyse. Ainsi, la variable « idées » se réfère au cadre cognitif des politiques publiques, c’est-à-dire l’ensemble des valeurs et représentations qui sous-tendent le comportement des acteurs. Les institutions sont entendues dans un sens relativement restreint, à savoir les règles formelles (organisations, système politique, règles électorales) ou informelles (par exemple un réseau d’acteurs), mais excluant les normes. Enfin, la variable « intérêts » est comprise comme l’ensemble des ressources et des stratégies mobilisées par les acteurs pour défendre leurs intérêts. Ayant défini les variables sur lesquelles nous souhaitons appuyer la démonstration, nous formulons alors deux hypothèses principales :

7 Pour des développements plus précis sur « les trois néo-institutionnalismes », voir Hall et Taylor (1997)

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Les dynamiques institutionnelles et idéelles, en interaction constante et s’influençant réciproquement, constituent le plus souvent une contrainte au changement. Ainsi, en ce qui concerne notre cas d’étude, les interactions entre le paradigme dominant et les institutions de la politique énergétique créent, aussi bien en Allemagne qu’en France, un cadre hostile au changement, c’est-à-dire à l’intégration des énergies renouvelables. Nous nous référons ainsi explicitement aux travaux de Baumgartner et Jones (1991, 1999, 2002) qui considèrent ces deux variables comme responsables de la stabilité des politiques publiques.

A la faveur de nouveaux éléments contextuels, les acteurs exclus du policy-making peuvent essayer de faire basculer cet équilibre et infléchir les dynamiques institutionnelles et idéelles dans une direction qui leur est plus favorables. Dans le cas de la politique énergétique, l’occurrence de plusieurs crises (accident de Tchernobyl, émergence de la question climatique) combinée à un changement politique (l’alternance de 1997 en France et 1998 en Allemagne, avec l’entrée des Verts dans les deux gouvernements) offrent à de nouveaux acteurs l’opportunité de changer la politique énergétique.

Ainsi, nous souhaitons premièrement mettre en évidence

l’existence d’un contexte certes différent entre la France et l’Allemagne en ce qui concerne le cadre cognitif et institutionnel de la politique énergétique, mais en insistant sur le fait que ce cadre n’est pas beaucoup plus favorable en Allemagne qu’en France, à l’émergence des énergies renouvelables. Dans un second temps, nous expliquerons alors le changement en Allemagne par l’évolution progressive du paradigme énergétique, mais également par la variable du jeu politique. Il s’agira alors de comprendre les mécanismes qui ont permis, en France, de maintenir l’équilibre en place, mais également d’expliquer pourquoi la variable politique n’est pas pertinente dans le cas français.

Les politiques énergétiques française et

allemande : quand « idées » et

« institutions » créent de l’inertie

Dans le cadre d’une étude monographique sur la France,

l’absence de changement important en matière de politique énergétique, en dépit de pressions exogènes fortes, pourrait intuitivement conduire à une analyse par « la dépendance au sentier » et ceci d’autant plus que la politique énergétique semble particulièrement conforme aux postulats théoriques associés à ce concept. Paul Pierson (2000 : 259) a mis en évidence plusieurs facteurs de continuité dans les politiques, celles-ci fonctionnant alors selon le mécanisme de rendements croissants (increasing returns). Premièrement, la « nature collective des politiques publiques », c’est-à-dire les mobilisation des acteurs impliqués (manifestations, lobbying, etc.) rend plus difficile le changement. En effet, la mise en place d’une politique contribue à créer un public pour celle-ci (vested interests) qui se mobilisera pour maintenir sa place ou conserver ses acquis. Ensuite, la « densité institutionnelle », c’est-à-dire la quantité d’institutions, prises au sens de règles formelles et informelles, crée un cadre contraignant et incite à agir dans la continuité des décisions passées, tant les coûts des investissements à accomplir pour susciter un changement sont importants. Enfin, « l’asymétrie du pouvoir », la « complexité » et « l’opacité des politiques » complètent ces mécanismes favorables à l’inertie. Cela signifie que si certains acteurs sont en position d’imposer leurs règles, ils peuvent en profiter pour renforcer leur pouvoir, tandis que l’opacité du politique rend difficile, pour d’autres, la connaissance des moyens d’instaurer un changement.

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Or, la politique énergétique présente des caractéristiques

qui favorisent encore davantage ces mécanismes d’inertie. Tout d’abord, en raison de son caractère stratégique, l’objectif d’indépendance énergétique a été assimilé par les Etats-nations à celui d’indépendance nationale, et de manière encore plus significative chez les pays nucléarisés. Cette situation aboutit, d’une part, à une gestion étatique très centralisée de la politique énergétique, et d’autre part, à un cadre cognitif plutôt hostile au changement et relativement perméable aux règles et normes supranationales. Par ailleurs, la très grande technicité de l’exploitation des ressources énergétiques a conduit à la création de groupes d’experts, proches ou membres des institutions gouvernementales, renforçant ainsi l’asymétrie du pouvoir et l’opacité, comme le notait Pierson (2000) sur le plan théorique. Par ce phénomène de centralisation et de technicisation, l’énergie a donc longtemps désintéressé les citoyens qui, à part une minorité de militants, n’ont pas réellement cherché, ni eu la possibilité de réclamer un changement. Enfin, la temporalité même de la politique énergétique renforce sa tendance à l’inertie. La construction d’une centrale est en effet très longue et très coûteuse, si bien que l’amortissement des investissements est donc tardif. Ces tendances sont encore plus fortes pour les pays nucléarisés. D’une part, la durée de construction et de vie d’une centrale nucléaire est encore plus longue ; d’autre part, les liens entre nucléaires civil et militaire en renforcent le caractère stratégique.

Cette première partie vise à montrer que, bien que

différentes, les politiques énergétiques de la France et de l’Allemagne présentent toutes les deux des obstacles institutionnels très forts à l’introduction des énergies renouvelables. Par ailleurs, la mise en place des politiques énergétiques s’est accompagnée, des deux côtés du Rhin, de discours de légitimation qui influencent les représentations et le comportement des acteurs et ont également joué en défaveur du développement des énergies renouvelables. Certains auteurs semblent assimiler ces « processus cognitifs d’interprétation et de légitimation collective » à des institutions et les intègrent alors au processus de path dependence (Palier 2005 : 320). Si nous conservons une définition plus restrictive de la notion d’institution, à savoir des règles formelles et informelles, des structures organisationnelles, ces « contraintes créées par l’homme qui structurent les interactions politiques » (North 1990 : 97) nous observons alors que les obstacles au changement résident davantage dans une interaction entre les dynamiques institutionnelles et idéelles qui, d’une part, se caractérisent par des mécanismes d’auto-renforcement et, d’autre part, se renforcent mutuellement.

