la peste émotionnelle , wilhelm reich

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Georges Bertin. Reich et la peste émotionnelle. La peste émotionnelle chez Wilhelm Reich Reich introduit dés 1933 la notion de peste émotionnelle dans son ouvrage : « L’analyse caractérielle ». Il lui consacre le dernier chapitre du livre. Il la définit «sans nuance péjorative », écrit-il 1 , «comme une biopathie chronique de l’organisme, conséquence directe de la répression, sur une vaste échelle, de l’amour génital ». Et poursuit-il, «elle a pris un caractère épidémique et, au cours des millénaires, aucun peuple n’en a été épargné ». Elle a le pouvoir de contaminer des masses entières, de corrompre des nations, de détruire des populations mais reste incapable 1 Reich Wilhelm, L’analyse caractérielle, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1976, p. 431.

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Lecture de Reich la peste émotionnelle comme facteur d'incivilisation et psychologie des fascismes...

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La peste motionnelle chez W

Georges Bertin. Reich et la peste motionnelle.

La peste motionnelle chez Wilhelm Reich

Reich introduit ds 1933 la notion de peste motionnelle dans son ouvrage: Lanalyse caractrielle. Il lui consacre le dernier chapitre du livre.

Il la dfinit sans nuance pjorative, crit-il, comme une biopathie chronique de lorganisme, consquence directe de la rpression, sur une vaste chelle, de lamour gnital.

Et poursuit-il, elle a pris un caractre pidmique et, au cours des millnaires, aucun peuple nen a t pargn. Elle a le pouvoir de contaminer des masses entires, de corrompre des nations, de dtruire des populations mais reste incapable dengendrer une seule mesure positive quand il sagit damliorer la misre conomique.

On voit bien ici Reich passer dune position concernant les individus faisant lexprience de la rpression dans leur sexualit, lchelle sociale (le caractre pidmique) et anthropologique (le temps et les peuples). Nous sommes donc en prsence de ce que Louis-Vincent Thomas et Jean-Marie Brohm nommeront plus tard une transversalit.La peste motionnelle, inculque lenfant ds les premiers jours de sa vie, trouve son origine chez les individus dans la frustration gnitale et se manifeste dans ce quil nomme lescuirasses caractrielles, ou dispositifs inconscients mis en place par les sujets pour neutraliser les difficults quils prouvent assumer, dans lvolution des conflits, leurs besoins libidinaux face la peur de la punition, ce sur quoi pour lui jouent les religions institues. Le Moi y prend sa forme dfinitive tandis que les restrictions libidinales imposes par la socit dterminent des changements qui se manifests dans des positions personnelles et sociales rigides dterminant un monde de ractions immuables et automatiques, comme si la personnalit se revtait dune cuirasse, dun blindage rigide capable dabsorber les coups ports contre elle par le monde extrieur et intrieur. Ltendue de la cuirasse dtermine ainsi la capacit de lindividu quilibrer son conomie nergtique. Et la vie cuirasse domine la vie sociale et se manifeste en son cur par divers traits dcrits par Reich:

La plthore de mots et de concepts qui ne servent qu dtourner des principes de base de la vie,

Un enthousiasme dmesur quand la vie cuirasse rencontre les lois existentielles et simples de la vie non cuirasse,

Une incapacit totale des individus cuirasss dappliquer des lois simples une pratique qui se solde par une perscution pleine de haine lgard de tout ce qui rapporte une vie non cuirasse.

Ces processus individuels sont ainsi la racine collective de la peste motionnelle. En effet, ds que lon touche aux causes de la peste motionnelle, on provoque invitablement une raction dangoisse ou de colre. Et den noncer aussitt les consquences manifestes:

sur le plan individuel par les maladies du cur, du cancer ou de la schizophrnie. Les crises aiges sont occasionnes, chez les sujets, par des troubles de la vie amoureuse. Tandis que lindividu normal justifie son comportement sexuel par son besoin damour, le pestifr asctique va justifier sa dbilit sexuelle par ses exigences morales. Tandis que lindividu bien portant ne cherche pas imposer son mode de vie, le pestifr adresse en priorit ses maximes son environnement et tend imposer aux autres son genre de vie par la force.

sur le plan social parune conomie sexuelle primitive dterminant les catgories sociales de la famille autoritaire, de lidologie tribale et de la transformation patriarcale

Laction et la raison donnes pour la justifier ne sharmonisent jamais. Le motif rel en est toujours cach et remplac par un motif apparent.

