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Roberto J. Payró LA MER D’EAU DOUCE EL MAR DULCE (tome/tomo 1) Traduction : Bernard Goorden 1927 bibliothèque numérique romande ebooks-bnr.com

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Page 1: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

Roberto J. Payró

LA MER D’EAU DOUCE

EL MAR DULCE (tome/tomo 1)

Traduction : Bernard Goorden

1927

bibliothèque numérique romande

ebooks-bnr.com

Page 2: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

Table des matières

LA MER D’EAU DOUCE .......................................................... 5

PRÉFACE .................................................................................... 5

I LA PLUME ET LE BÂTON DE PÈLERIN ............................. 10

II PENDANT QUE L’ADVERSAIRE DORT ............................. 31

III REVIVANT LE PASSÉ ........................................................ 46

IV JUSQU’AU BOUT DU RÊVE .............................................. 57

V L’AMBASSADEUR DE MANUEL Ier .................................... 69

VI LA CONDESCENDANCE DE FERDINAND LE

CATHOLIQUE .......................................................................... 86

VII LA TACTIQUE DE SON ALTESSE ................................. 102

VIII REVANCHE DE SOLIS................................................... 119

IX UN ASPIRANT À LA GLOIRE ET À LA FORTUNE ......... 138

X AU TRAVAIL !.................................................................... 152

NOTES DU TRADUCTEUR ................................................... 171

TABLE DES ILLUSTRATIONS............................................... 182

EL MAR DULCE ................................................................... 187

PREFACIO .............................................................................. 187

I LA PLUMA Y LA BALLESTILLA ........................................ 192

II MIENTRAS DUERME EL ADVERSARIO .......................... 211

III VIVIENDO HACIA ATRAS ................................................ 225

IV HASTA QUE ACABA EL ENSUEÑO ................................ 235

V EL MINISTRO DE DOM MANOEL ................................... 246

VI LA CONDESCENDENCIA DE FERNANDO EL CATÓLICO261

VII LA TÁCTICA DE SU ALTEZA ........................................ 276

VIII DESQUITES DE SOLÍS .................................................. 291

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IX UN ASPIRANTE A LA GLORIA Y LA FORTUNA ............ 308

X ¡AL AVIO! ........................................................................... 321

NOTAS DEL TRADUCTOR AL FRANCÉS ............................ 339

FUENTES DE LAS ILUSTRACIONES .................................... 346

Ce livre numérique .............................................................. 351

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LA MER D’EAU DOUCE

PRÉFACE

« La Nación commencera à publier demain, sous forme de

feuilleton, la dernière œuvre de Roberto J. Payró, dont le titre

est El Mar Dulce (chronique romancée de la découverte du Río

de la Plata par Juan Díaz de Solís).

Le livre débute comme une de ces fines pluie de printemps

que la terre absorbe dès que les gouttes la touchent mais qui, en-

suite, si elles sont persistantes, vont peu à peu redoubler au point

de devenir abondantes, torrentielles et capables de faire déborder

les cours d’eau et d’inonder les champs.

Cette similitude a été peut-être la première qui nous soit ve-

nue à l’esprit, parce qu’elle fait partie de notre quotidien et est

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naturelle ; mais ce sera sans doute plus parlant si nous compa-

rons le développement de El Mar dulce à ces symphonies qui,

commençant sur un « pianissimo » des instruments à cordes, se

compliquent ensuite et augmentent en rythme jusqu’à atteindre

les sonorités maximales de la masse orchestrale.

Et c’est ainsi que devrait être l’« Opéra », si la musique ac-

compagnait et interprétait bien le « livret ». Le poème débute, un

paisible matin, par un dialogue paisible, dans la paisible ville de

Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le

chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

qui on entrevoit déjà l’âme du héros qui, après avoir mené à bien

une longue et risquée traversée, succombe dans la plus inattendue

et obscure des tragédies, en découvrant notre grand fleuve, que

lui baptisa « Mar Dulce » (« mer d’eau douce ») et qui, en fait, si

l’on était juste, devrait s’appeler Ensenada (baie) de Solís.

Dans les premières scènes de l’œuvre, on assiste aux prépa-

ratifs du grand voyage, auxquels donne un singulier intérêt

l’action en sous-main des Espagnols et des Portugais pour violer

la fameuse ligne de démarcation du traité de Tordesillas, telle-

ment mathématique et claire en apparence, fruit de discussions

casuistiques pour sa mise en pratique et son interprétation.

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Deux scènes, parmi d’autres, sont remarquables : la première

où Solís engage le rusé Andalou Diego García de Moguer et qui

nous met en contact réel, dirons-nous, avec quelques personnages

du drame ; et la seconde, peut-être la plus parfaite du livre, où la

rivalité hispano-lusitanienne d’alors est dépeinte dans des tons

sombres et avec la magistrale sobriété d’un Velázquez, scène où

est décrite l’entrevue de Solís avec l’ambassadeur du Portugal,

Vasconcelos. Admirables sont la lutte, le duel de ces deux

hommes, où Solís résiste autant avec intégrité qu’avec ironie aux

subtils artifices du diplomate, qui, usant de la flatterie et d’offres

tentantes voire de la menace, veut conquérir à tout prix le célèbre

pilote afin qu’il cesse de servir le Roi d’Espagne et se mette aux

ordres de son monarque.

Vient ensuite, et cela présente également un vif intérêt, toute

la partie du livre où nous voyons se livrer une autre lutte, de na-

ture très différente mais non moins passionnée que la précédente,

entre Juan Díaz de Solís et ces messieurs de la Casa de Contrata-

ción de Séville. Les mesquins subterfuges d’une bureaucratie, re-

courant à une paperasserie extrême, méfiante et autoritaire, qui

osait s’opposer même à la volonté absolue du roi, et la satisfac-

tion de Solís en humiliant ces fonctionnaires têtus et envieux, qui

ne l’appréciaient pas parce qu’il n’était pas une de leurs créa-

tures et qu’il ne se soumettait pas à leur capricieuse et stricte

autorité ; cela nous vaut des scènes caractéristiques et savou-

reuses.

Les préparatifs du voyage dans le port de Séville, au milieu

de la curiosité générale, et les commentaires populaires, variés et

drôles, avec l’entrée en scène d’un sympathique gamin, qui at-

teindra une certaine notoriété sous le nom de Francisco del Puer-

to ; les atterrages à Sanlúcar, à Lepe, et ensuite le départ pour la

grande aventure, constituent des pages pleines de charme pitto-

resque et de forte émotion.

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La traversée, avec une description, sans doute très proche de

la vérité, de la vie, parfois très pénible et toujours fort inconfor-

table, à bord des navires ; l’escale à Tenerife, qui devient pour

l’équipage, grâce à l’hospitalité des Canaries, une fête réjouis-

sante ; l’entrée et le séjour dans la baie de Guanabara (Brésil),

qui est prétexte d’une sobre et belle page descriptive, tout comme

l’arrivée à l’embouchure du prodigieux fleuve, que Solís pressent,

sans doute, plus qu’il ne découvre quand il en parle à ses compa-

gnons, alors qu’ils sont encore en plein océan, constituent de très

beaux chapitres, sur le fond desquels se détache la noble figure de

l’aumônier du bord, fray Buenaventura, grande et douce âme de

missionnaire chrétien, qui condamne les cruautés commises par

les conquistadores à l’encontre des indigènes et qui poursuit sans

faillir sa mission évangélique, malgré le peu de considération et

les moqueries avec lesquelles sa parole est reçue par ces hommes

cupides et inconsciemment cruels qu’il prétend instruire.

Et, enfin, après un repos sur le beau fleuve qu’ils ont appelé

« de los Patos » – aujourd’hui de Santa Lucía en Uruguay – la

tragédie inattendue qui met un terme douloureux, horrible, à une

aventure qui s’était déroulée jusqu’alors de la façon la plus heu-

reuse, même si la majorité de l’équipage était déçue de ne pas

accéder aux fabuleuses richesses qui l’avaient incité à entre-

prendre ce grand voyage.

Telle est, fort brièvement racontée, la nouvelle œuvre dont

Roberto J. Payró enrichit la littérature argentine.

C’est un beau, un noble livre, où vont de pair la vérité histo-

rique et la beauté littéraire, recherchées l’une comme l’autre avec

probité, sans plus de concessions à l’imagination que celles

qu’imposent les ornements des récits faits par les témoins ocu-

laires sous forme de journaux de bord, afin de dépeindre les at-

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mosphères, les choses ainsi que les traits caractéristiques et les

mouvements de la vie des hommes. Quant au style, nous dirons

seulement, à titre d’éloge, que le sujet épique et espagnol le re-

quérant, il a la pureté, l’aspect bruni et la trempe d’une épée de

Tolède ».

« La Nación », 8 septembre 1927.

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I

LA PLUME ET LE BÂTON DE PÈLERIN

L’aspect et les manières de cet homme ne révélaient ni

son âge ni tout ce qui agitait sa vie. Arrogant et résolu, bien

que quadragénaire, portant avec grâce des hauts-de-

chausses et des habits tailladés, une toque garnie d’une

plume et une épée de Tolède à la ceinture, c’était un bel

homme au front haut et dégarni, à la barbe brun-foncé avec

le reflet lumineux de l’un ou l’autre cheveu blanc, aux grands

et énergiques yeux gris bruns, à la peau basanée et ardente,

au nez effilé qui donnait à son visage maigre un certain air de

Maure, à la bouche grande, sensuelle, aux lèvres rouges ; il

avait des mains fines et nerveuses. On le disait doué de la

double vue – parce que né le Vendredi Saint, à l’heure de la

mort du Christ – et, à cette réputation populaire de virtuel

découvreur de trésors et de faiseurs de miracles, on ajoutait

l’audace, les aventures dramatiques et héroïques, les mœurs

un peu libres et la réputation plus solide mais moins connue

d’être, en outre, assez versé dans les belles lettres, bon ma-

thématicien et marin remarquable.

Les longues heures d’attente à Logroño, afin de convenir

avec le roi Ferdinand le Catholique – qui chassait à Mansil-

la – des détails d’une expédition audacieuse, ces heures lui

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auraient semblé relativement insupportables s’il n’avait par-

tagé le sort d’un ami de son goût, appelé dans cette vieille

ville, en raison d’aspirations analogues même s’il ne

s’agissait pas d’affaires identiques. Ce dernier était un mili-

taire et un courtisan – mais pas l’un de ces efféminés qui al-

laient fleurir plus tard – ; c’était un homme à l’œil scrutateur,

aux minces lèvres ironiques et à l’expression simultanément

curieuse et farouche. Il maniait la plume avec autant

d’élégance que l’épée, dont il se servait depuis l’enfance, et

on le considérait comme l’un de ceux qui cultivaient le plus

remarquablement la langue espagnole en vers et en prose, et

comme l’un des plus grands érudits de son époque.

Comme tous les jours depuis qu’ils s’étaient rencontrés,

ils se promenaient lentement dans l’allée de peupliers qui

borde l’Èbre, causant et profitant de la fraîcheur et de la soli-

tude que l’heure matinale leur offrait. Absorbés par la con-

versation, leurs regards erraient, embrassant, sans les voir :

le paysage ensoleillé, les façades blanches et les toits rouges

de la ville, coupée par le fleuve et dominée, parmi d’autres

tours vétustes, par la haute flèche séculaire de Santa María

de Palacio ; les champs fertiles se répartissant entre vergers,

vignobles, oliviers, terres donnant du pain ; les routes et les

chemins poussiéreux et, là-bas au loin, comme voilée par les

derniers tulles du brouillard matinal, l’ondulation des mon-

tagnes, sur les versants desquelles hêtres et chênes enfon-

cent leurs racines, et qui, à l’Ouest et au Sud, préservent la

région des vents du midi.

— Répétez-moi ces vers, qui me plaisent tant – dit le

marin, en s’adressant au militaire et à l’écrivain.

— Je ne les connais pas par cœur et je n’ai pas apporté

l’opuscule – répondit l’interpellé.

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— Si pas de tous, vous vous souviendrez de quelques-

uns… A fortiori qu’y sont dépeints comme sur un retable les

infortunes de découvreurs et conquistadores des Indes.

— Conquistadores des Indes, oui, attendez… – répéta

l’autre, comme faisant un effort de mémoire, pour réciter en-

suite, avec une certaine emphase moqueuse :

Ceux qui font et apportent

sans savoir compter combien

nous mettent dans une si grande épouvante

que les pensées n’imaginent pas,

car elles ne peuvent évaluer autant ;

c’est pourquoi la Castille

peut faire figurer Séville,

parmi toutes les villes de chrétiens

c’est pourquoi les Castillans

peuvent l’assimiler à une merveille.

Il en sort, il y vient

des citoyens laboureurs

des pauvres faits seigneurs,

mais ce qu’ils gagnent ils l’ont

parce qu’ils sont de bons conquistadores1…

1 Francisco de Xerez, Miguel de Estete ; Verdadera relación de la

conquista del Perú ; Tip. de J.C. García ; 1891,174 p. :

http://www.biblioteca.org.ar/libros/645.pdf

https://historiasdelperu.files.wordpress.com/2008/11/verdad

era-relacion-de-la-conquista-del-peru-francisco-de-xeres.pdf

Francisco de Xerez fut secrétaire de Francisco Pizarro. « Dirige

el autor sus metros al Emperador Rey Nuestro Señor » en 1534 (pages

168-174 ; texte cité par Roberto J. Payró : pages 170-172). (N.d.T.)

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— Cette partie contient des perles mais elle n’exprime

pas le mieux ce qui me plaît – observa celui qui écoutait. –

Continuez, continuez, don Gonzalo, car votre mémoire n’a

jamais flanché.

Bien que sautant çà et là l’une ou l’autre strophe qui lui

échappait, sans attendre davantage de suppliques, le poète

récita la composition :

Risquant leurs vies,

ils ont fait ce qui n’était pas pensable,

trouvé ce qui ne l’avait jamais été,

gagné des terres inconnues,

enrichi notre état,

rallié à notre cause tant de peuples,

de gens, auparavant inconnus,

et, ainsi qu’on l’a vu,

amené à se convertir au Christ

tant d’âmes perdues…

— Bien, vive Dieu ! – s’exclama le marin –. Allez, Ovie-

do, poursuivez !

— Pour ce qui suit – dit Oviedo – je parle d’un certain

conquistador en particulier… Mais il m’a donné tant de mo-

tifs de me fâcher que je ne veux pas répéter son nom désa-

gréable :

… En luttant et en travaillant,

ne dormant pas mais veillant,

mangeant et buvant mal,

voyez s’il mérite d’avoir

ce qu’il a ainsi gagné en se querellant !

Il est vrai que ses gains

ont découlé de sa constance

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qu’il voulut, par sa force,

pourvoir à sa vieillesse

grâce aux œuvres de son enfance…

— Enfance pour jeunesse – expliqua le poète –. Le bro-

dequin de la rime nous force à nous adapter. – Et il poursui-

vit :

et il gagna lors de cette expédition

de ramener sa jambe cassée

avec… le reste qu’il rapportait,

sans autre marchandise

si ce n’est sa personne armée…

— Ce « le reste qu’il rapportait » doit se référer au mal

bien connu et malheureux qui amène à se gratter ? – deman-

da l’autre.

— « Tu l’as dit ! » – répondit Oviedo –. Mais avec la fa-

meuse huile de bois de Gaïac, qui ne sera jamais assez bénie,

la Divine Providence a su nous donner, à côté de la maladie

de ces terres, le remède qui la soigne et qui s’y trouve éga-

lement2.

— Il aurait pu s’épargner un tel travail, nous épargnant à

nous la maladie – objecta le marin de façon enjouée.

— Vous verrez là-bas – répondit Oviedo –. Mais les al-

lées et venues ou les malheurs des découvreurs et conquis-

2 L’huile de bois de Gaïac pour la vérole :

http://coursneurologie.free.fr/verole. HTM. (N.d.T.)

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tadores ne s’arrêtent pas à cela, car, comme je dis dans mes

mauvaises rimes :

sur toute cette excellence

il y a mille méchants envieux,

médisants, menteurs,

qui veulent nuire

aux hommes vertueux !

— Vous non plus, ils n’ont pas cessé de vous dénigrer,

don Juan – ajouta le poète.

— C’est bien vrai – répondit don Juan –. Et j’espère que

vous devrez tailler votre meilleure plume pour le signaler

également en détails dans les livres que vous écrivez avec

tant de talent.

— Merci, mais le talent ne suffit pas… Il existe, heureu-

sement des ordonnances royales demandant aux gouver-

nants des Indes de m’adresser la relation exacte de tout ce

qui se passe et qu’ils voient dans leurs gouvernements res-

pectifs. Mais cela n’est pas non plus suffisant. J’ai l’intention

de me rendre personnellement dans ces mystérieuses Indes,

de les toucher du doigt, de connaître le secret de leurs forêts,

de leurs montagnes, de leurs fleuves, et même de la faune

qui les peuple… car chétif, rabougri et sans saveur est le fruit

de l’écrivain qui, sans l’avoir vu, rapporte ce que d’autres lui

ont raconté…

— Mais Son Altesse ne vous a-t-elle pas promis ?…

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— Plus que promis ! Elle m’a confié le commandement

d’Española3, où je serai son intendant des fontes d’or, charge

honorable, qui rapporte et est tranquille, me permettant de

tout voir et de me consacrer à mes études de prédilections. Il

me tarde de me mettre en route ! Ce qui me motive – ici

entre nous – ce sont peut-être non seulement mes inclina-

tions de chroniqueur, mais ce qui m’attire surtout c’est

l’amour des aventures… mais, veuille le ciel que, malgré ce

que disent les mauvaises langues, je ne sois pas guidé par la

convoitise… Ce qui est curieux, imprévu, ce qui n’a pas en-

core été rêvé, voilà ce qui m’attire… et j’ai l’impression que

ce brave paysan de Juan Díaz de Solís est affecté des mêmes

maux…

L’écrivain le dit non sans une certaine grâce, qualifiant

le marin de paysan parce que leurs deux familles étaient ori-

ginaires des Asturies, d’Oviedo, même si le premier était né

dans la ville de l’ours et de l’arbousier, alors que le marin af-

firmait être né à l’ombre de l’ancien château de Lebrija.

— Oui – répondit don Juan – j’ai les mêmes faiblesses, je

ne peux ni ne veux le nier. Dans ma bourgade arriérée de

Lepe, je me sentais comme un poisson dans l’eau mais, ni la

vie douillette et flemmarde, ni l’amour de ma femme et de

mes enfants n’ont réussi à me retenir dès que j’ai entrevu la

possibilité d’un grand voyage… Il y a comme un désir ardent

qui me pousse vers d’autres destinées… C’est ainsi, égale-

ment, qu’un jour, m’étant rendu au Portugal, il me valut ma

disgrâce, me força à défier hommes et éléments, à défendre

et laver l’honneur de mon nom et – seul péché que l’on ne

3 Ancien nom de Saint Domingue. (N.d.T.)

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me pardonne pas – à percevoir de ma propre main et avec

violence ce que m’avait fallacieusement promis le Portugais4,

ayant secrètement l’intention de me rouler…

— Je connais l’histoire – interrompit gravement Ovie-

do – et, de tout cœur, je compatis à vos infortunes… Et, à

leur propos, et sans malsaine curiosité, je souhaiterais sa-

voir… Mais vous me qualifieriez d’indiscret et je n’ose pas

vous demander de telles choses…

— Parlez ! Demandez !… Tout ce qui vient de vous à

moi est permis, don Gonzalo !

— Malgré tout, malgré tout ! Enfin, si j’étais votre bio-

graphe, ce que je serai si Dieu me prête vie, il est important

que je sache jusqu’au plus insignifiant détail, par souci de vé-

rité… Eh bien… d’après la rumeur populaire… comment di-

rais-je ? les malheurs ont, à un moment donné, été plus forts

que la volonté, et vous avez cherché le moyen de les ou-

blier… Il semble même que, dès ce moment, on vous a affu-

blé d’un surnom pas très reluisant…

— « Bofes de bagazo5 » n’est-ce pas ? – demanda Solís

avec un sourire forcé.

4 Le roi Manuel Ier. (N.d.T.)

5 Bouffées de bagasse. “Bofes de bagazo”, voir page 25 in Toribo

Medina, José, Juan Díaz de Solís, Estudio histórico, Santiago de Chile,

impreso en casa del autor, 1897, CCCLII, 252 p. (segundo libro: do-

cumentos y bibliografía) :

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juand

azdesol00medi/juandazdesol00medi.pdf (N.d.T.)

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— C’est cela, en effet… Cela ne vous blesse pas trop que

je l’ai répété ?

— Hé ! les dires, dont celui-ci, ont habituellement un

fond de vérité. Par chance, on ne fait que soupçonner… Je

ne fais pas la fine bouche à une bonne gorgée de vin vieux…

Mais qui cela doit-il épouvanter sur la terre bénie du vin, ou

qui peut, de nos jours et en ces lieux, me jeter la première

pierre ? Quel marin, arrivant au port, avant de lever l’ancre,

ne lâche pas un juron en papotant avec ses amis ? Mais, al-

lons ! on m’accorde plus de gloire que je n’en mérite en di-

sant que mes poumons exhalent tellement que l’on me re-

connaît à mon haleine. Non, don Gonzalo, je ne me suis pas

noyé dans le vin, ce que j’aurais pu, étant donné mes cha-

grins ; j’ai cherché la consolation ailleurs… et je l’ai trouvée.

Mais, ensuite, ce fut en vain que, dans ma solitude de Lepe,

je tente de me consacrer à l’étude des sciences et des lettres,

de me complaire en compagnie de sages dont l’amitié,

comme la vôtre, est séduisante et admirable… Les livres me

semblent à présent glacials et creux, ombre d’ombres, par

rapport à ce que peut m’offrir l’aventure, et les doctes amis

exaspèrent ce que j’appelle ma curiosité…

— Nous avons les mêmes faiblesses, comme vous disiez

il y a un moment – murmura Oviedo.

— Oui, don Gonzalo ! – continua Solís – Je me vois de

nouveau en voyage vers les Indes, et ce rêve suffit pour que

ma poitrine se dilate et que mon cœur batte avec la vigueur

de mes vingt ans.

— Dieu vous accorde de grands exploits, et que je vive

pour les raconter et les chanter ! – s’exclama Oviedo.

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Absorbés dans leurs pensées, ils promenèrent tous deux

le regard sur le paysage sans l’arrêter nulle part, sans voir

autre chose que leur rêve intérieur. Après une pause prolon-

gée, le chroniqueur finit par parler sur le ton de la conversa-

tion familière :

— Après Colomb – dont j’ai fait la connaissance quand

les Rois6 l’ont reçu avec tant d’honneur à Barcelone, très loin

de soupçonner et de craindre tout le mal qu’on lui réservait –

après un homme si remarquable que mes yeux d’enfant ad-

mirèrent et fixèrent pour toujours dans ma mémoire, d’autres

hommes, courageux comme vous, entreprirent des voyages

risqués et firent des découvertes prodigieuses. Quelques-uns,

et particulièrement vous, n’ont pas eu leur équivalent, on ne

peut trouver quelqu’un à leur comparer, à moins d’être

prince ; parce que les rois savent et peuvent donner tout ce

qui leur plaît : des villes, des états, des seigneureries et

d’autres grandes choses ; mais à des hommes que nous

avons vus pauvres hier, ce qu’ils avaient étant fort peu, le

courage suffit ; j’en ai tellement que je n’en connais de sem-

blable à notre époque ni à d’autres !

— N’est-ce pas l’enthousiasme qui vous anime ? Car il

s’amplifie habituellement de façon excessive.

— Non, non : je me borne à répéter ce que cette même

main a écrit pour l’étonnement et l’admiration des gens à

venir.

— Est-ce que je ne pourrais pas prendre connaissance

de ces écrits dès à présent ? Cela me ferait tellement plaisir !

6 Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille. (N.d.T.)

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— Je suis en quelque sorte pieds et poings liés et je ne

peux pas vous donner satisfaction, même si je le voulais.

Mais, en temps voulus, vous en prendrez connaissance. J’y

parle, bien sûr, de Colomb, don Cristobal, qui – primus inter

pares – seulement guidé par la main de Dieu et son savoir

humain, découvre les Indes insoupçonnées et ajoute à la

couronne de Castille des îles et des terres d’une singulière ri-

chesse ; et, avec lui, j’y parle de don Diego et de don Fer-

nando Colomb, comptant au nombre de mes amis très chers.

Je n’y oublie pas non plus un de vos amis et de mes amis il-

lustres, Vicente Yáñez (Pinzón), découvreur du golfe de Pa-

ria7 et des côtes de la Guyane, où il a mis le pied malgré de

féroces indigènes : ni des autres Pinzón8, qui l’ont concur-

rencé sans l’éclipser…

— Comment auriez-vous pu les oublier, ou d’autres,

beaucoup moins renommés ?…

7 Entre Trinidad et le Venezuela. (N.d.T.)

8 Martin. (N.d.T.)

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— Cela arrive. Que voulez-vous ? La justice est « rara

avis » en ce monde… Mais je n’oublie personne volontaire-

ment et il me semble difficile que quelqu’un échappe à ma

notice ou ne figure pas dans les documents que je possède et

étudie avec amour…

Il oubliait sans doute que, quelques minutes plus tôt, il

avait omis délibérément le nom de celui qui lui avait inspiré

ses vers…

— Diego de Lepe – poursuivit Oviedo – qui débarque sur

des terres extrêmement lointaines, à des centaines de lieues

vers le Sud9 ; Rodrigo de Bastidas10, qui parcourt les plages

découvertes par (Alonso de) Ojeda et débarque à Carthagène

des Indes ; le même Ojeda, qui répète un voyage admirable

et parvient au fond du golfe du Mexique11 ; à nouveau le

grand Amiral12 qui, déjà âgé, traverse une dernière fois13

l’Océan pour adresser à ses Indes l’ultime au revoir… Que

d’exploits et que de grandeur !…

9 Il explore les côtes du nord-est du Brésil. (N.d.T.)

10 Il explore le Panama et la Colombie. (N.d.T.)

11 Gonzalo Fernández de Oviedo (1478 – 1557) ; De l’histoire na-

turelle des Indes (Historia general y natural de las Indias, islas y tierra-

firme del mar oceano), voir : https://www.wdl.org/fr/item/7331/

(N.d.T.)

12 Christophe Colomb. (N.d.T.)

13 Quatrième voyage. (N.d.T.)

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— Les premiers oui. Mais les autres ? Le chemin étant

trouvé, est-ce que cela ne consistait pas, simplement, à

mettre le cap ?

— Ne vous humiliez pas par modestie, don Juan, car ce

fut également un très grand exploit quand vous avez atteint

avec Vicente Yáñez ce que (Amerigo) Vespucci a appelé le

cap Saint-Augustin14, les terres où Diego de Lepe a combat-

tu, le quarantième degré, que personne ne pensait at-

teindre… Qu’importe que d’autres aient ouvert la porte, si on

trouvait au-delà le mystère et le danger et que les défier était

une prouesse !…

— Cependant il y en eut d’autres qui…

— Je sais aussi – interrompit Oviedo –, je connais ce

qu’ont fait Ojeda et Diego de Nicuesa en tant que fondateurs

de Darién15, Juan Ponce de León, découvreur de la Floride,

et tant d’autres… Oh ! l’étendard de la Castille, ami don

14 8º de latitude Sud, au large des côtes brésiliennes. (N.d.T.)

15 Panama. (N.d.T.)

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Juan, flotte plus haut que jamais, grâce au courage de vous

tous, grâce à votre intrépidité, grâce à votre pugnacité…

— Je me référais aux Portugais… – insinua Solís avec

une certaine amertume.

— Oui – répliqua Oviedo, hargneux – les Portugais ne

s’en sont pas mal tirés… On ne doit pas mépriser le concur-

rent car, ce faisant, loin de les rehausser, on dédaigne ses

propres mérites…

Et, avec un accent ironique, où transparaissait le dépit, il

continua :

— Des coups de vents et des courants menèrent Pedro

Alvarez Cabral à l’aveuglette vers des terres et des îles qu’il

ne cherchait pas, à Vera Cruz du Brésil… Amerigo (Vespuc-

ci), en revanche, qui sait où le bât blesse et qui servait alors

le roi Manuel, ne s’aventurait pas follement lorsqu’il laissa

derrière lui le cap Saint-Augustin et descendit à des cen-

taines de lieues vers le Sud, jusqu’à découvrir la baie de Tous

les Saints, je ne me souviens plus si c’était lors de son pre-

mier ou de son deuxième voyage16… Et ils ne sont pas non

plus négligeables les mérites du premier vice-roi des Indes

portugaises17, don Francisco d’Almeida, ni ceux du fameux

Tristan da Cunha, que Dieu rendit soudain aveugle18, comme

16 Troisième voyage, de 1501, accompagnant Gaspar de Lemos.

(N.d.T.)

17 D’Asie ! (N.d.T.)

18 1504. (N.d.T.)

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postposant ses desseins, seulement réalisés quand la miséri-

corde divine lui rendit la vue19…

— Vous êtes caustique, don Gonzalo – dit son interlocu-

teur, comme s’il n’était pas conscient de l’y avoir lui-même

incité.

— Eh bien, vive Dieu ! Tout cela est-il comparable avec

ce qui a été accompli par les hommes, que j’encense dans

mes écrits, si grands que, en ne faisant que parler d’eux, mon

nom peut durer éternellement, comme perdure celui de Plu-

tarque ?… Il est singulier l’amour avec lequel j’étudie et vis

leurs exploits, mais je manque souvent de sources dignes de

foi… Ainsi, au nom de notre bonne amitié, je vous prie, don

Juan, de ne rien me laisser ignorer de votre vie et de ne me

cacher aucun de vos projets car, aboutis ou non – les grands

essais sont une semence et un exemple –, ils passeront à la

postérité dans mes livres…

Celui qui parlait était le capitaine don Gonzalo

Fernández de Oviedo y Valdés, écrivain au style personnel et

éloquent – que l’on lit encore de nos jours20, comme il le pré-

sumait –, commençant à l’époque à composer la célèbre

« Histoire naturelle des Indes »21. Dans son enfance, il avait

été page et compagnon chéri de l’infant don Juan ; en tant

que tel il avait assisté – il n’avait que quatorze ans en 1492 –

19 1506. (N.d.T.)

20 1927. (N.d.T.)

21 1526. (N.d.T.)

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au siège et à la prise de Grenade par les Rois Catholiques22

et, l’année suivante, à la réception solennelle qu’ils réservè-

rent à Christophe Colomb à Barcelone. Déjà alors, le jeune

garçon manifestait un grand amour pour les lettres, ce qui fit

de lui un érudit et lui donna bientôt une telle maîtrise dans

l’art d’écrire que, sans s’arrêter à son inexpérience, Gonzalo

Fernández de Córdoba, le Grand Capitaine, l’emmena

comme secrétaire en Italie, où il guerroyait. En Italie, il fré-

quenta des hommes savants comme le fameux géographe

vénitien Giovanni Battista Ramusio, avec qui il entretint, à

partir de ce moment-là, une correspondance épistolaire con-

cernant des sujets scientifiques « qui ne pouvait qu’être utile

et profitable pour tous les deux », à ce qu’affirme orgueilleu-

sement Oviedo. Accompagnant le Grand Capitaine et alter-

nant épée et plume, plume et épée, il vit croître la réputation

de son nom, grâce tant à son intelligence qu’à sa hardiesse,

de telle sorte que, quand en 1507 – doña Isabelle étant décé-

dée – Fernández de Córdoba regagna l’Espagne, rappelé par

le régent don Ferdinand, le monarque, auprès duquel il était

tombé en disgrâce, n’attendit pas ses sollicitations pour

nommer chroniqueur du Royaume le savant jeune homme, le

rémunérant avec plus de largesse que d’habitude – car il était

taxé par beaucoup de ladre – et il le chargea de rédiger un

grand livre sur les nouvelles Indes. En préparant cette

œuvre, il avait pris contact avec des navigateurs et des con-

quistadores, et parmi eux, avec un marin expérimenté

comme Juan Díaz de Solís. Dès leur première rencontre et,

bien que Oviedo fût d’un naturel indocile et farouche – ainsi

que le démontra plus tard la cruauté de sentiments et la con-

22 Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille. (N.d.T.)

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voitise dont il se défendait préventivement –, une mutuelle

inclination naquit entre eux, se transformant bien vite en

amitié intime, devenue encore plus étroite lorsque des ten-

dances communes et des aspirations analogues les réunirent

à Logroño.

Entretemps, au terme de leur promenade et pour se

mettre à l’abri de la chaleur qui redoublait, ils avaient fini par

s’asseoir à l’ombre d’un chêne et poursuivaient leur conver-

sation avec intérêt.

— Tandis que vous passiez en revue les voyages des dé-

couvreurs des Indes, tout en laissant de côté ce qui me con-

cerne – disait Solís – vous me rappeliez la grâce austère de

ce Plutarque que vous avez cité. Simultanément, se présen-

taient à mon esprit les terres évoquées, jusque dans leurs

moindres détails, et l’idée tenace s’imposait une nouvelle

fois à mon cerveau qu’il manque à ce monde un trait

d’union, un élément commun qui doit exister. Cela ne fait

pas de doute pour moi, même s’il nous échappe encore parce

qu’inconnu.

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— Dites, dites, pardieu, car je sens que nous l’entre-

voyons !

— Eh bien, en y réfléchissant, j’acquiers de plus en plus

la conviction que tant d’îles et de côtes comme celles qui ont

été découvertes ne peuvent pas être de simples accidents

capricieux surgis de la mer et pas davantage de tristes et

rares restes de l’Atlantide de Platon, mais bien – comme cer-

tains écueils qui annoncent habituellement la proximité de la

terre ferme – des signes palpables d’un véritable continent,

peut-être de cette même Atlantide perdue et non retrouvée…

La raison me dit que – même si je me trompais – l’erreur elle-

même serait glorieuse parce que, forcément, au lieu de la

terre ferme que je cherche, je ferais, en me trompant, une

aussi remarquable découverte que le passage vers les Indes

Orientales…

— Bien raisonné ! – s’exclama Oviedo –. Il n’y a pas

longtemps, à Madrid, en bavardant avec le pilote Andrés de

Morales, compagnon de Colomb et de Rodrigo de Bastidas,

et avec Pedro Mártir de Anglería, chroniqueur comme moi,

je leur ai affirmé, avec l’approbation de Morales que, à mon

avis, les terres des domaines de Castille là-bas ne sont pas

des îles mais bien un grand Continent… Mais continuez.

— Oui. Il n’y a pas mieux : ou ce sont toutes des îles et,

forcément, il y aura un passage entre elles, ou, comme nous

le pensons tous les deux, il y a là-bas un Continent qui

s’étend du tropique jusqu’au pôle…

Oviedo avait fixement regardé Solís jusqu’à ce point,

partagé entre l’admiration et le doute ; mais, en entendant

ses dernières paroles, se remettant involontairement debout,

il s’exclama :

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— Ou un passage ou de la terre ferme ! Vous avez rai-

son ! Il n’y a pas mieux !… Quand partez-vous ?

— Dès que cela conviendra à Son Altesse… Mais pas un

mot à qui que ce soit, don Gonzalo !

— Soyez sans crainte. Je suis bien conscient que, pour le

bien de tous, cela doit rester secret…

— Et a fortiori, il faut que la nouvelle n’éveille pas la vi-

gilance ou, plutôt, la convoitise du Portugal, qui souhaiterait

se servir à son seul bénéfice du traité de Tordesillas. Il y a ici

même des yeux, rivés sur moi, qui me guettent, comme s’ils

soupçonnaient…

— Il doit en être ainsi ! Vous connaissez le dicton :

« Dans les champs de Logroño, le démon se promène tou-

jours librement ». Et le démon qui vous montre son sabot

est, sauf erreur de ma part, don Juan Méndes de Vasconce-

los…

— Précisément ! L’ambassadeur du roi Manuel lui-

même, qui se vante tellement d’être habile et astucieux.

— Prenez garde ! Car don Ferdinand ne veut pas mécon-

tenter son gendre.

— Oui, mais Son Altesse veut aussi, grâce à Dieu ! que

sa volonté soit faite, et il en sera ainsi, malgré les ma-

nœuvres de l’ambassadeur. Il en sera ainsi, je le répète, que

ce soit au prix d’une diplomatie avisée, que ce soit ouverte-

ment et résolument si les subtilités de la politique ne suffi-

sent pas…

— Vous en parlez comme si c’était chose faite…

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— Elle n’est pas fort loin de l’être, effectivement. Au-

jourd’hui Francisco de Torres, frère d’Ana, mon épouse, doit

arriver à Logroño… Je crois que vous le connaissez et le te-

nez pour un bon pilote et un homme de bien… Eh bien, j’ai

fait appel à lui pour le charger des premières démarches pour

l’armement de vaisseaux et le recrutement d’équipages…

J’attends, d’un moment à l’autre l’autorisation annoncée du

Roi.

— Holà, holà ! Et vous me taisiez cela !

— J’y étais contraint.

— Bon choix que ce Torres : Je l’estime beaucoup, tant

comme homme que comme navigateur et, en tant que pa-

rent, il sera votre très digne second.

— Il est mon confrère plus que mon beau-frère.

— Mais ces premières démarches ne sont-elles pas pré-

maturées ? L’ordre de Son Altesse ne risque-t-il pas de se

faire attendre ?

— Le Roi n’attend qu’un événement quelconque qui lui

rende ou semble lui rendre sa liberté d’action par rapport au

Portugal. Mais si cela ne se produit pas, naturellement ou

provoqué par le Portugais, qui nous empêche de le susci-

ter ?… ou de l’inventer dans le pire des cas ?

Oviedo hocha la tête affirmativement – lui aussi con-

naissait don Ferdinand – et, après un court silence, il de-

manda :

— Comptez-vous entreprendre un voyage de longue du-

rée ?

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— D’un an, aller-retour… Il ne s’agit, cette fois, que de

vérifier de près laquelle de mes conjectures est la bonne et

laquelle est la mauvaise… Dans n’importe laquelle des deux

hypothèses, je reviendrais aussitôt pour chercher des ren-

forts en hommes et en navires…

— Méfiez-vous des manœuvres sur terre, don Juan. Par-

donnez-moi, en tant qu’ami, de vous dire : vous êtes un na-

vigateur incomparable mais pas un général aguerri et pru-

dent, qui sache tout prévoir. Une chose sont les écueils et les

bancs de sable, une autre les embuscades et les pièges à

terre… Contentez-vous, pardonnez-moi, d’être le grand ma-

rin que vous êtes… Et, là-dessus, je prendrai congé de vous.

Qui sait si nous reverrons ici-bas !… Je crois que je quitterai

aujourd’hui même Logroño pour l’endroit où la Providence

me conduira. Au revoir, mon ami, et que Dieu vous accom-

pagne…

— Prenons-nous dans les bras, Oviedo, et à très bientôt,

j’en suis sûr !

— Qu’il en soit ainsi ! – dit le chroniqueur, en serrant

Solís dans les bras.

La brise matinale était complètement retombée et le so-

leil dardait ses rayons, la chaleur devenait étouffante. Les

deux amis se séparèrent sans ajouter une seule parole, plon-

gés dans de profondes réflexions, comme s’ils prévoyaient

que ce serait leur dernière rencontre.

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II

PENDANT QUE L’ADVERSAIRE DORT

Sous le soleil de feu, les futaies, les terres ensemencées,

les herbes poussiéreuses elles-mêmes grillaient ; le courant

agité de l’Èbre était un miroir ardent. La ville, dont seul le

chant strident des cigales rompait le silence, se calcinait. En

voyant les tortueuses et étroites rues désertes, abandonnées

même par les chiens qui dormaient en haletant à l’abri des

murs, personne n’aurait supposé que c’était là la fameuse

Logroño, clé et limite de la Castille, à la frontière de la Na-

varre, et à cette époque – depuis que don Ferdinand chassait

à Mansilla, proche – résidence des courtisans de sa suite,

comme l’était parfois monseigneur l’évêque Calahorra et, de

tous temps, comme l’étaient les auditeurs de l’Inquisition et

le Saint-Office, de nombreux chevaliers de maisons insignes,

outre les prêtres qui officiaient à Santa María la Redonda,

Santa María de Palacio, San Pedro, San Bartolomé et San

Blas, belles églises dont les clochers donnaient, de loin, à la

ville l’aspect d’une grande cité. Tout le monde, rentré chez

soi, faisait la sieste, depuis le maire et les vingt-quatre con-

seillers municipaux, jusqu’aux moines des Couvents de San

Francisco, Santo Domingo et la Merced, les nonnes des Mo-

nastères de la Madre de Dios, de las Dominicas, de Santa

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Clara, et les malheureux malades de l’hôpital. Appuyée

contre le mur et sur sa hallebarde, sous la robuste tour du

pont qui donnait accès à la ville, même la sentinelle ronflait

et, dans le vétuste château féodal qui défend le passage,

même les hirondelles, hébergées pour l’été dans les cre-

vasses de ses murs, ne bougeaient pas…

Ni vu ni entendu par personne, comme indifférent au

froid et à la chaleur, se préservant des terribles rayons so-

laires, un homme de haute stature et à l’air décidé arpentait

les rues où même l’ombre réverbérait la chaleur, et il s’arrêta

devant une maison de modeste apparence, puis toqua à la

porte massive et ornée de clous. Pendant qu’il attendait, il

retira son chapeau pour éponger la sueur qui, dégoulinant de

son front étroit, allait se perdre dans sa grande barbe noire. Il

était vêtu d’une casaque, d’un pourpoint ainsi que de

chausses de toile légère, et il portait de grosses bottes de ca-

valier.

La porte ne tarda pas à s’ouvrir et un jeune homme au

visage déplaisant permit au visiteur barbu d’entrer, comme

s’il l’attendait. Le seuil franchi, une agréable sensation de

fraîcheur accueillit l’homme qui, pénétrant dans une salle

carrelée de briques, contiguë au vestibule, passa du four de

la rue à l’humide et tiède pénombre de l’intérieur, qui sentait

légèrement la moisissure. Ses yeux, encore éblouis par le so-

leil, mirent un instant avant de voir Juan Díaz de Solís qui

venait vivement à sa rencontre.

— J’espère que je ne t’ai pas fait attendre ! – s’exclama

Solís. Viens dans mes bras !

— Tu m’as appelé et me voici – dit l’autre, en l’embras-

sant. – Mais note que faire venir un marin à marches forcées

et à cheval, cela n’a pas été un jeu d’enfants.

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— Encore merci, Paco ! Je savais que tu ferais ce sacri-

fice… Assieds-toi.

Et il lui indiqua un fauteuil de cuir à haut dossier, tandis

qu’il approchait pour lui un des rares tabourets de chêne,

qu’il y avait autour de la table, dans la vaste salle dont les

uniques meubles étaient, par ailleurs, un coffre doublé en

maroquin, un coffret morisque avec de beaux fers forgés et

une grande armoire en bois taillé.

— Nous allons voir si tu m’appelles pour ce que je sup-

pose – commença le nouveau venu, en lui prenant le tabou-

ret, lui laissant le fauteuil. – Parle, je suis tout ouïe.

— Ne veux-tu pas d’abord te reposer et te rafraîchir ?

N’es-tu pas fatigué et assoiffé ?

— Très, mais la curiosité me dévore.

— L’un n’empêche pas l’autre – répliqua don Juan, qui

cria ensuite : — Holà, Rodrigo !

Le domestique, qui devait être derrière la porte, apparut

et, sur un signe de son maître, redisparut.

— Tu m’as convié avec une telle hâte que quelque chose

de grave doit être en train de se passer…

— C’est long à raconter.

— Pour ma part, j’ai tout le temps…

— Attends que Rodrigo revienne, apportant ce que je lui

ai demandé, afin que nous ne soyons pas interrompus.

Le domestique entra avec un plateau, sur lequel il portait

deux coupes, une carafe en verre morisque remplie de vin

blanc, et une alcaraza d’eau fraîche.

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— Retire-toi et ferme la porte – lui dit Solís, versant à

boire.

Ils burent chacun quelques gorgées et don Juan com-

mença :

— Eh bien, comme tu le sais, le Florentin Amerigo Ves-

pucci étant décédé et, malgré certaines intrigues, le Roi, qui

me connaît, a fini par me nommer son pilote principal et, il y

a peu – un mois ne s’était pas écoulé –, il a conclu avec moi

un accord pour un certain voyage dont il m’avait déjà entre-

tenu verbalement à plusieurs reprises, qui l’intéresse beau-

coup, et moi aussi, bien entendu…

— Je suis au courant…

— Oui, parce que je t’ai supplié alors de m’accompagner

et que tu as hésité à me répondre… Le moment est venu.

— Attends !… Avant tout, je dois savoir s’il n’y a plus

d’obstacle pour l’expédition… C’est très important, parce

que je sais que tu ne manques pas d’ennemis et de gens

ayant intérêt à s’opposer à tes projets, quels qu’ils soient…

Et tu comprendras que, comme l’on me fait des propositions

à mon entière convenance, je ne dois pas lâcher la proie

pour l’ombre. Je te dirai bien plus : si ce n’était pas toi…

— Tu dirais catégoriquement que tu refuses, n’est-ce

pas ? Eh bien, le voyage est décidé.

— Doña Ana m’écrit pourtant qu’il y a de grandes

chances pour qu’il ne se fasse pas…

— Madame ta sœur et ma digne épouse aurait mieux fait

de taire ces secrets qui, sans être secrets d’alcôve, peuvent

être secrets d’État… Mais à ton égard, la première indiscré-

tion n’est pas d’elle mais de moi…

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— Ana n’ignorait pas que tu devais m’en parler et elle

n’a fait que s’avancer… Entretemps, tu laisses la réponse en

suspens.

— Non, car elle était donnée d’avance. Je joue gagnant !

Personne n’osera empêcher, ni même retarder le voyage…

— Des bruits courent que l’ambassadeur portugais, cet

obstiné et intrigant Mendes de Vasconcelos…

La courageuse franchise qui, à première vue, semblait

caractériser le visiteur – à en juger par sa prestance et le re-

gard ouvert de ses petits yeux noirs – faisait place à une atti-

tude de réserve visiblement forcée, sans diminution de la dé-

férence et de l’affection, comme si l’homme jouait un rôle

inadéquat à son caractère. Solís l’interrompit :

— Son Altesse – dit-il – a décidé que le voyage aurait

lieu, malgré les prétentions du Portugal et les ruses de Vas-

concelos, et tu sais bien que Don Ferdinand n’est pas de

ceux qui se laissent influencer. Ce qu’il veut est ce qui s’ac-

complit, de gré ou de force.

L’autre respira fortement, ce qui était sa façon de soupi-

rer.

— Oui, oui – marmotta-t-il. Il a arraché aux Maures

l’Andalousie, il nous a débarrassés des infidèles et des Juifs,

il a ajouté à sa couronne le royaume de Naples, la Sardaigne,

le Roussillon, une partie de l’Afrique, et même si sa reine lui

manque – Dieu ait son âme –, il couve à présent la Navarre…

Il peut bien se rire des criailleries d’un ambassadeur portu-

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gais et des sautes d’humeurs de son fils, ou plutôt de son

gendre, au Portugal23.

— Comme il l’a déjà fait…

— Par exemple, lors de ton voyage de 1508.

— Chut ! Les murs ont des oreilles…

— Ton domestique n’est-il pas fiable ?…

— Il y a d’autres personnes dans la maison.

— Mais, aussi discret que l’on soit, ces choses transpi-

rent, Juan… Personne n’a été dupe du procès qu’ont préten-

du te faire les officiels de Séville, ni du fait que le Franciscain

Lorenzo Pinedo te conduise à la Cour où l’on pouvait vous

voir, ni de la colère que le Roi semblait avoir éprouvée en-

vers toi… Tout ce bruit concordait mal avec les faveurs qu’il

t’a accordées par la suite… Et, ce que tout le monde sait,

Vasconcelos est-il censé l’ignorer ?

— Il ne pouvait en être autrement – répliqua Solís, en

souriant – parce que le procès a prouvé que je m’en étais te-

nu aux instructions du Roi.

— Mais qui a assisté à ce procès ?

— Le Roi, et c’est suffisant. Son Altesse elle-même a en-

tendu le réquisitoire et toutes les sommations, et, comme il

n’y avait pas de raison pour me condamner, mon incarcéra-

tion n’a duré que le temps de l’instruction… Je suis lavé des

accusations.

23 Ayant épousé Marie d’Aragon. (N.d.T.)

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— Hum ! Naturellement. Mais Vasconcelos doit conti-

nuer à se demander, comme tout le monde, s’il ne le sait pas

déjà parfaitement, jusqu’où ont été les caravelles Santa

Magdalena et San Benito, qui ne peuvent pas avoir passé

plus d’une année à avaler des mouches dans le golfe de Pa-

ria24 ?… Et cela n’a pas dû lui faire très bonne impression

que tes équipages, sous prétexte d’éviter des frais inutiles,

aient été dispersés dès ton arrivée ; pas plus que la hâte avec

laquelle Don Ferdinand s’est saisi de ton procès et de ta per-

sonne, sans que l’on ait eu des nouvelles du premier jusqu’à

aujourd’hui et sans que l’on sache rien de toi pendant un bon

bout de temps…

Don Juan accompagnait les observations de son beau-

frère de grands éclats de rire, tout en remplissant leurs

coupes.

— Tu as raison, tu as raison – répétait-il réjoui.

— Bah ! ce que je dis circule dans les rues depuis un bon

moment.

— Oui, oui, la calomnie se répand comme un incendie.

— La calomnie ? Tu veux m’embobiner, moi aussi ? Je

ne prétends pas bénéficier de tes confidences, si tu ne me les

fais pas spontanément, et à vrai dire je n’en ai pas besoin,

parce que tous ne sont pas aussi secrets que vous l’êtes, toi

et Vicente Yáñez… Il n’en manque pas d’autres qui…

— D’autres ? – s’exclama Solís, sursautant. Bah ! il n’y

avait avec moi – parce que Vicente Yáñez est meilleur soldat

24 Entre Trinidad et le Venezuela. (N.d.T.)

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que marin – personne qui aurait été capable de situer un

port…

— Allons, Juan ! Lorsque l’on navigue de longs jours,

des mois entiers, avec la même direction plus ou moins et

que l’on voit que le soleil se lève toujours à bâbord et qu’il se

couche à tribord du navire, le plus ignorant et le plus stupide

sait que, après avoir accosté à Española25, on arrive forcé-

ment fort au Sud de la Castille d’Or. En plus d’un an, avec

des vents favorables, des bateaux à voiles comme tes cara-

velles et un navigateur aussi expérimenté que Juan Díaz de

Solís, on va très loin… peut-être jusqu’au quarantième degré,

si le pilote Pedro de Ledesma, qui vous accompagnait, n’est

pas sot ou ne ment pas sciemment…

— Il prouve que le voyage fut tel que je l’ai dit et pas

plus ; les preuves consistent en ces indiens que j’ai ramenés,

afin que l’on en dise le plus grand bien, et en ces échantillons

d’or de bas aloi…

— Indiens et or de bas aloi auraient très bien pu être pris

tout simplement à la Española, lors de l’escale… Et l’on en

est resté à en dire le plus grand bien…

— N’insiste pas, Paco – s’exclama Solís, en faisant une

moue.

— Allons, Juan, allons ! Je n’ai pas l’intention de te

mettre la pression mais de déterminer si je dois aller avec toi

ou pas. Ce n’est pas l’envie qui me manque, mais je me re-

fuse catégoriquement à m’engager à l’aveuglette… J’ai con-

fiance en toi mais toi tu dois aussi me faire confiance.

25 Ancien nom de Saint Domingue. (N.d.T.)

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Solís défronça les sourcils et, après s’être servi et avoir

bu une troisième coupe, qui sembla le rendre plus animé et

plus communicatif, il se releva soudain, alla retirer de

l’armoire en bois taillé une liasse de papiers non rognés gar-

nis de grands sceaux en cire et la tendit d’un geste satisfait à

son visiteur :

— Prends, Francisco de Torres, mon frère – dit-il. Lis

cette convention et tu en sauras autant que moi.

Torres prit le manuscrit et le déchiffra visiblement avec

peine. Ensuite, secouant la tête d’un air dubitatif, il grogna :

— Que peut signifier ceci ? D’après ce que je vois, il

s’agit seulement d’une démarcation entre les terres qui re-

viennent à la Castille et celles qui échoient à la Couronne du

Portugal. Même si c’est important, ce n’est pas ce que je

supposais et espérais…

— Eh bien avec cela, comprends-le bien – s’exclama

Solís – nous pouvons aller aussi loin que Vasco de Gama, et

même beaucoup plus loin… Mais écoute. Avec ce sauf-

conduit…

— Achève !

— Eh bien nous pourrons, si nous en avons envie, et

sans que personne s’en aperçoive, changer de direction à mi-

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chemin et naviguer en toute liberté vers le Couchant, par

exemple… ou vers n’importe quel autre point.

— Veux-tu dire que… ? – murmura Torres en regardant

fixement Solís. Et, après un silence, il s’exclama : — Allez !

Je commence à comprendre… Tu as trouvé un passage !

— Peut-être pas mais rien n’empêche que nous puissions

en trouver un.

— Tu as au moins récolté des indices.

— Ou je présume qu’il existe, rien de plus.

— Hé ! Tu le sais et tu te tais !

— Je ne peux rien dire de plus par prudence… Viens-tu

avec moi ?

— Ta réserve ne m’y incite pas… mais je devine et cela

me suffit… Tu ne dois pas parler ainsi à Son Altesse car, au-

trement, cette entreprise ne serait plus celle du Roi.

— Bref, viendras-tu, oui ou non ?

Francisco de Torres médita un instant et, ensuite, se le-

vant de son tabouret, il s’exclama :

— Marché conclu !

— Je n’en espérais pas moins de toi et je t’ai réservé une

surprise. À ma demande, le Roi t’a nommé pilote de la flot-

tille, et tu seras second à bord.

— Second… après les sempiternels officiers royaux,

créatures de la Casa de Contratación.

— Tranquillise-toi… Ce seront des gens pacifiques, qui

feront tout ce que je déciderai… J’y veillerai et Son Altesse

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me l’a promis… Grâce à Dieu, ils ne seront pas l’instrument

de ces messieurs de Séville qui me cherchent la petite bête,

comme s’ils étaient des agents « grippe-deniers » du Vascon-

celos et de don Manuel !… Et il se peut même que ces soup-

çons ne soient pas fondés…

— Ce serait une noire trahison. Mais, par les temps qui

courent, on peut s’attendre à tout ou tout craindre de la part

de courtisans et d’ambassadeurs…

— Les gens vont où sont leurs intérêts… Mais don Fer-

dinand n’est ni sourd ni manchot, ni aveugle, ni une gi-

rouette. Rien ne lui échappe, même s’il a perdu un auxiliaire

aussi précieux, décidé et discret que la reine Isabelle26.

Il parut perplexe, fronça les sourcils et, à la fin, dési-

gnant une lettre qui était restée ouverte sur le buffet, ajouta :

— Avec ce pli, cela fait déjà dix invitations que m’a-

dresse l’ambassadeur du Portugal pour que j’aille m’entre-

tenir en privé avec lui… Je sais bien ce qu’il a derrière la

tête… Il a commencé un travail de sape et, voyant qu’il ne

peut pas me nuire dans l’esprit du Roi, il change à présent

son fusil d’épaule… Il va remplacer les attaques par les tapes

amicales et les offres… J’ai déjà reçu, sûrement grâce à son

influence, un sauf-conduit que m’a apporté mon frère Blas,

pour me rendre au Portugal, si je le désire… Il veut m’attirer,

me détourner, en me faisant miroiter la perspective de tou-

cher tout ce que me doit la Casa da Guiné27, considérant

26 Elle est décédée le 26 novembre 1504. (N.d.T.)

27 Casa da India, à partir de 1503. (N.d.T.)

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comme non perçu ce que j’ai récupéré « manu militari ». Et

sans doute Vasconcelos pense-t-il me faire de nouvelles

avances, m’offrant un appât tel que je morde à l’hameçon.

Mais, tout doux ! Je connais mes Portugais !

— De sorte que tu ne te rendras pas au rendez-vous…

— Attends ! Il veut à tout prix m’empêcher d’effectuer le

voyage au profit de la Castille et il me proposera de le faire

pour le Portugal mais, bien sûr, il ne parle pas de cela dans

ses lettres…

— Il pense donc clairement qu’un autre ne pourrait pas

faire la même chose que toi, que tu connais… des choses

qu’ignorent les autres pilotes… Voilà ce que j’en dis !…

— C’est possible. Ce qui est certain, c’est qu’il insiste sur

le fait qu’il doit me communiquer quelque chose qui, d’après

lui, me convient vraiment.

— Mais tu n’iras pas…

— Bien sûr que j’irai, que nous irons, Paco, parce que tu

m’accompagneras, tu seras de la partie… Il faut connaître le

fond de sa pensée et de celle du roi Manuel, pour leur causer

ensuite une vive déception.

— Pourquoi as-tu besoin de ma compagnie ? Je ne peux

en rien t’être utile.

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— Tu te trompes… Tu peux, au moins, lui confirmer ce

que je lui dirai, et ajouter pour ta part, d’autres petites

choses, comme l’élément du sauf-conduit du Roi du Portugal

et celui du montant que l’on nous doit, à mon frère et à moi,

à la Casa da Guiné… Et puisque quatre yeux voient plus que

seulement deux, tu analyseras aussi minutieusement, de ton

côté, ce que nous dira l’ambassadeur, et tu tenteras de per-

cer ses pensées intimes… Mais il faut, avant tout, que tu te

reposes et que tu quittes ces vêtements de voyage. As-tu un

gîte ?

— J’ai laissé mon cheval avec le reste de mes affaires à

l’auberge de Paredes.

— Je le supposais mais il vaut mieux que je t’accorde

l’hospitalité ici afin de ne pas trop éveiller la curiosité avec

tes allées et venues. Rien de plus naturel que de loger chez

ton frère, même à titre précaire.

— Cela me convient.

— Holà, Rodrigo ! – cria Solís. Il ira chercher ton cheval

et tes bagages pendant que tu te reposeras dans la pièce que

je t’ai réservée.

Le garçon au visage déplaisant entra, reçut les ordres de

don Juan et partit aussitôt pour l’auberge de Paredes, qui se

trouvait à faible distance.

— Je vais te guider jusqu’à ta chambre – dit Solís.

— Avant cela… Dans ta dernière lettre, tu me deman-

dais de te chercher un homme habile et résolu, ayant une

expérience de la mer et capable de diriger des marins.

— Oui. L’as-tu trouvé ?

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— Et il est prêt à nous rejoindre.

— Est-ce que je le connais ? Qui est-ce ?

— Un certain Diego García, natif de Moguer…

— Il me semble avoir entendu évoquer son nom.

— C’est un bon navigateur, rustaud, rude, sans beau-

coup de manières, mais brave et loyal.

— Énergique ?

— L’énergie faite homme.

— Puisqu’il est recommandé par toi, il me semble clair

que cela te ferait plaisir de l’avoir à ton service.

— Ce n’est pas peu dire.

— Est-il discret ? Peut-il garder un secret ?

— Une tombe.

— Fais-lui alors savoir que je le nomme quartier-maître

d’un de mes vaisseaux.

— Tu ne le regretteras pas, ni lui parce qu’il ne peut pas

aspirer à davantage : bien que dans la mer il soit un dauphin,

il ne sait pas lire et navigue à l’aveuglette mais toujours avec

succès. Il est comme les épagneuls à terre qui, eux non plus

ne savent pas lire, mais qui chassent par instinct naturel.

— Mettra-t-il longtemps à recevoir ton message ? Où

est-il ?

— Il se restaure à l’auberge. Je l’ai amené avec moi, à

toutes fins utiles.

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— Eh bien, lorsque Rodrigo reviendra, je lui demanderai

d’aller le chercher. À présent, gagne ta chambre qui, aussi

modeste soit-elle, est toujours plus confortable qu’un grabat

de marin. Dors quelques heures pour être ensuite mon se-

cond contre Vasconcelos et don Manuel, si pas dans une

passe d’armes, dans une joute oratoire.

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III

REVIVANT LE PASSÉ

Juan Díaz de Solís regagna la salle et s’assit dans le haut

fauteuil en cuir. Il semblait somnoler, fatigué après tant

d’animation. En réalité, il méditait en se remémorant des

faits passés et en évoquant des événements futurs, comme

dans un songe ou un examen de conscience où serait mêlée

la vision de l’avenir. Mais il y avait peu d’éléments sentimen-

taux dans ses pensées.

Marin rompu aux longues traversées et à d’intermi-

nables absences, n’ayant en rien le cœur tendre, le souvenir

qui l’occupait le plus n’était pas celui de son honnête épouse

doña Ana de Torres, ni celui de ses enfants Luisillo et Diego,

qui étaient restés avec elle à Lepe. En des temps aussi rudes

et âpres, de passion mais pas de douceur, des hommes

comme lui savaient aimer à leur façon, d’en haut et de loin,

la famille, propriété à peine plus jalousement gardée et pro-

tégée que les matériaux, tant que l’honneur n’était pas en

jeu. Ils n’étaient habituellement pas l’époux ou le père mais,

plutôt, le maître, le chef. Solís pensait, donc, aux siens, avec

la partie subconsciente de son esprit, comme on pense à des

abstractions qui ne parviennent pas pour le moment à exer-

cer une influence sensible sur la vie mais qui dépendent

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d’elle et se subordonnent à elle : très différents étaient les

personnages et les faits qui le préoccupaient dans la trame

de son destin.

Il revivait des événements passés et extraordinaires –

pouvant presque les toucher dans son imagination, comme

personne à part lui ne pouvait les voir, débarrassés de leur

mystère et de leur côté secret –, passant en revue, à la lu-

mière de fugaces évocations tout ce qui était arrivé depuis

cette année 1492, début de ses passions et de ses malheurs,

là-bas au Portugal…

Jeune encore, il était pilote du Roi. Il avait rapidement

fait carrière ; il pouvait espérer honneurs et fortune… Mais la

« Casa da Guiné », au service de laquelle il était, se mit à le

négliger, à lui témoigner une certaine malveillance que son

sang chaud ne pouvait supporter sans colère. Ils en arrivè-

rent à lui devoir, pour sa solde de pilote, la somme ronde-

lette de huit cents ducats, équivalant à plus de sept cents

mille maravédis28, et on ne la lui payait pas, malgré ses ré-

clamations insistantes et les ordres réitérés de Jean II. Solís

crut que, d’accord avec la Casa da Guiné, le Roi se moquait

de lui, ne faisant pas le nécessaire pour que ses ordres fus-

sent suivis d’effet ou les désavouant traîtreusement à peine

émis. En s’en souvenant, Solís en avait le visage qui se cris-

pait. Mais lui succédait, immédiatement, un sourire mo-

queur.

C’est qu’il n’avait pas tardé à trouver une manière de

donner satisfaction à son amour-propre blessé et de sauve-

28 Conversion erronée, 1 ducat valant 375 maravédis, soit

300.000 maravédis. (N.d.T.)

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garder ses intérêts. Une indiscrétion « en prenant un verre »

lui permit d’apprendre que certains corsaires français, avec

qui il avait noué des contacts lors d’un de ses voyages, pré-

paraient un coup de main productif au détriment de la Casa

da Guiné. Il n’hésita pas à s’y associer, car il croyait évi-

demment et indiscutablement juste de récupérer son dû,

quelle qu’en fût la manière. Uni aux corsaires, il s’embarqua

avec eux et, ensemble, ils s’emparèrent en haute mer d’une

caravelle portugaise qui revenait de La Mina29 avec vingt

mille doublons d’or30. Lors de la répartition du butin, il reçut

plus que ce qu’on lui devait et il hésita avant d’emporter le

surplus mais il laissa de côté ses scrupules et ne se borna pas

à « récupérer son dû ». Que cela compensât les désagréments

subis, n’était, tous comptes faits, que légitime !…

Son sourire moqueur s’accentua : les choses n’en étaient

pas restées là mais avaient débouché sur une étrange comé-

die.