L’émergence du paradigme nucléaire en France et

« nucléaire/charbon » en Allemagne : deux cadres

de représentations défavorables aux énergies

renouvelables Les politiques énergétiques française et allemande,

notamment en ce qui concerne la production d’électricité, se sont toutes deux construites autour de représentations marquées par la période d’après-guerre et les chocs pétroliers des années 1970, n’accordant alors aux énergies renouvelables qu’une place relativement marginale. Dans un premier temps, il s’agissait surtout de reconstruire deux pays partiellement détruits par la Seconde Guerre Mondiale, tout en conservant une certaine indépendance. Ces objectifs ont profondément marqué les paradigmes énergétiques de l’Allemagne et de la France. La notion de paradigme est ici entendue comme un cadre culturel, c’est-à-dire comprenant les idées et valeurs qui déterminent les choix des acteurs, admis comme légitime et par rapport auquel se construit l’action publique. Précisément, on peut distinguer quatre éléments constitutifs d’un paradigme : les principes métaphysiques

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ou généraux, des principes spécifiques, des modes d’action et des instruments (Surel 1998 : p. 163-165 ; Kuhn 1972). De part et d’autre du Rhin, la mise en place de ces paradigmes, bien que différents, a contribué à rendre difficile l’intégration d’énergies décentralisées et encore naissantes.

En France, les principes généraux (et spécifiques à

l’énergie), à savoir la thématique de l’indépendance et de la grandeur nationale, font plutôt l’objet d’un consensus assez large, tandis que les modes d’action et les instruments, s’inscrivant dans la tradition colbertiste d’intervention étatique, ne permettent pas l’émergence de véritables débats. Dans ce contexte, seules deux ressources énergétiques semblent pouvoir s’intégrer au paradigme : le nucléaire et la grande hydroélectricité. Les autres sont peu à peu abandonnées ou restent marginales. Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, l’ambition du Général de Gaulle était de redonner sa grandeur à la France. Les ressources pétrolières nationales étant quasi nulles et l’exploitation du charbon elle aussi limitée et trop coûteuse, c’est autour de l’énergie nucléaire que s’est reconstruite la politique énergétique. L’atome représentait un moyen de redonner à la France cette reconnaissance sur la scène internationale, d’une part grâce aux grandes figures nationales telles que Marie Curie ou Frédéric Joliot-Curie8 et, d’autre part, par son association avec l’arme nucléaire, garantissant une certaine indépendance par sa force de dissuasion. Dans le même temps, le développement de l’énergie nucléaire apparaissait comme un moyen diminuer les importations de gaz et de charbon et s’intégrait donc parfaitement aux objectifs généraux des gouvernements français successifs. En ce qui concerne les modes d’action et les instruments, la politique énergétique française fut (et reste) organisée de manière très centralisée et dirigiste, par l’intermédiaire de grands programmes, à l’image du plan Messmer de 1974.9 Ce type de gestion, ainsi que l’orientation même de la politique énergétique, fut poursuivi tout au long du siècle, par les gouvernements de droite comme de gauche. Le recours à des énergies par essence décentralisées, comme le sont les énergies renouvelables, n’entre donc pas dans ce schéma de pensée. Il est d’ailleurs significatif que la seule énergie renouvelable ayant réussi à s’intégrer au bouquet énergétique français soit l’hydro-électricité, dont la gestion est, elle aussi, centralisée et dont la technique d’exploitation était maîtrisée par les Français. Elle a ainsi pu, elle aussi, se développer dans un esprit cocardier (Varaschin 1998 : 29), la justification écologique n’intervenant que plus tardivement, notamment à la suite des sommets de Rio (1992) et de Kyoto (1997).

En Allemagne, si le paradigme énergétique était

sensiblement différent, il ne nous apparaît guère plus favorable aux énergies renouvelables. Il s’est lui aussi constitué dans la période d’après-guerre, essentiellement autour de deux ressources : le nucléaire et le charbon. Les principes de la politique énergétiques sont un peu différents de ceux de la France, davantage orientés vers l’affirmation de la souveraineté et de la normalité du pays. Le recours au nucléaire fût donc particulier en Allemagne. Contrairement au cas français, l’atome n’avait pas vocation à permettre à l’Allemagne de faire preuve de sa puissance, mais son utilisation est plutôt devenue le symbole d’une souveraineté retrouvée à partir de 1955. Par la suite, des vagues de protestation assez virulentes se sont développées dans les années 1970, notamment à la faveur des points d’accès offerts par le fédéralisme, lorsque les Grünen participaient à certains gouvernements locaux. Mais les crises pétrolières, entraînant une multiplication par vingt du prix du pétrole, ont limité l’impact de la contestation sur le reste de la population. La

8 La première est devenue une héroïne nationale, symbole de cette dualité du radium, entre destruction et espérance. Le second reçut le prix Nobel de Chimie, avec son épouse Irène, pour la découverte de la radioactivité artificielle. 9 Du nom du Premier Ministre de l’époque, ce plan avait vocation à mettre en place le financement de la construction de six centrales avec l’objectif de produire annuellement 1000 MW.

