la naissance (1881-1908) · en 1881, la déclaration obligatoire du culte du défunt est...

28
Hier, aujourd'hui, demain les Archives de l'Essonne La naissance de la République laïque (1881-1908) La naissance de la République laïque (1881-1908) Aux sources de l’histoire locale N° 3 - 2006

Upload: others

Post on 25-Jan-2021

2 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

  • Hier, aujourd'hui, demain

    les Archives de l'Essonne

    La naissance de la République laïque

    (1881-1908)

    La naissance de la République laïque

    (1881-1908)

    Aux sources de l’histoire locale N° 3 - 2006

  • 2

    LA IIIE RÉPUBLIQUE S’AFFIRME LAÏQUE FACE AUX POUVOIRS CATHOLIQUES

    La République met en cause le catholicisme comme religion d’État .............................................................................................. p. 4L’enseignement devient une priorité laïque ........................................................................................................................................ p. 6La libre association est permise, sauf l’association religieuse ........................................................................................................ p. 7

    LA LOI DU 9 DÉCEMBRE 1905 GARANTIT LA LIBERTÉ DE CULTE ET DE CONSCIENCE, AU TRAVERS DE LA SÉPARATION DES ÉGLISES ET DE L’ÉTAT(1905)

    La République prépare un projet de loi concernant la séparation des Églises et de l’État .......................................................... p. 10Les principes de la loi du 9 décembre 1905 : liberté de conscience et égalité des cultes .......................................................... p. 11Seuls les catholiques refusent la loi de séparation des Églises et de l’État .................................................................................. p. 11

    L’ÉTAT ASSUME LA SÉPARATION ET SES CONSÉQUENCES PATRIMONIALES (1908)

    Faute de constitution des associations légales, les biens catholiques sont inventoriés et mis sous séquestre .................... p. 15Les catholiques acceptent tardivement la loi de 1905 ...................................................................................................................... p. 16La protection des biens cultuels est d’intérêt public, la construction d’édifices cultuels devient une affaire privée.............. p. 18

    LIRE ET COMPRENDRE LA LOI DE SÉPARATION DU 9 DÉCEMBRE 1905

    Titre 1. Principes .................................................................................................................................................................................... p. 21Titre 2. Attribution des biens. Pensions .............................................................................................................................................. p. 21Titre 3. Des édifices des cultes ............................................................................................................................................................ p. 22Titre 4. Des associations pour l’exercice des cultes .......................................................................................................................... p. 22Titre 5. Police des cultes ........................................................................................................................................................................ p. 22Titre 6. Dispositions générales ............................................................................................................................................................ p. 23

    RECHERCHER ET COMPRENDRE LES ARCHIVES CULTUELLES ET LAÏQUES

    Rechercher les archives ........................................................................................................................................................................ p. 24Intérêts et limites .................................................................................................................................................................................. p. 25Comprendre les archives ...................................................................................................................................................................... p. 26

    Coordination : Aude Garnerin sous la direction de Frédérique BazzoniRecherches et rédaction : Tiphaine Ricordel, Odile Nave, Marie-Paule GuérifPhotographies : Yves Morelle, Lisbeth Porcher, Hervé Roig, Odile NaveCourriel : [email protected]éléphone : 01 69 27 14 14Télécopie : 01 60 82 32 12Conception graphique, impression : imprimerie départementaleLes iconographies sont issues des fonds des Archives départementales del’Essonne, sauf mention contraire

    Remerciements à Odile Nave, professeur relais du service éducatif des Archives pour son important travail de synthèse

    SOMMAIRE

    Les arbres de la liberté, ornés de rubans tricolores,célèbrent la République dès la Révolution (1790-1792) et puis en 1830 et 1848.

  • 3

    L’affrontement entre laïques et cléricaux apparaît dès la Révolution. Il met en cause la situation du catholicisme, religion officielle unique duroyaume. L’idée d’une séparation de l’Église et de l’État fait son chemin. Les premières lois de laïcisation sont promulguées entre 1870 et 1890,instaurant notamment l’école laïque.

    À partir de 1904, le gouvernement français affiche une position plus radicale et adopte en 1905 la loi de séparation des Églises et de l’État.Publiée au Journal officiel le 11 décembre 1905, cette loi déclare que « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ».La république s’affirme laïque.

    La formation d’associations cultuelles prévues par la loi est bien acceptée par les cultes protestants et israélite mais rencontre une oppositioncatholique forte qui se traduit par des incidents lors de la mise en œuvre des inventaires des biens cultuels prévus par la loi et le refus de consti-tuer les associations.

    Cette brochure ne pouvait embrasser tous les aspects d’une histoire très complexe de la laïcité. La période choisie est encadrée par les lois de1881-1908, une large place a été consacrée aux sources locales, notamment à la presse. Il s’agit donc d’une invitation à prendre conscience duchangement fondamental et plutôt rapide que fut la laïcisation de la société française aux XIXe et XXe siècles.

    Conseils de lecture

    Les trois premières parties exposent le contexte de naissance de la République laïque et comprennent en marge gauche ou droite des précisionsconcernant certains personnages mentionnés (encadrés rouges), le contexte historique ou les institutions (encadrés bleus) et se terminent parune chronologie sélective rappelant les principaux faits ou textes législatifs (pages 9, 14 et 20).

    Les deux dernières parties proposent le texte original de la loi (commenté) et des pistes de recherches (fonds d’archives, bibliographie, préci-sions sur la géographie historique).

    LexiqueLe vocabulaire des registres politique, religieux ou législatif, suivi d’un * dans le texte, est défini ci-dessous.

    AVANT PROPOS

    Anticléricalisme : position de celui qui est contre l’influence du clergé dans lavie publique.Clérical : partisan de la participation du clergé à la politique.Concordat : accord réglant la situation de l’Église catholique sur le territoiresoumis à la juridiction d’un État.Concordataire : relatif à un concordat, généralement celui de 1801.Confessionnel : relatif à une confession, à une religion. École confessionnelle.Congrégation : compagnie de prêtres, de religieux ou religieuses.Congrégationiste : relatif à une congrégation.Congrégationaliste : qualifie une église séparée de l’État, ne dépendant qued’elle-même.Consistoire : assemblée de religieux et de laïques élus pour gérer l’adminis-tration d’une communauté juive ou protestante.Constitution : textes fondamentaux qui déterminent la forme du gouverne-ment d’un pays.Encyclique : lettre renvoyée par le pape aux évêques d’une nation, générale-ment à propos d’un problème d’actualité.Loge maçonnique : association de francs-maçons, qui se consacre à la recher-che de la vérité, à l’amélioration de l’homme et de la société. Son local de réunion.

    Mense : revenu destiné à l’entretien d’une personne ou d’une communautéreligieuse. Nonce : ambassadeur permanent du Saint-Siège dans un pays étranger.Organique : qui a rapport à l’essentiel de l’organisation d’un État.Patronage : société de bienfaisance qui veille à la santé morale des jeunes enleur proposant des activités les jours de congés.Rabbin : docteur qui enseigne et fait appliquer la Loi juive.Radical : républicain partisan de réformes « radicales » dans le sens de ladémocratie et de la laïcité.Relique : fragment du corps d’un saint ou d’un martyr dont la vénération estautorisée par la religion catholique.Républicain : partisan de la République.Schisme : séparation entre les fidèles d’une religion qui reconnaissent desautorités différentes.Synode : réunion de pasteurs, dans l’Église protestante, au niveau de la pro-vince ou du pays.Tabernacle : coffret qui contient le ciboire, coupe sacrée recevant les hostiesconsacrées, qui contiennent, selon la doctrine catholique, la présence réelledu Christ.Temporel : qui est du domaine du matériel par opposition au spirituel.

  • 4

    Après l’échec de la restauration monarchi-que et la mise en place de la République en1873, la question de la séparation des Égli-ses et de l’État ne cesse de se poser. Dès les années 1880, la République affirmesa laïcité : elle prend ses distances avec lapapauté, écarte les religieux de l’enseigne-ment et instaure l’école publique primairelaïque, gratuite et obligatoire, tout en refu-sant la liberté d’association aux congréga-tions* religieuses.

    LA RÉPUBLIQUE MET EN CAUSELE CATHOLICISME COMME RELIGION D’ÉTAT

    La IIIe République laïque met fin à lamonarchie de droit divin

    Depuis le Moyen-Âge, le roi de France, avecl’appui du Pape, est chef de l’Église française.L’Empire prend ses distances avec la religion,malgré le sacre de l’empereur par le Pape.L’Église est avant tout alors un outil de pou-voir. La République, d’abord à la Révolution,puis en 1873 après l’échec de la restaurationmonarchique, s’affranchit la première du pou-voir religieux catholique omniprésent. Dès18691, le programme de Belleville, pro-gramme des républicains*, comporte la sépa-ration de l’Église et de l’État. La Commune deParis (mars-mai 1871) n’a pas vraiment letemps d’appliquer ce point du programme. Ilfaut ensuite près de dix ans aux républicainspour contrôler toutes les institutions misesen place par la constitution* et faire adopterles premières lois de laïcisation.

    En 1879, l’élection d’un républicain, JulesGrévy, à la présidence de la République, mar-que la fin d’une République conservatrice.

    En Essonne, au début de la troisièmeRépublique, les cercles et comités catholi-ques locaux font l’objet d’enquêtes de police,car leur prosélytisme inquiète. On lit ainsidans un rapport du commissariat de policed’Étampes du 7 février 1874 adressé au sous-préfet, que le sous comité catholique deVersailles composé de « tous les prêtres del’arrondissement et des légitimistes de lalocalité » s’est réuni pour la première fois enjanvier dans la sacristie de l’église Notre-Dame. À un moment où l’Assemblée élue enfévrier 1871 n’a toujours pas adopté deconstitution, les membres de ce comité ten-tent d’élaborer un plan de propagande enfaveur du Comte de Chambord afin de faire « arriver sur le trône le prince aîné de lafamille des Bourbons » et ainsi restaurer lamonarchie. L’imprimé destiné à faire connaî-tre ce comité impute la défaite de 1870-1871à la « démoralisation [qui] n’est que la consé-quence inévitable de ces doctrines quiexcluent même l’idée de Dieu. »Sept ans plus tard, à la veille des électionslégislatives de 1881 décisives pour les répu-blicains, la presse républicaine locale (LeLibéral de Seine-et-Oise) dénonce l’action dupatronage* de Saint-Joseph, dont il affirmequ’il vaudrait mieux le désigner sous le nomde « cercle catholique » et souligne « qu’il estgrand temps que l’enseignement civique soitenseigné dans les écoles pour réduire ànéant de pareilles inepties ».

