la lutte pour les matières premières - draeger · un travail de rêve sur un bateau de rêve ?...
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Revue Dräger La technologie pour la vie 2019
Revue D
räger 19
1er num
éro 2019 M
atières prem
ières et ressources
L’avenir de l’humanité dépend de ces ressources
La lutte pour les matières premières
HarmonieComment tradition et modernité s‘allient dans un hôpital chinois p. 20
Froid glacialAu Groenland aussi, les pompiers interviennent lorsque la situation devient brûlante p. 30
Odeurs d’étableDes chercheurs suissescherchent comment réduire les concentrations d’ammoniac p. 46
2 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
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6 RUÉE SUR LES
MATIÈRES PREMIÈRES
Les terres rares permettent le développement de L’e-mobilité. Les
réserves de ces matières indispensables à notre avenir sont rares. L’effort pour se les
procurer est passionnant, voire créatif.
40 LES YEUX OUVERTS
Lorsqu’on parle de greffes d’organes, la plupart des gens pensent au cœur, au rein ou au foie. Mais en Allemagne, ce sont les greffes de cornées qui sont les plus fréquentes. Cette opération peut sauver la vue. L’un des grands centres pour ce traitement est le service d’ophtalmologie de l’hôpital universitaire de Mayence. Plusieurs centaines de cornées y sont greffées chaque année.
62 UN VRAI FLAIR
Sur bien des points, les chiens militaires sont nos meilleurs camarades. Aucun appareil au monde ne les surpasse pour détecter les dangers. Quel appareil serait capable de repérer à l’odeur les explosifs, d’aboyer fort et de mordre sur commande ? L’armée allemande élève ses propres chiens, ce qui lui permet d’éduquer les animaux dès leur plus jeune âge.
Environ 3 700 km : c’est la distance que le nuage de
cendres généré par le volcan Kilauea a parcouru vers le
sud-ouest après son éruption en 2018, depuis Hawaï jusqu’aux
îles Marshall – en lire plus à partir de la page 68.
Sommaire 19
3REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
Les articles de la Revue Dräger
informent sur les produits et leurs
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La société Dräger Safety AG & Co. KGaA, Lübeck, est le
fabricant du X-plore 3500, du MRC 5000, du X-am 8000
(tous page 12) ainsi que des combinaisons de protection
chimiques (p. 28, 32 f.), des respirateurs (p. 28) et du
capteur d’ammoniac (p. 46 ff.), du Polytron C300 (p. 51), de
l’Alcotest 5820 (p. 55), du X-am 5000 (p. 70) ainsi que du Pac
8500 (p. 72). La société Drägerwerk AG & Co. KGaA, Lübeck,
est le fabricant du Fabius Tiro (p. 24), de l’Oxylog 3000 plus
(p. 38 f.) et des Gas Management Systems (p. 58 f.) ainsi que
de l’unité d’alimentation au plafond Movita et de la lampe de
salle d’opération Polaris 600 (p. 58).
Classe des dispositifs médicaux Oxylog 3000 plus, Movita,
Fabius tiro : IIb
Organisme notifi é : TÜV SÜD Product Services GmbH
É D I T E U R : Drägerwerk AG & Co. KGaA,
Corporate Communications
A D R E S S E D E L A R É D A C T I O N : Moislinger Allee 53–55, 23558 Lübeck, Allemagne
R É D A C T I O N : Björn Wölke (rédaction en chef), Simone Binder
Tél. +49 451 882 2009, Fax +49 451 882 2080
C O N S E I L R É D A C T I O N N E L : Nils Schiffhauer
D I R E C T I O N A R T I S T I Q U E , P H O T O S , M A Q U E T T E E T C O O R D I N A T I O N :Redaktion 4 GmbH
T R A D U C T I O N : Lektornet GmbH
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S A C H N U M M E R : 90 70 454
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MENTIONS LÉGALES4Des gens qui nous touchentZhou Xujian travaille comme
infirmière en Chine, Yassine
Tajouaout est apprenti en Hesse.
