la motivation au travail

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Claude Lvy-Leboyer

La

motivation AU travailModles et stratgies3e dition

LA MOTIVATION AU TRAVAIL Modles et stratgies

ditions dOrganisation Groupe Eyrolles 61 bd Saint-Germain 75240 Paris Cedex 05 www.editions-organisation.com www.editions-eyrolles.com

DU MME AUTEUR CHEZ LE MME DITEUR

- Le bilan de comptences, 1993. - La gestion des comptences, 1996. - Le 360, outil de dveloppement personnel, 2000. - valuation du personnel Quels objectifs ? Quelles mthodes ? 2005, 3e dition. - La personnalit, 2005. - RH, les apports de la psychologie du travail, 2006.

Le code de la proprit intellectuelle du 1er juillet 1992 interdit en effet expressment la photocopie usage collectif sans autorisation des ayants droit. Or, cette pratique s'est gnralise notamment dans l'enseignement, provoquant une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilit mme pour les auteurs de crer des uvres nouvelles et de les faire diter correctement est aujourd'hui menace. En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intgralement ou partiellement le prsent ouvrage, sur quelque support que ce soit, sans autorisation de l'diteur ou du Centre Franais d'Exploitation du Droit de Copie, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. Groupe Eyrolles, 1998, 2001, 2006 ISBN : 2-7081-3721-2

Claude Lvy-Leboyer

LA MOTIVATION AU TRAVAIL Modles et stratgies

Troisime dition

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9782212860856 ; Levy-Leboyer, Claude.; motivation au travail : modeles et strategies

SOMMAIREPrface ................................................................................................ 9 Introduction ..................................................................................... 13

PREMIRE PARTIE MODLES THORIQUES Introduction la premire partie : Pourquoi des modles thoriques ? .................................................. 29 Chapitre 1 - La motivation, force interne ? ................................. 35 Le modle hirarchique de Maslow ................................................. 38 Le modle ERG dAlderfer .............................................................. 41 Le modle des besoins manifestes de Murray ................................. 42 Le modle bi-factoriel des satisfactions de Herzberg ...................... 45 Une question centrale : motivation interne et/ou motivation externe ? ................................................................ 49 Le modle de Miner : les motivations de rle ........................... 52 La typologie de Ronen ..................................................................... 59 Et pour conclure ............................................................................... 62 Pratiquement, on peut retenir ........................................................... 65 Chapitre 2 - La motivation, choix rationnel ? ............................. 67 Valence/Instrumentalit/Expectation ................................................ 69 La validit du modle cognitif ......................................................... 75

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LA MOTIVATION AU TRAVAIL

Dveloppements du schma cognitif : les contributions de Raynor et de Weiner ........................................ 76 Les thories de lquit : le modle dAdams ............................... 79 Et pour conclure ............................................................................. 89 Pratiquement, on peut retenir ......................................................... 91 Chapitre 3 - De lintention laction : lauto-rgulation ........... 95 Le modle du but ........................................................................... 99 Lauto-rgulation ............................................................................ 106 Le rle de la personnalit ............................................................... 110 Et pour conclure ............................................................................. 114 Pratiquement, on peut retenir ......................................................... 115

DEUXIME PARTIE DE LA THORIE LA PRATIQUE Introduction la deuxime partie : Quelles stratgies ? ............... 121 Chapitre 4 - Rcompenser pour motiver ? ................................ 129 A quelles questions faut-il rpondre avant dinstaurer un systme de rcompenses au mrite ? ........................................ 133 Le cas de la participation aux bnfices ........................................ 138 Comment analyser le potentiel motivateur des rcompenses au mrite ? .......................................................... 140 Quand un systme de rcompense au mrite ne marche pas, quelles en sont les raisons ? Quels sont les remdes ? .................. 150 Systme dintressement et gestion des ressources humaines ....... 153 Conclusion : la signification des rcompenses .............................. 156 Chapitre 5 - Changer le travail pour le rendre motivant ......... 159 R-humaniser le travail : laprs Taylor ......................................... 160 Enrichir quoi ? Avec quels rsultats ? Le schma de Hackman .... 166

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SOMMAIRE

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La complexit, facteur de motivation ? Quand ? Pourquoi ? A quelles conditions ? .................................................................... 170 Contrle et autonomie .................................................................... 172 Communication et accs aux informations .................................... 176 Les trois C : trois manires de changer le travail ..................... 177 Y a-t-il dautres aspects du travail susceptibles de stimuler la motivation ? Un quatrime C ? .................................................. 178 Les sources intrinsques de motivation .................................... 188 Comment choisir une stratgie ? .................................................... 191 Conclusion : une requalification motivante .....................................194 Chapitre 6 - Le leader charismatique ........................................ 197 Y a-t-il un (ou des) profil(s) charismatique(s) ? ............................ 202 Des conduites motivantes? Oui, mais en fonction des situations .. 212 Le laissez-faire ....................................................................... 213 Lautoritarisme ....................................................................... 215 La participation aux dcisions ............................................... 218 Des spcificits culturelles ? .......................................................... 226 Conclusion : contingence et flexibilit.............................................230 Conclusion : Un essai de synthse ............................................... 235

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Prface

Mes motivations pour crire un livre sur ce qui motive le travail sont doubles. Tout dabord, le pronostic formul dans La crise des motivations (1) en 1984 sest malheureusement rvl exact. Dans une priode o croit le nombre dinactifs, o lentre dans le monde du travail est tardive et souvent difficile, la personnalit individuelle, limage et lestime de soi se construisent sur dautres expriences que sur celles quapportaient traditionnellement les premiers contacts avec un mtier, et, ensuite, le dveloppement de la carrire. Lactivit professionnelle nest plus, pour une large fraction de la population, la colonne vertbrale de lidentit. On peut vivre sans travail, donc le travail perd sa valeur, et la motivation le faire aussi bien que possible sen trouve affaiblie. Mais rpter cette analyse, constater que le pronostic sest vrifi et que, par voie de consquence, le modle psychologique qui lavait fond sen trouve valid, napporte quune satisfaction amre. Il ne suffit pas dexpliquer la gense dune situation, il faut galement rpondre ceux qui demandent des solutions pour en sortir. Limportance du problme a fait surgir bon nombre de magiciens qui pensaient avoir la mthode efficace pour rveiller les motivations au travail. Hlas, conviction nest pas preuve et ceux qui ont t tents par ces promesses nont pas souvent recueilli les fruits quils en espraient. Pire encore, jetant le bb avec leau du bain, selon la formule consacre, beaucoup ont assimil psychologues srieux et promoteurs de gadgets sans fondement rel et en ont conclu linutilit et la futilit des efforts des psychologues. Groupe Eyrolles

9782212860856 ; Levy-Leboyer, Claude.; motivation au travail : modeles et strategies

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LA MOTIVATION AU TRAVAIL

Il faut dire quil y a peu de problmes plus difficiles dans le domaine de la psychologie du travail. Lanalyse propose pour rendre compte de la crise des motivations le montrait bien. La motivation nest pas un simple trait de personnalit qui serait indpendant du contexte. Ce nest pas non plus la consquence quasi-automatique dune bonne manire de diriger ceux qui travaillent, ou dune structure organisationnelle adquate, cest la rsultante complexe de contraintes conomiques, technologiques, organisationnelles, et culturelles au sens le plus large, et de leurs interactions avec les besoins, les valeurs et les aspirations des individus. En outre, la motivation nest pas un tat stable, mais un processus, toujours remis en question. Et ceci pas seulement parce que les conditions et lenvironnement du travail changent ; galement parce que le produit mme de la motivation, savoir les rsultats de leffort, le travail accompli et tout ce quil apporte, composent une situation nouvelle (2). Donner une description prcise et en mme temps concrte de lensemble du processus que reprsente la motivation constitue donc une tape incontournable. Et utile,- condition toutefois que cet exercice thorique ne sarrte pas l et quil permette de justifier les diffrentes stratgies possibles pour relancer la motivation. Voil bien la difficult : les schmas thoriques proposs pour rendre compte du processus motivationnel sont complexes et ont fait lobjet de discussions entre spcialistes, discussions dont lintrt chappe souvent aux praticiens. Pourtant, si on veut comprendre pourquoi telle stratgie est efficace ici et inefficace ailleurs, il faut savoir quels ressorts de la motivation on a tent de stimuler et connatre les paramtres qui en modulent les effets. Beaucoup douvrages ont t crits sur la motivation au travail, en anglais comme en franais (3). Ils sadressent plus souvent aux chercheurs quaux gestionnaires. Faire le lien entre la description thorique de ce processus complexe, description qui met en cause un vaste ensemble de savoirs psychologiques, dune part, et les conduites tenir dans les diffrentes situations de la vie active, dautre part, nest pas une tche facile. Ce petit livre aura pourtant sa justification sil rend les praticiens mfiants sur la possibilit de disposer de stratgies universellement efficaces aussi bien quthiquement acceptables, et sil leur

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PREFACE

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fait prendre conscience du caractre contingent de toute intervention destine relancer ou stimuler la motivation.Rfrences cites1. C. Lvy-Leboyer (1994), La crise des motivations, Paris, PUF, 2e dition. 2. C. Lvy-Leboyer (1980), Satisfaction et motivation, thories et recherches, Bulletin de Psychologie, 33, 409-412. 3. Parmi les plus rcents, on peut citer en franais : R. Francs (1995), Motivation et efficience au travail, Paris, Mardaga ; S. Michel (1989), Peut-on grer les motivations ?, Paris, PUF ; en anglais : la nouvelle dition remanie, trente ans aprs, du classique ouvrage de V. Vroom (1995), Work and motivation, San Francisco, Jossey Bass, les collections de chapitres dits par R.M. Steers, L.W. Porter et G. A. Bigley (1996), Motivation and leadership at work, New York, Mc Graw Hill, par U. Kleinbeck, H.H. Quast, H. Thierry, H. Hcker (1990), Work motivation, Hillsdale, New Jersey, Lawrence Erlbaum et de E.L. Deci, R.M. Ryan (1985), Intrinsic motivation and self-determination in human behaviour, New York, Plenum. Une synthse actuelle est propose par R. Kanfer (1994), Work motivation, new directions in theory and research, chap.1 in C.L. Cooper et I.T. Robertson, edrs, Key reviews in managerial psychology, Chichester, Wiley.