    Le mouvement de laïcisation de lasociété, né à la Révolution, se renforce

    La Révolution a laïcisé les fonctions d’enre-gistrement des naissances, mariages etdécès, en le confiant, non plus aux curés,mais aux maires. Le mariage et le divorce, denouveau autorisé à partir de 1884, sont deve-nus des célébrations civiles.En 1881, la déclaration obligatoire du culte dudéfunt est supprimée. En 1887, la liberté defunérailles est accordée. Les cimetières devien-nent publics et laïcs par la loi du 28 juillet 1881 :aucun signe religieux ne doit être apposé dansles parties communes, et une loi du 15 novem-bre 1881 sur la neutralité des cimetières yréserve un emplacement pour chaque culte.

    Dès la Révolution, la République confisque les biens appartenant aux communautés religieuses et les déclarent biens de la Nation(ici, les biens confisqués à Limours, 1802).

    LA IIIE RÉPUBLIQUE S’AFFIRME LAÏQUE FACE AUX POUVOIRS CATHOLIQUES

    1 Programme radical pré-senté par Léon Gambetta,député du quartier parisiende Belleville. Il exigeaitnotamment la séparationdes Églises et de l’État, lesuffrage universel, les liber-tés individuelles, de lapresse, de réunion et d’asso-ciation, l’instruction primairegratuite et obligatoire, lasuppression des arméespermanentes et la recherchede la justice et de l’équité.

  • 5

    Un décret du 27 avril 1889 donne aux com-munes la compétence sur les chambresfunéraires et les fours crématoires, et la loidu 28 décembre 1904 le monopole du servicedes pompes funèbres.La réorganisation des hôpitaux conduit à laformation et au recrutement d’infirmières laï-ques et à la distinction entre personnel ser-vant et personnel soignant.

    Les relations entre la papauté et la République se tendent

    L’État français est l’un des premiers à entrete-nir un ambassadeur auprès du Saint-Siège.Les relations très anciennes, nées au Moyen-Âge, font l’objet de concordats*, accords entrele pape et l’autorité française. Le concordat de1516 entre François 1er et Léon X est reconduiten 1801 entre Napoléon et Pie VII : l’empereurnomme à tous les évêchés un évêque choisiparmi un docteur ou licencié en droit canon, lepape confirme le choix (investiture canoni-que). La nomination des évêques est périodi-quement un sujet de tension.La nationalisation des biens de l’Église, effectivedepuis la Révolution est également un sujetsensible. Le pape la reconnaît depuis 1801,mais la majorité catholique la considère commeune usurpation menée au profit de l’État.Les tensions s’expriment dans les encycli-ques* (lettres circulaires du pape) ou le rap-pel de l’ambassadeur. Toutefois, le schisme*n’est jamais atteint : les républicains modé-rés hésitent à mettre en cause le Concordatde 1801.

    Deux affaires provoquent la rupture des rela-tions : En avril 1904, la visite du président de laRépublique Émile Loubet au roi d’Italie, consi-déré par le Vatican comme le spoliateur etl’usurpateur des États pontificaux à la suitede l’annexion de Rome par l’Italie, est désap-prouvée par le Saint-Siège ; parallèlementÉmile Combes, président du Conseil, proposede nommer les évêques sans l’avis du Saint-Siège et suspend tous les sièges vacants afind’empêcher la nomination de nouveaux évê-ques. C’est ainsi qu’après la mort de l’archevê-que de Versailles, Monseigneur Antoine Goux,le 29 avril 1904, il faut attendre février 1906pour qu’un successeur soit enfin nommé.

    Calendrier républicain (1793-1806)Organisé le 24 novembre 1793 par la Convention et remplaçant le calendrier religieux grégorienen place depuis 1582, il divise l’année de 360 jours en douze mois de trois décades auxquelless’ajoutent 5 ou 6 jours complémentaires réservés aux fêtes républicaines, les sans-culottides.Les mois sont nommés en fonction des saisons. Les noms de saints ne sont plus utilisés pourles jours.

    La IIIe République (4 septembre 1870-10 juillet 1940)Elle est issue de la défaite de 1871, de l’intransigeance du prétendant royaliste et de l’actiond’Adolphe Thiers qui réussit à se faire nommer provisoirement président de la République le 31 août 1871. Elle s’est dotée de textes constitutionnels en 1875.Le Président est élu par deux assemblées réunies en Assemblée nationale. Le Sénat et laChambre des députés (au moins 25 ans, 533 à 612 députés élus au suffrage universel masculintous les 4 ans) forment le Parlement. Elles ont des pouvoirs égaux d’initiative, de vote et decontrôle des lois. Cette République est marquée par une instabilité ministérielle forte mais aussi par une profusionde lois affirmant la démocratie.

    La Commune (mai 1871)Gouvernement révolutionnaire formé à Paris et dans plusieurs villes, s’opposant à la capitulationacceptée par Thiers qui avait décidé de transférer l’Assemblée à Versailles et d’occuper militaire-ment Paris. Ce fut l’insurrection, réprimée dans le sang, la semaine du 22 au 28 mai 1871. LesTuileries et l’Hôtel de ville furent incendiés.

    Le Sénat (1852-1946)Pendant le Second Empire, de 1852 à 1870, les sénateurs sont nommés par l’Empereur. Il a peude pouvoir politique mais reste garant de la Constitution de 1852. À partir de 1875 et de la IIIe

    République, il partage le pouvoir législatif avec la Chambre des députés. Son président est le second personnage de l’État et a de fait un important rôle politique.Le Sénat se compose de 75 sénateurs inamovibles et 225 sénateurs élus au suffrage indirect pour9 ans, avec renouvellement triennal. Ils doivent avoir au moins 40 ans. Diverses lois modifient parla suite le mode de scrutin pour une meilleure représentation des villes, selon leur population.Cette chambre ne peut être dissoute et peut être transformée en Haute Cour pour juger les cri-mes contre l’État ou les actes des présidents.Son siège est le palais du Luxembourg.

    La Chambre des députés (1875-1940)Assemblée législative. Ressuscitée en 1875. Elle se compose de 25 députés minimum, élus au suf-frage universel direct pour 4 ans. Elle décide des lois en accord avec le gouvernement et le Sénat.La Chambre des députés (chambre basse) et le Sénat (chambre haute) forment le Parlement.Elle a le monopole des votes des projets financiers. Elle s’est composée de 533 à 612 députésselon les périodes et fut dominée par la gauche de 1876 à 1940.

    L’enregistrement des naissances, mariages et décès relève officiellement, à partir de la Révolution, non plus du curé, maisdu maire.

  • 6

    En mai 1904, Rome invite deux évêques fran-çais à démissionner. L’État français demandeà Rome de renoncer à sa demande, contraireau Concordat.

    En juillet 1904, le gouvernement françaisrompt les relations diplomatiques avec Rome.Le Concordat peut être mis en cause.

    L’ENSEIGNEMENT DEVIENT UNE PRIORITÉ LAÏQUE

    Jules Ferry écarte les congrégations de l’enseignement

    Dès la Révolution, un courant de penséeporte l’idée que l’instruction ne doit pas êtresous l’influence des congrégations.

    En 1879, Jules Ferry est nommé ministre del’Instruction publique. Il dépose deux projets deloi : le premier écarte les membres du clergé duConseil supérieur de l’Instruction publique, lesecond établit le monopole de l’État sur la colla-tion des grades universitaires et prétend inter-dire d’enseignement les religieux membresd’une congrégation non autorisée (1880-1881).

    Devenu président du Conseil en septembre1880, il poursuit ses réformes en faveur de lalaïcité : une loi ordonne la dissolution de l’ordredes jésuites, une autre pourchasse les congré-gations n’ayant pas fait l’objet d’autorisation.

    L’école gratuite et obligatoire doit for-mer les futurs citoyens

    Mais les lois essentielles restent celles qui, en1881-82, instaurent l’école primaire, gratuite,obligatoire et laïque. La laïcité ne se limite pasaux programmes, avec la suppression de l’ensei-gnement du catéchisme, et à l’interdiction deslocaux scolaires aux ministres des cultes : elles’intéresse également aux locaux. La circulairedu 2 novembre 1882, adressée aux préfets,demande de ne pas mettre d’emblème religieux(donc de crucifix) dans les locaux neufs ourénovés, et, dans les autres cas, de suivre levœu des populations. Sous la pression des radi-caux et des gambettistes2, la loi Goblet3, promul-guée le 30 octobre 1886, oblige le gouverne-ment à remplacer tous les instituteurs publicscongréganistes par des enseignants laïquesdans un délai de cinq ans, et les institutrices aufur et à mesure des vacances de postes.

    Le 7 juillet 1904, une nouvelle loi interdit l’ensei-gnement à toute congrégation et prévoit un délaide dix ans pour fermer les dernières écoles.

    L’application effective de cette loi se heurte àdes difficultés dans les petites communes oùla scolarisation, surtout celle des filles, n’estencore assurée au début du siècle que grâceaux religieuses.

    Sur le terrain, les débuts de l’école laï-que en Essonne sont difficiles, faute demoyens

    Les archives fournissent de multiples exem-ples d’affrontement.

    On constate des actions de résistance pas-sive, comme à Prunay-sur-Essonne, où lemaire affirme dans un rapport destiné ausous-préfet la disparition d’un établissementscolaire congréganiste, démentie par l’en-quête du garde champêtre de la commune.

    Les maires de petites communes adoptentune telle position, par conviction religieuse,mais souvent par manque de moyens : eneffet, une fois l’école religieuse fermée, il fautconstruire une école publique, laïque et gra-tuite et recruter du personnel enseignant laïque.

    À Évry-Petit-Bourg, la construction de l’écolepublique de filles est l’occasion d’un véritablecontentieux qui débute en 1905 pour ne s’ache-ver qu’au lendemain de la seconde guerre mon-diale, entre le groupe radical* démocrate-socia-liste d’Évry-Petit-Bourg et le maire, dont la familleavait été à l’origine de l’ouverture de l’écolecongréganiste de filles sous le Second Empire.

    Le problème de la construction de l’écolepublique de filles à Longpont-sur-Orge estplus rapidement résolu dès 1906, grâce à desallocations accordées par le conseil généralde Seine-et-Oise.

    À Milly-la-Forêt, les héritiers des frèresGalignani, bienfaiteurs de Corbeil, qui avaientouvert une école maternelle congréganistegratuite pour les enfants de la commune, pro-testent dans une lettre adressée au préfet deSeine-et-Oise (27 septembre 1905) contre ladélibération du conseil municipal qui venaitde décider de préempter le bâtiment pour enfaire une école laïcisée.