Le corsaire improvisé ne retourna évidemment pas au

Portugal à la suite de son exploit. La Casa da Guiné ne

l’aurait pas accueilli à bras ouverts. Il se réfugia en Castille,

pour y consommer sa part de butin, tout en trouvant une

nouvelle application à son activité et à ses connaissances.

C’est là qu’il apprit que Jean II rendait la France entièrement

responsable de ce que lui et les corsaires avaient fait. À titre

29 Actuel El Mina, Golfe du Bénin, côte sénégalo-gambienne, au

Ghana. (N.d.T.)

30 1 doublon d’or vaut 2 escudos soit 800 maravédis. Il s’agit

donc de 16 millions de maravédis ; voir Barros e Sousa Santarém,

p. 71. (N.d.T.)

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de représailles et par mesure de précaution, il venait d’or-

donner31 que l’on saisisse deux navires français ancrés dans

le port de Lisbonne, qu’on les prive de vergues et de gouver-

nails afin qu’ils ne tentent pas de fuir, que l’on licencie

l’équipage en le remplaçant par des marins portugais et que

l’on mette en dépôt à la Douane les précieuses marchandises

qui se trouvaient à bord. Et il menait bien la danse, le Portu-

gais parce qu’il ordonna également, que l’on s’emparât de

tous les navires français à cale à Setubal, Algarve, Porto et

Aveiro !… Mais cela ne fut pas du tout du goût des mar-

chands, armateurs et propriétaires des navires, qui accouru-

rent précipitamment pour se plaindre auprès du Roi de

France. Charles VIII qui, à l’époque, était surtout préoccupé

par ses audacieux projets de guerre et de conquête en Italie ;

désireux d’avoir la paix de l’autre côté des Pyrénées, il tran-

cha dans le vif, faisant restituer à Jean II la caravelle prise

par ses corsaires, lui remboursant rubis sur l’ongle l’équ-

ivalent de ce qui avait été dérobé et présentant, par l’inter-

médiaire de ses ministres, ses plus plates excuses au mo-

narque portugais. Lorsque cela se fit, comme Charles VIII

l’ordonnait, Solís dit en riant :

— On m’a payé, oui, mais avec de l’argent français. La

dette existe toujours et il se peut, qu’un jour, je me la fasse

rembourser !…

Tout s’arrangea, donc, à la satisfaction des armateurs et

marchands, mais il n’en était pas de même pour le pilote.

Jean II était indemnisé matériellement mais pas morale-

ment : le serviteur, qui s’était moqué de lui, restait impuni, et

31 À Vasco de Gama. (N.d.T.)

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cela n’était pas tolérable pour le prestige de sa couronne…

Les Rois Catholiques furent informés, en son nom, de l’acte

de piraterie commis par Solís, afin que, en accord avec les

traités, ils concèdent l’extradition du sujet portugais « Joao

Dias », pilote de la Casa da Guiné.

Ce souvenir divertissait Solís. Son ami le maire de Lepe

lui avait, un jour conseillé de chercher un refuge secret

jusqu’à ce que les choses se tassent, s’il voulait faire de vieux

os, ailleurs que dans une prison portugaise. Et il lui fit lire

confidentiellement, pour sa gouverne, un ordre royal daté du

29 octobre 1495, signé dans la ville d’Alfaro, par don Ferdi-

nand et doña Isabelle, et communiqué à tous les « magis-

trats, assistants, maires, huissiers et tous autres auxiliaires

de justice de n’importe quelle ville, villages et lieux de nos

royaumes et seigneuries », stipulait le document en question.

Le navigateur, qui s’empressa de le dérober, connaissait

presque par cœur le confus et, en même temps, savoureux

texte de la circulaire, chef-d’œuvre des fonctionnaires de

l’époque32 :

« Sachez – disait l’ordre – que le sérénissime Roi du Por-

tugal, notre frère, nous fait savoir que Juan Diaz, pilote, sur-

nommé Bouffées de Bagasse, natif de son royaume du Portu-

gal, ayant agi de concert avec certains Français, ils ont volé

une caravelle du Roi en question qui venait de La Mina, sur

laquelle ils ont dérobé plus de 20.000 doublons, dont ledit pi-

lote a prélevé sa part ; et on a appris qu’il se trouve en nos

32 Toribio Medina, José ; Juan Díaz de Solís. Estudio histórico ;

Santiago de Chile, impreso en casa del autor ; 1897, CCCLII, 252 p.,

pages XXV-XXVI. [Ci-dessous : Toribio Medina.] (N.d.T.)

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royaumes, ce qui résulte d’une enquête que l’on y a menée ;

on nous demande de nous conformer aux traités de paix

conclus avec le Roi en question, notre frère, que nous le fas-

sions arrêter et le livrions, afin que dans son royaume de

Portugal il le fasse passer en justice ; et puisque ladite en-

quête qu’il Nous a communiquée semble correspondre à la

vérité, nous accédons à cette demande et vous adressons

cette lettre pour cette raison, vous ordonnant, étant requis

par ledit Roi, notre frère, sur base de notre lettre, de vous

emparer de la personne dudit Juan Diaz, pilote, et de placer

sous séquestre tous ses biens, meubles et immeubles, où que

vous que le trouviez, et que vous le remettiez et le fassiez li-

vrer avec tous ses biens à la personne que ledit Roi, notre

frère, a envoyée pour lui, afin qu’elle puisse l’emmener et le

conduire au royaume du Portugal et que, là-bas, on le tra-

duise en justice : à cette fin, nous vous donnons le pouvoir

d’accomplir l’objet de notre lettre avec ses incidences et dé-

pendances, urgences, annexes et connexes… »

Le Roi du Portugal, qui, en effet, avait fait vérifier par

des agents secrets le lieu de résidence de Solís, s’empressa

d’envoyer quelqu’un pour le capturer avec l’aide de la justice

espagnole. Grand était le danger mais l’épée, suspendue, ne

s’abattit pas sur la tête du pilote. Il n’avait pas même besoin

de la mise en garde de son ami le maire. Quoique justiciers,

les Rois Catholiques – et tout particulièrement doña Isabelle,

qui fut pour son Royaume, en ce qui concerne le gouverne-

ment et l’administration, ce qu’une incomparable maîtresse

de maison est pour sa famille – étaient trop bien informés

pour ne pas le tirer d’embarras en prévision de futurs ser-

vices – sachant ce que chacun des vassaux et habitants de

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leur Royaume valait, parce que – comme le dit Galíndez de

Carvajal33 – « (…) afin d’agir en connaissance de cause lors

des élections, ils avaient un livre, où étaient renseignés les

hommes les plus habiles et ayant le plus de mérites pour les

charges à pourvoir (…) ».

Non seulement, ils n’attisèrent pas le zèle des magistrats

et consorts afin que fût exécuté leur royal ordre mais ils ad-

mirent même sans difficulté comme bien fondé le plaidoyer

que Solís leur fit parvenir depuis sa cachette. Afin de ne pas

tomber aux mains de Jean II, peut-être au péril de sa vie, le

navigateur se prévalait de sa nationalité espagnole : ses pa-

rents étaient originaires de Santa María de Solís, où les Solís

possédaient une « noble demeure, ancienne et patrimoniale,

depuis l’époque du Roi Don Pelayo », ce dont pourrait attes-

ter, si nécessaire, García Dei, maître d’armes de Leurs Al-

tesses. Ils avaient émigré au Portugal, après la naissance à

Lebrija34 de Juan Díaz, vassal naturel des Rois Catholiques et

ne relevant, en tant que tel, que de leur juridiction et de leur

justice…

33 Galíndez de Carvajal (1472-1528), chroniqueur :

Crónicas de los Reyes de Castilla : Desde Don Alfonso el sabio hasta

los católicos Don Fernando y Doña Isabel por Cayetano Rosell, Fernán

Pérez de Guzmán, Diego de Valera, Diego Enríquez del Castillo, Fer-

nando del Pulgar, Lorenzo Galíndez de Carvajal, Andrés Bernáldez,

Pedro López de Ayala ; tomo 3, page 533 (= Apéndice 2, Anales bre-

ves). Voir :

http://bibliotecadigital.jcyl.es/es/consulta/registro.cmd ?id=8

333 (N.d.T.)

34 Andalousie. (N.d.T.)

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Le Portugais avait obtenu satisfaction, au moins sur la

forme ; les Rois et leur justice étaient indifférents à un procès

qui ne concernait pas les intérêts du Royaume, Juan Díaz de

Solís pouvait être un serviteur de la Couronne très utile…

Tout conseillait d’enterrer cette affaire et le seul obstacle

disparut de lui-même : Jean II décéda en octobre de cette

année 1495.

Mais les Rois Catholiques ne jugèrent pas opportun de

se servir immédiatement de Solís, même s’ils connaissaient

ses grands mérites. La série de malheurs du navigateur

n’était pas terminée. À Jean II venait de succéder sur le trône

du Portugal Manuel Ier, désirant vivement surpasser en éclat

et en gloire celui que ses contemporains avaient surnommé

le « Prince Parfait ». Il caressait surtout l’idée d’étendre ses

domaines, d’abriter à l’ombre de la croix – sous le sceptre

portugais, bien sûr – de nouvelles et vastes terres encore

sauvages ou inconnues et, à cette fin, essayait-il d’attirer à

son service tous les hommes de valeur et de savoir, pilotes

experts ou guerriers héroïques, qui fussent capables de sil-

lonner des mers et défier des dangers, poursuivant, en rude

concurrence avec la Castille, la série glorieuse des décou-

vertes qui avaient tant fait la renommée de son prédéces-

seur. Parmi eux, il fixa les yeux avec une préférence visible

sur celui que, depuis sa fuite, on avait commencé à appeler

Juan Díaz de Solís, et il lui fit offrir, outre une amnistie pour

le passé, la charge de pilote de la flotte portugaise, avec des

gages tentateurs. Le navigateur, qui n’avait pas l’embarras

du choix, accepta, repassant au Portugal.

Ces souvenirs, plus fugaces, traversaient comme des

éclairs la mémoire de Solís. Mais, en arrivant à ce stade, son

sourire, sa sérénité disparurent brusquement. Son visage ex-

prima de la douleur et de la colère…

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Peu après être entré au service de Manuel Ier, il tomba

amoureux d’une damoiselle de Lisbonne, aussi coquette que

belle, et ils ne tardèrent pas à se marier. Cet épisode de sa

vie fut court et dramatique… Quelques mois après ses noces,

le marin recevait l’ordre d’embarquer comme pilote sur la

caravelle « Cisne » qui, avec quatre autres vaisseaux com-

mandés par le Duc Alfonso de Albuquerque comme capitaine

général, faisaient partie de l’escadre de l’amiral Tristan da

Cunha. La grande figure d’Albuquerque était la seule lueur

dans les ténèbres de ce souvenir. Il lui semblait encore le

voir avec sa majestueuse stature, sa barbe à la Moïse, ses

yeux de feu, son beau profil marqué, son front large et haut,

des traits révélateurs de sa valeur, de sa loyauté, des nom-

breuses vertus que le firent appeler « Le Grand ». Il l’avait

reçu avec une sévère bienveillance, lorsqu’il était allé occu-

per son poste, lui faisant l’honneur de le connaître à fond et

lui témoignant la plus grande confiance en son habileté,

comme on se disait alors. Il lui communiqua la date à la-

quelle ils lèveraient l’ancre du mouillage de Belem, près de

Lisbonne, et il lui donna la permission de se retirer… Ce fut

la première et la dernière fois qu’il vit le Duc.

La petite escadre d’Albuquerque, ancré sur le Tage, ne

suivit pas la flotte de Tristan da Cunha qui mit les voiles à la

date indiquée. On attendit, deux longs jours durant, le pilote

de la « Cisne ». Au troisième jour, on leva l’ancre sans lui. Le

bruit était parvenu aux oreilles de l’équipage des caravelles,

à celle du Duc même, que, fou de jalousie, estimant néces-

saire de laver son honneur, Solís, à juste titre ou pas, avait

poignardé à mort son épouse et, ensuite, était allé se réfugier

en Castille, abandonnant tout… Était-ce vrai ? Ce devait

l’être si un regard égaré et un front renfrogné et sombre re-

flètent le drame de l’amour, de la folie et de la mort…

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Le navigateur disparut mais, deux ans plus tard, en

150835, messieurs les officiels de la Casa de Contratación de

Séville recevaient avec un relatif déplaisir une ordonnance

signée par Don Ferdinand – la Reine Isabelle n’existait plus –

et légalisée par Lope Conchillos, leur faisant savoir : « mon

plaisir et ma volonté sont de prendre et recevoir Juan Díaz

de Solís comme notre pilote », à raison de quarante mille

maravédis annuels tant qu’il sera à terre, quarante-huit mille

lorsqu’il naviguera, et deux cahíces de blé36 par an, pour

l’approvisionnement de sa maisonnée.

Don Ferdinand avait émis cette ordonnance le 22 mars37

afin de signer le lendemain un contrat convenu déjà avec

Solís et Vicente Yáñez, pour un important voyage de décou-

verte aux Indes Occidentales. Les deux marins étaient obli-

gés de partir de Cadix sur deux caravelles et de naviguer

vers le Couchant « sans débarquer sur une île ou terre ferme,

selon la démarcation, appartenant au Roi du Portugal »,

gendre pour la deuxième fois du Roi Catholique38. On sait

que les souverains des deux royaumes avaient accepté la dé-

cision du Pape Alexandre VI, qui donnait à l’Espagne tout ce

qu’elle pourrait conquérir à l’Ouest et au Portugal tout ce

qu’il pourrait conquérir à l’Est d’une ligne imaginaire « de

démarcation » qui, passant par l’île de Fer, dans les Canaries,

et par les deux pôles, divisait en deux le globe terrestre ; on

35 Toribio Medina, pp. CXIV-CXV et 16-17. (N.d.T.)

36 690 kilos fois 2 soit près de 1.400 kilos. (N.d.T.)

37 Toribio Medina, pp. 17 et 26-29. (N.d.T.)

38 Après Isabelle d’Aragon, il épouse sa sœur Marie. (N.d.T.)

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sait que, un peu plus tard la ligne fut éloignée de trente de-

grés à l’Ouest de la même île – ce qui ne mit pas fin, loin de

là, aux litiges entre les deux couronnes : la célèbre ligne,

donc, passait alors, avec cette modification, à quelque trois

cents vingt lieues à l’Ouest de la dernière île du Cap Vert, se

prolongeant jusqu’aux pôles. Et c’était celle-là que Juan Díaz

de Solís et Vicente Yáñez Pinzón devaient respecter. Leurs

caravelles navigueraient sans s’arrêter dans des ports déjà

connus plus que le temps nécessaire pour se ravitailler en

vivres et en eau potable, jusqu’au moment où ils trouveraient

le passage qui, selon Solís, permettrait d’arriver par l’Oc-

cident aux Moluques et à la région des épices, sans devoir

doubler le Cap de Bonne-Espérance.

Le Portugal n’avait apporté à Solís que des déceptions

ayant tourné en tragédie. Dans son for intérieur, malgré sa

clairvoyance, le marin rendait, avec une profonde rancœur,

responsables de son malheur, non seulement le Roi du Por-

tugal et ses ministres, mais jusqu’au pays lui-même. Il

haïssait le Portugal tout entier, voulait se venger de lui et, au

profit de l’Espagne, le priver de tout ce qu’il aurait pu lui ap-

porter, résolu aussi à lui prendre tout ce qu’il pour-

rait. L’homme, éternel enfant, maudit la terre qui ne lui a

pas souri.

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IV

JUSQU’AU BOUT DU RÊVE

Les caravelles ne partirent pas de Cadix, comme le sti-

pulait le contrat39, mais de Sanlúcar de Barrameda, le 29 juin

1508. Celui qui les commandait était Solís, seul chef sur mer,

comme Vicente Yáñez (Pinzón) devait l’être sur terre, en tant

que capitaine du Roi.

Dans son involontaire méditation, le marin se souvenait

de nombreux événements de cette expédition, fort impor-

tants, de ceux que l’on n’avait assurément pas tenus pour

notoires. Le peuple n’en avait jamais su plus que ce que lui

et Yáñez Pinzón avaient bien voulu en raconter, même s’il

subodorait un mystère. À ce qu’ils disaient tous deux, ils

avaient franchi sans incident les Canaries, gagné ensuite la

Española40 et, parcourant de l’Est au Couchant la côte méri-

dionale de Cuba, avaient touché à d’autres terres à l’Ouest

39 23 mars 1508 - Toribio Medina, page 26. (N.d.T.)

40 ancien nom de Saint Domingue (N.d.T.)

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de l’île puis, changeant de cap, étaient arrivés à las Bocas del

Dragón et au golfe de Paria41.

Ils ajoutaient que, après un séjour assez prolongé dans

ces parages, ils avaient suivi la côte vers le Levant, aperce-

vant des terres dépeuplées et parsemées de lagunes, jusqu’à

parvenir, au septième degré de latitude, à un promontoire, à

partir duquel ils traversèrent à nouveau l’Atlmoantique en di-

rection de l’Espagne, où ils revenaient un an et quatre mois

après leur départ, le 27 octobre 1509. Ils avaient tenté de

ramener avec eux quelques indiens, pour en faire des inter-

prètes, mais ils avaient dû les laisser à la Española ; ils rap-

portaient en revanche plusieurs échantillons de « bas » or et

des « figures » ou des cartes des seules mers que, selon eux,

ils avaient sillonnées et des seules côtes qu’ils avaient lon-

gées.

Solís souriait à nouveau en s’en souvenant même si,

alors, éclata un autre conflit : la lutte que, durant de très

longs mois, les officiers royaux – et, tout particulièrement,

don Pedro Isásaga – soutinrent contre lui, mécontents et

malveillants depuis que le Roi l’avait nommé pilote, et irrités

par la faveur croissante dont il bénéficiait sous leurs yeux.

Ces « messieurs de Séville », comme il avait l’habitude de les

appeler, mis sur leur garde par l’attitude du comendador

mayor de la Española42, ayant retenu les indiens interprètes,

41 Entre Trinidad et le Venezuela. (N.d.T.) Voir carte au cha-

pitre 1.

42 Ce comendador mayor (ou gouverneur) de la Española était

vraisemblablement Nicolás de Ovando y Cáceres (entre 1502 et

1509). (N.d.T.)

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et ayant des doutes quant à l’exactitude du journal de navi-

gation de Solís, entamèrent une instruction, firent arrêter le

pilote et, hâtivement et secrètement, firent part au Roi de

leurs soupçons. La Cour se trouvait, à l’époque, à Madrid, où

don Ferdinand reçut les plis confidentiels de ses officiers. Et,

à ce stade-ci, il se produisit quelque chose d’aussi inattendu

que de significatif : sans perdre un instant, Son Altesse or-

donna que prisonnier et instruction fussent transférés à Ma-

drid, parce que c’était sa volonté de s’occuper personnelle-

ment de l’affaire, en excluant la Casa de Contratación de Sé-

ville. Cela réjouit autant Solís que cela déplut aux officiers. Il

était certain que le Roi n’allait pas lui reprocher son mysté-

rieux échec sur la mer du Sud, car il s’agissait bien de cela ;

Vicente Yáñez, qui n’en était pas responsable, n’avait pas été

inquiété, ou si peu, et il jouissait de sa liberté.

Intéressés par ces faits et leur cherchant une explication,

les gens en conclurent que le procès était né d’un désaccord

entre les chefs de l’expédition, mésentente arrivée aux

oreilles supérieures et provoquée par Solís, visiblement sanc-

tionné. D’aucuns, toutefois, réfléchirent au fait que l’équi-

page des navires, licencié dès qu’il avait touché terre, avait

disparu, comme escamoté par un jongleur ; on l’expliqua en

disant que, convoqué pour faire une déclaration, il était en

route pour Madrid ; toujours est-il qu’aucun des marins ne

fut jamais vu à la Cour…

Pas davantage que Solís. Personne ne sut plus rien de lui

avant une ordonnance royale du 14 février 1510 : « Il est pri-

sonnier dans une geôle de la Cour et on doit déterminer

quelle justice doit lui être appliquée43… » Personne non plus

43 Toribio Medina, page 53. (N.d.T.)

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ne sut ce qu’il advint de l’instruction si jalousement entamée

par les messieurs de Séville.

Solís s’agita dans son fauteuil et sa bouche se contracta

dans un éclat de rire silencieux. Il riait sous cape d’Isásaga et

des autres. Mais la sérénité revint sur son visage en se rappe-

lant, avec nostalgie, les agréables lectures de cette époque

de repos forcé, jusqu’à ce qu’il sourît à nouveau en revivant

le dénouement inattendu de la comédie, les soixante-six mille

cent quatre-vingt-deux maravédis44 – ni plus ni moins – que

Son Altesse ordonna à cette même Casa de Contratación de

lui payer « à titre d’indemnités et pour le préjudice subi du-

rant les vérifications concernant son voyage en compagnie

de Vicente Yáñez Pinzón45 ».

À partir de ce moment-là, tout lui sourit. Même la lutte

ne lui faisait pas peur pour donner à sa vie de l’intérêt. Ce fut

à cette époque, dans la pittoresque et paisible ville de Lepe,

qu’il fit la connaissance et aima doña Ana de Torres, sœur de

son ami Francisco de Torres, pilote comme lui. Damoiselle

craintive et d’un physique agréable, elle séduisit Juan qui vit

en elle la femme digne d’être sa compagne. Doña Ana ne res-

ta pas longtemps sourde à ses avances, bien qu’elle sût – car

on dirait que même le vent véhicule de telles nouvelles – tout

ce que l’on disait concernant la mort de la première épouse

de Solís. Et il est fort possible que – comme dans nombre de

cas analogues de ces temps de violence – la vengeance ou le

châtiment dont la main de l’époux s’était faite l’exécutrice,

ait dans son esprit et son cœur davantage embelli la per-

44 32.182 plus 34.000 – Toribio Medina, pp. 53-55. (N.d.T.)

45 7 décembre 1511 – Toribio Medina, page 55. (N.d.T.)

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sonne que les compétences du marin. Que pouvait-elle

craindre de lui, elle qui était l’honnêteté personnifiée ?… La

réputation d’adepte de Bacchus, exagérée, de Solís ne l’ar-

rêta pas davantage : en en parlant, Francisco lui avait certifié

qu’une telle inclination, fort répandue parmi les hommes de

mer et de guerre, ne dépassait jamais chez lui une mesure

discrète.

Doña Ana de Torres et Juan Díaz de Solís ne tardèrent

donc pas à célébrer leurs noces, à la grande satisfaction du

frère et ami. La lune de miel fut plus placide qu’agitée, en

raison du caractère de l’épouse et de l’âge et de l’amère ex-

périence de l’époux. Ils s’installèrent à Lepe, où ils menaient

une vie retirée, jouissant de sa position flatteuse, toujours

ensemble, tant que les obligations maritimes ne réclamaient

pas le pilote. Doña Ana, comme la majorité des femmes de

l’époque, était ignorante mais, en revanche, elle était dotée

d’une intelligence claire, sagace, et de capacité réflexive, qui,

en diverses occasions, avaient fait d’elle la conseillère de son

frère, comme elle le fut ensuite de Solís, l’apaisant, car il

était toujours exubérant, fougueux et passionné pour tout ce

qui concernait ses ambitions. Doña Ana n’essayait pas

d’accroître son influence mais de l’utiliser avec mesure : elle

était plutôt la maîtresse de maison, taciturne et modeste,

soumise à son mari, se préoccupant uniquement des besoins

du ménage, ne sortant que pour se rendre à l’église, prati-

quant ce que l’on considérait à l’époque comme étant toutes

les hautes vertus féminines. De cette paisible union naqui-

rent deux beaux et forts garçons : Luisillo, en 1510, et Diego,

qui n’avait que quelque mois lorsque, rappelé par Son Al-

tesse, Solís dut accourir à Logroño.

Et le marin revécut en une seconde l’année qu’il consi-

dérait comme décisive pour sa vie, 1512 où, en février, le 22,

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décédait le célèbre Vespucci – Amerigo Vespucci – laissant

vacante la charge de pilote principal du Roi, que les mes-

sieurs de Séville convoitaient pour leurs parents ou leurs

protégés. Mais don Ferdinand avait déjà fait son choix et,

faisant la sourde oreille aux insinuations et suppliques de

quelques-uns de ses officiers, le 25 mars, il nomma Juan

Díaz de Solís, avec la solde annuelle de cinquante mille ma-

ravédis nominaux, car il allait devoir en verser un cinquième,

à titre de pension alimentaire, à la veuve d’Amerigo46. Cette

nomination, qui en mécontenta beaucoup à la Casa de Con-

tratación, ruinant leurs espoirs, n’était pas une faveur gra-

cieuse mais bien une mission de travail et un sacrifice : le

jour-même où il l’accorda à Solís, Son Altesse concluait avec

lui un contrat par lequel le marin s’engageait à naviguer vers

l’Orient, en tant que capitaine du Roi, avec deux vaisseaux,

afin d’établir la ligne de démarcation entre les terres, ré-

cemment découvertes, revenant respectivement aux cou-

ronnes de Castille et du Portugal47. Comme on en avait pris

l’habitude dans ces cas-là et comme l’auraient exigé les offi-

ciers royaux, Solís serait accompagné d’un contrôleur, inter-

venant dans les achats et rachats, et d’un greffier, chargé

d’informer directement le Roi des détails du voyage et de la

façon dont s’établissait la ligne de démarcation.

Don Ferdinand avait conversé longuement avec le ma-

rin, lui demandant des avis et lui donnant des instructions

extrêmement confidentielles, qui n’ont jamais transpiré dans

les documents publics. D’après ces derniers, Solís devait le-

46 25 mars 1512 – Toribio Medina, page 55. (N.d.T.)

47 27 mars 1512 – Toribio Medina, page 58. (N.d.T.)

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ver l’ancre précisément un an plus tard, se diriger vers la

Gomera48, le Cap de Bonne Espérance et l’île de Ceylan, afin

de vérifier si celle-ci se trouvait dans la partie revenant à la

Castille et, si c’était le cas, en prendre solennellement pos-

session, y assurant sa domination. Il devait ensuite se rendre

« aux Moluques, qui se trouvent dans la zone de démarcation

de la Castille », et à « Sumatra, Pégou49, terre des Chinois et

terre des jonques50 », prenant possession de tout ce qui se

trouverait en deçà de la démarcation espagnole.

Mais, pendant que les messieurs de Séville ruminaient

leur colère, l’ambassadeur de don Manuel, toujours aux

aguets, en profitait pour vérifier, ne fût-ce qu’en partie, ce

qui se faisait, par l’intermédiaire de ses agents. Il ne tarda

pas à comprendre que c’était grave pour les intérêts de son

souverain et décida de compliquer, autant que possible, la

48 Île des Canaries. (N.d.T.)

49 Birmanie ?… (N.d.T.)

50 Toribio Medina, page 64. (N.d.T.)

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tâche de Solís, croyant disposer d’une arme suffisante en

rappelant ses écarts de conduite au Portugal, appartenant au

passé mais pas amnistiés… Il fallait éviter que, se servant

d’un pilote aussi expérimenté, le roi de Castille prenne de

l’avance dans la conquête de ce que le Portugal ambition-

nait, et don Juan Mendes de Vasconcelos n’hésita pas à se

présenter devant don Ferdinand, pour se plaindre et protes-

ter contre l’expédition projetée.

Monsieur l’ambassadeur était astucieux et habile mais il

allait affronter un adversaire de première force. Aux dons ca-

ractéristiquement diplomatiques de l’astuce et de l’habileté,

le roi Ferdinand le catholique alliait une faculté de dissimula-

tion frisant souvent la perfidie. Il écouta l’ambassadeur avec

une déférence amicale, se dit surpris en entendant qu’il ac-

cusait Solís d’être un criminel et un ennemi des Portugais, lui

promit de préserver les droits et même les intérêts de son

« bien-aimé » fils Manuel51 ; quant à l’expédition projetée, il

endormit sans difficulté sa méfiance en promettant de don-

ner aux officiers de la Casa de Contratación les ordres les

plus sévères afin que Solís se conforme strictement à ses ins-

tructions. Il acheva de le tranquilliser, quelques jours plus

tard, en lui laissant voir en partie une ordonnance, qu’il en-

voyait aux officiers et dans laquelle il disait : « Nous étions et

sommes d’accord d’envoyer, avec notre pilote principal Juan

Díaz de Solís, une personne de confiance et extrêmement

51 Son gendre pour la deuxième fois ; après avoir épousé Isa-

belle d’Aragon, une première des filles de Ferdinand, il épouse sa

sœur Marie. (N.d.T.)

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prudente, qui doit être secrètement nantie de pouvoirs excé-

dant ceux dont ledit Juan Díaz de Solís est investi52… »

Cette sorte d’espionnage et d’occulte subordination, à

laquelle allait être soumis le pilote, présenta le double avan-

tage de satisfaire d’un côté Vasconcelos et, de l’autre, les of-

ficiers de Séville. Mais ces derniers ne furent pas aussi con-

tents des autres points que l’ordonnance contenait.

Elle commençait par faire allusion aux accusations et

aux soupçons de l’ambassadeur du Portugal, se référant à

« certains obstacles que pourrait rencontrer ledit Juan de

Solís en cours de route », et leur recommandait instamment

d’en parler avec le pilote « afin qu’il vous donne son avis les

concernant tous – les obstacles – et quelle solution il y ap-

portera ou quel crédit il y accorde comme empêchements ».

Il se montrait ensuite désireux que l’expédition eût lieu mais

aussitôt disposé, également, à la suspendre en cas de force

majeure car, tandis qu’il ordonnait de donner à Solís les

moyens financiers nécessaires, il recommandait que tout ce

que l’on achèterait fût « d’une qualité telle que, si on était

amené à ne pas faire ce voyage, on pût le restituer ou le

vendre sans y perdre beaucoup ». Mais ce qui irrita le plus

les officiers ce fut la fin de l’ordonnance, où don Ferdinand

leur ordonnait d’œuvrer « avec le moins de bruit et d’alter-

cations possibles », insistant, de toute son autorité sur le fait

que « il convient que vous dialoguiez et aidiez Juan Díaz de

Solís à mener sa mission à bien53… »

52 29 mai 1512 – Toribio Medina, page 75. (N.d.T.)

53 Toribio Medina, page 77. (N.d.T.)

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Le navigateur apprit tout cela, en partie de la bouche du

souverain lui-même, en partie par déductions ou en le devi-

nant. Il s’était réjoui en imaginant la tête des messieurs de

Séville, et du mauvais tour dont allait être victime l’arrogant

Vasconcelos, mais il ne manqua de se mettre en colère lors-

qu’il apprit que – faisant, consciemment ou non le jeu du

Portugais – les officiers soulevaient de nouvelles difficultés à

la réalisation du voyage dans une lettre adressée à Son Al-

tesse le 12 mai. L’une de ces difficultés, et pas la moindre,

était la personne-même de Juan Díaz de Solís, mal vu au

Portugal, où il était condamné à mort « pour piraterie et ho-

micide », et une autre de taille, à laquelle ils croyaient : la

faiblesse de la flottille avec laquelle on se proposait de partir,

trop petite pour une telle entreprise.

— Imbéciles ! – pensait Solís, mi-irrité, mi moqueur – Ni

Son Altesse ni moi ne pouvons leur dire que deux caravelles

suffisent amplement pour l’objectif qu’Elle et moi voulons at-

teindre !

Mais une autre idée le turlupinait :

— Vasconcelos s’efforce à me neutraliser ou à m’attirer

à nouveau au service du Portugal… Alors que, d’une part, il

me démolit aux yeux du Roi, de l’autre, il me convie pour me

débaucher avec des promesses, des présents et des hon-

neurs… C’est évident. Mais use-t-il des mêmes ressorts pour

manipuler ceux de la Casa de Contratación ? Ce serait bien

de le savoir… Ces messieurs iraient-ils jusqu’à s’accaparer et

usurper des droits d’autrui, voire à provoquer des conflits

avec un autre pays plus faible ? Allons ! Il doit y avoir an-

guille sous roche !…

Une telle délicatesse n’était pas dans la mentalité de

l’époque, ni dans celle du souverain lui-même. Mais le fait

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est que les officiers ne voyaient pas d’un bon œil son in-

fluence croissante, ne favorisaient pas ses projets et ne ra-

taient pas une occasion de lui tendre des pièges pour le para-

lyser. Ce groupe d’hommes de robe et de gentilhommes –

ayant l’habitude de favoriser leurs proches, de manipuler à

leur avantage les grandes ou les petites affaires des Indes, à

exercer une sorte de droit de regard même sur la correspon-

dance qui allait et venait entre l’Amérique et l’Espagne, à in-

valider de leur propre autorité les dispositions du Gouver-

nement qu’ils considéraient dangereuses ou inadéquates – ce

groupe presque omnipotent ne pouvait pas permettre ni tolé-

rer sans contrariété et sans lutte qu’un Juan Díaz de Solís

marche sur ses plates-bandes, faisant fi de la Casa de Contra-

tación. Mais, cette fois, le monarque n’était pas de leur cô-

té…

Le navigateur finit par s’endormir sur ces pensées et ces

souvenirs, qui lui avaient brièvement traversé la tête, comme

un tourbillon. Enfoncé dans son fauteuil de cuir, il dormait et

rêvait… Il progressait, toutes voiles dehors, sur une mer in-

connue, qui n’était peut-être pas une mer, sur une mer nou-

velle parmi les mers…

Le jeune homme au visage ingrat, qui avait accueilli

Francisco de Torres apparut à la porte et s’approcha sur la

pointe des pieds. Son énorme bouche esquissa ce qui voulait

être un sourire mais qui ne dépassa pas le stade de la gri-

mace, parce que le malheureux, non seulement bigleux, était

si marqué par la petite vérole, lippu et pourvu d’un nez si

long, qu’il semblait porter un masque vivant. Cela contras-

tait, au demeurant, avec son corps visiblement robuste, au

point que la délicatesse de ses mouvements pour approcher

Solís, se révélait comique.

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— Monsieur, monsieur – répéta-t-il à plusieurs reprises,

en élevant progressivement la voix afin de ne pas l’éveiller

en sursaut.

— Que se passe-t-il, Rodrigo ? – demanda le pilote,

s’arrachant à ses mers fantastiques. – As-tu ramené le che-

val ?

— Il est dans l’écurie.

— Qu’on le soigne bien.

— L’homme, que je suis allé chercher sur ordre de don

Francisco et qui dit s’appeler Diego García, m’a accompa-

gné…

— Fais-le entrer.

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V

L’AMBASSADEUR DE MANUEL Ier

Le domestique réapparut au bout d’un instant, amenant

un homme dont l’aspect n’était en rien commun. Petit de sta-

ture et aux épaules robustes, il avait un torse athlétique,

d’énormes pieds chaussés de cuir grossier, de grosses mains

courtes et calleuses, dont l’articulation des doigts se mouvait

avec une gaucherie plus apparente que réelle. Il portait une

moustache fournie à l’espagnole, d’un noir-roux, comme

roussie par le soleil, et une barbe de soldat, qui accentuaient

le hâle de son visage de bronze brun ; cela, complété par

l’éclat de ses petits yeux de jais, postés derrière de très épais

sourcils, lui conférait une expression plus que martiale : me-

naçante. Arrivé en transpirant, les cheveux ébouriffés et le

nez camus, on aurait dit un lion de mer qui venait de sortir

de l’eau.

— Êtes-vous Diego García ? – demanda Solís en se le-

vant à peine pour le recevoir.

— De Moguer, votre seigneurie – répondit l’homme avec

un accent andalou très prononcé, pendant qu’il avançait en

saluant et en se balançant comme s’il avait été à bord d’un

navire.

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— Francisco de Torres, mon beau-frère, dit que vous

êtes un bon marin…

Diego García plissa son front entre ses sourcils et, agi-

tant le béret qu’il tenait à la main, aboya plus qu’il ne dit, en

zézayant :

— Votre beau-frère me connaît bien ! Je sais tout ce que

dans la pratique, peut savoir un navigateur et, en pleine mer

de même qu’entre entre des caps, je défie les plus pédants

qui attendent tout des étoiles et qui, dès que le ciel se

couvre, sont perdus ; ils n’auront pas mon expérience pour

faire franchir à un navire le chas d’une aiguille, comme je l’ai

fait plus d’une fois… J’ai fait mes preuves et n’en dis pas

plus, car ce n’est pas bien de se vanter…

— Avez-vous déjà exercé un commandement ?

Un énorme sourire tordit le visage du marin.

— Plus d’un mousse a dit que suis fait pour être capi-

taine – dit-il avec ironie – mais j’ai commandé de grandes

embarcations et qui ne se balançaient pas sur de l’eau douce,

Dieu m’en soit témoin !

Solís, qui l’avait observé avec une grande curiosité, ajou-

ta – cela se voulait plus une affirmation qu’une question :

— Convainquez-moi que vous êtes un serviteur loyal et

un ami sûr.

— Je mets un point d’honneur à être loyal et quant à

l’autre point… Il vaut mieux m’avoir comme ami que comme

ennemi.

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— Vous y entendez-vous bien à la manœuvre ? – insista

Solís pour le faire parler, amusé par sa façon âpre de s’exp-

rimer.

— Que Saint-Diego, mon patron, m’en soit témoin ! Je

vous l’ai déjà dit : j’ai plongé dans la mare tout jeune et,

grâce à Dieu et à mes poings, j’ai été matelot, gabier, patron,

second maître d’artillerie, contremaître, maître d’équipage et

beaucoup plus, même sans titre, car pour moi les titres cela

ne me paie pas s’ils ne sont pas bien mérités, comme les

vôtres… Donc, votre seigneurie, la manœuvre et moi for-

mons un tout !…

— Comme une seule personne !… Mais, venons-en au

fait. Cela vous plairait-il de naviguer sous mes ordres dans

une certaine expédition qui peut être longue et difficile ?

— Peu m’importe qu’elle soit longue et difficile… Tout

dépend de ce que cela me rapportera…

— Ce n’est pas non plus de tout repos… Vous gagneriez

comme maître d’équipage…

— Sur un navire de votre seigneurie ?… Cela me plaît !

N’en dites pas plus…

— … mille cinq cents maravedis par mois.

— Cela me convient aussi.

Et, après une très courte pause, il demanda très tranquil-

lement :

— Quand lève-t-on l’ancre ?

— Ne voulez-vous pas savoir dans quelles conditions et

pour quelle destination ?

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— Savoir que votre seigneurie commande me suffit. Je

ne suis pas très curieux ; plus loin on ira, mieux ce sera et

plus cela rapportera. Et puis… on murmure que vous songe-

riez à progresser très loin vers le Sud…

— Il ne faut pas se fier aux racontars.

— Veuille Saint-Diego que ce soit la vérité !

— Pouvez-vous enrôler des gens valables, quelque dix

hommes éprouvés ? – l’interrompit Solís, changeant de sujet.

Je dispose déjà de quelques vieux marins, des gens que je

connais et sur qui je peux compter mais il m’en faut plus…

soixante en tout.

— Vous les aurez, votre seigneurie. Il n’y a pas, dans

tous les ports espagnols de la Méditerranée et de l’Océan, un

seul homme – à moins qu’il ne soit novice – capable de

prendre un ris, que Diego García de Moguer ne connaisse

pas.

— Parfait ! Francisco de Torres vous donnera de l’argent

pour les arrhes. Allez à Séville et négociez avec les vaillants

que vous rencontrerez, tant là qu’à Palos et ailleurs, mais ne

parlez ni de destination ni de date pour l’embarquement…

Torres vous donnera également des lettres afin que mes ar-

mateurs vous comptent, dès aujourd’hui, le salaire de maître

d’équipage ; quant aux autres conditions, rassurez-vous :

elles seront à votre convenance… Mais, chut ! Ne vous lais-

sez pas mener en bateau et renforcez la ralingue !

— Ne vous inquiétez pas, votre seigneurie, Saint-Diego

m’en soit témoin ! Tel maître, tel valet !

— Eh bien, au revoir, Diego García…

— De Moguer… Que Dieu préserve votre seigneurie.

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— Pourquoi répétez-vous toujours de Moguer ? – de-

manda par curiosité Solís, en l’arrêtant.

— Eh bien… parce que je suis né à Moguer et que, mal-

gré cela, de mauvaises langues veulent absolument faire de

moi un Portugais pour me brouiller avec les seigneurs d’ici ;

afin d’améliorer mon pain quotidien, je me suis efforcé de

bien mettre les choses au point… Par ailleurs, il existe autant

de Diego García que de cigales dans un verger.

— As-tu, par hasard, servi de l’autre côté ?

— Hé ! Suffisamment pour connaître de vue et de répu-

tation un certain navigateur espagnol surnommé là-bas, par

malveillance, Bouffées de bagasse…

— Je vois, je vois, Diego García.

— … De Moguer !

Solís sourit légèrement mais n’ajouta pas un mot, se

bornant à répondre d’une inclinaison de tête à la révérence

maladroite par laquelle, déjà sur le seuil de porte, prit congé

l’hirsute Diego García de Moguer54.

Le soleil commençait à décliner et on entendait, parve-

nant de la rue, la rumeur de voix et de pas. Juan de Solís cei-

gnit son épée, prit son chapeau à plumes et, se caressant la

barbe d’un geste mi-préoccupé mi-ironique – qui correspon-

dait à sa pensée profonde –, il alla frapper à la porte de la

chambre de son beau-frère. Ce dernier, déjà debout et ayant

54 Toribio Medina, pp. CCCXXX-CCCXXXI. (N.d.T.)

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revêtu des habits de couleur, s’empressa d’en gagner la sor-

tie.

— Me voici, prêt à entrer en lice – déclara Torres.

— Allons-y donc, mon frère, puisque le moment est venu

– répondit Solís.

Il se rendait, enfin, au rendez-vous fixé à plusieurs re-

prises par l’ambassadeur Vasconcelos, avec l’intention se-

crète de donner une petite leçon aussi inattendue que savou-

reuse au maître ès diplomaties. Il avait l’esprit revanchard.

Vasconcelos ne séjournait pas dans l’auberge de Pa-

redes, la seule acceptable à Logroño, remplie à l’époque

d’une nuée de courtisans qui suivaient avec acharnement le

Roi dans ses continuels déplacements, courtisans qui n’a-

vaient pas trouvé à se loger sur son lieu de séjour champêtre

de Mansilla. Vasconcelos avait investi ses reales dans une

demeure patrimoniale que ses propriétaires, absents, lui

avaient cédée ; et si son aménagement n’était pas luxueux,

elle lui offrait toutes les commodités que l’on pouvait désirer

dans une vieille demeure d’une ville de province, sans que fît

défaut l’indispensable de la vie quotidienne : ni les domes-

tiques prévenants, outre les siens, ni les montures et atte-

lages, même si, ayant l’habitude de se rendre à la Cour, il

avait amené son carrosse.

Dès qu’on lui eut annoncé sa visite, il reçut Solís et son

beau-frère dans la salle qui lui servait de bureau, dont les

meubles, prenant presque tous appui contre les murs, étaient

alignés dans une formation correcte. La grande table en

chêne près du pan de mur avec sa nappe verte, sa lampe en

cuivre, son écritoire et son sablier en étain, garnie de

quelques gros livres et de liasses de papiers, ainsi que la

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natte de joncs qui couvrait en partie le pavement rugueux et

inégal, ne parvenaient pas à atténuer la sensation de vide, de

sévérité, de tristesse et de vétusté de la vaste pièce.

Don Juan Méndez de Vasconcelos était un quinquagé-

naire de haute taille, mince, de constitution forte et sèche

comme un homme destiné à connaître la longévité, au visage

maigre et olivâtre, aux grandes moustaches dites alors « en

garde de poignard », à la barbe noire et bouclée avec l’une

ou l’autre touffe de poils chenus, aux mains longues, li-

gneuses comme du bois, et aux petits yeux gris bruns, in-

quiets et inquisiteurs. Il était vêtu de noir, arborait, croisée

sur sa poitrine la bande rouge de la grande croix de l’ordre

militaire portugais du Christ, et, brodée en relief du côté

gauche du pourpoint, la croix rouge fleur-de-lysée de l’ordre

espagnol de Calatrava, que don Ferdinand et doña Isabelle

lui avaient décerné pour avoir négocié le mariage de l’infante

doña Isabelle d’abord avec le prince don Alfonso de Portugal

– dont elle se retrouva veuve – et, plus tard, avec le roi Ma-

nuel, dont le fils55, s’il avait vécu, aurait régné sur toute la

péninsule ibérique… À la Cour, par moquerie, on disait que

le hautain Vasconcelos ne quittait pas ses distinctions même

pour dormir.

— Bienvenue – dit l’ambassadeur, en portugais, d’une

voix profonde et sourde. – Je commençais à croire que je de-

vrais aller vous chercher moi-même, bien que ce soit votre

intérêt qui vous appelle… Et je vous attendais moins, si bien

accompagné.

55 Michel de la Paix. (N.d.T.)

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— Celui qui m’accompagne, Excellence, est mon beau-

frère, Francisco de Torres, pour qui je n’ai pas de secrets…

Dans une de ses missives, Votre Excellence me faisait savoir

qu’elle verrait volontiers mon frère, qui rapporte des nou-

velles du Portugal ; mais le malheureux est au plus mal, ne

peut pas se déplacer pour le moment, et mon beau-frère qui,

selon mon cœur, est autant mon frère que l’autre, sinon plus,

vient pallier cette lacune.

— C’est bon – grommela l’ambassadeur, visiblement

contrarié.

— Votre Excellence me pardonnera de n’être pas venu

plus tôt – continua Solís – car elle ne doit pas ignorer mes

nombreuses obligations, ma présence passagère à Logroño

et les fréquents voyages auxquels me contraint le service de

Son Altesse. On n’aura pas manqué, car on ne manque ja-

mais d’informer Votre Excellence à ce sujet, ce qui ne

m’excuse pas… Mais, dès que cela m’a été possible, je me

suis empressé de me rendre au service de Votre Excel-

lence…

Préparant son exorde, Vasconcelos tarda à prendre

place à la table, comme pour présider, tout en indiquant

d’autres sièges aux Espagnols.

— Donc, en ce qui vous concerne, je peux parler ouver-

tement en présence de votre beau-frère ?

— De ce que dira Votre Excellence, il n’y a rien que

Francisco de Torres ne sache déjà ou, du moins, qu’il ne de-

vinera.

L’ambassadeur s’éclaircit la gorge et, d’une voix encore

plus profonde, il se lança :

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— Avec un homme comme vous, Juan Díaz, les subtili-

tés et les détours ne servent à rien. C’est pourquoi je vais

vous parler, davantage que comme un ambassadeur, comme

quelqu’un qui vous veut du bien et cherche ce qu’il y a de

mieux pour vous.

Solís ébaucha une révérence.

— Eh bien… don Manuel, mon roi et maître, désire natu-

rellement – comme c’est notoire, parce qu’il ne tente de le

dissimuler à qui que ce soit – étendre et consolider ses con-

quêtes, rien de plus que ses conquêtes légitimes, aux Indes

et en Afrique. Pour cela, il a besoin de marins et de soldats à

toute épreuve, des gens énergiques et capables… Parmi ces

derniers, qui ne sont nombreux ni au Portugal ni ailleurs, il

ne lui est pas possible d’oublier ceux qui, comme vous, ont

rendu des milliers de services à son royaume… Et si Son Al-

tesse ne s’en était pas souvenue, j’étais ici pour lui rafraîchir

la mémoire… Ce ne fut pas nécessaire. De sa propre initia-

tive, elle a daigné m’envoyer à votre recherche et vous pro-

pose de revenir au Portugal, où l’on vous traitera et favorise-

ra comme vous le méritez.

— Votre Excellence semble oublier – répliqua Solís avec

une candeur simulée – que Son Altesse le Roi d’Espagne m’a

dispensé il y a peu la faveur de me nommer son pilote prin-

cipal et que je suis le premier Espagnol nommé à une charge

aussi élevée… Ce serait répondre honteusement à une telle

faveur et, en outre, Votre Excellence conviendra avec moi

que Son Altesse le Roi Manuel ne voudrait ni ne pourrait rien

m’offrir d’analogue…

Le regard inquisiteur de Vasconcelos tenta de pénétrer

les pensées intimes de Solís. Au bout d’une seconde, il dit,

avec un calme glacial :

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— Mais, n’êtes-vous pas portugais ?

— Je suis né à Lebrija : alors que j’étais en bas âge, mes

parents ont émigré au Portugal… Tout le reste est sans fon-

dement – rétorqua Solís.

— Laissons ce point… Je voudrais vous dire que les fa-

veurs royales ne peuvent pas avoir de limites pour les bons

serviteurs. Si vous étiez au Portugal – que je continue à

croire votre patrie – vous ne perdriez rien en ce qui concerne

les honneurs et les avantages, et votre avancement serait

plus grand que tout ce que vous imaginez… Quoi que vous

demandiez, ce ne sera pas une vaine prétention. J’ai les

pleins pouvoirs de Son Altesse et je sais ce que vous valez…

Dans le pire des cas, votre situation au Portugal, quant au

pouvoir, aux richesses et aux titres, surpassera de loin

l’actuelle, parce que vous savez bien qu’ici – que le roi Fer-

dinand me pardonne ! – promettre n’est pas donner, comme

dit le proverbe castillan.

Vasconcelos se tut pour voir venir mais le navigateur

resta impassible.

— Il me serait extrêmement difficile – finit-il par dire –

de quitter le service d’un maître qui m’honore de sa con-

fiance et beaucoup plus maintenant car, comme Votre Excel-

lence doit très bien le savoir, il veut me mettre à la tête d’une

expédition importante pour lui et dont les difficultés m’at-

tirent et me stimulent. Même venant de Son Altesse le Roi

son gendre, qu’il appelle « fils » et veut considérer comme

tel, ce serait une noire trahison, que seuls l’intérêt et la con-

voitise pourraient justifier ou, plutôt, expliquer…

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Le ton de Solís était tellement insinuant que Vasconce-

los se dit : « Celui-là, je vais lui tirer les vers du nez et, en-

suite, je le mène par la longe au pâturage. » Et, à voix haute :

— Mais si le roi Ferdinand veut vous confier une telle

expédition, il est clair qu’il ne vous l’a pas encore confiée et

il se peut qu’à mi-chemin…

Francisco de Torres qui, jusqu’alors, avait observé, muet

et immobile, s’agita sur sa chaise comme pour donner l’al-

lerte à Solís, sûr que le Portugais lui tendait un piège, pas

très subtil, dans lequel ce dernier parut, pourtant, tomber en

toute innocence.

— Monsieur l’ambassadeur se trompe ! – s’exclama-t-il

avec une apparente légèreté – Les préparatifs de l’expédition

sont déjà en cours…

— Et où se rend l’expédition ?

— Son Altesse veut garder le secret…

— Vous savez que je suis votre ami.

— Hé, il ne s’agit que d’une petite flottille que je dois pi-

loter pour savoir et découvrir ce qu’il y a là-bas.

— Votre destination n’est-elle pas Malacca ?

— Non, Excellence ; je vais seulement déterminer la

ligne de démarcation56.

Vasconcelos se leva et se mit à arpenter la pièce à pas

lents. Solís et Torres se mirent debout. C’était ce que cher-

56 Dite d’Alexandre VI. (N.d.T.)

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chait l’ambassadeur car, prenant immédiatement Solís à

part, il lui murmura à l’oreille :

— Ne seriez-vous pas plus prudent en pensant que la fa-

veur d’aujourd’hui peut, en quelques jours, s’évanouir

comme de la fumée ?… Don Ferdinand a la réputation de ne

pas être très ferme ni très constant… Vous avez, à l’affût, des

ennemis puissants. Les officiers de Séville ne cesseront pas

leurs hostilités, ils continueront à vous opposer toutes sortes

d’obstacles, ils n’arrêteront pas tant que vous ne serez pas

bloqué à terre…

— Votre Excellence a raison en ce qui concerne les buts

de ces messieurs – murmura sourdement Solís.

— Bien sûr que j’ai raison ! Largement raison ! J’en sais

plus que vous ne savez vous-même… Je sais que « ces mes-

sieurs », comme vous dites, ont fait mener au Portugal une

enquête secrète sur votre conduite passée et, tout particuliè-

rement, sur la prise d’une caravelle royale, dont on vous a

accusé en 1494…

Solís, sarcastique, l’interrompit :

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— Ici, entre nous, cette enquête n’aurait-elle pas été

commanditée par certain ambassadeur, à qui cela convien-

drait que je sois écarté du service de don Ferdinand ? Ce

haut personnage ne voudrait-il pas utiliser ce prétendu acte

de piraterie contre le Portugal afin que, ensuite, ce même

Portugal me récompense, m’honore et me glorifie… soit par

des charges, soit tout simplement par un gibet ?

— Vous pouvez être sûr que…

— Je le suis déjà autant que possible… Envoyée par Son

Altesse en personne, j’ai en ma possession une ordonnance

de sécurité avec toutes les conditions requises…

— Une ordonnance de sécurité !

— Comment ? Votre Excellence l’ignorait ? Mais c’est

indubitable – S’adressant à son beau-frère : — Francisco, dis

à son excellence ce que mon frère Blas m’a rapporté du Por-

tugal.

— Une ordonnance signée par le roi don Manuel afin

que, si tu le souhaites, tu puisses entrer, circuler dans le

royaume sans que personne ne t’importune, et en ressortir

librement et tranquillement quand cela te plaira.

— Vous voyez bien – dit Solís à Vasconcelos.

— Vous voyez bien – répéta Vasconcelos à Solís.

— Il n’empêche que je n’irai pas au Portugal. Malgré

l’ordonnance, je crains beaucoup que l’on me tienne pour

suspect et que Son Altesse me fasse arrêter le jour où je m’y

attendrai le moins.

— Comment ! Vous osez mettre en doute la parole et la

signature du Roi mon seigneur !

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À ce stade de la conversation, Francisco de Torres mon-

ta au créneau :

— Il a ses raisons ! Nous avons nos raisons !… On doit à

Blas trois cents ducats à la Casa da Guiné, et à Juan, ici pré-

sente, pas moins de huit cents… On n’a pas donné suite à

toutes ses réclamations. Le Roi lui a remis, à plusieurs re-

prises, des ordonnances signées de sa main afin qu’on les lui

paie et… choux blanc ! Cela nous fait une belle jambe la si-

gnature, si l’intention n’est pas suivie d’effet !…

Vasconcelos devint vert mais, se contenant et essayant

de se calmer, il dit à Solís :

— Pour parler franchement, votre sauf-conduit prouve,

plus d’autres papiers, que nous avons besoin de vous… Son

Altesse est résolue à vous gracier pour la piraterie et

l’homicide…

— Piraterie, homicide ! Votre Excellence, également,

croit à ces fables ? Si homicide il y avait, tel que le relatent

les commères et les imbéciles, en l’occurrence pour laver

mon honneur, je mériterais d’être applaudi, pas condamné…

Ce sont des contes de vieilles femmes…

— … et à vous confier – poursuivit Vasconcelos, comme

s’il n’avait pas été interrompu – une grande et forte flotte

ainsi que la gouvernance de tout ce que vous découvrirez…

Alors, vous pourrez dire à plus forte raison : « hormis le roi,

personne57 »…

57 Voir Rojas Zorilla, ci-dessous : « Notes du traducteur ».

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— La proposition, bien que vague, est flatteuse – dit

Solís avec beaucoup de calme –. Elle en tenterait plus d’un,

en ces temps où l’on accourt sans déshonneur où vous ap-

pelle votre intérêt… Mais je répète à Votre Excellence qu’il

ne m’est pas facile de servir un maître qui m’a privé de sa-

laires durement gagnés, Dieu m’en est témoin, et qui a per-

mis un déni de justice, sur base duquel on m’a poursuivi au

Portugal…

— Les salaires peuvent être payés, on peut faire taire la

calomnie, et la faveur est le grand dédommagement de

l’injustice – fit remarquer Vasconcelos, toujours davantage

déconcerté – « Après la pluie vient le beau temps », dit le

proverbe.

Torres, à nouveau silencieux, riait sous cape.

— Il est certain – reprit Solís – que les Officiers de Sé-

ville peuvent beaucoup ; il est certain, aussi, qu’ils m’aiment

peu, mais… le roi me soutient. Et, si Votre Excellence ne le

prend pas pour un manque de courtoisie, il vaudrait mieux

mettre fin ici à cette conversation, qui ne mène à rien et qui

n’a pas même le mérite de la franchise.

— Halte-là ! – s’exclama Vasconcelos. Je vous ai déjà dit

que je peux vous faire des propositions concrètes… Je vais

vous les faire…

— Votre Excellence sait aussi bien que moi que ce serait

inutile. Je ne me sens pas disposé à écouter davantage de

propositions. Et j’avoue à Votre Excellence que si je suis ve-

nu et que je vous ai écouté, c’est uniquement pour faire hon-

neur à votre personne, qui mérite de ma part le plus grand

respect…

Vasconcelos, furieux, fit une légère inclination de la tête.

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— Même s’il n’y avait pas de litige entre moi et le Portu-

gal et son souverain – poursuivit Solís – même si je devais

leur témoigner de la gratitude et non de la rancœur, la con-

fiance de mon roi suffit à m’arrêter. Quant à l’argent, j’en ai

assez pour moi et les miens, et il en entrera dans ma poche

sans que je doive courir après…

— Mais, sans porter préjudice à qui que ce soit, vous

pourriez me dire… Cette flottille… ce voyage…

— Allons ! Vous avez de bons espions à la Cour et à la

Casa de Contratación… Vous-même l’avez avoué. Vous en

savez plus que moi.

— Voyons : On m’assure que…

— La démarcation convenue dans le traité de Tordesil-

las doit passer du papier à la réalité, sur les mers et sur les

terres… Vous savez tout.

— Si c’est votre dernier mot…

— Et le premier.

— Peut-être aurez-vous à le regretter. Quand les rois se

donnent l’accolade, les vassaux doivent progresser à tâtons.

— Votre roi m’importe peu.

— Cette audace ! – s’exclama l’ambassadeur, indigné.

— M’avancerais-je en disant la même chose de Votre

Excellence ? À l’abri de sa fonction, Votre Excellence tente

de corrompre et d’acheter un vassal du roi Ferdinand, un de

ses hommes de confiance…

Vasconcelos se mordit les lèvres et, ne dissimulant plus

sa colère, rugit en portugais :

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— Tu n’iras pas très loin, Joao Dias !

— Pas plus que nécessaire… Partons, Francisco, mon

frère.

Et après avoir balayé la natte de joncs avec les plumes

de son chapeau, dans une très profonde révérence, Solís sor-

tit de la pièce, puis de la maison, suivi de Francisco de

Torres, laissant l’ambassadeur déconcerté et perplexe.

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VI

LA CONDESCENDANCE DE FERDINAND

LE CATHOLIQUE

La perplexité de Vasconcelos ne dura pas longtemps. Si

déconcertante que fût l’attitude de Solís en dédaignant ses

offres et en se moquant de ses tentations, il ne considérait

pas perdue une partie qui, en résumé, ne dépendait qu’ac-

cessoirement du pilote. Le facteur principal et décisif était le

roi don Ferdinand lui-même, dans l’esprit de qui l’ambas-

sadeur éveillait, depuis un certain temps, la méfiance et une

malveillance à l’encontre du navigateur, en qui il avait tou-

jours vu un ennemi du Portugal – à double titre puisqu’il était

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mû par la rancœur et l’intérêt. Et Son Altesse lui avait accor-

dé une audience privée dans sa demeure de Mansilla préci-

sément ce jour-là.

Don Juan Mendes de Vasconcelos était sûr de connaître

à fond le soupçonneux et astucieux Roi d’Aragon, devenu un

grand monarque depuis son mariage avec Isabelle de Castille

et grâce à des coups de chance successifs, car – sans comp-

ter l’incomparable cadeau des « Indes », dont on pouvait

presque dire qu’il était tombé du ciel – il avait unifié le

royaume et ajouté à sa couronne celle de Grenade, l’ar-

rachant aux Maures, alors que la Sardaigne et le Roussillon

étaient récupérés, Naples conquise, la Navarre prise aux

d’Albret, ralliant à son sceptre des terres et villes africaines,

tout en mariant pertinemment ses filles aux grandes maisons

royales d’Autriche, d’Angleterre, du Portugal… Il le savait

politique profond, sans autre boussole que son ambition, ha-

bile s’il le fallait jusqu’à la perfidie – qui, en ces temps ver-

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tueux, était courante en politique car, d’après ce qu’écrivait à

l’époque, Francesco Guicciardini, ambassadeur, à ses man-

dants de Florence, « il n’y avait rien à lui reprocher… sauf

son manque de générosité et le fait qu’il ne proposait aucune

réparation pour avoir manqué à sa parole58 » – et il était, en

outre, froid et même implacablement cruel – fût-ce au nom

de hauts intérêts –, comme le démontrait l’expulsion des

Juifs et des Maures et, sans compter la fondation de la Santa

Hermandad, le pouvoir formidable octroyé à l’Inquisition,

poursuivant des hérétiques et provoquant d’efficaces confis-

cations, qui contribuaient à alimenter ses caisses. Il n’igno-

rait pas non plus que le roi Ferdinand V59 était fort chiche en

matière de récompenses, comme le disait le Florentin, et il

avait l’habitude d’en priver, malgré des services parfois très

importants, ceux dont il pensait ne plus avoir besoin à

l’avenir. Il le tenait pour avare et mesquin, sans examiner

pour quels buts utiles il réservait les deniers de la Couronne,

se rappelant seulement la pauvreté de ses vêtements et

l’histoire fameuse du vieux pourpoint élimé dont Son Altesse

disait aux courtisans :

« Voyez-vous la bonne toile que c’est ? Je m’en suis of-

fert trois jeux !60 »

58 Relazione di Spagna, 1513, p. 138. (N.d.T.)

59 De Castille et León et, auparavant, Ferdinand II d’Aragon.

(N.d.T.)

60 Diario oficial de las sesiones de Cortes, 1837, tomo VII, p. 231.

(N.d.T.)

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Et Vasconcelos ne comptait pas beaucoup, dirons-nous,

sur l’influence que son maître le Roi du Portugal accordait au

fait d’être deux fois gendre de Ferdinand le Catholique, dans

un jeu que l’on pourrait qualifier de la fortune, du mariage et

de la mort… Il avait pu compter sur cette influence, c’est

vrai, lorsque doña Isabelle61, fille du Roi Catholique et veuve

du prince Don Alfonso, épousa en secondes noces le roi Don

Manuel et fut reconnue, à la mort de son frère le prince Don

Juan62, comme héritière, avec son époux, du trône d’Es-

pagne ; mais, malheureusement, doña Isabelle était morte en

donnant naissance au prince Don Miguel63, qui, désigné

comme héritier des couronnes d’Aragon, de Castille et du

Portugal, mourut également, avant l’âge de deux ans, ruinant

de nombreux et très grands espoirs, dont le majeur était

l’unification, sous un seul sceptre, de toute la péninsule ibé-

rique… Le mariage de Don Manuel avec l’infante doña

María64, sœur de sa première épouse65, n’avait amélioré que

momentanément la situation, car la mort fit à nouveau son

office et le cas du premier petit infant du Portugal ne pouvait

pas se répéter. Ferdinand le Catholique lui-même contracta

un second mariage avec sa nièce Germaine de Foix66 et, si le

61 Isabelle d’Aragon. (N.d.T.)

62 Jean d’Aragon ou Juan de Trastamare. (N.d.T.)

63 Michel de la Paix. (N.d.T.)

64 Marie d’Aragon. (N.d.T.)

65 Isabelle d’Aragon. (N.d.T.)

66 Petite-fille de sa demi-sœur. (N.d.T.)

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premier fils qu’il eut d’elle, l’infant Don Juan67, avait vécu

fort peu de temps, il était possible qu’un autre vînt le rem-

placer, malgré l’âge du Roi et sa santé, qui était précaire… Il

ne fallait dès lors pas être surpris, comme on l’a déjà vu au-

paravant et que l’on continuait à le voir, que, même s’il qua-

lifiait affectueusement le roi Don Manuel de « fils très aimé »,

Don Ferdinand continuât à veiller sur ses intérêts aux Indes,

visiblement au détriment du Portugal…

Mais Vasconcelos était résolu à disputer le terrain pied à

pied et, sans plus hésiter, il gagna Mansilla et se fit annoncer

à Son Altesse.

