la réutilisation et le détournement - emmanuel gilloz

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Emmanuel Gilloz BTS Design produits Session 2008 La récupération Le détournement Dossier Culture-Design Technologies Lycée Jean Perrin 74 rue Verdillon 13010 Marseille

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(2008) Dossier de Culture Design/Techno, 2ème année de BTS Design Produit

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Page 1: La réutilisation et le détournement - emmanuel gilloz

Emmanuel GillozBTS Design produitsSession 2008

La récupération

Le détournement

Dossier Culture-Design Technologies

Lycée Jean Perrin74 rue Verdillon13010 Marseille

Page 2: La réutilisation et le détournement - emmanuel gilloz

Lorsque l’on observe nos sociétésmodernes, sociétés de consommation exacerbées, les notions de production et de consommation semblent domi-ner leur évolution.

Mais peu à peu la notion de récupé-ration grandit (toujours présente mais elle commence à se développer au dé-but du 20ème siècle) et on la retrouve sous diverses formes : ré utilisations, recyclages, détournements, etc.

La notion de récupération présuppose que la matière utilisée a déjà vécu, ajoutant à l’oeuvre une dimension poé-tique et une histoire. On verra que ce n’est pas toujours le cas.

Cette notion peut-être abordée dans de nombreux domaines et de plusieurs manières.Le détournement pouvant être physi-que, intellectuel, voir du simple point de vue.

Introduction

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Exemple historique

Avec ses ready-made, notamment l’urinoir «Fountain» (1917), Duchamp marque peut-être le début de l’essor du détournement, son action donna même naissance a un mouvement artistique, appelé plus tard «Nouveau Réalistes».On verra ainsi par la suite de nombreux artistes travailler dans la même veine ou bien considérer que leur démarche relève du détournement : les affichistes Villeglé, Hains, Blais, Arman avec ses Accumulations, Spoerri, les assemblages de Tinguely, Andy Warhol détournant des icones populaires en sérigraphie, Dan Flavin, Ingo Maurer, Orlan utilisant son propre corps comme support d’expérimentations, etc.

L’objet n’est plus seulement un produit, il peut acquérir un état «second», il se transforme en matière première ou parfois même en oeuvre d’art à lui seul.Ces détournements d’objets sont principalement artistiques, l’auteur n’à générale-ment pas un soucis de l’aspect fonctionnelle de sa création, qu’il voit plutôt comme une oeuvre.

Car outre les réactions engendrées par son action, Duchamp posait la question fon-damentale du statu d’une création et de l’importance du regard qu’on lui porte.Le ready-made a ainsi remis en question la notion de virtuosité et la notion de sa-voir-faire, et a permis de démontrer que c’est souvent l’exposition et l’acte de nom-mer qui fait l’oeuvre autant que le contraire.

Le design contemporain s’est aussi emparé de cette pratique en reconsidérant la fonction d’un objet usuel et banal pour en créer un autre qui devient œuvre. Achille Castiglioni, crée, par exemple, un tabouret à partir d’un siège de tracteur (chaise Mezzadro (1957), Zanotta). Franck Schreiner, lui, transforme un chariot de super-marché en fauteuil de salon (fauteuil Consumer’s Rest (1983), Stiletto).

Créateur et public pour une oeuvre, concepteur et usager pour un produit, lequel définit le statu ou la fonction au final ?

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?Nous allons donc nous interroger sur le rôle de l’utilisateur, et du concepteur, dans la vie des objets.Ceux-ci amenant notamment à ces questionnements :

• Y’a t-il un seul et unique usage pour un objet/produit donné ?• Qui décide de l’usage que l’on doit faire d’un objet ?(le concepteur ou l’usager?)•La notion de mode d’emploi est-elle viable ?

La Notion de recuperation

La notion à la base de cette réflexion concerne aussi bien le recyclage des objets, que leur détournement (y compris intellectuel) ou adaptation par l’utilisateur ainsi que toutes pratiques consistant à utiliser comme matière première des objets existant.Sont également concernés les objets issus d’une réflexion proposant plusieurs scenarii d’utilisation, qui anticipent leur détournement. On peut observer quotidiennement de nombreux

«détournements», mais quelle en est la cause ?

