la maladie d’alzheimer, les spécialistes et les débats éthiques sur les tests génétiques -...

26
Sciences Sociales et Santé, Vol. 24, n° 1, mars 2006 La maladie d’Alzheimer, les spécialistes et les débats éthiques sur les tests génétiques Adam Hedgecoe * Résumé. La découverte, au milieu des années quatre-vingt-dix, de l’as- sociation entre l’allèle ApoEε4 et un risque accru de développer la forme tardive de la maladie d’Alzheimer, a été annoncée à l’époque, à la fois dans la presse scientifique et dans les médias, comme un résultat signifi- catif. Pourtant, ceux qui traitent la maladie d’Alzheimer considèrent que cette découverte scientifique est sans intérêt au plan clinique. Cet article montre comment la communauté des spécialistes de la maladie d’Alzheimer en est arrivée à cette conclusion, en analysant le développe- ment d’un consensus contre les tests cliniques de dépistage de l’ApoEε4. L’argument principal de l’article est que, bien que cette opposition soit formulée en termes techniques, il s’agit d’une prise de position éthique qui, en tant que telle, soulève la question des rapports entre experts scien- tifiques, d’un côté, et bioéthiciens de l’autre. Mots-clés : test génétique, éthique, profession médicale, auto-régulation, maladie d’Alzheimer. * Adam Hedgecoe, sociologue, Department of Sociology, University of Sussex, Falmer, Brighton, RU ; e-mail : [email protected] Cet article a été traduit de l’anglais par Guenièvre Callon.

Upload: camiloventuri

Post on 19-Nov-2015

7 views

Category:

Documents


1 download

TRANSCRIPT

  • Sciences Socia les e t Sant , Vol . 24 , n 1 , mars 2006

    La maladie dAlzheimer, les spcialistes et les dbats thiques sur les tests gntiques

    Adam Hedgecoe*

    Rsum. La dcouverte, au milieu des annes quatre-vingt-dix, de las-sociation entre lallle ApoE4 et un risque accru de dvelopper la formetardive de la maladie dAlzheimer, a t annonce lpoque, la foisdans la presse scientifique et dans les mdias, comme un rsultat signifi-catif. Pourtant, ceux qui traitent la maladie dAlzheimer considrent quecette dcouverte scientifique est sans intrt au plan clinique. Cet articlemontre comment la communaut des spcialistes de la maladiedAlzheimer en est arrive cette conclusion, en analysant le dveloppe-ment dun consensus contre les tests cliniques de dpistage de lApoE4.Largument principal de larticle est que, bien que cette opposition soitformule en termes techniques, il sagit dune prise de position thiquequi, en tant que telle, soulve la question des rapports entre experts scien-tifiques, dun ct, et biothiciens de lautre.

    Mots-cls : test gntique, thique, profession mdicale, auto-rgulation,maladie dAlzheimer.

    * Adam Hedgecoe, sociologue, Department of Sociology, University of Sussex,Falmer, Brighton, RU ; e-mail : [email protected] article a t traduit de langlais par Guenivre Callon.

    SSS_03-06 13/03/06 7:53 Page 57

  • 58 ADAM HEDGECOE

    Lors dun entretien avec un gnticien engag dans la recherche surla maladie dAlzheimer, la discussion sest focalise sur un allle appelApoE4 qui, au milieu des annes quatre-vingt-dix, fut invoqu pourexpliquer le risque accru de dvelopper cette affection. Linterview sug-grait que La dcouverte de l(Apo)E4 a constitu un vnement, parceque (cet) allle a rellement t le premier facteur de risque gntique quiait t identifi pour une maladie commune. De plus, ctait le premier tre identifi grce la biologie molculaire. Cest une dcouverte trsrobuste et trs importante. Je pense quune grande partie du dbat pro-pos de son utilisation pour des tests est la consquence enfin, je penseque les peurs sont en grande partie la consquence dun dfaut dinfor-mation. Comme test diagnostique prdictif, ce rsultat est relativementinutile. Et cela tait vident ds le dbut.

    Cet article traite de ce rsultat scientifique remarquable mais sansutilit clinique . Plus spcifiquement, il cherche comprendre commentdes groupes de spcialistes travaillant sur la maladie dAlzheimer en sontvenus, dans le mme temps, accepter ce rsultat scientifique et rejeterson utilisation clinique sur la base de considrations thiques. Ces consi-drations portaient sur les intrts commerciaux de certaines entreprisesdans la promotion du test, les questions dassurance-vie ou dassurance-maladie des personnes, limpact potentiel des rsultats du test sur lesfamilles et lutilit clinique pratique du test. Dans les dbats thiquesautour des tests gntiques, o se font entendre en majorit les voix desbio-thiciens, on oublie parfois que les spcialistes (dans ce contexte, leschercheurs scientifiques et les cliniciens) mnent souvent des discussionsthiques pendant de nombreuses annes avant que les thiciens ne rali-sent quil y a un problme et quils sen emparent. Alors que des recher-ches existent qui se penchent sur la manire dont les spcialistesconsidrent les tests gntiques (Cunningham-Burley et Kerr, 1999 ; Kerret al., 1997, 1998), il manque des tudes de cas dtailles qui explorent lamanire dont les groupes scientifiques dveloppent des conceptionsthiques, les promeuvent et sassurent que leurs rgles sont suivies.

    travers lexploration de cette tude de cas, cet article propose deremettre en cause lide, implicitement soutenue par de nombreux bio-thiciens, que les scientifiques manquent de comptences en matire d-thique et doivent faire appel des experts thiciens pour les conseiller surles comportements adopter. Cette position est rsume par DanielCallahan, cofondateur du Hasting Center, qui suggrait, en 1977 : Lesmdecins veulent prendre toutes les dcisions. Nous, nous leur disonsnon. Il y a des intrts publics qui sont en jeu ici et des principes gnrauxauxquels vous devez vous conformer Vous voluez dans une arne

    SSS_03-06 13/03/06 7:53 Page 58

  • TESTS GNTIQUES ET DBATS THIQUES 59

    publique et vous devez vous soumettre certaines rgles que celavous plaise ou non (cit dans Stevens, 2000 : 52).

    Cet article nentend pas suggrer que les chercheurs et les cliniciensadoptent toujours des comportements thiques. Il vise plutt montrerquil est ncessaire de construire une vision plus complexe et plus nuan-ce de la manire dont les communauts scientifiques rflchissent auxquestions thiques si nous voulons encourager les meilleures pratiques la fois dans lexercice de la recherche et dans lexercice de la clinique.

    Cet article prsente les rsultats dune recherche base sur des inter-views avec des spcialistes de la maladie dAlzheimer (qui se dfinissenteux-mmes comme cliniciens, chercheurs ou chercheurs-cliniciens) et surun bilan approfondi de la littrature sur le sujet. La section suivanteexpose, dans leurs grandes lignes, les lments scientifiques qui sous-ten-dent la dcouverte originale de lexistence dun lien entre ApoE4 et lamaladie dAlzheimer. Suit une analyse dtaille des mcanismes par les-quels la communaut des spcialistes est arrive un consensus thiquecontre les tests cliniques de dpistage de lApoE4.

    ApoE4 et la maladie dAlzheimer

    Lannonce de lexistence dun lien entre la maladie dAlzheimer etlallle ApoE4 parut le 7 juin 1993 la une du Wall Street Journal, sui-vie de trois articles scientifiques. Sous bien des rapports, il sagissait ldune manuvre iconoclaste typique de la part dAllen Roses, le neurolo-gue dirigeant lquipe de luniversit de Duke qui avait dcouvert ce lien.Venant dun autre domaine de recherche, Roses, lorsquil devint chef delunit Alzheimer de Duke au dbut des annes quatre-vingt, tait un out-sider par rapport la communaut des chercheurs spcialistes de la ma-ladie dAlzheimer et fut confront un scepticisme considrable de la partdes autres scientifiques lorsque son quipe commena travailler surlApoE4 (Larkin, 1997 ; Marshall, 1998).

    Lorsque lexistence de ce lien fut annonce, les autres chercheurs nemanifestrent tout dabord aucun soutien. Mais cette premire raction setransforma rapidement, en grande partie parce que de nombreux clini-ciens praticiens qui traitaient des effectifs importants de maladesAlzheimer disposaient directement de rsultats du gnotypage delApoE (Cela eut pour consquence que) de plus en plus de lettresconfirmant lassociation entre ApoE4 et la maladie dAlzheimer com-mencrent paratre dans le Lancet et dans dautres revues durant lan-ne qui suivit la publication (Roses, 1998a : 42-43).

