la rangée nord europe
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Description des strategies des armements pour la desserte de la "Northern Range"TRANSCRIPT
UNIVERSITE DU HAVRE U.F.R DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
MASTER 2 PROFESSIONNEL GEOGRAPHIE ET AMENAGEMENT STRATEGIE ET RESEAUX D’ACTEURS
STRATEGIE ET RESEAUX D’ACTEURS
« La desserte de la Rangée nord-Europe par
les armements de lignes régulières :
Concentration ou dispersion ? 1994 - 2002 »
BUREL Floriane FRATRAS Yohann
Mars 2010
« LA DESSERTE DE LA RANGEE NORD-EUROPE PAR LES ARMEMENTS DE LIGNES REGULIERES : CONCENTRATION OU DISPERSION ? 1994 - 2002 »
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INTRODUCTION
Au cours du siècle dernier, le secteur des transports est devenu un élément clé dans la chaîne
de production. Cela va se traduire, comme pour l’ensemble des secteurs économiques, par une
recherche de la productivité et une concurrence forte. Ce constat s’applique au transport maritime
et va se concrétiser, à l’initiative des armements, par une logique de concentration et de
conteneurisation des flux de marchandises. Plus que tous les autres acteurs impliqués dans le
transport maritime, les armateurs vont jouer un rôle essentiel dans ce mode. Les stratégies mises en
place par ces derniers vont reconfigurer le système maritime mondial. Ces stratégies vont différer
d’un armement à l’autre et évoluent dans le temps, c’est ce qui explique la constante mutation de ce
système.
Alors que depuis les années 1960, le transport maritime était caractérisé par un phénomène
de concentration, on assiste aujourd’hui à une stabilisation de cette tendance. Antoine FREMONT et
Martin SOPPE vont, à travers leur article intitulé « La desserte de la Rangée nord-Europe par les
armements de lignes régulières : concentration ou dispersion ? 1994-2002 » publié dans la revue
« Flux » de Janvier-Mars 2005, analyser les deux grandes logiques qui s’opposent.
En prenant appui sur la rangée portuaire la plus dense au monde, les auteurs vont, dans une
première partie, développer les avantages et inconvénients de ces logiques antagonistes. Dans un
second temps, FREMONT et SOPPE vont présenter les stratégies des armements et leurs impacts sur
la rangée nord-Europe. Nous verrons que la situation est bien plus complexe qu’il n’y paraît.
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1. ENTRE STRATEGIE PORTUAIRE…
Les ports entre stratégie de concentration et de dispersion.
Depuis les années 1970, période à laquelle est apparue la conteneurisation, la concentration
des trafics sur quelques ports est prédite par plusieurs spécialistes. Le modèle de Taaffe Morril et
Gould démontre ainsi « la prédominance d’un port unique qui, étant le mieux intégré au corridor de
développement principal du pays, finit par concentrer l’essentiel des trafics maritimes tout en
provoquant l’isolement voire le déclin des autres ports, moins bien connectés et devenus
périphériques ». En effet, dans un contexte de concurrence portuaire, conquérir des parts de marché
est le principal objectif et les fusions (CMA et CGM ou bien Maersk et Sea-Land par exemple) et
alliances sont les conséquences de cette stratégie.
Les ports capables d’accueillir des porte-conteneurs et de gérer des flux de masse seront privilégiés
par les armements de lignes régulières. De plus, les liaisons avec l’hinterland sont essentielles pour
multiplier les destinations possibles des marchandises. Les ports s’adaptent donc pour attirer les flux
et être compétitifs les uns par rapport aux autres.
Ce constat de concentration portuaire a été vérifié mais depuis les années 1980, elle
n’apparait pas avantageuse pour les armateurs en raison des déséconomies qu’elle entraine
(congestion d’infrastructures, coûts de transports régionaux élevés et regain de certains
ports), comme a pu le réaffirmer Jacques GUILLAUME dans son livre « Les transports maritimes dans
la mondialisation ».
De plus, afin de ne pas être dépendants des hubs, certains armateurs s’impliquent dans la gestion
des terminaux et un phénomène de dispersion se développe (19% des volumes manutentionnés dans
le monde étaient gérés par les armements en 2001). A présent, les armements ont même une
préférence à desservir les ports secondaires pour y détenir une position dominante et provoquer une
concurrence portuaire par le prix.
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L’étude de la rangée Nord-Europe et son évolution
La densité portuaire de la rangée Nord-Europe est unique en raison du marché à desservir :
près de 1 000 kilomètres du Havre à Hambourg regroupant 13 ports qui se font concurrence.
Appliquées à cette rangée (un des principaux pôles portuaires mondiaux), les stratégies de
concentration et dispersion sont équivoques. Le Havre est un port favorisé de par sa position
géographique (premier à l’importation et dernier à l’exportation) et dispose d’une accessibilité à
l’hinterland européen d’aussi bonne qualité que ses rivaux de la rangée. Dans ce contexte, les
armements ont de multiples solutions logistiques et tirent un grand intérêt de cette concurrence.
Du fait de la stratégie des armements, les données sur les flux conteneurisés ne sont pas divulguées.
Il n’est possible de connaitre que les statistiques portuaires sur les EVP manutentionnés, en général.
