la question dominicaine : nos limites frontières

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Auteur. Dalbemar, J.-J./Ouvrage patrimonial de la Bibliothèque numérique Manioc. Service commun de la documentation, Université des Antilles et de la Guyane. Conseil Général de la Martinique, Bibliothèque Schoelcher

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P, LOUTREL

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LA

QUESTION DOMINICAINE

NOS LIMITES FRONTIÈRES

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I M P . VVE J . C H E N E T , -- P O R T - A U - P R I N C E , ( H A I T I . )

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LA

QUESTION DOMINICAINE

NOS LIMITES FRONTIÈRES

PAR

D . J E A N - J O S E P H

PORT-AU-PRINCE, IMPRIMERIE Vve J. CHENET,

45, RUE B O N N E F O I , 45,

1893.

144946

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O B J E T D E C E T T E É T U D E .

Il est grand t emps de régler la ques t ion des l imites front ières , sujet d ' i nqu ié tudes r éc ip roques en t re Santo-Domingo et Haïti. Tel est le cri généra l . — Tout le monde convient q u e c'est le moyen de me t t r e un t e r m e aux accusa t ions et réc r imina t ions q u i rev iennent s a n s cesse et à la moindre occas ion , et qui ne sont , le p lus souven t , c ausées que par l 'état d 'espr i t d a n s lequel n o u s l'ait vivre « l ' incert i tude de l 'avenir», su r cette quere l le des l imites.

Mais on dit en m ê m e t e m p s qu'i l est e x t r ê m e m e n t difficile, p r e s q u e imposs ib le , de s ' en tendre , à cause de l 'obstination de l 'un, de la ténaci té de l'autre, d a n s l e s prétentions respectives.

Le prob lème est-il v ra iment inso luble?

Cer ta inement non, si avec le ca lme et la modéra t ion qu'il faut, on se d o n n e la peiné de por te r la lumière sur les différents p o i n t s de la ques t ion , de façon à d i s s ipe r les m a l e n t e n d u s et les p réven t ions .

Il faut c o m m e n c e r pour cela par un exposé de l 'état et de la marche d e nos re la t ions d ip lomat iques , depu i s que la paix s 'est faite en t re les deux pays .

Dans cette p remiè re pa r t i e—his to i r e de nos négo­c i a t i o n s , — n o u s d i s t inguons trois pé r iodes c o m m e su i t :

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VIII

De 1859 à 1879, les p o u r p a r l e r s res tés l ong temps s a n s résul tat , abou t i s sen t enfin au trai té de 1874, b ientô t la issé à l 'écart. Ce qui c ause u n e r u p t u r e de re la t ions , s a n s exc lure toutefois différents essa is d ' en t en t e .

De 1880 à 1887, les re la t ions s o n t r ep r i se s et c o n ­dui tes en vue d 'un nouveau trai té à conc lu re . Des conven t ions proviso i res sont s ignées . Des confé rences et des échanges de no tes ont lieu.

De 1888 à nos j ou r s , les négocia t ions se poursu iven t , soit p o u r la conc lus ion du nouveau trai té , soit p o u r l 'exécut ion de celui de 1874, qui , r econna i t -on au r é su ­m é , con t inue à régir les r appor t s d e s deux pays . C'est à Santo-Domingo sur tou t qu 'on le déc la re .

Cela fait, n o u s p r é s e n t e r o n s , Chapi t re I I , les solu­t ions qui n o u s s emb len t les p lus p ra t iquemen t ind iquées .

Et nous p a s s e r o n s , d a n s les qua t r e de rn i e r s Cha­p i t res , à la d iscuss ion spécia le des l imites f ront ières .

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E R R A T A

Pages

9 17 1 8 2 4 2 7 3 3 3 5 4 2 4 5 4 6

4 7 4 8

4 9 5 2 5 4 5 7 5 8

5 9 6 0 6 6 6 9 7 0 9 2 7 3 7 8 8 6

9 9 101

Ligne

20

7

2 1

3

2 8

n

II 2 4

3 3

54 11 2 9 3 4

3

2 7

au lieu de lisez

Marc-à-chat Mare-à-chat

après, le memorandum junction

après le Memorandum jonction

faite par l'Exécutif de Mensajero

faite pour l 'Exécutif du Mensajero

qu'elle fait repondre

quelle a fait reprendre

l 'Angleterre, fondait le sein Ponancey

l 'Angleterre fondait le sien Pouancey

Dan Juan . . .Don Francise resaisir

Don J u a n . . . Don Francisco ressaisir

Ardoin interressée concedido los

A r d o u i n intéressée

concebido las

cantitad cantidad

1 9 9 3 1 8 9 3

et quelques légères erreurs de ponctuation aux pages 1 7 , 2 7 , 3 3 , 4 4 , 4 5 , 4 8 , 54, 57, 5 8 , 6 3 , 6 6 , 7 8 et 8 9 .

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LA QUESTION DOMINICAINE

NOS LIMITES F R O N T I È R E S

CHAPITRE PREMIER

NOS RAPPORTS AVEC SANTO-DOMINGO.

SOMMAIRE : — De 1859 à 1870. - Cessation des hostilités et régularisation de uns rapports. — Négociations. Traité de 1867 resté imparfait. — Traité de 1874 — Changements de Gouvernements. — Rupture des relations.

De 1880 à 4887; — Reprise des relations. — Convention de -1880. - Mis­sion de M. C. Archin en 1882. — Interprétation dominicaine du terme de possessions actuelles et réponse de notre plénipotentiaire —Agitation dominicaine et accusation d'empiétements après la paix. — Mémorandum et contre mémorandum de 1887. — Mission du Général E. G. Marchena, même année — Exposé des prétentions dominicaines et réponse d'Haïti.— Mémorandum dominicain de 1882 pour une délimitation des frontières.— Note dominicaine sur le même objet; parait-il, de 1880. — Question du tafia — Taxes dominicaines.

De 1888 à nos jours — avril 1893. — Les forts Biassou et Cachiman pen­dant la dernière, guerre civile en Haiti. — Entrevue de Thomazeau et convention des deux Présidents. — Incident de 1890 à l'occasion de l'application du tarif douanier en Haiti. — Mission des MM. S. Preston, D. Jean-Joseph, E. Gutierrez, 0 . Cameau et St.-Cap Louis Blot. — Nomi­nation de M. A. Thoby, Ministre plénipptentiaire. — Incident de Mare-à-Gliat. — Commission instituée à Port-au-Prince.— Questions à résoudre. — Préoccupations et événements du jour. — Insurrection dominicaine.— Ferme de Samaha et transfert de la créance Westendorp. — Entrevue des deux Chefs d'Etat à la haie de Mancenille.

11 est cons t an t que dès que Haïti eut r e n o n c é à faire r en t r e r sous son autor i té la par t ie de l 'Est dé t achée en 1844, on songea de par t et d ' au t re à régula r i se r d e s re la t ions d é s o r m a i s pacif iques , amica les et c o m ­merc i a l e s .

On pouvai t , à la r igueur , et p e n d a n t un cer ta in t e m p s c o n s e r v e r d e s e s p é r a n c e s d 'un côté et d e s p r éven t ions de l 'autre. Vingt deux a n n é e s de vie c o m m u n e et d 'une admin i s t ra t ion c o m m e cel le qu 'ava i t enco re le

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10 CHAPITRE PREMIER

pays s o u s le Prés iden t Boyer, ne pouvaient pas p a s s e r sur n o s frères de l'Est s ans laisser parmi eux quel ­ques regrets pers i s tan ts et des par t i sans ; en q u e l q u e petit n o m b r e q u ' o n veuille le supposer . Cela expl ique comment , à tort òù à raison, on ¡a longtemps con­t i n u é à croire à l 'existence, c h e z n o s v o i s i n s , d'un parti haïtien, d 'ai l leurs disparu d e p u i s .

D'autre paru il a fallu du t e m p s p o u r r a m e n e r à u n e pleine confiance les conduc t eu r s d 'un p e u p l e nou­vel lement émanc ipé et d 'au tant p l u s j a l o u x de sa liberté et de s o n indépendance .

Dans tous les cas , l 'annexion espagnole d e 1861 à 1863 surv in t (1) bien faite pour dessi l ler tous les y e u x .

Offrant a u x u n s et, aux au t r e s les leçons d ' u n e triste expér i ence , e l le fit t o m b e r n o s de rn iè res i l l u s i o n s , c o m m e également e l le devait faire céder , devan t la sympath ie et le concour s haï t iens, les prévent ions de n o s voisins. Il était devenu acquis p o u r tous , le fait inévitable d e l ' indépendance des d e u x Républ iques , m a i s vivant en t re elles s a n s méfiance et s a n s a r r iè re pensée .

Des efforts p o u r un a c c o r d écrit f u r e n t dès l o r s très sé r i eusemen t tentés . A la p r e m i è r e modification de sa Const i tut ion, en 1867, le p e u p l e h a ï t i e n s ' e m p r e s s a d'en faire d i s p a r a î t r e ce qui pouvait offusquer les Domi­nicains . L'art. 1 e r (|ui dé t e rmine le terri toire ment ion­nait jusque- là l'Ile ent ière ; on le modifia c o m m e p r e u v e de l 'abandon d e t o u t e s pré tent ions sur Santo-Domingo. Chez les D o m i n i c a i n s , on en lit a u t a n t , en 1875, à l 'art. 3 d e l e u r Const i tut ion, m a i s pour y r e p r e n d r e bientôt le t e x t e ancien, c o m m e n o u s a l l o n s le voir.

Ce qui , s u r toutes choses, contraria les b o n n e s d i s ­p o s i t i o n s mont rées p l u s ou m o i n s de part et d 'aut re , c e f u r e n t les t r o u b l e s p o l i t i q u e s (pu n a i s s a i e n t c o n t i -nue l l ement e t tour à t o u r au se in d e s d e u x Républ iques .

L'on p a r v i n t , en 1867, à s ' en tendre p o u r un traité qui fut signé le 26 Juillet, et dont , l'art. 7 était a i n s i c o n ç u : « U n traité spécial fixera u l t é r i eurement la dé­

[1] On verra plus loin, au Chapitre IV, ce qui eut lieu à cette occasion, entre l'Espagne et Haïti.

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NOS RAPPORTS AVEC SANTO-DOMINGO 11

« marca t ion des l imites des deux Eta ts . En a t tendant , « ils se maint iendronl d a n s leurs possess ions actuelles.»

Mais l 'acte resta imparfait. Ratifié à Santo-Domingo, il ne le fut pas à Por t -au-Pr ince. (1) Le Gouverne-ment qui l'avait fait négocier n 'en eut pas le t emps . Salnave tomba du pouvoir . Соmme a u s s i , bien des pourpa r l e r s repr i s à différentes é p o q u e s res tè ren t s ans effet, pa r sui te de c h a n g e m e n t s d a n s le personnel gou­ve rnemen ta l de l'Est;

Le traité de 1874 est enfin c o n c l u ( 9 n o v e m b r e ) et son art . 4 est a ins i c o n ç u : « Les h a u t e s part ies con­t r ac tan tes s 'engagent formellement à établi t de la m a ­nière la p lus conforme à l 'équité et a u x intérêts réci­p r o q u e s des d e u x p e u p l e s , les lignes f r o n t i è r e s qui sépa ren t leurs p o s s e s s i o n s actuel les . Cette nécess i té fera l'objet d 'un traité spécial , et des c o m m i s s a i r e s se ron t respec t ivenent n o m m é s le p l u s tôt p o s s i b l e à cet effet. »

Clause qui a son c o m m e n c e m e n t d 'exécut ion d a n s la modification cons t i tu t ionnel le de 1875 q u e n o u s ve­nons de men t ionne r , et p a r laquelle il est dit s eu l e ­men t que les limites feront ,l'objet d 'une loi, au lieu d 'ê t re déc la rées , c o m m e auparavan t , l es m ê m e s que cel les qui exis ta ient en 1793, stipulées p a r le traité d 'Aranjuez du 3 juin 1777. C'est cet art icle 3 de la Consti tut ion d o m i n i c a i n e a i n s i modifié p o u r s e t rouver en accord avec celui de l ' ins t rument d ip lomat ique , qui est bientôt rétabli et maintenu d a n s le s e n s du traité d 'Aranjuez. Il y avait eu c h a n g e m e n t cle Gouve rnemen t à San to -Domingo .

De not re coté , on avai t à la chu te du Gouve rne ­men t Domingue , en 1870, décré té l 'annulat ion de s e s ac tes , au n o m b r e desque l s se t rouvait le traité d e 1874.

De là, rup tu re de r appor t s (2) qui laissait tout d e

(1) Conclu à Santo-Domingo le 21 Juillet, le traité fut, sanctionné par la Junte centrale executive Santiago le 24 Décembre et ne le fut pas par le Corps Législatif d'Haiti, à cause des troubles civils qui mirent obstacle à sa constitution régulière à Port-au-Prince.

( 2 ) Quand le traité fut annulé par la loi du 9 Octobre 1876, .M Carlos Noël, alors consul dominicain à Port au-Prince. amena son pavillon et se retira dans la partie de l'Est. Il en est résulté que le Gouvernement

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12 CHAPITRE PREMIER

dominicain n'a jamais été représenté près le Gouvernement d'Haiti pendant l'administration de Boisrond Canal. « La Justice» No, du 16 avril 1890.

Cependant des commissaires dominicains vinrent au Port-au-Prince réclamer, sans les obtenir, les valeurs stipulées à l'art. 12 du traité.

(3) Stipulations analogues à celles de l'art. 33 du traité de 1874, avec cette différence qu'en 1874, c'était sur la réclamation dûment justifiée du Gouvernement menacé.

m ê m e con t inuer des pourpa r l e r s , au cou r s d e s q u e l s n o u s r e ç û m e s plus d 'une p r o m e s s e domin ica ine de v ider la quest ion des l imites , le p l u s tôt et sur la b a s e c o n v e n u e des posses s ions ac tuel les .

* * *

Quat re a n s ap rè s , par deux conven t ions s ignées le 24 Octobre 1880, on renouai t officiellement et solen­ne l lement les re la t ions s u s p e n d u e s .

La p r emiè re des convent ions de 1880 était provi­soi re et pour une du rée de huit mois à par t i r de la ratification, afin d'arriver à un accord définitif; elle décla­rai t r e p r e n d r e les r appor t s d 'amit ié et de bon voisi­nage, dans les m ê m e s condi t ions que cel les é tabl ies d a n s les convent ions an té r i eu res au fait de leur rela­c h e m e n t et in te r rup t ion .

La seconde , addi t ionnel le à la p r emiè re , s t ipulai t l 'obligation réc ip roque d 'expulser ou d ' e m p ê c h e r de dé­ba rquer tout individu dés igné p a r l 'autre gouve rnemen t c o m m e dangereux à la paix publ ique. (3) L'article unique de cet te de rn iè re c o m m e n c e ainsi : « Lu a t t endan t que « les s t ipula t ions c o n t e n u e s d a n s la convent ion provisoire « reçoivent la sanct ion nécessa i re et p e n d a n t la du rée « de tout le t emps que p rendra ien t les négociat ions à « arr iver à une entente parfaite, et, définitive, les d e u x « Gouve rnemen t s s 'engagent et s 'obligent à garder et « main ten i r la neutral i té etc. à l 'égard de la pol i t ique « in té r ieure , etc. »

Les deux convent ions ratifiées et s anc t ionnées à Por t - au -Pr ince , au moi s d ' O c t o b r e 1882, M. Archin par t i t l ' année su ivante , mun i des p le ins pouvoi rs du G o u v e r n e m e n t d'Haïti , p o u r Santo-Doiningo où l 'atten­da ient les commissa i r e s domin ica ins .

Les conférences al lèrent bon t ra in . Sur la d e m a n d e formelle des Dominica ins , l 'exis tence

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NOS RAPPORTS AVEC SANTO-DOMINGO 13

du t ra i té de 1874 fut déc la rée et r e c o n n u e par not re agent . Et ce p ré l imina i re accompl i , tous les ar t ic les d 'un nouveau traité lurent rédigés e1 a r rê tés , sauf l 'art. 4 c o n c e r n a n t les frontières qu 'on avait réservé pour ê t r e d iscuté le de rn ie r et sur lequel , en définitive, les par t ies ne s 'entendirent pas . C'est là que les c o m m i s ­s a i r e s domin ica ins avancèren t cet te interprétat ion inouïe q u e pa r possessions actuelles il fallait en t end re cel les qui , en droi t , pour ra ien t appar ten i r à chacun des deux peup les , in terpréta t ion d a n s le s ens de laquelle op ina le Congrès consul té ; (1) t andis que M. Archin sou te ­nai t , lui, que par possessions actuelles on devait en­t e n d r e cel les qu 'occupa ien t les deux nat ions à la da te OU on l 'écrivait d a n s le traité. (2)

C'est le m ê m e t e rme , qu 'on t rouve au traité s igné en 1807.

M. Archin revint a i n s i à Po r t - au -P r ince , la issant l 'é­tat de n o s re la t ions sans changemen t .

Le G o u v e r n e m e n t h a ï t i e n n ' en con t inua pas moins à d e m a n d e r à celui de Santo-Domingo la n o m i n a t i o n des c o m m i s s a i r e s chargés de r e p r e n d r e les négoc ia t ions p o u r un accord qui « m e t t e tin aux incer t i tudes d e l'a­venir . »

Sur c e s e n t r e f a i t e s , il y eut , semble- t- i l , une vive alar­me à Sto-Domingo. Le, 1er avril 1885, M. Eliseo Grullon, Secré ta i re d 'Etat d e s Rela t ions-Extér ieures , lit r emet t re à Por t -au-Pr ince une note o u d é p ê c h e , por tan t réc lamat ion contre l 'occupation de Gourabo , dit-il, c o m m u n e de Sa-\ a nette, co ïnc idant avec l 'arrivée à O u a n a m i n t h e d e d e u x cen t s h o m m e s de t roupes et d 'une quant i té de Reming tons d a n s l ' a r s e n a l de For t -L iber té . C e s faits, dit M. le Mi-

(1) Los plenipotentiaros dominicanos intérpretaron por posesiones actuales aquellas que en derecho pudieron pertenecer a cada uno de los dos pueblos y CON identico criterio opino el congreso consultado sobre el particular-

Rappûrt du Secrétaire d'Etat des Relations Exterieures S. Imbert, pré sente au Congrès dominicain en 1884.

[2] Bello : « la clause qui replace les choses dans l'état antérieur à la guerre in statu quo ante bellum, a rapport uniquement aux propriétes interna­tionales et se borne; aux changements que la guerre a produits dans leur possession naturelle; la base de la possession actuelle, uti possidetis, se rapporte, au contraire à l'époque indiquée clans le traite de paix ou, à defaut, à la date même du traité. » Cairo 3.150.

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14 CHAPITRE PREMIER

nistre dominica in , é taient cons idé rés d a n s son pays com­me d e s préparatifs bell iqueux pour résoudre par les a r ­m e s ce qui devait être réglé par les d i scuss ions pacifi­ques de la d ip lomat ie . L' incident prit fin, s a n s dou te , à la satisfaction des d e u x Gouvernemen t s . Les déc la ra t ions d'Haïti r a s s u r è r e n t c o m p l é t e m e n t Sto-Domingo : l 'envoi des a r m e s d a n s différentes localités était s imp lemen t la sui te d ' u n e mesure d 'adminis t ra t ion tendant à change r et r e n d r e uniforme l ' a rmemen t de nos rég iments .

C'est a p p a r e m m e n t à cette époque que des c o m m i s s a i r e s d o m i n i c a i n s , dés ignés déjà, a l l a i en t part ir pour Po r t - au -Pr ince , quand u n e agitation fut organisée d a n s que lques v i l l e s domin ica ines et que des manifestat ions publ iques t r è s b ruyan tes eu ren t lieu cont re les Haït iens et un n o u ­veau traité clans ce m o m e n t - l à avec eux. Le Gouve rne ­ment de Sto-Domingo jugea p r u d e n t d ' a journe r l ' envo i d e s e s c o m m i s s a i r e s . On as su re que leurs ins t ruc t ions les a u t o r i s a i e n t à traiter sur le p ied d e s frontières telles qu 'e l les exis ta ient à la c e s s a t i o n d e s h o s t i l i t é s . La s e u l e c h o s e qui leur était r e c o m m a n d é e , c 'étai t le r ed re s semen t d e s emp ié t emen t s qu'on s u p p o s a i t avoir été la i t s s y s t é -m a t i q u e m e n t p a r les h a ï t i e n s d e p u i s le re tab l i ssement de la pa ix . ( Voi r une affirmation analogue d a n s le r e c u e i l d e s a c t e s domin ica ins relatifs à la guer re d e la sépara ­tion, note de Al. Garcia au b a s d ' u n d i s c o u r s d e M. Boba-di l la en Sep tembre 1884, rappor tée p l u s lo in . )

S u r c e chef, n o u s pouvons une fois l'aire o b s e r v e r qu'il est d e la n a t u r e d ' u n e f r o n t i è r e n o n e n c o r e dél imitée que d e s é t a b l i s s e m e n t s a r r i v e n t à dépasse r d e par t et d ' a u ­tre la ligne qui viendra p l u s t a r d fixer les l imites. Ce la est p o s s i b l e . Mais c 'es t réc iproque .

Il n 'y aura i t d o n c rien d ' ex t raord ina i re q u e , à p a r t i r d e 1859, on ait s a n s s ' en apercevoir , et également d e s d e u x côtés , avancé d a n s la z o n e r e s t é e dése r te c u i r e les d e u x lignes d u r a n t la guer re .

El p o u r peu que l 'on c o n s i d è r e quels ont été les ca­rac tè res d e la l u t t e , on voit q u e les Haïtiens ont été, en général , t o u j o u r s là où ils s o n t , témoin Ouanamin the e t l e s f o r t s BiaSSOU et C a c h i m a n , tandis q u e c e s o n t les Dominica ins qui , a y a n t reculé d ' abord , se s o n t avancés depuis la paix ; c 'es t -à-dire , sont r e v e n u s aux points

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NOS RAPPORTS AVEC SANTO-DOMINGO 15

qu ' i ls avaient a b a n d o n n é s c o m m e pa r exemple Dajabon, ou m ê m e qu ' i ls n ' ava ien t jamais occupés ; l e s q u e l s points formaient la z o n e neut re ma in tenue ent re les l i gnes en ­n e m i e s . Pour eux la g u e r r e était défensive. Plus faibles en n o m b r e et en r e s s o u r c e s , et à chaque campagne com­m e n ç a n t t o u j o u r s p a r céder a u x p r e m i e r s chocs , le p l u s q u ' i l s pouvaient était de r e p o u s s e r l ' invasion à la lin, et de revenir à leurs r e t r a n c h e m e n t s à u n e cer ta ine d i s t a n c e d e la l igne haï t ienne toujours prê te à r e p r e n d r e l'offen­sive. —

Enf in su r les ins tances de Por t -au-Pr ince , le Gouver­n e m e n t Dominicain , a p r è s avoir toutefois pr ié d ' a t t endre qu'il eût aplani des difficultés in té r ieures et conso l idé la paix de son p a y s , manifesta le désir de conna î t re , avant d ' e n t r e r en plein d a n s une négociat ion définitive, com­m e n t le Gouvernement haïtien en tenda i t r é soudre les ques t ions qui se p r é s e n t a i e n t .

Cela lit l 'objet d ' un échange de no tes c o m m e n c é le 28 juin 1887, à Santo-Domingo, p a r l ' en t remise de M. Gu-tierrez, Consul-Général haït ien, et s o u s le t i t r e d e me-morandum et de contre-mèmorandum, d o n t suit l 'analyse :

Memorandum dominica in .

« Les négociat ions de 4883 ouver tes à Santo-Dômingo et i n t e r rompues du fai t du plénipotent ia i re haï t ien, faute de pouvoi rs suffisants, se poursuiv i ren t co rd ia l emen t et d a n s de t rès b o n n e s d i s p o s i t i o n s ; o d e s parv inren t , en s o m m e , à obtenir , on peut le d i re , un t r è s bon résultat , sauf en ce qui c o n c e r n a i t la ques t ion d e frontières d a n s laquelle les p lénipotent ia i res domin ica ine a l l è r en t j u s q u ' à la limite de ce qu ' i l s t rouvaient conforme à l'équité et a u x intérêts r éc iproques d e s d e u x pays, C'est là que M. Ar-chin déclara m a n q u e r de pouvoirs .

« Il e s t m a l h e u r e u x que c e t t e négociation n 'ai t pu être t e rminée définit ivement. Le point content ieux d ' h i e r , c o m m e il le sera enco re de d e m a i n , e s t celui des l imites. U n e l'ois ce point principal résolu, i l r e s t e r a i t s e u l e m e n t celui p l u s facile d e s s o m m e s d u e s p a r le G o u v e r n e m e n t haïtien en vertu d u traité d e 1874; et il paraît ra t ionnel q u ' u n e indemni té soit d o n n é e au Gouvernement domi­nicain a r r i v a n t à u n e rectification de frontières.

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16 CHAPITRE PREMIER

« Le Congrès nat ional dominica in , exigeant déjà le c o m p t e de la c réance domin ica ine su r Haïti , a dit que p u i s q u e le Gouve rnemen t haït ien dés i re l 'accomplisse­men t des art . 4 et 5 ( l ) d u trai té , qu'il soit convenu pré l i -m i n a i r e m e n t que le Gouvernemen t haïtien rempl i ra d'a-bord ce qui est s t ipulé au de rn i e r pa rag raphe de l'art. 12 ( 2 ) jusqu ' au jourd 'hu i res té s a n s exécut ion.

« Cela posé , il para î t r a i sonnab le , dit le Gouve rnemen t domin i ca in , q u e . avant d 'ouvr i r de nouvel les négociat ions ou de con t inuer cel les qui ont été in t e r rompues ; on doive avoir une idée jus te éga lement des p ré ten t ions et d i spo ­si t ions de la d ip lomat ie ha ï t i enne à cet égard.

« Et, en c o n s é q u e n c e se p r é s e n t e n t les ques t ions su i ­v a n t e s :

« 1° Etant c o n n u le point où les négocia t ions des li­mi tes sont res tées , on pourrai t savoir quel les object ions p résen te ra i t le Gouve rnemen t d'Haïti aux bases d 'a r ran­gemen t lixées par les p lénipotent ia i res d o m i n i c a i n s ?

« 2° Etant c o n n u e s ces object ions , quel les se ra ien t les p ré ten t ions du Gouvernemen t haïtien re la t ivement à la rectification des frontières?

3° Et é tant d 'accord su r la rectification et su r la néces­si té de lever des p lans par d e s ingénieurs c o m p é t e n t s , le Gouve rnemen t d'Haïti accepterai t- i l , en cas de d iver ­gence d 'opinion, la décision d'un arbi t re in ternat ional?

« Enfin c o m m e n t le Gouve rnemen t d'Haïti serai t dis­posé de régler la ques t ion d ' indemni té qui s emb le de­voir être vidée avant la rectification des frontières et la forme et la man iè re de solder le compte d û j u s q u ' à cet te da te .

« Il est nécessa i re , con t inue la n o t e , de conna î t r e ces p o i n t s b i en que confident ie l lement , pour ne pas s 'enga­ger d a n s une négociation s u j e t t e à d e s diSCUSSionS p e r ­p é t u e l l e s de fond e t d e dé t a i l pouvant chu te r de n o u v e a u , p o u r ne toucher la quest ion qu 'avec ce qui doi t ê t r e d'ex­écution pra t ique , consent i d ' avance .

« De la pa r t des domin ica ins , on va met t re en relief l'i-

(4) Art. 4. Limites- 5 Traitément réciproquement égal des navires et car gaisons.

(2) Art. 12 — Versement annuel de 150.000 piastres pendant huit ans. —

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NOS RAPPORTS AVEC SANTO-DOMINGO 17

dée de t e rmine r une fois et défini t ivement les s i tua t ions respect ives d e localité et d e souvera ine té de c h a c u n d e s deux E t a t s .

CONTRE MEMORANDUM HAÏTIEN.

« S a n s vouloir r eche rche r — c e qui h e u r e u s e m e n t n ' e s t pas n é c e s s a i r e — s u r lequel d e s d e u x G o u v e r n e m e n t s p è s e la responsabi l i té d e la s u s p e n s i o n d e s négocia t ions de 1883 , se félicitant au con t ra i re d e pouvoi r cons ta t e r les b o n n e s d i s p o s i t i o n s e t l ' a c c o r d d e s d e u x p a r t i e s s u r la nécessi té et l ' u r g e n c e d ' u n e s o l u t i o n déf in i t ive ,— le G o u v e r n e m e n t haï t ien croit qu ' i l n ' y a pas d e pr ior i té à d o n n e r à tel p o i n t litigieux s u r tel a u t r e , — p a s de d i s ­c u s s i o n préalable à e n t a m e r a v a n t la r e p r i s e d e s n é g o c i a ­t i o n s ; qu 'un arb i t rage in terna t ional ; en cas de d ivergence d ' o p i n i o n s u r la rectification d e s frontières ne peu t a b o u ­tir à d e s résul ta ts sat isfaisants. — D o m i n i c a i n s et h a ï t i e n s s o n t s e u l s aptes à é tabl i r c e t t e rectification de l eurs f ron ­t ières, eu s e basant s u r l e s f a i t s d e l 'histoire, su r les pos ­se s s ions a c t u e l l e s d e s deux R é p u b l i q u e s , s u r les v œ u x de l e u r s popula t ions .

« Le G o u v e r n e m e n t haïtien c r o i t qu'il suffit et q u e le m o m e n t e s t v e n u d e n o m m e r d e par t et d ' au t re des com­missai res m u n i s d e p l e i n s pouvoirs e t d ' i n s t r u c t i o n s net­t e m e n t d é f i n i e s .

« Le G o v e r n e n m e n t h a ï t i e n s e soumet t r a à la d é c i s i o n du Gouvernement d o m i n i c a i n p o u r le l ieu et la d a t e d e l ' o u v e r t u r e des n o u v e l l e s c o n f é r e n c e s , p o u r v u q u e les re ta rds soient a b r é g é s et que les n é g o c i a t i o n s c o m m e n ­c e n t d a n s le c o u r s du d e r n i e r t r i m e s t r e de l ' a n n é e ( 1 8 8 7 ) . »

Déjà, p r é c é d e m m e n t , 11 février 1 8 8 7 . m a i s p o u r un o b ­jet s p é c i a l , M. G a u t h i e r , SECRÉTaire d 'Etat d e s Rela t ions Extér ieures de la R é p u b l i q u e domin ica ine , écr ivant à M. G u t i e r r e z , avait d e m a n d é qu'il lu t n o m m é d e s c o m m i s ­s a i r e s o u un c o m m i s s a i r e d e chaque c ô t é , — q u i i r a i e n t à E n q u i l l e p rendre c o n n a i s s a n c e d e difficultés e x i s t a n t e n t r e les habi tants des frontières t o u c h a n t la chas se et la pèche, e t c . , et établir d e s r è g l e s p o u r c e t usage des lieux et pour les relat ions d e b o n v o i s i n a g e à mainteni r , p a r l 'observation d e s lo i s de p o l i c e et le r e spec t des li­mi tes des terri toire? respect i fs . —

2

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18 CHAPITTRE PREMIER

Et, deux mois ap rè s , le mémorandum r emis à M. Gutier-rez à San to -Domingo , c 'es t -à-di re d a n s le cou ran t du moi s d 'Août 1887; et le Gouve rnemen t , haït ien insistant toujours pour la reprise d e s négociat ions, — arriva à Por t -au-Pr ince M. le général Eugenio Generoso Marchena, avec le ca rac tè re d 'agent confidentiel d u Gouve rnemen t dominica in .

Le Gouve rnemen t dominica in repri t et p résen ta toutes ses p ré ten t ions . Les notes échangées à cette occasion sont de la p lus grande impor tance . Elles e m b r a s s e n t les points fondamentaux de la ques t i on , à p e u p r è s tels qu ' i ls se re t rouvent encore aujourd 'hui , l iaison pour laquelle il convient d 'en faire aussi l 'analyse malgré leur longueur.

Le premier de ces d o c u m e n t s est la note verbale en date du 27 Août 1887 que dès son arr ivée, M. Marchena adressa au cab ine t haït ien pour poser c o m m e prél iminai­r e s les bases su ivan t e s :

« Le Gouve rnemen t dominica in serai t d isposé « 1° À établ ir la ligne des frontières qui doit s épa re r les

deux États sur les points qu ' occupa i en t les deux peuples à la cessat ion de la guer re dans l 'année 1856 ,—à laquelle tin il serai t n o m m é une commiss ion dans le plus bref délai possible pour é tudier le terrain et déterminer la dé­marca t ion des l imites de chacune des part ies conformé­men t à l 'accord qui, à cet effet, pourrai t avoir lieu.

« 2° A admet t r e les concess ions réc iproques qui sera ient nécessa i res de part et d ' au t re [pour la meil leure démarca ­tion de la ligne des frontières.

«3° A céder en faveur de la Républ ique d'Haïti moyen­nant une indemni té convent ionnel le , les droi ts que la Répub l ique domin ica ine à sur les anc iennes possess ions espagnoles (1) cons idé rées c o m m e partie intégrante de son ter r i to i re , nonobstant l 'occupat ion de ces possess ions par le peuple haït ien. Cette cession serait assujetie à la sanc­tion d 'un plébisci te , afin que le Corps législatif domin i ­cain ne rencon t re pas d ' inconvénien t pour la sanct ion­ne r à son tour —

« 4° A accepte r ce qui à été traité et a r rangé de c o m m u n

( 1 ) St-Raphaël, .St-Michel, Hinche, Lascaobas.

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NOS RAPPORTS AVEC SANTO-DOMINGO 19

accord en t re les p lénipotent ia i res des deux Répub l iques , d a n s les conférences r o m p u e s de l 'année 1883, c o m m e une part ie du texte du traité définitif qui doit être conc lu .

« Le Gouvernemen t dominica in d e m a n d e ensu i te rela­t ivement à l 'art. 12 du traité de 1874, à conna î t re d 'une m a n i è r e préc ise , la forme et les t e rmes d a n s lesquels le G o u v e r n e m e n t haïtien fera le pa iement de la balance des huit annu i t é s é c h u e s le 8 février 1883, non seu lement parce que cela doit être ainsi , mais aussi pa rce que le Congrès nat ional a d o n n é son opinion d a n s ce s e n s .

« En ou t re , les deux p r emie r s p a r a g r a p h e s dud i t a r ­ticle é tab l i ssan t la forme d 'es t imer la v a l e u r des a n n u i t é s que l'un ou l 'autre pays a u r a i t à p a y e r en c o m p e n s a t i o n des avantages qui résul tera ient de la l iberté du c o m m e r c e d e s frontières, il devient nécessa i re de d é t e r m i n e r l 'é­p o q u e de la. compara i son des résul ta ts s ta t i s t iques p o u r que l 'article men t ionné ait s o n applicat ion régul ière s ans préjudice d e s nouvel les conven t ions qui p o u r r o n t se faire. )

A quoi le Gouvernemen t haït ien r épond i t le 3 Sep­t e m b r e 1SS7, éga lement par une note v e r b a l e :

« Touchan t les p r emie r s № de la note domin ica ine , « Qu'il n 'es t pas facultatif à l 'un d e s deux pays en cause

de chois i r tout seul l 'époque qu'il j u g e le p lus convena­ble à ses in térê ts p o u r affirmer l ' a g r a n d i s s e m e n t de sou terr i toire. Les v i c t o i r e s et les d é f a i t e s s u r v e n u e s d a n s les lut tes h e u r e u s e m e n t t e rminées et oubl iées aujourd 'hui n e peuvent ê t re i n v o q u é e s d a n s une si tuat ion de paix profonde et de b o n n e a m i t i é ;

« Que le pr inc ipe de l'uti possidetis est garanti en ter­m e s clairs et préc is p a r t art . 4 du traité et selon le droi t p r imord ia l qui est e n faveur d'Haïti ;

« Qu'il est d ' accord avec le Gouve rnemen t d o m i n i c a i n , pour ar r iver à une b o n n e d é m a r c a t i o n d e s frontières, sur la c o n v e n a n c e d e s e taire d e s concess ions récipro­q u e s , qui ne por teraient p a s s u r le t e r r i t o i r e actuel h a ï -tien, nu l l ement en c a u s e , e t pou r r a i en t s e c o m p e n s e r par d e s indemni tés c o n v e n t i o n n e l l e s .

« Toutes c h o s e s à d é t e r m i n e r par des c o m m i s s a i r e s définitifs que le G o u v e r n e m e n t haï t ien ne voit aucun in-

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20 CHAPITRE PREMIER

convén ien t à n o m m e r dès à p résen t de par t et d 'au t re et s ans d o n n e r a u c u n e priorité sur lus points à régler.

« Touchan t le № 4, Que l'on ne pour ra i t impose r à de nouveaux c o m m i s ­

sa i res l 'acceptat ion, s a n s aucun examen préalable de ce qui aurai t été fait par leurs p r é d é c e s s e u r s . Les d o c u m e n t s relatifs aux conférences i n t e r rompues en 1883 et tous ceux qui peuvent ê t re p rodu i t s , se ront cons idé rés c o m ­m e des r e n s e i g n e m e n t s p rop re s à édifier sur les détai ls des ques t ions pendan te s , s a n s pouvoir lier les nouveaux commissa i r e s

« Touchan t l 'art. 12 du trai té , « Qu'il se ra dilïicile de faire une s tat is t ique exacte sans

l ' é tabl i ssement de ba r r i è res su r les frontières, des t inées à d é t e r m i n e r l ' impor tance du c o m m e r c e en t re les deux Eta ts et les avantages qu 'en p o u r r a i t ret irer l'un d ' e u x .

« La b o n n e foi et la loyauté du G o u v e r n e m e n t haï t ien envers la Répub l ique dominica ine à qui il n'a p a s cessé de venir en aide d a n s les m o m e n t s les p lus difficiles, le d i spensen t de préc iser d è s à présent la forme et les ter­m e s d a n s lesquels un solde à dé t e rmine r sera payé.