    SSS_03-06 13/03/06 7:53 Page 59

  • 60 ADAM HEDGECOE

    Ds novembre 1993, dans un compte rendu dune confrence parudans Science, lauteur pouvait dclarer avec confiance que ce rsultat ntait pas contest (Marx, 1993 : 1210).

    Ce que Roses et ses collgues avaient montr, cest que les person-nes porteuses dun exemplaire de lallle ApoE4 ( la diffrence de cel-les qui portent des allles ApoE3 ou, plus rarement, ApoE2) ont deuxfois plus de risque (accroissement de 15 % 29 %) de dvelopper la formetardive de la maladie dAlzheimer au cours de leur vie (Nussbaum et Ellis,2003). Leffet de lallle est cumulatif : les porteurs de deux exemplairesde lApoE4 prsentent un risque encore accru. Ce risque se traduit par unavancement de lge du dbut de la maladie : un allle avance le dbutmoyen de la maladie dapproximativement cinq dix ans, tandis que deuxallles lavancent de dix vingt ans.

    En termes dutilit clinique du gnotype de lApoE4, ce qui comptecest le rle que cet allle joue en tant que facteur de susceptibilit de lamaladie dAlzheimer plutt quen tant que facteur causal. Les clinicienset les chercheurs considrent que raliser le gnotypage dune personne devingt ans (ou de toute personne asymptomatique) et dcouvrir quelle pr-sente un risque accru de 15 % de dvelopper la maladie est dnu de sens, la fois pour le patient et pour ceux qui pourraient tre amens le trai-ter. Mais, alors quau milieu des annes quatre-vingt-dix, une quasi-una-nimit se dgageait quant au peu dintrt des tests de dpistage delApoE4 sur les personnes asymptomatiques, un dbat thique animavait lieu sur les autres utilisations cliniques du gnotypage. Il est clairque Roses na jamais soutenu lutilisation des tests prdictifs de lApoE4sur les personnes asymptomatiques : Le gnotypage de lApoE ne per-met pas de prdire exactement si et quand une personne dveloppera lamaladie dAlzheimer Sur ce point, il existe un accord quasiment una-nime dans la littrature (Roses et Saunders, 1997 : 414).

    Mais Roses et un petit nombre dautres chercheurs taient en dsaccordavec la grande majorit des spcialistes de la maladie dAlzheimer quant lutilisation des tests de dpistage de lApoE4 pour ce que lon appelle les diagnostics diffrentiels . Ce que Roses soutient, cest que si le test dedpistage de lApoE4 nest probablement pas un bon moyen de prdire quiva dvelopper la maladie, il est, en revanche, un bon moyen daider un cli-nicien dterminer, chez une personne prsentant des symptmes dedmence, si elle est atteinte de la maladie dAlzheimer ou bien si elle souf-fre dune autre affection plus facile traiter. Dans un article de 1995, parexemple, Roses fait remarquer quenviron 66 % des patients, se prsentant une consultation clinique avec un symptme de dmence, peuvent tre dia-gnostiqus correctement comme tant atteints de la maladie dAlzheimer,tandis quun tiers seraient mal diagnostiqus (Roses, 1995a : 8).

    SSS_03-06 13/03/06 7:53 Page 60

  • TESTS GNTIQUES ET DBATS THIQUES 61

    Si lon introduit le gnotypage dans ce type de situation, alors si lepatient a un gnotype ApoE4/4, la probabilit pour que ce patient ait lamaladie dAlzheimer augmente de 0,94 (i.e. 94 %) De la mme manire,si un patient est ApoE2/3, alors la probabilit quil sagisse delAlzheimer est rduite de moiti ; et la probabilit que la dmence puisseavoir une autre tiologie est double (Roses, 1995a : 10).

    Les confrences de consensus

    Une des raisons pour lesquelles la position de Roses sur lutilisationdu test de dpistage de lApoE4 comme outil diagnostique est resteminoritaire est que, entre 1995 et 1998, ses opposants ont russi forgeret consolider un consensus contre un telle utilisation. Ils y sont parvenusnotamment grce lorganisation dune srie de confrences de consen-sus. Depuis peu, ces confrences suscitent un important engouement,comme moyens permettant au public davoir son mot dire en matire degouvernance de la science (Einsiedel et Eastlick, 2000 ; Guston, 1999 ;Joss et Bellucci, 2002). Mais dans les cercles o se prennent les dcisionspolitiques en matire de sant aux tats-Unis, ces confrences sinscriventdans une tradition plus ancienne. En 1977, les National Institutes ofHealth (NIH) mirent en place un Programme de dveloppement duconsensus (Consensus Development Programme) qui prvoit lorgani-sation de runions dexperts sur diffrents sujets afin de : prvenir la-doption htive ou mme lusage abusif des nouvelles technologies,promouvoir ladoption de technologies prtes tre utilises en clinique,et retirer progressivement les mdicaments, les dispositifs et les procdu-res obsoltes (Jacoby, 1985 : 477) (1).

    Bien quaucune des confrences de consensus Alzheimer/ApoE nefasse officiellement partie de celles organises par les NIH, lune aumoins dentre elles dclare explicitement recourir la mthodologie NIH(Brodaty et al., 1995 : 182), tandis que trois autres ont t finances parles NIH ou lun de leurs instituts (Post et al., 1997 ; Relkin et al., 1996a,1996b ; The Ronald and Nancy Reagan Research Institute, 1998). Parailleurs, toutes adoptent la mme approche pour atteindre un consensus :bilan de la littrature, organisation de runions-dbats et diffusion du rap-

    (1) Pour une histoire de ce programme, voir Mullan et Jacoby (1985) et Ferguson(1996).

    SSS_03-06 13/03/06 7:53 Page 61

  • 62 ADAM HEDGECOE

    port final (2). Tous les membres de ces groupes insistent sur le fait que lesconclusions auxquelles ils sont arrivs ne leur ont pas t imposes delextrieur, mais sont vritablement portes par la communaut des cher-cheurs et des cliniciens spcialistes de la maladie dAlzheimer. La grandemajorit des membres de ces groupes sont des chercheurs ou des clini-ciens. Par exemple, le groupe constitu en 1994 par le Medical andScientific Advisory Committee, Alzheimers Disease International, comp-tait un reprsentant des malades et une infirmire, les huit autres membrestant tous des chercheurs ou des cliniciens. Mme le groupe mis sur pieddans le cadre du Stanford Program in Genomics, Ethics and Society, donton aurait pu penser quil privilgierait les thiciens, tait en fait dominpar les experts de la maladie. Sur ses trente-huit membres, vingt et untaient chercheurs ou cliniciens, sept thiciens, les autres tant des cher-cheurs en sciences sociales (quatre), des juristes (trois), des reprsentantsde malades (deux) et un administrateur de sant.

    Bien que les confrences de consensus soutenues par les NIH soientinfluentes et soient, parfois, dune qualit remarquable, il existe des rser-ves trs importantes sur cette mthode comme moyen de rguler la pra-tique mdicale. Au cur de ces rserves se trouve la question de la naturemme du consensus et sa relation avec lentreprise scientifique. Commele dit un critique, la plupart des explorations de la nature nauraient pasvu le jour si les scientifiques, les navigateurs ou les alpinistes avaient tenucompte des conseils des confrences de consensus (Rennie, 1981 : 666).

    ce point de vue fait cho un dfenseur de la position de Roses : Interroger un groupe de personnes dans la rue est la manire dont nouseffectuons des sondages pour les hommes politiques ; nous ne faisons pasla mme chose pour la mdecine (CR 12) (3).

    En 1995, parurent les rapports de deux de ces runions, le premierissu de la runion commune aux deux groupes de travail de lAmericanCollege of Medical Genetics et de lAmerican Society of Human Genetics(AMA/ASHG) (4) sur lApoE et la maladie dAlzheimer, et le deuxime

    (2) Cette liste exclut lAlzheimers Disease Genetics Consortium, localis auRoyaume-Uni, qui a tenu des runions annuelles pendant un certain nombre dannespour dbattre de ces questions. Il ne se conforme pas au modle de la confrence deconsensus unique qui produit un rapport mais fait plutt paratre une srie de lettresdans des revues spcialises du domaine, qui prsentent lvolution de lopinion dugroupe (Tunstall et Lovestone, 1999).(3) CR 12 signifie quil sagit de lentretien men avec le clinician-researcher n12(NDLR).(4) LAmerican College of Medical Genetics est une branche de lAmerican MedicalAssociation (AMA) (NDLR).

