la réforme bâle iii, quelles conséquences ?

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- Cabinet APEX – Décembre 2010 - La réforme Bâle 3, quelles conséquences ? La réforme des règles prudentielles constitue une des dernières décisions des dirigeants internationaux pour éviter que se renouvelle une crise semblable à celle rencontrée en 2008. Elle résulte de l’analyse selon laquelle les mauvaises régulations des marchés financiers ont constitué un élément déclencheur, voire amplificateur, des difficultés. Le système bancaire qui représente le principal pont entre l’économie réelle et les marchés financiers a été particulièrement touché durant cette période nécessitant le secours pécunier des Etats à des niveaux sans précédent. Une réforme très inachevée Pour l’heure, la réforme porte essentiellement sur un affinement dans les modes de calcul et un relèvement des seuils d’exigences minimales de fonds propres détenus par les banques. Ainsi les éléments comptables intégrant les fonds propres prudentiels ont été limités dans un premier temps (juillet 2010) en excluant du ratio Tier 1 les titres hybrides hors fonds publics, en plafonnant les participations de filiales, les autres activités (assurance notamment), les impôts différés. En outre la valorisation des actifs selon leur risque a été modifiée (principalement le risque de contrepartie). Par la suite, les niveaux d’exigence en fonds propres ont été augmentés : Passant de 2% à 4,5% de fonds propres en actions ordinaires pour le ratio minimal (Core Tier One), auquel se rajoute un volant supplémentaire de 2,5% en 2019 pour pouvoir distribuer des dividendes, soit un total de 7%, Passant de 4% à 6% pour le Tier One auquel se rajoutent à nouveau 2,5% soit un seuil au total de 8,5%. Le projet prévoit cependant une période importante de transition pour permettre aux banques de satisfaire à ces nouvelles obligations : Le passage du ratio Core Tier One à 4,5% et du Tier One à 6% devrait se faire progressivement jusqu’en début 2015 ; Le volant supplémentaire devrait intervenir de façon graduelle jusqu’en 2019. Des éléments transférés à d’autres instances ou simplement différés D’autres points de la réforme restent en attente d’une décision : Un ratio supplémentaire de fonds propres, dit contre cyclique, dont le but serait d’augmenter les exigences en période d’expansion et de les desserrer lors de difficultés économiques. L’application de ce critère (de 2,5%) est laissée au choix des autorités nationales, L’actualité économique et sociale Pôle Banque et Assurances, Cabinet APEX

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La réforme des règles prudentielles constitue une des dernières décisions des dirigeants internationaux pour éviter que se renouvelle une crise semblable à celle rencontrée en 2008.Quels impacts pour le secteur bancaire et les assurances ?

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- Cabinet APEX – Décembre 2010 -

La réforme Bâle 3, quelles conséquences ? La réforme des règles prudentielles constitue une des dernières décisions des dirigeants internationaux pour éviter que se renouvelle une crise semblable à celle rencontrée en 2008. Elle résulte de l’analyse selon laquelle les mauvaises régulations des marchés financiers ont constitué un élément déclencheur, voire amplificateur, des difficultés. Le système bancaire qui représente le principal pont entre l’économie réelle et les marchés financiers a été particulièrement touché durant cette période nécessitant le secours pécunier des Etats à des niveaux sans précédent.

Une réforme très inachevée

Pour l’heure, la réforme porte essentiellement sur un affinement dans les modes de calcul et un relèvement des seuils d’exigences minimales de fonds propres détenus par les banques.

Ainsi les éléments comptables intégrant les fonds propres prudentiels ont été limités dans un premier temps (juillet 2010) en excluant du ratio Tier 1 les titres hybrides hors fonds publics, en plafonnant les participations de filiales, les autres activités (assurance notamment), les impôts différés.

En outre la valorisation des actifs selon leur risque a été modifiée (principalement le risque de contrepartie).

Par la suite, les niveaux d’exigence en fonds propres ont été augmentés :

• Passant de 2% à 4,5% de fonds propres en actions ordinaires pour le ratio minimal (Core Tier One), auquel se rajoute un volant supplémentaire de 2,5% en 2019 pour pouvoir distribuer des dividendes, soit un total de 7%,

• Passant de 4% à 6% pour le Tier One auquel se rajoutent à nouveau 2,5% soit un seuil au total de 8,5%.

Le projet prévoit cependant une période importante de transition pour permettre aux banques de satisfaire à ces nouvelles obligations :

• Le passage du ratio Core Tier One à 4,5% et du Tier One à 6% devrait se faire progressivement jusqu’en début 2015 ;

• Le volant supplémentaire devrait intervenir de façon graduelle jusqu’en 2019.