« Que c e p e n d a n t le Gouvernement haïtien n o u r r i t l 'es­p o i r que les c o m m i s s a i r e s respectifs d e s d e u x pays, p a r sui te de la rectification des frontières, du règlement d e s in té rê ts pr ivés de leurs na t ionaux et d e s au t res ques t ions p e n d a n t e s , a r r iveront à des combina i sons qui pe rmet t ron t de d o n n e r satisfaction sur ce dern ie r p o i n t à la Républi­q u e domin ica ine »

L 'agent confidentiel dominica in répl iqua le 0 Septem­b re 1887: —

« Tout en cons ta t an t que malgré les h e u r e u s e s dispo-pos i t ions d e s d e u x Gouve rnemen t s , il d e v i e n t difficile d 'arr iver à r a c c o r d n é c e s s a i r e , mais ne d e v a n t cependan t négliger aucun effort p o u r y parvenir , le Commissa i re d o m i n i c a i n s o u m e t à l ' a t t e n t i o n du Secré ta i re d 'Etat ce qui s u i t :

« Le Gouvernement dominica in n'a p a s eu l ' idéé d ' invo­quer le souveni r d e s faits d ' une é p o q u e d e l u î t e s qui fu­ren t t o u j o u r s préjudiciables aux d e u x Etats ; m a i s o n rte p e u t , pou r l e u r division terr i toriale , faire abs t ract ion d e la frontière d i sputée durant l'état de bel l igérance et a p r è s ,

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NOS RAPPORTS AVEC SANTO-DOMINGO 21

tand i s que la to lé rance et les re la t ions de bon voisinage n 'au tor isa ient à la t raverser qu 'avec un carac tè re s im­p lement pr ivé (?) ( particular ) .

« Que le Gouve rnemen t d o m i n i c a i n ne peut modifier le pa ragraphe a u q u e l l 'haïtien o p p o s e le pr inc ipe uti pos-sidelis. ( Ici il s ' appuie su r la légitimité de ses droi ts conf i rmés par cess ion de l ' anc ienne mé t ropo le , etc ) : que le ca rac t è re d 'un fait qui r emplace un droit , est essen­t ie l lement provis ionnel , s a u f le cas , où les droi t s i ncon­tes tables de la p rop r i é t é ne lui sont p a s opposés ;et c o m m e d a n s le cas qui n o u s o c c u p e , c e s d ro i t s ont été confir­més par cess ion de l 'ancienne mét ropole qui les main te ­nait et qu ' i l s se t rouven t fortifiés par les c i r cons t ances exposées p r é c é d e m m e n t j e G o u v e r n e m e n t dominica in n e peut concéde r l ' a d o p t i o n d ' u n tel pr inc ipe s a n s t rahi r la défense de l ' intégrité d u terr i toire q u e prescr i t la Cons­ti tution de l 'Etat et dont il est r e sponsab le enve r s la na­tion.

« Cependant , si le Gouve rnemen t dominica in a p roposé le n° 3, c 'est qu'il est conva incu que la majorité de la nation domin ica ine p a r t a g e r a sa maniè re de penser , en vue d 'é tab l i r so l idement des relat ions profi tables a u x deux p a y s . —Qu ' i l n'a p a s trouvé mauvais de s e ranger à cet avis , prouvant p a r cette condui te que si la diplo­matie domin ica ine est dés i r euse de réal iser de si g r a n d s de s se in s en vue d u b ien , rien d a n s ce but ne se fera qui ne doive recevoir l 'approbat ion nat ionale .

« Qu'enfin les c o n c e s s i o n s r éc ip roques p o u r la rectifi­cat ion et démarca t ion d e s f r o n t i è r e s ne peuven t ê t re q u e terr i tor ia les .

« Sans le désaccord sur tes points c i -dessus , le Gouver­n e m e n t dominica in croi t qu 'on pourra i t laisser aux c o m ­missa i res à n o m m e r le soin d u mei l leur mode à chois i r p o u r la démarca t ion des f ront ières ; mais c o m m e les com­missa i res peuvent ne pas s ' accorder , on pour ra i t soumet ­t re à la décis ion arbi t ra le d ' u n e o u de p lus i eu r s p u i s ­s a n c e s e u r o p é e n n e s les po in ts déba t tu s . Si le Gouver­n e m e n t haït ien accepta i t ce moyen de solut ion, l 'agent confidentiel garant i ra i t par ant ic ipat ion l 'acceptat ion de son Gouvernemen t .

« Quan t aux au t r e s poin ts auxque l s se réfère le Secré-

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22 CHAPITRE PREMIER

ta ire d 'Etat d a n s cette par t ie de sa note et re la t ivement au n° 4 auquel il r épond , la proposi t ion y con tenue peu t ê t re écar tée , si le Gouve rnemen t haï t ien ne l 'agrée pas.

En ce qui touche l'art. 12 du trai té , Le Gouvernement dominica in est en comple t désaccord

avec l ' interprétat ion que d o n n e la note ha ï t ienne . Ce qui a été dit n ' e m p ê c h e p a s de dés igner la manière et les t e r m e s d a n s lesquels cet te c r éance liquidée doit ê t re payée.

« Pou r les a l inéas 1 et 2 de l'art. 12, « I l e s t b o n que les deux Gouve rnemen t s r e c o n n a i s s e n t

la nécess i té d 'établir des d o u a n e s t e r res t res pour facili­ter l 'acquisi t ion de d o n n é e s s ta t i s t iques p r é c i s e s ; m a i s , dit enfin la note , c o m m e on ne peu t procéder ainsi tout le t emps que le traité définitif ne sera pas conclu , il se ­rai t bon de s t ipuler conven t ionne l l emen t la s o m m e ré­vers ib le par la Répub l ique ha ï t i enne à la Répub l ique do­min ica ine à par t i r du 9 février 1883. Cependan t le G o u ­v e r n e m e n t domin ica in , t enan t c o m p t e de ce qu'i l ne doi t pas précipi ter le règ lement de cet te seconde c r é a n c e qui peut ê t re laissée dès à p résen t à la charge des c o m m i s ­sa i res qui au ron t à trai ter défini t ivement ce sujet en m ê m e t e m p s q u e d ' au t r e s , — s e soumet t ra à cet te d isposi t ion, si le Gouve rnemen t haïtien est du m ê m e a v i s ; et auss i tô t il se ra c réé un fonds des t iné à faire face aux obl igat ions que lui i m p o s e l'art. 13 du trai té en vigueur . » (1 )

M. Marchena al lant par t i r su r ces entrefaites, M. Bru-tus St-Victor lui lit r emet t re le 13 Sep t embr e , une note pa r laquel le le Secrétaire d 'Etat se rése rve , à cause du t rop cour t séjour de l 'agent confidentiel à Por t -au-Pr ince , de r é p o n d r e ultérieurement et p a r l ' en t remise du. chargé d'affaires domin ica in , aux object ions con tenues d a n s la s e c o n d e note d o m i n i c a i n e ; et en a t t endan t , éme t l 'opinion q u e le re tour de l 'agent c o m m e m e m b r e de la Commiss ion domin ica ine à n o m m e r , avec son titre et son ca rac t è re élevé d 'agent confidentiel , simplifierait de b e a u c o u p les ques t ions à r é soudre , n o m b r e de poin ts pouvan t ê t re élu­c idés c o m m e officieusement avant leur présenta t ion à l 'examen des c o m m i s s a i r e s .

(1) Il s'agit des réclamations et restitutions de biens imeubles haitiens con­fisqués au moment de la scission de 1844.

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NOS RAPPORTS AVEC SANTO-DOMINGO 23

Le 29 S e p t e m b r e , l 'agent confidentiel é tant à San to -Domingo , fit une lettre au Secréta i re d 'Etat , M. Bru tus St-Victor, pour lui ad resse r une collection des lois domin i ­c a i n e s , — un relevé de compte j u squ ' en 1882 en t re les deux Répub l iques , et un extrait d 'un memorandum domi ­nicain fait en 1882 pour la dél imitat ion des frontières. La let tre finit par la d e m a n d e d ' u n e réponse à la 2 e note do­min ica ine du 6 Sep tembre 1887.

Ce memorandum de 1882 men t ionne des conflits de ju r idict ion qui s 'é lèvent f r équemment en t re les au tor i tés de Vallière, Hinche , Las Cahobas du côté haï t ien et les au tor i tés de Banica et Las Matas du côté domin ica in , pour la solut ion desque l les difficultés il fut convenu que le gé­néra l Marchena indiquerai t les lieux où elles pouvaien t p r e n d r e na i ssance , en ajoutant les obse rva t ions qu' i l ju­gerait nécessa i res .

Le général Marchena rempl i t sa p r o m e s s e le 27 Mai 1882, en envoyant la note et d isant qu'il était nécessa i re d'é­tablir p roviso i rement une ligne qui limitât la jur idict ion des autor i tés respect ives des deux Etats, j u s q u ' à ce qu' i l en soit établi une définitive. Cette ligne a été ind iquée , ajoute-t-on, par le général Gouverneur d 'Azua ( M a r c h e n a ) qui avait p rovoqué une réunion de tous les chefs des c o m m u n e s s u s - m e n t i o n n é e s pour fixer de concert, avec eux la ligne de démarca t ion en ques t ion . »

Ainsi , après avoir indiqué les poin ts qui mot ivaient la. réc lamat ion s avo i r :

Dans la c o m m u n e de Banica, dit- i l : Las Tunas, El Sal­tadero, la Meseta, la Source, la Loma de Castillejo, Alon-ciano, Hato del Cura, Boca de Banica, el Salitre et Hato nuevo ;

Dans la c o m m u n e de Las Matas : El Naranjito, Mala-yaie, la Margarita, Corral de Macos, la Afortunada, — le memorandum fait conna î t r e c o m m e suit , les visées domi­n ica ines sur la ligne à t r ace r :

« . . . p o u r que ces poin ts fussent convenab l emen t déli­mi té s , il était ind ispensab le d 'établ ir une ligne de d é m a r ­ca t ion de Vallière et de Hinche , à part i r du passage de la rivière Libion par la Pocigla; de là au s o m m e t de la m o n ­tagne d é n o m m é e Loma de Miel où se t rouvent les sour­c e s du ru i s seau du Saltadero et de ce de rn ie r po in t à la

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24 CHAPITRE PREMIER

gorge de la h a u t e u r de Juan de Grao au jourd 'hui Eclat-reur (1); de l 'Eclaireur au point connu sous le nom de Ménigné et de cet endroit à celui d é n o m m é Los Ratones et de là au c h e m i n de Baranga ( ou Barranca ) et vers le c o u r s d 'eau Arroyo Baranga ou Barranca, de ce point on suivrait la ligne formée par la rivières Guayamuco jus ­qu ' à sa junc t ion avec l 'Artibonite et pour la rive gauche de cet t te de rn i è re j u s q u ' a u confluent de la Macasia ou Macassite

« La dél imitat ion de la c o m m u n e de Banica étant ainsi faite, celle d e la c o m m u n e de Las Matas c o m m e n c e r a i t pa r les h a u t e u r s de la Macasia ou M a c a s s i t e ( 2 ) j u s ­qu ' aux de rn i è r e s col l ines qui t e rminen t la cha îne de Ca-c h i m a n ( 3 ) et de là la ligne de démarca t ion suivrai t la di rect ion du versant S. 0 . du coteau des Mosqui tos . »—

Au b a s de l 'extrait, M. Marchena fait l'offre d 'envoyer au Secré ta i re d 'Etat , s'il le dési ra i t , la sui te de cet te dé ­limitation pour le côté de Neyba et celui de Dajabon.

Il se t rouve aussi une p récéden te note domin ica ine p rodui te , parait-il , en 1880 et m a r q u é e № 1, où une ligne de démarca t ion est éga lement p roposée c o n n u e prê tan t à une solution sat isfaisante et p o r t a n t com­pensat ion de par t et d 'au t re . Les points par lesquels passera i t la ligne dél imitat ive sont , de môme, nomi ­na t ivement ind iqués .

Entre t e m p s , furent soulevées en Haïti la quest ion de tafia dominicain introdui t su r les m a r c h é s haï t iens , la ques t ion des taxes domin ica ines à l 'entrée des m a r ­c h a n d i s e s haï t iennes et à la sor t ie du bétail domin i ­cain, c o m m e aussi la ques t ion des cafés haï t iens pas ­san t la frontière.

Le Gouvernement domin ica in , en a t t endan t , conti­nuai t à d e m a n d e r la r éponse à la note Marchena du G Sep t embre 1887.

On en était là, q u a n d le P rés iden t Salomon tomba

(1) Notes du traducteur: 1 Ecla ireur . village haïtien, juridiction de Vallière ;

( 2) Macassite, village haïtien, juridiction de Las Cahobas ; ( 3 ) Cachiman, poste et bourg haitien, juridiction de Las cahobas.--

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NOS RAPPORTS AVEC SANTO-DOMINGO 25

du pouvoir , et qu 'en Sep t embre 1888, c o m m e n ç a la guer re civile qui du ra en Haïti jusqu ' à la fin d e 1889,

Au cour s de cet te guer re civile, les forts Biassou et C a c h i m a n . qui de tout t emps depu i s la sépara t ion domin ica ine , ont été aux ma ins des haï t iens , ( 1 ) furent enfin évacués par les t roupes du Général Légit ime, obl igées de ré t rograder devan t les p rogrès de l ' a rmée d u Nord. Pour ne pas laisser v ides des postes si im­por tan t s , et clans un intérê t p u r e m e n t haï t ien, il fut a r rê t é que ces pos i t ions se ra ien t t e m p o r a i r e m e n t oc­cupées par des Dominica ins , qui se re t i re ra ient d è s q u e , le pays pacifié, l 'autorité ha ï t ienne l 'aurai t fait savoir . Ce qui s ' accompl i t en effet.

Le Gouvernement dominica in , paraît- i l , voulut , au m o i n s , profiter de l 'occasion p o u r faire d is t inguer ou r é se rve r une quest ion de droi t à cons idé r e r en d e h o r s du l'ait de l 'occupation ha ï t i enne . Le Gouve rnemen t haï t ien répondi t qu'il ne pour ra i t pas accepte r de d i scuss ion là -dessus , sa possess ion animo domini ayant existé de tout t emps et à jus te t i t re: Et l ' incident fut c los .

C'est à cela que fait allusion le № 2 de la conven­tion suivante qui , à que lques j o u r s de là, fut s ignée à l 'entrevue de T h o m a z e a u où se r e n c o n t r è r e n t les d e u x C h e f s d 'Etat :

1° P r e n a n t en cons idéra t ion la nécess i té de régler d 'une man iè re définitive les intérêts c o m m e r c i a u x d e s d e u x peuples et la quest ion de la dél imitat ion géogra­phique du terr i toire de chacun des deux pays , il es t convenu que les conférences se ron t r ep r i ses , auss i tô t que possible , afin d 'arr iver à un traité que les deux Gouve rnemen t s cons idè ren t a b s o l u m e n t nécessa i re p o u r le déve loppemen t pacifique du p rogrès et de la p r o s ­péri té de leurs deux peuples .

Il sera fait ment ion de ce point d a n s les messages que les deux P rés iden t s devron t p ré sen te r aux Cham­b r e s Législatives de leurs pays respect i fs .

2° Il est convenu que le Secré ta i re d 'Etat des Re la ­t ions Extér ieures de la Répub l ique Dominica ine enve r r a au Secréta i re d 'Etat des Rela t ions Exté r ieures de la

[ 1 ] Ce qu'on verra établi au chap. V.

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26 CHAPITRE PREMIER

Républ ique d'Haïti copie de la dépêche du P rés iden t Heureaux en da te du 29 Novembre , eh lui d e m a n d a n t u n e r éponse plus explicite q u e celle donnée par le Général Hyppolite.

3° Il d e m e u r e en t endu que les C o m m a n d a n t s de Dépar tements et de C o m m u n e s , tant de là Républ ique domin ica ine que de la Républ ique d'Haïti , qui se t rou ­vent sur la ligne frontière des deux pays, s ' en t end ron t et c o r r e s p o n d r o n t régu l iè rement pour le maint ien de l 'ordre , avec l 'approbat ion préalable des deux Gouver­nements, qui p rome t t en t de leur passe r des ins t ruc t ions en c o n s é q u e n c e .

4° Il es t convenu que la Républ ique d'Haïti n 'ac­co rde ra pas m o i n s aux ci toyens domin ica ins don t les in té rê t s ont souffert par les faits du Général Légit ime que ce qu'il accorde aux c i t o y e n s d e s aut res g randes na t ions q u i se t rouvent d a n s le m ê m e cas . Cependant , les Dominica ins se ron t toujours l 'objet de la cons idéra t ion et de la sympath ie par t icul ière de la Répub l ique d'Haïti .

Fai t et signé à Thomazeau , le 5 févr ie r 1890.

(S igné) HYPPOLITE, U. HEUREAUX-

Laissons par ler ici l 'exposé de la s i t u a t i o n d 'Ha ï t i pré­sen té le 9 Juin 1890 , à l ' A s s e m b l é e N a t i o n a l e .

« Dans les p r emie r s j o u r s du m o i s d e f é v r i e r , j ' e u s « le grand plaisir de r e c e v o i r à T h o m a z e a u , c o m m u n e « de l ' a r rond issement de Por t -au-Pr ince , Son Excel lence « le Généra l Heureaux , P rés iden t cons t i tu t ionnel de la « Républ ique Dominica ine . J a m a i s en t revue n 'a été p lus « c o r d i a l e . L'effusion d e s s en t imen t s exprimés de par t « et d 'au t re a été s incère et profonde, car , en d e h o r s « d e s sympa th ie s réel les qui exis tent en t r e les deux Ré-« pub l iques s œ u r s , don t nous d i r igeons les d e s t i n é e s , il

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NOS RAPPORTS AVEC SANTO-DOMINGO 27

« exis te aussi en t re le Général Heureaux et moi des sou -« veni r s qui nous feront toujours éprouver le plus vif « b o n h e u r , en nous sentant la main d a n s la main . Cette « en t r evue , qui aura des influences heu reuses su r la « m a r c h e des deux peuples dominica in et haï t ien, doi t « con t r ibue r par t i cu l iè rement à la repr ise des conférences « des t inées à l 'é laboration d 'un traité définitif entre nos « deux Etats . Aussi le Gouve rnemen t , sur des b o n n e s « d i spos i t ions du peuple domin ica in et du Généra l Heu-« reaux , va-t-il e n t a m e r bientôt les négociat ions qui « doivent y about i r . »

Cependan t que lque t emps après l 'entrevue, le Moni­teur haïtien para issa i t avec une c i rcula i re de M. An teno r F i rmin , Secré ta i re d 'Etat des F inances et des Rela t ions Exté r ieures , que le m ê m e exposé de 1890, expl ique c o m m e su i t :

« Malgré toutes les p récau t ions p r i ses , quan t i t é de « m a r c h a n d i s e s et de produi t s é t rangers con t inuen t à « n o u s ar r iver sous le pavillon dominica in . Depuis 1887, « n o u s n ' avons p r e s q u e rien impor té d a n s la Républ ique « voisine, c e p e n d a n t ses impor ta t ions en Haïti a u g m e n ­« tent d a n s une propor t ion cons tan te . . . . Il est m ê m e « revenu au Gouve rnemen t que , depuis plus de six mois , « on ne laisse en t re r d a n s l'a Dominicame a u c u n e mar-« chand i se ou produi t par les frontières, sat isfaire payer « un impôt s 'é levant à 5 % de leur valeur m a r c h a n d e . « C'est ainsi qu'il est devenu imposs ib le aux ha ï t i ens « d 'al ler vendre à Dajabon et aux d o m i n i c a i n s de veni r « ache te r en Haïti, c o m m e c'était de c o u t u m e dern iè re -« ment encore . Devant cet e n s e m b l e de faits, le Gouver-« nemen t a pris la décis ion d 'appl iquer les p resc r ip t ions « du tarif des d o u a n e s aux m a r c h a n d i s e s venues de la « Républ ique domin ica ine , c o m m e il en est pour toutes « m a r c h a n d i s e s ou p rodui t s é t r ange r s . »

De là, protes ta t ion à Santo-Domingo et convocat ion du Congrès dominica in auquel le P rés iden t U. Heureaux ad re s sa son Message du 9 Juillet 1890, conc luan t à d e m a n d e r un vote de confiance afin de se p r épa re r « à

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28 CHAPITRE PREMIER

toutes les éventual i tés q u i peuvent surgi r d a n s le c o u r s des réc lamat ions» qu'il allait présenter . Dans ce d o c u ­ment , le Prés ident H e u r e a u x s e plaint très a m è r e m e n t de la m e s u r e p r i s e en Haït i d e soumet t re , les p rodu i t s domin ica ins a u x ta r i f s douan ie r s . Il rappel le l 'entrevue d e Thomazeau où l 'on témoigna d e s in tent ions l es p lus d r o i t e s , et où il fut c o n v e n u que les conférences inter­r o m p u e s s e r a i e n t r e p r i s e s t r è s p rocha inemen t pour la c o n c l u s i o n d ' u n accord . Il a rgumen te d e l ' e x i s t e n c e et validité d e s c o n v e n t i o n s in te rvenues e n ver tu d u trai té q u i , depuis 1874, affirme-t-il a v e c force, régit c o m m e loi souvera ine l e s r e l a t i o n s d e s deux pays . Il m e n ­t ionne un règlement d e compte fait à P o r t - a u - P r i n c e , en 1882, d 'où il résulterait une balance d e P . 823 .477-79 en f a v e u r d u Gouvernement domin ica in .

Il d i t , en o u t r e , que « p a r m i les c lauses d u traité, de 1874 , il y en a dont l e s d i s p o s i t i o n s cessen t d e p r o d u i r e leur effet, é tant à t e rme f ixe ; te l le est c e l l e q u i acco rde à Haït i la faculté d ' in t rodui re p a r la f r o n t i è r e d e s m a r ­c h a n d i s e s é t rangères , et c e l l e q u i lui e s t corréla t ive t o u c h a n t l ' indemnité q u ' H a ï t i devait p a y e r a n n u e l l e m e n t a u t résor dominica in à t i t re d e compensa t i on . O r le t e rme d e huit, années qu i avait é t é st ipulé p o u r la faculté d u trafic et la compensa t ion c o r r e s p o n d a n t e s 'est écoulé et les c l a u s e s qu i , s'y r a p p o r t e n l ont vir tuel le­men t cessé leur effet, et ma in tenan t le c o m m e r c e haïtien ne peut pas plus j o u i r d e la faculté d ' in t rodu i re en fran­ch i se p a r la f r o n t i è r e d e s m a r c h a n d i s e s qu i ne sont pas les p r o d u i t s d u sol et d e l ' i n d u s t r i e d ' H a ï t i , q u e depuis 1882 , les domin ica ins de compte r s u r la ré tr ibut ion an­nuel le convenue ; les h u i t années d e l 'obligation à t e rme fixées d a n s l es résolu t ions c i - d e s s u s men t ionnées é tant échues à c e t t e époque .»

L e C o n g r è s , a p p r o u v a n t e n tous p o i n t s la m a n i è r e de voir de l 'Exécu t i f d o m i n i c a i n , d o n n a le vote de con­f i a n c e d e m a n d é .

La issons encore la parole à l 'exposé de la s i tuat ion d 'Haït i , pou r 1 8 9 1 :

« Le Gouve rnemen t a c o m m u n i q u é a u x C h a m b r e s « à hu i s c los , l ' année d e r n i è r e , une no te , en forme

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« d'ultimatum, lancée par le Secré ta i re d 'Etat des Rela-«t ions Exté r ieures de la Répub l ique dominica ine et de­li m a n d a n t 1° que le Gouvernement d'Haïti déclare que « le traité s igné en 1874 est toujours en vigueur , 2° qu'i l « se r econna i s se déb i teur de 823.477-79 envers la Répu-« bl ique domin ica ine ; et 3° qu'il p r enne l ' engagement de « d é d o m m a g e r les ci toyens domin ica ins qui aura ien t « souffert de la m e s u r e prise par lui d 'appl iquer la loi « du tarif aux marchand i se s venues de la Dominicanie .

« Le Gouve rnemen t , vous en avez été t émoins , a gardé « le p lus g rand ca lme devant cel te note commina to i r e . « S'étant préparé à toute éventual i té , il o r d o n n a au Se-« cré ta i re d 'Etat des Relat ions Extér ieures d'y r é p o n d r e , « en sou tenan t les droi ts de la Républ ique , en r epous -« sant tout ce qu'il y avait d 'excessif d a n s les p ré t en -« t ions du Gouve rnemen t domin ica in . Les choses en « é ta ient là, lorsque Monsieur Chéri Ceën, Chargé d'Af­« faires de la Républ ique domin ica ine à Por t -au -Pr ince , « proposa d ' u s e r d e s voies de la conci l ia t ion, en p r o v o -« quan t la réunion des Commissa i r e s haï t iens et domi­« nicains; qui régleraient, une b o n n e fois , toutes les dif-« f icultés exis tantes , en conc luan t un traité définitif en t re « les d e u x pays. Comme en deux rep r i ses , on avai t vai-« nement essayé d ' a r r iver à la conc lus ion de ce trai té « définitif, le Secré ta i re d 'Etat des Relat ions Extér ieures « déc lara que le Gouve rnemen t haïtien ne consent i ra i t « à la repr ise des négocia t ions qu ' au tan t qu'il s e r a i t « s t ipulé à. l 'avance, que si d a n s six m o i s , à part ir d e « l 'ouver ture des conférences on n 'arr ivai t pas à c o n ­« c l u r e un trai té , les d e u x p a r t i e s p o u r r a i e n t sé consi-« d é r e r l ibres de tout lien convent ion nel l 'un enve r s « l 'autre.

« Le Chargé d'Affaires domin ica in , a g i s s a n t officielle-« ment , ayant été por teur d e la note de son Gouverne-« men t et au tor isé à r e c e v o i r la r éponse par pli ouver t , « déc lara accepter la condi t ion .

« C'était v e r s la fin de Ju i l l e t 1890. Il devait avoir le « t emps de bien édifier s o n G o u v e r n e m e n t sur les cou­« di t ions auxquel les la commiss ion ha ï t ienne allait s e « r end re à Santo-Domingo, cet te Commiss ion n ' a y a n t

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30 C H A P I T R E PREMIER

« qui t té Por t - au -Pr ince que d a n s ta deux ième qu inza ine « de N o v e m b r e , ap rès que le Chargé d'Affairés eut con-« firmé par d e s d é p ê c h e s explici tes sa déclarat ion ver-« ba le . D'ailleurs le Consul-Général d 'Haiti à Santo-Do-« mingo , chargé d 'aviser le Prés iden t Heureaux des « m ê m e s condi t ions , avait informé le Dépar t emen t des « Relat ions Extér ieures , qu'il s 'en était acqui t té et que « les cond i t ions avaient été accep tées .

« Cependan t Messieurs S tephen P res ton , Da lbémar « Jean - Joseph , Ovide Cameau, A. Em. Gutierrez et Saint-«. Cap Louis B lo t , commissa i r e s haï t iens , a c c o m p a g n é s « de M o n s i e u r C o ë n , s e r end i ren t à la C a p i t a l e domini « ca ine . Ils y furent p o m p e u s e m e n t r e ç u s , mais furent « bientôt a v i s é s que le Gouvernement dominica in igno-« rait l 'engagement pris p a r s o n Chargé d'Affaires qu'il « désavouai t e n t i è r e m e n t !

« Le Secré ta i re d 'Etat d e s Relat ions Extér ieures avait « d o n n é p o u r ins t ruc t ions aux c o m m i s s a i r e s ha ï t iens de « ne r i en l'aire a v a n t que le Gouve rnemen t d e Santo-Do-« mingo eût confirmé l 'engagement pris p a r Monsieur « Coën. Devant le désaveu d e c e Gouvernement , ces « commissa i r e s d u r e n t s 'abs teni r d e toute action et re­« venir enfin à Por t -au-Pr ince , p o u r que le Gouverne-« m e n t dé l ibérâ t su r les d é c i s i o n s à p rendre , en vue de « la s i tuat ion ina t t endue et c réée p a r suite de c e désaveu .

« Monsieur Coën s a n s doute par sui te du désaveu qui « lui a été infligé, a démis s ionné c o m m e Chargé d'Affai-« res de la Républ ique d o m i n i c a i n e et le Secréta i re d'E-« tat des Affaires é t rangères d e cet te Républ ique a avisé « le D é p a r t e m e n t d e s Relat ions Extér ieures que Monsieur « Elias Pere i ra , vice-consul dominicain à Por t - au -Pr ince , « est chargé des a n c i e n n e s f o n c t i o n s d u démiss ionna i re . « D'autre p a r t , M o n s i e u r A. G r i m a r d , n o t r e C o u s u l - G é -« néral à S a n t o - D o m i n g o é tant décédé , s o n Secré ta i re a « été chargé d u Consulat généra l , j u s q u ' à ce que le Gou-« ve rnement puisse faire un choix h e u r e u x p o u r c e poste « i m p o r t a n t ! Les r a p p o r t s d e s d e u x Républ iques soeurs « n 'ont point cessé d 'être a m i c a u x . »

De son côté , le P r é s i d e n t H e u r e a u x , a y a n t M. I. M. Gonzalez pour Secréta i re d 'Etat d e s Rela t ions Extér ieu-

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NOS RAPPORTS AVEC SANTO-DOMINGO 31

res , disait d a n s son Message a u Congrès domin ica in , en da te du 21 Février 1891 :

« ; et vous m'avez d o n n é un « vote de confiance pour agir d a n s cet te affaire de la ma­« nière qui serai t la p lus convenab le à l 'honneur et à la « dignité nat ionale .

« Et les p lénipotent ia i res haï t iens ont été n o m m é s , et « ils sont a r r ivés en cet te Capitale et ils ont été r eçus « par moi et mon Gouve rnemen t avec toutes les cordia-« lités, les cons idé ra t ions et le respec t auxque l s ils « avaient droit , tant par leurs qual i tés pe r sonne l l e s que « par le ca rac tè re dont ils é ta ient revêtus .

« Et on était au point de c o m m e n c e r les confé rences , « nos plénipotent ia i res déjà n o m m é s , q u a n d surgi t un « inc ident qui est venu les para lyser .

« Il était ques t ion , ni plus ni mo ins , de fixer le t e rme « pour les négoc ia t ions ; et si l'on n 'é tai t arr ivé à un a r ­ec r a n g e m e n t les négocia t ions et les conven t ions an t é -« r ieures devraient être cons idé rées c o m m e non-exis-« t an t e s ; ce qui aura i t été accep te r d ' abord , a priori, la « non-exis tence ou l'inefficacité du trai té de 1874, e tc .

« le Gouve rnemen t a dé sapp rouvé ce que « not re Chargé d'Affaires aura i t pu faire d a n s ce s e n s . . . , « et, refusé pos i t ivement d ' accep te r une condi t ion qui , « d 'avance donna i t une solution aux conférences

« Je ne doute pas que sous peu les négociat ions se-« ront r epr i ses . . . . »

Peu après , l'a représen ta t ion d'Haiti à Santo-Domingo était élevée du rang de consula t général à celui de Léga­tion dirigée par un Envoyé ex t raord ina i re , Ministre p lé­n ipo ten t ia i re ; et Monsieur A. Thoby par ta i t pou r p r e n ­d r e ce poste .—

Choix très heureux , et u n a n i m e m e n t approuvé , Mon­s ieur Thoby ayant tout ce qu'il faut pour main ten i r nos b o n n e s re la t ions et p r é p a r e r le ter ra in où doit se faire l 'accord. Avec l 'activité et le tact qu 'on lui connaî t , il a su déjà, faire appréc ie r ses serv ices . Et tout r écem­men t , il a réuss i b ien vite à a t t énuer les effets de l ' inci­den t Mare-à-chat .

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CHAPITRE PREMIER

Il paraî t que ve r s les Anses-à-Pi t re , des ha ï t iens , ou­t r epassan t c e r t a i n e m e n t leurs ins t ruc t ions , qui ne ten­daient qu 'à recuei l l i r des r e n s e i g n e m e n t s , s 'avisèrent d 'al ler p lan ter deux po teaux , l 'un à l 'endroit n o m m é Mare-à-Chal , l 'autre à Trou-Jacob, d i s tan ts des P é d e r -nales de 10 à 42 l ieues, p lus ou moins , et ter r i to i re do­minicain ind i scu tab le , dit un rapport dominica in ad re s sé au Ministre de l ' Intérieur à S t o -Domingo. (1) Le Gouver­nement dominica in s'en émut et réc lama cont re ce qu'i l pensai t ê t re une m e s u r e expressément o r d o n n é e par le Gouve rnemen t haïtien en v u e de dél imi ter u n e t'ois la frontière. M. Thoby s ' e m p r e s s a de d o n n e r su r ce point d e s expl ica t ions r a s su ran t e s que conf i rmèrent immédia­t ement les c o m m u n i c a t i o n s de s o n Gouvernemen t .

Enfin, u n e commiss ion inst i tuée à Port -au-Prince s o u s la p rés idence du Secré la i re d 'Etat des Rela t ions Exté­r i eu res , afin de rechercher les b a s e s d ' un accord , p o u r r e p r e n d r e plus ac t ivement les négociat ions, a p réparé un projet et déposé s o n r a p p o r t .

Tel est l 'état de nos r e l a t i o n s avec la Républ ique Ho-

(1) . . en la f r o n t e r a del distrito donde eS sabido, habian estado pocos d i a s a u t e s algunos ingenieros haytianos h a c i e n d o t r a b a j o s de o sper tec io f i j a u d o l u e g o , con el a p o y o de la autoridàd havtiana de S a l t r o n , y pin- or-d o n do s u Gobierno, los postes que se en o n t r a b a n e n los lu gares nom-brados Mare a chat y Trou Jacob, à una distancia d e diez, ô doce leguas, m a s o menos distantes de " Peâemales, " territorio dominicano indis­cutable.

por lo cual se pro testaba a nombre del Gobierno dominica­no contra aquella operacion de limites de p a r t e de Gobierno haytiano que t e n i a por objeto ejercer juridicion m a s aca del Pedernales que ha sido deasde tiempo i n m e m o r i a l el limite detërmiriado entre los dos paises. Ex­trait de la Gaveta Oficial du 27 Aout 1892,

Suc la distance du Trou-Jacob à l ' é g a r d d e s Pedernales, nous r e n v o y o n s à Moreau do s t - M é r y é c r i v a n t après V a l v e r d e - - - Description de la par t i e e s p a g n o l e p. 81.

" depuis la Pointe-des-Pièges, q u i est à u n e l i e u e dans l'Ouest de l ' e m b o u c h u r e d e la r i v i è r e des Pédernales et p a r conséquent sur l e territoire français jusqu'au Faux-Cap, ce qui forme u n e étendue d'environ 12 lieues.—

Après l'embouchure de cette rivièr et a l l a n t vers la partie espagnole, on trouve la r i v i è r e et l ' a n s e d u Trou-Jacob, p u i s la pointe d u même n o m . De cette pointe commence une côte de fer continue qui présente bientôt l e Cap-Rouge.. . , l ' A n s e à R o u s s e l l e ; la l'ointe d e s voûtes d ' e n bas o u d e s A i g u i l l e s , . . . l ' A n s e d o s A i g l e s o u A n s e s a n s F o n d , la P o i n t e C h i m a h é , , . , l ' A n s e Thomas,., l e Faux-Cap, que des cartes c o n f o n d e n t , m a l à propos, avec l a Pointe des A i g u i l l e s .

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NOS RAPPORTS AVEC SANTO-DOMINGO 33

minica ine , lesquel les p r é sen t en t à r é s o u d r e les ques t ions pr inc ipa les su ivan tes :

C E L L E D U T R A C É D E S L I M I T E S , C E L L E D E S S O M M E S D U E S E N T R E L E S D E U X E T A T S . C E L L E D E S P R O P R I É T É S P R I V É E S S A I S I E S , C E L L E D U C O M M E R C E P A R LA F R O N T I È R E .

Faut-i l ma in t enan t par le r des de rn i e r s é v é n e m e n t s de San to -Domingo et des p réoccupa t ions qui en son t résu l ­t ées à Haïti ?

L'agitation des par t i s pendan t la lutte é lectorale et d e p u i s la réélect ion du P ré s iden t Heureaux , a about i à d e s sou l èvemen t s a r m é s , tout de sui te r ép r imés . La fer­m e de Samana aux Etats Unis et une cession de 500.000 ac re s de te r re , d i t -on , é ta ient au p remie r rang des griefs. Le transfert de la c réance W e s t e n d o r p à une compagn ie amér i ca ine inquiétai t déjà p ro fondément les espr i t s .

J u s q u ' à quel degré ces affaires domin ica ines in té res ­sen t nos re la t ions ?

Sans dou te , la réélect ion et le m o u v e m e n t d e s par t i s son t affaires de poli t ique in tér ieure . Ce de rn ie r point ne n o u s peut toucher , tout au p lus , que pa r l ' accom­pl i s sement éventuel de n o s conven t ions qui s t ipulent l 'obligation réc ip roque d 'expulser ou d ' e m p ê c h e r de dé­ba rque r tout individu désigné par l 'autre Gouve rnemen t c o m m e dangereux à la paix publ ique , e tc .

On a v u , en effet, depuis les é v é n e m e n t s , le Gouver­n e m e n t d'Haïti refuser le séjour ou m ê m e le d é b a r q u e ­men t à n o m b r e de Dominica ins Venus chez n o u s et s i ­gnalés c o m m e t r aman t con t re Santo-Domingo. Quant aux frontières, il en a fait é loigner ceux dont la p r é sence pouvai t être cons idé rée comme u n e menace à la paix de l 'Etat voisin. Ils ont été m ê m e expulsés .

De façon que la c royance à une part icipat ion ha ï t i enne n 'a p a s pu tenir, n o n p l u s que ce b r u i t q u ' o n a c h e r c h é à faire c o u r i r un m om en t , que d e s e x i l é s ha ï t iens ex­c i t é s p a r le P r é s i d e n t U l y s s e H e u r e a u x . allaient ten ter une a c t i o n p a r la f r o n t i è r e et r a l l u m e r la guer re civile en Haiti. Vains , efforts d ' une pensée d'agitation e t d e l 'espri t de d i scorde !

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34 CHAPITRE PREMIER

Mais pour le res te , que faut-il en pense r ? Y a-t-il jus te motif de songer à l 'art 3 du traité ? (1)

Dans tous les cas , la difficulté avec laquelle nous par ­v i ennen t les r ense ignemen t s et l ' incert i tude de ces r e n ­se ignemen t s , jo in tes à la dél ica tesse du sujet, nous obli­gent à b e a u c o u p de réserve d a n s cette par t ie de no t re réci t .—

Le transfert de la c réance W e s t e n d o r p est a n n o n c é c o m m e un fait accompl i .