LEtat absolutiste utilise en effet lidologie familialiste qui est la courroie de transmission la plus importante entre les exigences de la dictature et les lieux de la formation de la structure tel le fascisme bti sur la fondation solide dune idologie familiale rigide incompatible avec les manifestations du sens de la vie (on se souvient de la boutade dun leader franais de lextrme droite: jaime mieux mes enfants que mes frres, mes frres que mes cousins etc... Elle stablit sur lide que la rpression sexuelle cre la base psychologique dune certaine culture, savoir la culture patriarcale, sous ses diverses formes. Les idologies clricales, fascistes et ractionnaires sont essentiellement des ractions de dfense et produites par les rglementations morales.

Hitler est ainsi celui qui a pouss son apoge la rpression de la vie par le patriarcat et si jusqu lui, les gens navaient fait que tolrer passivement la tyrannie, aprs lui, en proie la contagion de la peste motionnelle rgissant leurs actes, ils se sont fait les supports de la tyrannie lencontre de leurs propres intrts.

Cest de cette priode de la monte du fascisme en Autriche et en Allemagne que Reich date sa propre dcouverte jusque l ignore de limportance de lirrationnel (nous dirions aujourdhui de limaginaire social) dans le processus social.

Et de dplorer que Sigmund Freud, son matre en psychanalyse, aprs les rpressions policires de 1927 en Autriche qui se soldrent par limpuissance des organisations ouvrires comme du gouvernement dmocratiquement lu faire face au fascisme, ne comprenne absolument pas les enjeux de ces vnements considrant les manifestations populaires comme une vritable catastrophe. Les travailleurs eux-mmes ne manifestrent aucune volont de donner au mouvement une signification sociale.

Et Reich de nous prvenir (crit trangement prophtique quand nous le relisons en 2003!): mme aprs la victoire militaire remporte sur le fascisme allemand, la structure humaine fasciste continuera exister en Allemagne, en Russie, en Amrique et partout ailleurs. Elle continuera prosprer de faon souterraine, se cherchera de nouvelles formes dorganisation politique et conduira invitablement une nouvelle catastrophe car le savoir et la technique ne permettent pas encore dentraner un changement assez rapide dans la structure motionnelle de lhomme.

Car, la peste motionnelle prend de temps autre un caractre pandmique et se manifeste par des flambes gigantesques de sadisme et de criminalit et de citer: linquisition, les fascismes bruns ou rouges comme lieux de son exprience.

En temps ordinaire, il suffit, dit-il, den supprimer les causes, les troubles de la vie amoureuse, pour que la maladie disparaisse.

Sur le plan social, il ne sert rien de mobiliser la Police, elle ne fera quaugmenter le mal. Mais, prvient-il, ds que lon touche ses causes, on provoque des crises dangoisse ou de colre car elle est fortement rationalise et entretenue par des pulsions secondaires. Car le motif rel est toujours cach par un motif apparent.

Reich nous propose alors une vritable sociothrapie fonde sur la reconnaissance de cette maladie motionnelle haut degr de contagiosit. Elle passe dabord par une identification prcise du phnomne.

Le pestifr asctique justifie sa dbilit sexuelle par des exigences morales et lindividu pestifr se distingue du bien portant par le fait que ses maximes ne sadressent pas lui-mme mais, en premier lieu, et surtout son environnement.

Si le bien portant aime discuter de ses motifs, le pestifr se met en colre quand on les voque. Et, pour Reich, nul individu ne peut tre exempt des dispositions la peste motionnelle. Il en dcrit donc les domaines o elle svit:

Le mysticisme dans ce quil a de plus destructif,

Les efforts passifs ou actifs vers lautoritarisme,

Le moralisme,

les biopathies de lautonomisme vitale, (nous sommes en 33)

la politique partisane,

la maladie de la famille,

les systmes dducation sadiques,

la dlation et la diffamation,

la bureaucratie autoritaire,

lidologie belliciste et imprialiste,

le gangstrisme et les activits antisociales criminelles,

la pornographie,

lusure,

la haine raciale.

Le parallle est ds lors ais entre la peste motionnelle et les maux sociaux contre lesquels les mouvements de libration ont toujours lutt.

