la presse nouvelle magazine n° 313 - février 2014

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L es vœux présidentiels sur le « pacte de responsabilité », amplement confirmés lors de la conférence de presse du chef de l’État, constituent l’affirmation d’une poli- tique de l’ « offre » censée alléger le « coût du travail ». Celles et ceux qui ont voté en 2012 pour la rupture avec le quinquennat précédent ne peuvent qu’être interpellés par un tel « tournant », en regard des promesses faites sur le « changement maintenant ». Pierre Gattaz, le président du MEDEF, qui avait déjà répondu « chiche » aux vœux ély- séens, a applaudi aux annonces sur l’exonéra- tion du financement de la politique familiale qui se traduit par un cadeau de 30 milliards présenté comme « la condition pour que les entreprises retrouvent leur marge ». Pour pal- lier le manque de recettes, l’exécutif pro- gramme de tailler dans les dépenses publiques à hauteur de 50 milliards, de 2015 à la fin du quinquennat, dont plus de 15 milliards dès cette année, en ponctionnant la Santé et autres services publics. Si le chiffra- ge de ce pacte « pro-entreprise » est claire- ment affiché, en revanche, les contreparties sur l’emploi ne sont assorties d'aucune sanc- tion en cas de non-respect. L'Observatoire annoncé à ce sujet n'aura aucune force contraignante, d’autant que ni le périmètre, ni les critères n’en sont fixés. Le MEDEF promet un million d’emplois, mais en soulignant qu’il s’agit là d’ « un objectif », mais « pas d’un engagement juridique ». Alors que les actionnaires des entreprises du CAC 40 reçoivent des dividendes et plus- values records, l’austérité frappe le pouvoir d’achat de la majorité des salariés et retraités, avec en plus des hausses de TVA pour com- bler les 20 milliards que coûte le dispositif pour relancer la compétitivité (CICE : Crédit d’Impôt pour relancer la Compétitivité et l’Emploi). En dix-huit mois, le pays a vu se dérouler 1000 plans sociaux qui, tous, liqui- dent des entreprises viables, transformant notre pays en friche industrielle en lieu et place du redressement productif promis. Les annonces présidentielles ont divisé la droite sur la tactique à adopter face à François Hollande, certains se prenant même à rêver d’une grande coalition à l’allemande. Les syndicats eux sont vent debout. La CGT dénonce un « nouveau désengagement des entreprises de la solidarité nationale », tandis que FO dit craindre pour l’ « avenir de la branche famille de la Sécurité sociale ». Dans la foulée, les centrales françaises ont rejoint l’appel de la Confédération européenne des syndicats (CES) à une mobilisation le 4 avril contre les politiques d’austérité en Europe, où le chômage avoisine en moyenne les 11%. Bruxelles a jugé les décisions de Paris comme allant « dans le bon sens », tout comme Berlin. Et pour cause. Car aujourd’- hui, vouloir s’aligner sur la politique menée il y a dix ans par le chancelier allemand Gerhard Schröder ne peut que conduire en fin de compte à l'appauvrissement d'une bonne partie de la population, comme on le constate outre-Rhin. Le président Hollande propose « un réenchan- tement du rêve français ». Mais ce beau et noble dessein passe-t-il par « le Pacte de responsabilité » ? Est-ce ainsi que l’on par- viendra à inverser la fameuse courbe du chô- mage ? A l’instar de la CES, ne faut-il pas débattre urgemment d’un « Plan d’investisse- ment » ? Par exemple pour « créer jusqu’à onze millions d’emplois en relançant l’économie par un effort important d’investissement de l’ordre de 260 milliards d’euros par an pen- dant dix ans ». Chiche ? Patrick Kamenka LE « RÉENCHANTEMENT DU RÊVE FRANÇAIS » FACE AU PACTE DE RESPONSABILITÉ Résistant contre la bar- barie nazie, épris de Démocratie et de Liberté, ils furent fusillés le 21 février 1944. C’étaient tous des ouvriers. Ceux-là n’avaient à perdre que leurs chaînes et que leur vie à offrir. Leur exemple nous conduit à continuer leur com- bat pour un monde délivré de toute atteinte à la dignité humaine, contre le racisme, l’antisémitisme et contre leurs causes. Suite en pages 6 et 8 HOMMAGE II. Nelson Mandela - Ubuntu NM p. 3 MOYEN-ORIENT Un partisan du Grand Israël… P. Kamenka p.3 HISTOIRE / MÉMOIRE Il faut se souvenir de Charonne p.4 Le massacre de la Saint-Valentin N. Mokobodzki p.4 27/01/1945 – Entretien avec… M. Cling p.5 L’affiche rouge a soixante-dix ans S. Rosenfeld p.6 1914-1918 : Maudite soit la guerre L. Laufer p.6 Cycle ‘La Naïe Presse a 80 ans’ Février 1934 – Manifestations orageuses NP p.6 SOCIÉTÉ Politiques de l’offre et de la demande J. Lewkowicz p.3 À propos de Dieudonné (communiqué) UJRE p.2 Point de vue… d’un chercheur africain sur le racisme et l’antisémitisme N. Bidadanure p.8 BILLET DHUMEUR Les beaux jours de M. Serge J. Franck p.2 CULTURE - LITTÉRATURE II. Philip Roth ou un petit juif dans… G.-G. Lemaire p.5 Chronique Théâtre S. Endewelt p.7 Chronique Cinéma L. Laufer p.7 L’AFFICHE ROUGE : 70 ANS APRES, LEUR COMBAT RESTE LE NOTRE ISSN: 0757-2395 MENSUEL EDITE PAR L’U.J.R.E. PNM n° 313 - Février 2014 - 32 e année Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide Le N° 5,50 e La PNM aborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toutes les manifestations d'antisémitisme et de racisme, ouvertes ou sournoises. La PNM se prononce pour une paix juste au Moyen–Orient basée sur le droit de l'État d'Israël à la sécurité et celui du peuple palestinien à un État.

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La Presse Nouvelle Magazine n° 313 - Février 2014 - 32e année

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Page 1: La Presse Nouvelle Magazine n° 313 - Février 2014

Les vœux présidentiels sur le « pacte deresponsabilité », amplement confirméslors de la conférence de presse du chef

de l’État, constituent l’affirmation d’une poli-tique de l’ « offre » censée alléger le « coût dutravail ». Celles et ceux qui ont voté en 2012pour la rupture avec le quinquennat précédentne peuvent qu’être interpellés par un tel « tournant », en regard des promesses faitessur le « changement maintenant ».

Pierre Gattaz, le président du MEDEF, quiavait déjà répondu « chiche » aux vœux ély-séens, a applaudi aux annonces sur l’exonéra-tion du financement de la politique familialequi se traduit par un cadeau de 30 milliardsprésenté comme « la condition pour que lesentreprises retrouvent leur marge ». Pour pal-lier le manque de recettes, l’exécutif pro-gramme de tailler dans les dépensespubliques à hauteur de 50 milliards, de 2015à la fin du quinquennat, dont plus de 15milliards dès cette année, en ponctionnant laSanté et autres services publics. Si le chiffra-ge de ce pacte « pro-entreprise » est claire-ment affiché, en revanche, les contrepartiessur l’emploi ne sont assorties d'aucune sanc-tion en cas de non-respect.

L'Observatoire annoncé à ce sujet n'auraaucune force contraignante, d’autant que ni lepérimètre, ni les critères n’en sont fixés. LeMEDEF promet un million d’emplois, maisen soulignant qu’il s’agit là d’ « un objectif »,mais « pas d’un engagement juridique ».Alors que les actionnaires des entreprises duCAC 40 reçoivent des dividendes et plus-values records, l’austérité frappe le pouvoird’achat de la majorité des salariés et retraités,avec en plus des hausses de TVA pour com-bler les 20 milliards que coûte le dispositifpour relancer la compétitivité (CICE : Créditd’Impôt pour relancer la Compétitivité etl’Emploi). En dix-huit mois, le pays a vu sedérouler 1000 plans sociaux qui, tous, liqui-dent des entreprises viables, transformantnotre pays en friche industrielle en lieu etplace du redressement productif promis.

Les annonces présidentielles ont divisé ladroite sur la tactique à adopter face à FrançoisHollande, certains se prenant même à rêverd’une grande coalition à l’allemande. Lessyndicats eux sont vent debout. La CGTdénonce un « nouveau désengagement desentreprises de la solidarité nationale », tandisque FO dit craindre pour l’ « avenir de la

branche famille de la Sécurité sociale ». Dansla foulée, les centrales françaises ont rejointl’appel de la Confédération européenne dessyndicats (CES) à une mobilisation le 4 avrilcontre les politiques d’austérité en Europe, oùle chômage avoisine en moyenne les 11%.

Bruxelles a jugé les décisions de Pariscomme allant « dans le bon sens », toutcomme Berlin. Et pour cause. Car aujourd’-hui, vouloir s’aligner sur la politique menée ily a dix ans par le chancelier allemandGerhard Schröder ne peut que conduire en finde compte à l'appauvrissement d'une bonnepartie de la population, comme on le constateoutre-Rhin.