    Les chanoines réguliers de Saint-Augustin dela congrégation de Notre-Dame, les religieu-ses augustines hospitalières, les sœursaugustines de la Providence et bien d’autresencore, disparaissent ainsi en quelquesannées du paysage social essonnien.

    Jules Ferry, ministre de l’instruction publique, écarte les religieux de l’enseignement et rend l’école primaire gratuite,laïque et obligatoire, par les lois de 1880-1882.

    Ferry, Jules. 1832-1893.Secrétaire du gouvernement de ladéfense nationale, maire de Paris lors dusiège par les Prussiens (1870), préfet dela Seine. Ministre de l’Instruction et desbeaux arts (1879) puis président duConseil le 23 septembre 1880, vaincuélectoralement en 1887. - Expansion coloniale (protectorat de laTunisie, conquête du Tonkin)- Gratuité et obligation de l’enseignementprimaire (1881-1882)- Réforme des institutions judiciaires(1883)- Loi établissant le divorce (27 juillet1884).

    2 Gambettiste : qui soutientLéon Gambetta (hommepolitique qui participa à lamise en place de la constitu-tion de la IIIe République,1838-1882) ou ses idées.

    3 René Goblet, 1828-1905, fon-dateur du journal républicain« le Progrès de la Somme ».Ministre de l’Intérieur (1882)de l’Instruction publique(1885-1886), et président duConseil (1886-1887).

  • 7

    Certaines congrégations dont les établisse-ments d’enseignement sont dissous pérenni-sent leur action grâce à des établissementshospitaliers encore licites.

    LA LIBRE ASSOCIATION EST PERMISE, SAUF L’ASSOCIATION RELIGIEUSE

    La loi du 1er juillet 1901 garantit laliberté d’association, sauf celle descongrégations

    Le 26 juin 1899, Pierre Waldeck-Rousseau estinvesti président du Conseil, fonction qu’ilcumule avec celle de ministre de l’Intérieur etdes Cultes, à la tête du gouvernement de la « Défense républicaine », formée en pleinecrise ministérielle, et alors que l’Affaire Dreyfusest à son apogée. Waldeck-Rousseau fait voterla loi relative au contrat d’association afin degarantir la liberté d’association et de réunion.

    L’affaire Dreyfus fait apparaître les implica-tions multiples de certaines congrégationsdans la société française, et remet à l’ordredu jour un problème récurrent depuis leConcordat : l’imprécision des statuts régis-sant les congrégations. Parallèlement, Waldeck-Rousseau engage despoursuites contre les Assomptionnistes, reli-gieux actifs qui dirigent le journal « La Croix »,anti-dreyfusard, pour infraction aux lois sur lesassociations politiques, et le tribunal prononce

    le 24 janvier 1900 la dissolution de l’ordre. Un télégramme codé du 30 juillet 1900,envoyé par le préfet de Seine-et-Oise, trans-met les demandes d’information de Waldeck-Rousseau au sujet de l’éventuelle présenced’anciens membres de la congrégation desAssomptionnistes dans le département.

    La loi du 1er juillet 1901 relative au contratd’association prévoit que les associations depersonnes pourront se former librement sansautorisation ni déclaration préalable ; seulesles associations souhaitant obtenir la capa-cité juridique devront faire une déclarationpréalable à la préfecture du département oùl’association aura son siège social.

    La loi introduit une exception pour les congré-gations : aucune congrégation ne peut seformer sans une autorisation donnée par uneloi qui déterminera les conditions de sonfonctionnement, et ne pourra fonder un nou-vel établissement sans un décret du Conseild’État. Les congrégations ont alors trois moispour déposer leur demande. « Toute congré-gation formée sans autorisation sera décla-rée illicite » (Article 16). Par ailleurs, toutmembre d’une congrégation non autoriséeest interdit d’enseignement.

    L’Affaire Dreyfus (1894-1899)Le capitaine Alfred Dreyfus (1859-1935)est arrêté en octobre 1894 pour espion-nage au profit de l’Allemagne. Il estdégradé et envoyé à l’île du Diable en1895. De 1896 à 1898, des pièces nou-velles apparaissent et la presse s’en-flamme, opposant la droite plutôt anti-dreyfusarde à la gauche, qui demande larévision du procès (Zola, auteur de l’arti-cle « J’accuse », dans « L’Aurore » le 13 janvier 1899, Clemenceau, Jaurès,Péguy). La demande de révision estacceptée en octobre 1898, et le premierjugement annulé en 1899. Le nouveauprocès ouvert en 1899 condamneDreyfus à dix ans de détention. Le prési-dent Loubet gracie immédiatementDreyfus pour apaiser les esprits, et luifait réintégrer l’armée en 1906.L’innocence de Dreyfus n’est prouvéequ’en 1930.

    Les lois créant l’école laïque (1881-1882) obligent les maires àconstruire leurs propres écoles : de nombreux plans conservésdatent de cette période (ici, école de filles de Villebon-sur-Yvette, 1881).

    L’école laïque est assurée, non plus par les religieuses, mais par des institutrices laïques. On remarque la maxime de morale autableau, ici à l’école de filles de Saint-Chéron en 1903.

  • 8

    Emile Combes ferme les écoles religieuses et lutte contre les congrégations

    Le Bloc des Gauches remporte les électionslégislatives d’avril-mai 1902. Le président dela République fait appel, sur les conseils deWaldeck-Rousseau malade et démissionnaireen juin 1902, au sénateur radical de laCharente, Émile Combes, pour mettre enœuvre la loi.

    Au cours de l’été 1902, soutenu par la gaucheet l’extrême-gauche, Combes ferme 3000écoles congréganistes : qu’elles soient ouver-tes depuis le 1er juillet 1901 et non autori-sées, ou fondées avant la loi par des congré-gations autorisées, et qui, conformément auxdécisions de Waldeck-Rousseau, ne devaientpas avoir pourtant à solliciter d’autorisation.

    À la demande de Combes, le Parlementrepousse également en bloc les demandesd’autorisation déposées par les congréga-tions enseignantes. Plus de 400 congréga-tions sont interdites en 1903.

    Combes s’appuie sur l’anticléricalisme* d’uncertain nombre d’associations, et une idéologielaïque alors à son apogée. Citons notammentcelles présentes en Essonne d’après l’annuairede Seine-et-Oise : loges maçonniques*, socié-tés de libres penseurs constituées entre 1881et 1890, sociétés politiques qui se développentparticulièrement entre 1902 et 1905. Uneétude plus approfondie permettrait sans doutede mieux cerner la présence des deux grandesligues : Ligue de l’enseignement et Ligue desDroits de l’Homme, créée en 1899, pour ras-sembler les Dreyfusards.

    Waldeck-Rousseau dénonce, dans l’un de sesderniers discours au Sénat, l’application sec-taire de la loi de 1901 faite par son successeur. La tension est alors à son comble et des trou-bles opposant catholiques et anticléricaux seproduisent, à Paris, puis en province à l’occa-sion des processions de la Fête-Dieu et duSacré-Cœur et de la condamnation de laquasi-totalité des évêques par le Conseild’État pour leur pétition collective contre lapolitique anti-congréganiste.

    Waldeck-Rousseau, Pierre. 1846-1904.Docteur en droit, avocat d’affaires,député de Rennes (Union républicaine).Ministre de l’Intérieur de 1881 à 1882 etde 1883 à 1884. Président du Conseil de1899 à 1902.- Révision de l’affaire Dreyfus - Loi sur les associations professionnel-les, 1884.- Loi sur les associations, 1901.

    Pierre Waldeck-Rousseau, président du Conseil de 1899 à 1902,fait voter la loi sur la liberté d’association de 1901, qui soumetcependant les congrégations religieuses à une autorisationpréalable.

    En 1902-1903, des centaines de congrégations sont interdites et leurs écoles fermées. Mais sur le terrain, certaines écoles religieu-ses demeurent ouvertes, faute d’écoles laïques pour les remplacer. Ici, le garde-champêtre de Prunay-sur-Essonne constate que lessœurs continuent d’enseigner en 1904.

  • 9

    4 août : déclaration des droits de l’homme et du citoyen.2 novembre : saisie des biens de l’Église.

    12 juillet : création d’une Église nationale, séparée deRome (constitution civile du clergé).

    Condamnation de la Constitution par le pape Pie VI.

    21 septembre : laïcisation de l’état civil.

    24 novembre : calendrier républicain.

    18 septembre : suppression du traitement des prêtresconstitutionnels.

    15 juillet : prêtres salariés par l’État, nationalisationsrévolutionnaires reconnues par le pape (Concordat).

    8 avril (18 germinal an X) : loi réglant les rapports entreles Églises protestantes et l’État.

    18 mai : 1er Empire.

    10 décembre : règlement organique du culte juif.

    4 juin : le catholicisme proclamé « religion d’État ». Laliberté des cultes et le Concordat maintenus.

    14 août : le catholicisme reconnu comme « religion de lamajorité des Français ».

    Égalité de traitements des ministres des différents cultes, payés par le Trésor public.

    28 juin : liberté de l’enseignement primaire (Loi Guizot).

    25 mai : organisation du culte israélite.

    24 février : IIe République.

    15 mars : liberté de l’enseignement secondaire (LoiFalloux).

    26 mars : rétablissement du suffrage paroissial et créa-tion d’un conseil central des Églises réformées.2 décembre : 2nd Empire.

    4 septembre : IIIe République.

    12 juillet : liberté de l’enseignement supérieur.

    15 mars : Jules Ferry, ministre de l’Instruction publi-que.

    27 février : exclusion du clergé du Conseil supérieurde l’Instruction publique.29 mars : dissolution des jésuites ; les autrescongrégations non autorisées ont 3 mois pour pré-senter une demande d’autorisation.30 juin : expulsion des jésuites.12 juillet : abrogation du repos dominical.16 octobre : congrégations masculines non autori-sées dissoutes.

    16 juin : gratuité de l’enseignement primaire (loiFerry).

    28 mars : enseignement primaire obligatoire et laïquedans les écoles publiques. Enseignement religieuxinterdit dans les établissements primaires d’État.2 novembre : suppression des crucifix et des imagesreligieuses dans les bâtiments scolaires publics.

    27 juillet : rétablissement du divorce (Loi Naquet).

    30 octobre : religieux interdits d’enseignement dansles écoles primaires publiques (Loi Goblet).

    17 février : encyclique « Au milieu des sollicitudes » :catholiques français invités à se rallier à laRépublique.