Il en cite quelques exemples sur lesquels notre 21me sicle dbutant ne semble pas avoir de prises quand il voque par exemple tel individu parvenu un haut degr de la hirarchie universitaire non en raison du mrite de ses travaux scientifiques ou de ses diplmes mais du fait de ses intrigues, de ses machinations. Nous pourrions nous mme en citer plusieurs exemples vcus dans plusieurs institutions et non des moindres alors que dauthentiques savants sont tenus dans la pnurie et lindiffrence gnralise. Nil novi sub sole de ce point de vue et lon renverrait galement volontiers par exemple du ct de cette catgorie et dans le mme temps la lecture des vnements rcents le mysticisme destructif des Fous dAllah comme lidologie belliciste et imprialiste de ladministration amricaine ou encore les activits antisociales et criminelles des rseaux mafieux, parfois tatiques, en de nombreux points du globe.

Face aux dfis jets aux dmocraties par la socit en rseaux, pour prendre un point de vue plus large, le sociologue Manuel Castells dcrit des Etats compltement dpasss par les organisations tentaculaires de la Nouvelle Economie. leur irresponsabilit nous prpare sans doute de nouvelles formes de fascisme, quand la traduction des principes sur lesquels nous fondons notre tre ensemble (dmocratie, libert, galit fraternit, respect des droits de lhomme et du citoyen) et un vaste champ de ruines et quun pourcentage de plus en plus lev de nos concitoyens sattendent ne plus les voir appliqus et danalyser, avec force de dtails et dexemples, la mondialisation du crime organis: ces vingt dernires annes, les organisations criminelles ont multipli les oprations transnationales en sappuyant sur la mondialisation de lconomie et sur les nouvelles technologies de la communication et de linformation

On le voit cest toute la socit qui est manifestement gangrene, lchelle mondiale, par la peste motionnelle.

Rcemment, Cornlius Castoriadis se livrait de semblables analyses lorsque dcrivant les socits de capitalisme libral, il montrait ce quelles prsentent au reste du monde: une image repoussoir, celle de socits o rgne un vide total de significations. La seule valeur y est largent, la notorit mdiatique ou le pouvoir, au sens le plus vulgaire et le plus drisoire du terme. Les communauts y sont dtruites, la solidarit est rduite des dispositions administratives.

On le voit, du systme fasciste que Reich voyait poindre son poque au systme no-libral qui est le ntre et se gnralise trs rapidement, lanalyse dcle, quand elle utilise cette catgorie de peste motionnelle, plus une diffrence de degr quune diffrence de nature.

Voici pour la description du phnomne et ses consquences observables.

En ce qui concerne ses manifestations, Reich se livre alors une tude comparative de trois types psychosociologiques envisags dans les domaines de la pense, de laction et de la sexualit. Il sagit des types ou caractres gnital, nvrotique et pestifr. Leur comparaison permet de mettre en vidence les processus de comportement du pestifr.

Le premier, le gnital, prsent comme le plus sociable et quilibr psychologiquement, juge en fonction de processus mentaux guids par la rationalit, il est accessible aux arguments rels, connat une harmonie profonde entre motivation, but et action. Sa vie sexuelle est essentiellement dtermine par les lois naturelles et fondamentales de lnergie biologique. Il considre le travail comme aboutissement dun processus crateur et ne songe pas interfrer avec son droulement normal. Relguant ses intrts personnels au second plan dans les conflits interpersonnels, il est capable de dialogue et de remise en question.

Le second, le nvrotique, tente galement dorienter sa pense en fonction de donnes et de processus objectifs mais comme sa pense est galement soumise aux pressions de la stase sexuelle, elle se conforme aussi et simultanment la ncessit dviter le dplaisir en pratiquant lart de lesquive. Il a gnralement refoul son irrationalit et sil a conscience de linhibition de ses fonctions vitales, cest sans jalouser les individus bien portants. Il ne soppose pas au progrs. Il vit dans la rsignation sexuelle ou sadonne en secret quelque pratique perverse, son impuissance orgastique saccompagnant dune nostalgie continuelle du bonheur de lamour. Confront aux problmes sexuels, sa raction est plutt dicte par langoisse que par la haine, sa cuirasse visant sa propre sexualit que celle des autres. Il est plus ou moins inhib dans son aptitude au travail et ny trouve aucun plaisir, ignorant lenthousiasme. Il est soumis dabord lopinion dautrui.