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place du nucléaire est donc ambiguë, moins importante qu’en France, mais contribuant tout de même à la mise en place de réseaux fermés et très influents (Kitschelt 1986 ; Rüdig 1987, 2000), comme nous le verrons plus loin. Ainsi, les modes d’action associés au paradigme énergétique allemand sont intimement liés à la place que celui-ci accorde au nucléaire. Ils consistaient à re-centraliser la prise de décision dans ce domaine, notamment pour le protéger des mouvements contestataires (Joppke 1992 : 262). Par ailleurs, même si l’Allemagne n’a pas complètement rejoint le système français de planification, le terme de « Planung » a pris une importance considérable, s’inscrivant dans la démarche de « la politique industrielle active » (Hauff et Scharpf 1975), adoptée par les gouvernements sociaux-démocrates dans les années 1970, et abandonnant la doctrine du « laissez faire » pour redonner à l’Etat un poids plus important dans l’économie, notamment sur la question du nucléaire. En outre, l’émergence des énergies renouvelables était en tout cas rendue tout aussi difficile qu’en France, parce que le charbon représentait une autre composante essentielle du paradigme électrique allemand. Présent en quantité abondante sur le territoire national, le charbon est devenue une ressource symbolique de la reconstruction d’après-guerre. Bénéficiant d’un ancrage historique et du soutien d’une large partie du SPD, il constituait, en quelque sorte, un « ennemi » de plus pour les défenseurs des énergies renouvelables.

Par la place des instruments de centralisation et de

planification, nous avons déjà pu mettre en évidence les relations entre les idées et les institutions. Une autre dimension de cette interaction réside dans la mise en place de réseaux très fermés et influents, qui a accompagné la construction de ces cadres cognitifs et les a renforcé, aussi bien en Allemagne qu’en France.

L’institutionnalisation de réseaux fermés et

hostiles au changement

Le poids des groupes d’intérêt dans la politique énergétique a plus souvent été souligné du côté français (en référence au lobby nucléaire) que du côté allemand. Pourtant, l’influence de ces groupes est tout aussi importante dans les deux pays. Plus précisément, aussi bien en Allemagne qu’en France, des communautés de politique publique se sont institutionnalisées pour prendre en charge la gestion de la politique énergétique. Selon la typologie de Marsh et Rhodes (1992 : 251), la notion de communauté de politique publique caractérise un type de réseau au sein duquel les acteurs sont en nombre limité (certains étant exclus volontairement), entretiennent des relations fréquentes, intenses, hiérarchiques et relativement consensuelles (les acteurs partagent les mêmes valeurs). Ces relations, fondées sur l’échange de ressources, contribuent à créer de la stabilité en renforçant les distributions de pouvoir existantes.

En France, plusieurs travaux ont mis en évidence le poids

des technostructures sur les politiques énergétique et environnementale (Simonnot 1979 ; Kessler 1986 ; Lascoumes 1994). Il s’agit bien d’une communauté de politique publique, formée autour de trois acteurs : la Direction Générale de l’Energie et des Matières Premières (DGEMP), du CEA et d’EDF, et au sein de laquelle s’échangent par le biais de relations fréquentes et dans un univers assez clos, l’expertise et l’influence sur les décisions en matière de politique électrique (donc nucléaire). Les liens entre ces trois acteurs sont facilités par le fait que la majorité du personnel est issu du Corps des Mines et partage ainsi les mêmes valeurs et représentations en matière de politique énergétique, ce qui conduit à un processus décisionnel plutôt consensuel. Plus récemment, les partisans d’une place plus importante aux énergies renouvelables se sont eux aussi organisés en réseau, autour du Comité de Liaison des Energies Renouvelables (CLER) et du Syndicat

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des Energies Renouvelables (SER), qui regroupent respectivement les associations et les professionnels impliqués dans le développement de ces énergies (y compris les filiales « énergies renouvelables » des grands groupes énergétiques tels qu’EDF Energie Nouvelle, Total ou Shell. Le premier vise à coordonner les actions des collectivités locales, petites entreprises et associations, de mutualiser les expériences, échanger les « bonnes pratiques », tandis que le second exerce surtout une activité de lobbying.10 Cependant, les représentants de ces réseaux éprouvent beaucoup de mal à entrer dans le policy-making en raison de la fermeture du réseau préexistant. Ils ne sont que très rarement consultés par les institutions gouvernementales et particulièrement par le Ministère de l’Industrie. A titre d’exemple, la position du CLER a propos du projet de loi sur l’énergie adopté en 2005 n’a pas du tout été prise en considération lors des débats et de la rédaction du texte.11 L’exclusion volontaire d’un certain nombre d’acteurs est une autre caractéristique d’une communauté de politique publique, comme l’ont montré Rhodes et Marsh (1992 : 251). En définitive, cette configuration a donc permis le développement d’une expertise, de discours et la mise en place de pratiques permettant la pérennisation du poids du nucléaire dans le bouquet électrique français.

Un réseau de ce type s’est également constitué en

Allemagne, combinant éléments de centralisation et de fermeture à l’égard de l’extérieur. Tout d’abord, il est important de noter que le fédéralisme n’exerce ici qu’un impact limité. S’il est vrai que la Loi Fondamentale accorde aux Länder des compétences en matière de politique énergétique, lorsque le Bund édicte une loi, celle-ci prime sur le droit des Länder. Or, une étude de l’ADEME a montré en 2001, que « durant ces quinze dernières années, de nombreuses lois ont été adoptées pour fixer des normes obligatoires en matière d’utilisation rationnelle de l’énergie, de la protection de l’environnement et de l’organisation de l’industrie de l’énergie, laissant peu de place au niveau régional » (ADEME 2001). En outre, l’Etat fédéral a lui aussi noué des liens avec des groupes d’intérêt, que ce soit dans le domaine du nucléaire en particulier (Rüdig 1987 ; Saurugger 2003) mais aussi de manière plus générale en matière de politique électrique. Ainsi, en l’absence d’un monopole dans ce secteur, c’est l’association fédérale des entreprises de l’électricité (VDEW) qui dispose d’une relation particulière avec le Ministère de l’économie. Une autre particularité du système allemand tient à la place qu’occupe le charbon dans sa politique énergétique. Certains spécialistes le considèrent même comme le principal obstacle au changement dans ce domaine (Reiche 2004 : 192). En effet, si désormais l’industrie nucléaire entretient essentiellement des relations plus étroites avec les chrétiens-démocrates du CDU (Christlich-demokratische Union), les travailleurs des mines ont historiquement voté pour le SPD (Sozialdemokratische Partei Deutschland) et les industriels bénéficient d’une attention particulière lorsque celui-ci parvient aux fonctions gouvernementales. Ainsi, les partisans des énergies renouvelables doivent faire face de manière alternée, selon la tendance politique au gouvernement, à une influence très forte des groupes d’intérêt nucléaires et charbonniers. Alors que l’absence de monopole d’une entreprise pouvait laisser penser à une plus grande ouverture du système énergétique allemand, on observe, comme en France, la mise en place de réseaux très fermés. La situation s’est encore accentuée avec la libéralisation du marché de l’électricité, puisque celle-ci a entraîné un mouvement de concentration des opérateurs qui, désormais, disposent d’un quasi-monopole. Sur les neuf sociétés interconnectées, seules quatre d’entre elles sont restées au gré des concentrations successives : EnBW, E.ON, RWE et Vattenfall. Leur position s’est finalement renforcée par rapport aux autres entreprises, y compris au sein de l’Association des producteurs d’électricité, le VDEW.