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Introduction

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Les entreprises nexistent pas sans les hommes et les femmes qui y travaillent. Et la tche numro un de tout cadre consiste obtenir de ses collaborateurs une productivit et une qualit de travail maximales. Ce qui suppose des comptences adquates, une organisation optimale, mais, avant tout, la motivation de tous. Comment crer et entretenir limplication, lardeur au travail, la volont pour chacun, de faire au mieux, de se perfectionner constamment, de respecter les objectifs assigns ? Quelles stratgies adopter pour motiver ses quipes ? Comment les mettre en uvre ? Y a-t-il des rgles gnrales respecter pour rendre efficace le management des hommes et assurer leur motivation ? Faut-il choisir des individus dj motivs ? Ou adopter des mthodes qui vont les stimuler ? Les mmes mthodes pour tous ? Ces moyens ne risquent-ils pas de perdre, lusage, leur pouvoir motivant ? Et, dans ce cas, faut-il en suivre les effets et changer souvent son fusil dpaule ? Ne risque-t-on pas de voir dans les mthodes de motivation une manire dguise dexploiter sans mnagement les hommes au travail ? Ou bien peut-on concilier motivation et satisfaction ? Lardeur au travail ne sestompe-t-elle pas avec lanciennet, avec lge ? Est-elle indpendante de la conscience professionnelle, et plus gnralement, de la moralit ? Les groupes ont-ils une action motivante sur les individus ?... Voil quelques-unes des nombreuses questions que se posent les cadres et quils posent aux spcialistes de la gestion des ressources humaines dans lentreprise. Au risque de dcevoir, il nous faut affirmer quil ny a pas de rponses simples, que la motivation rsulte de processus complexes qui mettent en jeu, de manire indissociable, les caractristiques Groupe Eyrolles

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individuelles lies au fonctionnement affectif, cognitif et social, les conditions propres lenvironnement du travail ainsi que les interactions individu-environnement. Et que lempirisme nest pas de mise ici, ce qui signifie que ltude attentive des pratiques et de leurs effets doit se faire la lumire des schmas thoriques et que, symtriquement , les progrs thoriques peuvent gnrer de nouvelles pratiques. Il est facile de dire que la motivation est un domaine o thorie et pratique doivent spauler mutuellement. Encore faudrait-il, pour rendre rellement service sur le terrain, que les schmas thoriques soient convaincants et dmontrs et que les thoriciens du comportement saccordent sur un modle clair susceptible de guider les cadres dans leur pratique quotidienne. Ce nest pas exactement le tableau qui se dgage la lecture des ouvrages et des guides daction existant actuellement. Les efforts pour crer une science de la motivation au travail, qui permettrait de justifier des mthodes rellement efficaces, ne semblent pas avoir, jusqu maintenant, vraiment abouti des rsultats unanimement approuvs. Thoriciens et praticiens du management scientifique, dfenseurs de mthodes de motivation venues du Japon ou doutre-Atlantique, fondes sur les ressorts psychologiques les plus divers, sont tour tour lous ou critiqus, et prsents alternativement comme des gourous, des dfenseurs de la classe ouvrire et de sa dignit, des exploiteurs du monde ouvrier, des bureaucrates irralistes, ou des gnies charismatiques. Le problme demeure pourtant aujourdhui au centre des rflexions et des initiatives. La motivation au travail est, en effet, un ressort important dune comptition devenue mondiale. En outre, comme lavance technologique nest plus un privilge durable, la productivit, et la qualit des services, donc la comptence et la motivation du personnel, deviennent des lments dcisifs de la survie des entreprises. Rien dtonnant dans ce cas, si 97% des 526 chefs dentreprise interrogs rcemment par lAssociation Progrs du Management affirment que Motiver les employs est une proccupation majeure ou une proccupation importante (1). Mais lorsquon leur demande quelles mthodes ils connaissent pour stimuler la motivation, leurs rponses inquitent : ils citent ple-mle tous les gadgets disponibles, mme

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INTRODUCTION

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ceux qui nont aucun rapport plausible avec la motivation, sans les justifier par une analyse des facteurs de la motivation au travail. Et ils donnent de la motivation des dfinitions varies, souvent contradictoires entre elles, et gnralement floues. Exposs aux affirmations premptoires des promoteurs de mthodes et de thories de la motivation, ils disent avoir t dabord sduits, ensuite dus, mais tous esprent encore trouver la carotte magique. Bref, il y a la fois une forte demande et une offre abondante de mthodes diverses. Mais ces mthodes, comme cest le cas dans dautres domaines des sciences humaines, ne sont pas toujours justifies par un modle thorique bien dmontr, nont pas t valides sur le terrain, ni, surtout, accompagnes dinformations qui permettraient de prciser leurs indications. Peut-on faire mieux ? Je crois que oui, pour trois raisons qui se compltent mutuellement. Dune part, parce que la psychologie du travail a fait, dans ce domaine, dimportants progrs, souvent mal connus dans notre pays, progrs marqus par la volont de tenir compte non seulement de la varit des cultures sociales et organisationnelles, mais galement des conditions de travail et des caractristiques individuelles, et par la recherche de preuves empiriques. Ensuite parce que la monte des activits de service, de tous niveaux, au dtriment des emplois de production, renouvelle les problmes de motivation. Et surtout parce que les progrs thoriques rcents devraient permettre de faire face aux nouveaux dfis poss non seulement par la diversit croissante de la main duvre et des conditions de travail, mais galement par le renouvellement actuel des valeurs et de la signification mme du travail. Quels progrs dans le champ de la psychologie du travail applique lanalyse des motivations ? Il ne sagit pas de nouvelles recettes qui seraient plus efficaces que les anciennes. Mais danalyses plus flexibles, plus dynamiques, et surtout plus exhaustives des processus de motivation, analyses qui permettent de chercher des solutions adaptes aux cultures spcifiques de chaque organisation et de faire varier les approches et les mthodes de manire tenir compte de lvolution actuelle du travail. Autrement dit, on est pass de prescriptions gnrales et normatives des schmas permettant de dcrire les processus motivationnels propres chaque situation, et den faire le diagnostic

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afin de chercher des solutions adaptes. Ce qui devrait rendre les gestionnaires de ressources humaines moins enclins accepter des ides parce quelles semblent sduisantes ou gnreuses, et plus soucieux de possder, lappui de toute mthode qui leur est propose, des arguments thoriques et des preuves tangibles. Il est vrai que, depuis le dbut du sicle, les propositions nont pas manqu. Tout a commenc avec le management scientifique et le Taylorisme dont un des objets tait damliorer lefficacit grce au dcoupage des tches, ltude prcise de leur excution optimale et leur chronomtrage. Taylor tait convaincu que la motivation viendrait avec, grce un intressement financier rudimentaire, ou par la satisfaction ne du simple fait de bien faire son travail. On sait comment, loin de stimuler la motivation et de satisfaire les ouvriers, ses mthodes ont dclench lhostilit et amen nombre deffets pervers. Aprs la guerre, conscients des difficults nes du Taylorisme, et influencs par les tudes menes Hawthorne sous la direction de Elton Mayo, les responsables de la gestion des ressources humaines ont cherch non seulement une autre approche mais galement une autre philosophie des relations de travail. Et lont trouv successivement dans les positions dfendues par Maslow, puis par Herzberg, positions dailleurs toujours prsentes, malgr les nombreuses critiques quelles ont suscites, dans beaucoup de cours et de sminaires sur le leadership et le management. Ces deux psychologues ont propos des modles de motivation fonds sur lanalyse des besoins que les hommes cherchent satisfaire grce leur travail. Tous deux ont insist sur le fait que le travail nest pas seulement loccasion dun change entre des efforts individuels et des rcompenses matrielles et quil est aussi loccasion de se raliser travers une activit professionnelle dont les dimensions sociales sont importantes. Herzberg, en outre, a soulign le fait que la satisfaction nest pas forcment lie la motivation. Il peut y avoir des personnes peu satisfaites de leurs conditions de travail, mais qui restent motives par ce quelles peroivent comme une mission importante ou intressante, et, inversement, des personnes satisfaites mais qui nen sont pas motives pour autant. Portant le dbat sur un autre terrain, McGregor, Likert, notamment, ont stigmatis une vue pessimiste de la nature humaine, selon laquelle les

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Groupe Eyrolles EBSCO Publishing : eBook Collection (Preview) - printed on 3/30/2011 11:02 AM via NATIONAL TAIPEI UNIV 9782212860856 ; Levy-Leboyer, Claude.; motivation au travail : modeles et strategies Account: s6620973