    24 janvier : dissolution des Assomptionnistes.28 octobre : fortune des congrégations mise encause par Waldeck-Rousseau.

    1er juillet : loi sur les associations.

    27 juin : fermeture de 125 écoles de filles, ouvertessans autorisation par les congrégations autorisées.Été 1902 : fermeture de près de 3000 écoles catho-liques, ouvertes avant 1901.

    Mars-juin : demandes d’autorisation des congréga-tions religieuses repoussées par le Parlement.

    1er avril : crucifix interdits dans les tribunaux.21 mai : rappel de l’ambassadeur de France auprèsdu Saint-Siège.

    1789

    1790

    1791

    1792

    1793

    1794

    1801

    1802

    1804

    1806

    1814

    1830

    1830-31

    1833

    1844

    1848

    1850

    1852

    1870

    1875

    1879

    1880

    1881

    1882

    1884

    1886

    1892

    1900

    1901

    1902

    1903

    1904

    L A L A I C I T É : R E P È R E S C H R O N O L O G I Q U E S

  • 10

    Après plusieurs mois de débats parlemen-taires houleux, la loi de séparation des Églises et de l’État est promulguée le 9 décembre 1905. Elle sépare le politique dureligieux, garantit la liberté de conscience àtous par la liberté, l’égalité et la police descultes. Elle prévoit le transfert des bienscultuels à des associations autorisées,rapidement acceptées par les cultes israé-lite et protestants, mais refusées parl’Église catholique.

    LA RÉPUBLIQUE PRÉPARE UN PROJET DE LOICONCERNANT LA SÉPARATION DES ÉGLISES ET

    DE L’ÉTAT

    Les premiers projets de séparationjugés trop intransigeants envers les catholiques sont rejetés

    La multiplication des incidents, la passiondes anticléricaux et l’exaspération des catho-liques rendent de plus en plus délicat le fonc-tionnement du système concordataire*. Lesrelations avec la papauté se tendent en 1903.Au même moment, la Chambre des députésconstitue une commission parlementairechargée d’étudier plusieurs projets de loi deséparation des Églises et de l’État, commis-sion dont le rapporteur est Aristide Briand,député socialiste de la Loire.

    Au cours des trois mois de discussions parle-mentaires, les 44 articles du projet ainsi queles amendements proposés sont examinéset votés les uns après les autres. Cette dis-cussion parlementaire est sans aucun doutel’une des plus longues de l’histoire de laTroisième République.Depuis la Révolution, les édifices cultuels pro-prement dits (palais épiscopaux, séminaires,presbytères, églises) sont la propriété del’État, des départements et des communes. Àpartir de 1802, le clergé n’en est que l’affecta-taire et non le propriétaire. Le mobilier et lesobjets liturgiques des églises, tout commecertains autres biens immobiliers, sontdemeurés la propriété de l’Église, à travers lesfabriques paroissiales ou les menses* épisco-pales. Or, l’article 4 de la loi prévoit l’attributiondes biens immobiliers et mobiliers de l’Égliseà des associations cultuelles qui doivent seconstituer dans le délai d’une année.

    Les catholiques déclarent la proposition irre-cevable, craignant que toute association cul-tuelle se réclamant du catholicisme mais nerespectant pas ses codes, puisse s’emparerde ces biens.

    Aristide Briand porte un projet de séparation plus conciliant, respectantla hiérarchie catholique

    À la suite de diverses interventions, notammentcelle de députés républicains modérés, la com-mission parlementaire propose des modifica-tions : les biens ecclésiastiques seraient trans-férés « aux associations qui, en se conformantaux règles d’organisation générale du culte dontelles se proposent d’assurer l’exercice, se serontlégalement formées ». Le nouveau texte estvivement combattu par des radicaux, appuyéspar les anticléricaux d’extrême gauche. Grâce àl’intervention de Jean Jaurès4, l’article ainsimodifié est voté. La hiérarchie catholique setrouve dotée d’une reconnaissance officielle. Au cours des ultimes semaines du débat, lesdéputés catholiques se font de moins en moinsentendre.

    Un député essonnien veut soumettre le projet de loi aux élus locaux

    Le député de la circonscription de Corbeil,Georges Berthoulat, intervient directementdans ce débat à de nombreuses reprises, etnotamment en déposant le 29 juin 1903,avec un autre député, une proposition de loiayant pour objet la liberté des cultes et laséparation des Églises et de l’État. Puis il pro-pose le 8 avril 1905 de soumettre le projet deloi à un référendum auprès des élus desconseils municipaux et des conseils géné-raux, arguant du fait que les élections de1902 ne s’étaient pas faites sur cette ques-tion de la séparation.

    La presse locale reflète la vivacité des débats.Georges Berthoulat est par exemple la cible dedeux journaux pourtant opposés, l’organe desradicaux « l’Indépendant de Seine-et-Oise » etl’éphémère journal antisémite et anti-franc-maçon « Le Père Chose » (publié du 3 sep-tembre 1905 au 14 octobre 1906).

    Le 3 juillet 1905, la loi concernant la sépara-tion des Églises et de l’État est adoptée à la

    LA LOI DU 9 DÉCEMBRE 1905 GARANTIT LA LIBERTÉ DE CULTE ET DE CONSCIENCE,AU TRAVERS DE LA SÉPARATION DES ÉGLISES ET DE L’ÉTAT (1905)

    Aristide Briand est chargé de rédiger un rapport pour un projetde loi sur la séparation des Églises et de l’État, en 1903. Lamodération de ses propositions les rend recevables pour lesdéputés catholiques (ici, un portrait de 1907).

    4 Jean Jaurès (1859-1914) :Professeur de philosophie,fondateur du journal « L’Humanité », député duTarn. Il prit position en faveurde Dreyfus. Co-fondateur duParti socialiste français, ildéfendit tous les grands pro-jets socialistes. Opposé à lapolitique colonialiste et à laguerre, il fut assassiné en1914.

  • 11

    Chambre par 341 voix contre 233, soit unemajorité plus importante que prévue.

    Le 6 décembre, par 179 voix contre 103, leSénat adopte également la loi.

    Les représentants du département de Seine-et-Oise ont voté très majoritairement contrecette loi : huit députés sur dix, dont GeorgesBerthoulat, et tous les sénateurs (quatre).Promulguée le 9 décembre 1905, elle estpubliée le 11 au Journal officiel.

    LES PRINCIPES DE LA LOI DU 9 DÉCEMBRE1905 : LIBERTÉ DE CONSCIENCE ET ÉGALITÉDES CULTES

    L’État s’affranchit des pouvoirs religieux, les Églises sont écartées des affaires publiques.

    La République ne reconnaît et ne salarieaucun culte. Toute dépense relative au culteest supprimée du budget de l’État, des com-munes et des départements.

    Les ministres du culte ne sont plus rémunérés par l’État. Pendant les huitannées suivant la loi, ils sont inéligibles dansla municipalité où ils exercent leur culte.

    L’enseignement religieux ne peut être donnéaux enfants qu’en dehors des horaires declasse.

    Les congrégations demeurent soumises à laloi de 1901 sur les associations.

    L’État garantit la liberté de conscienceet assure la police du culte

    La liberté de conscience est assurée par laRépublique, proclame le premier article. Ellesuppose au préalable la liberté de culte. Lescultes sont égaux devant la loi. Le droit deréunion pour la célébration religieuse ou demanifestations extérieures est affirmé, sousréserve de ne pas porter atteinte à l’ordrepublic. Un dispositif prévoit les sanctionsencourues par les ministres de culte appe-lant à la résistance contre la loi ou tenant despropos injurieux envers un citoyen chargé deservice public. Des peines sont prévuescontre tout citoyen troublant ou empêchantl’exercice du culte.

    Les sonneries de cloches seront réglées pararrêté du maire ; aucun signe religieux ne

    pourra être apposé dans un lieu public, horscimetière, musées ou édifices servant auculte.

    Les biens cultuels seront mis à disposition ou transférés à des associations cultuelles autorisées

    Les biens cultuels, biens nationaux, propriétéde l’État, des départements ou des commu-nes le demeurent, mais peuvent être mis gra-tuitement à la disposition d’associations cul-tuelles dont la constitution est prévue par laloi. Ces associations doivent respecter lesrègles générales du culte dont elles relèvent.

    Les biens cultuels qui appartiennent à desétablissements publics du culte créés à lasuite du Concordat (fabrique, mense) pourassurer l’exercice du culte et entretenir ouconstruire un édifice de culte, sont transfé-rés à des associations cultuelles.

    Les associations bénéficiaires seront tenuesde payer les frais de réparation et d’entretiendes biens. Elles sont autorisées à recevoirdes dons et legs, contrairement aux associa-tions 1901.

    SEULS LES CATHOLIQUES REFUSENT LA LOI DESÉPARATION DES ÉGLISES ET DE L’ÉTAT

    En 1905, seuls quatre cultes existent : catholi-cisme, judaïsme, et deux cultes protestants.

    Les cultes protestants et israélitess’organisent conformément à la loi

    Juifs et protestants craignent les problèmesmatériels que peuvent poser l’entretien desédifices et le versement d’un salaire au ministre du culte. Mais dans l’ensemble, leprojet de loi est vécu comme une reconnais-sance officielle et la possibilité d’uneconstruction identitaire autonome et respec-tée par l’État.

    Les protestants et israélites de Franceconstituent donc leurs associations cultuel-les sans difficulté. Les articles organiques*votés en 1802 sous Bonaparte avaient déjàréglementé les cultes non-catholiques pré-sents alors en France, obligeant chaque culteà présenter un interlocuteur unique à l’Etat.

    Au début du XXe siècle, l’Église catholique estla religion de la majorité des habitants de l’ac-tuel territoire de l’Essonne, les autres cultesn’y sont que très peu représentés.

    Georges Berthoulat, député de l’arrondissement de Corbeil,intervient dans le débat sur la séparation des Églises et del’État, ce qui lui vaut souvent l’attention de la presse (ici, unportrait de 1902, Archives municipales de Corbeil).

    Berthoulat, Georges. 1859-1930.Licencié en droit, il est secrétaire géné-ral du Cantal lorsqu'il démissionne pourune brillante carrière dans le journa-lisme. Directeur du quotidien « LaLiberté », il entre en politique pour luttercontre le « radicalisme dreyfusard et lecollectivisme internationaliste ». Il estélu député de Seine-et-Oise, circonscrip-tion de Corbeil en 1902. Il est battu en1906 par le radical-socialiste AlbertDalimier.

