la princesse adÉlaÏde

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Page 1: LA PRINCESSE ADÉLAÏDE
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LA PRINCESSE ADÉLAÏDE

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Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation réservés pour tous pays.

Copyright by Librairie Gedalge, 1946.

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EMILE MAGNE

L a Prince s s e Adélaïde ou

l'Am oureuse contrariée Lithographies de André HOFER

PARIS LIBRAIRIE GEDALGE

75, rue des Saints-Pères

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la fin de l'an 1696, une gra- cieuse et timide fillette, âgée de onze ans, quittait le palais

ducal de Turin au bruit des acclamations, des fanfares, des mousqueteries et des canon- nades. Traversant diverses villes de France,

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saluée par le cri unanime de : « Vive la prin- cesse de la paix! » elle rejoignit à Montargis S. M. Louis XIV qui, ravi de découvrir que ses portraitistes ne l'avaient point flattée, rompit avec le cérémonial de cour, la sou- leva dans ses bras et la baisa aux deux joues.

Elle se nommait Adélaïde de Savoie. Petite- fille, par sa mère, la princesse Anne, de Phi- lippe d'Orléans, frère du roi, et petite-nièce de ce dernier, promise en mariage à S. A. R. Louis de Bourbon, duc de Bourgogne, elle était en quelque sorte le gage d'une réconci- liation entre les couronnes de France et de Savoie, récemment encore en guerre l'une contre l'autre.

Elle semblait, à ses traits puérils, à sa taille menue, à son goût pour les jonchets et le colin-maillard, restée à la période des « enfances »; mais, en réalité, elle était déjà femme par le don naturel et la volonté de plaire. Elle sortait d'une maison fameuse

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pour ses manières galantes et elle avait, au surplus, reçu les leçons de son père, Victor- Amédée II, lequel passait pour fin diplomate.

Dès Montargis, le roi écrivait à M Main- tenon, anxieuse de connaître la survenante qui pouvait changer son destin :

Elle a la meilleure grâce et la plus belle taille que j'aie jamais vue, habillée à peindre et coiffée de même, le teint fort uni, blanc et rouge comme on peut le désirer, les plus beaux cheveux blonds que l'on puisse voir et en grande quantité. Elle est maigre comme il convient à son âge, la bouche fort ver- meille, les lèvres grosses, les dents blanches, longues et mal rangées, les mains bien faites, mais de la couleur de son âge. Elle parle peu, elle fait mal la révérence, et d'un air un peu italien, mais elle plaît, et je l'ai vu dans les yeux de tout le monde. Pour moi je suis tout à fait content.

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Après le souper, Louis XIV, achevant sa lettre, accentuait les compliments sur sa future petite-fille et renouvelait sa satis- faction. Par une confidence de la duchesse du Lude, dame d'honneur de la princesse, il venait d'apprendre que l'enfant connaissait l'art de se contraindre et d'accommoder ses propos aux circonstances. Il prisait fort cette retenue ; il prisa bien davantage la spontanéité et cette sorte de filial abandon que la jeune voyageuse lui témoigna sur le chemin de Fon- tainebleau, car il n'y était guère accoutumé.

Le lendemain, à l'étape de Nemours, il la vit répondre d'une rougeur de plaisir à l'hom- mage de M le duc de Bourgogne qui la vint, dans le carrosse, baiser aux mains et qui s'assit en face d'elle, muet et rougissant à son exemple. Il la jugea candide, modeste, telle qu'il la souhaitait, bien éloignée de ces effrontées de cour qui dévisageaient sans pudeur les garçons.

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A cinq heures, le même jour, à Fontaine- bleau, aidant de la main la petite merveille à gravir, entre deux haies de courtisans, les degrés du château, il humanisait d'un sou- rire radieux sa gravité coutumière. Il sem- blait dire à la cohue des seigneurs et des dames s'étouffant les uns les autres pour mieux voir l'arrivante :

— Vous étiez sans reine. Voici votre reine. Elle est blonde, blanche, douce, charmante ainsi qu'une fée, et le ciel clément vous la donne comme le plus délectable des pré- sents.

Mais au fond de soi il restait inquiet, car, n'y ayant point réfléchi, il ne savait comment présenter à cette fée juvénile, respirant la sérénité, la vieille fée Maintenon, jalouse, acariâtre, de contenance glaciale et qui, sans lien apparent avec la couronne, exerçait sur elle sa domination. Or, tandis que, retiré dans son appartement, il cherchait quelque strata-

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gème pour accommoder le passé au présent, la gente Savoyarde accueillait les princes, les princesses, les grands, les dames qui, selon leur rang, baisaient ses joues ou le bas de sa robe. Quand, après deux longues heures, elle eut reçu debout, en altesse royale, les com- pliments de la cour, elle retrouva soudain ses « enfances ».

En quelques bonds elle traversa, suivie de ses dames, la salle de parade, parcourut les couloirs du château, entra en trombe au logis de M de Maintenon. Comme la marquise, étonnée, s'était levée de sa chaire et, d'une révérence guindée, saluait l'auda- cieuse, celle-ci la fit rasseoir d'un geste, grimpa sur ses genoux, entoura son col de ses bras et la cajola de baisers. Jamais pareille licence ne s'était produite sous le toit de Sa Majesté. Interdite et troublée, M de Maintenon se défendait contre les caresses, disant :

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— Je suis trop vieille, Altesse, je suis trop vieille !

— Ah! ma tante, s'écria la princesse, point si vieille !

Et, sans laisser à la marquise le loisir de répondre :

— Maman, lui dit-elle, m'a chargée de vous dire mille amitiés de sa part et de vous demander la vôtre pour moi. Apprenez-moi bien, ma tante, je vous prie, tout ce qu'il faut faire pour plaire au roi !

— Mignonne, mignonne, murmura la mar- quise, émue et recouvrant soudain son cœur maternel du temps où elle gouvernait les enfants du roi et de M de Montespan.

Elle ne trouva rien d'autre à dire, car la princesse avait lestement rejoint ses dames restées dans l'antichambre. Elle la vit courir, comme un lutin, sous la lumière des lustres. Elle rêva un moment, puis elle marmotta :

— Ma tante!...

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Et elle sourit. La petite fille avait non seulement résolu

d'instinct le problème de convenance qui tracassait le roi, mais encore, par un élan de sa fougueuse gentillesse, gagné l'amour de la froide calculatrice...

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Versailles, deux jours ensui- vants, logée, sous la garde de la duchesse du Lude, dans

l'appartement vacant de la défunte dauphine, Madame Adélaïde commença incontinent son éducation de cour. Assistée de ses dames, elle

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Dépôt légal : 3 e trimestre 1946.

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