Le président Hollande propose « un réenchan-tement du rêve français ». Mais ce beau etnoble dessein passe-t-il par « le Pacte deresponsabilité » ? Est-ce ainsi que l’on par-viendra à inverser la fameuse courbe du chô-mage ? A l’instar de la CES, ne faut-il pasdébattre urgemment d’un « Plan d’investisse-ment » ? Par exemple pour « créer jusqu’à onzemillions d’emplois en relançant l’économiepar un effort important d’investissement del’ordre de 260 milliards d’euros par an pen-dant dix ans ». Chiche ? ■ Patrick Kamenka

LE « RÉENCHANTEMENT DU RÊVE FRANÇAIS » FACE AU PACTE DE RESPONSABILITÉ

Résistant contre la bar-barie nazie, épris deDémocratie et deLiberté, ils furentfusillés le 21 février1944. C’étaient tousdes ouvriers. Ceux-là n’avaient à perdre queleurs chaînes et queleur vie à offrir. Leurexemple nous conduità continuer leur com-

bat pour un monde délivré de toute atteinte à ladignité humaine, contre le racisme, l’antisémitismeet contre leurs causes. ■ Suite en pages 6 et 8

HOMMAGEII. Nelson Mandela - Ubuntu NM p. 3

MOYEN-ORIENTUn partisan du Grand Israël… P. Kamenka p.3

HISTOIRE / MÉMOIREIl faut se souvenir de Charonne p.4Le massacre de la Saint-Valentin N. Mokobodzki p.427/01/1945 – Entretien avec… M. Cling p.5L’affiche rouge a soixante-dix ans S. Rosenfeld p.61914-1918 : Maudite soit la guerre L. Laufer p.6

Cycle ‘La Naïe Presse a 80 ans’ Février 1934 – Manifestations orageuses NP p.6

SOCIÉTÉPolitiques de l’offre et de la demande J. Lewkowicz p.3À propos de Dieudonné (communiqué) UJRE p.2Point de vue… d’un chercheur africainsur le racisme et l’antisémitisme N. Bidadanure p.8

BILLET D’HUMEURLes beaux jours de M. Serge J. Franck p.2

CULTURE - LITTÉRATUREII. Philip Roth ou un petit juif dans… G.-G. Lemaire p.5Chronique Théâtre S. Endewelt p.7Chronique Cinéma L. Laufer p.7

L’AFFICHE ROUGE : 70 ANS APRES,LEUR COMBAT RESTE LE NOTRE

ISSN: 0757-2395 MENSUEL EDITE PAR L’U.J.R.E.PNM n° 313 - Février 2014 - 32e année Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide Le N° 5,50 e

La PNM aborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toutes les manifestations d'antisémitisme et de racisme, ouvertes ou sournoises. La PNM se prononce pour une paix juste au Moyen–Orient basée sur le droit de l'État d'Israël à la sécurité et celui du peuple palestinien à un État.

Page 2: La Presse Nouvelle Magazine n° 313 - Février 2014

2 PNM n°313 - Février 2014

LA PRESSE NOUVELLE

Magazine Progressiste Juiffondé en 1934

Editions :1934-1993 : quotidienne en yiddish, Naïe Presse

(clandestine de 1940 à 1944)1965-1982: hebdomadaire en français, PNHdepuis 1982 : mensuelle en français, PNM

éditées par l'U.J.R.EN° de commission paritaire 061 4 G 89897

Directeur de la publicationJacques LEWKOWICZ

Rédaction en chefJ. Lewkowicz, N. Mokobodzki, T. Alman

Conseil de rédactionClaudie Bassi-Lederman, Jacques Dimet,Jeannette Galili-Lafon, Patrick Kamenka,

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Rédaction – Administration14, rue de Paradis

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et sa belle-fille, enceinte, seront enle-vés, torturés et assassinés par la dicta-ture. De ce fils il dira : « Innocent, il nel’était pas ; il ne le fut jamais. Victime,oui ! ». Le Cuarteto Cedron évoquedans son disque, « Le coq », le marty-re de l’enfant torturé dans le ventre desa mère. Ce sont les jours du Condor.Longtemps recherché, Gelman refuse-ra la grâce qu’on lui offre en 1989 : « On m'échange contre les ravisseursde mes enfants et de milliers d'autresjeunes gens qui, aujourd'hui, sont tousmes enfants. » A force de recherches, ilretrouvera 25 ans plus tard sa petite-fille qui avait été confiée à un couplede policiers. Gelman fut juif de diverses façons. Illutta toute sa vie contre le fascisme. Cen’est pas un hasard si le quotidienPagina 12 le chargea de suivre le pro-cès Barbie. De retour en Amérique lati-ne, il réfléchit à la souffrance de l’exil,qui est pour lui la privation de la lan-gue maternelle et s’intéressa, traduisit

Juan Gelman, fils de juifs ukrai-niens émigrés en Argentine, né àVilla Crespo, quartier de Buenos

Aires à l'identité juive fortement mar-quée, a obtenu en 2007 le prestigieuxprix Cervantès considéré comme leNobel des écrivains de langue espa-gnole. De fait, Gelman est l’un desplus grands poètes de langue espagno-le. Ce poète fut aussi et resta unhomme d’action, un révolutionnaire.Entré d’abord au parti communiste, ildeviendra l’un des théoriciens de laguérilla des Montoneros. Menacé parla Triple Alliance, il quitteral’Argentine en 1975. En 1976, son fils

parfois desp o è m e sécrits pardes écri-vains juifs.Enfin lap o l i t i q u ed’Israël lesomme de prendre parti. Désespéré parl’opération Plomb durci, il écrit en 2009 :« Le samedi 27, à 11h30, 50 chasseursisraéliens ont effectué 50 frappes surGaza en trois minutes. C’est une viola-tion des Dix commandements et de lasainteté du shabbat. Mais cela ne tientpas quand il s’agit de tuer des centainesde Palestiniens, sans compter lesmilliers de blessés. » « Le poète ne vitpas pour écrire, il écrit pour vivre »disait Juan. Pour mourir, aussi. Il avaitporté tant de morts dans son cœur. Ilavait tellement réfléchi à la mort. A sontour, Juan Gelman nous a quittés le 14janvier. Nous n’oublierons ni l’homme,ni le poète ni le révolutionnaire. ■ NM

À propos de Dieudonné

Dieudonné M’bala M’bala tientdans ses spectacles des proposqui lui ont valu d’être condam-

né à plusieurs reprises. Il a récidivérécemment, semblant regretter, à proposdu journaliste Patrick Cohen, que « leschambres à gaz…. Dommage… ». Ainsiprès de soixante-dix ans après la fin dugénocide des juifs dont les auteurs ontété condamnés par le Tribunal interna-tional de Nuremberg, la haine antisémi-te s’exprime à nouveau sur la placepublique. L’Union des Juifs pour la Résistance etl’Entraide (UJRE), créée en 1943, dontles fondateurs, juifs résistants issus del’immigration, ont connu l’antisémitis-me avant-guerre, est indignée et préoc-cupée de la montée en France de labanalisation du racisme et de l’antisémi-tisme, dont témoignent entre autres lesaffaires « Dieudonné » et « Taubira ». À l’initiative du MRAP, qui a succédéau MNCR (Mouvement NationalContre le Racisme) créé par l’UJRE, laFrance est le premier pays d’Europe à

s’être doté en 1972 d’une législationantiraciste, complétée en 1990 d’une loimémorielle dite loi Gayssot qui élargitson domaine d’application. Elle peut enêtre fière.La liberté d’expression doit être la règledans le respect des textes en vigueur etson utilisation abusive, car raciste, l’in-citation à la haine de l’autre, à la xéno-phobie, à l’antisémitisme et au racismesont des délits punis par la loi. La loi,rien que la loi, toute la loi.

L’UJRE condamne tous les racismes etmet en garde contre tout battage média-tique indécent qui banaliserait la paroleraciste et antisémite. L’UJRE souhaite que des mesuressoient prises rapidement pour sanction-ner tous ces délits. L’UJRE, considérant que la lutte contrele racisme et l’antisémitisme ne sauraitse réduire à des mesures administratives,appelle au plus large rassemblement –en premier lieu des victimes de tous lesracismes – pour que cette lutte passe parune action politique, idéologique et édu-cative. ■ Paris, le 9 janvier 2014

Carnet

AMEJD XI1640 enfants juifs ont été déportésentre 1942 et 1944 dans le XIe arron-dissement de Paris.L’AMEJD XIe est à la recherche deleurs parcours dont beaucoup sontinconnus. Leurs noms se trouvent surle site :

www.amejd11.org.La liste alphabétique est égalementdisponible au siège de notre association.Nous contacter au siège ou par courriel à l’[email protected]

49 rue de Romainville75019 Paris

V. Jankelevitch à la MutualitéJoseph Sztejnhorn nous écrit : « Je me souviens d'avoir assisté enavril/mai 1962, 1963 ou 1964 à unecommémoration du soulèvement duGhetto de Varsovie qui se tenait à laMutualité, à Paris. Le principal inter-venant était Vladimir Jankélévitch. Jecherche à retrouver son discours quim'avait tellement marqué à l'époque,alors que seules quelques bribes mesont restées en mémoire. Cette réuniona certainement dû faire l'objet d'unarticle de Naïe Presse… ».Chers lecteurs, si vous pensez pou-voir l'aider dans sa recherche, mercide le contacter soit par [email protected] par téléphone : 06 84 93 03 09 ■

Une collection de PNM…« Abonné depuis très longtemps aujournal « La Presse Nouvelle », j’aicollectionné à ce jour des exem-plaires partant d’avril 1985 à juillet2012. Ne voulant pas les jeter ou lesdétruire, je les propose, dans leurensemble, gratuitement». La personneintéressée peut contacter le journal quitransmettra. ■

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Le 15 octobre 1997

Szifra Mokobodzki

nous a quittés.Pour ses enfants, sa famille,

ses proches et ses amis, son souvenirreste toujours vivant.

