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COLLECTION "VÉCU"

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EMILE POLLAK

LA PAROLE EST

A LA DÉFENSE

ÉDITIONS ROBERT LAFFONT PARIS

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COÉDITION ROBERT LAFFONT — OPERA MUNDI

Si vous désirez être tenu au courant des publications de l'éditeur de cet ouvrage, il vous suffit d'adresser votre carte de visite aux Editions Robert Laffont, Service « Bulletin », 6, place Saint-Sulpice, 75279 Paris Cedex 06. Vous recevrez régulière- ment, et sans aucun engagement de votre part, leur bulletin illustré, où, chaque mois, se trouvent présentées toutes les nouveautés que vous trouverez chez votre libraire.

© Opera Mundi, Paris, 1975

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A mon père qui l'aurait approuvé, à mes filles qui l'ont demandé, au bâtonnier Chiappe qui a su enrichir l'éclat de notre Barreau.

E. P.

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Les événements et faits décrits dans ce livre sont rigoureusement exacts : mais, pour des raisons évidentes, les noms de certains lieux et de certaines personnes ont été changés. Dans ces cas, toute ressemblance avec des noms réels ne serait donc que fortuite.

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1

HEUREUX TOUTE MA VIE...

Ecrire en parlant de soi, c'est se juger. Je m'en avise dès la première ligne. N'hésitons donc pas.

Ce rêve de devenir avocat, que j'ai caressé dès mon enfance, je l'ai réalisé un jour dont je devrais me souvenir comme le prêtre de son ordination ou le père de famille de son mariage.

Et pourtant non. Il m'en reste bien quelques images éparses, déploiement d'hermines et grenadiers de la cantinière, de noir vêtus. Je n'ai pas en mémoire la formule du serment que j'ai prêté.

C'est peut-être un blasphème et je le dis tout bas...

mais j'ai certainement juré de ne rien dire contre ma cons- cience.

Ai-je tenu ce serment ? Oui, je le dis sans hésitation. Ai-je juré respect au gouvernement de mon pays ? Il me semble bien, ou quelque chose d'approchant. L'ai-je

fait ? Je n'en suis pas si sûr... Et comment pourrais-je le regretter ? En vertu d'un tel respect, aurais-je pu défendre les résistants

de 40 ?... Plaider devant ces juridictions où se pavanaient, juges dérisoires, ceux-là même que nos clients s'étaient juré de combattre et de vaincre, au péril de leur liberté ou de leur vie ?

Nous les défendions, avec dans le cœur quelque chose de plus que d'habitude ; le sentiment de servir un peu à notre

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tour et si, de temps en temps, nous avions le sentiment de partager leurs risques par l'indépendance ou l'imprudence de nos paroles, c'était, ma foi, une réconfortante sensation...

Alors, si, en de telles occasions, j'ai quelque peu écorché mon serment, je ne pense pas que Dieu m'en demandera compte. Pas plus qu'il ne saurait demander raison à ceux, plus près de nous, qui ont eu les mêmes audaces au service d'idées qui ne sont ni les mêmes ni les miennes.

Le serment a été respecté. Celui que nous avons fait dans le secret de nos coeurs : Défendre.

Défendre de toute notre foi, de toute notre âme, ne pas tenir compte des contingences, des risques, ne pas ménager un juge dans l'espoir que le lendemain il nous sera plus favorable et ne pas rester sourd à l'appel de quiconque demande notre aide, même en cas d'impécuniosité.

Ce serment-là, même si j'ai pu commettre quelques négli- gences, je suis sûr de ne l'avoir jamais trahi en trente-six ans d'exercice.

Plus d'un tiers de siècle, et pourtant je n'en ressens pas la fatigue d'un effort. Car j'ai travaillé, porté par une ardeur renouvelée chaque jour. Je n'ai jamais connu l'ennui, encore moins le scepticisme.

J'ai eu la chance d'avoir eu très tôt sur ma route un homme extraordinaire, un avocat merveilleux au cœur débordant d'amour et d'humanité. C'est pour cela qu'il fut ce qu'il fut. Je le suivais comme un ami privilégié, mieux, comme un disciple.

Il s'était égaré dans la politique, non par vocation spécifique mais entraîné par le goût de rendre service et sans doute aussi parce qu'il était corse.

Je l'avais suivi par fidélité dans sa première réunion électo- rale. Je m'intéressais peu à ses thèses, mais tout à coup je me laissai happer par son éloquence. Devant la foule des électeurs, je l'entends encore s'écrier :

« Ma grand-mère m'a dit, autrefois : si tu veux être heureux un jour, saoule-toi ; si tu veux être heureux deux jours, marie-toi. Mais si tu veux être heureux toute la vie, sois avocat. »

L'assistance médusée avait senti passer le souffle d'une ardente passion et pour ce frisson elle applaudit à tout rompre.

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Mon cher Jean-Baptiste votre grand-mère avait raison. Et c'est en souvenir de ce soir-là et de bien d'autres choses, que dès le seuil de ce livre, je vous le dédie en hommage fervent.

Ce n'est pas lui qui se serait avisé de décourager les rêves des jeunes avocats.

Il aimait à ce point notre jeunesse que, lorsqu'il venait plaider à Aix, il se glissait dans un de nos cars d'étudiants. On lui faisait place ; il se taisait et se réchauffait de notre joie, de nos rires.

Heureux homme, heureux temps ! Ce n'est pas lui qui, membre du Conseil de l'Ordre et

recevant, selon l'usage, les visites des futurs stagiaires, leur aurait dit ce que j'ai moi-même entendu et qui a été dit à tant d'autres !

« Quel dommage que vous veniez si tard à la Profession ! Tout est difficile à présent ! Ah, si vous étiez venu il y a trente ans, tout était différent ! »

On me l'a dit en 1938. On le répète en 1975. On le disait certainement en 1900. Non, jeunes gens, venez si vous vous sentez irrésistiblement

attirés ! Il y aura toujours place pour vous. Il y aura toujours place pour qui veut servir, qui veut lutter, qui veut aimer.

Il n'est pas de prison qui garde ses portes fermées au jeune avocat, ardent au désir de défendre, prêt à considérer ses clients comme des êtres pitoyables méritant visite et réconfort.

