la relation architecte - promoteur · pdf filei/ la relation contractuelle comment un...

32
Image : Extrait du film «The Fountainhead » de King Vidor - 1949 LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR Protéger l’architecte et l’architecture Mémoire HMONP - Paul Delrieu - ENSANantes 2015

Upload: vukhanh

Post on 06-Mar-2018

219 views

Category:

Documents


2 download

TRANSCRIPT

Page 1: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

Image : Extrait du film «The Fountainhead » de King Vidor  - 1949

LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEURProtéger l’architecte et l’architecture

Mémoire HMONP - Paul Delrieu - ENSANantes 2015

Page 2: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

�2

Page 3: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

SOMMAIRE

Avant propos 5

Expérience professionnelle 7

Introduction 9

I/ La relation contractuelle 11

a/ Le rapport de force, contexte de la contractualisation 11

b/ Vendre une prestation intellectuelle 12

c/ Contracter avec un promoteur immobilier 13

II/ La relation de fait: déroulement du projet 17

a/ Le programme et le cout d’objectif. 17

b/ Les différents interlocuteurs de l’architecte 18

c/ Mission complète, mission partielle: quels enjeux? 20

III/ la qualité architecturale dans une mission partielle 23 a/ Le permis de construire 23

b/ Le DCE, étape clé pour une mise en œuvre de qualité 25

c/ L’exécution et les visas: conserver le contrôle sans suivi de chantier 26

Conclusion 29

Bibliographie 30

Résumé 32

�3

Page 4: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

�4

Page 5: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

AVANT PROPOS

L’école nous forme à l’architecture comme discipline, comme art. C’est le lieu des convictions, des idéaux et de leur libre expression. Éloigné, protégé, de la réalité économique et professionnelle, l’étudiant peut y développer sa sensibilité, se projeter sans autre préoccupation que la qualité de son architecture. L’école peut donc apparaitre sous certains aspects comme une bulle, coupée du monde réel. Mais étant donnée la complexité du monde de l’architecture, cela apparait nécessaire pour dispenser une formation davantage orientée vers une méthode de pensée, un moyen d’apprendre à répondre, seul, aux nombreuses problématiques du métier.

L’expérience professionnelle, et notamment dans le cadre d’une Mise en Situation Professionnelle (MSP) de HMONP, nous forme au métier, à l’architecture en conditions réelles, ses innombrables contraintes, obstacles, voire désillusions. De nombreux jeunes architectes vivent d’ailleurs le passage de l’école à l’agence comme un choc.

Cependant ces deux apports, tant éloignés l’un de l’autre, sont complémentaires et nécessaires. L’école nous donne l’opportunité de toucher du doigt ce que nous idéaliserons et ce pourquoi nous mettrons en œuvre les outils que nous aura apportés l’expérience.

Dans mon cas, je considère ma formation universitaire comme un repère auquel je me réfèrerai toujours et qui est le moteur de ce à quoi je souhaiterais aboutir. Ancrer une libre réflexion sur les qualités d’usage et de vie, mais également sur une architecture durable et accessible à tous dans une réalité économique, administrative et sociale est un enjeu passionnant sinon l’objectif d’une vie. Et pour atteindre cet objectif, les outils sont ceux de l’expérience, des relations humaines avec les professionnels du bâtiment, des échecs et des réussites. C’est également en cela que je considère ma formation HMONP comme très enrichissante et ce même si il est parfois critiqué le fait de la réaliser juste après les études. En effet, cela permet à mes yeux de mettre ses premières expériences en perspective, formuler des problématiques et continuer à réfléchir sur chaque aspect de notre métier. Il s’agit en quelque sorte d’un lien, un pont entre les études et la vie professionnelle, qui assure la continuité du regard critique développé à l’école et qui s’applique désormais à la pratique professionnelle.

Alors qu’à l’école, le travail de projet consistait davantage à rechercher des références, lire des théories de l’architecture, écouter des conférences et tenter d’exprimer des idées par le langage de l’architecture, le travail en agence tient davantage à lire des réglementations que des théories et à écouter des experts techniques plutôt que des conférences de grands architectes. Sans cette école idéalisante, l’architecture deviendrait de nos jours davantage un savoir-faire qu’un art.

Ce mémoire est l’histoire de cette désillusion (qui n’en est pas vraiment une) qui, sans les apports de l’école, n’aurait pas eu de sens à mes yeux et que j’aurais surement accepté comme fatalité, mais qui grâce à ma formation et à l’idéal et l’esprit critique que je m’y suis forgé, devient la quintessence du combat qu’il s’agit, à mes yeux, de mener pour l’indépendance et la qualité de l’architecture.

�5

Page 6: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

�6

Page 7: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

EXPÉRIENCE PROFESSIONNELLE

Mon expérience à l’agence FLINT a commencé en Juillet 2014 dans le cadre d’un stage de Master de deux mois faisant suite à l’obtention de mon PFE à l’ENSA Lyon. Ma mission était de réfléchir au développement d’un stratégie BIM. Après ma formation autodidacte à un logiciel BIM et une première mission de plans d’exécution sur le logiciel Revit d’Autodesk, j’ai pu parachever ma connaissance de ces logiciels par une formation officielle. La signature de mon CDD m’a permis de continuer cette activité, notamment par la création d’une charte graphique et d’un gabarit BIM spécifiques à l’agence.

La particularité de FLINT est de permettre à de jeunes diplômés de prendre en main des projets avec une grande autonomie. La conjoncture économique ne m’a pas permis, au début, de gérer un projet seul. Je me rendais disponible pour appuyer mes collègues dans différentes missions. En Juillet j’ai ainsi pu participer à la réalisation d’un dossier PRO pour 70 logements à Bègles (33). En Août et en Septembre, mes missions concernaient surtout des concours, 10.000 m2 de bureaux pour le siège d’une société de construction et un collège dans le Gers. Par la suite j’ai assisté des collaborateurs dans le suivi d’un chantier de 132 logements et dans la réalisation d’un PRO pour la surélévation d’un hôtel.

Depuis Janvier, j’ai été affecté à un projet de 50 logements aux bassins à Flots à Bordeaux. un collaborateur ayant été absent pour une longue période, je me suis approprié ce projet en phase Esquisse. A un mois de la date de remise du permis de construire j’ai donc été plongé dans le « grand bain », j’ai dû établir le contact avec les co-traitants et gérer le projet seul. Entre la présentation à la commission des Bassins à Flot (dans le cadre d’un PAE) et le dépôt du permis de construire, j’ai dès le début été confronté à de nombreuses situations inédites pour moi, qui se sont révélées très formatrice. Ne voulant pas apparaitre comme un « novice » aux yeux des co-traitants et du Maitre d’ouvrage, j’ai fait beaucoup de recherches pour pallier à mon manque d’expérience.

Aujourd’hui, ce projet est en phase DCE, je continue à travailler dessus au quotidien avec le chef de projet, son expérience m’apporte également beaucoup. Bien que le fait de passer de projet en projet était enrichissant, la continuité est également très formatrice et motivante.