Le troisime, le pestifr, se distingue du nvrotique par une activit sociale plus ou moins destructive, sa pense tant dtermine essentiellement par des concepts irrationnels. Il a toujours des conclusions toutes prtes, tant inacessible laltration, et ne vise dans ses jugements qu rationaliser des conclusions irrationnelles prexistantes ou prjugs. Limmobilisme et lattachement la tradition sont ses rfrences constantes. Intolrant, il ne supporte aucune ide capable de balayer ses prjugs. Le vrai motif de son action nest jamais celui quil indique mais il croit srieusement aux buts quil sassigne, agissant sous leffet dune compulsion structurelle, sous la contrainte de son mal. Il dteste et combat tout ce qui vient le contrarier. Sa sexualit est toujours sadique et pornographique caractrise par la prsence simultane de lascivit sexuelle et de prtentions morales sadiques. Il dveloppe une haine farouche de tout ce qui peut susciter des ides orgastiques. Do son intolrance lgard de tout ce qui est amour naturel et sa grande capacit mettre au point, avec satisfaction pour lui, un systme labor de dlation et de diffamation. Il dteste le travail et se tourne avec prdilection vers lidologie mystique ou politicienne. Nachevant jamais rien, il est incapable dun travail organique et progressif. Victime dune ducation autoritaire et obsessionnelle, il sinsurge contre elle, mais sa rvolte na aucun objectif social rationnel. Il mprise ses partenaires, le motif de ses relations interpersonnelles tant le dsir de les abattre en utilisant de prfrence la diffamation sexuelle, la calomnie des fins sadiques, attribuant sa propre lubricit ses victimes.

Pour Reich la peste motionnelle cause de grands ravages. Elle peut se manifester dans des entreprises pourtant gres par des gens honnte et sincres que des personnes atteintes de la peste motionnelle ont souvent russi craser. Elle est encore prsente dans lopinion publique o leur irrationalisme trouve de larges chos. Ce qui permet de comprendre, par exemple, que le fondamentalisme, la dictature ou les amourettes de tel puissant de ce monde aient des consquences invraisemblables sur des millions dtres humains. La peste motionnelle est la source de lnorme absurdit sociale qui nous gouverne, quand lamour, le travail, la connaissance sont ramenes des proportions minuscules, quand la vie publique est extrieurement asexue et intrieurement pornographique.

La cause pour Reich en est vidente, le blocage du flux dnergie biologique, sexuelle chez la plupart des gens.

La lutte contre les atteintes sociales de la peste motionnelle passe pour Reich par:

la mise en uvre de processus personnels, ainsi lorgonthrapie, mthode de restauration de lorgone qui vise dissoudre les cuirasses caractrielles, permet chacun de retrouver le sens de son nergie et de la finaliser positivement en rtablissant sa capacit aimer ,

sociaux, lconomie sexuelle qui se doit de travailler divers plans:

celui de la famille autoritaire, coercitive, partie intgrante de la socit autoritaire, rempart de lordre social rpressif, lorigine des sentiments de fidlit aveugle et dobissance infantile. En effet, nous prvient Reich, la fonction politique de la famille est double: elle se reproduit elle-mme en mutilant sexuellement les individus et, dans le mme temps, elle rend lindividu apeur par la vie et craintif devant lautorit.

celui de la culture, et Reich de fixer celle-ci un objectif, prparer une rvolution culturelle fonde sur lautonomie des individus. Elle commence bien videmment pour lui par la libration sexuelle des jeunes, ca le refoulement sexuel social est un facteur ractionnaire extrmement efficace qui soutient les institutions ractionnaires grce langoisse sexuelle et au sentiment de culpabilit sexuelle ancr profondment dans les masses exploites. Ce sentiment paralyse toute puissance intellectuelle et critique, ancrage idologique du systme dominant autoritaire dans les structures caractrielles des individus nivels dans la masse.

On aura compris que, pour Reich, le refoulement sexuel consolide toute forme de domination autoritaire. Cependant, il observe quil prpare aussi les caractristiques de la rebellion tandis que les puissances autoritaires renforcent pendant les priodes de crise leur pression sur les masses et leur sexualit. Etde citer, au mme niveau, laction brutale de lEtat tchcoslovaque en Mai 1931 contre les associations dclaireurs auxquels on avait interdit de sinstaller sous les mmes tentes sans certificat de mariage et lencyclique du pape sur le mariage chrtien en 1930. La rpression sexuelle sociale sape ses propres fondements et Reich de citer comme expression directe de la crise sexuelle la dlinquance de la jeunesse. Il prdit alors pour le vingtime sicle une phase importante de bouleversements sociaux lis au dsir des peuples faire valoir leur droit une vie heureuse. La rvolution sexuelle progresse estime-t-il, aucune puissance du monde narrtera sa course.