Tout jeune avocat a sa chance. Elle est d'autant plus certaine que le crédit des anciens

s'use auprès de la clientèle. Notre carrière contient plus de défaites que de victoires

et le client veut toujours espérer le possible et l'impossible. Il va vers la nouveauté ; il espère tout de cette jeunesse qui ne s'est pas encore heurtée aux murs de la difficulté. Il va vers elle et, le temps de mesurer la part de l'illusion, le jeune avocat a eu sa chance.

S'il est nanti des qualités nécessaires, il a pu les faire valoir et s'assurer le départ d'un cabinet.

1. Jean-Baptiste Grisoli, ancien bâtonnier à Marseille.

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Chacun a un bâton de maréchal dans sa giberne. Les guerres de l'Empire ne sont j amais finies !

Cela n'est pas dire que tout soit simple ; même si l'on croit dans son propre avenir, même si l'on se sent fort, on ne pourra éviter le vertige devant l'étourdissante force de cer- tains anciens.

C'est ce qui m'est arrivé avec un homme qu'aujourd'hui encore je tiens pour étonnant et qui, à l'époque de mes vingt ans, me paraissait le frère cadet d'Hercule. Le voici :

Il était grand, il avait les cheveux tirant sur le roux et de très beaux yeux bleus, moins grands que vifs. Il avait inauguré le système des secrétaires-chauffeurs.

A ce titre, on le voyait souvent avec des filles ravissantes qu'il présentait sous cette appellation.

Elles étaient, si l'on veut, « ses hôtesses ». Je pense qu'elles l'ont toujours dirigé sur d'agréables chemins.

J'étais étudiant lorsque je l'ai connu. J'allais, bien entendu, à la cour d'assises, le cœur battant,

et je frissonnais et j'admirais. Parvenir un jour à créer des émotions semblables ! Devenu

avocat, je n'y ai plus pensé. Je n'ai plus pensé qu'à la plai- doirie, qu'à son but. Je ne me suis pas soucié d'émouvoir pour émouvoir; je n'ai conservé que le désir de le faire pour remplir la tâche que je m'étais assignée. Mais là, étudiant, j'étais en quête de leçons et d'étonnements.

J'écoutais donc! Il défendait un facteur indélicat. Il avait su être persuasif,

passionnant, mais ce n'était rien encore, car soudain il par- vint à la péroraison.

Je la trahis, certes, mais c'était à peu près ceci : « Ah ! Messieurs, pardonnez-moi ! Ma voix se brise... Hier,

j'étais dans mon cabinet, je pensais à la grande épreuve qui m'attendait : sauver ce malheureux. Un enfant est entré, chétif et blond, de l'âge de mon fils (les larmes perlaient à ses yeux) et cet enfant s'est planté devant moi, a plongé ses yeux dans les miens et m'a dit : « Jurez-moi, monsieur, que vous me ramènerez mon papa ! »

Il s'arrêta, il n'avait pas besoin de faire signe qu'il ne pouvait plus continuer. C'était évident, l'émotion l'avait brisé.

Il s'écroula plutôt qu'il ne s'assit. Les yeux du père étaient humides.

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On attendait le verdict. Phase cruelle ! Qu'elles sont interminables, ces attentes, un peu semblables

à celles des salles d'opération ! Comment ne rendent-elles pas fous ceux dont la vie en

dépend ! Pour moi, à l'époque, rien de tel. Mais le confrère souffrait certainement, même s'il ne le

montrait pas. Et il le cachait bien ! Quant à moi, je m'approchai de lui, aussi timide que boule-

versé. Je devais être ridicule dans mes compliments. J'ai dû bal-

butier : « Mon cher Maître, je me destine à la Profession, mais je ne saurai jamais exprimer une émotion pareille. »

Il me regarda ou plutôt me découvrit, puis il me dit : « Quatorze, mon petit ; c'est le « tiroir quatorze ». Emouvant, n'est-ce pas ? Mais si tu peux venir la semaine prochaine à Montpellier, là, j'ai le « tiroir vingt-deux ». C'est terrible, la mère mourante avec tous ses fils autour, tu en crèves ! »

Et le pire de l'histoire, c'est que je n'arrivais pas à lui en vouloir de m'avoir ému et trompé.

Combien j'avais raison ! Il était au fond profondément sincère, mais il s'était amusé

à jouer avec moi le sketch du cynique pour se détendre, et c'est bien tout.

Combien il fut heureux des miraculeux deux ans de prison infligés à son client. Peine bien légère !

La suite de notre vie devait m'amener à le mieux connaître et à ne pas cesser de l'estimer. C'est lui encore qui, un jour, disait, en plaidant, des choses fort extraordinaires, très éloi- gnées du dossier... si bien que son adversaire excédé finit par dire :

— Les affirmations de mon confrère sont totalement gra- tuites. La réflexion réveilla en lui d'autres soucis et, affectant

d'être rêveur, il lui répondit : — Peut-être, mais croyez que c'est bien contre mon gré. C'est lui encore, et toujours, qui se vit aborder par un

client empressé et chaleureux :

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— Mon cher Maître, je ne saurai jamais comment vous témoigner ma reconnaissance.

Il lui répondit simplement : — Cher monsieur, depuis que les Phéniciens ont inventé

la monnaie, le problème est résolu. Enfin il se plaisait à dire, pour scandaliser et bien plus,

je pense, pour s'amuser : — Je n'ai jamais perdu un procès ; les clients, parfois. Mais tout cela n'était que « mots », « mots du Palais »

que l'on se dit pour s'amuser comme Sacha Guitry disait « qu'il préférait perdre un ami plutôt que se priver de faire un mot ». Ce qui était certainement inexact et n'était qu'une manière d'en faire un de plus.

L'homme était bon et généreux, et le barreau de Montpellier s'est encore honoré en faisant de lui « le bâtonnier Heim ».

Il est mort, m'a-t-on dit, après une maladie cruelle, bien triste et imméritée.