INTRODUCTION

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travailleurs seraient naturellement indolents et sans ambition. Et ils ont dfendu une reprsentation plus optimiste et plus gnreuse, selon laquelle les hommes et les femmes sont prts se mobiliser ds lors quon leur donne des responsabilits et quon labore avec eux une vision commune de lorganisation. Cest le mouvement des Relations Humaines qui, depuis cinquante ans, a vu fleurir de nombreuses mthodes de motivation, quil sagisse de formations de cadres, de promotion, de systmes de participation en tous genres, de programmes de suggestions quelquefois assortis de primes et de bonus, et, plus rcemment, des mthodes qui ont contribu au succs conomique du Japon dans la priode qui a suivi la dernire guerre. Le tout destin amliorer la communication interne, adapter les rcompenses aux souhaits du personnel, enrichir le travail, et surtout former les cadres de manire ce quils adoptent un style de leadership favorisant la dlgation, encourageant les initiatives de leurs subordonns et partant, leur motivation. En rsum, par raction contre les principes du Taylorisme, un autre management sest dvelopp, plus humain, caractris par des ides qui forment un tout cohrent : il ne faut pas accuser les hommes dtre naturellement paresseux. Cest le travail qui nest pas motivant parce quil est trop souvent alinant. On peut donc dynamiser la motivation en modifiant le contenu du travail, de telle sorte que les travailleurs de tous niveaux de qualification aient le sentiment davoir des responsabilits, dtre apprcis pour ce quils font, et de se raliser par le truchement de leur activit professionnelle. Le mrite de ces conceptions des relations entre lhomme et le travail est indiscutable. Elles ont eu le grand avantage de mettre en vidence limportance du contenu du travail et son rle comme levier des motivations individuelles, et de contribuer dtruire une reprsentation troitement conomique des motivations. Il est vrai, mme si ces aspects restent importants, que le travail rpond dautres besoins que la recherche dun salaire et de la scurit. Lactivit professionnelle peut aussi apporter le sentiment dtre utile et de jouer un rle dans la socit, donner le plaisir de lefficacit lorsquon excute avec comptence lactivit dont on est charg, ainsi que la conviction de dvelop-

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per son potentiel et dutiliser ses qualits. Lpreuve du chmage la, malheureusement, bien dmontr. Ne plus avoir demploi, ce nest pas seulement devoir faire face des problmes financiers, cest aussi perdre son identit et son insertion dans la socit. Seuls arrivent rtablir leur quilibre les chmeurs qui ont retrouv un rle social, et une activit efficace, mme sil sagit dun travail bnvole (2). Mais les modles de motivation que nous venons de citer datent de quarante ans (3). Recherche, exprimentation et analyse thorique ont continu depuis et permis de progresser considrablement sur trois points : 1) Ltude exprimentale des postulats thoriques qui sous-tendent les modles des relations humaines a montr que les thories de Maslow, de Herzberg, de Mc Gregor, de Likert, trop souvent prsentes comme des vidences, sont beaucoup trop sommaires pour rendre compte dune ralit complexe, et sont mme partiellement errones. De ce point de vue, il faut attentivement faire la diffrence entre des ides thoriques gnreuses et sduisantes, et les preuves objectives de leur validit. 2) Il y a plus. Ces premires thories ont cherch imposer un modle normatif, voire dfinir un style universel de management. On a maintenant bien ralis quil est impossible de trouver une mthode de motivation qui sapplique tous les individus, toutes les situations, toutes les entreprises, et toutes les cultures, et quon risque lchec lorsquon emprunte une mthode, sans autre rflexion, simplement parce quelle a russi ailleurs. Pour nen donner quun exemple, il est bien dmontr que les besoins dits de haut niveau, ceux que nous venons dnumrer en voquant la satisfaction de se raliser, davoir des responsabilits, de jouer un rle, ne sont pas prsents chez tous de la mme manire. Certains fuient les responsabilits, nprouvent pas le besoin de dvelopper leurs comptences, ou cherchent ailleurs les racines de leur identit sociale. Modifier le contenu du travail naura pas dimpact positif sur leur motivation. On peut dailleurs noter que ces besoins de haut niveau caractrisent plus souvent les cadres que leurs subordonns. Rien dtonnant si ce sont les cadres eux-mmes

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INTRODUCTION

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qui ont attribu aux autres des besoins identiques aux leurs et ont t sduits par lide den gnraliser laccs... 3) Dans un tout autre ordre dides, les premiers efforts pour saisir les facteurs de la motivation au travail se sont inspirs des expriences ralises en psychologie exprimentale pour analyser les motivations du comportement animal, et plus prcisment pour rendre compte des besoins prcis qui poussent un animal agir de telle ou telle faon plutt qu rester inactif. Supposer quil existe une relation simple de cause effet entre leffort consenti par lhomme au travail et le ou les besoins que cet effort peut satisfaire, cest, en quelque sorte, rduire les comportements humains dans le travail des schmas aussi simples que celui du rat qui, dans son labyrinthe, ne va chercher le bouton pousser pour avoir un aliment que lorsquil a faim. La motivation nest apprhende que comme un tat de manque, tat passager qui serait dtruit aussitt que son moteur, le besoin, est satisfait. Modle bien pauvre quand il sagit de comprendre les comportements de lhomme au travail qui mettent en cause des reprsentations, une vie sociale complexe, des activits symboliques, des attitudes, un systme affectif, limage de soi et de ses capacits, limage des autres et des intentions quon leur attribue... Les recherches postrieures aux annes 60 sont la fois moins simplistes, plus focalises et plus exhaustives. En effet, elles tudient la motivation au travail non plus comme un tat, mais comme un processus qui se construit dans le temps et qui se renouvelle sans cesse. Et elles tentent de formuler entre les caractristiques personnelles et les caractristiques situationnelles des adquations qui permettent de prendre en compte la varit des psychologies individuelles. Conception plus proche de la ralit et de sa complexit et qui a le mrite douvrir la porte un diagnostic prcis des sources ventuelles de blocage de la motivation. La ncessit de disposer dun modle flexible de la motivation, de connatre les indications spcifiques des diffrentes stratgies destines la stimuler en fonction des caractristiques de chaque situation, prend un relief particulier au moment o la diversit devient la rgle dans le

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monde conomique, et o les conditions de travail, la structure des entreprises, les caractristiques de lemploi, le rle des services, la signification mme du travail sont en train de changer profondment. Ces changements ne sont pas sans prcdents. Le statut et la culture du travail dans le monde daujourdhui nous semblent si vidents que nous ralisons mal que le rle du travail dans la vie, dans la morale, dans le dveloppement de la personnalit, dans les rgles sociales... a chang et est encore susceptible de changer profondment. Bien plus, il suffit de regarder autour de nous pour raliser que la signification du travail aujourdhui est diffrente dans les pays culture collectiviste, comme le Japon, de ce quelle est dans les cultures individualistes, comme les Etats-Unis et lEurope du Nord (4). Un des traits qui distingue fortement les comportements dans le travail dans diffrentes cultures concerne la manire dont les individus vivent les relations de groupe. Il est vident que ceux dont la culture valorise le succs du groupe plus que le succs individuel ne seront pas sensibles aux mmes rsultats de leur travail que ceux dont le milieu social privilgie la russite personnelle. Et que, de ce fait, les mthodes qui stimulent fortement la motivation des travailleurs japonais ne sont pas exportables sans retouche dans une culture occidentale. Dautres diffrences inter-culturelles existent, notamment celles qui concernent la nature des besoins que le travail peut satisfaire, et elles jouent un rle non ngligeable dans le succs des stratgies de motivation. Par ailleurs, les relations troites entre les activits de travail et les activits hors travail rendent la signification du travail dpendante des autres activits individuelles. Jai montr, dans une recherche rcente, que les reprsentations des activits de travail caractrisant de jeunes cadres varient selon quils sont clibataires ou quils vivent en couple, et que ces diffrences sont plus importantes que celles qui distinguent des groupes de cadres de nationalit diffrente (5). Non seulement lidologie du travail, les normes sociales et les valeurs qui le caractrisent reprsentent un cadre culturel auquel doivent sadapter les stratgies destines stimuler la motivation, mais il faut galement tre attentif la manire dont chaque socit et chaque culture crent cette obligation de travail sans laquelle elle ne peut pas sur-

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INTRODUCTION

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vivre. A quoi sert, en effet, lidologie du travail ? A faire que les gens prennent le travail au srieux, et le considrent comme un rel devoir, donc ce quils y consacrent le maximum de leurs qualits personnelles et de leur nergie (6). En dautres termes, le travail ne reprsente pas une obligation fondamentale, un pilier de lthique collective, au mme titre que le respect de la vie humaine, la protection de la proprit, ou les devoirs vis--vis de ses parents. Bien plus, il a toujours exist des groupes sociaux pour lesquels le travail est interdit : ctait le cas des religieux des ordres contemplatifs, des nobles sous lancien rgime. Et, plus prs de nous, un travail salari reprsentait une activit suspecte pour les mres de famille du dbut du sicle, ds lors que le foyer possdait une autre source rgulire de revenus. Bref, ds quon jette un regard en arrire, il est clair que des idologies profondment diffrentes ont rempli cette fonction sociale capitale qui consiste donner au travail, et au travail bien fait, le caractre dune obligation imprative. Quelques exemples classiques, choisis pour les profondes diffrences qui existent entre eux, peuvent en convaincre. Loin de nous dans le temps, la classification sociale dfendue par Platon a de quoi faire rflchir : pour les esclaves, lagriculture, pour les trangers, le commerce et lindustrie, de manire ce que les citoyens puissent se consacrer aux charges politiques. Certes, il ne sagit l que de la description dune socit idale et, dans la ralit, les esclaves ont t diversement traits au cours de lhistoire, puisquils ont galement eu la charge, pendant de longues priodes, des activits intellectuelles, en particulier de lenseignement. Mais ce qui est important cest de constater quune idologie de travail nest essentielle que lorsquil faut recruter des travailleurs et les faire produire. Il devient alors important de les persuader que le travail est la fois noble et ncessaire. Par contre, il est inutile de valoriser le travail quand ceux qui en ont la charge ne peuvent chapper leur condition. Aussi lidologie du travail nexiste Rome et Athnes quavant et aprs lesclavage. Aristote, comme Cicron, dcouragent le citoyen de se livrer des activits utiles, des tches mcaniques, toutes besognes infrieures quil faut laisser aux esclaves alors que le citoyen doit senrichir par la judicieuse gestion de ses terres. Pour eux, ce nest pas la