J’ai rencontré de nombreuses difficulté au cours de ce projet, sur lesquelles nous reviendrons ultérieurement. Elles ont été les moteurs de ce travail. Notamment dans la relation avec le Maitre d’ouvrage qui s’avère être en l'occurrence un promoteur immobilier. De nombreuses situations m’ont parues anormales ou pour le moins étonnantes. Cela m’a permis d’échanger du sujet de la relation architecte-promoteur avec des collaborateurs, mon maitre de stage, des co-traitants et même certains acteurs chez le promoteur en question. Ces situations et les échanges qu’elles ont initiés m’ont certes apporté des réponses, mais elles ont surtout ouvert mon esprit à une compréhension plus grande du monde de la promotion immobilière en particulier et du bâtiment en général. Mais de nombreuses questions restent pour moi en suspens et l’écriture de ce mémoire est une manière pour moi de formuler ces interrogations, de tenter d’y apporter des éléments de réponses voire même d’émettre des propositions pour améliorer certains aspects de ces relations.

�7

Page 8: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

�8

Page 9: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

INTRODUCTION

Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, le besoin de reconstruction de logements est très important, le gouvernement français recherche des solutions pour accroitre la production de logements neufs. Il apparut que le modèle économique d’alors ne permettait pas l’effort nécessaire à cette reconstruction. C’est donc dans ce contexte de forte spéculation immobilière que le métier de promoteur immobilier fut créé et qu’il se développa rapidement.

La promotion immobilière est un métier diversifié regroupant de nombreuses compétences. Le rôle d’un promoteur est de monter une opération immobilière sous tous ses aspects (financiers, réglementaires, administratifs, commerciaux, techniques…). Il créé l’offre de logement en fonction de la demande. En cela, il endosse un rôle central dans la réalisation d’une opération de logements.

Par conséquent, le métier du promoteur immobilier vient totalement bouleverser la relation triangulaire classique: architecte, maitre d’ouvrage, entreprises de construction. En effet il devient, de par son rôle et sa position, un intermédiaire à tous les acteurs, voire un interlocuteur exclusif. Ce nouveau modèle d’organisation demande une certaine adaptation et une compréhension pointue des rôles, des responsabilités et des intérêts de chacun des acteurs.

L’objet de ce mémoire n’est pas de faire le procès de la promotion immobilière, ni de nier l’importance dans le contexte socio-économique de notre époque d’une promotion saine et responsable. Il s’agit plutôt d’observer quelles sont les répercussions sur le travail de l’architecte de l’apparition de ce nouveau métier (né dans les années 1950), de ses évolutions et des dérives qui, parfois, peuvent apparaitre.

Dès lors le travail de l’architecte est radicalement différent selon qu’il s’agisse d’un projet pour un maitre d’ouvrage «  classique  » (particulier, public ou entreprise) ou d’un projet de promotion immobilière. Les relations qui se créé sont bien différentes et parfois, selon le promoteur, des problématiques éthiques ou déontologiques apparaissent, notamment lorsque l’aspect économique du projet devient le critère quasi-unique de décision, au détriment de la qualité architecturale, d’usage, de mise en œuvre et la cohérence globale du projet. Par ailleurs, certaines pratiques dont le but est de compresser au maximum les fais inhérents à un projet sont toxiques pour les acteurs (architectes, bureaux d’études…) il devient alors dangereux de laisser ces pratiques se développer sous peine d’affaiblir considérablement ces professions ou de les voir évoluer vers une forme déontologiquement inacceptable.

L’enjeu de ce mémoire est donc d’observer ces relations et ces pratiques et d’interroger la profession d’architecte quant à leurs conséquences:

Quels sont les moyens dont dispose l’architecte pour se protéger et protéger la qualité architecturale dans sa relation avec un promoteur ?

�9

Page 10: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

�10

Page 11: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

I/ LA RELATION CONTRACTUELLE

Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences, sa juste rémunération et le respect de l’architecture du projet ?

a/ Le rapport de force, contexte de la contractualisation

De prime abord, les promoteurs se trouvent dans un position de force vis-à-vis des architectes. Economiquement d’abord: il s’agit bien souvent d’entreprises de taille a minima régionales, voire nationales ou internationales, là ou la moyenne d’effectif pour une agence d’architecture se situe aux alentours de 2 salariés. Au niveau de l’activité ensuite, les promoteurs gèrent de nombreuses opérations, qu’ils montent eux-même, et sont par conséquent moins soumis à l’obligation de «  faire rentrer des affaires » puisqu’ils sont à l’initiative de la commande.

Si certains promoteurs ont des démarches tout à fait acceptable éthiquement, d’autres tirent avantage de cette situation, aggravée par la récente crise économique, dont le monde du bâtiment et notamment du logement a du mal à se relever. Les raisons sont multiples: hausse de la demande, sous-production de logements et donc faiblesse de l’offre, l’explosion des prix de construction. Ces facteurs tendent à faire flamber le prix de l’immobilier et à geler le marché, les promoteurs rattrapent ce manque à gagner sur les prix de vente, d’autant que le crédit immobilier est à son plus bas taux depuis 1945. Dans ce contexte, aggravé du point de vue des promoteurs immobilier par la sur-réglementation du logement en France, beaucoup tentent de stabiliser leur marge en répercutant ces pertes sur les études ou en cherchant une meilleure maitrise des coûts (tout en les réduisant). Ces pratiques sont jusque là tout à fait compréhensibles, cependant, il en existe d’autres beaucoup moins acceptables voire dangereuses pour la profession d’architecte et pour l’équilibre de la démarche de construction de logements. En effet, lorsque certains promoteurs cherchent à tirer un avantage déloyal de leur position on voit apparaitre des situations à la limite de la légalité voire absolument illégales.

Dans leur volonté de se protéger et par conséquent de minimiser le risque opérationnel, une certaine proportion de promoteurs demandent à l’équipe de maitrise d’ouvrage et parfois même aux tiers intervenants (bureaux de contrôle, bureaux d’études indépendants…) de partager le portage de l’opération. L’idée est simple, pour minimiser la perte en cas d’abandon de l’opération, ces derniers soumettent le versement des honoraires à une ou plusieurs conditions telles que l’obtention et la purge du Permis de Construire, la commercialisation de l’opération, voire même la maitrise des coûts après le DCE. Ainsi, le risque opérationnel, inhérent au maitre d’ouvrage, se retrouve partagé avec la maîtrise d’œuvre, qui se retrouve forcément perdante. En effet en cas d’abandon de l’opération, aucune indemnité n’est prévue pour les co-traitants et en cas de succès, la marge dont profite le promoteur (qui est en quelque sorte, la rémunération du risque opérationnel engagé) n’est bien évidemment pas partagée avec l’équipe de maitrise d’œuvre.