Les affirmations sont mo ins ca tégor iques pour l'affaire de Samana . Le public ne sembla i t pas encore bien fixé su r ce qui a été fait ou qui se fait.

Le général Gonzalez, d a n s un écrit da té de Puerto-Rico le 27 Févr ier 1893, dit qu'il a qui t té le min is tè re des Rela t ions Extér ieures qu'i l occupai t aux côtés du Prési­den t Ulysse Heureaux , pa rce que «le hasard lui a fait découvr i r un secre t du Chef de l'Etat, à bord du vapeur de guer re nord-amér ica in Atlanta, où on lui par la , le s u p p o s a n t au fait de la chose , de la négociat ion e n t a m é e pa r le général Heureaux au moyen d'un c o m m i s s a i r e qu'il a envoyé à Wash ing ton pour négocier l 'affermage de la baie de Samana , négociation qui ,— lui a t-on dit à b o r d , - devait ê t re le signe p récu r seu r de l 'annexion de toute la Répub l ique à l 'Union Américaine.» Ce qui le surpr i t doub lemen t , d 'autant que , que lques mois aupa ­ravant , la proposi t ion de l 'affermage officiellement faite pa r M. Durham, Ministre amér ica in , avait été à l 'unani­mi té r epoussée par le consei l des Secré ta i res d 'Etat do­minica in .—

La « Gaceta Oficial » publ iant l 'écrit et démen tan t la p r e m i è r e par t ie , rappel le les paro les du P rés iden t Heu­reaux, p r o n o n c é e s ce m ê m e 27 février lors de sa nouvel le pres ta t ion de s e r m e n t : « J ' appar t i ens à l 'école radicale

(1) Art. 3. Les deux parties contractantes s'obligent à maintenir de toute leur force, de tout leur pouvoir, l'intégrité de leurs territoires respectifs, à ne céder, compromettre ni aliéner, en fureur d'aucune puissance étrangère, ni le tout ni aucune partie de leurs territoires ni des îles adjacentes qui en dé­pendent, Elles s'engagent à ne solliciter ni consentir aucune annexion ni domination étrangère.

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N O S RAPPORTS AVEC SANTO-DOMINGO 35

« des pat r io tes qui n 'on t pas de p lus g rande asp i ra t ion « que de vivre sous le ciel et d a n s le sein de la pa t r i e « a u t o n o m e , intégrale , l ibre et i n d é p e n d a n t e . »

L 'Espagne , rappor te - t -on , a d e m a n d é des expl icat ions au Gouve rnemen t de Wash ing ton su r ses in ten t ions à l 'égard de Santo-Domingo . Et les Etats-Unis ont r é p o n d u qu ' i ls n 'ont pas l ' intention d é p o r t e r a t te inte à la nat io­nali té domin ica ine .

Les amis du P ré s iden t Ulysse Heureaux a s s u r e n t qu' i l n'y a pas d 'al iénation de terr i toi re en v u e ; — qu'i l ne faut voir d a n s ce qui se fait que le s imple é t ab l i s s emen t d 'une compagn ie d'affaires ne voulant s 'occuper q u e d ' e n -t r ep r i s e s d 'o rd re commerc ia l ;— que les ha i t iens s 'alar­men t mal à p ropos des opéra t ions q u e font les D o m i ­nica ins avec des capi tal is tes amér i ca in s , . . ; qu ' en un mo t , le général Heureaux n 'est pas annex ionn i s t e et son c a ­binet ne sacrifiera j ama i s l ' intégrité du ter r i to i re .

N é a n m o i n s b e a u c o u p de gens dou ten t encore , et il es t r evenu de ce r ta ins cerc les pol i t iques qu 'on y répè te avec pe r s i s t ance que la ferme de S a m a n a es t une affaire faite par L'Exécutif et qu ' i l ne res te q u e la sanct ion du Congrès d o m i n i c a i n . — Le cas échéan t , cel te sanc t ion s e r a - t - e l l e donnée ou refusée ?—On ne t a rde ra p a s à ê t re fixé, le Congrès é t a n t ac tue l lement en s e s s i o n ; de m ê m e que par le p r o c h a i n e x p o s é de la s i tuat ion du Gouver­n e m e n t d'Haïti , on sau ra s a n s dou te sa m a n i è r e de con­s idérer les choses et ses vues .

En a t tendant , les deux P ré s iden t s v iennent de se r e n ­cont re r à la baie de Mancenil le. La conférence a eu lieu le 1 8 Avril 1893, à bo rd du navire de gue r re le « Dessal ines . » «Les différentes en t revues des deux Chefs d ' E t a t et de l e u r s Ministres, dit le Journal Officiel d 'Haï t i , o n t é t é d e s p l u s cordia les , et l'on peut affirmer que la j ou rnée d u 18 Avril qui compte ra d é s o r m a i s pa rmi n o s j o u r n é e s h i s to r iques , con t r i bue ra p u i s s a m m e n t à la paix et au progrès d e s d e u x peuples et resser re ra de p lus en p l u s les liens d 'amit ié qui les un issen t . »

D a n s un toast porté au Prés iden t Ulysse Heureaux , M. E. Lesp inasse , Secréta i re d 'Etat des Rela t ions Ex té -

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36 CHAPITRE PREMIER

r i eures d'Haïti a dit, : « laissez-moi faire le voeu pa t r io -« t ique que l 'entrevue de ce jour , tout en é tant la preu-« ve que les r appo r t s des Répub l iques soeurs ne son t « pas ce que que lques uns avaient voulu cro i re , soit « d a n s l 'avenir le gage de l 'entente cordia le qui p e r m e t -« t ra à nos d rapeaux de flotter g lo r ieusement d a n s l 'azur « de no t re ciel. "

«Le Prés iden t Heureaux à r épondu : " A l 'union et à la « prospér i té matér ie l le et mora le des deux Répub l iques « soeurs. » Et le P rés iden t Hyppol i te a bu : « à l ' intégrité « terr i tor iale de l'île d 'Haït i . " (1)

Cela é tant , et pu i sque en s o m m e , c 'est l 'état de n o s front ières qui dé t e rmine ra toujours la na tu re de nos re­lations et que la question du t racé d e s l imites res te ra , tant qu 'e l le se ra ouver te , la pr inc ipa le source d e s diffi­cul tés qui pour ra i en t surgir en t r e les deux Gouve rne ­m e n t s exis tant d a n s l ' î le, nous nous é t ions p roposé de di re tout de sui te la s o l u t i o n qui parai t le p lus géné ­r a l emen t consei l lée pour en finir avec un déba t si nui­sible au r epos et à l 'avenir des deux Etats .

Mais c o m m e il y a toute a p p a r e n c e , depu i s l ' en t revue de Manceni l le , que la ques t ion est en t rée d a n s une p h a s e décis ive , c 'es t -à-dire que d i r ec t emen t t ra i tée par les deux cab ine t s , elle va—se le p romet -on ,—about i r p lus vite à l 'accord c h e r c h é , n o u s ne jugeons p a s t rès à p r o p o s de h a s a r d e r ici une opinion ar rê tée et qui préjuge l ' issue q u e tout le m o n d e e spè re être t rès p rocha ine .

Nous p o u r r o n s s eu l emen t et à titre de s imple r e n s e i ­gnemen t , l 'apporter, des d ivers avis émis pour conci ­lier les p ré ten t ions , celui qui s emble le plus voisin, qu i s e m b l e tiré m ê m e des p ropos i t ions que s u c c e s s i v e m e n t et en différentes c i r cons t ances , n o u s on t faites les Do­m i n i c a i n s .

(1) Le " Listen Diaro " du 25 Avril.— article de M. le Deputé Isaias Fran­co, croit savoir qu'il a été entendu d a n s la conférence que le trafic com­mercial entre les deux p a y s continuerait comme auparavant, par mer et par terre, et que le traité existant serait révisé.—

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CHAPITRE II

S O L U T I O N S I N D I Q U É E S .

SOMMAIRE : — Limites et créance dominicaine.—Propriétés saisies et reli­quat de compte.— Article 12 du traite et commerce par la frontière.—Prin­cipal motif du non règlement définitif de la question.

L I M I T E S E T C R É A N C E D O M I N I C A I N E .

Le traité de 1874 é tant r econnu exis tant et val ide, on conc lu t qu'il n'y aurai t qu ' à en rempl i r loyalement les p r o m e s s e s et engagemen t s , n o t a m m e n t par l 'exécution de l'art. 4 c o m m e n o u s le d e m a n d o n s , et le r ég lement d e s a n n u i t é s de 150.000 gou rdes ( a r t . 1 2 ) c o m m e l'ex­pl ique l eMessagedu Prés iden t Heureaux , en 1800, a d r e s ­sé au Congrès domin ica in .

C'est, ap rès tout, ce que demanda i t déjà le 3° a l inéa du mémorandum dominica in du 28 juin 1887, qui fait savoir q u e le Congrès r éc l ame , avant l ' accompl i s sement des ar t . 4 et 5, q u e le G o u v e r n e m e n t haï t ien rempl i s se la sti­pulat ion du de rn i e r pa r ag raphe de l 'art. 12. C'est égale­men t ce que demanda i t , s o m m e toute, les № s 1 et 2 de la note Marchena du 27 Août 1887, (1) sauf à r e t r a n c h e r les mots :dans l'année 1 8 5 6 , p u i s q u e en réal i té , l ' époque

(1 Note i Marchena : 10 établir la ligne d e s frontières q u i doit séparer les deux Etats sur les points qu'occupaiepl l e s d e u x peuples à la cessation de ia guerre dans l'année 1856, à laquelle fin il serait nommé, une com­mission dans le p l u s bref délai possible p o u r étudier le terrain et déter­miner la démarcation d e s l i m i t e s d e chacune des parties conformément à l'accord q u i , à cet effet, pourrait a v o i r l i e u .

20. Admettre les concessions réciproques qui s e r a i e n t nécessaires de part et d'autre pour la meilleure démarcation de la ligne des frontières.

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38 CHAPITRE II

d e la cessat ion de la guer re est celle de 1850, à la chu t e de l 'Empire . — A bien fixer auss i le s ens du № 2, c 'es t -à-dire que lo r sque , pour avoir une ligne plus droi te ou na ture l le , il conv iendra de r ed re s se r ou d 'ajuster le tracé en reje tant de par t et d ' au t re que lques faibles p o r t i o n s de te r re , la compensa t ion pour ra se faire s implemen t . C'est é v i d e m m e n t ce qu 'a en t endu cette par t ie de l'art. 4 du t ra i té : é tabl ir de la manière la plus conforme à l'équité et aux intérêts réciproques des deux peup les , les l ignes frontières qui s épa ren t leurs posses s ions ac tuel les . De cet te façon, «les concess ions r éc ip roques pour la rectifi­cat ion et la démarca t ion des frontières se ra ien t te r r i to­riales» ( n o t e 2 Marchena . )

Mais si la compensa t ion ne pouvai t pas se faire a u s s i s i m p l e m e n t , c 'est-à-dire si les por t ions de terr i toi re se t rouvaient t rès inéga lement rejetées de côté et d ' au t re , ou rejetées d 'un seul côté , la compensa t ion se ferait p a r d e s " i ndemni t é s conven t ionne l l es " ( note ha ï t ienne 3 S e p t e m b r e 1887. )

Accepter donc la c r éance domin ica ine c o m m e un fait accompl i , résul ta t d ' u n e disposi t ion t rans i to i re et non per-m a n e n t e , l 'accepter saut déduc t ion des à-compte ve rsos , et b ien e n t e n d u sous la condi t ion sine quâ non de la dé-l imitat ion, r e c o n n u e et opérée , de nos frontières telles qu 'e l les se t rouvaient au m o m e n t de la s ignature du traité de 1874.

PROPRIÉTÉS SAISIES ET RELIQUAT DE COMPTE.

Faire l 'es t imation, p révue à l 'art. 13 du trai té , des pro­pr ié tés ha ï t iennes sais ies depu i s 1844 et le c o m p t e de n o s avances et pa iement s à la Répub l ique Dominica ine , le total à défalquer de la s o m m e st ipulée à l 'art. 12, der­n ier pa rag raphe .

Le re l iqua t se ra payé par t e r m e s annue l s d é t e r m i n é s selon nos r e s s o u r c e s . Et cela toujours m o y e n n a n t l 'en­gagement de faire modifier l 'art. 3 de la Consti tution d o ­min ica ine à r eme t t r e en h a r m o n i e avec l 'art. 4 du t ra i té . ( V. la fin du mémorandum domin ica in du 28 Juin 1887 et le № 3 in fine de la no te Marchena du 27 Août 1887. )

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SOLUTIONS INDIQUÉES 39

ARTICLE 12 DU TRAITÉ ET COMMERCE PAR LA FRONTIÈRE.

P o u r nous servir du langage officiel du P rés iden t Heu-reaux , d a n s son Message préc i té du 9 Juillet 1890, par­mi les c lauses du trai té, il existe q u e l q u e s - u n e s dont les d ispos i t ions cessen t , à t e rme fixe, de p rodu i re leur effet, telle est celle touchan t le c o m m e r c e l ibre des frontières et celle qui lui est corréla t ive t ouchan t l ' indemni té à pa­yer a n n u e l l e m e n t par Haïti. — Or, le t e rme de hui t a n ­nées s t ipulé par l 'art 12 du traité p o u r la faculté de ce trafic et la compensa t ion c o r r e s p o n d a n t e , s 'étant écoulé et les c lauses qui s'y r appor ten t ayant v i r tue l lement cessé leur effet, le c o m m e r c e haïtien ma in tenan t ne peu t pas plus joui r de la faculté d ' in t rodu i re en franchise pa r les frontières des m a r c h a n d i s e s é t rangères , que depu i s 1882 les Dominica ins ne peuven t comp te r su r la ré t r i ­but ion annuel le d e m a n d é e en compensa t ion .»

Libre a lors à chacun , selon qu' i l le jugera convenab le de prélever des droi ts su r les p rodui t s é t rangers , à l'en­trée de son terr i toire par la frontière ; —et a t tendu d 'a i l ­leurs , qu'il y a réciproci té et égalité d 'avantages d a n s le c o m m e r c e de frontière auquel s e l ivrent les deux po­pulat ions .

C'est, r épé tons -nous , ce que demanda i t le 3 e a l inéa du mémorandum dominica in du 28 juin 1887 remis à M. Gu-t ierrez à Santo-Domingo, — sauf qu'il y était p r o p o s é de conveni r p ré l imina i rement q u e le Gouve rnemen t haï t ien rempl i ra d 'abord ce qui est à sa charge , avant q u e le Gouve rnemen t dominica in exécute à son tour les ar t ic les 4 et 5 du traité.— A quoi le contre-memorandum haï t ien avait répondu qu'il n'y a pas de priori té à d o n n e r à tel point litigieux sur tel au t re , pas de d iscuss ion préalable à e n t a m e r avant là repr i se des négocia t ions .

Mais, a-t-on objecté, p u i s q u e les so lu t ions ainsi ind i ­quées , loin de s 'éloigner d e s b o n n e s d isposi t ions m o n ­t rées d a n s le cou r s du déba t , ne sera ient , en définit ive, q u ' u n e t ransact ion tirée des propos i t ions domin ica i ­n e s e l les -mêmes , puisqu ' i l en est a insi , pourquo i d o n c l 'accord n 'a pas été encore fait et s i g n é ?

C'est peut -ê t re que des m a l e n t e n d u s con t inue l s , les

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40 CHAPITRE II

m ê m e s auxque l s n o u s avons fait a l lusion au c o m m e n ­cemen t , et qui na issent su r des po in t s le p lus souven t s econda i r e s , n 'on t pas jusqu ' ic i laissé le loisir de s 'ex­pl iquer f ranchement .— Mais c 'est auss i qu ' au mil ieu, et en dépi t du r a p p r o c h e m e n t observé , il est une prétent ion (sera i t -ce pour la forme seu lemen t ?) à laquelle revien­n e n t les Dominica ins tantôt ouver tement , tantôt indi­r e c t e m e n t , et souvent , a lors que l'on était autor isé à c ro i re que la négociation touchai t à son t e rme .—

Nous avons n o m m é leur ques t ion du traité d 'Aranjuez. Il est vrai que nos vois ins ne r evend iquen t pas préc i sé ­m e n t la possess ion à res t i tuer des terr i toires visés , ma i s u n e indemni t é convent ionne l le pour la cession de ce qu ' i l s appel lent leurs dro i t s su r les anc i ennes p o s s e s ­s ions espagnoles . ( V. № 3 de la note Marchena du 27 Août 1887. )

Or, d é c e m m e n t la Républ ique d'Haïti ne pouvait pas souffrir qu 'on lui d e m a n d â t m ê m e sous cet te forme, de s igner une convent ion qui impliquerai t , ne fût-ce q u e pour un ins tant , la possibil i té d 'un doute su r la légiti­mi té de ses possess ions . Son droi t est trop cer ta in .

Gela nous a m è n e , par s u b r o g a t i o n , à la d iscuss ion de ces l imites de 1777.

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CHAPITRE III

LIMITES DE 1777

SOMMAIRE.— Uti possidetis. Engagement formel. Cependant prétentions dominicaines. Art. de ta Constitution dominicaine. Notes Marchena. Ecrits dominicains. Réfutations haïtiennes. Rapport du Secrétaire d'Etat V. Plésance en 1862. Article de M. J. N. Léger. Res inter alios. Pres­cription, conquête et vœu des populations. Validité et temps de la pres­cription. Objet des deux chapitres suivants.—

« Art. 4. Les hau te s par t ies con t rac tan tes s 'engagent formel lement à établ ir , de la man iè re la p lus conforme à l 'équité et aux intérêts r éc ip roques d e s deux peup les , les l ignes frontières qui s épa ren t leurs possess ions ac­tuel les .

« Cette nécess i té fera l 'objet d 'un t ra i té spécia l , et d e s Commissa i r e s s e ron t r e spec t ivement n o m m é s le p lus tôt poss ib le à cet effet. » Traité de 1874.

La b a s e des possessions actuelles ou de Yuti possidetis, voilà ce qui es t acqu i s à la d ip lomat ie ha ï t i ano-domin i -ca ine .

Après ce que n o u s avons vu d a n s l 'exposé de nos re ­la t ions d ip loma t iques , il n'y avait pas à rouvr i r le déba t su r un point tout-à-fait réglé en fait et en droi t , p a r l 'é­tat réel des choses au tan t que par l 'art . 4 du traité de 1874. Engagement formel d 'é tabl i r d a n s un t ra i té spécia l les l ignes frontières qui s é p a r e n t les pos se s s ions actuel les d e s deux peup les .

Le № 4 de la note domin ica ine du 27 Août 4887 et les m o d e s p roposé s pa r les Dominica ins d e p u i s 4880 & 4882 p o u r un t racé p r a t i que de la ligne de d é m a r c a t i o n l 'im­p l iquen t par fa i tement .

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42 CHAPITRE III

Le trai té de 1867 déjà reconna issa i t et maintenai t le statu quo des possess ions actuel les .

Il y a, au su rp lus , les déc la ra t ions de « Mensajero » d a n s s o n fameux № du 7 Mars 1888, où il en t reprend de sou ten i r doc t r ina lement et h i s t o r i quemen t la légitimité des p ré ten t ions domin i ca ine s : labor ieuse défense d ' u n e thèse imposs ib le !

L 'organe domin ica in , en effet, ne tarde pas à se trou­ver s ingul iè rement e m b a r r a s s é par son p rop re na r r é des é v é n e m e n t s . Alors , il se fâche con t re tout le m o n d e . Il dit des injures à notre ad res se . Il en dit aussi à l 'dresse des s iens . Il s'en p r e n d ( injuste accusa t ion ) au peu de souci d e s G o u v e r n e m e n t s domin ica ins , à leur m a n q u e de persp icac i té poli t ique et de tact d ip lomat ique , p o u r avoir conclu ces t rai tés de 1867 et de 1874, qu'il cr i t i ­que a m è r e m e n t .

Tout cela est déjà bien significatif. Mais la confession va plus loin. Elle est b ientô t formel le :

« Et c o m m e clans le d o c u m e n t ment ionné ( traité de 1874 ) « on négligea, on n 'eut pas soin de faire les affirmations « nécessa i res des dro i t s domin ica ins au d o m a i n e de la « frontière, «point que l'on ne doit j a m a i s pe rdre de vue « et qui doit domine r tout r èg lement de frontière, un tel « s i lence offrit de la marge à Haïti pour p r é s u m e r que « l'on adhéra i t , en les conf i rmant , à ses se igneur ia les « p ré t en t ions . » —

Et à un aut re endroi t : « Il n'y a pas de doute et nous le confessons ingénument ( No queda deuda i le confesamos injenuamente): pa r sa forme vague l 'article se prê te ( se acomoda) aux réc lamat ions d 'Haï t i . »

Forme vague ! E h ! qu ' es t -ce qu'i l y a de vague d a n s l ' engagement formel d 'é tabl i r , d a n s un traité spécial , les lignes frontières qui sépa ren t les possess ions actuel les des deux peup le s? — A par t que la lettre de l 'art. 4 est ainsi t rès claire , on ne peut pas , avec ce qui s'en est suivi imméd ia t emen t , faire c ro i re m ê m e à que lque r e s ­tr ict ion d a n s l 'esprit d e s Domin ica ins qui l 'écrivirent et le s anc t i onnè ren t .

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LIMITES DE 1777 43

Les p r e m i e r s v e r s e m e n t s des 150.000 gourdes d'annui­tés ayant été faits, la c lause de l'art. 4 reçoit auss i son c o m m e n c e m e n t d 'exécut ion par une modification de la Const i tut ion domin ica ine en son art . 3 qui jusque-là don­nait pour l imites à la Républ ique celles de 1777, et qui d a n s sa nouvelle forme, dit s e u l e m e n t que les l imites du côté d'Haïti feront l 'objet d 'une loi.

C'est le «Mensajero» lu i -même qui va achever l'expli­cat ion. Il r appor te qu 'on a vu d a n s l ' anc ienne rédact ion const i tu t ionnel le que lque chose qui , con t ra i re au t rai té , en ent ravera i t la réal isat ion, et pour cet te ra i son , l 'an­c ienne rédact ion a été supp r imée et remplacée pa r u n e au t re qui pût s ' accorder avec la st ipulation de l ' ins t ru­m e n t d ip lomat ique . — «pero c reyendo à la vez ( los legis­ladores de 1875 ) que la e s t ruc tu ra absoluta del canon const i tucionel sob re l imites ce r ra r i a la puer ta a la t ran­sacción que debia induc i r se como indicada en el art . 4°, ( d u traité,) se de t e rmina ron a reemplazar lo . . . . »

« c r e e n c i a d e que , por su rijida, absolu ta r edacc ion , no permit ia combinar arreglos que , aùn por m o d o remoto (? ) le modif icasen.

De toutes les m a n i e r e s , il est donc s u r a b o n d a m m e n t p rouvé que la base des possessioits actuelles es t chose ac­qu ise .

Mais c o m m e c 'est n é a n m o i n s le point ép ineux toujours poss ib le de nos difficultés, nos voisins n ' ayant pas pa­ru r enonce r tout-à-fait à en faire un objet de d i scuss ion , ainsi qu 'on l'a vu à la fin du chapi t re p récéden t , et l 'art. 3 de la Consti tution men t ionnan t enco re les l imites de 1777, ( 1 ) il ne nous a pas été poss ib le de passe r sous s i lence l 'a rgumentat ion ofliciellement employée en 1887, au sout ien de ces é tonnan te s p ré ten t ions .

Le n° 3 de la note préc i tée du général Marchena p ro -

( 1 ) Const. de Nov. 1887. Art. 3. El territorio de la Republica es y sera inenagenable, y s u s limites comprenden todo l o q u e antes se denominaba « P a r l e española de la Isla de Santo-Domingo » y sus i s l a s adyacentes. Esos limitos son los mismos que en I793 la divi lian por el lado de oscideñte de la parte francesa, stipulados en el tratado de Aranjuez firmado el 3 da Junio 1777. -

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44 CHAPITRE III

pose de n o u s céde r m o y e n n a n t i n d e m n i t é « les dro i t s que la Répub l ique domin ica ine a su r les a n c i e n n e s posses s ions espagnoles cons idé rées c o m m e par t ie in­tégrante de son terr i toi re , n o n o b s t a n t l 'occupation de ces possess ions par le peuple haï t ien. Cette cess ion se rait assujet t ie à la sanct ion d 'un plebisci te , afin q u e le Corps législatif dominica in ne r encon t r e pas d ' incon­vénien t ou obs tac le pour la s anc t ionne r à son tour . » —

Et d a n s la note en rép l ique du 6 S e p t e m b r e 1888, l 'a-gentconfident ie l par le enco re de droi t s de propr ié té con­se rvés par la Républ ique domin ica ine , fortifiés et con­firmés par cess ion de l ' anc ienne mét ropo le qui les ma in ­tenait . Cette par t ie de la note appel le l 'at tention su r ce que « le ca rac tè re d 'un fait qui r emplace un droi t est e s ­sent ie l lement provisionnel , sauf le cas où les dro i t s in­con tes tab les de la propr ié té ne lui sont poin t opposés . »

Voir aussi le long art icle, p lu s hau t men t ionné , du « Mensajero » du 7 Mars 1888.

Du res te , d a n s toutes leurs publ ica t ions récentes , tel les que cet article du « Mensajero. » le recueil d 'actes relatifs à la guer re , p a r j . Garcia, — le Resena general de R. A b a d ; d a n s leurs livres c o m p o s é s pour l ' instruction de la j e u ­nes se , tels que l 'histoire de la Répub l ique domin ica ine , du m ê m e Don J. Garcia, la Géographie du Padre Merino, nos voisins s ' appl iquent à dés igner nos qua t r e c o m m u n e s c o m m e occupées de fait pa r Haïti et appa r t enan t de droi t à la Répub l ique domin ica ine .

Déjà les r éponses qu 'e l les on t p rovoquées en Haïti n 'on t pas m a n q u é de faire p le ine jus t i ce de ces p ré ten­t ions .

Deux, en t r e ' au t r e s , des réfutat ions ha ï t i ennes , c o m m e discuss ion ju r id ique a r rê ten t l ' a t tent ion: un d o c u m e n t officiel é m a n é de M. V. P lésance , a lors Secré ta i re d 'Etat des Rela t ions Extér ieures et un t rès subs tan t i e l ar t icle de journa l écr i t pa r M. J. N. Léger.

Le lumineux rappor t du Secré ta i re d 'Etat sur la r éc l a ­ma t ion de l 'Espagne en 1862, prend la ques t ion au point de vue de la p resc r ip t ion ap rè s l 'avoir e x a m i n é , c o m m e il dit , au doub le point de vue de la légalité et de la tra­di t ion h i s to r ique . Et aux t e r m e s d u r é s u m é qu ' en a fait

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LIMITES DE 1777 45

M. Saint A m a n d , il r épond c o m m e suit , à la réc lamat ion e spagno le : —

« Que le peuple haït ien est devenu légitime p ropr i é ­taire des bourgs et de la port ion de terr i toire qu'il oc­cupe par droi t de prescr ip t ion en vertu d 'une posses­sion paisible de c inquan te trois a n n é e s de d u r é e n o n i n t e r rompue . »

Le Secréta i re d 'Etat cons idé ran t le traité de 1777, se d e m a n d e si l 'Espagne peut venir , par sa seule volonté, faire revivre un trai té qui d ' abord n 'a j a m a i s été entiè­r e m e n t exécu té et qui depu i s sa da te a été ou effacé pa r des t rai tés s u b s é q u e n t s ou remplacé pa r des faits h is to­r iques ana logues au droi t et qu 'e l le a e l le -même consa­c rés par des adhés ions taci tes ou formelles .

« Elle objectera peut-être, con t inue le Ministre, q u e l 'art . 1 e r du trai té de 1777 déc la re que les l imites en t re les deux na t ions res te ront perpé tue l lement et i r r évocab lement fixées d a n s les t e rmes spécifiés d a n s l'art. 2. Mais je fais obse rve r dès à p résen t , qu'il ne faut pas d o n n e r à c e s deux exp re s s ions perpétuellement et invariablement p lus d 'extension qu 'e l les n'en peuvent avoir. Il e s t évident q u e cet te st ipulation n e s ' a p p l i q u e qu ' à deux na t ions c o n ­t rac tan tes et qu 'e l le expr ime que les l imites t racées se­ront respec tées par les deux na t ions , tant qu 'e l les s e -ron t propr ié ta i res des deux terr i to i res l imi t rophes . Les œ u v r e s de Dieu seules sont perpé tue l les et invar iables . Et d 'un au t re côté un traité n 'engage que les par t ies qui les s ignent ou y adhè ren t . Le traité de 1777 ne peut pas ê t re opposé an peuple haï t ien. Ce peuple n 'existai t pas enco re q u a n d ce trai té a été conclu , et depu i s il n'y a ja­ma i s adhé ré .

C'est d ' au tan t p lus vrai a jou te rons -nous , que l 'état de c h o s e s règle en 1777 n 'existai t plus, de fait ni de droi t , le t rai té de Bâle s 'é tant déjà subs t i tué à celui d e s l imites , q u a n d le peup le haïtien effectua sa prise de pos se s s ion —

Il est e n c o r e à noter que le traité d 'Aranjuez ne fut, en s o m m e , q u ' u n e consécra t ion du pr inc ipe ùli possidetis, le m ê m e qu ' à not re tour , n o u s invoquons pour les p o s ­sess ions actuel les .

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46 CHAPITTRE III

« A part i r de 1030, c o m m e dit M. P lésence , da te de la formation de la colonie française , jusqu 'à l ' a n n é e 1777, il n'y eut d 'au t re droi t que celui du p lus fort. Possideo quia possideo, telle fut la seule loi des in t rép ides aventu­r iers par t is de la petite île de la Tor tue pour venir dis­pu te r aux colons espagnols le r iche terr i toi re de la g rande île conqu i se par ceux-ci sur les Ind iens ind igènes . »

Le traité du 3 Juin 1777 étai t s imp lemen t la confirma­tion de la convent ion s ignée le 27 février 1776 à l'Atalaye en t re Don José Solano y Boto et le Conte d 'Ennery , la­quelle ne faisait que reconna î t r e la position que , au mi­lieu de toutes so r tes de d i spu tes et de v io lences , les pa r ­ties s 'é ta ient success ivemen t app rop r i ée s . — Ce que les Espagnols avaient pr is aux Ind iens , les França i s le pri­rent aux Espagno l s , en a t t endan t que vînt le lotir des Haï t iens , réalisant! pour leur compte ces f ières paro les de l 'abbé Sieyès : — « Vous tenez votre noblesse de la con­quête , di tes-vous, eh b ien , le tiers état deviendra noble en c o n q u é r a n t à son tour . » ( 1 )

Monsieur J. N. Léger dit éga lement que le t ra i té , p o u r n o u s res inter alios, ne nous peut être opposé d 'a i l leurs par la b o n n e raison qu'il a été rapporté", annu lé par les m ê m e s na t ions qui l 'avaient conc lu .

Son ar t ic 'e reprodui t r é c e m m e n t dans le № du 2 Août 1892Ade la «Revue de la Société de législation, » d é m o n t r e aussi à la lumière des faits h i s to r iques , que la conquête avait , déjà longtemps , sous les França i s , anéanti le t racé d e s l imites du traité d 'Aran juez ; qu 'el le fait l'Etat d'Haïti

(1) Les hommes de couleur de S a i n t - D o m i n g u e d i s a i e n t nu r e p r é s e n t a n t de « Fa F r a n c e :« Nous réclamons d e s d r o i t s que toutes l e s p u i s s a n c e s h u m a i n e s «et divines n e peuvent nous refuser, des droits que la n a t u r e elle-même « n o u s a concédés, l e s d r o i t s d e l ' h o m m e , liberté sûreté, p r o p r i é t é , r e s i s -« tance à l'oppression. La France l e s a g a r a n t i s à tous, les hommes. Ne som­« mes- nous pas des hommes? Quelle loi barbare a d o n n e à d e s Européens « le droit de n o u s p o r t e r s u r un s o l é t r a n g e r , et de n o u s y c o n s a c r e r à « des torturés éternelles ? Vous n o u s avez expatriés; Eh bien! que votre « p a t r i e d e v i e n n e la n o t r e . . . » Pétition déposée s u r l'autel de la Patrie au Cap le 24 Août 1793, et à laquelle Sonthonax r é p o n d i t , le 29, p a r la proclamation d e la liberté générale,

on s e r a p p e l l e également le d i s c o u r s énergique d'Ogê, a u C l u b Mas-siac e n 1789. — et la réponse qu'on v e r r a p l u s l o i n , d e s commissaires hai-tiens à M. F. de Castro en 1830. —

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avec le terr i toi re qu'il occupe , de m ê m e qu'el le a formé la Répub l ique domin ica ine par la rup ture violente de l'u­nion qui s 'était opérée de toute l'île sous un m ê m e Gou­ve rnemen t .

«C'est donc , dit t rès bien Monsieur Léger une part ie du peuple haït ien qui se sépara i t du Gouvernement d 'Haït i . Et la nouvelle nation ne pouvai t p r é t end re qu 'au te r r i ­toire qu 'e l le occupai t . . . Les Domin ica ins ne pouvaien t et ne peuvent pas invoquer le t rai té d 'Aranjuez vis-à-vis de nous , ils n 'avaient d ' au t r e si tuation que celle d ' insurgés heureux . Et à ce ti tre ils ne pouvaient conse r ­ver que la port ion de terr i toire que n o u s ne se r ions p a s en m e s u r e de leur r é p o n d r e . »

Aux points de vue auxque l s se sont placés les au t eu r s des deux pièces q u e nous c i t o n s : la prescription et la conquête, il n'y a guère à ajouter, bien que les m é n a g e ­m e n t s obligés d 'un acte d ip lomat ique ( 1 ) et le c ad re re­la t ivement étroit d 'un article de journa l aient été pour eux de na tu re à r e s t r e ind re le déve loppemen t d ' u n e d i s c u s ­sion de cet te por tée . ( 2 )

P o u r ce double motif, not re dessein est de poursu ivre l 'examen auquel nous n o u s l ivrons à notre tour , — plutôt sous le rappor t du vœu des popula t ions , sauf toutes les fois que ce sera nécessa i re , à che r che r c o m m e MM. P lé -s a n c e et Léger, clans l 'histoire du pays , les faits qui ont a m e n é l 'extinction des droi t s anc iens , on t concouru à la formation de la Républ ique domin ica ine et ont engend ré les droi t s d e s deux E t a t s actuels à la p ropr ié té des terri­toires b o r d a n t leurs frontières.

Ce q u e nous a jouterons , en par t icul ier , su r le droit de prescr ip t ion , — et n o u s le ta i sons une fois, n ' es t que pour adhé re r avec d 'au tan t plus de force à ce que M. Plé-

(1) « J'ai dû toucher, dit M. Plésance, avec u n e prudente réserve, certaine partie d e c e s laits pour- n'éveiller a u c u n e susceptibilité, et je me suis efforcé d e n e rappeler que ceux qui étaient absolument nécessaires pour la défense des d r o i t s d u p e u p l e haïtien. » —

(2) Notre savant auteur du Becueil des traités et conventions de la République d'Haïti a promis et prépare une monographie, qui paraîtra prochainement s o u s l e t i t r e de « Nos Frontières » [ Etude historique et juridique sur la question des frontières dominicano-haïtiennes ]. »

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CHAPITRE III 48

sance a si exce l l emmen t écri t en 1862, su r ce côté de la ques t ion .

Certes , ce n 'était pas s eu l emen t une opinion locale, ce qu 'en pr incipe soutenai t le cabinet haï t ien. — On ne d i scu le plus, en effet, su r la prescr ipt ion c o m m e moyen légit ime d ' acquér i r en droi t in te rna t ional ; On reconnaî t , au con t ra i re , que ce mode d 'acquis i t ion est p lus néces­sa i re en t re Etats qu ' en t r e par t icul iers . Les quere l les in­dividuel les peuvent d 'a i l leurs se régler devant les t r ibu­naux , tandis que les conflits in te rna t ionaux abou t i s sen t t rop souvent à la guer re . Peu d 'Eta ts , dit-on avec ra ison, se ra ien t sû r s de leurs dro i t s , et la paix ici-bas devien­dra i t imposs ib le s ans ce moyen de met t re un te rme à la contes ta t ion .

« Lorsque l 'occupation a cessé de la part du p remier posses seu r , et que celui-ci souffre l ib rement q u ' u n au t r e Etat occupe s ans son c o n s e n t e m e n t ce terr i toire pen­dan t une longue pér iode, ce fait peut en t ra îner la perte de la possession p remiè re c o m m e c o n s é q u e n c e de la p ré ­sompt ion volontaire d ' abandon de sa par t . " P. Flore , 863, s ' appuyant su r Grotius.—

« Et même si l'on peut prouver que la prise de p o s ­sess ion primit ive a été accompagnée de violence et a eu lieu au mépr i s du droit , mais si . d 'un aut re coté , la possess ion paisible dure; depu i s assez longtemps pour que la stabili té et la nécess i té de l 'ordre de c h o s e s éta­bli soient r econnues par la populat ion, on devra adme t t r e q u e l 'état de fait a m e n é par la violence s ' e s t t r a n s f o r m é avec le t emps en état légal .—On croit d o n c adme t t r e en droi t in ternat ional une espèce de prescr ip t ion .—" Blunts-clili, ar t . 290 et r em.

V. la citation de Bello faite en n o t e par le «Mensajero» lu i -même d a n s son article plus haut cité des « Limites front ières . »

Il restai t s eu lemen t , à s ' en tendre su r l 'époque à la­quel le le fait et le droit d e p r e s c r i p t i o n c o m m e n c e n t d 'avoir lieu. Le n o m b r e d ' années nécessa i re p o u r l'o­pérer n 'es t pas d 'avance fixé c o m m e en droi t civil. Mais n o u s t rouvons que Dudley Field, d a n s son projet de

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LIMITES DE 1777 49

code in terna t ional , pose la règle, pour les pays nouvel­l emen t découver t s , que le droi t de possess ion est réputé a b a n d o n n é quand l ' intention de l 'exercer n 'es t pas m a ­nifestée pendant 25 ans à p a r t i r de la découver te .