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nature de la tche, ni le rle social quelle implique qui lui confre un statut bas ou lev, cest son objectif. Travailler pour soi, et de manire modre, est bien. Travailler pour les autres est dgradant, parce que cela correspond une perte de libert. Il faut dailleurs souligner que ces prjugs ont t contre-productifs : le fait que le travail soit rserv aux esclaves na cess de le dvaloriser ; et cette dvalorisation a eu, terme, des consquences graves puisquelle a frein le progrs et entran le dclin social et politique. Autre exemple, celui de la civilisation mdivale, toute aussi stratifie, mais sur des bases diffrentes. Elle tait fonde sur une conomie agricole faite de petites communauts se suffisant elles-mmes, et trop loignes les unes des autres pour que les moyens de communication existants puissent crer lamorce dune conomie de march. Mais ces communauts ont eu besoin de protection une poque de grande inscurit. Do lchange, entre le seigneur et ses manants, dune protection arme contre des services. Le systme repose alors sur le respect rciproque des uns et des autres mais il nincite pas travailler plus et mieux parce que labsence de march rend inutile tout surplus ventuel qui serait issu dun accroissement de travail ou de productivit. Ce nest donc pas le travail qui est valoris, mais lobissance et le respect des coutumes. Le systme va se dsagrger ds que les paysans ont un accs plus facile la ville et que, dans le mme temps, le dveloppement des routes et laccs un march plus large et plus diversifi va leur donner la possibilit de vendre leur surplus agricoles, de les changer contre dautres produits, donc leur donner le dsir de produire plus et mieux. Ce changement, acclr par la grande pidmie de peste qui sest tendue toute lEurope au quatorzime sicle, rarfie la mainduvre, entrane une augmentation des salaires, et, terme, une revalorisation du travail. Plusieurs facteurs jouent donc simultanment et progressivement pour passer dun travail obligatoire li au servage un travail salari fond sur lchange et lacquisition de biens de consommation (7). Enfin, lexplosion de lactivit conomique qui caractrise le dveloppement du capitalisme a t accompagne, peut-tre prcde, et srement favorise, par le dveloppement de lthique protestante dcrite

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INTRODUCTION

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par Weber (8). Weber oppose deux attitudes qui valorisent soit le fait de travailler plus et den tirer des satisfactions supplmentaires, soit la possibilit davoir plus de temps libre, en travaillant le minimum requis pour assurer ses besoins. Et il ajoute que pour dvelopper la productivit en accroissant lnergie consacre au travail, il faut bouleverser les valeurs et faire en sorte que le travail ait du prix par lui-mme. Le travail nest pas seulement une ncessit, mais avant tout une conduite vertueuse, faite pour servir Dieu et pour sauver son me ; le travail est bon en lui-mme, cest un devoir social qui sert dossature la socit et la morale, et quil faut opposer loisivet, mre de tous les vices. Cette valorisation du travail a bien des consquences. Le travailleur acquiert une nouvelle dignit et loisif est condamn. Il justifie la proprit, mais pas les dpenses extravagantes. La pauvret est le signe de la dfaveur divine ; lambition est une qualit, le succs et la richesse sont les marques de lapprobation divine. Surtout, la productivit, leffort maximum, de longues heures de travail, la volont de travailler aussi bien que possible et dy consacrer le maximum de son temps, la loyaut envers sa profession et son entreprise reprsentent des vertus fondamentales. Sans vouloir poursuivre plus avant cette rapide rtrospective des formes diverses de la motivation au travail, force est de reconnatre le lien qui existe entre les ressorts individuels de la motivation, les mthodes qui permettent de les stimuler et les valeurs, lidologie, les reprsentations dominantes, bref la culture du travail. Observation particulirement importante une poque o dune part, cette idologie est trs varie dans les diffrentes parties du monde actuellement ouvertes la comptition et, o, dautre part, les conditions socio-conomiques du travail changent considrablement et rapidement. Les activits de services remplacent en partie les activits de production. Le niveau de formation requis saccrot. Les relations entre rles fminins et masculins changent aussi bien dans le travail que hors du travail. La structure des grandes organisations se modifie rapidement et les conditions mmes du travail se diversifient dune manire qui tait inimaginable il y a quelques annes... Nous sommes un tournant significatif de la culture du travail et les stratgies motivationnelles doivent, et devront de plus en plus sadapter un nouveau monde du travail.

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LA MOTIVATION AU TRAVAIL

On peut rsumer cette introduction en quatre propositions : 1) La comptition se joue lchelle mondiale. La productivit et la qualit y ont un rle central. De ce fait, la motivation des hommes au travail reprsente un facteur capital de la russite des entreprises. 2) La signification du travail et son caractre dobligation sont tributaires de la culture, des structures sociales, et des ralits conomiques. Limplication et la motivation ne peuvent donc tre obtenues partout et toujours par les mmes moyens. 3) Les thories et les mthodes utilises par les chefs dentreprise et les cadres pour stimuler la motivation datent de quarante ans, alors que les conditions de travail, la nature du travail et des comptences ncessaires ainsi que le contexte socio-conomique ont profondment chang et changent encore. 4) Lanalyse thorique des motivations, comme le bilan des diverses stratgies motivationnelles ont fait lobjet de recherches surtout ralises dans les pays anglo-saxons. Leurs rsultats permettent de mieux comprendre les processus complexes qui dterminent la motivation,- et donc de mieux analyser les situations afin de choisir des solutions adaptes. 5) Il ne faut pas accepter sans examen les ides rpandues sur la motivation et, notamment, la conception dcrite par Mac Gregor sous le nom de thorie X selon laquelle les individus seraient, dans leur majorit, dnus dambition, peu motivs, pas concerns par les objectifs de lorganisation dans laquelle ils travaillent et opposs tout changement. Ces remarques justifient le plan de ce livre.U.S. or applicable copyright law.

Dans une premire partie, nous essayerons de dcrire les modles et les thories de la motivation, en diffrenciant les hypothses dmontres de celles qui se sont, lexprience, rvles fausses ou trop sommaires. Ces thories seront regroupes en trois chapitres, portant respectivement sur les besoins comme dterminants de la motivation, le rle essentiel du fonctionnement cognitif dans les processus

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INTRODUCTION

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motivationnels, la motivation vue comme un phnomne dauto-rgulation vers un objectif dfini. Nous tenterons, en conclusion de cette premire partie, de faire la synthse des diffrentes pices du puzzle, synthse justifie par le fait que chacun de ces modles nenvisage, en ralit, quune partie des phnomnes qui constituent la motivation et quils se compltent donc en ce sens quaucun na t compltement strile. Une deuxime partie sera consacre aux stratgies motivationnelles. Le passage des analyses thoriques lapplication pratique est ncessaire. On ne saurait trop le rpter : quil sagisse de stratgies motivationnelles, de mthodes dvaluation des aptitudes, ou doutils de formation, il est ncessaire de savoir sur quelle base thorique ils sappuient et de disposer de preuves empiriques. Mais cela nest pas facile. Dabord, parce que les questions que se posent les gestionnaires des ressources humaines sinscrivent dans le cadre de conceptions opposes des causes de la motivation. Ou bien lide prvaut que la motivation est, avant tout, une qualit individuelle, qualit qui opposerait des paresseux des nergiques, et, dans ce cas, le problme pratique consisterait, avant tout, bien choisir des individus motivs, en utilisant des outils de diagnostic similaires ceux qui permettent dvaluer lintelligence ou la sociabilit, par exemple. Ou bien on juge que cest lenvironnement organisationnel qui dtermine la motivation, donc que tout le monde peut-tre motiv par un climat organisationnel et un style de leadership adquat, et le problme central consiste alors sefforcer didentifier les facteurs environnementaux susceptibles de relancer et de soutenir leffort individuel. Ensuite, parce quil nexiste pas une correspondance terme terme entre telle formulation thorique et telle mthode de terrain. Certes, il y a des postulats qui semblent appeler logiquement des stratgies motivationnelles. Par exemple, si on affirme a priori et avec de bonnes intentions que le travail nest plus motivant parce quil est alinant, la logique veut quon cherche lenrichir pour le rendre nouveau motivant. Cest prcisment ce type de raisonnement qui nous semble dangereux, et cela pour plusieurs raisons. Parce que mme sil est possible

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LA MOTIVATION AU TRAVAIL

quun travail spcifique soit alinant et que cet tat de choses dmotive, encore faut-il sen assurer dans chaque cas. Et surtout parce que si nous ne sommes pas capables de comprendre en quoi le travail aline et pourquoi cette alination se traduit par une dmotivation, nous ne serons pas non plus en mesure dy remdier adquatement, sauf oprer laveugle, par essais et erreurs. Cest pourquoi la seconde partie de cet ouvrage nest pas le symtrique de la premire, chaque position thorique justifiant un groupe de solutions de terrains auquel elle correspond troitement. En fait, chacune des mthodes, voire des recettes prsentes comme susceptibles de stimuler la motivation au travail doit tre examine la lumire de lensemble de ce que nous savons sur les processus motivationnels. Aussi avons-nous tent dexaminer les approches concrtes qui ont la motivation pour objectif en tenant compte aussi bien des bilans empiriques que des fondements thoriques qui les expliquent, et avec le souci dintgrer thorie et pratique. Ceci sans ngliger, dans toute la mesure du possible, ce qui caractrise le monde du travail aujourdhui et ce quon peut prvoir de son volution.