�11

Page 12: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

Ces pratiques, au delà de leur illégalité évidente, posent un problème d’éthique majeur du point de vue de la profession d’architecte. Outre la dévalorisation du travail et des compétences de l’architecte, accepter de telles conditions de travail c’est mettre en péril la profession. En effet, si certaines agences se retrouvent dans des conditions économiques très difficiles, elles sont parfois tentées d’accepter presque n’importe quelles missions et sous presque n’importe quelles conditions, pour peu de maintenir un minimum d’activité. Il est bien évidemment délicat de juger un architecte dont le seul objectif est de protéger son agence et les emplois qui en dépendent. Mais en considérant un tableau plus large et en observant les conséquences de se soumettre à de telles pratiques, on constate rapidement qu’elles ne sont qu’un leurre: il ne peut, en tout état de cause, pas s’agir de solution à long terme pour la pérennité d’une agence. D’autant plus, nous le verrons, que ces missions sont de plus en plus réduites. Par ailleurs lorsqu’un architecte accepte de telles conditions, il donne des armes aux promoteurs, qui pourront mettre davantage de pression sur les autres architectes avec lesquels ils travaillent. En ce sens, un architecte, lorsqu’il accepte ou refuse ces pratiques, s’exprime au nom de toute la profession. C’est pourquoi, en utilisant les leviers qu’il reste aux architectes, sur lesquels nous reviendrons, ces derniers ont tout intérêt à accorder leurs violons, afin d’éradiquer ce genre de méthodes. Nous seuls pouvons poser les limites de ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas.

b/ Vendre une prestation intellectuelle

Malgré ce tableau peu réjouissant, il reste des armes aux architectes pour faire valoir leur profession, leurs compétences et leur crédibilité. Notre métier reposant sur des prestations intellectuelles de service, nous ne proposons pas de produits dont la valeur serait quantifiable ou annexée sur tel ou tel facteur. C’est bien là toute la difficulté: comment, à l’heure où l’argent est roi, imposer une valeur acceptable pour une prestation intellectuelle, par essence immatérielle? La réponse se trouve en quelque sorte dans la question: le premier des arguments à faire valoir est sans doute la complexité d’un projet architectural. En effet, de nombreux acteurs interviennent durant les études et différentes «  couches  » de différentes professions se superposent pour créer un projet, le faire tenir debout, le rendre réglementaire, en assurer le confort thermique… C’est là que l’architecte est un acteur de premier plan, en effet la prestation intellectuelle repose sur l’esprit de synthèse, l’architecte est l’acteur qui doit absorber toutes les caractéristiques d’un projet, afin d’en acquérir une connaissance aiguë. L’architecte est donc l’acteur de synthèse, central, vers lequel le maitre d’ouvrage se tournera tout naturellement (et souvent exclusivement). D’autant plus que bien souvent, dans une agence d’architecture, un seul intervenant suit le projet de bout en bout, il en a donc l’historique et le maitrise sous presque toutes ses coutures. Ce n’est souvent pas le cas chez les contractants et encore moins du coté des promoteurs qui font intervenir différents services et donc différents acteurs à différents stades du projet. Cette compétence de synthèse et cette continuité est certainement l’argument le plus important pour valoriser la prestation architecturale. Il peut être intéressant de la mettre en avant dans des situations que l’on rencontre de plus en plus: des propositions de missions « tronquées », nous le verrons.

Par ailleurs, la position «  de faiblesse  » des architectes vis-à-vis des promoteurs n’est pas si évidente. En effet, le recours à l’architecte reste

�12

Page 13: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

obligatoire pour un promoteur, et pour n’importe quel maitre d’ouvrage, étant donné le monopole de la profession en ce qui concerne le dépôt d’un permis de construire. Dès lors un architecte est un acteur incontournable, et de par son métier et son expérience il va naturellement être en contact avec les co-traitants de manière régulière, accumuler des informations sur le projet et être l’interlocuteur privilégié du promoteur. C’est à ce moment là qu’il semble judicieux de se positionner en chef de l’équipe de maitrise d’œuvre afin de faire valoir ses connaissances et compétences auprès du maitre d’ouvrage et de se rendre indispensable au bon déroulement du projet. On voit bien ici quelles peuvent être les conséquences d’une concurrence déloyale entre confrères. Brader les études du permis de construire, c’est dévaloriser le dernier monopole légal des architectes sur le projet et les empêcher de faire valoir leur compétences. Cette pratique est donc dangereuse pour le projet, mais aussi pour la profession toute entière.

Il est également important de mettre en avant que la profession d’architecte est une profession règlementée, dont le port du titre est protégé par des lois. Les architectes répondent à des règles déontologiques contrôlées par l’Ordre des architectes, il en va de même pour leur indépendance et leur impartialité. La souscription obligatoire à une assurance responsabilité civile et décennale est une garantie supplémentaire pour le maitre d’ouvrage et un atout pour l’architecte qui est l’acteur le mieux protégé pour ce pour quoi il est mandaté.

Ces arguments peuvent sembler quelque peu abstrait pour un promoteur immobilier, cependant, les coûts cachés que peuvent entrainer une conception au rabais doivent entrer dans l’équation. Un architecte disposant d’une mission complète aura une vision large du projet, exhaustive. A l’inverse, une mission sans suivi de chantier, ou sans même être mandataire, avec par exemple un architecte d’exécution, créé une marge d’erreur. Ces marges d’erreur se traduisent bien souvent par des plus-values, des retards voire des arrêts de chantier ou une qualité d’exécution inférieure ce qui signifie plus de réserves à la livraison.

Il apparait donc que malgré la morosité qui entoure le secteur du bâtiment et la dévalorisation de ses compétences, l’architecte reste un acteur incontournable du projet. Par ailleurs, il est aussi un professionnel qualifié pour assumer toutes les missions de maitrise d’œuvre et cela se traduit par la réglementation de sa profession et les différentes garanties qu’il peut apporter. C’est également un interlocuteur privilégié puisque unique et central. Ces caractéristiques apportent beaucoup de confort aux promoteurs et doivent être mise en avant afin de conserver la mission la plus large possible et de négocier un contrat et des honoraires justes et acceptables pour tous.

c/ Contracter avec un promoteur immobilier

Parce qu’il conditionne toute la relation entre maitrise d’ouvrage et maitrise d’œuvre, le contrat est l’étape la plus sensible du lancement d’un projet. Il est le document officiel de référence qui définit les droits et les devoirs de chacun. En ce sens, il est très important de contracter et de bien contracter. Cela pour plusieurs raisons: la première, évidente, est que pour tout travail, même de faible importance, l’établissement d’un contrat écrit et signé par les deux parties est rendu obligatoire par la loi. Deuxièmement, de nos jours les litiges sont monnaie courante et peuvent amener à des procès. Le

�13

Page 14: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

contrat écrit est la seule assurance pour les deux parties que tous les aspects de la collaboration soient clairement établis et approuvés par chacun. Enfin, c’est le contrat qui détermine la rémunération de l’architecte. Travailler sans contrat, c’est travailler sans connaitre sa rémunération et donc le risque de travailler à perte.

Le contexte de la position favorable du promoteur, notamment au niveau économique se traduit également dans l’établissement d’un contrat. Disposant de services juridiques, de contrats types, de protocoles d’entreprise, les promoteurs ont optimisé la contractualisation jusqu’à l’automatisme. Cela en fait un premier point de pression sur les co-traitants qui doivent accepter le contrat presque en l’état, ou pour lesquels, apporter des modifications sera un combat compliqué. Ces contrats-types apportent une assurance au promoteur et lui permettent de travailler sous les mêmes conditions quel que soit le projet. Mais ils comportent souvent des clauses abusives que les contractants doivent identifier et systématiquement refuser.

Un contrat avec un promoteur comporte des points sur lesquels l’architecte doit se montrer particulièrement vigilant:

Le budget et le programmeDans le contrat, le promoteur doit communiquer à l’architecte l’enveloppe financière dévolue à la construction de l’opération (souvent ramenée à un prix par mètre carré de surface habitable). Le contrat doit également intégrer une description précise du programme: des attendus en matière de nombre et de qualité des logements (souvent précisé plus en détail dans un «  brief architecte  »), les contraintes et données (topographiques, géotechniques…) du site, les servitudes et les éventuels labels visés pour le projet.L’architecte doit bien analyser la correspondance et la faisabilité technique et financière entre le programme et le budget. Trop souvent, des contrats sont signés alors que l’architecte sait pertinemment que le budget, au regard des contraintes de site, de la réglementation, du programme, ne pourra pas être tenu. Dès lors, il se place en porte-à-faux avant même la signature du contrat.