    Briand, Aristide. 1862-1932. Après des études de droit à Paris,Aristide Briand s'installe comme avocatà Nantes. Cofondateur avec Jean Jaurèsdu Parti socialiste français, ses donsoratoires font de lui un brillant parlemen-taire. Sa première grande missionconsiste dans la rédaction du rapport surle projet de loi établissant la séparationdes Églises et de l'État (1905). Il estnommé ministre de l’Instruction en1906. En avance sur son temps, il aspireà une Europe unie et pacifiée. Mais seulà défendre cette idée nouvelle, il doit seretirer de la scène politique en 1932.

  • 12

    Le culte protestant n’est présent qu’à Corbeilqui dépend alors de la paroisse de Versailles(comprenant les arrondissements de Corbeil,Étampes et Rambouillet, ainsi que quatrecantons de l’arrondissement de Versailles,dont le canton de Palaiseau).

    En Seine-et-Oise, le culte israélite n’est pré-sent qu’à Versailles, dont le « temple israélite »ressort au consistoire* de la circonscriptionde Paris.

    Le pape condamne la loi de séparation « qui renie officiellement Dieu » etdépouille l’Église de ses biens

    Le pape Pie X condamne le principe de la sépa-ration par l’encyclique « Vehementer nos », endate du 11 février 1906, car la loi « renie offi-ciellement Dieu en posant le principe que laRépublique ne reconnaît aucun culte ».Usant de la liberté laissée par la loi de sépa-ration, il procède à la nomination des nou-veaux évêques français. Le 25 février 1906, il sacre à Rome quatorze nouveaux évêques,dont monseigneur Gibier pour le diocèse deVersailles, vacant depuis 1904.

    En août 1906, le pape réitère dans l’encycli-que « Gravissimo officii » sa condamnationde la loi de séparation. Cette encycliquedéfend aux catholiques de former des asso-ciations cultuelles, mais aussi tout autregenre d’associations qui pourraient êtreconstituées sur des bases « à la fois légaleset canoniques » et auxquelles la majorité del’épiscopat s’était montrée favorable.

    Le pape Pie X refuse également la procéduremise en œuvre par une circulaire de Briand(ministre de l’Instruction publique et des cultes) en date du 1er décembre 1906, quiprécise que les cérémonies religieusespourront se tenir dans les églises sur labase de la loi de 1881 sur les réunions publi-ques. Celle-ci exige une déclaration pourchaque réunion. Les curés sont invités, poursimplifier les formalités, à ne faire qu’unedéclaration par an.

    La majorité catholique est défavorable à la séparation

    Le projet de loi de séparation des Églises etde l’État, établi hors de toute concertationavec le pape, est mal vécu par l’ensemble descatholiques d’un pays historiquement atta-ché depuis les premiers rois à cette religion. La rupture vient surtout du refus de consti-tuer les associations cultuelles.

    Or, les biens non réclamés dans un délai dedeux ans suivant la loi par une associationlégalement constituée, ou n’ayant reçuaucune célébration dans l’année, peuventêtre désaffectés par décret. Faute deconstitution des associations, les biensseront mis sous séquestre. La question dela déclaration préalable pour l’exercice duculte, même annuelle, se pose égalementde façon cruciale.

    La presse joue un rôle considérable dans les débats politiques. Chaque journal prend position, en faveur des catholiques ou des laïques. Les messages sont souvent virulents et subjectifs. (Ici, « le Semeur de Corbeil », journal catholique, 1907).

  • 13

    Certains partisans de l’acceptation, minoritai-res, comme l’archevêque de Rouen, sont musavant tout par le souci d’éviter une situationanarchique qui résulterait du rejet de la loi,par le désir d’arrêter un conflit entre l’Égliseet la République. D’autres, parmi les prêtresdémocrates, les hommes d’étude ou les intel-lectuels libéraux, s’interrogent sur la place de l’Église dans une société sécularisée(Charles Péguy, Marc Sangnier). On trouveégalement des partisans de l’acceptationdans les milieux catholiques du centre-droite.

    À ces catholiques « transigeants », s’oppo-sent les catholiques intransigeants, tenantsde la résistance, soutenus par la masse desfidèles, les religieux, ébranlés par l’applica-tion de la loi de 1901, et une bonne partie duclergé. La majorité de la presse catholique faitpreuve d’une certaine réserve en attendant laposition du pape.

    Combes, Émile. 1835-1921. Après des études en théologie et enmédecine, il renonce à la prêtrise etrejoint les radicaux. Il est président du Sénat (1894-1895), ministre del’Instruction (1895-1896) puis présidentdu Conseil (1902-1905). - Loi de 1904 interdisant l’enseignementaux congrégations.- Rupture avec le Saint-Siège (1904).- Scandale des fiches (janvier 1905) quiprovoque sa démission : système defiches mis en place par le ministre de laGuerre, contenant des renseignementspolitico-religieux sur les officiers militai-res et déterminant leur avancement.

    Rouvier, Maurice. Après des études de droit et de finances,il entre en politique auprès de son amiGambetta. Ministre du commerce (1881,1884-1885) puis des finances (1887,1889-1892), il démissionne à la suite duscandale de Panama et aux détourne-ments de fonds. Rappelé aux Finances(1902-1905) par Combes à qui il suc-cède (1905). - Loi de 1905 sur la séparation des Égli-ses et de l’État.- Démission en 1906 à la suite d’inci-dents liés aux inventaires des biensd’église.

    La loi sur la séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905 stipule que la République ne salarie pas les ministres des cultes. L’article 11 prévoit toutefois des pensions aux ministres des cultes qui ont rempli pendant au moins 20 ans des fonctionspour l’État (ici, liquidation de pension pour le desservant de l’église de Viry-Châtillon, 1906)

    Le culte protestant n’est présent qu’à Corbeil lors de la sépara-tion des Églises et de l’État. Il s’organise rapidement sousforme associative pour être reconnu par la République.

  • 14

    7 juillet : enseignement interdit à tous les reli-gieux. 2500 écoles doivent fermer. Mise sousséquestre des biens des congrégations.29 juillet : rupture des relations diplomatiques avecle Saint-Siège.30 juillet : expulsion du nonce (renvoyé au Saint-Siège).

    9 décembre : loi de séparation des Églises et del’État garantissant la liberté de conscience et deculte.

    2 janvier : ouverture des tabernacles demandée parcirculaire.11 février : encyclique « Vehementer Nos » : condam-nation de la séparation des Églises et de l’État.30 mai : première assemblée des évêques deFrance : recherche d’un modus vivendi.10 août : encyclique « Gravissimo Officii » : défenseaux catholiques de constituer les associations cul-tuelles demandées par la loi de séparation.4 septembre : deuxième assemblée des évêques deFrance. Appel au refus des associations cultuelles.25 octobre : ministère Clemenceau. Reprise desinventaires.1er décembre : circulaire de Briand, ministre : céré-monies religieuses autorisées dans les églises sur la

    base de la loi de 1881 sur les réunions publiques aprèsune déclaration annuelle. 12 décembre : entrée en vigueur de la loi de séparationdes Églises et de l’État.

    2 janvier : loi concernant l’exercice public du culte. À lasuite du refus, de l’Église de constituer les associationscultuelles prévues par la loi de séparation, l’État ou lescommunes ont la libre disposition des palais épiscopaux,des séminaires et des presbytères, qui sont perdus pourles catholiques. La loi laisse les églises, dont l’État ou lescommunes restent les propriétaires, « à la dispositiondes fidèles et des ministres du culte pour la pratique deleur religion ».

    6 janvier : encyclique « Une fois encore » : Pie X dénoncela persécution religieuse en France.30 janvier : les évêques déclarent accepter la loi du 2 jan-vier 1907 sur l’exercice du culte, à condition que la perma-nence et la « sécurité morale » du service religieux soientgaranties.28 mars : la loi assimilant le culte aux réunions publiquesest adoptée. Elle annule la nécessité de déclarer àl’avance toute réunion publique comme le prévoyait la loide 1881. Dans les églises, le clergé demeure « un occu-pant sans titre juridique ».

    1904

    1905

    1906

    1907

    SCRUTIN

    Sur l’ensemble du projet de loi concernant laséparation des Églises et de l’État (Résultat du pointage)

    Nombre des votants .................. 574Majorité absolue ........................ 288

    Pour l’adoption............................ 341Contre .......................................... 233

    La Chambre des députés a adopté [...]

    Département de Seine-et-Oise

    ONT VOTÉ POUR :MM.ArgelièsBerteaux

    ONT VOTÉ CONTRE :MM.AmodruBerthoulat (Georges)Caraman (Comte de)Cornudet (Vicomte)Gauthier (de Glagny)Lebaudy (Paul)Roger-BalluRudelle

    Le vote de la loi de séparation (juillet 1905)

    Annales de la Chambre des députés, séance du 3 juillet 1905

    L A L A I C I T É : R E P È R E S C H R O N O L O G I Q U E S

  • 15

    Comme prévu par la loi, tous les biens cultuels sont inventoriés. Les catholiquess’opposent à ces inventaires, dénonçant lerisque de profanation. En Essonne, larésistance est passive, menée par l’évê-que de Versailles. Les biens catholiques,non transférés faute de constitution desassociations légales, sont attribués auxautorités publiques qui les laissent à ladisposition des fidèles suite aux lois de1907 et 1908. Une politique publique depréservation est mise en place pour lesbiens cultuels mais la construction de nou-veaux édifices cultuels, dans un contexted’urbanisation et de démographie crois-santes est, elle, désormais privée.

    FAUTE DE CONSTITUTION DES ASSOCIATIONSLÉGALES, LES BIENS CATHOLIQUES SONTINVENTORIÉS ET MIS SOUS SÉQUESTRE

    Le nouvel évêque de Versailles ne peutempêcher la mise sous séquestre del’évêché

    Monseigneur Gibier, nouvel évêque nomméen 1906 par le pape, n’hésite pas à s’exprimeret à appliquer les directives de Rome. Il faitsans aucun doute partie de la minorité desévêques qui ont soutenu totalement la politi-que du Vatican au sein de la première assem-blée plénière des évêques de France, réunieà Paris du 30 mai au 1er juin 1906. Son arrivée à Versailles n’est pas étrangère àla publication, à partir du mois d’octobre1906, d’un hebdomadaire catholique, « LeSemeur de Corbeil », qui diffusera plus large-ment des informations jusque là publiéesdans « La Semaine religieuse de Versailles »,mais qui exprimera aussi des analyses denature plus politiques et polémiques, à unmoment où, en France, le Bloc des Gauchessort conforté des élections de mai 1906.Le 8 décembre 1906, à la veille de l’inévitablemise sous séquestre de l’évêché, monsei-gneur Gibier adresse à tous les prêtres unelettre leur demandant de poursuivre les céré-monies religieuses en s’abstenant de toutedéclaration préalable comme le prévoyait laloi. Le 13 décembre 1906, Monseigneur Gibierquitte l’évêché mis sous séquestre.