A propos du problème évoqué par le bâtonnier Heim, à l'abri des Phéniciens, concernant les honoraires, une des perles de ma carrière fut de recevoir un chèque sans provision d'un escroc, faux chef d'orchestre, faux avocat, que j'avais défendu avec un intérêt tout particulier ! Il est vrai que l'aventurier était de taille, comme on appréciera lorsque je raconterai son histoire plus loin, dans la brochette consacrée à quelques champions de la correctionnelle.

L'avocat partage avec les prostituées le risque permanent de n'être payé que de promesses. Tous les jours j'entends dans mon cabinet un client qui dit d'un être cher :

— Faites-le sortir, Maître, vous serez récompensé. Lorsque le propos est tenu, il est sincère. Et puis, après, il

est oublié. Passé la fête, passé le saint. Une idée répandue, non pas chez tous les clients mais dans

tous les milieux, c'est que l'argent peut tout arranger, et que, pour commencer, l'avocat mesure ses efforts à l'argent qu'il attend. C'est le complexe du pauvre.

A l'époque du marché noir où les trafics remplissaient les prisons, l'idée la plus courante était qu'on payait sa liberté et le client proposait une somme avec cette clause : « la moitié pour le magistrat ».

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Mais lorsqu'on annonçait plus tard, avec un peu de chance, que l'inculpé était sorti de prison le plus naturellement du monde, eh bien, le plus naturellement du monde le quéman- deur généreux de la veille vous répondait qu'il ne vous devait rien. Et c'est à peine s'il n'affichait pas un certain mépris.

Le procès passé, le client nous oublie. C'est pourquoi nous nous efforçons de nous faire payer

d'avance. Avec quelle pudeur souvent ! Profession libérale, la nôtre,

certes, mais plus que d'autres exposée à des retournements ; notre situation est menacée d'insécurité, ou du moins d'insta- bilité. L'avocat est un peu la cigale du Palais. Il ne peut prévoir le volume de ses affaires dans un avenir proche ét encore moins lointain. Il risque d'avoir à se débattre avec le per- cepteur ou le contrôleur qui veulent lui attribuer un forfait plus ou moins sévère. Eh bien, je le dis pour moi et pour beaucoup de mes confrères, l'avocat répugne à certaines démarches pour intérêt personnel, lui qui n'hésitera pas à les entreprendre pour les autres, lui qui fera antichambre pendant une heure pour solliciter la mise en liberté provisoire du plus humble clochard qui ne lui versera pas un sou. Le même néglige ses affaires ou ses procès de famille.

Je connais un confrère du barreau d'Aix-en-Provence, jeune, plein de vie et de talent. Lorsqu'il m'arrive de plaider avec lui, sa mère est toujours là pour l'entendre, comme le ferait la mienne si elle était encore valide, ou comme le faisait assidûment mon père. Elle le complimente sur la qualité de ses plaidoiries, mais elle ne manque pas de lui faire d'amers reproches parce qu'il néglige de s'occuper de ses affaires à elle, ses litiges, ses difficultés. Je reçois et je mérite les mêmes reproches de ma mère qui me dit souvent :

— Tu préfères t'occuper de tes vagabonds. C'est vrai ; plutôt que de ses affaires ou des miennes,

je préfère m'occuper des vagabonds et de tous ces gens qui attendent devant mon cabinet, que j'entends grogner d'impa- tience lorsque j'ouvre la porte et que je trouve en face de moi tout sourire et suavité, pour me raconter leur malheur. J'ai donné une définition qui nous enveloppe tous : nous sommes des mendiants d'honneur.

Parlant de ma profession, il me faut mettre l'accent sur une de ses servitudes inévitables : l'art difficile des relations

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avec les magistrats. Eux et nous sommes condamnés à une espèce de vie commune. Je suis certain qu'un magistrat écri- vant à ma place exprimerait la même chose parce que c'est ainsi.

Un couple qui vit dans une grande ville échappe d'une certaine façon aux inconvénients de la vie commune. L'homme et la femme ont des relations personnelles, des points d'appui divers et même des zones d'intérêts différents tandis qu'un couple isolé en montagne est contraint à un tête-à-tête sou- vent difficile sans les occasions d'évasion du couple citadin.

Ainsi en est-il de la vie dans un grand ou un petit tribunal. Ici le magistrat voit défiler à la barre de nombreux avocats. Certes, quelques-uns plaideront plus souvent que d'autres, mais il connaît sans cesse des visages nouveaux, des styles profes- sionnels variés, tandis que le magistrat et l'avocat du petit tribunal qui se retrouvent à longueur d'année subissent une épreuve pénible.

Qu'on imagine le sort de l'avocat ! Il ne peut pas se fâcher, il ne peut pas exprimer sa colère ou son indignation s'il y a lieu. Ce serait courir trop de risques pour lui-même et pour son client. En réalité, il signerait la fermeture de son cabinet.

Il ravale sa mauvaise humeur en se disant : « Je ne peux pas me fâcher avec ce monsieur que je vais rencontrer toutes les semaines pendant un an, deux ans, trois ans, cinq ans... C'est terrible ! »

Je suis, un jour, allé plaider dans une ville que je ne veux pas désigner, disons un port important de l'Atlantique.

Je défendais les patronnes d'un bar qui recevait des femmes seules, des filles. L'accusation prétendait qu'elles avaient « ra- colé » dans cet établissement. En réalité elles n'exerçaient pas spécialement leur séduction dans ce bar, mais là et ail- leurs, où bon leur semblait. Tout le monde les connaissait, tout le monde le savait et on fermait les yeux avec une aimable indulgence. Les bars où on pouvait rencontrer ces filles (et d'autres) étaient connus de tous et la tolérance des autorités leur était acquise.

Voilà mes clientes, propriétaires du bar, poursuivies pour proxénétisme. Les filles prétendaient que la police leur avait extorqué leurs aveux, non pas par la violence mais au

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contraire par la douceur en leur disant : « Bah ! on vous connaît, vous ne faites de mal à personne... Signez au bas de ces papiers et tout ça s'arrangera... »

Elles avaient signé, les naïves, et c'était le méchant procès. Tout ça parce que l'une des filles avait volé de l'argent à un garçon assez riche dont le père était l'ami intime du procureur de la République. Evidemment, c'était la catastrophe. Du coup, toutes les filles ont vu s'abattre sur elles les policiers déchaînés. Elles ont signé ce qu'on a voulu, vrai et pas vrai. Et nous voilà à l'audience.