P a s q u a l e Fiore en dit au tan t . § 858.

Un litige était pendan t depu i s l 'année 1823 en t re l 'An­gle terre et le Portugal au sujet de la possess ion de te r r i ­toires su r la côte or ienta le d 'Afrique. Le Portugal fon­dai t son titre su r différents a r g u m e n t s et en t re au t re s su r celui de l 'occupation con t inue . L 'Angleterre , fon­dai t le sein su r la cess ion qui lui avait été faite en 1823, p a r les chefs d e s t r ibus indigènes. Or, auss i tô t ap rè s le dépar t des v a i s s e a u x anglais , ces m ê m e s chefs indigènes avaient r econnu de nouveau leur d é p e n d a n c e d e s autor i tés portugaises!— En 1872:— arbi t rage du Pré ­s iden t de la Répub l ique française qui rendi t une sen­tence favorable au Portugal . Au su rp lus , dit Calvo en rappor tan t le fait, les conven t ions conc lues avec l'Angle­t e r r e n 'avaient , point r eçu leur exécut ion et se t rouva ien t frappées de prescription.

D'où résul te une d u r é e de 49 années jugée très suffi­san te pour opére r la p rescr ip t ion . Et nous au t r e s , en 1862, nous invoquions déjà 53 a n n é e s de possess ion con t inue .

A u s s i n ' avons-nous p a s vu r epousse r les a r g u m e n t s d e M. Plésance .

Il est, pe rmis de croi re s ans vanité q u e cet te d i scus ­s i o n magis t ra le de l ' homme d'Etat haïtien lit impress ion à M a d r i d , quand on sait, que M de Collantès r é p o n d a n t à M. B. Ardouin , n o t r e plénipotent ia i re , lui d i t : " S i j e « r e c o n n a i s q u e le Gouve rnemen t d e S. M. , ma souve -« r a i n e , n'a pas r a i s o n d e r é c l a m e r les bourgs et le ter-« ritoire qu i sont, en la possess ion de la Répub l ique u d ' H a ï t i , n o u s y r e n o n c e r o n s . »

E n t r o n s m a i n t e n a n t au fond , p o u r cons idé re r d ' abord c o m m e n t s e son t é te ints les d r o i t s d e l 'Espagne relati­vement aux limites d e 1777, mettant en fait q u e l 'ancien­ne mét ropole , en 1855, les avait déjà longtemps p e r d u s ; —

4

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50 CHAPITRE III

qu'el le ne pouvait d o n c pas les c éde r à la R é p u b l i q u e d o m i n i c a i n e ; — qu 'en effet, elle ne lui a pas cédé de tels d r o i t s ; — et q u e j u squ ' en 1862, elle n 'avai t pas m ô m e laissé percer , au regard de la Répub l ique d 'Haï t i , la m o i n d r e in tent ion de main ten i r ou réserver des pré ten­t ions à ce sujet.

Nous r e c h e r c h e r o n s ensu i te quel a été le vér i table c a ­rac tè re de la réc lamat ion de 1802.

Et d a n s un au t re chapi t re , examinan t l 'origine de la Répub l ique domin ica ine , n o u s ferons voir ce qui est le maximum de dro i t s que peut avoir cet te Répub l ique quan t à ses frontières et ce que peut valoir, d a n s ces c i r cons tances , une prétention qui n 'es t fondée ni sur l'oc­cupat ion ou la conquê te , ni sur le vœu des popula t ions .

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CHAPITRE IV.

ANCIENS DROITS DE L'ESPAGNE.

SOMMAIRE : Extinction de droits anciens — Droit moderne. — Principe de la souveraineté îles peuples — Ancienne dispute des limites— Traité d'Aranjuez—Consécration du principe uti possidetis — Plaintes des Français touchant le traité dts limites-Conquêtes de Toussaint Louverture.— Traité de Bale.— Conséquence juridique du traité de Bate.— Extinction du traité de 1777.— Délimitation dé 1797, de 1801 et de 1843.- Conquêtes des haïtiens Retour de Santo-Domingo à l'Espagne.— Opinion de Vattel.

Silence de l'Espagne de 1808 à 1862. — Recommandation, au contraire, de respecter les limites.—Relations de bon voisinage.— Explications deman­dées en 1820 et 1821 par les Gouverneurs Espagnols.:— Il n'est pas ques­tion des anciennes limites.— Réunion de 1822.— Réclamation par Don Felipe de Castro eu 1830.- Refus du Président Boyer, approuvé par les habitants de l'Est.— Le " Congreso " en 1842 1843.— Démarches domini­caines et relus persistant de l'Espagne de s'occuper des affaires de Sauto-Domingo.— Reconnaissance de l'Indépendance dominicaine par l'Espagne.— Appréciation du Général De la Gandara.— Reconnaissance implicite de la possession haitienne. Annexion de 1861.-- Mouvement de Sanchez et expédition Rubalcava.— Dangers auxquels échappe le pays Conclusion.

Réclamation de 1862.— Sa véritahle cause.— M. de Collantès. Le Général De la Gandara. Intérêt stratégique. Les craintes de l'autorité espagnole à l'endroit de la politique d'Haïti. Abandon de la réclamation.

« L'histoire qui n o u s d é m o n t r e la puissance des faits et n o u s fait, vo i r ce qu 'on pourra i t appe le r le droit vivant-, a dé t ru i t d ' anc iens d r o i t s et en a fondé de n o u v e a u x .

« Lorsque des d r o i t s sont , devenus insou tenab les , ils tombent , et lorsque les d r o i t s nouveaux ont établi leur autori té et l e u r pu i s sance , on né peut p l u s les i g n o r e r . »

Cette r e m a r q u e dé Bluntschli s u r la formation et la r e c o n n a i s s a n c e dès E t a t s , — a r t . 38 de s o n c o d e . — peut s 'appl iquer au traité de 1777 et aux é v é n e m e n t s qui l 'ont suivi.

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52 CHAPITRE IV

Les idées sons l ' empire d e s q u e l l e s il a été c o n c l u , ainsi que l'étal matériel du p a y s , ont complètement changé .

Sous l ' e m p i r e d u dro i t a n c i e n , c 'es t -à-di re dé celui q u i était a d m i s p a r les m o n a r c h i e s de droi t divin, le terr i toire était cons idéré c o m m e le pa t r imoine du pr ince . Il pouvai t ê t re cédé c o m m e cela se fait pour l o u t e s so r t e s de b i ens d a n s la vie civile.

Dans le droi t moderne, où prévaut le p r i n c i p e de la souvera ine té d e s p e u p l e s , la règle est que le transfert d u terr i toire n e p e u t avoir l ieu qu 'en conformité des v i e u x e x p r è s o u tacites des habi tan ts de ce terri toire-là.

Le Changement n 'es t pas m o i n d r e d a n s l'état d e s l ieux.— Pour le voir, il n'y a qu'à r e p r e n d r e les c i r c o n s ­t ances de la d i s p u t e d e s limites dans l ' a n c i e n r é g i m e , a v a n t d ' a r r i v e r a u x t e m p s a c t u e l s .

On ne saura i t r e m o n t e r t r o p h a u t . En 1676, les f r a n ç a i s a v a i e n t poussé leurs é t a b l i s -

s e m e n t s , « le long de la mer, depuis le Port-de-Paix, jusqu ' à la rivière du l lebouc ( G u a y u b i n ) » , e t p o s s é d a i e n t avec l'île d e la T o r t u e la péninsule (le S a m a n a .

En 1680, Don Franc i sque de Ségura , Prés iden t de la partie espagnole notifie à M. d e Ponancèy la pa ix qui venai t d 'être conclue ( N i m è g u e ) et lui p r o p o s e , de fixer les l imites. Ou dressa , dit Moreau de S t . Méry, u n a c t e qui assigne la rivière d u R e b o u c pour ligne de démarca t ion .

Cependant , qua t re a n s a p r è s , le Prés ident espagnol se p l a i g n a i t d e c e que les Français empiéta ient sur les f r o n t i è r e s . C'était ap rè s le traité d e Ra t i sbonne .— Les. A d m i n i s t r a t e u r s français p roposèren t d e r e c o n n a î t r e de nouveau que les l i m i t e s p a r t a i e n t du R e b o u c d 'un côté et s e te rminaient au Cap d e la Béate de l 'autre.

Le Président Don André d e Roblès r e f u s a . Il pré­tendi t m ê m e — 1688 — q u e B a y a h a (Fort-Liberté) était une possess ion espagnole et s e plaignit d e la p résence d e s f r a n ç a i s à S a m a n a .

1689, La guerre déc la rée e n t r e la France et l'Espar

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A N C I E N S D R O I T S D E L ' E S P A G N E 53

gne , les F rança i s vont p lanter leur pavil lon su r la rive oues t du Rebouc et y p lacent des vigies.

1690. Prise de St. Vague p a r les F rança i s qui n e trou­vent la p remiè re vigie e s p a g n o l e que sur une hatte du Gouve rneu r de S t . Vague à l'Est du Rebouc .

Le traile de Riswick, ( 2 0 S e p t e m b r e 1697 ), r e c o n ­nait , avec toutes les a n c i e n n e s conquê te s de la F rance , sa possess ion de l'a part ie occ identa le de St.-Domingue ; m a i s la d i spu te des l imites con t inue .

Le Prés iden t , Don Sever ino de Manzameda , fait, le G février 1699, s o m m a t i o n à M. Ducasse ; Gouverneur de la partie française, de f a i r e ret irer s e s vigies ou ga rdes avancées jusqu 'à Caracol . M. Ducasse lui envoie M. Duquesno t , (pai a r rê te que j u s q u ' à la décision des deux C o u r s , l e s v ig i e s se ron t de part et d ' au t re recu lées à q u a t r e l ieues des r ives du Rebouc .

1700. Le P rés iden t nie la convent ion faite avec AI. D u q u e s n o t , — sout ien t que les França i s n 'ont j a m a i s eu de vigie au de là de la r ivière de Jacquezy et rappel le qu 'en 1681 Don André de Roblès a refusé de cons idé re r Guayabin ou le Rebouc c o m m e la l imite.

Discuss ion et répl ique de M. de Gàlifét, qui offre le témoignage de tous ceux qui ont été en vigie au Rebouc pendant la paix p récéden te et délie le P rés iden t de prouver qu ' a lo r s se trouvait aucun Espagnol établi à l 'Ouest de cet te r ivière .

« IL parait cet te année ; ajoute l 'h is tor ien, une ca r te gravéé de l'île de S t . D o m i n g u e , f a i t e p a r N . de Fer géographe du roi d 'Espagne , où les l imites c o m m e n -c e n t à Porte P l a t e su r la côte d u N o r d , t r aversen t l'ile et v i e n n e n t s e t e rmine r à l ' embouchure du Neybe . »

7 Octobre 1701. N o u v e l l e sommat ion du Prés iden t de faire reculer les Frainçais jusqu 'à C a r a c o l ou au moins Jacquezy, avec des p ro t e s t a t ions .—2 Novembre . R é ­p o n s e de M. d e Galifet qui , appuyé de la déc lara t ion m ê m e que lui d o n n e M- Duquesnot , s o m m e à son tour le P rés iden t de tenir la convent ion faite par l ' en t re ­mise de ce procureur -généra l .

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5 4 ÇHAPITTRE IV

La quere l le est apaisée par l ' avènement de Phi l ippe V — 1 7 0 5 — au t rône d 'Espagne .

Mais les envah i s semen t s et v io lences r éc ip roques re ­c o m m e n c e n t b ientôt . Car, d è s les p remie r s t emps et con t inue l l ement p a r la su i te , on dévas te , brû le et pille de par t et d ' au t r e .

1714 . Nouvelle s o m m a t i o n encore du Prés ident et de l ' audience royale de S t 0 . -Domingo.— Refus de M. d e Blénac, Gouverneur -généra l , qui fait faire une en­quê te où vingt qua t r e t émoins a s s e r m e n t é s a t tes ten t q u e les Français possèden t depu i s (il) ans tout le ter­rain à l 'Ouest du Rebouc .

1719 . Déclaration de guerre en t re la F r ance et l 'Espa­gne . Neutra l i té à Sa in t -Domingue proposée et accep tée . Les Espagnols ne passe ron t pas le Rebouc , les F rança i s n ' i ront pas au-delà de Capotille.

1727 . Les Espagnols viennent me t t r e un Corps de garde j u s q u e sur la rivé Est de la r ivière ds Dajabon ou Mas­sac re .

1728 . I n c u r s i o n et ravages des m ê m e s au Trou de Jean de Nan tes , d é p e n d a n c e de O u a n a m i n t h e . Désaveu de la pa r t du Commandan t Juan Gerardino de G u s m a n .

La F rance renouvel le la proposi t ion faite depu i s 1714 , de n o m m e r des c o m m i s s a i r e s pour les l imites .

Les pourpa r l e r s c o m m e n c e n t . Et en 1 7 3 1 , le Gouverneur général sur une plainte

du P rés iden t q u e des Français s ' é tab l i ssent d a n s le Fond-de Capotil le, répond q u e ce c 'est beaucoup sacrifier à la paix q u e de s 'ar rê ter d a n s l 'ouest du Massacre quand on a le droit, d 'aller j u squ ' au b o r d du Rebouc .»

Enfin les deux Gouverneur s du Cap et de S l-Yague con­v iennen t que la r ivière d u Massacre servira i t de l imite proviso i re .

Mais 1733 1735, quere l les pour la propr ié té de l'Ilet du Massacre .

1 7 7 3 . Don José de Solano m e n a c e de ne p lus p e r m e t t r e aux Français l ' in t roduct ion des best iaux que leur fournit la par t ie espagnole , si l 'on ne t e rmine p a s l'affaire d e s l imi tes .

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ANCIENS DROITS DE L'ESPAGNE 55

Il force ainsi M. de Vallière à sousc r i r e , le 25 Août au Port-au-Prince où ce Prés iden t s 'étai t rendu , une conven­tion qui, en adop tan t t o u t e s les pré ten t ions des E s p a ­gnols , fait c o m m e n c e r la limite à la r ivière du Massacre et la t e rmine au sud à la rivière des Péderna les .

Enfin 1770, 29 Février. —Convent ion s ignée à l 'Atalaye en t re MM. d 'Ennery et Solano, qui n o m m e n t pour le tra­cé des l imites et pour faire poser les py ramides des t i ­nées à les dés igner M. le viconte de Choiseul et Don Joa­ch im Garcia. — Ceux-ci t e rminen t leurs opéra t ions le 28 Août.

1777 , 3 Juin. — Trai té d 'Aranjuéz r endan t définitive la convent ion de 1 7 7 0 . — Luti possidetis es t c o n s a c r é .

L'auteur de la descr ipt ion de l'île de Saint-Domingue, partie espagnole , dit là-dessus «qu 'on ne peut s ' e m p ê c h e r « à l ' inspection de la car te où la ligne de par tage se t r o u v e « m a r q u é e , de faire cet te observa t ion qu'il est bien é t r an -« ge que l 'é tendue de la part ie française et celle de la « par t ie espagnole aient suivi p réc i sément l 'ordre inverse « de la pu i s sance de c h a q u e nation d a n s l'île.

« En effet, lorsque les Espagnols avaient enco re une « assez g rande populat ion, de vastes é t ab l i s semen t s et « des res tes r e m a r q u a b l e s d e l 'ancienne s p l e n d e u r de « l'île espagnole , u n e poignée d e Français s 'é ta ient éta­ce blis j u s q u e sur les b o r d s du Rebouc au Nord, et j u s q u e « su r ceux de Neybe au Sud, s ans c o m p t e r la possess ion « de Samaria, et quand la colonie française a acquis une « force c o n s i d é r a b l e , lorsque s o n état rend encore p lus « f rappante la décadence d e la c o l o n i e espagnole , s e s li­« mi tes son t e tc . . . . Je me conten tera i de d i re ici que « les p la in tes les plus a m è r e s se son t é levées con t r e le « trai té , dont on va m ê m e j u s q u ' à a s su re r que l 'exécution « phys ique sur le t e r r a i n n 'est p a s en t i è r emen t conforme « à la ligne qui la r ep résen te su r le papier . C'est m ê m e « u n e opinion a s s e z généra lemen t r épandue q u e le dés i r « de t e rmine r des quere l les qu i dura ien t depu i s p r è s de « cen t c inquan te a n s , a e m p ê c h é qu 'on ne pesâ t assez « tous les sacrifices faits aux Espagnols , ou qu 'on ne fît « un examen préa lable de la totalité des lieux contestés-

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56 CHAPITRE IV

« L'on cite n o t a m m e n t le fait d 'un cou r s d 'eau fausse-« m e n t pris pour le b r a s gauche de la r ivière du Massa-« c re , c o m m e u n e p reuve de précipi tat ion ou de condes ­« c e n d a n c e éga lement r ep rehens ib l e . »

Il dit a i l leurs que le t ra i t éa d o n n é à la partie française d e s b o r n e s p lus é t roi tes q u e celles r e c o n n u e s jusqu 'a ­lors . . . et qu'il n 'est pas fondé sur les p r inc ipes d 'une jus t ice r igoureuse .

Ainsi par la ient les França i s sous le régime m ô m e du trai té qu ' i l s venaient de s igner et bien avant la repr ise des host i l i tés qui le firent déch i r e r par l 'une et l 'autre Par t i e s .

Et l'on voudrai t q u s n o u s , les Haï t iens , nous n o u s con­s idé r ions liés p a r c e pac te auquel n o u s avons été et s o m ­m e s res tés é t r angers à. tous éga rds , et qui a été, en dé­finitive dé t ru i t et r emplacé par ceux-là m é m o s qui l'a­vaient con t rac té !

Cont inuons .

Les gue r r e s de la Révolut ion française avaient com­m e n c é . On se battait-en Europe c o m m e à Sa in t -Domingue .

La ligne des frontières en t r e la par t ie française et la par t ie espagnole est b ientô t franchie et déplacée. Les Es­pagnols d a n s le Nord, les Anglais d a n s le Sud avaient envahi la colonie française et s 'é ta ient e m p a r é s de diffé­r en te s villes et quar t i e r s .

Souda in , Toussa in t -Louver ture devenu général français, se r e tou rne con t re les Espagnols qu'il cu lbu te , et leur enlève Saint -Raphaël , Saint-Michel , Hinche , qu'i l r éuni t à la colonie française. — 1794.

Le trai té de Bale est s igné l 'année su ivante , et les con­quê t e s de Toussa in t -Louver ture se t rouven t conf i rmées en m ê m e t e m p s q u e toute l ' anc ienne colonie espagnole e s t c é d é e à la F rance , au n o m de laquelle Toussa in t -Lou­ve r tu re p r end possess ion en 1801.

Quelles pouva ien t ê t re dès lors les c o n s é q u e n c e s ju r i ­d i q u e s de pare i l s é v è n e m e n t s re la t ivement au traité d e s l imi tes ?

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ANCIENS DROITS DE L'ESPAGNE 57

Voyons, d 'abord c o m m e n t en général , les t rai tés p ren­nen t fin.

« Fin des t ra i tés . Les traités pub l ics cessen t d 'ê t re obli­gatoires 1° . . . ; 2° . . . ; 6° lorsque l 'exécution d 'un trai té devient p h y s i q u e m e n t ou m o r a l e m e n t i m p o s s i b l e ; 7° lors du c h a n g e m e n t essent ie l de telle ou telle c i rcons ­tance don t l 'existence était supposée nécessa i re par lés deux par t ies . » Note de P rad ie r Fodé ré su r Vattel, Liv. Il § 202.

« Les trai tés s 'é te ignent na tu r e l l umen t 1° . . . ; 2° . . . ; 5° par l ' anéan t i s sement comple t , fortuit et non p r éméd i t é de la chose qui forme l 'objet de la convent ion . Calvo § 1662. Les obl igat ions d e s t ra i tés , m ê m e de ceux qui son t pe rpé tue l s expi ren t toujours lo r squ 'une d e s par t ies con­t r ac tan tes cesse d 'ê t re i ndépendan te , ou ép rouve d a n s son état une modil icat ion imcompa t ib l e avec la let tre et l 'espri t de ces t ra i tés . Id § 31(38.

« Pour qu ' i ls fussent abrogés déf ini t ivement , ... il fau­dra i t enco re que leur con tenu fût incompat ib le avec les s t ipu la t ions du traité de paix, c o m m e ce qui a lieu, pa r exemple , en ce qui conce rne d ' anc iens t ra i tés relatifs à la dél imitat ion des frontières en t re deux Eta ts . Ces t ra i ­tés res ten t en vigueur, si la paix n ' en t r a îne pas une c e s ­sion du terr i to i re et p a r l a n t une modil icat ion de la fron­t i è r e ; mais ils cessen t de fait si la frontière ne res te p lu s la m ê m e . » Id § 3.152.—

D'où l'on peut déjà conc lu re à l 'extinction du trai té d e

1777 par la confusion des deux terr i to i res qu'il avait pour objet de sépare r . —

Des l imites in te rna t ionales sont , nul dou te , d é s o r m a i s s a n s objet en t re d e s terr i toires qu i , appa r t enan t à deux Eta ts différents, v i e n n e n t à ê t re r éun i s sous la domina­tion d 'un seul de ces Etats . Il y a c h a n g e m e n t e s s e n ­tiel de la c i r cons t ance don t l 'exis tence avait d o n n é lieu au pac te .

Le traité d 'Aranjuez était si bien effacé par celui de Bàle, qu ' on ne tient p lu s c o m p t e d é s o r m a i s de l 'ancien t r acé des front ières . P a s p lus en 1797 q u e lo r sque fut

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58 C H A P I T R E TV

r e n d u e la loi du 24 m e s s i d o r an IX ( 13 juillet 1801. )— Celte loi s u r la division du terri toire d e la c o l o n i e fran­çaise , comprend toute l'île, dont e l l e d é l i m i t e les diffé­ren tes c i r c o n s c r i p t i o n s .

Les limites alors fixées d e s six Dépar tements ont été m a i n t e n u e s d a n s la s u i t e , par t o u s les Gouve rnemen t s , pa r t o u t e s les Const i tu t ions publ iées d a n s le p a y s , r a p ­pelle M. B. Ardouin .

C o m m e n t e l l e s furenl dé t e rminées p o u r la part ie oc­c i d e n t a l e d e la colonie , on peut le voir c o m m e suit. :

« Département de l'Ouest, La limite de ce d é p a r t e m e n t est à l 'Ouest c e l l e qu i lui est c o m m u n e avec le dépa r ­t ement d u S u d ; e l l e sui t au S u d la cote d e p u i s l 'em­b o u c h u r e de la Grande-Rivière d e s Cô te s -de -Fe r j u squ ' à la rivière de Neybe, q u ' e l l e r emon te ju squ ' à la r e n c o n ­t re d ' u n e pet i te r i v i è r e à l 'Oues t de San J u a n de la Ma-guana , e l le s u i t cet te petite rivière jusqu 'aux montagnes d ' o ù elle p a r c o u r t une ligne s u d et n o r d jusqu 'à la rivière de l 'Arbônite p r è s d e Banica; e l l e d e s c e n d c e l l e rivière j u s q u ' à s o n e m b o u c h u r e , e t c

« Département de Louverture. La limite de ce dépar­t e m e n t par t de l ' embouchure d e l 'Artibonite, r emonte ju squ ' à Banica, d ' o ù e l l e s e rend le p l u s d i r ec t emen t possible au p o i n t d e jonct ion de la Capotilla, avec le Massac re ; d e ce point elle s 'élève su r les c rê t e s de la Mine et de Vallière, e tc .

« Département du Nord. La limite de ce d é p a r t e m e n t sui t c e l l e du d é p a r t e m e n t d e Louver ture d e p u i s l ' e m ­b o u c h u r e de la petite rivière d e s Côtes-de-Fer j u s q u ' à Banica, d ' o ù elle se dirige au n o r d , n o r d - o u e s t , pour aller che rche r l e s s o u r c e s du Rebouc, en suit, le ( a n u s et va se t e r m i n e r , p a r u n e l igne à peu p r è s s u d et n o r d à la mer , à environ 12 l i e u e s à l'est de Monte-Christ, et de ce point pa rcour t la côte de l 'est à l 'ouest j u squ ' au point d 'où elle est par t ie . "

R e m a r q u e z q u e les hab i t an t s d e l'Est ne peuvent p a s ê t re légalement t e n u s p o u r avoir été é t rangers à l 'élabo­rat ion de la législation de cet te é p o q u e , i l s avaient leurs

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ANCIENS DROITS DE L'ESPAGNE 59

r ep ré sen t an t s d a n s L'Assemblée centra le de 1801 .—C'é ­ta ient , dit G. Garcia, d a n s s o n Histoire d e S a n t o - D o m i n ­g o , Dan J u a n Mancebo et Don Franc i se Mor i l lo , pour le D é p a r t e m e n t de l 'Ozama, Don C a r l o s d e Ro ja s e t Don Andres M u ñ o z pour le dépar tement du Gibao. Un aut re c a s de la part icipat ion de l 'Est d a n s une nouvelle dé l i ­mita t ion e s t celui du décre t du 11 Juillet 1843 où encore Dajabon et Monte-Christ é ta ient ra t tachés au dépar te ­m e n t du Nord ; Saint-Michel , Saint-Raphaël , Hinche et Banica, au d é p a r t e m e n t de l ' A r t i b o n i t e ; et Neiba, Las Matas et Las Caobas , au dépa r t emen t de l 'Ouest.

Mais ce n'est pas tout que cette sanct ion du droit don­née au nouvel état de choses par le traité de Bâ le .—

Vers 1804, la c o l o n i e ci-devant espagnole é tant aux: m a i n s de la France e x a c t e m e n t au m ê m e Litre que l'au­t re par t ie du pays, l 'on c o n ç o i t que le t iers qui a u r a , — à ce momen t - l à , par jus te guer re , acqu i s une portion ou u n e autre de ce terr i toire , —se sera très valablement ap­propr ié la chose .

N 'es t -ce pas p réc i sémen t à ce moment- là que les Haï­t i e n s ont fait leur conquê te? Toutes les part ies de l'Ile qui v o u l u r e n t et p u r e n t s e s o u s t r a i r e à la d o m i n a t i o n f rança ise , formèrent le n o u v e l Etat.

De ce n o m b r e fut m ê m e le d é p a r t e m e n t du Cibao, qui ne r e tomba aux mains des França i s qu ' ap rè s que les popula t ions avaient eu formel lement adhé ré à l ' indépen­dance ha ï t ienne .

Peu i m p o r t e que Santo-Domingo, où s 'étaient mainte­n u s les F rança i s , se soit rep lacé en 1809 sous la domi­nat ion espagnole , et que la F rance ratifiant le l'ait en 1814 , ait ré t rocédé la Colonie à l 'Espagne. La perte était déjà c o n s o m m é e p o u r la port ion de terr i toire enlevée pa r les Ha ï t i ens : et l 'Espagne n'a pu r ep rend re , en l'ait c o m m e en droit , que ce qui n 'avait pas déjà effective­men t passé à d 'au t res m a i n s Le ré t rocédan t ne pouvai t p a s livrer plus qu'il ne possédai t . E t l 'Espagne qui , de­puis cinq ans , avait la possess ion de l'ait, savait pa r fa i ­t emen t , en 1814 , d a n s quel état la chose lui était ré t ro­c é d é e .

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60 CHAPITRE IV

Dans le sys tème de nos adversa i res , l'Etat d 'Haït i , en vertu d 'un traité, auquel il n 'étai t pas part ie , devait t ou t b o n n e m e n t en 1814, res t i tuer St-Michel et St . -Raphaël , où l ' E s p a g n e , à son aise , viendrai t rétablir l 'esclavage. Haïti n 'avait donc pas conqu i s sa liberté envers et con­tre tous ?—

Eh b ien! su r les c o n s é q u e n c e s que devait avoir à Saint-Domingue le traité de Bâle joint à la conquê te ha ï t ienne , que peut-on nous d e m a n d e r encore de p lus précis et d e p lus exact que ce qui s u i t ?

« Aussitôt qu'un Souverain par le traité définitif de paix « a cédé un pays au conquérant, il a abandonné tout le « droit qu'il y avait, et il serait absurde qu'il pût redeman-« der ce pays à un nouveau conquérant qui l'arrache au « premier, ou à tout au t re pr ince qui l 'aura acquis à prix « d ' a rgent par échange et à quelque titre que ce soit. » Vattel. Liv. III § 198. Ibid. § 212. — Rappr . Calvo § 2456; Bluntschl i art . 733.—

Y a-t-il rien de p lus explicite et de plus ca tégor ique ?

En 1800 c o m m e en 1814, faisons-nous ; observer , l 'Es­pagne n ' ignorai t pas que l e s l imites n 'é ta ient p l u s cel les d e 1777.

Et q u e n o u s dit-el le ? « L 'Espagne qui t rouve le terr i toire de son anc i enne

colonie a m o i n d r i e , n o u s adresse-t-el le des r éc lamat ions , fait-elle des réserves ? A u c u n e m e n t , » répond M. Léger.—

« Le trai té de 1814 venan t à c o n s a c r e r l 'occupat ion de Juan San chez , l 'Espagne et ses Gouverneurs n e con­tes tè ren t p a s d a v a n t a g e la p o s s e s s i o n haï t ienne » écri t M. P l é s a n c e .

Au cont ra i ra . elle y a d h è r e ; — e l l e accepte le fait a c ­compl i . La ra ison lui dictait sa condu i t e . -

En 1808, a lors q u e p o u r se résais i r de San to -Domin -go, le Gouverneur de Por to -Rico envoya André X i m e n é s

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ANCIENS DROITS DE L'ESPAGNE 61

coopére r avec J u a n Sancliez Ramirez, les ins t ruc t ions d o n n é e s à cet agent con tena ien t ces mots : « On conser ­vera avec eux ( Pétion et Chr i s tophe ) la bonne h a r m o ­nie en respec tan t les l imites des deux pays . » V. Guil-lermin.—

Aussi , clans sa proclamat ion du 5 février 1811, Juan Sancliez mouran t , r ecommanda i t - i l la soumiss ion à la mét ropole et la pa ix avec les voisins d 'Occident . Ce q u i fut Observé. Y. Garcia Ha, de Santo-Domingo.—

Eux tous éga lement in té ressés à l 'expulsion des Fran-ç a i s , Juan Sanchez, d a n s le Nord, s 'était allié à Chr i s ­tophe qui lui fournit, des a r m e s , de m ê m e que Cyriaco Ramirez en reçut de Pétion avec qui il était en t rès bon­nes re la t ions .

Le 10 Décembre 1820, le Gouverneur Kindelan écri t au Prés iden t Boyer p o u r lui d e m a n d e r des expl ica t ions su r la p résence du c h e f d ' escadron Désir Dalmassy à Las Matas, San J u a n et A z u a . « Il était informé, disai t- i l , par d iverses voies et les c o m m a n d a n t s des frontières, n o t a m m e n t celui de Las Matas, d e s proposi t ions séd i ­t i e u s e s qui leur a v a i e n t été fa i tes par Désir Dalmassy et qui aura ien t motivé s o n arres ta t ion immédia te , s'il ne leur avait pas p r e s c r i t an t é r i eu remen t d 'use r de tous les moyens p o u r main ten i r la b o n n e intell igence avec la Républ ique , ainsi que cela existait depuis 1800 ... » Le Gouverneur s a i s i s s a i t cet te occasion pour aviser le P rés iden t Boyer que « les généraux , o rganes de l ' a rmée et du peuple du N o r d - O u e s t d'Haïti » avaient agi en con­s é q u e n c e de la b o n n e ha rmonie exis tante e n t r e les deux terr i to i res , en lui d o n n a n t c o n n a i s s a n c e de la mor t de Chr is tophe; et en l 'assurant que rien ne s e r a i t changé d a n s les re la t ions an t é r i eu re s de commence et de bon vois inage.

Saint-Raphaël et Sa in t -Miche l , p o u r le m o i n s , é ta ient b i e n longtemps dé jà dans le terr i toire r e c o n n u du d é ­p a r t e m e n t , du N o r d d 'Hait i .

Quand en Novembre 1821, le Gouverneur Pascual Real envoya s o n neveu et a ide -de -camp p r è s d u Prés iden t Boyer « réc lamer au n o m du roi le respec t du aux t ra i ­tés en vigueur et a u x presc r ip t ions géné ra l emen t admi-

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62 CHAPITRE IV

ses du droi t in terna t ional , » il ne fut nu l lement ques t ion d e s l imites de 1777. La cause de la d é m a r c h e était le mouvemen t qui avait eu lieu à Monte-Chris t , en ce m o ­ment - l à en train c o m m e D a j a b o n d ' abord et le res te du p a y s ensui te , de s e réuni r à la Républ ique d 'Ha ï t i .

Même si lence, m ê m e inaction de l 'Espagne, lorsq 'eût lieu c e l l e a n n e x i o n de 1822.

« Espana se ocupo mui poco en los intereses de la colonia y tenieudola casi abandonada, en el ano 1821, el dia 1° de Déciembre, el Doctor Jose Nunez de Cacères la procla-moindepêndiente. El Pad re Merinô. Eléments de géogra­phie phys ique , poli t ique el h is tor ique de la Républ ique domin ica ine .

Cependant , en 1830, huit a n s ap rès , l 'Espagne r o m p t le s i l e n c e . Elle e s s a i e d e s e faire r e n d r e la c o l o n i e . Mais comment ? D a n s l'état où se trouvait celle-ci en 1822.

Elle envoie un plénipotent ia i re , Don Felipe Fernandez de C a s t r o , intendant de C u b a , réc lamer du Gouverne-inen i haïtien la resti tution du « terr i toire cédé en 1802, « dit-il, r econquis p a r les a rmes du roi, en guer re solen-« nelle, conquê te sanc t ionnée par le trai té de P a r i s de « 1 8 1 4 , - t e r r i t o i r e en p o s s e s s i o n paisible duquel le Roi « d 'Espagne a été j u s q u ' a u x t r o u b l e s de 1822.—

e C'est a in s i q u e S. M. C., continue-t-il, n'a j a m a i s été « inquié tée , ni aucune réclamation ne lui a été faite, « tant à l'époque, qu 'el le la possédai t , seulement par « conquê te , d e p u i s 1809 jusqu ' en 1814, que d e p u i s cette « m ê m e a n n é e jusqu ' en 1821, intervalle de p l u s de 12 « années en b o n n e paix el h a r m o n i e , et en o b s e r v a n t « s t r i c t ement et mu tue l l emen t les règles du m e i l l e u r « voisinage p a r le G o u v e r n e m e n t d e S. M. el p a r les dif-« férents g o u v e r n e m e n t s d e cette même Républ ique qui « en ce j o u r , l'a, d i t -on , déclarée p a r t i e de s o n terr i ­toire. » 1e note du plénipotent ia i re espagnol 19 j a n v i e r 1830.

il n'y est p a s quest ion d e s l i m i t e s d e 1777; Il ne s ' a -git que du territoire dont le Roi d'Espagne a été en paisi­ble possession jusqu'en 1822.

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ANCIENS DROITS DE L'ESPAGNE 63

« Quand on ne d e m a n d e , dit encore la s econde note « de M. de Cas t ro ,—que celui ( le terri toire ) du domai-« ne et de la se igneurie de S. M. G. auquel ladite Répu-« bl ique n'a aucun droi t légi t ime; . . . tandis qu'il ne s'a-« git que de res t i tuer à la domina t ion paternel le de « S. M. C. ceux de ses vassaux qui n'en ont été séparés-« que t empora i r emen t et p o u r des causes t rès ex t raord i -« na i res . »

Même r a m e n é e à ces t e rmes , la réc lamat ion ne lient p a s : sur le refus du Gouve rnemen t haï t ien, de r ien cé­der du terri toire qu 'occupai t la Républ ique ( I ) , ni de consen t i r aucune indemni té , — le plénipotent iaire se re­t i re et l 'Espagne n ' insis te p a s . ( I I ) D o n F. de Castro avait, au dern ie r moment , d e m a n d é au moins qu 'on ac ­ceptâ t de payer une indemni té c o m m e on l'avait fait enve r s la F rance .

Les popula t ions de t'Est par tagèrent complè t emen t la man iè re de voir du Gouvernemen t , sous le régime d u ­quel les avait p lacées leur p ropre volonté . — Voir à cet égard, à l ' appendice l'écrit de M. T o m a s Bobadil la , un des h o m m e s les plus cons idé rab le s de San to -Domingo , et le m ê m e qui fut plus lard Prés iden t de la Junta cen­tral gobernativa p o u r la sépara t ion de 1844.

En 1812-1813, on voit encore le Gouve rnemen t espa­gnol expédier un navire de guer re « Le Congreso » d a n s les eaux de Por t -au-Pr ince , à l 'occasion de deux bâ t i ­m e n t s de c o m m e r c e espagnols qui , se r e n d a n t à Cuba, avaient été cap tu ré s sur la côte nord de l'Ile par la co r -

1 Dans leur 2e note à M. de Castro, les Commissaires haïtiens. — B. Inginac, Lespinasse et Frémont, -d i sa ient avec, autant de force que de justesse : « On ne peut refuser à ceux que la violence a privés de la liberté, le droit de la reconquérir lorsqu'ils en ont le pouvoir, c'est ce que les Haitiens ont fait et ont dû faire, en brisait le joug qui leur était imposé. Mais il ne leur suffisait pas de s'être ressaisis de leurs droits, il leur fal­lait encore une patrie dans laquelle ils pussent vivre en sécurité, en con­solidant leur existence nationale.— »

II P. ?. Como recibio Fernando VII la negativa de Boyer. à entregar la parte espanola de Santo-Dominigo?

B. Con tanta indiferencia, que no fueron bastante los esfuersos de los d o -minicanos résidentes en Espana y las islas do Cuba y Puerto-Rico, para mo-verle à emplear la fuerza en conseguir lo que no pudo alcanzar por la razon. J. G. Garcia;

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64 CHAPITRE IV

vette haï t ienne « La Pacification ». T r o m p é e pa r les ap­pa rences , « La Pacification » avait cru avoir affaire à un pira te e m m e n a n t sa prise. Le Gouve rnemen t espagnol obt in t pleine sat isfact ion.—

C'était bien une occas ion de faire au moins des réser ­ves touchan t des d ro i t s conservés ou maintenus su r une par t ie de notre terr i toire , s 'ils l 'étaient vra iment . On n 'en lit r ien.

