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REVUE DE PRESSE(EXTRAITS) La philo vagabonde On connaissait les tatouages « Love » et « Hate », immortalisés sur les doigts de Robert Mitchum dans La Nuit du chasseur. Dans La philo vagabonde, documentaire piquant de Yohan Laffort, on découvre ceux gravés sur les mains d'Alain Guyard, un drôle de personnage. « Tout » et « Rien ». Philosophe forain, romanichel de la métaphysique, comme il aime à se présenter, Guyard fait descendre la pensée dans la cité. Après avoir enseigné vingt ans dans le secondaire, il a décidé d'arpenter les routes de France. Dans une grotte, sous un chapiteau de cirque, auprès d'assistantes sociales, dans une prison ou un centre de soins palliatifs, ce passeur subversif, par ailleurs auteur de 33 Leçons de philosophie par et pour les mauvais garçons, démine les clichés et enchante les concepts. Avec pour seul but de magnétiser ses auditeurs. Et, désormais, les spectateurs de cinéma. — Juliette Cerf La philosophie, urgence vitale Béatrice Bouniol, le 04/10/2016 Dans un documentaire énergique et joyeux, Yohan Laffort s’attache à la figure hors norme d’un philosophe itinérant et parvient à montrer la force de la pensée. La Philo vagabonde *** de Yohan Laffort - Documentaire français, 1 h 38 C’est l’histoire d’un philosophe qui se déplace partout en France et se place gaillardement entre « Coluche et la métaphysique ». En des lieux reculés de la géographie ou de la société, il s’en va répandre provocation et inconfort. Après avoir enseigné vingt ans à des lycéens, il « bat intellectuellement la campagne » et entend « mettre en état de stupéfaction » ceux qu’il rencontre. Sourire complice, verbe haut, il chahute la rhétorique classique par un humour souvent potache. Raconte l’histoire des idées en chair et en os. Campe Socrate devant la porte de sa cellule ou Nietzsche éructant

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REVUE  DE  PRESSE(EXTRAITS)  -­  La  philo    vagabonde  

 

On connaissait les tatouages « Love » et « Hate », immortalisés sur les doigts de Robert Mitchum dans La Nuit du chasseur. Dans La philo vagabonde, documentaire piquant de Yohan Laffort, on découvre ceux gravés sur les mains d'Alain Guyard, un drôle de personnage. « Tout » et « Rien ». Philosophe forain, romanichel de la métaphysique, comme il aime à se présenter, Guyard fait descendre la pensée dans la cité. Après avoir enseigné vingt ans dans le secondaire, il a décidé d'arpenter les routes de France. Dans une grotte, sous un chapiteau de cirque, auprès d'assistantes sociales, dans une prison ou un centre de soins palliatifs, ce passeur subversif, par ailleurs auteur de 33 Leçons de philosophie par et pour les mauvais garçons, démine les clichés et enchante les concepts. Avec pour seul but de magnétiser ses auditeurs. Et, désormais, les spectateurs de cinéma. — Juliette Cerf    

La philosophie, urgence vitale Béatrice Bouniol, le 04/10/2016 Dans un documentaire énergique et joyeux, Yohan Laffort s’attache à la figure hors norme d’un philosophe itinérant et parvient à montrer la force de la pensée. La Philo vagabonde *** de Yohan Laffort - Documentaire français, 1 h 38 C’est l’histoire d’un philosophe qui se déplace partout en France et se place gaillardement entre « Coluche et la métaphysique ». En des lieux reculés de la géographie ou de la société, il s’en va répandre provocation et inconfort. Après avoir enseigné vingt ans à des lycéens, il « bat intellectuellement la campagne » et entend « mettre en état de stupéfaction » ceux qu’il rencontre. Sourire complice, verbe haut, il chahute la rhétorique classique par un humour souvent potache. Raconte l’histoire des idées en chair et en os. Campe Socrate devant la porte de sa cellule ou Nietzsche éructant