Don Ferdinand le reçut dans un salon à peine meublé,

sans luxe ni décorations, presque sans confort, ressemblant,

si on en avait retiré la longue table, à l’office de paysans ai-

67 Jean, prince de Girona. (N.d.T.)

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sés. On voyait bien que la reine Isabelle de Castille n’était

plus de ce monde, elle qui veillait tant à la grandeur de son

mari, l’entourant d’une pompe sévère qui imposait le res-

pect, alors que la jeune reine Germaine de Foix se préoccu-

pait plus de ses fêtes et de leurs magnificences que de la

splendeur du royaume.

Des pièces de monnaie et des médailles de son temps

nous ont laissé l’image du grand Roi, son nez un peu aplati

prolongeant le front avec une légère inflexion, de grosses

lèvres, un bout de menton rond et proéminent, de grands

yeux, inexpressifs sous des sourcils partant à l’ascension des

tempes, un visage massif et glabre une chevelure couvrant

les oreilles et même le robuste cou, un béret simple garni

d’un étroit diadème royal.

Vasconcelos le trouva assis dans un fauteuil aux accou-

doirs en chêne taillé, le visage hâlé par le soleil, plus faible et

jaunâtre que d’habitude, la poitrine haletante en raison de la

maladie chronique qui l’oppressait, le faisant suffoquer et

provoquant chez lui des évanouissements et un mal au cœur.

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Il n’était plus le chasseur vigoureux, le cavalier émérite par-

mi les courtisans et les soldats, le paladin des batailles et des

tournois, l’homme toujours en action, le travailleur infati-

gable qui se reposait d’une tâche en se consacrant à une

autre. Le poids des années – il frisait les soixante ans à

l’époque – n’était, vraisemblablement, pas la seule cause

d’un si rapide déclin : à la Cour, on parlait d’un breuvage que

la reine Germaine lui faisait prendre, le croyant nécessaire

pour avoir des enfants – sa grande ambition – mais qui, mal-

heureusement, avait compromis à jamais la santé du Roi68.

Cependant, ces problèmes n’ôtaient à Ferdinand V ni sa

courtoisie ni son art de séduire et il reçut Vasconcelos avec

des manifestations de satisfaction que l’on ne réserve qu’à

un ami très cher.

68 Alonso de Santa Cruz, Crónica de los Reyes Católicos. (N.d.T.)

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Il répondit aux compliments de l’ambassadeur avec la

voix fluette, dont devait hériter son petit-fils Charles-Quint,

mais non sans verbosité, et le dialogue commença par de

vagues et banales généralités : ils parlèrent du beau temps, si

favorable à la chasse ; de la santé du Roi, espérant le voir

promptement rétabli ; du voyage à Valladolid, qu’il projetait

mais que, sans doute, il reporterait à l’été suivant – car il se

sentait très bien à Mansilla – afin de passer l’hiver à Madrid

et ensuite revenir où ils se trouvaient, toujours suivi par la

Cour.

— Je vous fais beaucoup voyager, Vasconcelos, car, en

raison de votre charge, vous devez me suivre partout,

comme mon ombre.

— Lors des années précédentes, les voyages de Votre

Altesse étaient plus fréquents… Cette année, nous n’avons

en somme dû la suivre qu’à Burgos et à Logroño, où nous

nous trouvons…

— Ce ne sera probablement pas pour longtemps mais

qu’y faire ! Le Roi se doit à son royaume et à ses vassaux et

je vous avouerai ce que tout le monde sait déjà : les change-

ments, pas tant sur le plan des affections et des amitiés mais

au niveau de mes lieux de séjour, me sont agréables… Les

villes et les grands villages me fatiguent ; je préfère la soli-

tude et la joie paisible des champs, la vie inconstante à l’air

libre, le rude exercice de la chasse, me contentant du simu-

lacre maintenant que, pour moi, les guerres ont pris fin…

Tous deux savaient parfaitement – Vasconcelos parce

qu’il les avait préparées, le Roi parce qu’il les voyait venir –

que d’autres affaires réclamaient son attention et exigeaient

son intérêt ; mais, à les entendre, n’importe qui aurait dit

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qu’il ne s’agissait là que d’une simple visite de courtoisie. Ce

fut finalement l’ambassadeur qui entra en matière.

— Je dois dire à Votre Altesse – commença-t-il – que

mon seigneur le roi Don Manuel, votre fils, m’a écrit il y a

quelques jours pour m’annoncer une lettre destinée à Votre

Altesse, courrier que je viens de recevoir.

— Mon fils aimé se porte-t-il bien ? – demanda le Roi

avec un sourire forcé.

— Grâce à Dieu, il jouit d’une parfaite santé et se pros-

terne à vos pieds royaux, comme il doit le dire dans la pré-

sente lettre.

Et l’ambassadeur fit un pas, qui était une révérence, en

direction du fauteuil du Roi.

— Attendez, Vasconcelos. Ne me la donnez pas. Lope

Conchillos et l’évêque Fonseca ne sont pas aujourd’hui avec

moi et vous me trouvez sans secrétaires… Étant donné que

vous devrez connaître le contenu de la missive, si vous ne le

connaissez pas déjà, lisez-la-moi, s’il vous plaît.

Le Portugais s’inclina profondément, rompit le cachet

d’un geste respectueux, retira les sceaux et ouvrit la missive.

— La lettre est datée de Coimbra, le vingt-deux sep-

tembre courant – commença Vasconcelos avec sa grosse

voix sourde – et dit ce qui suit : « Très haut et excellent

Prince et notre très puissant père : Juan Mendes de Vascon-

celos, de mon conseil, m’a signalé comme il vous l’a dit ce

que je lui demandé de vous dire, entre autres concernant la

flottille, dont on m’a dit que certains navires se rassem-

blaient à Séville et que les envoyiez à Malacca ; et comme

vous lui répondiez que cette flottille ne se rendait pas à Ma-

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lacca mais partait seulement à la découverte d’autres choses,

au sujet desquelles vous lui répondriez. »

— Je vous ai dit la vérité – déclara Fernando –, vous

pouvez poursuivre.

— « Et que ce soit dans ce cas qui m’intéresse tant –

poursuivit Vasconcelos – ou dans tout autre qui me touche,

je n’en attends pas moins de vous pour les nombreuses rai-

sons et obligations qui existent entre nous, justifiant de de-

voir agir ainsi ; et c’est avec un plaisir tout particulier que je

reçois votre réponse… »

— C’était la moindre des choses – coupa le Roi. Conti-

nuez !

— « Et il est certain que, pour les matières dont nous

traitons, j’ai consenti de très fortes dépenses et fait couler

beaucoup de sang de mes serviteurs, chevaliers et vassaux,

et que je dois assurer les recettes qui me parviennent avec

ma flotte, mes forteresses et mes gens, de la façon que je

vous ai fait rapporter par ledit Juan Mendes, que l’on ne doit

pas me toucher ni me faire quelque chose que l’on ne doit

pas et, tout particulièrement vous et vos entreprises, dont

j’espère que vous les garderez et les considérerez toujours

comme les vôtres, parce qu’il en sera toujours ainsi pour moi

et pour les miennes regardant tout ce qui vous touche… »

— Cela a été, est et sera de tout temps ma ferme inten-

tion – confirma Ferdinand – et le Roi mon fils peut avoir con-

fiance, comme je l’ai dans ses projets et volontés. Continuez.

— « Mais – lut l’ambassadeur, en insistant sur les mots –

étant donné que Juan Díaz, pilote portugais – que j’ai

d’abord fait exiler il y a des années, et poursuivre ensuite

pour ses délits qui le condamnent à la peine de mort – va, me

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dit-on, comme pilote dans cette flottille, a dit et dit publi-

quement qu’il se rend à Malacca, et qu’il est une personne

mal intentionnée, se disant, sans raison, lésé par moi ; et,

étant donné que c’est de notoriété publique ce que dit son

second, qu’ils partent avec la volonté et l’objectif déterminé

de voir Malacca, je ne peux plus trouver le repos s’il exécu-

tait la mission que vous lui confieriez même si je crois, indu-

bitablement, ce que vous avez dit à Juan Mendes ».

— Qui est ce second auquel se réfère mon seigneur de

fils ? – demanda le Roi. Si l’on a effectivement évoqué le nom

de Juan Díaz pour commander une flottille, on n’a pas même

songé à un second…

— On dit que c’est un pilote du nom de Juan Anríquez,

portugais, bon marin, à ce que l’on assure69.

— Rien de cela n’est fondé. Nous en reparlerons… Pour-

suivez, je vous écoute.

— « Et je ne voudrais pas, Monseigneur, qu’il en résulte,

ni maintenant ni jamais, quelque scandale, car les personnes

de cette qualité (de celle de Juan Díaz de Solís) ne témoi-

gnent pas le respect qu’elles devraient, afin de se prémunir

contre une occasion d’agir mal – et il serait scandaleux à mes

yeux de toucher à Malacca ; je vous prie, très affectueuse-

ment, de ne pas envoyer à bord de cette flottille ledit Juan

Díaz comme pilote car, pour découvrir ce que cette flottille

va chercher, comme vous le dites, il doit y avoir nombre

d’autres pilotes en Castille qui pourront faire la même chose

et mieux que lui ».

69 Toribio Medina, pp. XXVIII-XXIX et CXC. (N.d.T.)

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— Mais si cela revient au même, objecta Ferdinand, si

d’autres peuvent le faire mieux que lui, quel intérêt a mon-

seigneur notre fils à ce que je ne l’envoie pas, lui ?

— Vous comprendrez Votre Altesse que, vu les antécé-

dents de ce Juan Díaz au Portugal, le Roi mon seigneur ne

peut pas voir d’un bon œil qu’il soit honoré, récompensé et

favorisé ailleurs, a fortiori dans les royaumes de Votre Al-

tesse, son père.

— Vous avez raison de l’évoquer et je prendrai en

compte le ressentiment du Roi mon fils. Continuez, car vous

n’avez pas encore tout lu.

— Les quelques lignes restantes sont la répétition de ce

qui a été dit auparavant : « Et en l’évinçant – Juan Díaz – on

désamorcerait ce qui pourrait résulter de sa mauvaise inten-

tion. Ce faisant, vous préviendriez de graves inconvénients,

comme dans toutes les situations analogues ; je suis sûr que

vous devez toujours vous réjouir de le faire pour tout ce qui

me touche et vous touche autant et je le recevrai de vous

avec un plaisir tout particulier, très haut et excellent prince,

notre très puissant père… Signé : Manuel ».

— C’est bien et nous répondrons dûment au roi Manuel

– dit Ferdinand le Catholique. Mais, avant, je veux que

m’éclaircissiez le point relatif à cet Anríquez ou Enríquez,

dont il me parle.

— C’est comme je l’ai déjà dit à Votre Altesse, un pilote

portugais qui vit près de las Rejas de Séville avec son

épouse, également portugaise. Anríquez s’est déjà rendu aux

Indes pour le compte de mon seigneur et, comme Juan Díaz,

se prétend lésé par ce qu’on lui doit et parce que l’on ne lui

paie pas certaines sommes… Votre Altesse voit bien que je

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ne lui dissimule rien, car j’ai toujours eu une propension à la

plus grande franchise, malgré ce que ma charge exige habi-

tuellement de moi… Avec Anríquez vit son fils, un mousse

semble-t-il prometteur et, à ce que l’on affirme, tant lui que

le jeune garçon, son fils, sont plus expérimentés que Juan

Díaz.

— Ils doivent être des hommes prodigieux… Mais que

dit d’autre cet Enríquez ?

— Eh bien qu’il vient de conclure un arrangement avec

Votre Altesse et qu’il fera office de capitaine sur l’une des

trois caravelles que l’on prépare à Lepe – mon maître évoque

par erreur Séville, en raison d’une information prématurée –

et que commandera Juan Díaz de Solís, d’après des per-

sonnes bien informées ; il parle même des salaires qu’on lui a

signalés, révélant son montant : vingt-cinq mille maravédis

annuels pendant qu’il naviguera et vingt quand ce ne sera

pas le cas. Il indique le mois de mars prochain comme étant

la date de départ…

Vasconcelos disait la vérité, mais il n’exagérait pas la

franchise dont il s’était vanté : il taisait qu’il avait vu En-

ríquez et reçu ses confidences ; que selon le pilote, Malacca

se trouvait effectivement du côté de la ligne de démarcation

relevant de la Castille, que cela l’avait fait pleurer de rage,

que Enríquez lui avait soutiré de l’argent en échange de ses

informations ; et, finalement, depuis Séville, il avait écrit au

roi Manuel pour que ce dernier lui envoie un pilote ou

quelqu’un qui connût la mer pour lui donner des conseils, qui

seraient très importants pour le service du Roi du Portugal. Il

ne dit pas non plus que, ayant obtenu l’argent, Enríquez ve-

nait de quitter Logroño et qu’il n’avait plus de nouvelles de

lui, même s’il continuait à croire que Enríquez était prêt à

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passer au Portugal dès qu’on lui ferait une offre, car c’est ce

qu’il avait insinué bien clairement après que l’ambassadeur

lui eut assuré que les contrats en question étaient beaucoup

mieux payés au Portugal qu’en Espagne, et qu’ils ne restaient

pas au stade de simples promesses.

— Il me semble – dit le Roi, avec un sourire mi-moqueur

mi-amène – que la parole de cet Anríquez ou Enríquez ne

vaille pas de l’or, et je dois faire vérifier ses dires, au pis-aller

pour compenser… Revenons-en à l’essentiel : écrivez au Roi

mon fils que – comme je vous l’ai déjà assuré en d’autres oc-

casions – Juan Díaz de Solís, s’il embarque, ne sera pas seul

ni comme véritable pilote principal70, et que Son Altesse peut

être certaine que, c’est ma volonté – et on veillera bien à la

respecter et à y obéir – que l’on ne touche pas à ses démar-

cations. Le premier impératif à ma Casa de Contratación de

Séville, pour ceux qui partent sur une flotte ou à la décou-

verte, est qu’ils ne touchent pas à ce qui appartient au Roi

mon fils. Mon plus vif désir est que l’on parvienne à établir la

démarcation de tout afin qu’il n’y ait jamais la moindre dis-

sension entre le Portugal et la Castille. Écrivez-lui, égale-

ment, de penser à une solution afin que nous puissions

l’établir, et j’y penserai de mon côté, et je me réjouirai infi-

niment que l’on y parvienne, car moi, étant déjà vieux, il me

reste peu de jours à vivre ; Dieu m’en est témoin, j’espère

que la trêve ne sera pas rompue, et je m’en irai vers l’autre

vie d’autant plus apaisé si tout est si clair que mes petits-

enfants et tous mes descendants à venir ne trouvent jamais

le moindre prétexte pour la rompre…

70 Voir 29 mai 1512 – Toribio Medina, p. 75. (N.d.T.)

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Vasconcelos fit une révérence, resta un moment silen-

cieux et dit ensuite :

— Pardonnez-moi, Votre Altesse, mais vous ne me dites

pas ce qui empêchera le départ de Juan Díaz comme le de-

mande mon roi…

— Votre seigneur, mon fils, n’a rien à craindre de moi ni

de mes vassaux et serviteurs, vous pouvez l’en assurer une

fois de plus, en raison de l’amour que j’éprouve pour lui et en

fonction des souhaits que je viens de vous exprimer et qui re-

flètent le fond de mon cœur. Quant à vous, Vasconcelos,

vous savez combien je vous estime et avec quel plaisir je

vous écoute.

Et, se levant, il signifiait la fin de l’audience quand,

comme quelqu’un qui vient d’avoir une idée, il ajouta, avec

une affectueuse expression de son visage désormais tumé-

fié :

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— Afin que mon fils Don Manuel voie combien je veux

lui être agréable, dites-lui enfin que je vais ordonner de sus-

pendre le voyage qui le préoccupe tant et que les matériaux

déjà assemblés et les préparatifs déjà faits sont destinés à

des découvertes sur la terre ferme… Je crois que je ne peux

lui donner davantage satisfaction… Que Dieu vous accom-

pagne.

Hésitant entre la méfiance et la joie, l’ambassadeur du

Portugal Don Juan Mendes de Vasconcelos se retira et, pen-

dant qu’il s’éloignait, Don Ferdinand ordonna que l’on fît ve-

nir auprès de lui, sans retard, son pilote principal…

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VII

LA TACTIQUE DE SON ALTESSE

Dans l’intérêt de sa santé, recherchant une solitude pro-

pice à la méditation, ou dans un but de simple distraction,

don Juan Mendes de Vasconcelos avait l’habitude de faire à

pieds de longues promenades matinales. Après un petit dé-

jeuner frugal, il emprunta la rue principale, la descendant à

pas lents jusqu’à atteindre le fleuve, coulant entre les deux

rangées inégales de grosses maisons basses, aux toits en sail-

lie et aux grilles en fer forgé ; les arbres fruitiers, curieux,

pointaient leurs cimes au-dessus des murs de clôture en tor-

chis, foulant de leurs racines des pierres dures et pointues ou

les baignant à plus d’une reprise dans le lit bourbeux d’un

cours d’eau débordant après une pluie d’orage. Pestant

contre le chemin mal entretenu, il suivit la rive peu habitée

de l’Èbre et, arrivé près du vieux château, dont la lourde

masse noire et la tour dominent la ville, il franchit le pont en

pierre aux piliers massifs qu’avait construit, il y a plusieurs

siècles, frère Juan de Ortega, le dominicain maître d’œuvre.

Il s’arrêta un moment pour regarder couler l’eau et profiter

de sa fraîcheur. Se mouvant à un rythme, entre mécanique et

solennel, il finit par atteindre les bornes qui marquent la li-

mite de la Castille, à une portée d’arbalète du pont, pour

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apercevoir au loin, blanc sur le fond vert, le village de Viana,

situé sur le sol récemment conquis de Navarre ; ou bien, en

suivant des yeux la teinte claire des chemins, il voyait surgir

des lieux et des métairies entourés de grands jardins, des

vignes, des vergers, des oliviers, des prés où paissaient de

nombreuses brebis et la moisson de blés récemment fau-

chés… Avec l’indifférence des hommes de cette époque à

l’égard du paysage, il regardait tout cela distraitement, ab-

sorbé par des considérations diplomatiques, tentant de se li-

vrer à des conjectures quant aux buts du Roi, de dénouer les

fils d’une intrigue, d’ourdir des complots afin de séduire tel

ou tel favori du souverain ; ce n’était qu’à l’approche de

l’heure où il regagnait habituellement son domicile que, sor-

tant de ses préoccupations, il voyait réellement les tours

dominant la ville ; et il ne savait franchement pas, si c’étaient

les cloches ou son estomac qui l’incitaient à aller manger.

Mais ce jour-là, bien avant le moment habituel, ce qui le

fit sortir de son abstraction, ce fut un cavalier, passant au

trot de son cheval, suivi d’une sorte d’écuyer au visage in-

grat. À première vue, il lui sembla reconnaître Juan Díaz de

Solís, mais il ne put dissiper ses doutes en examinant à loisir

celui qui passait. Il parvint seulement à voir qu’il était vêtu

comme pour un voyage, que l’écuyer avait en croupe le

porte-manteau correspondant et qu’ils semblaient être très

pressés.

Je devrai vérifier, et plutôt aujourd’hui que demain, s’il

s’agit bien de Juan Díaz – se dit l’ambassadeur. Si c’est effec-

tivement lui, il est indubitable que le Roi agit en sous-main…

De deux choses l’une : soit don Ferdinand, tenant sa pro-

messe, lui a fait suspendre son voyage et l’homme, boudant,

se retire dans ses quartiers d’hiver ; soit il lui a ordonné

d’accélérer le départ et Solís, joyeux, s’empresse de s’em-

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barquer… L’un et l’autre cas de figure sont du domaine du

possible… Mais duquel s’agit-il ?… Son Altesse n’a pas

l’habitude de s’arrêter à des vétilles et ce ne serait pas la

première fois qu’Elle me joue un mauvais tour…

Il revint automatiquement sur ses pas, renonçant à la

suite de sa promenade.

Le hasard m’a fait découvrir ce matin – songeait-il – ce

que mes agents m’auraient communiqué dans je ne sais

combien de temps. Mais qu’y gagnons-nous ?… Bah ! La

meilleure chose à faire est de m’empresser de communiquer

à don Manuel ce que don Ferdinand m’a dit et promis… Je

dois aussi lui parler de ce petit évêque de Palencia, de ce

Juan Rodríguez de Fonseca de mon cœur qui, en raison d’un

caprice du Roi, tient dans une main les affaires des Indes et,

dans l’autre, les sanctions… oui, les sanctions pour autrui.

Lui et Lope Conchillos ne me disent rien qui vaille. Est-il

vrai, comme me l’assure Anríquez, que ce truand de Solís a

promis au maraud à mitre de Fonseca, la moitié de ce qu’il

gagnera dans l’expédition ? Il est indubitable que l’évêque

l’appuie, tout comme Lope, et que don Ferdinand ne voit

plus qu’avec leurs yeux… Le Roi est fort diminué par sa ma-

ladie ; mais alors vraiment beaucoup… Il ne fait plus les

choses lui-même, comme avant ; mais il faut avouer que ses

décisions antérieures ne nous étaient pas plus favorables…

Quoi qu’il en soit, je dois tout dire à don Manuel, et au-

jourd’hui même, afin qu’il analyse et avise… Si don Ferdi-

nand veut que le voyage se fasse, rien, pas même sa parole,

ne pourra l’empêcher… Mais rien n’empêche, non plus, que

don Manuel fasse surveiller les navires de Solís, afin de lui

créer des difficultés et de préserver nos droits. Nos droits !

Malgré tant d’efforts et d’insomnies, nous ne sommes pas

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encore parvenus à les faire reconnaître et établir de manière

à ne laisser aucun doute ni à engendrer d’autres complica-

tions… Ah, si doña María n’était pas morte71 ! Si les deux

royaumes en avaient formé un seul, comme cela a failli se

produire !… Mais quelle est la solution maintenant ?… Il faut

tisser une trame très fine et ne dormir que d’un œil, afin de

ne pas perdre le peu de bénéfices engrangés… Ah, ce Juan

Díaz me vaudra encore des maux de tête !…

Le cavalier était effectivement Solís qui, après son en-

trevue de la veille avec don Ferdinand avait fait avertir Diego

García de Moguer et dit à Francisco de Torres que, dans la

soirée du lendemain, ils devraient se réunir à Laguardia. Il

était chargé de papiers, parmi lesquels un premier ordre de

don Ferdinand afin que la Casa de Contratación de Séville lui

remette trente-sept mille maravédis à titre d’indemnisation,

et un second pour que le trésorier lui rembourse tout ce qu’il

avait avancé aux marins comme salaires et déboursé dans

des achats et autres préparatifs de voyage72. Voulant couper

court à tous les soupçons que le report pouvait faire naître et

à ceux que, s’agissant de Solís, les officiers de Séville se-

raient enclins à nourrir, le Roi soulignait qu’il le tenait pour

un très bon serviteur, ordonnait qu’on le traitât et le considé-

rât comme tel, et il ajoutait que le servir revenait à servir sa

propre personne royale. Et afin que ces recommandations

inhabituelles aient encore plus de poids, don Ferdinand les

71 Le deuxième fille du roi d’Espagne, épouse de Manuel Ier, ne

mourra que le 7 mars 1517. Il y a donc là un anachronisme. (N.d.T.)

72 29 septembre 1512 – Toribio Medina, p. 98. (N.d.T.)

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réitérait indirectement en écrivant à Solís, entre autres

choses73 :

« J’ai ordonné de suspendre le voyage en question afin

de m’entretenir à son sujet avec le sérénissime Roi du Portu-

gal, mon très cher et très aimé fils, pour qu’il se fasse de ma-

nière que la couronne royale de ces royaumes, dont celle du

Portugal, ne subisse pas de préjudice ; et parce que – ayant

pris cette disposition – j’ai la volonté qu’il soit effectif, je

vous assure et vous promets que, ce voyage devant se faire,

vous serez la personne à qui j’en confierai le commande-

ment, et on vous conservera jusqu’à ce moment tout ce que

j’ai stipulé dans cette ordonnance, sans faute. »

Lors de cette entrevue, don Ferdinand avait témoigné à

Solís son affabilité particulière, même s’il se sentait fort in-

commodé en suffoquant, ce qui lui coupa la parole à plus

d’une reprise. Aux côtés de Son Altesse se trouvaient l’é-

vêque de Palencia et le secrétaire Lope de Conchillos (y

Quintana) pour qui – comme le pensait l’ambassadeur portu-

gais – il n’avait pas de secrets, ni, parfois, la moindre objec-

tion. Ces deux secrétaires ou, plutôt ministres, du Roi catho-

lique, contrastaient nettement, même si leurs manières à

tous deux étaient également froides et mesurées. Lope Con-

chillos, portait un habit à longues manches et des chausses

noires, était de stature moyenne, avait un visage rond, brun,

des yeux vivaces et marrons, des paupières rosées et

épaisses qui les rendaient plus petits, mais l’ensemble suggé-

rait un caractère bienveillant si pas faible. En revanche, avec

son costume ecclésiastique, simple comme une tunique, don

73 En septembre 1512 – Toribio Medina, page CXCV. (N.d.T.)

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Juan Rodríguez de Fonseca, chapelain principal du Roi,

membre de son Conseil, évêque de Palencia – il avait aupa-

ravant été au chapitre de la cathédrale de Séville, évêque de

Badajoz, de Cordoue, comme il devait l’être plus tard de

Burgos, et même archevêque « in partibus » (de Rossano) –

semblait le dépasser de plus d’un empan et, sur son visage

sec, ses yeux noirs dégageaient une lueur phosphorescente

au fond de leurs orbites violacées, tandis que ses lèvres

minces et pâles, serrées quand il ne parlait pas, laissaient

deviner un homme passionné et dénué de bonté. Lorsque

l’on introduisit le marin dans la salle, l’un était debout à la

droite et l’autre à la gauche du souverain.

Don Ferdinand, pour entrer en matière, dit à Solís que,

comme il devait l’avoir vu bien clairement, il ne lui était pas

possible de renoncer à l’expédition de découverte prévue et

qu’il ne la confierait à personne d’autre. Ensuite, changeant

de ton et avec une certaine légèreté ironique, que ses diffi-

cultés à respirer semblaient rendre sarcastique, il ajouta que

des circonstances très particulières – purement le désir et la

nécessité de garder les meilleures relations avec le Roi du

Portugal – lui conseillaient de repousser pour un temps indé-

terminé la réalisation de l’entreprise à laquelle il tenait tant.

— C’est un cas de force majeure ou à peine moins –

ajouta-t-il en soupirant. Il s’agit de mon fils bien-aimé don

Manuel, à qui, en tant que père, je dois satisfaction.

Et comme s’il se parlait à lui-même, il murmura :

— D’autres viendront, et très bientôt, qui ne devront pas

user de tels ménagements…

Don Ferdinand fut un prophète, si l’on interprète ses pa-

roles dans un certain sens, car son petits-fils, Charles Ier

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d’Espagne et Charles V d’Allemagne74, ne prit pas autant de

gants avec le Portugal.

Mais il n’insista pas sur sa prophétie, si c’en était une ; il

demanda à Solís de se rappeler, dans ses grandes lignes,

l’accord qu’il avait conclu avec lui, afin qu’il fût dûment exé-

cuté, sur tous ses points, le moment venu.

Le pilote principal faisait des efforts surhumains pour

dissimuler sa colère. Ses brillants espoirs s’évanouissaient

quand ils allaient être réalisés ! Le sournois Portugais triom-

phait en le faisant échouer au port ! Il émit, du bout des

lèvres une malédiction à l’encontre de Vasconcelos et son

maître, mais se borna – grave irrévérence – à frapper du pied

sur le sol. Don Ferdinand toléra la faute en feignant de ne

pas la remarquer, alors que Lope Conchillos tentait de sortir

le navigateur du mauvais pas en s’approchant de lui et en lui

murmurant à l’oreille :

— Tranquillisez-vous. Tout va s’arranger.

L’évêque de Palencia qui, à la dérobée, observait Solís

déconcerté et furieux, serra davantage les lèvres dans un

semblant de sourire et finit par intervenir, lui aussi :

— Si vous le permettez, Sérénissime Seigneur – dit-il

gravement et sèchement, en s’adressant au Roi – je serai ce-

lui qui, en peu de mots, rappellerai l’accord dont, si je com-

prends bien, (et il est utile de le répéter), la concrétisation ne

sera différée que de quelques mois.

74 Charles-Quint. (N.d.T.)

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— C’est bien cela – répondit Son Altesse en lui accor-

dant d’un geste la permission demandée, pour porter ensuite

la main à sa poitrine souffreteuse.

— Monsieur le pilote principal pourra me corriger si je

me trompe… Mais j’ai ici les notes de Lope et c’est un bon

aide-mémoire – poursuivit le chapelain du Roi, dès lors ar-

bitre des destinées des Indes Occidentales même si, quelque

vingt ans plus tôt, il avait failli empêcher leur découverte en

traitant de « fous » Colomb et tous ceux qui lui prêtaient une

oreille bienveillante.

Il jeta un coup d’œil au papier et continua sur le même

ton sec :

— Juan Díaz de Solís s’engage par l’accord à partir avec

trois navires, suffisants pour les besoins du voyage (qui sera

de découverte et non de conquête, il faut insister sur ce

point), laissant derrière lui la Castille d’Or75 où se trouve Pe-

75 Ce nom ne lui fut donné qu’en 1513. Il s’agit donc d’un nou-

vel anachronisme. Voir aussi Toribio Medina, page CLXVII. (N.d.T.)

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drarias Dávila76, c’est-à-dire du côté de la mer77 découverte

par Vasco Núñez de Balboa78…

— Cela ne doit pas être situé – déclara le Roi en faisant

un effort pour l’interrompre.

— Et ce n’est pas consigné, Sérénissime Seigneur – ex-

pliqua tranquillement l’évêque. Si je le dis, c’est seulement

pour mémoire, « entre nous »… Mais si le voyage n’est pas

de conquête, une telle clause ne doit pas être ni ne se veut

un empêchement pour la prise de possession de nouvelles

terres ou de nouvelles mers, le cas échéant, et afin d’assurer

76 Pedro Arias Dávila, capitaine général, en 1514. (N.d.T.)

77 Mer du Sud. (N.d.T.)

78 le 29 septembre 1513. (N.d.T.)

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la priorité… Un des navires que doit emmener Juan de Solís

– il continua en changeant de ton et en parlant rapidement –

aura une capacité de soixante tonneaux et les deux autres en

auront une de trente tonneaux chacun. Ils emporteront au

total un équipage de soixante hommes et de quoi subsister

pendant deux ans et demi, navigation et relâches com-

prises79. Tout cela au vu et au su de la personne que Votre

Altesse voudra bien désigner.

— Qui doit être mon répartiteur Juan López de Recalde,

de la Casa de Contratación, n’est-ce pas ? – demanda le Roi.

— C’est bien lui, et Votre Altesse – poursuivit l’évêque –

ne sera pas obligée de payer, ni à l’aller ni au retour, des

soldes de gens ni quoi que ce soit, à part quatre mille ducats

que la Casa de Contratación remettra à Solís80…

Ce dernier, qui avait recouvré son sang-froid, sourit à

son tour, s’exprimant intentionnellement :

— Il va de soi que mon « armateur principal81 » – et il

pesa ces mots – sera toujours le même grand seigneur dont

m’a parlé si souvent Votre Altesse…

— Oui, oui – coupa le Roi, un peu grognon. Il va de soi

que l’on taira son nom.

79 Projet pour le 24 novembre 1514 – Toribio Medina, p. 134.

(N.d.T.)

80 24 novembre 1514 – Toribio Medina, pp. 113-115. (N.d.T.)

81 Toribio Medina, p. CCXXXV. (N.d.T.)

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— Afin d’éviter des indiscrétions possibles, même de la

part des officiers de la Casa de Contratación – fit remarquer

Lope Conchillos – on établit dans l’accord que cet arma-

teur… (ou ces armateurs…) ne sait pas ni ne doit connaître

la destination du voyage… On ne demande rien à qui ne sait

rien ou… passe pour ne pas le savoir… et d’autant moins

lorsque ce « quelqu’un » reste inconnu.

Don Ferdinand acquiesça d’un signe de tête.

— De tout ce qu’il plaira à Dieu, Notre Seigneur, de

donner à Juan Díaz lors de ce voyage – continua Fonseca –

le tiers reviendra à Son Altesse, un autre tiers à Juan Díaz et

ses armateurs, et le dernier tiers aux hommes qui prendront

part à l’expédition, que ce soit à titre de pilotes, d’officiers ou

de simples marins.

— Votre Altesse n’a pas encore déterminé comment il

faudra répartir ce dernier tiers – fit observer Solís.

— Vous le répartirez comme bon vous semblera et en

concertation avec eux – répondit don Ferdinand.

— Votre Altesse – poursuivit l’évêque – promet de ne

pas prélever, à part ce qu’il a été dit, ni « le cinquième

royal » ni un quelconque autre droit…

— Hormis ce qui se réfère à l’armateur ; cela est d’au-

tant plus à l’ordre du jour – dit le pilote – que ce voyage,

pour autant qu’il ait lieu…

— Il aura lieu ! – s’exclama don Ferdinand.

— … ne rapportera des bénéfices qu’à la couronne,

puisqu’il s’agit de découverte et qu’il se fera avec si peu

d’investissements – poursuivit Solís. Je vais seulement ouvrir

un grand chemin que, peut-être plus tard, je n’emprunterai

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plus, alors que devenu productif, il ne pourra plus l’être pour

moi…

— Quelles faveurs souhaitez-vous que je vous accorde ?

– demanda le Roi, avec une pointe de lassitude.

— Votre Altesse voudra bien se souvenir – répliqua

Solís – que je n’ai sollicité aucune faveur, ni voulu consigner

ni conclure un accord à ce sujet, car je me fie aveuglément à

la bonté de Votre Altesse.

— Mon pilote principal ne sera pas mécontent ni frustré,

pas plus qu’il ne l’a été jusqu’à présent… même s’il laisse

voir qu’il ne se contente pas de peu.

Le Roi faisait allusion aux nombreuses faveurs déjà ac-

cordées à l’exigeant Solís, avec qui, dès le début, il s’était

montré d’une exceptionnelle largesse.

— J’ai tenu les promesses que je vous ai faites –

poursuivit don Ferdinand – et je vous ferai donner le titre

d’Adelantado, pour vous et vos successeurs, pour tout ce que

vous découvrirez et assurerez à la couronne, comme, dès à

présent, je vous nomme gouverneur à vie et administrateur

de justice des terres en question. Et, puisque vous m’avez dit

avoir une grande dévotion pour notre saint patron l’Apôtre

Jacques, revenez et vous recevrez de ma main l’habit de

chevalier de son ordre, Saint Jacques de l’épée82.

— Je baise les pieds de Votre Altesse pour une telle fa-

veur.

82 Toribio Medina, page CLXXXI. (N.d.T.)

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— Notez également, Lope Conchillos, que le salaire de

mon pilote principal est augmenté à partir de ce jour, pas-

sant à vingt-cinq mille maravédis, et faites-le savoir à ma Ca-

sa de Contratación.

— Je ferai ce qu’ordonne Votre Altesse – dit Lope.

— Mais je suppose – fit remarquer l’évêque – que l’on

continuera à en déduire les dix mille maravédis annuels des-

tinés à la veuve de Vespucci83.

— Bien entendu – répondit le roi.

— Je vous félicite – dit Conchillos à Solís. Cela vous fait

soixante-cinq mille maravédis par an, ce qui équivaut à une

rente de grand seigneur.

— De grand seigneur très pauvre – lui murmura à

l’oreille le navigateur. Si je ne comptais que là-dessus…

La conférence dura encore un long moment et Juan Díaz

de Solís, rebuté au début, en sortit radieux, se précipita à Lo-

groño et y prépara tout afin de partir le lendemain matin.

Et lorsqu’il avait croisé Vasconcelos, qu’il avait parfai-

tement reconnu, tout en feignant de ne pas le voir, il prenait

la direction de l’Èbre, dont il longea la rive droite au galop,

pour ne s’arrêter qu’à une petite auberge, aux portes de La-

guardia, sur la route de Bilbao. Il y attendit Francisco de

Torres et Diego García de Moguer, qui n’arrivèrent qu’à la

tombée de la nuit.

83 Ordonnance royale du 25 mars 1512 – Toribio Medina, p. 55.

(N.d.T)

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— Mais, diantre, que se passe-t-il, et où allons-nous

dans cette direction, si l’on peut savoir, par Saint Diego ! –

s’exclama García, que les voyages à cheval, même courts,

avaient le don d’exaspérer, après lui avoir broyé les os.

— Par ma foi, ces ennuis donnent à penser… et à se

gratter ! – ajouta Francisco de Torres, qui, en bon marin, se

déplaçait jambes écartées mais pour autant que le dos d’un

cheval ne se trouvât pas entre elles.

— Buvons tranquillement un coup – dit Solís, les invitant

à entrer dans l’auberge. Le fait est que tout va mal… et que

tout évolue à merveille.

— Le diable te comprenne ! – dit Torres. Tout va mal et

tout va bien. Explique-moi ce paradoxe !… Quel est ce mys-

tère et vers où, par tous les diables, nous dirigeons-nous ?

— Pour le moment, vers Bilbao… Et le mystère est que

le Portugal croit avoir emporté la partie en pipant les dés.

Heureusement que nous avions dans notre jeu de meilleures

cartes pour la revanche.

— Donc, à l’improviste, nous nous empressons de nous

embarquer pour l’expédition ?…

— On se calme !… Nous embarquer, oui, mais pas pour

le grand voyage… Lui, ce sera une autre paire de manches.

— Le diable s’en serait-il, d’aventure, occupé ?

— Il s’y est attaqué mais il n’a pas encore fait naufrage.

Nous devons d’abord nous embarquer à Bilbao, d’où nous

gagnerons un port quelconque d’Andalousie. Nous affréte-

rons un navire de petit tonnage et mettrons le cap sur les

Canaries.

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— Et qu’avons-nous à faire dans ces îles maudites ou fa-

vorisées par la fortune ? – demanda Francisco de Torres,

d’humeur encore plus mauvaise.

— Par Saint Diego, pourvu que l’on ne doive pas se dé-

placer à cheval, tout sera bon pour moi – dit celui de Mo-

guer, résigné.

— Il suffira de gagner encore Bilbao.

— Ne t’irrite pas d’avance – conseilla Solís, en tapotant

de la main l’épaule de son beau-frère.

Et, mettant à profit un moment où García s’écartait

d’eux, les laissant seuls, le pilote principal fut plus explicite :

— En somme – dit-il à Torres, Son Altesse veut simple-

ment tranquilliser le Portugais… L’expédition est suspendue

en apparence mais nous devons continuer à la préparer su-

brepticement, sans que personne ne le soupçonne. Une pro-

menade jusqu’aux Canaries n’est pas grand-chose ; là-bas ou

un peu plus loin… nous aurons les instructions et cet ambas-

sadeur – que Dieu trouble ses pensées ! – sera dans la plus

grande confusion lorsqu’il ne saura plus rien de moi ou de

toi… et il finira probablement par croire abandonné un

voyage qui n’est que postposé.

— Oui, jusqu’aux calendes grecques.

— Ne te noie pas en eau peu profonde, mauvais ma-

rin !… Je suis sûr de Son Altesse, qui vient de me combler de

faveurs, et de promesses que ces faveurs renforcent. Quant à

toi, tu en tireras certainement profit si tu veux servir le Roi et

te fier à ton frère…

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— Tu sais combien il m’est désagréable d’avancer dans

le brouillard. Mais, après tout, il s’agit de toi et je ne dois pas

être davantage rétif cette fois. Mais si tu me disais…

— Je ne te dirai rien tant que le moment ne sera pas ve-

nu. De la patience et de la confiance, c’est ce que je te de-

mande et ce que, d’une certaine façon, tu me dois. Appelle le

brave García. Nous devons manger et aller dormir aussitôt

après, afin d’être frais et dispos demain et nous rendre d’une

traite jusqu’à Vitoria.

Quand ils arrivèrent à Bilbao, après deux ou trois jour-

nées pénibles pour Torres et, surtout, pour Diego García de

Moguer, leur chance voulut qu’une petite galère fût sur le

point de lever l’ancre à destination de Sanlúcar de Barrame-

da. Moyennant rémunération, le capitaine, honoré, accepta

de les transporter en qualité d’amis. Ils laissèrent les che-

vaux à un aubergiste, embarquèrent leurs rares bagages, les

galériens ramèrent avec brio et le beau temps les accompa-

gna jusqu’à leur destination. À Sanlúcar, Solís quitta ses

compagnons, qui prirent une autre route, et il se dirigea vers

Séville. Il séjourna une semaine entière dans la ville, rendant

à plusieurs reprises visite à la Casa de Contratación. Il gagna

ensuite Lebrija, comme pour bénéficier d’un repos bien méri-

té auprès de son épouse et de ses fils mais, au bout de six ou

sept jours, il disparut brusquement, sans que personne sût où

il était allé.

L’ambassadeur don Juan Mendes de Vasconcelos, alar-

mé, avait beau demander avec insistance, à ses agents de

Séville et à toutes les personnes qui auraient pu l’informer,

des nouvelles concernant le lieu où se trouvait et sur ce que

faisait le pilote principal du Roi, on ne le découvrit nulle part.

Dans un premier temps, on lui dit que, d’après les officiers de

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la Casa de Contratación, le navigateur était en train de dres-

ser l’inventaire de son navire, la Santa María de la Merced,

afin de liquider les comptes du voyage suspendu ou aban-

donné84. Vasconcelos voulut connaître le mouillage du na-

vire en question, afin de suivre Solís à la trace, mais ses ef-

forts se révélèrent inutiles, de la plus complète inutilité. Il ne

sut jamais où se trouvaient ni le pilote ni le navire, jusqu’au

moment où, longtemps après, le premier réapparût, fier et

satisfait de lui-même, dans la ville loyale et en liesse, où

l’écheveau avait été tissé.

84 Consécutif à l’ordonnance royale du 30 septembre 1512 – To-

ribio Medina, pp. 99-100. (N.d.T.)

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VIII

REVANCHE DE SOLIS

En cette chaude et lumineuse journée de l’été 1515, où

le ciel ressemblait à une immense pierre précieuse,

l’atmosphère au souffle d’une forge et le soleil à cette forge

elle-même, trois caravelles entrèrent lentement dans le port

de Séville et surgirent en face de la marina, à proximité des

deux bâtiments des collecteurs et de la massive Torre del

Oro. Le mouvement de la marina, où des forçats et des

jeunes miséreux chargeaient des vivres sur deux galères, se

fit plus intense et plus animé dès que l’on aperçut les navires

qui arrivaient de l’aval, cela en raison de l’afflux de gens cu-

rieux attirés sur le rivage par les mystérieux et impercep-

tibles signaux qui convoquent la foule aux endroits où

quelque chose se passe. Et si, du côté de Séville, bourdonnait

un essaim toujours plus serré et plus nombreux, un autre,

moindre, commençait à s’agiter de l’autre côté du fleuve,

près du misérable mais enjoué quartier de Triana, dont les

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masures étaient regroupées autour de l’ancienne église go-

thique de Santa Ana.

Parmi la populace, on retrouvait les éternels bien infor-

més qui, depuis que le monde est monde, trouvent plaisir en

satisfaisant la curiosité d’autrui. Ces derniers disaient que les

trois navires venaient d’être équipés à Lepe pour un long et

hasardeux voyage de découverte et de conquête, et qu’ils se

rendaient à Séville afin de s’y soumettre à l’indispensable

formalité d’inspection par messieurs les officiers royaux. La

destination des caravelles était, d’après les informateurs offi-

cieux, peut-être un secret mais un secret de Polichinelle. Ils

se rendaient aux Moluques et aux Indes, aux riches terres

que la Castille possédait sur des mers inconnues et que le roi

Manuel du Portugal prétendait lui disputer sans droits.

L’expédition avait été préparée, pendant des années entières

et dans la plus grande discrétion, afin que les Portugais ne

tentent pas de les devancer ; elle était patronnée par des

gens très puissants et très haut placés dont, peut-être, don

Ferdinand lui-même, et elle devait être commandée par un

navigateur des plus réputés.

Autour des porte-paroles – hommes de mer, marchands,

dont l’échoppe n’était pas ouverte, ou pícaros fiers de l’être,

se formaient des groupes d’auditeurs, avides de nouvelles, et

la vive façon andalouse de s’exprimer, pleine d’esprit et so-

nore, leur conférait une touche pittoresque. Mais cela n’ab-

sorbait pas l’attention au point d’empêcher les curieux de

suivre des yeux la manœuvre des caravelles, exécutée à

grands cris et avec des gestes violents par l’équipage expé-

rimenté. Cet intérêt monta d’un cran lorsque se détacha du

flanc du plus grand des navires un canot, dont la rame était

empoignée par un homme d’un certain âge, et qui se dirigea

vers le débarcadère en pierre, au pied de la Torre del Oro.

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— Celui que vous voyez à la poupe du canot est le capi-

taine. Un brave ! Je le connais sur le bout des doigts, même

si lui ne me connaît pas… – disait un vieillard, dont l’emploi

notoire consistait à demander l’aumône aux portes de la Gi-

ralda ou de San Salvador, qui mangeait la soupe copieuse

des couvents et qui servait de gazette vivante, tandis que ses

occupations non avouées s’étendaient aux secteurs les plus

divers et les plus mystérieux, depuis détrousser des bourses

jusqu’à manipuler des esprits. – Si je le connais – poursui-

vait-il –, bien sûr que je le connais ! Je sais qu’il est un per-

sonnage historique et, en outre, qu’il se nomme Juan Díaz de

Solís.

— Arrête avec ces nouvelles rabâchées ! – s’exclama une

jeune fille qui avait un œillet dans les cheveux et portait né-

gligemment une mante. – Tout le monde sait à Séville qu’il

est rien de moins que le pilote principal et qu’il s’est déjà

rendu plusieurs fois aux Indes et à d’autres endroits encore

plus lointains !

— Oui, tu dois bien être au courant, jeune traînée ! – ré-

pliqua le mendiant – Il ne passe pas dans la ville de braguette

que tu ne connaisses et qui ne te connaisse à fond !

— Et j’en suis bien honorée ! – dit la jeune femme, avec

une magnifique désinvolture.

— Juan Díaz de Solís, pilote majeur ! C’est amiral qu’il

devrait être, parbleu ! Parce que en matière de navigation,

personne ne lui arrive à la cheville… Et son équipage,

diantre, il le choie parce qu’il est prodigue et que cela ne

l’effraie pas de payer un coup, quitte à être plus justicier que

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don Pedro lui-même, celui de la Padilla85… Et, cette fois il va

nous rapporter de l’or en abondance de terres que lui seul

peut situer – m’a-t-on dit de source sûre – aussi vrai que l’on

m’appelle Bras, parbleu !

Parmi ceux qui étaient suspendus à ses lèvres, il y avait

un gamin en guenilles, qui s’était faufilé jusqu’au premier

rang du groupe. Vêtu de haillons, les pieds et les jambes

nues, sa chemise en lambeaux permettait de voir que si le

soleil andalou lui avait hâlé et tanné le visage ainsi que les

extrémités, le reste de sa peau était naturellement doré

comme celui d’une pêche. Et, alors que la jeune femme à

l’œillet ouvrait la bouche afin de poursuivre le dialogue mali-

cieux avec le mendiant, le jeune gamin mit son grain de sel

dans la conversation en demandant, avec une langue bien

pendue :

— Et dis-nous, précieux Bras, comment doit-on procéder

pour accompagner cet amiral ?

— Holà, moutard ! Tu veux donc, toi aussi, partir à la

découverte de terres ! Voyez-moi, vos seigneuries, cette face

de petit gitan ! Tire-toi de là, épouvantail, et dis à ta mère

qu’elle essuie le lait qui t’est resté sur les lèvres !

— Pardon, votre seigneurie et grand-père ! – s’exclama

le garçonnet, en se mettant les mains sur les hanches – À

votre âge, votre seigneurie doit déjà avoir découvert plus de

85 Allusion à Pierre Ier de Castille, « le cruel », dont Marie de

Padilla fut la maîtresse attitrée et dont il eut 4 enfants. (N.d.T.)

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terres qu’Amerigo Vespucchi lui-même et être un intime du

Prêtre Jean… Voilà pourquoi ce devrait être possible pour

moi…

Irrité, le vieil homme levait la main pour lui coller une

gifle, quand il se produisit un remous dans la foule et l’enfant

fit une feinte de corps, se lançant en direction de Solís qui, à

cet instant, sautait à bas du canot, suivi par deux hommes,

de toutes évidences des marins : l’un, rustaud et mal fagoté ;

l’autre, avec des manières d’hidalgo même s’il était égale-

ment hâlé par les vents et le soleil. Ils se frayèrent un che-

min, jouant des coudes, afin que les curieux ne les touchent

pas, le garçonnet ajustant, en les allongeant, ses pas à ceux

des trois personnages, remerciant d’un signe de tête pour les

exclamations flatteuses, affectueuses ou facétieuses qui sa-

luaient les navigateurs, comme si elles lui étaient adressées.

Ils furent nombreux ceux qui formèrent un cortège bruyant

et agité, sans que les trois marins parussent le remarquer car

c’est en conversant amicalement qu’ils entrèrent dans Séville

par les Atarazanas et qu’ils prirent le chemin de la Casa de

Contratación de las Indias, installée dans le vieil Alcázar. La

suite s’émietta en quittant la marina et, seuls, atteignirent

l’Alcázar le vieux mendiant, la jeune femme et le jeune gar-

çon en guenilles. Fasciné, ce dernier suivait les navigateurs

et, lorsqu’il les vit s’arrêter devant le portail morisque de la

Casa de Contratación, il alla se jucher sur une borne qui lui

faisait face et guetta, un doigt dans le nez et les jambes pen-

dant dans le vide.

— N’entres-tu pas avec moi ? – demanda Solís à celui

qui avait un air d’hidalgo – Nous sommes en face de la cage

aux fauves qui rêvent de me dévorer.

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— Très peu pour moi ! – répliqua l’autre en riant – Diego

García et moi allons, pendant ce temps, chercher le peu

d’hommes qui nous manquent.

— Que Dieu soit alors avec vous – dit Solís. Nous nous

retrouverons à bord avant la tombée de la nuit.

— Et c’est là que l’on saura le résultat de la rencontre,

s’il reste des queues à compter.

Et tandis que Solís pénétrait dans la Casa de Contrata-

ción, Torres et García mirent le cap sur la vieille et sale rue

de la Cabeza del Rey Don Pedro. Le gamin, qui semblait per-

plexe en voyant qu’ils se séparaient, dut avoir pris une réso-

lution parce qu’il sauta à bas de la borne et se mit à suivre

les deux hommes, jouant avec un bout de bois sur les grilles

saillantes des fenêtres. Il avait conçu un plan, bien que

vague, car il fit une grimace de dépit en les voyant dispa-

raître dans une taverne obscure et sentant le vinaigre, habi-

tuel refuge de marins qui n’avait pas de bateau sur lequel

s’embarquer.

Depuis qu’il était arrivé de Cadix, non sans difficultés et

soucis, mendiant, maraudant, fuyant les compagnies d’ar-

chers de la Sainte-Hermandad, soit en empruntant les routes,

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soit en longeant la berge du Guadalquivir, presque toujours à

pieds, parfois à bord de barques charriant du poisson, il rê-

vait sans cesse des aventures merveilleuses, d’incomparable

grandeur, qui débutaient à Séville pour se dérouler ensuite

dans l’éblouissement des Indes enchantées. Il devait forcé-

ment rencontrer celui qui l’emmènerait, comme écuyer,

comme domestique, voire comme chien, à la découverte et à

la conquête des pays de l’or et de l’oisiveté, d’où le plus mi-

sérable revient seigneur. Et, dans le pire des cas, s’il ne trou-

vait pas celui qui le protégerait, il avait décidé de se glisser

furtivement dans la cale de n’importe quelle caravelle sur le

point de lever l’ancre et d’y rester tapi et silencieux, malgré

l’obscurité, la soif et la faim, jusqu’au moment où il sentirait

– et ce serait au mouvement – que le vaisseau naviguait en

haute mer, loin de tout port, en route vers les terres pro-

mises. La passion romanesque, dominant Espagnols et Por-

tugais, navigateurs insignes, aventuriers résolus, conqué-

rants sans attaches et sans entraves, s’emparait des grands

et des petits, et même les petits garçons rêvaient de devenir

d’autres Colomb, Cortez86 ou Balboa, et d’accéder à la gran-

deur grâce au courage, à l’audace et aux efforts, sans reculer

devant les dangers et les échecs, que l’imagination ne leur

dépeignait pas. Et, pour le conquérant juvénile, la piraterie

elle-même était un incitant supplémentaire car, que savait-il

ou pouvait-il savoir de la morale, étant né et ayant grandi en

vagabondant à Cadix, près d’Almadraba où, quand c’était la

saison, il assistait à la pêche au thon, vagabondant jusqu’aux

puits de la Jara, où on ne manquait jamais de tenir une réu-

nion bruyante et enjouée, vagabondant de la plage de la Ca-

86 1521. (N.d.T.)

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leta au Port, du hameau d’Hercule aux Arenales de la Isla ?

En revanche, il avait écouté et connaissait par cœur des ré-

cits prodigieux de voyages et prouesses, de tueries et de

cruautés, qui l’enflammaient et exaltaient son cerveau.

Quelque instants plus tôt, à la marina, il avait avidement

prêté l’oreille au bonhomme Bras qui, exagérant avec ardeur,

racontait à la jeune femme portant négligemment une mante

l’histoire romanesque de Solís : meurtrier de sa première

épouse, là-bas au Portugal, pour une jalousie justifiée ; fa-

meux buveur ; pilote incomparable ; homme capable de dé-

fier la Casa da Guiné et le Roi du Portugal87 lui-même car,

entre corsaire et pirate, il s’était remboursé les centaines de

cruzados qu’on lui devait (et un peu plus, à titre de prime) en

s’emparant d’une caravelle portugaise… Et à présent le roi

Manuel88 et son ambassadeur le suppliaient à genoux de re-

prendre du service au Portugal, avec des rentes de prince et

davantage de privilèges qu’un potentat… Mais rien à faire !

Solís n’était pas homme à accourir à un tel appel…

Le garçonnet ne savait ni lire ni écrire, ne pouvait faire

la distinction entre le bien et le mal, mais il savait rêver…

Oh ! Il ne se laissait arrêter par rien, passait allègrement de

l’homicide à la rébellion, de la rébellion à la piraterie, et il fi-

nissait par s’imposer par l’audace et l’ingéniosité jusqu’à at-

teindre les mêmes sommets (ou de plus hauts) que Solís… Le

tout était de commencer.

87 Jean II. (N.d.T.)

88 Successeur de Jean II. (N.d.T.)

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Ces rêveries guidaient son idée fixe : parler aux hommes

qui remontaient la rue devant lui. Lorsqu’ils disparurent tous

deux, dans la taverne, il se réveilla en sursaut.

— Tu n’as pas de chance, Paquillo ! Non, tu n’as déci-

dément pas de chance ! – dit-il à ses haillons.

Il lui aurait été difficile d’expliquer la raison de sa plainte

car il pouvait très bien attendre jusqu’à ce que ceux de la ta-

verne ressortent mais, sans s’arrêter à de telles considéra-

tions, il se mit à courir vers le port, appelé par le souvenir du

fleuve et des caravelles.

Solís, dans l’intervalle, pestait également dans son for in-

térieur pour sa poisse car, à la Casa de Contratación, n’était

visible que le seul Pedro de Isásaga, un des officiers qui le

combattaient avec le plus d’acharnement. Il aurait préféré

avoir affaire au répartiteur, López de Recalde, ou au tréso-

rier, le docteur Sancho de Matienzo, en qui il croyait avoir

deux soutiens, voire deux amis. Mais il ne se déroba pas de-

vant un choc pour lequel il était préparé ; il tenait en mains

de quoi contrecarrer et vaincre Isásaga et beaucoup d’autres

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animosités. Don Ferdinand continuait à lui donner des

preuves de confiance, comme s’il se moquait du roi Manuel

et de son ambassadeur et, même si ce dernier semblait avoir

débauché quelques-uns des officiers de la Casa de Contrata-

ción, Solís disposait de plus de cordes à son arc que

n’importe quel autre pilote principal avant lui, précisément

au moment où ses ennemis tapis dans l’ombre voulaient le

rendre suspect d’inclination pour le Portugal et, seuls, lui,

l’évêque Juan Rodríguez de Fonseca et le secrétaire Lope de

Conchillos, connaissaient les véritables intentions de Son Al-

tesse. Et qu’avait fait Don Ferdinand en apprenant les accu-

sations de trahison, fantasques et peut-être intéressées ?…

Eh bien, hausser les épaules, en parler à Solís lui-même et

ensuite endormir les officiers, les chargeant de mener une

enquête dans la plus grande discrétion et de lui en commu-

niquer les résultats… comme la fois précédente, lors du

voyage en compagnie de Yáñez Pinzón89.

— Quels bons vents amènent ici monsieur Joao Dias ? –

demanda Pedro de Isásaga en le voyant, optant insidieuse-

ment pour la prononciation portugaise.

— Dieu préserve Don Pedro de Isásaga ! – répondit So-

lis, saluant avec une politesse exagérée le petit vieillard des-

séché à la face de vinaigre. Ces bons vents soufflent sur des

plis que Son Altesse m’a adressés personnellement à Lepe,

où je préparais ma nouvelle flottille.

— Félicitations ! – murmura de mauvaise grâce le rigide

officier, pendant que Solís extrayait de ses habits et brandis-

sait comme une épée un rouleau dont pendait le sceau royal.

89 Dont ils sont revenus fin 1509. (N.d.T.)

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— Votre excellence veut-elle les passer en revue ? – de-

manda le navigateur… Vous verrez que Don Fernando, notre

seigneur, sait rendre justice… et ne la refuse pas à cet

humble vassal.

La main d’Isásaga tremblait en prenant les plis, car il

pressentait quelque chose de fort désagréable. Mais il sembla

se tranquilliser dès qu’il lut le premier pli.

— Nous avions déjà connaissance de cette ordonnance

royale nommant, en votre absence, votre frère Francisco de

Çoto pilote principal par intérim90, dit-il froidement, et les

dispositions sont prises pour accomplir la volonté de Son Al-

tesse. J’ajouterai seulement avec le respect dû que, de l’avis

nombreuses personnes, Son Altesse aurait pu poser les yeux

sur quelqu’un dont les services et les mérites étaient plus

grands… Peut-être se trompent-ils parce que, dans le passé,

tant Don Ferdinand que Doña Isabelle – qu’elle soit dans la

gloire des cieux ! –, étaient particulièrement avisés pour les

nominations.

— Pour celle de votre excellence, « verbi gratia » – ré-

pliqua sournoisement Solís. Heureusement pour votre excel-

lence, Son Altesse n’apprendra pas de ma bouche ces com-

mentaires sur ses ordres royaux… Mais votre excellence ac-

cueillera sans doute avec une plus grande satisfaction la lec-

ture de l’autre pli…

Au fur et à mesure qu’il lisait, Isásaga changeait de cou-

leur ; il devint jaune, ensuite vert, se redressant violemment

90 24 novembre 1514 – Toribio Medina, pp. 130-132. (N.d.T.)

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en quittant son fauteuil, et il finit par s’exclamer, se conte-

nant péniblement :

— En tant que serviteurs loyaux de Son Altesse, préser-

vant jalousement les intérêts du Royaume, nous n’avons

point mérité, non, nous n’avons pas mérité un semblable

camouflet… Mais le proverbe latin91 dit que Dieu aveugle ce-

lui qu’il veut perdre…

Pendant un moment, la colère parut transformer le pyg-

mée en géant.

— Vos paroles dépassent sans doute votre pensée et ce

n’est pas, non plus, à moi de les répéter – dit Solís, en pre-

nant avec impertinence un siège qu’Isásaga ne lui avait pas

offert. Mais le Roi, notre seigneur, n’inflige jamais de camou-

flet à personne, et je ne vois pas comment il pourrait se

perdre en ordonnant que l’on me traite comme je le mérite et

qu’on le fasse en toute hâte…

— S’il ne s’agissait que de cela ! – grogna l’officier en

écumant de rage.

— Allons ! Le reste n’a pas d’importance – s’exclama

Solís, avec une légèreté feinte. Juan López de Recalde est

mon ami, Don Ferdinand le sait, il a confiance en lui et Dieu

fasse qu’il ne se trompe pas quand il pense que personne

mieux que lui ne pourra m’aider à préparer mon voyage.

C’est pourquoi et pour aucune autre raison qu’il ordonne que

91 Ou musulman ?… (N.d.T.)

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lui seul s’occupe de moi et y apporte « le plus grand soin

possible92 ».

Isásaga gardait le silence en essayant de se maîtriser et

Solís, qui avait marqué une pause, continua avec espièglerie :

— Mais il n’y a pas à se méprendre quant aux intentions

de Son Altesse… Elle est loin de mépriser les autres officiers

de la Casa de Contratación à qui, si je n’ai pas mal entendu,

la fin de l’ordonnance royale recommande, non au seul Re-

calde mais bien à tous, de me venir en aide avec « beaucoup

d’amour » (et Solís insista bien sur ces mots), car Elle me

tient pour un bon et loyal serviteur… Et cela va tellement à

l’encontre de ce que murmurent les mauvaises langues con-

cernant les relations portugaises de « Joao Dias », comme dit

votre excellence avec tant de grâce… Son Altesse fait les

mêmes recommandations, tout particulièrement, au trésorier

Matienzo, qui m’honore également de son amitié, et ce dans

un pli séparé que je dois lui remettre en main propre93… Si je

suis indiscret en disant cela, que Dieu me le pardonne, car je

le fais seulement pour être agréable à votre excellence…

Solís avait été très loin afin que le petit et irascible

Isásaga ne pût pas prendre sa revanche. Mais il en trouva

une dans le document qu’il continuait à examiner, parce qu’il

eut un sourire aigre pendant qu’il disait avec une sérénité af-

fectée :

92 « Sans aucun autre soin », 24 novembre 1514 – Toribio Medi-

na, p. 115. (N.d.T.)

93 Toribio Medina, p. 113. (N.d.T.)

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— À présent, je trouve la clef et elle m’explique tout par-

faitement ! Son Altesse sait de quoi il retourne et prend ses

précautions. Grand Roi que le nôtre ! Mais il faut le lire entre

les lignes et cela devient alors clair… Je lis ici, en ce qui

vous concerne, Joao Dias : « sa condition est celle que vous

savez ». Un peu que nous la connaissons !… Ne jetez donc

pas tant de fumée pour une ordonnance royale qui, en

somme…

— Qui, en somme – l’interrompit violemment Solís – me

libère absolument et à jamais de votre juridiction, malgré

vous, malgré Don Manuel et malgré Vasconcelos…

— Avez-vous bu, Joao Dias ? – s’écria Isásaga avec un

mépris furieux. Ce n’est qu’en étant ivre que vous pouvez

oublier que, d’après les ordonnances et règlements, des offi-

ciers royaux nommés par nous, par nous-mêmes, ni plus ni

moins, doivent accompagner toute expédition pour les Indes,

afin que la Casa de Contratación ait un œil sur tout ce qui se

fera ainsi que la faculté d’empêcher et de sanctionner les

manquements…

— Votre excellence, à ce que je vois, affectionne les

cancans et aime les alimenter – répliqua Solís avec une séré-

nité glaciale. Que j’aie bu ou pas, peu importe ; dans l’un ou

l’autre cas je n’avais pas besoin de la caution de votre excel-

lence… Mais un élément n’aura pas échappé à la perspicaci-

té de votre excellence : Son Altesse peut fort bien nommer

ces officiers, chargés de factorerie ou notaires, sans le con-

cours de la Casa de Contratación…

— Le Roi ne l’a jamais fait…

— Il faut un début à tout ; celle-ci sera la première fois…

Ne le prenez pas mal, don Pedro… Mon expédition est plutôt

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modeste, si on la compare aux importants navires et équi-

pages avec lesquels d’autres sont parties, mais Son Altesse

attend beaucoup d’elle. Elle n’a rien voulu laisser au hasard,

et encore moins livré aux caprices de gens qui – je ne le dis

pas pour votre excellence – pourvu qu’ils me nuisent,

n’hésiteraient pas, quitte à nuire à notre roi, à le faire au bé-

néfice du Portugal… Ce que l’on dit à tort de moi, on pour-

rait le dire à juste titre d’autres qui feignent d’être de grands

ennemis de don Manuel afin de mieux le servir.