« A la renoncia t ion e x p r e s s e équ ivau t l ' abandon effec-« tif du terr i toi re » Bluntschl i 2 e rem, sous l'art. 288.

L 'Espagne avait si bien a b a n d o n n é ses dro i t s et p ré ­tent ions d 'un au t re t emps , qu 'e l le r e p o u s s a cons t am­ment les d é m a r c h e s que firent les Dominicains et qu ' i l s r enouve la ien t s ans cesse , à par t i r de 1843, pour se rat­t acher à elle (1) ou la faire in te rveni r au moins d a n s les affaires d 'Haït i .

Estas querellas intestinas, con que la parte francesa (?) y espanola se obstinaban en interesar à Europea, no logra-ban mas que alguna ironica sonriza o la evasiva del pode-roso importunado, di t d é d a i g n e u s e m e n t le général La Gandara .

N é a n m o i n s , ap rès avoir enco re r e f u s é de consen t i r au protectorat que sollicitait M. Mella, commis sa i r e domi­nicain à Madrid, en 1854 et 1855, l 'Espagne reconna î t « c o m m e nation l ibre, souvera ine et i n d é p e n d a n t e la Répub l ique domin ica ine avec tous les ter r i to i res qui ac­tue l lement la const i tuent et qui , par la sui te , la const i -

I La primeras proposiciones de los dominicanos para anexionatse â Es-pana fueron hechas à D. Jeronimo Valdes, siendo capitan general de la isla de Cuba en 1843.-- Transmitioselas el vice-cousul de Jamaica, quе le habia recibido de labios de un tal Lopez de Villanueva, cuando, a consecuencia de una revolution de Haiti, emigro à Kingston el précidente Boyer con toda su familia ; pero aquella prudente autoridad, en su discreta communicacion al Gobierno de Madrid, le decia: « Yo no veo esle pensamiento con tal halague-nas ventajas como se quiere presentar... no puede prestar interes à muestra Metropoli semejante proposicion » etc-- A n e x i o n y G u e r r a de Sto-DOMINGO par l e General Gandara.

EN 1844. siendo capitan general de Cuba D. Leopoldo O'Donnell tengase es to bien presente se renueran con mas cator las proposiciones de Sto-Do-mingo por conditelo del conde de Mirasol, que ocupaba anàlogo puesto en Puerto-Rico.— Id.

I

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ANCIENS DROITS DE L'ESPAGNE 65

tueron t . » ( 1 ) Article 2 du trai té de 1855. C o m m e exemple de la valeur a t tachée à ce t ra i té en

Espagne , en dépi t de ce que voudra i en t y t rouver les Domin ica ins , voici c o m m e n t en par le le m ê m e Généra l , Don Jose de la Gandara :

« Le traité e tc . n'offre r ien de part icul ier , s t ipulant « s e u l e m e n t des re la t ions bienvei l lantes ( benevolas ) et « r éc ip roques en t re les deux peup les , except ion faite de « l 'art. 7. »— (Cet ar t icle 7 es t relatif au dro i t d 'opt ion p o u r la nat ional i té d e s rés idan ts espagnols à Santo-Do-mingo.

En s o m m e , l 'Espagne d a n s cet ac te , r econna î t s imple­m e n t le fait exis tant de la Répub l ique domin i ca ine , tout c o m m e va le faire, trois ou qua t re a n s plus tard , la R é ­pub l ique d'Haïti à la chu t e d e l 'Empereur Sou louque .

« D'ai l leurs , dit s u r a b o n d a m m e n t le rappor t de M. Plé-sance , l 'Espagne a r e c o n n u aussi l ' i ndépendance et la souvera ine té d e la République d 'Haït i , en acc réd i t an t p r è s du Gouve rnemen t haïtien des agen ts pol i t iques , et ce t te r econna i s sance quo ique implicite, n 'en est pas m o i n s réelle ; elle a été faite s a n s a u c u n e rése rve , s a n s a u c u n e res t r ic t ion, et elle e m p o r t e impl ic i t ement la re­conna i s sance du terri toire haïtien tel qu' i l est au jour ­d 'hui cons t i tué . »

Enfin, en l 'année 1861, l 'annexion à l 'Espagne étant faite, surgi t bientôt un grave démê lé avec la Républ i -

(1) Que si par ces derniers mots et qui par lu suite la constitueront, on voulait, a la rigueur supposer que l e s parties contractantes faisaient al­lusion à des frontières qui étaient encore à conquérir, on sent combien peu cela leur créerait un droit à l'égard des tiers. " Le droit de conquête commence avec la possession et prend lin avec le fait matériel de la dé­tention. Il est impossible d'admettre qu'il suffise d'énoncer une prétention seulement réalisable dans l'avenir pour se créer soi-même un titre propre à fonder un droit de propriété. " Calvo § 2457, 20. alinéa. Bluntschli 286— " Pour qu'une cession de territoire soit valable, il faut a)

b Une prisé de possession effective de la part de l'Etat acquéreur; c Comme minimum la reconnaissance de la cession par les person­

nes qui, habitant le territoire cédé et y jouissant de leurs droits politiques, passent au nouvel Etat; —

5

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66 CHAPITRE IV

que d ' H a ï t i . Un mouvement, qui éclata sur les frontiè­r e s con t re l 'annexion en fut la c a u s e .

V e r s la lin d e Mai 1861, Sanchez parti de Las C a o b a s t raversé la l i g n e , aidé d e s haï t iens en h o m m e s , a r g e n t et m u n i t i o n s . Il s ' empare d e Las Matas et de Neybe . Ma i s il en est bientôt délogé, fait p r i sonnie r et exécuté . Cabrai son compagnon d ' a rmes , p o u r s u i v i et obligé d e r e p a s s e r la frontière.

D a n s les papiers d e Sanchez , s a i s i s a v e c ses bê t e s de charge p a r les Espagnols , s e trouve au s u r p l u s la p reuve d e l'a connivence d'Haïti . Elle avait p réparé et o r g a n i s é l 'action avec Sanchez. Elle avait réuni les h o m m e s , les provis ions et l'attirail d e guer re s u r les terr i to i res m ê ­m e s c o m p r i s d a n s les l imites d e 1777.

Il faut une réparat ion à l 'Espagne qui l'exigera écla­tante et complè te , ga ran t i s san t le p résen t c o m m e l'a­v e n i r . L'expédition Rubalcava est d é c i d é e ; elle je t te l'an­c re d a n s les e a u x d e P o r t - a u - P r i n c e .

Mais d e s p ré t endus d r o i t s a u x l i m i t e s d e 1777 , nulle ment ion . P a s la moindre a l l u s i o n .

L'Amiral Rubalcava, se conformant aux ins t ruc t ions t r è s sévères dont il était por teur , p r é sen t e c o m m e gr iefs : —la protestat ion d u P r é s i d e n t Geffrard cont re l 'annexion dès le début ,— les a r m e m e n t s faits pa r le Gouve rnemen t d 'Haï t i ,— les concen t ra t ions d e t r o u p e s à la frontière,— les s u b s i d e s d o n n é s a u x exilés domin ica ins p o u r a l lu ­m e r la guer re civile d a n s la province d e S to D o m i n g o , — la to lérance envers les j o u r n a u x d'Haïti d a n s leurs atta­q u e s con t re l 'Espagne , et cela ap rès qu 'on avait, eu con­na i s sance de l 'occupation du terr i toire par les t r o u p e s e s p a g n o l e s et a p r è s q u e le consul e s p a g n o l avait a s s u r é le Gouvernement haïtien d e s b o n n e s d i s p o s i t i o n s d e l ' E s p a g n e et d e s o n loyal d e s s e i n d e r e s p e c t e r l ' i n d é ­p e n d a n c e ha ï t ienne d e cont inuer à en t re ten i r d e cor ­d i a l e s relat ions avec nous enfin l'inutilité, d e s r e p r é -s e n t a t i o n s et r éc lamat ions d u consul d 'Espagne , m a l g r é la p r é s e n c e a l t e r n a t i v e d e t r o i s n a v i r e s d e guerre e s p a ­gnols à Por t au-Pr ince , pour faire ces se r l e s d é m o n s ­t ra t ions hos t i les .

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ANCIENS DROITS DE L'ESPAGNE 67

Tracées pa r le Gouverneur -Généra l de Cuba, en da te d u 12 ju in , lés ins t ruc t ions , en r é s u m é , f inissaient com­m e suit :

lo. L'Amiral se rendra à Sto-Domingo afin de s'enqué­rir de l'état des choses, conférer avec les autorités et chefs militaires et prendre les mesures qu'il jugera les plus pro­pres à assurer le meilleur succès de sa mission.

2o. Si l'invasion du territoire s'est effectuée par les trou­pes haitiennes et que les hostilités continuent sur n'importe quel point de ce territoire, l'Amiral se transportera immé­diatement à Port-au-Prince avec les navires qu'il jugera nécessaires et fera bombarder la place jusqu'à la destruction de ses batteries et forteresses, causant tout le mal possible, les avertissements et notifications usités en pareil cas préa­lablement faits en faveur des résidants étrangers.

3o. Pareille action à Jacmel, Cap-Haitien et autres points vulnérables de la côte, toujours en vue de causer le plus de dommage à l'ennemi.—

40. En même temps, l'Amiral prendra les dispositions qu'il faut pour se saisir des bâtiments de guerre et cabo­teurs de toutes sortes portant le pavillon haïtien et les faire conduire à un port espagnol des Antilles.

5o. Si à son arrivée à Sto-Domingo, l'invasion avait été par les troupes de terre, repoussée et châtiée, comme il est à supposer, l'Amiral devra agir tout de même par mer contre les haïtiens. Mais en ce cas, avant d'entamer les hostilités, il s'adressera énergiquement au Président Gef-frard, exigeant de lui, dans un délai péremptoire, la plus complète réparation des qriefs et une solide garantie pour l'avenir, En cas de refus ou de ce qui paraîtrait ne pas remplir les conditions convenables, le pavillon de la rési­dence consulaire sera retiré et après les avertissements dont il est parlé en l'art. 2, on procédera aux hostilités dans la forme indiquée audit art. 2.

lo. Recommandation d'agir, dans le cours des opérations, d'accord avec les autorités et chefs des armées de S. M. à Sto-Domingo et autant que possible avec le D I G N E G E N E ­R A L S A N T A N A .

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68 CHAPITRE IV

L'Amiral rempl i t f idèlement les ins t ruc t ions , c ' es t -à -d i re c o m m e il était p révu au № 5.

A Por t -au-Pr ince se fit un échange de no tes à la sui te desque l les satisfaction fut d o n n é e aux Espagnols , pu i s ­qu 'on ou t re du salut fait au pavillon espagnol (1) et de l ' engagement pr is de garder et survei l ler la frontière p o u r éviter de nouvel les invas ions , les Haï t iens consen­t i rent à payer une indemni t é de 200.000 pias t res fortes, dit l 'historien. Le G o u v e r n e m e n t espagnol app rouva c o m p l è t e m e n t ces négociat ions et se déclara satisfait de leur résul ta t . «Ce fut v ra imen t flatteur pour l 'Espagne et ce souveni r , conclu t le Généra l de qui n o u s e m p r u n t o n s ces détai ls , n o u s ser t à p rouver au jourd 'hui que , s ans avoir besoin de faire l 'annexion, nous a u r i o n s pu pro té ­ger Santo-Domingo cont re Haïti.»—V. l 'ouvrage cité T. 1 e r

p. 210 et suiv.—

Eh b i en ! d a n s ces faits de l 'histoire que nous venons de parcour i r de 1808 à 1801, c 'es t -à-d i re les re la t ions de bon voisinage, et les intel l igences en t r e t enues d 'un côté en t re Cyriaco Ramirez et Pé t ion , d 'un aut re côté en t re Juan Sanchez et C h r i s t o p h e , — l e s ins t ruc t ions du Gou­ve rneur de Por to Rico à André Ximènes , — les t e rmes de la réc lamat ion de l 'Espagne à la Républ ique d'Haïti en 1830,— le texte de l'art. 2 du traité espagnol de 1855 re ­conna i s san t la Répub l ique domin ica ine , — le s i lence g a r d é en 1820,1821,1842-1843, et surtout en 18(31 lors de l 'expé­dition Rubalcava ,— tout ne démontre- i l pas que c e u x qui gouverna ien t pour l 'Espagne d a n s les Antil les et l'Espa­gne e l le -même, adhéra ien t parfaitement à l'état, des fron­t ières telles qu 'e l les ont existé à ces différentes é p o q u e s ?

Notre t i tre de possess ion , d ' a i l l e u r s ina t taquable à tous éga rds , sera i t devenu m ê m e à ce seul de rn ie r p o i n t de vue, comple t par l ' abandon de toutes p ré t en t ions de la par t de l 'Espagne. —

1 Ce n'est pas sans avoir longuement et dignement résisté que le Gou­vernement haïtien donna ces satisfactions. Lé Président Géffrard obtint, au moins, que le salut fût réciproque, et simultané. Il fut fait et répondu coup pour coup.

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ANCIENS DROITS DE L'ESPAGNE 69

« A la renonciation expresse équivaut l'abandon effectif du territoire ». Bluntschl i 2 e r em. sous l'art. 288.

Nous ins i s tons sur le de rn ie r fait que m ê m e en 1861, a lors q u ' u n e pu i s san te e scad re espagnole tenai t la place et le palais de Po r t - au -P r ince s o u s ses c a n o n s p rê t s à ouvrir le feu. il ne vint à la pensée de l 'Espagne que d 'exiger du G o u v e r n e m e n t de Geffrard qu' i l s 'engageât à ga rde r et b ien survei l le r la frontière telle que l le .

Si ce t te Grande Pu i s sance se croyai t v r a imen t un dro i t aux l imites de 1777, est-il poss ib le qu 'e l le eû t oubl ié ou négligé de faire valoir ce droi t , de faire sa r éc l ama t ion ou du moins des rése rves , depu i s son re tour d a n s l 'Ile, et s u r t o u t en cet te occasion si p ropice de 1861, a lors q u e nous é t ions à sa merc i , c o m m e il vient d 'ê t re dit , et q u e la cause de la mission de l 'Amiral Ruba lcava étai t une ex­pédit ion p répa rée et o rgan i sée p r é c i s é m e n t su r les l ieux, objet du p ré tendu litige?

Que d o n c tout -à-coup en 1862, (1 ) elle soit v e n u e ten­ter la réc lamat ion , ce n ' au ra p a s é té ce r tes pa r une sui te de sa foi et convict ion d a n s la légitimité d 'un dro i t con­servé et maintenu.

On voit l ' absence de cet te confiance in t ime , d a n s la r é p o n s e men t ionnée déjà, q u e M. de Collantes fit le 26 Juin 1802, à M. B Ardoin , p lén ipoten t ia i re haï t ien cha rgé de p ré sen te r et de d i scu te r la ques t ion à Madrid. « Si je « r econna i s , dit le Ministre espagnol que le G o u v e r n e -« m e n t de S. M. ma Souvera ine , n 'a p a s ra ison d e récla-« mer les bourgs et le terr i toi re qu i son t en la pos se s -« sion de la Républ ique d 'Haït i , nous y r e n o n c e r o n s . »

La réclamat ion de 1862 fut plutôt un pré texte , — m e s u r e d e c i rcons tance su r laquelle m ê m e les Espagnols en t re eux ont été par tagés . B lâmée d a n s son exécut ion , di t-on,

1 La note du Consul-Général chargé d'affaires de S M. la Reine d'Es­pagne, remise au Secrétaire d'Etat des Relations Extérieures, à Port-au-Prince, est du 18 Mars 1802. —

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70 CHAPITTRE IV

c o m m e n c é e du côté de Dajabon et Capotille, c o m m e in ique à l 'égard d ' anc iens o c c u p a n t s ha ï t iens imp i toyab lemen t expropr i é s e t expu l sé s , et c o m m e p o u r le moins inoppor ­tune d a n s sa général i té , elle n 'a été ap rès tout , q u ' u n e m e s u r e de défense mil i ta i re .

Rien de p lus visible d a n s ce q u e relate le général De La Gandara , de rn ie r Gouverneur , général en chef de l 'ar­m é e espagnole à Santo-Domingo et h is tor ien de ces évé­n e m e n t s ; r ien de p lus visible en dépi t de conc lus ions forcées que l ' au teur tâche de t i rer d ' une a rgumenta t ion in t e r r e s sée p o u r les l imites de 1777. On n o u s pa rdon­n e r a la l ongueur de la ci tat ion. C'est n é c e s s a i r e . -

« Segun se decia en una Real o rden de 14 de Ene ro de 1802, comunicada por el Ministerio de la guerra al Capitan general de Cuba, el resu l tado de l a s l uchas sos ten idas por los ha i t ianos con los d o m i n i c a n o s no hab ia s ido n u n c a bas tan te decisivo en favor de los p r i m e r o s , ( ? ) pa ra q u e es tos llegasen a es tab lecer un domin io p e r m a n e n t e s o b r e u n a par te del te r r i tor io que les co r r e spond ia y que los s egundos (? ) o c u p a b a n por el unico y exclusivo d e r e ­cho de la fuerza e tc . . .

A la s o m b r a de esta usurpac ion hab i anse c reado no obs ­tante en aquel la zona g r andes in te reses q u e afectaban a gran n u m e r o de c i u d a d a n o s de Haiti El g o ­b ie rno de San tana , an tes de la re incorporac ion hab ia to­le rado es to , quiza, en p r i m e r t e r m i n o , a causa de su debi l idad ô por no susc i ta r conflictos in tempes t ivos y pe l igrosos . El de Espana transigió t ambien al pr inc ip io , pe ro en la fecha de la Real o rden an tes m e n t i o n a d a re­solvio no segui r pe rmi t endo lo . Juzgô en tonces el general O'Donnell que, bajo el punte de vista militar s ob re toto, ofrecia graves inconvenientes que el distrito de Hincha si­guiese ocupado por t ropas de Haiti , por que no iba à ser possible que se adoptara ningun buen sistema defensivo en la frontera mientras no entraramos en posesion del valle de Guayamuco y del Artibonite en la pa r t e co r r e spond ien t e al cu r so super io r de es te r io , q u e es el m a s cauda loso de la isla. Fundandose en esta consideracion el ministro de la Guerra declaraba urgente que las fuerzas haitianas se

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ANCIENS DROITS DE L'ESPAGNE 71

retirasen de Banica, las Caobas, Hincha y San Miguel, y que esos pantos los ocuparan tropas espanolas.

Para hacer efectiva ésta declaración comenza ron à dic­tarse o rdenes en Santo-Domingo y en la H a b a n a . Nues t ro r ep resen tan te en la Capital d e Haiti formulô sus exigen­cias en te rminos categór icos y prec i sos y se convino en verificar una demons t r ac ion militar en la frontera y o t ra mar í t ima en las c o s t a s d e Haiti, à lin de que el Gobierno de Geffrard queda ra adver t ido de la e f i c a c i a de nues t ros p ropos i tos y de lafirmeza d e nues t ro d e s e o . Pero al c a b o nada de esto se hizo b i e n . Po r razones q u e luego d i r é , quizas hubiera sido preferible no acoger ni estimular él pen­samiento de esta revindicacion, que iba. à ma lqu i s t a rnos c o n un impor tan te nucleo de poblacion y à precipi tar lo à la lucha. M a s u n a vez adop tado , debió c o n s u m a r s e en seguida p a r a que nuestra d e b i l i d a d ô nues t r a s vac i lac iones no enva len tonaran à los enemigos de E s p a ñ a , lan n u ­m e r o s o s en aquel las c o m a r c a s . Y no s e h izos ino lo c o n -t r a r i o à todo e s t o . Concebido el proyecto se m a n d a r o n d i spone r fuerzas p a r a auxi l ia r lo ; nues t ro consul en P o r t -au-Pr ince dir igio u n a no ta à Geffrard c a l c a d a s o b r e las c o n c l u s i o n e s de, la Real orden d e 14 de Enero y pareció q u e i b a m o s à obrar énergica y r ap idamen te . Geffrard q u e n o s conocia y que a p r e c i a b a c o n e x a c t i t u d la s i t u a ­c i o n de las c o s a s , o p u s o resistanciás y dilaciones bien cal­culadas al logro de nuestra pretension. Entonces, ya por este motivo, ya por las compl icac iones que n o s e s t a b a p roducien­do la cuest ion de Méj ico , ya p o r o t r a s c a u s a s , el Gobierno supremo comenzo à ordenar que no se precipitaran los suce­sos; mando suspender hasta el otonô inmediato los aprestos y acabó por decir que se dejaran las cosas en tal estado y se aplazara hasta nuevo aviso la reclamación. — C a n d a r a T I p . 2.91 à 293. Voir a u s s i le pa ragraphe su ivant .

P a s de d o u t e : — le seul intérêt s t ra tégique a fait agir l 'Espagne en 1862.

C'est le Ministère de la Guer re qui t r a n s m e t l ' o rdre ro­yal. C'est le point de vue mili taire qui d o m i n e . C 'est le g é n é r a l O'Donnell qui j u g e l ' é t a l de choses dange reux c o m m e étant , de n a t u r e à e m p ê c h e r tout b o n sys t ème de défense . Et se fondant sur cette considération, le Minis t re

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72 CHAPITRE IV

de la Guer re déc la re urgent d 'occuper la vallée de Gua-ya tnuco et de l 'Art ibonite.

Le voisinage d'Haïti avait tou jours inquié té l 'autori té espagnole ; elle se sentai t m e n a c é e d ' i m m i n e n t e s inva­s ions pouvant con t inue l l ement par t i r du terr i toi re haï t ien . On a eu m ê m e peu r à Cuba d 'une expédi t ion ha ï t i enne su r les cô tes de cet te île. (1)

On redouta i t la pol i t ique forcément c achée depu i s l'ex­pédi t ion Ruba lcava , mais toujours e n t r e p r e n a n t e et té­nace du G o u v e r n e m e n t de Geffrard. On en vint à p e n s e r q u e la « sol ide garant ie pour l ' aven i r» c h e r c h é e d a n s l ' engagement i m p o s é à Geffrard de garder et survei l le r la frontière, ne suffisait pas . De ce soin , il ne fallait pas s'en r emet t r e à un voisin astucieux et hardi, ennemi mais en­nemi constant, actif, implacable de l 'annexion espagnole . (2) Fai re s o i - m ê m e la besogne et mieux qu 'on n 'avai t ima­giné en s 'a r rê tan t à l 'idée de taire garder et survei l ler la frontière actuel le , c 'est ce qu'i l fallait .—

Il pa ru t d o n c urgent au Dépa r t emen t de la guer re de faire occupe r des points par lesquels les forces espagno­les péné t r e r a i en t et s ' ins ta l lera ient au c œ u r de la Répub l i ­q u e , se p r o c u r a n t ainsi le moyen facile de la coupe r en deux , au p remie r signal, et de ral l ier les Gonaïves ou le por t

( 1) Celoso el general Gobernador del Cuba del cum plimiento de sus debe­res, y conociendo el habito de piratería que era p r o p r i o de los haitianos, no se descuidaba en tomar medidas de precaucion para frustrar calquier plan que tuviese por objeto hacer un desembarco en las costas de Cuba. Gandara, T. 1er p. 208.

[2] Hombre astuto (Geffrard). . En aquella epoca habia concedido el ambicioso plan de una republica negra que dominase en toda la isla de Sto-Domingo, dun­do la mano à Cuba, y extendiendo hasta Jamaica etc . . . Nada mas conve n i e n t e por lo. tanto para el que hacer de los d e s c o n t e n t o s dominicanos activos auxiliares, y convertir la f r o n t e r a en un foco de conspiración descarada, p. 275.

Les Gouverneurs espagnols se taisaient vraiment d'étranges idées sur nous.

Pour porter Geffrard à retirer aux Dominicains l'appui qu'ils trouvaient en Haiti, le général De la Gandara n'allait-il pas jusquà imaginer de lui opposer Soulouque, alors à Kingston. Comme si celui-ci se fût prêté à jouer un tel rôle au profit de l'Espagne !

Au mois de janvier 1865, le général espagnol écrit au Ministre de la Guerre à Madrid :

« . . . No me detendré a demostrar el derecho qne tenemos para usar de ese « recurso de alta politicia. V. E. lo conoce mejor que yo. Un estado que

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ANCIENS DROITS DE l ' E S P A G N E 73

de la Grande Sal ine , à l ' e m b o u c h u r e de l 'Art iboni te ( 1 ) et à que lques h e u r e s de Cuba p o u r se ravitail ler . — L'Espagne nous eû t fait, au beso in , une guer re de con­quê te en t iè re , en vue d 'ob ten i r cette « p lus g r ande sûre té p o u r l 'avenir » qu 'el le che rcha i t !

Voilà le vrai mobi le de la revendica t ion de 1862. — La p r é o c u p a t i o n de s ' a s sure r une posit ion mil i taire qui en­levât à l ' insurrec t ion domin i ca ine toute possibi l i té de re-cevoir l 'appui qu 'e l le t rouvai t j u s q u e là en Haïti .

En tous c a s , devan t la ré s i s t ance qu 'e l le r encon t ra , l 'Espagne r e n o n ç a à son desse in et a b a n d o n n a la récla­mat ion bien avant qu 'e l le se fût déc idée à évacuer le ter­r i toire de San to-Domingo .

Le « Mensajero » a t rouvé que l 'acte de l 'Espagne r é ­c l aman t nos qua t r e c o m m u n e s « c o m m e a p p a r t e n a n t au d o m a i n e publ ic d e la Répub l ique é te in te don t elle repre­nait la vie pol i t ique e tc . » ( 2 ) était on ne sait que l ex­erc ice du dro i t de postliminie.

Nous ne voyons p a s , à no t re h u m b l e avis , c o m m e n t il

« defiende sus intereses tiene el derecho de. destruir si es menester, al que « lo a c o m e t e . Si Haiti no quiere guardar neutralidad, nosotros tenemos el de-« ber y el d e r e c h o de h a c e r s e l a guardar caminando su gobierno. La Francia « acaba de darnos el ejemple en Méjico, porgue el anterior Gobierno mejicano « etudia sus c o m p r o m i s o s . ? Cuanto mas sagrado no es el motivo que nos impulsa­la ria a hacer mucho ménos en Haiti?... Si Geffrard desjoyendo sus proprios in-« ter eses, no retira su proteccion a tos rebeldes y la faccion subsiste al v e n c i m i e n t e « del termino que el gobierno de S. M. l u v i e r a por conveniente senalar, Soulou « que se halla en la vecina isla de Jamaica esperándo la primer coyuntura de « subir al trono, y veintecuatro horas después de disparado el primer canonazo en « la rada de P o r t - a u - P r i n c e , Faustino 1 podria fechar en la capital su primer proclama. Ella bastaria para conferirle el poder, sin otra participacion de nuestra parte. —

En Haiti esta el mal ; a Hai t i tenemos el derecho de ir a pon er el remedio, los circunstancias nos favorecen grandemente, poniendo en nuestras manos fa­ciles y seguros medios de lograrlo. — T. II p. 477 et suiv.

1 Dans la carte qui accompagne le livre du général de La Gandara, on voit les limites faire une boucle avec une pointe qui s'avance, entre Go-naives et Saint- Marc, jusqu'à peut-être 18 Kilomêtres de la cote, selon i'é-chelle.

De son côté, page 253, Moreau de St-Méry disait que la ligne des limitas entrait sur le territoire français, de manière que le poiut le plus occiden­tal de la partie espagnole, se trouve plus à l'ouest que la haie de l'Acul, et qu'entre ce môme point et la baie du Grand Pierre auquel il correspond, la partie française n'a guère plus de huit ou neuf lieues de profondeur. —

2 Como pertenecientes al dominio publico de la extinta Republica, cuya v i d a politica reasumía . . .

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74 CHAPITRE IV

peut ê t re ques t ion ici du droi t de postliminie. Ce droi t ne subs i s te qu ' à l 'égard « d e s c h o s e s qu i , t o m b é e s au pou­voir de l ' ennemi p e n d a n t la guer re , r ecouvren t leur état primitif lorsqu 'e l les ren t ren t de facto sous la pu i s sance de la nat ion à laquelle elles appar tena ien t l ég i t imement avan t cet te g u e r r e . — »

Il faut qu'i l y ait repr i se effective de la chose pa r le pro­pr ié ta i re primitif (qu i en avait déjà la possess ion effec­t i v e ) ; — q u e l ' ennemi en ait été r e p o u s s é ; — q u ' i l n 'en soit p lus dé ten teur . —

Est-ce le cas p o u r n o u s ? Que si d 'a i l leurs , l 'Espagne agissait c o m m e subs t i tuée

aux dro i t s de la Répub l ique domin ica ine qu 'e l le rempla­çait, on va voir au chap i t re qui sui t ce que valent ce s droi t s domin ica ins .

De toutes f açons , c 'est à jus te titre qu 'Haït i r epoussa et vit a b a n d o n n e r la réc lamat ion de 1862. —

Son droi t était enco re une fois confi rmé,

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CHAPITRE V

ORIGINE ET DROITS DE LA REPUBLIQUE DOMINICAINE .

SOMMAIRE:— Antécédents et origine. — Révolution de 1821.— Pavillon co­lombien.— Incorporation à Haiti.— Effet qui en résulte sur les frontières dès lors sans raison d'être.— Vattel.— Révolutions de 1813-1844. Insur­rection de Santo-Domingo.— Formation de l'Etat dominicain.— Date de l'ère de son Indépendance.—Absence de filiation avec l'Espagne.- Indiffé­rence de l'Espagne. Digression sur un ancien projet d'union d'Etats en Haiti. — Pensée des fondateurs de la République dominicaine. Leurs premiers actes.— Leurs prétentions exaltées pai le succès. — Rapproche­ment avec la France dans son système des "frontières naturelles".--Source des droits de Santo-Domingo. Volonté des populations. Art. 1er. de la Constitution dominicaine.

Attitude des quatre communes intéressées.— Discours de M. T. Robadilla, Président de la Junta gobernativa. Tracé des positions militaires pen­dant la guerre. Droit de la guerre.

Formation de la ligne séparative des deux partis en lutte.— La guerre sur les frontières suivant la version dominicaine. Campagnes de 1844 et de 1845.— Las Matas et Neiba, Hinche et Las Caobas ;— Banica et Comenda­dor, Fort Biassou et Cachiman.— Incursions et surprises.— Situation ré­elle et dé f in i t ive -

Intervention des Gouvernements français, anglais et américain en 1650 pour la cessation des hostilités ou au moins une trêve. Déclaration des Représentants des trois Puissances sur la valeur d'un article constitu­tionnel : il ne suffit pas de quelques mois écrits dans la Constitution pour créer un droit, sorte territoire de son voisin. Application à en faire à l'un comme à l'autre pays.—

Art. 3 et 82 de la Constitution dominicaine.—Vœu des populations.—Rè­gles et pratique du droit des peuples sur eux-mêmes et leur territoire.—

Nous avons dit q u ' u n coup d 'œil su r l 'origine de la R é p u b l i q u e domin ica ine fera voir ce qui est le maxi­mum de ses droi t s quan t à ses frontières. On ve r ra en m ê m e t e m p s q u e par la m a n i è r e don t elle s 'est formée , la j e u n e Répub l ique n 'a pas eu de dro i t s dér ivés d e l ' anc ienne mét ropo le .

R e p r e n o n s les da t e s .

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76 CHAPITRE V

Du 15 N o v e m b r e au 1 e r Décembre 1821, l ' ancienne c o ­lonie espagnole , déjà amoindr i e d a n s son terr i toire , s e ­coue le joug de la mé t ropo le .

A la p remiè re de ces da tes , Laxavon et Monte-Christ avaient a rbo ré le d rapeau haït ien, et l ' exemple avait é té suivi par les quar t i e r s env i ronnan t s . - San to-Domingo se p rononça i t le 1 e r D é c e m b r e , Nunez Caceres faisant flot­ter le pavillon co lombien à la p lace du pavillon espa­gnol .

Mais au 19 Janvier 1822, tout le pays se t rouvai t défi­n i t ivement incorporé à Haïti. Cette réun ion souha i tée et d e m a n d é e pa r la t rès g rande major i té , s'effectuait avec le c o n s e n t e m e n t u n a n i m e d e s popu la t ions .

C'est le m ô m e pe r sonnage , Nunez Caceres , qui fit ar­bo re r le d rapeau haï t ien, le 19 Janvier , à Santo-Domingo; et qui , le 9 février, à l 'entrée du P rés iden t Boyer, le re­çut et lui lit p ré sen te r les clefs de la ville.

« Tout cela, dit M. Jose Ramon Abad, s 'était effectué s a n s effusion de sang et s a n s que le Gouve rnemen t de l 'Espagne eût fait la mo ind re dil igence pour r econqué r i r la colonie qui s p o n t a n é m e n t était r en t rée d a n s son sein et de sa p ropre volonté se ret irai t (1)... . L'Etat i ndépen ­dan t p roc l amé par Nunez de Caceres d u r a s e u l e m e n t neuf s ema ines et beaucoup moins d a n s les régions voi­s ines de Haïti , d a n s lesquel les la p roc lamat ion de l ' in­d é p e n d a n c e n 'arr iva pas à se faire. » Resena general.

La pu i s sance espagnole , anéan t i e à San to-Domingo , fait place à un o rd re de c h o s e s qui , à coup sur , n ' es t pas encore la Répub l ique domin ica ine de nos j o u r s . — C'est d ' abord un essai d 'union à la confédérat ion co­lombienne , projet i r réal isable , et enfin la r éun ion défi­nitive de tous les points de l'île d'Haïti en un seul Etat et sous un m ê m e Gouve rnemen t .

1 C'est reconnaître la valeur de la volonté populaire, seul fondement lé gitime de tout pouvoir humain. —

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ORIGINE ET DROITS DE LA RÉPUBLIQUE DOMINICAINE 77

C o m m e le G o u v e r n e m e n t sépa ré du Sud en 1812, c o m ­me le royaume du Nord en 1820, l 'organisation publ ique don t le siège était à Santo-Domingo, cessa d ' ê t r e ; (1 ) et toutes ba r r i è re s en t re Eta ts dis t incts d a n s l'île tombè­rent , toutes frontières d i spa ru ren t .

Vingt-deux a n n é e s d 'ex is tence c o m m u n e et d'union réelle s ' écoulèrent avant que se produis i t le déch i r e ­m e n t in tér ieur qui d é m e m b r a le Gouve rnemen t et d o n n a lieu à deux Répub l iques i ndépendan t e s d a n s l'île.

Ce fut le p remie r fruit, hé la s ! de nos d i sco rdes civiles de l 'époque.

En proie â la m ê m e fièvre qu 'a l imentai t le souffle révolu t ionnai re , depu i s 1843, au tan t que d é s e n c h a n t é e s d e s p romesses de la réforme, ce r t a ines popula t ions de la par t ie est de la Républ ique s ' insurgèrent et déclarè­ren t ne plus vouloir res te r sous la loi c o m m u n e . Des idées de scission se manifestaient a lors un peu par tou t , n o t a m m e n t d a n s le Nord ,

La révolution éclate à Santo-Domingo le 27 Févr ier 1844, aux cris de Viva la Virgen Maria y la Republica dominicana !

Il s 'agissait de fonder un Etat nouveau pourvu d ' une Constitution et d 'un drapeau qui allaient voir le j o u r pour la première fois. Toutes les c o m m u n e s qui le vou­lu ren t ainsi se miren t debou t et tout c o m m e n o u s l e fîmes en 1803, sou t in ren t leurs p ré ten t ions les a r m e s à la. main.

Alors se f o r m a la Républ ique dominicaine, et a lors s eu ­lement . — Voir d a n s la date des ac tes officiels le point de dépar t conforme de Père de l ' Indépendance . La der­nière Consti tution, par exemple , de la Répub l ique d o m i -

1 «... à regard d'un Etat qui s'est rendu volontairement a u vainqueur. Si les peuples, traités non plus e n ennemis, mais eu vrais sujets,.se sont sou­m i s à un Gouvernement légitime, ils r e l è v e n t désormais d ' u n nouveau sou­verain, ou ils sont incorporés à l'Etat conquérant; ils e n t'ont partie, ils suivent s a d e s t i n é e ; leur a n c i e n Etat est absolument détruit; toutes ses relations, toutes ses alliances expirent." Vattel. Liv. III § 213. Idem Calvo § 100, 105, 3186.—

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78 CHAPITRE V

nicaine est da tée de la ville de Santo-Domingo , Capitale de la Républ ique , le 15 du mois de n o v e m b r e de l ' année 1887; 44 e de l ' Indépendance et 25 e de la Res t au ra t ion .—

Elle n 'es t d o n c pas l 'héri t ière de l 'Espagne. Comme nous elle est fille de ses p ropres œ u v r e s . C'est pa r sa seule volonté et pa r s e s a r m e s qu 'e l le s 'est fondée et main­tenue , j u squ ' à pouvoir faire reconna î t re son indépen­dance par les Pu i s sances E t rangères , entre au t res l 'Es­pagne , aussi bien q u e par la Républ ique d'Haïti aux dé­pens de laquelle elle s 'est cons t i tuée ,

Un état in te rmédia i re et d ' une tout au t re na tu re a sé­pa ré les deux rég imes espagnol et domin ica in , en t re lesquels il n'y a jpas de filiation ni de lien d ' aucune sor te , et ne saura i t y avoir donc d e t r ansmiss ion de droi ts (va ­l ides ou éteints ).

Duran t la longue pér iode de l ' incorporat ion ha ï t i enne , une seule fois,— n o u s l 'avons vu, — en 18.30, - l 'Espagne avait essayé une réc lamat ion de la colonie , telle que cet te colonie se trouvait en 1821 ; et la réc lamat ion , l'Es­pagne l'avait a b a n d o n n é e tout d e sui te et au p r e m i e r r e ­fus. Elle a ensui te jusqu ' en 1861 c o n s t a m m e n t refusé d ' in terveni r d a n s les affaires de l'île. Elle avait a b a n d o n ­né la part ie .—

D'où il faut bien reconna î t r e que la Répub l ique du 27 février 1844 n'a que des droi t s p ropres à elle.