contre la morale kantienne. Fustige l’idéologie du bonheur et fait briller les attraits de la joie qui se gagne dans la traversée des abîmes. Le documentaire aurait pu s’arrêter au portrait savoureux de ce philosophe aux champs ou en prison, dessiner les contours d’une pensée proche et décalée, au risque de l’hagiographie. Sa force est ailleurs. Dès les premières minutes, la caméra saisit l’étonnement, le doute, l’intelligence sur les visages de ceux qui sont à l’écoute. La force de la pensée Boulanger ou paysan, puéricultrice ou assistante sociale, malade ou détenu, témoignent de la vie de la pensée tout autant que le philosophe. Avec courage et détermination, ils amplifient les ébranlements que celui-ci a fait naître, transmettent à leur tour une nouvelle manière de regarder le monde et d’y vivre. Le tour de force de Yohan Laffort  réside là  : rendre visible ce que peut la pensée – nous permettre de vivre intensément jusqu’au dernier souffle, nous libérer même au fond d’une prison, nous réapproprier notre vie – et comment elle y parvient  : par la confrontation physique aux aspérités de l’existence et l’expérience charnelle du partage. « La philosophie n’apporte rien, conclut-il. Ce n’est pas un profit mais un renoncement. » Au-delà du portrait du philosophe voyageur, au-delà même des vies à la marge qu’il met en lumière, c’est ce creux que le documentaire parvient à circonscrire, cette épreuve de nudité à partir de laquelle tout s’invente.  

Notre avis : Sur ses phalanges, à la manière du révérend Harry Powell, Alain Guyard a fait inscrire des lettres qui composent les mots « rien » et « tout ». Mais qu’on ne se méprenne pas : ce philosophe bateleur n’a rien du méchant héros du film de Charles Laughton, ni même d’un prêcheur, bien que les deux termes antithétiques, fièrement exhibés, disent la radicalité du personnage. Le documentaire de Yoann Lafort, en partie financé par le crowdfunding, brosse le portrait d’un truculent pourvoyeur d’idées, au verbe facile, volontiers audiardien, et dont l’objectif est de rendre les grands philosophes accessibles.

Professeur pendant vingt ans, Guyard a abandonné son métier pour parcourir la France et s’adresser à des publics très différents : des prisonniers d’un centre de détention en Belgique, des touristes flânant dans la Grotte des Demoiselles, un collectif de paysans dans une commune agreste ou un institut de formation de puériculture. « La philo vagabonde » étire sur un peu plus d’une heure trente un premier documentaire consacré à ce truculent personnage et intitulé « La philo à bras le corps ». Il permet à Guyard d’expliciter sa démarche : « Mon objectif n’est pas de clarifier les choses, mais de foutre la merde ». Pour ce franc-tireur sensible aux idées libertaires, la philosophie nous confronte à des questions beaucoup plus qu’elle n’apporte de réponses. A travers ses interventions, qui empruntent à la fois au stand-up et au cours de lycée, cet iconoclaste réactive la pensée de Nietzsche et sa critique de la morale universelle, parle de Platon dans une caverne, convoque Lucrèce en plein nature, cite Jankélévitch devant une Association pour le développement des soins palliatifs, en insistant sur notre existence précaire et pourtant si précieuse, où le malade condamné n’est pas un moribond : « Ce sont les derniers instants d’un mourant ? Faux. Ce sont les derniers instants uniques d’un vivant » assène-t-il à l’auditoire attentif. Guyard secoue, interpelle son public, bouscule les idées reçues. Le documentaire s’attarde, par des plans de coupe classiques, sur les oscillations de têtes, les mines réjouies ou franchement hilares qui cantonnent les auditeurs à un rôle attribué et contrarient les intentions louables du documentariste et de son héros charismatique : car, au bout du compte, bien plus qu’un discours d’émancipation, ce sont des louanges que le micro saisit, voire des propos complexés : « Mon cerveau ne va pas aussi vite que lui » avoue un spectateur à la sortie d’une intervention. Guyard est magistral dans les deux sens du terme : il demeure le maître dans un dispositif qui est celui d’une conférence et il le fait d’une manière brillante -syntaxe et lexique impeccables-, obligeant ceux qui croient ne pas avoir les mots et en sont privés par le dispositif même du documentaire -la focale est nettement sur le philosophe émancipateur- à ne pas tarir d’éloges. La contradiction assombrit quelque peu l’horizon de cette praxis éducative. Il n’en reste pas moins que « La philo vagabonde » demeure un documentaire intéressant qui donne envie de relire les classiques, comme l’on dit.