10 Entretiens CLER (Comité de liaison des énergies renouvelables), Paris, 7 juillet 2005 ; SER (Syndicat des énergies renouvelables), Paris, 19 juillet 2005 11 Entretien, CLER, Paris, 7 juillet 2005

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Les politiques française et allemande de l’électricité présentent indéniablement des spécificités nationales, liées aux trajectoires historiques qu’elles ont suivies, ainsi qu’à la différence des systèmes politiques. Il ne s’agit donc pas ici de nier toute différence et de considérer nos deux cas d’étude comme entièrement similaires. Cependant, la démarche comparative nous permet de démontrer que les cadres cognitifs et institutionnels n’étaient pas plus favorables à l’émergence des énergies renouvelables en Allemagne qu’en France. Dans les deux cas, il est essentiel de noter que les dynamiques institutionnelles et idéelles se combinent, dans une temporalité relativement longue, et ont constitué, par des mécanismes d’auto-renforcement et de renforcement réciproques, un obstacle au changement.

Expliquer l’evolution des politiques

énergétiques francaise et allemande par les

idées et les stratégies des acteurs

Après avoir tenté de nuancer l’opposition, culturelle et

institutionnelle, qui aurait intuitivement pu expliquer la différence entre la France et l’Allemagne, il est nécessaire de trouver d’autres facteurs permettant d’appréhender le changement opéré en Allemagne et de compléter l’analyse de l’inertie française. C’est cette fois dans la combinaison de deux variables de temporalité différente que nous pouvons trouver ces réponses : les idées et les stratégies des acteurs (la variable « intérêts »). On peut alors même formuler l’hypothèse que les deux variables sont interdépendantes. Les stratégies des acteurs visant à impulser un changement ne seraient efficaces que si le cadre cognitif a suffisamment changé, tandis que celui-ci ne peut vraiment s’institutionnaliser que par l’action de certains acteurs. Cette relation ne peut-elle pas d’ailleurs constituer un angle d’approche pour étudier concrètement le lien entre politics et policy, dans la mesure où, selon nous, les partis écologistes ont joué un rôle majeur dans ce processus ? En se référant à nouveau aux travaux de John Kingdon, il s’agit ainsi d’évaluer leur rôle des verts en tant qu’entrepreneurs politiques, c’est-à-dire ces individus ou groupes « prêts à investir leur temps, leur réputation et leur argent pour promouvoir une position en anticipant des gains tant sur le plan matériel qu’au niveau d’objectifs à atteindre » (Kingdon 1984 : p. 179). En effet, la place accordée aux énergies renouvelables est, certes, étroitement liée à l’évolution des paradigmes français et allemand de l’énergie à la suite de deux chocs exogène de nature différente : l’accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl en 1986 et l’émergence de la question climatique dans les années 1980. Cependant, le nouveau paradigme allemand, ou plutôt son institutionnalisation, est également le fruit d’une stratégie portée par un groupe d’acteurs souhaitant accorder aux énergies renouvelables une place plus importante dans la politique énergétique. Les stratégies et réussites inégales des Verts et des Grünen, en tant que représentants potentiels ou réels de cette conception de la politique énergétique, constituent à ce titre une variable intéressante pour appréhender l’évolution des politiques de leurs Etats respectifs.

L’impact de chocs exogènes : changement de

paradigme en Allemagne et statu quo en France Les approches plus sociologiques du néo-institutionnalisme,

qui accordent aux cadres cognitifs et culturels une place fondamentale dans l’explication du changement de l’action publique, par exemple au travers de la notion de changement de paradigme (Hall 1993), met à notre disposition un outil particulièrement utile pour

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comprendre les évolutions des politiques énergétiques de l’Allemagne et de la France. Dans le modèle d’analyse de Peter Hall (1993 : 278), c’est l’apparition « d’anomalies » qui crée les conditions d’un changement de représentations et valeurs dominantes dans un secteur de politique publique. Dans le cas de l’énergie, deux événements ont joué ce rôle de choc exogène, révélant les dysfonctionnements des politiques énergétiques : l’accident de la centrale de Tchernobyl et l’émergence de la question du changement climatique. Ils n’ont cependant pas abouti au même résultat dans les deux pays.

En France, ces deux événements ont été utilisés entraîné

une évolution sur le plan discursif, permettant de conforter le cadre de pensée dominant et continuer la même politique autour de l’énergie nucléaire. Premièrement, l’Etat français a mobilisé de nombreuses ressources pour limiter l’impact de l’accident de Tchernobyl et faire de celui-ci un non-événement. Il a tout d’abord tenté de nier les faits en affirmant par exemple que « le territoire français, en raison de son éloignement, a été totalement épargné par les retombées de radionucléides consécutives à l’accident de la centrale de Tchernobyl ».12 Par la suite, les autorités publiques ont infléchi leurs discours, utilisant cet exemple pour justifier la position française et vanter les mérites d’une industrie nucléaire nationale qui garantit un niveau de sûreté inégalable, une stratégie illustrée par cette remarque célèbre, reprise à son compte par l’ancien Président d’EDF, Marcel Boiteux, lors d’une conférence donnée en 2001 : « Le nucléaire civil n’a jamais tué personne. Tchernobyl n’a tué que 31 personnes, et encore, ce n'était pas un accident nucléaire, mais un accident soviétique ».13 Cette stratégie s’est avérée payante car elle a permis de conserver une certaine stabilité au niveau du soutien à l’énergie nucléaire. En 2000, un sondage recensait ainsi 47 % de la population favorable à la poursuite de l’exploitation de l’énergie nucléaire, 38 % s’y opposant et 15 % d’indécis.14 Ainsi que le remarque un acteur gouvernemental de la politique énergétique nationale, les Français ont de manière générale été davantage traumatisés par les chocs pétroliers, associés à la crise économique, que par l’accident de Tchernobyl.15 Deuxièmement, la question climatique est devenue une véritable ressource rhétorique pour les partisans d’une politique énergétique fortement nucléarisée. Elle a incité l’industrie du nucléaire et ses défenseurs à se prémunir d’arguments écologiques, opérant ainsi un véritable « verdissement » de l’atome (Mühlenhover 2003). Fort de cette image, le nucléaire voit ainsi sa place renforcée dans les représentations de la politique énergétique française et ces deux événements ont finalement favorisé le statu quo, car l’indépendance énergétique et la sécurité d’approvisionnement sont restées les principaux objectifs. En outre, le discours dominant est devenu celui d’un nécessaire arbitrage entre risque nucléaire et risque climatique, avec la priorité à la lutte contre le réchauffement du climat. Ce changement au niveau discursif a donc permis de maintenir une grande stabilité dans la politique énergétique et notamment de consolider la place du nucléaire, en tant que moyen de lutte contre le changement climatique. Dès lors, les réponses apportées par les énergies renouvelables n’apparaissaient plus nécessaires.

