la revue du praticien - anesthésie - réanimation

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Anesthsie Ranimation B 127

Choc hmorragiquetiologie, physiopathologie, diagnostic, traitementPr Benot VALLET, Dr ric WIELDpartement danesthsie-ranimation 2, CHU, hpital Claude Huriez, 59037 Lille cedex.

Points Forts comprendre En prsence dun choc hypovolmique, lhmorragie est ltiologie voquer en priorit. Laction des mcanismes physiologiques compensateurs de lhypovolmie ne peut tre soutenue indfiniment. Lobjectif thrapeutique prioritaire est la restauration de la volmie permettant de rtablir un apport en oxygne adapt aux besoins tissulaires. Le choc hmorragique est une hypoperfusion tissulaire aigu et durable par diminution de la masse sanguine circulante, entranant une souffrance cellulaire, secondaire linadquation entre les apports et les besoins en oxygne, dont la dure et la gravit conditionnent le pronostic vital. La correction de la volmie et le contrle de lhmostase restent la priorit du traitement. En Europe et aux tats-Unis, le choc hypovolmique du polytraumatisme reprsente la premire cause de mortalit chez les adultes jeunes.

La recherche dune pathologie mdicale prexistante et pouvant tre lorigine du traumatisme ne doit pas tre oublie (infarctus du myocarde, accident vasculaire crbral). Dans un cadre non traumatique, lhmorragie peut tre intrapritonale (grossesse extra-utrine rompue), rtropritonale (rupture dun anvrisme de laorte abdominale, dissection aortique, hmorragie sous anticoagulant, pancratite hmorragique), digestive intraluminale (une hmatmse, un mlna, du sang au toucher rectal ou ramen par la sonde gastrique doivent amener suspecter une lsion sogastroduodnale, une lsion du grle ou du colon) ou bronchopulmonaire (rupture dartre pulmonaire).

PhysiopathologieLa survenue de ltat de choc et son aggravation dpendent de la vitesse dapparition et de limportance de lhmorragie, de lefficacit des mcanismes compensateurs et des possibilits de contrle de lhmostase. La symptomatologie est une intrication des manifestations cliniques de lhypovolmie et de la diminution brutale du pouvoir oxyphorique du volume circulant (baisse de lhmoglobine) et du transport en oxygne (voir : pour approfondir 1).

tiologieLa recherche de lorigine de lhmorragie est domine par les donnes de lanamnse et de lexamen clinique : circonstances de survenue (contexte traumatique ou non), antcdents (thylisme, grossesse, ulcre gastrique ou duodnal, acte chirurgical ou mdical hmorragique), prises mdicamenteuses (anti-inflammatoires non strodiens, traitements anticoagulants). Le diagnostic tiologique est vident devant une perte sanguine extriorise, mais peut tre difficile en cas dhmorragie non extriorise. La ralisation de touchers pelviens et dexamens complmentaires (radiographie thoracique, chographie, tomodensitomtrie, endoscopie et artriographie) peut alors permettre de localiser lorigine du saignement. Dans un contexte traumatique, la nature hypovolmique dun choc est toujours voque en priorit. Il peut sagir dun traumatisme thoracique (hmothorax, tamponnade, rupture de listhme aortique), abdominal (hmorragie intrapritonale : rupture de rate ou de foie ; hmorragie rtropritonale : fracture du bassin, rupture de pancras) ou des membres infrieurs (fracture du fmur, mme ferme : saignement jusqu 1,5 L).

1. Phase de choc compensLa rduction du volume sanguin entrane une diminution du retour veineux et du dbit cardiaque par diminution du volume djection systolique. La rponse hmodynamique au cours dune hypovolmie est biphasique. La pression artrielle (PA) peut tre maintenue par une stimulation sympathique, dont les barorcepteurs aortiques et carotidiens constituent le mcanisme affrent principal. La vasoconstriction artriolaire et veineuse saccompagne dune redistribution vasculaire privilgiant les circulations crbrales et coronaires aux dpens des territoires non vitaux (musculo-cutan et splanchnique). Cette vasoconstriction favorise galement les mouvements deau du secteur interstitiel vers le secteur vasculaire contribuant la reconstitution partielle du volume circulant. Cette adaptation circulatoire ne persiste que dans le cadre dune hmorragie faible modre. La phase sympatho-inhibitrice survient pour une rduction massive et brutale de la masse sanguine suprieure 30-50 %. Elle est caractrise par une bradycardie paraLA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1999, 49

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doxale et une diminution de la pression artrielle par inhibition centrale de lactivation sympathique. Cette bradycardie signe limminence dun collapsus circulatoire et impose un remplissage vasculaire urgent.

2. Choc dcompensLa baisse de lapport en oxygne aux tissus due la diminution de lhmoglobine et la baisse de la pression de perfusion locale provoque une augmentation de lextraction tissulaire en oxygne. Celle-ci est visualise par une baisse de la saturation veineuse en oxygne (SvO2) avec augmentation de la diffrence artrio-veineuse en oxygne. La vasoconstriction secondaire lhypovolmie va en retour aggraver lhypoperfusion et lhypoxie tissulaire. La dette en oxygne sinstalle et le mtabolisme cellulaire est alors dtourn vers la voie anarobie avec acidose et production de lactate. Laltration de la fonction hpatique aggrave lhyperlactatmie par diminution de lpuration du lactate produit en priphrie. La libration de produits de la souffrance cellulaire induit au final une vasodilatation priphrique responsable du collapsus, de la dcompensation du choc, et de lamorce de son irrversibilit.

DiagnosticDiagnostic clinique 1. Diagnostic positif La tachycardie, tmoin de la stimulation sympathique, peut tre absente en cas de traitement chronotrope ngatif ou remplace par la bradycardie rflexe vasovagale paradoxale . La frquence cardiaque ne permet donc pas de quantifier limportance de lhypovolmie.

Lhypotension artrielle peut tre retarde par laugmentation du tonus sympathique. Elle ne survient que lorsque lhypovolmie est importante (perte de volume sanguin > 30 %). la phase initiale de lhypovolmie, un pincement de la diffrentielle est observ par baisse de la composante systolique et augmentation de la composante diastolique. La pression artrielle moyenne, reflet dans une certaine mesure de la pression de perfusion tissulaire, est un meilleur marqueur de limportance dun choc et nest modifie que dans les chocs dcompenss. Lhypoperfusion priphrique est rvle par lexistence de marbrures des genoux, dune pleur marque des tguments et des muqueuses, dune peau froide, moite et cyanose aux extrmits et dune augmentation du temps de recoloration capillaire. Une polypne de type tachypne avec rduction du volume courant constitue un des signes prcoces du choc et tmoigne de la compensation dune part de la perte du pouvoir oxyphorique du volume circulant et dautre part de lacidose mtabolique. Loligurie (diurse infrieure 0,5 mL.kg -1.h -1) chez un patient porteur dune sonde urinaire est un tmoin prcoce de lhypovolmie et peut voluer vers lanurie. Lexistence dune agitation puis de troubles de la conscience de type obnubilation jusquau coma signe un bas dbit crbral et tmoigne de lextrme gravit du choc.

2. Diagnostic de gravitLa dtermination clinique de limportance dune hypovolmie reste difficile. Seule lhypotension artrielle est considre comme un signe de gravit. Une relation entre limportance de lhmorragie et les manifestations cliniques a t rcemment propose (voir tableau).

TABLEAU Critres de lANDEMPertes sanguines (mL) (%) PA systolique PA diastolique Fc (b.min-1) Recoloration capillaire (s) FR (c.min-1) Diurse (mL.h-1) Extrmits Coloration tat neurologique< 750 < 15 inchange inchange < 100 30 normales normale normal 750-1500 15-30 normale augmente 100-120 >2 lente normale 20-30 ples ple anxit ou agressivit 1 500-2 000 30-40 diminue diminue 120 (pouls faible) >2 lente > 20 tachypne 10-20 ples ple anxit ou agressivit ou altr 2 000 > 40 trs basse trs basse > 120 (pouls trs faible) >2 indtectable > 20 tachypne 0-10 ples et froides grise altr ou coma

Fc : frquence cardiaque ; FR : frquence respiratoire ; PA : pression artrielle. Daprs Indications et contre-indications des transfusions de produits sanguins labiles. Agence franaise du sang Agence nationale daccrditation et dvaluation de sant, 1998.

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Anesthsie RanimationDiagnostic paraclinique La baisse du taux sanguin dhmoglobine (Hb) nest demble observe que dans les chocs hmorragiques svres. Elle est de mauvais pronostic et proportionnelle lhypovolmie. La baisse de lhmatocrite est un mauvais indice (lhmodilution survenant secondairement). Des troubles de lhmostase avec baisse des facteurs de la coagulation (coagulopathie de dilution) sont contemporains dune hmorragie de grande abondance. Une perte de 100 150 % de la masse sanguine entrane une thrombopnie 50 G.L-1, une baisse du taux de prothrombine (TP 30 %) et du taux de fibrinogne ( 1g.L-1). La libration de facteur tissulaire et la mise en jeu de la voie extrinsque de la coagulation peuvent provoquer une coagulopathie intravasculaire dissmine (CIVD). Lexistence dune acidose mtabolique avec hyperlactatmie a une valeur pronostique ngative. La souffrance hpatocytaire se manifeste par une lvation des transaminases, une hypoalbuminmie, une hyperbilirubinmie et une hyperlactatmie par dfaut dpuration. Une insuffisance rnale fonctionnelle est observe dans la phase initiale du choc. Elle peut voluer vers lorganicit par ncrose tubulaire aigu si le choc persiste. une ventilation efficaces dans un temps le plus bref possible. Lobjectif thrapeutique est la restauration du transport en oxygne permettant une bonne adaptation aux besoins mtaboliques tissulaires.

Traitement tiologiqueIl est contemporain de la mise en route du traitement symptomatique. Un geste chirurgical est parfois le seul moyen pour obtenir lhmostase (rupture danvrisme aortique, hmorragie digestive haute par hypertension portale, plaie pntrante abdomino-thoracique). Un geste mdical comme la sclrose de varices sophagiennes, lembolisation endovasculaire et lutilisation dadjuvants pharmacologiques peuvent permettre le tarissement dune hmorragie.