    Les inventaires des biens cultuels sontrejetés par les catholiques (février-mars 1906)

    L’article 3 de la loi de séparation prévoit de dres-ser « un inventaire descriptif et estimatif » desbiens ecclésiastiques, qu’ils soient propriétépublique ou de l’Église.

    Dans chaque département, le directeur desDomaines est chargé de son exécution, enaccord avec le préfet. Une autre circulaire,émanant du ministère des Finances, ordonneaux fonctionnaires chargés des inventaires

    L’ÉTAT ASSUME LA SÉPARATION ET SES CONSÉQUENCES PATRIMONIALES (1908)

    Les caricatures s’emparent des débats politiques. Ici, Émile Combes, ancien président du Conseil, doit assumer les conséquences des inventaires des biens religieux prévus par l’article 3 de la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905 (journal éphémère du« Père chose », 1906).

  • 16

    d’approfondir leurs recherches, y compris endemandant l’ouverture des tabernacles*. Lapresse catholique dénonce la menace de pro-fanation et appelle au rejet des inventairesalors que la majorité des évêques conseille lapassivité, voire une participation modérée.

    À Paris, les premiers inventaires se déroulentdans le calme le 31 janvier 1906. La plupartdes curés se contentent de protestationsmodérées. Mais le 1er février, des incidentsgraves se produisent, relatés par la presse.Le 18 février 1906, le journal « La Croix »publie le texte intégral de l’encyclique « Vehementer nos », du 11 février, quicondamne le principe de la séparation etinvite les catholiques français à l’union, puisprend nettement le parti de la résistance.

    L’agitation se renforce (Bretagne, Vendée) etles premiers incidents sanglants se produi-sent. Le 8 mars, le préfet du Nord suspend lesinventaires, à la demande du ministre del’Intérieur démissionnaire.

    À la suite de ces événements, Aristide Brianddénonce une minorité de laïcs, antisémites(« La Libre Parole » de Drumont), monarchis-tes (de l’Action Française) ainsi que des jeu-nes militants catholiques ardents à manifes-ter, qui « ont réussi à porter les populationsau degré de fanatisme voulu ».

    Les curés essonniens résistent plutôt pacifiquement aux inventaires

    La résistance passive demandée par l’as-semblée de l’épiscopat est appliquée enSeine-et-Oise. La presse locale fait état desquelques incidents essonniens. La porte del’église d’Arpajon est enfoncée par deuxsapeurs, mais il n’y a aucun incident entre les

    protestataires et les contre-manifestants(anticléricaux) qui chantent pendant l’opéra-tion. Les incidents semblent minimes enEssonne. Seule l’étude systématique des rap-ports et protestations en lien avec les inven-taires, permettrait de l’affirmer.

    Par peur, de nombreux curés et abbés del’Essonne cachent les reliques* attachées à leurfabrique ou les déclarent comme bien personnel.

    Le 19 décembre 1906, le curé de Notre-Dame-de-Longpont retire « les reliques de leurs reli-quaires pour les soustraire à toute profanation »et les place dans des caisses.

    L’ouverture des tabernacles est à maintes occa-sions refusée ; quelques fabriques les présen-tent ouverts et vides, comme à Breux et Jouy.

    Le gouvernement Rouvier est mis en mino-rité. Le 14 mars 1906, un gouvernement axéplus à gauche est formé. Georges Clemenceauet Aristide Briand sont respectivement minis-tre de l’Intérieur et ministre de l’Instructionpublique et des cultes.

    Les élections approchent, il faut résoudre auplus tôt l’affaire des inventaires ; dès le 16 mars une circulaire confidentielle aux pré-fets invite à suspendre les opérations d’in-ventaire si elles doivent se faire par la force.

    DEUX AMÉNAGEMENTS DE LA LOI DE 1905PERMETTENT L’ACCEPTATION TARDIVE DESCATHOLIQUES

    Les réunions pour l’exercice du culte neseront plus soumises à une déclarationpréalable

    Le 2 janvier 1907 est publiée une nouvelle loisur l’exercice public des cultes, loi aussitôtrejetée par une encyclique de Pie X le 6 jan-vier. Cette loi prévoyait notamment les moda-lités de dévolution des biens ecclésiastiquesmis sous séquestre.

    Le 29 janvier 1907, les évêques de Francedéclarent accepter la loi du 2 janvier, à conditionque la permanence et la « sécurité morale » duservice religieux soient garanties.

    Le 28 mars 1907 est publiée la loi relative auxréunions publiques, loi ne comportant quetrois brefs articles, et dont il suffit de citer lepremier pour en comprendre l’importance :« Les réunions publiques, quel qu’en soit

    Les curés, encouragés par le Pape X, dénoncent comme un abus les inventaires de biens religieux prévus par la loi de séparation, et réalisés à partir de 1906.

    Les inventaires provoquent de nombreux incidents entre forcesde l’ordre et catholiques, notamment dans les territoiresfortement catholiques comme la Vendée ou la Bretagne.

    L’Essonne est en fait peu touchée. (Ici, deux incidents en février1906 rapportés par la « Gazette d’Arpajon ».)

  • 17

    l’objet, pourront être tenues sans déclarationpréalable ».

    Cette loi supprime le dépôt d’une déclarationpréalable pour toutes les réunions. Elleassure une liberté exceptionnelle à l’exercicedu culte, même si la situation juridique ducuré dans son église reste incertaine.

    Les biens séquestrés, dévolus aux autorités publiques, sont mis à la disposition des fidèlesReste à régler la question de la dévolution des biens ecclésiastiques. La lettre de mon-seigneur Gibier sur les biens de l’Église usur-pés par le gouvernement, publiée dans « Le Semeur de Corbeil » du 24 novembre1907 reflète bien la position de l’Église enplein débat sur la loi de dévolution des biensmis sous séquestre aux établissements com-munaux d’assistance et de bienfaisance.Cette loi est adoptée par la Chambre le 21 décembre 1907 et promulguée, aprèsdébat au Sénat, le 13 avril 1908. Elle modifieles articles 6, 7, 9, 10 et 14 de la loi de sépara-tion des Églises et de l’État et développe lesprincipes posés par la loi du 2 janvier 1907.

    Les biens possédés par l’État, les départementset les communes depuis 1802 (loi du 18 germi-nal an X) demeurent leur propriété mais peu-vent être mis à disposition de l’exercice du culte.Les biens appartenant depuis 1802 aux anciensétablissements de culte deviennent propriétésdes associations cultuelles légalement consti-tuées qui les auront réclamés dans les délais.Les biens non réclamés dans les délais devien-nent propriété publique et sont mis à disposi-tion gratuitement pour l’exercice du culte si cesont des biens cultuels. Ils sont affectés à desétablissements communaux de bienfaisance ou d’assistance si ce sont des biens non cultuels.

    Les associations seront tenues des répara-tions, des frais d’assurances et autres chargesliées aux édifices et aux meubles servant auculte. L’État, les départements et les commu-nes pourront engager les dépenses nécessai-res pour l’entretien et la conservation des édifi-ces du culte dont la propriété leur est reconnue.

    Des associations diocésaines sontenfin autorisées par le pape

    Les années qui précédent la première guerremondiale sont marquées par un apaisementdes tensions. Pie X meurt en août 1914, au

    Monseigneur Gibier est nommé évêque de l’évêché de Versailles (qui couvre l’Essonne à l’époque), en 1906 par le pape. Il s’oppose àla dévolution des biens de l’Église mis sous séquestre aux bureaux de bienfaisance communaux qu’il dénonce comme une usurpation (ici dans le journal catholique « Le Semeur de Corbeil », 1907).

  • 18

    moment même où la guerre contribue à réin-tégrer les catholiques dans la vie politiquefrançaise.Au lendemain de la première guerre mondiale,les relations diplomatiques avec le Vatican sontrétablies, des discussions s’engagent pourtrouver un accord sur la question des associa-tions cultuelles. Le 18 janvier 1924, Pie XI, suc-cesseur de Benoît XV, autorise la formationd’associations diocésaines dans le cadre desassociations cultuelles de la loi de 1905, parl’encyclique « Maximam gravissimamque ».

    LA PROTECTION DES BIENS CULTUELS EXISTANTSRELÈVE DE L’ÉTAT ; LA CONSTRUCTION D’ÉDIFICESCULTUELS DEVIENT UNE AFFAIRE PRIVÉE

    Les édifices cultuels présentant unevaleur artistique ou historique sontprotégés par classement

    L’inspection générale des monuments histori-ques est créée en 1830, puis la Commissionsupérieure des monuments historiques laremplace à partir de 1837. La loi du 30 mars1887 institue une protection particulière, leclassement des objets mobiliers publics.

    En application de l’article 16 de la loi de 1905 eten complément de la loi du 30 mars 1887, il estprocédé à un classement complémentaire desédifices servant à l’exercice du culte parmiceux transférés aux associations culturelles.

    Il s’agit d’une protection accordée à unobjet/immeuble dont la conservation pré-sente au point de vue de l’histoire et de l’artun intérêt majeur.

    Les immeubles ou objets classés sont inalié-nables (incessibles) et tous travaux de res-tauration ou d’entretien sont effectués sousla surveillance du ministère.

    Le patrimoine mobilier garnissant lesédifices cultuels est protégé quel quesoit son propriétaire

    La loi du 13 avril 1908 transfère à l’État et auxcommunes la propriété des objets déposésdans les édifices cultuels entre 1801 et 1905.Elle affirme donc que l’édifice et son mobilier,propriété d’une personne publique et mis à ladisposition directe du public (fidèles etministres du culte) font partie intégrante dece domaine public ; l’occupant [l’affecta-taire] comme le maire ne peuvent donc libre-ment disposer de ce patrimoine mobilier.

    Elle prévoit également une inscription d’officepour protection par classement de tous lesobjets cultuels garnissant les édifices attri-bués aux associations, à confirmer sous lestrois ans par le ministère compétent.

    Les Conservations des antiquités et objetsd’art (CAOA,) créées par le décret du 11 avril1908, ont pour mission de repérer le patri-moine mobilier d’intérêt local ou national pourle protéger, de contrôler les objets mobiliersprotégés et de suivre les chantiers de restau-ration. Cette fonction est encore assuréeaujourd’hui. En Essonne, le directeur desArchives départementales en est responsable.