Un grand Monsieur

Juan Gelman n’est plus

HommageFernand Tuil nous a quittés le 24 décembre 2013. Juif de Tunisie, commu-niste, il s'était engagé dans le combat politique après les massacres perpétrés dansles camps palestiniens de Sabra et de Chatila. Animateur de l'Association de jume-lage des camps de réfugiés palestiniens et des villes françaises (AJFP*), il se bat-tait pour une solidarité vraie, concrète, pour des « jumelages – coopération - cons-truction ». Sa force de conviction, l'espoir qu'il transmettait permettaient à ceuxqui le côtoyaient de croire au rassemblement de tous contre les divisions commu-nautaristes, ethniques ou religieuses. À sa famille, à ses proches, à ses camaradesde combat, la PNM présente ses condoléances. ■* Association des jumelages France-Palestine

COMMUNIQUE UJRE

Avis de recherche

Vie des associations Libération du camp d’Auschwitzpar l’Armée rouge. Paris. 27/01/2014.L’UJRE et Paulette Sarcey invi-taient leurs amis à la projection desrushes inédits de son témoignagefilmé en 1983. Nos locaux parais-saient presque petits pour accueillirles nombreux invités. Leurs applau-dissements en fin de projection direntleur admiration et combien ce témoi-gnage stimule pour ce qu’il montrede l’impérieuse nécessité de résister.Il se distingue ainsi d’une vision fata-liste de l’enfer d’Auschwitz. Nous ydécouvrons comment des femmes etdes hommes ont agi, jour après jour,pour changer, parfois de manière infi-me, le cours des choses. Un infimequi, parce qu’ils ont pris leur destinen mains, devenait gigantesque.Poussés par leur idéal, Paulette et sescompagnons ont ouvert la voie à unavenir dont la feuille de route veut lapaix dans le monde et la liberté. Voilàune belle leçon de vie. ■ LL

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PNM n°313 - Février 2014 3

Un part i s an du Grand I sraë l , l ’ âme de l a co lon i s a t ion de l a Pa l e s t i n e

par Patrick Kamenka

Les Anglais ne sont pas foncière-ment méchants, Lizzie. Aucunhumain n’a vocation à devenirméchant. Mais déjà les Anglaisavaient affamé l’Irlande quand ilsavaient abattu les haies et supprimél’agriculture d’autosubsistance pourse livrer à l’élevage extensif, causantcette grande famine qu’évoqueThomas Moore dans son Utopie.Ton peuple, Lizzie, n’était pas arrié-ré. Mais, historiquement, le tempsétait venu pour l’exploitation agrico-le traditionnelle de céder la place àun autre mode d’exploitation.Quarante ans plus tard, d’autresenfants mourraient dans d’autrescamps de concentration….

Quand Mandela a négocié, quand lesAfrikaners craignaient la vengeancedes Noirs, il leur a rappelé leur his-toire, ton histoire. A partir de là, d’unpassé commun, il était possible detricoter ensemble un avenir plushumain. Cette démarche, c’est celaaussi, l’ubuntu. ■ NM

Ariel Sharon vient de mourirle 11 janvier 2014 à l’âge de85 ans après huit années de

coma.

Le nom de ce général et ancienPremier ministre israélien restera àjamais lié aux massacres des campspalestiniens de Sabra et Chatila, àBeyrouth-Ouest, où des centaines devictimes civiles périrent en septem-bre 1982 pendant l’invasion duLiban par Tsahal. Certes, ce sont lesForces libanaises, les milices desPhalanges chrétiennes, qui ont per-pétré ces massacres de femmes,d’enfants, de vieillards, mais sansque l’armée israélienne, qui assistaità l’opération, n’intervienne pour lafaire cesser.

Ariel Sharon, comme militaire, puiscomme ministre et Premier ministre,aura été dès 1948 et toute sa viedurant à la pointe du combat contreles Palestiniens et les pays arabes. Il fut l’un des artisans majeurs de lapolitique de colonisation de laPalestine mandataire et, à partir de1967, de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de la bande de Gaza.

Ariel Sharon est un « sabra » né en1928 en Palestine. Il s’engage dans laHaganah, organisation armée sionis-te. Après la création d’Israël, il estassocié à plusieurs massacres. À latête de l’ « Unité 101 », sorte d’esca-dron de la mort de l’armée israélien-ne, il s’empare en 1953 de Kibya etrase ce village palestinien où 69civils sont tués. En 1956, pendant laguerre déclenchée par les Français,les Britanniques et les Israélienscontre l’Égypte – après la nationali-sation du canal de Suez par le prési-dent Gamal Abdel Nasser –, Sharon àla tête d’une unité de parachutistesprend la passe de Mitla : 273 prison-niers soudanais et égyptiens et desPalestiniens y sont exécutés. En1971, son « nettoyage » de la bande

de Gaza fait à nouveau de nombreu-ses victimes.

Il sera l’un des principaux chefsmilitaires de l’armée israéliennecontre les pays arabes lors des guer-res des Six Jours en 1967 et duKippour en Octobre 1973.

Il embrasse ensuite une fulgurantecarrière politique avec au cœur de sastratégie la réalisation du conceptd’Eretz Israel (le Grand Israël)animé par une volonté farouche dedévelopper les implantations juivesdans les Territoires palestiniens.Lorsqu’il devient ministre del’Agriculture en 1977, des dizainesde milliers de colons vont prendreles terres palestiniennes. En 1982,devenu ministre de la Défense, ilsera l’un des artisans de l’invasiondu Liban où se déroule le terriblemassacre de Sabra et Chatila.

Pourtant il n’atteint pas son but :détruire l’Organisation de libérationde la Palestine (OLP) et en finir avecYasser Arafat. La condamnation dumassacre au plan international et enIsraël même fut telle qu’il seracontraint de quitter son poste.

Fin septembre 2 000, Ariel Sharon serend sur l’esplanade des Mosquées àJérusalem, déclenchant par cette pro-vocation la seconde Intifada. Premierministre six mois plus tard, il conti-nue sans relâche sa lutte contrel’OLP en reconquérant militairementla Cisjordanie et en encerclant le QGd’Arafat à Ramallah en 2002.

Il continuera jusqu’au bout son com-bat contre les Palestiniens, avec laconstruction du « Mur », mais aussien opérant le retrait unilatéral des 8 000 colons de Gaza (où s’implantele Hamas). Il accélérera en échangela colonisation de la Cisjordanie oùen 2005, quelques 250 000 colonssont implantés et plus de 200 000 àJérusalem-Est (selon La PaixMaintenant, cité par D. Vidal dans laPNM n° 232 de janvier 2006).

En 2006, à la suite d’une attaquecérébrale, il sombre dans le coma.Sharon s’éteindra sans avoir été jugépour les massacres de Sabra etChatila, « un crime passible de lajustice internationale », comme l’é-crit Alain Gresh sur son blog. ■

Lizzie Van Zyl, enfant Boer, internée et mortedans le camp de concentration de Bloemfontein

C’est à toi, Lizzie, parmi tant d’autres,que je voudrais dédier ce travail surl’histoire de ton pays où la cruauté del’industrialisation t’a interdit comme àplus de 20 000 autres petits Boers dedevenir adulte. Tu m’as permis decomprendre que ton peuple avait luiaussi beaucoup souffert. Tu as dû mou-rir en 1900. Peut-être que l’un de tesfils serait devenu président de laRépublique, ou policier, ou simple-ment fermier ? Ou peut-être membrede l’ANC. Tu ne sauras jamais quedans cette lutte désespérée des tiens,les Noirs choisirent d’être à vos côtéscontre les troupes britanniques.

■■■ Suite du n° 312 Ubuntu En souvenir de Lizzie Van Zyl

Ce mot désigne une informatiquelibre et éthique. Dans les lan-gues bantoues, il désigne une

valeur qui pourrait se traduire par « humanisme ».

Un anthropologue qui voulait l’étudierde plus près proposa à des enfants cejeu : il déposa au pied d’un arbre unecorbeille de fruits qui récompenseraitcelui qui aurait couru le plus vite. A sonétonnement, les enfants se prirent parla main pour arriver ensemble. « Pourquoi ? » s’étonna-t-il. « Mais,parce qu’on n’a pas de plaisir à serégaler seul ! »

Disons pour aller très vite que l’ubuntuc’est le sentiment profond de l’huma-nité de l’autre. Cette humanité queMandela a passionnément cherchéechez ses adversaires et quand on lacherche on la trouve toujours.

J’ai beaucoup appris sur l’Afrique duSud le jour où, cherchant sur Internet laguerre des Boers, j’ai découvert unephoto qui résume tout. Cette photo, lavoici, avec sa légende :

II. MANDELA

Proche-Orient

L’État du monde 2014

La PNM a le plaisir de faire part de la paru-tion du livre* rédigé sous la direction deBertrand Badie et de notre collaborateur,Dominique Vidal. Trente articles indispen-

sables pour mieux comprendre…le monde. Véritable « roman del'actualité mondiale », L'état dumonde révèle, au-delà de l'immé-diateté de l'événement, la tonalitédes changements à l'œuvre sur laplanète. ■

* Sous la direction de Bertrand Badie et DominiqueVidal, Puissances d'hier et de demain : L'état dumonde 2014, Éd. La Découverte, 2013, 274 p., 18 €

La Lucarne des Ecrivains vous invite àune rencontre « À la première personne… »le mardi 11 mars 2014 à 19h30 en compa-gnie de :

- Esther Orner, écrivaine israélienne delangue française, traductrice de poésiehébraïque en français, a publié sept livresaux éditions Métropolis, dont un tryptiquede la mémoire : Autobiographie de per-sonne, Fin et suite, Petite biographie pourun rêve. « Entre deux vies » est sa dernièrepublication.

- Anne Gorouben, artiste plasticienne,expose en France et à l'étranger. Elle anotamment présenté un Hommage à PaulCelan au MAHJ à Paris et le cycleD'Odessa à Odessa, en France et enUkraine. Elle a publié 100, boulevard duMontparnasse, Éd. Les cahiers dessinés,Buchet Chastel (cf. PNM N° 310). ■

Lecture par Esther Orner, Anne Gorouben,Béatrice Courraud, Micheline Zederman

La lucarne des écrivains – 115 rue de l’Ourcq75019 Paris – Tél. 01 40 05 91 29 – http://lalucarnedesecrivains.wordpress.com –Réservation : 06 88 39 47 95

Esther et Anne

Page 4: La Presse Nouvelle Magazine n° 313 - Février 2014

On s’est beaucoup interrogé surle tournant libéral de la poli-tique économique française

depuis le début de l’année 2014.