Traitement symptomatique Mise en condition : la priorit est la mise en place de voies veineuses priphriques de gros calibre (16 ou 14 gauge) aux membres suprieurs (surtout en cas dhmorragies abdomino-pelviennes) ou en jugulaire externe afin de permettre un remplissage vasculaire. En cas de difficult, une voie veineuse centrale sera envisage exclusivement avec des cathters de gros calibre type Dsilet (8 10 F) selon la technique de Seldinger par voie fmorale. La position de Trendelenburg (membres infrieurs surlevs) permet de mobiliser rapidement environ 500 mL de sang. Elle est une solution rapide et aise (et rversible) de compensation volmique. Le pantalon antichoc permet daugmenter rapidement la pression artrielle par lexercice dune compression pneumatique externe au niveau de labdomen (60 mmHg) et des membres infrieurs (80 mmHg). ces niveaux de pression, la ventilation contrle simpose. Ce pantalon permet dimmobiliser des fractures de membres ou de bassin. Par contre, son utilisation sera discute devant un traumatisme thoracique. cette phase, il est indispensable de dterminer le groupe sanguin ABO, Rhsus et la prsence dagglutinines irrgulires. Stratgie de remplissage : pour une perte sanguine estime moins de 20 %, lemploi de cristallodes est recommand. Pour une perte sanguine suprieure 20 % ou une pression artrielle moyenne demble infrieure 80 mmHg, les collodes sont utiliss demble puis complts par une transfusion de sang (perte suprieure 30 % de la masse sanguine chez le sujet sain). Pour une transfusion en extrme urgence, du sang O ngatif sera utilis. Pour une perte sanguine suprieure 50 %, ladministration dalbumine est associe. Pour une perte sanguine suprieure 100 %, un apport de facteurs labiles de la coagulation et de plaquettes est ncessaire. Le volume de remplissage vasculaire ncessaire est de un tiers suprieur la perte sanguine pour les hmorragies modres (< 1 500 mL) et du double de la perte sanguine pour les hmorragies massives ( 1 500 mL). Pour mmoire, la volmie dun adulte est de 75 mL.kg-1 chez lhomme et 70 mL.kg-1 chez la femme. Le remplissage vasculaire visant rtablir une volmieLA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1999, 49

Exploration hmodynamiqueLe cathtrisme intra-artriel par voie fmorale ou radiale permet une mesure continue de la pression artrielle et une analyse frquente des gaz du sang. La mesure de la pression veineuse centrale permet de guider le remplissage en labsence de pathologie cardiaque. Le cathtrisme des cavits droites par sonde de Swan-Ganz avec mesure continue de la saturation veineuse en oxygne est indiqu pour le diagnostic et la conduite du traitement en cas de non-rponse au remplissage, de choc svre et prolong, dinsuffisance cardiaque et dinsuffisance rnale. Lchographie transsophagienne permet une valuation de la prcharge et de la contractilit cardiaque et trouve un intrt diagnostique en traumatologie (panchement pricardique, rupture de laorte, contusion myocardique).

Diagnostic diffrentielLes autres tats de choc hypovolmique par perte de plasma, de fluides et dlectrolytes ont les mmes signes cliniques. Lanamnse, lexamen clinique et lexistence dune anmie, en dehors dune anmie chronique, orientent le diagnostic. Certains chocs distributifs (anaphylactique, septique, toxique, neurognique) prsentent une composante hypovolmique qui sera apprcie par lexploration hmodynamique ou par lchocardiographie.

Conduite tenir et principes du traitementLes impratifs du traitement dbut avant larrive du patient lhpital sont de matriser lhmorragie, de compenser la perte sanguine et dassurer une oxygnation et

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normale doit tre prudent en cas dhmorragie non contrle (traumatiss, rupture de varices sophagiennes) o le saignement peut tre accentu par augmentation de la pression artrielle, dilution des facteurs de la coagulation, diminution de la viscosit sanguine et suppression des mcanismes physiologiques dadaptation. Il en est de mme dans les situations o il existe une augmentation de la permabilit de la membrane capillaire (traumatisme, embolie graisseuse, pancratite, syndrome de dtresse respiratoire aigu, coagulation intravasculaire dissmine). Dans ce cas, les solutions avec pouvoir oncotique (voir : pour approfondir 2) perdent partiellement leur efficacit par passage dans linterstitium o elles induisent ou aggravent un dme pulmonaire et majorent lhypoxmie. Par ailleurs, si tous les soluts de remplissage augmentent le dbit cardiaque par augmentation de la prcharge, ils namliorent pas forcment le transport en oxygne. En effet, lhmodilution induite par le remplissage diminue la concentration artrielle en oxygne en diminuant le taux dhmoglobine. Les soluts de remplissage sont reprsents par les cristallodes et les collodes. Les soluts cristallodes (Ringer Lactate, srum sal isotonique 0,9 %) ont un faible pouvoir dexpansion volmique : un quart du volume perfus reste dans le secteur vasculaire. Le Ringer Lactate, solut de rfrence utiliser en premire intention, a un effet hmodynamique transitoire ne durant que 30 minutes environ. Les soluts collodes sont soit naturels [plasma frais congel (PFC), albumine 4 et 20 %)] soit de synthse [dextrans, glatines, hydroxythylamidon (HEA)]. Ils ont un pouvoir oncotique propre. Le plasma frais congel homologue ne doit tre utilis que pour compenser des dficits en facteurs de la coagulation (au-dessous de 30 %). Lalbumine 4 % a un pouvoir dexpansion lgrement infrieur au volume administr. Sa dure defficacit est de 6 8 heures. Ses indications sont les contre-indications des collodes de synthse (femme enceinte, dpassement des doses recommandes de collodes de synthse) et en cas dhypoprotidmie ( 80 mmHg), la diminution de la frquence cardiaque (< 90 b.min-1) et une diurse de 0,5 1 mL.kg-1.h-1 (sauf en cas dinsuffisance rnale aigu organique). Cette correction des paramtres nest pas toujours associe un tat circulatoire optimal. Lobjectif de pression artrielle nest assurer quen situation dhmostase matrise. Le cathtrisme pulmonaire permet de surveiller loptimisation du transport artriel en oxygne. Loxygnation tissulaire globale peut tre value par la lactatmie artrielle (sa correction est un marqueur dvolution favorable), la SvO2 (normalisation tardive) et lextraction tissulaire en oxygne. Complications : elles regroupent les effets secondaires des produits de remplissage et lapparition des dfaillances dorganes secondaires une hypoxie tissulaire prolonge. Une surveillance troite clinique et biologique comportant des ionogrammes sanguins et urinaires, une cratininmie-cratininurie, des gaz du sang, la dtermination du taux de prothrombine, du temps de cphaline active, des plaquettes et du fibrinogne, de lhmoglobinmie, de lhmatocrite et la fonction hpatique doit tre ralise. s

POUR APPROFONDIR1 / Diminution du transport en oxygneLe transport en oxygne dpend de deux grandeurs : le dbit cardiaque et la concentration artrielle en oxygne qui dpend elle-mme de la concentration en hmoglobine et de la saturation en oxygne. Au cours du choc hmorragique, le transport en oxygne baisse en raison de la diminution de la concentration en hmoglobine, et (ou) du dbit cardiaque (perte volmique, souffrance myocardique) et (ou )de la saturation en oxygne (altration de la fonction ventilatoire ou des changes gazeux) et ne satisfait plus la demande de lorganisme. La baisse de lhmoglo-

Anesthsie Ranimationbine peut tre compense par une augmentation du dbit cardiaque lors dun remplissage par des cristallodes ou des collodes. La ncessit de transfusion doit tenir compte des possibilits de compensation du patient et de la tolrance clinique face lanmie.

POUR EN SAVOIR PLUSRecommandations pour la pratique clinique. Remplissage vasculaire au cours des hypovolmies relatives et (ou) absolues. Ranimation-Urgences. Juin 1997, vol.6, n3 bis. Le choc hmorragique. Sous la direction de P. Barriot, B. Riou. Collection danesthsiologie et de ranimation. Paris : Masson, n22, 1990.

2 / Hmodilution et pouvoir oncotiqueLa baisse du pouvoir oncotique lie aux protides sanguins est une consquence de la compensation des pertes sanguines par des soluts dpourvus de protines (cristallodes). Lhypoprotidmie est bien tolre jusqu une valeur de 35 g.L-1. En de de cette valeur, des dmes priphriques et pulmonaires peuvent survenir. La pression oncotique est partiellement assure par les soluts collodes utiliss pour le remplissage vasculaire.

3 / Traitement des troubles de lhmostaseLapport de plasma frais congel et de plaquettes est indiqu en cas de coagulation intravasculaire dissmine. En cas de trouble de lhmostase primaire par thrombopathie (antiagrgeants plaquettaires, maladie de Willebrand), lutilisation de desmopressine (Minirin) peut tre propose. Le dficit en facteurs vitamine K- dpendants ou une diminution majeure du taux de prothrombine ncessite lapport de prothrombine pro-acclrine facteurs Stuart antihmophilique B (PPSB) et (ou) de fibrinogne.

Points Forts retenir Le pronostic de ltat de choc hmorragique est fonction de sa dure et de sa gravit et par consquent de la rapidit de la restauration de la volmie. Sans un traitement appropri, ltat de choc volue de faon irrversible vers le dcs du patient par dfaut dapport en oxygne. Si le traitement est trs retard, la dette en oxygne est responsable de dysfonction dorganes distance de lvnement hmorragique initial. Le traitement prioritaire est symptomatique et vise rtablir une volmie permettant un transport artriel en oxygne adapt aux besoins tissulaires. Le traitement tiologique de lhmorragie est indispensable.

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Complications des abords veineuxPR Benot EURINService danesthsie-ranimation, hpital Saint-Louis, 75010 Paris.

Points Forts comprendre Les abords veineux sont devenus indispensables pour administrer de nombreux traitements, en situation de ranimation, chimiothrapies prolonges ou alimentation parentrale. On distingue les abords veineux priphriques extrmement employs, mais limits dans leur possibilit de perfusion de produits agressifs et ayant une dure de vie courte. Les complications sont frquentes mais souvent bnignes : hmatome, thrombophlbite Cependant, il faut tre prudent en cas dextravasation car certains produits entranent des ncroses cutanes. Les abords veineux profonds ont lavantage dtre une voie dadministration pour certains produits mauvaise tolrance priphrique et davoir un potentiel de dure dutilisation plus longue. En particulier, les chambres implantables sont destines aux traitements prolongs. Les complications peuvent tre mcaniques (hmatomes, perforations veineuses, fausses routes), ailleurs il sagit de thrombose constitue autour du cathter mais les complications les plus redoutes sont infectieuses avec greffe infectieuse sur le matriel implant. Il faut alors faire confirmer le diagnostic et le plus souvent retirer le matriel et entreprendre un traitement antibiotique adapt.

endothoracique, gnralement la veine cave suprieure. Les complications sont souvent plus graves dans le cas dabords veineux profonds que pour les abords veineux superficiels.

Complications mcaniquesCelles des abords veineux superficiels sont frquentes, mais habituellement bnignes. Celles des abords veineux profonds, plus rares, sont aussi gnralement beaucoup plus graves.