L'enjeu était d'importance pour les hôtelières : c'était le retrait de la licence, une peine que le tribunal ne pouvait pas éviter de prononcer dès lors qu'il retenait le délit de proxéné- tisme. Le président était du genre très autoritaire, de ce type de magistrats, rares certes, qui, à force de se persuader qu'ils représentent la Justice, l'annexent purement et simplement, comme les barons de l'Ancien Régime qui avaient le droit de justice sur leurs terres en même temps et de la même façon que dans leur patrimoine. Il régnait littéralement, il gérait la Justice comme son bien et j'en ressentais une impression extrêmement désagréable.

Or, tandis que la discussion battait son plein sur ce qui se passait dans ce bar, ce président intervint avec sévérité :

— Ce qui se passait dans ce bar, tout le monde le sait. Pas la peine d'en discuter !

C'était dire que le procès était jugé d'avance. Je me suis fait donner acte de cette déclaration, c'est-à-dire que j'ai obligé le président à répéter la phrase à son greffier qui l'a enre- gistrée.

Il est bien évident que le président d'un tribunal n'a pas le droit d'exprimer son opinion en cours de débat. C'est d'ailleurs une incartade rare. Il est aussi évident qu'un incident de ce genre ne peut qu'entacher les relations entre le magis- trat et l'avocat et donner pour l'avenir les plus mauvais résultats. L'antipathie, cela compte, même sans le vouloir !

Pour moi qui n'étais là que de passage, aucune importance. Pour mes clientes non plus puisque, ayant mis le président dans son tort, je ne pouvais redouter une sévérité excessive qui aurait semblé une vengeance. Acte m'a été donné de la décla- ration imprudente et le débat a repris. Le jugement ne s'est pas ressenti de l'incident. Bien au contraire, il était empreint

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d'une certaine indulgence. Nous avons fait appel néanmoins. Si j'ai provoqué cet incident, c'est que j'ai apprécié qu'il n'était pas mauvais de faire sentir à ce juge acariâtre qu'il s'était mis dans son tort ; et si j'ai fait appel, c'est qu'il n'était pas mauvais d'aller dire devant une juridiction plus élevée : Que voulez-vous, messieurs, là-bas, j'étais jugé d'avance !

Mais ce jour-là, dans le tribunal du port où j'avais osé m'en prendre au président, quelle sensation chez mes confrères ! Je crois bien que s'ils avaient pu m'élire bâtonnier par accla- mation sur l'instant, ils l'auraient fait tant ils étaient heureux que j'aie eu la réplique instantanée qu'ils ne pouvaient se permettre, eux qui cohabitent à l'étroit dans la même ville certes, mais aussi pour le magistrat. Je n'avais rien fait d'héroïque, rien que de très normal. Mais voilà, je reprenais l'avion une heure plus tard.

Tout cela illustre ce que j'écrivais plus haut, que la vie commune dans un petit tribunal est un drame : pour l'avocat certes, mais aussi pour le magistrat. Car ce n'est médire de personne que de penser à la lassitude et à l'agacement iné vitable qu'il ressent à force d'entendre toujours les mêmes trois ou quatre défenseurs. De part et d'autre on subit, même inconsciemment, ses sympathies ou ses antipathies, on épie les manies, on surveille les réflexes, bref on étouffe un peu. Qui ne s'en lasserait ?

En général, un avocat qui a l'occasion de saisir un cas de cassation devant la cour d'assises ne doit pas s'en priver, parce que le magistrat n'aime pas voir son arrêt cassé. Je ne veux pas dire que c'est un moyen de pression pour obtenir une décision plus favorable à la défense, fût-elle moins juste, et que le magistrat préférera faire une concession plutôt que d'encourir la cassation. Je ne veux pas dire cela parce que je ne le pense pas. Mais je crois, par expérience, que dans le développement psychologique d'un débat, la menace d'un cas de cassation est un atout intéressant.

Que l'on n'imagine pas que j'aborde là une critique des magistrats qui n'est ni de mon goût ni de ma manière. Cette précaution n'est pas inutile car je connais peu d'hommes, d'hommes de qualité s'entend, plus susceptibles que les magis- trats. Leurs réactions sont épidermiques à un point inima- ginable.

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Quoi de plus naturel que l'avocat, qui est au contact familier du justiciable, prenne la défense du magistrat, par exemple lorsque le client propose d'acheter le juge. Car c'est une idée fort répandue, survivance des pots-de-vin, qu'une décision de justice favorable peut se monnayer. Je me suis battu toute ma vie contre cette infamie, et je ne suis certes pas le seul. Même et peut-être surtout, s'il s'agissait d'un homme que je n'aimais pas particulièrement ou contre qui j'avais quelque ressentiment.

Il m'est arrivé, devant l'insistance pressante d'un client, d'user de cet argument :

— Vous avez raison, on peut très bien donner un million au juge. Voici son nom, son adresse, portez-le-lui.

Le client se récrie : — Ce n'est pas possible ! Je vous le remets à vous et vous

vous en chargez. Là il est facile de parler net et de dire : « Vous vous

rendez compte que c'est une énormité et une infamie puisque vous ne songez pas une seconde à faire ce que vous propo- sez. »

J'ai donné la formule à un de mes amis qui se plaignait d'être en butte aux mêmes démarches.

Cette solidarité d'estime qui nous lie, c'est cela, l'esprit du Palais.

MA PREMIERE PLAIDOIRIE

Bien que ce livre ne prétende pas au genre « Mémoires », loin de là, ni par sa structure désordonnée ni par son contenu qui se veut épisodique et de réflexion, il me plaît de me souvenir ici de ma première plaidoirie.

Je l'ai prononcée en 1935 devant le Tribunal militaire de Marseille, qui s'appelait à cette époque « le conseil de guerre ». Bien entendu, j'avais été commis d'office.

Je défendais un soldat accusé, entre autres, d'avoir (excusez du peu) couché en joue son lieutenant. Je savais tout de mon premier client : la date de sa première dent, de sa varicelle, de ses premières amours, tout ce qui était utile et ce qui ne l'était pas.