Rfrences cites1. Progrs du Management, juillet 1993, n 13, p. 6-9. 2. P. Warr (1987), Work unemployment and mental health, Oxford, Clarendon Press. 3. Rappelons quelques dates : A.H. Maslow (1954), Motivation and personality, New York, Harper & Row ; F. Herzberg, L.B. Mausner, B. Snyderman (1959), The motivation to work, New York, Wiley ; D. Mc Gregor (1960), The human side of enterprise, New York, Mc Graw Hill ; R. Likert (1961), New patterns of management, New York, Mc Graw Hill. Les recherches effectues dans les usines Hawthorne de la Western Electric ont dbut en 1923 et se sont poursuivies jusquau dbut des annes 30. Le livre qui les relate (F.J. Roethlisberger et W.J. Dickson, Management and the worker) a t publi par Harvard University Press en 1939. 4. G. Hofstede (1980), Culture consequences : international differences in work related values, Londres, Sage ; M. Erez, P.C. Earley (1993), Culture, self-identity and work, Oxford, Oxford University Press. 5. C. Lvy-Leboyer, M. Gosse, P. Lidvan, D. Martin, Reprsentation des activits de travail et des activits hors travail, Revue Internationale de Psychologie sociale, 1989, 3, 3, 357-382. 6. P.D. Anthony (1977), The ideology of work, Londres, Tavistock Publications. 7. C. Moss (1969), The ancient world at work, New York, Chatto et Windus. 8. M. Weber (1905), Die Protestantische Ethic une der Geist des Kapitalismus, Archiv fr Sozialwissenschaft und Sozialpolitik, 20, 1-54 ; (1967) The protestant ethic and the spirit of capitalism, Londres, Allen and Unwin.

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premire partie

Modles thoriques

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INTRODUCTION LA PREMIRE PARTIE

Pourquoi des modles thoriques ?

Mme si la premire partie sintitule Modles thoriques, lobjet de ce livre nest pas de prsenter abstraitement des thories de la motivation, avec lide den discuter le bien-fond de manire acadmique. Deux raisons, cependant, mont incite commencer par une approche thorique. La premire tient au fait que ces modles, dcrits par leurs auteurs de manire persuasive, ont souvent sduit les responsables des ressources humaines, parce quils ont eu intuitivement le sentiment que tel ou tel modle correspondait la ralit de leur vcu quotidien. Do un hiatus entre une dmarche scientifique qui analyse les faits pour proposer des modles hypothtiques et tenter de les vrifier exprimentalement, et la popularit souvent mdiatique dune thorie expose sans souci de validation exprimentale. Cest le cas de la pyramide de Maslow qui propose une classification des besoins que le travail est susceptible de satisfaire, assortie de lide que ces besoins sorganisent hirarchiquement, avec une priorit pour les plus essentiels, mais une place tout en haut pour ces besoins de luxe qui correspondent la ralisation de soi-mme. Et qui est complte par lide apparemment vidente quun besoin satisfait perd son pouvoir motivant. Tout cela semble simple et vrai... mais est loin dtre dmontr. Il ma donc sembl utile non seulement de faire le point sur les modles de motivation au travail actuellement disponibles, mais galement de rsumer les rsultats des nombreuses recherches quils ont suscites, et de dgager ce

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LA MOTIVATION AU TRAVAIL

quon peut en retenir par opposition ce qui na pas rsist lexprimentation. La seconde raison vient des relations troites qui devraient exister entre modles de motivation et pratiques de terrain destines stimuler la motivation. On peut, en effet, se contenter, pour justifier une mthode, de constater son efficacit. Mais vienne cette efficacit diminuer ou mme disparatre, rien ne permettra dexpliquer pourquoi il en est ainsi, si on ne sait pas quels processus ont t mis en uvre par les pratiques utilises. Ce sont, prcisment, les modles thoriques qui permettent de savoir quels cheminements complexes expliquent lefficacit des diffrentes stratgies. En ralit, mme le fait de constater lefficacit dune stratgie motivante nest pas une dmarche simple et qui peut chapper la rflexion thorique. Efficace sur quoi ? Pour sinterroger valablement, il faut tre capable de prciser ce quon cherche obtenir (la performance), et galement, connatre les dterminants de la performance qui nentrent pas dans la sphre motivationnelle. De trs nombreux travaux et des centaines de publications ont t consacrs la mesure des aptitudes, la description de la personnalit, la nature des intrts, mais la structure et le contenu des performances ont laiss les psychologues relativement indiffrents. Cest pourtant ce quils cherchent prdire, quand il sagit de slection, ou mesurer quand ils veulent dcrire les effets dune mthode de management. Campbell a rcemment propos une description de la performance et de ses dterminants. La performance est essentiellement constitue par une srie de comportements et dactivits, accomplis par les membres de toute organisation et troitement tributaires des objectifs de cette organisation (1). Mais deux points font de la performance une variable difficile analyser : 1- Tout poste de travail est complexe et comprend de nombreuses performances diffrentes ; 2- Les comportements et les activits qui la composent ne sont pas toujours observables directement.

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POURQUOI DES MODLES THORIQUES ?

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Ainsi le travail de lingnieur exige que de nombreuses activits soient mises en uvre pour remplir les missions qui lui ont t assignes. Il utilisera, par exemple, ses capacits cognitives pour rsoudre des quations complexes ; mais nous ne pourrons que juger du rsultat, savoir, la solution produite et son efficacit par rapport aux objectifs dfinis par lorganisation. On doit donc distinguer la nature dune performance de la valeur de ses rsultats pour lorganisation, et prendre en compte le fait quune activit volontaire et qui atteint ses buts peut ne pas tre celle qui est souhaite par lorganisation. Revenons ce qui dtermine la performance. Campbell propose de distinguer trois groupes de dterminants : les connaissances dclaratives, les connaissances procdurales et la motivation. Au-del du vocabulaire qui peut sembler barbare, de quoi sagit-il ? De diffrencier ce quon appelle savoir, comptences et motivation. Le savoir, ou connaissances dclaratives, concerne toutes les connaissances ncessaires pour accomplir une tche donne, par exemple, connaissances en langues trangres, en mcanique, en droit... Ces connaissances sont dites dclaratives parce quelles peuvent faire lobjet dexposs crits, voire de manuels. Ce qui nest pas le cas des connaissances procdurales qui concernent le savoirfaire, et contrlent lactivit cognitive, lactivit psycho-motrice, les relations inter-personnelles aussi bien que la capacit se manager soimme. Il sagit bien l dexpriences acquises, qui peuvent tre mises en uvre lorsque les circonstances lexigent, mais qui se prtent plus des dmonstrations qu des exposs ou des manuels. Reste la motivation. Ce qui revient dire quelle rassemble les dterminants de la performance qui ne sont ni des connaissances dclaratives ni des connaissances procdurales. Il ne sagit pas pour autant dun phnomne simple, et, encore moins, dun processus directement observable. Mais on peut le dcomposer en trois tapes qui se dfinissent dans le cadre des actions visant la poursuite dun rsultat donn, donc dune performance : 1) le choix de lobjectif ou encore lacceptation par lindividu dun objectif qui lui est assign ; 2) la dcision, souvent implicite, qui concerne lintensit de leffort que cet individu va consacrer atteindre cet objectif ;