Abords veineux superficiels Blessure de la veine : ranon frquente et sans gravit dun geste difficile ou maladroit, elle se traduit par un hmatome sous-cutan. Cest plus un incident quune complication et lvolution est bnigne malgr son caractre souvent douloureux. Compte tenu du respect des repres anatomiques lmentaires, la blessure dun organe noble de voisinage, nerf ou artre, est un accident assez rare, le plus souvent sans gravit. Injection intra-artrielle accidentelle : cest une complication exceptionnelle. Lartre le plus souvent en cause est lartre humrale au pli du coude, mais de tels accidents ont t dcrits avec les artres du dos de la main ou de la cheville. Ils sont susceptibles davoir des consquences extrmement graves (artriospasme, gangrne du membre sous-jacent). Ils peuvent tre prvenus en sassurant de la ralit de la position endoveineuse de laiguille avant toute injection mdicamenteuse. Leur prvention est dautant plus importante que leur traitement curatif (procane 1 % intra-artrielle, phentolamine, hparinisation) est assez dcevant. Perfusion extraveineuse : consquence dun traumatisme rpt et prolong de laiguille, du cathter ou du liquide de perfusion sur la paroi veineuse, elle est beaucoup plus frquente. Lpanchement sous-cutan qui la caractrise na habituellement pour consquence que larrt de la perfusion en cours, la ncessit de repiquer le malade avec donc amputation du capital veineux et une douleur parfois importante. Il nen est bien entendu pas de mme lors de ladministration de soluts ou de mdicaments ayant des proprits ncrosantes sur le tissu cellulaire sous-cutan, comme par exemple certains sdatifs (diazpam), les vasocons1937

Lutilisation extensive des abords veineux, tant priphriques que centraux, est responsable de la survenue de nombreuses complications souvent bnignes mais pouvant tre trs graves, voire mettant en jeu le pronostic vital. Les abords veineux se divisent en 2 grands groupes : les abords veineux superficiels o la veine ponctionne, sous-cutane, est vue et palpe, et les abords veineux profonds, concernant les veines de gros calibre, invisibles, mais dont les dimensions, la situation et les rapports sont peu prs constants dun individu lautre. On emploie les termes dabord priphrique lorsque lextrmit du cathter est dans une veine priphrique, de petit diamtre et faible dbit sanguin, et dabord central lorsque cette extrmit est dans une veine

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COMPLICATIONS DES ABORDS VEINEUX

tricteurs puissants (catcholamines), de nombreux antimitotiques (adriamycine, mthotrexate), les soluts hypertoniques ou alcalins. Il est donc recommand, lors de lutilisation de ces produits par voie veineuse priphrique, de sassurer de la permabilit de la veine utilise et dexercer une surveillance attentive. En effet, la constatation dune extravasation dun solut caractre ncrosant impose, outre larrt de la perfusion, deffectuer en urgence (< 6 h) un lavage chirurgical du tissu sous-cutan.

Abords veineux profondsLe caractre aveugle de la ponction veineuse et du cathtrisme qui lui succde est bien entendu la principale cause des complications mcaniques. Les plus frquentes sont dues la ponction : chec, blessures veineuses, artrielles ou nerveuses, pneumothorax, blessures des canaux lymphatiques. Dautres sont dues au cathtrisme : trajets aberrants, embolies de cathter, embolie gazeuse. chec : on admet gnralement quil reprsente pour un oprateur entran, quelle que soit la technique employe, moins de 5 % des cas pour la veine sousclavire et la veine axillaire, et moins de 10 % des cas pour la veine jugulaire interne. Blessures veineuses ou artrielles : elles restent relativement bnignes lorsquelles se produisent un endroit o la compression manuelle est possible (cou, racine de cuisse) et chez des malades ayant une hmostase normale. Elles ne se traduisent alors le plus souvent que par un hmatome banal. Les abords jugulaires internes ont cependant pu donner lieu des accidents neurologiques (hmiplgie secondaire une ponction carotidienne) ou respiratoires (compression trachale par hmatome extensif). La gravit des complications des abords veineux sous-claviers [hmothorax et (ou) hmomdiastin] est fonction de limportance de la brche et des possibilits dhmostase spontane du malade. Leur caractre massif impose alors le recours une transfusion importante, parfois au drainage thoracique, voire la thoracotomie dhmostase. Perforations cardiaques : complication gravissime, la perforation cardiaque peut survenir au dcours immdiat ou distance de la pose dun cathter veineux central rigide, soit introduit trop profondment, soit rompu et ayant migr en intracardiaque. La clinique est parfois trs fruste et dans un quart des cas elle se limite un arrt circulatoire ou une dcouverte ncropsique. Dans les autres cas, on observe un tableau de tamponnade pralable. Le diagnostic est fait par chographie. Laspiration au travers du cathter par abaissement du flacon de perfusion au-dessous du plan du lit peut amliorer temporairement la situation mais un avis chirurgical doit tre pris de toute urgence. Pneumothorax : conscutif une blessure du dme pleural, le pneumothorax est une complication classique des techniques de cathtrisme percutan de la veine sous-clavire (1 5 % selon les auteurs), mais aussi, 1938

quoique moins frquente, de celles intressant la veine jugulaire interne. Sa frquence, variable selon la technique utilise, augmente chez les sujets de morphologie atypique (cachectiques, obses, emphysmateux) et diminue avec lexprience de loprateur. Suspect le plus souvent ds la ponction par lissue dair dans la seringue, il est affirm secondairement par la clinique et lexamen radiologique. Il est assez souvent retard, napparaissant que sur le clich systmatique du lendemain des ponctions difficiles. Il est quelquefois dimportance minime et bien tolr, nentranant dautres soins quune surveillance. Il en va diffremment lorsquil est massif demble, sil se produit chez un insuffisant respiratoire ou chez un malade soumis la ventilation artificielle. Il doit alors tre exsuffl ou drain durgence. Le risque de pneumothorax interdit deffectuer une tentative de ponction sous-clavire de lautre ct avant contrle radiologique pour viter de crer un pneumothorax bilatral. Blessures des canaux lymphatiques : elles sont relativement rares. Elles ont cependant t dcrites aussi bien aprs abord veineux jugulaire interne que sousclavier. Compte tenu de labsence frquente de la grande veine lymphatique droite et de sa gracilit lorsquelle existe, cest habituellement le canal thoracique (situ gauche) qui est en cause, plus souvent en cas dhypertension portale en raison de lhypertrophie dont il est lobjet dans cette circonstance. La gravit de ces accidents est relativement leve, la lymphostase nayant que peu tendance seffectuer spontanment et ncessitant souvent la ligature chirurgicale du vaisseau, acte difficile, mme si lon peut auparavant tenter dutiliser, chez les patients ventils, laction bnfique de la pression positive expiratoire (PEP). Lsions nerveuses : beaucoup plus rares, on les retrouve surtout lorsque lon utilise la voie jugulaire interne plutt que la voie sous-clavire. Elles sont en gnral bnignes. Tout a t dcrit : atteinte du plexus brachial, du nerf phrnique, du ganglion stellaire, etc. Fausses routes : les fausses routes de cathter sont assez frquentes. Leur prvention repose la fois sur le choix des veines les moins sujettes cette complication (jugulaire interne droite plutt que gauche, sous-clavire gauche plutt que droite, basilique plutt que cphalique), sur le respect dune procdure rigoureuse dans lintroduction du cathter et sur la recherche pendant cette dernire de tous les petits signes faisant suspecter un trajet aberrant : difficult dintroduction, dfaut de retour franc de sang par le cathter lors dun essai daspiration la seringue, etc. Leur dpistage justifie le contrle radiologique systmatique immdiatement aprs la pose du cathter. Les fausses routes imposent le plus souvent le retrait du cathter car la perfusion na pas alors habituellement lieu dans une veine de gros calibre, ce qui majore le risque de thrombose et de perforation secondaire en cas de cathter rigide (PVC ou polythylne). Il est aussi possible de remettre en place le cathter sous scopie laide dune sonde en forme de lasso.

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Embolies de cathter : elles sont dues des erreurs de manipulation. Autrefois, avant lutilisation en routine de la mthode de Seldinger, ctait lors de la pose du cathter que loprateur sectionnait celui-ci au cours dun retrait malencontreux sur le biseau de laiguille ; parfois, la section tait plus tardive et se produisait sous le pansement au contact du biseau non ou mal protg de laiguille introductrice non dmontable. Actuellement, cet accident sobserve surtout avec les cathters en silicone particulirement fragiles. Cela peut se produire par section dun fil de fixation fin et serr, lors de la connexion du cathter au raccord de perfusion, o lors dune tentative intempestive de dsobstruction dun cathter bouch sous pression laide dune seringue de petit volume (1 2 mL). Enfin, les cathters sous-claviers poss trs internes peuvent tre sectionns par la pince forme entre la premire cte et la clavicule. Lembolie de cathter est le plus souvent asymptomatique, mais expose au risque de perforation cardiaque, de thrombose ou de trouble du rythme. Le diagnostic est fait par chographie et radiographie thoracique de profil. Ds que le diagnostic est fait, il importe de retirer le fragment de cathter au lasso sous amplificateur de brillance ou chographie. Embolie gazeuse : le cathtrisme veineux central reprsente une situation trs propice la survenue dune aspiration dair accidentelle, surtout si le patient est hypovolmique. Lextrmit du cathter est en effet situe dans un endroit o rgne de faon physiologique une pression ngative inspiratoire. Ds lors toute communication du cathter avec lair ambiant expose cette complication. On observe donc cela lors des manuvres de pose, de changement de tubulure, de dconnexion accidentelle, voire en fin de perfusion en cas dutilisation dun flacon rigide muni dune prise dair. La prvention consiste effectuer toutes les manuvres de pose ou ncessitant louverture de la ligne en plaant le patient en position de Trendelenburg ou en lui demandant de se maintenir en fin dexpiration. Lutilisation de poches souples sans prise dair et de raccords Luer-lock est aussi recommande. Enfin, une embolie gazeuse peut tre observe lors du retrait du cathter si cette manuvre est effectue en position assise, ce qui doit tre proscrire. La symptomatologie peut tre fruste, surtout en cas de faible volume dair aspir : malaise, cyanose, polypne, lgre baisse tensionnelle. Ces signes peuvent disparatre rapidement. Ailleurs, on est devant une forme grave avec dtresse cardiorespiratoire et neurologique : dyspne, cyanose, collapsus, convulsions, coma. Lauscultation cardiaque retrouve le classique bruit de moulin eau . Lchographie confirme le diagnostic. Le traitement repose sur la mise en Trendelenburg et en dcubitus latral gauche pour retenir lair dans les cavits droites. Si le cathter est encore en place, il faut essayer daspirer le maximum dair. Une oxygnation large dbit est systmatique et une oxygnothrapie hyperbare peut tre indique pour rduire le volume des bulles et favoriser leur rsorption.

Complications propres aux cathters chambre : la complication mcanique la plus grave est linjection sous-cutane de produits potentiel ncrosant (anthracycline). Cela se produit lors dune injection hors de la chambre par ponction hors du septum ou lors dune mobilisation secondaire de laiguille de ponction, dune dsunion entre la chambre et le cathter, ou lorsque le septum de la chambre devient poreux. Le diagnostic est simple devant lanamnse, la survenue dune douleur lors de linjection suivie de signes locaux vidents : rougeur, dme rapidement extensifs. La prise en charge de ce type daccident est actuellement chirurgicale : on ralise en urgence (dans les 6 h suivant lextravasation) sous anesthsie gnrale un lavage laide dun matriel lipo-aspiration avec du srum physiologique. Cette technique vite la survenue dune ncrose cutane et sous-cutane.