A cette occasion, on oppose souvent,pour la résolution du problème duchômage, la politique de l’offre (PO)à celle de la demande (PD). Cette der-nière consisterait à augmenter lessalaires et les dépenses de servicepublic, l’ensemble venant augmenterla demande aux entreprises qui, pour yrépondre, devraient créer des emplois.La PO, quant à elle, consiste à allégerles dépenses des entreprises en dimi-nuant leur fiscalité et leurs cotisationssociales en espérant qu’elles acceptent,alors, de créer des emplois. Le « tour-nant libéral » consisterait à adopter laPO plutôt que la PD au prétexte que

cette dernière serait un handicap dansla concurrence internationale à laquel-le sont livrées les entreprises. Toutefois, ce raisonnement s’écroulesi on tient compte du coût du capital(dividendes excessifs versés aux action-naires et intérêts des dettes). Celui-ci,pour donner un ordre de grandeur, cor-respond au double des cotisations socia-les des entreprises françaises tandis queson poids dans la richesse totale produi-te (PIB) ne cesse d’augmenter*. C’est ceprélèvement excessif qui empêche lesentreprises d’investir et de créer desemplois faute de ressources disponiblessuffisantes après une pareille ponction.

Pour sortir de cette crise du capita-lisme, les mesures suivantes sontnécessaires : Il faut, d’abord, réduire le coût du

capital par des mesures appropriées enmatière d’impôt sur les bénéfices desentreprises en vue de décourager leversement de dividendes et favoriser lacréation d’emplois. Il faut, ensuite, des mesures d’aide auxPME, essentiellement sous la forme deprêts à taux d’intérêt très inférieurs auxtaux actuels, voire négatifs, notammentdans les secteurs qui sont susceptiblesd’être des sources de valeur pour demain.Il faut, enfin, augmenter les dépensespour les êtres humains, notamment lessalaires, développer les servicespublics, notamment d’éducation, derecherche et de santé, de transportspublics, autant de moyens d’investirdans l’avenir.

On est, ici, très loin de l’oppositionfactice entre la PO et la PD. ■* Pour plus de données chiffrées et d’explica-tions sur le concept de coût du capital, on peutconsulter :http://www.ires-fr.org/images/fileshttp://france.attac.org/sites/default/files/enfinir avec la competitivite.pdf

Philip Roth, à lire ou àrelire, pour votre plaisir,chez Gallimard:

Nemesis, 2012, 240 p., 18,90 €

Le rabaissement, 2011, 128 p., 14,10 € -Cf. PNM n° 291 page 8

Le complot contre l’Amérique, Folio,2007, 576 p., 8,90 €

La tache, Folio, 2004, 496 p., 8,90 €

La bête qui meurt, 2004, 144 p., 14,75 €

J’ai épousé un communiste, Folio, 2003,442 p., 8,90 €

Pastorale américaine, Folio, 2001, 580 p., 8,90 €

Opération Shylock : une confession,Folio, 1997, 656 p., 10 €

L'écrivain des ombres, 1981, 192 p.,17,75 €

Portnoy et son complexe, Folio, 1973,384 p., 7,90 €

Tricard Dixon et ses copains, 1972, 200 p.

4 PNM n°313 - Février 2014

Monsieur Serge est assez riche. Il détient sa modeste fortune, à peine quelques milliardsd'euros, d'une entreprise familiale créée par son défunt père, Monsieur Marcel (un

homme honnête, lui). Elle a vendu aux contribuables français et à d'autres des avions de com-bat, de l'Ouragan au Mystère, du Mirage au Rafale. Tous d'excellente qualité, bien que definalité humanitaire discutable

Monsieur Serge aime la communication. Il est patron d'un journal populaire et progres-siste, le Figaro. Outre le pouvoir de propager les bonnes pensées et de combattre lesautres, il bénéficie, à ce titre, de justes rémunérations.

Monsieur Serge est aussi un homme politique. Il rompt des lances, dans son départe-ment, au Sénat, contre les ennemis de la Vertu en général et les suppôts de la gaucheen particulier. Or sur la voie de la Grandeur, les obstacles sont traîtres. Monsieur Serge tré-buche quelquefois. Il lui arrive, pour le bien du peuple et pour le sien, de recourir à des pro-cédés que la Morale réprouve ; corruption, intimidation, parfois pire. A point tel que la Justicecherche des poux dans la tête de Monsieur Serge. Et, paraît-il, des gros.

Monsieur Serge a de la chance. Une courte majorité de sénateurs a refusé de le démunir deson bouclier protecteur, son immunité parlementaire. Cerise sur un drôle de gâteau. Le chas-seur Rafale, vieux de plus de vingt ans, va profiter d'une obole d'un milliard d'euros pour unecure de rajeunissement dont il est probable qu'elle ne servira pas à grand-chose. En tout caspas au bonheur du peuple qui va payer.

Monsieur Serge coule des jours heureux. ■ Jacques Franck, 21 janvier 2014

Politiques de l’offre et de la demandepar Jacques Lewkowicz

Repères

Le Massacre de la Saint Valentin

Peste - La peur conduisit les gens à se réfugier dans la croyance… Des séances de flagellations et de danses macabres en public s’étaient répandues dans tout l’Occident.

Ça s’est passé le 14 février 1349. La terrible Peste Noire arrive à Strasbourg. Onestime qu'elle a fauché plus d'un quart de la population alsacienne. Les juifssont moins éprouvés par le fléau que les chrétiens, en raison, entre autres, de l’i-

solement du quartier juif. Le bas peuple ne l'entend pourtant pas de cette oreille. Faut-il un coupable au fléau ? Il le trouve. Les juifs sont accusés d'avoir empoisonné tousles points d'eau : sources, fontaines, citernes. A preuve, des juifs torturés àWintzenheim ont avoué !Lisons plutôt, rapporté par le chroniqueur Fritsche Closener, prêtre contemporain desfaits, le témoignage d’un compagnon tanneur qui décrit :"Dès l'aube, un vacarme indescriptible remplissait les rues de Strasbourg : c'était lebruit des troupes en marche, avançant au rythme de chants sauvages, accompagnés descris de femmes déchaînées. Lorsqu'elle eut brisé les barrières qui fermaient l'entrée duquartier juif, la foule se précipita dans le ghetto. Hommes et femmes, enfants etvieillards furent égorgés sans pitié. Dans les maisons incendiées, des familles entièresdisparurent sans laisser trace." Ce jour-là, on brûla 2 000 juifs dans leur propre cime-tière : dans la rue aujourd’hui appelée la rue Brûlée. Et l’on s’empara de leurs biens.L’UNESCO a entrepris d’étudier les Routes de la Soie, celles de l’esclavage, cellesd’Al-Andalus. Il faudra un jour étudier les routes de la Peste. Nées au cœur de l’Asie,les pandémies se propagent grâce aux guerres et aux rats, passagers clandestins desnavires. Voyageant par bateau, la Peste Noire a gagné la mer Noire, puis laMéditerranée. A péri de son fait entre le tiers et la moitié de la population européenne,frappant plus rudement les villes que les campagnes. Les conséquences démogra-phiques et économiques furent importantes. Les juifs payèrent un lourd tribut : mino-rité toute trouvée pour fournir un exutoire à la souffrance.Pourquoi faut-il répondre au malheur par la haine ? ■ Nicole Mokobodzki

Peste

Les beaux jours de Monsieur Serge

Un juif hongrois au Panthéon ?

Victor et Ilona Basch étaient assassinés parla milice le 14 janvier 1944, il y a de cela

70 ans. Cofondateur avec Lucien Herr de laLigue des droits de l’Homme, Victor Basch endevint président en 1926. Aussi est-ce l’actuelprésident de la Ligue, Pierre Tartakowsky,qu’Irène Michine interviewe, dans le numérode janvier du Patriote Résistant* à propos de « ce juif qui agace » et qui incite à se poser laquestion : « Qu’est-ce qui fait un citoyen ? ».Retenons cette belle formule, enjeu des luttesactuelles : « La nation, c’est la liberté, l’égali-té, la fraternité ». La Ligue des droits del’Homme propose l’entrée au Panthéon deVictor et Ilona Basch. Signalons le film deVincent Löwy : « Victor Basch, dreyfusard decombat » ■* Le Patriote Résistant, n° 882, janvier 2014

"Les fantômes de la République"

Aménagée dans lessalons de l’Hôtel

de Ville de Paris, l’expo-sition « Fusillé pourl’exemple – Les fantô-mes de la République –1914-1918 » est ouvertejusqu’au 15 mars. Elle invite le visiteur, à tra-vers les quelque 650 fusillés, omniprésents, àréfléchir sur la Justice des temps de guerre.Histoire de la Justice militaire durant laGrande Guerre et histoire de la mémoire desfusillés de l’immédiat après-guerre à l’époquecontemporaine.Signalons que la Ligue des droits de l’Hommecontinue à porter la demande de réhabilitationdes victimes de décisions injustes des Conseilsde guerre, des exécutions sommaires et autressanctions arbitraires.