L encore, Reich qui analyse les situations sociales avec les donnes de son poque, tait loin dimaginer, une guerre mondiale plus tard, le mouvement social de libration de la jeunesse, n sur les campus amricains dans les annes soixante et dont le sommet paroxystique furent, en France, les vnements de Mai 1968. Libration certaine mais dirons nous de courte dure lchelle sociale.

La rpression a pris aujourdhui dautres formes, plus larves, moins frontales amis tout aussi efficaces en noyant les systmes de rpression dans le flot dimages saturantes de la Socit du Spectacle et dans la monte de linsignifiance sur fond de juridicisation de la socit.

On sourit encore, de ce ct-ci de lAtlantique, en entendant les rcits duniversitaires amricains dsormais incapables de recevoir leurs propres tudiants de lautre sexe sans tmoin de moralit, ou les hallucinants engagements crits, signs chaque week end par les jeunes amricains et touchant la prdiction dtaille de leur comportement sexuel lorsquils veulent sortir avec leur petite amie pour une soire. L encore les analyses de Reich touchant la peste motionnelle sont toujours dactualit quand des individus sont capables de vtir lhumanit toute entire dune camisole du mme modle que la leur, parce quils sont incapables de tolrer la sexualit naturelle chez les autres.

Certes, cette rpression est aujourdhui, au moins extrieurement, moins tatique, moins le fait visible des appareils centraux des pouvoirs institus, elle nen emprunte pas moins des voies tout aussi efficaces: publicit, insignifiance administre hautes doses des shows audio visuels, machinerie sportive.

Le professeur Jean Marie Brohm dnonce avec raison, tout au long de son uvre, labrutissement mdiatique du spectacle sportif quand la paix des stades succde, crit-il, la paix des cimetires et que les clameurs vocifrantes des supporters couvrent frquemment les cris des supplicis quand la fte populaire est celle des meutes sportives dchanes dans lextase chauvine, la xnophobie, la haine de ladversaire.

Ses positions sinscrivent, on le voit , dans le droit fil de la pense reichienne et la peste motionnelle svit toujours au cur du social.

Le sport, conclut-il est, en dfinitive, un opium du peuple, un univers dvasion onirique, un instrument de diversion sociale, un exutoire politique qui renforce lalination culturelle et idologique de la population. Il combine la fois la dpendance libidinale, la toxicomanie somatique et laddiction mentale qui ont partout et toujours le mme rsultat ractionnaire: la chloroformisation des esprits, la narcotisation de la conscience critique, la dpendance lgard de systmes doppression.

La peste motionnelle, nous la vivons dans nos socits occidentales amricanises, telle quelle se donne encore mieux voir depuis les vnements du 11 Septembre 2001 (mais ceux-ci ne sont quun rvlateur, les forces agissantes sont luvre depuis des lustres), soit: des forces pulsionnelles , psychiques, indpendantes de la volont humaine consciente et qui senracinent en dernire analyse dans des sources biologiques dnergie encore inconnues et dterminant nos penses et nos tres.

Et Reich rapprochait cet imaginaire radical de lautre, le social,: conditions socio-conomiques ou forces productives marxiennes agissant au dehors de lappareil bio-psychique de lhomme , voire mi-chemin et de citer en exemple: le dveloppement technique, les conditions de travail, les conditions familiales, les idologies, les organisations, alors que les forces pulsionnelles psychiques de Freud agissent au dehors des profondeurs de lappareil bio-psychique. Et Reich terminait ce parallle en affirmant: Elles chappent autant la volont consciente de lhomme que les fores productives socio-conomiques de Karl Marx.

Cornlius Castoriadis reprant les structures de limaginaire social distingue de mme:

limaginaire radical, origine des investissements privilgis et spcifiques du sujet , surgissant sur le plan individuel comme phantasme fondamental, ce qui merge comme altrit et comme origine perptuelle d'altrit ou ce qui dans la psych-soma est position, cration, faire tre , pour la psych-soma.