— Insinuations ! Odieuses calomnies !

— Que votre excellence ne le prenne pas à cœur comme

si cela la concernait.

Don Pedro le regarda comme s’il voulait le foudroyer et,

avec une intention blessante, il dit lentement et sentencieu-

sement :

— Je n’ai pas besoin, moi, de me faire pardonner des dé-

lits capitaux.

— Vous vous écartez du sujet pour en revenir aux médi-

sances – répliqua Solis, impassible. Revenons-en à nos mou-

tons. Le fait est que Son Altesse a déjà nommé mon ami Pe-

dro de Alarcón répartiteur et notaire de la flottille et, chargé

de la factorerie, mon ami Francisco de Marquina94, des gens

d’une honnêteté et d’une loyauté au-dessus de tout soupçon,

qui ne me feront pas de cadeaux pour autant mais qui ne me

nuiront pas non plus… Bref, manœuvres et fourberies n’ont

pas réussi à duper Son Altesse. Le roi don Ferdinand sait

94 24 novembre 1514 et 6 août 1515 – Toribio Medina, pp.

CCXXXII ss., 133 ss. et 142-143.(N.d.T.)

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bien que, pendant que Vasconcelos et ses hommes de main

cherchent à me discréditer – c’est en ayant une idée derrière

la tête, vous entendez bien, don Pedro, le roi don Manuel, se

servant du même Vasconcelos, veut me débaucher pour son

service à coups d’honneurs et de faveurs, mais il n’y est pas

parvenu et n’y parviendra pas, même s’il m’offrait la gloire

éternelle…

Le petit vieillard aigri le coupa de façon sarcastique, ha-

chant les mots comme s’il riait :

— Est-ce cela… que vous utilisiez habituellement

comme appât afin de pêcher des faveurs toujours plus impor-

tantes ?… Oui, ce doit être cela !… « Le Roi du Portugal

m’offre autant !… Le Roi du Portugal veut me donner beau-

coup plus ! »… Comme si je l’entendais !… Et c’est ainsi que

vous aurez obtenu les « llanos de Huerta y Acecal y del Har-

dal » à la limite de Lebrija95…

— Ce n’est pas du tout cela – répliqua Solís tranquille-

ment, affectant la modestie, afin de renvoyer la moquerie

avec plus de venin. Notre seigneur don Ferdinand n’aime pas

qu’on lui impose quoi que ce soit, moi moins que qui-

conque… Mais, bien que je ne le mérite pas, Son Altesse a

dit bien clairement – et les plis se trouvent ici même, à Sé-

ville – qu’il m’accordait cette faveur « parce qu’il m’a beau-

coup servi et me sert continuellement, et qu’il a subi un préjudice

dans une prison alors qu’il n’était pas coupable96. Hé, don Pe-

95 24 novembre 1514 – Toribio Medina, pp. CCXL et 121-122.

(N.d.T.)

96 Toribio Medina, p. 122. (N.d.T.)

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dro de mon cœur ! – alors qu’il n’était pas coupable ». Mais

vous devez connaître la lettre de Son Altesse au premier ma-

gistrat de cette ville où l’on lit ce que je dis…

— Un autre cas où vous n’étiez probablement pas non

plus demandeur – insista Isásaga d’un ton méprisant, l’année

précédente, on vous attribua les biens qu’avait laissés Antón

de San Gil, après s’être donné la mort, à Carbonera la

Mayor97…

— Le malheureux s’est pendu, c’est bien vrai – répondit

Solís, imperturbable, et Son Altesse, de la Cámara y Fisco à

qui passaient ces biens, me les transféra, m’écrivant, cette

fois aussi, qu’Elle le faisait « eu égard aux services que vous

m’avez rendus et me rendez continuellement98 »…

— Pauvre (ou riche) opiniâtre !… Et dans votre soif insa-

tiable, vous en êtes arrivé, il n’y a pas longtemps, à lui de-

mander la maison de tolérance de Ségovie99, qui était va-

cante – s’exclama Isásaga, désormais hors de lui, oubliant le

prestige lié à votre charge de pilote principal !…

— Y prétendiez-vous également ? – demanda Solís de

l’air le plus candide qu’il put. Si je l’avais obtenue, j’aurais

été au regret d’avoir marché sur vos plates-bandes… Parce

qu’il n’y avait rien de mal ni de déshonorable à la solliciter.

Je connais des grands seigneurs qui n’ont pas de scrupule à

97 14 décembre 1513 – Toribio Medina, pp. 108-109. (N.d.T.)

98 Toribio Medina, p. 108. (N.d.T.)

99 22 janvier 1514 – Toribio Medina, pp. CCXXV-CCXXVI et

111-112. (N.d.T.)

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recevoir des gages ou des rentes de telles maisons, dont Son

Altesse elle-même décide de la gestion, et si je n’ai pas obte-

nu celle que je sollicitais ce fut simplement parce qu’un plus

puissant m’a damé le pion… Mais cela ne m’afflige pas. Le

Roi saura, à titre de compensation, m’accorder de plus

grandes faveurs, sans que j’aie à les lui demander…

Illogique parce qu’il était furieux, Isásaga venait de se

relever, écartant son fauteuil en le bousculant, et il disait, en

bredouillant :

— Je ne comprends pas, sinon en pensant à vos excès,

pourquoi vous m’importunez avec de telles histoires, alors

que vous savez très bien que je n’ai rien à y voir !…

Solís se leva lui aussi et, prenant appui d’une main sur le

dos de sa chaise, tandis que l’autre balançait en cadence son

couvre-chef, il dit sur un ton jovial et comme s’il répétait des

phrases apprises :

— Si j’ai raconté à votre excellence ces histoires, mon

seigneur don Pedro, c’était uniquement pour témoigner ma

gratitude à votre personne et à l’un ou l’autre de vos dignes

compagnons de cette Casa de Contratación. Vous avez, eux

et vous, tenté de me rendre tant de services auprès de Son

Altesse, vous avez fait tant de recommandations de mes

humbles qualités, vous avez porté à ses royales oreilles tant

de nouvelles me concernant, que Son Altesse, finalement

convaincue de mérites que vous m’attribuiez et que je n’ai

pas, me comble de faveurs, non seulement celles que vous

avez si pertinemment rappelées, mais quelques autres que

vous ne savez pas, comme celles qu’Elle me promet lors de

mon retour, dans sa grande libéralité, des honneurs dont je

n’avais jamais rêvé… Ah ! s’il n’y avait eu les efforts de votre

excellence et de ses vénérables compagnons, peut-être Son

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Altesse aurait-Elle encore ignoré mes indignes mérites…

Mais votre excellence n’a pas rendu service à un ingrat !…

Ni à un importun non plus… Je ne veux pas continuer à en-

nuyer votre excellence… Que Dieu vous garde !

La petite personne de don Pedro Isásaga retomba, ef-

fondrée, dans son fauteuil, comme une loque humaine, met-

tant longtemps à recouvrer ses esprits. Vasconcelos avait

écrit à don Manuel que Solís était insupportable d’orgueil et

de violence ; imaginez ce qu’il aurait écrit à propos

d’Isásaga, s’il l’avait pu !…

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IX

UN ASPIRANT À LA GLOIRE ET À LA

FORTUNE

Entretemps, le garçonnet qui avait suivi les marins était

déjà depuis un bon moment dans le port et, assis à l’ombre

d’un canot à radouber, il n’écartait pas les yeux des cara-

velles qui, à faible distance, tanguaient sous l’impulsion du

lent courant et de la brise rafraîchissante, ni d’un autre na-

vire, plus éloigné, désarmé et comme endormi, faisant peu

de cas des groupes d’hommes et de femmes, curieux, qui ac-

couraient pour les voir, ni des marins qui commentaient leur

coupe et leur mâture. Les caravelles avaient des coques

noires, calfatées avec du suif et du goudron, et leurs mâts,

assujettis par des haubans, leur donnaient un aspect de lour-

deur que ne suffisait pas à alléger la coupe fine des œuvres

vives100. Les yeux du garçonnet se promenaient du château

avant (de proue) au château arrière (de poupe), admirant ces

hautes constructions en bois, qui se dressaient et saillaient

de part et d’autre, avec leurs grands œils-de-bœuf, et les na-

100 Partie immergée de la coque. (N.d.T.)

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vires lui semblaient être de splendides palais où l’on devait

passer une vie agréable tandis que l’on partait à la conquête

des terres de l’or, des pierres précieuses, des animaux

étranges, des oiseaux multicolores. Il contemplait ensuite,

envoûté, les mâts dressés, les cordages enchevêtrés, les gré-

ements goudronnés, le cabestan pansu, les échelles de corde

qui pendaient et oscillaient, et chaque détail était pour lui un

nouvel objet d’émerveillement religieux.

Quelques années avaient suffi, après le premier voyage

de Christophe Colomb, pour que diminuent, sans s’évanouir

complètement, les terreurs superstitieuses que cette Mer Té-

nébreuse inspirait à l’imagination médiévale, mer sillonnée –

disait-on – par des courants bitumineux et saturée de va-

peurs méphitiques qui rendaient l’air irrespirable, tandis que

de terribles monstres guettaient le marin audacieux pour le

dévorer dès qu’il pénétrerait dans leurs domaines.

Désormais, lorsque se préparait une nouvelle expédition,

les hommes de mer ne couraient plus se cacher dans un en-

droit où les agents du Roi ne pourraient pas les trouver afin

d’échapper au service forcé, et il ne fallait plus réquisitionner

par la violence les pilotes afin qu’ils embarquent, ni recruter

l’équipage parmi des délinquants, des repris de justice et des

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galériens. Le retour triomphal de Christophe Colomb depuis

Palos jusqu’à Barcelone, où les rois101 le traitèrent presque

d’égal à égal, les Indiens captifs vêtus de plumes criardes, les

pépites d’or et les sables aurifères, les colliers de perles, les

parures et les bijoux d’une singulière richesse et d’un aspect

inédit, les oiseaux que l’on portait dans le cortège comme

des ornements vivants, tout cela, grandi par l’imagination

populaire, avait totalement changé le vieux concept de la

mer mystérieuse et menaçante. Les récits des navigateurs,

vantards, qui revenaient des Indes, étaient amplifiés de façon

fantastique en passant de bouche à oreilles ; et s’ils étaient

encore nombreux ceux qui, plus que la mort, craignaient en-

core les hasards de l’inconnu, chez beaucoup d’autres

l’ambition surpassait la crainte, alors que pour quelques-uns

le danger était, tout au plus – si pas un incitant , dans le pire

des cas, analogue à celui que l’on court en se rendant en

Orient par les voies habituelles ou en naviguant sur les mers

toujours tempêtueuses de l’ouest de l’Europe. On ne man-

quait donc pas de volontaires pour les nouvelles expéditions

et les capitaines pouvaient choisir à leur aise parmi des ma-

rins rôdés par le long et rude apprentissage à bord des auda-

cieuses flottilles de commerce.

101 Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille. (N.d.T.)

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Des récits tronqués mais marquants, des prodiges que

recèle et défend la mer, étaient donc parvenus aux oreilles

du petit admirateur statique des caravelles, enflammant son

cerveau de treize ans, là-bas à Cadix et à El Puerto, et en-

suite lorsqu’il vagabondait dans Triana en prenant un bain

de soleil sur les rives du Guadalquivir, ou lorsque, aux portes

du couvent de Santa Clara, il attendait en bavardant et en

écoutant que le frère convers apparaisse avec son grand

chaudron débordant de brouet pour les mendiants et les fi-

lous qui venaient solliciter à midi. Depuis, il ne vivait plus

qu’avec l’idée de se lancer, lui aussi, à la conquête comme la

multitude d’hidalgos ruinés, de soldats déguenillés, d’aven-

turiers sans scrupules, qui importunaient les capitaines afin

qu’ils les emmènent avec eux, jusqu’en enfer le cas échéant,

pourvu qu’ils en revinssent avec des rentes. Énergiques et

audacieux, les plus énergiques et audacieux d’Espagne et du

Portugal, s’en allaient, généralement, comme une horde

d’invasion, animée par un esprit destructeur, commettre

dans les Indes des atrocités inénarrables102, mais également,

ils allaient, sans y penser, y semer l’héroïsme et actionner

l’élan instinctif vers un avenir meilleur.

102 Cortez chez les Aztèques en 1521 et Pizarre chez les Incas

en 1531. (N.d.T.)

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Absorbé dans sa contemplation et dans ses rêves, le gar-

çonnet sembla se réveiller soudain et il se redressa à moitié :

deux personnes parlaient près de lui et leur conversation

l’intéressa dès les premières paroles. Il écouta sans bouger,

afin qu’elles ne remarquent pas sa présence :

— Cette caravelle-là – disait l’une – est le navire du capi-

taine. Comme tu le vois, elle est équipée d’une voile latine à

chacun des deux mâts et elle peut remonter au vent en cinq

ou six quarts, ce qui lui permet, si l’on ne navigue pas de

conserve, de parcourir moins de distance que les autres pour

atteindre le même point. Celle-là est portugaise et les deux

autres sont espagnoles – même si la première est aussi espa-

gnole que les autres : ce sont des noms qu’on leur donne.

— Regarde à présent les deux caravelles espagnoles, qui

sont équipées de façon mixte : de voiles de proue carrées et

de voiles de poupe latines. Mais c’est la caravelle portugaise

qui est le plus fin voilier.

— Reconnais que tu vas être bien à l’aise à bord, Rodri-

go – dit l’autre.

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— À Dieu vat ! Mieux que sur terre, surtout lorsque l’on

doit aller au galop de Logroño à Bilbao, comme j’ai dû le

faire il y a trois ans, pour suivre le capitaine… Quand j’aurai

fini mon quart et s’il n’y a rien de neuf, je pendrai mon ha-

mac, me glisserai sous ma couverture et dormirai comme un

loir, bercé comme à l’époque du berceau par ma sainte mère

– pour qui j’étais beau comme un petit ange, malgré le visage

ingrat qu’elle et Dieu m’ont donné –, mère qui m’endormait

en me chantant une berceuse…

— Le travail ne sera pas trop pénible…

— Pas du tout ! Tu sais très bien que, à part les bour-

rasques, les entrées et sorties de ports, ainsi que les écueils

et brisants – il faut alors avoir de bonnes mains, de bonnes

jambes et de meilleurs yeux, c’est à bord plus calme qu’à la

cour du roi catholique, qui voyage toujours par monts et par

vaux, sans avoir sa maison sous ses pieds, comme nous. Et

que de bonnes petites siestes, et quelles veillées, dis donc !

Lorsqu’on tape la carte ou que l’on chante en chœur les

chants de la terre et que l’on raconte des histoires épouvan-

tables qui donnent la chair de poule aux moins tendres.

— Et pour ce qui est des provisions de bouche, comment

ferez-vous ?

— Il n’y a pas de problèmes. Ce n’est pas la viande salée

qui manque – de bœuf, de porc – et il y a aussi de la viande

séchée, de la morue, des haricots et d’autres légumes secs,

des biscuits, du vin doux au gosier… et tout en abondance,

de quoi bien tuer la faim et la soif, pas comme une bouillie

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qui nous laisse sur notre faim103… En revanche, l’eau dans

les récipients ou citernes, malgré tous nos soins, devient

épaisse, corrompue et saumâtre… mais, tout comme il n’y a

pas de faim que n’assouvisse du pain dur, il n’y a pas de soif

que n’étanche une eau imbuvable… Pourvu qu’il y ait assez

de vin jusqu’au bout, n’est-ce pas ?… Bref, les pauvres gens

souffrent plus sur la terre ferme que nous sur la mer et eux

n’ont pas l’espoir que leur sort s’améliore. Sur terre aussi, on

souffre de la faim.

— Tellement, monsieur le marin ! – s’exclama le garçon

sans pouvoir se retenir et il se mit debout, portant la main à

une loque qu’il avait sur la tête en guise de béret.

— Salut ! D’où sortez-vous, monsieur le têtard ? – de-

manda Rodrigo, le marin-écuyer de Solís, car il était l’un des

interlocuteurs.

— Je sors d’une faim pour retomber dans une autre,

monsieur le navigateur… – répondit avec effronterie le gar-

çonnet.

En voyant que Rodrigo souriait, ce qui mit fin à la peur

que son visage ingrat aurait pu lui inspirer, il trouva l’audace

de continuer :

— Si vous pouviez me faire la faveur, monsieur le navi-

gateur, de me dire ce que doit faire une « personne » qui veut

s’embarquer pour partir à la découverte de terres et de tré-

sors, par Dieu, je vous en serais reconnaissant !

103 Afin de se faire une idée et à titre de comparaison, voir Tori-

bio Medina, pp. 21-23. (N.d.T.)

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— Sacré nom ! Il ne manque pas d’impudence, le mor-

veux ! – s’exclama le troisième personnage.

— Ah, monsieur ! Que votre excellence me pardonne,

mais je préfère un coup de bâton à l’attitude où l’on ne

daigne pas me répondre… Je grandirais au cours du voyage,

aussi court soit-il ; et, pour ce qui est de la bonne volonté, il

n’est pas besoin de barbe…

— Belle répartie ! – dit en riant Rodrigo. Comment

t’appelles-tu, Goliath ?

— Non, pas Goliath. Je n’ai rien d’un géant. Mais bien

Francisco, Paco, Paquillo, Frasco ou Frasquillo, comme il

plaira à votre seigneurie, car c’est ce que tous disent, et cela

me convient…

— Francisco, tout court ?

— Pas plus long… Cela doit venir du fait que je n’ai

connu ni père ni mère.

Et comme s’ils l’invitaient à le faire, le garçonnet, babil-

lard, raconta en zézayant :

— On dit – mais ce doit être exagéré – que l’on m’a

trouvé dans un dépotoir de Puerto Real, près de Cadix, enve-

loppé dans une lavette, pas dans des langes de Hollande, ce

qui répondait à la question de savoir si j’étais ou pas fils de

princes… De vieilles personnes demandant l’aumône me re-

cueillirent et firent en sorte que, plus tard, je puisse les aider

mais, alors que je commençais à leur témoigner ma grati-

tude, leur travail n’étant pas compliqué, elles moururent des

suites des misères passées… Je me suis alors élevé moi-

même, plus dans les eaux de la baie que sur terre, faisant

même, une fois, office de marin à la Almadraba…

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— Belle graine de marin…

— Il y en a d’autres… Mais un coup de rame ne me fait

vraiment pas peur et le patron-pêcheur avait l’habitude de

me confier des manœuvres plus difficiles.

— Et maintenant, te croyant devenu un loup de mer, tu

veux te risquer sur la grande mare, marin d’eau douce ?

— Salée, elle était bel et bien salée l’eau de Cadix, car

c’est à Cadix que se trouve le sel que Dieu a créé… Car, afin

de traverser cette mare, comme dit votre grâce, je suis venu

de là, à pied comme un hidalgo, me disant : en avant, en

avant ! C’est là-bas que t’attend une table avec le couvert…

pourvu que tu puisses embarquer à bord d’une de ces flottes

armées de la Castille de l’Or ou vers une autre destination.

Je me suis dit que j’aurais le temps de manger et de m’empif-

frer et, plus tard, de gaver tous ceux qui s’approcheraient de

moi… Donc, si votre grâce veut m’emmener avec elle, je la

servirais volontiers et ferais danser l’eau devant elle, veillant

à son intérêt et à sa collation avant les miens…

— Si tu as autant d’audace que ta langue est bien pen-

due, tu es un brave, Paquillo – dit le marin, fort amusé par le

bagou du gamin. Et, voulant poursuivre l’amusement, il ajou-

ta : — Mais je ne peux pas exaucer la moitié de tes souhaits.

En revanche, je vais te fournir une information : voici

qu’arrive justement une personne qui, si tu entres dans ses

grâces, peut d’un coup te faire chef, ou pas beaucoup moins,

de la flottille et Adelantado, ou quelque titre analogue, de

l’une ou l’autre terre que nous découvrirons.

Paquillo tourna la tête et vit que s’avançait vers eux le

plus robuste des marins qu’il avait suivis quelques heures

plus tôt.

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— Qui est ce gentilhomme ? – demanda-t-il anxieuse-

ment.

— Il n’est pas gentilhomme – répliqua Rodrigo – mais un

navigateur, et des meilleurs. Il s’appelle Diego García et, mé-

ritant de commander des escadres, il est celui qui commande

nos équipages, comme quartier-maître, fort content de servir

le capitaine général qui, de son côté, mériterait d’être roi,

pour le moins…

À peine García fut-il près d’eux qu’il demanda, d’une

voix tonnante, tout en postillonnant :

— Savez-vous si don Juan a déjà embarqué ?

— Il n’est pas encore arrivé – répondit Rodrigo. Je suis

en train de l’attendre avec le canot et les hommes, car je dois

le ramener à bord.

Pendant ce temps, Paquillo regardait fixement García, se

dressant sur la pointe des pieds et s’approchant de lui,

comme magnétisé.

— Hors de mon chemin, moutard ! – s’exclama le quar-

tier-maître, le bousculant avec rudesse sans le vouloir mais

avec une telle douceur qu’il l’envoya presque rouler à terre.

Par Saint-Jacques ! Qui a placé sur ma route cet avorton,

fruit des amours de Belzébuth et d’une gitane ?

Réprimant mal son rire, Rodrigo fit part à son chef des

prétentions du garçonnet.

— Tu dois encore manger beaucoup de soupe – dit

García en haussant les épaules et en lui tournant le dos –

avant de pouvoir manœuvrer une drisse, animalcule… Em-

barque, Rodrigo, car je dois, moi aussi, me rendre à bord.

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Le marin courut au canot sans prendre congé de son

ami, si grande était l’emprise de García sur son équipage. Le

gamin, inconsolable, erra dans le port et, un peu plus tard,

revint s’asseoir en face des caravelles… Dans son cerveau

infantile se bousculaient, dans l’intervalle, les plus extrava-

gantes idées, tendant toutes à se faire enrôler dans la flottille

ou à s’y introduire en cachette, en usant d’un stratagème,

jusqu’à ce que les navires soient en haute mer et que l’on ne

puisse plus le débarquer…

Son attention fut, soudain, attirée par l’interlocuteur de

Rodrigo, qui, pendant tout ce temps, n’avait pas bougé.

Ayant compris à son aspect qu’il était également un marin, il

lui demanda avec son sans-gêne habituel :

— Et vous, monsieur le Portugais, vous embarquez avec

eux ?

— Ce n’est pas l’envie qui me manque, par ma foi… –

murmura l’autre. Mais, dis-moi, comment as-tu su que je suis

portugais ? À mon accent ?

— Je l’ai dit au hasard. Vous pourriez aussi bien être ga-

licien, car c’est bonnet blanc et blanc bonnet… Mais cela

vous effraie-t-il ?

— Cela m’effraie et ne m’effraie pas – dit le Portugais, en

parlant plus à lui-même qu’au gamin. Les Espagnols sont au-

jourd’hui méfiants quand il s’agit d’enrôler des Portugais…

Nous sommes comme chiens et chats pour déterminer ce qui

nous appartient et ce qui nous revient ou pas… Même si

Bouffées de Bagasse et ce Diego García et cent autres ont jadis

été au service du Portugal, il y en a qui vont jusqu’à dire

que… Mais ils ne doivent pas s’arrêter à ces vétilles s’ils ont

besoin d’un homme décidé, qui soit habile en tout…

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— C’est ce que je crois – répliqua le garçonnet pour

s’attirer ses bonnes grâces. Vous n’avez pas une prestance à

vous noyer dans un bassin et, en parlant à ce Bouffées ou à

ce Diego, comme vous dites…

— Je le ferai, sacré nom, et pas plus tard que demain, ou

avant, si l’occasion se présente, foi de marin ! Je suis avisé et

tenace et je pourrais leur rendre de grands services…

— Il faut être fort savant pour parler d’autres langues

que sa langue maternelle – s’exclama Paquillo en affichant

une admiration démesurée. – Mais dites-moi, monsieur le

marin, étant si savant, ne connaîtriez-vous pas un moyen de

me faire entrer, moi aussi, dans la confrérie ?

— Comme interprète ? Foi d’Enrique Montes104 qu’il est

amusant ce garçon… Ton cordon ombilical n’est pas encore

desséché et tu voudrais déjà…

— Qui parle d’interprète, Dieu me soit témoin !… Je

pense à marin, ou petite-main, ou mousse, ou marmiton, que

sais-je…

— Cela, c’est autre chose – dit le Portugais comme s’il

éprouvait une très humble satisfaction. Mais – ajouta-t-il au

bout d’un moment – regarde ces garçons à cabas qui com-

mencent à transporter des provisions de bouche à bord…

Mêle-toi à eux, fais comme eux et, si tu te signales dans la

masse, il se peut qu’ensuite le quartier-maître ou le pilote te

fassent la faveur de te prendre comme mousse… à moins

qu’ils te nomment capitaine général, comme disait Rodrigo…

104 Toribio Medina, pp. CCXCI, CCXCVII et CCCXVII –

CCCXXXVIII. (N.d.T.)

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— Si votre grâce voulait bien dire un petit mot en ma fa-

veur à monsieur Rodrigo, cela me valoriserait certainement,

et je prierais tous les jours de ma vie pour votre grâce,

comme étant le plus bienveillant des hommes.

— Je dois le faire, non en raison de ton adulation mais

bien parce que tu me sembles être prêt.

— Dieu vous le rendra au centuple, votre grâce ! –

s’écria le garçonnet en sautant de joie et en portant la main à

son béret.

Ils étaient occupés à cela lorsqu’ils furent distraits par

un grand mouvement qui se produisait à la fois sur terre et à

bord de la plus grande des caravelles, qui était l’une des

deux équipées de voiles carrées. On la menait au radoub,

sans doute pour achever de la calfater et de la caréner. La

manœuvre, bien que lourde, n’était pas difficile, car le ba-

teau, encore peu chargé, tenait à fleur d’eau une grande par-

tie des œuvres vives.

Ils se précipitèrent tous deux pour voir de plus près mais

Paquillo ne perdit pas de temps et, comme il n’avait ni cabas

ni corde pour jouer à l’expéditeur, ni de moyens de se les

procurer, il se mêla à ceux qui halaient le navire et se mit à

les aider avec beaucoup de brio, comme s’il faisait déjà par-

tie de l’équipage. On le reçut comme un chien dans un jeu de

quilles mais il fit preuve de tant de bonne volonté et de dex-

térité que, bientôt, les injures et les malédictions des marins

cessèrent ; si, dans un premier temps, il leur était apparu

plus comme une gêne que comme une aide, haussant les

épaules, ils le laissèrent faire, puisque « l’un dans l’autre, il le

faisait presque aussi bien qu’eux ». Rodrigo était revenu avec

le canot afin d’embarquer les autres marins dès qu’ils arrive-

raient, et Enrique Montes s’approcha de lui un moment, dési-

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reux d’achever de le conquérir afin qu’il parle à Solís en sa

faveur.

— Je le ferai volontiers – expliqua Rodrigo, mais ce ne

sera pas facile de t’enrôler, non seulement en raison du

nombre de postulants mais, surtout, parce que l’équipage a

quitté Lepe presque au complet et que les rares hommes qui

nous manquaient doivent, à cette heure, avoir été engagés

sur paroles par le pilote don Francisco de Torres en per-

sonne ou plus vraisemblablement par le quartier-maître Die-

go García, qui connaît tous ceux qui ont vogué sur d’autres

galères que celles du Roi, et même sur celles-ci. Je trouverai

tout de même un moyen de parler de toi à don Juan et je lui

vanterai beaucoup tes dons pour les langues, les interprètes

n’étant pas nombreux par ici et ils sont bien nécessaires là

où nous allons. Je lui dirai que tu as la faculté de com-

prendre des langages étranges, de les apprendre par cœur,

mine de rien…

Et, en découvrant soudain Paquillo, qui suait à grosses

gouttes en halant la caravelle en même temps que les ma-

rins, il ajouta :

— Sans que cela nuise à tes intérêts, je parlerai égale-

ment de ce gamin. Discret et décidé, c’est un petit homme

prometteur…

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X

AU TRAVAIL !

Ni Enrique le Portugais ni l’ambitieux Paquillo, n’avaient

réussi à se faire enrôler à bord d’un des trois navires qui, au

bout de quelques jours, étaient prêts, après avoir rempli

toutes les formalités que la Casa de Contratación exigeait et

avoir complété leur équipage. Il n’y avait plus qu’à relancer

la caravelle aux voiles carrées, menée au radoub, désormais

carénée, calfatée et prête à naviguer.

Contre l’avis de Solís, qui souleva de fort sérieuses ob-

jections, messieurs les officiers de la Casa de Contratación

avaient ordonné que l’on embarquât les vivres du navire

avant de le remettre à flot. Don Pedro de Isásaga et ses

comparses, ne pouvant empêcher que le marin n’arrive à ses

fins, tentaient de le contrecarrer de toutes les façons pos-

sibles sans provoquer ouvertement la colère du Roi, et Solís

invoqua en vain que l’on exposait sans nécessité le navire à

un très grave danger en le chargeant au sec.

— N’êtes-vous pas pressés ? Eh bien, vous gagnez du

temps, que diable ! – lui répliquait le minuscule et tortueux

officier, forcé par ses fonctions à traiter avec le pilote, mais il

le faisait à contrecœur.

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— Agir dans la précipitation n’est pas conciliable avec

agir bien – disait le marin –. Je préférerais prendre du retard

mais opter pour la sécurité…

On était le 15 septembre105 et Solís comptait lever

l’ancre au début d’octobre afin de se trouver dans l’autre

hémisphère en plein printemps austral.

Ce matin-là, tout était disposé afin de relancer le navire :

les rainures enduites de suif et de savon ; les mulettes en

place ; les câbles prêts à réguler la glissade lors du lance-

ment. Les curieux fourmillaient, gênant la manœuvre, malgré

les cris et les jurons du quartier-maître Diego García, et les

fortes poussées et les coups de têtes de ses hommes. Le

moment venu, d’une voix de stentor, celui de Moguer or-

donna de couper les amarres à coups de hache : le bateau

sembla hésiter avant de se mettre en mouvement et il com-

mença à glisser lentement, accélérant sa marche pendant

qu’un cordage régulateur ne lui opposait qu’une résistance

passagère. Bouche bée, chacun gardait le silence, les curieux

observaient, en proie à la légère émotion inhérente à ces

actes, sachant que, quoi qu’il se passât, il n’était plus pos-

sible d’intervenir. Tout allait bien : le bateau glissait, les

pièces latérales fumaient légèrement, les étais craquaient

avant de tomber. La poupe ronde entrait déjà dans le fleuve

lorsqu’un brusque balancement se produisit : le navire entra

d’un coup dans l’eau, la faisant gicler comme une vague qui

se brise sur un escarpement rocheux, oscilla violemment et

se renversa, en même temps qu’un cri s’échappait de toutes

les bouches… Avec un fracas sourd, l’eau se précipita à tor-

105 1515. (N.d.T.)

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rents par toutes les ouvertures, inonda la coque et le navire

coula à pic en un clin d’œil. La caravelle, chargée au sec

malgré les protestations de Solís, venait de sombrer par la

faute de « ces messieurs » de Séville106…

Le marin semblait désespéré et furieux, et Francisco de

Torres essayait inutilement de le calmer. S’étaient joints à

eux les deux autres pilotes de l’expédition, Juan de Lis-

boa107, qui devait commander la caravelle perdue, et Rodrigo

Alvarez de Cartaya108, second à bord de la caravelle portu-

gaise109, dont le capitaine était Solís. García tentait de lui ex-

pliquer la cause du désastre.

— Par Saint-Diego, c’est la faute de ces mêle-tout de la

Casa qui fouinent partout ! Mais ils ont pris soin de ne pas

ordonner eux-mêmes l’arrimage… Ainsi, à la suite d’une dé-

faillance dans les ligatures parce que cela balançait, la

charge tout entière est passée à tribord et le bateau au

diable !… Maudits soient les gens qui vont où on ne les ap-

pelle pas et qui se trouvent où l’on n’a pas besoin d’eux !

Le quartier-maître courait du groupe des pilotes à la rive

du fleuve, où s’entassait une foule toujours plus dense ; Solís

le suivit, ne parvenant à dissimuler sa fureur qu’à grand-

peine. Il avait bien vu que la catastrophe était irréparable : le

106 15 septembre 1515 – Toribio Medina, pp. CCXLV-CCXLVI.

(N.d.T.)

107 Toribio Medina, p. CCCXXXVIII. (N.d.T.)

108 Toribio Medina, ibidem. (N.d.T.)

109 Équipée d’une voile latine à chacun des deux mâts. (N.d.T.)

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navire ne pourrait pas être remis à flots et, avec lui, ils per-

daient tous leurs vivres. Au-delà du grand préjudice matériel,

au-delà de la satisfaction secrète de ses ennemis, le marin

considérait l’accident comme étant un présage funeste pour

son expédition. Et ce fut l’avis de beaucoup.

García donnait des ordres à ses hommes afin qu’ils ten-

tent de sauver quelque chose de ce qui était à bord et de ce

qui, emporté par les eaux, flottait sur le Guadalquivir, à la

merci du courant. Aux marins s’unirent volontairement le

Portugais Montes et Paquillo, mus par la même idée de se

rendre utiles. Montes, embarqué sur un canot, pêchait à

l’aide d’une gaffe tout ce qui passait à sa portée et le garçon-

net, nageur remarquable et plongeur-né, pénétrait dans le

navire submergé, ne revenant à la surface, en soufflant

comme un phoque, qu’en ramenant l’un ou l’autre objet.

Mais ils n’étaient pas les seuls volontaires. D’autres hommes

de bonne volonté se détachaient pour participer au sauve-

tage de la masse de gens vociférants, qui augmentait sur la

marina à chaque moment, tourbillonnant comme en proie à

une agitation extrême ; mais, en sortant de l’eau, ils pre-

naient l’habitude de s’égarer et, au lieu de déposer ce qu’ils

avaient récupéré sur la pile, qui se formait sur la rive, ils pre-

naient distraitement le chemin de la ville, heureux de cette

pêche miraculeuse sur le fleuve turbulent.

Paquillo, lors d’une de ses plongées, atteignit la cabine

du capitaine du vaisseau, située dans le château de poupe

enhuché, encore partiellement à fleur d’eau, et en tâtonnant

à l’aveuglette il put s’emparer du coffret destiné à contenir

les documents du bord et d’autres objets. Il réapparut triom-

phant, nagea vers la marina, mit pied à terre et courut dépo-

ser son trésor, criant de fierté. Ce coup d’éclat fut détermi-

nant pour sa fortune. Le coffret était vide mais sa prouesse

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n’en était pas moins méritoire. C’est ce qu’estima le quartier-

maître, en le voyant apparaître, tel un Triton d’airain, toutes

ses guenilles dégoulinant d’eau.

— Pardieu, c’est le petit gitan de l’autre jour ! – murmura

García. Puis il s’adressa au garçonnet – : Viens me trouver

plus tard, gamin. Peut-être y aura-t-il à bord quelque chose

pour toi.

En faisant mine de porter la main à son béret que le

fleuve avait emporté comme trophée, le garçonnet s’égrati-

gna la tête et, simultanément, le mollet dénudé du pied droit

avec le pied gauche déchaussé. Mais il ne dit rien. En aug-

mentant d’un cran, son audace habituelle s’était muée en ti-

midité et, pivotant comme une toupie sur le pied droit, il se

lança dans une course vers la rive.

Après avoir pris les rares mesures que permettait un re-

vers aussi complet, Solís, s’écartant du tumulte de la plage,

était allé rendre compte de l’événement aux officiers royaux,

pour se retirer ensuite à bord de la caravelle portugaise et

écrire au Roi, délimitant les responsabilités.

À la Casa de Contratación, on savait évidemment déjà

ce qui s’était produit. Pour le peu qu’il avait entendu de la

bouche d’Isásaga et par une confidence du répartiteur López

de Recalde, le marin comprit que les officiers allaient

s’empresser de le taxer d’impéritie, de faire peser sur lui le

poids de leur malveillance, de l’accuser une fois de plus

d’être un « homme léger et inconstant », à qui il ne fallait

rien confier d’important.

— Que comptez-vous faire ? – lui avait demandé López

de Recalde.

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— Lever l’ancre avec les deux caravelles res-

tantes, comme si rien ne s’était passé – répondit Solís. – Ces

messieurs, par la faute, intentionnelle ou pas, de qui le

voyage ne se ferait pas, en retireraient une trop grande satis-

faction. Je ferais ce voyage à pied, si les bateaux me faisaient

défaut !

— Attendez la décision de Son Altesse – conseilla le ré-

partiteur.

— Oui, mais pas sans lui dire ce que, moi aussi, j’ai sur

le cœur ! – s’exclama le marin.

Arrivé à bord, Solís, s’enfermant dans sa cabine, se mit à

écrire fébrilement au Roi. De temps en temps, il s’inter-

rompait pour lancer une interjection, tant il continuait à être

en colère. Après avoir relu la missive, se rassérénant un peu,

il atténua tout ce qui, étant trop violent, aurait pu être consi-

déré comme un manque de respect à l’égard du souverain, et

il la recopia au net. En prenant plus de libertés, il écrivit éga-

lement à l’évêque de Palencia110 et à Lope Conchillos, ferma

et scella les lettres, en fit une liasse, et appela :

— Hé, Rodrigo !

Le domestique apparut, comme s’il jaillissait du sol :

— En quoi puis-je être utile à votre seigneurie ?

— Tu vas devoir passer une journée à cheval.

La grimace de Rodrigo l’aurait encore enlaidi, si cela

avait été possible.

110 Don Juan Rodríguez de Fonseca. (N.d.T.)

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— Il faut porter ces plis à Almazán, de toute urgence, en

crevant des chevaux. Voici de l’argent. Prêt ?

— Seigneur ! Il y a plus de cent lieues !…

Solís le regarda et sourit. Il savait comment mener son

homme de confiance.

— C’est bon – dit-il –. Cherche un homme sûr qui ira à ta

place, car il s’agit d’une mission d’importance.

— Oh non, seigneur ! C’est moi qui irai ! – s’exclama Ro-

drigo, affligé.

— Avant une demi-heure, il faudrait galoper sur ces

routes, en se plaignant et en jurant, mais sans s’arrêter plus

que nécessaire.

Dans sa lettre à Don Ferdinand, Solís se déchargeait de

toute responsabilité dans la catastrophe, provoquée par les

officiers qui n’avaient pas écouté ses objections et prévi-

sions, et il disait n’attendre que l’autorisation de Son Altesse

pour lever l’ancre avec les deux navires restants, même si

cela risquait de présenter des dangers. Il demandait à Fonse-

ca et Conchillos de faire pression sur le Roi afin que ce der-

nier lui procure un navire de plus, dans la mesure du pos-

sible, et, avec eux, il donnait libre cours à sa colère et à son

indignation à l’encontre des « messieurs de Séville ». Il n’y

avait plus qu’à attendre patiemment la décision du mo-

narque.

Et de la patience, il en fallut car les jours s’écoulaient

lentement sans autre distraction que les monotones conver-

sations avec les pilotes, toujours sur le même sujet. Une

complication le sortit heureusement de son apathie : le char-

gé de factorerie et le notaire, qui devaient accompagner

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l’expédition afin d’en contrôler les actes111, et sur les bonnes

intentions de qui il comptait, effrayés par le naufrage de la

caravelle, faisaient marche arrière et demandaient qu’on les

remplaçât. Quant aux gens de terre, qui n’avaient vu des ba-

teaux que depuis la marina. La catastrophe leur avait fait

prendre conscience des dangers de la navigation plus effica-

cement que tous les effrayants récits qu’ils avaient entendus.

Ils imaginaient déjà qu’une voile du navire s’abattait sur eux

et que la mer les engloutissait en un seul coup. Don Pedro de

Alarcón, le répartiteur et notaire, homme de bureau, amaigri

et pâli en raison de ses tâches qui l’obligeaient à rester en-

fermé, taciturne et sec, bien qu’il n’eût pas mauvais carac-

tère, détestait les déménagements en général, et il n’avait

accepté celui de ce voyage que par la tentation d’un salaire

accru, le double dans le tiers des bénéfices qu’il fallait se ré-

partir, ainsi que la perspective d’une amélioration lors du re-

tour. Le chargé de factorerie112 don Francisco Marquina,

homme beaucoup plus actif, même s’il était gros et rubicond,

au contraire, était jovial et communicatif, aimant nouer la

conversation ; il rêvait d’aventures, qu’il n’avait pas connues

jusqu’alors, et c’était pour lui un avantage supplémentaire

aux raisons matérielles qui motivaient son collègue. Le nau-

frage de la caravelle fit donc sur tous deux l’effet d’une

douche froide ; leur enthousiasme, avait déjà baissé d’un

cran à la suite d’une visite qu’ils avaient faite à la caravelle

portugaise où, à l’étroit, ils allaient manquer de commodi-

tés : si Alarcón fit la grimace, les cheveux de Marquina se

111 Toribio Medina, pp. CCXXXII ss., 133 ss., 142-143 –

24 novembre 1514 et 6 août 1515. (N.d.T.)

112 Ou veedor, mot portugais – Toribio Medina, p. 168. (N.d.T.)

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dressèrent sur sa tête. Ils allaient faire le voyage presque ser-

rés comme des sardines. Et à cela s’ajoutait à présent la

perspective ingrate du possible, voire de l’inévitable nau-

frage… La meilleure chose à faire serait de renoncer…

Cela ne faisait pas les affaires de Solís, qui avait compté

sur la bonne volonté et l’amitié des deux fonctionnaires. Un

ennemi ou quelqu’un d’indifférent, ayant les mêmes attribu-

tions, pouvait lui nuire considérablement et paralyser ou,

pour le moins, entraver son action dans nombre de cas : le

répartiteur devait tenir les comptes et prendre note de tout

ce qui touchait aux gens à bord et aux choses appartenant au

Roi, sans excepter toutes les babioles que l’on emportait

pour le troc ; il devait comptabiliser les paiements et les

avances que l’on consentirait dans les ports et sur la terre

des Indes, les prises que l’on ferait sur mer et sur terre, et

veiller à ce que tout fût remis au chargé de factorerie ; il

pouvait et devait empêcher que Solís et ses hommes négo-

cient avec les Indiens, lui demander aussi souvent que sou-

haitable de passer en revue l’équipage, veiller à ce que,

même lors de la navigation, le capitaine général s’en tienne

strictement au contrat. Le répartiteur et notaire apparaissait

donc comme étant un autre chef de l’expédition, ayant plus

de pouvoir que le chef visible, s’il lui en prenait l’envie… Le

chargé de factorerie, son complément et successeur sans

titre, pouvait, au cas où l’autre abusait, être son complice ou

son frein.

Comment Solís parvint-il à éviter qu’Alarcón et Marqui-

na le missent dans la situation extrêmement grave où on les

aurait remplacés ? Simplement en faisant miroiter devant

leurs yeux à tous deux la faveur du monarque, les nom-

breuses récompenses, l’avancement assuré, et en leur dé-

montrant que, s’ils ne faisaient pas plaisir au maître, ils au-

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raient droit à la colère de ce dernier, il se détournerait d’eux,

les abandonnerait, ce qui équivaudrait, ni plus ni moins, qu’à

la misère pour leurs vieux jours. La crainte du Roi fut plus

forte113 que la peur de la mer et Solís put se dire que Vascon-

celos aurait dû prendre auprès de lui des leçons de diploma-

tie.

Cette lutte, dont il sortit vainqueur, raccourcit les jours

d’attente, jusqu’au moment où Rodrigo Rodríguez114, les os

en compote et les yeux presque complètement révulsés, re-

vint en apportant la réponse du Roi. Don Ferdinand y disait à

Solís de ne pas s’affliger du malheur survenu mais de ne pas

non plus partir avant d’avoir à nouveau sa flottille au com-

plet. Il allait prendre toutes les mesures nécessaires afin que

ce fût le cas dans les plus brefs délais115.

Le Roi voulait-il le tranquilliser avec de belles paroles

trompeuses, en laissant ses ennemis triompher ?… En lisant,

par ailleurs ce que Lope Conchillos lui écrivait, il reprit un

peu espoir. Mais ses doutes ne se dissipèrent complètement

que, quelques jours plus tard, lorsqu’il apprit que don Ferdi-

nand venait d’envoyer une ordonnance royale aux officiers

de la Casa de Contratación en les plaçant quasi sous les

ordres de son ami López de Recalde : il leur ordonnait, en ef-

fet de suivre au pied de la lettre toutes les indications du ré-

partiteur afin que la flottille de Solís fût complétée et prête à

partir sans retard. Quant au pilote, il insistait pour qu’il fût

113 Cf. J.-M. Pardessus, in « Notes du traducteur ».

114 Antonio Rodríguez – Toribio Medina, p. 169. (N.d.T.)

115 24 septembre 1515 – Toribio Medina, pp. 160-161. (N.d.T.)

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« très bien servi (…), avec le plus grand soin possible » pour

son voyage116.

Solís convoqua Francisco de Torres et s’enferma avec lui

dans sa cabine.

— Essaie de savoir, sans que personne ne s’en aperçoive

– lui dit-il –, dans quel état se trouve la caravelle qui, depuis

notre arrivée, est démâtée dans le port. Tu sais de laquelle je

veux parler ?

— Il n’y en a qu’une et je suis déjà au courant de tout –

répondit le pilote –. Dès le premier moment, j’ai pensé à elle.

— Eh bien ?

— Pour le moment, non seulement on ne la bouge pas

mais il n’y a aucun signe que l’on veuille la bouger avant

longtemps, à moins que… Bref : elle est en très bon état,

quasi prête à naviguer.

— Crois-tu qu’il est possible de l’affréter ou de

l’acheter ?

— Fort possible. Ses propriétaires n’ont ni fret ni arma-

teurs. Ils sont forcés de la laisser dormir… Étant donné que

la Casa de Contratación multiplie les empêchements pour les

voyages, ils courent le risque qu’elle pourrisse…

— Sais-tu combien ils en veulent ?

— Je peux le vérifier.

116 « Meilleur soin que l’on pouvait », 24 septembre 1515 – To-

ribio Medina, pp. CCXLVII et 158-159. (N.d.T.)

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— Oui, fais cela, mais sans te porter garant. Et assure-toi

bien que son état est comme tu le dis.

Il ne manquait effectivement à la caravelle que les élé-

ments que l’on n’embarque qu’à la fin. La Casa de Contrata-

ción intervint en avançant à Solís les sommes nécessaires et

les propriétaires, contents de vendre un bateau qui ne leur

occasionnait que des frais, ne se montrèrent pas exigeants.

L’acquisition de la caravelle coûta septante-cinq mille mara-

védis117, que la Casa de Contratación prêta au pilote, sur

ordre du Roi. Et on commença à la préparer rapidement,

sous l’inspection passionnée mais, malheureusement, offi-

cieuse de Paquillo, qui ne quittait pas une minute la marina.

Il avait inutilement rôdé jusqu’alors autour de Diego

García, qui l’intimidait toujours davantage contrairement à

tout ce l’on aurait pu attendre et qui, malgré sa vague pro-

messe, semblait l’avoir oublié ; et sur ce chemin de croix de

postulant silencieux et timide, il était parfois accompagné

par le Portugais Enrique Montes, affligé par la longue ab-

sence de son présumé protecteur, Rodrigo au visage ingrat.

Le gamin errait affamé et quasi nu parce qu’il ne trouvait

plus le temps de parcourir les places à l’heure du marché afin

de se procurer de quoi s’alimenter – ne fût-ce qu’une tranche

de fromage, un morceau de poisson, une croûte de pain, un

chou négligé par la marchande des quatre saisons, ni le

temps de courir à Santa Clara lorsque l’on distribuait le

brouet.

117 2 octobre 1515 – Toribio Medina, p. 169. (N.d.T.)

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On faisait déjà les derniers préparatifs sur le navire lors-

que, un matin, Paquillo trouva le courage du désespoir et se

précipita vers le quartier-maître qui arrivait.

— Monsieur !… Monsieur ! – s’exclama-t-il, en portant la

main à sa tête, comme s’il portait encore le béret de jadis.

Mais tout qu’il pensait dire ne parvint pas à franchir le

seuil de ses lèvres.

— Que veux-tu, môme ? – demanda García, de mauvaise

humeur.

— Eh bien… je… comme votre seigneurie m’avait pro-

mis…

— Par Saint-Diego, accouche !

— … que je pourrais embarquer ! – s’exclama Paquillo

avec effort, mais d’un air décidé et, dans ce cri, il exprimait

toute son âme.

— Ah, oui ! Cela me revient… Tu es le petit qui nage

comme un poisson et plonge comme un dauphin… Reviens

me voir plus tard car, maintenant, je suis pressé.

— Vous avez dit la même chose, votre grâce, – pardon-

nez-moi de vous le rappeler –, l’après-midi du naufrage…

et… jusqu’à maintenant…

Sa bonne étoile voulut que, à ce moment, Rodrigo Ro-

dríguez approchât.

— Holà, amiral ! – s’exclama le domestique de Solís –

L’idée de devenir marin ne t’est toujours pas sortie de la

tête ?

— Et elle ne m’en sortira pas ! – répliqua le garçon.

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— Eh bien, si le quartier-maître marquait son accord,

moi je t’apprendrais le métier.

— Si c’est sans solde… – dit García.

— Cela va de soi ! Je serais prêt à payer – affirma le ga-

min.

— Eh bien, si Rodrigo te prend sous sa protection et que

tu le veux tellement, il n’y a plus à discuter. Embarque. Tu

seras mousse sur la caravelle portugaise.

Le garçonnet lança un cri de victoire et disparut dans un

nuage de poussière, prenant ses jambes à son cou, en direc-

tion du navire en question.

— Où va-t-il ? – demanda le quartier-maître.

— Il est très intelligent – répondit le bigleux –. Il doit dé-

jà savoir ce qu’il faut faire… Il n’y a pas de risque qu’il dé-

serte.

Ainsi il ne s’écoula pas longtemps avant que le nouveau

mousse revienne en compagnie d’Enrique Montes à l’endroit

où était resté Rodrigo. Il était allé signaler au Portugais que

le bras droit de Solís était dans son jour où il distribuait des

faveurs. Et Montes fut également enrôlé parce que, lors du

naufrage de la caravelle, quelques hommes étaient partis

pour ne pas revenir et qu’il fallait un gabier. Étant recom-

mandé par Rodrigo, le quartier-maître le prit sans difficulté.

Le domestique se chargea de les présenter au cambusier,

Martín García, qui gérait le rôle de l’équipage. En montant à

bord, il disait au garçon :

— À présent, on va voir, gamin, si tu as l’œil et le pied

marins… pour laver la vaisselle.

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— Comment t’appelles-tu, question de mettre ton nom

sur la liste ? – lui demanda le cambusier.

— Francisco.

— Francisco. Mais quoi de plus ?

— Francisco tout court ; je n’ai pas de nom de famille.

— Des Franciscos, il y en a plein à bord – fit remarquer

Martín García –. On dirait que tous les chrétiens se prénom-

ment Francisco.

— Mentionne-le comme étant Francisco del Puerto – in-

tervint Rodrigo –. C’est à Puerto Real de Cadix que l’on a fait

l’heureuse découverte de ce gaillard, et c’est un nom qui

convient à un grand navigateur… même s’il est encore un

navigateur en herbe.

— Eh bien, c’est écrit. Tu es désormais Francisco del

Puerto, gamin. Donc, tu le sais – conclut le cambusier.

Tout était, enfin, prêt pour le départ, et les compas de

relèvement, sortis de leurs habitacles, les arballestrilles ou

bâtons de Jacob à l’aide desquels on mesure les angles, et les

mystérieux astrolabes qui, avec leurs cercles cabalistiques,

révèlent longitudes et latitudes à qui sait les lire, furent ap-

portés à la Casa de Contratación afin que ses pilotes les éta-

lonnent et vérifient leur exactitude. Il ne manquait plus que

l’ordre de lever l’ancre et de lâcher les amarres.

Et, un beau matin, après avoir assisté avec dévotion à

une messe dans la Cathédrale, tout le monde regagna le

bord, une heure après le lever du soleil, s’attelant à la ma-

nœuvre. La marina fourmillait de curieux qui suivaient avec

un extraordinaire intérêt tous les mouvements de l’équipage,

des marins qui montaient et descendaient des haubans,

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d’autres qui criaient en faisant tourner le cabestan, d’autres

qui enroulaient les cordages ou couraient sur le pont dans

l’apparente confusion et le vacarme du moment où on levait

l’ancre. Les cris, les exclamations, les commentaires criards

d’hommes et de femmes qui s’attroupaient à terre sans rester

une seconde tranquilles, parvenaient jusqu’aux navires

comme le bourdonnement d’une ruche irritée, et les couleurs

vives des vêtements, rehaussées par le soleil naissant qui les

illuminait obliquement, s’harmonisaient de telle façon à cette

rumeur qu’hommes et choses semblaient en fête pour augu-

rer un bon voyage aux marins.

Quelques notables s’étaient rendus à bord pour prendre

congé de Solís ; parmi les officiers de la Casa de Contrata-

ción, seul Matienzo et Recalde, ses amis et défenseurs,

avaient voulu assister au commencement de son triomphe,

et c’est avec émotion qu’ils l’embrassèrent. Mais les navires

étaient en partance, les voiles frémissaient d’impatience de

claquer au vent et les canots des visiteurs se balançaient à

l’ombre de la coque des navires. Ceux qui devaient rester à

terre dirent au revoir pour la dixième et dernière fois et ils

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descendirent dans leurs petites embarcations. Un coup de

timon fit que les voiles prennent le vent et, l’une après

l’autre, majestueusement et lentement, les trois caravelles

gagnèrent l’aval, suivies sur les deux rives du Guadalquivir

par les curieux, qui ne voulaient pas les perdre de vue et les

accompagnaient, agitant bonnets et mouchoirs et déchirant

l’air de leurs vivats.

Rodrigo Rodríguez, qui n’avait rien à faire à bord, sauf

servir son maître, au demeurant peu exigeant, était appuyé

au bastingage et regardait la foule s’éloignant et diminuant,

ainsi que le paysage fugitif, nimbé de jaune par le soleil. À

côté de lui, paré de vêtements neufs trop larges, destinés à

un homme, se trouvait son désormais inséparable Paquillo.

Le mousse ne parvenait pas encore à croire que ses ambi-

tions avaient été aussi facilement réalisées, oubliant la faim

et les angoisses passées jusqu’au moment où le grand Diego

García, sur l’insistance de Rodrigo, son parrain et futur

maître, lui accorda la faveur de le prendre à bord. La satis-

faction l’émouvait, lui oppressant la poitrine presque au

point de l’empêcher de respirer, pendant que ses jambes se

balançaient de contentement et que ses bras s’agitaient invo-

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lontairement comme des ailes de moulin saluant encore la

foule déjà invisible. Lui aussi partait à la conquête de la Toi-

son d’or et il reviendrait de ce voyage, devenu au moins un

seigneur ! Ne racontait-on pas que Colomb118 était presque

un mendiant lorsqu’il alla demander du pain au couvent de la

Rábida ? Et, malgré cela, n’avait-il pas réussi à devenir ami-

ral de la mer océane, vice-roi, quasi l’égal de Son Altesse en

personne ? Il avait dû beaucoup souffrir, c’est vrai, mais les

maux s’oublient si l’on est richement récompensé, car on n’a

rien sans peine…

Paquillo était plongé dans ces rêves lorsque Rodrigo at-

tira son attention sur la manœuvre : la caravelle, qui navi-

guait en tête, virait gaillardement au coude du fleuve, décou-

vrant par la proue et à courte distance la ville de Gelves,

avec ses petites maisons qui ressemblaient à des points

blancs sous la réverbération du soleil. Cela faisait près de

deux heures qu’ils avaient quitté Séville. Une heure plus tard,

ils passèrent en face de Coria del Río et du petit village de

Puebla, qui se situe à côté. Un peu plus loin, ils naviguèrent

lentement entre des marécages inondés par les eaux de la

mer, couverts par intervalles de saules touffus, dont le vert

tendre contrastait çà et là avec la couleur sombre des jardins

118 (Pour Colomb au couvent de la Rabida. Voyez, par exemple,

la biographie de Christophe COLOMB, transposée au niveau de la

BD par Fred FUNCKEN (1921-2013), et parue : en Belgique, dans le

N° 22 de l’hebdomadaire « TINTIN » du 30 mai 1956 ; en France,

dans le N° 404 de l’hebdomadaire « TINTIN » du 19 juillet 1956.

https://www.idesetautres.be/upload/CHRISTOPHE%20COLO

MB%20FUNCKEN.pdf (2017)

https://www.idesetautres.be/upload/19560530%20COLOMB

%20FUNCKEN.zip (2011) N.d.T.)

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maraîchers dans le sable, dont les légumes d’automne mûris-

saient sous le soleil, encore ardent.

Le soir tombait déjà lorsqu’ils arrivèrent à Sanlúcar de

Barrameda et ils jetèrent l’ancre dans le mouillage de Bonan-

za, qui se trouve à une lieue de la barre. On aurait dit que

tous les habitants de la riante ville, entourée de beaux bois

de pins, les attendaient sur le rivage depuis que les navires

étaient en vue. Et, parmi ces braves gens, il ne manquait,

certes pas, de parasites et de vagabonds attirés et fixés là

parce qu’ils y trouvaient leur compte grâce au grand mou-

vement qu’engendraient dans le port le commerce continuel

avec Séville et la présence fréquente des flottes qui se ren-

daient aux Indes ou en revenaient. Solís, craignant davan-

tage les ripailles que les désertions préméditées, ordonna

que l’on ne débarquât personne, à part les hommes que lui-

même envoyait en mission à terre. Mais les navires ne tardè-

rent pas à être entourés de petites embarcations et toute

cette population de marins put bavarder en criant avec ceux

qui partaient, produisant un discordant et continu brouhaha

qui ne commença à décroître que fort avant dans la nuit. Et,

même s’il n’y en eut plus autant, nombreux furent encore

ceux qui vinrent de la côte aux navires jusqu’à l’aube.

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NOTES DU TRADUCTEUR

Des informations et des notes plus détaillées, avec repro-duction de passages d’ouvrages cités peuvent être con-sultés dans l’édition d’Ides et Autres :

https://www.idesetautres.be/upload/PAYRO%20MAR%20DU

LCE%20INDICE%20CON%20ENLACES%20INTERNET%2020%

20CAPITULOS.pdf (index).

Chapitre 1

OVIEDO Y VALDÉS, Gonzalo Fernández (1478 – 1557) ; De

l’histoire naturelle des Indes (Historia general y natural de

las Indias, islas y tierra-firme del mar oceano), voir :

https://www.wdl.org/fr/item/7331/.

Bouffées de bagasse. “Bofes de bagazo”, voir page 25 in Tori-

bo Medina, José, Juan Díaz de Solís, Estudio histórico,

Santiago de Chile, impreso en casa del autor, 1897,

CCCLII + 252 p. (segundo libro: documentos y biblio-

grafía)

http://booksnoOKw1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/jua

ndazdesol00medi/juandazdesol00medi.pdf.

Chapitre 2

TORIBIO MEDINA, José ; Juan Díaz de Solís. Estudio históri-

co ; op. cit, CCCLII, 252 p. (segundo libro : documentos

y bibliografía) :

Page 172: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

– 172 –

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juand

azdesol00medi/juandazdesol00medi.pdf

Chapitre 3

TORIBIO MEDINA, José ; Juan Díaz de Solís. Estudio históri-

co ; op. cit., CCCLII, 252 p. (segundo libro : documentos

y bibliografía). Voir + infra :

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juand

azdesol00medi/juandazdesol00medi.pdf

« Texto de la circular, obra maestra de los funcionarios de

aquel tiempo » (Toribio Medina, pp. XXV-XXVI) : « pu-

blicado por Fernández de Navarrete, Colección de viajes,

t. III, p. 505, y reimpreso por Torres de Mendoza,

Colección de Documentos, t. XXXVIII, p. 347 ».

CARVAJAL, Galíndez de (1472-1528), chroniqueur : Crónicas

de los Reyes de Castilla : Desde Don Alfonso el sabio hasta

los católicos Don Fernando y Doña Isabel por Cayetano

Rosell, Fernán Pérez de Guzmán, Diego de Valera, Diego

Enríquez del Castillo, Fernando del Pulgar, Lorenzo

Galíndez de Carvajal, Andrés Bernáldez, Pedro López de

Ayala ; tomo 3, page 533 (= Apéndice 2°, Anales breves).

Voir + infra :

http://bibliotecadigital.jcyl.es/es/consulta/registro.cmd?id=8

333

Sources possibles de l’acte de piraterie : Biographie de

« Vasco da Gama » in Encyclopédie des gens du monde

(répertoire universel des sciences, des lettres et des

arts : avec des notices sur les principales familles histo-

riques et sur les personnages célèbres, morts et vivans),

Page 173: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

– 173 –

Tome douzième (= volume 12) ; Treuttel et Würtz ;

1839, page 88 (de 811 pages) :

https://books.google.be/books ?id=_A1CAAAAcAAJ&printsec

=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

BARROS E SOUZA, Manuel Francisco de, SANTARÉM (Vis-

conde de) ; Recherches sur la priorité de la découverte des

pays situés sur la côte occidentale d’Afrique : au-delà du

Cap Bojador, et sur les progrès de la science géographique,

après les navigations des Portugais, au XVe siècle ; Paris,

Librairie orientale de V(euv)e Dondey-Dupré ; 1842,

CXIV-336 pages. (citation extraite de la page p. 71)

http://books.googleusercontent.com/books/content ?req=AK

W5Qaf6uob53X1siLBn1rjTuLfKgeh01aEcaDC_flzNy3-

9_zpZeMhJ7Z0mQ9347qRtStpTrHQrrtf4byaVuT8eCAotM587X

RFH2T-

pwl0GILe4eczH_WZf8YwoMjoJVZQbIZVPVe1jExShd2zlpoM1

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TyIs73VpNllVZ0FMi-

jCgrP5lYjamwjO4qwoCxh6B2WBWpP8z690TZsAjyfQ

Santarém confond Louis XII et Charles VIII. Dès lors, s’il

est une de ses sources, Payró amalgame-t-il, volontai-

rement, deux actes de pirateries perpétrés, sous deux

rois différents, à l’encontre d’une caravelle portugaise

par des corsaires français, à une vingtaine d’années

d’intervalle ?…

MOUTARD, Nicolas-Léger ; Histoire universelle, depuis le

commencement du monde, jusqu’à présent ; Arkstée &

Merkus ; 1768, livre XXII, chapitre II, page 454 :

https://play.google.com/store/books/details/Histoire_univers

elle_depuis_le_commencement_du_mon ? id=1SpKAAAAcAAJ

Page 174: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

– 174 –

SPONT, Alfred ; La marine française sous Charles VIII, page

4 :

http://195.220.134.232/numerisation/tires-a-part-www-

nb/0000005549085.pdf

MOLLAT, Michel ; « De la piraterie sauvage à la course régle-

mentée (XIVe-XVe siècle) » in Mélanges de l’École française

de Rome (Moyen-Âge, Temps modernes), année 1975, vo-

lume 87, N° 1 pp. 7-25 :

http://www.persee.fr/doc/mefr_0223-

5110_1975_num_87_1_2322

Il est étonnant que, depuis 1927 (et de nombreuses réé-

ditions, par exemple chez Losada, un des plus grands

éditeurs argentins, entre au moins 1938 et 2011), per-

sonne apparemment n’ait signalé (ne fût-ce que par une

note en bas de page) les « erreurs » historiques que nous

avons relevées…

Chapitre 4

TORIBIO MEDINA, José ; Juan Díaz de Solís. Estudio históri-

co ; op. cit., CCCLII, 252 p. Voir :

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juand

azdesol00medi/juandazdesol00medi.pdf

Chapitre 5

“Bofes de bagazo”, voir page XXV in : Toribio Medina, José ;

Juan Díaz de Solís. Estudio histórico ; op. cit, CCCLII +

252 p. (deuxième livre : « documentos y bibliografía »)

Page 175: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

– 175 –

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juand

azdesol00medi/juandazdesol00medi.pdf

Nous trouvons dans ce livre également des lettres de

l’ambassadeur Juan Méndez de Vasconcelos au roi Ma-

nuel 1er, concernant Juan Díaz de Solís. Voici le début de

celle du 30 août 1512 :

(Lettre complète XXX, entre les pages 85 et 88.)