En Allemagne, la situation inverse s’est produite. Ces deux chocs ont justement servi à mettre en évidence les « anomalies » de la politique énergétique nationale, notamment par rapport à la question du risque. L’accident de Tchernobyl a connu un retentissement plus important outre-Rhin et même donné naissance

12 Communiqué du Ministère de l’agriculture du 6 mai 1986 13 Marcel Boiteux, « Le nucléaire, l’énergie et l’environnement », Conférence organisée par l’Association protestante, Paris, 26 juin 2001, cité in Mühlenhover Emmanuelle, L’environnement en politique étrangère : raisons et illusions, Paris, L’Harmattan, 2003, p. 143 14 La lettre de la DGEMP, Politique énergétique : le nucléaire en débat, n°14, 2000 15 Entretien Ministère de l’écologie et du développement durable, Paris, 6 mai 2005

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à un nouveau terme : le super-GAU16. Dans les mois qui ont suivi, les représentations et les valeurs de la population à l’égard de l’atome, ainsi que la position de plusieurs acteurs politique et sociaux ont considérablement évolué. Le parti social-démocrate (SPD), le principal syndicat (DGB), ainsi que l’Eglise protestante ont ouvertement exprimé leur scepticisme à l’égard d’une société nucléarisée, tandis que les sondages réalisés depuis cette période font état d’une stabilité du refus du nucléaire exprimé par près de 70% de la population en 1999.17 Cette remise en cause des objectifs de la politique énergétique s’est accompagnée de discussions relatives à son mode de gestion. Ainsi, certains spécialistes ont observé, à partir de 1986, une ouverture progressive du policy-making celui-ci devenant moins consensuel (Rüdig 2000 : 48). Cette fragmentation de l’autorité correspond généralement à l’étape qui précède l’institutionnalisation d’un nouveau paradigme (Muller et Surel 1998 : 139). A l’inverse de la France, ce contexte ne permettait donc pas aux autorités publiques de répondre à la crise climatique par le développement de l’énergie nucléaire. La question du réchauffement de la planète fut plutôt une source de motivation pour chercher des solutions alternatives, favorisant ainsi l’émergence des énergies renouvelables sur l’agenda. Comme nous l’avons montré dans la première partie, le discours dominant en matière de politique énergétique fut alors celui du « tournant énergétique » (Energiewende) et de la « modernisation écologique » (ökologischen Modernisierung). Contrairement à la France, la durabilité de la politique énergétique est devenue un objectif au moins aussi important que ceux de l’indépendance énergétique et la sécurité d’approvisionnement. Le changement de paradigme s’est ainsi effectué progressivement, d’abord par la contestation des orientations précédentes, puis par l’élaboration d’un discours plus légitime, au sein duquel les énergies renouvelables ont trouvé une place importante. Le tableau 3, donné en page suivante, tente de synthétiser les composantes des paradigmes énergétiques en France et en Allemagne.

A la fin des années 1990, lorsque les partis écologistes

français et allemands, principaux porteurs de ce discours de changement de la politique énergétique, arrivent au gouvernement, ils agissent donc dans un contexte très différent. Cependant, l’explication serait incomplète si l’on s’arrêtait à ce point. Nos recherches nous permis d’observer des stratégies très différentes des partis écologistes lors de leur passage au gouvernement et ceci nous semble donner une explication non négligeable pour l’ancrage du nouveau paradigme en Allemagne et la persistance de l’ancien paradigme en France.

Stratégies et succès contrastés des Verts (1997-

2002) et des Grünen (1998-2004) En 1997 et 1998, la première participation au gouvernement

des partis verts français et allemand, bien que partenaires minoritaires de la coalition avec les partis socialiste et social-démocrate, laissaient attendre quelques changements dans leurs domaines de prédilection tels que l’énergie. Sur un plan plus théorique, plusieurs travaux, issus du néo-institutionnalisme centré sur les acteurs ou visant à renouveler le néo-institutionnalisme historique, ont montré que les acteurs bénéficient d’une certaine autonomie et qu’ils peuvent développer des stratégies pour défendre leurs intérêts en se servant de leur environnement institutionnel (Mayntz et Scharpf 2001 ; Thelen 2003). Or,

16 Constitué des initiales de « größter anzunehmender Unfall », le terme de GAU signifie, en français, accident maximal. Il caractérise un accident industriel majeur. Pour qualifier l’accident de Tchernobyl, l’adjectif « super », aboutissant au terme « super-GAU », lui a été ajouté. Aujourd’hui l’expression est toujours associée à cet événement dans les représentations collectives. 17 Sondage de l’Institut Allensbach ; cité dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung du 24 février 1999

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sur ce point, la différence entre les résultats obtenus par les Verts et les Grünen est flagrante. Certes, des caractéristiques institutionnelles nationales apportent des éléments explicatifs à cette situation. Le système électoral allemand, à mi-chemin entre scrutin majoritaire et proportionnel, avec deux votes (l’un pour un candidat et l’autre pour un parti) favorise la représentation de formations minoritaires, telles que les écologistes. Par ailleurs, l’exiguïté à gauche de l’espace politique français laissait peu de place pour l’émergence d’une nouvelle formation politique, ce qui n’était pas le cas en Allemagne, où l’absence du parti communiste fort et le tournant adopté par le SPD ont permis au parti Vert Bündnis 90/Die Grünen de s’institutionnaliser plus aisément dans la vie politique allemande (Sainteny 2000). Fort de cette professionnalisation, ce dernier bénéficie également d’une expertise interne beaucoup plus solide, notamment sur les questions énergétiques.