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LA MOTIVATION AU TRAVAIL

et 3) la persvrance dans leffort au fur et mesure quil se droule et en fonction des retours dinformation sur ses rsultats par rapport lobjectif atteindre. En dautres termes, tre motiv, cest essentiellement avoir un objectif, dcider de faire un effort pour latteindre et persvrer dans cet effort jusqu ce que le but soit atteint. La motivation est donc, par dfinition, un concept multidimensionnel puisquil fait appel aux notions de direction (lobjectif), dintensit (le degr de leffort) et de dure (la poursuite de leffort). Do plusieurs difficults. Tout dabord, mesurer directement la motivation est une gageure et, le plus souvent, seule lintensit de leffort est prise en compte. Par ailleurs, les modles thoriques que nous verrons dans la premire partie ne tiennent pas toujours compte de ces trois aspects. Lorsquon veut valuer les rsultats de la motivation, on ne peut que mesurer ses rsultats, savoir la performance qui en rsulte. Mais toute performance nest pas seulement tributaire de la motivation. Les aptitudes, les connaissances, et beaucoup de facteurs environnementaux jouent galement un rle dterminant, ce qui rend difficile la validation des modles thoriques de la motivation. La qualit dun modle thorique, dans le domaine des sciences sociales, est lie aussi bien au fait quil est correctement dmontr, quau fait quil est applicable. Mais la complexit des phnomnes de motivation apporte deux contraintes supplmentaires. Dune part, un modle thorique de la motivation ne peut pas sappliquer tous les environnements, ni tous les individus, do la ncessit de tenir compte de variables contextuelles et de paramtres individuels. Dautre part, lobligation de poser, leur sujet, non pas une seule question, mais une srie de questions qui sont prcisment celles auxquelles les diffrents modles thoriques tentent de rpondre, savoir : 1) Comment sont choisis les buts ? Comment expliquer la diversit des buts que sassignent diffrents individus ? Quest-ce-qui fait quon accepte, ou pas, un objectif dfini par sa hirarchie ? 2) Quest-ce qui cause limplication vis--vis du but ? En dautres termes, pourquoi dcide-t-on de sefforcer mollement atteindre tel ou tel but, mais ardemment poursuivre un autre objectif ? Groupe Eyrolles EBSCO Publishing : eBook Collection (Preview) - printed on 3/30/2011 11:02 AM via NATIONAL TAIPEI UNIV 9782212860856 ; Levy-Leboyer, Claude.; motivation au travail : modeles et strategies Account: s6620973

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3) Quest-ce qui fait renoncer, ou au contraire, persvrer dans leffort ? Quel est le rle, de ce point de vue, des informations sur les premiers rsultats ? Le simple nonc de ces questions permet de pressentir que les rponses qui seront prsentes dans les chapitres qui suivent, seront forcment complexes. Elles devront, en effet, faire appel : la psychologie des diffrences individuelles, parce que les motivations individuelles sont diffrentes et que ces diffrences ne peuvent pas tre sans lien avec ce qui fait la singularit de chacun, notamment en ce qui concerne la personnalit ; aux analyses du fonctionnement cognitif, parce que cest ce qui permet de traiter les informations obtenues en cours de route sur les rsultats de leffort dj accompli ; la psychologie sociale, parce quelle rend compte du fonctionnement des rseaux sociaux, de la manire dont des valeurs diffrentes sont attribues aux diffrents buts et aux rsultats obtenus, et quelle tudie les acquisitions qui sont le fruit de lexprience, parce que ce sont les expriences antrieures qui faonnent les attentes et les espoirs de chacun. Ces trois points justifient le plan adopt pour cette partie. Le premier chapitre concerne essentiellement les aspects affectifs qui diffrencient les individus entre eux et expliquent leur motivation. Le chapitre deux introduit les modles cognitifs qui reconstituent la logique des choix individuels. Le chapitre trois est plus actuel. En effet, modles affectifs et cognitifs sintressent ce qui explique les efforts raliss pour optimiser les rsultats du travail, alors que les conditions conomiques et techniques actuelles donnent de limportance aux comportements innovatifs qui dpassent les strictes exigences des rles professionnels.Rfrence cite1. J.P. Campbell (1990), Modeling the performance prediction problem in industrial and organizational psychology, chapitre 12, volume 1, in M. D. Dunnette, L. M. Hough, Handbook of Industrial and Organizational Psychology, Consulting Psychologists Press, Palo Alto, 2e dition. Groupe Eyrolles EBSCO Publishing : eBook Collection (Preview) - printed on 3/30/2011 11:02 AM via NATIONAL TAIPEI UNIV 9782212860856 ; Levy-Leboyer, Claude.; motivation au travail : modeles et strategies Account: s6620973

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Chapitre 1

La motivation, force interne ?

Le concept mme de motivation oppose lactivit linertie... heureuse : ou bien vous navez besoin de rien, et vous profitez dtendu, de cette plnitude - ou bien vous ressentez un besoin impratif et vous vous mettez en mouvement pour le satisfaire. De fait, les thories dites du besoin ont toutes une base commune : lide quil existe une force interne, une tension intrieure, qui pousse chacun dentre nous chercher la satisfaction des besoins quil ressent. Plus ces besoins sont aigus, moins ils sont satisfaits, plus ils nous conduisent agir pour rduire ce dcalage entre ce que nous souhaitons et ce que nous avons. Dans cette perspective, la motivation ne serait alors que lensemble dactivits dployes pour obtenir que nos besoins soient combls ; et cette conception sappliquerait aussi bien aux comportements les plus lmentaires quaux conduites complexes de lhomme au travail. Si cette dfinition de la motivation au travail savre pertinente, ses applications coulent de source : connatre les besoins des membres de son personnel, cest savoir comment les motiver. Do le dveloppement logique des thories du besoin qui a consist proposer des inventaires de besoins ainsi que des mthodes permettant dvaluer leur force motivante. En fait, partir de cette ide simple selon laquelle cest le vide combler, le manque de satisfaction, qui mettent en mouvement, la notion mme de besoin et la manire dont on peut concevoir le rle des besoins comme agents motivateurs ont considrablement volu.

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LA MOTIVATION AU TRAVAIL

Les premiers modles thoriques proposs, ceux de Maslow et dAlderfer (1), ne donnent aucune dfinition prcise de cette force intrieure ni de ce qui la diffrencie de la volont proprement dite. En revanche, ils proposent une liste des besoins susceptibles dalimenter la motivation au travail. Surtout, ils suggrent des rponses trois questions qui correspondent bien celles qui se posent sur le terrain : Comment expliquer que les besoins ne soient pas universels et que chacun dentre nous soit mis en mouvement par la recherche de satisfactions spcifiques ? Comment savoir quelle satisfaction mobilise tel ou tel dentre nous, un moment donn ? Existe-t-il une hirarchie dimportance des besoins qui corresponde des valeurs universelles et qui soit, de ce fait, observable chez tous les tre humains ? Trois courants thoriques ont propos des rponses de plus en plus sophistiques ces questions. Un premier groupe de modles dfinit tout travail professionnel comme un change entre les rsultats de leffort accompli par lindividu et les rcompenses que lui donnent lorganisation. Avec lide que le systme ne marche que si lchange correspond bien aux besoins que lindividu cherche satisfaire. Un second groupe de thories, dveloppes indpendamment les unes des autres, met laccent sur certains besoins qui reprsenteraient des sources spcifiques de motivation au travail, quil sagisse du besoin de pouvoir et du besoin de russir analyss par Murray (2) et par McClelland (3), ou dun ensemble de besoins dont limportance est souligne par Herzberg (4) et qui trouvent leur satisfaction dans lexercice du travail lui-mme. Cette focalisation sur le contenu motivant du travail, par opposition au contexte,- donc lchange travail-rcompense ouvre la voie, la suite de Deci (5), des analyses plus dtailles du rle de ce quon appelle la motivation interne, par opposition la motivation externe. Ces thories sont gnralistes, en ce sens quelles proposent des schmas de la motivation qui fonctionneraient de la mme manire pour tous les individus, et galement dans toutes les organisations, dans

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toutes les cultures comme dans tous les secteurs du monde du travail. Pourtant limportance des diffrences individuelles et lide que les situations de travail diffrent entre elles reprsentent une donne centrale de la psychologie du travail. Voici, en effet, plus de vingt ans que les psychologues dfinissent des styles de leadership adapts aux caractristiques des organisations et aux situations spcifiques du travail, et quils choisissent des outils de slection en fonction dune analyse prcise des qualits requises par chaque poste pourvoir. Il est donc lgitime de se poser une nouvelle question sur les besoins comme source de motivation. Les situations, donc les caractristiques des postes et des organisations, ainsi que le style de management dominant fournissent-ils aux individus des possibilits diffrentes de satisfaire leurs besoins, de sorte quil serait souhaitable de rechercher une adquation entre la hirarchie de besoins propre chacun, dune part, les situations et les ressources organisationnelles, dautre part ? En dautres termes, y a-t-il un fit entre les caractristiques individuelles et les caractristiques organisationnelles ? Miner, dont le modle sera prsent la fin de ce chapitre, a dfendu lide quil existe des motivations jouer un rle, motivations qui conditionnent la russite professionnelle dans des contextes et pour des mtiers diffrents (6). En outre, il a dvelopp un outil diagnostic permettant de mesurer limportance, chez chaque individu, du dsir de jouer le rle requis par tel ou tel poste, afin dvaluer le degr dadquation entre ses motivations et ce quattend de lui lorganisation. Cette volution des ides et des thories concernant le rle des besoins dans la motivation au travail est donc marque par de profonds remaniements. Le vocabulaire lui-mme a chang : on ne parle plus de besoins, mais plutt de valeurs et de motifs. Par contre, lide mme que ces motifs jouent un rle important dans les processus motivationnels subsiste et sous-tend bien des pratiques motivationnelles. Passer en revue, comme nous allons le faire, les modles thoriques qui mettent en jeu la notion de besoin et son volution possde donc bien plus quun intrt historique. Il ne sagit pas, en effet, de faire lhistoire du concept de besoin, mais de prciser la nature des principaux modles thoriques qui sont fonds sur ce concept, et danalyser les documents que nous possdons sur leur validit. Nous prsenterons successive-

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LA MOTIVATION AU TRAVAIL

ment les modles de Maslow et de Alderfer, puis lapport de Murray et celui de Herzberg, connu sous le nom de modle bi-factoriel parce quil introduit une distinction entre contexte et contenu du travail. Cette importante distinction est reprise par Deci qui a analys de manire novatrice les relations entre motivation interne et externe, et la manire dont elles se cumulent ou se nuisent mutuellement. Enfin, les travaux de Miner sur les motivations jouer des rles apporteront une ouverture diffrente, centre sur ladquation entre les aspirations individuelles et la nature des fonctions dans chaque organisation. Restera envisager avec les contributions de Ronen une typologie des besoins qui ouvre la voie aux comparaisons inter-culturelles.