Il y a une autre lettre, XXXI, du 7 septembre 1512, entre

les pages 89 et 98.

“Del rey abajo, ninguno (y labrador más honrado)” (ou

García del Castañar), pièce de théâtre, difficilement da-

table, de Francisco de Rojas Zorilla (1607-1648) :

http://biblioteca.org.ar/libros/130456.pdf

Étude (1910) d’Edouard Laget sur cette pièce :

https://ia801006.us.archive.org/16/items/delreyabajoning00r

oja/delreyabajoning00roja.pdf

Pour la traduction française, voir : Frédéric Mancier, Le mo-

dèle aristocratique français et espagnol dans l’œuvre roma-

nesque de Lesage : l’histoire de Gil Blas de Santillane, un cas

exemplaire ; Paris ; Presses Paris Sorbonne ; 2001,528

pages. Note 35, pages 131-132.

Chapitre 6

TORIBIO MEDINA, José ; Juan Díaz de Solís. Estudio históri-

co ; op. cit, CCCLII + 252 p. Voir :

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juand

azdesol00medi/juandazdesol00medi.pdf

Page 176: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

– 176 –

« Guicciardini, ambassadeur, à ses mandants de Florence » : voir

Francesco Guicciardini, « Relazione di Spagna Relazione

di Spagna » (1513), in Scritti autobiografici e rari, ed. Ro-

berto Palmarocchi, Bari, Laterza, 1936 :

« Insomma è re molto notabile e con molte virtù, né si

gli dà altro carico, o vero o falso che sia, che di non es-

sere liberale, né bene osservatore della parola sua ; nel

resto si vede tutta costumatezza e moderazione. » (pp.

125-146).

À consulter :

GARGANO, Antonio ; « La imagen de Fernando el Católico en

el pensamiento histórico y político de Maquiavelo y Guic-

ciardini » in La imagen de Fernando el Católico en la Histo-

ria, la Literatura y el Arte (Aurora Egido, José Enrique

Laplana Gil eds. ; ISBN 978-84-9911-309-8) ; Zaragoza,

Institución Fernando el Católico (CSIC) ; 2014, pp. 83-

104.

http://ifc.dpz.es/recursos/publicaciones/34/22/05gargano.pd

f

Voir aussi :

GAGNEUX, Marcel ; « L’Espagne des Rois Catholiques dans

l’œuvre de François Guichardin », in André Rochon (éd.),

Présence et influence de l’Espagne dans la culture italienne

de la Renaissance (Paris, Université de la Sorbonne Nou-

velle ; 1978), pp. 55-112.

« Voyez-vous la bonne toile que c’est ? Je m’en suis offert trois

jeux ! » Diario oficial de las sesiones de Cortes, 1837, tomo

VII, p. 231.

Page 177: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

– 177 –

LAFUENTE, Modesto ; Historia general de España (desde los

tiempos primitivos hasta la muerte de Fernando VII) ; Bar-

celona ; Montaner y Simon editores ; 1879, tomo II, cap.

XXVII, p. 416 (nota 5) :

http://cdigital.dgb.uanl.mx/la/1080044679_C/1080074653_T

2/1080074653_123.pdf

SANTA CRUZ, Alonso de ; Crónica de los Reyes Católicos, in

Juan de Mata Carriazo ; Sevilla ; Escuela de Estudios

Hispano Americanos ; 1951, II, p. 281 :

« Y estando la corte en esta villa, por el mes de março, y

el rey don Fernando en Carrioncillo, lugar apartado de

Medina por una legua, deleitoso y de mucha caça, hol-

gándose con la reine Germana su muger ; donde como

Su Alteza tuviese tanto deseo de tener generación, prin-

cipalmente un hijo que heredase los reinos de Aragón, le

hiço dar la Reina algunos potajes hechos de turmas de

toro y cosas de medecina que ayudavan a hacer genera-

ción, porque le hicieron entender que se empeñaría lue-

go. Aunque otros pensaron que les avían dado veneno, o

tósigo. »

Chapitre 7

TORIBIO MEDINA, José ; Juan Díaz de Solís. Estudio históri-

co ; op. cit, CCCLII, 252 p. (segundo libro : documentos

y bibliografía). Voir :

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juand

azdesol00medi/juandazdesol00medi.pdf

Une biographie de Vasco Nuñez de BALBOA a été transpo-

sée par Fred FUNCKEN au niveau d’une BD en 4

Page 178: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

– 178 –

planches aux illustrations attrayantes ; elle est parue en

Belgique, dans le N° 38 de l’hebdomadaire « TINTIN » du

17 septembre 1958 et n’aurait pas été publiée dans

l’édition française.

http ://www.idesetautres.be/upload/19580917 %20BALBOA%

20FUNCKEN.zip

Il est étonnant que, depuis 1927 (et de nombreuses réédi-

tions, par exemple chez Losada, un des plus grands édi-

teurs argentins, entre au moins 1938 et 2011), personne

apparemment n’ait signalé (ne fût-ce que par une note

en bas de page) les « anachronismes » que nous avons re-

levés…

Chapitre 8

TORIBIO MEDINA, José ; Juan Díaz de Solís. Estudio históri-

co ; op. cit, CCCLII, 252 p. (segundo libro : documentos

y bibliografía)

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juand

azdesol00medi/juandazdesol00medi.pdf

Ouvrage de références :

PARDESSUS, Jean-Marie ; Collection de lois maritimes anté-

rieures au XVIIIe siècle ; Paris, Imprimerie royale ; 1845,

tome sixième, 672 pages. (Table chronologique de tous

les documents dont les textes sont contenus dans cette

collection : pages 629-638. Table alphabétique des ma-

tières des 6 volumes : pages 639-671) :

https://play.google.com/store/books/details ?id=ZqJLAAAAY

AAJ&rdid=book-ZqJLAAAAYAAJ&rdot=1

Page 179: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

– 179 –

Voir, en particulier, chapitre XXXIV, « Droit maritime

des provinces méridionales et occidentales de l’Espagne,

situées sur l’océan », pages 1-300 (N.B. : textes bi-

lingues).

Chapitre 9

“Bouffées de Bagasse (Bofes de bagazo)”, voir page XXV in :

Toribio Medina, José ; Juan Díaz de Solís. Estudio históri-

co ; op. cit., CCCLII, 252 p. (second livre : documentos y

bibliografía)

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juand

azdesol00medi/juandazdesol00medi.pdf

Iconographie caravelles, voir : Dictionnaire en images DUDEN

français ; Barcelona ; Editorial Juventud ; deuxième édi-

tion, 1962, pp. 384-385.

Chapitre 10

TORIBIO MEDINA, José ; Juan Díaz de Solís. Estudio históri-

co ; op. cit., CCCLII, 252 p. (segundo libro : documentos

y bibliografía)

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juand

azdesol00medi/juandazdesol00medi.pdf

Ouvrage de références :

PARDESSUS, Jean-Marie ; Collection de lois maritimes anté-

rieures au XVIIIe siècle ; op. cit. (Table chronologique de

tous les documents dont les textes sont contenus dans

cette collection : pages 629-638. Table alphabétique des

matières des 6 volumes : pages 639-671) :

Page 180: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

– 180 –

https://play.google.com/store/books/details ?id=ZqJLAAAAY

AAJ&rdid=book-ZqJLAAAAYAAJ&rdot=1

Voir, en particulier, chapitre XXXIV, « Droit maritime

des provinces méridionales et occidentales de l’Espagne,

situées sur l’océan », pages 1-300 (N.B. textes bilingues).

Nous y avons puisé les traductions de contador (réparti-

teur), escribano (notaire, écrivain) et factor (chargé de fac-

torerie).

Ci-dessous, des extraits concernant leurs tâches et obli-

gations.

Concernant le contador (3ème paragraphe) :

https://play.google.com/store/books/details ?id=ZqJLAAAAY

AAJ&rdid=book-ZqJLAAAAYAAJ&rdot=1

Concernant l’escribano (3ème paragraphe) :

https://play.google.com/store/books/details ?id=ZqJLAAAAY

AAJ&rdid=book-ZqJLAAAAYAAJ&rdot=1

Concernant le factor (2ème paragraphe) :

https://play.google.com/store/books/details ?id=ZqJLAAAAY

AAJ&rdid=book-ZqJLAAAAYAAJ&rdot=1

FUNCKEN, Fred, Christophe Colomb : Illustration des cara-

velles par Fred FUNCKEN in « L’Histoire du monde : la

course aux épices » (in TINTIN N° 29,16071958)

https://www.idesetautres.be/upload/CHRISTOPHE%20COLO

MB%20FUNCKEN.pdf (2017)

https://www.idesetautres.be/upload/19560530%20COLOMB

%20FUNCKEN.zip (2011)

Page 181: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

– 181 –

TORTON, Jean a, lui aussi, dessiné une biographie de Chris-

tophe COLOMB : « Le rêve doré de Christophe Colomb »

(in TINTIN N° 41,1981).

http://bdoubliees.com/tintinbelge/auteurs5/torton.htm

DE MOOR, Bob (1925-1992) : Rappelons qu’il était un dessi-

nateur de la mer et, notamment, de caravelles dans « Co-

ri, le moussaillon », série de 5 BD se déroulant au 16ème

siècle. Voir notamment « L’invincible Armada » (« Le dra-

gon des mers », page 6) les vignettes suivantes (copyright

BD Must, 2013), illustrant, entre autres, la manœuvre du

cabestan. (Si ce roman avait été traduit de son vivant,

peut-être nous aurait-il fait l’honneur de l’adapter en BD.

Nous l’avions rencontré (il habitait près de notre Centre

d’expression et de créativité) et il nous avait fourni une

illustration inédite pour « Ides… et autres » N° 4 (IEA04) :

http://www.idesetautres.be/ ?p=divers&mod=showPicture&id

=1257686604cQLi. jpg)

Intégrale « Cori, le moussaillon » :

www.bdmust.be

Page 182: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

– 182 –

TABLE DES ILLUSTRATIONS

Introduction

Carte de presse pour l’Exposition Universelle de Bruxelles en

1910. (Document fourni par son petit-fils, Roberto Pablo

Payró.)

Illustration de couverture de l’édition de référence.

Juan Díaz de Solís, préface de l’édition de référence.

Mapa Mundi de Domingos Teixeira / Carte de Domingos

Teixeira de 1573 (Bibliothèque nationale de France). « À

noter, la projection n’est pas centrée sur l’Europe mais sur la

ligne issue du traité de Tordesillas, celle du traité de Sara-

gosse étant dédoublée, à gauche et à droite de la carte. Ceci

a pour effet de bien montrer le découpage du Monde à parts

égales entre Espagnols et Portugais, dont les blasons respec-

tifs ornent les terres conquises. » (Vivianne Lutun Noz, Pin-

trest.)

Chapitre 1

Carte golfe de Paria par NordNordWest (Wikimédia CC. BY-

SA-3.0de),

https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=4110164

5 Lic. Creative Commons by-sa-3.0de.

Carte des voyages de Alonso de Ojeda, 16.02.2013, par Taichi

(Wikimédia Gnu Free Documentation Licence version

1.2)

Page 183: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

– 183 –

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Viajes_de_Alonso_de_Oj

eda.PNG. Lic. GNU Free Documentation License version 1.2.

Page de couverture de l’Histoire naturelle des Indes, Fernández

de Oviedo y Valdés.

Chapitre 2

Carte du monde d’Alberto Cantino, de 1502, d’après les

voyages de Christophe Colomb dans les Caraïbes, Pedro

Álvarez Cabral au Brésil, Vasco de Gama suivi de Cabral

dans l’Afrique de l’Est et en Inde, et des frères Corte-

Real au Groënland et en Terre-Neuve. Nommée d’après

l’agent italien à Lisbonne qui l’obtint du Duc de Ferrare,

carte secrète qui fut évidemment copiée.

Drapeau de la Compagnie de Guiné, reproduit par Nuno Ta-

vares, s.d. (Wikimédia). (GNU Free Documentation Li-

cense, Version 1.2 .)

Chapitre 4

Carte provenant de Les enjeux de la cartographie, Bibliothèque

nationale de France. Elle reproduit dans un format réduit

la Mapa Mundi de Domingos Teixeira / Carte de Domingos

Teixeira de 1573 (Bibliothèque nationale de France). Voir

l’introduction.

Chapitre 5

Carte d'Amérique divisées en ses principales parties par Guil-

laume Delisle, d'Anville. Rectifiée après les nouvelles

Observations de Jean-Baptiste Bourguignon d'Anville et

autres Géographes ; J. Condet (graveur). À Amsterdam :

Chez Covens & Mortier & Covens Junior, 1744.

Page 184: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

– 184 –

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:CartedAmerique.jpe

g

Chapitre 6

Les photos proviennent de « Iconografía de Fernando el

Católico », par Enrique PARDO CANALIS (Zaragoza ;

Institución Fernando el Católico ; 1963,140 p.) :

http ://ifc.dpz.es/recursos/publicaciones/02/68/_ebook.pdf

Les photos utilisées sont les numéros : 21 (p. 79), 25 (p.

83), 31 (p. 89), 45 (p. 103), 47 (p. 105), 67 (p. 125), 73 (p.

131) et 77 (p. 135).

Chapitre 7

Portrait de Juan Rodriguez Frayle, anonyme, s.d.

http://www.lablaa.org/blaavirtual/biografias/images/rodrjua

n.jpg

Carte situant la Castille d’Or par « Santos30 » (Creative Com-

mons Attribution-ShareAlike3.0Unported license) :

https://commons.wikimedia.org/wiki/File :Tierra_Firme_Coq

uivacoa.PNG

Chapitre 8

Peinture à l’huile d’Alonso Sánchez Cœllo, depuis le quartier

de Triana, en 1498. Le Puerto de Indias qui, au 16ème

siècle accueillait un grand nombre d’embarcations le

long du Guadalquivir, passant par Séville (on distingue la

Giralda au fond, à gauche le pont des barques et, à

droite, la Torre del Oro).

https://es.wikipedia.org/wiki/Puerto_de_Indias#/media/File:

La_sevilla_del_sigloXVI.jpg

Page 185: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

– 185 –

Alfonso X construye sus astilleros en Sevilla (1252), photogra-

phié par José Luis Filpo Cabana, mai 2010 (Wikimédia

Creative Commons CC0 1.0 Universal Public Domain

Dedication).

Cuarto del Almirante de los Reales Alcázares de Sevilla, photo-

graphié par CarlosVdeHabsburgo le 10.07.2014. (Wiki-

média. ) Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0

Unported).

Chapitre 9

Robert Fleury, Joseph Nicolas, Réception de Christophe Co-

lomb (1451-1506) par les rois d’Espagne Ferdinand et Isa-

belle la Catholique a Barcelone en 1493 L’explorateur re-

vient avec des Indiens captifs. (Musée du Louvre.)

Christophe Colomb par Fred FUNCKEN (courtoisie de M. et

Mme Fred Funken, selon autorisation donnée à Bernard

Goorden) :

http://www.idesetautres.be/upload/19560530%20COLOMB%

20FUNCKEN.zip

Entrée de Hernan Cortés dans la cité de Tabasco, huile sur toile,

deuxième moitié du 17e siècle, anonyme (Wikimédia.)

http://www.kislakfoundation.org/collectionscm.html,

Représentation schématique d’un galion. (Archives de Pearson

Scott Foresman, donnée à Wikimédia)

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Galleon_(PSF).png

Page 186: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

– 186 –

Chapitre 10

Cathédrale de Seville du côté des marches, huile sur toile, 1835,

Genaro Pérez Villaamil (Fondation de la Banque Santan-

der.)

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Genaro_P%C3%A9r

ez_Villaamil_-_Seville_Catedral_on_the_Side_of_the_Steps_-

_Google_Art_Project.jpg

Caravelles en haute mer, aquarelle, Raffaele Monleon, sd, in

[livre non mentionné]. (Photo Bnmanioc, Wikimédia.)

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:PAP110640106i1.jp

g

Page 187: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

– 187 –

EL MAR DULCE

PREFACIO

“La Nación comenzará a publicar mañana en su folletín la

última obra de Roberto J. Payró, cuyo título es EL MAR DULCE,

crónica romancesca del descubrimiento del Río de la Plata por

Juan Díaz de Solís.

El libro comienza como una de esas ligeras lloviznas prima-

verales que la tierra bebe apenas se moja, pero que luego, al per-

sistir, van arreciando poco a poco hasta volverse copiosas, to-

rrenciales y capaces de desbordar los ríos y anegar los campos.

Este símil ha sido quizá el primero en ocurrírsenos, por ser

cosa nuestra, natural y del momento; pero encajará mejor, sin

duda, que comparemos el desarrollo de EL MAR DULCE a esas

Page 188: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

– 188 –

sinfonías que, comenzando con un “pianissimo” de las cuerdas,

van luego complicándose y ensanchándose hasta alcanzar las

mayores sonoridades de la masa orquestal.

Y así tendría que ser la “Opera”, si la música había de

acompañar e interpretar bien el “libreto”. El poema, comienza en

una apacible mañana con un diálogo apacible en la apacible

Logroño de principios del siglo XVI; diálogo entre el cronista y

poeta Oviedo y su amigo Juan Díaz de Solís, en quien ya se vis-

lumbra el alma del héroe que, después de llevar a cabo venturo-

samente larga y arriesgada travesía, sucumbe en la más inespe-

rada y obscura tragedia, al descubrir nuestro gran río, que él

bautizó Mar Dulce y que en verdad y en justicia debiera llamarse

Ensenada de Solís.

En las primeras escenas de la obra, vense los preparativos

del gran viaje, a los que da singular interés la solapada acción

de españoles y portugueses para violar la famosa línea demarca-

dora del tratado de Tordesillas, tan matemática y clara en apa-

riencia como ocasionada a casuísticas discusiones en su práctica

e interpretación.

Sobresalen entonces, entre otras, dos escenas: la primera en

que Solís contrata al ladino andaluz Diego García de Moguer, y

que comienza a ponernos en contacto real, diremos, con algunos

personajes del drama; y la segunda, quizá la más perfecta del li-

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bro, en la que la rivalidad hispano-lusitana de entonces está pin-

tada con los tintes obscuros y la magistral sobriedad de un Ve-

lázquez, al describir la entrevista que Solís celebra con el emba-

jador de Portugal, Vasconcelos. Es admirable la lucha, el duelo

de aquellos dos hombres en que Solís resiste con tanta entereza

como ironía las sutiles artes del diplomático, que, yendo del ha-

lago y las ofertas tentadoras hasta la amenaza, quiere conquistar

a toda costa al célebre piloto para que deje de servir al Rey de

España y se ponga a las órdenes de su Señor.

Viene después, y también tiene interés muy vivo, toda la par-

te del libro en que vemos librarse otra lucha, de muy distinta ín-

dole, pero no menos apasionada que la anterior, entre Juan Díaz

de Solís y los señores de la Casa de Contratación de Sevilla. Las

mezquinas triquiñuelas de una burocracia en extrema papelera,

desconfiada y autoritaria que se atrevía hasta oponerse a la om-

nímoda voluntad del monarca, y la satisfacción de Solís al humi-

llar a aquellos empecinados y envidiosos funcionarios que muy

mal le querían, porque no era hechura de ellos y no acataba sin

réplica su caprichosa y estrecha autoridad, dan motivo a muy

movidas, características y sabrosas escenas.

Los preparativos del viaje en el puerto de Sevilla, en medio

de la curiosidad general y de los variados y graciosos comenta-

rios populares, con la entrada en escena de un simpático arra-

piezo que llegará a alcanzar notoriedad con el nombre de Fran-

cisco del Puerto; las recaladas en Sanlúcar, en Lepe, y luego la

partida hacia la gran aventura, forman páginas llenas de pinto-

resca amenidad y de fuerte emoción, a pesar del rudo temple de

aquellos que la acometen.

La travesía, con una descripción sin duda muy próxima a la

verdad, de la vida, penosísima a veces y harto incómoda siem-

pre, que se hacía en las naos; la escala en Tenerife, que viene a

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ser para la tripulación, gracias a la hospitalidad canaria, regoci-

jada fiesta; la entrada y la estada en la bahía de Guanabara,

que da origen a una sobria y bella página descriptiva, así como

la llegada a la embocadura del prodigioso río, que Solís más pre-

siente, sin duda, que descubre cuando habla de él a sus compa-

ñeros, estando aún en pleno océano, constituyen muy hermosos

capítulos, sobre cuyo fondo se destaca la noble figura del cape-

llán, de a bordo, fray Buenaventura, grande y dulce alma de mi-

sionero cristiano que condena las crueldades cometidas por los

conquistadores con los indígenas y que no desmaya en su misión

evangélica, a pesar de la desatención y las burlas con que reci-

ben su palabra aquellos hombres codiciosos e inconscientemente

crueles que pretende aleccionar.

Y, por último, tras de un descanso en el bello río que llama-

ron de los Patos – hoy de Santa Lucía en el Uruguay – la inespe-

rada tragedia que pone luctuoso, horrendo término a una aven-

tura que había corrido hasta entonces de la más afortunada ma-

nera, aunque en ella la generalidad de la tripulación hubiera vis-

to defraudada la sed y la seguridad de alcanzar las más fabulo-

sas riquezas que los impulsara al gran viaje.

Tal es, muy sucintamente contada, la nueva obra con que

Roberto J. Payró enriquece la literatura argentina.

Es un bello, un noble libro en el que corren parejas la verdad

histórica, y la belleza literaria, con tanta probidad perseguida la

una como la otra, sin hacer más concesiones a la imaginación,

que aquellas que impone lo escueto de los relatos hechos por los

testigos presenciales a la manera de diarios de a bordo, para pin-

tar los ambientes y dar a los hombres y a las cosas sus rasgos ca-

racterísticos y los movimientos de la vida. En cuanto al estilo sólo

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diremos en su elogio que como lo requería lo épico y lo español

del asunto tiene la limpieza, el bruñido y el temple de una espada

de Toledo”.

“La Nación”, 8 de septiembre de 1927.

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I

LA PLUMA Y LA BALLESTILLA

El aspecto y las maneras de aquel hombre no revelaban

ni su edad ni las muchas agitaciones de su vida. Arrogante y

resuelto, a pesar de cuarentón, llevando con donaire trusa y

ropilla acuchilladas, emplumado birrete y toledana al cinto,

era un guapo mozo de frente alta y despejada, barba castaño

obscuro con el reflejo luminoso de alguna cana, grandes y

enérgicos ojos pardos, tez morena y encendida, nariz afilada

que daba a su rostro enjuto cierto aire morisco, boca grande,

sensual, de labios rojos, mano fina y nerviosa. Decíasele

zahorí – como nacido en Viernes Santo, a la hora de la muer-

te del Salvador –, y a esta fama popular de virtual descubri-

dor de tesoros y realizador de prodigios, agregábase la de la

audacia, las aventuras dramáticas y heroicas, las costumbres

un tanto libres y la más sólida pero menos ruidosa de ser,

amén de asaz versado en bellas letras, buen matemático e

insigne mareante.

Las largas esperas en Logroño para convenir con el rey

don Fernando el Católico – que cazaba en Mansilla – por

pormenores de una atrevida expedición, hubiéranle sido har-

to molestas a no depararle la suerte un amigo según su cora-

zón, llamado a la vieja ciudad por aspiraciones análogas

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aunque no por idénticos negocios. Era éste militar y corte-

sano – pero no de los afeminados que sólo más tarde flore-

cieron –; hombre de ojo avizor, delgados labios irónicos y

expresión al propio tiempo escudriñadora y esquiva. Mane-

jaba la pluma con tanto garbo como la espada esgrimida

desde la niñez, y considerábasele uno de los más notables

cultores de la lengua romance en verso y prosa, y uno de los

mayores eruditos de la época.

Como todos los días desde que en la villa se encontra-

ron, paseaban lentamente en la alameda que orla el Ebro,

departiendo y gozando del fresco y la soledad que la hora

temprana les brindaba. Absorbidos por la plática, sus mira-

das vagaban abarcando, sin verlos, el paisaje asoleado, las

fachadas blancas y los tejados rojos de la villa cortada por el

río y dominada, entre otras torres vetustas, por la alta flecha

secular de Santa María de Palacio, los campos fértiles dividi-

dos en huertos, viñedos, olivares, tierras de pan llevar, las

carreteras y los caminos polvorientos, y allá lejos, como ve-

lada por los últimos tules de la niebla matutina, la ondula-

ción de las montañas en cuyas laderas hunden sus raíces ha-

yas y robles y que, al Oeste y al Sur, defienden la comarca de

los vientos del mediodía.

— Repetidme esos versos, que me placen tanto – dijo el

marino, dirigiéndose al militar y escritor.

— No me los sé de coro y no traigo el papelejo – contes-

tó el interpelado.

— Algunos recordaréis, si no todos… A fe que en ellos

están pintadas como en un retablo las malandanzas de des-

cubridores y conquistadores de Indias.

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— Conquistadores de Indias, sí, esperad… – repitió el

otro como haciendo un esfuerzo de memoria para recitar en

seguida con cierto énfasis burlón:

De lo que hacen y traen

sin saber contar el cuánto

nos ponen tan grande espanto

que los pensamientos caen,

pues no pueden subir tanto;

por lo cual tiene Castilla

una tal ciudad, Sevilla,

que en todas las de cristianos

pueden bien los castellanos

contarla por maravilla.

De ella salen, a ella vienen

ciudadanos labradores

de pobres hechos señores,

pero ganan lo que tienen

por buenos conquistadores…119

— Esa parte está de perlas, pero no es la que mejor da

en el hito – observó el que escuchaba. – Continuad, conti-

119 Francisco de Xerez, Miguel de Estete; Verdadera relación de

la conquista del Perú; Tip. de J.C. García; 1891,174 p.:

http://www.biblioteca.org.ar/libros/645.pdf

https://historiasdelperu.files.wordpress.com/2008/11/verdad

era-relacion-de-la-conquista-del-peru-francisco-de-xeres.pdf

Francisco de Xerez fue secretario de Francisco Pizarro. « Dirige

el autor sus metros al Emperador Rey Nuestro Señor » en 1534 (páginas

168-174; texto citado por Roberto J. Payró: páginas 170-

172) (N. d. t. a. f.)

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nuad, don Gonzalo, que nunca habéis tenido flaca la memo-

ria.

Aunque saltando aquí y allí alguna estrofa que le esca-

paba, sin esperar mayores súplicas, el poeta recitó la compo-

sición:

Aventurando sus vidas

han hecho lo no pensado,

encontrar lo nunca hallado,

ganar tierras no sabidas,

enriquecer nuestro estado,

ganarnos tantas partidas

de gentes antes no oídas,

y también, como se ha visto,

hacer convertirse a Cristo

tantas ánimas perdidas…120

— ¡Bien, vive Dios! – exclamó el marino –. ¡Adelante,

Oviedo, adelante!

— En lo que sigue – dijo Oviedo – hablo de cierto con-

quistador en particular… Pero éste hame dado tantos moti-

vos de enojo que no quiero repetir su enfadoso nombre:

… Peleando y trabajando,

no durmiendo mas velando,

con mal comer y beber,

ved si merece tener

lo que así ganó burlando!

120 p. 170.

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Es verdad que su ganancia

procedió de su constancia

que quiso, con su virtud,

proveer su senectud

con las obras de su infancia…121

— Infancia va por mocedad – explicó el poeta –. El bor-

ceguí de la rima suele forzarnos a hacer visajes. – Y prosi-

guió:

y ganó en esta jornada

traer la pierna quebrada

con… lo demás que traía,

sin otra mercadería

sino su persona armada…122

— Ese “lo demás que traía” debe de referirse al consabi-

do y malhadado morbo que tanto da que rascar – dijo el otro

en tono de interrogación.

— “¡Tu dixiste!” – contestó Oviedo –. Pero, con el famo-

so palo guayacán, nunca lo bastante bendecido, la Divina

Providencia supo darnos junto a la enfermedad de aquellas

tierras el remedio que las cura y que también nace en

ellas123.

121 Id. p 171-2.

122 Id. p. 172.

123 http://coursneurologie.free.fr/verole. HTM. (N.d.T.a.F.)

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— Bien podría haberse ahorrado tal trabajo, ahorrándo-

nos a nosotros la dolencia – objetó festivamente el marino.

— Allá veréis – contestó Oviedo –. Pero en esto no pa-

ran los trajines y desventuras de los descubridores y con-

quistadores, pues, como digo en mis malas rimas:

sobre esta tanta excelencia

hay mil malos envidiosos,

maldicientes, mentirosos,

que quieren poner dolencia

en los hombres virtuosos!124

— A vos tampoco habrán dejado de roeros los zancajos,

don Juan – agregó el poeta.

— Es mucha verdad – contestó don Juan –. Y espero que

habréis de cortar vuestra mejor pluma para ponerlo también

muy por lo menudo, con todos sus pelos y señales, en los li-

bros que escribís con tanto ingenio.

Gracias, pero no basta el ingenio… Por fortuna, reales

cédulas hay mandando que los gobernadores de Indias ha-

gan llegar a mis manos exacta relación de cuanto ocurra y

vean en sus respectivos gobiernos. Pero eso tampoco basta.

Mi conato es ir en persona a esas misteriosas Indias, tocarlas

con el dedo, conocer el secreto de sus selvas, de sus montes,

de sus ríos, de la misma animalia que los puebla… porque

flaco y desmedrado y desabrido es el fruto del escritor que,

sin haberlo visto, cuenta lo que otros le contaron…

124 Id. p. 172.

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— Pero Su Alteza no os promete?…

— ¡Más que prometer! Ha venido en mandarme a la Es-

pañola, donde seré su veedor de fundiciones de oro, cargo

honorable, provechoso y descansado que me permitirá verlo

todo y consagrarme a mis estudios predilectos. ¡Ya me tarda

ponerme en camino! Quizá – aquí “inter nos” – no sólo me

muevan mis aficiones de cronista, quizá me atraiga sobre to-

do el amor de las aventuras… pero vive el cielo que, pese a

las malas lenguas, no me lleva la codicia… Lo curioso, lo

imprevisto, lo aun ni soñado, son mi imán… y a lo que olis-

co, mi buen paisano Juan Díaz de Solís padece del mismo

achaque…

El escritor lo dijo no sin cierta gracia, llamando paisano

al mareante porque las familias de ambos eran oriundas de

las Asturias de Oviedo, aunque el primero naciera en la villa

del oso y el madroño y el mareante, según él afirmaba, a la

sombra del antiguo castillo de Lebrija.

— Sí – contestó don Juan – cojeo del mismo pie, no os lo

puedo ni os lo quiero negar. En el villorio de Lepe hallábame

como el pez en el agua, pero ni la vida regalona y holgazana,

ni el amor de mi mujer y mis pequeños han logrado dete-

nerme en cuanto vislumbré la posibilidad de un gran viaje…

Una como ansia me empuja a otros destinos… Así, también,

un día, llevándome a Portugal me llevó a mi desgracia, me

forzó a desafiar hombres y elementos, a defender y lavar la

honra de mi nombre y – único pecado que no se me perdona

– a cobrar por mi propia mano y con violencia lo que enga-

ñosamente y con la intención secreta de burlarme me pro-

metió el portugués…

— Conozco la historia – interrumpió gravemente Oviedo

– y lamento de corazón vuestros infortunios… Y, a propósito

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de ellos, y sin malsana curiosidad, desearía saber… Pero me

tacharíais de indiscreto y no oso preguntaros tales cosas…

— ¡Hablad! ¡Preguntad!… ¡Viniendo de vos a mi, todo os

está permitido, don Gonzalo!

— ¡Con todo, con todo! ¡En fin! a fuer de historiador

vuestro, que seré si Dios me da vida, importa que yo sepa,

hasta el más insignificante detalle para bien de la verdad…

Pues… según el vulgo ¿cómo lo diré? las desdichas pudieron

en un momento dado más que la voluntad, y buscasteis el

medio de olvidarlas… Hasta parece que desde entonces se

os da un remoquete no muy bien sonante…

— “Bofes de bagazo”, ¿no es así? – preguntó Solís con

forzada sonrisa125.

— Así es, en efecto… ¿No os sabe demasiado mal que lo

haya repetido?

— ¡Eh! como suelen los decires, éste tiene sus asomos

de verdad. Por fortuna sólo son asomos… No hago muchos

ascos a un buen trago de la añejo… Pero, ¿a quién ha de es-

pantar en la bendita tierra del vino, ni quién puede, en estos

tiempos y estos lugares, tirarme la primera piedra? ¿Qué ma-

rinero, al llegar a puerto, antes de zarpar y en los intervalos,

no echa un taco platicando con los amigos? ¡Pero, ea! se me

125. “Bofes de bagazo”, ver p. XXV in: TORIBIO MEDINA, José

Juan Díaz de Solís. Estudio histórico; Santiago de Chile, impreso en

casa del autor; 1897, CCCLII + 252 p. (segundo libro: documentos y

bibliografía)

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juand

azdesol00medi/juandazdesol00medi.pdf (N.d.T.a.F.)

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da más gloria de la que merezco al decir que mis pulmones

trascienden tanto que se me reconoce por la vaharada. No,

don Gonzalo, no ahogué en vino, que bien podría, mis pesa-

res; busqué consuelo en otras disciplinas… y lo encontré.

Pero después fue vano que en mi soledad de Lepe tratara de

consagrarme al estudio de las ciencias y de las letras, de

complacerme en el comercio de sabios cuya amistad, como

la vuestra, es seductora y admirable… Los libros parécenme

ahora helados y hueros, sombra de sombras, frente a lo que

puede ofrecerme la aventura, y los doctos amigos exasperan

lo que llamo mi curiosidad…

— Cojeamos del mismo pie, como decíais hace un rato –

murmuró Oviedo.

— ¡Sí, don Gonzalo! – continuó Solís – Ya me veo de

nuevo en viaje a las Indias, y este sueño basta para que el

pecho se me ensanche y el corazón me lata con el vigor de

los veinte años.

— Dios os depare grandes hazañas, y ¡viva yo para con-

tarlas y cantarlas! – exclamó Oviedo.

Ensimismados pasearon ambos la vista por el paisaje sin

fijarla en parte alguna, sin ver otra cosa que su ensueño inte-

rior, y después de prolongada pausa habló por fin el cronista

en el tono de la plática familiar:

— Tras de Colón – a quien conocí cuando los Reyes le

recibieron con tanto honor en Barcelona, muy ajeno de sos-

pechar y temer todo lo malo que se le reservaba –, tras de

varón tan insigne, que mis ojos de niño admiraron, y fijaron

para siempre en la memoria, otros hombres, como vos esfor-

zados, emprendieron atrevidos viajes y realizaron descubri-

mientos portentosos. Algunos, y particularmente vos, no tu-

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vieron par, ni puede hallarse quien se les compare, no siendo

príncipe; porque los reyes saben y pueden dar cuanto les

place, ciudades, estados, señoríos y otras cosas grandes; ¡pe-

ro a hombres que los vimos ayer pobres, y cuanto tenían era

muy poco, bastarles el ánimo, téngolo en tanto que no sé co-

sa semejante en estos tempos ni en otros!

— ¿No os mueve el entusiasmo, que suele abultar en

demasía?

— No, no: me ciño a repetir lo que anoche escribió esta

misma mano para suspensión y admiración de las gentes ve-

nideras.

— ¿No podré conocer desde ahora esos escritos? ¡Me

complacería tanto!

— Estoy como quien dice con el pie en el estribo y no

puedo daros gusto, aunque lo quiera. Pero a su tiempo les

conoceréis. En ellos hablo, naturalmente, de Colón, don Cris-

tóbal, quien – primus inter pares – sólo guiado de la mano de

Dios y de su humana saber, descubre las Indias no sospe-

chadas y añade a la corona de Castilla islas y tierras de sin-

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gular riqueza, y con él, de don Diego y don Fernando Colón,

amigos míos muy amados. Tampoco olvido, por cierto, a

amigo tan ilustre, vuestro y mío, como Vicente Yáñez, des-

cubridor del golfo de Paria y de las costas de la Guayana,

donde puso el pie a despecho de bravos naturales: ni a los

otros Pinzones, que con él compiten sin eclipsarlo…

— ¿Cómo hubiera podido olvidarse a ésos, ni aun otros,

mucho menos grandes?…

— Suele suceder. ¿Qué queréis? la justicia es “rara avis”

en este mundo… Pero a nadie olvido de propósito, y difícil

me parece que alguno escape a mi noticia o no figure en los

documentos que poseo y estudio con amor…

Olvidaba sin duda que minutos antes había omitido deli-

beradamente el nombre de quien le inspiró sus versos…

— Diego de Lepe – prosiguió Oviedo – que desembarca

en lueñísimas tierras adentradas cientos de leguas, hacia el

Sur; Rodrigo de Bastidas, que corre las playas descubiertas

por Ojeda y desembarca en Cartagena de Indias; el mismo

Ojeda, que repite un viaje admirable y llega al fondo del gol-

fo de Méjico126; de nuevo el gran Almirante que, viejo ya,

cruza por última vez el mar Océano para dar a sus Indias el

“aeternum vale”… ¡Cuánta hazaña y cuánta grandeza!…

— Las primeras sí. ¿Pero las otras? ¿No son, apenas,

singladuras más largas, encontrado ya el camino?

126 Gonzalo Fernández de Oviedo (1478 – 1557); Historia gene-

ral y natural de las Indias, islas y tierra-firme del mar oceano, ver:

https://www.wdl.org/fr/item/7331/ (N.d.T.a.F.)

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— No os humilléis por modestia, don Juan, que hazaña

muy grande fue también la que hicisteis alcanzando con Vi-

cente Yáñez el que Vespuche llamó capo de San Agustín127,

las tierras donde Diego de Lepe combatió, el cuadragésimo

grado, que nadie soñaba alcanzar… ¡Qué importa que otros

hayan abierto la puerta, si allá adentro estaban el misterio y

el peligro, y era proeza el desafiarlos!…

— Sin embargo, otros hubo que…

— Conozco – interrumpió Oviedo – conozco, también, lo

que hicieron Ojeda y Nicuesa como fundadores de Darién,

Juan Ponce de León, descubridor de la Florida, tantos

otros… ¡Oh! el pendón castellano, don Juan amigo, está más

alto que nunca, gracias al ánimo esforzado de todos voso-

tros, a vuestro generoso brío, a vuestra pujanza…

— Me refería a los portugueses… – insinuó Solís con

cierta amargura.

— Sí – replicó Oviedo, displicente – los portugueses no

lo han hecho mal… No debe menospreciarse al competidor,

127 También llamado Consolación (N.d.T.a.F.)

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pues con ello, lejos de realzar, se menosprecian los propios

méritos…

Y, con acento irónico, en el que asomaba el despecho,

continuó:

— Lances de vientos y corrientes llevaron a tientas Pe-

dro Alvarez Cabral a tierras e islas que no buscaba, en la Ve-

racruz del Brasil… Américo (Vespuche), en cambio, que sabe

dónde le muerde el zapato, y que servía entonces al rey Ma-

nuel, no iba a tontas y a locas cuando dejó atrás el cabo San

Agustín y bajó a cientos de leguas hacia el Sur, hasta descu-

brir la bahía de Todos los Santos, no recuerdo si en su pri-

mero o segundo viaje… Y no son escasos, tampoco, los mé-

ritos del primer visorrey de las Indias portuguesas, don

Francisco d’Almeida, ni las del famoso Tristán da Cunha, a

quien Dios cegó de pronto como aplazando sus designios128,

sólo alcanzados cuando volvió a él la misericordia divi-

na129…

— Mordaz estáis, don Gonzalo – dijo el otro, como si no

parara mientes en que él mismo le había dado pie para ello.

— Pues ¡vive Dios! ¿Es todo eso, y más que fuera, com-

parable con lo hecho por los hombres, que ensalzo en mis

escritos, tan grandes que, con sólo hablar de ellos, mi nom-

bre puede durar eternamente, como dura el de Plutarco?…

Singular es el amor con que escudriño y vivo sus hazañas,

pero suelen faltarme fuentes fidedignas… así, por nuestra

128 1504. (N.d.T.a.F.)

129 1506. (N.d.T.a.F.)

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buena amistad os ruego, don Juan, que no me dejéis ignorar

nada de la vuestra ni me celéis proyecto alguno, pues logra-

dos o no – los grandes intentos son simiente y ejemplo – en

mis libros pasarán a la posteridad…

Este que hablaba y era el capitán don Gonzalo Fernán-

dez de Oviedo y Valdés, escritor de estilo personal y elo-

cuente, que aún se lee en nuestros días130, como él lo presu-

miera, comenzaba a la sazón a componer la célebre “General

y Natural Historia de las Indias”131. En su niñez había sido pa-

je y compañero dilecto del infante don Juan; como tal asistió

– en 1492 sólo contaba catorce años – al sitio y toma de

Granada por los Reyes Católicos, y el año siguiente a la re-

cepción solemne que éstos hicieron a Colón en Barcelona.

Ya en aquel entonces el mancebo revelaba el grande amor de

las letras que hizo de él un erudito y le dio pronto tal maes-

tría en el arte de escribir que, sin repartir/reparar en su mo-

cedad, Gonzalo Fernández de Córdoba, el Gran Capitán, le

llevó por secretario a Italia, donde guerreaba. En Italia fre-

cuentó hombres tan sabios como el famoso cosmógrafo ve-

neciano Ramusio, con quien mantuvo desde entonces una

correspondencia epistolar sobre asuntos científicos “que no

pude menos de ser útil y provechosa para entrambos”, según

afirma orgullosamente Oviedo. Acompañando al Gran Capi-

tán y alternando espada y pluma, pluma y espada, vio crecer

la fama de su nombre, merced a su inteligencia tanto como a

su arrojo, de manera que, cuando en 1507 – muerta ya doña

Isabel – volvió a España Fernández de Córdoba, llamado por

130 1927. (N.d.T.a.F.)

131 1526. (N.d.T.a.F.)

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el regente don Fernando, cuya gracia había perdido, el mo-

narca no aguardó sus solicitaciones para nombrar al sabio

mozo cronista del Reino, remunerándolo con alguna mayor

largueza que la habitual – tildada por muchos de tacañería –

y le encomendó la composición de un gran libro sobre las

nuevas Indias. Preparando esta obra habíase puesto en con-

tacto con navegantes y conquistadores, y entre ellos con ma-

rino tan experimentado como Juan Díaz de Solís. Desde el

primer encuentro, y aunque Oviedo fuese de natural díscolo

y huraño – así como demostró más tarde crueldad de senti-

mientos y la codicia de que preventivamente se defendía –,

nació entre ellos mutua inclinación, convertida muy luego en

íntima amistad, estrechada más aún cuando comunes ten-

dencias y análogas aspiraciones les reunieron en Logroño.

Los paseantes, entretanto, defendiéndose del calor que

arreciaba, habían acabado por sentarse a la sombra de un

roble y continuaban su plática con interés.

— Mientras pasabais revista a los viajes de los descubri-

dores de Indias y dejando a un lado cuanto a mí toca – decía

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Solís – me hacíais recordar la gracia austera de ese Plutarco

que habéis citado, pero al propio tiempo representábanse en

mi imaginación las tierras aludidas, hasta en sus menores

particularidades, y comenzaba, a roerme otra vez el cerebro

la idea pertinaz de que falta a ese mundo un vínculo de

unión, un elemento común que debe de existir, no me cabe

duda, aunque todavía nos escape por desconocido.

— ¡Decid, decid, vive Dios, pues veo que vamos llegan-

do al meollo!

— Pues siempre, al pensarlo, me asedia la convicción de

que tantas islas y costas como se han descubierto no pueden

ser simples accidentes caprichosos surgidos del mar, ni tam-

poco tristes y escasos restos de la Atlántida de Platón, sino –

como ciertos escollos que suelen anunciar la proximidad de

tierra firme – palpables señales de un verdadero continente,

quizá de esa misma Atlántida perdida y no recobrada… Si

voy a ciegas, no es, pues, del entendimiento, porque éste es

quien, a sabiendas, me impele a realizar el hallazgo… Y la

razón me dice que – aun en el caso de engañarme – el enga-

ño mismo sería glorioso, porque forzosamente en lugar de la

tierra firme que busco, haría, equivocándome, tan notable

descubrimiento como el del paso a las Indias Orientales…

— ¡Bien razonado! – exclamó Oviedo –. No ha mucho,

en Madrid, platicando con el piloto Andrés de Morales, com-

pañero de Colón y de Rodrigo de Bastidas, y con Pedro Már-

tir de Anglería, cronista como yo, afirméles, con la aproba-

ción de Morales, que a mi ver, las tierras de los dominios de

Castilla en aquellas partes no son islas, sino un gran Conti-

nente… Pero continuad.

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— Sí. No cabe más: o todas son islas y por fuerza habrá

paso entre ellas, o allí, como pensamos ambos, hay un Con-

tinente que abarca desde el trópico hasta el polo…

Oviedo había estado mirando a Solís de hito en hito has-

ta este punto, entre admirado y dudoso; pero al oír sus últi-

mas palabras, poniéndose involuntariamente de pie, excla-

mó:

— ¡O paso o tierra firme! ¡Tenéis razón! ¡No cabe más!…

¿Cuándo partís?

— Apenas Su Alteza lo disponga… ¡Pero ni una sola pa-

labra a nadie, don Gonzalo!

— Descuidad. Bien se me alcanza que, para bien de to-

dos, esto se ha de tener secreto…

— ¡Y tanto! Preciso es que la noticia no haga aguzar la

vigilancia o, mejor dicho, la envidia de Portugal, que desea-

ría servirse en su exclusivo beneficio del tratado de Tordesi-

llas. Aquí mismo hay ojos avizores que están clavados en mí,

como si sospecharan…

— ¡Así ha de ser! Ya sabéis el refrán: “En los campos de

Logroño siempre anda suelto el demoño”. Y el demonio que

os está mostrando la pezuña es, si no me engaño mucho, don

Juan Méndes de Vasconcelos…

— ¡Precisamente! El mismísimo embajador del rey Ma-

nuel, que tanto se precia de hábil y astuto.

— ¡Guarda! Que don Fernando no quiere desagradar a

su señor yerno.

— Sí, pero Su Alteza quiere también, ¡vive Dios!, que su

voluntad se cumpla, y así será, pese a las industrias del em-

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bajador. Así será, repito, sea con avisada diplomacia, sea,

abierta y resueltamente si no bastan las sutilezas de la políti-

ca…

— Habláis como de cosa hecha…

— No está muy lejos de serlo, efectivamente. Hoy debe

de llegar a Logroño Francisco de Torres, hermano de Ana,

mi mujer… Creo que le conocéis y le tenéis por buen piloto y

hombre de pro… Pues le he llamado para encomendarle las

primeras diligencias de armamento de naos y reclutamiento

de gente… De un momento a otro aguardo la anunciada pa-

labra del Rey.

— ¡Hola, hola! ¡Y tan calladito que me lo teníais!

— Era forzoso.

— Bien elegido está Torres: téngolo en mucha estima, y,

como hombre, como mareante y como deudo, será vuestro

dignísimo segundo.

— Cormano mío es, antes que cuñado.

— Pero esas primeras diligencias ¿no serán prematuras?

¿No puede dilatarse la orden de Su Alteza?

— El Rey sólo aguarda a que un suceso cualquiera le de-

vuelva o parezca devolverle la libertad de acción respecto a

Portugal. Pero si esa circunstancia no se produce, natural-

mente o por obra del portugués, ¿quién quita que podamos

provocarla… o inventarla en el peor de los casos?

Oviedo meneó la cabeza afirmativamente – conocía él

también a don Fernando –, y después de corto silencio pre-

guntó:

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— Contáis hacer un viaje muy prolongado?

— De un año entre ida y vuelta… Esta vez sólo se trata

de ver de cerca cuál de mis conjeturas es la buena y cuál la

engañosa… En cualquiera de ambos extremos volvería en

seguida a buscar fuerzas mayores de gente y de navíos…

— Desconfiad de las maniobras en tierra, don Juan. Me

perdonaréis, como amigo, que os lo diga: sois un mareante

incomparable, pero no un general aguerrido y prudente, que

sepa preverlo todo. Una cosa son los escollos y bajíos del

mar, otra las emboscadas y asechanzas de tierra… Conten-

taos, perdonándome, con ser el gran marino que sois… Y

con esto os diré adiós. ¡Quién sabe si volveremos a vernos

aquí abajo!… Creo que hoy mismo saldré de Logroño hacia

donde la Providencia me lleve. Adiós, amigo mío, y que El os

acompañe…

— ¡Dadme los brazos, Oviedo, y hasta muy pronto, es-

toy seguro!

— ¡Así sea! – dijo el cronista abrazando a Solís.

La brisa matinal había caído por completo, y el sol apre-

taba, el calor iba haciéndose bochornoso y los dos amigos se

separaron sin añadir palabra, sumidos en profundas reflexio-

nes, como previendo que aquélla era su última entrevista.

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II

MIENTRAS DUERME EL ADVERSARIO

Bajo el sol de fuego las arboledas, los sembrados, las

mismas hierbas polvorientas se achicharraban; la turbia co-

rriente del Ebro era un espejo ustorio. Calcinábase la ciudad,

cuyo silencio interrumpía sólo el penetrante chirriar de las

cigarras. Al ver las tortuosas y estrechas calles desiertas,

abandonadas hasta por los perros que dormían jadeando al

arrimo de las paredes, nadie hubiera supuesto que aquélla

era la famosa Logroño, llave y término de Castilla, frontera

de Navarra, y a la sazón – desde que don Fernando cazaba

en la vecina Mansilla – residencia de los cortesanos de su

séquito, como lo era a veces del señor obispo de Calahorra y

en todo tiempo de los oidores de la Inquisición y el Santo

Oficio, de muchos caballeros de casa señalada, amén de los

sacerdotes que oficiaban en Santa María la Redonda, Santa

María de Palacio, San Pedro, San Bartolomé y San Blas,

hermosas iglesias cuyos campanarios daban a la villa, desde

lejos, aspecto de gran ciudad. Todo el mundo, recogido en su

casa, dormía la siesta, desde el señor corregidor y los veinti-

cuatro regidores y jurados, hasta los frailes de los Conventos

de San Francisco, Santo Domingo y la Merced, las monjas de

los Monasterios de la Madre de Dios, de las Dominicas, de

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Santa Clara, y los desgraciados enfermos del hospital. Apo-

yado al muro y en su alabarda, bajo la recia torre del puente

que da entrada a la ciudad, roncaba el mismo centinela, y en

el vetusto castillo feudal que defiende el paso, no se movían

ni aun las golondrinas cobijadas para veranear en las grietas

de sus muros…

Por nadie visto ni oído, como indiferente al frío y al ca-

lor, abroquelado contra los terribles rayos solares, cruzaba

las calles en que la misma sombra reverberaba el calor, un

hombre de alta estatura y resuelto porte, que se detuvo ante

una casa de modesta apariencia golpeó con los nudillos en la

puerta maciza y claveteada. Mientras aguardaba quitóse el

sombrero para enjugar el sudor que, brotándole de la estre-

cha frente, iba a perderse en sus grandes barbas negras. Ves-

tía casaca, jubón y calzas de tela ligera, y llevaba gruesas bo-

tas de montar.

La puerta no tardó en abrirse y un mozo mal encarado

franqueó el paso al de las barbas, como si estuviera aguar-

dándole. Transpuesto el umbral, una grata sensación de fres-

cura acarició al hombre que, entrando en una sala, enladri-

llada contigua al zaguán, pasó de la fragua de la calle a la

húmeda y tibia penumbra del interior, que olía ligeramente a

moho. Sus ojos, encandilados todavía por el sol, tardaron un

instante en ver a Juan Díaz de Solís que salía vivamente a su

encuentro132.

132 TORIBIO MEDINA, José; Juan Díaz de Solís. Estudio históri-

co; Santiago de Chile, impreso en casa del autor; 1897, CCCLII +

252 p. (segundo libro: documentos y bibliografía)

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— Gracias por no haberte hecho esperar – exclamó Solís

–. ¡Dame esos brazos!

— Me llamaste, y aquí me ves – dijo el otro, abrazándo-

lo. – Pero mira que venir a marchas forzadas y a caballo, un

marinero, no es como coser y cantar.

— ¡Gracias de nuevo, Paco! Ya contaba yo con que ha-

rías ese sacrificio… Siéntate.

Y le señaló un sitial de vaqueta de alto respaldo, mien-

tras para sí acercaba un escabel de roble de los pocos que

había alrededor de la mesa en la vasta sala cuyos únicos

muebles eran, además, un cofre forrado de guadameciles, un

arca morisca con hermosos herrajes labrados y un grande

armario de madera tallada.

— Vamos a ver si me llamas para la que yo colijo – co-

menzó el recién llegado quitándole el escabel y dejándole el

sitial. – Habla, que soy todo oídos.

— ¿Antes no quieres reposarte y refrescar? ¿No estás

cansado y sediento?

— Harto, pero me reconcome la curiosidad.

— Lo uno no empece lo otro – replicó don Juan, que gri-

tó en seguida: – ¡Hola, Rodrigo!

Asomó el criado, que debía de estar tras de la puerta, y a

una seña de su amo volvió a desaparecer.

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juand

azdesol00medi/juandazdesol00medi.pdf (N.d.T.a.F.)

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— Me llamaste con tanta prisa que algo grave ha de es-

tar pasando…

— Largo es de contar.

— Por mi parte no me falta tiempo…

— Aguarda a que vuelva Rodrigo trayendo lo que le he

pedido, para no temer interrupciones.

El criado entró con una salvilla, en la que llevaba dos

cubiletes, un jarro de vidrio morisco lleno de vino blanco, y

una alcarraza de agua fresca.

— Retírate y cierra la puerta – dijo Solís, escanciando.

Bebieron sendos tragos y don Juan comenzó:

— Pues, como ya sabes, muerto el florentino Américo

Vespuche, y pese a ciertas intrigas, el Rey, que me conoce,

vino en nombrarme su piloto mayor, y a poco – no había pa-

sado un mes – celebró conmigo una capitulación para cierto

viaje del que ya varias veces me había entretenido verbal-

mente, que le interesa mucho, y a mí, por de contado…

— Estoy al tanto…

— Sí, porque entonces te supliqué que me acompañaras

y tú quedaste en contestarme… Ha llegado el momento.

— ¡Aguarda!… Ante todo necesito saber si ya no hay

obstáculo para la expedición… Es muy importante, porque

yo sé que no te faltan enemigos y gente interesada en opo-

nerse a tus planes, sean cuales fueren… Y tú comprenderás

que, como se me hacen proposiciones a mi entera conve-

niencia, no he de dejar lo cierto por lo dudoso. Más te diré, y

es que, a no estar de por medio tú…

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— Dirías redondamente que nones, ¿verdad? Pues bien,

el viaje está resuelto.

— Doña Ana me escribe, sin embargo, que hay grandes

empeños para que no se haga…

— Tu señora hermana y digna esposa mía hubiera hecho

mejor callando esos secretos, que sin ser de alcoba pueden

serlo de Estado… Pero se trata de tí, y la primera indiscre-

ción no es la suya, sino la mía…

— Ana no ignoraba que habías de hablarme en ello, y no

hizo sino adelantarse… Entretanto dejas en suspenso la res-

puesta.

— No, que de antemano estaba dada ¡voto a bríos! Nadie

será osado a impedir, ni siquiera a retardar el viaje…

— Corren voces de que el embajador portugués, ese to-

zudo e intrigante Mendes de Vasconcelos…

Desde un principio la brava franqueza que parecía carac-

terizar al visitante – juzgando por su prestancia y el abierto

mirar de sus ojillos negros – cedía a una visiblemente forza-

da actitud de reserva, sin menoscabo de la deferencia, y el

afecto, como si el hombre asumiera un papel inadecuado a

su carácter. Solís le interrumpió:

— Su Alteza – dijo – ha decidido el viaje, pese a las pre-

tensiones de Portugal y a las triquiñuelas de Vasconcelos, y

ya sabes que Don Fernando no es de los que se dejan torcer

la voluntad. Lo que él quiere, por mangas o por faldas, eso es

lo que se hace.

El otro respiró fuerte, que era su modo de suspirar.

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— Sí, sí – masculló –. Ha arrancado a los moros la Anda-

lucía, nos ha limpiado de infieles y judíos, ha añadido a su

corona el reino de Nápoles, la Cerdeña, el Rosellón, parte del

Africa, y aunque falte la Señora, que Dios haya, ahora le te-

nemos aquí, empollando a Navarra… bien puede reírse de

las chillerías de un embajador portugués y de los males hu-

mores de su hijo, o yerno, mejor, de Portugal.

— Como ya lo ha hecho…

— Por ejemplo, cuando tu viaje de 1508.

— Chitón, que las paredes oyen.

— ¿Acaso no fue contigo tu criado?…

— Otras gentes hay en la casa.

— Pero, por gran reserva que se guarde, esas cosas tras-

cienden, Juan… A nadie engañó el proceso que pretendieron

hacerte los oficiales de Sevilla, ni les valió que Lorenzo Pine-

do te llevara a la Corte casi codo con codo en las partes

donde podían veros, ni la cólera en que el Rey parecía haber

montado contra tí… Mal se avenía todo este ruido con las

mercedes que después te dispensó… Y lo que sabe todo el

mundo, ¿ha de ignorarlo, acaso, Vasconcelos?

— No podía ser de otro modo – replicó Solís, sonriendo

– porque el proceso demostró que yo me había ceñido a las

instrucciones del Rey.

— Pero, ¿quién ha visto ese proceso?

— El Rey, y es bastante. Su Alteza misma entendió en el

sumario y en todas las diligencias, y como no había causa

para condenarme, mi encarcelamiento duró apenas lo que la

instrucción… Nada queda en pie.

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— ¡Hum! Naturalmente. Pero Vasconcelos ha de seguir

preguntándose, como todo el mundo, si es que ya no lo sabe

a derechas: ¿Hasta dónde llegaron las carabelas Santa Mag-

dalena y San Benito, que no deben de haberse pasado más

de un año papando moscas en el golfo de Paria?… Y no le

daría muy buena espina el que tus tripulaciones, so color de

ahorrar gastos inútiles, fueran dispersadas en cuanto llegas-

te, ni la prisa con que Don Fernando echó mano de tu proce-

so y tu persona, sin que del primero se haya vuelto a tener

noticia hasta hoy, y sin que de tí se supiera una palabra du-

rante tan largo tiempo…

Don Juan acompañaba las observaciones de su cuñado

con grandes risotadas, mientras volvía a llenar las copas.

— Tienes razón, tienes razón – repetía regocijado.

— ¡Bah!, lo que digo corre desde hace mucho esas calles

de Dios.

— Sí, sí, la calumnia es como la mancha de aceite.

— ¿La calumnia? ¿Quieres encantusarme a mí también?

No pretendo tus confidencias, si no me las haces buenamen-

te, ni a decir verdad las necesito, porque no todos son tan

secretos como lo sois, tú y Vicente Yáñez… No faltan otros.

— ¿Otros? – exclamó Solís como sobresaltado – ¡Bah!,

no había conmigo – porque Vicente Yáñez es mejor soldado

que marinero – nadie capaz de situar un puerto…

— ¡Vamos, Juan! Cuando se navega luengos días, meses

enteros, con el mismo rumbo más o menos y se ve que el sol

sale siempre a babor y se pone a estribor de la nao, el más

ignorante y torpe sabe que, después de tocar en la Española

se llega forzosamente muy al Sur de Castilla del Oro. En más

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de un año, con aires favorables, barcos tan veleros como tus

carabelas y un mareante tan ducho como Juan Díaz de Solís,

se va muy lejos… quizá hasta el cuadragésimo grado, si el pi-

loto Pedro de Ledesma, que os acompañaba, no está tonto o

no miente a sabiendas…

— Prueba de que el viaje fue tal como yo lo he dicho y

no más, está en los indios que traje para hacerlos lenguas, y

en las muestras de guanine…

— Indios y guanine pudieron muy bien ser tomados sen-

cillamente en la Española, durante la recalada… Y allí se

quedaron los lenguas en cuestión…

— No insistas, Paco – exclamó Solís, torciendo el gesto.

— ¡Vamos, Juan, vamos! No es mi intención molestarte,

sino determinar si he de ir o no contigo. Animos no me fal-

tan, pero me niego rotundamente a andar a ciegas… Confío

en tí, pero tú debes, también, pagarme la confianza.

Desarrugó Solís el ceño, y después de servirse y beber

una tercera copa, que pareció ponerlo más animado y comu-

nicativo, alzóse de pronto, fue a sacar del armario tallado un

legajo de papel de barbas con grandes sellos de cera, y ten-

diéndolo con ademán satisfecho a su visitante:

— Toma, Francisco de Torres, hermano mío – dijo – Lee

esta capitulación y sabrás tanto como yo.

Tomó Torres el manuscrito y lo deletreó con visible tra-

bajo. Luego, meneando la cabeza con aire dubitativo refun-

fuñó:

— ¿Qué puede significar esto? Por lo que veo sólo se tra-

ta de una demarcación entre las tierras que corresponden a

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Castilla y las que tocan a la Corona de Portugal… Aunque no

deje de ser importante, no es lo que yo suponía y esperaba…

— Pues con esto, compréndelo bien – exclamó Solís –

podemos llegar tan lejos como Vasco de Gama, y mucho

más… Pero escucha. Con esta salvaguardia…

— ¡Acaba!

— Bien podremos, si nos parece, y sin que nadie se per-

cate, torcer el rumbo en mitad del camino y navegar con to-

da libertad hacia Poniente, por ejemplo… o hacia cualquier

otra parte.

— ¿Quiere decir…? – murmuró Torres mirando fijamen-

te a Solís. Y después de un silencio exclamó –: ¡Vaya! Ahora

comienzo a comprender… ¡Has encontrado un paso!

— Quizá no, pero nada impide que podamos encontrar-

lo.

— Por lo menos habrás visto señales.

— O presumo que existe, nada más.

— ¡Eh! ¡Lo sabes y lo callas!

— No puedo decir más de lo prudente… ¿Te vienes

conmigo?

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— Tu reserva no me incita… pero adivino y basta… No

has de hablar así a Su Alteza, pues de otro modo no sería és-

ta empresa del Rey.

— ¿En fin, vendrás o no vendrás?

Francisco de Torres meditó un instante, y en seguida,

levantándose de su escabel:

— ¡Trato hecho! – exclamó.

— No esperaba menos de tí, y te tengo reservada una

sorpresa. A mis instancias, el Rey ha venido en nombrarte pi-

loto de la Armada, y serás el segundo a bordo.

— El segundo… después de los sempiternos oficiales

reales, hechura de la Casa de Contratación.

— Tranquilízate… Será gente de paz, que hará cuanto

yo disponga… Tendré mucho ojo en ello, y Su Alteza me lo

ha prometido… Vive Dios que no serán instrumento de esos

señores de Sevilla que se despepitan por molestarme, ni más

ni menos que si fueran agentes “Pane lucrando” del Vascon-

celos y de don Manuel!… Y hasta puede que… no sean estas

sospechas infundadas…

— Negra traición sería. Pero en los tiempos que corren

todo puede esperarse o temerse de cortesanos y embajado-

res…

— La gente va do le conviene… Pero don Fernando no

es ni sordo ni manco, ni ciego, ni comulga con ruedas de mo-

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lino. Nada se le escapa, aunque haya perdido auxiliar tan

precioso, decidido y discreto como la reina Isabel.133

Pareció perplejo, arrugó el ceño y al fin, señalando una

carta que había quedado abierta sobre el bufete, añadió:

— Con este pliego, diez son ya las invitaciones que me

hace el embajador de Portugal para que vaya a platicar re-

servadamente con él… Bien sé lo que se propone… Ha co-

menzado un trabajo de solapa y, viendo que no puede da-

ñarme en el espíritu del Rey, ahora cambia sus baterías… A

los ataques va a substituir las mamolas y los ofrecimientos…

Ya he recibido, seguramente por su influencia, un salvocon-

ducto para pasar a Portugal, si lo deseo, que me trajo mi

hermano Blas… Se me quiere atraer bailándome delante la

esperanza de cobrar cuanto me adeuda la Casa da Guiné134,

dando por no habido lo que cobré “manu militari”. Y sin du-

da Vasconcelos piensa hacerme nuevos avances, ofrecerme

un cebo tal que me haga morder el anzuelo. Pero, ¡tate! ¡co-

nozco a mis lusitanos!