Complications thrombotiquesThrombophlbite priphriqueIl sagit dune complication trs frquente et habituellement bnigne. Cela correspond une inflammation de la veine perfuse associe une thrombose locale. Elle se manifeste par une douleur locale, une inflammation cutane et sous-cutane priveineuse et par un cordon indur correspondant la veine thrombose. Les facteurs favorisant cette complication sont : le choix dune veine de petit calibre ; le choix dune veine au niveau des membres infrieurs ; le caractre irritant du liquide perfus ou des mdicaments injects. Le traitement repose sur le retrait de la perfusion et le choix dun autre site distance. On y associe souvent des pansements alcooliss ou des pommades antiinflammatoires.

Thrombose veineuse sur cathterIl sagit dune complication non exceptionnelle et dont la frquence est probablement sous-estime car la symptomatologie peut tre trs fruste. Les signes dorientation sont : douleur, dme, circulation collatrale dans le territoire damont, mauvais coulement de la perfusion, mauvais reflux veineux lors de labaissement du flacon sous le plan du lit. Le diagnostic est confirm par un examen doppler, associ une chographie, voire plus rarement actuellement une phlbographie. Les facteurs favorisants sont : la matire du cathter, le PVC tant beaucoup plus thrombogne que le silicone ou le polyurthanne ; la situation du cathter, le territoire cave infrieur semblant plus expos cette complication que le territoire cave suprieur ; les cathters laisss en fausse route ou trop courts dans le territoire cave suprieur ; 1939

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COMPLICATIONS DES ABORDS VEINEUX

la nature des produits perfuss, car le risque semble plus important avec certaines chimiothrapies ou produits trs hyperosmolaires. Une dilution de ces produits ou un rinage aprs leur perfusion peuvent jouer un rle prventif. Le traitement classique repose en premier lieu sur le retrait du cathter et la mise sous anticoagulants dose efficace. Les indications des fibrinolytiques en matire de thrombose veineuse sur cathter doivent tre discutes en cas de thrombose cave suprieure tendue.

Obstruction du cathterIl sagit dun incident assez frquent lors du cathtrisme de longue dure. Elle est bien sr due le plus souvent une thrombose intraluminale. Devant une telle constatation, il importe (1) surtout de ne pas essayer de dboucher le cathter en exerant une pression car il y a risque de rupture du cathter et migration dun fragment distal ; (2) de tenter de le dboucher laide durokinase. En cas dchec il faut changer le cathter. La prvention repose sur la surveillance du dbit de perfusion, le rinage de la ligne entre les diffrentes injections car il y a risque de prcipitation. En cas de fermeture du cathter, il importe de le purger avec du srum additionn ou non dhparine.

Complications infectieusesLa mise en place dun abord veineux met en communication la circulation sanguine avec le milieu extrieur, source de germes. Il sagit donc du principal risque des voies veineuses et ces complications doivent toujours tre redoutes.

Voies dabord priphriquesLes aiguilles mtalliques, en particulier les picrniennes, semblent moins exposes ce risque que les cathters courts. On peut expliquer cela par le caractre moins thrombogne des aiguilles mtalliques et aussi par leur dure de vie en place moins longue. Les infections sur canules ont habituellement une volution locale mais dans quelques cas rares, on peut observer une volution vers une thrombophlbite suppure pouvant tre responsable dune septicmie. Il faut alors explorer par examen doppler ou phlbographie tout laxe veineux et en plus dune antibiothrapie systmatique, prolonge et adapte, envisager une ligature de la veine en aval de linfection.

Infection sur cathterIl sagit l de la principale complication des cathters veineux centraux hormis celles lies la pose. Lincidence de cette complication est trs variable et comme elle dpend beaucoup de la dure du cathtrisme, il est devenu dusage de lexprimer par jour de cathtrisme. 1940

La frquence volue donc entre 0,3 et 36 pour 1 000 jours de cathtrisme. Quatre mcanismes dinfection peuvent tre identifis : la colonisation du cathter par lorifice cutan. Ce mcanisme semble prdominant en cas dinfection survenant dans les premiers jours (faute dasepsie lors de la pose ou des pansements !) ou en cas de forte colonisation cutane (ranimation) ; la colonisation des raccords le long de la ligne de perfusion. La prvention repose ici bien videmment sur la protection de ces raccords et leur isolement des zones colonises. Ce mode dinfection sobserve surtout lors du cathtrisme de longue dure ; la contamination hmatogne lors dune bactrimie. Cela est favoris par la prsence dune thrombose autour ou lextrmit du cathter ; le 4e mcanisme est plus rare car il sagit de la perfusion de liquide contamin. Les germes les plus frquemment rencontrs sont : le staphylocoque coagulase ngative ; le staphylocoque dor ; les streptocoques ; les bacilles gram-ngatifs, en particulier en ranimation ; les levures. Les facteurs favorisants sont : le sjour en ranimation en raison de la flore microbienne, souvent rsistante qui colonise le patient et parfois lunit dhospitalisation. Les nombreuses manipulations du cathter imposes par le caractre instable du patient aggravent considrablement le risque ; limmunodpression et en particulier les affections hmatologiques et VIH ; la dure de maintien du cathter ; le nombre de manipulations ncessitant une ouverture de la ligne ; le site de pose du cathter et (ou) encore la voie fmorale semble plus risque que la voie jugulaire, cette dernire semblant lgrement plus risque que la voie sous-clavire lorsque le cathter nest pas tunnellis. Le diagnostic doit tre voqu devant : des signes locaux : douleur, inflammation du lieu dmergence, coulement dun liquide louche, voire purulent ; des signes gnraux, fivre inexplique, accompagne ou non de frissons, hmocultures positives. Il sera confirm, dans lidal, par le retrait du cathter et la culture de son extrmit laide dune technique quantitative de Maki (lextrmit du cathter est roule sur de la glose) ou de Brun-Buisson (lextrmit du cathter est rince). Le rsultat est positif si lon observe respectivement plus de 15 CFU (colonies formant units) ou de 103 CFU/mL. Ces mthodes sont plus spcifiques que la simple culture en bouillon de lextrmit du cathter. Cependant, le retrait du cathter impose habituellement une nouvelle pose de cathter et donc dautres risques. Quoi quil en soit, il sagit de la mthode de rfrence appliquer en cas de doute ou de gravit de ltat du patient.

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Anesthsie Ranimation

Lautre mthode vise faire lconomie du retrait du cathter pour faire le diagnostic. Elle est base sur la pratique dhmocultures quantitatives prleves en priphrie et au travers du cathter. En cas dinfection sur cathter, le nombre de colonies est plus de 5 fois suprieur lorsque le prlvement est fait au travers du cathter par rapport au prlvement priphrique. Cette mthode a une spcificit de lordre de 100 % mais une sensibilit de 75 90 %. Elle semble dpister surtout les infections endoluminales qui, rappelons-le, sont surtout observes lors des cathtrismes de longue dure. Le diagnostic peut aussi tre fait par la culture de lintrieur de la chambre en cas dutilisation dun cathter site implantable. Cette culture se fait lors du retrait du cathter en cultivant le contenu du botier situ sous le septum de lintrieur de la chambre. La prvention des infections sur cathters est bien sr essentielle. Lors de la pose, on doit employer une asepsie chirurgicale car il sagit, rappelons-le, mme si cest une vidence, dun matriel tranger implant. Il faut donc utiliser une salle aseptique, loprateur doit tre entran et habill avec casaque, bonnet, masque et gants aprs lavage chirurgical des mains. La peau est aussi prpare avec antiseptique et des champs doivent recouvrir le patient. Le pansement est occlusif et chang selon des protocoles tablis lavance, adapts aux patients du service et valids. Cest pour cela que, afin de surveiller la peau et lorifice de ponction, certains utilisent des pansements transparents. La nature du cathter peut jouer, et de ce point de vue, le silicone et le polyurthanne semblent suprieurs au PVC ou au polythylne. La manipulation et surtout les ouvertures de ligne doivent tre rduites au maximum. En tout cas, toute manipulation doit se faire aprs un lavage soigneux des mains en portant un masque, des gants ou laide de compresses striles imprgnes dantiseptiques (technique no touch). Le traitement repose habituellement sur le retrait du cathter et une antibiothrapie adapte. Celle-ci est obligatoire en cas dinfection staphylocoque dor, levures ou certains bacilles gram-ngatifs. En cas de cathtrisme de longue dure (alimentation parentrale) la mthode du verrou local dantibiotique peut tre employe ; elle consiste purger le cathter pendant 12 h/j pendant 10 15 j laide dun verrou dantibiotiques adapts au germe une concentration gale 1 000 fois la concentration minimale inhibitrice (CMI). Cependant, cette technique ne peut tre propose quen centre spcialis. Dans les secteurs de ranimation, lorsque le cathter nest pas tunnellis, on peut proposer un changement de cathter sur guide, condition que lorifice dentre ne soit pas suspect. Le prcdent cathter est mis en culture et si cette dernire est positive, il importe alors de retirer le nouveau cathter et den placer un dans un autre site.

Points Forts retenir Les abords veineux ne sont pas dnus de complications et leurs indications doivent tre bien poses. Les principales complications sont dordre infectieux et il importe donc de les prvenir par une asepsie rigoureuse lors de la pose et de la manipulation du cathter. Les ouvertures de lignes doivent tre rduites au maximum et regroupes (maintien du systme clos). Un diagnostic prcoce dinfection sur cathter est essentiel et cette possibilit doit toujours tre envisage chez un patient porteur dun abord veineux profond. Tout cathter qui nest plus utilis doit tre retir. En cas de doute sur linfection dun cathter, lablation du cathter et la mise en culture de lextrmit doivent tre la rgle. Des rgles strictes de pose et une quipe entrane permettent de diminuer lincidence des complications immdiates, quelles soient mcaniques ou infectieuses.

POUR EN SAVOIR PLUSAlhomme P, Douard MC, Ardoin C, Le Queau F, Boudaoud S, Eurin B. Abords veineux percutans chez ladulte. Encycl Med Chir (Paris-France), Anesthsie-Ranimation, 36-740-A-10, 1995, 21 p. Blot F, Brun-Buisson Ch. Infections associes aux cathters centraux : analyse critique des mthodes diagnostiques. Lettre Infectiologue 1996 ; XI : 286-90. Douard MC. Moyens diagnostiques des infections lies aux cathters (ILC) en ranimation. Peut-on faire le diagnostic dune ILC, cathter en place ? Rean Urg 1994 ; 3 : 347-53. Douard MC, Ardoin C, Payri L, Tarot JP. Complications infectieuses des dispositifs intraveineux de longue dure : incidence, facteurs de risque, moyens diagnostiques. Pathol Biol 1999 ; 47 : 288-91. Douard MC, Jacob L. Infections lies aux cathters. In : Pourriat JL, Martin C. Principes de Ranimation Chirurgicale. Paris : Arnette Blackwell, 1995 : 821-9. Messing B, Thuillier F, Alain S et al. Traitement par verrou local dantibiotique des infections bactriennes lies aux cathters centraux en nutrition parentrale. Nutr Clin Metab 1991 ; 5 : 105-12. Nitenberg G. Stratgie thrapeutique face une suspicion dinfection lie au cathter en ranimation. Rean Urg 1994 ; 3 : 401-7.