    SSS_03-06 13/03/06 7:53 Page 62

  • TESTS GNTIQUES ET DBATS THIQUES 63

    du Medical and Scientific Advisory Committee of Alzheimers DiseaseInternational (ADI), lorganisation qui fdre les associations Alzheimerdans le monde entier. Ces deux rapports, comme tous les rapports deconsensus traitant de ce sujet, dsapprouvent lutilisation du test de dpis-tage de lApoE4 comme test prdictif pour des populations asymptoma-tiques. En outre, aucun des deux ne plaide en faveur de lutilisation de cetype de test pour raliser des diagnostics diffrentiels visant discriminerdiffrentes formes de dmences. Larticle commun dAMA/ASHG sug-gre que lutilisation du gnotypage de lApoE comme test diagnostiquepourrait ne pas tre aussi avantageux ou rentable que cela a t suggr(rf. Roses, 1995a) Tant que des tudes appropries ne sont ralises,les valeurs de la sensibilit, de la spcificit et du pouvoir prdictif delhomozygotie de lApoE4 restent prciser (Farrer et al., 1995 :1628).

    LADI dclare pour sa part que jusqu aujourdhui, les tudessuggrent que les chiffres de sensibilit et de spcificit sont trop bas pourpermettre dutiliser 4 comme test diagnostique : dune part, il y a unnombre significatif de patients nayant pas dallle 4 ; dautre part, il ya un nombre significatif de personnes appartenant des groupes decontrle qui sont porteurs dun allle 4 (Brodaty et al., 1995 : 184).

    La formulation suggre clairement, dans les deux cas, que ces posi-tions pourraient tre modifies la lumire de nouvelles preuves, parexemple, de rsultats fournis par des tudes donnant des chiffres plus pr-cis de sensibilit et de spcificit.

    Bien que le groupe de consensus commun au National Institute OnAging et lAlzheimers Association se soit runi en 1995, les rapports decette runion ne furent publis que lanne suivante (Relking et al., 1996a,1996b). linstar de tous les groupes de consensus et de tous les expertsindividuels, ce groupe rejette lutilisation du test prdictif pour des per-sonnes asymptomatiques. Cependant, contrairement aux deux rapportspublis en 1995 et cits prcdemment, ce groupe se montre plus positifvis--vis de lutilisation du test pour les diagnostics diffrentiels. De la-veu gnral, cette question est, comme le rapport dans sa version intgralele dit avec diplomatie, une source de dbat anim et est susceptible deprovoquer une controverse soutenue dans le futur (Relkin et al., 1996a :156).

    Lors de la runion qui sest tenue en octobre 1995, certains parti-cipants exprimrent leur scepticisme quant lintrt de ce test qui, seloneux, ne fait que confirmer ce que lon peut savoir, avec un degr de certi-tude relativement lev, par les mthodes traditionnelles dvaluation.Les autres pensaient quil y a peu de raisons de rechercher une certitude

    SSS_03-06 13/03/06 7:53 Page 63

  • 64 ADAM HEDGECOE

    accrue dans le diagnostic en labsence dun traitement efficace contre lamaladie dAlzheimer.

    Une des consquences de cette diversit dopinions est que legroupe de travail NIA/AlzA recommanda que les mdecins se sentent li-bres dutiliser ou non le gnotypage de lApoE comme un outil compl-mentaire des autres tests diagnostiques (Relkin et al., 1996a : 159), touten avertissant dans le mme temps que toute amlioration de lexacti-tude du diagnostic permise par le gnotypage de lApoE utilis conjointe-ment avec les autres tests de dmence doit tre mise en balance avec lespossibles effets ngatifs de la rvlation des rsultats du gnotype (Relkin et al., 1996b : 1092-1093).

    Le lien apparat ici clairement entre les tests diagnostiques de dpis-tage de lApoE4 et les questions thiques ; bien que le dbat soit formulen termes techniques de sensibilit, de spcificit et dutilit du test pourles cliniciens, transparat galement le thme sous-jacent du risque moraldu gnotypage de lApoE. Cest seulement parce que le groupe ne parvintpas un accord sur le test de dpistage de lApoE4 quil prit la dcisionden dlguer la responsabilit au clinicien individuel.

    Le groupe de consensus, organis en 1997 et soutenu par le NationalHuman Genome Research Institute et les NIH (NHGRI/NIH), adopta unpoint de vue exactement oppos face un dsaccord interne semblable. Lerapport de cette confrence suggrait que, puisque les experts de notreGroupe national dtude ne peuvent se mettre daccord sur lutilit dia-gnostique du test ApoE, nous devons dire que lApoE ne peut pas encoretre considr comme un lment de lvaluation diagnostique de ladmence pour les mdecins dispensant les soins de base (Post et al.,1997 : 834).

    Plutt que de laisser les cliniciens faire leurs propres choix commelavait dcid le groupe NIA/AlzA, le groupe NHGRI/NIH prit la dcisionoppose, considrant que les dsaccords entre les experts ncessitent quedes preuves supplmentaires soient apportes pour trancher les controver-ses. Pourtant, et la diffrence des prcdents groupes de consensus, legroupe de 1997 eut accs des travaux publis fournissant les chiffresexacts de la sensibilit et de la spcificit du test de dpistage de lApoE4dans les diagnostics diffrentiels (Saunders et al., 1996). Le groupe admetdailleurs que ces travaux suggrent une exactitude raisonnable de cesdiagnostics , mais poursuit en soulignant que les applications diagnos-tiques des tests de dpistage de lApoE4 sont actuellement en dbat (Post et al., 1997 : 834).

    Ce rapport cite ensuite un ditorial des Annals of Neurology, crit en1995 par Thomas Bird, qui suggre que les chiffres avancs par Rosessont, pour la plupart, des estimations approximatives et qu on a

    SSS_03-06 13/03/06 7:53 Page 64

  • TESTS GNTIQUES ET DBATS THIQUES 65

    cruellement besoin dinformations supplmentaires, (que) ces informa-tions sont en passe dtre obtenues et (qu)il ne fait aucun doute quelleschangeront notre point de vue sur ces questions au cours des prochainesannes (Bird, 1995a : 2 et 3).

    Press par des dfenseurs de la position de Roses (Kakulas et vanBockxmeer, 1995), Bird prcise que ses doutes concernant les tests dedpistage de lApoE4 sappliquent au court terme : Actuellement, legnotypage de lApoE na pas dusage clinique pratique pour le diagnos-tic de la maladie dAlzheimer Il y a des faux positifs et des faux nga-tifs, et donc un facteur derreur. Aujourdhui, lampleur exacte de cefacteur derreur nest pas connue dautres tudes et des donnes sup-plmentaires rsoudront ce problme dans un avenir relativement pro-che (Bird, 1995b).

    Par la suite, Roses et ses allis ralisrent des tudes rtrospectivessur des populations dont lautopsie avait confirm quelles taient attein-tes de la maladie dAlzheimer, ce qui donnait une base pour mesurer lafois la sensibilit et la spcificit des diagnostics diffrentiels ApoE. Dansun article de 1996, le groupe de Roses prsentait le suivi de soixante-septpatients probablement atteints dAlzheimer ; lautopsie dmontra quecinquante-sept dentre eux taient rellement atteints de maladiedAlzheimer. Dans cette tude, la sensibilit du test de dpistage delApoE4 ntait que de 75 %, ce qui signifie que, si le diagnostic ntaitbas que sur le statut 4, on passerait ct de 25 % des malades atteintsde maladie dAlzheimer. Quant sa spcificit, elle tait de 100 %, cest--dire quaucun des dix patients diagnostiqus atteints de maladiedAlzheimer sur la base des valuations cliniques mais dont lautopsie amontr quils ne ltaient pas, ne portait un allle 4 (Saunders et al.,1996 : 91).

    Voil exactement le type de donnes que Bird appelait de ses vuxdans son ditorial de 1995. Il est alors curieux que le groupe NHGRI/NIHde 1997 ait considr que les prises de position de Bird affaiblissaientdune manire ou dune autre la porte des donnes nouvellement dispo-nibles sur la sensibilit et la spcificit du test ApoE. Il pouvait, en effet,tre lgitime pour lAmerican College of Medical Genetics et lAmericanSociety of Human Genetics de souligner, dans leur publication conjointede 1995, le besoin d tudes appropries (sur) la sensibilit exacte, laspcificit et le pouvoir prdictif de lhomozygotie ApoE4 (Farrer et al.,1995 : 1628). Mais, suggrer, comme le fit le groupe NHGRI/NIH de1997, qui crivit deux annes plus tard, cest--dire aprs que ces donnesfurent devenues disponibles, que des tudes empiriques supplmentairesdevraient clarifier la question (Post et al., 1997 : 834), ressemble plutt une manire de se dbarrasser du problme.