Les missions Le promoteur et la maitrise d’œuvre doivent s’entendre au préalable sur les missions confiées, et leur déroulement. Un calendrier prévisionnel doit également être établi pour chacune des phases et les conditions de validation définies. Dans les contrats types rencontrés pour l’écriture de ce mémoire, aucun ne faisait mention de la fin d’une phase. Ainsi en signant ce contrat, l’architecte, surement sans le savoir, accepte de modifier indéfiniment son projet sur demande de la maitrise d’ouvrage. En outre, aucune rémunération supplémentaire n’est prévue pour ce type de modification. La fin de la mission de l’architecte doit également être clairement identifiée (réception, levée des réserves…). En théorie, l’architecte n’endosse aucune responsabilité pour ce qui est de la livraison. La livraison est en effet du seul ressort du promoteur.

Les modifications

Le cadre et les conditions d’éventuelles modifications doivent également être définis dans le contrat. En effet, il est normal qu’en fonction de la conjoncture et de différents facteurs le projet soit amené à être modifié.

�14

Page 15: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

Cependant ces modifications entrainent une évolution du budget et un rallongement des délais. Le maitre d’ouvrage doit être informé des conséquences de ces modifications qu’il doit accepter et l’architecte doit recevoir un écrit (courrier ou e-mail) confirmant la demande de modification et l’acceptation des évolutions financières et calendaires. Il est par ailleurs important de noter que l’architecte ne chiffre pas ces modifications, il ne peut pas donner de prix définitif. Il informe le maitre d’ouvrage que le budget va évoluer, l’économiste peut chiffrer ces modifications, mais ce n’est ni lui ni l’architecte qui s’engage sur les prix, ce sont les entreprises qui fixent les prix lors de l’appel d’offre, c’est pour cela que l’on parle d’estimation.

Si ces modifications portent sur un aspect essentiel du contrat ou du projet (missions, programme, budget) elles doivent faire l’objet d’un avenant au contrat qui prendra en compte les répercussions qu’elles auront sur le reste du contrat (planning, honoraires…)

La validation par le MOAAfin d’éviter tout malentendu il est important de poser par écrit tout ce qui a été dit en réunion, et de le transmettre aux co-traitants et à la maitrise d’ouvrage. Il est également important de faire valider les documents produits. le contrat stipulant que le maitre d’ouvrage doit valider les documents graphiques ou écrits des différentes phases, il s’agit de lui transmettre ces documents (et en particulier les estimations) pour une validation écrite (signature). Cette validation permet d’acter la production de l’architecte ou de prouver le cas échéant ce qui a été vu ou pas par le maitre d’ouvrage.

La rémunération et les modalités de paiementIl est important que le contrat soit clair et sans interprétation possible en ce qui concerne la rémunération. L’échelonnement de cette dernière doit reposer sur des moments clés du projet, facilement identifiables (remise de l’APS/APD, dépôt du permis, remise du dossier commercial, ouverture de l’appel d’offre, démarrage des travaux…) mais doit également être supportable économiquement, en effet des honoraires versés en deux fois avec un délai de six mois ne permettent pas à l’architecte d’assurer une trésorerie viable vis-à-vis du projet. Par ailleurs, il faut être attentif aux clauses de cet échelonnement. En effet un clause qui repose sur un événement qu’une des parties a le pouvoir de faire survenir ou d’empêcher, constitue une clause dite potestative et donc nulle aux yeux du code civil (art. 1170 et 1174). Il faut dès le contrat qu’une rémunération juste pour les deux parties ainsi que les modalités de cette rémunération soient parfaitement établies.

Les droits d’auteur.Le maitre d’œuvre accepte dans le contrat de céder les droits de reproduction et de diffusion de certains documents (images de synthèses, plans de vente…). Cependant il conserve la propriété intellectuelle de son œuvre et le maitre d’ouvrage ne peut l’utiliser que dans le cadre de la commercialisation de l’opération correspondante. Il est donc interdit pour le promoteur d’user de ces productions pour des fins de promotion de l’entreprise (site internet, brochures…) sans que cela n’ait été prévu avec l’architecte dans un contrat indépendant.

�15

Page 16: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

�16

Page 17: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

II/ LA RELATION DE FAIT: DÉROULEMENT DU PROJET

En quoi l’équilibre dans les relations quotidienne entre architecte et promoteur, le cloisonnement clair des rôles et compétences de chacun et la confiance mutuelle sont-ils primordiaux pour mener à bien le projet ?

a/ Le programme et le cout d’objectif.

Bien qu’idéalement définis dans le contrat, le programme et le budget sont des données amenées à évoluer, à être remises en cause par des études techniques, par les co-traitants ou par l’évolution des marchés ou de la réglementation. Ces données constituent souvent le premier point de blocage entre la maitrise d’ouvrage et la maitrise d’œuvre. Lors des phases préliminaires (ESQ, APS) les contraintes programmatiques et techniques évoluent. Par exemple, la réception d’une étude géotechnique qui préconise la mise en œuvre de fondations par pieux profonds et interdit le parking en sous-sol va avoir un impact énorme sur le programme et le budget. En effet le coût d’objectif inclut généralement les fondations et les VRD. Le fait de devoir disposer un parking au rez-de-chaussée (puisque sa capacité est imposée par le PLU), va réduire le nombre de logements de l’opération. Cela aura pour effet d’augmenter le prix au mètre carré habitable. Voilà encore une raison pour laquelle le contrat doit être le plus précis possible concernant les contraintes du site et du projet. En effet pour s’engager sur un budget, il faut que ce dernier soit conditionné à un certain nombre de facteur dont la modification remettra en question le coût prévisionnel des travaux.

Dans la relation architectes-promoteurs, le coût d’objectif devient alors un élément central. Les uns considérant l’objectif utopique, les autres pestant sur des estimations trop élevées. C’est à cette étape du projet que la conception doit impérativement intégrer la notion économique: un projet trop cher qui devra être raboté dans les phases suivantes n’atteindra certainement pas la qualité architecturale d’un projet économiquement réaliste depuis l’esquisse. C’est là le principal reproche des promoteur envers les architectes: une maitrise des coûts trop laxiste. En revanche, il est également connu par les architectes que certains promoteurs fixent un prix d’objectif très bas, voire inatteignable, en toute connaissance de cause, qu’ils refusent de faire évoluer. Malgré l’impossibilité de tenir un tel budget, le promoteur met ainsi une pression constante sur l’architecte,lui permettant d’obtenir le projet au prix le plus bas possible. Mais certainement pas le meilleur projet possible.