Billet d’humeur

CharonneIl faut se souvenir de Charonne. Le samedi 8 février, à l’initiative du Comité Vérité etJustice pour Charonne,dépôt de gerbe devant les plaques à l’intérieur du métro Charonne,à 11h.30 puis au Cimetière du Père Lachaise, à 13h. Interminable exigence de vérité à pro-pos des guerres coloniales, à propos du massacre de Charonne, à propos de l'affaire Audin.Les archives "sensibles" de la guerre d'Algérie ne seront ouvertes qu'en 2022... ■

Page 5: La Presse Nouvelle Magazine n° 313 - Février 2014

PNM : Maurice Cling, vous critiquezcette Journée. Pourquoi ? Maurice Cling : Je vous remercie deme donner la possibilité de communi-quer aux lecteurs de la PNM certaineschoses dont on ne parle jamais. C’estl’Allemagne qui a été à l’initiative decette Journée. Issue de la guerre froide,avec ce que cela comporte d’affronte-ments idéologiques et de schématisme,l’Allemagne poursuit dans une largemesure les termes hitlériens de l’anti-communisme et de l’antisoviétisme. Parexemple, après la libération des crimi-nels de guerre, elle a payé jusqu’à leurmort des pensions aux S.S. à partir dugrade de capitaine. Elle a stigmatisé lesrescapés communistes, interdit le Particommuniste allemand tout en laissantdans tous les rouages importants del’appareil d’État d’anciens nazis,comme Globke qui avait rédigé en 1935le Statut des juifs et qui faisait partie dugouvernement Adenauer.

Commémorer les victimes juives le jourde la libération d’Auschwitz permetd’apparaître aux yeux du mondecomme ayant fait acte de « repentance ».Mais il n’y existe aucune journée pourcommémorer les résistants de toutel’Europe, ni les antifascistes allemands,aucune journée pour commémorer lestziganes et les slaves. Il s’agit de réinté-grer le concert des Nations sans mettreen cause la ligne politique générale dupays.

Le 8 mai n’est pas commémoré enAllemagne. Jamais un mot des 50millions de morts victimes du nazisme,dont 20 millions de victimes sovié-tiques, civiles surtout et militaires. Enfocalisant sur les victimes juives, onévacue les autres victimes, les bour-reaux et les commanditaires.

Il est significatif qu’en Allemagne, le 27janvier soit la seule grande cérémonieannuelle concernant la Seconde GuerreMondiale.

Cette journée a ensuite été adoptée auParlement européen, puis les NationsUnies en ont fait une journée commé-morative et de prévention des crimescontre l’humanité.

PNM : Que pensez-vous de la formu-lation « dédiée aux victimes del’Holocauste » ?MC : Le mot grec Holocauste signifiesacrifice de la victime consumée inté-gralement sur l’autel. Il est apparu enFrance, où l’on parlait auparavant degénocide, après la sortie en 1979 dufameux feuilleton américain. C’estcompréhensible dans le bain de religio-

sité biblique américain. Mais chacunsait que les victimes juives n’ont paschoisi de s’offrir en sacrifice. Hommes,femmes, enfants ont été assassinés parles nazis et leurs complices, dont le gou-vernement de Vichy. On ne leur a pasdemandé s’ils croyaient en tel ou teldieu.

Les animaux brûlés sur l’autel deJérusalem associés à ceux qui ont étébrûlés dans les fours crématoires a ditElie Wiesel rapprochant les flammes decet autel de Birkenau…

Cette vision mystique est contraire àl’Histoire.

En France, après la sortie en 1985 dufilm de Lanzmann, on a utilisé le motShoah, mot hébreu signifiant cata-strophe, anéantissement, mentionnédans la Bible. L’extermination n’est pasune catastrophe, pas un tsunami. Le motShoah occulte le crime organisé, délibé-ré, que recouvre le mot génocide.

Quant au mot Holocauste il appelle encomplément le mot victime. Or, l’évé-nement a concerné toute l’Europe, quin-ze pays environ ont envoyé des trains àAuschwitz et dans d’autres camps.L’événement historique sans précédentdans l’Histoire moderne doit nous appe-ler à la réflexion contrairement à ce quedit Lanzmann pour qui « essayer decomprendre Auschwitz c’est obscène ».Lui s’intéresse au comment ils ont ététués. Or, ce qui est capital, c’est de com-prendre : Qui, pour qui, pourquoi. Auschwitz est un élément de l’affronte-ment titanesque de la Seconde GuerreMondiale. Après la guerre on a essayéd’en tirer des leçons pour voir à quelpoint avaient été ébranlées les bases denotre civilisation. On n’a pas fini des’interroger. L’actualité nous y inciteconstamment. Si ce qui a eu lieu recom-mençait, comme le dit Primo Levi, ceserait en pire compte tenu des moyensmodernes.

On nous affirme que le but était d’éradi-quer la religion juive, mais en France,les nazis et leurs complices français nemenaient pas de lutte contre la religionjuive. Les synagogues sont restéesouvertes à Paris, j’ai fait ma Bar Mitzvadans le 5e arrondissement de Paris en1942, on achetait du pain azyme, deskippas, des tefillins, etc. Dans chaquepays, ils s’adaptaient. Ils s’attaquaientau sang qui était criminel et non auculte, même si la religion est mention-née dans le « Statut des juifs ». Jamaison ne mentionne dans les discours etexpositions officielles que les synago-gues étaient ouvertes. ■■■

A propos de la « Journée internationale decommémoration des victimes de l’Holocauste etde la prévention des crimes contre l’humanité »

PNM n°313 - Février 2014 5

(suite de la PNM 212)■■■ Dans Le Complot contrel’Amérique (2004), l’écrivain ima-gine que quand Roosevelt se présen-te pour la troisième fois aux élec-tions, c’est le célèbre aviateurCharles Lindbergh qui se présentecontre lui et remporte les suffragesdes Américains en majorité hostilesà toute entrée en guerre contrel’Allemagne. Les États-Unis n’en-trent donc pas en guerre avec leJapon, Lindbergh, dont les sympa-thies pro-hitlériennes étaient bienconnues, désire immédiatement unrapprochement avec les forces del’Axe. Seule sa disparition permet leretour de Roosevelt comme prési-dent et une politique intervention-niste en Europe et dans le Pacifique.Ce que l’auteur veut nous faire com-prendre, c’est la vie qu’auraientconnue les juifs avec quelqu’uncomme Lindbergh aux commandes.Le destin de la famille Roth met enrelief les antagonismes des Juifsavec les Italiens à Newark, et l’insi-dieuse et progressive marginalisa-tion dans la société américaine.L’infernale machine de l’antisémi-tisme s’était mise en marche, lente-ment, imperceptiblement et s’étaitimposée dans une Amérique qui,dans son ensemble, s’en satisfaisait.C’est une pure fiction, mais elle aservi à Roth à mettre en évidence cequi est sous-jacent dans les stratesprofondes de la population.

Sans doute le plus étonnant de seslivres est J’ai épousé un communisteparu en 1998. Il y relate (ou plutôtc’est toujours son double, Zucker-man qui le fait) le destin d’un cer-tain Ira Ringold, d’extractionmodeste, devenu une vedette à laradio. Il a épousé une actrice, EvaFrame, qui a sabordé sa carrière, etqui avait une fille, Sylphid, profon-dément antisémite. C’est le frèred’Ira, Murray un professeur, quifournit au narrateur l’essentiel desinformations sur la vie d’Ira. À sonhabitude, Roth s’ingénie à intriquerla montée du maccarthysme et àfaire éprouver les persécutionsmonstrueuses dont sont victimes lesmilitants communistes à peine ren-trés du front, leurs sympathisants etmême ceux qui n’ont rien à voiravec la politique. Il ne dépeint pas

cette période en nous dévoilant unefresque historique. Tout ici est inté-riorisé. Mais alors que se nouent lesdifférents récits qui constituent ceroman touffu, Roth en montre lesracines profondes et fait toucher dudoigt les conséquences de cetteinvraisemblable atteinte aux libertésfondamentales des citoyens dans unpays dont la Constitution garantitl’absolue liberté d’opinion.

Philip Roth a donc tenu à immorta-liser ces phases essentielles de l’his-toire des U.S.A., non en chroni-queur ou en analyste, mais en décri-vant une multiplicité de figurescurieuses et souvent peu représenta-tives, des individus singuliers, pastoujours reluisants, qui se trouventconfrontés à une réalité dangereusepour eux, qui les mine jusqu’au fondde l’âme. Et comme dans tous sesécrits, les contradictions de ces êtressont nombreuses. C’est une drôle decomédie humaine, qui ne veut pas,comme l’ont fait ses grands aînés,représenter un milieu ou un autre dela société. Il choisit des héros qui nenous sont pas nécessairement sym-pathiques et avec lesquels nous n’a-vons pas une solide empathie. De laSeconde Guerre Mondiale à laGuerre du Vietnam, il a mis enscène des juifs de nouveau en proieà la discrimination, comme cellequ’il avait connue, enfant, dans sonmodeste quartier de Weekahic àNewark, quand les petits Italiens,eux-mêmes rejetés par les WASP**,s’en prenaient aux gamins youpinsdu coin.

Dans l’enchevêtrement de ces des-tins, il a montré de quelle façonl’Amérique s’est forgée, alors qu’elledevenait la plus puissante nation dumonde, avec le racisme, la stigmatisa-tion de ses éléments considéréscomme dangereux et de faussesvaleurs religieuses et civiques. ■* Philip Roth, L’Amérique,traduit de l’anglais (États-Unis) par Josée Kamoun,Gallimard, Quarto, 1172 p.,25 €.

** NDLR. White, Anglo-Saxon, Protestant. Ce sigle désigne lesémigrés protestants, principalement venusd’Angleterre, qui forment l’aristocratie desÉtats-Unis, à la différence par exemple desIrlandais catholiques.