    SSS_03-06 13/03/06 7:53 Page 65

  • 66 ADAM HEDGECOE

    Lanne 1998 vit paratre deux rapports de consensus trs diffrents.Le premier manait du Ronald and Nancy Reagan Research Institute ofthe Alzheimers Association et du National Institute on Aging. Ce groupe,dont Allen Roses tait membre, soccupait dun large ventail de mar-queurs biologiques de la maladie dAlzheimer. Lorsquil fut question delApoE, cette dclaration de consensus nota simplement que les tests dedtection de lApoE4 sont appropris lorsquils viennent en complmentdun diagnostic clinique conduisant suspecter la prsence de la ma-ladie .

    Et le rapport ajoutait que la sensibilit et la spcificit de lallle4 tant basses, celui-ci ne peut tre utilis comme le seul test diagnos-tique de la maladie (mais) lorsquil est utilis conjointement avec desvaluations cliniques conventionnelles la prsence dun allle 4 peutaugmenter dau moins 5 % 10 % lindice de confiance dans le diagnos-tic de la maladie dAlzheimer (groupe de travail de The Ronald andNancy Reagan Research Institute of the Alzheimers Association et duNational Institute on Aging, 1998 : 112).

    Le second rapport de consensus publi en 1998 fut produit par leStanford Program in Genomics, Ethics and Society. Ce groupe, composde cliniciens, de scientifiques et de bio-thiciens, suggre que lutilisationdu gnotypage de lApoE dans les diagnostics cliniques ne devrait pastre encourage. Le statut ApoE seul ne permet pas dtablir un diagnos-tic. En effet, une tude rcente a montr que le gnotypage de lApoE nestutile que lorsquil est appliqu des personnes qui ont t diagnostiquespar valuation clinique comme tant probablement atteintes de la maladiedAlzheimer (rf. Mayeux et al. 1998). La prsence chez ces patientsdun allle 4 accrot la confiance dans le diagnostic clinique, bien quelabsence dun allle 4 nexclut pas la maladie (McConnell et al., 1998: 758).

    Ainsi, contrairement au groupe de 1997, le rapport Stanford recon-nat bien que des recherches sur la sensibilit et la spcificit du gnoty-page de lApoE ont t conduites. Larticle quils citent (Mayeux et al.,1998) prsente des travaux ultrieurs ceux dAllen Roses et de ses col-lgues sur 1 833 patients. Ces travaux ne permettent pas de conclure quele test ApoE amliore ncessairement la faible spcificit des critres surlesquels repose le diagnostic clinique. En revanche, ils montrent que,lorsque le test ApoE est utilis une fois que les patients ont t valusatteints de maladie dAlzheimer sur la base de ces critres cliniques, alorsle test amliore de manire significative la spcificit des diagnosticscliniques (ce qui) implique que le gnotypage de lApoE devrait trerserv aux patients qui satisfont aux critres cliniques de la maladiedAlzheimer (Mayeux et al., 1998 : 509).

    SSS_03-06 13/03/06 7:53 Page 66

  • TESTS GNTIQUES ET DBATS THIQUES 67

    Mais, bien que le rapport Stanford 1998 accepte que le gnotypage delApoE, lorsquil est utilis titre complmentaire, accrot effectivement laconfiance dans le diagnostic (encore que ce soit dun faible degr), ilaffirme galement que cela ne justifie pas toutes les sujtions qui sont liesaux tests comme, par exemple, la divulgation dinformations susceptiblesdtre mal interprtes par les membres de la famille ou encore la gnra-tion de cots sociaux et psychologiques importants (McConnell et al.,1998 : 759). Sagissant des tests diganostiques de lApoE4, les bnfices,conclut le rapport, ne lemportent pas sur les cots.

    Ainsi, ds 1998, un consensus tait fermement tabli. Comme le ditlAmerican Academy of Neurology, lusage de routine du gnotypage delApoE chez des patients avec suspicion de maladie dAlzheimer nest pasrecommand lheure actuelle (Knopman et al., 2001 : 1149).

    Cette contre-indication ne concerne pas uniquement les tests prdic-tifs, mais galement les tests de diagnostics diffrentiels que Roses soute-nait, le comit dthique de lAmerican Geriatric Society considrant quele gnotypage de lApoE est discutable , la fois comme test diagnos-tique et comme test prdictif : lheure actuelle, le rle des tests gn-tiques pour la prvention, le diagnostic et le traitement des formestardives des troubles est incertain les mdecins ne doivent pas prescriredes tests gntiques en routine pour les formes tardives des troubles (Comit dthique, AGS 2001 : 225).

    Proccupations thiques

    Les confrences de consensus ont fourni la communaut scienti-fique des spcialistes de la maladie dAlzheimer des moyens de dbattre delusage clinique des tests gntiques. Bien que les objectifs de la plupart deces runions, ainsi que la nature de laudience, conduisent une focalisa-tion des discussions sur les questions techniques poses par le gnotypagede lApoE, en pratique, ces questions ne peuvent tre spares des proc-cupations thiques qui accompagnent cette nouvelle technologie. En 1994,un ditorial de la revue Geriatrics lance un appel aux armes, article cit aumoins deux fois dans les deux dclarations de consensus suivantes commepoint de dpart de la rsistance des spcialistes (5), et exprime des proc-

    (5) The Consensus Group Supported By The National Human Genome ResearchInstitute And The National Institutes Of Health (Post et al., 1997) et The StanfordProgram In Genomics, Ethics And Society (McConnell et al., 1998).

    SSS_03-06 13/03/06 7:53 Page 67

  • 68 ADAM HEDGECOE

    cupations qui, depuis lors, ont faonn les dbats sur lutilisation en cli-nique des tests de dpistage de lApoE4. Faisant remarquer qu uneentreprise offre dj aux cliniciens des services de tests de dpistage delApoE4 , Butler invite ses collgues tre extrmement prudentslorsquil sagit de tester lApoE4 des patients les plus gs ou de leurfamille . Il estime que les gens qui dcouvrent grce aux tests quilssont porteurs de lApoE4 pourraient dcider de rester clibataires et dene pas avoir denfants , que des tests gnraliss pourraient conduireles compagnies dassurance refuser toute couverture aux personnes quiseraient positives au test de dpistage de lApoE4 , en bref que le tri-but motionnel payer par les individus et par les familles serait impor-tant (Butler, 1994). Cette inquitude concernant les effets delinformation gntique sur les membres des familles des patients (surleurs frres et surs ainsi que sur les enfants qui pourraient tous prsenterun risque accru de dvelopper la maladie dAlzheimer) est un thme cons-tant de la littrature qui suivra.

    Dmarche commerciale

    Lditorial de Butler fut crit en rponse la dcision prise, dbut1994 par la Genica Pharmaceuticals Corporation, denvoyer aux mde-cins travers les tats-Unis un courrier trs complet dtaillant le testApoE4 de susceptibilit la maladie dAlzheimer vendu au prix de195 $. On pouvait lire, sur lautocollant plac sur lenveloppe :Dpchez-vous ! Voici linformation Genica que vous avez demande (Post, 1996 : 112).

    Bien que la compagnie et rapidement retir son offre de test, lescraintes des spcialistes quant une exploitation commerciale inoppor-tune incitrent les cliniciens et la communaut des chercheurs passer laction. Lune au moins des personnes interviewes dans le cadre de laprsente recherche se souvient avec prcision du marketing qui entouraitce test et de la manire dont il tait considr par la communaut clinique : Quand il (le test de dpistage de lApoE4) est sorti pour la premirefois, il y avait une compagnie qui commercialisait ce test. Ils faisaient latourne de tous les mdecins et le message fondamental, le messagesubliminal tait : Voici un test qui tablira le diagnostic de la maladiedAlzheimer. Cest dire combien la prsentation tait impressionnante.Pas simplement, Voici un autre test pour mesurer un facteur de risque,mais Voici un test qui va tablir le diagnostic, vous navez pas vousinquiter dexaminer le patient. videmment, cela souleva une normedsapprobation : personne nest prt accepter cela (C1).

    SSS_03-06 13/03/06 7:53 Page 68

  • TESTS GNTIQUES ET DBATS THIQUES 69

    Le test Genica tait explicitement destin au diagnostic de la maladiedAlzheimer plutt que prsent comme un test prdictif, dont le rsultat(lidentification de lApoE4) devait tre interprt la lumire dau-tres informations cliniques donnes par le diagnostic . Pourtant, aumoins dans lesprit de ce clinicien, mme ce type de test est suspect sur unplan thique. Pour certains critiques, bien que cette restriction exclt lacommercialisation des tests comme tests prdictifs la notion de suscep-tibilit tait nanmoins mise en avant (Post, 1996 : 112).