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COMPLICATIONS DES ABORDS VEINEUX

POUR APPROFONDIRTunnellisationCette mthode consiste donner au cathter un trajet sous-cutan de plusieurs centimtres avant la pntration veineuse. Cela a pour but de faire sortir le cathter un endroit moins colonis et plus confortable pour le patient. Cette technique est surtout employe en cas de cathtrisme de longue dure, jugulaire interne, axillaire ou fmorale. cela fait, on retire le dilatateur et on laisse lintroducteur qui doit donc tre dans la lumire vasculaire. Cest au travers de ce dernier que le cathter devant tre mis en place sera introduit ; il faut, lors de ces manuvres, faire attention au risque dembolie gazeuse car un introducteur peut permettre lentre dun grand dbit dair ; certains introducteurs (Dsilet) sont pelables , cest--dire quils peuvent se fendre dans le sens de la longueur et ainsi tre retirs du cathter introduit.

Cathter manchon Il sagit de manchon entourant le cathter lors de son trajet souscutan. Celui-ci est constitu dune matire qui est envahie par des cellules sous-cutanes. Le cathter est donc bien fix malgr son mergence cutane. Pour le retirer, il faut pratiquer une incision et librer les tissus autour du manchon.

Dbouchage dun cathter obstru par une thromboseNe pas essayer de forcer en exerant une pression car il y a risque de rupture du cathter. Mettre au contact du thrombus une solution durokinase 5 000 UI/mL laide dune petite seringue en faisant attention ne pas pousser trop fort et en privilgiant les manuvres daspiration. On obtient ainsi assez souvent la lyse du caillot en quelques minutes ou quelques heures. Aprs 24 h, il faut considrer que cest un chec.

Cathter chambre ou site implantableIl sagit dun cathter totalement implant comportant son extrmit proximale en sous-cutan une chambre . Celle-ci comprend un botier dont la lumire est relie celle du cathter. Ce botier est ferm en superficie par une membrane appele aussi septum. Celle-ci est en silicone, circulaire, et a un diamtre et une paisseur de quelques millimtres. Lors de lutilisation, la membrane est ponctionne au travers de la peau laide dune aiguille spciale et lon a ainsi accs la lumire de la chambre et du cathter. Aprs retrait de laiguille, llasticit de la membrane permet une fermeture du trou d la ponction de laiguille.

Culture dun cathter pour diagnostic dune infectionLe premier temps consiste retirer de faon aseptique le cathter et couper son extrmit. Dans la technique dcrite par Maki : lextrmit est roule sur de la glose. Le cathter est considr comme infect si lon a plus de 15 CFU (colony-forming unit). Cette mthode explore surtout lextension du cathter. Dans la technique dcrite par Brun-Buisson, lextrmit du cathter est place dans un tube et vortexe (mthode dagitation). Le liquide de lavage recueilli est cultiv. Le cathter est considr comme infect si lon obtient plus de 103 CFU. Cette mthode est plus performante car elle explore intrieur et extrieur du cathter. Une autre solution, opposable ces mthodes qui ncessitent le retrait du cathter, est la pratique dhmocultures quantitatives par prise de sang en priphrie et au travers du cathter. Le rsultat est positif si lon obtient plus de 5 fois plus de colonies par la culture au travers du cathter par rapport la culture priphrique. La spcificit de cette mthode est de 100 % mais sa sensibilit nest que de 75 90 %. La mthode des hmocultures quantitatives a lavantage de ne pas retirer le cathter pour faire le diagnostic, mais sa moindre sensibilit et son cot reprsentent ses limites. De plus, elle explore surtout les infections endoluminales.

Mthode de SeldingerCette mthode dintroduction des cathters consiste : ponctionner un vaisseau laide dune aiguille de moyen calibre et rechercher un reflux sanguin ; celui-ci tant obtenu et franc, on introduit au travers de laiguille un guide mtallique spiral, souple surtout son extrmit distale. Ce guide est pouss dans le vaisseau sur plusieurs centimtres (4 10 en moyenne) ; puis laiguille est retire en laissant le guide mtallique ; le quatrime temps consiste introduire autour du guide un ensemble constitu dun dilatateur gain de lintroducteur. Le dilatateur est conique et cela lui permet (avec ventuellement une petite incision cutane au bistouri) de progresser dans la lumire du vaisseau jusqu y amener lintroducteur ;

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Anesthsie Ranimation B 130

Hypothermie accidentelleDiagnostic, traitementDR Paul BONNEIL, PR Daniel MATHIEUService durgence respiratoire, de ranimation mdicale et de mdecine hyperbare, hpital Calmette, CHRU, 59037 Lille Cedex.

Points Forts comprendre Lhypothermie accidentelle est dfinie par la baisse de la temprature centrale au-dessous de 35 C. Elle rsulte dune insuffisance des mcanismes de compensation par rapport la dperdition thermique lie lexposition au froid. Les perturbations des diffrentes fonctions physiologiques de lorganisme dpendent de lintensit de lhypothermie : lgre (32,2 35 C), modre (28 32,2 C) ou svre (< 28 C). Sa survenue dpend de facteurs qui vont diminuer la production de chaleur, augmenter les pertes de chaleur ou perturber les systmes thermorgulateurs. Il sagit dune affection rare mais souvent mconnue par dfaut de moyens de mesure adapts. Lhypothermie profonde est une pathologie grave (60 90 % de dcs) dont latteinte cardiaque est le principal facteur pronostique.

soit thermistance rapide, soit thermocouple qui, une fois en place, permettent une mesure en continu de la temprature. Les systmes de mesure de temprature par thermographie infrarouges nont pas t valus en hypothermie.

Hypothermie lgre (> 32,2 C)La dpression du systme nerveux central est linaire avec la diminution de la temprature. Le patient est conscient mais prsente des phases damnsie, dapathie et (ou) de dysarthrie. Il prsente des troubles du jugement et semble mal adapt la situation prsente. Les rflexes ostotendineux sont vifs. La pression artrielle et la frquence cardiaque sont leves. La vasoconstriction se traduit par des tguments qui sont froids, ples avec horripilation. Le patient est tachypnique mais lampliation thoracique est diminue. Lauscultation met en vidence un encombrement bronchique, associ ou non un bronchospasme. On observe une polyurie avec une dysurie. Les frissons sont prsents uniquement ce stade.

Hypothermie modre (entre 28 et 32,2 C)Les signes neurologiques sont caractriss par une bradypsychie avec troubles des fonctions suprieures et dysarthrie. Les troubles de la vigilance vont de la simple obnubilation au coma. Les rflexes ostotendineux sont diminus et il existe une hypertonie musculaire associe de fines trmulations diffuses remplaant les frissons. Les pupilles commencent se dilater et le rflexe photomoteur disparat. Les tguments sont glacs, parfois cyanoss. Il ny a jamais de marbrures en labsence de collapsus cardiovasculaire associ. La frquence cardiaque est constamment ralentie, rendant la mesure de la pression artrielle au brassard semi-automatique difficile voire impossible (intrt de mesurer la pression artrielle par voie sanglante). La pression artrielle et la diurse sont diminues. Llectrocardiogramme montre le plus souvent une bradycardie sinusale avec allongement des espaces PR et QT, mais des troubles du rythme sont possibles, en particulier une fibrillation auriculaire. La morphologie du QRS peut tre modifie par la prsence de londe J dOsborn situe la jonction entre le ventriculogramme et le segment ST. Le risque majeur est la survenue dune fibrillation ventriculaire, surtout partir de 28 C. 2039

Signes cliniquesMesure de la tempratureLa mesure de la temprature centrale est un problme important. En effet, la dperdition de chaleur nest pas homogne et le choix du site de mesure est fondamental. Lidal serait de mesurer la temprature de lhypothalamus, ce qui, en pratique, est impossible. Les sites de mesure de rfrence sont le tiers infrieur de lsophage et lartre pulmonaire. ce niveau, la temprature est proche de celle du cerveau et gale celle du cur. La membrane tympanique est frquemment utilise en pdiatrie. La vessie, le rectum, laisselle et le nasopharynx noffrent pas de mesures fiables dans le cadre dune hypothermie. La temprature doit au minimum tre surveille sur 2 sites. Les thermomtres habituels ne mesurent pas les tempratures basses et il faut utiliser des thermomtres hypothermiques allant jusqu 15 C. Dans les services de ranimation on utilise des thermomtres lectriques,

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HYPOTHERMIE ACCIDENTELLE

Le volume courant et la frquence respiratoire sont diminus. Les scrtions tracho-bronchiques sont abondantes. Les troubles de la conscience et la diminution des rflexes pharyngo-laryngs sont responsables dinhalations.

Hypothermie svre (< 28 C)Le patient est dans le coma. partir de 25 C, il peut tre en apne. Les complexes QRS sont larges et le risque de fibrillation ventriculaire est majeur. Lhypothermie svre est insensible la cardioversion et la lidocane tant que la temprature nest pas au moins gale 28 C. Elle est favorise par les troubles acidobasiques, lhypoxmie ou toute stimulation mcanique. Le cathtrisme central ou cardiaque droit est formellement contre-indiqu ce stade dhypothermie. En dessous de 20 C, le patient peut tre en tat de mort apparente avec un trac lectroencphalographique plat, ce qui ne doit pas modifier la dcision de poursuite de la ranimation. En effet, des survies sont dcrites dans la littrature mdicale et le dcs mdico-lgal par arrt cardiorespiratoire doit tre dclar en normothermie.

est primordiale. Les premires mesures doivent limiter les dperditions caloriques en soustrayant le patient dun environnement froid et en enlevant tous les vtements mouills. Ensuite, il est envelopp dans une couverture chaude ou isothermique. Loxygnothrapie est systmatique, soit par voie nasale, soit aprs intubation endotrachale si ltat de conscience est altr. Elle peut permettre un rchauffement des gaz inhals par un parachute thermique sur les lieux de laccident. Le malade doit rapidement tre surveill par un lectrocardioscope. Sil est en arrt cardiorespiratoire, la ranimation doit tre entreprise immdiatement et poursuivie longtemps. La voie dabord veineuse est si possible priphrique. Elle permet dadministrer des soluts cristallodes rchauffs. Cette expansion volmique doit tre prudente car la dfaillance myocardique est souvent dj prsente ce stade. Le malade sera ensuite transfr vers un centre hospitalier disposant dun service de ranimation pouvant mettre en uvre une circulation extracorporelle.