    La construction de nouveaux édificescultuels ne relève plus de l’État

    Au XXe siècle, la Seine-et-Oise puis l’Essonneconnaissent de profondes transformations,seulement amorcées en 1905, comme unecroissance rapide de la population, liée audéveloppement de l’agglomération parisienne.

    De 1921 à 1954, les migrations internes et le pro-cessus d’immigration s’accélèrent et la popula-tion essonnienne double durant cette période.

    Entre la première et la seconde guerre mon-diale, les populations d’Europe occidentale etd’Europe centrale et orientale y migrent.Après la seconde guerre mondiale, les popula-tions des colonies françaises, de mêmequ’Espagnols et Portugais, affluent. La plu-part des migrants n’ont bien souvent pourseul bagage que leur culture et leur religion.

    De nouveaux édifices de culte doivent êtreconstruits pour répondre aux besoins de cespopulations. Il s’agit d’une opération désor-mais privée, mais dont on retrouve trace dansles archives publiques (permis de construirepar exemple).

    Le diocèse de Versailles éclate en 1964,comme le département de la Seine-et-Oise,en quatre nouveaux diocèses calqués sur lesnouveaux départements. Le diocèse d’Évry-Corbeil est installé à Corbeil, puis à Évry aprèsla construction de la cathédrale (1994).

    L’Essonne est ainsi devenue, avec ses tem-ples, synagogues, églises orthodoxes, maisaussi ses récentes mosquées, et la pagodeen voie d’achèvement, un départementouvert à la multiplicité des cultures.

    La Ve République (1958-aujourd’hui)Régime sous lequel vit la France depuis1958. La constitution de 1958 renforce lepouvoir exécutif du Président de laRépublique. Elle réaffirme la laïcité de l’État :« La France est une République indivisible,laïque, démocratique et sociale » (article 1).

    La loi de séparation en Alsace-Moselle (24 janvier 1925)Lors du vote de la loi en 1905, la Moselle, leHaut et le Bas-Rhin sont sous souverainetéallemande. Le Concordat, les articles organi-ques et des ajouts de la législation alle-mande régissent les relations Églises-État.Lors du retour à la France de ces trois dépar-tements en 1918, des loi en 1919 puis 1924maintiennent la situation : le Président de laRépublique nomme les évêques de la régionqui sont institués par le pape, les ministresdes quatre cultes reconnus en 1905 sontsalariés par l’État, sans cependant avoir lestatut de fonctionnaire, l’enseignement reli-gieux est obligatoire à l’école mais peut fairel’objet d’une dispense parentale. Le carteldes Gauches en 1924 échoue à imposer la loide 1905 sur ces territoires. Un avis duConseil d’État du 24 janvier 1924, puis uneordonnance du 15 septembre 1944 ontencore entériné cet état de fait.

    Pie X. 1835-1914. Pape de 1903 à 1914. Il condamne la loide séparation de 1905 et le mouvementde démocratie sociale qui cherche àconcilier République et valeurs catholi-ques, mené par le journaliste MarcSangnier en France.

  • 19

    La laïcisation de l’État fut envisagée à nouveausous la Troisième République par de nouvelleslois, notamment dans le cadre de la mise enplace des écoles primaires publiques et laï-ques. La loi du 1er juillet 1901 permettant uneliberté d’association inédite, jeta les premièresrestrictions à l’encontre des congrégations. Laséparation des Églises et de l’État fut menéepar Aristide Briand à partir de 1905, malgré lesdivers incidents provoqués par la mise en oeu-vre des inventaires des biens d’Église. Alors queles cultes protestant et israélite avaientaccepté la loi de séparation, il fallut attendre1924 pour que l’Église catholique reconnaissefinalement une organisation dans le cadre de laloi de 1905.

    La séparation conduisit l’État à renforcer sapolitique de protection des objets et édifices

    cultuels, mais la construction de lieux deculte fut désormais essentiellement d’origineprivée.

    La loi de 1905 et ses aménagements de1907-1908 est toujours d’actualité etconcerne des questions sensibles, sous desformes nouvelles, dans différents domaines(avortement, contraception, port des signesreligieux à l’école...).

    Cette évolution s’est réalisée dans le cadredes principes qui forment le titre premier de la loi de 1905, et qui ont été consacrés parla Constitution de la Ve République en 1958dans son premier article : « La France estune République indivisible, laïque, démocra-tique et sociale ».

    Mosquée d’Évry, (collection particulière). Achevée en 1994.Architecte : Henri Baudot.

    Pagode d’Évry (collection particulière). En cours d’achèvement.Architecte : Hoang Ninh Tran, 2005.

    Église orthodoxe russe à Sainte-Geneviève-des-Bois, photogra-phie, 1990. Achevée en 1939 - Architecte : Albert Benois.

    Cathédrale d’Évry, esquisse, 1988. Achevée en 1995 -Architecte : Mario Botta.

    Évolution de la population en Seine-et-Oise et Essonne, entre 1906 et 1999.

    Essonne 1906 169 651 1954 350 987 1999 1 134 238

    Seine-et-Oise 1906 749 753 1954 1 708 791 1999 4 554 426

    Les biens d’église construits avant 1905 sontconfisqués aux congrégations qui ne se sontpas déclarées et transférés aux communes. L’afflux de populations enEssonne tout au long du XXe siècle entraîne laconstruction de nouveaux bâtiments par desassociations cultuelles, diocésaines et privées, tant pour les cultes traditionnels quepour les cultes plus récemment implantés enEssonne. Les permis de construire de lacathédrale et de la pagode d’Évry sont conservés en 1860W.

    CONCLUSION

  • 20

    13 avril : loi sur la dévolution des biens ecclésiasti-ques saisis en 1907 : ils sont attribués aux commu-nes et aux institutions de bienfaisance. Modificationde la loi de 1905, ce texte autorise les collectivitéspubliques à « engager les dépenses nécessaires desédifices du culte dont la propriété leur est reconnuepar la présente loi ».

    14 septembre : deuxième lettre collective des évê-ques de France dénonçant l’intolérance religieuse del’école publique.

    29 mars : nouveau régime de liquidation des congré-gations. Graves détournements de fonds.

    2 août : application des lois anticongréganistes de1901 et 1904 suspendue.

    30 novembre : rétablissement de l’ambassade deFrance auprès de Saint-Siège.

    18 janvier : encyclique « Maximam gravissimamque » :Pie XI autorise la constitution d’associations diocésai-nes reconnues par le droit français, présidées par lesévêques et chargées de gérer les biens ecclésiasti-ques.2 juin : suppression de l’ambassade de France auprèsde Saint-Siège, expulsion des congréganistes etapplication de la loi de séparation à l’Alsace et à laMoselle (revenues à la France en 1918).1er juillet : résistance catholique en Alsace. Les loislocales concernant les cultes en Haut-Rhin, Bas-Rhinet Moselle maintenues.

    10 mars : déclaration des cardinaux et archevêquesde France condamnant le laïcisme.17 avril : maintien de l’ambassade auprès de Saint-Siège. Lois concordataires en Alsace et en Mosellegaranties.

    6 décembre : biens utiles à l’exercice du culteconfiées à des missions religieuses dans les colonies(décrets Mandel).30 mars : soutien de l’épiscopat à l’État « dans latâche de redressement national entreprise ».

    3 septembre : loi de l’État français levant les interdictionsfrappant les congrégations. D’autres lois en faveur descongrégations seront adoptées (14 décembre 1940, 22 février 1941 et 8 avril 1942). L’ensemble du dispositifsera maintenu à la Libération.

    28 septembre : constitution de la IVe République.

    21 septembre : bourses d’État étendues aux élèves de l’en-seignement libre, aide de l’État aux dépenses de fonction-nement des établissements d’enseignement libres (LoisMarie et Baranger).

    13 mai : Pie XIII reçoit René Coty, le premier président de laRépublique française à se rendre au Vatican.

    4 septembre : constitution de la Ve République.

    31 décembre : financement public possible pour les éta-blissements privés sous condition d’en accepter lescontraintes (programmes et formation des maîtres, loiDebré).

    25 novembre : « Caractère propre » des établissementsscolaires privés garanti, assurant le financement de la for-mation des enseignants et améliorant la retraite des maî-tres contractuels des établissements d’enseignementprivé (Loi Guermeur).

    24 juin : mobilisation des parents d’élèves de l’enseigne-ment libre : 1,5 million de manifestants à Paris.

    18 janvier : loi Guermeur confirmée.

    27 novembre : à la suite des premières manifestations dufoulard islamique, avis du Conseil d’État précisant lesconditions du port de signes extérieurs d’appartenancereligieuse et proscrivant tout prosélytisme à l’école.

    16 janvier : à Paris, 600 000 manifestants laïques contreun projet de modification de la loi Falloux visant à permet-tre une aide accrue des collectivités locales aux établisse-ments d’enseignement privé.

    15 mars : port de « signes manifestant ostensiblement »une appartenance religieuse interdit à l’école.

    1908

    1909

    1910

    1914

    1920

    1924

    1925

    1939

    1940

    1946

    1951

    1957

    1958

    1959

    1977

    1984

    1985

    1989

    1994

    2004

    L A L A I C I T É : R E P È R E S C H R O N O L O G I Q U E S

  • 21

    Voici les dispositions de la loi de séparationdes Églises et de l’État, telle qu’elle estparue en 1905. Les commentaires pédago-giques sont indiqués en italique.

    TITRE PREMIERPRINCIPES

    ARTICLE PREMIER. - La République assure laliberté de conscience. Elle garantit le libreexercice des cultes sous les seules restric-tions édictées ci-après dans l’intérêt de l’or-dre public.

    ART. 2. - La République ne reconnaît, ne sala-rie ni ne subventionne aucun culte. En consé-quence, à partir du 1er janvier qui suivra lapromulgation de la présente loi, seront suppri-mées des budgets de l’État, des départe-ments et des communes, toutes dépensesrelatives à l’exercice des cultes. Pourront tou-tefois être inscrites auxdits budgets lesdépenses relatives à des services d’aumône-rie et destinées à assurer le libre exercice descultes dans les établissements publics telsque lycées, collèges, écoles, hospices, asileset prisons. Les établissements publics duculte sont supprimés, sous réserve des dis-positions énoncées à l’article 3.

    À noter : la substitution de la République à laformulation « l’État » dans le projet de loi,consécutive aux débats parlementaires,ainsi que l’affirmation que la Républiquegarantit des libertés : liberté de conscienceet libre exercice des cultes. C’est du restecette garantie, qui explique la référence auxservices d’aumônerie dans les établisse-ments publics, scolaires, hospitaliers etpénitentiaires.