— De modo que no acudirás a la cita…

133 Fallecida el 26 de noviembre de 1504. (N.d.T.a.F.)

134 Casa da India, a partir de 1503. (N.d.T.a.F.)

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— ¡Aguarda! Quiere a toda costa impedir que yo haga el

viaje por Castilla, y me propondrá que lo haga por Portugal,

pero, naturalmente, no habla de esto en sus cartas…

— Clara está entonces su opinión de que otro no podría

hacer lo que tú; de que tú conoces… cosas que ignoran los

demás pilotos… ¡Eso es lo que yo digo!…

— Puede. Lo que hay en puridad es que insiste en que

ha de comunicarme algo que, según él, me conviene de ve-

ras.

— Pero tú no irás…

— Vaya si iré, vaya si iremos, Paco, porque tú me

acompañarás, serás de la partida… Hay que sonsacarle su

pensamiento y el del rey Manuel, para dejarles luego con un

palmo de narices.

— ¿Para qué necesitas de mi compañía? En nada puede

serte útil.

— Te equivocas… Puedes, por lo menos, confirmarle lo

que le diga, y agregar por tu cuenta, otras cosillas, como lo

del salvoconducto del Rey de Portugal y lo de la cuantía que

se nos adeuda en la Casa da Guiné a mi hermano y a mí… Y

pues cuatro ojos ven más que sólo dos, tú espulgarás tam-

bién, por tu lado, lo que nos diga el embajador, y tratarás de

desentrañar su íntimo pensamiento… Pero antes es menes-

ter que descanses y te quites esas ropas de camino. ¿Tienes

posada?

— Dejé mi caballo con el portamanteo y demás en el

mesón de Paredes.

— Ya lo suponía, pero conviene que te hospedes aquí

para no despertar demasiado la curiosidad con tus idas y ve-

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nidas. Nada más natural que alojarte en la casa do tu her-

mano, aunque sea prestada.

— Que me place.

— ¡Hola, Rodrigo! – gritó Solís. – Este irá por tu caballo

y equipaje mientras tú descansas en el aposento que te tengo

reservado.

Entró el mal encarado mozo, recibió las órdenes de don

Juan y se marchó en seguida al mesón de Paredes, que esta-

ba a poca distancia de allí.

— Voy a guiarte a tu cámara – dijo Solís.

— Antes, dí… En tu última carta me pedías que te bus-

cara un hombre entendido y resuelto, experimentado en co-

sas de mar y capaz de gobernar marineros.

— Sí. ¿Le has encontrado?

— Y está pronto a acudir.

— ¿Le conozco? ¿Quién es?

— Un tal Diego García, natural de Moguer…

— Paréceme haberlo oído nombrar.

— Es buen mareante, tosco, rudo, sin muchos remilgos,

pero bravo y leal.

— ¿Enérgico?

— La energía hecha hombre.

— Como señalado por tí, claro me parece que te agrada-

ría tenerle a tu servicio.

— De más está decirlo.

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— ¿Es secreto?

— Un pozo.

— Hazle saber, entonces, que le nombro por maestre de

una de mis naos.

— No quedarás descontento, ni él tampoco, porque no

puede aspirar a más: aunque en la mar sea un delfín, lo ne-

gro le estorba y navega a tientas, pero siempre con acierto.

Es como los podencos en tierra, que tampoco saben leer, pe-

ro que cazan por instinto natural.

— ¿Tardará mucho en recibir tu aviso? ¿Dónde está?

— Se hospeda en el mesón. Conmigo le traje, por lo que

pudiere tronar.

— Pues en cuanto vuelva Rodrigo manda por él. Ahora

ven a tu cámara, que aunque humilde siempre es más cómo-

da que un camastro de marinero. Duerme un par de horas

para ser luego mi segundo contra Vasconcelos y don Ma-

nuel, en ese paso que, si no de armas, lo será, de lenguas.

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– 225 –

III

VIVIENDO HACIA ATRAS

Juan Díaz de Solís volvió a la sala y se sentó en el alto

sitial de vaqueta. Parecía dormitar, fatigado después de tanta

animación. En realidad, meditaba rememorando hechos pa-

sados y evocando sucesos futuros, como en un ensueño o en

un examen de conciencia al que se mezclara la visión del

porvenir. Pero en sus pensamientos poco había de sentimen-

tal.

Marino hecho a largas travesías y a interminables au-

sencias, nada tierno de corazón, el recuerdo que más le ocu-

paba no era el de su honesta esposa doña Ana de Torres, ni

el de sus hijos Luisillo y Diego que con ella quedaron en Le-

pe. Hombres como él, en épocas tan rudas y ásperas, de pa-

sión, pero no de dulzura, sabían amar a su modo, desde arri-

ba y desde lejos, a la familia, propiedad apenas más celosa-

mente guardada y protegida que las materiales, mientras la

honra no anduviese en juego. No solían ser el esposo o el

padre, sino el amo, el jefe. Solís pensaba, pues, en los suyos,

con la parte subconsciente de su espíritu, como se piensa en

abstracciones que no alcanzan por el momento a ejercer una

influencia sensible en la vida, sino que de ella dependen y se

subordinan a ella: muy otros eran los personajes y los hechos

que le preocupaban en la trama de su destino.

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Revivía pasados y extraordinarios sucesos – viéndolos

casi palpables en su imaginación, como nadie sino él podía

verlos, limpios de misterio y disimulo – revistando a la luz de

fugaces evocaciones todo lo ocurrido desde aquel año de

1492, comienzo de sus pasiones y sus desdichas allá en Por-

tugal…

Mozo aún, era piloto del Rey. Había hecho rápida carre-

ra; podía esperar honores y fortuna… Pero la “Casa da Gui-

né”, o de Guinea, a cuyo servicio estaba, comenzó a descui-

darle, a demostrarle cierta malevolencia que su sangre arre-

batada no podía soportar sin cólera. Llegaron a debérsele sus

sueldos de piloto hasta la crecida suma de ochocientos du-

cados, equivalente a más de setecientos mil maravedís, y no

se le pagaba, pese a sus insistentes reclamaciones y a las

reiteradas órdenes de don Juan II. Solís creyó que, de acuer-

do con la Casa de Guinea, el Rey se burlaba de él no dando a

sus mandatos la efectividad necesaria, o desautorizándolos a

hurta cordel apenas formulados. Todavía, al recordarlo, una

crispatura daba airada expresión a su rostro. Pero a ésta su-

cedía, inmediatamente, una sonrisa burlona.

Es que no había tardado en encontrar manera de dar sa-

tisfacción a su amor propio herido, y de poner a salvo sus in-

tereses. Una indiscreción “inter pocula” le permitió saber que

ciertos corsarios franceses, con quienes había trabado rela-

ción en uno de sus viajes, preparaban un golpe de mano

productivo en detrimento de la Casa de Guinea. No vaciló,

pues creía de evidente e indiscutible justicia recobrar lo suyo

de cualquier modo que fuese. Unido a los corsarios, embar-

cóse con ellos y juntos apresaron en alta mar una carabela

portuguesa que regresaba de la Mina con veinte mil doblas

de oro – más de veintisiete cientos de maravedís. – Tocóle

en el reparto más de lo que se le adeudaba, y vaciló antes de

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embolsar la demasía, pero sus escrúpulos no fueran invenci-

bles, y no se limitó a “cobrar sus haberes”. ¡Que el resto fuese

a cuenta de las desazones sufridas, era, al fin, tan legítimo!…

Su sonrisa burlona se acentuó: las cosas no habían para-

do ahí, sino que dieron lugar a una extraña comedia.

El corsario improvisado no volvió, naturalmente, a Por-

tugal a raíz de su hazaña. La Casa de Guinea no lo hubiera

recibido en palmas de mano. Refugió se en Castilla, a comer-

se su parte de la presa, mientras encontraba nueva aplica-

ción a su actividad y sus conocimientos. Allí le llegó la noti-

cia de que don Juan II hacía responsable a Francia entera de

la que él y los corsarios habían hecho. Como represalia y por

pronta providencia acababa de mandar que se apresaran dos

naos francesas ancladas en el puerto de Lisboa, se les quita-

ran vergas y gobernalles para que no intentasen huir, se li-

cenciara la tripulación reemplazándola con marineros portu-

gueses y se depositaran en la Aduana las valiosas mercan-

cías que llevaban a bordo. ¡Buena iba la danza, porque el lu-

sitano mandó, también, que se apresaran cuantas naves

francesas recalaban en Setúbal, Algarve, Porto y Aveiro!…

Pero no fue, ni mucho menos, del agrado de mercaderes,

armadores y dueños de navíos, que acudieron apresurada-

mente en son de queja al Rey de Francia. Carlos VIII, a quien

a la sazón preocupaban muy por sobre todo lo demás sus

atrevidos proyectos de guerra y conquista en Italia, deseoso

de tener la fiesta en paz allende los Pirineos, cortó por lo

sano haciendo restituir a don Juan II la carabela apresada

por sus corsarios, reembolsarle el cabal equivalente de los

valores substraídos, y presentar por intermedio de sus minis-

tros cumplidas excusas al monarca portugués. Cuando esto

se hizo, tal y como Carlos VIII lo mandaba, Solís decía rien-

do:

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— Se me ha pagado, sí, pero con cuartos franceses. ¡La

deuda queda en pie, y algún día puede que la cobre!…

Todo volvió, pues, a su quicio para armadores y merca-

deres, pero no así para el piloto. Don Juan II quedaba mate-

rial, pero no moralmente, indemnizado: el servidor que se

había burlado de él seguía impune, y esto no era tolerable

para el brillo de su corona… Los Reyes Católicos fueron in-

formados, en su nombre, del acto de piratería cometido por

Solís, para que, de acuerdo con los tratados, se concediera la

extradición del súbdito portugués “Joao Dias”, piloto de la

Casa de Guinea.

Solazábase Solís con este recuerdo. Su amigo el alcalde

de Lepe le había aconsejado cierto día que buscara secreto

refugio hasta mejor oportunidad, si no quería dar con sus

huesos en una cárcel portuguesa. Y le hizo leer confiden-

cialmente, para su gobierno, una real orden firmada el 29 de

octubre de 1495, en la villa de Alfaro, por don Fernando y

doña Isabel, y comunicada a todos los “corregidores, asis-

tentes, alcaldes mayores, alguaciles é otras justicias cuales-

quier de cualesquier ciudades, é villas, é lugares de estos

nuestros reinos é señoríos”, según rezaba el mismo docu-

mento. El mareante, que se apresuró a hurtar el cuerpo, sa-

bíase casi de memoria el confuso y al par sabroso texto de la

circular, obra maestra de los funcionarios de aquel tiempo135:

“Sepades – decía – quel sereníssimo Rey de Portogal,

nuestro hermano, me envió facer saber que Juan Diaz, pilo-

to, llamado Bofes de Bagazo, natural de su reino de Portogal,

andando en compañía de ciertos franceses, robaron una ca-

135 Toribio Medina, pp. XXV-XXVI.

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rabela del dicho Rey que venía de la Mina, en que robaron

más de 20.000 doblas, al cual dicho piloto diz que copo su

parte de este dinero, é que ha sabido que está en estos

nuestros reinos, sobre lo cual me envió una pesquisa que

sobre ello se hizo, rogándonos que conformándonos con los

capítulos de las paces que con el dicho Rey, nuestro

hermano, teníamos fechas, le mandásemos prender é

entregárselo, para que en su reino de Portogal se ficiese dél

justicia; é porque por la dicha pesquisa que Nos mandamos

ver paresce ser así verdad, tovimoslo por bien é mandamos

dar esta nuestra carta para vosotros en la dicha razón, por la

cual vos mandamos que siendo requeridos por parte del

dicho Rey, nuestro hermano, con esta nuestra carta,

prendades el cuerpo al dicho Juan Diaz, piloto, é le

secrestéis todos sus bienes, muebles e raices, do quier que le

falláredes, é lo entreguedes é fagades entregar con todos sus

bienes a la persona quel dicho Rey, nuestro hermano,

enviase por él, para que lo pueda llevar é lleve al reino de

Portogal, é alli se ejecute en él la justicia: para lo cual, con

sus incidencias é dependencias, emergencias, anexidades é

conexidades, vos damos poder complido por esta nuestra

carta…”

El Rey de Portugal, que había, en efecto, mandado ave-

riguar por agentes secretos el paradero de Solís, apresuróse a

enviar quien lo capturara con el auxilio de la justicia españo-

la. El peligro era grande, pero se desvaneció sin estallar so-

bre la cabeza del piloto. Ni aun hubiera sido menester la voz

de alerta de su amigo el alcalde. Aunque justicieros, los Re-

yes Católicos – y muy particularmente doña Isabel, que fue

para su Reino, en cuanto a gobierno y administración, lo que

una incomparable ama de casa para su familia – estaban har-

to bien informados para no sacarlo del atolladero en previ-

sión de futuros servicios – de lo que cada uno de los vasallos

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y habitantes de ese Reino valía, porque – como dijo Galíndez

de Carvajal136 –” (…) para estar más prevenidos en las eleccio-

nes, tenían un libro, y en él memoria de los hombres de más habi-

lidad y méritos para los cargos que vacasen (…)”.

No sólo no excitaron el celo de corregidores y demás pa-

ra la ejecución de su real orden, sino que admitieron sin difi-

cultad como bien fundado el alegato que Solís les hizo llegar

desde su escondite. Para no caer en manos de Don Juan II,

quizá con grave peligro de su vida, el mareante se amparaba

de su nacionalidad española: sus padres eran oriundos de

Santa María de Solís, donde los Solís tenían “casa noble, sola-

riega y antigua, desde el tiempo del Rey Don Pelayo”, según

podría atestiguarlo, si necesario fuere, García Dei, rey de

armas de Sus Altezas. Habían pasado a Portugal, después de

que en Lebrija137 nació Juan Díaz, vasallo natural de los Re-

yes Católicos y sujeto únicamente, como tal, a su fuero y jus-

ticia…

El portugués había obtenido satisfacción, en la forma,

por lo menos; los Reyes y su justicia eran indiferentes a un

proceso que no atañía a los intereses del Reino, Juan Díaz de

136 Galíndez de Carvajal (1472-1528), Crónicas de los Reyes de

Castilla : Desde Don Alfonso el sabio hasta los católicos Don Fernando y

Doña Isabel por Cayetano Rosell, Fernán Pérez de Guzmán, Diego de

Valera, Diego Enríquez del Castillo, Fernando del Pulgar, Lorenzo

Galíndez de Carvajal, Andrés Bernáldez, Pedro López de Ayala ; to-

mo 3, page 533 (= Apéndice 2°, Anales breves). Ver:

http://bibliotecadigital.jcyl.es/es/consulta/registro.cmd ?id=8

333 (N.d.T.a.F.)

137 Andalucía (N.d.T.a.F.)

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Solís podía ser utilísimo servidor de la Corona… Todo acon-

sejaba echar tierra al asunto, la única dificultad con que hu-

biera podido tropezarse desapareció por sí misma: Don

Juan II dejó de existir en octubre de ese año de 1495.

Pero los Reyes Católicos no creyeron oportuno servirse

inmediatamente de Solís, aunque conocieran sus grandes

méritos. El ciclo de los infortunios del mareante no se había

cerrado. A Don Juan II acababa de suceder en el Trono de

Portugal Don Manuel I, ansioso de sobrepujar en brillo y glo-

ria al que sus contemporáneos llamaron Príncipe Perfecto.

Acariciaba, sobre todo, la idea de ensanchar sus dominios,

de abrigar a la sombra de la cruz – bajo el cetro portugués,

naturalmente – nuevas y vastas tierras aún salvajes o desco-

nocidas, y para ese fin trataba de atraer a su servicio a cuan-

tos hombres de valor y de saber, pilotos expertos o guerreros

heroicos, que fueran capaces de surcar mares y desafiar peli-

gros, continuando, en ruda competencia con Castilla, la serie

gloriosa de los descubrimientos que tanto lustre habían dado

a su antecesor. Entre ellos, y con preferencia visible, fijó los

ojos en el que, desde su fuga, había comenzado a llamarse

Juan Díaz de Solís, y le hizo ofrecer, junto con el total olvido

del pasado, el cargo de piloto de la Armada portuguesa, con

gajes tentadores. El mareante no tenía que elegir y aceptó,

pasando de nuevo a Portugal.

Estos, que tardan en referirse, eran destellos fugitivos en

la mente de Solís. Pero al llegar aquí, su sonrisa, su sereni-

dad desaparecieron de pronto. Su expresión fue de dolor y

de cólera…

A poco de hallarse al servicio de Manuel I enamoróse de

una doncella de Lisboa, tan coqueta cuanto hermosa, y no

tardaron en casarse. Este episodio de su vida fue corto y

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dramático… Meses después de sus bodas, el marino recibía

orden de embarcar como piloto en la carabela Cisne que, con

otras cuatro naos mandadas por el Duque Alfonso de Albu-

querque como capitán mayor, formaban parte de la Escuadra

del almirante Tristán da Cunha. La gran figura de Albuquer-

que era lo único luminoso en la tiniebla de aquel recuerdo.

Aún le parecía viéndole con su majestuosa apostura, sus

barbas de Moisés, sus ojos de fuego, su hermoso y acusado

perfil, su frente ancha y elevada, rasgos reveladores de su

valor, de su lealtad, de las muchas virtudes que le hicieron

apellidar el Grande. Habíale recibido con severa benevolen-

cia, cuando fue a ocupar su puesto, haciendo gala de cono-

cerle a fondo y de tener la mayor confianza en su habilidad,

como entonces se decía. Señaló la fecha en que zarparían del

surgidero de Belem, junto a Lisboa, y le dio licencia para re-

tirarse… Fue la primera y la última vez que vio al Duque.

La escuadrilla de Albuquerque, surta en el Tajo, no si-

guió a la Armada de Tristán da Cunha que salía barra afuera

en la fecha señalada. Dos largos días aguardó al piloto de la

Cisne. Al tercero zarpó sin él. Hasta la tripulación de las

naos, hasta el Duque, había llegado la voz de que, loco de ce-

los, creyendo necesario lavar su honra, Solís, con razón o sin

ella, había muerto a estocadas a su esposa, y corrido luego a

refugiarse en Castilla, abandonándolo todo… ¿Era verdad?

Debía de serlo si una mirada extraviada y una frente ceñuda

y sombría reflejan el drama del amor, la locura y la muerte…

El mareante desapareció, pero dos años después, en

1508, los señores oficiales de la Casa de Contratación de Se-

villa recibían con bastante displicencia una cédula firmada

por Don Fernando – la Reina Isabel no existía ya – y refren-

dada por Lope Conchillos, haciéndoles saber, rezaba que “mi

merced y voluntad es de tomar é recebir por nuestro piloto a

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Juan Díaz de Solís”, con cuarenta mil maravedís anuales

mientras estuviese en tierra, cuarenta y ocho mil cuando na-

vegara, y dos cahíces – más de trece hectólitros – de trigo al

año138, para el proveimiento de su casa. Don Fernando había

expedido esta cédula el 22 de mayo139 con el fin de firmar al

siguiente día cierta capitulación convenida ya con Solís y

con Vicente Yáñez, para un importante viaje de descubri-

miento en las Indias Occidentales. Ambos marinos se obli-

gaban a salir de Cádiz en dos carabelas y navegar hacia Po-

niente “sin tocar en isla o tierra firme que, según la demarca-

ción, perteneciesen al Rey de Portugal”, yerno par segunda vez

del Rey Católico. Por demás sabido es que los soberanos de

ambos Reinos habían acatado la decisión del Papa Alejan-

dro VI que daba a España cuanto pudiera conquistar al Oeste

y a Portugal cuanto conquistara al Este de una línea imagina-

ria “de demarcación” que, pasando por la isla de Hierro, en

las Canarias, y por ambos polos, dividía en dos el globo te-

rráqueo; como se sabe que, algo más tarde la divisoria fue

alejada treinta grados al Poniente de la misma isla – con lo

que no acabaron, ni con mucho, los litigios y las competen-

cias entre ambas coronas –: la célebre línea, pues, pasaba en-

tonces, con esta modificación, a unas trescientas veinte le-

guas al Oeste de la última isla de Cabo Verde, prolongándose

hasta los polos, y era la que Juan Díaz de Solís y Vicente Yá-

ñez Pinzón debían respetar. Sus carabelas navegarían sin de-

tenerse en puertos ya conocidos más del tiempo necesario

para refrescar víveres y hacer aguada, hasta encontrar el pa-

so que, según Solís, permitiría llegar por Occidente a las Mo-

138 Toribio Medina, pp. CXIV-CXV et 16-17. (N.d.T.a.F.)

139 Marzo; Toribio Medina, pp. 17-19, 26-29. . (N.d.T.a.F.)

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lucas y la región de las especias, sin doblar el Cabo de Buena

Esperanza.

Portugal no había dado al marino más que desazones

rematadas en tragedia. En su fuero interno, pese a su claro

juicio, Solís hacía responsables de su desgracia, con profun-

do rencor, no sólo al Rey y sus ministros, sino al mismo país.

Odiaba a Portugal entero, quería vengarse de él, y en benefi-

cio de España lo frustraba de cuanto hubiera podido darle,

resuelto también a quitarle todo cuanto pudiera. El hombre,

eterno niño, maldice la piedra en que ha tropezado.

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IV

HASTA QUE ACABA EL ENSUEÑO

Las carabelas no salieron de Cádiz, como decía la capi-

tulación140, sino de Sanlúcar de Barrameda, el 29 de junio de

1508. Mandábalas Solís, jefe único en el mar, como Vicente

Yáñez (Pinzón) debía serlo en tierra, en su carácter de capi-

tán del Rey.

Muchos sucesos y muy importantes de esta expedición,

recordaba el marino en su involuntario meditar, muchos que

no habían llegado por cierto a ser notorios. El pueblo nunca

supo más de lo que él y Yáñez Pinzón quisieron contar, aun-

que olfateara un misterio. Según ambos decían, pasaron sin

accidente a las Canarias, luego a la Española, recorrieron de

Oriente a Poniente la costa meridional de Cuba, tocaron en

otras tierras al Oeste de la isla y, torciendo el rumbo, llega-

ron a las Bocas del Dragón y al golfo de Paria141. Agregaban

que, después de una estadía asaz prolongada en estos para-

140 23 de marzo de 1508; Toribio Medina, p. 26. (N.d.T.a.F.)

141 Ver carta.

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jes, siguieron la costa hacia el naciente, viendo tierras des-

pobladas y salpicadas de lagunas, hasta llegar, en el séptimo

grado de latitud, a un promontorio, desde el cual cruzaron

nuevamente el Atlántico en dirección a España, donde arri-

baban un año y cuatro meses después de su partida, el 27 de

octubre de 1509. Habían intentado llevar consigo algunos

indios para hacerlos intérpretes, pero debieron dejarlos en la

Española; traían en cambio varias muestras de oro bajo y “fi-

guras” o mapas de los únicos mares y costas que, según

ellos, habían recorrido.

De nuevo sonreía Solís al recordarlo, aunque entonces

estallara otra lucha: la que durante larguísimo tiempo sostu-

vieran contra él los oficiales reales – y muy particularmente

don Pedro Isásaga – descontentos y malévolos desde que el

Rey lo nombró piloto, e irritados por el creciente favor en

que le veían. Estos “señores de Sevilla”, como solía llamárse-

les, puestos sobre aviso por la actitud del comendador ma-

yor de la Española142, respecto de los indios intérpretes que

retuvo, y sospechando de la exactitud del diario de navega-

ción de Solís, iniciaron un sumario, arrestaron al piloto y

apresurada y secretamente informaron al Rey de sus sospe-

chas. La Corte estaba a la sazón en Madrid, donde don Fer-

nando recibió los pliegos reservados de sus oficiales. Y aquí

ocurrió algo tan inesperado como significativo: sin perder un

momento, Su Alteza mandó que preso y sumario fuesen tras-

ladados a Madrid, porque era su voluntad entender perso-

nalmente en el asunto, con exclusión de la Casa (de Contra-

tación) de Sevilla. Tan bien supo esto a Solís como mal a los

oficiales. Estaba seguro de que el Rey no había de desapro-

142 ¿Nicolás de Ovando y Cáceres (1502-1509)? (N.d.T.a.F.)

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bar su misteriosa derrota por el mar del Sur, porque no de

otra cosa se trataba: a Vicente Yáñez que no era responsable

de ella, no se le había molestado, o poco menos, y gozaba de

su libertad.

Interesada en estos hechos y buscándoles explicación, la

gente dio en decir que el proceso nacía de una desavenencia

entre los jefes de la expedición, desavenencia llegada a ma-

yores, y cuyo provocador había sido Solís, el visiblemente

castigado. Algunos, sin embargo, pararon mientes en que la

tripulación de las naos, licenciada apenas se tocó tierra, ha-

bía desaparecido como escamoteada por un juglar; esto se

explicó diciendo que, llamada a prestar declaración, iba en

camino de Madrid; pero es el caso que ni uno solo de los ma-

rineros fue visto en la Corte…

Tampoco Solís. Nadie supo nada de él, salvo lo que reza

en una cédula real de 14 de febrero de 1510: “Está preso en la

cárcel de la Corte y determinarse ha de lo que fuere justicia…”143

Nadie tampoco, supo la suerte del sumario tan celosamente

iniciado por los señores de Sevilla.

Solís se agitó en su sitial y su boca se contrajo en una

carcajada silenciosa. Burlábase a sus solas de Isásaga y de-

más. Pero la placidez volvió a su rostro al recordar, con año-

ranza, las gratas lecturas de aquella época de quietud forzo-

sa, hasta que sonrió de nuevo al revivir el inesperado desen-

lace de la comedia, los sesenta y seis mil ciento ochenta y

dos maravedíes144 – ni uno más ni uno menos – que Su Alte-

143 Toribio Medina, p. 53. (N.d.T.a.F.)

144 32.182 + 34.000; Toribio Medina, pp. 53-55. (N.d.T.a.F.)

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za mandó le fueran pagados por la mismísima Casa de Con-

tratación “como ayuda de costas y por el daño recibido durante

las averiguaciones sobre su viaje con Vicente Yáñez Pinzón”145.

Desde entonces todo le sonreía. Ni aun la lucha faltaba

en su vida para darle interés. En esta época fue cuando, en la

pintoresca y pacífica villa de Lepe, conoció y amó a doña

Ana de Torres, hermana de su amigo Francisco de Torres,

piloto como él. Doncella recatada y bien parecida cautivó a

don Juan que vio en ella la mujer digna de ser su compañera.

Doña Ana no fue largo tiempo sorda a sus requiebros, aun-

que supiese – pues se diría que el aire mismo es vocero de

tales noticias – cuanto se decía respecto de la muerte de la

primera esposa de Solís. Y puede muy bien que – como en

muchos casos análogos de aquellos tiempos de violencia – la

venganza o el castigo de que la mano del esposo se había

hecho ejecutora, diese en su mente y en su corazón mayor

realce a la persona y los méritos del marino. ¿Qué podía te-

mer de él siendo ella, como lo era, la honestidad personifica-

da?… Ni la detuvo tampoco la exagerada reputación báquica

de Solís: hablando de ello, Francisco le había aseverado que

tal inclinación, harto común entre hombres de mar y guerra,

no pasaba nunca de una discreta medida.

Doña Ana de Torres y don Juan Díaz de Solís no tarda-

ron en celebrar sus bodas, con gran satisfacción del hermano

amigo. La luna de miel fue más bien plácida que arrebatada,

en razón del carácter de la esposa y la edad y la amarga ex-

periencia del esposo. Instaláronse en Lepe, donde hacían vi-

da retirada, gozando de su holgada posición, siempre juntos

145 7 de diciembre de 1511; Toribio Medina, p. 55. (N.d.T.a.F.)

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mientras los trabajos del mar no reclamaban al piloto. Doña

Ana, como la mayoría de las mujeres de la época, era igno-

rante, pero en cambio estaba dotada de una inteligencia cla-

ra, sagaz y reflexiva, que en repetidas ocasiones la había he-

cho el consejero del hermano, como fue en seguida conseje-

ra y pacificador de Solís, siempre desbordante, fogoso y apa-

sionado en lo que a sus ambiciones atañía. Pero doña Ana no

trataba de acrecer su influencia, sino de usarla con medida:

era más bien la mujer de su casa, callada y modesta, sumisa

al marido, únicamente ocupada de las necesidades del hogar,

del que no salía sino para ir a la iglesia, practicando así todas

las que en aquellos tiempos se consideraban altas virtudes

femeninas. De esta apacible unión nacieron dos niños her-

mosos y fuertes, Luisillo en 1510 y Diego, que sólo tenía al-

gunos meses, cuando, llamado por Su Alteza, Solís tuvo que

acudir a Logroño.

Y el marino revivió en un segundo el año que considera-

ba decisivo para su vida, el de 1512, en cuyo mes de febrero,

el día 22, fallecía el célebre Vespuche – Américo Vespucio –

dejando vacante el cargo de piloto mayor del Rey, que los

señores de Sevilla codiciaban para sus deudos o paniagua-

dos. Pero don Fernando había hecho ya su elección y, sordo

a las insinuaciones y las súplicas de algunos de sus oficiales,

el 25 de marzo nombró a Juan Díaz de Solís, con el sueldo

anual de cincuenta mil maravedís nominales, pues debería

pasar la quinta parte, como pensión vitalicia, a la viuda de

Américo146. Pero este nombramiento, que descontentó a mu-

chos en la Casa de la Contratación, desbaratando sus espe-

ranzas, no era merced graciosa, sino misión de trabajo y sa-

146 25 de marzo de 1512; Toribio Medina, p. 55. (N.d.T.a.F.)

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crificio: el mismo día que lo daba a Solís, Su Alteza celebraba

con él una capitulación por la que el marino se obligaba a ir

a Oriente, como capitán del Rey, con dos navíos, para de-

marcar la parte que en las tierras recién descubiertas corres-

pondía respectivamente a las coronas de Castilla y de Portu-

gal147. Como se acostumbraba en estos casos, y como lo hu-

bieran exigido los oficiales reales, acompañarían a Solís un

veedor para intervenir en las compras y rescates y un escri-

bano encargado de informar directamente al Rey de las ocu-

rrencias del viaje y de cómo se hacía la demarcación.

Don Fernando había platicado detenidamente con el

marino, pidiéndole pareceres y dándole instrucciones reser-

vadísimas, que nunca trascendieron a los documentos públi-

cos. Según estos papeles, Solís debería zarpar precisamente

un año más tarde, dirigirse a la Gomera, el Cabo de Buena

Esperanza y la isla de Ceilán, para verificar si ésta se hallaba

en la parte correspondiente a Castilla, y en caso afirmativo

tomar solemne posesión de ella, asegurando su dominio.

Después pasaría “a la Moluca, que cae en la demarcación de

147 27 de marzo de 1512; Toribio Medina, p. 58. (N.d.T.a.F.)

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Castilla”, y a “Sumatra, Pegú, tierra de los chinos y tierra de los

jungos”148, posesionándose de todo cuanto estuviese dentro

de la demarcación española.

Pero mientras los señores de Sevilla rumiaban su cólera,

el ministro de don Manuel, siempre en acecho, aprovechába-

la por medio de sus agentes para averiguar, siquiera en par-

te, lo que se hacía. No tardó en comprender que esto era

grave para los intereses de su soberano, y decidió dificultar,

cuanto le fuera posible, la acción de Solís, para lo que creía

tener arma suficiente en sus escabrosas malandanzas de Por-

tugal, preteridas pero no amnistiadas… Era preciso evitar

que, valiéndose de tan experto piloto, el castellano se ade-

lantara en la conquista de lo que Portugal ambicionaba, y

don Juan Mendes de Vasconcelos no vaciló en presentarse a

don Fernando en son de queja y de protesta contra la pro-

yectada expedición.

Astuto y hábil era el señor embajador, pero iba a toparse

con un adversario de primera fuerza. A las dotes característi-

camente diplomáticas de la astucia y la habilidad agregábase

en el Rey católico un disimulo rayano muchas veces en per-

fidia. Escuchó al ministro con amistosa deferencia, se dio por

sorprendido al oír que acusaba a Solís de criminal y enemigo

de los portugueses, le prometió dejar incólumes los derechos

y aun los intereses de su “muy amado” hijo Manuel y, en

cuanto a la expedición proyectada, le adormeció sin dificul-

tad con la promesa de dar a los oficiales de la Contratación

las órdenes más severas para que Solís se ciñese estricta-

mente a sus instrucciones. Acabó de tranquilizarlo, días des-

148 Toribio Medina, p. 64. (N.d.T.a.F.)

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pués, haciéndole ver parte de una cédula, que enviaba a los

oficiales, y en la que decía: “Teníamos y tenemos acordado de

enviar con nuestro piloto mayor Juan Díaz de Solís, una persona

de mucha confianza y recado, el cual ha de llevar secretamente

poderes que exceden a los que el dicho Juan Díaz de Solís lle-

va…”149

Esta especie de espionaje y oculta subordinación a que

iba a quedar sometido el piloto tuvo la doble virtud de satis-

facer por un lado a Vasconcelos y por otro a los oficiales de

Sevilla. Pero éstos no quedaron tan conformes con lo demás

que la cédula contenía.

Comenzaba por aludir a las acusaciones y los recelos del

ministro de Portugal, refiriéndose a “ciertos inconvenientes que

le podrían suceder a dicho Juan de Solís yendo como va”, y les

encarecía que hablasen con el piloto “para que os diga su pa-

recer sobre todos ellos – los inconvenientes – e qué salida e fun-

damento les da para que no los tenga por impedimento”. En se-

guida mostrábase deseoso de que la expedición se realizara,

pero pronto, también, a suspenderla en caso de fuerza ma-

yor, pues mientras mandaba dar a Solís los dineros necesa-

rios, recomendaba que cuanto se comprara fuese “de tal cali-

dad que, aunque no se haya de hacer el dicho viaje, se pueda,

tornar o vender sin que en ello se pierda mucho”. Pero lo que

más escoció a los oficiales fue el final de la cédula, donde

don Fernando les ordenaba que obraran “con el menor bullicio

y alteración que se pueda”, insistiendo con toda su autoridad

149 29 de mayo de 1512; Toribio Medina, p. 75. (N.d.T.a.F.)

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en que “conviene que platiquéis y hagáis el negocio de Juan

Díaz de Solís…”150

El mareante supo todo esto, parte de boca del mismo

soberano, parte deduciéndolo o adivinándolo. Se había rego-

cijado pensando en la cara de los señores de Sevilla, y en la

burla de que iba a ser víctima el estirado Vasconcelos, pero

no dejó de encolerizarse cuando tuvo noticia de que – ha-

ciendo, a sabiendas o no, el juego del portugués – los oficia-

les oponían nuevas dificultades a la realización del viaje en

una carta dirigida a Su Alteza el 12 de mayo. Una de esas di-

ficultades, y no la menor, era la persona misma de Juan Díaz

de Solís, mal visto en Portugal, donde estaba condenado a

muerte “por piratería y homicidio”, y otra de mucho peso, a lo

que ellos creían: la debilidad de la Armada con que se pro-

ponía partir, harto mezquina para tamaña empresa.

— ¡Bobos! – pensaba Solís, entre irritado y burlón – ¡Ni

Su Alteza ni yo podemos decirles que con dos carabelas bas-

ta y sobra para su propósito y el mío!

Pero otra idea le trabajaba:

— Vasconcelos se esfuerza por anularme o atraerme de

nuevo al servicio de Portugal… Mientras me despelleja ante

el Rey, me llama para sonsacarme con promesas, dádivas y

honores… Esto es evidente. Pero ¿echa mano de los mismos

resortes para manejar a los de la Casa de Contratación?

Bueno sería saberlo… ¿De cuándo acá, temerían esos seño-

res invadir y usurpar derechos ajenos, ni aun provocar con-

150 Toribio Medina, p. 77

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flictos con otro país más débil? ¡Vamos, hombre, vamos!

¡Aquí ha de haber gato encerrado!…

Tanta delicadeza no estaba en el espíritu de los tiempos,

ni en el del mismo soberano. Pero el hecho es que los oficia-

les no miraban con buenos ojos su creciente influencia, ni

favorecían sus proyectos, ni perdían oportunidad de tenderle

celadas paralizadoras. Aquel grupo de togados y de caballe-

ros – acostumbrados a favorecer a sus deudos, a manejar a

su gusto los mayores o los menores negocios de Indias, a

ejercer una suerte de inquisición hasta sobre la correspon-

dencia que iba y venía entre América y España, a invalidar

por autoridad propia, las disposiciones del Gobierno que

consideraba peligrosas o improcedentes – aquel grupo casi

omnipotente no podía permitir ni tolerar sin enojo y sin lu-

cha que un Juan Díaz de Solís pareciera campar por sus res-

petos, haciendo caso omiso de la Contratación. Pero esta vez

el monarca no estaba de su lado…

El mareante acabó por adormecerse con estos pensa-

mientos y estos recuerdos, que habían pasado por su imagi-

nación en brevísimos instantes, como un torbellino. Desplo-

mado en su alto sitial de vaqueta, dormía y soñaba… lba na-

vegando a toda vela por un mar desconocido, que quizá no

fuera un mar, por un mar nuevo entre los mares…

El mal encarado mozo que franqueó la entrada a Fran-

cisco de Torres asomó a la puerta y se acercó de puntillas.

Su enorme boca hizo un gesto que quería ser sonrisa pero

que no pasó de mueca, porque el desdichado, además de bi-

sojo, era tan picoso, befo y narigudo que parecía viviente ca-

rátula. Contrastaba, además, con la visible fortaleza de su

cuerpo, hasta resultar cómica, la delicadeza de sus movi-

mientos al acercarse a Solís.

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— Señor, señor – repitió varias veces, graduando el tono

para despertarle sin sobresalto.

— ¿Qué ocurre, Rodrigo? – preguntó el piloto, arrancado

a sus fantásticos mares. – ¿Trajiste el caballo?

— En la cuadra está.

— Que se le cuide bien.

— Conmigo ha venido el hombre a quien fui a llamar por

orden de don Francisco y se dice Diego García…

— Hazlo pasar.

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V

EL MINISTRO DE DOM MANOEL

A poco reapareció el criado conduciendo a un hombre

de aspecto nada común. Bajo de estatura y muy recio de

hombros, tenía el torso atlético, enormes pies calzados de

burdo cuero, manazas cortas, gruesas y encallecidas, cuyos

artejos se movían con más torpeza aparente que real. Pobla-

do bigote a la española, de un negro rojizo, como chamusca-

do por el sol, y perilla soldadesca, acentuaban lo atezado de

su cara de bronce pardo, y esto, junto con el fulgor de sus

ojillos de azabache, apostados tras de espesísimas cejas, dá-

bale una expresión más que marcial, amenazadora. Transpi-

rando como llegaba, y con su enmarañada melena y su nariz

chata y corta, diríasele un león marino recién salido del

agua.

— ¿Sois Diego García? – dijo Solís incorporándose ape-

nas para recibirle.

— De Moguer, para la que mande usía – contestó el

hombronazo con pronunciadísimo acento andaluz, mientras

avanzaba saludando y balanceándose como si estuviese a

bordo.

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— Francisco de Torres, mi cuñado, dice que sois buen

marino…

Diego García arrugó el entrecejo y agitando el birrete

que tenía en la mano, ladró más que dijo, con salpicado ce-

ceo:

— ¡Bien me conoce vuestro cuñado! Sé cuanto en la

práctica, puede saber un navegante, y en mar abierto lo

mesmo que entre cabos, desafío a los más pintados sabihon-

dos que todo lo aguardan de la estrulugía y en cuanto se

añubla el cielo ya no saben p’a ónde van; no serán duchos a

hacer lo que yo, y a meter una nao, aunque sea de porte, por

el ojo de una llave, como más de una vez lo hice… Tengo

mis pruebas, y callo, que está mal el alabarse…

— ¿Habéis mandado ya?

Una enorme sonrisa torció la cara del marino.

— Harto mozo diz que soy para capitán – dijo con ironía

– pero mandadas tengo embarcaciones mayores y que no se

balanceaban en agua dulce, vive Dios!

Solís, que había estado observándolo con gran curiosi-

dad, agregó, más como afirmación que como pregunta:

— Asegúranme que sois servidor leal y amigo seguro.

— De leal me precio, y en cuanto a lo otro… mejor es

tenerme de amigo que no de enemigo.

— ¿Entendéis bien de maniobra? – insistió Solís por ha-

cerle hablar, divertido con su áspero gracejo.

— ¡Vive Diego, mi patrón! Ya os le he dicho: ¡en la char-

ca zambullí mancebo, y gracias a Dios y a mis puños, he sido

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marinero, gaviero, patrón, condestable, contramaes-

tre, maestre y mucho más, aunque sin título, que yo de títu-

los no me pago cuando no son bien ganados, como los vues-

tros… Conque ya vo usía si la maniobra y yo somos una

mesma persona!…

— ¡Hombre! ¡Tanto como persona!… Pero, vamos al

grano. ¿Os agradaría navegar bajo mis órdenes en cierta ex-

pedición que puede ser larga y difícil?

— Poco se me daría de largas y de dificultades… Todo

depende de la faena…

— Tampoco es de las regaladas… Os llevaría de maes-

tre…

— ¿En una nao de usía?… ¡Que me place! Ni una palabra

más…

— Con mil y quinientos maravedís mensuales de solda-

da.

— Me peta eso también.

Y después de cortísima pausa, preguntó muy tranquilo:

— ¿Cuándo se zarpa?

— ¿No queréis saber cómo y a dónde?

— Bástame con que usía mande. Soy poco curioso;

cuanto más lejos será mejor y de más provecho. Y… bien se

murmura por ahí que pensáis avanzaros muy al Sur…

— No hay que fiar de hablillas.

— ¡Vive Diego que desearía que ésta fuese verdad!

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— ¿Podéis alistar buena gente, unos diez hombres pro-

bados? – interrumpió Solís, cambiando de tema –. Cuento ya

con algunos marineros viejos, gente que conozco y que no

falla, pero necesito más… sesenta en todo.

— Los tendrá, usía. No hay en todos los puertos españo-

les del Mediterráneo y del mar Océano, un solo hombre –

aunque sea novato – capaz de coger un rizo, de quien no se-

pa Diego García de Moguer.

— A maravilla. Francisco de Torres os dará dineros para

las arras. Id a Sevilla y apalabrad a los valientes que encon-

tréis, tanto allí como en Palos y demás, pero no habléis de

destino ni de fecha para embarcar… Torres os dará también

cartas para que mis armadores os cuenten, desde hoy, los sa-

larios de maestre, y en cuanto a las demás condiciones, des-

cansad, que serán de toda conveniencia… ¡Pero chitón, y ojo

al marear, que relinga la vela!

— Descuide usía, ¡vive Diego!, que a tal abad, tal mona-

cillo.

— Pues, hasta vernos, Diego García…

— De Moguer… Quede usía con Dios.

— ¿Por qué repetís siempre de Moguer? – preguntó cu-

riosamente Solís, deteniéndole.

— Pues… porque en Moguer nací, y como, pesia tal, ma-

las lenguas quieren hacerme por fuerza portugués para mal-

quistarme con las usías de acá, – mejorando lo presente – me

empeño en poner las cosas bien en su punto… Aparte de que

hay más Diegos Garcías que cigarras en un cigarral.

— ¿Servisteis, acaso, del otro lado?

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— ¡Eh! Lo bastante para conocer de vistas y de fama a

cierto mareante español llamado allí, por mal nombre, Bofes

de Bagazo…

— Ya lo veo, ya lo veo, Diego García.

— ¡De Moguer!

Sonrió ligeramente Solís, pero no agregó palabra, limi-

tándose a contestar con una inclinación la desairada reve-

rencia con que, ya en puerta, se despidió el hirsuto Diego

García de Moguer151.

Comenzaba el sol a declinar y ya se oía, llegando de la

calle, rumor de voces y de pasos. Juan de Solís ciñó la espa-

da, tomó el emplumado gorro y acariciándose la barba con

gesto entre preocupado e irónico, que respondía a su íntimo

pensamiento, acercóse a llamar a la puerta del aposento de

su cuñado. Este, ya en pie y vestido de color, se apresuró a

franquearle la entrada.

— Aquí me tienes, pronto a entrar de cuarto – dijo To-

rres.

— Vamos, pues, hermano, que es hora – contestó Solís.

Acudía, por fin, a la tantas veces reiterada cita del emba-

jador Vasconcelos, con el secreto intento de dar tan inespe-

rada cuanto sabrosa leccioncilla al maestro en diplomacia.

Era vengativo.

Vasconcelos no paraba en el mesón de Paredes, única

posada tolerable en Logroño, llena a la sazón de la nube de

151 Toribio Medina, pp. CCCXXX-CCCXXXI. (N.d.T.a.F.)

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cortesanos que seguía encarnizadamente al Rey en sus con-

tinuos viajes, y que no había encontrado alojamiento en su

morada campestre de Mansilla. Sentaba sus reales en una

casa solariega cuyos señores, ausentes, se la habían cedido,

y su instalación, si no lujosa, ofrecíale cuantas comodidades

podían apetecerse en una vieja casona de villa de provincia,

sin que le faltaran, amén de lo imprescindible en la vida co-

rriente, ni criados que le atendieran, además de los propios,

ni cabalgaduras y carruajes, aunque, como acostumbraba en

las andanzas de la Corte, él hubiese llevado su coche de ca-

mino.

Apenas le anunciaron la visita, recibió a Solís y a su cu-

ñado en la cuadra que le servía de despacho, cuyos muebles

estaban casi todos arrimados a las paredes en correcta for-

mación. La gran mesa de roble del testero con su tapete ver-

de, su velón de cobre, su escribanía y su salvadera de peltre

y algunos librotes y legajos encima, la estera de enea que

cubría en parte el pavimento rugoso y desigual, no alcanza-

ban a atenuar la sensación de vacío, de severidad, de tristeza

y de vetustez de la vasta habitación.

Don Juan Méndez de Vasconcelos era un cincuentón al-

to, delgado, de complexión recia y seca como de hombre

llamado a ser longevo, de rostro enjuto y cetrino, grandes

bigotes llamados entonces “de puñal”, barba negra y ensorti-

jada con algún mechón canoso, manos largas, sarmentosas,

y ojillos pardos inquietos e inquisidores. Vestía de negro,

cruzada al pecho la banda roja de gran cruz del orden militar

portugués de Cristo, y, bordada de realce en el lado izquier-

do del jubón, la floredelisada cruz roja del orden español de

Calatrava, que don Fernando y doña Isabel le otorgaron por

haber negociado las bodas de la infanta doña Isabel primero

con el príncipe don Alfonso de Portugal, de quien enviudó, y

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más tarde con el rey Manuel, cuyo hijo, a vivir, hubiese

reinado sobre la península entera… Decíase por zumba en la

Corte que el estirado Vasconcelos no se despojaba de sus

encomiendas ni aun para dormir.

— Bien venido – dijo el embajador, en portugués, con

voz profunda y sorda. – Comenzaba a creer que yo mismo

tendría que ir a buscaros, aunque os llame vuestro interés…

Y mucho menos os aguardaba tan bien acompañado.

— Este que viene conmigo, excelencia, es mi cuñado

Francisco de Torres, para quien no tengo secretos… En una

de sus misivas vuecencia, me hacía saber que vería con gus-

to a mi hermano Blas, que trae nuevas de Portugal; pero el

desdichado está muy malejo, no puede moverse por ahora, y

este cuñado mío que, según el corazón, es tan mi hermano

como el otro, si no más, viene a suplir esa falta.

— Bien está – refunfuñó el embajador, visiblemente con-

trariado.

— Vuecencia me perdonará, que no haya acudido antes

– continuó Solís – pues no ha de ignorar mis obligaciones

muchas, mi estancia tan pasajera en Logroño y los frecuen-

tes viajes a que me obliga el servicio de Su Alteza. No habrá

faltado, pues nunca falta, quien ponga a vuecencia al co-

rriente de ésta, que no es simple excusa… Pero váleme,

también, que apenas me es posible, me apresuro a servir a

vuecencia en cuanto quiera mandarme…

Vasconcelos tardó, preparando su exordio, en sentarse a

la mesa del testero, como si presidiera, mientras indicaba

otros asientos a los españoles.

— Entonces, en cuanto os atañe, ¿puedo hablar abierta-

mente en presencia de vuestro cuñado?

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— Nada dirá vuecencia que Francisco de Torres no sepa

o por lo menos adivine.

Carraspeó el embajador, y con voz más profunda, si ca-

be, comenzó:

— Con hombre como vos, Juan Díaz, no valen sutilezas

ni rodeos, por lo cual voy a hablaros, más que como embaja-

dor, como quien os quiere bien y busca vuestro mejor aco-

modo.

Solís esbozó una reverencia.

— Pues… don Manuel, mi rey y señor, desea natural-

mente y como es notorio, porque con nadie trata de disimu-

larlo, extender y consolidar sus conquistas, nada más que

sus conquistas legítimas, en las Indias y en Africa. Para ello

necesita de marinos y soldados a toda prueba, gente enérgi-

ca y capaz… Entre ésta, que no es muy numerosa ni en Por-

tugal ni en cualquier otra parte, no le es posible olvidar a

quienes, como vos, han prestado miles servicios a su reino.,.

Y si Su Alteza no lo hubiese recordado, aquí estaba yo para

refrescarle la memoria… No fue preciso. De propia iniciativa

se ha dignado mandarme que os busque y os proponga vol-

ver a Portugal, donde se os tratará y favorecerá en todo co-

mo lo merecéis.

— Vuecencia parece olvidar – replicó Solís con simulado

candor – que Su Alteza el Rey de España me ha dispensado

ha poco la merced de nombrarme su piloto mayor, y que soy

el primer español elevado a tan alto cargo… Demás que se-

ría corresponder menguadamente a tal favor, vuecencia con-

vendrá conmigo en que Su Alteza el Rey don Manuel ni que-

rría ni podría ofrecerme nada semejante…

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La mirada inquisitiva de Vasconcelos trató de penetrar

en lo íntimo del pensamiento de Solís. Al cabo de un segun-

do y con helada calma, dijo:

— Pero ¿no sois acaso portugués?

— En Lebrija nací: siendo muy niño, mis padres pasaron

a Portugal… Todo el resto es conseja – replicó Solís.

— Dejemos ese punto… Quería deciros que las merce-

des reales no pueden tener límite para los buenos servidores.

Si fuerais a Portugal – que sigo creyendo tierra vuestra – na-

da perderíais en cuanto a honras y provechos, y el adelanto

sería fácilmente mayor que cuanto imagináis… Id pidiendo,

que no será vana pretensión. Tengo plenos poderes de Su Al-

teza y sé lo que valéis… En el peor de los casos vuestra si-

tuación en Portugal, cuanto a poder, caudales y títulos, supe-

rará con mucho a la presente, porque ya sabéis que aquí –

perdóneme el rey Fernando – prometer no es dar, según reza

el proverbio castellano.

Calló Vasconcelos para ver venir, pero el mareante per-

maneció impasible.

— Dificilillo me sería – dijo por fin – dejar el servicio de

un amo que me honra con su confianza, y mucho más ahora

que, como harto ha de saberlo vuecencia, quiere encomen-

darme una expedición que le importa y cuyas mismas dificul-

tades me atraen y espolean. Vendría, a ser, aun cuando se

trate de Su Alteza el Rey su yerno, a quien llama hijo y quie-

re como a tal, negra traición, que sólo el interés y la codicia

podrían justificar, o mejor dicho explicar…

Tan insinuante era el tono de Solís, que Vasconcelos se

dijo: “A éste le sonsaco yo sus secretos y luego me le llevo

del ronzal al olorcillo del pienso”. Y en voz alta:

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— Pero si el rey Fernando os quiere encomendar tal ex-

pedición, claro está, que no os la ha encomendado todavía, y

puede que a mitad de camino…

Francisco de Torres, que hasta entonces había observa-

do mudo e inmóvil, agitóse en la silla como dando la alerta a

Solís, seguro de que el portugués le tendía un lazo, no muy

sutil, en el que el otro pareció, sin embargo, caer con toda

inocencia.

— ¡El señor embajador se equivoca! – exclamó con apa-

rente ligereza – El asiento para la expedición está ya he-

cho…

— ¿Y hacia dónde es la expedición?

— Su Alteza quiere guardarlo tan callado…

— Sabéisme amigo vuestro.

— ¡Eh! sólo se trata de una pequeña armada que he de

llevar a saber y descubrir lo de acá.

— ¿No es Malaca su destino?

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— No, excelencia; voy tan sólo a determinar la línea de

demarcación.

Vasconcelos se levantó y comenzó a pasearse a pasos

lentos por la habitación. Solís y Torres se pusieron de pie.

Era lo que buscaba el embajador, porque tomando inmedia-

tamente aparte a Solís le murmuró al oído:

— ¿No seríais más prudente pensando que el favor de

hoy puede, en pocos días, desvanecerse como el humo?…

Don Fernando suele no ser ni muy firme ni muy largo… Te-

néis, en acecho, enemigos poderosos. Los oficiales de Sevilla

no cejarán en su hostilidad, seguirán poniéndoos toda suerte

de obstáculos, no pararán hasta dar con vos en tierra…

— Vuecencia, tiene razón cuanto a los propósitos de

esos señores – murmuró sordamente Solís.

— ¡Vaya si la tengo! ¡Sobrada! Yo sé más de lo que sa-

béis vos mismo… Sé que “esos señores”, como vos decís,

han mandado hacer en Portugal una secreta pesquisa sobre

vuestra conducta pasada, y muy particularmente sobre el

apresamiento de una carabela real, de que se os acusó en

1494…

Solís, sarcástico, lo interrumpió:

— Aquí para inter nos, esa pesquisa ¿no habrá sido pro-

vocada por cierto embajador a quien convendría alejarme

del servicio de don Fernando? ¿No querrá, tan alto personaje

valerse de esa pretendida piratería contra Portugal, para ha-

cer luego que en el mismo Portugal se me premie, honre y

ensalce… ya en los cargos, ya simplemente en la horca?

— Podéis estar seguro…

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— Ya la estoy todo cuanto puedo… Enviada por Su Al-

teza en persona obra en mi poder una cédula de seguridad

con todos sus requisitos…

— ¡Una cédula de seguridad!

— ¿Cómo? ¿Lo ignoraba vuecencia? Pues no le quepa

duda – Dirigiéndose a su cuñado –: Francisco, dí a su exce-

lencia lo que mi hermano Blas me ha traído de Portugal.

— Una cédula firmada por el rey don Manuel para que,

si quieres, puedas entrar, andar por el reino sin que nadie te

moleste, y salir de él libre y tranquilamente cuando te plaz-

ca.

— Ya lo veis – dijo Solís a Vasconcelos.

— Ya la veis – repitió Vasconcelos a Solís.

— No quita que no iré a Portugal. Pese a la cédula, mu-

cho me temo que se me tenga por sospechoso y que Su Alte-

za me mande prender el día menos pensado.

— ¡Cómo! ¡Osáis poner en duda la palabra y la firma del

Rey mi señor!

Francisco de Torres salió en este punto a la palestra:

— ¡Sus razones tiene! ¡Nuestras razones tenemos!… A

Blas se le adeudan trescientos ducados en la Casa da Guiné,

y a Juan, aquí presente, no menos de ochocientos… A todas

sus reclamaciones, saco. ¡El Rey les dio varias veces, con su

propia firma, cédulas ordenando que se les pagara y… saco!

¡Buena va la firma, cuando otra es la intención!…

Vasconcelos se puso verde, pero conteniéndose y tra-

tando de serenarse, dijo a Solís:

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— Vuestro salvoconducto, hablando en puridad, más

que en los papeles, está en que sois preciso… Su Alteza está

resuelto a indultaros por la piratería y el homicidio…

— ¡Piratería homicidio! ¿También cree vuecencia esas

patrañas? Si homicidio hubiera y tal como las dueñas y los

bobos lo relatan, por remediar mi honra yo mereciera aplau-

so, no castigo… Pero son cuentos de viejas…

— … a confiaros – continuó Vasconcelos, como si no se

le hubiese interrumpido – una grande y fuerte armada y el

gobierno de todo cuanto descubráis… entonces, podríais de-

cir con mayor razón que el otro, “del rey abajo ninguno”…152

— La proposición, aunque vaga, es halagüeña – dijo con

mucha calma Solís –. A más de uno tentaría, en estos tiem-

pos en que se acude sin desdoro a do llama el interés… Pero

repito a vuecencia que no me es fácil servir a un amo que me

negó salarios ¡bien ganados, vive Dios! y que permitió la sin-

justicia con que se me ha perseguido en Portugal…

— Los salarios pueden pagarse, la calumnia hacerse ca-

llar, y el valimiento es gran desquite de la sinjusticia – obser-

vó Vasconcelos cada vez más desconcertado –. Tras del nu-

blado el sol, reza el latino.

Torres, silencioso de nuevo, reía so capa.

— Visto está – reanudó Solís – que los Oficiales de Sevi-

lla pueden mucho; visto, también, que me quieren poco, pe-

ro… el rey es mi gallo. Y, si vuecencia no la toma a descor-

152 Ver Rojas Zorrilla, “Notas del traductor al francés”.

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– 259 –

tesía, mejor será cortar aquí esta plática, que a nada conduce

y que ni aun tiene el mérito de la franqueza.

— ¡Alto ahí! – exclamó Vasconcelos –. Ya os he dicho

que puedo haceros proposiciones en firme… Voy a hacéros-

las…

— Vuecencia sabe tan bien como yo que sería inútil. No

me siento dispuesto a oír más proposiciones. Y confieso a

vuecencia que si he acudido y le he escuchado, es sólo por

honrar su persona, que me merece el mayor respeto…

Vasconcelos, furioso, hizo una leve inclinación de cabe-

za.

— Aun cuando no tuviese querella alguna contra el Por-

tugal y su soberano – siguió Solís –, aun cuando les debiera

gratitud y no rencor, bastaría a detenerme la confianza de mi

rey. Cuanto a dineros, para mí y los míos, bastan los que

tengo, y otros vendrán sin que yo vaya a ellos…

— Pero, sin menoscabo de nadie, bien podréis decir-

me… Esa armada… ese viaje…

— ¡Vaya! Buenos echadizos tenéis en la corte y en la Ca-

sa de Sevilla… Vos mismo lo habéis confesado. Sabéis más

que yo.

— Veamos: Se me asegura…

— La demarcación señalada por el tratado de Tordesi-

llas debe pasar del papel a la realidad, en mares y en tie-

rras… Aquí tenéis todo.

— Si es vuestra última palabra…

— Y la primera.

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— Quizá tengáis que arrepentiros. Cuando los reyes se

abrazan, los vasallos deben andar con tiento.

— Poco me importa de vuestro rey.

— ¡Es osadía! – exclamó el embajador, indignado.

— ¿Me avanzaré a decir lo mismo de la de vuecencia?

Vuecencia, amparado de su cargo, trata de corromper y

comprar a un vasallo del rey Fernando, a uno de sus hom-

bres de confianza…

Mordióse los labios Vasconcelos y sin disimular ya su

cólera, rugió en portugués:

— ¡No irás muy lejos, Joao Dias!

— No más de lo necesario… Vamos, hermano Francisco.

Y después de barrer, en una profundísima reverencia, la

estera de enea con las plumas de su gorro, Solís salió de la

habitación y luego de la casa, seguido por Francisco de To-

rres y dejando al embajador desconcertado y perplejo.

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– 261 –

VI

LA CONDESCENDENCIA DE FERNANDO

EL CATÓLICO

La perplejidad de Vasconcelos no duró mucho. Por des-

concertante que fuera la actitud de Solís al desdeñar sus

ofrecimientos y burlarse de sus tentaciones, no daba por

perdida una partida que, en resumen, no dependía sino se-

cundariamente del piloto. El factor principal y decisivo era el

mismo rey don Fernando, en cuyo ánimo el embajador ve-

nía, desde tiempo atrás, despertando desconfianzas y provo-

cando malquerencias contra el mareante, en quien siempre

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vio a un enemigo de Portugal – dos veces enemigo, puesto

que le impulsaban el rencor y el interés – Y precisamente pa-

ra ese día Su Alteza le había concedido una audiencia priva-

da en su casa de Mansilla.

Don Juan Mendes de Vasconcelos estaba seguro de co-

nocer muy a fondo al suspicaz y astuto Rey de Aragón, con-

vertido en gran monarca desde su casamiento con Isabel de

Castilla y merced a los sucesivos favores de la suerte, pues –

sin contar el incomparable presente de las Indias, que casi

podía decirse llovido del cielo – había unificado el reino y

agregado a su corona la de Granada, arrancándola a los mo-

ros, mientras que la Cerdeña y el Rosellón quedaban reco-

brados, Nápoles conquistado, Navarra quitada a los d’Albret,

bajo su cetro tierras y ciudades africanas, y sus hijas feliz-

mente vinculadas por el matrimonio a las grandes casas

reales de Austria, de Inglaterra, de Portugal… Sabíale políti-

co profundo, sin más norte que su ambición, hábil si era pre-

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ciso hasta la perfidia – que en aquellos virtuosos tiempos era

corriente en política, pues según lo que por esas fechas es-

cribía Francesco Guicciardini, embajador, a sus mandantes

de Florencia, “nada había que reprocharle… salvo su falta de

generosidad y su ningún reparo en faltar a su palabra”153 – y

por añadidura, frío y hasta implacablemente cruel – aunque

en nombre de altos intereses –, como lo demostraba la ex-

pulsión de los judíos y los moros y, sin contar la fundación

de la Santa Hermandad, el poder formidable otorgado a la

Inquisición, perseguidora de relapsos y eficaz provocadora

de confiscaciones que contribuían a enriquecer sus áreas. No

ignoraba, tampoco, que el rey Fernando V154 era cortísimo

en recompensas, como lo decía el florentino, y solía privar

de ellas, pese a servicios a veces muy grandes, a quienes

creía no necesitar en el futuro. Teníale por avaro y mez-

quino, sin examinar para qué útiles objetos reservaba los di-

neros de la Corona, recordando sólo la ruindad de su vesti-

menta y la historia famosa del viejo y raído jubón del que Su

Alteza decía a los cortesanos:

” ¿Veis qué buena tela? ¡Tres pares de mangas me lleva gas-

tados!” 155

Y Vasconcelos no contaba mucho que digamos con la in-

fluencia que a su amo el Rey de Portugal prestaba el hecho

de ser dos veces yerno de Fernando el Católico, en uno que

153 Relazione di Spagna, 1513. (N.d.T.a.F.)

154 de Castilla y León y, antes, Fernando II de Aragón.

(N.d.T.a.F.)

155 Diario oficial de las sesiones de Cortes, 1837, tomo VII, p. 231.

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podría llamarse juego de la fortuna, el matrimonio y la muer-

te… Pudo contar con esa influencia, sí, cuando la reina Isa-

bel, hija del Rey Católico y viuda del príncipe D. Alfonso, ca-

só en segundas nupcias con el rey D. Manuel y fue reconoci-

da, a la muerte de su hermano el príncipe D. Juan, como he-

redera, con su esposo, del Trono español; pero, desgracia-

damente, doña Isabel había muerto al dar a luz al príncipe D.