Limaginaire social, ce qui, dans le social-historique, est position, cration, faire tre ou socit instituante , lequel est dans et par la position-cration de significations imaginaires sociales et de linstitution comme prsentification de ces significations et de ces significations comme institues.

Et dinsister, en dpassant le paralllisme port par Reich sur ltayage mental des deux imaginaires, limaginaire social se trouve dans une relation de rception/altration avec ce qui avait dj tre reprsent par et pour la psych.

Il y a donc, prsente chez Reich, sans doute, du fait de sa transdisciplinarit de fait (mme sil valorise plutt le ple pulsionnel inconscient comme mdecin psychiatre et psychanalyste et ceci, bien quengag dans le mouvement social de son temps) , lintuition du rle moteur de limaginaire lequel, pour reprendre lexpression de Gilbert Durand, nest pas une discipline mais un travail comparatif entre les disciplines et nous fait voir linvisible luvre dans les processus sociaux (ce sont les force inconscientes bio-psychologiques et socio-conomiques de Reich).

On doit galement rappeler , pour citer encore Gilbert Durand, lattention quil porte au grand smantisme de lImaginal , matire originelle parti de laquelle toute pense rationalise et son cortge smiologique se dploient.

Il en tire , on le sait, la notion de trajet anthropologique: synthse instable entre les pulsions dune libido en volution et les pressions refoulantes du microgroupe fondamental tendue ensuite la gense rciproque du geste et de lenvironnement.

Car le symbole est toujours le produit des impratifs bio-psychiques par les intimations du milieu et la pulsion individuelle a toujours un lit social dans lequel elle se coule facilement et cest bien en cette rencontre que se forment les complexes de culture.Ainsi le trajet anthropologique peut indistinctement partir de la culture ou du naturel psychologique, lessentiel de la reprsentation et du symbole tant contenus entre ces deux bornes rversibles.

En rsum, on peut de ce fait, tablir un tableau des thories de limaginaire qui claire les conditions de production de processus sociaux tel celui de la peste motionnelle dcrite par WR. Et lon voit bien que, dans chaque cas, quel que soit lendroit o laccent sera mis, les formations symboliques vcues se rencontrent toujours dans les trajets individu / milieu social.

AuteursniveauxLois invoquesconditions

REICHPeste motionnelleConditions de Production et dducation socio conomiques

Sources freudiennesLois de lorgoneSources marxistes

Sexualit, structure caractrielleLois de lnergieTravail

CastoriadisImaginaire radicalInstitution imaginaire de la socitImaginaire social

psychSocit instituante

DURANDImpratifs bio-psychiquesSymbole, cultureIntimations du milieu

libidoTrajet anthropologiqueComplexes de culture

Reich tentera de rsoudre le conflit entre les deux systmes conceptuels dont il se rclame, et ce travail sur une ligne de fracture le conduira la dcouverte dun troisime facteur, qualifi d la fois identique et diffrent, mais plus profond , nouvelle discipline fonde dabord sur les dcouvertes e la sociologie et de la psychologie des profondeurs dont lincompatibilit conduisit la dcouverte du troisime concept qui leur est commun.

Dans cette obsession de faire concider les opposs, de coaguler le sens, paradoxalement, nous retrouvons les fondements de la pense hermtique, moins dialectique que dialogique, ce qui aurait surpris Reich le premier, lequel se trouvait pris dans une rflexion trs positiviste.

Ceci lamnera critiquer et la position freudienne et la position marxiste, son analyse de limaginaire social de la dernire priode des annes 30 lamenant constater le dfaut des cadres conceptuels et pratiques en cours pour concevoir le rel et agir sur lui.

Un fait social dont il est lobservateur silencieux dclenchera sa posture sociologique.

Le 30 Janvier 1927, Schottendorf, petite ville de province autrichienne, dont la mairie est aux 2/3 aux mains des sociaux dmocrates, la foule qui manifeste sur une question sociale est prise partie par des vtrans de larme fidles au Kaiser. Ces derniers tirent sur la population faisant plusieurs morts. La foule pourtant ne ragit pas, la mairie non plus, et laffaire se termine le 24 juillet 1927 devant les tribunaux par acquittement des meurtriers. Les juges nont pas eu la moindre hsitation.