Celui-ci bénéficiait alors de conditions plus favorables pour

les négociations des accords de coalition avec le parti social-démocrate. Cependant, nous avons également pu observer que les Grünen ont mis en place des stratégies qui se sont avérées plus efficaces. Premièrement, ils se sont largement insérés au sein d’un réseau en faveur des énergies renouvelables, comprenant essentiellement les associations environnementales et les industriels du secteur. Cette attitude leur a permis d’obtenir une expertise supplémentaire, externe mais fidèle, et un certain soutien à leur action, tandis qu’il offrait à ces acteurs un appui politique essentiel pour leurs revendications et préférences. A l’inverse, les verts français, certes handicapés par leur plus faible professionnalisation, n’ont en outre pas réellement intégré l’embryon de réseau créé autour du secteur associatif, du Syndicat des énergies renouvelables et du Comité de liaison des énergies renouvelables18. Cette situation les a particulièrement pénalisé en terme d’expertise et ils ne sont pas réellement considérés comme une force de proposition sur la question. Deuxièmement, lors des négociations des accords préélectoraux et de coalition, les Verts français se sont davantage dispersés que leurs homologues allemands, ces derniers ayant fait de la question énergétique l’un des thèmes centraux des discussions et réussi à faire inscrire des programmes très concrets, tels que le programme « 100.000 toits solaires ».19 La question des énergies renouvelables n’a même pas été abordée lors des négociations avec le Parti Socialiste et le Parti Communiste en France.20

Cette dispersion ne s’est pas uniquement manifestée en

amont mais aussi lors de l’action gouvernementale des Verts, au cours de laquelle ils ont semblé payer leur inexpérience et leur dispersion. Le manque d’expérience et l’absence d’expertise fidèle se sont faits ressentir au moment de la composition des directions ministérielles et des cabinets, au sein desquels plusieurs personnes issues du Parti Socialiste et des grands Corps ont été intégrées. Comme le souligne Daniel Boy, « l’élite écologiste n’a simplement pas été formée dans les grandes écoles (ENA, ENS, Polytechnique) […]. Ainsi, lors des négociations interministérielles, l’ignorance des pratiques, des techniques et même du langage commun de l’action étatique a représenté un handicap important pour le Ministère de l’environnement » (Boy 2002 : 67). Cette situation n’a pas permis de rééquilibrer un rapport de force largement défavorable, au départ, face au Ministère de l’industrie et aux groupes d’intérêt électriques, dont les Verts ont semblé découvrir, en situation, l’énorme pouvoir d’influence21. Par la suite, ces derniers ont essayé d’élargir leur champ de compétences et se sont dispersés dans leur action environnementale afin d’obtenir des arbitrages favorables, le plus souvent symboliques, sur

18 Entretien avec un ancien membre du cabinet de Dominique Voynet, Ministre de l’environnement de 1997 à 2000, Paris, 13 juillet 2005 19 SPD – Bündnis90/Die Grünen, Aufbruch und Erneuerung – Deutschlands Weg ins 21. Jahrhundert, Koalitionsvereinbarung, Bonn, 20 octobre 1998 20 Entretien avec un ancien membre du cabinet de Dominique Voynet, Paris, 13 juillet 2005 21 Voir, sur ce point : Voynet Dominique, Voix Off, Paris, Ed. Stock, 2003

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le nucléaire (fermeture de Superphénix) ou encore l’abandon du projet de canal Rhin-Rhône. Le temps passé par l’équipe de Dominique Voynet sur ces sujets pour s’assurer de leur concrétisation était autant de temps perdu pour traiter des questions de long terme telles que les énergies renouvelables. Les Verts français n’ont donc pas pu (ou su) profiter de leur passage au gouvernement pour jeter les bases d’une politique énergétique alternative.

A l’opposé, les Grünen ont développé une stratégie à plus

long terme, dont les résultats pouvaient sembler moins visibles, et ont d’ailleurs été critiqués par les mouvements écologistes plus radicaux, mais qui ont favorisé un changement plus important. Leurs stratégies confirment certains postulats théoriques de la notion de « conversion institutionnelle » (Streeck et Thelen 2005). Selon Kathleen Thelen, l’entrée d’acteurs antérieurement marginaux au sein d’une institution permet parfois d’en changer la nature et les objectifs (Thelen 2003 : 32). C’est ce qu’ont réussi les acteurs favorables aux énergies renouvelables grâce à l’entrée des Verts au Ministère fédéral de l’environnement. Institué en 1986, juste après l’accident de Tchernobyl, ce ministère avait notamment comme objectif de garantir certaines normes pour l’exploitation de l’énergie nucléaire afin d’en préserver la légitimité. A partir de 1998, par l’action du Ministre vert, Jürgen Trittin, et de ses conseillers les plus proches, il est devenu un instrument du changement. Dans un premier temps, les Verts ont développé une stratégie de déconstruction des réseaux préexistants. Martin Smith a démontré que le processus de changement au niveau des idées est facilité par le fait d’exclure du réseau les acteurs qui ne partagent les mêmes valeurs dans un sous-système donné (Smith 1993). Ainsi, pour contourner certaines oppositions, y compris au sein de son gouvernement, le Ministre de l’environnement et son équipe ont remplacé certains hauts fonctionnaires, en particulier dans le domaine de la sûreté nucléaire, parvenant ainsi à briser de manière très efficace les réseaux encore existants, en y installant des personnes opposées au nucléaire (Saurugger 2003 : 171). Dans second temps, à la faveur de leurs résultats aux élections législatives, les Verts n’ont pas demandé un nouveau portefeuille ministériel comme s’y attendait le SPD, préférant négocier l’extension du périmètre d’action du Ministère de l’environnement, en y incluant l’énergie.22 S’ils n’ont obtenu que les compétences en matière d’énergies renouvelables (et l’évolution équivalente de la commission « environnement » au Bundestag), ceci leur a toutefois permis de reconstituer de nouveau réseaux, en y intégrant les industriels de ce secteur et les associations écologistes. Cette stratégie a permis de préparer le renouvellement de la loi sur les énergies renouvelables (loi EEG de 2000), dans de bien meilleures conditions, profitant en effet d’un personnel plus nombreux et plus acquis à la cause de cette réorientation de la politique énergétique23. Le texte finalement adopté en 2004 renforce en effet les mécanismes de soutien aux énergies renouvelables, notamment en ce qui concerne l’énergie solaire, et élimine certaines mesures de la loi précédente qui pouvaient en limiter l’efficacité. Toutes ces stratégies et évolutions institutionnelles semblent donc marquer l’institutionnalisation progressive d’un nouveau paradigme en Allemagne. Les prochaines années seront alors passionnantes sur cette question. En effet, le retour au gouvernement des conservateurs, au sein d’une grande coalition avec les sociaux-démocrates, marque également le retour d’une tendance politique qui s’est toujours opposée à cette réorientation de la politique énergétique, refusant tout autant la sortie du nucléaire que le temps et l’argent investis sur les énergies renouvelables. Dans le même temps, les dernières enquêtes conduites sur la question énergétique rappellent que plus de 60% de la population allemande se prononcent en faveur du renforcement de l’action en faveur des énergies renouvelables et 25% souhaitent conserver le système actuel, tandis que 77% des allemands soutiennent le processus de sortie du nucléaire.24 La nouvelle chancelière, Angela Merkel, doit donc composer avec un 22 Entretien avec un conseiller scientifique d’un député SPD, Berlin, 20 juin 2005 23 Ibid. 24 Sondage des instituts Forsa et Allensbach, cités dans le Frankfurter Rundschau du 27 avril 2005