    Deux ans plus tard, Allen Roses et luniversit de Duke accordrentune licence dexploitation pour leur brevet sur les tests de dpistage delApoE4 une compagnie appele Athena Neurosciences qui prsentason test gntique ApoE MAmarque ( ADmark ApoE ) comme appor-tant une certitude plus grande dans le diagnostic diffrentiel de la maladiedAlzheimer (cit dans Post et al., 1997 : 835). De manire sassurerque le test ntait pas utilis des fins prdictives, chaque chantillondevait tre accompagn dune lettre signe dun mdecin confirmant quele patient montrait des signes de dmence. Toutefois, les personnes inter-viewes avaient tendance penser quAthena voulait initialement com-mercialiser son test comme un test prdictif, mais que la rsistanceexprime par la communaut des spcialistes avait contraint la compagnie le rtrograder au rang de test diagnostique : Il est vident quils ontagi de manire beaucoup trop prmature Quand cela a chou, lors-quils ont ralis quils ne pouvaient pas lutiliser comme test prdictifpermettant dtablir qui allait dvelopper la maladie et qui ne la dve-lopperait pas, alors ils ont dit que si vous lutilisiez en complment descritres cliniques permettant un diagnostic trs robuste de lordre de 86% 87 %, ou quelque chose comme a, alors cela accrot normment lavaleur prdictive des rsultats positifs (CR7).

    Il existe, sans aucun doute, un certain ressentiment vis--vis de lamanire dont ce test fut commercialis et vis--vis des implications qui enrsultaient pour la pratique clinique : Pendant un certain temps, il y eutune vraie campagne pour promouvoir lutilisation du test, elle tait impul-se par lentreprise qui le commercialisait il y avait une entreprise pri-ve qui dmarchait les mdecins, leur expliquant quils devraient adopterce test pour leurs patients. Pas seulement pour aider tablir le diagnos-tic, mais pour lutiliser comme test dans une procdure prdictive. Jepense que cest terrible (C1).

    Lengagement des entreprises dans le dveloppement ou la commer-cialisation du test de dpistage de lApoE4 est extrmement inquitantpour tous ceux qui travaillent lmergence dun consensus et qui tendent penser que les firmes sont incapables de commercialiser le test dunemanire approprie et responsable ; les mmes inquitudes avaient

    SSS_03-06 13/03/06 7:53 Page 69

  • 70 ADAM HEDGECOE

    dailleurs t exprimes lors de la commercialisation des tests pourBRCA1 et 2 (Parthasarathy, 2003).

    Assurance

    Les inquitudes quant aux effets des tests gntiques ont longtempst le sujet principal des dbats dans le domaine de lassurance, quil sa-gisse de lassurance-maladie aux tats-Unis ou de lassurance-vie auRoyaume-Uni. Comme on pouvait sy attendre, et la suite des analysesde Butler, lassurance apparat comme un sujet dinquitude dans un cer-tain nombre de dclarations de consensus comme celle de lADI (Brodatyet al., 1995 : 186), celle du groupe NIA/AA (Relkin et al., 1996a : 160,1996b : 1093) et celle conscutive la runion du NHGRI/NIH de 1996(Post et al., 1997 : 835). Mais les questions que soulvent les tests gn-tiques pour la maladie dAlzheimer concernent un type trs spcifiquedassurances : les assurances portant sur les soins de longue dure, pourlesquels le contrat prvoit des soins domicile pour la personne assure.Le comit dthique AGS le fait remarquer explicitement : Lassurancecouvrant les soins de longue dure pourrait tre refuse des personnesqui seraient testes positives aux gnes qui permettent soit de prdire soitde diagnostiquer des formes tardives comme la maladie dAlzheimer (Comit dthique, AGS 2001 : 226).

    Discutant limportance de cette assurance dans le contexte amri-cain, Binstock et Murray remarquent que le financement de soins de lon-gue dure pour des personnes atteintes de la maladie dAlzheimer, soitdirectement par les patients, soit par le biais de programmes gouverne-mentaux, deviendra sans doute de plus en plus difficile dans les annesqui viennent Le recours des assurances maladies prives pour les per-sonnes atteintes de la maladie pourrait augmenter considrablement (Binstock et Murray, 1998 : 162).

    Ces auteurs concluent que la taille de la cohorte vieillissante du babyboom est telle quil pourrait bien sexercer de puissantes pressions sur legouvernement pour restreindre laccs des assureurs concerns aux rsul-tats des tests gntiques. Dans le contexte du Royaume-Uni, lindustrie delassurance a mis en place un moratoire volontaire sur le recours aux testsgntiques (avec un petit nombre dexceptions). Pourtant, la communautdes spcialistes nest pas vraiment convaincue : Bien que les assureursdisent quils ne vont pas utiliser les rsultats des tests gntiques, ils pour-raient changer davis plus tard (CR1).

    Il est probable que, comme dans le cas de la commercialisation destests de dpistage de lApoE4, ces objections tmoignent de la mfiance

    SSS_03-06 13/03/06 7:53 Page 70

  • TESTS GNTIQUES ET DBATS THIQUES 71

    des chercheurs vis--vis de la logique commerciale et de leurs doutesquant la capacit des entreprises grer linformation gntique dunemanire comptente et responsable. Mme si les donnes sur le sujet sontlimites, quelques travaux suggrent que les compagnies dassurance onttendance interprter les rsultats des tests gntiques dune manire quelon pourrait, pour tre charitable, qualifier didiosyncrasique (Low et al.,1998 ; Marang-van de Mheen et al., 2002). tant donn limportance atta-che dans le pass certaines formes dassurances au sein du systme desant amricain, ainsi que la prgnance de ces craintes dans lensemble dela littrature thique sur les tests gntiques, il nest pas surprenant que lesspcialistes manifestent tant dinquitude.

    Limpact sur la famille

    Par nature, linformation gntique a des implications pour les mem-bres de la famille dun patient, membres qui ne sont pas toujours faciles joindre lorsquil sagit de les consulter au sujet de la dcision dutiliser untest de dpistage de lApoE4. Bien entendu, si le test de dpistage delApoE44 tait utilis comme un diagnostic complmentaire, il serait,pour des patients prsentant des symptmes de dmence, de peu dimpor-tance que leur tat soit reli au fait quils sont porteurs dun allle parti-culier. Cependant, si lon dcouvre quun patient est porteur de deuxexemplaires de lallle ApoE44, alors on peut en dduire automatique-ment que ses enfants sont porteurs dau moins un exemplaire. Les spcia-listes travaillant sur la maladie dAlzheimer sont convaincus que cetteinformation est potentiellement nuisible pour les personnes asymptoma-tiques : Le gnotypage prsente des consquences psychosociales pr-visibles et significatives pour les membres de la famille, et sesconsquences doivent tre mises en balance avec tout bnfice psychoso-cial hypothtique associ un accroissement modeste du degr de certi-tude associ au diagnostic (McConnell et al., 1999 : 52).

    De la mme manire, lun des interviews suggrait que, mme si letest ApoE se rvlait tre un outil de diagnostic utile, vous avez mainte-nant accabl la famille avec lide que les enfants de cette personne pr-sentent un risque accru de dvelopper la maladie dAlzheimer, ce quilsprfreraient peut-tre ignorer. Alors avez-vous rellement bien fait ?Cest une question ouverte (CR6).

    Pourtant, pour ceux qui soutiennent lutilisation du gnotypage delApoE dans ces circonstances, mettre ainsi laccent sur les besoins de lafamille fait passer ct de lessentiel : Oh, je pense que cest absurdeConnaissez-vous le serment dHippocrate ? Vous ne faites pas de mal

    SSS_03-06 13/03/06 7:53 Page 71

  • 72 ADAM HEDGECOE

    votre patient. Si vous pouvez faire quelque chose pour aider votre patient,en tant que mdecin, cest votre premire responsabilit. Quil y ait ounon des informations collatrales pour les autres personnes de la famille,a peut tre gr par la confidentialit, par la mise en place dactions deformation ou par les discussions, et cest trs trs rare que cela soit unproblme quand cest gr avec expertise (CR12).

    Au cur de ces inquitudes, se trouve lexprience des spcialisteslorsquils tentent de discuter les risques lis aux tests de lApoE avec desnon-spcialistes, exprience qui pourrait se reproduire lors de la rencontreavec les parents du patient : Quand ce que vous dites au sujet du risquerelatif (au) niveau individuel est vague, et que tout ce que vous pouvezdire quelquun cest : Vous avez trois fois plus de risque que si vousnaviez pas un allle 4 ou Vous avez six ou huit fois plus de risque quesi vous naviez pas deux allles 4, mais comme je ne sais pas quel taitvotre risque individuel avant, il est en fait trois fois plus lev. Alors, lesgens ne peuvent pas comprendre cela ; ils disent : Non, a doit tre troisfois le risque de la population considre dans son ensemble. Nous, nousrtorquons : Non, ce nest pas a. Mme lorsquil sagit de gens trsintelligents, vous vous retrouvez dans une position qui ne les aide pas,non, je ne pense pas (CR9).