Une grve de protestation clate le lendemain ,durement rprime par les sociaux dmocrates, la police tire sur les manifestants tandis que les organisateurs eux-mmes et le PC lui-mme manifestent une grande passivit.

Reich y lit une premire contradiction entre une approche positive, la sienne, qui le conduit cette conviction que les institutions sociales devraient rpondre aux besoins de la population alors que les idologues du PC ont conserv un point de vue machiniste sur la question. Pour eux, toutes les actions et penses tant orientes en fonction des forces productives (point de vue industrialo mcaniste).

La contradiction est flagrante pour WR entre les besoins du peuple et une socit fonde sur des machines et de se demander: si le pouvoir en Russie et la quasi pauvret en Angleterre socialiste traduisaient clairement le mpris complet des besoins humains dans lorganisation de la socit, pourquoi la masse du peuple maltrait est-elle aussi impuissante? pourquoi les fils ractionnaires douvriers et de paysans engags dans la police tirent-ils sur des ouvriers et des paysans?

Lirrationalisme de la politique lui apparat clairement car il ny avait aucun rapport entre ce que le socialistes promettaient (paix, libert, fraternit) et la structure caractrielle des gens, profondment enracine ou se reproduisant quotidiennement dans leurs propres misres et dont ils ignorent tout en en voulant rien en savoir.

Pendant 7 ans, (1927-1934), Reich va lutter au sein des organisations populaires pour valuer le rle des masses dans le processus social et constater que tous les partis argumentent contre laspiration du peuple la libert, socialistes et communistes compris et dautant plus coups des masses quils prtendaient les servir. Nous pourrions rapprocher cela trs exactement de la situation produite au lendemain de 6 ans de pouvoir de la gauche plurielle en France et qui ont conduit, le 21 avril 2002, un candidat dextrme droite rester seul en liste au second tour de llection prsidentielle face au candidat de la droite classique. Et quen sera-t-il en 2017?

En France, les pouvoirs sarkoziens ou socialistes avec leur cortge de prbends, dalliances contre nature, de mpris de la populace produisent encore les effets constats par Reich en Autriche et en Allemagne 50 ans plus tt. Heureusement lpilogue, du fait dun sursaut populaire, na pas t quivalent mais la coupure sociologique entre le peuple et ses reprsentants, si elle persistait, conduirait invitablement des scnarios plus graves dans une nation qui se targue par ailleurs dtre celle des droits de lhomme. L encore, les intentions affiches ne sont plus accordes au sentiment rpublicain qui rclame plus dgalit, de libert, de fraternit. La structure caractrielle qui fournit sa base la peste motionnelle est bien prsente dans une population que lon croit chloroformer coups de jeux tlviss, football connections et de reality shows.

En Allemagne, en 1933, une situation semblable produisit la victoire du fascisme. Reich faisait remarquer que, cette anne l, 35 000 000 dallemands souhaitaient le socialisme mais que ce fut Hitler qui fut port au pouvoir. Et de commenter: le mouvement ouvrier navait pas compris le problme du rle des tres humains dans le processus de dveloppement technique dune socit. Technologie des multimedias en plus, la question reste pendante.

Je fus envahi, crit Reich, par le sentiment de labsurdit de la politique. Je navais constat aucun rapport entre la politique et la vie relle des tres humains.

De l nat la rflexion sociologique de Reich, Les hommes ont entre eux des relations et des conditions inconscientes qui maintenant les rgissent comme machines, ce qui produit labsurdit de lusage quen fait parfois le peuple.

LEtat lgal bien ordonn est un rve, et non une ralit Etant donn que les gens nont quune connaissance partielle de leurs relations mutuelles, ils sont incapables de les gouverner ou de les changer, tant lillusion du libre arbitre est grande. Capitalisme et fascisme reposant sur la mme racine, sont indissociables. On se souviendra du cri d'un officier franquiste (camp fasciste) de la guerre d'Espagne :"Viva la muerte !"( Vive la mort !) suivi de"Mort l'intelligence !"Prononc le 12 octobre 1936 l'Universit de Salamanque par le gnral Jos Milln Astray de la lgion trangre espagnole (ou un officier de sa suite). Ce sont des manifestations tout fait typique de la peste motionnelle (voir lesFAQ), maladie mentale qui est l'une des consquence possible de la rpression de la sexualit.