Au-delà des aléas techniques du projet (étude de sols, capacité de stationnement, locaux techniques dont la taille et le nombre sont précisés plus ou moins tard dans le projet), une autre dimension est omniprésente lors de la conception avec un promoteur: la dimension commerciale. En effet l’objectif de tout promoteur au delà de construire des logements est de les vendre le plus rapidement possible. En cela, le promoteur dispose d’un service commercial qui, à un stade avancé du projet va remettre en cause le plans des logements. C’est alors qu’au stade de la commercialisation (juste avant le PRO/DCE) un T3 devient un T4, à surface égale et avec le même nombre de gaines mais avec une salle de bain et un WC en plus. C’est là qu’on voit bien l’hégémonie du commercial dans ce type

�17

Page 18: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

d’opération de logements. Cela n’aurait posé aucun problème si ce T4 avait été prévu dès l’esquisse comme tel, mais un revirement tardif tel que celui-ci nuit gravement à la qualité du logement en question. Ces exemples sont légion concernant les prestations, les finitions, la répartition, les détails constructifs… Ils mettent à mal l’équilibre d’un projet, qui conçu d’une manière claire et bien définie dès le début pourrait présenter une qualité bien supérieure car développé dans un ensemble cohérent. Cependant certaines modifications ne peuvent être prévues, d’autres sont vues comme des obligations par les promoteurs, et de ce contexte résultent des projets qui peuvent vite devenir «  bricolés  » au fil des modifications et des adaptations qui rythment les études.

b/ Les différents interlocuteurs de l’architecte

Pour bien comprendre les tenants et les aboutissants d’un projet de logements avec un promoteurs immobilier, il convient de connaitre les acteurs, leurs formations, leurs compétences et leurs intérêts et objectifs dans le projet. Cela est à mettre en perspective avec les relations qu’entretiennent ces acteurs entre eux que ce soit par la contractualisation ou dans leurs relations quotidiennes. Pour bien cerner ce sujet, il est important de rappeler l’utilité (le besoin auquel elle répond), le rôle et l’organisation d’une société de promotion immobilière. Car un promoteur n’est pas un maître d’ouvrage lambda, au contraire d’un particulier ou d’un maitre d’œuvre public tel le maire d’une petite ville, le promoteur est un professionnel du bâtiment chevronné, qui connait bien les problématiques des différentes professions avec lesquelles il travaille, qu’elles soient techniques, économiques ou administratives.

Tout d’abord le promoteur correspond à une époque: celle de la simplification, de la standardisation. La construction, elle aussi, en tant que secteur assez compliqué pour un profane et pourtant incontournable pour tous, répond à ce «  besoin  » de simplification. Ainsi la profession de promoteur s’est placé en intermédiaire entre la maitrise d’ouvrage et le maitre d’œuvre. Le maitre d’ouvrage (qui d’ailleurs n’en est plus un puisque nous parlons, en l’occurence, d’ « acquéreur ») accepte de se détacher de la conception de son logement en l’échange de la livraison d’un produit fini, pour lequel un coût, un délai et un programme convenu à l’avance. C’est un moyen pour l’acquéreur de se protéger des mauvaises surprises.

Le promoteur est avant tout un professionnel instigateur d’un projet immobilier. Il est présent du début à la fin de son projet, à l’instar d’un maitre d’ouvrage privé. Il démarche pour acheter du foncier, le terrain lui appartient de la même manière qu’un particulier achète son terrain. La seule différence est que son objectif est de tirer un bénéfice de cette opération et donc de revendre les constructions créées. Il est donc dans une position dominante, vis-à-vis de touts ses interlocuteurs, qu’il s’agisse de l’acquéreur ou des co-traitants, voire même des tiers intervenants. Cependant, à l’instar de l’architecte, aux cotés duquel il peut être assigné en cas de litige, le promoteur est soumis à des garanties telle la garantie décennale. Etant donné que c’est le promoteur qui choisi les entreprises de construction, il est également garant du bon achèvement des travaux dès lors qu’il a contracté avec des acquéreurs.

C’est donc une profession plurielle, maitrisant une grande diversité de domaines d’intervention. C’est pourquoi il n’y a pas de formation spécifique

�18

Page 19: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

pour devenir promoteur. Il n’y a pas de profil requis et l’on y retrouve des personne issues de formation diverses: formation juridique, commerciale, technique. L’expérience et la capacité d’adaptation entre davantage en ligne de compte, en effet chaque projet est un cas particulier et les contraintes législatives et techniques évoluent jour après jour. Il y a autant de profils et de compétences chez un promoteur immobilier qu’il n’y a de missions qu’il assure: démarchage foncier, montage économique, administratif, technique, suivi et direction des études, démarchage commercial, communication, gestion de concessions, des servitudes, litiges (service juridique), suivi de chantier…

L’architecte aura donc affaire à différents intervenants durant sa mission qui commence généralement à la faisabilité ou à l’esquisse. Ces intervenants n’ayant pas nécessairement les mêmes objectifs, il devient parfois difficile pour l’architecte de satisfaire toutes les demandes émanantes du promoteur. L’aspect commercial et économique du projet est le principal point de tension entre l’architecte et le promoteur. En effet, la construction n’est plus, comme elle a pu l’être, ou comme elle l’est encore avec certains maitres d’ouvrage, une œuvre originale. il s’agit d’un produit de consommation. Le centre de la relation maitre d’ouvrage-maitre d’œuvre se situe davantage sur le respect des coûts, des délais, c’est à dire sur les ratios de surfaces, le prix des matériaux, la facilité de mise en œuvre. La qualité architecturale, la fonction, l’usage sont, souvent, relégués au niveau de la fantaisie. Ainsi, le statut de l’architecte glisse plus ou moins lentement de celui de concepteur à celui de producteur, étant recherché davantage pour son savoir et son expérience que pour la qualité de son œuvre. Là encore il faut mettre en perspective ces constats avec le fait que certains promoteurs croient encore à la possibilité de concilier rentabilité, orinialité et qualité, quitte à ne pas dégager la marge la plus élevée possible.

Le promoteur étant un professionnel de la construction complet, il maitrise les interactions entre aspects techniques et économiques. Il a en outre, toute la maitrise sur le projet, jusqu’au choix des entreprises avec lesquelles il a l’habitude de travailler. Il peut donc tout naturellement imposer tel ou tel matériau, plan de logement type voire même, détail constructif à l’architecte. En ce sens, la relation architecte-promoteur devient suspecte et soulève un grave problème déontologique: quid de l’indépendance intellectuelle de l’architecte? Dans la mesure où le promoteur garde l’initiative sur le projet jusque dans ses détails et même si l’architecte accompli sa mission en toute honnêteté, comment différencier ses pratiques d’une signature de complaisance si ce n’est par l’honnêteté intellectuelle de l’architecte, ce qui au bout de compte ne change pas tant le résultat. Heureusement le tableau n’est pas si noir et les architectes se battent pour défendre leur profession mais également l’acquéreur qui, bien que le logement lui soit destiné, est bien éloigné des considérations de certains acteurs lors de la réalisation d’une opération de logement. C’est là que l’architecte doit se substituer à l’usager-acquéreur et trouver des moyens de convaincre le promoteur de ne pas brader la qualité du projet au profit d’économies à court terme. Cela peut par exemple se faire en rappelant au promoteur ses responsabilités vis-à-vis de m’acquéreur en cas de sinistre ou de litige. Garantie de parfait achèvement, garantie décennale sont autant de responsabilité immuables aux promoteurs sui pourront venir alourdir le bilan d’une opération. Cet argument a au moins le mérite d’être compris par tous les services d’un promoteurs immobilier, qu’ils soient commerciaux, juridiques ou techniques.