Une mauvaise conception de l’objet, entraînant une adaptation par l’utilisateur ?

Un moyen de prolonger la vie d’un objet auquel on tient ?

Un état d’esprit, une philosophie, un principe :«Rien ne se perd, rien ne se créer...tout se trans-forme ?»

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Introduction p. 2

Exemple historique p. 3

Définition de la notion de récupération-détournement p. 4

Manifestations p. 5 - un principe élémentaire (Instinctif, recyclage) - «à partir d’objets» (Déterminisme fonctionnel) - Quand les designers s’en mêlent (Intellectuel, conceptuel) - Vers une nouvelle forme de conception globale ?

Conclusions P. 16

Annexe P. 17

Sommaire

Remarque:Comme vu dans l’exemple historique, dans le domaine de l’art cette pratique est assez répan-due, nous nous limiterons donc au domaine qui nous concerne : le produit.

Nous allons chercher a répondre à ces questions en explorant cette notion à différents «niveaux», qui sont mêlés et parfaitement transversaux.Mais ils seront développés séparéments pour plus de clarté.

Il ne faut donc pas s’étonner si un exemple pouvant correspondre à plusieurs sections n’est présente que dans une seule, et ce afin d’éviter les redondances.

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-Premier niveau-Un principe élémentaire

Le recyclageVa permettre de revaloriser les déchets, de produire des objets à meilleur coût, et de manière plus écologique, par une réduction du volume de déchets et de la matière première consommée.(les déchets devenant la matière première)

Ainsi le cycle de vie du produit n’est plus linéaire mais cyclique.

Les différents matériaux ne sont pas tous recyclables, certains peuvent être mis en oeuvre plusieurs fois, les thermoplastiques par exemple, qui peuvent être ainsi réutilisés et sont donc à privilégier aux autres plastiques.

Dans un premier temps nous verrons le détournement comme l’application du principe élémentaire : «rien ne se perd, rien ne se crée... tout se transforme».C’est généralement un besoin de ne pas gaspiller qui motive ce type de détournement.Et qui va donc logiquement prendre la forme du recyclage.

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Produire > consommer > jeter

Les plastiques thermoducissables ne pouvant être remis en oeuvre, ils sont réutilisés sous forme de granulés comme substitut de matière, dans les coques des téléphones portables par exemple.Mais ils est interdit d’utiliser des matières recyclées pour des pièces alimentaires ou de sécurité, à cause du mélange des

plastiques (difficulté de connaître la proportion des éventuels additifs, etc).6

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Pouvant illustrer l’affiche Trier c’est créer :

Le tapis Ruuug, imaginé par les designers Tejo Remy et Rene Veenhuizen (2007), est entièrement fait à partir de vieilles couvertures recyclées, reprenant leurs propriétés, on peut supposer qu’il isole bien de la fraîcheur du sol, et possède une texture sur laquelle marcher pieds nus serait agréable.La répartition des couvertures étant aléatoire chaque tapis aura un arrangement de couleurs particulier.

Le recyclage passe généralement par une transformation du matériau.Objet en fin de vie, ou chute de matière sont ainsi revalorisés.

Mais si un objet est détourné (en fin de vie notamment), cela évite d’en faire un déchet, et lui donne même une «seconde vie».Un nouveau cycle démarre, sans étape de transformation supplémentaire, augmentant de façon non-négligeable la durée de vie de la matière-objet, avant son recyclage.(Ce dossier par exemple est imprimé au verso de feuilles déjà utilisées)

On pourrait donc penser que ce principe est une sorte de recyclage, mais nécessitant encore moins de ressources.

Ce premier niveau de détournement est parfois instinctif, «on va utiliser ce qu’on a sous la main», sans tenir compte de son éventuelle fonction d’origine.

Ces poufs Miss Gana créés par l’architecte Karin Wittmann de Gueto Design (2008) sontentièrement fabriqués en EVA (éthylène-acétate de vinyle), un polymère utilisé dans l’industrie de la chaussure, notamment pour les semelles des chaussures.L’idée est de prolonger la vie utile de résidus industriels qui seraient abandonnés dans la nature ou concentrés dans des décharges industrielles. Mieux, ces résidus sont utilisés sous la forme où ils sont fournis par l’industrie amont, sans engager de nouveau processus industriel.