6Des ressources convoitéesLes besoins en matières premières
augmentent, mais les réserves sont
limitées. L’économie mondiale est
devant une impasse. Quelles solutions
envisager ? Du retraitement à
l’exploitation minière des astéroïdes !
20La tradition rencontre la modernitéPhysiquement, tous les êtres humains
se ressemblent. Mais en Chine,
les choses sont un peu différentes.
26Invocation des espritsLes Allemands aussi distillent du whisky.
Et ce spiritueux du Bade-Wurtemberg
vaut vraiment la peine d’être dégusté.
30Tempête sur le Groenland Là où il y a de la glace, il y a aussi du
feu. Et là où il y a du feu, les pompiers
ne sont généralement pas loin,
cela vaut aussi pour cette commune
de 2 000 âmes à l’est de l’île.
36Consultations sur le deuxième pontUn travail de rêve sur un bateau de
rêve ? Peut-être, du moins un peu ! Au
quotidien, le métier de médecin de
bord est surtout accaparant et exigeant.
40Des couches ultra-mincesLorsque la cornée se trouble,
elle doit être remplacée. La technique
de transplantation requise
est fascinante.
46Un air pur dans l’étable des veauxL’ammoniac est une puanteur, pour le bétail
également. Il résulte de la décomposition
des excréments et de l’urine. La technique de
mesure des gaz aide à en réduire les effets.
52Régime secTravailler en mer exige une concentration
et une disponibilité maximale. L’alcool et
les drogues n’y ont pas leur place.
56La chasse aux records du Dr ReddyDans la métropole indienne d’Hyderabad,
doit naître le plus grand établissement
spécialisé en gastroentérologie au monde.
62Les meilleurs amisL’armée allemande entraîne ses chiens
dans ses propres écoles. Ils y apprennent à
agir de manière autonome et courageuse,
pour protéger les soldats.
68Vivre avec le feu sous les pieds À Hawaï, les volcans en activité font
partie du quotidien. Les sapeurs-pompiers
locaux utilisent depuis les récentes
éruptions la technique de mesure des
gaz de Dräger.
71Ce à quoi nous contribuonsLes produits Dräger évoqués dans ce
numéro.
72Pac 8500Cet appareil, qui signale les dangers par des
alarmes acoustiques, optiques et vibratoires,
mesure simultanément deux gaz.
EXPÉRIENCES NOUVELLES DU MONDE
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Zhou Xujian, 30 ans, cadre infirmière en soins intensifs au Central Hospital à Lishui, province de Zhejiang/Chine
« Je travaille depuis plus de neuf ans dans cet hôpital, notre unité dispose de 29 lits. J’ai voulu devenir infirmière pour deux raisons : d’une part, il est facile dans ce métier de trouver un emploi partout dans le monde. D’autre part, ma formation me permet d’apporter aussi une aide qualifiée à d’autres personnes pendant mon temps libre, notamment à ma famille et mes amis. La formation de trois ans pour l’obtention du titre de « Bachelor »
fut difficile. À ma grande satisfaction, mes résultats me permirent de recevoir une bourse – y compris pendant le stage pratique d’un an qui a suivi les études. J’ai commencé ma carrière en soins intensifs un an plus tard, après avoir dû suivre au préalable une formation spéciale de trois mois. Les débuts furent particulièrement passionnants. Nous avions un patient de 90 ans qui était chez nous depuis un an. Lorsqu’il décéda peu après, je ne pus m’empêcher de pleurer. Aujourd’hui encore, le destin de mes patients continue de me toucher, même si désormais je garde une distance plus professionnelle. Sinon, il est impossible
de tenir le coup sur le long terme. Aider les gens qui sont dans des situations difficiles me procure chaque jour une joie nouvelle. J’ai déjà accompli beaucoup professionnellement, mais j’aimerais encore progresser. C’est pourquoi je continue de me perfectionner ici à l’hôpital et aussi pendant mon temps libre. J’aimerais bien suivre le programme ISPN*, travailler comme infirmière à l’international, écrire des articles et participer à des projets de recherche. Dans la vie privée, j’aime broder. Cela me permet de décompresser, et je peux en plus offrir ces réalisations en cadeau. »* International Standards for Professional Nurses
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Des gensqui
nous touchent
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Yassine Tajouaout, 21 ans, apprenti pour devenir agent qualifié en services industriels et de canalisation auprès des services municipaux de la ville de Raunheim Rüsselsheim AöR /Hesse/Allemagne