LE MODLE HIRARCHIQUE DE MASLOW Le modle hirarchique des besoins, d Abraham Maslow (1) est srement le plus connu en France. En fait, Maslow ne sest intress la motivation au travail qu la fin de sa carrire, et ce sont, en ralit, des psychologues du travail qui ont appliqu ses propositions thoriques aux problmes de la motivation dans les organisations. Le propos de Maslow tait de montrer que la trame de toute vie humaine est constitue par la qute incessante de nouvelles satisfactions concernant ceux de nos besoins non exaucs. En dautres termes, lensemble de nos conduites serait guid par la satisfaction de besoins qui caractrisent tous les tres humains et qui sont donc instinctifs, biologiques et fondamentaux. Maslow distingue cinq groupes de besoins : besoins physiologiques, qui visent assurer la survie, le gte et le couvert ; besoin de scurit, dtre protg contre toute menace ou danger ; besoins sociaux, appartenir des groupes, avoir des amis, tre en position de recevoir laffection des autres ; besoin destime, dtre apprci et respect par les autres et besoin de se raliser, de devenir de plus en plus ce quon est, de devenir tout ce quon est capable dtre, selon lexpression de Maslow lui-mme (7). Et le besoin de se raliser peut se concrtiser diffremment selon les individus, pour les uns, par exemple, travers leur russite professionnelle, pour dautres, en tant que pre ou mre de famille, pour dautres encore, travers des activits caritatives.

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Loriginalit du modle de Maslow concerne la manire dont il prsente les liens qui existeraient entre ces diffrents besoins sous la forme dune pyramide. A la base, les besoins physiologiques, ensuite, les besoins de scurit qui constituent ensemble les besoins fondamentaux. Puis, dans un ordre croissant, les besoins sociaux, destime et, tout en haut de la hirarchie, lactualisation de soi. Cette structure pyramidale permet de concrtiser lide selon laquelle chaque besoin est motivant jusqu ce quil soit satisfait, et cde alors son tour au besoin suivant, en allant vers le sommet de la pyramide. Lintrt dune telle conception vient de ce quelle concilie lexistence de diffrences entre les individus parce que leurs besoins sont situs un niveau ingal de la pyramide, avec lexistence de besoins fondamentaux identiques et organiss selon la mme squence pour tous. Le modle de Maslow repose donc sur trois hypothses : 1) Tout comportement est dtermin par la recherche de satisfactions concernant un des besoins fondamentaux. 2) Tous les individus commencent par chercher satisfaire les besoins les plus lmentaires et ne passent au besoin suivant, dans lordre hirarchique, quune fois satisfait le besoin situ plus bas. De ce fait, il existe une relation ngative entre la force motivante dun besoin et son degr de satisfaction et entre la satisfaction dun besoin et la force motivante de celui qui se trouve plus haut dans la hirarchie. 3) Les besoins fondamentaux, ceux de premier niveau, ont une priorit absolue sur tous les autres. Ce qui explique quun nombre plus restreint de personnes se trouve mobilis par la satisfaction des besoins de niveau lev, en particulier par la ralisation de soi. De toutes manires, ce besoin, le plus haut de la hirarchie, nest jamais compltement satisfait. Comment peut-on appliquer ce modle hirarchique aux situations de travail ? Ceux qui ont un salaire insuffisant ou qui ont le sentiment de ne pas avoir assez de scurit dans leur emploi vont chercher avant toute autre chose satisfaire ces besoins fondamentaux. Inutile de

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tenter de les mobiliser en leur offrant, par exemple, la possibilit daccrotre leur estime de soi. Par contre, ceux qui ont russi obtenir de quoi vivre dcemment, eux et leur famille, vont attacher de plus en plus dimportance aux relations inter-personnelles, aux marques destime, voire, ensuite, aux occasions dacqurir des comptences et de les utiliser pleinement. De mme, on peut supposer que, en montant dans la hirarchie, les cadres seront mis en mouvement par des ressorts diffrents en ce sens quils vont chercher satisfaire des besoins dordre plus lev. Bref, ce modle, sil se vrifiait, fournirait une manire ingnieuse de concilier lexistence de besoins identiques pour tous et de sources de motivation diffrentes pour chacun, en fonction de sa situation personnelle. Mais il ne suffit pas quune thorie soit ingnieuse pour quelle soit valide. Et le bilan exprimental est trs ngatif. Les trs nombreuses recherches effectues dans les annes 70 nont pas prouv que cinq besoins indpendants les uns des autres suffisent faire le tour des sources de la motivation au travail. Aucune non plus na vrifi la corrlation ngative quimplique le modle de Maslow entre la force dun besoin et sa satisfaction ; aucune, enfin, na confirm lexistence dune structure hirarchique des besoins. Il faut pourtant rendre justice Maslow. Tout dabord, le modle quil propose a souvent t dcrit dune manire trop simpliste, rendue encore plus schmatique par le recours un dessin de la pyramide. Le modle est trop souvent interprt comme si un moment donn toute lnergie individuelle ntait rgie que par la satisfaction dun besoin, et un seul, et comme si cet tat de dpendance continuait jusqu ce que le besoin soit combl. En ralit, Maslow dcrit tous les comportements comme relevant de plusieurs sources de motivation et chaque besoin comme tant partiellement satisfait, donc plus ou moins source de motivation. Par ailleurs, Maslow na jamais rellement voulu proposer un modle de motivation destin tre test exprimentalement ; et il a seulement utilis son exprience clinique ainsi que ses rflexions personnelles pour laborer une conception philosophique de la nature humaine. En fait, laccent mis sur le besoin de se raliser, qui ne ferait surface quune fois tous les autres besoins satisfaits reprsente sa

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contribution majeure. Do lapparente imprcision de son modle thorique. En effet, avant de fonder une stratgie motivationnelle sur les ides de Maslow, il aurait fallu apporter des rponses qui manquent et qui rendraient la thorie vrifiable. Sur quelle chelle de temps se dploie la hirarchie ? Comment, concrtement, passe-t-on dun besoin un autre ? Est-ce quil est possible de monter et galement de descendre les chelons de la hirarchie ? Il faudrait aussi, plus concrtement, rconcilier ce modle avec des faits facilement observables. Comment, par exemple, penser que les besoins physiologiques peuvent cesser dtre motivants alors quils se renouvellent constamment puisque nous avons besoin quotidiennement de nous nourrir et de nous vtir ? Comment accepter lide quun besoin satisfait disparat alors que nous pouvons observer la manire dont, par exemple, comme lont montr Hall et Nougaim (8), un premier succs vient relancer lambition et le dsir de russir encore plus, encore mieux ? Au total, il faut accorder Maslow le mrite davoir t le premier proposer une analyse des ressorts de la motivation, mais reconnatre que le modle quil propose, et qui ntait dailleurs pas conu pour tre appliqu aux situations professionnelles, ne permet pas dexpliquer comment se dveloppe la motivation au travail, ni de rendre compte des diffrences inter-individuelles concernant les sources et lintensit de la motivation.

LE MODLE E R G DALDERFER Le mme scepticisme sapplique une autre thorie des besoins, moins connue en France, et due Alderfer (1), et cela mme si cet auteur a tent dchapper aux critiques faites Maslow. Son modle diffre de celui de Maslow sur quatre points : Il limite le nombre des besoins trois qui donnent leur nom au modle : ERG pour Existence (ensemble des besoins matriels, y compris la recherche de scurit), Relatedness (ensemble des besoins sociaux, avoir des liens sociaux avec des personnes importantes pour soi, collgues, familles, amis...) et Growth (besoin de se

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dvelopper, et notamment de dvelopper et dutiliser les comptences quon possde). En outre, les trois besoins ne sont pas organiss en hirarchie mais sont aligns du plus concret (les besoins dexistence) au plus abstrait (les besoins de dveloppement personnel). De plus, les trois besoins peuvent trs bien tre actifs simultanment chez un mme individu ; et il nest pas ncessaire quun besoin soit satisfait pour quun autre besoin devienne motivant. Enfin, tout individu au travail est suppos se dplacer sur ce continuum, dans les deux sens, en allant soit vers le plus abstrait soit vers le plus concret. Par exemple, si quelquun narrive pas satisfaire son besoin de se dvelopper, il va vraisemblablement se reporter sur des besoins plus matriels. Le modle dAlderfer na pas fait lobjet de recherches aussi nombreuses que celui de Maslow, probablement parce que, malgr lintention de son auteur, les deux schmas partagent le mme dfaut, d limprcision de la notion mme de besoin. En outre, aucun des deux modles ne prcise sil est possible de crer des besoins, et ne permet daffirmer que certains besoins sont plus motivants que dautres, ce qui rendrait ceux qui en sont anims plus productifs et plus ardents au travail. Rien nautorise dire que le fait de passer dun besoin un autre entrane un changement de comportement dans le travail, ni comment on peut, sur le terrain, mesurer la force des besoins et leurs degrs de satisfaction, de manire ajuster une politique de personnel. Autant de questions sans rponses qui font que ces deux thories reprsentent des tapes intressantes, mais dpasses, de ltude de la motivation au travail. Le problme reste pos : le concept mme de besoin et la dfinition de la motivation comme la force visant le satisfaire suffisent-ils rendre compte de lensemble du processus motivationnel ?