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Exemple personnel de détournement instinctif :

En cherchant une table de chevet, j’ai finalement trouvé dans un magasin une structure en osier tressé de petite taille qui convenait parfaitement.Bien qu’il s’agisse à l’origine d’un arbre à chats.

La structure est composé de deux parties, ayant chacune une couronne métallique au niveau du rétrécissement, ces couronnes sont vissés entre elle pour réaliser l’assemblage.

Comme le posait Duchamp avec son urinoir, la fonction et l’usage sembles êtres surtout une question de point de vue.On peut donc attribuer n’importe qu’elle fonction à un objet si de notre point de vue il peut l’assurer.

Au croisement du recyclage et du stockage, le principe du Book Stool (Studio ENO, 2008) est de fabriquer une sorte de tabouret en entourant une pile de journaux ou magazines divers, avec une sangle (en nylon noir ici),

leur offrant ainsi une seconde vie.

Ce détournement étant facilement réalisable, tout le monde peut le fabriquer soi-même.

Le rôle du designer est-il forcément de concevoir un produit, ou ne peut-il pas

aussi proposer un concept, indiquer un chemin possible à suivre ?

Dans l’exemple du Vintage Record Bowls (2008) on profite des propriété du thermoplastique, pour détourner des anciens disques vinyles.

Plutôt que d’êtres transformés avec d’autre plastique en matière première, les disques sont directements chauffés et déformés dans une presse, pour devenir un nouvel objet (présenté ici en tant que coupe à fruit).

Le détournement permet dans cet exemple de limiter les étapes nécessaires avant que l’objet-matière puisse recommencer un cycle de vie.

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-Deuxième niveau-À partir d’objets

Le détournement est parfois instinctif, sans qu’on le pense, mais il est parfois issu d’une sorte de déterminisme fonctionnel :«À quoi est-ce que ça peut bien (me) servir ?»Le détournement devient donc réflexion, de la part de l’utilisateur, qui devient concepteur à son tour en quelque sorte.

C’est parfois le manque de moyens qui pousse à ce type de détournement.Dans les prisons par exemple, on pourra voir des individus faire preuve d’une créativité étonnante, pour transformer les objets du quo-tidien.Des cannettes métalliques de boisson peuvent devenir ainsi : photophores, barbecues, range-ments, etc.

Les designers suisses de Atelier V. aiment détourner les objets de notre vie quotidienne pour experimenter ce à quoi ils peuvent aussi servir.Un rouleau en carton qui servait de support à du papier toilette devient ainsi range-cable, ou une balle de tennis casque anti-bruit.Les réalisations de leurs détournements sont ensuite communiqués sous forme de vidéos, montrant les divers étapes nécessaires, censées encourager les utilisateurs à faire de même.

Un autre détournement, plutôt astucieux, consiste à utiliser les anciens boîtiers de cassettes ou de disques audios.En retournant la face contenant la cassette ou la pochette du disque, ils feront office de présentoir, pour calendriers, photos, ou carte de visite (les boîtiers de cassettes sont particulièrement adap-tés pour le format de ces dernières).

Ci-dessous : un boîtier d’ordinateur, qui, après avoir été vidé de ses composants, est transformé en foyer de barbecue, pour cela on a juste effectué des entaille dans le métal afin de pouvoir y coincer les piques à brochette.

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Réutilisant le système standard de connectique informatique Universal Serial Bus, le USB Keyholder (Gerry2, 2007) est comme son nom l’indique...un porte-clé.Permettant d’accrocher des clés usb, et le trousseau de clé auquel elles sont souvent reliées.

On pourrait détourner des cartons pour les utiliser comme des sièges, c’est du moins ce que suggère le pouf en mousse The box (2007), sous ses faux airs de carton.

Jouant avec l’interprétation que l’on peut avoir de son aspect, on cherche à nous faire croire qu’il s’agit d’un fragile carton détourné.

Dans le même principe que les poufs Sassi de Piero Gilardi (1967), qui sont des trompe-l’oeil de ro-cher, en mousse également.