Les auteurs FREMONT et SOPPE se sont alors intéressés à l’offre commerciale de transport
conteneurisé, en constatant que les 26 premiers armements mondiaux (sur la période de l’étude
1994-2002) disposent des deux tiers de la capacité des porte-conteneurs et ont conclu à la hausse de
la concentration des trafics des armateurs sur les ports de la rangée nord et les ports de la façade
Manche-Mer du Nord du Royaume-Uni : Leur analyse a abouti à trois stratégies de concentration sur
le périmètre d’étude.
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2. … ET STRATEGIE ARMATEURIALE
En analysant l’organisation de la desserte de la Rangée Nord, on constate que les deux
hypothèses développées dans la partie précédente ne se vérifient pas. Loin d’une tendance à la
concentration ou à la dispersion, la réalité est en fait marquée par une relative stabilité de cette
concentration portuaire. Alors que les auteurs prédisaient l’émergence d’un port dominant par
façade, on constate que c’est la situation inverse qui se produit. Même si la concentration demeure
comparable, les évolutions des parts des marchés des différents ports tendent à homogénéiser
l’importance des différentes places portuaires. Alors que dans les années 1980 Rotterdam assurait
près d’un tiers des trafics de la Rangée Nord, ce taux est descendu à 23%, mettant le port hollandais
en concurrence directe avec Hambourg et Anvers.
LA RANGEE NORD-EUROPE
Pour expliquer cette évolution, les auteurs avancent l’hypothèse d’une méfiance des
opérateurs portuaires, dont les armateurs, à s’appuyer sur un seul port et d’être dépendant vis-à-vis
de celui-ci. Cependant, les auteurs n’avancent pas la problématique du pré et post-acheminement et
des inconvénients engendrés par une trop forte concentration. En effet, comme l’a démontré
Norbert VAN DER MEULEN dans son article « La concentration géographique du transport maritime
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transocéanique », s’appuyer sur un seul port entraînerait une zone de chalandise déformée, le port
devant desservir un hinterland beaucoup plus vaste. Ceci se traduirait par un feedering routier avec
toutes les conséquences que cela impliquerait : pollution, nuisances sonores, congestion des
infrastructures routières et autoroutières, etc.
La stabilité de la concentration portuaire trouve son explication dans les stratégies des
armements européens. Les auteurs mettent en effet en opposition les stratégies des armements
asiatiques qui favorisent les relations directes et les armements européens. Ceux-ci vont organiser
leurs trafics selon le principe hub and spokes. Ils vont privilégier quelques ports, des ports pivots, sur
lesquels leurs réseaux vont s’appuyer. Cela ne signifie pas que les armateurs vont desservir moins de
ports mais la grande partie des lignes va être dirigée vers le hub. La stabilité de la concentration
s’explique par le fait que chaque armateur va privilégier un ou deux ports différents. La grande
majorité des places portuaires est ainsi concernée par cette organisation. Au sein de ces dernières,
souvent de taille moyenne, les armements assurent l’essentiel du trafic avec l’objectif de contrôler la
chaîne logistique en étendant leurs activités (services portuaires notamment).
Les auteurs n’insistent pas assez sur le rôle des armements qui sont de plus en plus impliqués
dans les activités terrestres. Ils possèdent leurs propres dockers et arrimeurs. Des terminaux leurs
sont dédiés. On peut prendre l’exemple du Havre, où la compagnie française CMA-CGM possède un
terminal dédié, le « terminal de France ». Ces parts de marché élevées et le développement de leurs
activités permettent aux armements d’être en position de force pour négocier avec les autorités
portuaires. Un point qui aurait pu être développé concerne le choix des ports par les armateurs. Les
auteurs se contentent d’avancer l’hypothèse que la proximité par rapport au marché semble plus
déterminante que l’accessibilité maritime. Alors qu’auparavant les critères géographiques
(hinterland, accessibilité, etc.) étaient privilégiés, les armateurs vont aujourd’hui retenir un port
plutôt qu’un autre en fonction des routes maritimes pour des économies d’échelles et d’envergures
(provenant des productions jointes). Préciser ce point aurait permis de comprendre les évolutions
des parts de marchés, les armateurs réorganisant régulièrement leurs réseaux comme lors de la
phase de fusions et d’alliances qui s’est développée dans les années 1990.
Enfin, les auteurs concluent en dressant un aperçu de ce que pourrait être la situation dans
quelques années, à savoir une situation monopolistique où chaque armement prendrait « le
contrôle » d’un ou deux ports pour en faire des hubs dédiés. Cependant, prédire les développements
futurs est très compliqué en raison de facteurs imprévisibles, économiques notamment, qui peuvent
avoir des incidences plus ou moins importantes sur le secteur des transports.
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CONCLUSION
Ainsi donc, dans les années 1990, les armements de lignes régulières ont instauré une
stratégie de concentration spatiale et organisationnelle afin de faire face à la concurrence exacerbée
qui accompagne la globalisation.
L’étude sur la période 1994-2002 des auteurs abouti au fait que les choix et stratégies des
armateurs ne se limitent plus seulement à un seul facteur mais prennent en compte de nouveaux :
les ports, les hinterlands et les hubs notamment, éléments influant sur l’activité maritime et rendant
ces stratégies de plus en plus complexes.
D’après Jacques GUILLAUME, la Rangée Nord demeure caractérisée par sa très forte
concentration des trafics conteneurisés sur quelques ports majeurs ; les installations portuaires et les
relations avec l’hinterland étant dorénavant les facteurs-clé pour capter ces flux.