En centre hospitalierAu centre hospitalier, le rchauffement du patient est la premire urgence. En cas de lsions associes, lurgence vitale est de rtablir rapidement une normothermie afin de les traiter dans de bonnes conditions. Il existe 3 types de rchauffement : externe passif, externe actif et interne actif (fig. 1). Quelle que soit la mthode utilise, la surveillance du patient doit tre optimale car le rchauffement est souvent accompagn de complications type de troubles du rythme, de collapsus cardiovasculaire par vasodilatation priphrique et daggravation secondaire de lhypothermie par le mcanisme de lafterdrop (aggravation de lhypothermie aprs le dbut du rchauffement).

Prise en charge thrapeutiqueTraitement symptomatiqueLa diminution du mtabolisme hpatique et de lexcrtion rnale ainsi que laugmentation de la liaison aux protines plasmatiques des agents pharmacologiques en hypothermie favorisent le risque de toxicit. Il faut donc rduire les interventions pharmacologiques au strict ncessaire. Tout collapsus cardiovasculaire doit bnficier dun remplissage vasculaire modr avec des cristallodes. Si la pression artrielle nest pas rapidement restaure, de faibles doses de dopamine (3 5g/kg/min) peuvent tre utilises. Un remplissage vasculaire excessif risque dtre mal tolr par un myocarde dont la fonction inotrope est altre. La dobutamine est plus arythmogne que la dopamine. La fibrillation auriculaire ne ncessite pas dintervention thrapeutique. Les troubles de la conscience et lhypoxmie peuvent justifier une intubation endotrachale et une ventilation mcanique. Elle naugmente pas lincidence de fibrillation ventriculaire dans les hypothermies svres. Celle-ci doit tre adapte laide de gaz du sang artriel frquents. Lhyperglycmie initiale par diminution de la scrtion dinsuline et glycognolyse ne doit pas tre traite car le risque dhypoglycmie secondaire est important.

1. Le rchauffement externe passifCest la mthode de choix pour les patients atteints dhypothermie lgre sans antcdents particuliers. Ils sont placs dans un environnement chaud afin de limiter toute nouvelle perte de chaleur par radiation, conduction, convection et vaporation. Le rchauffement se fait par la thermogense propre des patients. Cette mthode ninduit quun rchauffement lent, la temprature centrale naugmente que de 0,5 1 C par heure mais elle a lavantage de ne pas induire dhypotension artrielle.

2. Le rchauffement externe actifIl assure un transfert de chaleur par convection partir dune source dnergie (matelas et couvertures chauffantes, lampes radiantes) vers la peau du patient. Cette mthode induit un rchauffement plus rapide permettant daugmenter la temprature centrale de 1 2 C par heure. En revanche, elle est potentiellement plus dangereuse. Outre le risque de brlures, elle saccompagne dune vasodilatation cutane responsable dune diminution de la pression artrielle et des rsistances artrielles systmiques qui doit tre corrige. On peut observer,

Sur les lieux de laccidentLe traitement le plus efficace est le traitement prventif. Les sujets risque dhypothermie doivent se munir dquipement de survie isolants et observer les rgles de scurit. La qualit de la prise en charge prhospitalire 2040

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Anesthsie Ranimation

non

Arrt cardiorespiratoire

oui La circulation extracorporelle est-elle disponible ? oui non Ranimation cardiorespiratoire associe toutes les mthodes de rchauffement internes et externes

Temprature centrale > 32 C

Temprature centrale < 32 C

Rchauffer jusqu 32 C au moins

Prsence dinstabilit hmodynamique chec de rchauffement externe passif Prsence de facteurs de risques dhypothermie

Rchauffement passif externe

Rchauffement actif interne seul ou en association avec un rchauffement externe du tronc

1 Quel mode de rchauffement choisir ? Daprs Danzl et Pozos. la phase initiale du rchauffement, une diminution de la temprature centrale lie la redistribution du sang du compartiment priphrique hypotherme vers le noyau central (afterdrop). Ce phnomne saccompagne dune diminution de la temprature cardiaque favorisant les troubles du rythme. Il peut tre diminu lorsquon limite le rchauffement actif externe au tronc. Cette mthode ne doit tre applique que prudemment, sous surveillance troite, en complment de la premire si ltat hmodynamique est instable, si la temprature est infrieure 32 C ou si les mcanismes de rgulation de lhomothermie risquent dtre inefficaces. permet de limiter les pertes de chaleur supplmentaires par les voies ariennes et doit sassocier aux autres techniques de rchauffement. Ladministration de soluts rchauffs ncessite des volumes importants pour tre efficace. Ce nest donc pas la technique de rchauffement interne actif utiliser car la dfaillance myocardique est constante dans les hypothermies svres. Elle est intressante lorsque ltat hmodynamique du patient ncessite un remplissage vasculaire. La dialyse pritonale par des soluts cristallodes rchauffs entre 40 45 C est une mthode efficace. Elle permet un rchauffement de la temprature centrale de 2 4 C par heure. Elle est facilite par la mise en place de 2 cathters, lun pour les entres et lautre pour les sorties. Le dbit de solut est de lordre de 4 6 L/h. Cette technique offre lavantage, en ajustant les bains de dialyse, de corriger les dsordres hydrolectrolytiques. Le rchauffement direct du foie facilite la reprise du mtabolisme hpatique et limite le risque de dsordres mtaboliques en phase de rchauffement. 2041

3. Le rchauffement interne actifIl consiste rchauffer en premier le noyau. Une multitude de moyens de rchauffement ont t utiliss. Linsufflation dair ou doxygne, humidifis et rchauffs, est une mthode modrment efficace (1 2 C par heure) mais non invasive et simple lorsque le patient a bnfici dune intubation endotrachale pour hypoxmie ou trouble de la conscience. Elle

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HYPOTHERMIE ACCIDENTELLE

Lirrigation pleurale thorax ferm par du srum rchauff entre 40 et 42 C est une technique efficace mais dont le risque iatrognique est important. Les techniques dirrigations gastriques, coliques ou sophagiennes sont peu efficaces car les surfaces dchanges thermiques ne sont pas suffisamment tendues. Les circulations extracorporelles (hmodialyse, oxygnation extracorporelle) sont les mthodes de rchauffement actif interne qui induisent le rchauffement le plus rapide lors des hypothermies svres. Bien quil ny ait pas dtude affirmant sa supriorit, loxygnation extracorporelle permet de rchauffer le compartiment central de 3 5 C toutes les 5 min pour un dbit fmoral de 2 3 L/min. Le dbit peut tre augment jusqu 6 7 L/min. La vitesse de correction de lhypothermie svre nest pas consensuelle, une dure de 2 h parat raisonnable. Sous circulation extracorporelle, le rchauffement de la temprature centrale jusqu ce que la fibrillation ventriculaire redevienne sensible la dfibrillation est sans risque pour le patient. Elle permet doptimiser le niveau doxygnation. Le risque principal est dordre hmorragique, car les risques lis lhparinothrapie ncessaire la circulation extracorporelle sajoutent la thrombopnie et la coagulopathie induite par lhypothermie. La voie dabord est la thoracotomie car la sternotomie saccompagne dun risque important de dcompensation cardiaque et de fibrillation ventriculaire. Cette technique peut tre utilise sur des patients en arrt cardiorespiratoire. Dans ce cas, le rchauffement extracorporel veino-veineux ou artrio-veineux peut tre indiqu.

Points Forts retenir Lhypothermie accidentelle est dfinie par la baisse de la temprature centrale au-dessous de 35 C. Lhypothermie modifie toutes les grandes fonctions physiologiques de lorganisme, mais son pronostic dpend de latteinte cardiovasculaire. Le risque vital majeur est la survenue dune fibrillation ventriculaire. Elle est rfractaire la dfibrillation tant que la temprature centrale nest pas au moins gale 28 C. Devant un arrt cardiorespiratoire sur un patient en hypothermie profonde, la ranimation doit tre effectue de faon prolonge. La correction dun collapsus cardiovasculaire par hypovolmie doit tre trs prudente car une insuffisance myocardique associe est quasi constante. La correction des dsordres acido-mtaboliques doit tenir compte de lhypothermie. Les interventions pharmacologiques doivent tre limites au strict ncessaire du fait de laltration des grandes fonctions vitales.

POUR EN SAVOIR PLUSMantz J et al. Hypothermie accidentelle. Confrences dactualisation de la SFAR, 1997.

PronosticLa mortalit globale des hypothermies accidentelles est de 60 90 %. Peu dindicateurs cliniques, biologiques ou volutifs peuvent servir de facteur pronostique. Ce dernier dpend essentiellement de lorigine des hypothermies et du terrain des patients. Lorsque la rgulation de lhomothermie est conserve, la mortalit est de 7 % alors quelle est de 75 % lorsquelle est altre. Les hypothermies entrant dans le cadre des intoxications ont un bon pronostic. Ce dernier dpend aussi de la profondeur de lhypothermie, il seffondre lorsque la temprature centrale est infrieure 26 C. Cette pathologie est seme de piges diagnostiques. La persistance dune tachycardie disproportionne par rapport la temprature centrale doit faire rechercher une hypovolmie, une hypoglycmie ou une ingestion de toxique. Un coma persistant malgr la correction de lhypothermie peut tre rvlateur dune origine infectieuse, traumatique, neurologique ou toxique. Une dyspne persistante doit faire rechercher une acidose mtabolique ou une cause neurologique, alors quune arflexie persistante peut correspondre une lsion mdullaire. Enfin, un lectroencphalogramme plat non en rapport avec la profondeur de lhypothermie est vocateur dune prise de toxique. s 2042

POUR APPROFONDIRCauses dhypothermies (daprs Danzl et Pozos)1. Diminution de la production de chaleur Endocrinopathies : hypothyrodie, hypopituitarisme, hypocorticisme. Carence nergtique : hypoglycmie, malnutrition, ges extrmes 2. Anomalies de la thermorgulation Systme nerveux priphrique : neuropathies, diabte, compression mdullaire. Systme nerveux central : accident vasculaire crbral, traumatisme crnien grave, pathologies noplasiques ou dgnratives. Pathologies mtaboliques : causes pharmacologiques (anesthsie, curarisation), causes mtaboliques, causes toxiques. 3. Augmentation de la perte de chaleur

Due la vasodilatation : toxique, pharmacologique. Causes dermatologiques : brlures, dermatoses bulleuses tendues. Causes iatrogniques : exposition au froid (intervention chirurgicale prolonge), perfusion de quantits massives de soluts non rchauffs, transfusions massives. Causes environnementales : exposition au froid, noyade, avalanche 4. Lies des tats cliniques sous-jacents

Polytraumatiss, tat de choc, pathologies cardiopulmonaires, acidoses, tats septiques graves (bactriens, viraux ou parasitaires), pancratite aigu, insuffisance rnale chronique, carcinomatose.