Le détournement peut aussi être appli-qué au domaine de la bijouterie.L’artiste Kiel Mead nous le montre avec par exemple ces bagues, qu’il crée en pliant des clés de voitures, jouant avec la malléabilité que permet le métal dont elles sont faites.

La valeur de la bague ne dépendant peut-être pas cette fois de la matière utilisée, mais de du modèle de voiture auquelle elle fait référence.

Les 5.5 designer avec le concept Réanim vont également utiliser le principe du détournement.L’idée est de créer de nouveaux meubles à partir d’objets abimés, et qui auraient finit jetés à la poubelle autrement.On va ainsi réparer et assembler ces objets, avec des sortes de prothèses qu’ils ont conçus. Ainsi on pourra prolonger la durée de vie de meuble auxquels on tenait peut-être.

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-Troisième niveau-Quand les designers s’en mêlent ?

Le modèle de nichoir Big Bird is watching you ,de Céline Shenton (collection Bird Estate, 2007), adopte quand à lui les codes formels des caméras de surveillance, pour passer inaperçu dans un environnement urbain.

Réinterprétation poétique, mais surtout ironique à propos de la multiplication de ces caméras.Le nom peut faire référence à l’expression «Big Brother is watching you», surnom du réseau d’espionnage Echelon des états-unis, désignant aussi par extension ce type de réseau, ainsi que le phénomène d’hyper-surveillance se développant dans nos société. Où l’on va écouter, filmer, et analyser les activités des citoyens pour penser être en sécurité.

Ce principe de détournement à également inspiré de nombreux designers, mais cette fois-ci on ne détourne pas obligatoirement un objet existant, on verra ainsi parfois des objets dont le concept est inspiré de la réutilisation possible d’un objet.

Ce niveau de détournement est donc surtout conceptuel, intellectuel.Réflexions sur l’usage d’un objet, ou associations d’idées, on va jouer avec l’aspect ou les fonctions que cela peut suggérer.Donnant lieu à des créations souvent empreintes d’humour, à différents degrés.

Parfois un bottin peut servir à rehausser un enfant trop bas sur sa chaise.Partant de ce constat Boost (Fred, 2008) est un coussin en mousse proposant la même fonction et adoptant les codes graphiques des «Yellow Pages», mais en plus confortable et léger.Dans le cas de cet exemple le détournement passe par l’idée de l’utilisation d’un bottin comme coussin.

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Qui n’a jamais mâché ou sucé le bouchon de son Bic ? S’inspirant de cette pratique Clément Eloy a imaginé le concept Suck my Bic (2007).Le bouchon serait prévu pour être comes-tible, anticipant l’attitude de l’utilisateur, et la favorisant du même coup.

Avec l’inconvénient de ne plus pouvoir protéger son stylo si le capuchon est mangé, à moins que ce ne soit pas le capuchon mais une couche en surface, ou un arôme imprégnant le plastique d’un bouchon classique.

Le décalage que crée le nom du concept peut nous faire penser au tableau La Trahison des Images, de l’artiste surréa-liste Magrit (1928), montrant une pipe en bois avec l’indication «Ceci n’est pas une pipe», et ayant lui aussi une connotation sexuelle. Raffaele Iannello, est l’auteur de XXXkitchen (2007), une

gamme d’accessoires de cuisine ayant une double utilité.

Parmi ces objets, on trouvera une collection pour madame, comprenant un presse agrumes, un moulin à poivre, un porte essuie-tout et une brosse pour la vaisselle, et une collection pour monsieur, comprenant des maniques, un ensemble salière-poivrière et des bocaux.

Les femmes verront ainsi leurs accessoires prendre des formes suggestivements phalliques tandis que les hommes verront les leurs prendre des formes mammaires.Il s’agit probablement des premiers ustensiles de cuisine qui revendique aussi la fonction de sextoy.

Un objet pouvant être détourné ainsi doit-il être adapté par le concepteur pour ce nouvel usage, ou au contraire, être modifié pour ne pas correspondre à ce type d’ergonomie ?

Créée par le studio Snowtown design, le profil de cette poubelle a été prévu pour servir de support de magazine.Apparemment destinée à ceux qui voudrait lire aux toilettes.