    Le chercheur 5 adopte la mme position, dclarant : De mon pointde vue, pour la plupart des gens, ce savoir sur soi-mme serait dangereuxparce que, daprs mon exprience, la plupart des gens nont pas unecomprhension correctement informe du risque, le concept de risque esten fait un concept assez difficile. Chaque fois que je discute de cela avecun ami instruit et cultiv, je rencontre des problmes, et je connais enralit des amis qui sont inquiets au dernier degr parce quils ont desparents atteints de certaines formes de dmences et, mon avis, ils sin-quitent probablement plus que de ncessaire parce quils ne compren-nent pas la gntique (R5).

    Cependant, lpoque o sest form le consensus contre lutilisa-tion en clinique des tests de dpistage de lApoE4, il y avait peu de don-nes sur limpact psychosocial du rsultat des tests. Depuis lors, desenqutes ralises auprs du public, aussi bien aux tats-Unis (Neummanet al., 2001) quau Royaume-Uni (Frost et al., 2001), ont abouti desconclusions peu claires. Les auteurs de lune de ces tudes interprtaientle fait que la plupart des personnes sondes taient prtes appren-dre leur statut de porteur ou de non porteur du gne de la maladiedAlzheimer comme allant dans le sens des positions prises lors desconfrences de consensus contre lutilisation clinique des tests de dpis-tage de lApoE4 (Neumman et al., 2001 : 258) ! Les deux tudes se rejoi-gnaient pour dire que des recherches supplmentaires taient ncessaires.

    SSS_03-06 13/03/06 7:53 Page 72

  • TESTS GNTIQUES ET DBATS THIQUES 73

    Dans le cas des apparents de premier degr de patients atteints de la ma-ladie dAlzheimer, une autre tude a montr lexistence d un haut degrdintrt pour les tests prdictifs parmi les individus prsentant un risquede dvelopper la maladie dAlzheimer . Mais, en sappuyant sur lexp-rience de la maladie de Huntington pour laquelle lusage rel des teststait bien infrieur ce que les enqutes avaient prvu, ltude ajoute queles rsultats doivent tre considrs avec prcaution, tant donn que lerecours ces tests est susceptible dtre beaucoup plus important que nele laisse prsager son taux actuel dutilisation (Roberts, 2000 : 49).

    tant donn le manque de recherches dans ce domaine, les NIH ontfinanc un projet appel REVEAL (Risk Evaluation and Education forAlzheimers Disease) dont le but est de fournir aux enfants adultes depatients atteints de la maladie dAlzheimer et leurs frres et surs enbonne sant des tests de susceptibilit gntique et dvaluation du risquede dvelopper la maladie . Cette tude vise galement dterminer silest bon de donner aux gens une information sur le risque gntique poten-tiel quils ont de dvelopper la maladie dAlzheimer (6). Cette tude estconue et mene comme un essai clinique : au groupe contrle sont don-nes les informations concernant leur risque de dvelopper la maladiedAlzheimer bases sur lhistoire familiale, tandis quaux membres delautre groupe sont donnes des informations concernant leur statut ApoE.Les rsultats de cette tude ont ouvertement remis en question bon nom-bre dhypothses formules sur limpact psychosocial des tests ApoE, etqui ont t au cur des positions prises par les confrences de consensus.En termes cognitifs, il ny a aucune preuve que lannonce aux parti-cipants de leur positivit au test ApoE4 les amne percevoir le risquequils encourent comme suprieur aux estimations qui leur avaient tfournies auparavant (Marteau et al., 2005 : 402).

    Par ailleurs, en termes dimpact motionnel, les rsultats prlimi-naires suggrent que la grande majorit des participants nont pas subideffets psychologiques nfastes et ont trouv que lexprience dvalua-tion du risque valait la peine dtre faite (Roberts et al., 2004 : 202).

    La raction de la communaut des spcialistes nest pas encore trsclaire. Un ditorial commentant certains de ces rsultats sinquite ausujet des tests de susceptibilit, rappelant que les subtilits de ces testspourraient bien chapper la plupart des patients, ce qui pourrait alors les exposer un risque accru de discrimination gntique, accrotre lepotentiel long terme du dommage psychologique qui leur serait infliget avoir un impact nuisible sur leur famille (LeRory, 2004 : 174). Il est

    (6) http://www.bu.edu/alzresearch/reveal.html

    SSS_03-06 13/03/06 7:53 Page 73

  • 74 ADAM HEDGECOE

    vident que de telles affirmations auraient bien pu tre exprimes dans unditorial crit une dcennie plus tt.

    Inutilit / utilit clinique

    Cest sur le concept d utilit clinique (utilit clinique pratique)que les inquitudes propos de lutilisation clinique du gnotypage delApoE se cristallisent le plus clairement. La position quadopte Roses estque, puisquun diagnostic clinique de la maladie dAlzheimer ne peutjamais tre assur (la maladie dAlzheimer ne peut tre vraiment diagnos-tique que par une autopsie), il est ncessaire daider les cliniciens savoir si un patient prsentant des symptmes de dmence souffre de lamaladie dAlzheimer, dune autre forme de dmence ou encore dautresaffections (dficience en vitamine B, effets secondaires provoqus par desmdicaments ou tumeur du cerveau, par exemple). Ainsi, le fait que toutdiagnostic clinique de maladie dAlzheimer demeure hypothtique justi-fie, dans lesprit de Roses, que lon cherche amliorer lexactitude dudiagnostic. Cest, selon lui, ce que permet le gnotypage de lApoE : Ilna jamais t rapport quun diagnostic de gnotype de lApoE4/4 se soittrouv infirm par lautopsie (Roses 1995b).

    Aux tous dbuts de ce dbat, la position de Roses ntait pas aussiminoritaire quelle lest devenue par la suite ; le groupe NIA/AA remar-quait, par exemple, que la plupart des mdecins praticiens au sein dugroupe de travail reconnaissaient les bnfices potentiels dugnotypage (Relkin et al., 1996a : 159).

    Cependant, ces dclarations ne sont pas juges convaincantes parbon nombre dautres cliniciens. Ceux-ci sopposent lide selon laquellelexactitude accrue obtenue grce aux tests gntiques dans les diagnos-tics diffrentiels lemporterait sur les complications entranes par lan-nonce du rsultat du test : Tout compte fait, si vous appliquezcorrectement, avec srieux et en suivant les rgles, vos critres de dia-gnostic clinique, vous pouvez prdire 93 % que le malade est atteintdAlzheimer ; si vous utilisez le test, vous arriverez 95 % ou quelquechose comme a, mais a sera en pure perte, car vous ne pourrez le faireque sur un tiers de la population (du fait de la distribution de lallleApoE4). Donc a nen vaut pas la peine. Le rapport cot/bnfice nestpas l, pour autant que je puisse en juger (CR7).

    De ce point de vue, l utilit clinique pratique ne concerne passeulement le fait de savoir si le test considr prsente un niveau de sen-sibilit et de spcificit suffisamment lev : Les tests diagnostiquesdevraient tre jugs sur la base de leur potentiel changer lopinion du

    SSS_03-06 13/03/06 7:53 Page 74

  • TESTS GNTIQUES ET DBATS THIQUES 75

    clinicien quant ce qui doit tre fait pour le patient (Van Gool, 1996 :84). Il nest pas certain que le fait de disposer dinformations sur la sensi-bilit, la spcificit et la valeur prdictive permette de raliser une va-luation correcte des nouveaux tests dun point de vue pratique. Il est rareque des tests nouveaux soient valus en fonction de leur seul potentiel accrotre la confiance dans le diagnostic ; et, en plus, les tudes sur lu-tilit pour les patients ou les soignants de faire un diagnostic de la mal-adie dAlzheimer nont jamais t ralises (Van Gool, 1996 : 85. Cestmoi qui souligne).

    Cela souligne que, pour les opposants Roses, on ne peut parler dutilit clinique pratique des tests sans prendre en considration ladimension thique et sociale de ces tests. Puisque les problmes thiquesassocis au statut 4 ne sont pas susceptibles de changer la lumirede nouvelles donnes sur lexactitude du test diagnostique de dpistage del4, linsuffisance de sensibilit et de spcificit du diagnostic conduit laffirmation rpte que des recherches supplmentaires sont ncessai-res . Et, finalement, un consensus contre toute forme de gnotypage delApoE sest dvelopp malgr les tentatives de Roses pour suggrer quele gnotypage de lApoE a t tudi avec une rigueur plus grande quebon nombre dautres tests de routine utiliss dans les cliniques, comme lesscans CT ou les IRM (Roses, 1996a ; Roses, 1998a ; Roses et Saunders,1996 ; Saunders et al., 1996), et malgr laffirmation selon laquelle lecaractre relativement peu onreux du gnotypage (compar ces autrestests) devrait convaincre les financeurs des soins (Roses, 1997a, 1997b).