Jérémy Gallet

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les Fiches du cinéma  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La philo vagabonde 04/10/2016

Alain Guyard fait de la philo comme on monte sur un ring : pour se battre avec les idées, et pour le plus grand plaisir du public. La philo vagabonde, c’est un documentaire certes, mais un documentaire plus haletant que beaucoup de thrillers, plus drôle que bien des comédies, plus émouvant que les drames les mieux ficelés. Quand Alain Guyard s’adresse à des braqueurs, à des puéricultrices, à des assistantes sociales, à des paysans, des ouvriers ou des infirmières intervenant dans des unités de soins palliatifs, ce n’est pas un cours de philosophie qu’il prodigue, mais une leçon de vie. Il aide chaque personne à accoucher de ses propres pensées, les fait réfléchir au geste qu’elles font au quotidien, ou qu’elles n’ont commis qu’une fois. Le philosophe se bat dans des lieux délaissés, dissimulés, déniés : prisons, hôpitaux psychiatriques, mouroirs. Dans notre monde où le pathologique s’est souvent installé comme norme, il est intéressant d’aller questionner les marges. Mais il ne refuse pas non plus les chapiteaux de foire, les cavernes ou les prairies. Il se bat pour un monde plus juste, plus sensible, plus sensé, plus joyeux. Quand la philo fait son cinéma, …��� La vulgate intellectuelle décrit notre monde et notre vie comme sans signification, et le prouve chaque jour. Pourtant la demande de sens explose : comme la vapeur d’une cocotte-minute mal étanche, elle s’échappe de partout, de toutes les couches de la population, de tous les métiers, de tous les âges, ce que le film montre à merveille. C’est là que la philosophie a son rôle à jouer, pour qu’en face de cette demande les réponses ne soient pas marquées par l’indigence intellectuelle, l’impulsivité, le mensonge ou les illusions. On juge un film à l’état où il nous laisse à la sortie. Celui-ci nous a rendu palpitant, pantelant, du mal à marcher dans la rue, tant le monde paraît tout à coup extraordinaire, comme s’il venait de naître. Allez-y, c’est un film qui fera date. Philippe Goupil

La philo vagabonde – Yohan Laffort 5 octobre 2016 Yohan Laffort a suivi le philosophe Alain Guyard à la rencontre des gens dans les libraires, médiathèques, cafés, commerces, écoles, prisons, hôpitaux, grottes, pour leur parler de philosophie.

Alain Guyard c’est une bête de scène comme on dit à la télé où les mots se raréfient plus vite que l’eau dans le désert. Guyard c’est Depardieu dans Crésus, c’est Mélenchon sans son égo démesuré et ses ambitions ineptes, c’est une force, une puissance d’évocation, un tribun éclairé, un virtuose du vocabulaire, un grand acteur, une culture immense, une intelligence supérieure. Il m’a rappelé un professeur d’histoire qui nous expliquait avec des mots savants mais toujours très simples, comme ceux de Guyard, la mythologie grecque, la ramenant à une explication toute simple de la vie des populations de cette époque et de leurs préoccupations. Guyard fait la même chose avec la philosophie, il décortique, dissèque, dénoyaute les écrits, les pensées, les recommandations des auteurs, notamment des auteurs de la Grèce antique qu’il semble particulièrement affectionnés.