Miguel, que, jurado como heredero de las coronas de Ara-

gón, de Castilla y de Portugal, murió también antes de cum-

plir dos años, frustrando muchas y muy grandes esperanzas,

la mayor de las cuales era la unificación, bajo un sólo cetro,

de toda la península ibérica… El casamiento de D. Manuel

con la infanta doña María, hermana de su primera esposa, no

había mejorado sino momentáneamente la situación, pues la

muerte volvió a ejercer su oficio, y ya no podía repetirse el

caso del primer infantito de Portugal. El mismo D. Fernando

el Católico contrajo también segundas nupcias con su sobri-

na Germana de Foix, y si el primer hijo que tuvo de ésta, el

infante D. Juan, había vivido muy corto tiempo, aún cabía en

lo posible que otro viniese a reemplazarlo, pese a los muchos

años y achaques del Rey, cuya salud era muy precaria… No

había que sorprenderse, pues, como ya se vio antes y seguía

viéndose ahora, de que, aun tratando afectuosamente de “hi-

jo muy amado” al rey D. Manuel, D. Fernando persiguiera sus

intereses en las Indias, con visible menoscabo de Portugal…

Pero Vasconcelos estaba resuelto a disputar el terreno

palmo a palmo, y sin más vacilaciones se trasladó a Mansilla

y se hizo anunciar a Su Alteza.

Recibiólo D. Fernando en un salón amueblado apenas,

sin lujo ni adornos, casi sin comodidad, tal como sería, qui-

tada la larga mesa, un tinelo de labradores acomodados.

Bien se veía que ya no era de este mundo la reina doña Isa-

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bel, que tanto cuidaba de la grandeza de su marido, rodeán-

dolo de pompa severa que imponía respeto, y que la joven

reina Germana se preocupaba más de sus fiestas y sus mag-

nificencias, que del esplendor del reino.

Monedas y medallas de su tiempo nos han dejado la

imagen del gran Rey, su nariz un tanto aplastada prolongan-

do la frente con leve inflexión, gruesos labios, barbilla re-

donda y prominente, ojos grandes, inexpresivos bajo la ceja

ascendente hacia las sienes, cara maciza y afeitada, cabellera

cubriendo las orejas y hasta el robusto cuello, birrete sencillo

con una estrecha diadema real. Hallólo Vasconcelos sentado

en un sillón de caderas de tallado roble, el rostro tostado por

el sol, más fláccido y amarillento que de costumbre, el pecho

jadeante por la dolencia que le aquejaba sofocándolo y pro-

vocándole desmayos y mal de corazón. No era ya el cazador

forzudo, el jinete más diestro entre los cortesanos y los sol-

dados, el paladín de batallas y torneos, el hombre siempre en

acción, trabajador infatigable que descansaba de una tarea

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dedicándose a otra. Los años – frisaba a la sazón en los se-

senta – no eran, posiblemente, la única causa de tan rápido

acabamiento: en la Corte hablábase de un bebedizo que la

reina Germana le diera a tomar, creyéndola necesario para

tener hijos – su grande ambición – pero que, desgraciada-

mente, había comprometido para siempre la salud del Rey156.

Sin embargo, los achaques no quitaban a Fernando V ni

la cortesía ni el arte de seducir, y recibió a Vasconcelos con

manifestaciones de satisfacción que sólo se hacen a un ami-

go muy querido.

Contestó con la voz delgada que había de heredar su

nieto Carlos V, pero no sin verbosidad, a los cumplidos del

embajador, y el coloquio comenzó con vagas e indiferentes

generalidades: hablóse del buen tiempo, tan favorable para

la caza; de la salud del Rey, que esperaba verse pronto res-

156 Alonso de Santa Cruz, Crónica de los Reyes Católicos.

(N.d.T.a.F.)

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tablecido; del viaje a Valladolid, que proyectaba, pero que

sin duda aplazaría hasta el verano siguiente – pues se encon-

traba muy bien en Mansilla – para pasar el invierno en Ma-

drid y luego volver adonde estaban, siempre seguido por la

Corte.

— Mucho os doy que hacer, Vasconcelos, ya que, por

vuestro cargo, tenéis que seguirme a todas partes, como la

sombra al cuerpo.

— En años anteriores fueron más frecuentes los viajes

de Vuestra Alteza… Este año, en suma, no hemos tenido que

seguirle sino a Burgos y a Logroño, donde estamos…

— No será probablemente por mucho tiempo. Pero ¡qué

hacerle! El Rey se debe a su reino y sus vasallos, y os confe-

saré lo que ya sabe todo el mundo: que me agrada la mudan-

za, no por cierto en los afectos y las amistades, pero sí en los

sitios donde he de morar… Cánsanme las ciudades y las

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grandes villas; prefiero la soledad y la alegría apacible de los

campos, la vida movediza al aire libre, el rudo ejercicio de la

caza, contentándome con el simulacro ahora que, para mí, se

han acabado las guerras…

Ambos sabían perfectamente – Vasconcelos porque los

llevaba preparados, el Rey porque los veía venir – que otros

asuntos reclamaban su atención y exigían su interés; pero, al

oírles, cualquiera hubiese dicho que aquélla era una simple

visita de cortesía. El embajador fue, por fin, quien entró en

materia.

— Debo decir a Vuestra Alteza – comenzó – que mi se-

ñor el rey D. Manuel, vuestro hijo, me escribió hace días

anunciándome una carta para Vuestra Alteza, que acabo de

recibir.

— Está bueno mi amado hijo? – preguntó el Rey con for-

zada sonrisa.

— A Dios gracias goza de perfecta salud y se pone a

vuestras reales plantas, como ha de decirlo en la carta pre-

sente.

Y el embajador dio un paso, que era una reverencia, ha-

cia el sillón del Rey.

— Esperad, Vasconcelos. No me la deis. Lope Conchillos

y el obispo Fonseca no están hoy conmigo y me topáis sin

secretarios… Como habréis de conocer el contenido de la

misiva, si no lo conocéis ya, leédmela, si os place.

El portugués se inclinó profundamente, rompió la nema

con ademán respetuoso, quitó los sellos y abrió la misiva.

— La carta está fechada en Coimbra, a veintidós del co-

rriente septiembre – comenzó Vasconcelos con su gruesa

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voz opaca – y reza como sigue: “Muy alto y muy excelente

Príncipe y muy poderoso padre nuestro: Juan Mendes de

Vasconcelos, de mi consejo, me expresó cómo os ha dicho lo

que le expresé que os dijese, entre otras cosas acerca de la

armada que se me dijo que se hacía en Sevilla con ciertos

navíos que enviabais a Malaca, y cómo le respondísteis que

dicha armada no iba a Malaca sino solamente a descubrir,

con todo lo demás que acerca de esta materia le respondis-

teis.”

— Os contesté con la verdad – dijo Fernando –, podéis

seguir.

— “Y ni en este caso que tanto me interesa – continuó

Vasconcelos – ni en ningún otro que me toque, yo no espero

menos de vos por la mucha razón y obligación que hay entre

nos para deber hacerlo así y guardarlo así, y esta vuestra

respuesta la recibo con muy singular placer…”

— No esperaba ni merecía menos – interrumpió el Rey –

¡Adelante!

— “Y es cierto que en las cosas de que se trata he hecho

grandísimos desembolsos y he derramado mucha sangre de

mis criados, hidalgos y vasallos, y que tengo según los re-

caudos que me han llegado de la manera que os hice decir

por dicho Juan Mendes, con mi armada, fortalezas y gente

en ellas, no se me debe tocar ni hacer cosa que no se deba, y

más especialmente por vos, e vuestras cosas, que las más

espero que siempre guardaréis y miraréis como las vuestras

propias, porque así serán siempre por mí y por las mías res-

guardado y mirado cuanto os toque…”

— Tal ha sido, es y será en todo tiempo mi firme propó-

sito – dijo Fernando – y el Rey mi hijo puede estar confiado

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en ello, como yo la estoy en sus propósitos y voluntades.

Continuad.

— “Pero – leyó el embajador recalcando las palabras –

como Juan Díaz, piloto portugués que, se me dice, va de pi-

loto en dicha armada, y a quien hace ya años he desterrado y

perseguido de mis reinos por sus delitos que lo condenan a

la pena de muerte – ha dicho y dice públicamente que va a

Malaca, y es persona de mala intención, y, sin causa, se dice

agraviado por mí, y notoriamente lo dice el segundo, que van

con la voluntad y el propósito determinado de entender en

Malaca – yo no puedo tener descanso en que obedecerá en

eso que le mandasteis, que creo sin duda, en la que respon-

disteis a Juan Mendes”.

— Quién es ese segundo a que se refiere mi señor hijo? –

preguntó el Rey – Si se ha hablado de Juan Díaz para el

mando de una armada, no se ha pensado siquiera en un se-

gundo…

Dícese que es un piloto llamado Juan Anríquez, portu-

gués, buen marino, a lo que se asegura157.

— Nada hay en eso. Ya hablaremos… Seguid, que os es-

cucho.

— “Y no quisiera, nuestro señor, que de ello resultara

cosa de que ni ahora ni en tiempo alguno se siguiese ningún

escándalo, y que las personas de esa calidad (de la de Juan

Díaz de Solís) no tienen el respeto que deben, para vedarse

toda ocasión de obrar mal, y de tan gran escándalo sería pa-

ra mi tocar en Malaca – muy afectuosamente os ruego que os

157 Toribio Medina, pp. XXVIII-XXIX + CXC. (N.d.T.a.F.)

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plazca no enviar en dicha armada al dicho Juan Díaz por pi-

loto, porque para descubrir lo que vos decís que va a buscar

dicha armada, muchos otros pilotos habrá en Castilla que

podrán hacer lo mismo y mejor que él”.

— Pues si es lo mismo – objetó Fernando –, si otros

pueden hacerlo mejor que él, ¿qué interés tiene nuestro se-

ñor hijo en que no se le envíe?

— Ya comprende Vuestra Alteza que, dados los antece-

dentes de ese Juan Díaz en Portugal, el Rey mi señor no

puede mirar con buenos ojos que se le honre, agasaje y favo-

rezca en otra parte, y a mayor abundamiento en los reinos de

Vuestra Alteza, su padre.

— Decís bien. Razón hay para pensarlo, y tendré muy en

cuenta el resentimiento del Rey mi hijo. Adelante, si es que

no lo habéis leído todo.

— Lo poco que falta es la reiteración de lo antes dicho:

“Y con su quedada – la de Juan Díaz – se quitaría tamaño in-

conveniente como sería lo que pudiera resultar de su equivo-

cada y mala intención. Y, además desto, haríais una cosa que

esquivaría y quitaría tan graves inconvenientes; como en to-

das las cosas semejantes, estoy seguro de que siempre os

debéis alegrar de hacerlo en todo lo que me toca y tanto os

toca, y yo lo recibiré de vos con muy singular placer, muy al-

to y excelente príncipe y muy poderoso padre nuestro…

Firmado: Manuel”.

— Bien está, y contestaremos debidamente al rey Ma-

nuel – dijo Fernando el Católico –. Pero antes quiero que me

aclaréis el punto referente a ese Anríquez o Enríquez de que

me habla.

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— Es como ya dije a Vuestra Alteza, un piloto portugués

que vive junto a las Rejas de Sevilla con su mujer, portugue-

sa también ella. Anríquez ya ha estado en Indias por cuenta

de mi señor y, como el Juan Díaz, se pretende agraviado

porque se le deben y no se le pagan ciertos dineros… Ya ve

Vuestra Alteza que nada callo, pues mi conato ha sido siem-

pre la mayor franqueza, pese a lo que mi cargo suele exigir…

Con Anríquez está un hijo suyo, mozo al parecer de prove-

cho y, según afirma, tanto él como el mismo mancebo, su hi-

jo, saben más de alturas que el propio Juan Díaz.

— Deben de ser hombres prodigiosos… ¿Pero qué más

cuenta ese Enríquez?

— Pues que acaba de asentar con Vuestra Alteza, y que

irá capitaneando una de las tres carabelas que se arman en

Lepe – mi amo dice equivocadamente en Sevilla, por una in-

formación prematura – y que mandará Juan Díaz de Solís,

según personas de respeto; llega a hablar de los salarios que

se le han señalado, diciendo su cuantía: veinticinco mil ma-

ravedís anuales mientras navegue, y veinte cuando no. Seña-

la el próximo mes de marzo como el de la partida…

Vasconcelos decía verdad, pero no exageraba la fran-

queza de que se había jactado: callaba que había visto Enrí-

quez y recibido sus confidencias; que según el piloto, Malaca

estaba efectivamente en la demarcación de Castilla, que le

había llorado miseria, sonsacándole algún dinero a cambio

de sus informes, y que al fin le confesó cómo, desde Sevilla,

había escrito al rey Manuel para que éste le enviara algún pi-

loto o quien supiere de mar para darle avisos que importa-

rían muchísimo para el servicio del Rey de Portugal. Ni dijo,

tampoco que, logrado el dinero, Enríquez acababa de mar-

charse de Logroño, y ya no sabía de él, aunque siguiera cre-

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yéndolo dispuesto a pasar a Portugal en cuanto se le hiciera

algún ofrecimiento, pues así lo insinuó bien claramente luego

que el embajador le hubo asegurado que los asientos en

cuestión eran mucho mejor pagados en Portugal que en Es-

paña, y no quedaban en simples promesas.

— Pareciéndome va – dijo el Rey con sonrisa entre bur-

lona y amena – que ese Anríquez o Enríquez, no ha de ser

oro de ley, y he de hacerlo averiguar, por lo que os va y me

va en ello… Yendo a lo de mayor bulto e importancia, escri-

bid al Rey mi hijo, que – como ya os lo he asegurado en otras

ocasiones – Juan Díaz de Solís, si es que embarca, no irá solo

ni como verdadero principal158, y que Su Alteza puede estar

cierto de que, por mi voluntad – y se guardará bien de respe-

tarla y obedecerla – no tocará en sus demarcaciones. El pri-

mer capítulo que impera en mi Casa de Contratación de Se-

villa para los que van de armada o a descubrir, es que no to-

quen en cosa de lo del Rey mi hijo. Mi mayor deseo es el de

demarcarlo todo de tal manera, que Portugal y Castilla no

tengan nunca disensión. Escribidle, también, que piense al-

gún camino para que esto pueda hacerse, que yo la pensaré

por mi parte y me alegraré infinito de que se halle, porque

yo, por ser ya viejo, he de vivir pocos días; en ellos espero en

Dios que no haya ningún rompimiento, y me iré a la otra vi-

da muy descansado si queda todo tan claro que mis nietos y

cuantos de mí vengan, no encuentren jamás causa alguna de

romper…

Vasconcelos hizo una reverencia, estuvo en silencio un

rato, y luego:

158 29 de mayo de 1512; Toribio Medina, p. 75. (N.d.T.)

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— Perdone Vuestra Alteza – dijo – pero Vuestra Alteza

no me dice que impedirá la partida de Juan Díaz como lo pi-

de mi rey y señor…

— Nada tiene que temer mi señor hijo de mí ni de mis

vasallos y criados, podéis asegurárselo una vez más, por el

amor que le tengo y por los deseos que os acabo de manifes-

tar y que están en el fondo de mi corazón. En cuanto a vos,

Vasconcelos, ya sabéis bien cuánto os estimo y con qué

agrado os escucho…

Y poniéndose en pie daba ya por terminada la audiencia,

cuando, como quien acaba de tener una idea, con afectuosa

expresión de su ya abotagado rostro, agregó:

— Para que mi hijo D. Manuel vea el empeño mío en

complacerle, decidle ¡en fin!, que voy a ordenar se suspenda

el viaje que tanto le da qué pensar, y que los materiales ya

acopiados y los preparativos hechos se apliquen a los descu-

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brimientos en tierra firme… Creo que no cabe satisfacción

más cumplida… Id con Dios.

Dudoso entre la desconfianza y el regocijo, retiróse el

embajador de Portugal D. Juan Mendes de Vasconcelos, y

mientras se alejaba D. Fernando mandó que sin tardanza se

llamase a su piloto mayor…

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VII

LA TÁCTICA DE SU ALTEZA

En bien de su salud, buscando la soledad amiga de la

meditación o por simple esparcimiento, don Juan Mendes de

Vasconcelos acostumbraba hacer a pie largos paseos matuti-

nos. Después de un ligero desayuno tomaba la calle Mayor,

bajándola a grandes y lentos pasos hasta llegar al río, por en-

tre las dos filas desiguales de casonas bajas con tejado sale-

dizo y forjadas rejas, y las tapias a cuyas bardas se asoma-

ban curiosas las capas de los frutales, pisando duros y pun-

tiagudos guijarros y metiéndose más de una vez en el cieno

del arroyo después de una lluvia o cuando desbordaba algún

establo mal tenido. Echando pestes por el accidente seguía

por la poco poblada ribera del Ebro y, ya junto al viejo casti-

llo, cuya masa negra y pesada y cuya torre dominan la villa,

cruzaba el puente de piedra de macizas columnas que varios

siglos atrás construyó fray Juan de Ortega, el dominico

maestro en el arte de construir, no sin detenerse un momen-

to a ver correr el agua y gozar de su frescura. Así, con mo-

vimiento acompasado, entre mecánico y solemne, llegaba

luego a los mojones que señalan el término de Castilla, a un

tiro de ballesta del puente, para divisar a lo lejos, blanco so-

bre verde, el pueblo de Viana en el recién conquistado suelo

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navarro, o bien, siguiendo con los ojos la tinta clara de los

caminos, surgir lugarejos y caseríos rodeados de huertas, vi-

ñas, vergeles, olivares, prados en que pacían numerosas ove-

jas y el rastrojo de recién segados trigales… Con la indife-

rencia de los hombres de aquel tiempo hacia el paisaje, mi-

rábalo todo distraídamente, abstraído en combinaciones di-

plomáticas, tratando de conjeturar los propósitos del Rey, de

desenredar los hilos de alguna intriga, de urdir tramas para

conquistar a este o aquel valido del soberano; sólo al acer-

carse la hora habitual de volver a casa veía realmente, des-

pertando de su preocupación, las dominantes torres de la vi-

lla, y no sabía a derechas quién le llamaba a comer, si las

campanas o el estómago.

Pero aquel día despertólo de su abstracción, mucho an-

tes del momento acostumbrado, un jinete que pasó al trote

de su caballo, seguido de una especie de escudero con cara

de demonio de auto sacramental. En el primero parecióle re-

conocer a Juan Díaz de Solís, pero no pudo salir de dudas

examinando a su sabor al que pasaba. Sólo alcanzó a ver que

vestía de camino, que el escudero llevaba a la grupa el por-

tamanteo y que parecían llevar gran prisa.

Habré de averiguar, y más bien hoy que mañana, si es

en realidad el tal Juan Díaz – se dijo el embajador –. Si es él,

efectivamente, no cabe duda de que aquí anda de solapa la

mano del Rey… Una de dos: o bien don Fernando, cum-

pliendo lo prometido, le ha hecho suspender el viaje y el

hombre se retira mohino a cuarteles de invierno, o bien le ha

ordenado que apresure la partida, y Solís corre gozoso a em-

barcarse… Una y otra cosa caben en lo posible… pero ¿de

cuál de las dos se trata?… Su Alteza suele no pararse en peli-

llos, y no sería la primera vez que me juega una mala parti-

da…

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Automáticamente volvió sobre sus pasos, renunciando

al paseo.

La casualidad me ha hecho descubrir esta mañana –

pensaba – lo que mis agentes me hubieran comunicado den-

tro de quién sabe cuánto tiempo. Pero ¿qué salimos ganan-

do?… ¡Bah! Lo mejor es apresurarse a comunicar a don Ma-

nuel lo que don Fernando me ha dicho y prometido… Tam-

bién he de hablarle de ese obispillo de Palencia, de ese Juan

Rodríguez de Fonseca de mis entrañas, que por capricho del

Rey tiene en una mano los negocios de las Indias y en la otra

las disciplinas… sí, las disciplinas para los demás. El y Lope

Conchillos me dan muy mala espina. ¿Será cierto, como An-

ríquez me asegura, que el bribón de Solís ha prometido al

otro bribón mitrado de Fonseca, la mitad de lo que logre en

la expedición? Indudable es que el obispo lo apoya, lo mismo

que Lope, y que don Fernando sólo ve ahora con los ojos de

ambos… El Rey decae mucho con su enfermedad; pero mu-

cho… Ya no hace las cosas por sí mismo, como antes; pero

fuerza es decir que antes no las hacía mejores para noso-

tros… Por sí o por no he de decírselo todo a don Manuel, y

hoy mismo, para que él vea y resuelva… Si don Fernando

quiere que se haga el viaje, nada, ni aun su misma palabra,

podrá impedirlo… Pero nada impide, tampoco, que don Ma-

nuel mande vigilar las naos de Solís, para ponerle dificulta-

des y defender nuestros derechos. ¡Nuestros derechos! Pese

a tantos esfuerzos y desvelos todavía no hemos logrado ha-

cerlos reconocer y establecer de manera que no dejen lugar a

nuevas dudas ni puedan originar otras complicaciones… ¡Ah,

si no hubiera muerto doña María! ¡Si los dos Reinos llegaran

a formar uno solo, como estuvo tan a punto de suceder!…

¿Pero, qué remedio ponerle ahora?… Hay que hilar muy fino

y no dormir sino con un ojo, para no perder lo poquísimo

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que se ha ganado… ¡Ah, ese Juan Díaz! ¡Ese Juan Díaz va a

darme todavía más de un dolor de cabeza!…

El jinete era, efectivamente, Solís, quien, después de su

entrevista de la víspera con don Fernando hizo avisar a Die-

go García de Moguer y dijo a Francisco de Torres que en la

tarde del día siguiente deberían reunirse con él en Laguardia.

Iba cargado de papeles, entre ellos una orden de don Fer-

nando para que la Casa de Contratación de Sevilla le entre-

gara treinta y siete mil maravedís como indemnización, y

otra para que el tesorero le devolviese cuanto había adelan-

tado a los marineros a cuenta de salarios y cuanto había des-

embolsado en compras y demás preparativos de viaje159.

Queriendo desvanecer todas las sospechas a que el aplaza-

miento podía prestarse y a las que, tratándose de Solís, mos-

trábanse tan inclinados los oficiales de Sevilla, el Rey ponía

bien de relieve que tenía a aquél por muy buen servidor,

mandaba que se le tratase y considerase como a tal, y añadía

que servirlo era servir a su propia real persona. Y para que

estas inusitadas recomendaciones tuvieran mayor fuerza

aún, don Fernando las reiteraba indirectamente escribiendo

a Solís, entre otras cosas160:

“He mandado suspender el dicho viaje por comunicarlo

con el serenísimo Rey de Portugal, mi muy caro y muy ama-

do hijo, para que se haga de manera que la corona real de es-

tos reinos ni la de Portugal reciba agravio; y porque – ha-

biendo disposición – tengo voluntad que haya efecto, vos

aseguro e prometo que, habiéndose de fazer el dicho viaje,

159 29 de septiembre de 1512; Toribio Medina, p. 98. (N.d.T.a.F.)

160 Toribio Medina, pp. CXCV. (N.d.T.a.F.)

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seréis vos la persona a quien yo lo mandaré encomendar, e

vos será guardado al dicho tiempo todo lo que en el dicho

asiento e capitulación convenido hé, sin ninguna falta.”

En aquella entrevista don Fernando había extremado

con Solís su característica afabilidad, aunque se sintiera muy

molesto a causa de la sofocación que más de una vez le cor-

tó la palabra. Estaban con Su Alteza el obispo de Palencia y

el secretario Lope de Conchillos (y Quintana) para quienes –

como lo pensaba el embajador portugués – no tenía secretos,

ni, a veces, objeciones. Estos dos secretarios, o más bien mi-

nistros, del Rey católico, presentaban marcado contraste,

aunque las maneras de ambos fuesen igualmente frías y me-

suradas. Lope Conchillos, vestido de ropilla y calzas negras,

era de mediana estatura, carirredondo, moreno, de vivaces

ojos pardos, rojizos y abultados párpados que los empeque-

ñecían, pero el conjunto sugería un carácter benévolo si no

débil. En cambio, con su ropaje talar, sencillo como una tú-

nica, don Juan Rodríguez de Fonseca, capellán mayor del

Rey, miembro de su Consejo, y obispo de Palencia – antes

había sido deán de la Catedral de Sevilla, obispo de Badajoz

y de Córdoba, como más tarde lo sería de Burgos, y hasta ar-

zobispo “in partibus” – parecía llevarle más de un palmo, y en

su rostro enjuto, los hundidos ojos negros que fosforecían en

el fondo de sus órbitas violáceas, y los labios delgados y pá-

lidos, apretados mientras no hablaba, hacían ver en él a un

hombre apasionado y sin bondad. Cuando se introdujo al

marino en la sala, el uno se mantenía de pie a la derecha y el

otro a la izquierda del soberano.

Don Fernando, para entrar en materia, dijo a Solís que,

según debía de haberlo visto bien claro, no le era posible re-

nunciar a la proyectada expedición de descubrimiento, ni la

confiaría a otra persona alguna. En seguida, cambiando de

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tono y con cierta irónica ligereza, que sus ahogos hacían pa-

recer sarcástica, agregó que circunstancias muy particulares

– en puridad el deseo y la conveniencia de conservar las me-

jores relaciones con el Rey de Portugal – le aconsejaban pos-

tergar por tiempo indeterminado la realización de empresa

en que tanto empeño ponía.

— Es caso de fuerza mayor o poco menos – agregó sus-

pirando –. Se trata de mi hijo muy amado don Manuel, a

quien como padre debo tratar y satisfacer.

Y como si hablara consigo mismo, murmuró:

— Otros vendrán, y muy pronto, que no habrán de tener

tales reparos…

Profeta fue don Fernando, si se interpretan sus palabras

en cierto sentido, pues su nieto Carlos I de España y V. de

Alemania, no tuvo tantas contemplaciones con Portugal. Pe-

ro no insistió en su profecía, si era tal; pidió a Solís que re-

cordara en sus grandes líneas la capitulación que con él ha-

bía hecho, a fin de dejarla debidamente puntualizada, y

cumplirla en todas sus partes una vez llegado el momento.

El piloto mayor hacía grandes esfuerzos para disimular

la cólera. ¡Sus brillantes esperanzas se desvanecían a punto

de verse realizadas! ¡El artificioso portugués triunfaba ha-

ciéndolo naufragar en el puerto! Tuvo en los labios una mal-

dición para Vasconcelos y su amo, pero se limitó – grave

irreverencia – a golpear el suelo con el pie. Don Fernando to-

leró la falta fingiendo no advertirla, mientras Lope Conchi-

llos trataba de sacar al mareante del mal paso acercándose a

él y murmurándole al oído:

— Tranquilizaos. Todo irá bien.

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El obispo de Palencia que observaba a hurtadillas a Solís

desconcertado y furioso, apretó más los labios en una como

sonrisa y luego intervino también:

— Si lo permitís, Serenísimo Señor – dijo grave y seca-

mente, dirigiéndose al Rey – yo seré quien en pocas palabras

recuerde la capitulación que según entiendo, y es buena re-

petir, sólo queda aplazada por algunos meses.

— Así es – contestó Su Alteza dándole con el ademán la

licencia pedida, para llevar después la mano al pecho ester-

toroso.

— El señor piloto mayor podrá enmendarme, si acaso

yerro… Mas aquí traigo la apuntación de Lope, y es buena

guía – prosiguió el capellán del Rey, árbitro entonces de los

destinos de las Indias Occidentales, pese a que veinte años

atrás hubiera estado a pique de impedir su descubrimiento

tratando de loco a Colón y de locos a cuantos le prestasen

oídos.

Echó una ojeada al papel y continuó con la misma se-

quedad:

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— Juan Díaz de Solís se obliga por el convenio a llevar

tres navíos suficientes para las necesidades del viaje (que se-

rá de descubrimiento y no de conquista, hay que insistir en

ello) a espaldas de Castilla del Oro, donde está Pedrarias

Dávila161, es decir, hacia el mar162 descubierto por Vasco

Núñez de Balboa…

— Eso no debe asentarse – interrumpió el Rey haciendo

un esfuerzo.

— Ni está asentado, Serenísimo Señor – explicó tranqui-

lamente el obispo –. Si lo digo es sólo para memoria, “inter

nos”… Pero si bien el viaje no es de conquista, con tal cláu-

sula no se debe ni se quiere poner impedimento a la toma de

posesión de nuevas tierras o mares, si el caso se presenta, y

para asegurar la prioridad… Uno de los navíos que ha de lle-

var Juan de Solís – siguió cambiando de tono y hablando rá-

pidamente – será de sesenta y los otros dos de treinta tone-

les cada uno. Llevarán en total una tripulación de sesenta

hombres y los mantenimientos suficientes para dos años y

medio de navegación y estadías163. Todo ello a vista y con-

tentamiento de quien Vuestra Alteza disponga.

— Que ha de ser mi contador Juan López de Recalde, de

la Casa de Contratación ¿no es eso? – dijo el Rey.

161 Pedro Arias Dávila, capitán general. (N.d.T.a.F.)

162 Mar del Sur. (N.d.T.a.F.)

163 Proyecto para el 24 de noviembre de 1514; Toribio Medina,

p. 134. (N.d.T.a.F.)

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— Así es, y Vuestra Alteza – prosiguió el obispo – no es-

tará obligado a pagar, ni a la ida ni a la vuelta, sueldos de

gente ni cosa alguna, salvo cuatro mil ducados que la Con-

tratación entregará, a Solís…164

Este, que había recobrado ya su sangre fría, sonrió a su

vez, diciendo con mucha intención:

— Doy por asentado que mi “armador principal”165 – y

recalcó estas palabras – será siempre el mismo gran señor de

quien me ha hablado tantas veces Vuestra Alteza…

— Sí, sí – interrumpió el Rey, algo displicente –. Eso por

sabido se calla.

— Para evitar indiscreciones posibles hasta por parte de

los mismos oficiales de la Contratación – observó Lope Con-

chillos – se establece en la capitulación que ese armador… o

armadores… no sabe ni ha de saber el objeto del viaje… Na-

da se pregunta a quien nada sabe o… pasa por no saberlo…

y mucho menos cuando ese “quien” permanece desconoci-

do.

Don Fernando apoyó con un movimiento de cabeza.

— De todo cuanto Dios nuestro Señor se sirva dar a

Juan Díaz en este viaje – continuó Fonseca – el tercio perte-

necerá a Su Alteza, otro tercio a Juan Díaz y sus armadores,

164 24 de noviembre de 1514; Toribio Medina, pp. 113-115.

(N.d.T.a.F.)

165 Toribio Medina, p. CCXXXV. (N.d.T.a.F.)

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y el último a los hombres que tomen parte en la expedición,

sea como pilotos, sea como oficiales o simples marineros.

— Vuestra Alteza no ha determinado todavía cómo ha-

brá de distribuirse ese tercio – observó Solís.

— Lo repartiréis como os pareciere y lo concertéis con

ellos – contestó don Fernando.

— Su Alteza – prosiguió el obispo – promete no llevar,

aparte de lo dicho, ni el quinto del Rey ni otro derecho al-

guno…

— Fuera de lo que se refiere al armador; eso se halla

tanto más puesto en razón – dijo el piloto – cuanto que este

viaje, si es que llega a hacerse…

— ¡Si que se hará! – exclamó don Fernando.

— … no reportará beneficios, sino a la corona, como

que es de descubrimiento y se hará con tan cortos recursos –

siguió Solís –. Yo voy solamente a abrir un gran camino, que

quizá, no vuelva a emprender más tarde, cuando, una vez

productivo, ya no pueda serlo para mí…

— ¿Qué mercedes queréis que os conceda? – preguntó el

Rey con un asomo de fastidio.

— Bien recordará Vuestra Alteza – replicó Solís – que no

he solicitado merced alguna, ni querido asentar ni capitular

al respecto, pues confío ciegamente en la bondad de Vuestra

Alteza.

— No quedará descontento ni frustrado mi piloto boma-

yor, como no lo quedó hasta ahora… aunque suele dejar ver

que no se contenta con poco.

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El Rey aludía a las muchas mercedes concedidas ya al

exigente Solís, con quien desde un principio se mostró de

excepcional largueza.

— Cumplid vos lo prometido – siguió don Fernando – y

yo os haré dar título de Adelantado, para vos y vuestros su-

cesores, de cuanto descubráis y aseguréis a la corona, como

desde ahora os nombro gobernador y administrador de justi-

cia de esas dichas tierras, de por vida y no más. Y como me

habéis dicho tener gran devoción a nuestro santo patrono el

Apóstol Santiago, volved con bien, y tendréis de mi mano el

hábito de caballero de su orden166.

— Beso las plantas de Vuestra Alteza por tan señalada

merced.

— Otrosí, anotad, Lope Conchillos, que los salarios de

mi piloto mayor se aumentan desde la fecha, en veinticinco

mil maravedís, y hacedlo saber a mi Casa de Contratación.

— Se hará como manda Vuestra Alteza – dijo Lope.

— Pero supongo – observó el obispo – que seguirá qui-

tándose de esos salarios los diez mil maravedís anuales des-

tinados a la viuda de Vespuche167.

— Así es – contestó el rey.

166 Toribio Medina, p. CLXXXI. (N.d.T.a.F.)

167 real cédula del 25 de marzo de 1512; Toribio Medina, p. 55.

(N.d.T.a.F.)

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— Me congratulo con vos – dijo Conchillos a Solís –.

Quedáis en sesenta y cinco mil maravedís al año, lo que os

hace una renta de gran señor.

— De gran señor muy pobre – le murmuró al oído el ma-

reante –. Si sólo eso esperara…

La conferencia duró todavía largo rato, y Juan Díaz de

Solís, tan desabrido en un principio, salió de ella radiante,

corrió a Logroño, y lo preparó todo para partir a la siguiente

mañana.

Y al cruzarse con Vasconcelos a quien, aunque fingiera

no verlo, había reconocido perfectamente, tomaba el camino

del Ebro por cuya orilla derecha siguió a galope, para no de-

tenerse hasta un ventorrillo, a las puertas de Laguardia, en la

carretera de Bilbao. Allí esperó a Francisco de Torres y Die-

go García de Moguer, que no llegaron hasta la caída de la

tarde.

— ¡Pero qué dianche sucede, y adónde vamos por este

rumbo, si se puede saber, vive Diego! – exclamó García, a

quien los viajes a caballo, aunque fueran cortos, tenían la vir-

tud de exasperar, después de haberle molido los huesos.

— ¡Mía fe que estas sofoquinas dan que pensar… y que

rascar! – agregó Francisco de Torres, quien, como buen ma-

rino, andaba tan ricamente con las piernas abiertas, pero

siempre que entre ellas no se hallase el lomo de un caballo.

— Echemos tranquilamente un trago – dijo Solís, invi-

tándolos a entrar en el ventorro –. El hecho es que todo va

mal… y que todo va a maravilla.

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— ¡Entiéndate el diablo! – dijo Torres – Todo va mal y

todo va bien. ¡Conciértame esas medidas!… ¿Qué misterio es

ése y adónde demonches nos dirigimos?

— Por el momento, a Bilbao… Y el misterio está en que

Portugal cree habernos ganado la partida con falsos naipes.

A bien que los nuestros han de tener mayor virtud para el

desquite.

— ¿De modo que corremos así, de improviso, a embar-

carnos para la expedición?…

— ¡Alto!… A embarcarnos sí, mas no para el gran via-

je… Ese es ya otro cantar.

— ¿Por ventura, se le ha llevado el diablo?

— Embatido va, pero no ha zozobrado todavía. Lo pri-

mero será embarcar en Bilbao, a do vamos, para un puerto

cualquiera de Andalucía. Lo segundo, fletar una nao de poco

porte y tomar la derrota de las Canarias.

— Y qué hemos de hacer en esas malditas o afortunadas

ínsulas? – preguntó Francisco de Torres, de peor humor que

antes.

— Vive Diego que como no sea andar a caballo todo irá

bien para mí – dijo resignadamente el de Moguer.

— Basta y sobra con estarse en el potro hasta Bilbao.

— No te irrites antes de tiempo – aconsejó Solís, po-

niendo la mano en el hombro de su cuñado.

Y aprovechando el momento en que García se apartó,

dejándolos solos, el piloto mayor fue más explícito:

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— Lo que hay en suma – dijo a Torres –, es simplemente

que Su Alteza quiere tranquilizar al portugués… La expedi-

ción queda suspendida en apariencia, pero debemos seguir

preparándola bajo cuerda, sin que nadie lo sospeche. Un pa-

seo hasta las Canarias no es cosa; allí o algo más lejos… dis-

pondremos a ciencia cierta lo que hay que hacer, y ese em-

bajador que Dios confunda quedará más confundido cuando

no sepa de mí ni de tí… y probablemente acabará por creer

abandonado un viaje que sólo está suspendido.

— Sí, hasta las calendas.

— ¡No te ahogues en poca agua, mal mareante!… Estoy

seguro de Su Alteza, que me acaba de colmar de mercedes, y

de promesas que esas mercedes afianzan. En cuanto a tí, ten

por cierto tu provecho si quieres servir al Rey y fiarte de tu

hermano…

— Ya sabes cuán poco me agrada andar a ciegas. En fin,

se trata de tí, y tampoco esta vez has de encontrarme reacio.

Pero si me dijeras…

— Nada te diré mientras no llegue el momento. Pacien-

cia y confianza es lo que te pido y lo que en cierto modo me

debes. Llama al buen García. Hemos de cenar y acostarnos

en seguida, para estar frescos mañana y ponernos de un ti-

rón en Vitoria.

Cuando llegaron a Bilbao, después de dos o tres jorna-

das abrumadoras para Torres y sobre todo para Diego García

de Moguer, quiso su buena fortuna que una galeota estuviese

por zarpar para Sanlúcar de Barrameda. Mediante estipen-

dio, el honrado cómitre accedió a transportarlos en calidad

de amigos. Entregaron los caballos a un mesonero, embarca-

ron su poco abultado equipaje, bogaron con brío los galeotes

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y el buen tiempo les acompañó hasta su destino. En Sanlú-

car, Solís dejó a sus compañeros, que tomaron otro camino,

y se dirigió a Sevilla. Estuvo en la ciudad una semana entera,

visitando reiteradas veces la Casa de Contratación. Pasó lue-

go a Lebrija, como para descansar regaladamente con su

mujer y sus hijos, pero a los seis o siete días desapareció de

pronto, sin que nadie supiera su paradero.

El embajador don Juan Mendes de Vasconcelos, muy

alarmado, pedía entretanto con insistencia, a sus agentes de

Sevilla y a cuantas personas hubieran podido informarlo, no-

ticias acerca de dónde estaba y qué hacía el piloto mayor del

Rey, sin descubrirlo en parte alguna. Dijéronle en un princi-

pio que, según los oficiales de la Casa de Contratación, el

mareante estaba haciendo el inventario de su nao Santa Ma-

ría de la Merced, para liquidar las cuentas del suspendido o

abandonado viaje168. Quiso Vasconcelos saber el fondeadero

de la nao en cuestión, para seguir la pista de Solís, pero sus

averiguaciones resultaron inútiles, de la más completa inuti-

lidad. Nunca supo dónde estaban ni el piloto ni la nao, hasta

que, largo tiempo después, apareció el primero tan campante

y tan ufano en la muy leal y muy regocijada villa de la made-

ja.

168 Después de la real cédula del 30 de septiembre de 1512; To-

ribio Medina, pp. 99-100. (N.d.T.a.F.)

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VIII

DESQUITES DE SOLÍS

En aquel caluroso y luminoso día del estío de 1515, en

que el cielo parecía inmensa piedra preciosa, la atmósfera un

hálito de hornalla y el sol esa hornalla misma, tres carabelas

entraron lentamente en el puerto de Sevilla y surgieron fren-

te a la marina, cerca de los dos cuerpos de mampostería y la

maciza mole de la Torre del Oro. El movimiento de la mari-

na, donde galeotes y mozos de la esportilla cargaban víveres

en dos galeras, se hizo más intenso y bullicioso desde que se

avistaron las naves que llegaban de aguas abajo, merced al

golpe de gente curiosa atraída a la ribera por las misteriosas

e imperceptibles señales que llaman a la muchedumbre hacia

donde ocurre algo. Y si del lado de Sevilla zumbaba un en-

jambre apretado y creciente, otro poco menor comenzaba a

agitarse allende el río, ante el miserable pero regocijado ba-

rrio de Triana, cuyas casuchas se agrupaban alrededor de la

antigua iglesia gótica de Santa Ana.

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No faltaban entre el gentío los eternos bien informados

que, desde que el mundo es mundo, gozan y triunfan satisfa-

ciendo la curiosidad ajena. Decían éstos que los tres navíos

acababan de ser armados en Lepe para un largo y azaroso

viaje de descubrimiento y de conquista, y que iban a Sevilla

a cumplir el indispensable requisito de la revisión por los se-

ñores oficiales reales. El destino de las carabelas, según los

informantes oficiosos, era un secreto, sí, pero el secreto a

voces. Iban a las Molucas y a las Indias, a las ricas tierras

que Castilla poseía en mares desconocidos y que el rey Ma-

nuel de Portugal pretendía disputarle sin derecho. La expedi-

ción había estado preparándose años enteros con el mayor

sigilo, para que los portugueses no intentaran ganarle de

mano, patrocinábala gente muy poderosa y muy alta, puede

que el mismo don Fernando, y había de mandarla un ma-

reante de los más famosos.

Alrededor de los voceros – hombres de mar, mercaderes

sin tienda abierta o pícaros abiertamente tales – formábanse

grupos de oyentes, ávidos de noticias, y el vivo decir anda-

luz, chispeante y sonoro, dábales pintoresco relieve. Pero es-

to no absorbía de tal modo la atención que impidiera a los

curiosos seguir con la vista la maniobra de las carabelas, eje-

cutada entre grandes voces y ademanes violentos por la

diestra tripulación. Este interés subió de punto cuando, des-

prendiéndose del costado de la mayor de las naos un batel

cuya caña empuñaba un hombre de cierta edad, se dirigió al

mal ajustado desembarcadero de piedra, al pie de la Torre

del Oro.

— Ese que veis a popa del batel es el capitán. ¡Bravo

mozo, conózcole como a mis manos, aunque él no me co-

nozca a mí, ya se ve… – decía un viejo cuyo oficio confesado

era el de pedir limosna en los portales de la Giralda o de San

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– 293 –

Salvador, comer la sopa boba de los conventos y servir de

gaceta viviente, mientras que los no confesados abarcaban

las más diversas y misteriosas ramas, desde el sonsacar bol-

sas hasta el zurcir voluntades. – ¡Como conocerle – prose-

guía – vaya si le conozco! Sé que es mozo de historia y que

se llama Juan Díaz de Solís por añadidura.

— ¡Quite allá con esas desaborías noticias! – exclamó

una moza de clavel en el cabello y mantón al desgaire. –

¡Quién no sabe en Seviya que es el piloto mayor, nada me-

nos, y que ya ha ido sinfinidad de veces a las Indias y a otras

partes tuavía más lejas!

— ¡Sí, retoño! bien lo has de saber tú – replicó el mendi-

go –. ¡No pasa por la villa bragado que no conozcas y te co-

nozca a fondo, morena!

— ¡Y a mucha honra! – dijo la buena moza, con magnífi-

co desenfado.

— ¡Juan Díaz de Solís, retoño! ¡Piloto mayor, almirante

debía de ser, retoño! Porque en lo de marear no hay quien le

ponga el pie… Y su gente, ¡vamos!, que le lleva en palmitas,

porque es manirroto y no le espanta un buen trago, amén de

ser más justiciero que el mismísimo don Pedro, el de la Padi-

lla… ¡Y de esta vez nos va a traer el oro a espuertas de unas

tierras que él sólo sabe dónde están – que me lo ha dicho

quien puede – así como me llaman Bras, retoño!

Pendiente de sus palabras estaba un desarrapado chi-

cuelo que se había deslizado hasta la primera fila del grupo.

Vestido de harapos y descalzo de pie y pierna, su camisa he-

cha jirones dejaba ver que si el sol andaluz le había curtido y

tostado la cara, y las extremidades, el resto de sus carnes era

naturalmente dorado como la piel de un melocotón. Y cuan-

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do la moza del clavel abría la boca para continuar el donoso

diálogo con el mendigo, metió el rapaz su cucharada pregun-

tando muy suelta de lengua:

— Y díganos el tío Bras, ¿cómo ha de hacerse para ir con

ese almirante?

— ¡Hola, arrapiezo! ¡Conque tú también quieres salir a

descubrir tierras! ¡Véanme vusarcedes la facha del gitanillo!!

¡Quita allá, musaraña, y dile a tu madre que te enjugue la le-

che que te ha quedao en los labios!

— ¡Perdone usiría, abuelo! – exclamó el chico poniéndo-

se en jarras – A sus años ya habrá descubierto vuecencia

más tierras que el mismo Vespuche, y estará en privanza y a

tú por tú con el Preste Juan… Pero por eso mismo bien pu-

diera…

Airado, el viejo alzaba ya la mano para darle un cachete,

cuando se produjo un remolino en la muchedumbre y el mu-

chacho hurtó el cuerpo lanzándose hacia Solís, que en ese

instante saltaba del batel a la marina, seguido por dos hom-

bres, evidentemente de mar, tosco y mal pergeñado el uno,

con trazas de hidalgo aunque también curtido por vientos y

soles el otro. Abrieron calle no tan amplia que no les tocasen

y codeasen los curiosos, ajustó el chicuelo su paso al de los

tres personajes, muy estirado, agradeciendo con la cabeza,

como si le estuvieran dirigidas, las exclamaciones lisonjeras,

cariñosas o chuscas que saludaban a los navegantes. Muchos

formaron también cortejo bullicioso y agitado, sin que los

tres marinos parecieran advertirlo, pues conversando amis-

tosamente entraron en Sevilla por las Atarazanas y se enca-

minaron a la Casa de Contratación de las Indias, instalada en

el Alcázar Viejo. La comitiva se había ido desgranando al sa-

lir de la marina, y al Alcázar sólo llegaron el viejo mendigo,

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la buena moza y el desarrapado mozalbete. Fascinado seguía

este último a los mareantes, y cuando les vio detenerse ante

el morisco portal de la Casa de Contratación, fue a encara-

marse en un poste que frente a ella había y quedó atisbando,

con los dedos en las narices y hechas péndulo las piernas.

— ¿No entras conmigo? – preguntó Solís al de aire hi-

dalgo – Ya estamos frente al cubil de las fieras que rabian

por devorarme.

— ¡Melladas y con dentera! – replicó el otro riendo… –

Diego García y yo vamos entretanto a buscar los pocos

hombres que nos faltan.

— Pues con Dios, entonces – dijo Solís –. Antes de ano-

checer nos veremos a bordo.

— Y allí se sabrá el resultado del encuentro, si han que-

dado las colas para contarlo.

Y mientras Solís entraba en la Casa de Contratación, To-

rres y García echaron hacia la vieja y sucia calle de la Cabe-

za del Rey Don Pedro. El chiquillo, que parecía perplejo al

ver que se separaban, debió resolver sus dudas porque saltó

del guardacantón y se puso en seguimiento de la pareja, re-

doblando con un palitroque en las salientes rejas de las ven-

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tanas. Algún plan tenía, aunque vago, porque hizo una mue-

ca de disgusto al verlos desaparecer en una taberna obscura

y oliendo a vinagre, acostumbrado refugio de marinos sin

embarco.

Desde que había llegado de Cádiz, no sin trabajos y zo-

zobras, pidiendo, merodeando, huyendo de las cuadrillas de

la Santa Hermandad, ora por las carreteras, ora por la orilla

del Guadalquivir, casi siempre a pie, alguna vez en lanchas

acarreadoras de pescado, soñaba sin cesar en las aventuras

maravillosas, de incomparable grandeza, que en Sevilla se

iniciaban para desarrollarse luego en el deslumbramiento de

las Indias encantadas. Tenía forzosamente que encontrar

quien le llevara, como escudero, como criado, como perro

que fuera, al descubrimiento y la conquista de los países del

oro y de la holganza, de donde el más ruin vuelve señor. Y

en el peor de los casos, si no hallaba quien le protegiera, te-

nía decidido deslizarse a hurtadillas en la sentina de cual-

quier carabela pronta a zarpar, y quedarse allí agazapado y

quietecito, pese a la obscuridad, la sed y el hambre, hasta

sentir – y lo sentiría por el movimiento – que la nao navega-

ba en alta mar, lejos de todo puerto, en demanda de las tie-

rras prometidas. La pasión romancesca que dominaba a es-

pañoles y portugueses, mareantes insignes, resueltos aventu-

reros, conquistadores sin aseo y sin entrabas, cundía entre

grandes y pequeños, y hasta los chiquillos soñaban en ser

otros tantos Colones, Corteses169 o Balboas, y llegar a la

grandeza mediante el valor, la audacia y el esfuerzo, sin que

les arredraran peligros y descalabros, que la imaginación no

les pintaba. Y para el infantil conquistador la misma piratería

169 1521. (N.d.T.a.F.)

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era un incentivo más, pues ¿qué sabía ni podía saber de mo-

ral, nacido y crecido vagabundeando en Cádiz, de la Alma-

draba, donde, en su estación, asistía a la pesca de los atunes,

hasta los pozos de la Jara, donde nunca falta bulliciosa y re-

gocijada reunión, de la Caleta al Puerto, del caserío de Hér-

cules a los Arenales de la Isla? Había escuchado y sabía de

coro, en cambio, relatos prodigiosos de viajes y proezas, de

matanzas y crueldades que le encendían y arrebataban el ce-

rebro.

Momentos antes, en la marina, había escuchado ávida-

mente al tío Bras que, con ardorosa exageración, contaba a

la del mantón al desgaire la novelesca historia de Solís, ma-

tador de su primera mujer, allá en Portugal, por celos justifi-

cados, bebedor famoso, piloto incomparable, hombre capaz

de desafiar a la Casa da Guiné y al mismo Rey, como que,

entre corsario y pirata, se había pagado por su mano, apode-

rándose de una carabela portuguesa, los centenares de cru-

zados que se le debían y algo más, como adehala… Y ahora,

el rey Manuel y su embajador le suplicaban de rodillas que

volviese al servicio de Portugal, con rentas de príncipe, y

más privilegios que un potentado… ¡Pero nada! Era mucho

hombre Solís para acudir a tal reclamo…

El chico no sabía leer ni escribir, no discernía entre lo

bueno y lo malo, pero sabía soñar… ¡Oh! No se paraba en

barras, pasaba con la mayor frescura del homicidio a la rebe-

lión, de la rebelión a la piratería, y acababa imponiéndose

por la audacia y el ingenio hasta llegar a las mismas o mayo-

res alturas que Solís… El todo estaba en comenzar.

Estos devaneos formaban aureola a su idea fija de hablar

con los hombres que iban calle arriba, delante de él, cuando

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la desaparición de ambos en la taberna lo hizo despertar de

pronto.

— ¡No tienes suerte, Paquillo! Vamos, que no tienes

suerte! – dijo para sus guiñapos.

Hubiérale sido difícil explicar la causa de su queja, pues

muy bien podía aguardar a los de la taberna hasta que salie-

sen, pero sin pararse en filosofías echó a correr hacia el puer-

to, llamado por el recuerdo del río y las carabelas.

Solís, entretanto, quejábase también mentalmente de su

mala ventura, pues en la Casa de la Contratación sólo estaba

visible Pedro de Isásaga, uno de los oficiales que más encar-

nizadamente le combatían. Hubiera preferido verse ante todo

con el contador López de Recalde, mejor aún con el tesorero

doctor Sancho de Matienzo, en quienes creía tener dos apo-

yos, si no, dos amigos. Pero no se arredró ante un choque

para el que estaba preparado; en la mano llevaba con qué

contrarrestar y vencer la de Isásaga y muy otras animosida-

des. D. Fernando seguía dándole pruebas de confianza, como

si hiciera burla del rey Manuel y de su embajador, y aunque

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este último pareciera haber sonsacado a algunos de los ofi-

ciales de la Casa, tenía más facultades de las que tuvo nunca

otro piloto mayor, precisamente cuando sus disimulados

enemigos querían hacerle sospechoso de inclinación a Por-

tugal, y él solo, con el obispo Fonseca y el secretario Lope

Conchillos, sabía las verdaderas intenciones de Su Alteza. Y

al conocer las antojadizas y quizá interesadas acusaciones de

traición, ¿qué había hecho D. Fernando? Pues encogerse de

hombros, hablar de ello al mismo Solís y luego adormecer a

los oficiales, mandándoles que con el mayor sigilo hiciesen

una información y le elevaran sus resultados… como la otra

vez, cuando el viaje con Yáñez Pinzón.

— ¿Qué buenos vientos traen por acá al señor Joao

Dias? – preguntó al verle Pedro de Isásaga, remedando por

insidia la pronunciación portuguesa.

— ¡Dios guarde a D. Pedro de Isásaga! – contestó Solís,

saludando con exagerada cortesía al pequeño y amojamado

vejete de cara de vinagre –. Estos buenos vientos vienen so-

plando sobre unos pliegos que Su Alteza me ha enviado con

un propio a Lepe, donde alistaba mi nueva armadilla.

— ¡Enhorabuena! – murmuró con displicencia el adusto

oficial, mientras Solís sacaba de la ropilla y blandía como

una espada un rollo del que pendía el sello real.

— ¿Quiere usía – dijo el mareante – pasar vista por

ellos?… Verá que D. Fernando, nuestro señor, sabe hacer

justicia… y no la niega a este humilde vasallo.

Trémula estaba la mano de Isásaga al tomar los pliegos,

pues olfateaba algo muy desagradable. Pero pareció tranqui-

lizarse en cuanto leyó el primero.

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— De esta real orden – dijo fríamente – nombrando pilo-

to mayor interino en ausencia vuestra a vuestro hermano

Francisco de Çoto170, teníamos ya noticia y están tomadas

las disposiciones para cumplir la voluntad de Su Alteza. Sólo

agregaré con el debido respeto que, en opinión de muchos,

Su Alteza pudo poner los ojos en persona de mayores servi-

cios y merecimientos… Quizá se equivoquen, porque en

épocas pasadas tanto D. Fernando como Da. Isabel, que esté

en gloria, tenían acierto singular para los nombramientos.

— Para el de usía, “verbi gratia” – replicó Solís con sor-

na -. Afortunadamente para usía, Su Alteza no sabrá de mis

labios esta glosa de sus reales órdenes… Pero mayor satis-

facción aguarda a usía con la lectura del otro pliego…

A medida que iba leyendo Isásaga cambiaba de color; se

puso amarillo, en seguida verde, incorporándose violenta-

mente en su sitial, y por último exclamó, conteniéndose a

duras penas:

— A fuer de servidores leales de Su Alteza y de guardia-

nes celosos de los intereses del Reino, no hemos merecido,

¡no! no hemos merecido semejante agravio… Pero bien dijo

el latino que Dios ciega a quien quiere perder…

La ira pareció convertirlo un momento de pigmeo en gi-

gante.

— La palabra va sin duda mucho más lejos que la inten-

ción, y tampoco he de repetirla – dijo Solís, tomando con

impertinencia un asiento que Isásaga no le había ofrecido –.

170 24 de noviembre de 1514; Toribio Medina, pp. 130-132.

(N.d.T.a.F.)

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Pero el Rey, nuestro señor, no agravia nunca a nadie, ni veo

que pueda perderse por ordenar que se me trate como me-

rezco y que se me despache con toda premura…

— ¡Si fuera sólo eso! – refunfuñó el oficial mascullando

su cólera.

— ¡Vamos! El resto carece de importancia – exclamó So-

lís con fingida ligereza. – Juan López de Recalde es muy mi

amigo, D. Fernando lo sabe, confía en él y vive Dios que no

se equivoca, al pensar que nadie mejor para ayudarme en

mis preparativos de viaje. Por eso y no por otra cosa manda

que él solo me despache y que me haga llevar “el mayor re-

cabdo posible”171.

Isásaga guardaba silencio tratando de dominarse, y So-

lís, que había hecho una pausa, continuó con travesura:

— Pero no hay que equivocarse cuanto a las intenciones

de Su Alteza… Tan lejos está de menospreciar a los demás

oficiales de la Casa que, si no he oído mal, la real orden ter-

mina recomendando, no al solo Recalde sino a todos, que se

me favorezca con “mucho amor” (y Solís recalcó bien estas

palabras), pues me tiene por buen y leal servidor suyo… Y

eso que está, muy al tanto de lo que murmuran las malas

lenguas sobre las relaciones portuguesas de “Joao Dias”,

como usía dice con tanta sal… Iguales recomendaciones ha-

ce Su Alteza, y muy en particular, al tesorero Matienzo, que

también me honra con su amistad, en un pliego separado

que he de entregarle en mano propia… Si soy indiscreto al

171 “Sin otro recabdo alguno”, 24 de noviembre de 1514; Toribio

Medina, p. 115. (N.d.T.a.F.)

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decíroslo, Dios me lo perdone, pues lo hago solamente por

alegrar a usía…

Solís había ido harto lejos para que el diminuto e irasci-

ble Isásaga no buscara desquite. Y lo encontró en el papel

que seguía examinando, porque tuvo una sonrisa de vinagre

mientras decía con afectada serenidad:

— ¡Ahora, ahora he dado en la clave, y todo me lo expli-

co perfectamente! Su Alteza sabe lo que se hace y toma

siempre sus precauciones. ¡Es mucho Rey el nuestro! Pero

hay que entenderle, y no porque le falte claridad… Aquí leo,

refiriéndose a vos, Joao Dias: “su condición es cual sabéis”.

¡A fe que la sabemos, y harto!… No echéis, pues, tantos hu-

mos por una real orden que, en resumidas cuentas…

— Que en resumidas cuentas – interrumpió violenta-

mente Solís – me libra en absoluto y para siempre de vuestra

jurisdicción, pese a vos, a D. Manuel y a Vasconcelos…

— ¿Habéis bebido Joao Dias? – gritó Isásaga con furioso

menosprecio. – Sólo beodo podéis olvidaros de que, según

las ordenanzas y reglamentos, en toda expedición a las In-

dias han de ir oficiales reales nombrados por nosotros, por

nosotros mismos, y nada más, para que la Casa de Contrata-

ción tenga ojo sobre cuanto se haga, y facultad para impedir

y para castigar los yerros…

— Usía, por lo que se ve, es aficionado a las hablillas y

gusta de darles pábulo – replicó Solís con helada serenidad. –

Habré bebido o no habré bebido, poco importa; en uno u

otro caso no necesitaba la venia de usía… Pero tampoco se

esconderá a la perspicacia de usía que Su Alteza puede muy

bien nombrar a esos oficiales, factores o escribanos, sin el

concurso de la Casa de Contratación…

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— Jamás lo ha hecho…

— Principio quieren las cosas; una vez será la primera…

Y, no lo toméis a mal, don Pedro, esta vez será esa primera

que digo… Mi expedición es harto mezquina, comparada la

importancia de naos y de gente con que otras han partido,

pero Su Alteza espera mucho de ella; no ha querido dejar

nada al azar, y mucho menos al capricho de gente que, no lo

digo por usía, a trueco de hacerme daño no vacilaría en ha-

cerlo al mismo rey en beneficio de Portugal… Lo que falsa-

mente se dice de mi podría decirse con verdad de otros que

se fingen grandes enemigos de don Manuel, para servirlo

mejor.

— ¡Insidias! ¡Calumnias villanas!

— No lo tome usía tan a pecho como si fuera casa pro-

pia.

Don Pedro le miró como si quisiera fulminarlo, y con

perversa intención dijo lenta y sentenciosamente:

— Yo no necesito hacerme perdonar delitos capitales.

— Salimos de la cuestión para volver a las hablillas – re-

plicó Solís impertérrito. – Vamos al grano, y el grano es que

Su Alteza ha nombrado ya contador y escribano de la arma-

da a mi amigo Pedro de Alarcón, y factor a mi amigo Fran-

cisco de Marquina172 gente de insospechable honradez y

lealtad, que no faltaría a ellas por favorecerme, pero tampo-

co por hacerme daño… En fin, que enredos y embustes no

172 24 de noviembre de 1514 i 6 de agosto de 1515; Toribio Me-

dina, pp. CCXXXII, 133, 142-143. (N.d.T.a.F.)

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han logrado engañar a Su Alteza. Bien sabe el rey don Fer-

nando que mientras Vasconcelos y sus paniaguados le quitan

al diablo para ponerme a mí – no lo hacen sino por el men-

drugo, bien lo entendéis, don Pedro – el rey don Manuel, va-

liéndose del mismo Vasconcelos, quiere sonsacarme para su

servicio a fuerza de honores y mercedes, pero que ni lo ha

conseguido ni lo conseguirá, aunque me ofreciese la gloria

eterna…

El avinagrado vejete interrumpió sarcástico, cacareando

las palabras como si riera:

— ¿Es eso… es eso lo que acostumbráis usar como cebo

para pescar mercedes cada vez mayores?… ¡Sí será, sí se-

rá!… “Que el Rey de Portugal me ofrece esto y lo otro!…

¡Que el Rey de Portugal quiere darme mucho más!”… ¡Como

si lo estuviera oyendo!… Y así, así habréis obtenido los lla-

nos de Huerta y Acecal y del Hardal en los términos de Le-

brija173…

— Nada de eso, nada de eso – replicó Solís con toda

tranquilidad, afectando modestia, para devolver la burla con

mayor veneno –. Nuestro señor don Fernando no tolera im-

posiciones y, mucho menos de mí… Pero, aunque yo no lo

merezca, Su Alteza ha dicho bien claro – y aquí mismo, en

Sevilla, están los pliegos – que me hacía esa merced “porque

me ha mucho servido y sirve continuamente, e gastado mu-

cho en una prisión que le fue fecha sin tener él culpa174 – ¡eh,

173 24 de noviembre de 1514; Toribio Medina, pp. CCXL, 121-

122. (N.d.T.a.F.)

174 Toribio Medina, p. 122. (N.d.T.a.F.)

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don Pedro mío! – que le fue fecha sin tener él culpa”. Pero

harto debéis de conocer la carta de Su Alteza al asistente de

esta villa en la que se lee lo que digo…

— Por eso también, y sin pedirlo vos probablemente –

insistió Isásaga con tono despreciativo –, el año antes os hi-

zo merced de los bienes que en Carbonera la Mayor dejó An-

tón de San Gil, después de darse por su mano mala muer-

te175…

— El desdichado se ahorcó, es mucha verdad – contestó

Solís imperturbable –, y Su Alteza, a cuya Cámara y Fisco

pasaban esos bienes, me hizo traspaso de ellos, escribién-

dome, esa vez también, que lo hacía “acatando los servicios

que me habéis fecho y hacéis continuamente”176…

— ¡Pobre (o rico) porfiado!… Y en la porfía llegasteis, no

ha mucho, a pedirle, la mancebía de Segovia177.

— ¿La pretendíais vos también? – preguntó Solís con el

aire más cándido que pudo – Sentiría, de haberla obtenido,

haberos ganado de mano… Porque nada de malo ni deshon-

roso hay en ello. Sé de grandes señores que no tienen reparo

en recibir gajes o rentas de tales casas, de cuyo gobierno

dispone Su Alteza misma, y si yo no obtuve la que solicitaba

175 14 de diciembre de 1513; Toribio Medina, pp. 108-109.

176 Toribio Medina, p. 108.

177 22 de enero de 1514; Toribio Medina, pp. CCXXV-CCXXVI,

111-112), ¡que estaba vaca – exclamó Isásaga, ya fuera de sí –, olvi-

dando el decoro que cuadra a vuestro cargo de piloto mayor!…

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fue simplemente porque la alcanzaría otro más poderoso…

Pero el desengaño no me aflige. El Rey sabrá compensarme

con mayores mercedes, sin que yo tenga que pedírselas…

Ilógico por enfurecido, Isásaga acababa de levantarse

apartando el sitial de un empellón y decía, tartajeando:

— ¡No me explico, sino pensando en vuestros excesos, a

qué me venís con semejantes historias, cuando harto sabéis

que nada tengo que ver en ellas!…

Solís levantóse también, y apoyando una mano en el

respaldo de la silla, mientras con la otra balanceaba acompa-

sadamente su gorro, dijo con tono jovial y como si repitiera

frases aprendidas:

— Si he contado a usía esas historias, mi señor don Pe-

dro, ha sido sólo por demostrar mi gratitud hacia su persona

y hacia la de alguno de sus dignos compañeros de esta Casa.