    TITRE IIATTRIBUTION DES BIENS. - PENSIONS.

    ART. 3. - Les établissements dont la suppres-sion est ordonnée par l’article 2 continuerontprovisoirement de fonctionner, conformé-ment aux dispositions qui les régissentactuellement, jusqu’à l’attribution de leursbiens aux associations prévues par le titre IVet au plus tard jusqu’à l’expiration du délai ci-après. Dès la promulgation de la présente loi,il sera procédé par les agents de l’administra-

    tion des domaines à l’inventaire descriptif etestimatif :1° des biens mobiliers et immobiliers desditsétablissements ; 2° des biens de l’État, desdépartements et des communes dont lesmêmes établissements ont la jouissance. Cedouble inventaire sera dressé contradictoire-ment avec les représentants légaux des éta-blissements ecclésiastiques ou ceux dûmentappelés par une notification faite en la formeadministrative. Les agents chargés de l’inven-taire auront le droit de se faire communiquertous titres et documents utiles à leurs opéra-tions.

    ART. 4. - Dans le délai d’un an, à partir de lapromulgation de la présente loi, les biensmobiliers et immobiliers des menses, fabri-ques, conseils presbytéraux, consistoires etautres établissements publics du culteseront, avec toutes les charges et obliga-tions qui les grèvent et avec leur affectationspéciale, transférés par les représentantslégaux de ces établissements aux associa-tions qui, en se conformant aux règles d’or-ganisation générale du culte dont elles seproposent d’assurer l’exercice, se serontlégalement formées, suivant les prescrip-tions de l’article 19, pour l’exercice de ceculte dans les anciennes circonscriptionsdesdits établissements.

    À noter : ces articles ainsi que les articlessuivants 5 à 10 concernant les transfertsdes biens aux associations cultuelles sont àl’origine de tous les troubles qui vont se pro-duire en 1906. Le transfert doit être précédéd’un inventaire (article 3). Ils fixent le délaid’un an à partir de la publication de la loi,pour réaliser le transfert (donc pour le 11décembre 1906), faute de quoi, les biens àattribuer seront, en attente de leur attribu-tion, mis sous séquestre (article 8). Àdéfaut d’association pour recueillir cesbiens, ceux-ci seront attribués aux établis-sements communaux d’assistance et debienfaisance (article 9).

    ART. 11. - Les ministres des cultes qui, lors dela promulgation de la présente loi, seront âgésde plus de soixante ans révolus et qui auront,pendant trente ans au moins, rempli des fonc-tions ecclésiastiques rémunérées par l’État,recevront une pension annuelle et viagèreégale aux trois quarts de leur traitement.

    Ceux qui seront âgés de plus de quarante-cinq ans et qui auront, pendant vingt ans aumoins, rempli des fonctions ecclésiastiquesrémunérées par l’État, recevront une pensionannuelle et viagère égale à la moitié de leurtraitement.

    Les pensions allouées par les deux paragra-phes précédents ne pourront pas dépasserquinze cents francs.

    En cas de décès des titulaires, ces pensionsseront réversibles jusqu’à concurrence de lamoitié de leur montant au profit de la veuveet des orphelins mineurs laissés par ledéfunt et, jusqu’à concurrence du quart, auprofit de la veuve sans enfants mineurs. À lamajorité des orphelins, leur pension s’étein-dra de plein droit.

    Les ministres des cultes actuellement sala-riés par l’État, qui ne seront pas dans lesconditions ci-dessus, recevront, pendant qua-tre ans à partir de la suppression du budgetdes cultes, une allocation égale à la totalité deleur traitement pour la première année, auxdeux tiers pour la deuxième à la moitié pour latroisième, au tiers pour la quatrième.

    Toutefois, dans les communes de moins de 1 000 habitants et pour les ministres des cultes qui continueront à y remplir leurs fonc-tions, la durée de chacune des quatre pério-des ci-dessus indiquée sera doublée.

    Les départements et les communes pour-ront, sous les mêmes conditions que l’État,accorder aux ministres des cultes actuelle-ment salariés, par eux, des pensions ou desallocations établies sur la même base etpour une égale durée. Réserve est faite desdroits acquis en matière de pensions parapplication de la législation antérieure,ainsi que des secours accordés, soit auxanciens ministres des différents cultes,soit à leur famille.

    Les pensions prévues aux deux premiersparagraphes du présent article ne pourrontse cumuler avec toute autre pension ou toutautre traitement alloué, à titre quelconquepar l’État les départements ou les communes.La loi du 27 juin 1885, relative au personneldes facultés de théologie catholique suppri-mées, est applicable aux professeurs, char-

    LIRE ET COMPRENDRE LA LOI DE SÉPARATION DU 9 DÉCEMBRE 1905

  • 22

    gés de cours, maîtres de conférences et étu-diants des facultés de théologie protestante.Les pensions et allocation prévues ci-dessusseront incessibles et insaisissables dans lesmêmes conditions que les pensions civiles.Elles cesseront de plein droit en cas decondamnation à une peine afflictive ou infa-mante ou en cas de condamnation pour l’undes délits prévus aux articles 34 et 35 de laprésente loi.

    Le droit à l’obtention ou a la jouissance d’unepension ou allocation sera suspendu par lescirconstances qui font perdre la qualité deFrançais, durant la privation de cette qualité.Les demandes de pension devront être,sous peine de forclusion, formées dans ledélai d’un an après la promulgation de la pré-sente loi.

    À noter : le délai d’un an pour faire lademande de pension.

    TITRE IIIDES ÉDIFICES DES CULTES

    ART. 12. - Les édifices qui ont été mis à la dis-position de la nation et qui, en vertu de la loidu 18 germinal an X, servent à l’exercicepublic des cultes ou au logement de leursministres (cathédrales, églises, chapelles,temples, synagogues, archevêchés, évêchés,presbytères, séminaires), ainsi que leurdépendances immobilières, et les objetsmobiliers qui les garnissaient au moment oùlesdits édifices ont été remis aux cultes, sontet demeurent propriétés de l’État, des dépar-tements, des communes.

    Pour ces édifices, comme pour ceux posté-rieurs à la loi du 18 germinal an X, dontl’État, les départements et les communesseraient propriétaires, y compris les facul-tés de théologie protestante, il sera procédéconformément aux dispositions des articlessuivants.

    À noter : le rappel du fait que l’État, lesdépartements et les communes étaient res-tés propriétaires des biens de l’Église natio-nalisés à la Révolution. Ce sont les articlessuivants qui fixent les règles en matière declassement complémentaire des édificesservant à l’exercice public du culte. Ils pré-voient que les immeubles et objets mobi-liers attribués aux associations cultuellespourront être classés dans les mêmesconditions que s’ils appartenaient à des édi-

    fices publics, et fixent les règles concer-nant les travaux de réparation, restaurationet entretien des monuments ou objets mobi-liers classés.

    TITRE IVDES ASSOCIATIONS POUR L’EXERCICEDES CULTES

    ART. 18. - Les associations formées pour sub-venir aux frais, à l’entretien et à l’exercicepublic d’un culte devront être constituéesconformément aux articles 5 et suivants dutitre premier de la loi du 1er juillet 1901. Ellesseront, en outre, soumises aux prescriptionsde la présente loi.

    ART. 19. - Ces associations devront avoirexclusivement pour objet l’exercice d’un culteet être composées au moins : Dans les communes de moins de 1.000 habi-tants, de sept personnes ;Dans les communes de 1.000 à 20.000 habi-tants, de quinze personnes ;Dans les communes dont le nombre des habi-tants est supérieur à 20.000, de vingt-cinqpersonnes majeures, domiciliées ou résidantdans la circonscription religieuse.

    Chacun de leurs membres pourra s’en retireren tout temps, après payement des cotisa-tions échues et de celles de l’année courante,nonobstant toute clause contraire.

    Nonobstant toute clause contraire des sta-tuts, les actes de gestion financière et d’ad-ministration légale des biens accomplis parles directeurs ou administrateurs seront, cha-que année au moins présentés au contrôle del’assemblée générale des membres de l’asso-ciation et soumis à son approbation.

    Les associations pourront recevoir, en outre,des cotisations prévues par l’article 6 de la loidu 1er juillet 1901, le produit des quêtes et col-lectes pour les frais du culte, percevoir desrétributions : pour les cérémonies et servicesreligieux même par fondation ; pour la loca-tion des bancs et sièges ; pour la fournituredes objets destinés au service des funéraillesdans les édifices religieux et à la décorationde ces édifices.

    Elles pourront verser, sans donner lieu à per-ception de droits, le surplus de leurs recettesà d’autres associations constituées pour lemême objet.

    Elles ne pourront, sous quelque forme que cesoit, recevoir des subventions de l’État, desdépartements ou des communes. Ne sontpas considérées comme subventions lessommes allouées pour réparations auxmonuments classés.

    À noter : avec les inventaires, ce sont lesdispositions concernant les associationscultuelles qui ont divisé la hiérarchiecatholique au début de l’année 1906, maisqui, condamnées par l’encycliqueVehementer nos du 11 février 1906, puis denouveau par l’encyclique Gravissimo officiidu 10 août 1906, ont conduit à la misesous séquestre des biens ecclésiastiquesle 12 décembre 1906.

    TITRE VPOLICE DES CULTES

    ART. 25. - Les réunions pour la célébrationd’un culte tenues dans les locaux apparte-nant à une association cultuelle ou mis à sadisposition sont publiques. Elles sont dispen-sées des formalités de l’article 8 de la loi du30 juin 1881, mais restent placées sous lasurveillance des autorités dans l’intérêt del’ordre public. Elles ne peuvent avoir lieuqu’après une déclaration faite dans les for-mes de l’article 2 de la même loi et indiquantle local dans lequel elles seront tenues.

    ART. 26. - Il est interdit de tenir des réunionspolitiques dans les locaux servant habituelle-ment à l’exercice d’un culte.

    ART. 27. - Les cérémonies, processions etautres manifestations extérieures d’un cultecontinueront à être réglées en conformitédes articles 95 et 97 de la loi municipale du 5 avril 1884.

    Les sonneries de cloches seront réglées pararrêté municipal, et, en cas de désaccordentre le maire et le président ou directeur del’association cultuelle, par arrêté préfectoral.Le règlement d’administration publique prévupar l’article 43 de la présente loi déterminera les conditions et les cas dans lesquels les sonneries civiles pourront avoirlieu.

    ART. 28. - Il est interdit, à l’avenir, d’élever oud’apposer aucun signe ou emblème religieuxsur le