�19

Page 20: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

c/ Mission complète, mission partielle: quels enjeux?Nous l’avons vu, la seule étape d’un projet pour laquelle la loi impose le recours à un architecte est le permis de construire. Les promoteurs l’ont bien compris, et si certains d’entre eux continuent à faire appel à un architecte pour une mission de maitrise d’œuvre complète, d’autres, dans l’optique de réduire le coût des études, préfèrent recourir aux services d’autres professions tels que les économistes, les OPC, les maitres d’œuvre d’exécution, peut-être plus conciliantes vis-à-vis du maitre d’ouvrage et désireuse de se positionner sur cette part de marché. Il arrive parfois même que l’architecte ne soit pas mandataire d’un projet d’architecture, mais co-traitant auprès d’un économiste mandataire par exemple.

Dans cette situation le problème est double, premièrement pour la profession d’architecte, le fait de voir ces professions récupérer de plus en plus les phases « post-permis » ou les phases d’exécution, est une perte de marché qui signifie un manque à gagner au niveau des honoraires. Deuxièmement, le projet n’est bien évidemment pas fixé au permis de construire, même en chantier, il est régulièrement amené à évoluer. Les entreprises proposent des variantes, les matériaux peuvent changer selon les négociations avec les fournisseurs… Dans ce contexte, l’architecte n’a plus aucun contrôle sur le projet, la seule garantie qu’il conserve concernant son projet porte sur les façades et le plan masse, déposés au permis de construire et sur lesquels les services d’urbanisme sont particulièrement exigeants lors de la vérification de la conformité. Cependant, la qualité du projet ne peut être garantie, les moins-values proposées par les entreprises seront plus certainement acceptées par un coordinateur ou un économiste qui préfère voir le budget tenu pour conserver une collaboration durable avec le promoteur.

Dans ce contexte, quelles options reste-t’il à l’architecte? La plus simple, et surement la plus efficace est de ne pas donner de grain à moudre à ceux qui usent de ces pratiques. En effet l’architecte doit dans ce cas se tenir strictement aux missions qui lui ont été confiées. Le contraire ne ferait que conforter ces promoteurs peu scrupuleux dans ces pratiques. Ainsi, si la mission prend fin avec l’OS de lancement des travaux, l’architecte doit systématiquement refuser toute sollicitation du maitre d’œuvre de se rendre sur le chantier sans avenant au contrat qui lui octroierait une juste rémunération. Pour tenter de pallier à ce problème, certains promoteur proposent des missions allégées et notamment concernant le chantier. L’on voit apparaitre dans les contrats de plus en plus de missions de « contrôle architectural », le concept est simple, la mission de Direction et Exécution des travaux (DET) ne revient pas à l’architecte, mais il accepte avec ce type de clauses, de se rendre sur le chantier pour procéder à des vérifications ne concernant que certains points, sans bien sûr être mandataire du projet. Ce genre de missions constitue presque une arnaque. L’architecte, en acceptant de se rendre sur le chantier, avec son rôle de sachant, prend exactement les même responsabilités qu’avec une mission de suivi complète. Par ailleurs, il paiera ses mensualité à l’assurance responsabilité civile et décennale de la même manière que s’il avait la mission de DET, mais ne touchera bien évidemment pas la même rémunération. Il faut systématiquement refuser ce type de clauses qui confortent les promoteurs dans leurs pratiques. S’ils décident de se passer des services de l’architecte ayant une connaissance aiguë du projet, et un

�20

Page 21: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

suivi de longue date, ils doivent en assumer seuls les risques. En outre, il arrive également qu’un architecte n’ayant pas suivi les travaux soit sollicité par la maitrise d’ouvrage pour signer la conformité au permis de construire. Cette pratique est à refuser systématiquement, la mission ayant pris fin avec les études et l’architecte n’ayant pas suivi le chantier, il n’est pas en mesure de signer la conformité. Cela s’apparenterait à de la signature de complaisance. Accepter des missions tronquées ou d’autres pratiques telles que celles qui viennent d’être vues, c’est cautionner cette nouvelle tendance qui fait de l’architecte un outil du promoteur pour limiter ses risques et ainsi sécuriser sa marge avec bien peu de considération pour la qualité du projet et le maintien des compétences de l’architecte.

�21

Page 22: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

�22

Page 23: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

III/ LA QUALITÉ ARCHITECTURALE DANS UNE MISSION PARTIELLE

Comment, lorsque l’architecte n’est pas mandataire, peut-il assurer la continuité du projet et la pérennité de la qualité architecturale au delà des études?

a/ Le permis de construire

Dans les conditions qui viennent d’être énoncées, l’architecte se trouve face à un défi pluriel. Au delà de se protéger lui-même afin de faire pérenniser durablement sa structure et son activité, il doit trouver les outils et les méthodes pour mener à bien sa mission. Cela peut faire référence à sa mission contractuelle vis-à-vis du maitre d’ouvrage promoteur, pour lequel il s’est engagé à réaliser un projet de logements. Mais l’architecte en tant que concepteur se doit de dépasser cette notion contractuelle et chercher à conférer la meilleure qualité possible aux logements qu’il produit. Pratiquant son activité de manière indépendante il doit se détacher des intérêts de chacun (incluant ses intérêts propres) et concentrer son énergie sur les solutions techniques et programmatiques du projet. C’est là le deuxième défi majeur qu’il peut rencontrer dans sa relation avec un promoteur : assurer la qualité et le respect de son architecture. Cela pour diverses raisons: premièrement vis-à-vis des acquéreurs qui seront les usagers du bâtiment projeté, qui vont y vivre au quotidien et pour lesquels il convient de trouver les meilleurs compromis qualité / coût / mise en œuvre. En ce sens, il est investi d’un rôle social. Par ailleurs il sera amené à être jugé sur les projets qu’il conçoit, il a donc tout intérêt à se battre pour la qualité de ces projet. Il doit enfin défendre son statut d’indépendant et conserver, face aux maitres d’ouvrage (et en particuliers promoteurs), l’image d’un acteur exigeant en terme de conception, de mise en œuvre, de construction et de finition.

Mais alors que sa mission peut être « amputée » de la phase de Direction et Exécution de Travaux (DET) voire de tout suivi de chantier, situation rencontrée de plus en plus fréquemment, l’architecte doit adapter ses méthodes de travail pour répondre à ces nouvelles problématiques, tout en valorisant ses compétences pour prouver qu’il est l’acteur le plus à même de mener à bien ces missions. Il s’agit dès lors de bien connaitre l’organisation d’un projet pour travailler de manière stratégique. Les coûts, les délais et les moyens étant souvent réduits, il faut aller à l’essentiel et opérer selon un certain protocole développé sur la base des leviers qui restent à l’architecte. Cela permet entre autre, d’optimiser le temps de travail sur ce genre de projet, eu égard à une rémunération plus faible et plus contraignante.

La précision graphique prend ici une place de premier rang. Il ne s’agit pas de tout détailler dans le projet, mais plutôt de cibler les points contraignants pour le promoteur qui garantiront un certain niveau de prestation pour toute la durée du projet. La difficulté dans ce genre de projet est de conserver cette ligne directrice exigeante jusqu’à la fin de la mission, de convaincre le maitre d’ouvrage et l’équipe de maitrise d’œuvre de sa nécessité.