Des éléments transférés à d’autres instances ou simplement différés

D’autres points de la réforme restent en attente d’une décision :

• Un ratio supplémentaire de fonds propres, dit contre cyclique, dont le but serait d’augmenter les exigences en période d’expansion et de les desserrer lors de difficultés économiques. L’application de ce critère (de 2,5%) est laissée au choix des autorités nationales,

L’actualité économique et sociale

Pôle Banque et Assurances, Cabinet APEX

- Cabinet APEX – Décembre 2010 -

• Deux ratios de liquidité (un de long terme et un de court terme) dont les introductions sont prévues respectivement pour 2015 et 2018,

• Un ratio de levier de 3% en cours de test dont l’intégration aura lieu à partir de 2018,

• Des normes renforcées pour les établissements de grandes tailles pour lesquels les travaux se poursuivent,

• Et une suite possible aux propositions sur les capacités d’absorption d’un établissement en faillite.

L’absence de décision ferme concernant la mise en place d’un ratio lié à la conjoncture laisse le projet dans une forme incomplète sur ces capacités à endiguer une nouvelle crise bancaire.

L’enjeu immédiat: le renforcement des fonds propres

En l’état actuel, la réforme impliquera une hausse des fonds propres pour un nombre important de banques. Celle-ci se fera soit par une distribution limitée des dividendes et davantage de mises en réserve du résultat, soit par des augmentations de capital.

*Peu d’éléments ont été pour l’instant communiqué par les Groupe CM-CIC, Banque Postale et CASA.

Il est probable par ailleurs, qu’à l’instar de Bâle II, le marché exige une marge de sécurité supplémentaire en plus de la règlementation. Il est ainsi évoqué au lieu du ratio Core Tier One de 7% :

• Soit, un standard compris entre 8% et 10% selon les analystes de CREDIT SUISSE,

• Soit, une exigence de 9% ; selon le cabinet MC KINSEY.

Les impacts sur les différents métiers bancaires

Les retombées pour les banques cotées pourraient s’avérer encore plus importantes à terme. La réforme implique que pour un même risque lié à un prêt ou à une créance quelconque, la banque devra mobiliser davantage de fonds propres. Par conséquent, il est à prévoir une réallocation nouvelle des fonds propres vers les métiers :

• Les moins risqués, • Ou les plus rentables.

Par ailleurs, ces critères pourraient à termes continuer à distinguer sensiblement, notamment en France, les stratégies des groupes cotées (BNP Paribas, Société Générale) de celles des groupes majoritairement mutualistes (Groupe Crédit Agricole, BPCE, CM-CIC).

-4,3%

-1,0%

-3,5%

Natixis

BNPP

Société Générale

Principaux effets de la réforme sur le core tier one des banques françaises* (en %)

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Vers de nouveaux « business models » ?

Selon les différentes analyses, cette réforme pourrait à termes accélérer les mutations actuelles des groupes bancaires :

• De nouvelles concentrations de métiers à risque avec des marges réduites telles les plateformes de crédit à la consommation et de gestion d’actifs,

• Une nouvelle articulation entre banque de détail et BFI. La banque de détail qui regroupe les crédits à l’immobilier et aux professionnels voit son rôle de stabilisateur renforcé dans les activités bancaires. Par ailleurs, la limitation des activités de BFI sur fonds propres initiée après la crise devrait logiquement se poursuivre.

• Une interrogation sur la convergence des métiers d’assurance et bancaire, ainsi seuls 15% des fonds propres d’assurance du Crédit Agricole pourraient en l’état être comptabilisés dans les comptes.

• Des risques importants concernant les activités de commerce international particulièrement affecté par la nouvelle pondération,

• Des effets mal estimés des ratios de liquidité sur les lignes de crédit accordés aux entreprises et donc sur les différents métiers afférents.

A l’instar de ce que font actuellement les marchés et les actionnaires, l’instauration de la nouvelle règlementation devrait être le moment pour interroger à nouveau les directions sur les conséquences locales de la réforme et leurs intentions afin d’anticiper au plus tôt les risques sociaux.

Des risques encore peu mesurés sur certaines activités

Plusieurs analyses font état de conséquences significatives de la réforme sur les croissances nationales. Ces effets pourraient concernés plus particulièrement les accès aux crédits les plus volatiles et les plus sensibles au risque notamment le crédit à la consommation et les PME.

Le crédit à la consommation et aux PME sont des activités particulièrement génératrices de risques, notamment en période de crise. Sans l’instauration d’un ratio variable, les PME risquent de se voir limiter l’accès au crédit en cas de crise en raison d’une rentabilité trop faible pour un risque trop élevé. Pour rappel, le crédit à la consommation constitue pour l’heure un des moteurs essentiels de certains secteurs comme l’automobile.