Or, de m ê m e que l'Etat d 'Haït i , en se cons t i tuant , n 'a pu avoir q u e ce que lui donna i t la conquê te ou la volon­té d e s populat ions,— de m ê m e la Répub l ique d o m i n i ­caine n 'a pu avoir et n'a eu de terr i toire que ce qu 'e l le a pu se d o n n e r par la f o r c e d e s a r m e s et une occupat ion effective,; et de propulat ion que cel les qui ont a d h é r é à sa cons t i tu t ion .

Une idée surgît j a d i s e t eut c o u r s d a n s les deux pays . C'était de faire un Etat i ndépendan t ou une union d 'E­tats , qui c o m p r e n d r a i t les d é p a r t e m e n t s du Nord, du Nord-Ouest , de l 'Artibonite, de Cibao. C'était vers cet te époque d e 1808-1309, où le nord dé la partie espagnole inclinait avec, Juan Sanchez à s 'unir à Chr i s tophe , tan­dis que vers Azua on était avec Cyriaco Ramirez pour l 'al l iance avec Pét ion. — Contrar iée par l 'arr ivée de Don

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ORIGINE ET DROITS DE LA RÉPUBLIQUE DOMINICAINE 79

F r a n c i s c o Murillo, envoyé par la Régence d 'Espagne en quali té de l ieutenant du roi à Santo-Domingo, ce t t e idée n 'eut pas de sui te . ( 1 ) Mais si p renan t co rps , elle s 'é­tait enfin réal isée , les l imites na tu re l l emen t se ra ien t ce q u e le nouvel Etat ou les nouveaux Etats unis au ra ien t pu effectivement se donne r . Ils ne pour ra ien t po in t ar­g u m e n t e r d e s d iv is ions terr i tor ia les de l 'ancien régime Français ou espagnol , pas p lus que de la vieille s épa ra ­tion des r o y a u m e s des Caciques .

Et c 'est bien ainsi q u e le compr i r en t tout d ' abord les Dominica ins en 1844. Nous en avons pour p reuve leurs ac tes de la p r e m i è r e heure , leurs écr i t s au m o m e n t s u p r ê m e de la sépara t ion .

Que plus tard , ils a ient imaginé de se cons t i tuer avec les l imites d 'une au t re é p o q u e , c 'est q u e leurs pré ten­t ions avaient été sub i t emen t exal tées par un s u c c è s qui dépassa i t leur a t ten te , é tant dû aux agi tat ions v io lentes qui , d a n s ces ma lheu reux t e m p s , poussa ien t toutes les par t ies de la Répub l ique à une véri table désagréga t ion , et para lysa ient toutes m e s u r e s de p rompte répression.(2)

Le lendemain du j o u r de la pr ise d ' a r m e s , le 28 février 1844, la junta gobernativa provisoi re écri t au général Des­grot tes , c o m m a n d a n t de l ' a r rond i s sement , qui avait d é . p ê c h é vers les insurgés pour savoir de quoi il s 'agissai t

« La privation de nos droi ts , r éponden t - i l s , les vex-« a t ions et la mauva ise adminis t ra t ion du G o u v e r n e m e n t « haït ien nous ont fait p r e n d r e la ferme et indes t ruc t ib le

1 Les Espagnols ont prétendu, à tort certainement, que les partisans du Général Longuefosse et les agents dominicains, dans leur propagande con. tre l'Espagne, aux environs du Cap en 1864, reprirent l'idée de faire du Nord d'Haiti séparé de Port-au-Prince et uni avec Santo-Domingo une République indépendante. V. De la Grandara, T. Il p. 289,298 et 386. —

2 Que noticias fatales para e! general Charles llérard le obligaran á sus­pender sus proyectos invasores ?

Là de la separacion del departemente del Norte proclamada por Pierrot el 25 de A b r i l ; y la d e que e l dia 3 d e Mayo habia estallada una revolu­cion en los del sud y oeste, combinada para desconocer, junta con su Gobierno, Ja constitucion de 1843, y reducir el pays al acta de indepen­dencia de lo . de enero de. 1804,— J. G. Garcia.

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80 CHAPITRE V

« résolut ion d 'ê t re l ibres et i n d é p e n d a n t s , au péril de « noi re vie Vous ne serez pas su rp r i s de ce lan-« gage, quand vous cons idére rez toute la jus t ice qui ac -« c o m p a g n e no t re c a u s e : fils de no t re pat r ie , il n'y a « p re sque pas un de n o u s qui jou i sse de ses l i be r t é s ; « noire t résor public mis à sec : à c h a q u e ins tant , n o u s « le voyons se vider pa r l ' insatiable ambi t ion d e s gou-« v e r n a u t s ; - q u a n d nous nous c royons unis par la révo-« l u t i o n d a n s les l iens d e la fraternité, n o u s n o u s t rou-« vous vict imes d e s in t r igues . . . ap rè s avoir coopé ré « avec assez d'activité au succès de la réforme, n o u s « avons eu à dép lorer l ' empr i sonnemen t et la p rosc r ip -« tion d 'honorab le s c i toyens et de ve r tueux pè res de fa­« mi l le : n o u s l 'avons souffert c e p e n d a n t e spé ran t une « amél iora t ion qui n o u s serai t offerte; ma i s où est-« e l l e ? . . . e tc . »

Il n 'est pas encore quest ion de quoi que ce soit déri" vé d e l 'Espagne. —

Pour t an t , c n m m e dit t rès bien M. P lésance , « c 'est le m o m e n t pour les domin ica ins de r ep rend re les l imites de 1777 . Ils n'en l'ont r ien, loin de contes te r , loin de protes­ter, ils r econna i s sen t formel lement la possess ion haït ien­ne d a n s le p remier acte de leur i ndépendance , « Do min i -« ca ins à l 'union, s 'écr ièrent a lors les au t eu r s de cet acte « en le t e rminant , le m o m e n t le p lus oppor tun s e prê­« s e n t e , d e Neyba à Samana , de Azua à Monte Christi , « l e s o p i n i o n s sont u n a n i m e s . —» Ce d o c u m e n t ind ique c l a i r emen t les l imites de la Répub l ique domin ica ine . Quand on fait a p p e l à l ' insurrect ion, on se garde bien d ' o u b l i e r les auxil iaires su r lesquels on pourra i t compte r . »

Ce q u e p r é sen t e le manifeste du 28 février a d r e s s é au généra,! Desgrottes, ce sont des griefs du m ê m e genre q u e ceux qu i s 'é levèrent su r tous l e s points du pays , en ces j o u r s de réc r imina t ions mutue l les . — Ce qu 'on invo­que encore et au n o m de quoi l'on déc lare avoir p r i s les a r m e s à S a n t o - D o m i n g o , e ' e s t « l 'opinion pub l ique , la volonté générale des populations, toujours respectable ( Pro­c lamat ion d u 11 M a r s 1844 au peuple et à l ' a rmée ).

Déclarat ion de guer re décré tée le 19 Août 1 8 4 4 : «Con-

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s idéran t , por te le p r é a m b u l e , que la Répub l ique d'Haïti a feint de m é c o n n a î t r e ( ha aparentado desconocer ) le pr inc ipe de la souvera ine té qui rés ide d a n s les popula­t ions et le droi t s u p r ê m e qu 'e l les ont de veiller et de pourvo i r à leur b ien-ê t re et à leur fél ici té,— ce qui est la fin de toute associa t ion — ».

On sait que lorsqu 'éc la ta la pr ise d ' a r m e s qui fit tom­b e r le P rés iden t Boyer, San to -Domingo , c o m m e par tou t a i l leurs , était divisé en c o n s e r v a t e u r s pa r t i sans du Gou­v e r n e m e n t et l ibéraux pa r t i sans de la réforme et de la révolut ion. Du sein de ces d e r n i e r s , p r e s q u e tous des j e u n e s gens , s 'éleva une minor i t é qu i , peti t à petit , en vint à éme t t r e l 'idée de la sépara t ion . Cette nouveau té fut tout de sui te v ic to r ieusement c o m b a t t u e c o m m e étran­gère aux vér i tables idées du pays et c o m m e une folie n ' ayan t ma té r i e l l emen t a u c u n e c h a n c e de réuss i te . Les d é s a p o i n t e m e n t s et les d ivis ions du m o u v e m e n t haït ien lui fourni rent cet te c h a n c e que lque t e m p s ap rè s .

Il en résul ta pour les insurgés que le s u c c è s , dès le début , dépassa leur a t tente . Les espr i t s s 'exal tent . Les Dominicains ambi t i onnen t b ientô t de d o n n e r au nouvel Etat les m ê m e s limites que possédai t a n c i e n n e m e n t la colonie espagnole . Ils font a lors ce que n o u s f îmes en 1801. Ils mettent d a n s leur Const i tut ion les vieilles l i­mites espagnoles c o m m e nous m i m e s d a n s la nô t re l'île ent ière pour former notre terr i toi re .

En état d ' insur rec t ion on s 'organise c o m m e on peut , on met d a n s le p r o g r a m m e ce qu 'on veut .

Incon tes tab lement , ces dés i r s et vœux d 'une por t ion d e peuple soulevée qui se t race un cad re où se ron t p o ­sées dé so rma i s les bases de son inst i tut ion poi i t ique, d e m a n d e n t pour être pris en cons idéra t ion dans le droit des gens , que les a r m e s de l ' insurrect ion se t rouvent a s s e z fortes pour les t radui re en fait.

En France auss i , qu 'on nous pe rme t t e le r a p p r o c h c m e n t , on a prétendu à d e s l imites, encore aux ma ins des voi­s i n s . Il y a eu le sys tème des « front ières na ture l les . » Les limites d e la France doivent ê t re por tées j u squ ' au Rhin , soutena i t -on .

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82 CHAPITRE V

Pourquo i le Rhin plutôt q u e la Meuse? dit une Revue r é c e n t e : « L ' i d é e r emon te t rès hau t d a n s not re h is to i re . Elle paraî t da te r de la Rena i s sance . A cette é p o q u e on se mi t à lire les Commen ta i r e s de Ju les César et l'on s 'arrê ta devan t cet te p h r a s e : « La Gaule a p o u r l imites « les P y r é n é e s , les Alpes, l 'Océan et le Rhin. »

On se pass ionna pour cet te r evend ica t ion dont l 'an­c ienne m o n a r c h i e s 'occupa dès lors de poursu iv re la ré­al isat ion. La théorie qu 'on en fit, l 'esprit nouveau ne l'a­b a n d o n n a pas . Et elle t r ionphai t tout jus te au t e m p s du trai té de Bale .

« Le pr inc ipe des « frontières na tu re l l es ,» répête l'ar­ticle, en t ra d a n s le droi t publ ic de la F r a n c e ; il devin t c o m m e un des pr inc ipes de la Révolut ion, l ' idée s 'éta­blit d a n s les espr i t s que l'on ne pouvai t les la isser en­t a m e r s a n s por te r a t te inte à la dignité de la Répub l ique et en éb ran l e r le fondement . — » ( 1 )

A celui qui appel le c e mouvement d'idées une c r i s e , l 'écrivain répond que « l ' a n n e x i o n d e la Belgique e t du pays rhénan se justifie par beaucoup d e r a i s o n s h is to­r iques et topograph iques e t en n ' e s t p a s tout-à-fait une e r r e u r que d 'avoir vu d a n s le Rhin une bar r iè re « na­turel le . » Elle s 'est justifiée ensuite par le c o n s e n t e m e n t d e s peuples . . . , la Révolut ion c r é a n t d a n s les popu­la t ions belges et rhénanes , par la vente des b iens na­t ionaux, des intérêts révolu t ionnai res et f r a n ç a i s . Elle se justifiait non m o i n s par la nécess i té de con t r eba l ance r les acquis i t ions d é m e s u r é e s d e s Pu i ssances d u Nord et de l 'Angleterre. Il e s t cer ta in qu'il y a eu des m o m e n t s sous Napoléon 1 e r où l 'Angleterre était rés ignée à une Belgique française et l 'Allemagne à un Rhin français. »

Voilà les r a i sons mises en avant et jugées t rès app ré ­c iables , p o u r sou ten i r les p ré ten t ions de la F rance . Quelque opinion que l'on veuille se faire de la valeur de ces a r g u m e n t s , le l'ait est qu 'en tout cela, la F rance se t rouvai t assez forte pour réal iser s o n vœu .

1 C est précisément on le voit, ce que voudraient établir les Dominicains chez eux.--

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Ne par lons pas des ma lheu r s que lui valut , à la fin, la poursu i t e de l 'idée des ce frontières nature l les . »

D e m a n d o n s s eu l emen t à nos vois ins , si la Répupl ique domin ica ine a eu, c o m m e la France , le secours de la force et le prestige de la. victoire pour les terr i toires dés i rés . — A-t-elle, au mo ins , pour colorer ses préten­t ions, de ces just if icat ions môme c o m m e celles q u e n o u s venons de voir é n u m é r e r par les França i s ? Aucune .

Ni le consen t emen t des peuples in té resés gagnés aux idées de sa révolut ion.

Ni la raison topographique d 'une ba r r i è r e « na ture l le .» Ni la nécess i té d 'une compensa t ion c o m m e c 'étai t

che rché pour l 'équil ibre eu ropéen . Ni la résignation de ses adversa i res à un m o m e n t ou

à un au t re de la lutte.

Et s'il y avait à s o r t i r des bornes de la modéra t ion que n o u s n o u s s o m m e s imposée , c'est plutôt en not re faveur que pourra ien t être invoqués d e s motifs s emb lab l e s p o u r n o u s faire arr iver ; c o m m e a n c i e n n e m e n t les F rança i s , au moins jusqu ' aux b o r d s du R e b o u c ( 1 ) d a n s le Nord et de la rivière d e Neybe clans le Sud.

Mais non, n o u s n ' a v o n s t o u j o u r s d e m a n d é depu i s la paix, que le respec t des p o s s e s s i o n s ac tue l les .—

R e p r e n o n s le cours d e s événemen t s r acon tés par les Dominicains e u x - m ê m e s .

Don Jose Ramon Abad : — « La Répub l ique dominicaine « proc lamée , un Gouvernement p r o v i s o i r e fut ins t i tué « s o u s le titre de Junta central gobernativa, don t les p re ­« miers actes furent de faire savoir au Prés ident d 'Haïti

1 Ou rivière de Guayubin, comme nous l ' a v o n s rapporté plus haut. — « Le mot de Rebouc, dit Moreau de s - M e r y , e s t une corruption française d u m o t espagnol Revuelto qui se prononce Rebunelto et qui signifie revolte. C o m m e les Espagnols regardaient l'etablissement des Français à St-Do-mingue comme u n e usurpation leur defense naturelle comme une révolte, ils avaient donne le nom de lieu des révoltes, au point d e s limités que ceux-ci avaient a d o p t é e s et dont des ordonnances des administrateurs français du 24 février 1711 et du 3 Décembre 1715 parlent c o m m e d e la frontière des deux nations.» Voir page 55 la critique d u traité des limites par les Français

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84 CHAPITRE V

« sa ferme résolut ion de cons t i tue r la partie espagnole « en Etat i ndépendan t , et d'obtenir l'adhésion de tous les « habitants en faveur du m o u v e m e n t victorieux réal isé à « la Capitale. La tâché fut facile su r le de rn ie r point, car « toutes les populations é ta ient a n i m é e s du m ê m e sen t i -« men t patr io t ique, et les c o m m i s s a i r e s envoyés par la « Jun te cent ra le t rouvèren t en elles le plus efficace ap-« pui , contribuant toutes, avec une égale décision et cons -« t ance , à expulser du terr i toire dominica in les chefs e t « les forces qui r eprésen ta ien t le pouvoir vaincu d 'Haït i . »

« ? Cuales , di t de son côté l 'historien dominica in Jose « Gabriel Garcia, c u a l e s fueron las p r imera s a tenc iones « de la Junta? — Solicitar, po r o rgano de c o m i s i o n a d o s e s -« pec ia les la adhesion de lodos los pueb los de la par te es-« panola al movimien to separa t i s ta . — »

De ce soin de solliciter et d 'obteni r l 'adhésion de tous les hab i tan t s , jo int à la na ture des griefs produi t s et à la déclarat ion que toutes les p o p u l a t i o n s an imées du m ê m e espr i t ont con t r ibué à e x p u l s e r les haï t iens pour p roc l amer la Répub l ique , — il ressor t que les domini ­ca ins r econna i s sa ien t que la source de leur droi t à se cons t i tuer Républ ique i ndépendan te , était d a n s la vo­lonté nécessa i re d e s popula t ions et non pas dans des droi t s dér ivés de l 'Espagne ; c o m m e auss i n 'é ta ient mem­b r e s du nouvel Etat que les seu les popula t ions qui l'a­vaient voulu et déc la ré .

C'est ce que r é s u m e parfai tement l'art. 1 e r de la Cons­titution domin ica ine : « La nation domin ica ine est la « réunion de tous les domin ica ins assoc iés sous un m ê -« m e pac te pol i t ique. »

Or, nos qua t r e c o m m u n e s n 'ont j ama i s fait part ie d e s popula t ions qui ont adhé ré au m o u v e m e n t de Santo Do­mingo et se sont associées pou r former la nation d o m i ­n ica ine .

* * *

Quelle fut, en effet, au t emps de la sépara t ion , l'atti­tude des peuples de Saint-Raphaël , Saint-Michel, Hinche et Las-Caobas ? Manifestèrent-i ls , a lors et depu i s , la

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m o i n d r e pensée de se dé tacher de la Républ ique ha ï ­t i enne p o u r s 'associer aux domin ica ins? Loin de là. Ja­ma i s ils n'y songèrent . Au cont ra i re .

Ce furent toujours les c o m b a t t a n t s les p lus actifs, les ha ï t iens les plus mil i tants con t re la formation et le main­tien de l 'Etat na i ssan t .

On n ' ignore pas que les ga rdes nat ionales de nos fron­t ières , suppo r t an t les p r e m i e r s chocs et les p lus r u d e s a s sau t s d a n s leurs cont inue l les r encon t re s avec les in­surgés , à l 'a t taque c o m m e à la défense , é ta ient répu­tées non seu lemen t pour leur solidité et leur b ravoure mais encore pour leur a rdeu r .

Dans les pér ipét ies du c o m m e n c e m e n t de la lutte et a lors que les insurgés pouvaient me t t re à profit l'état p e r m a n e n t de révolution dans lequel é ta ient éga lement t o m b é e s toutes les par t ies de la Répub l ique , q u a n d ce r t a ins points su rp r i s c o m m e par exemple Hinche et Lascaobas eu 1845, étaient envah is par les domin i ca in s , la populat ion restai t toujours hosti le à la sépara t ion do­min ica ine qu 'e l le repoussa i t , toujours a t tachée à la na­t ionali té ha ï t ienne qu 'e l le gardai t .— Son titre à la na­t ionali té ha ï t i enne est , au mo ins , auss i respec tab le que celui des domin ica ins assoc iés pour former la nat ion domin ica ine .

Dans l 'après-midi du 20 S e p t e m b r e 1844, M. T h o m a s Bobadi l la , P rés iden t de la junta gobernativa, p rononça i t devant le Congrès cons t i tuan t de San Cristobal , un dis­cou r s don t on extrait c e qui suit :

« Nues t ras a r m a s vencedoras han llegado por las « f ron te ras del Norte y Sud hasta nues t ros ant iguos li-« mites , pues a u n q u e los enemigos ocupan un i camen te « las poblac iones de Las Caobas, Hincha, San Miguel y « San Rafael, siendo estos habitantes en general haitianos,

« y los gob ie rnos de Puer to -Pr inc ipe y del Nor te habien-« do sol ici tado una suspens ion de a r m a s hasta que se « mandasen enviados con quien ent rar en t ra tados , n o ­« s o t r o s hemos quer ido ser bas tante generosos y econo-« mizar la sangre humana , hasta ver si se realizan sus « p r o m e s a s ; en t re tanto c o n s e r v a m o s una acti tud mili-

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86 CHAPITRE V

« tar pa ra volver à abr i r la c a m p a n a , i n m e d i a t a m e n t e « que la necess idad lo exija: nos h e m o s proveido de « fusiles en gran cant i tad y de o t ros e l emen tos de guer-« ra. » Recuei l des ac tes relatifs à la guer re d o m i n i -cano-ha i t i enne .—

A cela se t rouve jo in te une no te c o m m e sui t , de M. Garcia , éd i teur de ces ac tes ;

« Nues t ras avanzadas l legaron s i e m p r e d u r a n t e la « gue r ra : en la pa r t e del Nor te , has ta el r io Dajabon ; « y en la del S u d : del lado de Banica has ta el pueb lo ; « del de Las Matas, has ta El Pue r to y R a n c h o Mateo; « del lado de El Cercado has ta m a s a l l á Hondo Valle, y « del lado de la costa : por Las Damas Jas t r incheras « es taban en Las Bai toas , pe ro les descub ie r t a s iban sin « dificultad has ta La Florida, Arroyo Blanco y J imani « por Neiba las t r inche ras es taban del lado acà de la « Descubier ta , pe ro las avanzadas nues t r a s de la Caleta « subian la L o m a de Los P inos é iban francas has ta « Toussa in t .

« Los ha i t ianos es taban de Gobe p a r a abajo, y tenian « s u s Cuar te les genera les en Las Caobas , Biassou y « O u a n a m i n t h e ; — de sue r t e q u e el ter r i tor io d o m i n i c a -« no que ocupan hoi no lo posean en virtud del d e r e c h o « de la guerra , s ino que se lo han ido u s u r p a n d o à la « s o m b r a de nues t r a s d i scord ias civiles, que e n c r e d e « c iendo las pas iones h a n debi l i tado el sen t imien to na ­« cional y enfriado el calor pa t r io t ico que nos legaron « n u e s t r o s an tecesores . » —

Voilà que par un r e n v e r s e m e n t comple t des chose s , M. Garcia t rouve que c 'est nous qui a v o n s u s u r p é à l ' ombre des d i sco rdes civiles de San to -Domingo , s a n s faire at tent ion que la réfutation re s so r t toute seule d e s faits que lu i -même rappor te d a n s son His toi re de Sto-Domingo. Nous y a r r ivons bientôt . Qu'il n o u s suffise ici de p r e n d r e acte du t racé , m ê m e c o m m e il le fait d e s pos i t ions respec t ives et de ce qu'il dit de la possess ion en ver tu du droi t de la gue r re .

Il n o u s suffit de voir a d m e t t r e le p r inc ipe , quelle que

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puisse ê t re d 'a i l leurs l ' inexact i tude de que lques dé ta i l s , à re lever en t e m p s et lieu.

Mais enfin, puisqu' i l existe un droi t de la guer re et q u e c 'est s a n s doute ce droi t de la guer re qui a la ver tu c o m m e d a n s not re cas , de justifier l 'occupat ion d e s terr i toires , on ne pers is tera pas davan tage ,—pour en faire résul te r un titre à la souvera ine té de ter r i to i res non oc­cupés ,— on ne pers i s te ra pas davantage à n o u s par le r de p r é t e n d u s droi t s dérivés d 'un ancien régime anéant i avec tout ce qu'il compor ta i t .

Et dès l o r s d o n c que le nouvel Etat ne pu i san t ses dro i t s qu 'en l u i -même , s e s l imites ne pouva ien t pas ê t re au t re s q u e c e l l e s q u e lui d o n n a i e n t les a r m e s ou la volonté d e s habi tan ts et une possess ion effective; et qu 'en effet la pensée d e s e s fondateurs n'allait pa s , ab initio, au delà d e s bo rnes d 'un terr i toire rée l lement occupé ,— il n 'y a p l u s qu 'à voir c o m m e n t s 'est formée au milieu des événemen t s et s 'est fixée su r le théât re de la lutte, la ligue sépara t ive des deux par t ies se grou­pan t l 'une pour la sépara t ion , l 'autre pour l ' indivis ibi­lité du terr i toire .

P o u r éloigner tout soupçon d e part i-pris ou tout pré­texte de discuss ion s u r le plus ou mo ins d 'exact i tude des faits,— n o u s c o n s e n t o n s à nous servir ici de la ver ­sion domin ica ine , cons ignée d a n s les ac tes officiels et d a n s les h is tor iens d e Sanlo-Domingo , que n o u s avons eu déjà occasion d e c i t e r : J o s e Gabriel Garcia—Histoire de Santo-Domingo et Guerre de la séparation, Documents pour son histoire, J o s e Ramon Abad — Republica domi-n i c a n a , Resena General, rédigée d ' o rd re du Ministre de Fomento et des Travaux publ ics .

A la p remiè re nouvel le de la prise d ' a r m e s domin i ­ca ine , dit ce de rn ie r , le Prés iden t Rivière Héra rd mar ­che su r San to-Domingo . Au 30 Avril 1844, l ' a rmée haï­t ienne était à San Jose de Ocoa. Elle es t r e p o u s s é e et revient à Azua qu'il a b a n d o n n e éga lemen t le 0 Mai, à cause de ce que «aux revers q u ' é p r o u v è r e n t les ha ï t iens

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d a n s le Nord et le Sud de la Répub l ique d o m i n i c a i n e , é ta ient venues s 'a jouter de sé r i euses compl ica t ions inté­r i eu res , qui obl igèrent le P r é s iden t Hérard à r e n o n c e r à ses des se ins et à repor te r s e s t r oupes de l'autre côté des frontières. » ( 1 )

Il venai t de recevoir la nouvel le de la sépara t ion du Nord p o u r laquel le on s'était p r o n o n c é le 25 Avril au re tour de l 'armée qui avait é c h o u é à l 'a t taque de San­tiago, en m ê m e t emps qu'il avait avis de la révolution p roc l amée d a n s le Sud et d a n s l 'Ouest con t re son Gou v e r n e m e n t et la Consti tut ion de 1843.

« Dans leur re t ra i te , les haï t iens incend iè ren t les bourgs et villes qu ' i ls avaient réuss i à occupe r et lais­sè ren t c o m m e t races de leur passage la désolat ion et la ru ine su r tous les po in t s qu ' i ls t raversèren t . » ( 2 ) Abad.

Ils sont poursu iv i s par les sépara t i s tes . L ' a rmée domin ica ine était à Saint -Jean, q u a n d deux

envoyés du P ré s iden t Guerr ier , tout r é c e m m e n t élu, se p ré sen t è r en t po r t eu r s d 'une proposi t ion d 'a rmis t ice qui n ' eu t pas de sui te .— Garcia.

Les co lonnes domin ica ines con t inuan t donc leur m a r ­che et t raversant la frontière, s ' avancèren t , celle du gé­néra l San tana j u s q u ' à Las Caobas et celle du général Chéri Victoria du côté de Neiba j n s q u ' à Fond-Verre t te , é m i n e n c e qui d o m i n e la g rande plaine de Por t -au-Pr ince . Mais, ré t rogradant i m m é d i a t e m e n t , elles se repl ièrent d 'un côté à Las-Matas, de l 'autre à Neiba, endro i t s où le général San tana o r d o n n a d 'é tabl i r les q u a r t i e r s géné­raux , et organisa le service permanent des frontières, pour en confier le c o m m a n d e m e n t et la défense au général Duvergé. Il m a r c h a ensu i te avec le res te de l ' a rmée su r Santo-Domingo con t re la Junta central gobernativa.

Cependan t les Haï t iens ayant re t ra i té , occupè ren t Va-vantageuse posi t ion de Cach iman pour la conver t i r en

1 Lesquelles frontières laissaient du côte d'Haïti les 4 communes. 2 Bien certainement les 4 communes ne furent ni incendiées ni ruinées

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un fort qui leur servît de pos te avancé su r la par t ie e s ­pagnole (para convertir la en un fuerte que les sirveria de avanzada sobre la parte espanola )

Le Gouve rnemen t dominica in o r d o n n a ou le généra l Duvergé de lu i -même résolu t de les en déloger , à tout prix ( a sangre y fuego. )

En effet, le 4 D é c e m b r e 1844, le général Duvergé atta­que et enlève Cach iman , ( 1 ) dont il fait, à son tour , la sent inel le avancée de l ' a rmée domin ica ine (aprovecho este triomfo para hacer de Cachiman la centinela avanzada del ejerito dominicano.)

C'est vers ce temps-là , q u e Aug. Brouat , colonel ha ï ­tien, est tué devan t C o m e n d a d o r occupé pa r les Do­min ica ins . Le r appor t du colonel Puel lo au général Du­vergé por te à sa c o n n a i s s a n c e que « le 24 Mars , à neuf h e u r e s du soir , une sent inel le p e r d u e , e n t e n d a n t veni r su r la rou te que lqu 'un à cheval , lit feu et b l e s sa m o r ­te l lement la p e r s o n n e . »—C'était le colonel Aug. Brouat .

Après cela, la c a m p a g n e r e c o m m e n c e p o u r les d o m i ­n ica ins par la pr ise du fort Biassou et celle de Hinche ma i s aussi pa r la per te de Cach iman .

Les pos i t ions ne ta rdent pas à c h a n g e r : — le 18 Ju in , les Haït iens r e p r e n n e n t Hinche , tandis que Cachiman r e t o m b e aux mains des domin ica ins qui , ayant auss i enlevé « El Puer to » s 'avancent en pays e n n e m i j u s q u ' à Las Caobas . Ils s'en e m p a r e n t de nouveau le 19 Juin en m ê m e temps qu ' i ls p rena ien t Hondo Valle, où ils dé­t ruis i rent complè t emen t la garnison e n n e m i e qui occu­pai t cet te par t ie de la frontière ( ataco al arma blanca la guarnicion enemiga que occupaba ese parte de la frontera y la destruyo por completo. )

1 Donnant publicité au r a p p o r t du Général Duvergé, « Dominicanos, s'écrie le Président P e d r o S a n t a n a , e s t a es la historia verdadera de lo acaecido el 4 de Diciembre, para c a e r en nuestras manos el fuer te Ca-ciman: tenemos, es verdad, una suspension de armas pedida por los enemigos pero esa fortaleza e s t a en n u e s t r o territorio y estaba ocupada por una faccion qué dice desconocer al gobierno enemigo. »— Voilà com­me raisonnait le chef dominicain.---

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90 CHAPITTRE V

C'était la s e c o n d e fois que les domin ica ins e n v a h i s ­sa ient Las Caobas . Le général Duvergé n'y res ta p a s Cependant . S 'en r e tou rnan t à s o n quar t ie r -généra l , il l a i s s a d e s f o r c e s qui occupèren t le bourg p e n d a n t d ix-sept j o u r s ; elles en furent délogées le 9 Juillet. Re ­p o u s s e s pa r la populat ion e l l e -même, les Domin ica ins n'y r e p a r u r e n t j ama i s p l u s .

A Cachiman a u s s i , une p r e m i è r e a t taque ayant été r e p o u s s é e le 1 3 J u i l l e t , le fort fut défini t ivement repr is le 22 du m ê m e mois p a r les Haït iens (haciendose duenos de todas las alturas que fueron, abandonadas por las tropas dominicanas. ) Et le Général Morissette, qui avait sous ses o rd re s les généraux Samedi T h é l é m a q u e et T o u s ­saint , poursuivi t le cou r s d e s e s succès , et s ' empara de Las Matas sur le général Duvergé qui s e replia à Saint-Jean ( donde mantuvo su cuartel general. ) Les Hai-t iens gardèrent leurs posi t ions jusqu 'à ce qu'enfin le 17 Septembre; 1845, survînt la bataille d e Estrelleta, don t le résultat fut le r ecouvement d e L a s Matas p a r les D o m i n i c a i n s . « G a r c i a . »

Et ce fut tout. ( 1 )

1 qu'il y ait eu d e s incursions l a i t e s de p a r t et d ' a u t r e et. a u c o u r s d e s ­q u e l l e s d e s détachements expéditionnaires réussirent p a r f o i s à p é n é t r e r à d ' a s s e z g r a n d e s distances d a n s l e p a y s , c e l a s e comprend p a r le g e n r e (Je g u e r r e q u i s e poursuivait e t l e s f a c i l i t e s d ' u n t e r r a i n large e t o u v e r t p a r t o u t . A la s u i t e et dans l'intervalle des grandes campagnes, la p e t i t e g u e r ­re ne l a i s s a i t p a s d e c o n t i n u e r e t a m e n a i t s a n s c e s s e d e s r e n c o n t r e s , e s ­c a r m o u c h e s e t surprises. U n p a r t i e n n e m i apparaissait inopinément, b r û ­l a i t et saccageait l e s l i e u x , et se r e t i r a i t vite; a v a n t l ' a r r i v é e d e s s e c o u r s . L ' a s s a i l l a n t n e manquait pas d e c h a n t e r h a u t l ' e x p l o i t . Et à l a C a p i t a l e ; o n c é l é b r a i t u n e g r a n d e victoire. O n le f a i s a i t q u e l q u e f o i s d a n s l ' u n e et l 'au­tre; Capitales p o u r la même action.

C'est ainsi que D a m e - M a r i e sur la côte s u d d ' H a i t i e u t à s o u f f r i r d ' u n e d e s c e n t e d e d o m i n i c a i n s qui y v i n r e n t mettre le f e u . Neyba subit l e même traitement d e la par t d e s H a ï t i e n s , qui encore en Mai 1 8 5 1 , a s s a i l l i r e n t La C a l e t a jusqu'à P r o s t e r - r i o .

La Gaceta raconte, à s a manière, u n e i n c u r s i o n d e ce genre, e n février 1855 et poussant jusqu'à Cachiman et El Puerto où fut m i s l e f e u , « Y una vez, dit l e j o u r n a l dominicain, concluido tan felizmente el objeto de nues-tro destacamento expedicionario, se hizo contramarcha hasta llegar nuestras tropas el 5 sin novedad alguna, al canton de las Matas." Gaceta d e Gobier-no du 12 février 1856.— I ls é t a i e n t v e n u s p o u r brûler; i l s étaient rentrés dans leurs lignes immédiatement après l'avoir fait.

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ORIGINE ET DROITS DE LA RÈPUBLIQUE DOMINICAINE 91

Au r é s u m é , après la retrai te de Rivière Héra rd , et de 1844 à 1845, les comba t t an t s al lèrent d 'une ligne à l 'au­tre avec des a l ternat ives de succès et de revers , et oc­cupan t tour à tour Las Matas, Neiba du côté dominica in , — H i n c h e , Las Caobas , Fond-Verre t te du côté haï t ien.

Q u a n t a Cach iman , posit ion avantageuse s i tuée , com­m e Comendador , au milieu de la zone des comba t s , c 'était na ture l qu'i l fût l'un des po in t s les p lus d i spu tés d a n s ce moment - là .

Répétons ce qui lui est spécial , pou r que cela serve en m ê m e t emps à exp l iquer la formation et la s i tuat ion de toute la ligue dont il occupe le c e n t r e .

Le terr i toi re dominica in évacué par Rivière Hérard et son a r m é e mise hor s d 'at teinte des pour su i t e s de l ' in­sur rec t ion , les haï t iens m a r q u e n t la frontière par l 'éta­b l i s sement du fort de Cach iman , ayant aussi un pos te à Los Puer tos .

Les domin ica ins , de leur côté , ne l a rden t pas à voir l ' intérêt qu ' i ls ont à occuper ces lieux p o u r en faire p lu tô t et c o m m e dit M. Garcia, les pos tes avancés de leur ligne de défense . C'était de leur par t m a r q u e r aussi la frontière.

Le 4 D é c e m b r e 1844, ils enlèvent Cachiman en effet, ma i s sans pouvoir le g a r d e r . Ils le pe rden t à q u e l q u e s j o u r s de là, c 'est-à-dire p e u a p r è s l'affaire de Comenda­dor qui eut lieu en Mars 1845.

Le 17 Juin suivant , Cachiman r e tombe en leurs m a i n s . Encore moins que la p remiè re fois , ils ne peuvent le conserver; a t taqué s a n s succès le 13 Juillet , mais enlevé le 22 de ce mois de Juillet 1845, Cachiman repasse au pouvoir d e s Haïtiens, qui le garden t défini t ivement et n 'en ont j ama i s été d é p o s s é d é s depu is , pas plus que de Los Pue r to s .

Les Dominicains y sont venus s eu l emen t met t re le feu en 1856, mais pour r en t r e r i m m é d i a t e m e n t d a n s leur can ton de Las Matas .—

Les c a m p a g n e s de 1849 et de 1856 n ' appor ten t pas de c h a n g e m e n t à la l igne.

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92 CHAPITRE V

A la fin de 1851, une tournée de l 'Empereur Sou louque d a n s le Nord fit croire chez nos voisins à l ' imminence d 'une nouvelle campagne. - -On appr i t que l 'Empereur avait qui t té Ouanamin the en route pour la ligne de l 'Ouest. Et la «Gace t a» , d o n n a n t les nouvel les des frontières, annonça qu ' à Hinche , Banica, Las Caobas , se t rouvaient en grand n o m b r e , des t roupes ha ï t iennes de toutes a r m e s et q u e le chemin de Hinche à Banica était r éparé de man iè re à faciliter le passage de l 'arti l lerie. On finit pa r c o m p r e n d r e que c 'était pour a t tendre l 'Empereur r eve ­nan t de Ouanamin lhe et r en t ran t à Por t -au-Pr ince . — Gacela du 2 Novembre 1851.

Tels sont les faits par lesquels s 'est établie la frontière qui , depu i s lors, est res tée formée au N o r d : en t re Es ­tero ba lsa et Massacre et par cet te r ivière du Massacre pa s san t en t re O u a n a m i n t h e et Dajabon; au c e n t r e : par le l leuve de l 'Artibonite passan t en t re le fort Biassou et le bourg de Banica et par une ligne passant en t re Ca-ch iman avec Los Puer tos du côté d'Haïti et C o m e n d a -do r de l 'autre cô t é ; au S u d : ve rs les Anses-à-Pi : re . (1)

*

Cont inuons nos invest igat ions à t ravers l 'histoire. Pe rs i s t an t d a n s la sépara t ion , mais se sen tan t de j o u r

en j ou r p lus m e n a c é s et affaiblis, les Dominica ins ne cessa ien t pas de soll ici ter l ' intervention des Pu i s sances é t r a n g è r e s en leur faveur. Baëz, à son ar r ivée au pou­voir en 1850, l 'obtint enfin. Les Consuls d 'Angleterre , de F r a n c e et des Etats-Unis à Por t -au-Pr ince furent au ­tor isés à agir ouve r t emen t .

De là les notes su ivan tes échangées , en t re a u t r e s , avec le G o u v e r n e m e n t de l 'Empereur .