Le permis de construire est la première étape importante à ne pas rater pour l’architecte. Il scelle un certain nombre de points du projet et, dès lors

�23

Page 24: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

qu’il est accepté, engage le maitre d’ouvrage à la conformité vis-à-vis de ces points. Identifier ces points, prendre des décisions rapides et claires les concernant, les faire apparaitre sur les pièces graphiques du permis de construire et les détailler est la première assurance pour l’architecte que ces éléments du projet ne seront pas (ou peu) remis en question. En effet, tout au long du reste des études, l’on se réfère au permis de construire pour s’assurer que le projet ne s’en éloigne pas trop. Voici quelques exemples des caractéristiques d’un projet qu’il convient de définir précisément au permis de construire ainsi que les pièces graphiques permettant de les fixer:

• Le gabarit, la volumétrie, l’implantation: le permis de construire permet de les verrouiller définitivement. En plan, en coupe et en élévation, il convient de coter le projet pour éviter les modifications abusives. Dans ces documents, comme dans d’autres (plans de vente entre autres) il est également important de mettre en évidences les contraintes: gabarit maximum du PLU, limite de propriété, cotes de seuil… Cela permet à un observateur de comprendre rapidement les tenants et les aboutissants du volume du projet et ainsi s’épargner les remarques ou demandes irréalisables.

• Les accès, la disposition du rez-de-chaussée et les espaces extérieurs: Fixer les accès principaux et techniques, les indiquer en plan et en façade est un bon moyen d’éviter d’avoir à modifier sans cesse l’agencement du rez-de-chaussée. Même si on sait que pour le permis de construire l’agencement intérieur n’est pas particulièrement source d’attention de la part des services publics et qu’il ne penserait pas lourd dans la balance de la conformité, il faut là aussi être stratégique et tenter de traduire clairement l’agencement sur les élévations, sur lesquelles l’attention est beaucoup plus portée.

• Matériaux, serrureries et menuiseries extérieures. Ces deux éléments sont souvent remis en question, notamment pour rechercher des moins-value lors de phases ultérieures du projet. Que ce soit pour le nombre et la taille des menuiseries (qui peuvent également être verrouillés par les calculs de RT 2012) ou leur niveau de prestation, il s’agit de bien les faire apparaitre sur les documents graphiques, notamment en façade et sur l’insertion paysagère. Il en va de même pour les serrurerie (gardes-corps, mains courantes) leur niveau de prestation peut-être apparait sur les élévation. Les matériaux peuvent également figurer sur ces documents graphiques: matériaux de façade, des serrureries, des menuiseries… cela permet d’éviter des moins-values telles que le passage d’un aluminum thermo-laqué à un acier galvanisé pour les serrureries ou à du PVC pour les menuiseries.

• L’agencement intérieur peut également être «  sécurisé  », même sans plans, là encore il s’agit de se montrer stratégique. En élévation par exemple, dessiner une grande baie donnant sur le balcon pour un salon vaut parfois mieux qu’une baie moyenne et une fenêtre supplémentaire. Cela évite que le service commercial impose de transformer un trois pièces en quatre pièces en ajoutant une chambre, qui disposera de cette fenêtre supplémentaire.

Le permis de construire est donc une étape cruciale du projet, en effet, mieux vaut être très précis au moment du permis de construire afin de

�24

Page 25: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

s’épargner les demandes de modifications intempestives et ainsi pouvoir gagner en temps et donc en précision lors des étapes suivantes.

b/ Le DCE, étape clé pour une mise en œuvre de qualité

Une fois le permis déposé, le promoteur veut généralement faire dérouler les phases suivantes très rapidement pour que le démarrage du chantier intervient le plus tôt possible. A ce moment, la cadence s’accélère pour l’architecte qui peut avoir à rendre les plans de vente suivi du Dossier de Consultation des Entreprise en l’espace de deux mois, parfois même moins. Pourtant, c’est durant ces phases plus techniques que se joue l’essentiel de ce qui sera l’aspect et l’image du projet. D’autant lorsque l’architecte ne suit pas le chantier. Là encore il faut faire preuve d’organisation et de stratégie.

L’anticipation est la clé pour réussir à maintenir la qualité du projet au delà des études. Se projeter non plus seulement dans le projet fini et livré aux acquéreurs, mais se projeter également dans la phase de chantier, prévoir quelles seront les difficultés de mise en œuvre, mais également quelles pourront être la réaction des acteurs (et notamment du maitre d’ouvrage) en cas de dépassement de budget, quelles seront les variantes proposées par les entreprises et comment empêcher que l’architecture du projet se délite au fil du chantier. C’est donc peu dire qu’il faut faire preuve d’anticipation et, bien qu’il soit impossible de prévoir chaque cas de figure, l’établissement du DCE est une étape durant laquelle l’architecte doit être particulièrement attentif et précautionneux.

Durant le DCE sont fixés les détails constructifs du projet. Ces derniers ne sont pas forcément définitifs puisqu’ils peuvent encore évoluer lors des négociations ou avec les variantes proposées par les entreprises, mais ils traduisent, dans l’ensemble, les grands axes de ce que sera l’image du projet. Il reprennent d’ailleurs les principes fixés en élévations et sur l’insertion paysagère du permis de construire. Il convient dès lors d’être précis et méticuleux pour ne laisser aucun vide dans la description de la mise en œuvre, des choix constructifs ou du choix des produits afin d’assurer la conformité de la réalisation avec le dessin de l’architecte. Il est intéressant de noter que ces détails concernent majoritairement, dans un projet de logements, l’aspect extérieur du bâtiment. Détails de l’enveloppe et de l’étanchéité (façades, toiture, balcons) de serrurerie, nomenclature des menuiseries extérieures, dessin des espaces extérieurs, on voit bien que c’est durant cette phase que se précisent toutes les caractéristiques de l’image du projet.

Pour pallier au risque de variantes douteuses, il est parfois intéressant, voire nécessaire de prévoir un «  plan B  », à savoir dessiner un second détail qui répondrait davantage à des problématiques budgétaires afin de maitriser l’image du projet en cas de remise en cause des détails initiaux. Même si elle représente une surcharge de travail, il s’agit d’une solution intéressante. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire de détailler le second détail autant que le premier, il s’agit plutôt ici de choisir à l’avance une variante à savoir des produits différents (souvent moins cher) et de prévoir une mise en œuvre conforme aux choix de l’architecte et à l’image du projet. On constate ici qu’il existe là une vraie dichotomie entre les délais très courts dans lesquels l’architecte doit réaliser le DCE et la rigueur dont il doit faire

�25

Page 26: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

preuve eu égard à un budget très serré qui augmente le risque de voir des variantes moins qualitatives être choisies pendant le chantier.