Très clairement les deux principales études d’impacts liées aux relèvements des critères ont été élaborées par rapport aux grands équilibres des zones économiques sans prendre pour l’heure en compte les conséquences sur le tissu économique (accès des ménages ou des PME au crédit, financement de l’économie par les banques ou par le marché).

Bâle 3, quelle finalité : nouvelle régulation ou nouvelle règlementation?

En l’état, les décisions du Groupe de Bâle vise davantage à un renforcement de la règlementation actuelle qu’à une régulation nouvelle de l’économie bancaire. Le principal objectif demeure de limiter à l’avenir le risque de faillite bancaire et le coût de nouvelles interventions pour les Etats.

Le comité exige pour l’heure simplement un renforcement du coût du risque qui impactera l’ensemble du marché du crédit dans l’attente de nouveaux critères (liquidité, effet de levier, ratio conjoncturel).

- Cabinet APEX – Décembre 2010 -

Pour une grande part, les choix de prêter de l’argent à un client qu’il soit un particulier, un professionnel, une PME ou une grande entreprise dépendra encore du retour sur investissement attendu et des critères de notation du risque associé ; indépendamment de la pertinence ou non du projet pour l’économie réelle. En ce sens, si le projet a pour but de réduire à l’avenir le risque de faillites bancaires, il est difficile de dire que les nouveaux critères auraient pu limiter les investissements hasardeux au déclenchement de la crise, ni la contraction des liquidités interbancaires et du crédit qui s’en est suivie.

Par ailleurs, il est à craindre que le coût pour les banques lié à ces nouvelles normes ne se répercute sur le client (par le biais d’un renchérissement de certaines opérations bancaires) et / ou sur le personnel des établissements bancaires (par le biais de réorganisations).

Le secteur bancaire français : une position particulière

Il convient également de noter que le secteur bancaire bénéficie en France notamment d’une position particulière au vu de son importance dans l’économie nationale. Contrairement aux Etats-Unis avec la disparition de Lehmann Brothers, l’Etat ne se permettrait probablement pas de laisser une banque française disparaître au regard des conséquences qu’un tel phénomène aurait (le système bancaire français étant étroitement lié, la faillite d’un Groupe français pourrait alors se répercuter en cascade sur les autres acteurs).

Le poids du secteur bancaire apparaît ainsi comme un argument majeur utilisé par les Etats afin de justifier le sauvetage organisé en 2008 / 2009. Si ce sauvetage peut être perçu comme indispensable pour l’économie dans son ensemble, il n’en demeure pas moins que les contre parties réclamées aux Banques apparaissent faibles au vu de l’aide reçue.

Si les contraintes règlementaires s’accroient, en revanche, le rôle des banques dans le financement de l’économie n’a pas ou peu été revu depuis la crise de 2008. En dépit des annonces faites par l’Etat Français, peu de choses ont évolué quant au financement de « l’économie réelle ». Pourtant une grande partie des aides accordées par l’Etat auraient pu être conditionnées à un financement suivi et contrôlé des PME notamment.

Bâle III et les contraintes règlementaires qu’il impose apparaissent aujourd’hui comme une contrepartie relativement faible au soutien dont a pu bénéficier le secteur bancaire.

Finalement, les puissances publiques soulignent par ces réformes à quel point le système bancaire est déterminant pour l’ensemble de l’économie. La limite de l’exercice tient toutefois au fait qu’elles laissent toujours à l’ingénierie financière le soin de réaliser des taux de profit supérieurs à ceux escomptables dans l’économie dite réelle.

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Pour rappel, quelques fondamentaux

Le comité de Bâle : Le Comité de Bâle est une institution créée en 1974 par les gouverneurs des banques centrales des pays du "groupe des Dix" (G10), regroupe des banques centrales et des organismes de réglementation et de surveillance bancaires des principaux pays industrialisés. Les représentants se rencontrent à la Banque des règlements internationaux à Bâle pour discuter des tous les enjeux liés à la surveillance prudentielle des activités bancaires.

Tier One : Le ratio Tier 1, qui exprime cette solvabilité, est le rapport entre d’une part, les fonds propres (capital + réserves, c.à.d. le principal facteur de sécurité pour ceux qui déposent l’argent dans la banque), et d’autre part les différents actifs de la banque (trading, crédits aux entreprises…). Ce rapport est pondéré en fonction des risques

Core Tier One : Le ratio core-Tier 1 est une variante du Tier 1, qui exprime mieux encore la solvabilité des banques, parce que la composante «fonds propres» du rapport est plus restrictive : elle est constituée uniquement du capital apporté par les actionnaires, augmenté des bénéfices reportés chaque année par la banque; elle exclut toutes les formes de capitaux hybrides (obligations perpétuelles, actions préférentielles, obligations convertibles…).