    Discussion et conclusion

    Ce que nous avons pu constater jusqu maintenant chez les spcia-listes de la maladie dAlzheimer, cest une rsistance profonde autoriserles tests de dpistage de lApoE4 dans la pratique clinique. Cela nedcoule pas dune quelconque technophobie ou dune opposition aurductionnisme gntique. De nombreuses personnes interviewes dans lecadre de cette recherche sont des gnticiens ou travaillent en troite col-laboration avec des gnticiens. Presque tous les interviews que leursintrts portaient vers la recherche avaient demand procder des testsde dpistage de lApoE4 sur des patients, mais seulement dans le cadrede leur recherche. Comme la dit lun des interviews : Est-ce que nousfaisons passer des tests de dpistage de lApoE4 aux personnes qui sontdans nos services cliniques, non. Lorsquils font partie du programme derecherche, oui, nous le faisons de manire routinire (CR9).

    SSS_03-06 13/03/06 7:53 Page 75

  • 76 ADAM HEDGECOE

    Puisque ces tests gntiques (pour les besoins de la recherche) sontbanals, il est difficile daffirmer que la position de consensus est contre lestests gntiques per se. Pas plus que nous ne pouvons prtendre que cettersistance raliser les tests dans un contexte clinique est une questionsimplement technique, qui pourrait tre rsolue en gnrant davantage dedonnes empiriques sur la sensibilit et la spcificit des tests de dpistagede lApoE4 comme outil diagnostique. Ces donnes sont la dispositionde la communaut ; pourtant, on tend les ignorer systmatiquement etlon prfre affirmer que davantage de travaux devraient tre raliss .De la mme manire, bien quil soit sans doute trop tt pour laffirmerclairement, il nest absolument pas vident que les rsultats de ltudeREVEAL, qui devraient apaiser les craintes concernant les dommagespsychosociaux des tests de dpistage de lApoE4, changeront la maniredont la communaut des spcialistes considre ces mmes tests.

    Ce que larticle soutient, cest que la rsistance affiche vis--vis destests est dabord et avant tout dordre thique. Les lments techniques nepeuvent tre dsintriqus des questions thiques ; cest pourquoi la ques-tion des tests cliniques de dpistage de lApoE4 met en cause les valeursde cette communaut particulire, ce quelle pense tre la bonne manirede se comporter. Comme toute position thique, celle-ci est ouverte lacritique. Allen Roses peut voir dans cette position labsence de dsir devenir en aide au patient ainsi quune attitude de prcaution excessive. Lesbio-thiciens peuvent suggrer que, en refusant aux patients laccs auxtests de dpistage de lApoE4, les cliniciens abusent de leur autonomieet agissent dune manire paternaliste. Ce qui est plus difficile affirmer,cest que la position de consensus nest pas une position thique et que leschercheurs et les cliniciens ont besoin dune sorte de conseil thique ext-rieur pour dcider de la faon dont ils doivent se comporter. Il est intres-sant de noter que la confrence de consensus dans laquelle les thiciensont jou un rle prdominant, la runion en 1998 du Stanford Program inGenomics, Ethics and Society, est galement la dernire de la srie, etquelle na discut quun petit nombre de points thiques concernant lestests de dpistage de lApoE4, qui ne leussent pas dj t lors de ru-nions rassemblant des chercheurs et des cliniciens.

    Il ne sagit ici bien entendu que dun gne, dune maladie et dungroupe de spcialistes, mais cela devrait tout le moins encourager ceuxdentre nous qui sintressent aux rapports complexes entre valeurs etscience, mettre en question lminence des experts en thique au seindes dbats qui concernent ces rapports. Nous devrions, tout le moins,considrer avec prudence les propos de ceux qui dclarent que les com-munauts mdicales sont inluctablement incapables de dbattre de ques-tions thiques sans les conseils extrieurs des bio-thiciens professionnels.

    SSS_03-06 13/03/06 7:53 Page 76

  • TESTS GNTIQUES ET DBATS THIQUES 77

    RFRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

    AGS Ethics committee, 2001, Genetic testing for late-onset Alzheimers dis-ease, Journal of the American Geriatric Society, 49, 225-226.Binstock R.H., Murray T.H., 1998, Genetics and long-term-care insurance:ethical and policy issues, In : Post S.G., Whitehouse P.J., eds, Genetic testingfor Alzheimers disease: ethical and clinical issues, Baltimore, MD, JohnsHopkins University Press, 155-176.Bird T., 1995a, Apolipoprotein E genotyping in diagnosis of Alzheimers dis-ease: a cautionary view, Annals of Neurology, 38, 1, 2-3.Bird T., 1995b, Reply, Annals of Neurology, 38, 6, 967.Brodaty H., Conneally M., Gauthier S., Jennings C., Lennox A., LovestoneS., Koczyn A., Mangone C., Rossor M., Whitehouse P., 1995, Consensus sta-tement on predictive testing for Alzheimer disease, Alzheimer Disease andAssociated Disorders, 9, 4, 182-187.Butler R.N., 1994, ApoE: new risk factor for Alzheimers, Geriatrics, 49, 8,10-11.Cunningham-Burley S., Kerr A., 1999, Defining the social : towards anunderstanding of scientific and medical discourse on the social aspects of thenew human genetics, Sociology of Health and Illness, 21, 647-668 Einsiedel E.F., Eastlick D.L., 2000, Consensus conferences as deliberativedemocracy. A communication perspective, Science Communication, 21, 4,323-343.Farrer L.A., Brin M.F., Elsas L, Goate A, Kennedy J, Mayeux R, Myers R.H.,Reilly P, Risch N.J. 1995, Statement on use of apolipoprotein-E testing forAlzheimer disease, Journal of the American Medical Association, 274, 20,1627-1629.Ferguson J.H., 1996, The NIH consensus development program: the evolutionof guidelines, International Journal of Technology Assessment in HealthCare, 12, 3, 460-474.Frost S., Myers L.B., Newman S.P., 2001, Genetic screening for Alzheimersdisease: what factors predict intentions to take a test?, Behavioral Medicine,27, 3, 101-109.Guston D.H., 1999, Evaluating the first US consensus conference: the impactof the citizens panel on telecommunications and the future of democracy,Science Technology & Human Values, 24, 4, 451-482.Jacoby I., 1985, Editorial: the consensus development program of theNational Institutes of Health, American Journal of Psychiatry, 142, 4, 477-478.

    SSS_03-06 13/03/06 7:53 Page 77

  • 78 ADAM HEDGECOE

    Joss S., Bellucci S., 2002, Participatory technology assessment. Europeanperspectives, London, CSD and TA Swiss. Kakulas B.A., van Bockxmeer F.M., 1995, Apolipoprotein E genotyping inthe diagnosis of Alzheimers disease: a cautionary view, Annals of Neurology,38, 6, 966-967.Kerr A., Cunningham-Burley S., Amos A., 1997, The new genetics: profes-sionals discursive boundaries, Sociological Review, 45, 2, 279-303.Kerr A., Cunningham-Burley S., Amos A., 1998, Eugenics and the new gene-tics in Britain: examining contemporary professionals accounts, Science,Technology and Human Values, 23, 2, 175-198. Knopman D.S., DeKosky S.T., Cummings J.L, Chui H., Corey-Bloom J.,Relkin N., Small G.W., Miller B., Stevens J.C., 2001, Practitioner parameter:diagnosis of dementia (an evidence based review). Report of the QualityStandards Subcommittee of the American Academy of Neurology,Neurology, 56, 1143-1153.Larkin M., 1997, Allen Roses: enfant terrrible of Alzheimers research,The Lancet, 349, 1302.LeRoy B.S., 2004, Alzheimers disease and testing, Genetics in Medicine, 6,4, 173-174.Low L., King S., Wilkie T., 1998, Genetic discrimination in life insurance:empirical evidence from a cross sectional survey of genetic support groups inthe United Kingdom, British Medical Journal, 317, 1632-1635.Marang-van de Mheen P.J., van Maarle M.C., Stouthard M.E.A., 2002,Getting insurance after genetic screening on familial hypercholesterolaemia;the need to educate both insurers and the public to increase adherence tonational guidelines in the Netherlands, Journal of Epidemiology andCommunity Health, 56, 145-147.Marshall E., 1998, Allen Roses: from street fighter to corporate insider,Science, 280, 1001-1004.Marteau T.M., Roberts S., LaRusse S., Green R.C., 2005, Predictive genetictesting for Alzheimers disease: impact upon risk perception, Risk Analysis,25, 2, 397-404.Marx J., 1993, New Alzheimers theory stirs controversy, Science, 262, 1210-1211.Mayeux R., Saunders A.M., Shea S., Mirra S., Evans D., Roses A.D., HymanB.T., Crain B., Tang M.X., Phelps C.H., 1998, Utility of the apolipoprotein Egenotype in the diagnosis of Alzheimers disease, New England Journal ofMedicine, 338, 8, 506-511.McConnell L.M., Koenig B.A., Greely H.T., Raffin T.A. 1998, Genetic testingand Alzheimers disease: has the time come?, Nature Medicine, 4, 757-759.