(1) D'une vérification des limites sur une carte dressée, parait-il, vers 1860, on a tiré ce qui suit : « De l'embouchure du Massacre jusqu'aux montagnes qui dominent le lac Enriquillo, les limites de ta République d'Haïti suivent une ligne presque droite, passent entre le fort Biassou et le bourg de banica, coupent l'endroit appelé Matayaie, s'inflé­chissent un peu vers l'Ouest, tout en laissant sur Je territoire haïtien Marcassite et C a c h i m a n et retournent vers l'Est prés le lac Enriquillo qu'elles traversent au milieu, et aboutissent à la pointe de la Béate.

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ORIGINE ET DROITS DE LA RÉPUBLIQUE DOMINICAINE 93

« Port-au-Prince, le 18 Juin 1850.

« Les Agents souss ignés de la Répub l ique française, de la Grande-Bre tagne et des Etats-Unis d 'Amér ique en Haïti pr ient Monsieur le Ministre des Relat ions Exté­r ieures de por ter à la c o n n a i s s a n c e de l 'Empereu r que le Gouvernemen t de la Répub l ique domin ica ine a sollicité la média t ion d e s di tes pu i s sances pour me t ­tre un t e rme à l'état de guer re qui divise l'île en deux c a m p s e n n e m i s , au pré judice incessant de sa prospér i té et de l ' intérêt des neu t r e s qui sont en r appor t de com­m e r c e avec elle.

« Et c o m m e des actes d 'host i l i té v iennen t enco re d 'avoir lieu su r la frontière, et d 'occas ionner , ap r è s tant de sang inut i lement r é p a n d u , une nouvelle et inu­tile effusion de sang, les souss ignés s ' e m p r e s s e n t d ' in-io rmer l 'Empereur q u e leurs G o u v e r n e m e n t s dés i ren t qu' i l r e n o n c e à tout projet d ' invasion de la par t ie autrefois espagnole qui s 'est cons t i tuée en état s épa ré ; et qu ' accep tan t ce fait depu i s si l ong temps accompl i , S. M. se dé t e rmine à conc lu re un traité de paix et d 'amit ié avec la Répub l ique Domin ica ine .

« En c o n s é q u e n c e les souss ignés osent e spé re r qu ' in ­formé du vif intérêt que leurs G o u v e r n e m e n t s r e s ­pectifs por ten t à cet te Répub l ique , l 'Empereur c o m ­prendra l 'utilité, la convenance et la nécess i té d ' accéder au dés i r de paix don t ils sont les o rganes , et d o n n e r a son a s sen t imen t à une trêve ou suspens ion d ' a r m e s , qui s e r a i t i m m é d i a t e m e n t notifié par eux au Gouver­n e m e n t dominica in , et p récédera i t le traité définitif qui assure ra i t la pacification de l 'I le.

« Les souss ignés profitent de cet te occas ion p o u r renouvele r à Monsieur le Ministre des Rela t ions Exté­r i eu res l ' a ssurance de leur hau te cons idé ra t ion . « ( Signé ) Max. RaYBAUD, Consul Général de France, G.

Lennox W I K E , Conml d' S. M. B. en Haïti, G. E. U S H E R , agent commercial des Etats-Unis.

A. S. G. le Duc de TIBURON, Ministre des Relations Extérieures

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94 CHAPITRE V

« Port-au-Prince, le 25 Juin 1850.

« Le Ministre d e s Relat ions Extér ieures de l 'Empire d'Haïti a eu l 'honneur d e recevoir la note du 1 8 du cou ran t du Consul-Général d e la Républ ique fran­ça ise , d u C o n s u l d e S. M Bri tant ique et de l 'Agent Commerc ia l d e s Eta ts -Unis , p a r laquelle i ls por tent à la conna i s sance d u Gouve rnemen t d e S. M. que , su r la soll icitation d e s Prov inces d e l'Est, les t r o i s s u s ­d i tes Pu i s sances in te rv iennen t en média t r ices pour met t re un t e rme à l'état d e guerre qui divise ces p r o ­v inces du res te d e l 'Empire .

« Le Gouve rnemen t d e S. M. s ' empresse de pro tes te r aux Rep ré sen t an t s d e s trois Pu issances , d e s o n vif dés i r de la p a i x , d e ses in tent ions bienvei l lantes à l 'égard de ses conc i toyens d e s Provinces d e l'Est ; el q u e pour c e s ra isons et sur tout d a n s l'intérêt, d e l 'Em­p i r e et d e l ' h u m a n i t é , il a c c e p t e la médiat ion qui est offerte; mais pourvu qu'el le ait lieu d 'après les bases su ivantes :

« Réunion des Prov inces de l'Est au G o u v e r n e m e n t légit ime ;

« St ipulat ion, sous les ausp ices d e s P u i s s a n c e s m é ­dia t r ices , d e toutes les garant ies dés i rab les pour les-di tes Prov inces .

« Hors d e c e s c o n d i t i o n s , s'il s 'agissait d e consac re r la sépara t ion d e l'Est, le Gouvernement d e S. M. a la convict ion qu ' i l comprome t t r a i t l ' a v e n i r , la n a i i o n a l i l é et l ' Indépendance d'Haïti , en y consen tan t . Il a p l e i n e Confiance q u e l ' intervention des t r o i s P u i s s a n c e s est également impart iale el bienveil lante pour les d e u x pa r t i e s ; et il se refuse à c r o i r e q u e la médiat ion a u r a i t en vue d e lui d e m a n d e r un sacrifice qui s e r a i t le s a ­crifice m ê m e d e s o n e x i s t e n c e , à savo i r l 'unité d e s o n t e r r i t o i r e , c e t t e garant ie de sa naiionali lé .

« En a t t endan t , le souss igné e s t au tor isé à a n n o n ­cer a u x Représen tan t s des trois P u i s s a n c e s que S. M. l 'Empereur , p o u r preuve d e s o n dési r d 'a r rê te r l'effu­sion de sang, accède , dès à présent , à l e u r d e m a n d e

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O R I G I N E E T D R O I T S D E L A R È P U B L I Q U E D O M I N I C A I N E 95

d 'un a rmis t ice ou suspens ion d ' a rmes qui sera i m m é ­d i a t emen t p roc l amé .

« Le Ministre des Rela t ions Extér ieures profite d e cel le occasion pour renouveler au Consul-Général de Erance , au Consul d e S . M. Br i tannique et à l 'Agent Com­mercial des Etats-Unis l ' a ssurance de sa haute con­s idéra t ion.

( Signé ) L. DUFRÈNE. A Messieurs le Consul-Général de F rance , le Consul

de S. M. Br i tannique et l 'Agent Commercia l des E. U.

« Port-au-Prince, le 4 Mars 1851;

« Les Agents souss ignés des Eta ts-Unis , de la F rance et de la Grande-Bre tagne se conforment à l 'engagement pris par eux f lans la note qu ' i l s ont ad re s sée , le 25 du mois dern ie r , à M. le Ministre des Rela t ions Exté­r ieures d 'Haït i , de r é s u m e r p o u r la Commission n o m m é e le 24 dudit mois , les motifs qui ont dé t e rminé les P u i s s a n c e s dont ils sont m a n d a t a i r e s à exiger la ces­sation de la, guer re faite au peuple dominica in .

« Avant d 'exposer en aussi peu de mots que p o s ­sible la maniè re don t elles envisagent cet te ques t ion d ' h u m a n i t é et d ' in térê t général , ils rappel lent enco re ne pouvoir en t re r en a u c u n e discuss ion au sujet dé­cès motifs, ni conférer , si ce n 'es t su r la conclus ion de la paix ou de la t rève depu i s longtemps p roposées sans succès au Gouvernemen t de S. M. I.

« Ils d i sen t d o n c : « Aux yeux des trois h a u t e s P u i s s a n c e s , l ' indépen­

d a n c e des Dominica ins repose su r un droi t aussi sac ré , su r un p a c t e fondamental a u s s i r espec tab le , su r un fait aussi c o n s o m m é que ceux qui a s s u r e n t l ' indé­p e n d a n c e de l'Etat haïtien lu i -même. A leurs yeux, ce peuple es t en légitime p o s s e s s i o n de tous les t i tres qui cons t i tuent les nat ional i tés les plus incontes tab les , soit d 'une adminis t ra t ion régulière, d 'une législation pro tec t r ice à égal degré des p e r s o n n e s et des in té rê ts

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96 CHAPITRE V

de tous , d ' une organisa t ion mil i taire de te r re et demer , d 'un pavillon jou issan t des h o n n e u r s d u s à celui d 'un peuple l ibre, des rappor t s in te rna t ionaux par agents ac­c réd i tés , et m ê m e d'un premier traité solennel de r e c o n n a i s s a n c e et de c o m m e r c e avec l 'une des pre­miè res na t ions du monde . Placé d a n s l 'al ternative de r e n o n c e r à de tels avantages ou de comba t t r e pe rpé ­tue l lement pour les défendre , ce peuple a dû d e m a n ­de r l ' intervention des Pu issances auxque l les le lient les rappor t s in te rna t ionaux sus -men t ionnés pour sor­tir d 'une si tuation aussi violente.

« Il a dû l 'obtenir , parce q u ' i l ne suffit pas de quel­ques mots insérés dans la Constitution si souvent m o d i ­fiée de 1804 pour créer au peuple haïtien un droit de perpétuelle possession du territoire de son voisin ; possession dès lors fictive, restée à l'état de fiction pendan t dix-huit ans , redevenue fiction depuis s e p t , et q u i . — réalité t e m p o r a i r e , — n ' a d é m o n t r é que l ' impossibi l i té radicale de fondre ensemble deux r a c e s d 'origine, d ' hab i tude , de m œ u r s et de langage différents. (1)

«. M. Le Ministre des Relat ions Extér ieures a dit aux souss ignés , dans sa note du 24 Février, que leur proposi t ion de paix basée sur la sépara t ion de; ces races , que celle d 'une trêve môme cons t i tuen t des questions vitales pour l 'avenir du pays . C'est p r é t end re , en d ' au t res t e rmes , que l'Etat haïtien ne peut vivre s'il n ' anéant i t la nat ionali té d'un peuple dé t e rminé à pér i r plutôt que d'y r enoncer , s'il ne l 'anéantit par conséquen t lu i -même. La d é m a r c h e actuelle des trois Pu i s sances suffit pour établir à quel point elles r é ­p rouven t une pareille doc t r ine . Loin d 'apercevoir dans la fin de la guer re une ques t ion dange reuse à l'état

1 M. Ramon Abad après le Général D e la Gandara et â propos de re­mites naturelles qui n'existent pas entre les deux p e u p l e s , dit de son côté: pero sus diferencias de origen, idioma y costumbres establecem una linea divisoria perfectamete definitiva.

Eh bien! sur cette question d e race, prenez l e s habitants d e Saint-Raphael, Saint-Michel e t c , e t V o y e z , s ' i l s n e s o n t p a s t o u t - à - f a i t d'habitude de moeurs et de langage différents des Dominicains. Ils sont encore sous ce rapport, essentiellement haïtiens.

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ORIGINE ET DROITS DE LA RÉPUBLIQUE DOMINICAINE 97

1 . . . el emperador Soulouque invadiendo el territorio de la R e p u b l i c a bajo el pretexto de que acudia al l l a m i e n t o que le hacian los dominicanos para t r a t a r de la paz, no obstante les esfuerzos que por i m p e d i r l e hizo la mediacion, cuyos agentes Mr M. T. U s h e r , c o n s u l g e n e r a l de Inglaterra, y Mr E. Wiet, encargada de la L e g a c i o n de Francia, p r o t e s t a r o n el 8 de diciembre en Puerto Principe, y declararon al ministro haitiano de R e l a c i o n e s exte-

haï t ien, elles n'y voient pour lui que consol idat ion, q u e p rospér i t é future et cessa t ion d 'abord de sacrifices ru i ­neux dans un bu t va inemen t poursuivi depuis neuf a n s , d a n s un b u t d é s o r m a i s imposs ib le .

« Les souss ignés ont dit la pensée de leurs Gou­v e r n e m e n t s respect i fs . Elle r épond s u r a b o n d a m m e n t aux deux seu les objec t ions p ré sen tées par le cab ine t haït ien pour ne vouloir n i paix ni t rêve avec la n a ­tion domin ica ine . Ils e spè ren t donc que le Gouverne­men t de S. M. I. ne dou tan t plus des s en t imen t s d e vér i table . in térê t don t les trois Pu i s sances sont a n i m é e s à son égard, n ' a journera pas davantage la r éponse ca­tégor ique a t t endue à l e u r s proposi t ions .

« Les souss ignés d i r ec t emen t acc réd i tés a u p r è s dudi t Gouvernement terminent en déclarant qu ' i ls ne peuven t en t re ten i r de re la t ions avec lui p a r i n t e r m é d i a i r e s ; ma i s qu ' i l s seront heureux d e d iscu ter avec la commiss ion les m o y e n s les p l u s p r o p r e s à a t te indre le bu t de paci-l i c a t i on arrê té d e c o n c e r t p a r les trois Pu i s sances , si on juge convenab le d e l ' investir de pouvoi rs n é c e s ­s a i r e s à cet effet.

( S i g n é ) R. M.- W A L S H , agent spécial des E. U., Max. R A Y B A U D N Consul G é n é r a l de France, Th. U . U S H E R , Consul de la Grande Bretagne.

« A MM. les M e m b r e s de la Commiss ion ha ï t i enne .»

Ce à quoi nous voul ions arr iver , c 'es t cet te affir­mation formelle de la part, d e s Pu i s sances pro tec­tr ices (r) d e la Républ ique d o m i n i c a i n e : qu'il ne suf­fi! pas de quelques mots écrits d a n s la Constitution pour créer au peuple un droit de possession sur le territoire de

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98 CHAPITRE V

riores, su intencion de buscar, para oponerse à la invasion proyectada, el apoyo de las fuerzas navales de sus respectivas naciones;

Extrait du procès-verbal de la première conférence--5 mars 1851 — entre les C o m m i s s a i r e s h a i t i e n s les Sénateurs A Larochel, D. Labonté, V, P i e -sance et le c i t o y e n Laforestrie, C o m m i s s s i r e du Gouvernement et l e s agents de France, d'Angleterre el des Etats-Unis, s u r l e s d e u x propositions r e l a t i v e s à la Partie de l'Est, trausmises par ces derniers a u Gouvernement de S. M. l'Empereur d'Haiti:—

M. R O B E R T M, W a l s h , agent spécial dès Etats-Unis, avec chaleur: Vraiment, M M, n o u s a v o n s l i e u de n o u s é t o n n e r de c e s r e m i s e s continuelles d u G o u v e r -nement h a ï t i e n . Il semble qu'il veut se moquer des nôtres- Il y a déjà a s s e z longtemps que ce Gouvernement e s t s a i s i de la résolution d e s t r o i s P u i s s a n c e s . Je n e yeux, pour ma p a r t , attendre davantage; force me sera, de repartir s a n s réponse, et mon Gouvernement fera ce qu'il jugera convenable.

son voisin, alors que cette possession est fictive et est restée à l'état de fiction.

D o n F. de Castro avait, déjà di t 'en 1830:— L a Const i ­tution d e la Républ ique est un acte purement municipal qui n'oblige ni ne produit d'effet si ce n'est avec ceux qui l'ont contracté ( le. note); acte qui, étant comm.e on l'a dit purement municipal ne peut produire aucun effet su r le droi t des Etats i n d é p e n d a n t s qui n e reçoivent d e lois que celles q u i é m a n e n t d e la na ture et celles qu ' i ls s ' imposent volonta i rement par des trai tés et c o n v e n t i o n s (2e . note ad ressée a u x Commissa i r e s haï t iens B. Inginac, Secré ta i re Général , J. F . Lespinasse , S é n a t e u r et Fré-mon t , Colonel a i d e d e c a m p . )

Si tout cela était vrai à l'égard d ' H a ï t i , il l'est éga­lement à l'égard d e s D o m i n i c a i n s . Kl, à p l u s forte r a i s o n , car le Gouvernement d 'Ha ï t i a e u , p e n d a n t 22 années , la ferme p o s s e s s i o n d u terri toire s u r lequel il conserva i t d e s pré ten t ions , du t emps d e l 'Empi re ; t a n d i s que la Républ ique dominica ine n'a j a m a i s oc­cupé les q u a t r e c o m m u n e s s u r lesquelles elle élève d e m ê m e d e s pré ten t ions .

Enfin la paix est c o n c l u e . Et, à 7 a n n é e s d ' i n t e r ­valle, d e u x traités s o n t s i g n é s s u r la base d e s p o s ­s e s s i o n s a c t u e l l e s .

* *

C'est d o n c en v a i n , de t o u t e s façons, que les Domi-

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ORIGINE ET DROITS DE LA RÉPUBLIQUE DOMINICAINE 99

nica ins on t écri t d a n s leur Const i tut ion des l imi tes qu ' i l s ne possèden t pas .

Encore une au t re p reuve de cela dans cet te Cons" t i tution e l le -même. L'art icle 82 est la con t re ép reuve de l 'art. 3 . Il est sa réal isat ion p ra t ique et p o s s i b l e , et d o n n e toute la m e s u r e du droi t que pouva ien t s 'a t t r ibuer les Dominica ins d a n s la dé t e rmina t ion de leur terr i toire .

S 'agissant d ' a s semblées é lectora les pour la format ion desque l les il a été nécessa i re de faire le d é n o m b r e ­m e n t des c o m m u n e s et c a n t o n s , et aucune por t ion de l 'Etat cons t i tuée ne pouvan t ê t re pr ivée du dro i t de suffrage é lectoral , (I) le d é n o m b r e m e n t de l 'art. 82 e m b r a s s e n é c e s s a i r e m e n t et s ans except ion , tout ce qui est partie in tégrante de l'Etat.

Or, les qua t r e C o m m u n e s ne se t rouvent pas c o m ­pr ises d a n s l ' énuméra t ion , ce qui est u n e p reuve taci­t ement mais suff isamment avouée des Dominica ins que ces quar t i e r s et les pe r sonnes qui les habi tent se trou­vent tout-à-fait un d e h o r s du terr i toire et de la jur id ic­tion de la Répub l ique Dominica ine .

F rappan t exemple de la force de la véri té qui é c l a t e , malgré les soins et p récau t ions au moyen desque l s on voudrai t faire p r end re à de vaines fictions les ap­p a r e n c e s de la légalité !

Le droit de propr ié té et de souvera ine té doi t ê t re fondé su r que lque chose de positif et d'effectif.

Aussi , à not re égard , il r epose su r le tr iple fondement d e la p r e sc r ip t i on ,— d 'une adhés ion réelle et a n ­c i e n n e — et de cet te chose si é m i n e m m e n t r e spec ­table que le vœu des popula t ions .

P u i s q u e c 'est à ce de rn i e r point de vue sur tou t q u e nous n o u s s o m m e s p roposé d ' examine r la ques t ion ,

I A r t . 11. La nacion garantiza a los dominicanos 10 . . . 70. libretad del sufragio e n las elecciones populares, sin m a s restriccion que la menor dad de diez y ocho anos. Constitution dominicaine.

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100 CHAPITRE V

il est nature l que nous finissions ce chapi t re en invo­quan t les exemples cé lèbres de l 'application de la règle d a n s les t e m p s m o d e r n e s .

P o u r la réunion de la Savoie et de Nice à la F rance , le traité du 24 Mars 1800 st ipule qu ' «il est bien en tendu en t re LL. MM. que cette réunion sera effectuée sans nulle cont ra in te de la volonté des popula t ions . » —

La m ê m e règle in ternat ionale a prévalu dans le traité de Londres du 13 Juillet 1863 p o u r l 'annexion des I les Ioniennes au royaume de Grèce.

M. Drouyn de Lhuis écrivait , le 20 Mars 1864, à l 'Am­b a s s a d e u r d e France à la Conférence de Londres p o u r la quest ion d e s d u c h é s d e l 'Elbe: «Quoi donc de plus n a t u r e l , à d é f a u t d ' u n e règ le u n a n i m e m e n t accep tée que de p rendre p o u r b a s e le vœu des p o p u l a t i o n s ? — Et M. de Beust, d a n s sa n o t e du 29 J u i n 1864 à L o r d R u s s e l l , rappelait la proposit ion faite par le p lén ipo­tentiaire a l lemand d e mettre à toute cession du terr i toire Schleswicois au profil du D a n e m a r k la condi t ion abso lue d u c o n s e n t e m e n t d e s popula t ions . . . . l'offre de faire d é p e n d r e le sor t futur d e s p o p u l a t i o n s d e l e u r choix .

E t en effet, par l ' a r t . 5 de la paix d e P r a g u e , 23 a o û t 1866, on voit l 'Autr iche céder à la Prusse tous s e s dro i t s acqu i s p a r la paix de Vienne du 30 Octobre 1864, sur les d u c h é s de Holstein et de Schleswig, s o u s la réserve s u i v a n t e : — «Si les p o p u l a t i o n s des dis t r ic ts s e p t e n t r i o ­n a u x du Schleswig font conna î t re , p a r un libre vote, leur dés i r d ' ê t re r é u n i s au D a n e m a r k , c e s dis t r ic ts d e ­v r o n t ê t r e r e t r anchés du Schleswig p o u r faire re tour à l 'E ta t d a n o i s , » (1)

Des deux traités conc lus à Vienne pour la cess ion de la Vénétie, le second , celui du 3 Octobre 1866, ré tabl is­sant la p a i x e n t r e l 'Autr iche et l 'Italie, por te q u e l 'Em-

1 Il n'est pas ici question, bien entendu, de la parfaire sincérité de tous les hommes d'Etat, qui soutenaient ainsi le droit pour les populations de disposer d'elles-mêmes. Il s'agit de l'hommage rendu au principe par les hommes les plus disposés même à faire largement usage de la force. -- Ce qui suffit.

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O R I G I N E E T D R O I T S D E L À R É P U B L I Q U E D O M I N I C A I N E 101

p e r e u r des F rança i s «s 'é tant déclaré prê t à reconna î t re la réunion du royaume lombard-véni t ien aux Etats de S. M. le Roi d'Italie sous réserve du consentement des popula­tions dûment consultées, l 'Empereur d 'Autr iche consenta i t à cette r éun ion .»

Et rée l lement ce n 'est point par la seule vertu d 'une déc la ra t ion , que le pr inc ipe des nat ional i tés fit le r o ­y a u m e d'I tal ie. Les annex ions ont été success ivement d e m a n d é e s et opérées ,— avouées et consen t ies par les popu la t ions annexées , s a n s en excepte r aucune . —

Par le trai té s igné le 10 Août 1877 en t re la F r ance et la Suède , la cession de l'île Saint Bar thélemy fut pac i f iquement consen t ie s o u s la réserve expres se de se conformer aux vœux des hab i t an t s ; et la cession fut conc lue déf ini t ivement , lo rsque la populat ion eut manifes té le v œ u de s 'uni r a u x p o s s e s s i o n s françaises ainsi que cela est déc laré d a n s le protocole du 31 Octobre de la m ê m e a n n é e .

On peut lire enfin ce que vient de rappe le r un j ou rna l : qu ' en 1883, après la guerre ma lheu reuse pour le Pé rou et la Bolivie, le Pérou ayant du céder au Chili les deux provinces de Tacna et Arica, une d e s c l auses du traité de paix s t ipule qu 'en 1803, les popu la t ions d e s p rov inces cédées seront a p p e l é e s à déc larer par un plébisci te si el les veulent res ter sous la. domina t ion chi­l ienne ou si elles d e m a n d e n t leur r e tou r au Pé rou . ( Voir Courr ier des Etats-Unis du 2 Juin 1903. )

Maintenant , qu 'on a i l le vo i r , si l 'on en p o u v a i t dou te r , quel le est la volonté d e s peuples de S t . Raphaël , S t . -Michel, Hinche et Las Caobas , pour être haï t iens ou domin ica ins .

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CHAPITRE VI

RÉSUMÉ

SOMMAIRE. — Faits et conclusion en droit. — Principes du droit des gens appliqués.

Dans cette é tude chargée de détai ls afin de ne la isser a u c u n e de nos affirmations s a n s preuve i m m é d i a t e , nous n ' avons pas cra in t , pour ce motif, de paraî t re t rop long. Nous ne c r a i n d r o n s pas non plus de para î t re ici n o u s répé te r , s'il en devait résul ter un tableau d ' ensemble de cequ' i l y avait à met t re en relief, et qui se ra d ' au tan t p lus sa i s i ssan t que les faits pa r l e ron t tout seu l s . — R é ­cap i tu lons donc .

Le traité d 'Aranjuez est conclu pour les l imites don t on avait déjà la possess ion de fait.

Il est conclu en t re l 'Espagne et la F r a n c e . Déchi ré par les Espagnols qui envah i s sen t la colonie

française, déch i ré par l 'épée de Toussa in t -Louver tu re se r e t o u r n a n t cont re l 'Espagne, il est j u r i d iquemen t an ­nulé par le traité de Bâle signé en 1795.

Par ce dern ie r , toute l'île est r éun ie sous la domina­tion de la France .

1804 et 1809. Les Haï t iens acqu iè ren t leur territoire par leur guer re de l ' Indépendance contre les Français don t les surv ivants se re t i rent et se ma in t i ennen t d a n s la partie o r i e n t a l e .

Cette p ré sence , d a n s la m ê m e île de- deux peuples s é ­p a r é s et en guer re , d o n n e lieu à une frontière nouvel le et tout a u t r e que celle qui ex i s t a i t p r é c é d e m m e n t , d a n s ses l ignes c o m m e d a n s sa na tu re .

Cependan t l 'Espagne se r eme t en possess ion de la pa r ­tie de l'Est, d 'abord de vive force par l 'expulsion des fran­çais en 1809 et six a n s a p r è s , par le trai té de 1814.

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1 0 4 CHAPITRE VI

Elle r ep rend la colonie et accep te les frontières telles qu 'e l les se t rouvaient a lors .

Elle o r d o n n e m ô m e formel lement de les respecter . « On conse rve ra avec eux (Pét ion et Chr is tophe ) la. b o n n e h a r m o n i e , en respec tan t les l imites des deux pays . » Ins ­t ruc t ions du Gouverneur de P o r t o - R i c o .

1821. Les Espagnols son t c h a s s é s de Santo Domingo et l ' incorporat ion à la République d'Haïti s ' ensu i t ,— sou­hai tée et d e m a n d é e par la majori té et s a n s difficulté ac­cep tée pa r la totalité des hab i tan t s de l'Est.

1830. D e m a n d e de l 'Espagne r éc l aman t la colonie d a n s l 'état où elle était en 1821. Sur le refus d'Haiti , elle n ' in ­s is te p a s .

L'île ent ière unifiée joui t d 'une paix ina l té rab le j u s q u ' à la chu te du P rés iden t Boyer en 1843.

A cette époque s 'ouvre l 'ère des révolu t ions qui d é c h i ­rèrent le sein de la Républ ique et don t la p lus c o n s i d é ­rab le par ses résu l ta t s fut celle qui éclata à San to -Domin­go le 28 février 1844.

Au m o u v e m e n t de Santo-Domingo les u n s se jo ignent vo lon ta i rement , les au t res forcément . Il e m b r a s s e deux Dépa r t emen t s p lus ou m o i n s pour former un Etat i ndé ­p e n d a n t , sous le n o m de Répub l ique domin ica ine .

Les insurgés se met ten t en m e s u r e de lut ter con t r e le G o u v e r n e m e n t don t ils se sépa ra ien t et qui voulait na­tu re l l emen t les faire r e n t r e r s o u s son autor i té .

Le succès , au débu t , dépas se leur a t ten te , grâce aux t roub les qui bou leversa ien t éga lemen t les au t r e s pa r t i e s d u p a y s . Les espr i t s et les p ré t en t ions s ' exa l ten t : les in­su rgés a m b i t i o n n e n t b ien tô t de d o n n e r au nouvel Etat les m ê m e s l imi tes q u e posséda i t a n c i e n n e m e n t la colo­nie espagnole . Ils se t r acen t un p r o g r a m m e .

Ils font a lors ce que n o u s fîmes en 1804. Ils me t t en t d a n s leur Const i tut ion les vieilles l imites espagnoles , c o m m e n o u s m î m e s d a n s la nô t r e l'île ent ière p o u r for­m e r n o t r e t e r r i t o i r e ,

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RÉSUMÉ 105

En état d ' insur rec t ion , on s 'organise de fait c o m m e on peut , on met d a n s son p r o g r a m m e ce qu 'on veut.

Sans dou te , ces dés i r s , ces v œ u x d 'une por t ion de peup te soulevée qui se t race un cadre où se ront posées d é s o r m a i s les b a s e s de sa Const i tut ion pol i t ique, de­m a n d e n t p o u r ê t re pr i s en cons idéra t ion que les a r m e s de l ' insurrec t ion se t rouven t assez fortes p o u r les t radui­re en fait.

Or, des popu la t ions que le m o u v e m e n t de la ville de Santo Domingo compta i t rall ier avec leurs te r r i to i res , r e ­fusèrent de le su ivre , — le comba t t i r en t avec a rdeur , au cont ra i re , et con t r i buè ren t p lus que toute au t re à le refouler et con ten i r d a n s la ligne que venaient de c r ée r les c i r cons t ances et q u e ma in tena ien t à g rand 'pe ine les efforts d e s in su rgés .

T e n u s à d i s tance et forcés à c h a q u e fois de recu le r de­vant les a r m é e s du Gouve rnemen t avant de pouvoir re­p r e n d r e les posi t ions et r e t r a n c h e m e n t s du p remie r mo­men t , les insurgés n é a n m o i n s par l 'opiniât re té de leur r é s i s t ance , r éuss i s sen t enfin à ob ten i r la paix et la re­conna i s sance de leur i n d é p e n d a n c e .

Un p remie r trai té où se t rouve un article s u r les pos se s s ions ac tuel les , est s igné et res te imparfai t , faute de ratification ha ï t ienne .

Un second , ratifié et s anc t ionné par les deux Eta t s , reçoi t un c o m m e n c e m e n t d 'exécut ion en ses p r inc ipa les par t ies . N o t a m m e n t , la Const i tut ion domin ica ine est m o -difiée pour être en h a r m o n i e avec l 'article du traité qui c o n c e r n e les l imites en les réglant su r la base des pos ­ses s ions ac tuel les .

Voilà le fait, d 'où la conc lus ion en dro i t : Re la t ivement à l 'Espagne : Le trai té d 'Aranjuez con t rac té à u n e époque où n o u s

n 'exis t ions pas et auque l depu i s , n o u s n ' avons pas eu à a d h é r e r , n o u s est c o m p l é t e m e n t é t ranger et ne n o u s es t opposab le en aucun cas . En t re les Par t i es con t rac tan tes elles m ô m e s , la confusion des deux te r r i to i res pa r l'effet

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106 CHAPITRE VI

du traité de Bâle avait fait déjà d ispara î t re toutes fron­t i è r e s t e r res t res , d é s o r m a i s s a n s objet.

La conquê te haï t ienne su rvenan t d a n s l ' intervalle, l'Es-pâgné lorsqu'el le revint à Santo-Domingo en lieu et p l a c e d e la France , n 'a pu p r e n d r e le terr i toire que d a n s l'état où elle le re trouvai t . Et c 'es t b i e n c e qu'elle a fait; de m ê m e qu 'e l le a a b a n d o n n é c o m p l é t e m e n t la p a r t i e , ap rès la d é m a r c h e u n i q u e e t faite en v a i n , en 1830, pour récla­m e r le terr i toire colonial p e r d u en 1821 et incorpore à la Républ ique . —

Haïti put donc lui oppose r efficacement et la conquête et la prescr ip t ion; quand en 1862, elle prit texte, d u traité d 'Aranjuez pour r éc l amer d e s posi t ions dont elle avait p lutôt b e s o i n pour s a d é f e n s e mili taire

Quant à la Répub l ique domin ica ine , née d ' u n e insur­rection qui a, dé t aché d u co rps soc i a l haïtien d e s popu­lat ions qu i en faisaient part ie depu i s 22 a n n é e s sans trou­bles , c 'est la volonté des populations e t le succès d e ses a r m e s consac ré p a r la p a i x conc lue , qui ont pu seuls lui d o n n e r légitimement des droi t s souvera ins et terri­tor iaux.

Elle n 'en a donc aucun , là où cet te volonté populaire a m a n q u é et où ses a r m e s v ic tor ieuses n e l ' on t p a s ins ­tallée.

D'ai l leurs, lors de la r éun ion de 1822 à la Républi­que d'Haiti , les hab i t an t s de l 'Est n e sont . pas venus c o m m e un co rps cons t i tué (univers i tas) qu i vient en bloc se réu­nir à un au t re , pouvan t donc s'il arr ivait une d é s u n i o n , se re t i rer en bloc a u s s i , avec tout c e que c o m p o r t e une p e r s o n n a l i t é in ternat ionale t o u j o u r s restée dis t incte , com­m e c 'eût été le cas d a n s une confédérat ion d 'Etats .

A u cont ra i re , l ' incorporat ion d e 1822 a é t é f a i t e p a r f rac­t ion, quar t i e r par quar t ie r ; e l le a eu lieu par exemple à Monte-Chris t e t à Dajabon 15 j o u r s avant, q u e l e joug espagnol eût é t é secoué d a n s la ville de Santo Domin­g o . — Donc advenan t u n e sépara t ion , la volonté d ' un ou p lus ieurs g roupes d e popula t ion ne peu t pas faire loi né­ces sa i r emen t p o u r tous les au t res , qui res ten t , c h a c u n ,

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RESUME 107

ind iv idue l lement et éga lement l ibres de suivre ou de ne pas suivre le m o u v e m e n t sépara t i s t e .

De là, l 'applicat ion d e la règle uti possidetis lors du t ra i té de 1874, qui , employan t le t e rme don t s 'était déjà servi celui de 1867 d a n s une disposi t ion moins décis ive, a. ac­cep té et consent i la dél imitat ion des frontières sur la ba­se des possessions actuelles.

Après tout , no t re conclus ion est s imp lemen t dédui te des p r inc ipes du droi t in te rna t iona l , — de ce môme droi t d e s gens que la Consti tut ion domin ica ine déc la re faire par t ie de la législation de la Répub l ique . ( 1 )

C'est donc c o m m e p o u r finir par un a rgumen t de texte q u e n o u s al lons r ep rodu i r e , avec indication de c h a q u e point , les p r inc ipa les règles de droi t appl icables et appl i ­q u é e s d a n s la mat iè re . —

Le traité d'Aranjuez et le traité de Bale. P o u r l 'abrogation définitive des traités, il tant « que

« leur contenu soit incompat ib le avec les s t ipula t ions du « traité de paix, c o m m e ce qui a lieu, par exemple , en « ce qui c o n c e r n e d ' anc iens t rai tés relatifs à la délimi­« tation des frontières en t re deux Eta ts . Ces t ra i tés res ten t « en vigueur si la paix n ' en t ra îne pas une cession du terri-« toire et pa r t an t une modification de la f ront ière ; mais « ils cessen t de fait si la frontière ne reste plus la m ê m e . » Calvo. Le droit international théorique et pratique § 3152.—

Possessions acquises en 1804 et 1809 par Haiti, nou-veau conquérant, après la cession du pays par l'Espa­gne à la France.

« Aussi tôt qu 'un souvera in par le traité définitif de paix. « a cédé un pays au conqué ran t , il a a b a n d o n n é tout le « droi t qu'il y avait , et il serai t a b s u r d e qu'il pût r e d e -« m a n d e r ce pays à un nouveau c o n q u é r a n t qui l 'arra-« che au p remie r , ou à tout au t re p r ince qui l 'aura acqu is

1 Art. 106. El derecho de gentes hace parle de la legislacion de la Repu­blica; en consecuencia, etc.

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108 C H A P I T R E V I

« à pr ix d 'argent , par échange et à que lque titre que ce « soit » Vattel Liv. III § 198 V.ibid.§ 212. Cf. Calvo§. 2456. Bluntschli art . 733.

Traité espagnol de 1814 avec la France et même celui de 1 8 5 5 avec la République dominicaine. Cession de territoire.

« Les na t ions n e sont la propr ié té de pe r sonne , et il « est absu rde de p ré t endre qu 'on ait le droi t de d i spose r a des pays ou des p e u p l e s cornine on d i spose d 'une fe r -« me ou d'un t roupeau de bétail don t on est le maî t re . » P inhe i ro Fere i ra . —

« Aujourd 'hu i les na t i ons ne cons t i tuen t p lus une sor te « d e t r o u p e a u d o n t l ' a t t r ibut ion à tel ou tel p a y s se dé-« cide a u t o u r du t a p i s v e r t d ' u n congrès ; d é s o r m a i s p o u r « r e n d r e définitifs el valides la c e s s i o n , le transfert ou « la v e n t e d ' u n terr i toire , il faut q u e les hab i t an t s m ê m e s « du pays appe lé à changer de nat ional i té y d o n n e n t l e u r c o n s e n t e m e n t e x p r è s ou tacite. — » Calvo § 290.

« P o u r qu'une c e s s i o n d e terr i toire soit valable il faut : « a) L 'accord de l'Etal cédan t et d e l'Etat cess ionna i re ; « b ) U n e p r i s e d e p o s s e s s i o n effective de la pa r t de

« l 'Etat a c q u é r e u r ; « c ) C o m m e m i n i m u m la r e c o n n a i s s a n c e de lacess ion

« par les p e r s o n n e s qu i , hab i t an t Je te r r i to i re cédé et y « j o u i s s a n t de l e u r s droi t s pol i t iques , p a s s e n t au n o u -» vel Eta t ;

« d ) L 'absence d 'obs tac les graves d e n a t u r e in te rna­« t i o n a l e . » Bluntschli . Le Droit international codifié, a r t . 286.

Réunion de 1822.— Prise de possession après abandon et renversement dun premier Gouvernement. Union de deux pays,

« Un Etat peut , s a n s cess ion formelle, p r e n d r e p o s -<i session du terr i toire d 'un au t re Etat et se l ' incorporer « l éga lement :

« a ) Lo r sque l 'Etat é t ranger r e n o n c e aux dro i t s de la « souvera ine té qu'i l exerçai t p r é c é d e m m e n t ;

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RÉSUMÉ 109

« b ) Lor sque la popula t ion a r enve r sé son Gouverne -« ment p o u r se j o ind re l ib rement à un au t re Eta t ;

« c ) Lorsque le p r o g r è s et le bien publ ic exigent la « f o r m a t i o n d ' u n g r a n d Etat n a t i o n a l .