Lors du DCE, la qualité graphique seule ne suffit pas, il faut également être particulièrement précis dans les documents écrits. Il arrive régulièrement que ce soit l’économiste et non l’architecte qui rédige le Cahiers des Clauses Techniques Particulières (CCTP) qui précise par écrit chaque prestation demandée aux entreprises pour l’exécution des travaux. Si tel est le cas, l’architecte doit rester particulièrement attentif à ce dernier. En effet le CCTP est le document principal auquel se référeront les entreprises en complément des documents graphiques, voire, pour certaines d’entre elles, avant ceux-ci. Il est également à noter que le CCTP peut, selon le Cahier des Clauses Administratives Particulières (CCAP), avoir plus de valeur que les documents graphiques, c’est donc à lui que se référeront les acteurs en cas de confusion entre les documents. Il convient donc de travailler et d’échanger régulièrement avec l’économiste pour faire coïncider tous les documents du DCE, et demander à relire le CCTP avant de diffuser ces pièces. Cette collaboration et cette relecture sont indispensables pour ne pas laisser de vide ou de confusion entre les documents qui pourraient être source de mauvaises mises en œuvre ou une brèche qui permettrait l’exécution de solutions moins qualitatives.

c/ L’exécution et les visas: conserver le contrôle sans suivi de chantier

Au delà de ces phases d’études, et sans mission de suivi de chantier, il est impératif pour des raisons de responsabilité et de propriété intellectuelle de conserver, a minima, une mission de visas. Cette mission de visas (ou d’exécution) a pour objet de valider les plans d’exécution fournis par les entreprises de construction en s’assurant de leur compatibilité avec le projet, avec les règles de l’art (Documents Techniques Unifiés, Instructions Techniques du CSTB…) et avec les différentes réglementations en vigueur. Lorsque l’architecte approuve l’exécution des ouvrages décrits par l’entreprise, il donne son « bon pour exécution » qui engage alors sa propre responsabilité professionnelle, sans toutefois dégager l’entreprise de la sienne. C’est une étape du projet importante qui demande une grande vigilance de la part de l’architecte.

Conserver cette mission permet donc à l’architecte de garder un certain contrôle sur les ouvrages exécutés et de prévenir des variantes incompatibles techniquement, spatialiement ou esthétiquement avec le projet. Cela permet également de conserver un avis contraignant sur la qualité architecturale. Il reste en relation avec les entreprises et doit, là encore, faire preuve de beaucoup d’anticipation et de pédagogie pour compenser l’absence de mission de suivi de chantier.

Obtenir une mission de visas est donc important pour s’assurer de la qualité des produits et des solutions techniques proposées par les entreprises, cependant cela ne remplace pas un suivi de chantier . Ne pas avoir de mission de suivi de chantier est très problématique pour la qualité de la mise en œuvre des ouvrages. La mission de visas permet de valider en amont les ouvrages des entreprises, leur plans d’exécution et la manière dont elles prévoient la mise en œuvre, mais l’absence de suivi de chantier empêche l’architecte de juger de la qualité de l’ouvrage fini. C’est pour cela qu’un architecte n’ayant pas été missionné pour suivre le chantier

�26

Page 27: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

doit systématiquement refuser de signer la conformité des travaux. En effet, il n’est pas imaginable pour un architecte d’engager sa responsabilité sur des travaux qu’il n’a pas supervisés. C’est pourtant ce que demande certains promoteurs. Cette pratique est dangereuse pour l’architecte et pour le projet. Les architectes se doivent de ne jamais accéder à ce genre de demande, au risque de voir ces pratiques se répandre.

Au delà du contrôle de la qualité, conserver les missions d’exécution et reconquérir le suivi de chantier est un enjeu important pour le maintien des compétences de la profession. Il faut agir pour conserver le plus possible des missions complètes, afin que l’architecte reste l’acteur le plus apte à mener des études de conception et d’exécution. Son statut et les lois qui encadrent la profession font de lui un acteur qui doit rester central dans la construction afin d’assurer l’indépendance et la qualité de l’architecture. Il est le seul dont la réglementation de la profession peut assurer cette indépendance.

�27

Page 28: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

�28

Page 29: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

CONCLUSION

Pour un architecte, travailler sur une opération de promotion immobilière demande une certaine adaptation. De nouveaux défis, de nouvelles problématiques se posent et il convient de développer une méthode de travail appropriée pour protéger l’architecte et l’architecture. Cependant cette adaptation ne doit pas passer par une réduction des compétences de l’architecte ou par un déséquilibre dans ses relations avec les acteurs du projet. Il s’agit de se mobiliser pour prouver et conserver nos compétences mais surtout agir de manière solidaire et refuser de se soumettre à des pratiques intolérables, sous peine de les voir se répandre plus largement.

Les pratiques qui ont été exposées dans ce travail ne sont bien évidemment pas universelles et il existe bon nombre de promoteurs soucieux de l’équilibre du processus de projet de la qualité architecturale. Cependant elles sont rencontrées suffisamment fréquemment pour que des instances comme l’Ordre des Architectes s’en émeuvent et tirent la sonnette d’alarme. La promotion immobilière s’est établie durablement dans le paysage de la construction de logement en France, il faut donc apprendre à travailler ensemble, poser des limites en refusant ces pratiques, responsabiliser les acteurs et les sensibiliser aux avantages pour tous d’une promotion immobilière responsable et équilibrée.

L’architecte de son coté doit également faire preuve d’exigence dans son travail et notamment dans sa relation avec le maitre d’ouvrage. En effet la relation architecte-promoteur est, par nature, suspecte quant à l’indépendance de l’architecte, en témoignent les nombreuses questions déontologiques qu’elle soulève. Cette indépendance est le coeur du statut de l’architecte, d’autant plus dans sa relation exclusive avec un promoteur qui n’est pas un maitre d’ouvrage à proprement parler, mais plutôt un intermédiaire entre un maitre d’ouvrage profane. A ce titre, l’architecte n’a presque jamais en face de lui le futur usager (l’acquéreur) des logements qu’il conçoit. Il se doit de prendre en compte les intérêts de l’acquéreur (même s’il est inconnu au moment des études) et de les distinguer de ceux du promoteur.

Dans ce travail, le statut d’indépendant de l’architecte a été une notion sous-jacente très présente. La protection de son titre, la réglementation de sa profession et les lois qui l’encadrent, font de lui un contre-poids important aux dérives de la spéculation immobilière. A ce titre, il est important de soulever que, au-delà du système de la promotion immobilière, la complexification du secteur de la construction l’éloigne de plus en plus de l’usager. C’est donc tout le rôle social de l’architecte qu’il faut repenser, ou du moins, faire évoluer, au prisme des évolutions de la société moderne.

�29

Page 30: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

BIBLIOGRAPHIE

• « Le droit de l’architecture » Jean-Pierre VERGAUWE, éd. Larcier, 1991

• « Indiscutablement les architectes se sont laissés manœuvrer, mais ils étaient contents » entretiens avec Félix Dubor et Michel Raynaud, Fernand POUILLON éd. Connivences, Paris 1988

• « Le logement social en France : 1789 à nos jours » Jean-Marc STÉBÉ, Presses universitaires de France, 2007

• « Promoteur architecte: quelle compatibilité réglementaire? » Christine DESMOULINS, D’architectures n° 226 - Mai 2014

• « Mémoires d’un architecte » Fernand POUILLON, éd. du Seuil, 1968

�30

Page 31: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

�31

Page 32: LA RELATION ARCHITECTE - PROMOTEUR · PDF fileI/ LA RELATION CONTRACTUELLE Comment un architecte peut contracter de manière équilibrée avec un promoteur en préservant ses compétences,

RÉSUMÉL’apparition et évolution du métier de promoteur immobilier a joué un grand rôle dans l’évolution de celui d’architecte. Les architectes et les promoteurs vont souvent de pair, mais ont des objectifs bien différents. Ce travail cherche à identifier quels sont les points de divergence entre ces deux professions, et comment faire en sorte que leur relation soit orienté vers la qualité architecturale. La précarisation des architectes, et notamment les plus jeunes, est également un problème qui y est abordé, notamment dans les possibilités de se protéger face à une concurrence féroce et des pratiques parfois déloyales.

�32