Il ne cherche pas à éclairer l’auditeur, il cherche à l’embrouiller encore plus pour qu’il remette en question tout ce en quoi il croit, tous les cadres que la société a fabriqués pour que la majorité vivent selon les normes que certains ont définies : normes morales, normes sociales, normes économiques, normes religieuses, normes culturelles… Tout ce fatras de normes qui devrait permettre de vivre en société alors que l’homme est avant tout individu et qu’il ne vit que pour lui-même, pour se confronter à la vie et à la mort qui n’en est que le dernier épisode. Laffort a mis ses souliers dans les pas de Guyard allant de la librairie à la médiathèque, de la prison à la ferme, de chez le boulanger à l’école des puéricultrices partout où les gens s’interrogent sur leur existence, leur raison d’être, leur façon de rendre leur vie possible et peut-être agréable. Et, chaque fois, Guyard les a pris par surprise, leur faisant comprendre que tout ce qu’ils croyaient allait à l’encontre de ce qu’ils recherchaient. Le bonheur s’oppose à la joie, la violence populaire n’est que la manifestation de sa force, l’expression de la

nécessité de renouveler la liste de ceux qui détiennent le pouvoir, l’accumulation des richesses n’est que

l’expression de l’angoisse, de la peur, de la vie, de la nécessité de se protéger. De conférence en conférence, Guyard adapte ainsi son discours à son public pour toujours revenir à l’essentiel, à l’individu, à son essence même, à la nécessité dans laquelle il est d’échapper aux forces qui le séquestrent dans l’un des systèmes inventés par les puissants. L’amour sans frustration n’est pas amour, l’éthique est personnelle et non professionnelle, la volonté prime sur la moralité, … chaque public reçoit le message qui lui est adapté. Se situant lui-même « entre Coluche et la métaphysique », Alain Guyard redonne une nouvelle dimension à la philosophie gravement dévaluée par les philosophes de télé qui essaient d’en faire une marchandise de librairie. J’ai retrouvé toute la puissance que Guyard à mis dans « La soudure », toute sa détermination à vouloir faire comprendre aux hommes que la vraie vie était en eux et que tous les systèmes étaient pervers. La philosophie ça dérange, « ça fout la merde » dans les esprits parce que la vie, la raisons de vivre, ça ne s’explique pas, le philosophe est comme « l’homme qui pédale sans savoir qu’il pédale et qui doit descendre de vélo pour savoir s’il pédale bien et donc cesser de pédaler ». C’est la machine infernale, le mouvement perpétuel de la remise en question permanente. Il reste à chacun de déterminer ce qu’est pour soi « la valeur de l’existence ». Un film qui vaut bien la quasi-totalité des discours que nous devrons subir lors des prochaines campagnes électorales où l’adage de Nietzsche sera encore confirmé : « Nous sommes des décadents ». Il nous restera alors la transgression pour créer un autre du monde hors du cadre défini actuellement. Et pour conclure, je voudrais ajouter que je partage avec Guyard cette façon d’aller à la rencontre des acteurs de nos territoires, des vraies gens, pour les écouter et les conforter dans leurs démarches souvent à la marge des idées reçues. Là sont les vraies forces ! Denis Billamboz La Philo vagabonde Film documentaire de Yohan Laffort Durée : 1h 38min Date de sortie 5 octobre 2016