« La sécurité est pour nous une priorité. Nous entretenons un réseau de canalisations d’eaux usées d’environ 350 km, stations de pompage incluses. Les égoutiers doivent souvent visiter des installations souterraines. Ils sont alors équipés d’un détecteur de gaz mobile et d’un auto sauveteur. Un collègue les sécurise avec une corde. Je suis tout à fait conscient de l’importance de telles mesures de sécurité – contre les gaz de décomposition et autres substances dangereuses que nous pouvons rencontrer dans les égouts. Au centre de formation, nous apprenons également les bases physiques et chimiques de notre travail. C’est une tâche extrêmement variée et d’une haute technicité. Notre « hélicoptère » en est un exemple : un camion spécial à quatre essieux de couleur rouge orange pour les travaux de canalisation. Il a été surnommé ainsi parce que sa flèche peut être tournée autour de son propre axe à l’aide du tuyau de rinçage. Nous n’intervenons pas seulement pour des inspections, des travaux de maintenance et de nettoyage sous terre, mais nous nous occupons également dans la nature d’installations qui collectent et évacuent les eaux de surface. Ce que je trouve passionnant dans les réseaux d’égoûts de nos deux villes, c’est que l’on peut y lire le développement des communes. On y trouve des zones plus ou moins anciennes dont la réalisation technique est complètement différente et le développement se poursuit : le réseau d’égouts croît en parallèle avec les nouvelles zones industrielles et d’habitat – comme une ville sous la ville. »
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FOCUS MATIÈRES PREMIÈRES
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CHAL’insatiable demande en MATIÈRES PREMIÈRES de l’économie
mondiale oblige l’humanité à rester inventive – du recyclage intelligent en passant par des robots sous terre « dans les galeries des mines »
et jusqu’aux projets d’exploitation minière d’astéroïdes.Texte : Steffan Heuer
LA GRANDE
Mi-juillet 2018, le plus long et plus grand robot de la planète
s’est mis en mouvement dans le nord-ouest de l’Australie. Les
locomotives ont tiré un chargement de minerai de fer d’un
poids total de 28 000 tonnes des mines de Tom Prince jusqu’au
port de Cape Lambert. Le train de marchandises entièrement
automatisé du groupe minier Rio Tinto était surveillé depuis une
salle de contrôle située dans la ville de Perth, distante d’environ
1 500 kilomètres. Le train fantôme, à bord duquel ne se trouvait
pour la première fois aucun humain, était un test important
pour démontrer comment les ressources pourraient à l’avenir
être extraites et transportées de manière plus sûre, plus rapide
M et moins chère. Selon ses propres chiffres, Rio Tinto investit en
Australie presque un milliard de dollars dans l’automatisation
de son réseau ferroviaire dans la région de Pilbara, une vaste
région désertique de plusieurs milliers de kilomètres carrés.
200 locomotives y transportent les minerais métalliques extraits
de 16 mines vers quatre ports différents. Pour le programme
« AutoHaul », des trains et des passages à niveaux ont été équipés
de caméras et un logiciel de surveillance a été développé, grâce
auquel les employés du centre de contrôle n’ont plus qu’à jeter
un coup d’œil de temps en temps sur la situation extérieure. Les
robots de l’Outback ne sont qu’une pièce de la roulette mondiale
des matières premières. La population mondiale en augmentation
aspire au bien être matériel, ce qui nécessite toujours plus de
ressources. C’est également la raison pour laquelle un écart
Train fantôme : Les hommes se contentent de commander depuis le centre
de contrôle – comme ici en Australie – les milliers de tonnes de minerai dans des trains
de marchandises entièrement automatisés vers les stations de déchargement sur les
côtes du Pacifique
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SSE AU TRÉSOR
FOCUS MATIÈRES PREMIÈRES
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menace de se creuser à brève échéance entre l’offre et la
demande, ce qui fera monter durablement les prix et suscite des
craintes de pénuries d’approvisionnement. Il ne s’agit absolument
pas d’un véritable épuisement des matières premières dans un
avenir prévisible, mais bien plutôt où et comment les trouver en
qualité suffisante, comment les extraire, les traiter et enfin les
recycler de manière efficace. Durant le cycle de vie – de la mine à
la déchetterie – d’importants intérêts économiques, géopolitiques
et écologiques sont en jeu. L’Allemagne a importé à elle seule en
2016 pour 61,8 milliards d’euros de matières premières, et elle
est presque totalement tributaire de ses importations de métaux.