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Pendant toute l'instruction, il s'était bien défendu. Il avait trente-cinq ans, ce n'était pas un gamin. Il avait très bien dit que cet officier l'avait persécuté, qu'il l'avait à l'œil, qu'il le tracassait et qu'un jour, la colère l'avait aveuglé.

J'avais reçu sa famille, dix fois, vingt fois, lu et relu son dossier bien plus qu'il ne le fallait, pris des notes de quoi remplir un volume. Qu'en avais-je extrait ? Je l'ignore.

Je sais que j'étais très ému. 0 miracle, je n'ai pas souvenir d'avoir bredouillé mais j'étais cependant ruisselant, à bout de souffle après avoir terminé, brisé d'émotion et un peu perdu dans mon rêve.

Le président, conformément à la Loi, lui demanda ce qu'il avait à ajouter pour sa défense. Et alors j'entendis pour couronner mes efforts cette réponse (j'en suis encore hor- rifié !) :

— Mon Président, je n'ai qu'un regret, c'est de ne pas l'avoir tué.

Mais c'est moi qu'il avait tué ! Comme dans un cauchemar, je me levai et je me souviens

avoir dit : — Messieurs, j'avais raison ! Vous voyez bien que cet homme

est fou !... Réaction d'avocat à la dérive... Mais que dire d'autre ? Le résultat ? Chez nous cela seul compte : trois ans de prison.

Ce n'était pas si mal. Sans doute plus d'indulgence pour l'avocat que pour l'accusé.

Je ne veux pas quitter cette audience mémorable sans rap- porter un mot dont le président, le conseiller Coggia, était l'auteur, mais cette fois en cour d'assises.

A un accusé qui expliquait malaisément qu'il était venu armé dans le pavillon de chasse qui avait abrité ses amours avec sa maîtresse, plus tard infidèle, avec la seule intention de se suicider mais que « malheureusement il l'avait ren- contrée et qu'alors »...

Il ne savait plus que dire, il terminait mal sa pensée. Ce fut le président qui le fit :

— Et alors ? Eh bien, vous lui avez donné la préférence... C'était un homme d'esprit. Pour le Tribunal militaire, j'ai gardé si j'ose dire une

certaine tendresse, qui s'explique par la sérénité et l'objectivité

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des débats, la qualité du tribunal attentif et sensible à toutes les nuances.

Qu'on est loin des croque-mitaines de l'imagerie populaire ! C'est un prétoire où l'on apprend à merveille son métier et le bâtonnier doit dire aux stagiaires : « Allez plaider devant les tribunaux militaires, c'est le meilleur banc d'essai pour un jeune avocat ! »

MA PREMIERE AFFAIRE CRIMINELLE

C'était en 1936. Cette fois c'était bien mon premier client, un client qui

m'avait choisi parmi tant d'autres avocats. Bien sûr je ne saurais l'oublier ! Cela se compare à la première fille qu'on a tenue dans ses bras.

Je connaissais son dossier à fond. C'était une femme, une certaine Mme Pilato, plus très jeune, pour moi à l'époque une vieille, qui avait tué son mari à travers une porte, au cours d'une dispute, à la Parète à Marseille. Sa thèse était simple et vraisemblable ; elle avait pris peur devant son mari qui l'avait si souvent malmenée et comme il arrivait armé d'un gourdin et proférant des menaces, elle avait pris le fusil chargé à chevrotines et elle avait tiré à travers la fragile porte. Je lui avais recommandé avec insistance de s'en tenir là, à cette panique subite justifiée par des violences fréquentes, pour échapper au danger de la préméditation que nous oppo- sait l'accusation, et surtout de ne rien dire qui puisse laisser supposer un mobile d'intérêt. Pour l'accusation c'était le mobile, et ce seul mobile, qui avait guidé le bras.

Lorsque le président des assises lui a posé la question traditionnelle qui clôt les débats : « Qu'avez-vous à ajouter pour votre défense ? », elle s'est lancée dans un récit lamen- table qui la soulageait de trente-cinq ans de rancœur, de haine remâchée en prison contre cet homme qu'elle avait tué.

Première gaffe. Ce ne devait pas être la seule. Après le premier verdict (à l'époque on délibérait en deux

temps : la première fois sur la cupabilité : la deuxième sur la peine), à la question rituelle elle répondit :

« Le Jury peut faire ce qu'il veut ; je m'en fous. »

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C'était de mieux en mieux ! Heureusement l'interprète (futur avocat, il est vrai) traduisit

— sans trahir mais en écorchant son serment ! « Elle a dit que les décisions du Jury étaient souveraines. » On était rarement impitoyable, à l'époque. Elle fut condamnée à cinq ans de réclusion mais j'étais

anéanti. Cette femme que j'avais sermonnée et qui avait pour- tant bien compris mes avertissements n'avait pu s'empêcher d'exploser à l'heure de vérité.

Depuis ce jour, je n'ai jamais abordé ces dernières minutes des débats sans la plus cruelle appréhension.

Et quelquefois encore elle s'est justifiée... Quant à l'émotion que j'ai ressentie au moment de plaider

pour la première fois en cour d'assises, elle ne s'est pas émoussée après trente-huit ans de carrière.

Et je n'en suis ni étonné ni fâché. Il y a trois ans, lorsque j'ai défendu Fauqueux à Lens, j'avais pour adversaire un avocat éprouvé, couvert d'honneurs et qui le mérite. Il trem- blait comme une feuille. Il n'avait pourtant rien à redouter de l'issue du procès, il était la partie civile.

— C'est quand même fantastique d'arriver à mon âge et d'être toujours bouleversé au momént de plaider! me confia-t-il en se rasseyant.

Cet homme, cet avocat considérable, c'est le bâtonnier Bon- doux!

Comme s'il ne suffisait pas d'être chargé de gloire et rompu à toutes les joutes du Palais, par surcroît il avait un passé qui devait lui permettre de dominer ses émotions : Médaille d'or aux Jeux olympiques!

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2

PEUT-ON AIMER LES ASSASSINS ?