LE MODLE DES BESOINS MANIFESTES DE MURRAY Une autre thorie fonde la motivation sur lexistence de besoins. Elle est due Murray (2) et elle a t considrablement dveloppe par

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Atkinson et par McClelland (3). Comme dans le schma de Maslow, les besoins sont, pour ces auteurs, les moteurs de la motivation ; mais la ressemblance sarrte l. Dune part, parce quil sagit de modles qui se concentrent sur un petit nombre de besoins trs spcifiques et dautre part, parce quils adoptent une vue beaucoup plus flexible de la motivation puisquils admettent quun individu peut tre anim simultanment par plusieurs besoins motivants, et que cest la force relative de ces divers besoins qui caractrise chacun dentre nous. Surtout, les besoins sont considrs comme acquis et pas inns, en ce sens quils sont activs par les contacts avec le milieu extrieur. En dautres termes, et contrairement ce qua cherch prouver Maslow pour qui les besoins sont universels, chaque individu pourrait tre caractris par une sorte de profil de besoins, profil susceptible dvoluer au fil des expriences, et besoins capables de dterminer les comportements. Bien que Murray ait distingu 20 besoins diffrents, quatre dentre eux ont t considrs, par lui-mme, puis par Atkinson et par Mc Clelland, comme rellement importants dans le cadre des comportements organisationnels,- les besoins de russir, daffiliation, dautonomie et de pouvoir. Le besoin de russir reprsenterait un facteur important du succs professionnel, notamment chez les cadres. Il implique, chez ceux qui en sont anims, un fort dsir dassumer des responsabilits, davoir un retour dinformation sur les rsultats obtenus et daffronter des risques de difficult moyenne. Ce dernier point est particulirement original parce quil est fond sur lide que le besoin de russir se combine presque toujours avec une forte crainte de lchec. Do le souhait chez ceux qui en sont anims, de se confronter des tches suffisamment difficiles pour quelles donnent, lorsquon les surmonte, le sentiment de russir, mais pas exagrment prilleuses, de manire ne pas avoir faire face un risque dchec trop important. McClelland a tent de montrer que cest lducation qui dveloppe, chez le jeune enfant, et chez ladolescent, le dsir de russir et que des sminaires de formation, quil a dailleurs essay dimplanter en Inde avec peu de succs, peuvent galement contribuer les stimuler chez ladulte.

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Le besoin daffiliation implique un fort dsir dtre accept par les membres dun groupe, parce que cela rassure et soutient, ainsi quune tendance au conformisme vis--vis de la culture de ce groupe et un intrt rel pour les opinions et les sentiments des autres. Les personnes qui sont animes par ce besoin seraient, plus que les autres, sensibilises par des environnements organisationnels bien structurs parce quils leur apportent le cadre et le soutien social quils recherchent. Le besoin dautonomie implique le dsir de travailler seul, son propre rythme, et sans tre gn par des rgles trop contraignantes. Les individus qui ont un fort besoin dautonomie sadapteraient mal aux conditions particulires la grande organisation traditionnelle. Le besoin de pouvoir concerne le dsir dinfluencer les autres, de les diriger et de contrler lenvironnement extrieur. McClelland diffrencie, sur ce point, deux orientations, lune vers les individus, dsir de dominer autrui sans forcment exercer une autorit institutionnelle et lautre vers les groupes, dsir davoir un rle de leader officialis par lorganisation. Pour sduisante que soit cette analyse, peu de recherches ont tent de la valider sur le terrain. On peut toutefois noter que Steers a observ une plus nette relation entre satisfaction et performance chez les cadres ayant un fort besoin de russir. Pour eux, le plaisir davoir russi serait une relle rcompense, en elle-mme (9). Il nen reste pas moins trs difficile de mesurer de manire fiable ces diffrents besoins, encore plus de dmontrer que les formations destines les stimuler sont rellement efficaces. Dune manire plus gnrale, la russite professionnelle dans des professions trs qualifies ou dans des postes appartenant des niveaux levs de la hirarchie est dtermine par un si grand nombre de facteurs,- aptitudes, personnalit, comptences...-, quil semble un peu puril daffirmer que ceux qui ont envie de russir russissent et que ceux qui souhaitent le pouvoir, lexercent bien... Ceci dit, linverse, qui peut tre vrai, reste dmontrer. Si on ne valorise pas la russite, pourquoi ferait-on des efforts pour latteindre ? Mais, mme dans ce cas, il faudrait mieux savoir comment se dveloppent lenvie de russir

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et le dsir de pouvoir. Les donnes existantes font penser que ce ne sont pas l simplement des caractristiques individuelles, mais plutt le rsultat dexpriences spcifiques auxquelles chacun ragit en fonction de sa personnalit et de ses valeurs propres. Une enqute effectue en France auprs de cadres dirigeants nous a permis de montrer que lambition professionnelle se construit au cours de la carrire, quelle sappuie sur les rsultats obtenus, notamment sur les premiers succs, et quelle dpend fortement des informations sur ses propres qualits et des marques destime que vous donnent les autres (10).

LE MODLE BI-FACTORIEL DES SATISFACTIONS DE HERZBERG Peu de thories ont fait couler autant dencre que le modle de Herzberg. Sagit-il uniquement dune mise en relation des motivations et des satisfactions au travail ? Quel rapport avec ltude des motivations ? Pour mieux le comprendre, il faut rappeler le postulat commun toutes les thories des besoins : cest leur non-satisfaction qui est source de motivation. Mais alors que Maslow, Alderfer, et Murray dfinissent les besoins par leur contenu, sans chercher les regrouper en catgories, Herzberg distingue deux types de besoins, ceux qui sont propres tous les tres vivants, et ceux qui sont particuliers lespce humaine. Et il postule que seuls ces derniers sont des motivateurs, alors que les autres, quil qualifie de besoins dhygine, seraient seulement susceptibles, ds quils sont pourvus, de rduire linsatisfaction. Lorsquon sait que le salaire et la politique du personnel font partie des besoins dhygine, il nest pas tonnant que le monde du travail ait prt une oreille attentive aux affirmations de Herzberg. Y avait-il l une source de motivation indpendante des traditionnelles rcompenses au mrite ? Sur quoi fonde-t-il sa thorie ? En faisant une analyse thmatique de bons et de mauvais souvenirs concernant la vie de travail quil a rcolts au moyen dentretiens, Herzberg diffrencie les vnements qui constituent la trame des mauvais souvenirs de ceux qui constituent lessentiel des bons souvenirs. Ce qui lui permet dopposer les sources de motivation ce quil dfinit comme de simples remdes linsatisfaction,- do le nom du modle bi-factoriel (4). Ces sources de

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motivation que Herzberg nomme des motivateurs sont lies au contenu des tches, cest--dire au fait dassumer des responsabilits, la russite, la promotion, lintrt pour le travail lui-mme, lautonomie, aux dfis surmonts. Alors que les remdes linsatisfaction, les facteurs dhygine concernent ce que Herzberg rassemble sous le nom de contexte du travail,- essentiellement le salaire, la scurit, les relations avec les collgues, les conditions matrielles du travail et la politique de gestion des ressources humaines qui caractrise lentreprise. Limplication pratique de ce modle est claire. On devrait pouvoir stimuler la motivation dun individu en accroissant le contenu significatif de sa tche, cest--dire en multipliant les responsabilits, les dfis surmonter, en accroissant son autonomie et en rendant les activits dont il est charg aussi intressantes que possible. En dautres termes, il faut savoir utiliser les vrais ressorts de la motivation, ceux qui concernent la nature mme du travail et pas, comme on lavait cru jusqualors, lchange entre un travail et des rcompenses externes, change qui peut peut-tre rduire linsatisfaction mais pas exercer de fonction motivante. Le modle de Herzberg a connu un long et fort succs auprs des chefs dentreprise, probablement cause de la simplicit de sa formulation, de son caractre original et du fait que ses conclusions recoupent certaines de nos intuitions. Personne, en effet, ne peut nier le plaisir tir du fait de russir une tche difficile, de se confronter avec succs un dfi, ou encore, davoir un travail intressant. Mais le modle bi-factoriel lui-mme a t lobjet de vives critiques, aussi bien sur le plan de la mthode utilise pour le fonder que sur labsence de preuves exprimentales. Rsumons ces objections. Tout dabord, des donnes rcoltes au cours dentretiens ne sont pas des faits objectifs, et les experts ne saccordent pas sur leur analyse. De plus, les souvenirs sont le rsultat dun travail cognitif slectif et pas un compte-rendu objectif de la ralit. En particulier, on a montr que lorsquune personne dcrit un vnement satisfaisant qui lui est arriv dans le pass, elle a tendance sen attribuer le mrite, alors quelle blme les autres en dcrivant une exprience

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dplaisante. Bref, les deux facteurs ne sont probablement que des artefacts dus la mthode employe. Ce qui explique quaucune recherche nait russi reproduire les rsultats de Herzberg ds lors quelle a utilis des mthodes diffrentes pour identifier les besoins et mesurer leur rle. Bien plus, toutes les recherches ultrieures montrent clairement que aussi bien les facteurs dits motivateurs que les facteurs dits dhygine contribuent la satisfaction et que tous constituent des sources potentielles