Philip Roth ou un petit juifdans la grande Amérique

par Gérard-Georges Lemaire

Littérature 27 janvier 1945

Suite en page 6

Point

de vue

Page 6: La Presse Nouvelle Magazine n° 313 - Février 2014

L’ Affiche rouge a soixante-dix ans !par Szmuel Rosenfeld

Ils sont arrêtés en novembre 1943,jugés en février 1944, condamnés àmort le 21. Les 22 hommes sont

fusillés le même jour au fort du Mont-Valérien. Olga Bancic, la seule femmeparmi eux, est exécutée le 10 mai de lamême année à Stuttgart. Ils s’étaient livrés à de nombreux actesde résistance : qu’on en juge !Au cours des six premiers mois de1943, les équipes de la MOI accom-plissent quatre-vingt-douze attentatsdans un Paris sous haute surveillance.De juillet à octobre 1943 l’équipe des« dérailleurs » des FTP-MOI provoquatreize déraillements importants. Uncommuniqué des FTP-MOI annoncerafièrement : « Le 28 septembre 1943, à9 heures du matin, dans la ruePétrarque à Paris, trois partisansarmés de pistolets ont abattu dans savoiture le Dr. Ritter, représentant enFrance de Fritz Sauckel, commissaireà la main-d'œuvre, chargé de la dépor-tation en Allemagne des travailleursdes pays occupés ».

Mais les Brigades spéciales de la poli-ce parisienne étaient à leurs trousses. Ilfaut ici citer l’historien DenisPeschanski qui fait le bilan du « groupeManouchian » :« En apparence, la police gagna lapartie. Après des mois de traque, ennovembre 1943, elle démantelait larésistance immigrée parisienne,armée et politique. On n’oublierapas, cependant, que le combat semenait, d’abord, sur le terrain poli-tique, celui de l’opinion. L’échec dela campagne allemande de l’Afficherouge témoigne de la victoire descombattants, au-delà de la mort.L’occupant allemand et Vichy vou-laient en faire des assassins ; ils enfirent des héros. » ** ■

* L'appellation nazie de « groupeManouchian » est une œuvre de propaganderaciste pour mieux discréditer la Résistanceet la présenter comme antipatriotique.

** Introduction par Denis Peschanski de « L’affiche rouge » par Adam Rayski, Comitéd’histoire de la Ville de Paris, 2009.

1914-1918 : Maudite soit la guerre !

Depuis 1908, Charles Pathé diffusechaque semaine, le « Pathé-Journal » sous l'emblème du coq

chantant avec des sujets tournés par sesopérateurs aux quatre coins du monde.Gaumont-Actualités, Éclair-Journal etÉclipse-Journal suivent les pas de Pathé.

En 1913, Maudite doit la guerre ! avait ététourné en Belgique par le cinéaste françaisAlfred Machin, directeur artistique de la « Belge cinéma » filiale de Pathé. Mauditesoit la guerre! est un film pacifiste et prémo-nitoire, un mélodrame de grand spectacle,en couleurs peintes à la main, et auquel l’ar-mée belge a donné son concours avec deuxbataillons de fantassins. Le titre reflète bienle pacifisme du film et Charles Pathé s’eninquiète. Maudite soit la guerre ! resté un anau placard et sorti en juin 1914 accompagnéd’une publicité embarrassée avait été viteretiré des écrans pour tomber dans l’oubli.

Mobilisé, Machin fonde avec trois autresopérateurs le Service cinématographiquedes Armées. Reporter photographe pourPathé, on lui doit les images de la bataille deVerdun qu’il sous-traite au service cinéma-tographique de l'Armée française. En 1918,David Wark Griffith fait appel à AlfredMachin sur le tournage de son beau mélo-drame de guerre Cœurs du monde pour ytourner les images des tranchées françaiseset les scènes de bataille.

Le cinéma français, premier producteurmondial de films, connaît un déclin rapidedans la première année de la guerre. Celle-civide les studios de tous les hommes valides :techniciens, acteurs, décorateurs s'enrôlentdans les casernes. L’usine de pellicules vier-ges de Vincennes se reconvertit en usine deguerre et Charles Pathé obtient l’appui desbanques pour délocaliser ses affaires hors deFrance. Il licencie une grande partie de sonpersonnel pour se consacrer au développe-ment de son trust en Amérique par la créa-tion d’une vingtaine d’agences Pathé.

Le 4 aout 1914, un cortège funèbre de 300 000 Parisiens avait accompagné Jaurèsvers sa dernière demeure et bientôt aux

SOUSCRIPTION du 80e anniversaire de la Naïe PresseTout au long de l'année 2014, la Presse Nouvelle Magazine fête avec fierté les quatre-vingts ans de la Naïe Presse. A cette occasion, nous lançons une souscription excep-tionnelle pour que « Ça continue » ! Joyeux anniversaire à la Naïe Presse ! ■

Le groupe appelé « Manouchian »* était constitué de 23 résistants communistes,dont 20 étrangers, des rescapés de la guerre d’Espagne, des Italiens résistant aufascisme, des Arméniens et des Juifs polonais ou hongrois. Ils faisaient partie desFrancs-tireurs et partisans - Main-d'œuvre immigrée. Les 23 sont issus de diffé-rentes unités composant les FTP-MOI

6 PNM n°313 - Février 2014

Histoire 27 janvier 1945

Maudite soit la guerre !Photogramme couleurs peintesà la main © Nederlands Film

muséum Amsterdam

Maudite soit la guerre ! © Alfred Machin, 1913

appels à la paix succèdent les appels guer-riers. Georges Sadoul note dans son histoiredu cinéma que la déclaration de guerre étaitdevenue inévitable, en raison "des alliances,de la course aux armements, des poudrièresentretenues dans les Balkans ou le Proche-Orient..."L’heure des films de propagande guerrière asonné aux titres explicites : L'union sacrée,Celui qui reste, Françaises veillez ! , Mort auchamp d’honneur, Léonce aime les Belges,Le Héros de l’Yser, Le trophée du Zouave, Ladénonciatrice…Dans les salles qui se consacrent aux pro-grammes d’actualités cinématographiques,les masses populaires croient voir toute la « vérité » de la guerre grâce au réalisme del’image animée et se sentent ainsi moinscoupées de leurs proches partis au front. Lesautorités militaires comprennent vite l’intérêtdes actualités filmées de la guerre pour lapropagande. C’est ainsi que la Section ciné-matographique aux armées (SCA) rattachéeau Bureau des informations militaires passedes conventions avec les studios Gaumont,Pathé, Éclipse, Éclair pour garder le mono-pole sur le circuit de l’image au niveau de laproduction et de la commercialisation, etdans le but d’encadrer l’opinion publique.Durant la guerre, l’État accentue sa mainmi-se sur les images produites et montrées dansles nombreuses salles d’actualités ouvertesau public – 16 000 en 1917- et dont l’essorcroît. Le front n’est pas oublié et les studiosdévelopperont, toujours en convention avecl’armée, une production spéciale destinéeaux poilus. ■ Laura Laufer * NDLR Source documentaire : Georges Sadoul,Histoire Générale du cinéma, Vol. 3 et 4. Éd. Denoël– Jean Mitry, Histoire du cinéma Vol. 1 et 2 Éd.Universitaires

1934-2014 : de la Naïe Presse à la Presse Nouvelle…

Yiddish translittéré :

Chtormichè manifestatziès in Paris

Parlament-zitsoung ountern tsaykhnfoun diktatour-drongen. Fachistnchteln barikadn oyfn platz Concord.7 toytè oun 50 farvoundètè. Rizikèarbètèr-dèmonstratziès, mitingèn,oun barikadn in Paris oun in gantznland. Flot-Ministerioum in flamen

Traduction :

Manifestations orageuses à Paris

Session parlementaire sous le signe demenaces dictatoriales. Les fascistesdressent des barricades sur la place de laConcorde. 7 morts et 50 blessés. Mani-festations ouvrières géantes, meetings etbarricades à Paris et dans tout le pays. Le Ministère de la Marine en flammes

Cycle Cinéma et propagande

Le Consistoire était représenté à Vichyce qui n’empêchait pas les trains de par-tir de France.

PNM : Alors quel est le rôle d’une telleJournée ? MC : Présenter les morts assassinéscomme des martyrs et non comme résis-tants qui se sont pourtant illustrés enFrance, dans les maquis, dans tous lesghettos, dans les camps, et jusque dansles crématoires, rappelons-nous la révoltedu SonderKommando d’Auschwitz. Lemot victime évoque irrésistiblementSaint Nicolas qui a sauvé les trois petitsenfants. L’image est doloriste, compas-sionnelle. Les mots Holocauste, Shoah,Justes, porteurs d’une majuscule, c’estde l’ordre du sacré. Le mot génociden’en a pas, c’est un terme scientifiquequi permet d’analyser l’événement. Les

termes bibliques sont à écarter car ilsempêchent la pensée, l’analyse ration-nelle et détournent de la réalité concrète,notamment des faits, de leur origine, desresponsabilités.

Les victimes ne sont pas présentées commeconsentantes, mais après la guerre, on a vuapparaître le thème des moutons à l’abat-toir. On ne dit pas que les gens ont été trom-pés, que jusqu’à la dernière minute ilscroyaient entrer dans des salles de doucheaprès les transports, qu’ils y entraient sanssavoir, à cause du secret d’État dont on neparle guère. Même dans le ghetto deVarsovie, quand les juifs montaient dans letrain, ils ne savaient pas que si près, àTreblinka, on allait les assassiner. ■■■

(Suite au prochain numéro)Propos recueillis par

Claudie Bassi-Lederman

Suite de la page 5

Toute cette année 2014, la PresseNouvelle Magazine célébrera le 80e

anniversaire de notre journal en repro-duisant des fac-simile de la Naïe Presse,tout en retenant particulièrement lesarticles dont le sujet a conservé, à dis-tance, toute son actualité. Le mois der-nier, c’était la UNE du numéro 1 dujournal (1er janvier 1934) titrant sur de“Nouveaux décrets contre les tra-vailleurs étrangers”… Aujourd’hui,alors que l’on assiste à la montée desextrêmes droites européennes, nous pui-sons dans celle de la Naïe Presse du 7 Février 1934 ce sujet :

Naïe Presse du 7 février 1934

Page 7: La Presse Nouvelle Magazine n° 313 - Février 2014

L’auteur et metteur en scène nousdonne à voir un théâtre de société surces chibanis** oubliés de l’histoire :tendre et drôle à la fois.