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Anesthsie Ranimation

POUR APPROFONDIR (SUITE)Physiopathologie

Exposition au froidThermorgulation Lhomme est un mammifre homotherme : la temprature de ses principaux organes est normalement constante. Le maintien trs prcis de la temprature de notre corps 37 C nest valable que pour la partie centrale du corps. Lenveloppe priphrique est pokilotherme, sa temprature est en fonction de sa surface et de lenvironnement. Ces phnomnes ncessitent des mcanismes de rgulation thermique. Le bilan calorique dun sujet au repos est nul : la thermolyse est parfaitement compense par la thermogense. Il sagit dun paramtre trs finement rgul puisque lcart entre les seuils de thermogense et de thermolyse est de 0,5 C. La production de chaleur se fait par un mcanisme bien prcis : le mtabolisme des glucides, des protides et des lipides qui sont les 3 composants principaux de notre alimentation. Le mtabolisme de base produit environ 45 W/m2/h-1 (100 kcal.h-1), dont 20 % par le tube digestif et le foie, 20 % par les muscles squelettiques, 18 % par le cerveau et 13 % par le cur. leffort, la production et la rpartition de chaleur varient de faon considrable: la thermogense est multiplie par 3 lors de la marche, par 2 5 lors du frisson et par 10 15 lors dun effort violent. Lhypothermie rduit le mtabolisme de base denviron 8 % par degr. La thermogense est souvent exprime en termes de consommation en oxygne (VO2) car il existe un quivalent calorique de loxygne, gal 4,5 kcal/L doxygne pour les protines, 4,7 pour les graisses et 5 pour les hydrates de carbone. La thermolyse correspond aux mcanismes mis en jeu lors des pertes de chaleur. La conduction est lchange de chaleur se faisant entre 2 solides par contact direct. Elle est proportionnelle la surface de contact avec un coefficient variable dun solide lautre. Elle est trs importante dans leau ou la conduction thermique est 32 fois suprieure celle de lair. La convection correspond la perte de chaleur entre la surface cutane et lair environnant. Elle est proportionnelle la surface dchange, la vitesse du fluide et un coefficient dpendant de la nature du fluide. La radiation est lchange de chaleur par lintermdiaire de photons, avec une prpondrance dans linfrarouge. Lchange est proportionnel la surface. Lvaporation consomme une quantit de chaleur ; ce phnomne est mis en jeu lors de lvaporation de la sueur et lors de lhumidification de lair inhal par les voies ariennes. Il est important lorsque le patient porte des vtements mouills dans une atmosphre bien ventile. En pratique, les pertes de chaleur se rpartissent pour 3 % par conduction, 15 % par convection, 60 % par radiation et 22 % par vaporation. Les pertes transcutanes avoisinent 90 % de la thermolyse. Elles sont modules par lpaisseur du tissu adipeux, la couche de sbum et les vtements. La thermorgulation ncessite des thermorcepteurs, des centres de rgulation, des mcanismes effecteurs et des voies nerveuses affrentes et effrentes les reliant entre eux (fig. 2). On distingue des thermorcepteurs priphriques et centraux. Les premiers sont cutano-muqueux et sont sensibles la fois la valeur absolue et aux variations de temprature. Les rcepteurs centraux sont situs dans lhypothalamus, dans le tronc crbral, dans la moelle pinire et dans le territoire vasculaire. Les centres de rgulation sont situs au niveau de lhypothalamus. Ils intgrent les informations venant des thermorcepteurs sous formes de temprature corporelle moyenne mais le poids relatif de ces informations varie selon le territoire : celles provenant du noyau central reprsentent 80 %. Lhypothalamus antrieur rgule la thermo-

Thermorcepteurs cutans

Temprature sanguine

Voie spinothalamique

Rflexe direct de vasoconstriction

Centre thermorgulateur hypothalamus antrieur

Frisson

Rponse hormonale retarde

Rponse systme nerveux automome (immdiate)

Stimulation extrapyramidale des muscles squelettiques

Adaptation comportementale

2 Physiologie de lexposition au froid.gense et lhypothalamus postrieur la thermolyse. La sensation de confort thermique dpend des informations provenant des effecteurs priphriques. Les mcanismes effecteurs tendent maintenir la temprature corporelle constante. Le frisson chez lhomme adulte est le seul mcanisme de thermogense important en dehors des modifications comportementales. Il augmente la production de chaleur dun facteur allant de 2 5. La vasomotricit cutane permet de moduler les changes par convection entre la peau et les milieux qui lentourent. Cest un moyen de rgulation particulirement intressant car dun faible cot nergtique. La vasomotricit musculaire du compartiment priphrique permet de limiter lessentiel de la production de chaleur au seul compartiment central . La sudation est le seul moyen de lutte contre lhyperthermie. La sensibilit au froid est vhicule par les fibres A- alors que la sensibilit au chaud est vhicule par les fibres C non mylinises (voie de la douleur). Les voies ascendantes empruntent le faisceau spino-thalamique mais de faon non exclusive. Les voies effrentes utilisent la voie motrice extrapyramidale jusquaux muscles squelettiques, le systme parasympathique cholinergique jusquaux glandes sudoripares et le systme sympathique noradrnergique jusquaux vaisseaux. Chez lhomme, la rponse au froid saccompagne dune hyperactivit du systme sympathique et dune scrtion catcholaminergique qui facilitent le frisson et accompagnent la rponse celui-ci, quelle soit circulatoire, ventilatoire ou nergtique. Chez le nouveau-n, la lipolyse de la graisse brune sous leffet des catcholamines est une source de thermogense sans frisson. Les hormones thyrodiennes et surrnales sont impliques dans la thermogense, mais elles agissent surtout dans les phnomnes dadaptation chronique.

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HYPOTHERMIE ACCIDENTELLE

POUR APPROFONDIR (SUITE)Modifications physiologiques dues lhypothermie Lhypothermie modifie toutes les grandes fonctions de lorganisme. Elle perturbe aussi bien le mtabolisme de base que le systme cardiovasculaire, le systme nerveux central, le systme respiratoire, la coagulation ou le milieu intrieur. Mais cest son atteinte cardiaque qui conditionne le pronostic. Mtabolisme de base Lhypothermie diminue le mtabolisme de base de 50 % 28 C, avec paralllement une baisse de la VO2, de la VCO2 et du quotient respiratoire. En consquence, lhypothermie pourrait rduire le mtabolisme anarobie et lacidose lactique qui en dcoule, mme de faibles valeurs de transport en oxygne. Ce phnomne serait lorigine de leffet protecteur de lhypothermie, notamment au niveau des cellules crbrales. Systme cardiovasculaire Lors dune hypothermie lgre, la mise en jeu des mcanismes thermorgulateurs induit une augmentation de la frquence et du dbit cardiaque avec paralllement une vasoconstriction. La pression artrielle est lgrement augmente. Lorsque lhypothermie est plus profonde, ces mcanismes sont dpasss et on observe une bradycardie avec prolongement de la systole, une baisse du dbit cardiaque et une vasodilatation partir de 28 C. La fonction inotrope du ventricule gauche est altre par une diminution de sa compliance et une augmentation de la viscosit sanguine. Lensemble de ces facteurs prennent part dans la diminution de la pression artrielle. Mais limportante diminution de lindex cardiaque nest pas toujours contemporaine dune insuffisance circulatoire car celui-ci est adapt aux besoins priphriques (diffrence artrio-veineuse en oxygne et lactatmie normales). Cest lors du rchauffement que cet quilibre prcaire peut tre perturb et que ltat de choc peut apparatre. Lhypothermie induit des altrations du fonctionnement des canaux ioniques membranaires qui provoquent un allongement des phases de dpolarisation et de repolarisation ventriculaires. Sa traduction au niveau de llectrocardiogramme de surface est un allongement de lespace QT puis, pour des hypothermies profondes, de lespace PR et du QRS. Mais la modification la plus vocatrice (mais non pathognomonique) est londe J dOsborn, dflexion positive apparaissant la jonction du QRS et du segment ST. Enfin, le seuil arythmogne ventriculaire diminue avec la temprature corporelle, entranant un risque majeur de fibrillation ventriculaire faisant toute la gravit de lhypothermie profonde. Systme nerveux central Lhypothermie diminue le mtabolisme crbral de faon linaire. Elle induit une perte de lautorgulation crbrale et une rduction du dbit sanguin crbral. Lorsquelle est modre (34 C), elle a un effet protecteur crbral vis--vis de lischmie par diminution du mtabolisme crbral et diminution de la libration de mdiateurs impliqus dans la toxicit neuronale. Ces lments doivent toujours tre pris en compte lors de la ranimation dun patient hypotherme ayant une inefficacit circulatoire. Llectroencphalogramme est marqu par un retentissement de lactivit crbrale avec apparition dondes lentes. Le trac devient isolectrique aux environs de 20 C. Au niveau du systme nerveux priphrique, on observe une diminution des vitesses de conduction, rversible lors du rchauffement. Systme respiratoire Paralllement la diminution de la VO2, on observe une diminution de la ventilation alvolaire la fois sur le volume courant et la frquence respiratoire. La rponse ventilatoire au CO2 et lhypoxmie est diminue. Lhypothermie induit une diminution de lactivit mucociliaire associe une diminution du rflexe de toux, voire des rflexes protecteurs pharyngo-laryngs. Ceux-ci expliquent la frquence des encombrements bronchiques, des pneumopathies et des atlectasies rencontrs dans cette pathologie. Lhypothermie diminue loxygnation tissulaire. Tout comme lalcalose ou lhypocapnie, elle dplace la courbe de dissociation de lhmoglobine vers la gauche. 27 C, la saturation de lhmoglobine en oxygne est de 100 % alors que la pression partielle en oxygne est de 59 mmHg. La vasoconstriction priphrique, les anomalies du rapport ventilation/perfusion et lhyperviscosit sanguine majorent ce phnomne. En hypothermie, linterprtation des gaz du sang artriel est difficile. Lorsque le sang se refroidit, le pH et la pression partielle en CO2 (PaCO2) diminuent. Cest un effet direct de la temprature sur la dissociation des ions H+ et la pression des gaz en solution aqueuse. Un pH 7,4 et une PaCO2 40 mmHg 37 C sont quivalents sur le plan physiologique un pH 7,5 et une PaCO2 30 mmHg 30 C. Maintenir un pH et une PaCO2 physiologique, chez un patient hypotherme, induirait une relative acidose respiratoire et un dfaut de dlivrance tissulaire en oxygne par dplacement vers la gauche de la courbe de dissociation de lhmoglobine (lie lhypocapnie relative). La correction des anomalies de lquilibre acido-basique doit tre progressive car les systmes tampons rnaux et respiratoires deviennent plus efficaces avec le retour la normothermie. Milieu intrieur Lacidose mtabolique est lie la production de lactates partir du frisson, de la diminution de loxygnation tissulaire, de la baisse du mtabolisme hpatique et de la diminution de lexcrtion rnale des acides. des tempratures infrieures 32 C, un ilus avec constitution dun 3e secteur est frquemment observ. La pose dun cathter vsical et dune sonde gastrique est indispensable. Lhmatocrite augmente de 2 % avec la perte de chaque degr Celsius. Lhmoconcentration est associe une hyperhydratation intracellulaire. Les modifications lectrolytiques et hmatologiques ne sont pas prvisibles lors du rchauffement. En gnral, on observe une hyperglycmie par inhibition de la scrtion dinsuline et glycognolyse hpatique mais il faut toujours liminer une dcompensation acido-ctosique dun diabte ou une pancratite aigu. Lhypothermie masque les modifications lectrocardiographiques en normothermie des variations du pool potassique. Elle peut induire une hypokalimie dont la supplmentation systmatique est dangereuse chez un patient en acidose mtabolique et risque dinsuffisance rnale anurique. Lhypothermie saccompagne dune rduction de la filtration glomrulaire par vasoconstriction de lartriole affrente et par laugmentation de la viscosit sanguine. Dans lhypothermie modre, la rabsorption deau et dlectrolytes au niveau du tubule distal est diminue alors que dans lhypothermie svre apparat une oligo-anurie. Les amylases plasmatiques et urinaires sont frquemment augmentes sans que lon retrouve ncessairement des signes cliniques ou radiologiques de pancratite aigu. Coagulation Bien que les taux de facteurs de coagulation restent normaux, lhypothermie saccompagne dune coagulopathie. La diminution de la temprature inhibe directement les ractions enzymatiques de la cascade de coagulation. La fonction plaquettaire est altre car la production de thromboxane A2 dpend de la temprature. Cette thrombopathie aggrave la thrombopnie induite par la squestration splnique et laltration des capacits rgnratrices de la moelle