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partenaire de coalition qui souhaite conserver les mesures qu’il a adoptées sous la pression des Verts et une opinion publique qui soutient assez largement ces nouvelles orientations. D’après les variables que nous avons mobilisées dans cette démonstration, les conditions ne semblent pas réunies pour imaginer un nouveau changement, tout au moins à court terme.

Conclusion

L’intégration des énergies renouvelables aux politiques

française et allemande de l’énergie nous a permis d’aborder la question du changement de l’action publique sous un angle nouveau. La plupart du temps, les travaux issus du cadre d’analyse néo-institutionnaliste, en se positionnant dans les débats théoriques sur la pertinence d’une approche par les idées, les intérêts ou les institutions, apportent des réponses partielles à la question du changement. Elles insistent soit sur les obstacles au changement, par le poids des dynamiques institutionnelles ou des cadres cognitifs, soit sur les facteurs de changement par les stratégies des acteurs ou les évolutions à long terme des idées. Dans notre cas, la démarche comparative nous incite à dépasser certaines de ces distinctions théoriques.

Nous sommes partis du constat que, dans un contexte de

pressions fortes au changement, la politique énergétique de la France s’est caractérisée par une relative stabilité, notamment sur la question de l’intégration des énergies renouvelables, tandis que l’Allemagne avait considérablement réorienté sa politique, surtout à partir de la fin des années 1990. Nous avons ensuite expliqué dans quelle mesure l’interaction entre les institutions et les idées influençait l’évolution des politiques énergétiques. Dans nos deux cas d’étude, nous avons en effet démontré que les dynamiques idéelles (la mise en place des paradigmes énergétiques) et institutionnelles (notamment l’émergence de communautés de politiques publiques), par des mécanismes d’auto-renforcement et de renforcements mutuels, contribuaient à maintenir la place du nucléaire en France et du duo « charbon/nucléaire » en Allemagne. Ces deux variables s’inscrivent dans une temporalité relativement longue, elles étaient donc peu enclines à permettre un changement brutal. Dans un second temps, nous expliquons le changement allemand par l’interaction entre les idées et les stratégies d’acteurs. En effet, à partir de la fin des années 1980 et des deux chocs de Tchernobyl et de la problématique climatique, nous avons observé en Allemagne une évolution progressive des représentations et des discours sur la politique énergétique et la place des énergies renouvelables, tandis qu’en France, les mêmes causes ont produit des effets différents, à savoir le renforcement du paradigme existant. Mais, nous avons également mis en évidence l’impact du jeu politique, en insistant sur l’action des Grünen qui, par des réformes institutionnelles et des stratégies délibérées, ont réussi à ancrer ce nouveau paradigme, plus conforme à leurs valeurs et préférences. A l’inverse, par le poids des structures étatiques nationales et le maintien d’un cadre cognitif technocratique, la variable politique est moins pertinente dans le cas français et ceci d’autant plus que les Verts n’ont pas su profiter des opportunités dont ils ont bénéficié pour impulser un véritable changement de politique énergétique.

Ainsi, il était nécessaire de ne pas préjuger de la primauté

de l’une de ces trois variables « idées », « intérêts » et « institutions ». Loin de s’exclure mutuellement, elles ont simplement agit à des moments différents, selon des combinaisons différentes pour introduire successivement de la stabilité puis du changement. Cette démarche de recherche nous paraît alors intéressante en ce qu’elle permet de montrer les conditions dans lesquelles les acteurs peuvent impulser un changement (par exemple à la

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faveur d’une cadre cognitif nouveau) mais aussi réciproquement, de quelle manière celui-ci peut être impulsé (par des mécanismes de « conversion institutionnelle », de transformation de configurations d’acteurs). Par ailleurs, cette démarche pour appréhender le changement constitue peut-être une piste pour repenser les liens entre politics et policy. Nombreux sont les auteurs à regretter le cloisonnement disciplinaire et les limites qu’il implique quant à la prise en compte de la politique dans l’analyse des politiques publiques (Hassenteufel et Smith 2002 : 29). Or, il apparaît que ce lien entre politics et policy est très important pour expliquer le changement entre 1998 et 2004 en Allemagne. C’est plus précisément par l’intermédiaire des stratégies politiques des Grünen que le nouveau cadre cognitif de la politique énergétique a réellement pu s’institutionnaliser.