Aux États Unis en revanche, il a été produit en 2017 pour plus de
75 milliards de dollars de minéraux (chiffres sans les ressources
énergétiques telles que le pétrole, le gaz et le charbon).
Un exemple marquant de cette interaction imprévisible est le
cobalt, que les experts de l’Institut d’études géologiques des États-
Unis (USGS) ne sont pas les seuls à classer comme étant « d’une
importance critique » pour l’économie mondiale. Ce métal lourd
gris et malléable a entamé très tôt une carrière fulgurante :
longtemps avant que la chimie ne devienne une science exacte,
les minerais et autres composés de cobalt étaient déjà connus et
utilisés comme pigments résistants à la chaleur pour colorer en
bleu le verre, la céramique et la porcelaine. Les archéologues
en ont trouvé dans des statues égyptiennes, des bijoux perses ou
des vases chinois. Le cobalt doit son nom aux superstitions du
Moyen-âge, lorsqu’on pensait qu’il s’agissait de minerai d’argent
ou de cuivre, pour ensuite réaliser qu’il était difficile à travailler
et dégageait des vapeurs toxiques une fois chauffé. Quoi de plus
naturel que de soupçonner les kobolds d’avoir dévoré le précieux
argent supposé et de l’avoir ensorcelé ? Ce n’est qu’en 1735 qu’un
chimiste suédois étudia de plus près ce métal auquel il donna
son nom.
Aujourd’hui, les industries clés ne peuvent plus se passer du
cobalt, car il est ferromagnétique et résistant à la chaleur, ne
s’oxyde pas et conduit bien l’électricité et la chaleur. Son succès a
démarré au début des années 1990, lorsque les premières batteries
lithium-ion au dioxyde de cobalt sont arrivées sur le marché. Grâce
à une densité énergétique comparativement plus élevée, ces
batteries sont adaptées aux applications mobiles – des ordinateurs
portables aux véhicules électriques. En particulier le grand
nombre de nouvelles voitures électriques qui, avec des milliers
de cellules lithium-ion compactes, ont fait exploser la demande
de cobalt. Actuellement, 42 pour cent de la production mondiale
sont absorbés par la fabrication de batteries, principalement
pour l’industrie automobile. C’est ainsi que la nouvelle Tesla
modèle 3 contient environ 4,5 kg de cobalt, la première version
du modèle S en contenait 11. Bien que les ingénieurs deviennent
plus économes et que les chimistes travaillent au développement
de nouveaux types de batteries sans l’élément « ensorcelé », les
experts alertent depuis longtemps sur les risques de pénurie.
L’Agence Internationale de l’Energie (AIE) prévoit que le nombre
de véhicules électriques passera de trois millions aujourd’hui à au
moins 125 millions d’ici 2030.
La soif de matières premières devient un problème« L’avenir des véhicules électriques dépend de la demande en
ressources rares », jugent les experts de l’AIE dans leur rapport sur
l’électromobilité de mai 2018. « La transition vers les véhicules
électriques va renforcer la demande, tout particulièrement en co-
balt et en lithium. Lors du développement des batteries chimiques,
l’enjeu est de réduire la teneur en cobalt. « Mais même dans ce
cas, avertissent les experts, la demande dans le secteur automobile
devrait être multipliée par 25 d’ici 2030. Aujourd’hui déjà, la marge
de manœuvre entre production et demande est réduite. Selon une
étude, les besoins mondiaux en cobalt étaient d’environ 136 000 t
en 2017, et ils devraient doubler d’ici 2025 à plus de 272 00 t.