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Le concept Rideable Vacuum Cleaner de Kristina Andersson (2007) associe l’idée de l’aspirateur et du trotteur pour enfant, ainsi l’enfant passerait l’aspira-teur tout en jouant dessus à califourchonCela afin de le faire participer aux tâches ménagères, auxquelles il prend rarement part. Ce qui pourrait être vu comme une responsabilisation, du moment qu’il n’est pas obligé de jouer avec (sinon le concept dériverait vers l’incitation à l’exploitation de mi-neurs)

Basé également sur le stylos Bic classique, et surtout sur son importante diffusion comme fourniture de bureau, le concept du Bic-nick de Pierre Haulot (2007), propose une gamme d’ac-cessoires pour détourner les stylos de la marque en véritables couverts, afin de pouvoir déjeuner au bureau ou ailleurs.

On nous propose une fourchette, un couteau, une cuillère ainsi qu’un jeu de baguette, le tout semble relativement compacts et sera rangé dans un étui métallique pour le transport.

Compatible avec les différents stylos Bic (cristal, classic, mini, etc.), les pièces sont réalisés en acier inoxydable (contenant du Chrome et d’autres éléments en plus de l’alliage fer-carbone pour favoriser la résistance à la corrosion) afin d’être compati-ble avec les aliments, et surtout nettoyables après usage.

Ce plateau en céramique, conçu par le designer Byung-seok You (2007), se pose sur les radiateurs à eau un peu anciens, pour les détourner en ajoutant la possibilité de tenir au chaud une tasse.

Ici le détournement passe donc par un ajout de fonction sur un objet existant, proposant un autre usage de celui-ci.

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-Quatrième niveau-Viable ? vers une nouvelle forme de conception globale

C’est dans l’idée d’économiser l’eau, ou plutôt de ne pas gâcher la moindre goutte, qu’on été conçus le Dish Drainer Project du designer turc Erdem Selek et l’Umbrella Pot du studio japonais Kyouei Design (2007).

Le premier est un pot avec un support permet-tant d’arroser une plante en laissant la vaisselle s’égoutter dessus, à condition qu’il ne reste pas de traces de produit d’entretient, qui pourrait nuire à la plante.

Le deuxième est un pot recueillant lui l’eau des parapluies afin d’arroser une petite plante à sa base.

Un objet sera peut-être détourné s’il est mal pensé, mais si l’objet à été prévu pour être détourné c’est la preuve d’une prise en compte de l’utilisateur (qui fait défaut parfois).

Le détournement si il est pris en compte dès la création d’un produit, amène vers une plus grande considération de son utilisateur, car il va falloir pen-ser aux usages alternatifs que celui-ci pourrait lui attribuer, ou que l’objet pourrait remplir.

Ce type de détournement amè-ne à «penser à tout», car il faut aussi envisager les interactions que pourraient avoir les différents objets entres eux.

Élargissant ainsi les combinaisons possibles d’éléments au cour du processus de création.

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Exemple d’application du principe du détournement, dans l’idée d’une conception

globale, avec cette bouteille en forme d’haltère, imaginée par les designers italiens Tommaso Ceschi et Francesca Del Vigo (2008).

En plus d’être réutilisable son aspect est cohérent avec la communication de la marque «Monsieur Propre», qui a toujours été axée autour de la force et de la puissance, d’abord représentée par le personnage récurrent du logotype.Une fois vidée, il suffit de la remplir d’eau ou de sable pour s’entraîner chez soi, plutôt que de la jeter, même si elle est sûrement recyclable.

La forme suggère également une bonne prise en main du flacon, peut-être plus naturelle que dans le cas d’une poignée, pour son utilisation aussi.La «poignée» étant le corps de l’emballage cela simplifie également sa mise en oeuvre, qui est probablement de l’extrusion-soufflage (forme et angles de contre-dépouille obligeant à placer le plan de joint à la verticale).

Ce concept Jar tops de Jorre Van Ast (2008), consiste en un ensemble de couvercles et autres poignées à visser sur les bocaux en verre afin de leur donner une seconde vie.Dans ce cas on détourne l’existant pour lui ajouter une fonction (préhension, distribution).