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Anesthsie-Ranimation B 288

PolytraumatismeConduite tenir sur les lieux de laccidentDR Philippe MARCHAL, PR Pierre CARLIDpartement d'anesthsie-ranimation, SAMU de Paris, hpital Necker, 75743 Paris cedex 15

Points Forts comprendre Le polytraumatis est un bless grave, atteint de plusieurs lsions dont une au moins met en jeu court terme le pronostic vital. En France, c'est le plus souvent la victime d'un accident de la voie publique ou du travail. La prise en charge du polytraumatis est complexe par l'intrication des lsions qui gnent la dmarche diagnostique et potentialisent la gravit. Les objectifs de la conduite tenir sur les lieux de l'accident sont : - de suppler les fonctions vitales dfaillantes, vitant ainsi l'aggravation des lsions initiales ; - de diagnostiquer les lsions dont la prise en charge est prioritaire ; - d'orienter le bless en fonction de ces priorits vers l'hpital et le service adapt

titude de l'axe tte-cou-tronc, surtout si le bless est inconscient ou se plaint d'une douleur rachidienne. Si une dsincarcration est ncessaire elle est effectue sous contrle mdical.

Ranimation initialeUne valuation rapide et une ranimation immdiate, orientes vers l'atteinte des grandes fonctions vitales, sont les points essentiels de la prise en charge prhospitalire.

1. Arrt cardiorespiratoire d'embleIl impose la ralisation immdiate des squences classiques de ranimation cardiorespiratoire de base puis spcialise. L'arrt cardiorespiratoire peut tre la consquence d'une atteinte respiratoire, circulatoire ou neurologique (dveloppe ci-dessous) et donc bnficier en plus du traitement symptomatique d'une thrapeutique vise tiologique. En rgle gnrale, l'arrt cardiaque initial est de trs mauvais pronostic ; cependant, grce une ranimation prhospitalire par des mdecins la survie est possible.

E n France, les polytraumatismes sont principalementdus des accidents de la voie publique ou du travail. Dans la majorit des cas il s'agit de traumatismes ferms. l'inverse, aux Etats-Unis, les traumatismes pntrants lis la violence (armes feu, armes blanches) sont les plus frquents et constituent la premire cause de mortalit des sujets jeunes. En France, les blesss polytraumatiss bnficient d'une prise en charge mdicalise sur les lieux mmes de l'accident. Elle est ralise par une quipe du Service dAide Mdicale Urgence (SAMU).

2. Ranimation respiratoireLa dtresse respiratoire doit tre prise en charge en premier. Elle est souvent de diagnostic facile devant une anomalie vidente de la frquence ou de l'amplitude respiratoire. Cependant la cyanose est rare en raison de l'anmie aigu souvent associe. Lorsqu'elle est possible la mesure de la SpO2 (oxymtrie pulse) tmoigne de la chute de saturation artrielle en oxygne ( < 90 %). Les causes de cette dtresse peuvent tre multiples. Il peut s'agir d'une atteinte centrale (traumatisme crnien avec coma profond d'emble) dune obstruction des voies ariennes, dune lsion paritale tendue (volet thoracique), pleurale (hmopneumothorax) ou parenchymateuse (contusion pulmonaire). Le diagnostic exact est difficile tablir cliniquement sans examen complmentaire. La prise en charge a pour but de maintenir une oxygnation suffisante en vitant toute hypoxie et hypercapnie. Elle comprend : la libration des voies ariennes, l'extraction d'un ventuel corps tranger, l'oxygnation fort dbit (6 8 L/min) ;

Avant larrive de lquipe de ranimationLe rle des tmoins reste limit une alerte rapide permettant l'intervention des secours. Avant l'arrive de l'quipe mdicalise, les secouristes ralisent des gestes simples dont le but est la prservation des grandes fonctions vitales (libration des voies ariennes, compression d'une hmorragie) ou d'viter l'aggravation des lsions (mise en place d'une attelle, d'une minerve). La mobilisation du bless est effectue en respectant la rec-

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POLYTRAUMATISME

l'intubation endotrachale a des indications trs larges dans ce contexte (tableau I). Elle rend les voies ariennes permables permettant ainsi une ventilation et une oxygnation efficaces ; elle assure aussi leur tanchit vitant la survenue d'une inhalation de liquide gastrique responsable d'une pneumopathie. L'intubation est ralise en rgle par voie oro-trachale. L'intubation naso-trachale est interdite en cas de suspicion de fracture de la base du crne. L'intubation est pratique classiquement sous laryngoscopie en s'aidant au minimum d'une anesthsie locale, et au besoin, si le patient est agit, d'une sdation ou d'une anesthsie. Au cours de l'intubation il faut viter tout mouvement intempestif du rachis cervical. Ds que le polytraumatis est intub il est ventil artificiellement en oxygne pur d'abord avec un ballon reli la sonde puis l'aide d'un respirateur de transport. La complication la plus frquente, aggrave ou dclenche par la ventilation en pression positive est la survenue d'un pneumothorax sous tension. Il est signal prcocement par une dsadaptation du bless du ventilateur, l'augmentation des pressions d'insufflation, un emphysme sous-cutan parfois extensif. Il impose un geste de sauvetage : la dcompression d'urgence par une ponction l'aiguille. Elle est ralise sur la ligne mdio-axillaire au niveau du 3e ou 4e espace intercostal du ct o sige ce pneumothorax signal par une distension nette de l'hmithorax, et une dviation trachale du ct oppos. La pose d'un drain thoracique l'extrieur de l'hpital en l'absence de radiographie de thorax sera vite autant que possible car elle expose un risque iatrognique important : la lsion de la coupole diaphragmatique dont la position n'est pas connue. La ranimation respiratoire est la premire tape incontournable de la conduite tenir. Elle est aussi celle dont l'efficacit est la plus grande. L'intubation et la ventilation artificielle amliorent statistiquement le pronostic des polytraumatiss.

3. Ranimation circulatoire Hmorragie aigu : le diagnostic d'un tat de choc par spoliation sanguine est souvent simple devant des signes d'anmie aigu associs une hypotension, une tachycardie et une vasoconstriction intense. Cependant ces

TABLEAU I Intubation endotrachale et de la ventilation mcanique chez un polytraumatis Indications- Coma avec score de Glasgow < 8 - Dtresse respiratoire - tat de choc - Anesthsie, analgsie ou sdation profonde

signes peuvent tre moins vidents, la pression artrielle peut tre maintenue par la vasoconstriction alors que la spoliation sanguine atteint plus de 20 % de la masse sanguine. Une bradycardie paradoxale rflexe peut aussi, dans les cas les plus graves, remplacer la classique tachycardie. Un tat d'agitation peut tre trompeur. La ranimation de la dtresse circulatoire a pour objectif de maintenir une pression de perfusion et un apport en oxygne suffisants pour les organes lss. Ils deviennent trs sensibles l'ischmie. Une hypotension provoquerait une aggravation sensible des lsions. L'objectif de la ranimation n'est pas de rtablir les conditions hmodynamiques basales mais d'obtenir une perfusion suffisante (pression artrielle systolique d'au moins de 100 mmHg, hmatocrite 30 % ) et d'viter un collapsus par dsamorage cardiaque lors de la mobilisation. La ranimation circulatoire ne doit pas retarder le transport vers l'hpital o sera ralise une hmostase chirurgicale de la lsion qui saigne. Cette ranimation comprend : la mise en place d'une voie veineuse priphrique de gros calibre permettant la perfusion rapide de substituts collodes du plasma tels que les glatines, les drivs de l'amidon. Ces soluts sont lgrement hypo-osmotiques ou iso-osmotiques au plasma et ils permettent un remplissage vasculaire voisin du volume perfus. Le remplissage vasculaire reste la base de la ranimation des hypovolmies aigus mais son usage est limit par l'hmodilution et l'apport liquidien qu'il provoque. La non-rponse au remplissage rapide aprs la perfusion d'environ 2 000 mL de substituts collodes tmoigne d'une hmorragie particulirement active et souligne l'urgence de l'hmostase chirurgicale. L'efficacit du remplissage vasculaire est suivie sur la disparition des signes de choc et la stabilisation de la pression artrielle. La ralisation d'un micro-hmatocrite ou d'une analyse rapide de l'hmoglobine par un dispositif portable permet d'valuer l'hmodilution. Certaines techniques sont d'un emploi plus limit l'extrieur de l'hpital. La transfusion pour combattre l'hmodilution est d'intrt limit si le bless peut tre transport rapidement vers l'hpital. La transfusion prhospitalire qui doit rpondre aux conditions de scurit et de traabilit hospitalire est donc seulement utilise pour des transports prolongs. Par contre, il est toujours utile de prlever sur place un chantillon de sang pour gagner du temps pour le groupage sanguin ds l'arrive l'hpital. La mise en place du pantalon antichoc peut tre associe au remplissage vasculaire. Il ralise une compression pneumatique de la partie infrieure du corps. Il permet l'hmostase provisoire par compression des fractures complexes du bassin s'accompagnant d'un hmatome rtropritonal extensif. Il est contre-indiqu en cas de lsion thoracique hmorragique. L'utilisation de vasoconstricteur tel que l'adrnaline ne permet pas de compenser les pertes volmiques mais de maintenir la pression artrielle et la pression de perfusion des organes lss lorsque le remplissage n'est pas

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