Philosophie nomade

S’il aurait dû se cantonner au format de cinquante-deux minutes, La Philo vagabonde est cependant un documentaire plaisant qui permet de changer un peu l’image de la philosophie qu’on met actuellement à toutes les sauces depuis qu’elle est sortie du cadre purement scolaire. En effet, démocratisée, ou plutôt médiatisée, suite à la parution de l’horrible Le Monde de Sophie de Jostein Gaarder en 1991, au succès planétaire (on se demande bien pourquoi !), la philosophie est aujourd'hui abordée de toutes les façons possibles : café philo, émission télé, université de Michel Onfray, bandes dessinées et bientôt en vignettes avec les carambars… C’est à peine exagéré et c’est pourquoi la démarche d’Alain Guyard, que la caméra de Yohan Laffort suit tout au long du film, est passionnante car il est parvenu à créer un autre genre d’approche de la discipline, que l’on pourrait qualifier de philo nomade, qui se déplace comme dans un cirque. Parcourant tous les lieux insolites, les cafés, les cavernes et les chapiteaux, le philosophe se présente tel une sorte de Zampano qui casse les chaînes que nous avons dans la tête. On adore l’entendre parler non en prédicateur, chef de secte ou petit prof, mais comme on imagine Socrate pratiquant la maïeutique dans les agoras d’Athènes.

Un sophiste singulier

En plus, cet ancien professeur et chercheur au CNRS a tout abandonné afin de parcourir les routes du Midi, pour parler de la philosophie aux gens, avec l’aide de son association "Diogène Consultants" créée avec ses copains de Vauvert (décidément ce village pré-camarguais est très culturel puisqu’il héberge aussi les éditions Au diable Vauvert). Avec ses tatouages sur les mains (et ailleurs) écrivant "Rien" et "Tout" sur les phalanges, reprenant un film célèbre, et résumant bien la condition de la philosophie, sa gouaille et son langage plus que populaires, à la limite de la vulgarité, Alain Guyard est un personnage qui fait rire, qui ne se prend pas au sérieux, mais qui explique mieux que quiconque la morale kantienne, le surhomme nietzschéen, la foi et surtout Platon, avec son explication de l’amour par le biais de la mythologie et de la fable. En faisant rire et sourire, en provoquant, en moulinant ses concepts comme il le dit lui-même, le philosophe prend le chemin des écoliers et des prisons pour s’adresser à ceux qui, sans lui, n’auraient jamais entendu parler de la philosophie, surtout sous cet angle, en prenant des risques, en la mettant en scène et en danger.

Penser hors des sentiers battus

La philosophie, comme toutes les choses sérieuses, ne doit pas être prise trop au sérieux, confisquée par un cénacle d’intellectuels aigris et sentencieux. "C’est la définition de la philosophie que Socrate donne", déclare Alain Guyard au réalisateur Yohan Laffort, dans la bouche de Platon, dans Phédon : "La

philosophie est un beau risque". Je ne conçois pas qu’on puisse philosopher douillettement auprès d’un auditoire convaincu, ou qui voudrait être rasséréné ou rassuré dans ses préjugés ou dans l’opinion commune. Donc, ça explique sans doute le fait que j’ai vraiment l’impression que je philosophe quand je suis effectivement dans ces milieux "non conventionnels", qui sortent du consensus, et dans lesquels, lorsque la parole philosophique est utilisée, elle est totalement désinhibée par rapport aux conventions culturelles." Un film à voir avec vos élèves, professeurs de terminales, mais pas seulement. On peut aussi y emmener sa grand-mère, ses propres enfants et ses voisins de palier.

http://www.iletaitunefoislecinema.com/critique/7050/la-­‐philo-­‐vagabonde  

                                 

                                                                                                     

                                       

Critique : « La philo vagabonde », un documentaire de Yohan Laffort Sandra Barré - 4 octobre 2016 La philo vagabonde retrace les voyages philosophiques d’Alain Guyard, passeur de philosophie ancienne et moderne dans les villages Français. Une bouffée d’air frais bien pensée, qui remet l’humain au centre des débats et qui donne à réfléchir. Alain Guyard était prof de philosophie en Lycée. Sa passion de la transmission a rencontré celle des Hommes, de tous les Hommes. Ceux qu’on minimise parfois : les paysans, les ouvriers, les manuels; ceux qui partagent nos quotidiens : les infirmiers en soins palliatifs et ceux veillant sur nos bébés; les sages-femmes, puis ceux qu’on marginalise : les détenus. Et tous les autres, nous, vous. Son objectif : mettre la philosophie au niveau de tous de manière à enfoncer les portes fermées, de façon à pousser la réflexion, à faire naître les raisonnements.