Combien de fois à l'occasion d'un procès où je défendais l'auteur d'un horrible crime (on en trouvera quelques exem- ples par la suite dans ce livre), ne m'a-t-on pas dit avec la plus grande sincérité : « Vous ne pouvez pas être insensible à la cruauté monstrueuse de cet homme. Alors comment pouvez- vous en dire du bien, exprimer votre sympathie pour lui ? Comment pouvez-vous aimer les assassins ? »

A cette question je suis tenté de répondre par une question : croyez-vous que l'avocat soit un être dépravé ?

En vérité, l'homme que nous connaissons, que nous défen- dons jusqu'à nous solidariser quelquefois avec lui, n'est pas celui que vous imaginez. Et il est plus près de vous que vous ne croyez. Vous lui ressemblez comme un frère...

A quelques différences près dont les plus importantes sont celles-ci : L'honnête homme respecte la propriété d'autrui et il ne

commettra aucun des crimes qui bravent cette notion fonda- mentale de la société. L'honnête homme ne sera probablement pas un assassin

par perversion. Je dis bien probablement, car il peut être victime d'impulsions perverses, de désirs immodérés et irré- sistibles. Qui peut se prévaloir d'être à l'abri pour toujours de pareils naufrages ?

Mais tout honnête homme peut devenir un assassin par amour ou par haine, et ce sont là les deux mobiles qui font les morts les plus cruelles.

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Quel est l'honnête homme qui n'a pas un jour, au paroxysme de la colère, souhaité la mort de son épouse, d'une maîtresse, d'un adversaire, ne serait-ce que quelques secondes, mais intensément, meurtrier par pensée, meurtrier météorique et inefficace, mais tout près de l'intention.

Ce qui l'a retenu ? La morale, les convenances, la mala- dresse peut-être, mais surtout la peur, la peur du scandale, la peur de la police, de la prison, de la justice, et qui sait...

Seuls l'avocat et le prêtre savent combien la cloison est mince entre ce meurtrier en puissance et celui qui a franchi le seuil de l'intention et qu'on appelle tout de suite un assassin.

Ceux qui posent la question : « Comment pouvez-vous aimer ces monstres ? » feraient bien de réfléchir, ne serait-ce que quelques minutes, à cela. Ils seraient moins prétentieux et arrogants.

Voilà bien en effet le criminel que j'aime et que je secours, parce que telle est ma vocation et ma mission. L'avocat ne voit jamais le meurtrier. Il voit l'homme qui a eu commis un meurtre. Cet homme-là n'est pas spécifiquement différent des autres.

Rarement un meurtre est si soigneusement prémédité et préparé qu'il ait pu devenir le centre de la vie de celui qui l'accomplira, son seul souci. Je ne parle pas de la préméditation spontanée, matérielle, qui consiste à dire : « Je vais chercher une arme », mais du bain de haine, du goût du sang dans quoi baignera un homme, à un point tel que sa vie et la volonté de meurtre ne se distinguent plus. Le plus souvent, le meurtre sera une réaction violente. Mais encore, même dans ce cas extrême, comme celui d'une épouse empoisonneuse, il reste évident que cet état de crise altère jusqu'à dénaturer la véritable personnalité du criminel.

Les premiers contacts de l'avocat avec son client sont d'abord d'ordre utilitaire, disons de routine : discussion sur les faits, sur l'éventualité d'expertises, sur les témoignages possibles, etc. Passé ce stade, les rapports, sans perdre leur intérêt utilitaire, deviennent plus profonds. Le meurtrier a hâte de pouvoir se raconter, étaler sa vie, sa vie connue et ses pensées secrètes. Dans cette narration, l'homme parlera de tout, de sa mère, de ses enfants, de sa femme, de ses amis, de son travail, avec le naturel de n'importe qui, de tout, sauf de son crime. Ou s'il en parle, c'est pour dire les mobiles

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qui sont la mise au jour de choses souvent très intimes et dou- loureuses. Le meurtre, il ne le revendique jamais, il essaie de l'oublier. Il sait qu'il est là ; entre lui et son avocat. Pas la peine de le mentionner.

Et c'est pourquoi je peux dire en toute sincérité que l'homme que l'avocat connaît en prison n'est pas, n'est plus, celui qui a commis le crime. Comme ne sera plus le même homme, celui qui comparaîtra devant les jurés, ni celui qui sortira de prison.

De celui qui peut aller à l'échafaud, je parlerai plus encore. Le criminel qui sort de prison n'est pas l'homme qui y

est entré ; il est pire ou meilleur selon ce qu'en aura fait l'administration pénitentiaire et sa réaction personnelle à la détention. Il aura quelquefois fallu peu de chose pour aiguil- ler cette transformation.

Là-dessus j'ai un souvenir significatif. J'avais défendu un homme, un certain Nabarra, qui avait eu une jeunesse très tumultueuse. Il avait été condamné une première fois à cinq ans de réclusion pour falsification de cartes grises et trafic de voitures volées. Sorti de prison, il n'avait pas tardé à y retourner. La cour d'assises de Montauban l'avait condamné à neuf ans de réclusion pour un meurtre. Il s'était pourvu en cassation et la Cour suprême l'avait renvoyé devant la cour d'assises d'Albi pour y être rejugé. Là, il avait été condamné à douze ans au lieu des neuf ans de Montauban. Il s'était évadé et s'était réfugié en Belgique. On voit à ce simple énoncé ce qu'était cet homme-là à cette époque.

Retrouvé en Belgique et ramené en France dans des condi- tions assez peu orthodoxes au regard des lois sur l'extradi- tion, il avait purgé sa peine, et c'est un homme vieilli, flétri, amer, qui se retrouva un jour libre mais sans feu ni lieu, sans ami, sans asile.

Le hasard lui fit rencontrer une dame, plus âgée que lui, brave femme compatissante et douce. Ils décidèrent de vivre ensemble. Par bonheur, au lieu de s'installer dans une grande ville où les mauvaises fréquentations n'auraient pas manqué, le couple alla s'installer dans la petite ville de Casteljaloux d 'où cette femme était originaire. Là il prit en gérance, sous une fausse identité, un café qui marchait très bien. Le ménage vivait heureux et considéré depuis des années, lorsque, un jour, notre nouveau Jean Valjean, mon Nabarra, vit arriver

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dans son établissement le maire, le curé et deux ou trois conseillers municipaux.