Il en va de mme pour les religions, les chrtiens, comme le plus grand nombre des musulmans ou des juifs, prchent la paix, la fraternit, la compassion, lentraide, la solidarit. Dans la pratique, ils ont jet aux orties le caractre rvolutionnaire de leurs messages primitifs, ruinant systmatiquement en lhomme la capacit semparer de lobjectif de la libert. Le catholicisme produit, ainsi, pour Reich, limpuissance structurelle des masses humaines qui, dans leur dtresse, sadressent plutt Dieu qu leurs nergies propres car il rend les structures humaines incapables jouissance en tuant en elles le got du plaisir.

La peste motionnelle manifeste dans le nazisme, ne fait que prolonger en sadisme la crainte et la culpabilit inculques en transformant le caractre masochiste de lancienne religion de souffrance en religion sadique. Forme exacerbe de mysticisme religieux, il soutient cette forme particulire de religiosit qui a son origine dans la perversion sexuelle.

Lutter contre la peste motionnelle de manire efficace, cest restaurer la couche psychique profonde de lhomme car dans les profondeurs vivent et travaillent la sexualit naturelle, la joie spontane du travail, la capacit damour.

Cette couche est le noyau biologique de la structure humaine, elle est inconsciente et redoute car en dsaccord avec lducation autoritaire .

Sa reconnaissance et son actualisation sont pourtant pour Reich, la seule manire de dominer la misre sociale.

Lutter contre la misre sexuelle, supprimer les inhibitions, produire pour chacun une autorgulation conforme aux exigences de lconomie sexuelle, cest permettre la restauration positive de la responsabilit de chacun face la vie.

Reich voit dans la suppression des maladies psychiques et de la sexualit asociale le facteur qui favorisera la dprise de la peste motionnelle et la libration de lnergie vitale emprisonne.

LecturesVoir La Rvolution sexuelle.

http://www.amazon.fr/La-R%C3%A9volution-sexuelle-Wihlelm-Reich/dp/2267017024Et larticle de Marianne Nizet

Wilhelm REICH. La Psychologie de masse du fascismehttp://lodel.irevues.inist.fr/cahierspsychologiepolitique/index.php?id=1182Bertin Georges,.

Un Imaginaire de la pulsation, lecture de Wilhelm Reich,

Presse de lUniversit Laval, Qubec.

https://www.pulaval.com/produit/un-imaginaire-de-la-pulsation-lecture-de-william-reichdont le texte ci-dessus est extrait

Reich Wilhelm, Lanalyse caractrielle, Paris, Petite Bibliothque Payot, 1976, p. 431.

Ibidem p. 408.

Reich Wilhelm, Les hommes dans lEtat, Paris, Payot, 1978.

Reich Wilhelm, Lanalyse caractrielle, op cit. p. 432.

Reich Wilhelm, La rvolution sexuelle, Paris, Christian Bourgois, 1982, p. 50

ibidem, p. 55

ibidem p. 58

Ibidem, p. 434.

Castells Manuel, La Galaxie Internet, Paris, Fayard, 2001, p. 341.

Castells Manuel, Fin de millnaire, Paris, Fayard, 1999, p.195.

Castoriadis Cornlius, La monte de linsignifiance, in Les carrefours du labyrinthe IV, Paris, Le Seuil, 1996, p. 61.

Reich Wilhelm, Lanalyse caractrielle, op.cit. p. 436 sq.

Reich Wilhelm, La rvolution sexuelle, op. cit. p. 125.

Reich Wilhelm, Lirruption de la morale sexuelle, Paris, Petite Bibliothque Payot, 1972, p. 192

ibidem, p. 194

Reich Wilhelm, La rvolution sexuelle, op. cit. p. 71

Brohm Jean-Marie, La machinerie sportive, Paris, Anthropos / Economica, 2002, et Les meutes sportives, critique de la domination, Paris, LHarmattan, 1993.

Brohm Jean-Marie, La machinerie sportive op.cit. p. 75.

Ibidem, p. 45.

Reich W. La psychologie op. cit. p. 78

Castoriadis C. linstitution.. op. cit. p. 493

Champs de lImaginaire, p.215

ibidem. p 31

Durand Les structures p. 27 et 40

La psychologieop cit. p. 82

HYPERLINK "http://www.ecologielibidinale.org/fr/miel-repressionsexuelle-fr.htm" http://www.ecologielibidinale.org/fr/miel-repressionsexuelle-fr.htm

psycho p. 12