Alain Guyard et la pensée drôle La philosophie pour Alain Guyard, c’est observer et chercher à comprendre. Pour ce faire, il met à disposition de tous les siècles de pensée qui nous ont précédés. Il souhaite sortir de son carcan académique, aujourd’hui considéré comme inaccessible, difficile voire pénible. Il prend alors les routes et part au contact des habitants. Il va chez eux, dans leur ville, et leur sert une performance oratoire aussi intelligente que drôle. C’est là que réside tout son génie : il ne vulgarise pas, il ne simplifie pas, il explique. Il explique avec un humour mordant et décalé, qui parle à tous, et fait rire chacun. Il prend des exemples communs et applique la science de l’Homme, aux Hommes.

Un documentaire au plus proche des publics Ce qui importe ici c’est la mise à disposition intelligente. Les shows montrés sont entrecoupés des appréciations du public. Un public qui raconte ce qu’il voit, ce qu’il entend. Qui dit combien la nourriture intellectuelle leur est bénéfique, « comme un bon repas, mais pour l’esprit ». Et certains, même s’ils sont venus dans l’espoir de trouver des réponses à leur questions sans qu’elles n’arrivent, découvrent ou réapprennent à faire le tri et à mettre les choses à plat. La matière même de toute réflexion philosophique est celle du travail, celle de la main qui forge et de l’esprit qui aiguise, et l’on se rend bien compte que l’un ne va pas sans l’autre.

Le documentaire, en avançant, nous dévoile la personnalité forte d’un homme qui nous pousse à penser, et ce en clamant le droit à la liberté (qu’elle soit politique ou morale). On pourrait incriminer la stigmatisation du paysan qui n’a pas l’habitude de se tordre l’esprit, mais à bien y regarder, le propos de La Philo Vagabonde, de son réalisateur Yohan Laffort et d’Alain est bien au contraire de lisser tout ces stéréotypes et de ne pousser qu’à une chose : questionner. Une ode magnifique à la philosophie et à l’humanité.  

 

« La philo vagabonde » : Ça ne sert pas à résoudre les problèmes, mais à compliquer Par Marie Bage - 5 octobre 2016 Alain Guyard est un « philosophe forain » qui mène « un combat pacifique mais pas inoffensif, où s’élabore sans cesse de l’intelligence collective : mettre la philosophie dans tous ses états et la ramener à sa dimension charnelle, dérangeante, dans des lieux inattendus, et au plus près des simples citoyens ». Yohan Laffort en a tiré un film jubilatoire qui sort en salles ce mercredi. Présentation. « La philo, ça ne sert pas à résoudre les problèmes mais à les compliquer. Mon objectif, ce n’est surtout pas de clarifier les choses mais de foutre la merde. J’adore ça ! » Dès les premiers instants du film, le ton est donné : Alain Guyard , le personnage que l’on va suivre à la trace pendant 1h30 a le verbe haut. Avec sa gouaille et ses grands gestes, il hypnotise son public, le captive et le rend accro… à la philo ! Ni prof, ni gourou, c’est plutôt un passeur. Il parvient par sa passion et son charisme à faire comprendre les pensées de Platon, Aristote, Jankélévitch ou Nietzsche à n’importe qui. Dans des bistrots, des salles des fêtes, auprès de futurs assistantes sociales ou puéricultrices, d’agriculteurs ou encore dans des prisons ou des hôpitaux psychiatriques : il intervient comme un showman, sans aucune notes, pour éveiller la curiosité, aiguiser le sens critique, bousculer les manières de penser. Et partout où il passe, il fait un tabac. « Quand je sors, j’ai l’impression d’être intelligent », raconte un participant. « Ça nous sort du confinement dans lequel on a voulu nous mettre » explique une autre. Ou encore « Il réveille nos consciences mais il ne nous dit pas ce qu’il faut faire » Avec ses gros tatouages sur les mains et sur les avant-bras, son look de rockeur, et ses blagues, Alain Guyard est loin d’une philo des élites, des dîners mondains, de l’entre-soi. La sienne est tout-terrain, au plus proche des gens, dans le concret de leurs vies. Par sa verve et son humour, il la rend abordable mais jamais au rabais, toujours basée sur un socle solide de connaissances. Son but n’est pas d’instruire, mais de donner les outils aux gens pour penser par eux-mêmes. On n’apprendra pas grand-chose sur la vie passée ou personnelle d’Alain Guyard, si ce n’est qu’il a été prof en lycée. Aujourd’hui, il a choisi de sillonner les routes du sud de la France, comme un « romanichelle de la métaphysique ». Formellement simple, un peu sage, mais efficace, ce film tient par la force de son personnage, son magnétisme et l’intelligence de ses interventions. Comme le public d’Alain Guyard, on est vite happé par sa fougue et ses tirades enflammées. http://leblogdocumentaire.fr/philo-­‐vagabonde-­‐ca-­‐ne-­‐sert-­‐a-­‐resoudre-­‐problemes-­‐a-­‐compliquer  