Les chibanis, ce sont ces travailleursmaghrébins immigrés de la premièregénération qui, devenus vieux, habi-tent toujours des foyers. Venus jeunesen France, après la Seconde GuerreMondiale, pour fuir la misère, ilsétaient logés dans les foyers Sonacotra.C’étaient les « Trente glorieuses »durant lesquelles ils sont venus faireles sales boulots : fonderie, travail à lachaîne, mines, grutiers… Ils ont cons-truit les HLM et se sont retrouvés par-

qués dans ces foyers, alors que leregroupement familial n’était pas tolé-ré. Arrachés à leurs familles, leursenfants, leurs épouses, ils n’ont jamaispu, pour diverses raisons, retourner aupays.

Arrivés à la retraite, ils ne le pouvaienttoujours pas faute de pouvoir touchercelle-ci intégralement. La France est res-tée leur pays dans lequel, pauvres, etdans la solitude, ils restent invisibles, demême que dans leur pays d’origine,doublement reniés, en tant qu’ouvrierset en tant qu’immigrés. Le spectacle, jamais larmoyant, tout enfinesse et en retenue, donne à voir cette

tragédie humaine. C’est Martin, quirecherche la trace d’un père inconnu,un coffret en mains et les derniers motsde sa mère en tête, qui entre dans lerude quotidien de ces hommes.

« Invisibles » est une pièce rare qu’ilfaut absolument voir, que nousconnaissions ou non cette réalité. A lafois sensible, sobre, pleine de retenue,poignante et drôle, elle nous plongedans la vie, l’histoire, la tragédie et lesaffects de ces chibanis qui se sontrefermés dans la pudeur et le silence,oubliés de tous. Elle nous redonne unbout de visibilité et nous serre le cœur.Magnifique travail et magnifiques

acteurs pour cette pièce qui ne cesse detourner dans les théâtres depuis plusd’un an, et pièce ô combien boulever-sante. ■

* Du 5 au 15 mars au Studio Casanova, 69 avenue Danielle Casanova, Ivry-sur-Seine.Réservations : 01 43 90 11 11

**Chibanis : Cheveux blancs en arabe

PNM n°313 - Février 2014 7

Au théâtre des quartiers d’Ivry* « Invisibles » de Nasser Djemaï

Le vent se lève de Hayao Miyazaki

Le vent se lève… il faut tenter de vivre, cette citation d’un des vers duCimetière marin de Paul Valéry s’inscrit en exergue du film pour en signer lafeuille de route poétique et philosophique. Le film est librement adapté duroman éponyme de Tatsuo Hori. Il raconte le bonheur vécu par Jirō d’avoirrencontré et aimé sa jeune femme Naoko, morte, tuberculeuse, tout en consa-crant, avec passion, sa vie à l’aéronautique.

Miyazaki a toujours été un passionné d’objets volants lesquels peuplent sou-vent ses films. Dans Porco Rosso, il nous contait déjà l'histoire des aviateursdes années 1920-1930. En choisissant que la vie de son héros s’inspire decelle de Jirō Horikoshi, ingénieur en aéronautique chez Mitsubishi, il placeson film sous les auspices du réalisme comme de la complexité. Au Japon, lefilm fait aujourd’hui polémique et les nationalistes et les partisans du réarme-ment du Japon considèrent Miyazaki comme un traître.

Le cinéaste fait de Jiro, concepteur du terrible bombardier chasseur qui causala perte des Américains à Pearl Harbour, un pacifiste, antinationaliste et anti-fasciste. Miyazaki joue ainsi sur les contradictions à résoudre dans un mondeoù l’utopiste rêve que ses inventions technologiques ne puissent jamais plusservir la guerre au détriment de l’humain. Le regard du cinéaste sur l’histoirede son pays est sévère mais lucide. Il évoque ainsi quelques moments clefs del’histoire japonaise : le grand tremblement de terre du Kantô, en 1923 et sesravages de feu et de misère, l’alliance du Japon avec l’Allemagne nazie, laguerre contre la Chine. Notons que dans le petit hôtel où Jiro réside avecNaoko, il rencontre le très sympathique Castorp (personnage qu’on trouveaussi dans La montagne magique de Thomas Mann) et qui présente les carac-téristiques d’un juif exilé, opposant déclaré à Hitler, « ce vaurien ».

Miyazaki dans cette grande fresque peinte, en majeure partie à la main, com-pose une superbe ode à la vie, à la nature, à l’amour et au rêve. On savait déjàque le cinéaste est sans conteste l’un des grands artistes dont les films reste-ront pour l’avenir, sans perdre de leur beauté plastique et de leur intensitéémotionnelle. Dire que Le Vent se lève est un film délicat, bouleversant et sub-lime est peu dire. ■

Catherine ANNE met en scène l’intégrale de sa pièce « Agnès » écrite en 1994et de « L’École des femmes » de Molière (1662), dans une même scénographieet jouées exclusivement par des comédiennes. Une belle réussite.

C’est une excellente idée que de porter à la scène un diptyque qui met en lumière l’in-ceste et les phénomènes d’emprise, l’abaissement, la possession et l’enfermement desfemmes, et les ressorts qu’elles utilisent pour s’en sortir. Dans les deux pièces, et à troissiècles d’intervalle, l’héroïne porte le nom d’Agnès, et nous avons, en regard, le mêmefil conducteur : une interrogation sur les femmes au travers de la domination masculine.Un thème cher à Catherine Anne que celui de l’égalité homme/femme ! La magnifiquepièce de Molière reste universelle. Celle de Catherine Anne, peut-être sa pièce la plusaboutie, n’a, hélas, pas pris une ride et reste toujours d’actualité. On y trouve desrépliques truculentes telles que « Je n’ai pas eu de père, je n’ai eu qu’un propriétaire ».

Dans la première, Arnolphe, un vieux barbon, recueille une fillette de quatre ans dansl’intention de l’épouser quand elle aura grandi. Pour être sûr qu’elle lui appartiendraentièrement, qu’elle ne lèvera les yeux sur personne d’autre, il la tient enfermée, l’éduquecomme une niaise, et tente de la modeler à l’image qu’il se fait de la femme.Heureusement, c’est de cette naïveté que poindront l’intelligence d’Agnès, les déboireset le ridicule d’Arnolphe. Agnès finira par épouser le jeune homme sur lequel elle a poséson regard et son dévolu.

Dans la deuxième pièce, on voit une Agnès sous l’emprise d’un père qui abuse d’elle.Elle se réfugie dans le mutisme. La mère non seulement refuse de voir la réalité, maiselle est prise dedans, jusqu’au jour où sa sœur, chez laquelle l’enfant s’est réfugiée pen-dant quelque temps, lui ouvre les yeux. Agnès, jouée par trois comédiennes, à différentsâges de sa vie, restera prisonnière de cette blessure, incapable de nouer de relation amou-reuse. C’est au moment où la parole et les mots pourront se dire que l’adulte pourra adve-nir et mettre à distance l’enfant qu’elle fut.

La scénographie qui évoque une arche, un castelet, une place forte, dont les portes se fer-ment et s’ouvrent, est bien pensée. Les neuf comédiennes incarnent, dans les deux piè-ces, les personnages féminins et masculins. Elles sont toutes très performantes. Marie-Armelle Deguy qui joue Arnolphe dans L’École des femmes et le père dans Agnès estremarquable. Morgane Arbez campe une Agnès et une Agnès jeune-fille divine, et nousn’avons encore jamais entendu un « Le petit chat est mort » aussi percutant. La mise enscène est fine, intelligente et juste. C’est une pure merveille. ■

Théâtre d’Ivry-Antoine Vitez jusqu’au 2 février, puis tournées en province (Espace Malraux àChambéry, Comédie de Picardie à Amiens, Le rayon Vert à Saint Valéry en Caux).

Chronique de

L. LauferChroniq

ue de

Simone

Endewelt

Les trois Agnès, Caroline Espargillière,Morgane Arbez, Mathilde Souchaud

dans "Agnès" de C.Anne.

Castelet pour les deux pièces. Ici "L'école des femmes de Molière" avec M.Arbez, Marie-Armelle

Deguy... Evelyne Istria

Agnès hier et aujourd’hui

ERRATUMPNM n° 312 (01/2014), page 9,légende de la photo de la délégationau Père-Lachaise. Il fallait lire.© Sylvie Biscioni en lieu et place de© Sylvie Zaigman.

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Page 8: La Presse Nouvelle Magazine n° 313 - Février 2014

… d’un chercheur africain sur le racisme et l’antisémitismePNM : Vous êtes africain, français etphilosophe. Que vous inspire l’affaireDieudonné ? Et tout d’abord commentexpliquez-vous que les Noirs s’identi-fient à Dieudonné ?

Nestor Bidadanure : Je suppose quevous voulez savoir ce que je pense del’antisémitisme car tel est le thème cen-tral de la polémique autour de l’affaireDieudonné.

PNM : Absolument !