Le sang glacé, l'homme se dit : « Ça y est, je suis foutu, on sait qui je suis. Mais comme on m'aime bien, on y met des formes. »

En effet, on tardait à lui dire le motif de cette visite, à lui qui ne vivait plus et qui invoquait un malaise pour expli- quer sa pâleur. Enfin le maire parla :

— Cher ami, lui dit-il, vous savez que les élections munici- pales approchent. Nous avons besoin de vous, il faut à tout prix figurer sur notre liste. Vous êtes des nôtres, tout le monde vous aime et vous estime, votre place est au Conseil municipal.

Cette histoire authentique illustre bien ce que nous savons de la vulnérabilité de l'homme qui sort de prison, et plus encore fait réfléchir à la complexité de l'homme.

On croit à l'élément dominant, à ce qui permettra de dire : « Cet homme est bon ou cet homme est méchant ; loyal ou déloyal ; digne ou indigne. »

La vérité est bien plus difficile. Cet homme, à sa sortie, déteste la prison. Il rêve de paix. Que va-t-il rencontrer ?

S'il est dépaysé et qu'il trouve cependant l'aide matérielle et l'affection nécessaire, soyez sûrs qu'il aura la détermination qui fait les relèvements heureux.

S'il a faim ou s'il a froid ; s'il se sent isolé, s'il retrouve « les anciens copains », là il est en danger ; dans un cas comme dans l'autre. Il est vulnérable à l'amour-propre, à l'orgueil imbécile. Il parlera le langage de l'interlocuteur. Il n'osera pas dire les mots de « travail », de « vertu » devant celui qui ne les comprendrait pas. Il risque de ne pas savoir s'éloigner (pour aller où ?) ; il peut céder à l'amour-propre : « J'ai souffert mais je suis toujours là et un peu là ! »

Le mal est fait. La chute est proche. Avec un peu de chance et de dépaysement nécessaire, il

pouvait être sauvé. Il avait les intentions et les qualités néces- saires pour ne pas retomber. Comment le juger ? Ah, écoutons Péguy :

Ne le jugez pas comme Dieu pèse un Ange Ne le jugez pas comme on juge un démon !

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3

MON AMI LE FUSILLE DE MALMOUSQUE

Puisque la Libération fut, pour moi, le début d'une nouvelle carrière, que je mentionne ici, sous l'enseigne d'une juridiction exceptionnelle, la première affaire que j'eus à plaider devant la Cour de justice. De toute façon elle mérite une place à part dans mon souvenir et je ne l'évoque jamais sans la plus profonde émotion.

Lorsque j'arrivai à Marseille à peine libérée, je n'y avais pas remis les pieds depuis le 10 novembre 1942. La première fois que je revêtis ma robe d'avocat — ce geste

dont j'avais rêvé pendant des mois d'exil et de silence — ce fut pour défendre un homme accusé de collaboration. Je pouvais le faire sans rien renier. Ce pauvre homme n'avait que les apparences de son crime. Mais on sait à quel bouil- lonnement de passions donna lieu cette période où la vengeance bouscula souvent la Loi et plus encore la vertu de justice.

L'atmosphère devant ce tribunal exceptionnel était absolu- ment extraordinaire. Comment en eût-il été autrement ? Qui peut oublier les atroces misères que le pays venait de

souffrir, arrestations et déportations en masse, fusillades, pen- daisons ; les squelettes revenus et la fumée des chambres à gaz encore mal dissipée ? Tout cela devait faire exploser les colères. Quand la colère gronde, la Justice s'en va. Personne ne doit s'y méprendre. Ces furies ont toutes les excuses ; il est cependant inévitable qu'elles aient fait des victimes.

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Terrible période où la confusion régnait, où lors de la constitution de la Cour de justice un juré désigné par les organisations de résistance disait au président :

« Je refuse de siéger à vos côtés, vous m'avez condamné pour activité communiste. »

C'était vrai et ce président était pourtant remarquable. Il détestait les Allemands ; le disait cent fois tous les jours. Il avait eu des incidents retentissants avec un collègue qui voulait se montrer sévère contre un auditeur de la radio anglaise. Bref, c'était un patriote de grande pureté si bien qu'à mon retour d'exil, c'est lui que je cherchais pour lui serrer la main et voir sa joie pareille à la mienne.

Certes, dans l'exercice de ses fonctions, il avait eu à juger des résistants puisqu'on les lui livrait. Mais ces accusés ne savent pas quelle fut leur chance de comparaître devant lui.

L'atmosphère devant ce tribunal exceptionnel n'en était pas moins extraordinaire.

Le Palais était cerné mais cela n'avait pas empêché une foule bruyante et follement passionnée d'emplir la salle et de déborder à l'extérieur.

Les débats, si l'on peut dire, se déroulaient dans une atmosphère tumultueuse. Chaque phrase de l'accusation, cha- que affirmation de la défense était interrompue par les cris : « A mort ! A mort ! » Le public se bousculait, hurlait, c'était prodigieux. Moi qui étais encore à la joie d'avoir recouvré ma liberté et d'être revenu là, moi qui partageais les sentiments de la foule, je tentais pourtant de lui arracher cet homme qui avait donné son adhésion de pure forme à un groupement collaborationniste pour sauver sa belle-fille qui était juive.

Ce jour-là, nous n'avons pas eu pareil incident, qui eût été injuste pour le président Bayer, magistrat remarquable et patriote irréprochable, lui aussi !

Je serais bien incapable de me rappeler ce que j'ai plaidé dans ce tourbillon de passions. Les arguments surgissent de la situation et l'opposition de l'assistance ne me gênait nulle- ment, mais au contraire m'excitait.

Quel trouble de l'âme ! Mon cœur battait avec elle ; je ne l'approuvais pas ; je la comprenais et j'étais là pour la déce- voir ; j'étais là pour survoler le temps, m'arracher aux réac- tions passionnelles et rechercher la justice, qui ne peut éclore

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que dans le calme et hors du désordre ! Que tout cela était difficile !