 

 

 

Documentaire : « La Philo vagabonde » 29 septembre 2016 par Commission Journal (mensuel) Alain Guyard est un prof de philo pas comme les autres. C’est ce que montre le beau documentaire de Yohan Laffort qui sort en salles dès ce mois d’octobre. Loin des lycées, où il a enseigné pendant des années, Alain Guyard arpente les routes de sa région (il vit dans le Gard) et bien au-delà, pour aller porter ses interrogations auprès de publics différents et dans des lieux peu ordinaires : sous un chapiteau de cirque au pied du mont Ventoux, au fond de la grotte des Demoiselles (Hérault), dans un hôpital psychiatrique d’Uzès (Gard), dans une prison belge ou encore auprès d’apprentie puéricultrices ou de jeunes paysans… Car, pour Alain Guyard, sortir de l’école ne signifie pas créer des cafés-philo pour des personnes déjà fortement dotées de capital culturel ni faire des cours de développement personnel auprès de cadres au bord de la crise de nerfs. Il s’agit d’atteindre ceux qui n’auraient jamais eu accès autrement à la philosophie, même les « humbles sans grade et sans diplôme » comme le dit le philosophe, sans pour autant leur délivrer du prêt-à-penser.

C’est donc à une pensée en mouvement, critique, dérangeante qu’ils et elles auront droit, avec l’aide des concepts de grands auteurs (Parménide, Platon, Spinoza, Nietzsche, Jankélévitch…), mais avec toujours la finalité, non d’apporter un petit bonus culturel, mais de provoquer un authentique électrochoc intellectuel. Le tout avec une langue charnelle et drôle, et dans une atmosphère conviviale. Et, pour autant que les images permettent d’en juger, cela fonctionne plutôt bien : les publics sont certes tourmentés et désorientés, un peu submergés par tout ce qu’ils ont entendu, mais ont aussi le regard pétillant de ceux et celles qui ont non seulement passé quarante-cinq excellentes minutes, mais qui savent qu’une fois décanté, tout ce qu’ils ont entendu leur ouvrira des voies inattendues sur le chemin de la pensée. Pas seulement sur la vie, la mort ou la nature, mais aussi sur des questions directement politiques, car l’ancien militant de la CNT qu’est Alain Guyard construit aussi dans ces « rencontres de Diogène » (du nom de ce philosophe grec cynique qui vivait dans un tonneau, hommage à la pensée buissonnière) une philosophie subversive, à travers la mise en garde contre le pouvoir et la remise en cause des dirigeants, des puissants et de tous ceux qui prétendent penser à notre place et nous diriger. En somme, une approche libertaire de la philosophie. Vincent (Alternative Libertaire Paris-Sud)

Yohan Laffort, La Philo vagabonde, 98 mn, sur les écrans le 5 octobre 2016.