La démarche des « trois I » souffre encore d’un manque de

systématisation. Il s’agit notamment de préciser la nature des trois variables : faut-il les considérer comme ayant des logiques autonomes ou, au contraire, en interaction régulière ? L’intérêt de l’approche nous paraît plutôt résider dans la combinaison des variables, qui peut d’ailleurs ouvrir des pistes pour le séquençage sur lequel insistent les auteurs (Palier et Surel 2005 : 29). En effet, nous avons trouvé des explications au changement de la politique énergétique allemande, et aux différences avec la France, dans une nouvelle hiérarchisation des variables pertinentes, liée aux évolutions des idées. Plus précisément, le cas de changement allemand semble pouvoir s’expliquer par le « couplage » des trois dynamiques. Le cadre cognitif a changé à la suite de chocs exogènes tels que le changement climatiques ou l’accident de Tchernobyl. Par l’effet du jeu politique, de nouveaux acteurs (notamment le parti écologiste) ont eu accès au policy-making et se sont servis de ces nouvelles ressources, tant pour donner une consistance au discours de renouvellement de la politique énergétique, que pour impulser des changements majeurs au niveau institutionnel. En France, ces mêmes nouveaux acteurs n’ont pas pu, ni su, profiter de ces nouvelles ressources pour enclencher une dynamique similaire. Dès lors, c’est parce que les variables idées, intérêts et institutions se combinent de manière différente, à des moments différents, que les mêmes pressions exogènes conduisent à des résultats différents. Nous avons à plusieurs reprises fait référence aux travaux de Baumgartner et Jones, et notamment à leur modèle des équilibres ponctués (1991, 1999, 2002). Elaboré pour expliquer les processus de mise sur agenda, ce cadre théorique permet de systématiser les interactions entre les idées, les intérêts et les institutions. Il redonne aux acteurs et au jeu politique un rôle important, puisque c’est par ce biais que l’équilibre créé par les interactions entre idées et institutions peut être rompu et que les dynamiques de stabilité engendrée par cet équilibre peuvent être transformées en dynamiques de changement. A ce constitue ainsi une piste à approfondir pour une théorisation plus aboutie de la démarche des « trois I », nécessaire pour que celle-ci gagne autant en efficacité qu’en légitimité.

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Annexes :

Tableau 1 : Tarifs de rachat obligatoire comparés France-Allemagne en 2005

(Sources : DGEMP pour la France et BMU pour l’Allemagne)

ALLEMAGNE (LOI EEG DE 2004)

FRANCE DECRETS DE 2001 - 2002 POUR LE

PHOTOVOLTAÏQUE)

ENERGIE EOLIENNE

5,39 à 8,53 ct €/kWh (en moyenne, selon les sites)

puis baisse de 2%/an

Offshore : 6,19 à 9,1 ct €/kWh

8,38 c€/kWh pendant 5 ans pour les installation de plus de 12 MW, puis baisse de

3,3%/an

SOLAIRE PHOTOVOLTAÏQUE 43,42 à 59,53 ct€/kWh puis baisse de 5%/an

15,25 c€/kWh en France continentale et 30,5

ct€/KWh en Corse et Dom

ENERGIE HYDRAULIQUE ET BIOGAZ

6,65 à 9,67 selon la puissance ct€/kWh sans

réduction de prévue

5,49 à 6,1 c€/kWh selon la puissance + prime comprise entre 0 et 1,52 c€/kWh en hiver selon régularité de la

production

Tableau 2 : Bilan statistique de la place des EnR dans la production

d’électricité en France et en Allemagne pour l’année 2004

(Source : Eurostat 2006)

25 Objectif indicatif fixé par la directive 2001/77/EC sur la promotion d’électricité à partir des sources d’énergies renouvelables.

ALLEMAGNE FRANCE

Production totale d’électricité 606.600 GWh 572.200 GWh

Part dans la production d’électricité

Production (GWh)

Part dans la production d’électricité

Production (GWh)

Energie éolienne 4,2 % 25.270 0,1 % 573

Solaire photovoltaïque 0,1 % 333 0,0 % 8

Hydraulique 3,5 % 21.077 11,5 % 60.230

Biomasse (d’origine renouvelable) 1,9 % 11.473 0,9 % 5.181

Total EnR 9,6 % 58.163 11,5 % 65.992

Total 1990 4,3 % 20.600 14,8 % 55.540

Objectif 2010 25 12,5 % 21%

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Tableau 3 : Comparaison des paradigmes de la

politique électrique en France et en Allemagne

ALLEMAGNE FRANCE

PRINCIPES GENERAUX

- Etat : acteur parmi d’autres dans la résolution des problèmes

- Prise en compte des risques liés à la modernité / principe de précaution

- Protection de l’environnement comme marqueur identitaire collectif

- Rôle quasi-exclusif de l’Etat dans la régulation des problèmes

- Environnement comme préoccupation secondaire

- Energie comme moyen d’expression de l’indépendance et la puissance nationale

PRINCIPES SPECIFIQUES

- Efficacité économique - Sécurité

d’approvisionnement - Durabilité des ressources

énergétiques et internalisation, dans le prix, des atteintes environnementales

- Politique énergétique sans risque (ni climatique, ni nucléaire)

- Baisse des émissions de C02 - Engagement international

fort

- Indépendance énergétique et sécurité d’approvisionnement

- Compétitivité économique - Environnement : arbitrage

entre risque climatique et risque nucléaire. Priorité à la lutte contre le réchauffement climatique (baisse des émissions de C02)

MODE D’ACTION

- Sortie du nucléaire, baisse du poids du charbon

- Rôle majeur des énergies renouvelables

- Développement de la filière nucléaire

- Energies renouvelables en complément

INSTRUMENTS

- Tarif de rachat obligatoire pour l’électricité verte inscrit dans la loi

- Financement par l’intermédiaire de la fiscalité écologique

- Accord de sortie du nucléaire avec les industriels

- Recherche publique sur les énergies renouvelables : 57,9 millions d’euro / an

- Tarif de rachat obligatoire pour l’électricité verte fixés par décrets

- Construction de nouveaux réacteurs nucléaires (EPR, ITER). Soutien à la recherche

- Recherche publique sur les énergies renouvelables : 23,7 millions d’euro / an

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98, rue de l’Université 75007 Paris

Tél. 33 (0)1 45 49 51 05 e-mail : [email protected] Site Internet : www.cevipof.msh-paris.fr

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