    SSS_03-06 13/03/06 7:53 Page 78

  • TESTS GNTIQUES ET DBATS THIQUES 79

    McConnell L.M., Sanders G.D., Owens D.K., 1999, Evaluation of genetictests: ApoE genotyping for the diagnosis of Alzheimer disease, GeneticTesting, 3, 1, 47-53.Mullan F., Jacoby I., 1985, The town meeting for technology: the maturationof consensus conferences, Journal of the American Medical Association, 254,8, 1068-1072.Neumann P.J., Hammitt J.K., Mueller C., Fillit H.M., Hill J., Tetteh N.A.,Kosik K.S., 2001, Public attitudes about genetic testing for Alzheimers di-sease, Health Affairs, 20, 5, 252-264.Nussbaum R.L., Ellis C.E., 2003, Alzheimers disease and Parkinsons di-sease, New England Journal of Medicine, 348, 14, 1356-1363.Parthasarathy S., 2003, Knowledge is power: genetic testing for breast cancerand patient activism in the United States and Britain, In : Oudshoorn N., PinchT., eds, How users matter: the co-construction of users and technologies,London, MIT Press, 133-150.Post S.G., 1996, On not jumping the gun: ethical aspects of ApoE gene tes-ting for Alzheimers disease, In : Relkin N.R., Khachaturian Z., Gandy S.,eds, Apolipoprotein E genotyping in Alzheimers disease, Annals of the NewYork Academy of Sciences, 802, 111-119.Post S.G., Whitehouse P.J., Binstock R.H., Bird T.D., Eckert S.K., FarrerL.A., Fleck L.M., Gaines A.D., Jeungst E.T., Karlinsky H., Miles S., MurrayT.D., Quaid K.A., Relkin N.R., Roses A.D., St George Hyslop P.H., SachsG.A., Steinbock B., Truschke E.F., Zinn A.B., 1997, The clinical introductionof genetic testing for Alzheimer disease. An ethical perspective, Journal ofthe American Medical Association, 277, 10, 832-836.Relkin N.R., Kwon Y.J., Tsai J., Gandy S., 1996a, Consensus statement: apo-lipoprotein E genotyping in Alzheimers disease, The Lancet, 347, 1091-1095.Relkin N.R., Kwon Y.J., Tsai J., Gandy S., 1996b, The National Institute OnAging/Alzheimers Association recommendations on the application of apo-lipoprotein E genotyping to Alzheimers disease, Annals of the New YorkAcademy of Science, 802, 149-171. Rennie D., 1981, Consensus statements, New England Journal of Medicine,304, 11, 665-666.Roberts J.S., 2000, Anticipating response to predictive testing forAlzheimers disease: a survey of first-degree relatives, The Gerontologist, 40,1, 43-52.Roberts J.S, Barber M., Brown T., Cupples L.A., Farrer L.A., LaRusse SA.,Post SG., Quaid K.A., Ravdin L.D., Relkin N.R., Sadovnick A.D.,Whitehouse P.J., Woodard J.L., Green R.C., 2004, Who seeks genetic sus-ceptibility testing for Alzheimers disease? Findings from a multisite, rando-mized clinical trial, Genetics in Medicine, 6, 4, 197-203.

    SSS_03-06 13/03/06 7:53 Page 79

  • 80 ADAM HEDGECOE

    Roses A.D., 1995a, Apolipoprotein E genotyping in the differential diagnosis,not prediction of Alzheimers disease, Annals of Neurology, 38, 1, 6-14.Roses A.D., 1995b, Reply, Annals of Neurology, 38, 6 , 969.Roses A.D., 1996a, Apolipoprotein E genotype: utility in clinical practice inAlzheimers disease, Journal of the American Geriatric Society, 44, 1479-1481.Roses A.D., 1997a, Genetic testing for Alzheimer disease: practical and ethi-cal issues, Archives of Neurology, 54, 1226-1229.Roses A.D., 1997b, ApoE4 genotyping, In : Reply, Journal of the AmericanGeriatric Society, 45, 9 , 1155-1156.Roses A.D., 1998a., A new paradigm for clinical evaluations of dementia:Alzheimer disease and apolipoprotein E genotypes, In : Post S., WhitehouseP., eds, Genetic testing for Alzheimer disease: ethical and clinical issues,Baltimore and London, Johns Hopkins Press, 37-64.Roses A.D., Saunders A.M., 1996, Letter: evaluation of suspected dementia,New England Journal of Medicine, 335, 26.Roses A.D., Saunders A.M., 1997, Prediction for unimpaired subjects is dif-ferent from diagnosis of demented patients, Annals of Neurology, 41, 3, 414-415.Sadovnick A.D., Quaid K., Ravdin L., Green R., 2002, Impact of genetic riskassessment for Alzheimer disease, Journal of Genetic Counseling, 11, 6, 446-447. Saunders A.M., Hulette C., Welsh-Bohmer K.A., Schmechel D.E., Crain B.,Burke J.R., Alberts M.J., Strittmatter W.J., Breitner J.C.S., Rosenberg C.,Scott S.V., Gaskell P.C., PericakVance M.A., Roses A.D., 1996, Specificity,sensitivity, and predictive value of apolipoprotein-E genotyping for sporadicAlzheimers disease, The Lancet, 348, 90-93.Stevens M.L.T., 2000, Bioethics in America: origins and cultural politics,Baltimore and London, John Hopkins University Press.The Ronald and Nancy Reagan Research Institute of the AlzheimersAssociation and the National Institute on Aging Working Group, 1998,Consensus report of the Working group on molecular and biochemical mar-kers of Alzheimers disease, Neurobiology of Aging, 19, 2, 109-116.Tunstall N., Lovestone S., 1999, Letter: UK Alzheimers disease geneticsconsortium, International Journal of Geriatric Psychiatry, 14, 789-791.Van Gool W.A., 1996., The use of apolipoprotein E genotyping as a diagnos-tic test in suspected Alzheimers disease, Annals of the New York Academy ofSciences, 802, 79-91.

    SSS_03-06 13/03/06 7:53 Page 80

  • TESTS GNTIQUES ET DBATS THIQUES 81

    ABSTRACT

    A useless phenomenon: Alzheimers disease, professionals and ethical debates around genetic testing

    The discovery in the mid-1990 that the ApoE4 allele is associated withincreased risk of developing late onset Alzheimers disease was heraldedat the time, in both scientific and lay press, as a significant result. Yet thisscientific phenomenon is regarded by those who treat Alzheimers dis-ease as clinically useless. This paper shows how this situation came, howthe professional community around Alzheimer developed a consensusagainst clinical ApoE4 testing. The main contention is that although thisreluctance to test is couched in technical terms, it is an ethical stance, andas such raises questions about the need for scientific experts to get ethi-cal advice from bioethicists and ethical experts.

    SSS_03-06 13/03/06 7:53 Page 81

  • 82 ADAM HEDGECOE

    RESUMEN

    La enfermedad de Alzheimer, los especialistas y los debates ticos acerca de las pruebas genticas

    A mediados de los aos 1990, el descubrimiento de que el alelo ApoE4estaba asociado al aumento del riesgo de padecer la forma tarda de laenfermedad Alzheimer, fue anunciada, en ese entonces, por los medios decomunicacin y por la prensa cientfica, como un resultado significativo.Sin embargo, aquellos que tratan la enfermedad consideran que este fen-meno cientfico resulta intil desde el punto de vista clnico. El presenteartculo muestra cmo se lleg a tales conclusiones, y cmo la comuni-dad de especialistas expertos en la enfermedad lograron un consenso paraoponerse a las pruebas del alelo ApoE4. El argumento fundamentalconsiste en demostrar que, pese a que la oposicin a las pruebas est plan-teada en trminos cientficos, se trata en realidad de una postura tica, yque como tal, necesita del consejo y la asesora tanto de expertos cient-ficos como de expertos en biotica.

    SSS_03-06 13/03/06 7:53 Page 82