Mais pour réutiliser ces bocaux on fait appel à des matériaux et procédés industriels plus ou moins impactants sur l’environnement, il ne s’agit donc peut-être pas de la bonne solution. Tandis que ce coffret de bouteille

de vin, crée par le designer Michael Sholk, a été conçu pour pouvoir être réutilisable sous la forme d’un nid à oiseaux, cette transformation étant proposée au consommateur, il a la possibilité d’un autre choix que celui de jeter l’emballage.

Néanmoins le packaging suggère qu’on stock la bouteille en position debout, ce qui n’est pas recommandé pour le vin.Et concernant les oiseaux la forme du nid risque d’être trop en hauteur, et le trou d’entrée trop gros.

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Conclusion

Le concepteur n’est jamais maître de son produit, au final l’utilisateur (ou l’artiste) est toujours libre de s’en servir comme il le souhaite.Dans le cas d’objets «mal-pensés», l’utilisa-tion étant peu évidente, cela conduit parfois au détournement de l’objet ou de sa fonc-tion.

Il faudrait donc également prendre en compte les usages possibles qui seraient ajoutés par l’utilisateur, avec des objets qui seraient en quelque sorte «prévus» pour être détournés (ce qui est déjà en partie le cas des produits personnalisables).

La récupération à une conséquence écologi-que très importante et est largement préfé-rable au système classique de production-consommation.On pourrait encourager cela en utilisant des matériaux recyclables (et/ou facile-ment transformables) de façon systémati-que et pourquoi pas en imaginant inclure un «mode d’emploi secondaire» de l’objet, qui indiquerait les divers usages possible du produit et la manière de le transformer.

Anticiper le détournement serait donc aussi une manière de mieux prendre en compte le rôle de l’utilisateur, lui laissant en quelque sorte le choix de la «touche finale», s’appro-priant ainsi l’objet, un affect sera développé et il le gardera sans doute plus longtemps que s’il n’avait aucun lien avec.

En résumé,

Tout va bien :

Réduction du volume de déchets

Meilleur prise en compte de l’utilisateur

et de ses initiatives possibles

Permet une appropriation de l’objet, pour aller

au-delà du phénomènes d’obsolescence.

Rien ne va plus :

Certains en profitent pour surfer sur cette

nouvelle tendance et vendre très cher des

produits (parfois eux-même absurdes) alors

qu’ils ont, grâce au détournement, un coût de

production relativement faible.

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Annexe/ressources :

Après avoir consulté de nombreuses ressources, je n’ai trouvé que quelques exemples de détournement, à partir du début du 20ème

siècles, tandis qu’à partir de la transition et du début du 21ème, il y’a une profusion de propositions pouvant s’apparenter au principe

du détournement.

Ce qui confirmerai le statu émergeant de l’actuel tendance «Eco» : recyclage, conception, aussi appelé parfois «slow design», par

opposition au «fast food», se voulant éthique, raisonnée, responsable et cherchant à s’éloigner de la production en masse.

Tendance qui gagne également en importance avec la prise de conscience (un peu tardive) de l’aspect limité des ressources offertes

par la Terre et des problème auxquels nous devront faire face; qui vont nous obliger à faire plus (ou au moins autant) avec moins

[Less is more] comme disait déjà Mies Van Der Rohe (première moitié du 20ème siècle, vers 1930).

Si ce thème vous a intéressé je vous recommande de consulter également les livres et sites internets de cette liste (non-exhaustive).

Livres :- Une histoire de l’Art du XXème siècle, Bernard Blistène (ed. Beaux Arts Magazine, 2002)

- Objets Anonymes, Jeremy Edwards (ed. Jean Michel Place, 2000)

- Système P. Bricolage, Invention Et Récupération En Prison, Rechard Catherine (ed. Alternatives, 2002)

- Recycle The Essential Guide (Black Dog Publishing, 2008)

- The Eco-design Handbook, Alastair Fuad-Luke (ed. Thomas & Hudson, 2008)

Sites internet :www.trendsnow.net (rubrique Do It Yourself)

www.admirable-design.com

www.resetdesign.com

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