Le ministère public requit la mort, dans des conditions assez étonnantes d'ailleurs, « pour qu'il y ait encore des lendemains qui chantent »... Autour de moi on disait qu'il avait requis contre les communistes quelques mois plus tôt avec la même fougue ! Qu'en sais-je ? Vrai ? Faux ? De telles choses sont arrivées !

Malgré mes efforts, cet homme fut condamné à mort. Je dois dire que le commissaire du Gouvernement qui

avait requis vint lui-même à mon cabinet signer un avis favo- rable au recours. Le cœur était là ! Le recours était examiné, mais sur place, et non à l'Elysée, auprès du commissaire de la République M. Aubrac. En cette période troublée, la chose judiciaire allait très vite.

Mon bâtonnier, qui m'avait désigné pour prendre la défense de ce client, était bouleversé. Il m'offrit de m'accompagner dans toutes mes démarches pour sauver le condamné. J'accep- tai bien entendu, bien que je ne fusse pas tout à fait rassuré sur l'efficacité de notre intervention. Le bâtonnier Bontoux, puisque c'est de lui qu'il s'agit, était un vieux grand bourgeois, personnage étonnant et avocat éminent du style du Second Empire. Il avait traversé cette période agitée avec une incons- cience merveilleuse. Il m'avait accompagné, un jour, chez le préfet de l'époque. Ce n'était pas un fonctionnaire de carrière, la Résistance l'avait mis à ce poste où il apportait d'immenses qualités d'intelligence et de cœur. Le préfet Veyrenc nous reçut donc et il eut la délicatesse d'accueillir sans surprise excessive une déclaration en ce lieu surprenante. « On ennuie les gens pour peu de choses : quoi de surprenant d'assister à une messe pour le repos de l'âme du ministre Philippe Hen- riot ; quel crime d'avoir des opinions ? Quel mal à adhérer au groupe « collaboration » si l'on n'a accompli aucune action positive ? »

Dire tout cela au préfet le 2 septembre 1944 ! C 'est le même d'ailleurs qui m'avait accompagné au Com-

missariat aux Affaires juives et qui avait dit, sous l'Occupa- tion, au timide officier de marine venu nous accueillir : « Je suis le bâtonnier ; je donne cinq minutes à votre Commissaire pour nous recevoir ; sinon il va voir de quel bois je me chauffe ! »

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Oui, grand bourgeois, d'une espèce disparue ! Il m'accompagna donc, mais ce ne fut pas le commissaire

de la République Aubrac qui nous reçut, mais sans doute son chef de cabinet.

Je me suis présenté à lui comme un défenseur meurtri par la rigueur du verdict et je lui ai exposé tous les arguments qui plaidaient en faveur du recours en grâce. Ils étaient nom- breux et de poids, et le succès me paraissait possible. Mais après m'avoir écouté très attentivement, ce haut fonctionnaire me dit d'une voix calme :

— Tout ce que vous venez de m'exposer est extrêmement intéressant et impressionnant. Mais j'ai en ce moment en charge la vie de plusieurs centaines d'hommes détenus que je ne peux pratiquement pas contrôler, que je protège diffi- cilement en attendant qu'ils soient jugés. Si je gracie votre client, c'est certainement 200 ou 300 personnes qui seront exécutées, en prison, dans des caves, sans que j'y puisse rien. Il faut que cet homme meure, c'est une dure nécessité mais c'est aussi une mesure de sécurité. L'opinion en sera apaisée.

Avec une insolence que je croyais glorieuse, je m'écriai : — Si vous voyez les choses ainsi, si telle est votre conception

de la Justice, il ne vous reste plus qu'à ordonner l'exécution aux arènes. Beaucoup de gens pourront assister au spectacle.

Je ne savais pas que, dans le même temps que je lançais cette insolence, on exécutait en masse dans les arènes de Nîmes.

Nous quittâmes la préfecture atterrés, moi désespéré. Au moment de prendre congé, le chef de cabinet nous avait avertis que l'exécution aurait lieu le lendemain au petit matin.

Et le jour suivant, avant l'aurore, nous sommes arrivés à la prison Saint-Pierre. Mon client qui avait deviné le sort qui l'attendait, avait passé la nuit à veiller.

Avant d'aller dans sa cellule, j'ai demandé un entretien au directeur de la prison, qui était un lieutenant des Forces Françaises Libres. Il avait pris sur lui d'accéder à ma prière, en autorisant la famille du condamné à l'embrasser pour le dernier adieu. Je n'oublie pas cet officier, belle allure, calme et maître de lui au milieu de cette agitation et qui me dit :

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Quand on voit, dans le prétoire où se jouent les grandes affaires judicaires, se lever un homme au visage léonin, à la chevelure blanche, on sait que « la parole est à la défense ». Emile Pollak, avocat marseillais, est devenu en effet, en quelques années, l'un des plus célèbres maîtres du barreau. Il a été de toutes les retentissantes « affaires ». De celle de Gaston Dominici à celle de « Mémé » Guérini, le « Parrain » du milieu marseillais. Il a été aussi au procès de Michel Fauqueux — qui avait enlevé la petite Sophie Duguet — et il a suivi l'affaire de Puyricard, cette étrange bataille autour de l'héritage d'un vieil aristocrate provençal... On lit donc ce livre d'abord comme un roman balzacien où tout serait vrai. Car Me Pollak ouvre ses dossiers, nous fait découvrir les incroyables visages de ces inculpés, hommes ou femmes, pris par la mécanique de leurs passions. Et les chapitres les plus intéressants sont peut-être ceux consacrés à des affaires moins specta- culaires ou à des accusés dont l'actualité n'a pas gardé le souvenir et dont Me Pollak retrace la destinée. Mais l'attachant, chez Emile Pollak, c'est le ton, la liberté de jugement. A l'égard de la justice ou des jurés, il est souvent mordant. Sans illusion sur le fonctionnement de la machine judiciaire, il sait pourtant qu'il ne doit pas abdiquer. Car l'avocat a une tâche sacrée : sauver un homme ou une femme. Et la parole, dans ce livre, reste, en toute lucidité, en toute sincérité, à la défense.

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