« Dans tous les cas c i -dessus , la r econna i s sance du « nouvel état de choses , pa r les popula t ions est n é c e s ­sa i re . » Id. art . 288.

« . . . à l'égard d ' u n Etat qui s 'est rendu volonta i rement au va inqueur . Si les peup les , t rai tés non plus en enne ­mis , mais en vrais sujets , se son t soumis à un Gouver­n e m e n t légitime, ils relèvent d é s o r m a i s d ' u n nouveau souvera in , ou ils son t incorporés à l 'Etat c o n q u é r a n t ; ils en l'ont part ie , ils suivent sa d e s t i n é e , l e u r a n c i e n Etat es t ab so lumen t dé t ru i t ; toutes ses re la t ions , toutes ses al l iances expirent . Vattel Liv. III. § 213

En général : « Le droit , i n t e r n a t i o n a l accorde sa s a n c t i o n aux évé-

« nemen t s qui su rv iennen t d a n s le m o n d e , lorsque For­« dre d e c h o s e s ex i s tan t , d e fa i t p r é s e n t e d e s g a r a n t i e s « suffisantes de du rée . » Bluntschli , a r t . 28.

« L ' h i s t o i r e , qui nous d é m o n t r e la puissance des faits « et nous fait voir ce q u ' o n p o u r r a i t a p p e l e r le droit vi-« vant, a détrui t d ' a n c i e n s d r o i t s et en a fondé de n o u -(c veaux. Lorsque des d r o i t s sont d e v e n u s i n s o u t e n a b l e s , « ils tombent , e t lorsque les d r o i t s n o u v e a u x o n t établi « l e u r autori té e t leur p u i s s a n c e , on ne peut plus les « ignorer. » Id. Rem s o u s l'art. 38

Prescription. « . . . lo rsque l 'occupation a c e s s é d e la p a r t du p re ­

mie r p o s s e s s e u r , et que c e l u i - c i souf f re l ib rement qu ' un au t re Etat o c c u p e s a n s son c o n s e n t e m e n t ce terr i toire p e n d a n t une l o n g u e p é r i o d e , ce fait peu t e n t r a î n e r la per te de la possession c o m m e conséquence d e la p r é ­s o m p t i o n v o l o n t a i r e d ' a b a n d o n d e sa part . — » P. F iore , Droit international public. 865. Grot ius , e tc .

« Bien que la conquê te d ' u n terri toire ail en général lieu à la sui te d 'ac tes de violence et d e guer re , elle peu t cependan t avoir p o u r c o n s é q u e n c e l 'acquisit ion de

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110 CHAPITTRE VI

la souvera ine té du terr i to i re conqu i s . Elle est un m o d e légitime d ' acquér i r un terr i toire lorsqu 'un traité ou, à défaut, la r econna i s sance par la population des change ­men t s su rvenus , a d é m o n t r é la nécess i té du nouvel or­dre de choses .» Bluntschl i , art . 289.—

« Peut-on, pour les peuples et les Eta ts , cons idé re r l 'usucapion et la prescr ipt ion c o m m e des m o d e s régu­liers et no rmaux d 'acquér i r la p ropr i é t é? Si l'on a d m e t que ces deux formes d 'acquisi t ion sont fondées et légi­t imes en droi t naturel , on est log iquement condui t à sou ten i r qu 'e l les sont éga lement conformes aux pr inc ipes du droi t des gens et que ; dès lors, elles doivent auss i s ' appl iquer aux nat ions . Calvo § 264. e tc .

«A la renoncia t ion e x p r e s s e équ ivau t l ' abandon ef­fectif du terr i to i re . » Bluntschl i , 2 e r em. sous l'art. 288.

Format ion de la République dominicaine, 1 8 4 4 . « En droit , le c o n s e n t e m e n t ou la volonté des na t ions

est, le seul r endement légitime de tout pouvoir huma in . » Vattel.

« En morale; et en just ice , le c o n s e n t e m e n t l ibre des peuples e s t la seule base légitime et ra i sonnable d e s G o u v e r n e m e n t s » Bur lamaqu i . —

« L'Etat doit être cons idé ré c o m m e légi t imement cons­ti tué, lorsqu'il est une libre associat ion d ' h o m m e s , ras­s emblé s pour la vie c o m m u n e de leur propre volonté ex­presse ou tacite su r un terr i toire qu ' i ls habi tent d 'une facon pe rmanen te , et, manifestant la volonté cons tan te et s incère de rester unis par la c o m m u n a u t é des m œ u r s , des inst i tut ions, d e la cul ture , et par un Gouvernemen t au­tonome , conforme au voeu de la majorité. » P. F iore . 294. —

La const i tut ion domin ica ine , en effet, d i t : « Art 1 e r La nation domin ica ine est la réunion de tous les domin i ­ca ins associés sous un m ê m e pacte poli t ique.—

Art. 1er et 3 de la Constitution dominicaine. « La Constitution de la Républ ique est un acte pure -

ment municipal qui n'oblige ni ne produit d'effet si ce n 'est , avec ceux qui l 'out con t rac té .» Don F. de Cas t ro en 1830

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RESUME 111

« Il ne suffit pas de que lques m o t s insé rés d a n s la Cons­titution pour c rée r au peuple un droi t de possess ion sur le terri toire de son voisin, a lors que cette pos se s ­s i o n est fictive et est res tée à l'état de fiction. — » Les Consuls des t rois Pu i s sances pro tec t r ices de la Républ i ­que, domin ica ine en 1850.

« Il est imposs ib le d ' adme t t r e qu' i l suffise d ' énoncer une pré ten t ion seu lemen t réal isable d a n s l 'avenir pour se c réer so i -même un titre p ropre à fonder un droi t de propr ié té . — » Calvo §. 2457, 2 e al.

Guerre de la séparation et paix conclue. « Et c o m m e les choses don t le traité de paix ne dit

rien res tent dans l'état où elles se t rouven t au m o m e n t que la paix est conc lue et sont t ac i t ement cédées de p a r t ou d 'aut re à celui qui les possède , d i sons» etc . Vat-tel liv. I II § 216.

« Le traité de paix laisse toute chose d a n s l'état où elle se t rouve, à moins qu'i l n'y eut s t ipulat ion expresse du Contraire. S'il n 'es t rien, dit su r les places et le pays c o n ­q u i s ils res tent au va inqueu r don t le titre ne peut , par la suite, être remis en ques t ion . — » W h e a t o n . Eléments du droit international. T. I I 3 e §.

« L'état de possess ion au m o m e n t de la conc lus ion de la paix est, à moins de d ispos i t ions con t ra i r e s , cons i ­déré c o m m e la base du nouvel o rd re publ ic e n g e n d r é pa r la paix. Chacun conserve la souvera ine té du t e r r i ­toire qu'i l occupe . » Bluntschli , art. 715.— V. aussi Calvo 3138 et 3150.

Art. 4 du traité de 1874. Possessions actuelles. Uti pos­sidetis.—

«Selon Bello: la c l a u s e qui rep lace les choses d a n s l'état an té r ieur à la guer re , in statu quo ante bellum, a rappor t un iquemen t aux propr ié tés terr i tor ia les et se b o r n e aux c h a n g e m e n t s que la guer re a p rodui t s d a n s leur p o s s e s s i o n na tu re l l e ; la b a s e de la possession a c ­tuelle, uti possidetis, s e rappor te , au con t ra i re , à l 'épo­que indiquée dans le traité de paix, ou, à défaut, à la date m ê m e du t ra i té .— » Calvo, loco citato 3150.

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APPENDICE

Observa t ions de M. T h o m a s Bobadi l la su r les no te s échangées en t re le p lén ipotent ia i re du Roi d 'Espagne et ceux d e la Répub l ique d 'Haït i , t ouchan t la r éc l ama t ion et la p o s s e s s i o n de la par t ie de l 'Est. — ( 1 )

Santo-Domingo, le 5 Juillet 1830 an 27 de l'Indépendance.

THOMAS BOBADILLA, hab i tan t de cet te ville,

Au généra l de Division Borgella, c o m m a n d a n t l 'Arron­d i s s e m e n t de San to -Domingo .

Mon e s t imab le généra l ,

Le manifes te des c o m m u n i c a t i o n s qui ont eu lieu e n ­tre le P lén ipoten t ia i re du Roi d 'Espagne et les c o m m i s ­sa i res de no t re Gouve rnemen t , re la t ivement à la réc la­mat ion de la possess ion de cet te par t ie , est t ombée en t re m e s m a i n s ; et la lec ture que j ' e n ai faite m ' a condui t aux obse rva t ions que j 'a i l ' honneur de vous a d r e s s e r sous ce pli, afin q u e si vous leur trouviez le mér i te suf­fisant, vous en fassiez l 'usage que v o u s jugerez conve­nab le .

Je n'ai eu p o u r but en e n t r e p r e n a n t ce petit ouvrage q u e le bien qui en peu t résul te r , et en le me t t an t à votre d ispos i t ion , que la cons idéra t ion que je ne p o u v a i s mieux l'offrir qu ' à celui qui a pris tant d ' in té rê t à ce pays , et à celui su r lequel c o m p t e n t tous les b o n s c i toyens p o u r les c o n d u i r e à la victoire , si l 'occasion se p résen te .

Je suis avec amit ié et r espec t votre t rès dévoué se r ­vi teur .

T. BOBADILLA.

1 Cet écrit fut imprimé en Espagnol et en Français.— M. T. Bobadilla, comme on sait, devint en 1844, Président de la junta central gobernativa, pour la séparation.

8

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114 APPENDICE

Lorsque les no tes officielles qu i nous ins t ru i sen t des c o m m u n i c a t i o n s qu i ont eu lieu ent re le P lén ipoten t ia i re de Sa Majesté Cathol iqne le Roi d 'Espagne et les com­missa i r e s de la Républ ique d o n t je s u i s m e m b r e , de­m a n d a n t la r emise et la possess ion de la partie autrefois espagnole , t o m b è r e n t en t re mes m a i n s , j e n'ai pu m 'em-péche r d ' a d m i r e r l e s fanfaronnades de l'un et la modé­rat ion d e s a u t r e s s o u t e n a n t la négative avec ce l a n g a g e m o d e s t e q u ' o n doit employer d a n s de semblab l e s cir­c o n s t a n c e s . Mais ce q u i m'a le p l u s é tonné , c'est que d a n s le 19 e s i è c l e , s iècle d e s lumières , siècle où les pro­grès d e la r a i s o n se s o n t r é p a n d u s de tous cô tés , il se t rouve d e s a p o l o g i s t e s d e l ' injustice qu i méconna i s sen t les dro i t s impresc r ip t ib l e s de la na ture , et qui v e u l e n t avec une c o n f u s i o n de paro les et d e droi t i m a g i n a i r e s fasciner l e s au t res , les cons idé ran t incapables de con­cep t ions cla i res et d ' u n vér i table a m o u r p o u r les ins t i ­tu t ions sociales c réées p o u r l'utilité e t le bien c o m m u n d e s h o m m e s et p o u r leur inspirer l ' amour de la pa t r ie . Oui, à sa voix ha rmon ieuse q u i retenti t avec p l a i s i r à l 'oreille d e s Républ ica ins , qui leur inspi re pour elle le m ê m e a m o u r que pour e u x - m ê m e s , qu i fait de son bon­h e u r et de sa gloire une propr ié té indivise, é t o n n é , dis-je, de cet te condui te , et m e r a p p e l a n t ce q u e dit Pla ton, due tout ce qui est dans un état se trouve dans l'homme, j ' a i pr is la p lume p o u r d é f e n d r e le mien et les outrages faits à la justice et à la raison.

Je s a i s b i e n que le Gouve rnemen t n 'a pas b e s o i n du faible c o n c o u r s d e m o n b r a s , et q u ' a y a n t accompli son devoir , ma d é m a r c h e parait ê t re superf lue, m a i s il n 'en sera point a i n s i si l 'on cons idè re q u e je ne m ' a d r e s s e qu ' à m e s conci toyens auxque ls il impor te de découvr i r la vér i té , d e vivre u n i s et fe rmement d i sposés à c o m b a t ­tre la t y r a n n i e , et à ne po in t faire un p a s ré t rograde qui n o u s c o u v r i r a i t d ' u n opprobre é ternel .

J 'emploierai l 'analyse et je suivrai les faits p a s à pas , m ' a r r é t a n t su r ceux q u i m ' o n t pa ru les p lus c h o q u a n t s . Si par sui te de l ' i ncohérence d e s p a s s a g e s , je ne suis point u n e d i s p o s i t i o n o r a t o i r e , j e p r i e les l e c t e u r s de pa rdon­ner le défaut d e méthode et d e n e p o i n t r eche rche r le b e a u et l 'agréable , ma i s l 'utile.

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APPENDICE 115

J'ai obse rvé d ' abord ce qui es t dit pag. 5 lig. 18, q u e la séparation des habitants de l'Est n 'a été que temporaire et par suite de circonstances très particulières.— Par t em­pora i re on a toujours e n t e n d u une chose in t e rméd ia i r e , et je ne sais p a s c o m m e n t il s e fait que no t re sépara t ion se t rouve d a n s ce ca s . Elle a été toujours non i n t e r r o m p u e s p o n t a n é e , et a eu lieu par sui te de c i r cons t ances t rès légi t imes et trés par t icul ières , telles quece l l e s de se sous­t ra i re et avec ra ison au despo t i sme , à. l ' a rbi t ra i re , à l'ou­bli et au mépr i s d a n s lesquels nous é t ions ensevel is , et de n o u s p r o c u r e r des avantages sociaux, de secoue r te jOug de l 'esclavage et de l 'oppress ion .

Le p remie r devoir d 'un peuple est de veil ler à sa con­servat ion, et d ' employer les m o y e n s de se p rocu re r les p lus g r a n d s avantages , et la plus g rande quan t i t é de b i ens .

A la page 6 ligne 11 , S. M. C. manifeste l ' intention de faire rentrer les habitants de l'Ile Santo-Domingo, au nom­bre de ses vassaux, c ' e s t c o m m e s'il disai t au n o m b r e de m e s esc laves , afin qu ' un i s au tour de mon t rône , ils y t ra înent les cha înes de leur dégrada t ion . Tel sera i t no ­tre so r t : le mépr i s , l ' opprobre , tout concou r r a i t à no t re plus g r a n d e humi l i a t i on ; et ce mo t mes vassaux d o n n e à e n t e n d r e que n o u s s o m m é s un pa t r imoine par t icul ier et non par t ies cons t i tu t ives d 'un état c o m m e ind iv idus de la souvera ine té qui réside d a n s les peup les , et qui Constitue l epac t e et l 'être moral qui doit d i r iger le co rps social .

pag. 10 ligne de rn iè re , on parle de nouveau de la ren­trée des habitants de cette partie sous la domination pater­nelle de Sa Majesté, c o m m e si n o u s ne c o n n a i s s i o n s point s a sol l ici tude paternel le , c o m m e si n o u s (Missions oubl ié quelle fût la r é compense qu'il d o n n a aux bons Espa­gnols , qu i , lorsqu ' i l a b d i q u a ... la c o u r o n n e en faveur du g r a n d Empereur , s e sacrifièrent p o u r la lui faire res­tituer, p o u r le défendre, lui faire c e i n d r e de n o u v e a u le d i adème , et a g r a n d i r la n a t i o n . Les suppl ices , l 'exil, les c a c h o t s où tant, de vict imes o n t été immolées peu­vent s e u l s r épondre .

D a n s tout, le pa ragraphe 2 de la page 11, on a voulu é tab l i r le droit de Sa Majesté Catholique à la partie de l'Est

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116 APPENDICE

et la possession qu 'el le en eut jusqu'aux troubles de 1821. D e que lque man iè re qu 'on veuille envisager les cho­

ses , il est inconcevab le q u ' o n puisse t i rer des dro i t s lé­gi t imes de la force. T o u t le m o n d e sait que cet te par t ie fut conqu i se p a r C o l o m b : tout le m o n d e sait, les ho-r e u r s que les espagnols ont c o m m i s e s d a n s cet te ile, et d a n s tous les pays où ils ont établi leur domina t ion , dé­t r u i s a n t les ind igènes et leurs souve ra ins p a r tous les supp l i ces et toutes les pe r sécu t ions que peut inven te r la c ruau té , les réduisant à l 'esclavage, exe rçan t su r eux d e s h o r r e u r s q u e les h i s tor iens r appor ten t , mais q u e les â m e s sens ib les ne peuvenl voir s a n s dou leur et s a n s c o m p a s ­s ion . Il p a r a î t qu 'a lors on ignorait que la p ra t ique de la r econna i s sance , de l 'humani té , de la b ienvei l lance , de l a jus t ice et d e s a u t r e s vertus répand dans l 'âme une douce satisfaction, un certain Calme, un t ranspor t e t u n e espèce de volupté préférable à t o u s les a u t r e s plais i rs , p a r c e que d a n s ce temps il n'y eut ni p i é t é , ni cons idé ra ­t ion, L 'humani té et la religion furent ou t ragées , el là du re t é et la sévéri té occupèren t le t rône où devait s i éger la r a i s o n . Et u n e possession acquise p a r de t e l s t i t r e s est celle qu 'on avance à l 'appui d 'un dro i t? Quelle e r r e u r ! Maissi la p o s s e s s i o n peut d o n n e r un d r o i t , la p o s s e s s i o n pacifique et n o n in te r rompue d e l'a Répub l ique p r i s e pa r une acclamat ion généra le et s p o n t a n é e des n a t u r e l s , il n 'y a po in t d e doute , doi t p r o d u i r e un mei l leur d ro i t p o u r la m a n i è r e d o n t e l le a eu l i eu , pour la l o c a l i t é , pouf la n a t u r e , el parce q u e c'était celle qui convenai t aux n a t u r e l s p o u r l e u r p l u s g r a n d e utilité et leur b i e n ê t re . Si cela ne peut c o n v a i n c r e , si ou le r e g a r d e c o m m e in­j u s t e , que d i rons -nous des Caciques e t de leurs suje ts su r lesquels on s 'est précipité v io lemment à m a i n a r m é e , et con t re les p r inc ipes du droi t d e la na ture el des g e n s , qu 'on a dépoui l lés et q u ' o n a l'ait d i spara i t re afin qu ' i l s n e t r a n s m i s s e n t point a u x généra t ions f u t u r e s le souve­nir d e t a n t de c r i m e s ? O Dieu éternel ! nous t ' i n v o q u o n s ; tu fus témoin d e tant d ' a b u s , tu v e n g e r a s la mort de tant d ' i n n o c e n t s !

Les h o m m e s i n j u s t e s ont toujours d o n n é le nom d e t r o u b l e s , de séd i t ions au droit qu ' on t les peuples d ' a ­mé l io re r leur forme dé gouve rnemen t ou de r e v e n d i q u e r

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APPENDICE 117

leur l iberté et égalité, droi ts inséparables de l ' homme, m ê m e d a n s l'état de na ture

Allons plus avant , à la page 12, de rn iè res l ignes du p remie r paragraphe , on invoque le décre t de Sa Majesté Très Chré t ienne sur la r econna i s sance de not re i n d é p e n ­dance pour en dédu i re v io lemment que ce déc re t ne fai­san t pas ment ion de cette par t ie , les droi t s du roi d 'Es­pagne res ta ient garant i s .

Les français ont été plus g é n é r e u x ; le Gouve rnemen t a reconnu l ' indépendance , il s 'est désis té du droi t de souve ra ine té qu'il avait au terr i toire , el pour aucun mo­tif il n 'avait à faire mention de l 'Espagne, pa rce que pour ce qui regardai t le c o m m e r c e , il a eu en vue l ' intérêt de la nation, et pour ce qui regarde la polit ique il a con­senti une indemni té pour être d i s t r ibuée aux colons qui on t perdu tant de propr ié tés par t icul ières , t notre Gou­v e r n e m e n t guidé par d e s pr incipes généreux a accédé à ce t te t ransac t ion , et fait ses cons t an t s efforts pour l 'ac­compl i r re l ig ieusement .

Plus bas , au paragraphe suivant , on traite de factieux ceux qui ont a rboré le pavillon de Colombie qui ne fi­gurai t point d a n s le catalogue d e s na t ions . Il est vrai que ces pe r sonnes qui n'étaient point fact ieuses, mais par e r reur , n 'ont point voulu d a n s le pr incipe se jo in ­d re à l 'universali té des c i toyens et aux vœux des peu­ples, mais elles ont été p romptemen t obligées de c é d e r à la force irrésist ible des succès el de la majori té , et de se met t re sous la protection du c h e f de la Répub l ique qui fut un ange de paix, évita l 'effusion du sang, et ré­unit d e s frères, en fesant d i spara î t re l e s d i s sens ions . Cependant , quoi qu'il en soit, je ne sais c o m m e n t l'on peut dou te r de l 'existence polit ique de Co lombie ; elle a la force et les é l émen t s qui la cons t i tuent , « et si les Es­pagnols en dou ten t encore , qu ' i ls r e tournen t d a n s ce lieu y p lanter leur bann i è r e » !

Ce qui a été exposé jusqu ' ic i servira de r éponse à la t r ansmiss ion de droi ts que l'on suppose que le part i qui s 'appelai t ici Républ ique de Colombie a cédé à la Ré­pub l ique d 'Haït i , à s emblab le spoliat ion, à vive force et à défaut de t i tres pour posséder dont par le la page 13,

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118 APPENDICE

ajoutant s e u l e m e n t de mon côté p o u r p lus de convic t ion, qu ' ou t r e la déclarat ion spon tanée des na ture ls pour a p ­pe ler la République d'Haïti , déjà d a n s sa const i tut ion elle avait déc laré partie in tégrante du terr i to i re la p a r ­tie de l 'Est dès l 'année 1804; cont re lequel acte souve­rain et indes t ruc t ib le , où s e manifesta la volonté géné­rale et auquel l 'Es t a adhéré et e s t lié; p a r le lien sacré d u s e r m e n t et de la volonté , le G o u v e r n e m e n t Espagnol n ' a r ien opposé d e p u i s l ' année 1809 j u s q u ' e n 1821 que d u r a son occupa t ion temporaire et d a n s lequel e space de t e m p s il n ' a rien fait p o u r c ica t r i ser les b le s su res d e s na tu re l s occas ionnées par la cess ion du traité de Bâle, ni les efforts hé ro ïques de ceux qui avec le général Sanchez Ramirez , aidé d e la Républ ique d 'Haït i , coopé ­rè ren t à l 'expulsion d e s français, à m o i n s que cela ne soit encore regardé c o m m e une faction, c o m m e une a c ­tion illégitime et un manque de soumiss ion à l 'autori té .

Au 2 e p a r a g r a p h e de la page 25, o n se plaint de l 'ex­press ion de dro i t s p e r d u s , e t l 'auteur de la note r e m o n t e à l 'origine de la nation Espagnole , oubl iant s ans dou te que les dro i t s d e la m ê m e m a n i è r e qu ' i ls s ' acquièren t , se perden t , et que t a n t au m o r a l q u ' a u phys ique , il y a t rois p r inc ipes , la na i ssance , l ' e x i s t e n c e et la mor t e t q u e l e s na t ions , c o m m e l e s au t res choses , lorsqu 'e l les arri­vent pa r leur vétusté p rès du dern ie r pér iode , en t r en t d a n s le dél i re et l ' incapaci té , tandis que les j e u n e s m a r c h e n t p rogress ivement vers l ' agrandissement et la perfection.

A la page 26 du 2 e pa rag raphe , il para î t que l'on fait u n g rand effort p o u r c r o i r e que l'état d'Haïti était s o u m i s aux lois qui régissent les au t res n a t i o n s : et s a n s dou te , il n'y a p a s lieu à ba lancer d a n s le part icul ier . Si c 'est parce qu 'on n 'a p o i n t l'ail la remise du terr i to i re d e m a n d é , il est t rop clair que p o u r la négative, il y a c o n c o u r s non seu lemen t d e la r a i s o n d 'ut i l i té et d e su re t é , mais enco re au maint ien de la d i s p o s i t i o n qui t e rmine notre loi fondamenta le qui est inviolable et sac rée et que nulle au tor i té ne peu t violer s a n s ê t re r e sponsab l e e n v e r s la n a t i o n : il y a a u s s i concou r s de la volonté claire et manifeste des na ture l s lo rsqu 'en 1822 ils don­nè ren t leur adhés ion , et d e s au t r e s r a i sons que le Gou-

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APPENDICE 119

v e r n e m e n t a manifes tées en offrant d ' en t re r d a n s tou te s les négocia t ions compa t ib l e s avec l ' honneur d 'Haïti , e t qui offriraient des avantages mutue ls aux deux na t ions .

On ne peut p e n s e r non p lus que ce cloute p rov ienne de ce que le g o u v e r n e m e n t ou s e s agents aient m a n q u é au ca rac t è re du Plénipotent ia i re Espagnol , ni parce q u e c e ­lui-ci a ce s sé de conna î t r e l 'état de civi l isat ion, qui ex­iste en t re nous , la régular i té d e nos ins t i tu t ions , le favo­rab le aceuei l que l'on fait aux é t rangers en leur ga ran t i s ­san t leurs é t a b l i s s e m e n t s c o m m e r c i a u x e tc .

Nous eus s ions voulu que le P lén ipo ten t ia i re se fût ex­pl iqué f ranchement , afin de ne n o u s laisser a u c u n e an­xiété su r ce point par t icul ier , et qu'il n o u s d i t auss i avec la m ê m e franchise p o u r q u o i en 1824, il a voulu veni r hab i t e r pa rmi nous , et a été aup rè s du chef de l 'Etat sol­l ici tant avec ins tance la pe rmiss ion d e venir s'y é tabl i r , car , à la véri té , on ne peut c o m p r e n d r e qu 'un h o m m e veuil le hab i t e r un pays, et ê t re individu d 'un Etat où les d ro i t s ne son t pas garant i s , e t où l 'on n e connaî t , où l'on n 'obse rve ni celui d e la na tu re , ni celui des gens .

Je pour ra i s dire bien davantage pour r e p o u s s e r u n e imputa t ion aussi injuste, aussi offensante et qui a été émi­se s a n s a u c u n e nécess i té , parce q u e cela ni b e a u c o u p d 'au­t res choses ne devaient figurer, d a n s a u c u n e réc lamat ion s imple qui pouvai t s e faire dépoui l lée d e toute offense et s a n s nécess i té de qualifier les n a t u r e l s d e factieux, s a n s avoir à offenser le pavillon d e Colomb, ni à s e cons t i tue r defenseur de l 'esclavage c o m m e étant d e droit de patrie, d a n s les pays civilisés où il existe.

P a s s o n s a la p a g e 31. Vo i l à qui paraî t comforme au droi t de la na ture et d e s g e n s . N o u s euss ions voulu q u ' ­on eût éclairci ce droi t et qu 'on s e fût efforcé d e le légi­t imer . Ici se présen te t r è s à p r o p o s l ' o p i n i o n d 'un poli­t ique m o d e r n e q u i dit: « la religion douce , to lérante e t « pa terne l le de Jésus-Chris t a détruit l 'esclavage en Euro-« pe . Un chr i s t i an i sme m a l en tendu l'a introduit en A m é -« rique. On a voulu faire les nègres esc laves , afin de l e s « conver t i r , et bien tôt ap rè s on a fait des ch ré t i ens e sc l aves « c o m m e les révo lu t ionna i res de F r a n c e faisaient d e s r é -« publ ica ins avec les p r i sons et les échafauds .

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120 APPENDICE

«La révolution d 'Amér ique est la c o n s é q u e n c e n é c e s -« saire de la na tu re de l ' h o m m e . Un esclave peu t ê t r e « assez abruti par l 'esclavage, j u squ ' à perdre le dés i r m ê -« me de la l ibe r t é ; ma i s un peuple ent ier et les géné ra t ions « qui lui s u c c è d e n t ne peuvent a imer s ans cesse leur a-« b ru t i s semen t . Toute ter re qui a des esc laves por t e ra « un j o u r des h o m m e s l ib res .»

Aujourd 'hui tous ceux qui ne son t pas dépou r vus de rai­son , savent que la na tu re n 'a d o n n é à l ' homme aucun droi t su r ses s emblab l e s ; que tous na i s sen t l ibres et égaux, et que la force seule peut cons t i tuer l 'esclavage, ou ce p r é t en ­du droi t qui ne se t rouve ni d a n s celui de la na tu re , ni d a n s celui des gens .

Vous tous , m e s che r s conc i toyens , h a b i t a n s de l 'Est vous pourr iez juger s a n s pass ion quel sera i t votre sor t et celui de vos enfants , si le g o u v e r n e m e n t Espagnol entrait su r not re t e r r i to i re : sa p remiè re a n n o n c e a été de justifier l 'esclavage, et en second lieu, on vous a qual i t iés en général de factieux: on s 'est plaint à no t re gouverne­ment de ce qu'il donna i t protect ion à d e s sujets qui s 'é ­ta ient soulevés cont re leur roi, c'est à dire en r é s u m é , l'es-clavage et la mort est ce qu'on vous offre, et lors m ê m e qu 'on voudra i t ensui te changer ces offres en amnistie, en pardon, en un oubli total du passé e tc , e tc . Jetez un regard sur ce qui a eu lieu d a n s les Républ iques d 'Amér ique avec nos frères, et avec ceux qui ont voulu se sous t ra i re aux injus­t ices et aux p rocédés a t roces avec lesquels les Espagnols ont vexé et opp r imé l 'américain .

Combien de fois ont- i ls m a n q u é à leur parole d ' hon ­neur! combien de fois ont- i ls r o m p u les pactes les p lus so­l enne l s ! les n o m s des Monteverdes , Morillo, Boves, Zua-zolas, Antônanza , Yànes, Rose te , Servér iés , Puys , et Mo­ra les etc. e tc . e tc . se ron t toujours vus avec h o r r e u r , et l 'histoire leur reserve le lieu et la place q u e mér i t en t les sangu ina i res , les c rue ls , et ceux qui se pla isent à r épan ­d re le sang, et à c o m m e t t r e les p lus hor r ib les a t roci tés .

Ne vous laissez point t r omper pa r ces p e r s o n n e s déna­tu rées qui voudra ien t pa r l eu r s artifices vous éloigner de

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APPENDICE 121

vos vér i tab les in té ré t s : indiquez- les à l 'autori té p o u r qu 'e l ­le les conna i s se , e t les livre à la loi; faites tous vos ef­forts pour ne p a s vous dé sun i r ni vous sépa re r du gou­ve rnemen t , afin q u e forts c o m m e lui, si j ama i s n o u s a v o n s à c o m b a t t r e nos o p p r e s s e u r s , nous so r t ions victorieux, ou q u e n o u s n o u s enseve l i s s ions s o u s n o s ru ines plutôt q u e d 'ê t re esc laves et de ce s se r de figurer c o m m e l ibres et i n d é p e n d a n s .

San to Domingo , le 3 Juillet 1830, an 27e

T H O M A S BOBADILLA.

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TABLE DES M A T I È R E S Pages

Haïti et Santo D o m i n g o . — Les limites frontières. — O b j e t de cette é tude VII

C H A P I T R E P R E M I E R

NOS RAPPORTS AVEC SANTO DOMINGO

De 1859 à 1 8 7 9 . — Cessation des hostilités et régulari­sation de nos rapports. — Négociations. — Trai té de 1867 resté imparfait. — Trai té de 1874. — Changements de gouvernements . — Rupture des relations . . . . . . 9

De 1880 à 1887. — Reprise des relations. — Convent ions de 1880. — Mission de M. C. Archin en 1882. — In­terprétation dominicaine du terme de possessions actuelles et réponse de notre plénipotentiaire. — Agitation domi­nicaine et accusation d 'empiètements après la paix. — Memorandum et contre memorandum de 1887. — Mission du Général E. G. Marchena, même année . — Exposé des prétentions dominicaines et réponse d 'Haï t i . — Me­morandum dominicain de 1882 pour une dél imitat ion des frontières. — Note dominicaine sur le m ê m e objet, paraît-il, de 1880. — Quest ion de tafia. — Taxes domi­nicaines 12

De 1888 à nos jours (Avri l 1 8 9 3 ) . — Les forts Biassou et Cachiman pendant la dernière guerre civile en H a ï t i . — Entrevue de Thomazeau et convention des deux Prési­d e n t s . — Incident de 1890 à l'occasion de l 'application du tarif douanier en Haït i . — Mission de MM. S. P res ­ton , D . Jean Joseph, E. Gutierrez, O . Cameau et St. Cap Louis B l o t . — Nominat ion de M. A. T h o b y . — I n ­cident Mare-à -Chat .— Commission instituée à Port-au-P r i n c e . — Ques t ions à résoudre. — Préoccupations et événements du jour .— Insurrectiou dominicaine. — Fer-

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II TABLE DES MATIÉRES pages

me de Samana et transfert de la créance Wes tendorp . Entrevue des deux Chefs d'Etat à la baie de Mancenille. 24

CHAPITRE II SOLUTIONS INDIQUEES

Limi tes .— Propriétés saisies et reliquat de compte . — Ar­ticle 1 2 du traité et commerce par la frontière. — Pr in­cipal motif du non règlement définitif de la quest ion. 37

C H A P I T R E I I I

LIMITES DE 1777

Uti possidetis. — Engagement fo rmel .— Cependant préten­dons dominicaines .— Art. 3 de la Const i tut ion domini ­caine .— Notes Marchena. — Ecrits dominicains. — Réfu­tations h a ï t i e n n e s . — Rapport du Secrétaire d'Etat M. V . Plésance en 1 8 6 2 . Article de M. J. N . Léger. -Res inter alios.— Prescr ip t ion .— Conquête et vœu des populat ions. — Validité et temps de la prescript ion.— Objet des deux chapitres suivants 4 1

C H A P I T R E IV.

ANCIENS DROITS DE L'ESPAGNE.

Extinction de droits anciens. Droit m o d e r n e . — Principe de la souveraineté des peup les .— Ancienne dispute des l i m i t e s . — Trai té d'Aranjuez. — Consécration du principe uti possidelis.—Plaintes des Français contre le traité des l imi tes .—Conquêtes de Toussaint L o u v e r t u r e . — Trai té de Bâle. Conséquences juridiques du traité de Bâle. -Extinction du traité de 1 7 7 7 . — Délimitation de 1 7 9 7 , de 1 8 0 1 et de 1 8 4 3 . — C o n q u ê t e des Haïtiens. — Retour de Santo-Domingo à l 'Espagne. Opin ion de Vattel en pareil cas 51

Silence de l 'Espagne de 1 8 0 8 À 1 8 6 2 . — Recommanda­t ion , au contraire, de respecter les l imites. —Rela t ions de bon vo i s inage .— Explications demandées en 1 8 2 0 et 1821 par les gouverneurs espagnols. Il n'est pas q u e s ­t ion des anciennes l i m i t e s . — Réunion de 1822.— Ré

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TABLE DES MATIÈRES III pages

clamation par Don Felipe de Castro en 1 8 3 0 . — R e f u s du Président Boyer, approuvé par les habitants de l 'Est. — Le « Congreso » en 1 8 4 2 - 1 8 4 3 . — D é m a r c h e s domin i ­caines et refus persistant de l'Espagne de s'occuper des affaires de San to -Domingo . —Reconnaissance de l ' Indé­pendance dominicaine par l 'Espagne. — Appréciation du général De la Ganda ra .— Reconnaissance implicite de la possession haït ienne. — Annexion de 1 8 6 1 . — Mouve­ment de Sanchez et expédition Rubalcava. — Dangers auxquels échappe le pays. — Conclusion 6 0

Réclamation de 1 8 6 2 . - - S a véritable cause . - -M. de Collan­tès.— Le Général De la Gandara .—Intérêt stratégique. — Les craintes de l 'autorités espagnole à l 'endroit de la po­litique d 'Haït i . — Abandon de la réclamation . . . . 69

C H A P I T R E V.

ORIGINE ET DROITS DE LA RÉPUBLIQUE DOMINICAINE

Antécédents et origine. — Révolution de 1 8 2 1 . — Pavillon colombien—Incorporat ion à Haïti.—Effet qui en résulte sur les frontières dès lors sans raison d 'être. — Opinion de Vattel en pareil cas.— Révolutions de 1 8 4 3 - 1 8 4 4 . — Insurrection de S to-Domingo .—Format ion de l'Etat do­minicain—Date de l'ère de l ' Indépendance—Absence de filiation avec l 'Espagne.—Indifférence de l 'Espagne . -Di ­gression sur un ancien projet d 'union d'Etats en Haï t i .— Pensée des fondateurs de la République domin i ca ine .— Leurs premiers actes. — Leurs prétentions exaltées par le succès —Rapprochemen t avec la France dans son système des «frontières na ture l les» .—Source des droits de Santo D o m i n g o . — V o l o n t é des popula t ions .— Art . I e r de la Const i tut ion dominicaine , 75

Atti tude des 4 communes intéressées.— Discours de M. T . Bobadilla, Président de la Junta gobernativa.—Tracé des positions militaires pendant la g u e r r e . — Droit de la guerre 84

Format ion de la ligne séparative des deux partis en lu t t e .—La guerre sur les frontières suivant la version dominica ine .—Campagnes de 1 8 4 4 et de 1 8 4 5 . — LA

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IV TABLE DES MATIÈRES pages

Matas et Neiba, Hinche et Las Caobas ; Banica et C o ­mendador , Fort Biassou et Cach iman .—Incur s ions et surprises. — Situation réelle et définitive 87

Intervention des Gouvernements français, anglais et améri­cains en 1 8 5 0 pour la cessation des hostil i tés ou au moins une t rêve .— Déclaration des Représentants des trois Puissances sur la valeur d 'un article const i tut ion­n e l : — II ne suffit pas de quelques mots écrits dans la Cons­titution pour se créer un droit sur le terri toire de sou voisin. —Application à en faire à l 'un comme à l 'autre pays. . 9 2

Articles 3 et 8 2 de la Const i tut ion dominicaine. — V œ u . des popula t ions .—Règles et pratique du droit des peu ­ples sur eux-mêmes et leur territoire 9 8

CHAPITRE VI.

R É S U M É

Faits et conclusion en droit . — Principes du droit des gens appliqués , 103

APPENDICE

Ecrit de T . Bobadilla en 1830 contre les prétent ions espagnoles 1 1 3

Port-au-Prince, — Imp. Vve J. CHENET, —45, Rue Bonne Foi, 45.

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