la mise en place de bad banks
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La mise en place de « bad banks » peut-elle
aider à résoudre la crise ?
Une bad bank est une structure publique, privée ou mixte qui prend en charge les actifs “pourris”
d’une ou plusieurs banques afin de liquider ces actifs en essayant de limiter les pertes, ce qui doit
permettre aux banques assainies de recommencer à prêter et/ou d’éviter la faillite. Plusieurs Etats y ont
eu recours par le passé, avec plus ou moins de succès. En nous penchant sur deux exemples éloquents
de réussite d’une part - la Resolution Trust Corporation aux Etats-Unis, et Securum et Retriva en
Suède- et d’échec d’autre part- le Consortium de Réalisation du Crédit Lyonnais en France et la
Resolution and Collection Corporation japonaise -, nous pouvons mettre en avant quelques facteurs-
clés ayant concouru à l’efficacité d’une telle structure :
- la qualité relative des actifs placés dans la bad bank;
- une structure disposant de l’autorité nécessaire pour contraindre les banques concernées à
agir ;
- une valorisation adéquate des actifs concernés ;
- des gestionnaires compétents, indépendants et motivés ;
- un fonctionnement transparent ;
- une durée de vie en adéquation avec la mission de liquidation ;
- l’ampleur limitée de la crise.
Fin 2008, la piste de la bad bank a été envisagée dans différents Etats. Les USA, l’Allemagne et
l’Irlande ont chacun proposé un modèle différent dont le tableau ci-dessous constitue une brève
comparaison :
USA Allemagne Irlande
Rôle de l’Etat Apport de fonds +
garanties
Garantie Financement complet
Répartition des risques entre
secteur public et secteur privé
Très limitée oui oui
Valorisation des actifs Enchères du secteur privé NA Dévalorisation jusqu’à 47%
Pénalisation des actionnaires
des banques
Non Oui Non
Notons que les modèles pris en compte pour cette étude sont ceux visant à sauver plusieurs banques et
non à venir en aide à une seule banque, comme ce fut le cas en Belgique pour Fortis.
Si l’on reprend les facteurs de succès décrits ci-dessus, force nous est de constater qu’ils ne sont que
partiellement présents dans les modèles proposés, comme le montre le tableau suivant :
USA Allemagne Irlande
Qualité relative des actifs ? oui oui
Autorité suffisante ? non oui
Valorisation correcte ? NA oui
Personnel adéquat non NA oui
Fonctionnement transparent non oui non
Durée de vie NA NA non
Ampleur de la crise Très importante Très importante Très importante
Bilan Rien de concret Très mitigé En cours sans convaincre
Quels que soient les choix opérés, ces modèles n’ont pas convaincu et ont parfois même été moins
bien perçus qu’une nationalisation pure et simple des banques concernées.
En conclusion : vu l’efficacité avec laquelle certaines bad banks ont permis de venir à bout de
précédentes crises, il est logique qu’une structure similaire ait été envisagée pour endiguer la crise
actuelle. Le problème, c’est que nous sommes face à une crise tout à fait spécifique qui a frappé de
plein fouet l’ensemble du globe et qui ne permet plus de miser sur les atouts des structures
précédentes, vu le climat d’incertitude. Les actifs toxiques ou non performants sont des produits
complexes, bien plus difficiles à évaluer que lors de précédentes crises. Les tentatives de valorisation
relancent le débat sur le renflouement des banques par l’Etat alors que la création de bad banks devait
précisément y mettre un terme. La solution des bad banks s’est surtout révélée efficace dans le passé
pour des banques déjà nationalisées ou en faillite, où les gestionnaires pouvaient prendre toutes les
décisions qui s’imposaient dans l’intérêt public en vue de rétablir la situation économique.
Actuellement, vu l’incertitude qui règne, les Etats n’ont pas la possibilité de se montrer aussi sévères
et, s’il s’agit certes également de rétablir la situation économique, le but est d’éviter au maximum
faillites et nationalisations.
Dès lors, s’il est peut-être présomptueux d’affirmer catégoriquement qu’une bad bank ne peut pas
contribuer à la résolution de la crise actuelle, nous sommes obligés de reconnaître que le bilan est
jusqu’ici plus que mitigé.
Marie Mélin