NB : D’abord je préfère dire « des »Noirs plutôt que « les » Noirs. CertainsNoirs, en effet, ont des convictions anti-sémites. Ce sont des gens d’extrêmedroite, qu’ils en soient conscients oupas. L’extrême droite n’a pas de couleur,pas de religion. Il y a en effet des Noirsd’extrême droite, comme il y a des Juifsd’extrême droite. Pour en revenir à laquestion de l’antisémitisme, ma positionest claire. Le judéocide est un crimecontre l'humanité. Cette humanité, j'enfais partie. Notre lieu de naissance et nosorigines sont le fait des hasards del’Histoire. Il se trouve que je suis né enAfrique de l’Est, plus précisément auBurundi. Si mes parents étaient nés juifset avaient vécu en Europe au moment dunazisme, ils auraient probablement étédéportés et assassinés parce que nésjuifs par le hasard de l’Histoire. Peut-être alors n’aurais-je pas existé car lesabsents ne sont pas uniquement lesmorts mais également la progéniturequ’ils auraient pu donner à l’humanité.J’ai visité le mémorial de Buchenwalden 1988. Moi qui viens d’un pays où leshommes sont éduqués à faire un effortsurhumain pour ne pas verser de larmes,je me suis isolé pour hurler ma peine. Jene cessais alors, je ne cesse depuis, deme demander comment l’être humain envient à penser et à fabriquer l’enfer pourses semblables. J’ignorais à l’époquequ’en 1994 le génocide se produiraitdans le pays de ma mère, le Rwanda. ABuchenwald, j’ai vu la mort de l’autremoi, la tentative de destruction de notrehumanité commune. Le combat contrel’antisémitisme, le racisme, l’islamo-phobie, l’ethnisme et le sexisme, cen’est pas simplement un acte de solida-rité avec ceux qui en sont victimes : c’estaussi la défense de la société contre lespetits pas qui mènent au gouffre.

PNM : Vous traitez dans votre thèse dephilosophie le thème du populisme etavez forgé le concept de PopulismeIdentitaire Radical. Vous l’analysezcomme un rapport au pouvoir : en quoice rapport au pouvoir constitue-t-il undanger pour la société ? Et commentun peuple peut-il sinon guérir dumoins vivre après un génocide ?

NB : Le Populisme Identitaire Radical(PIR) englobe les différents types deracisme, dont l’antisémitisme. C’est l’analyse des causes majeures des crisespostcoloniales en Afrique qui m’a

amené à élaborer ce concept mais il peutêtre transposé à d’autres situations. ParPopulisme entendez la démagogie ; parIdentitaire l’usage de « la race » de l’eth-nie, de la religion … à des fins de priseou de conservation du pouvoir et parRadical la volonté affirmée ou pas d’ex-termination totale ou partielle d’unecatégorie ciblée en vue d’instaurer unmonde idéal fantasmé comme amputéd’une partie de l’humanité. Le PIR estun monstre idéologique qui fut à la basedu génocide contre les Tutsis auRwanda et de nombreux crimes contrel’humanité en Afrique et dans le monde.Mais ma thèse est aussi une réflexionsur la contre-culture capable de riposterau PIR dans l’Afrique des Grands Lacs.Elle analyse les conditions d’instaura-tion d’une paix durable qui ne sauraitêtre séparée de l’accès de toutes et tousaux droits humains. Car le populisme senourrit des conséquences de la violencestructurelle dont la misère matérielle,mais aussi intellectuelle.

PNM : Justement Dieudonné se définitcomme "anti-système". C'est racoleurmais ça change quoi ?

NB : La stigmatisation totalisante d’unecommunauté humaine n’a rien à voiravec la lutte contre les injustices du sys-tème politique en place. Au contraire,elle exprime une volonté plus ou moinsaffichée d’exclure le bouc émissaire.Vous remarquerez que c’est au momentoù le chômage bat des records que denombreux politiciens tentent de légiti-mer des discriminations qui fragilisentle tissu social. Le fait de cristalliser lasouffrance du peuple tantôt sur le juif,tantôt sur le musulman, l’immigré, leRom, etc.…est aussi une diversion quipermet de faire l’impasse sur la luttecontre le système qui génère la précari-té. Dieudonné n’est pas le seul à manierla rhétorique démagogique identitaire.Elle est dans l’air du temps du renonce-ment à la politique comme défense de

l’intérêt général : la démagogie a pourconséquence et pour but de détourner del’analyse et de l’action politique. Lepopuliste surfe sur tout ce qui fonc-tionne pour atteindre le pouvoir matérielet symbolique qui est pour lui une fin ensoi. Il inflige une double peine à ses vic-times. Il s’attaque à la mémoire de sescibles et retourne les frustrations despauvres contre eux-mêmes. Ainsi le sys-tème peut dormir en paix pendant unmoment.

PNM : Un moment seulement ? Vousêtes optimiste ?

NB : Oui parce qu’aucune société nepeut construire une paix durable surl’exclusion et la haine de l’autre. Lesêtres humains sont sur terre pour vivredans la dignité et le bien-être social. Ilsne peuvent donc faire le mauvais choixpolitique que par la méconnaissance dufait qu’un monde meilleur est possible.C’est d’ignorance qu’il s’agit ici. Il nefaut pas se laisser obnubiler par la popu-larité momentanée de ceux qui distillentla haine de l’Autre dans la société. Nousdevons rester les héritiers de la résistan-ce humaine contre toutes les formes dufascisme. Vous chercherez en vain unecommunauté humaine sans groupesextrémistes. Mais chaque communautéhumaine produit aussi ses figureshéroïques, résilientes et porteusesd’espérance pour l’ensemble du genrehumain. A chacun de nous de faire ensorte que les jeunes qui suivent lespopulistes comprennent qu’ils peuventjouer un rôle plus exaltant qu’en se fai-sant l’instrument de la haine de l’Autre.Les attaques contre l’humanité dequelques-uns d’entre nous ne doiventpas nous inquiéter outre mesure. Ellesdoivent nous rendre plus déterminés etplus créatifs dans notre manière de lut-ter. Tous ceux qui suivent Dieudonné nesont pas des antisémites convaincus. Lesfrustrations dues à l’exclusion sociale etla sous-culture politique font que de

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nom-breux citoyens se trompent d’enne-mi et de combat. Par exemple le fait dedemander plus de reconnaissance par lesinstitutions de la République des hor-reurs de l’esclavage, du colonialisme etd’autres génocides ne doit pas se faire enopposition à la souffrance du peuple juif.L’opposition des mémoires et des mortsfragilise l’ensemble des victimes. C’estdonc l’unité de toutes les victimes deshorreurs politiques et de toutes les fem-mes et les hommes de progrès qu’il fautpour qu’aucun cri de détresse ne s’écra-se plus sur un mur d’indifférence. Parceque je suis précisément humain, chaquecrime contre l’humanité m’interpelle. Ilconstitue l’arrachement violent d’unepart de moi-même. Je ne peux donc nime taire ni ne pas agir. Qui se tait devantla plus petite injustice qui touche unautre être humain renie une part de lui-même.

PNM : Vous analysez la haine, com-ment expliquez-vous le succès ?Pourquoi est-ce que de jeunes Blancscharmants apprécient les spectacles deDieudonné alors qu’ils n’ont visible-ment aucune haine en eux ?

Là, vous touchez un autre problème.Dieudonné fait rire : c’est son métier. Lesgens vont le voir parce qu’ils saventqu’ils vont rire. S’il amène son public àtourner la Shoah en dérision, c’est quenotre société n’a pas suscité suffisam-ment d’anticorps. Le seul rempart contreles dérives, c’est l’éducation. Ils rientparce que la dimension de l’humanismeest toujours insuffisante dans l’éduca-tion. Cela nous interpelle tous. ■

Propos recueillis parNicole Mokobodzki

* NDLR : Nestor Bidadanure est journaliste,docteur en philosophie et auteur de deux livresparus aux Editions naïve : « Mémoires d’avenir »qui contient la dernière interview accordée parPeter Gingold ; « N’éteignez pas la lumière », quiéclaire la vie de Nelson Mandela.

Faire échec à l’offensive anti-républicaine des obscurantistes

L’Union des Juifs pour la Résistance et l'Entraide (UJRE) s’associe pleinement à ce communiqué du MRAP :

Le MRAP dénonce l’appel Journée retrait de l’école qui vise l’école laïque et la République et mine notre démocratie et les valeursd’égalité. Cet appel est lancé par Farida Belghoul, membre du regroupement d’extrême-droite antisémite Égalité et réconciliation.La manifestation du dimanche 26 avait déjà vu, dans les rues de Paris, la convergence des fondamentalistes chrétiens et musulmansavec l’extrême-droite fasciste, dans la Journée de colère. Cet appel au retrait de l’école s’inscrit dans le retour des thèses homopho-bes obscurantistes, associant l’extrême-droite traditionnelle et les fondamentalistes de diverses obédiences. Des beaux quartiers auxquartiers populaires en attente d’égalité, un mauvais vent anti-républicain se lève, qui associe ceux que tout sépare socialement etéconomiquement : la haine de l’autre – l’homosexuel ou le juif – sert de passeport entre les haines disparates. Par sa nouveauté, parsa dimension socialement transversale, ce mouvement est lourd de risque d’explosion. C’est là un fait politique majeur qui a affec-té le public de certaines écoles dans des proportions extrêmement inquiétantes. Le MRAP condamne tous les démagogues appren-tis-sorciers – à l’extrême-droite, mais aussi à droite – qui surfent sur les peurs et la haine de l’autre. Ainsi Monsieur Copé, maire deMeaux, ville affectée de façon significative par les retraits scolaires, a délaissé un instant la protection des petits pains traqués parles petits musulmans pour venir soutenir les fondamentalistes religieux, déclarant : Je suis choqué par la théorie du genre et je com-prends l’inquiétude des familles. L’extrême-droite ne peut que profiter de ce climat délétère pour relancer ses campagnes racistes etislamophobes. Le MRAP en appelle à une lutte déterminée contre les mouvances d’extrême-droite qui entendent aujourd’hui, nonsans succès, souder des colères hétérogènes dans la haine de l’autre. Le MRAP apporte tout son soutien aux enseignants qui doi-vent faire face à cette offensive rétrograde qui se prétend « religieuse ». Il demande au gouvernement une extrême fermeté dans letraitement de cette offensive de l’extrême-droite radicale et des fossoyeurs de la laïcité qui, petit à petit, installe un climat pré-insurrectionnel qui peut miner les fondements de la République. ■ Paris, 30 janvier 2014.

Point de vue