Tantos servicios habéis, ellos y vos, tratado de prestarme an-

te Su Alteza, tantas recomendaciones de mis humildes pren-

das le habéis hecho, tantas noticias mías habéis llevado a sus

reales oídos, que Su Alteza, convencido al fin de méritos que

me achacáis y que no tengo, viene colmándome de favores, y

no sólo me ha hecho las mercedes que tan puntualmente re-

cordáis, sino algunas otras que no sabéis, como me promete

para el regreso, por su gran liberalidad, honores en que yo

nunca había soñado… ¡Ah! si no fuera por los esfuerzos de

usía y de sus venerables compañeros, puede que Su Alteza

ignorase todavía, mis cortos merecimientos… ¡Pero usía no

ha servido a un ingrato!… Ni a un pesado tampoco… No

quiero seguir molestando a usía… ¡Que Dios os guarde!

La pequeña persona de don Pedro Isásaga cayó desplo-

mada en el sitial, y allí quedó como un guiñapo, sin reco-

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brarse hasta mucho después. Vasconcelos había escrito a

don Manuel que Solís estaba insoportable de orgullo y de

violencia; ¡imagínese lo que, a poder hacerlo, le hubiera es-

crito el de Isásaga!…

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IX

UN ASPIRANTE A LA GLORIA Y LA

FORTUNA

Entretanto, el chicuelo que había seguido a los marinos

estaba ya desde largo rato en el puerto, y, sentado a la som-

bra de un batel a monte, no apartaba los ojos de las carabe-

las que a poca distancia se mecían a impulsos de la corriente

lenta y la brisa frescachona, y de otra nao más lejana, des-

armada y como dormida, sin hacer caso de los grupos de

hombres y mujeres que acudían curiosos a verlas, ni de los

marinos que comentaban su corte y arboladura. Eran los de

las carabelas cascos negros, calafateados con sebo y alqui-

trán, y sus mástiles, asegurados por gruesas trincas, les da-

ban un aspecto de pesadez que no bastaba a aligerar el corte

fino de las obras vivas. Los ojos del chicuelo se paseaban del

castillo de proa al castillo de popa, admirando aquellas altas

construcciones de madera, que se alzaban y sobresalían a

uno y otro lado, con sus grandes tragaluces, y le parecían

espléndidos palacios donde debía pasarse vida regalada

mientras se iba a la conquista de las tierras del oro, las pie-

dras preciosas, los animales extraños, los pájaros multicolo-

res. Después contemplaba embobado los erguidos mástiles,

los intrincados cordajes, las jarcias embreadas, el cabrestan-

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te panzudo, las colgantes y bamboleantes escalas, y cada de-

talle era para él nuevo objeto de religiosa maravilla.

Pocos años habían bastado, después del primer viaje de

Colón, para que se atenuaran, sin desvanecerse por comple-

to, los supersticiosos terrores que en la imaginación medioe-

val infundía aquel Mar Tenebroso, surcado – decíase – por

corrientes bituminosas y saturado de vapores mefíticos que

hacían el aire irrespirable, mientras terribles monstruos ace-

chaban al marinero audaz para devorarlo apenas entrara en

sus dominios.

Ya, cuando se preparaba alguna nueva expedición, los

hombres de mar no corrían a ocultarse donde los agentes del

Rey no pudieran darles caza para el servicio forzoso, ni era

preciso compeler por la violencia a los pilotos para que em-

barcaran, ni reclutar tripulación entre delincuentes, malean-

tes y galeotes. El paseo triunfal de Cristóbal Colón desde Pa-

los hasta Barcelona, donde los reyes le trataron casi de igual

a igual, los cautivos indios vestidos de vistosas plumas, las

pepitas y las arenas de oro, los collares de perlas, los ador-

nos y las joyas de singular riqueza y nunca vista hechura, las

aves que como alhajas vivientes llevaban en el cortejo, todo

esto, agigantándose en la imaginación popular, había cam-

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biado totalmente el viejo concepto del mar misterioso y

amenazador. Los relatos, de por sí jactanciosos, de los ma-

reantes que volvían de las Indias, abultábanse hasta lo fan-

tástico al pasar de boca en boca, y si muchos temían aún,

más que a la muerte, los azares de lo desconocido, en otros

tantos la ambición se sobreponía al miedo, mientras que pa-

ra algunos el peligro era, cuando mucho – si no un incentivo

–, en el caso peor, análogo al que se corre yendo a Oriente

por las vías habituales o navegando por los mares siempre

procelosos del oeste de Europa. No faltaban, pues, volunta-

rios para las nuevas expediciones, y los capitanes podían

elegir a sus anchas entre marinos avezados por largo y rudo

aprendizaje hecho en las audaces flotillas de comercio.

Truncos, pero portentosos relatos de los prodigios que

oculta y defiende el mar, habían llegado, pues, a los oídos del

pequeño y estático admirador de las carabelas, incendiando

su cerebro de trece años, allá en Cádiz y en el Puerto, y lue-

go cuando merodeaba por Triana tomando el sol a orillas del

Guadalquivir, o cuando, en los portales del convento de San-

ta Clara, aguardaba charlando y escuchando a que se asoma-

se el hermano lego con su gran caldero rebosante de bodrio

para los mendigos y trúhanes que iban a solicitarlo a medio-

día. Desde entonces ya no vivía sino con la ambición de lan-

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zarse él también a la conquista lo mismo que la multitud de

hidalgos arruinados, de soldados harapientos, de aventureros

sin escrúpulo que importunaban a los capitanes para que les

llevaran con ellos, hasta el infierno mismo si a mano venía,

siempre que de allí se volviese con rentas. Enérgicos y atre-

vidos, los más enérgicos y atrevidos de España y Portugal,

iban, generalmente, como horda invasora, animada por un

espíritu destructor, a cometer en las Indias atrocidades sin

cuento178 pero también, sin pensarlo, a dejar en ellas la si-

miente del heroísmo y del instintivo empuje hacia un porve-

nir mejor.

El chicuelo, absorto en su contemplación y en sus en-

sueños, pareció despertar de pronto y se incorporó a medias:

dos personas hablaban cerca de él, y su conversación le in-

teresó desde las primeras palabras. Escuchó sin moverse, pa-

ra que no lo advirtieran:

178 Cortez en 1521 y Pizarro en 1531. (N.d.T.a.F.)

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— Esa – decía uno – es la nao capitana. Como ves, lleva

aparejo latino en los dos palos y puede ceñir el viento en

cinco o seis cuartas, lo que, si no navega de conserva, le

permite andar menos que las otras para ir al mismo punto.

Portuguesa es ésta, castellanas las otras – aunque tan caste-

llana sea la primera como las demás: nombres que se les po-

nen. Ahora, mira las dos castellanas, que llevan aparejo mix-

to, con las velas de proa cuadras y las de popa latinas. Pero

el más fino velero es la Portuguesa.

— Por la pinta vas a estar a bordo bien a tus anchas,

Rodrigo – dijo el otro.

— ¡Y tanto! Mejor que en tierra, sobre todo cuando ha

de irse de un galope desde Logroño hasta Bilbao, como tuve

que hacerlo va para tres años, por seguir al capitán… Con-

cluído mi cuarto, y si no hay novedad cuelgo el coy bajo cu-

bierta y duermo a lo lirón, mecido como en la cuna cuando

mi santa madre – para quien yo era hermoso como un angeli-

to, a pesar de la cara que ella y Dios me han dado – me arru-

llaba canturreando entre dientes…

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— Pesadillo será el trabajo…

— ¡Quiá! Harto sabes tú que fuera de las borrascas, las

entradas y salidas de puerto, y el asomar de escollos y rom-

pientes – que entonces hay que tener buenas manos, buenas

piernas y mejores ojos – mayor es a bordo el sosiego que en

la mismísima corte del rey católico, que anda siempre de la

Ceca a la Meca, sin tener la casa debajo, como nosotros. ¡Y

qué siestecicas, y qué veladas, ¿eh?, cuando se soba el naipe

o cuando en corro se cantan los cantares de la tierra y se

cuentan historias espeluznantes que al menos tierno le po-

nen las carnes de gallina!

— Y de lastre para el estómago ¿Cómo iréis?

— Tal cual. No falta carne salada – de buey, de puerco –

cecina, el bacalao, frejoles y otras legumbres secas, bizco-

cho, vino que rasca el tragadero… y todo en abundancia,

hasta matar bien la hambre y la sed, como no venga a ponér-

senos de montera alguna calma chicha que nos deje a media

ración o algo menos179… Lo peor es el agua que en las vasi-

jas o aljibes, y pese a los cuidados, llega a ponerse espesa,

corrompida y salobre… pero a buen hambre no hay pan duro

ni a buena sed agua imbebible… amén de que queda el vino

hasta lo último, verdad?… En resumidas cuentas, más suele

sufrir en tierra firme la pobre gente que en el mar nosotros, y

ellos sin esperanza de mejor fortuna. También en la tierra se

pasan hambres.

179 Para tener idea y comparar; Toribio Medina, pp. 21-23.

(N.d.T.a.F.)

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— ¡Y tantas, señor marinero! – exclamó sin poder conte-

nerse el chico, que se puso en pie echando mano a un guiña-

po que llevaba por birrete.

— ¡Hola!, y ¿de dónde sale, seor renacuajo? – dijo Ro-

drigo, el marinero-escudero de Solís, pues él era uno de los

interlocutores.

— Salgo de una hambre para caer en otra, señor ma-

reante… – contestó con desparpajo el chiquillo.

Viendo que Rodrigo sonreía, con lo que acabó el miedo

que su mascarón hubiera podido causarle, atrevióse a conti-

nuar:

— Si vuestra merced, señor mareante, fuera servido de

decirme lo que debe hacer una “persona” que quiere embar-

carse para ir a descubrir tierras y tesoros, ¡por Dios que se lo

agradecería!

— ¡Voto a tal, y no es chica la desvergüenza del mocoso!

– exclamó el tercer personaje.

— ¡Ah, señor! perdone usía, pero prefiero un palo a que

me den la callada por respuesta… Ya crecería en el viaje, a

poco que durara; y para la buena voluntad no se necesitaban

barbas de cabrón…

— ¡Valiente oruga! – dijo riendo Rodrigo – ¿Cómo te

llamas, Goliás?

— No; Goliás, no, que nada tengo de gigante, sino Fran-

cisco, Paco, Paquillo, Frasco o Frasquillo, como vuesa mer-

ced quiera, que todo eso me dicen, y todo está bien…

— ¿Francisco a secas?

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— Y a mojadas… Eso debe de venir de que no he cono-

cido padre ni madre.

Y como si lo invitaran a hacerlo, el chico, verboso, con-

tó, ceceando:

— Diz – pero debe de ser exageración – que me encon-

traron en un muladar de Puerto Real, junto a Cádiz, envuelto

en un estropajo, que no en mantillas de Holanda, por lo que

se habla de que si soy o no soy hijo de príncipes… Recogié-

ronme unos viejos que pedían limosna, y me la hicieron para

que más tarde les ayudara, pero cuando yo comenzaba a ha-

cerlo de mil amores, porque el suyo no era trabajo muy pe-

sado, muriéronse de las miserias pasadas… Pues allí me crié

yo, más que en tierra en las aguas de la bahía, y hasta ha-

ciendo, alguna vez, oficio de marinero en la Almadraba…

— Medrado marinero…

— Otros hay que… Pero, la verdad, un golpe de remo no

me espanta, y el arráez ha solido encargarme de maniobras

más difíciles.

— ¿Y ahora, creyéndote un lobo de mar, quieres atrever-

te con la charca grande, marinero de agua dulce?

— Salada, y bien salada es la de Cádiz, que en Cádiz es-

tá la sal que Dios crió… Pues, por cruzar esa charca que

usarcé dice, vengo de allí, a pie como un hidalgo, diciéndole

al hombre ¡alante, alante! ¡que allá te aguarda la mesa pues-

ta!… con que ya pueda embarcar en una de estas armadas de

Castilla del Oro o donde sea, tiempo tendré de comer y ahi-

tarme, y ahitar a cuantos se me acerquen… Conque si usarcé

quiere llevarme consigo, yo le serviría de mil amores, y le

bailaría el agua delante, atendiendo antes que al mío a su in-

terés y agasajo…

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— Si tienes tanto arrojo como labia, eres todo un valien-

te, Paquillo – dijo el marinero, divertidísimo con la charla del

rapaz. Y, queriendo seguir la broma –. Pero no puedo servir-

te a medida de tus deseos. En cambio, voy a darte una noti-

cia: aquí justamente viene llegando uno que, si entras en su

gracia, puede hacerte de un soplo jefe o poco menos de la

armada y Adelantado, o cosa así, de alguna tierra que descu-

bramos.

Volvió Paquillo los ojos y vio que hacia ellos se adelan-

taba el más robusto de los marinos a quienes había seguido

pocas horas antes.

— ¿Quién es ese caballero? – preguntó ansioso.

— No es hidalgo – replicó Rodrigo – sino un mareante,

aunque de los mejores. Llámase Diego García y, mereciendo

mandar escuadras, es el que manda a nuestra gente, como

maestre, muy contento de servir al capitán general que, por

su parte, merecería ser rey, cuando menos…

García, apenas estuvo cerca, preguntó con voz de

trueno, y salpicándolo todo en torno suyo:

— ¿Sabéis si se ha embarcado ya don Juan?

— No ha llegado aún – contestó Rodrigo –. Aguardándo-

le estoy con el batel y los hombres, pues he de llevarle a

bordo.

Paquillo, entretanto, miraba a García de hito en hito,

empinándose sobre la punta de los pies y acercándosele co-

mo magnetizado.

— ¡Aparta, arrapiezo! – exclamó el maestre, empujándo-

lo sin rudeza voluntaria, pero con tal dulzura que casi lo echa

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a rodar – ¡Por Santiago! ¿quién me ha puesto en el camino a

este engendro de Belcebú y una gitana?

Conteniendo mal la risa, Rodrigo contó a su jefe las pre-

tensiones del mozuelo.

— Mucho bizcocho has de roer – dijo García encogién-

dose de hombros y volviéndole las espaldas – antes de que

puedas maniobrar una driza, gusarapo… Embarca, Rodrigo,

que yo también he de ir a bordo.

El marinero corrió al batel sin despedirse de su amigo tal

era el imperio de García sobre su gente. El chico, desconso-

lado, vagó por el puerto, y un rato después volvió a sentarse

frente a las carabelas… Su cerebro infantil barajaba entretan-

to las más extravagantes ideas, tendientes todas a hacerse

alistar en la armada o introducirse en ella de solapa, con al-

guna estratagema, hasta que las naos estuviesen en alta mar

y ya no fuera posible desembarcarlo…

Llamóle la atención, de pronto, el interlocutor de Rodri-

go, que no se había movido del sitio en todo ese tiempo, y

habiendo comprendido por su aspecto que era marinero él

también, le preguntó con su habitual desparpajo:

— ¿Y voacé, seor portugués, embárcase con ellos?

— A fe que no faltan ganas… – murmuró el otro – Pero

dí, ¿en qué conociste que soy portugués? ¿En el acento?

— Helo dicho al azar. Bien podríais ser gallego, que oli-

vo y aceituno, todo es uno… ¿Pero, eso os espanta?

— Espántame y no me espanta – dijo el portugués ha-

blando más consigo mismo que con el rapaz –. Los castella-

nos son ahora el diablo para alistar portugueses… Como los

de allá y los de acá, andamos a la greña sobre si esto nos

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pertenece y esto no… Aunque Bofes de Bagazo y ese Diego

García y cien otros sirvieron antes al de Portugal, y hay has-

ta quien diga… No me han de hacer muchos repulgos si ne-

cesitan un hombre resuelto, que sepa darse maña para to-

do…

— Eso creo – replicó el chico por ganarse su voluntad. –

No tenéis facha de ahogaros en una alberca, y con hablarle a

ese Bofes o ese Diego que decís…

— Eso haré, voto a tal, y no más tarde de mañana, o an-

tes, si se presenta coyuntura, que amén de marinero, diestro

soy en entender y hablar jerigonzas y podría serles de gran

servicio…

— Muy sabio se ha de ser para hablar otras lenguas que

la natural – exclamó Paquillo con desmedida admiración. –

Pero decidme, seor marinero, ¿no sabéis, como tan sabio, al-

guna traza que me haga entrar a mí también en la cofradía?

— ¿Como trujamán? A fe de Enrique Montes180 que tiene

gracia el chico… Todavía no se te ha secado el ombligo y ya

quieres…

— ¡Quien habla de trujumanes ni de Dios que lo fun-

dó!… Yo digo de marinero, o de paje, o de grumete, o de

marmitón que sea…

— Eso ya es otra cosa – respiró el portugués como si re-

cibiera humildísima satisfacción –. Pero – agregó al cabo de

un rato – mira esos muchachos de la esportilla que comien-

180 Toribio Medina, pp. CCXCI, CCXCVII, CCCXVII-

CCCXXXVIII. (N.d.T.a.F.)

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zan a llevar matalataje a bordo… Métete entre ellos, haz

como ellos, y si te señalas en la faena, puede que luego el

maestre o el piloto te hagan la merced de tomarte por gru-

mete… mientras no te hacen capitán general, como decía

Rodrigo…

— Si usarced tuviera a bien decir dos palabrillas en mi

favor a ese mi señor don Rodrigo, por cierto tengo que ha-

bría de valerme, y yo rezaría por usarced todos los días de

mi vida, como por el más barí de los hombres.

— Hacerlo he, pero no por tu adulación, sino porque me

pareces listo.

— ¡Dios se lo pagará a usía con las setenas! – gritó el

chico saltando de contento y echando mano al birrete.

En esto estaban cuando los distrajo un gran movimiento

que se producía a la vez en tierra y en la mayor de las cara-

belas, que era una de las dos aparejadas con velas cuadras.

Sacábanla a monte, sin duda para acabar de calafatearla y

carenarla. La maniobra, aunque pesada, no era difícil, pues el

barco, poco cargado aún, tenía a flor de agua gran parte de

la obra viva.

Corrieron ambos para ver de cerca, pero Paquillo no

perdió tiempo, y como no tenía ni esportilla ni cuerda para

hacer de mandadero, ni medios de procurárselas, mezclóse

con los que halaban la nao y se puso a ayudarlos con gran

brío, como si ya perteneciera a la tripulación. Recibiéronle

como a perro en misa, pero demostró tanta buena voluntad y

destreza, que pronto cesaron los reniegos y las maldiciones

de los marineros a quienes en un principio pareciera estorbo

más que ayuda, y encogiéndose de hombros le dejaron, ya

que “lo hacía de comedido y no guájete por guájete como

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ellos”. Rodrigo había vuelto con el batel para embarcar a los

otros marinos en cuanto llegasen, y Enrique Montes se les

acercó al momento, ganoso de acabar de conquistarlo para

que hablase a Solís en favor suyo.

— Lo haré de mil amores – explicó Rodrigo –, pero no

será fácil que te aliste, no sólo por los muchos postulantes

sino, sobre todo, porque la tripulación ha salido de Lepe casi

completa, y los pocos hombres que nos faltaban ya a estas

horas habrán sido apalabrados por el mismo piloto don

Francisco de Torres, o más seguramente por el maestre Die-

go García, que conoce a cuantos han bogado en otras galeras

que las del Rey, y aun en estas mismas. No obstante, ya en-

contraré manera de hablar de tí a don Juan, y le encareceré

muy mucho tus habilidades como lengua, que los trujamanes

no abundan en estas playas y son bien necesarios en las que

vamos a buscar. Diréle que tienes mucho aquel en eso de en-

tender hablas extrañas, en aprenderlas de coro, y en paular y

maular como el más pintado…

Y al descubrir de pronto a Paquillo que sudaba la gota

gorda halando la carabela al par de los marineros, agregó:

— Sin menoscabo de tu interés, también hablaré de ese

chaval. Discreto y decidido, es un hombrecillo que prome-

te…

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X

¡AL AVIO!

Ni Enrique el portugués ni el ambicioso Paquillo, habían

logrado sentar plaza en alguna de las tres naos, que al cabo

de pocos días estaban prontas, llenadas todas las formalida-

des que la Casa de Contratación exigía y con su tripulación

completa. Sólo faltaba volver a botar la latina, puesta a mon-

te, ya carenada, calafateada y lista para navegar.

Contra la opinión de Solís, que opuso muy serias obje-

ciones, los señores oficiales habían mandado que se embar-

caran los bastimentos de la nao antes de ponerla a flote. D.

Pedro de Isásaga y los de su bordo, no pudiendo impedir que

el marino se saliese con la suya, trataban de contrariarlo en

todo cuanto pudieran sin provocar abiertamente el enojo del

Rey, y Solís adujo en vano que, cargando la nave en seco, se

la exponía sin necesidad a muy grave peligro.

— ¿No tenéis tanta prisa? ¡Pues ganad tiempo, qué dia-

blos! – replicábale el minúsculo y avieso oficial, forzado por

sus funciones a tratar con el piloto, muy contra su deseo.

— Presto y bien no se conviene – decía el marino –. Pre-

feriría tardar más e ir más seguro…

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Era el 15 de septiembre181, y Solís contaba zarpar a prin-

cipios de octubre para hallarse en el otro hemisferio en plena

primavera austral.

Aquella mañana todo estaba dispuesto para botar la nao,

ensebadas y enjabonadas las correderas y colocadas las mu-

letas, listos los cables para regular el deslizamiento en la bo-

tadura. Los curiosos hormigueaban, estorbando la maniobra,

pese a los gritos y reniegos del maestre Diego García, y a los

empellones y testarazos de sus hombres. Llegado el momen-

to y a una voz de mando estentórea de Moguer, cortáronse a

hachazos las amarras, el barco pareció vacilar antes de po-

nerse en movimiento, y comenzó a deslizarse lentamente,

acelerando su marcha mientras un cabo regulador no venía a

oponerle pasajero obstáculo. La gente boquiabierta guardaba

silencio, los curiosos observaban, con la ligera emoción in-

separable de estos actos, sabiendo que, pasara lo que pasara,

ya no era posible intervenir. Todo iba bien. Resbalaba el bar-

co, humeaban ligeramente las imadas y las gualderas, crujían

los puntales antes de caer, la redonda popa entraba ya en el

río, cuando se produjo un brusco bamboleo, la nave entró de

golpe en el agua haciéndola saltar como ola que rompe en un

cantil, osciló con violencia y se tumbó, al propio tiempo que

de todas las bocas brotaba un alarido… El agua con sordo

fragor se precipitó a torrentes por todas las aberturas, inun-

dó el casco y lo echó a pique en un abrir y cerrar de ojos. La

carabela, cargada en seco a pesar de las protestas de Solís,

181 de 1515. (N.d.T.a.F.)

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acababa de zozobrar por culpa de “esos señores” de Sevi-

lla182…

El marino parecía desesperado y furioso, y Francisco de

Torres trataba inútilmente de calmarlo. Con ellos se habían

reunido los otros dos pilotos de la expedición, Juan de Lis-

boa183, que debía mandar la carabela perdida, y Rodrigo Al-

varez de Cartaya184, segundo a bordo de la Portuguesa, capi-

tana de Solís. Diego García trataba de explicarle la causa del

desastre.

— ¡Culpa de esos entrometidos de la Casa! ¡vive Diego!

que no saben dónde tienen las narices. ¡Pues no quisieron

ordenar ellos mismos la estiba!… ¡Así ha salido!… ¡Un tro-

piezo en la juntura de la imada, un balance, y la carga entera

mal ordenada se fue a estribor, y con ella el barco al demon-

che!… ¡Malhaya la gente que va do no la llaman y se mete

do no se la necesita!

Corría el maestre del grupo de los pilotos a la orilla del

río, en la que se apeñuscaba la multitud cada vez más densa;

siguióle Solís, logrando a duras penas disimular su furor.

Bien había visto que la catástrofe era irreparable: la nao no

podría ponerse a flote, y con ella se perdían todos sus basti-

mentos. Además del gran perjuicio material, además de la

182 15 de septiembre de 1515; Toribio Medina, pp. CCXLV-

CCXLVI. (N.d.T.a.F.)

183 Toribio Medina, p. CCCXXXVIII. (N.d.T.a.F.)

184 Toribio Medina, ibidem. (N.d.T.a.F.)

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secreta satisfacción de sus enemigos, el marino miraba el ac-

cidente como presagio funesto para su expedición. Y así lo

consideraron muchos.

García daba órdenes a su gente para que tratase de sal-

var algo de lo que estaba a bordo y de lo que, arrebatado por

las aguas, flotaba en el Guadalquivir a merced de la corrien-

te. A los marineros uniéronse voluntariamente el portugués y

Paquillo, impulsados por la misma idea de hacerse útiles.

Montes, embarcado en un batel, pescaba con un bichero

cuanta veía a su alcance, y el chiquillo, insigne nadador, y

buzo de nacimiento, penetraba en la nave sumergida, para

no volver a la superficie, resoplando como una foca, sin traer

algún objeto. Pero los voluntarios no eran ellos solos. Del

gentío vociferante que aumentaba por momento en la marina

y remolineaba como azogado, desprendíanse otros hombres

de buena voluntad cooperando en el salvamento; pero al sa-

lir del agua solían extraviarse, y en vez de depositar lo resca-

tado en el rimero que iba formándose en la orilla, tomaban

distraídamente el camino de la ciudad, felices con aquella

inesperada pesca en río revuelto.

Paquillo, en una de sus buceadas, logró llegar a la cáma-

ra del capitán de la nao en el alteroso castillo de popa que

estaba en parte a flor de agua, y a tientas se apoderó del co-

frecillo destinado a contener los papeles de a bordo, y otros

objetos. Reapareció triunfante, nadó hacia la marina, tomó

tierra y corrió gritando de orgullo a depositar su tesoro. Este

hecho determinó su fortuna. El cofre estaba vacío, pero no

por eso era menos meritoria su proeza. Así lo juzgó el maes-

tre, al verle aparecer como un tritón de bronce, destilando

agua por todos sus harapos.

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— ¡Vive Dios que éste es el gitanillo de marras! – mur-

muró García. Y dirigiéndose al chico: – Búscame más tarde,

arrapiezo. Quizá haya a bordo algo para tí.

El chico se rascó, simultáneamente, la cabeza con la

mano, al no encontrar el birrete que el río se había llevado

como un despojo, y la desnuda pantorrilla derecha con el

descalzo pie izquierdo. Pero no dijo nada. Al oír tamaña

nueva su audacia habitual se convirtió en timidez, y girando

como un trompo sobre el pie derecho lanzóse de carrera ha-

cia la orilla.

Después de tomar las pocas medidas que permitía tan

completo revés, Solís, apartándose del tumulto de la playa,

había ido a dar cuenta del suceso a los oficiales reales, para

retirarse en seguida a bordo de la Portuguesa, y escribir al

Rey deslindando responsabilidades.

En la Casa de la Contratación ya se sabía naturalmente

lo ocurrido. Por lo poco que oyó de boca de Isásaga y alguna

confidencia del contador López de Recalde comprendió el

marino que los oficiales iban a apresurarse a culparlo de im-

pericia, a cargar sobre él el peso de su malquerencia, a acu-

sarlo una vez más de “hombre ligero e inconstante”, a quien no

debía encomendarse nada de importancia.

— ¿Qué contáis hacer? – le había preguntado López de

Recalde.

— Zarpar con lo que resta, como si nada hubiese pasado

– contestó Solís. – No han de poder más esos señores, por

cuya culpa, intencional o no, se malograría el viaje, con gran

satisfacción suya. ¡A pie lo haría, si me faltaran barcos!

— Aguardad lo que Su Alteza resuelva – aconsejó el con-

tador.

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— ¡Sí, pero no sin que yo también diga lo que tengo den-

tro! – exclamó el marino.

Llegado a bordo Solís, encerrado en su cámara, se puso

a escribir febrilmente al Rey. De vez en cuando se interrum-

pía para lanzar una interjección tanto continuaba siendo su

cólera. Después de releer el pliego, serenándose un poco,

atenuó cuanto, por demasiado violento, podría considerarse

falta de respeto al soberano, y lo puso en limpio. Con mayor

libertad escribió también al obispo de Palencia185 y a Lope

Conchillos, cerró y selló las cartas, hizo con ellas un lío y

llamó:

— ¡Eh, Rodrigo!

El asistente apareció como si brotara del suelo:

— ¿Qué manda usía?

— Tienes que hacer una jornada a caballo.

El gesto de Rodrigo lo hubiera afeado más, a ser posible.

— Hay que llevar estos pliegos a Almazán, con toda ur-

gencia, reventando caballos. Aquí tienes dinero. ¡Listo!

— ¡Señor! ¡Son más de cien leguas!…

Solís le miró y sonrió. Sabía cómo manejar a su hombre

de confianza.

— Está bien – dijo –. Busca un hombre seguro que vaya

en tu lugar, pues se trata de algo de mucha monta.

185 Don Juan Rodríguez de Fonseca. (N.d.T.a.F.)

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— ¡Oh, no señor! ¡Yo iré! – exclamó Rodrigo afligido.

— Está bien – dijo –. Busca un hombre seguro que antes

de media hora galoparía por esas carreteras, quejándose y

echando ternos, pero sin detenerse más de lo preciso.

En su carta a D. Fernando, Solís descargábase de toda

culpa en la catástrofe, provocada por los oficiales que no ha-

bían escuchado sus objeciones y previsiones, y decía que só-

lo aguardaba la venia de Su Alteza para zarpar con las dos

naos restantes, aunque esto no dejara de ofrecer sus peli-

gros. A Fonseca y Conchillos les pedía que hiciesen fuerza

con el Rey para que éste le procurara una nave más, en caso

de ser posible, y desahogaba con ellos su ira y su indignación

contra los “señores de Sevilla”. Con esto ya no le quedaba

más que esperar pacientemente la decisión del monarca.

Y gran paciencia tuvo que tener, pues los días se desli-

zaban con lentitud sin otra distracción que las monótonas

conversaciones con los pilotos, siempre sobre lo mismo.

Afortunadamente, una complicación le sacó de su apatía: el

factor y el escribano que habían de ir en la expedición para

fiscalizar sus actos186, y con cuyas buenas intenciones con-

taba, atemorizados por el naufragio de la carabela, echában-

se atrás y pedían que se les reemplazara. Gente de tierra, que

sólo había visto barcos desde la marina, la catástrofe les hizo

darse cuenta de los peligros de la navegación con más efica-

cia que cuantos relatos espeluznantes habían oído. Ya se

imaginaban que la nao se les ponía de montera, y que el mar

se los tragaba de un solo bocado. D. Pedro de Alarcón, el

186 24 de noviembre de 1514 i 6 de agosto de 1515; Toribio Me-

dina, pp. CCXXXII-, 133-, 142-143. (N.d.T.a.F.)

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contador y escribano, hombre de bufete, enflaquecido y des-

colorido por el encerramiento a que sus tareas le obligaban,

taciturno y seco, aunque no de mal carácter, odiaba las mu-

danzas en general, y sólo había aceptado la de aquel viaje

por la tentación del salario crecido, la parte doblada en el

tercio de los beneficios que había de repartirse, y la perspec-

tiva de un mejoramiento al regresar. El factor187 don Francis-

co Marquina, hombre mucho más activo, a pesar de su gor-

dura y rubicundez, era, por el contrario, regocijado y comu-

nicativo, gran conversador, soñaba con aventuras que no

había tenido hasta entonces, y este agregábase para él a las

razones materiales que animaban al contador. El naufragio

de la carabela fue, pues, para ambos chorro de agua que en-

frió sus entusiasmos, ya bastante atenuados por una visita

que habían hecho a la Portuguesa, cuya estrechez falta de

comodidades, si hicieron a Alarcón torcer el gesto, pusieron

a Marquina los pelos de punta. Iban a viajar poco menos que

como sardinas en banasta, y a tan ingrata previsión agregá-

base ahora la imagen del posible, quizá del inevitable nau-

fragio… La mejor sería desistir…

No convenía esto a Solís, que había contado con la bue-

na voluntad y amistad de los dos funcionarios. Un enemigo o

un indiferente, con las mismas atribuciones, podía hacerle

mucho daño y paralizar, o por le menos entorpecer, su ac-

ción en muchos casos: el contador debía tener cuenta y ra-

zón de toda la gente que fuera a bordo y de las cosas de pro-

piedad del Rey, sin exceptuar todas las baratijas que para los

rescates se llevaran; debía fiscalizar los pagos y adelantos

187 Veedor (portugués); Toribio Medina, p. 168. (N.d.T.a.F.)

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que se hiciesen en los puertos y en tierra de Indias, las pre-

sas que se tomaran en mar y en tierra, y cuidar de que el to-

do fuese entregado al factor; podía y debía impedir que Solís

y su gente negociaran con los indios, pedirle cuantas veces

quisiera, el alarde de la tripulación, cuidar de que, hasta en

la misma derrota, el capitán general se ajustase estrictamen-

te a lo capitulado. El contador y escribano resultaba, pues,

otro jefe de la expedición, con más poder que el jefe visible,

si así se le ocurría… El factor, su complemento y sucesor sin

título, podía, en caso de que el otro abusara, ser cómplice u

obstáculo.

¿Cómo logró Solís evitar que Alarcón y Marquina le pu-

sieran en el gravísimo peligro del reemplazo? Sencillamente

haciendo centellear ante los ojos de ambos el favor del mo-

narca, las recompensas cuantiosas, el adelanto seguro, y

mostrándoles, si no complacían al amo, el enojo de éste, su

desvío, su abandono, que significaría, ni más ni menos, la

miseria para la vejez. El miedo al Rey fue mayor que el mie-

do al mar, y Solís pudo decirse que Vasconcelos debería to-

mar de él lecciones de diplomacia.

Esta lucha, en que resultó triunfante, acortó los días de

espera, hasta que, descoyuntado y con los ojos completa-

mente en blanco, llegó Rodrigo Rodríguez188, portador de la

respuesta del Rey. Don Fernando decía en ella a Solís que no

le afligiese la desgracia ocurrida, pero que no realizase tam-

poco su propósito de partir antes de haber completado nue-

188 Antonio Rodríguez; Toribio Medina, p. 169. (N.d.T.a.F.)

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vamente la armada. El tomaría todas las medidas útiles para

que esto se hiciese en breve plazo189.

¿Querría el Rey tranquilizarlo con buenas, pero engaño-

sas palabras, dejando triunfantes a sus enemigos? Al leer lo

que Lope Conchillos le escribía por su parte, cobró un poco

de esperanza. Pero sus dudas no se desvanecieron por com-

pleto hasta que, días más tarde, llegó a su noticia que don

Fernando acababa de enviar una real orden a los oficiales en

la Casa de Contratación poniéndoles poco menos que a las

órdenes de su amigo López de Recalde: les mandaba, en

efecto que siguieran al pie de la letra todas las indicaciones

del contador para que la escuadra de Solís fuera completada

y despachada sin tardanza. En cuanto se refiere al piloto, en-

carecía que fuese “muy bien despachado (…), con el mayor re-

cabdo posible” para su viaje190.

Solís llamó a Francisco de Torres y se encerró con él en

su cámara.

— Trata de saber, sin que nadie se percate – le dijo – el

estado y condiciones de la carabela que desde nuestra llega-

da está en desarme en el puerto. ¿Sabes la que digo?

— No hay más que una, y estoy al tanto de todo – con-

testó el piloto –. Ya, desde el primer momento, pensé en ella.

— ¿Y bien?

189 24 de septiembre de 1515; Toribio Medina, pp. 160-161.

(N.d.T.a.F.)

190 “mejor recabdo que ser pueda”, 24 de septiembre de 1515; To-

ribio Medina, pp. CCXLVII, 158-159. (N.d.T.a.F.)

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— Por ahora ni se mueve ni hay trazas de que se mueva

por mucho tiempo, a menos que… Pues: se halla en muy

buen estado, casi lista para navegar.

— ¿Crees posible fletarla o comprarla?

— Muy posible. Los navieros a quienes pertenece no

tienen flete ni armadores. Se ven forzados a dejarla dormir…

Como la Casa de Contratación pone tantos impedimentos

para los viajes, corren peligro de verla pudrirse…

— ¿Sabes cuánto quieren por ella?

— Puedo averiguarlo.

— Sí, averígualo, pero sin dar la cara. Y asegúrate bien

de que su estado es como dices.

En la carabela sólo faltaban, efectivamente, los elemen-

tos que no se embarcan sino a última hora. Intervino la Casa

de Contratación adelantando a Solís las sumas necesarias, y

los navieros, contentos de vender un barco que sólo gastos

les producía, no se mostraron exigentes. El aprovisionamien-

to de la carabela importó setenta y cinco mil maravedís191,

que la Casa dio en préstamo al piloto, por orden del Rey, y

comenzó a hacerse a toda prisa, bajo la apasionada pero,

¡ay!, inoficiosa inspección de Paquillo, que no abandonaba

un minuto la marina.

Había rodado hasta entonces inútilmente alrededor de

Diego García, quien le intimidaba cada vez más contra todo

lo que hubiera podido esperarse, y que, a pesar de su vaga

191 2 de octubre de 1515; Toribio Medina, p. 169. (N.d.T.a.F.)

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promesa, parecía olvidado de él; y en este vía crucis de pos-

tulante silencioso y tímido, acompañábale a veces el portu-

gués Enrique Montes, afligido por la larga ausencia de su

presunto protector, el mal encarado Rodrigo. El rapaz anda-

ba hambriento y casi desnudo porque ya no hallaba tiempo

de recorrer las plazas en la hora de mercado para ver de co-

brar alguna manducatoria – aunque fuese una tajada de que-

so, un tarazón de pescado, un mendrugo, una berza descui-

dada por la verdulera –, ni a correr a Santa Clara cuando se

distribuye la sopa boba.

Ya estaban haciéndose los últimos aprestos en la nao,

cuando una mañana Paquillo tuvo el valor de la desespera-

ción y se lanzó hacia el maestre que llegaba.

— ¡Señor!… ¡Señor! – exclamó, llevando la mano al ya

vago pero aun tenaz recuerdo del birrete de marras.

Pero cuanto pensaba decir no le salió de los labios afue-

ra.

— ¿Qué quieres, churumbel? – preguntó malhumorado

García.

— Pues… yo… como usía me había prometido.

— ¡Acaba, vive Diego!

— ¡Pues embarcar! – exclamó Paquillo con esfuerzo, pe-

ro con decisión, y en este grito le iba toda el alma.

— ¡Ah, sí! Ahora caigo… Tú eres el mozuelo que nada

como un peje y zambulle como un delfín… Búscame más

tarde, que ahora llevo prisa.

— Lo mismo dijo vuesa merced, y perdone, la tarde del

naufragio… y… ¡hasta ahora!

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En esto quiso su buena suerte que se acercase Rodrigo

Rodríguez.

— ¡Hola, almirante! – exclamó el criado de Solís – ¿To-

davía no se te ha quitado de la cabeza la idea de ser marino?

— ¡Ni se me quitará! – replicó el chico.

— Pues si el maestre quisiera yo te tomaría para ense-

ñarte el oficio.

— Si es sin soldada… – dijo García.

— A poder, pagara yo encima – afirmó el arrapiezo.

— Pues si Rodrigo te toma bajo su protección, y tú tie-

nes tanta voluntad, no hay más que decir, embarca. Serás

grumete en la Portuguesa.

El muchacho lanzó un vítor que era un alarido, y desa-

pareció en una nube de polvo, dándose con los talones en la

cabeza, en dirección a la capitana.

— ¿Dónde va? – preguntó el maestre.

— Es muy listo – contestó el bisojo –. Ya sabrá lo que

debe hacer… Y a buen seguro que no deserta.

Así fue. No pasó mucho rato sin que el novel grumete

volviese donde quedaba Rodrigo, esta vez en compañía de

Enrique Montes. Había corrido a comunicar al portugués que

la mano derecha de Solís estaba en su día de distribuir mer-

cedes. Y Montes quedó enganchado también, porque cuando

zozobró la carabela algunos hombres se marcharon para no

volver, y hacía falta un gaviero. Recomendado por Rodrigo,

el maestre lo tomó sin dificultad.

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El asistente se encargó de presentarlos al despensero

Martín García, que llevaba el rol de la tripulación, y al subir a

bordo decía al mancebo:

— Ahora veremos, chavalillo, si tienes ojos y pies mari-

nos… para lavar la vajilla.

— ¿Cómo te llamas, para poner tu nombre en lista? –

preguntóle el despensero.

— Francisco.

— Francisco, ¿y qué más?

— Francisco a secas; no llevo alcuña.

— Hartos Franciscos hay a bordo – observó Martín Gar-

cía –. Diríase que no hay cristiano que no se llame Francisco.

— Apúntalo como Francisco del Puerto – intervino Ro-

drigo –. En el Puerto Real de Cádiz se hizo el rico hallazgo de

este caballero, y es apelativo que cuadra un gran mareante…

aunque esté en agraz.

— Pues ya está escrito. Francisco del Puerto eres, rapaz.

Conque ya le sabes – concluyó el despensero.

Todo estaba, en fin, dispuesto para la partida, y las agu-

jas de marcar, sacadas de sus bitácoras, las ballestillas o

báculos de Jacob con que se miden los ángulos, y los miste-

riosos astrolabios, que con sus círculos cabalísticos revelan

longitudes y latitudes a quien sabe leer en ellos, fueron lle-

vados a la Contratación para que los pilotos de la casa los

contrastasen y comprobasen su exactitud. Ya sólo faltaba la

orden de levar anclas y soltar amarras.

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Y una hermosa mañana, después de oír devotamente en

la Catedral una misa rezada, todo el mundo volvió a bordo

una hora después de amanecer, aprontándose a la maniobra.

La marina hormigueaba de curiosos que seguían con extra-

ordinario interés todos los movimientos de la tripulación,

marineros que subían y bajaban de los obenques, otros que

voceaban haciendo girar el cabrestante, otros que arrollaban

los cabos o corrían por la cubierta en la aparente confusión y

alboroto del momento de zarpar. Los gritos, las exclamacio-

nes, la charla vocinglera de hombres y mujeres que se arre-

molinaban en tierra sin permanecer quietos un segundo, lle-

gaban hasta las naos como el zumbar de una colmena irrita-

da, y los colores vivos de las ropas, realzadas por el sol na-

ciente que las iluminaba de soslayo, armonizaban de tal mo-

do con aquel rumor, que hombres y cosas parecían de fiesta

para augurar buen viaje a los marinos.

Algunos notables habían acudido a bordo a despedirse

de Solís; de los oficiales, sólo Matienzo y Recalde, sus ami-

gos y defensores, habían querido asistir al comienzo de su

triunfo, y le abrazaron conmovidos. Pero las naos estaban en

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franquía, las velas zapateaban como impacientes por tomar

el viento, y los bateles de los visitantes balanceábanse a la

sombra del casco de las naos. Los que debían quedar en tie-

rra se despidieron por décima y última vez y bajaron a sus

pequeñas embarcaciones, un golpe de timón hizo que las ve-

las cogieran viento, y una tras otra, majestuosa y lentamen-

te, las tres carabelas echaron aguas abajo, seguidas a ambas

orillas del Guadalquivir por los curiosos, que no querían per-

derlas de vista y las acompañaban, tremolando gorros y pa-

ñuelos y ensordeciendo el aire con sus vítores.

Rodrigo Rodríguez, que nada tenía que hacer a bordo

salvo servir a su amo, poco exigente a la verdad, de bruces

sobre la borda miraba a la multitud que iba alejándose y em-

pequeñeciéndose por momentos, y el fugitivo paisaje, amari-

llo de sol. A su lado, ataviado con unas ropas nuevas harto

holgadas, como que eran para un hombre hecho y derecho,

estaba su ya inseparable Paquillo. Al grumete le parecía

mentira la fácil realización de sus ambiciones, olvidando las

hambres y las angustias pasadas hasta que el gran Diego

García, a instancias de Rodrigo, su padrino y futuro maestro,

le hizo la merced de tomarlo a bordo. La satisfacción le pro-

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ducía una congoja, oprimiéndole el pecho casi hasta impedir-

le respirar, mientras que las piernas le bailaban de contento

y sus brazos se agitaban involuntariamente como aspas de

molino saludando todavía a la ya invisible muchedumbre. ¡El

también corría a la conquista del vellocino de oro y no vol-

vería de aquel viaje sino convertido en un señor! ¿No se con-

taba que era Colón casi un mendigo cuando fue a pedir pan

en el convento de la Rábida? Y, a pesar de eso, ¿no había lle-

gado a ser almirante del Mar Océano, visorrey, casi el igual

de Su Alteza en persona? Mucho tuvo que padecer, es ver-

dad, pero vengan males, si han de ser tan ricamente premia-

dos, porque nadie pesca truchas a bragas enjutas…

En estos ensueños estaba Paquillo cuando Rodrigo le

llamó la atención sobre la maniobra: la carabela, que nave-

gaba en punta, daba gallardamente vuelta al recodo del río,

descubriendo por la proa y a corta distancia la villa de Gel-

ves, con sus casitas que semejaban puntos blancos bajo la

vibración del sol. Hacía cerca de dos horas que habían zar-

pado de Sevilla. Una más tarde pasaron frente a Coria del

Río y a la aldehuela de Puebla, que está a su lado. Algo más

allá navegaron lentamente entre marismas cubiertas a tre-

chos de frondosos saucedales, cuyo verde tierno contrastaba

aquí y allá con el obscuro de los hondos navazos, cuyas hor-

talizas de otoño maduraba el sol, ardiente todavía.

Caía ya la tarde cuando llegaron a Sanlúcar y anclaron

en el fondeadero de Bonanza, que está a una legua de la ba-

rra. Hubiérase dicho que todos los vecinos de la risueña villa,

rodeada de hermosos pinares, estaban aguardándolos en la

ribera desde que las naves se hallaron a la vista. Y entre

aquella buena gente no faltaban, por cierto, los perdularios y

vagabundos atraídos y fijados allí por lo que granjeaban

merced al gran movimiento que en el puerto mantenía el

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comercio continuo con Sevilla y la frecuente presencia de las

flotas que iban a las Indias o regresaban de ellas. Solís, más

temeroso de las francachelas que de las deserciones precon-

cebidas, ordenó que no desembarcara nadie, salvo los hom-

bres que él mismo comisionase para ir a tierra. Pero las naos

no tardaron en verse rodeadas de pequeñas embarcaciones y

todo aquel pueblo de marineros pudo charlar a gritos con los

que partían, produciendo disonante y continua algazara que

sólo comenzó a decrecer ya muy entrada la noche. Y, aun-

que no tantos, muchos fueron y vinieron hasta el amanecer

de la costa a las naos.

Roberto J. Payró

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– 339 –

NOTAS DEL TRADUCTOR AL FRANCÉS

Más informaciones i citaciones originales en la edición de “Ides et Autres”:

https://www.idesetautres.be/upload/PAYRO%20MAR%20DU

LCE%20INDICE%20CON%20ENLACES%20INTERNET%2020%

20CAPITULOS.pdf.

Capítulo 1

Gonzalo Fernández de Oviedo (1478 – 1557); Historia general

y natural de las Indias, islas y tierra-firme del mar oceano,

ver:

https://www.wdl.org/fr/item/7331/.

“Bofes de bagazo”, ver p. 25 in Toribo Medina, José, Juan

Díaz de Solís, Estudio histórico, Santiago de Chile, impre-

so en casa del autor, 1897, CCCLII + 252 p. (segundo li-

bro: documentos y bibliografía)

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juand

azdesol00medi/juandazdesol00medi.pdf.

Capítulo 2

Toribio Medina, José; Juan Díaz de Solís. Estudio histórico; op.

cit, CCCLII, 252 p. (segundo libro: documentos y biblio-

grafía) :

Page 340: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

– 340 –

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juand

azdesol00medi/juandazdesol00medi.pdf

Capítulo 3

Toribio Medina, José; Juan Díaz de Solís. Estudio histórico; op.

cit., CCCLII, 252 p. (segundo libro: documentos y biblio-

grafía). Ver + abajo:

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juand

azdesol00medi/juandazdesol00medi.pdf

«texto de la circular, obra maestra de los funcionarios de

aquel tiempo» (Toribio Medina, pp. XXV-XXVI): «publi-

cado por Fernández de Navarrete, Colección de viajes, t.

III, p. 505, y reimpreso por Torres de Mendoza, Colec-

ción de Documentos, t. XXXVIII, p. 347».

Galíndez de Carvajal (1472-1528), cronista. Ver Crónicas de

los Reyes de Castilla: Desde Don Alfonso el sabio hasta los

católicos Don Fernando y Doña Isabel por Cayetano Ro-

sell, Fernán Pérez de Guzmán, Diego de Valera, Diego

Enríquez del Castillo, Fernando del Pulgar, Lorenzo Ga-

líndez de Carvajal, Andrés Bernáldez, Pedro López de

Ayala; tomo 3, page 533 (= Apéndice 2°, Anales breves).

Ver + abajo:

http://bibliotecadigital.jcyl.es/es/consulta/registro.cmd?

id=8333

Page 341: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

– 341 –

Capítulo 4

Toribio Medina, José; Juan Díaz de Solís. Estudio histórico; op.

cit., CCCLII + 252 p. Ver:

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juand

azdesol00medi/juandazdesol00medi.pdf

Capítulo 5

“Bofes de bagazo”, ver p. XXV, en Toribio Medina, José; Juan

Díaz de Solís. Estudio histórico; op. cit, CCCLII, 252 p.

(segundo libro: documentos y bibliografía) encontramos

también cartas del embajador Juan Méndez de Vascon-

celos al Rey Manoel, acerca de Juan Díaz de Solís. Aquí

va el principio de la del 30 de agosto de 1512: (Carta

completa XXX, entre las páginas 85 y 88. Hay otra carta,

XXXI, del 7 de septiembre de 1512, entre las páginas 89

y 98.)

Francisco de Rojas Zorrilla “Del rey abajo, ninguno (y labrador

más honrado)” (o García del Castañar), de (1607-1648):

http: //biblioteca.org.ar/libros/130456.pdf

Capítulo 6

“¿Veis qué buena tela? ¡Tres pares de mangas me lleva gas-

tados!”

Diario oficial de las sesiones de Cortes, 1837, tomo VII, p.

231

Page 342: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

– 342 –

Toribio Medina, José ; Juan Díaz de Solís. Estudio histórico ;

op. cit, CCCLII + 252 p. Voir :

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juand

azdesol00medi/juandazdesol00medi.pdf

« Guicciardini, ambassadeur, à ses mandants de Florence » :

voir Francesco Guicciardini, “Relazione di Spagna Rela-

zione di Spagna” (1513), in Scritti autobiografici e rari, ed.

Roberto Palmarocchi, Bari, Laterza, 1936 :

« Insomma è re molto notabile e con molte virtù, né si

gli dà altro carico, o vero o falso che sia, che di non es-

sere liberale, né bene osservatore della parola sua ; nel

resto si vede tutta costumatezza e moderazione. » (pp.

125-146).

A consultar:

GARGANO, Antonio ; “La imagen de Fernando el Católico en el

pensamiento histórico y político de Maquiavelo y Guicciar-

dini” in La imagen de Fernando el Católico en la Historia,

la Literatura y el Arte (Aurora Egido, José Enrique Lapla-

na Gil eds. ; ISBN 978-84-9911-309-8) ; Zaragoza, Insti-

tución Fernando el Católico (CSIC) ; 2014, pp. 83-104.

http://ifc.dpz.es/recursos/publicaciones/34/22/05gargano.pd

f

Ver también:

GAGNEUX, Marcel ; « L’Espagne des Rois Catholiques dans

l’œuvre de François Guichardin », in André Rochon (éd.),

Page 343: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

– 343 –

Présence et influence de l’Espagne dans la culture italienne

de la Renaissance (Paris, Université de la Sorbonne Nou-

velle ; 1978), pp. 55-112.

LAFUENTE, Modesto; Historia general de España (desde los

tiempos primitivos hasta la muerte de Fernando VII); Barce-

lona; Montaner y Simon editores; 1879, tomo II, cap.

XXVII, p. 416 (nota 5):

http://cdigital.dgb.uanl.mx/la/1080044679_C/1080074653_T

2/1080074653_123.pdf

SANTA CRUZ, Alonso de; Crónica de los Reyes Católicos, in

Juan de Mata Carriazo; Sevilla; Escuela de Estudios His-

pano Americanos; 1951, II, p. 281:

“Y estando la corte en esta villa, por el mes de março, y

el rey don Fernando en Carrioncillo, lugar apartado de

Medina por una legua, deleitoso y de mucha caça, hol-

gándose con la reine Germana su muger; donde como Su

Alteza tuviese tanto deseo de tener generación, princi-

palmente un hijo que heredase los reinos de Aragón, le

hiço dar la Reina algunos potajes hechos de turmas de

toro y cosas de medicina que ayudavan a hacer genera-

ción, porque le hicieron entender que se empeñaría lue-

go. Aunque otros pensaron que les avían dado veneno, o

tósigo.”

Capítulo 7

Toribio Medina, José; Juan Díaz de Solís. Estudio histórico; op.

cit, CCCLII + 252 p. (segundo libro: documentos y bi-

bliografía). Ver:

Page 344: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

– 344 –

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juand

azdesol00medi/juandazdesol00medi.pdf

Ver biografía de Vasco Núñez de BALBOA per Fred

FUNCKEN (ed. de Bélgica, en el N° 38 de “TINTÍN”,

17 de septiembre 1958).

http://www.idesetautres.be/upload/19580917%20BALBOA%2

0FUNCKEN.zip

Capítulo 8

Toribio Medina, José; Juan Díaz de Solís. Estudio histórico; op.

cit, CCCLII + 252 p. (segundo libro: documentos y bi-

bliografía)

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juand

azdesol00medi/juandazdesol00medi.pdf

Obras de referencia:

PARDESSUS, Jean-Marie; Collection de lois maritimes anté-

rieures au XVIIIe siècle; Paris, Imprimerie royale; 1845,

tome sixième, 672. (Tabla cronológica de todos los do-

cumentes: p. 629-638. Índice alfabético: p. 639-671):

https://play.google.com/store/books/details ?id=ZqJLAAAAY

AAJ&rdid=book-ZqJLAAAAYAAJ&rdot=1

Ver capítulo XXXIV, “Droit maritime des provinces mé-

ridionales et occidentales de l’Espagne, situées sur

l’océan”, p. 1-300 (textos bilingües).

Page 345: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

– 345 –

Capítulo 9

“Bofes de bagazo”, ver p. XXV, Toribio Medina, José ; Juan

Díaz de Solís. Estudio histórico; op. cit., CCCLII, 252 p.

(segundo libro: documentos y bibliografía)

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juand

azdesol00medi/juandazdesol00medi.pdf

Ver también: Dictionnaire en images DUDEN français; Barce-

lona ; Editorial Juventud ; 2º ed., 1962, pp. 384-385.

Capítulo 10

Toribio Medina, José ; Juan Díaz de Solís. Estudio histórico;

op. cit., CCCLII + 252 p. (segundo libro : documentos y

bibliografía)

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juand

azdesol00medi/juandazdesol00medi.pdf

Obras de referencia:

PARDESSUS, Jean-Marie ; Collection de lois maritimes anté-

rieures au XVIIIe siècle; op cit. (Tabla cronológica de to-

dos los documentes: p. 629-638. Índice alfabético: p.

639-671):

https://play.google.com/store/books/details ?id=ZqJLAAAAY

AAJ&rdid=book-ZqJLAAAAYAAJ&rdot=1

Ver capítulo XXXIV, « Droit maritime des provinces méri-

dionales et occidentales de l’Espagne, situées sur l’océan »,

pages 1-300 (textos bilingües).

Page 346: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

– 346 –

FUENTES DE LAS ILUSTRACIONES

Introducción

Mapa Mundi de Domingos Teixeira / Carte de Domingos

Teixeira de 1573 (Bibliothèque nationale de France). « À

noter, la projection n’est pas centrée sur l’Europe mais sur la

ligne issue du traité de Tordesillas, celle du traité de Sara-

gosse étant dédoublée, à gauche et à droite de la carte. Ceci

a pour effet de bien montrer le découpage du Monde à parts

égales entre Espagnols et Portugais, dont les blasons respec-

tifs ornent les terres conquises. » (Vivianne Lutun Noz, Pin-

trest.)

Capítulo 1

Mapa del golfo de Paria, NordNordWest (Wikimédia),

https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=4110164

5 Lic. Creative Commons by-sa-3.0de.

Mapa de les viajes de Alonso de Ojeda, 16.02.2013, Taichi

(Wikimédia)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Viajes_de_Alonso_de_Oj

eda.PNG. Lic. GNU Free Documentation License version 1.2.

Capítulo 2

Mapa del mundo de Alberto Cantino, 1502.

Bandera de la “Companhia da Guiné”, Nuno Tavares, s.d.

(Wikimédia). (GNU Free Documentation License, Ver-

sion 1.2 .)

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– 347 –

Capítulo 4

Mapa in Les enjeux de la cartographie, Bibliothèque nationale

de France. Reproducción de la Mapa Mundi de Domingos

Teixeira / Carte de Domingos Teixeira de 1573 (Biblio-

thèque nationale de France). Ver Introduction.

Capítulo 5

Carte d'Amérique divisées en ses principales parties par Guil-

laume Delisle, d'Anville. Rectifiée après les nouvelles

Observations de Jean-Baptiste Bourguignon d'Anville et

autres Géographes ; J. Condet (graveur). À Amsterdam :

Chez Covens & Mortier & Covens Junior, 1744.

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:CartedAmerique.jpe

g

Capítulo 6

Las fotos provienen de « Iconografía de Fernando el Católi-

co », por Enrique PARDO CANALIS (Zaragoza; Institu-

ción Fernando el Católico; 1963,140 p.):

http://ifc.dpz.es/recursos/publicaciones/02/68/_ebook.pdf

Las fotos utilizadas son las números: 21 (p. 79), 25 (p.

83), 31 (p. 89), 45 (p. 103), 47 (p. 105), 67 (p. 125), 73 (p.

131) y 77 (p. 135).

Cuarto del Almirante de la Casa de Contratación:

http://insensateces-de-un-exiliado-cronico.blogspot.be/

Capítulo 7

La Castilla de Oro per “Santos30” (Creative Commons Attri-

bution-ShareAlike3.0Unported license) :

Page 348: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

– 348 –

https://commons.wikimedia.org/wiki/File :Tierra_Firme_Coq

uivacoa.PNG

Retrato de Juan Rodriguez Frayle, anónimo, s.d.

http://www.lablaa.org/blaavirtual/biografias/images/rodrjua

n.jpg

Capítulo 8

Vista de la ciudad de Sevilla, desde el barrio de Triana. A través

del río Guadalquivir llegaba la Flota de Indias, la flota de

galeones que conectaba a la ciudad con los virreinatos ame-

ricanos, El Puerto de Indias, en el siglo XVI albergaba un

gran número de embarcaciones a lo largo del río Gua-

dalquivir, a su paso por Sevilla (la Giralda al fondo, a la

izquierda el puente de barcas y a la derecha la Torre del

Oro), óleo sobre tela, hacia 1576 o 1600, Atribuido a

Alonso Sánchez Coello

https://es.wikipedia.org/wiki/Puerto_de_Indias#/media/File:

La_sevilla_del_sigloXVI.jpg

http://spainillustrated.blogspot.be/2012/06/sevilla-capital-

del-comercio-mundial.html

http://www.elsevier.es/pt-revista-offarm-4-articulo-la-

farmacia-comercio-ciencia-monardes-13096633

¿Por qué Sevilla y no Cádiz?

http://personal.us.es/alporu/histsevilla/sevilla_puerto.htm

Alfonso X construye sus astilleros en Sevilla (1252), photogra-

phia de José Luis Filpo Cabana, mayo 2010 (Wikimédia,

Creative Commons CC0 1.0 Universal Public Domain

Dedication).

Page 349: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

– 349 –

Cuarto del Almirante de los Reales Alcázares de Sevilla, photo-

graphia de CarlosVdeHabsburgo, 10.07.2014. (Wikimé-

dia, Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Un-

ported).

Capítulo 9

Robert Fleury, Joseph Nicolas, Réception de Christophe Co-

lomb (1451-1506) par les rois d'Espagne Ferdinand et Isa-

belle la Catholique a Barcelone en 1493 L'explorateur re-

vient avec des Indiens captifs. (Musée du Louvre.)

The entrance of Hernan Cortés into the city of Tabasco, óleo so-

bre tela, secunda parte del del Siglo 17, anónimo (Wi-

kimédia.)

http://www.kislakfoundation.org/collectionscm.html.

Line art drawing of a galleon. (Archivo de Pearson Scott For-

esman, dados a Wikimedia)

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Galleon_(PSF).png

Ver también Ilustraciones (2) de «cometer en las Indias

atrocidades sin cuento», © Jean TORTON, «La conquête du Pé-

rou».

http://bdoubliees.com/tintinbelge/auteurs5/torton.htm

http://www.galerienapoleon.com/auteur-bande-

dessinee_jeronaton-planche-jean-torton-artwork-bd-comic-

bande-dessinee_fr_49.html

Capítulo 10

Seville Catedral on the Side of the Steps, óleo sobre tela, 1835,

Genaro Pérez Villaamil (Fundación Banco Santander.)

Page 350: La Mer d'Eau douce - El Mar dulce€¦ · Logroño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dialogue entre le chroniqueur et poète Oviedo et son ami Juan Díaz de Solís, chez

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https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Genaro_P%C3%A9r

ez_Villaamil_-_Seville_Catedral_on_the_Side_of_the_Steps_-

_Google_Art_Project.jpg

Les Caravelles en haute mer, después de una acuarela, Raffaele

Monleon, sd, in [libro fuente de la ilustración no men-

cionada]. (Photo Bnmanioc, Wikimédia.)

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:PAP110640106i1.jp

g.

Ver también:

Christophe COLOMB par Fred FUNCKEN: Illustracion de ca-

rabelas per Fred FUNCKEN in “L’Histoire du monde: la

course aux épices” (in TINTIN N° 29,16071958)

https://www.idesetautres.be/upload/CHRISTOPHE%20COLO

MB%20FUNCKEN.pdf (2017).

https://www.idesetautres.be/upload/19560530%20COLOMB

%20FUNCKEN.zip (2011)

Jean TORTON tambien, biografía de Christophe COLOMB :

“Le rêve doré de Christophe Colomb” (in TINTIN

N° 41,1981).

http://bdoubliees.com/tintinbelge/auteurs5/torton.htm

Bob DE MOOR (1925-1992) “Cori, le moussaillon”, (él vivía

cerca de nuestro Centre d’expression et de créativité y nos

había proporcionado una ilustración inédita per « Ides…

et autres » N° 4 (IEA04) :

http://www.idesetautres.be/ ?p=divers&mod=showPicture&id

=1257686604cQLi. jpg)

Integral “Cori, le moussaillon”:

www.bdmust.be

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Ce livre numérique

a été édité par la

bibliothèque numérique romande

https://ebooks-bnr.com/

en mars 2020.

— Élaboration :

Ont participé à l’élaboration de ce livre numérique : Bernard

Goorden (Ides et Autres), Isabelle, Maria Laura, Françoise.

— Sources :

Ce livre numérique est réalisé d’après : Roberto J. Payró, El mar

dulce, roman historique (avec traduction française), Bruxelles, édition

numérique « Ides et Autres », 2016. L’édition BNR est réalisée avec

l’aimable autorisation de Bernard Goorden. La photo de première

page, Anochecer en Colonia del Sacramento, a été prise par Mx Gran-

ger, 12 Septembre 2017 (Wikimédia).

— Dispositions :

Ce livre numérique – basé sur un texte libre de droit pour le

texte espagnol – est à votre disposition. La traduction française de

Bernard Goorden est sous copyright, 2016. Vous pouvez utiliser ce

livre numérique, sans le modifier, mais vous ne pouvez en utiliser la

partie d’édition spécifique (traduction française, notes, présentation

éditeur, photos et maquettes, etc.) à des fins commerciales et pro-

fessionnelles sans l’autorisation de la Bibliothèque numérique ro-

mande et du traducteur (pour la traduction française et les notes).

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Merci d’en indiquer la source en cas de reproduction. Tout lien vers

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