Ensemble, la production de « nouveau » cobalt et le recyclage
ont permis de fournir en 2017 entre 127 000 et 140 000 t, et
cela devrait augmenter d’ici 2025 à entre 250 000 et 265 000.
La demande en véhicules électriques constitue le plus grand
point d’interrogation. « Il y aura probablement suffisamment
de matériaux sur le marché jusqu’en 2025 . Mais si un scénario
de croissance agressive devait se réaliser, le cobalt pourrait déjà
se raréfier d’ici 2022 », préviennent les spécialistes. L’agence
PRODUCTION 2017 : mondiale 3 150 t ; Chine 440 t, Australie 300 t, USA 245 tABONDANCE : 0,004 ppm (72ème place en proportion de masse en ppm dans la croûte terrestre) – réserves mondiales : 54.000 tUTILISATION : L’or est l’un des premiers métaux à avoir été travaillé par l’homme. Il est depuis des milliers d’années une matière première très prisée pour les objets rituels ou les bijoux et il a été utilisé comme monnaie d’échange depuis le 6ème siècle avant Jésus-Christ. Ce métal précieux est mou et facilement ductile. Il suscite les convoitises jusqu’à ce jour.ÉVOLUTION DES COURS : Sa double fonction de matériau et de placement monétaire stable tire continuellement le prix de l’or vers le haut, à 1 355 dollars l’once d’or fin (2018).
L’OR196,967
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Au Aurum
Le métal doté du plus grand pouvoir d’attraction – sur les prospecteurs, les faiseurs d’argentet des bijoutiers. Il est utilisé dans l’électronique pour de meilleurs contacts.
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La mine Super Pit dans l’Outback australien mesure 3,5 km de long,
1,5 km de large et plus de 600 mètres de profondeur. Environ 28 tonnes d’or en
sont extraites chaque année
Quand le progrès
déplace des montagnes
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Au bout de la longue ligne : Des entreprises comme la Nautilus Minerals ont démontré avec de premiers essais dans le Pacifique qu’il est aujourd’hui possible de
récupérer de précieuses matières premières au fond des océans à l’aide de robots, comme par
exemple du cuivre ou de l’argent
Des trésors à quatre
kilomètres sous terre
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MATIÈRES PREMIÈRES FOCUS
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allemande des matières premières se montre également inquiète.
Même si les chiffres exacts différent d’un expert à l’autre, la
tendance est la même pour l’ensemble des prévisions, qui sont
explosives pour deux raisons. Avec une aussi faible marge entre
offre et demande, le prix est soumis à des fluctuations sauvages.
Le prix du cobalt est ainsi passé d’environ 24 000 dollars la
tonne (2013) à 80 000 dollars (2018) – également à cause des
spéculateurs qui stockent la matière première dans l’attente d’un
boom durable, comme le font les épargnants avec leur or. Cela ne
veut pas dire pour autant que l’humanité va bientôt manquer de
cobalt. Les réserves mondiales connues de cobalt représentent
7,1 millions de tonnes.
Quelle matière première viendra à manquer, à quel moment ?Les géologues supposent l’existence de beaucoup plus de réserves
de cobalt dans la croûte terrestre au fond des océans Atlantique,
Pacifique, et Indien. En dehors des bulles spéculatives des élé-
ments cobalt et lithium, si importants pour les batteries, les géo-
logues sont également préoccupés par les autres ressources, mais
mettent également en garde contre tout alarmisme. Aujourd’hui,
environ 60 pour cent du cobalt extrait dans le monde proviennent
du Congo. Récemment, des compagnies minières chinoises se
sont assuré une participation majoritaire dans l’une des plus
importantes mines ainsi que des droits d’exploration pour un
autre gisement. Il s’agit là d’un investissement stratégique. La
Chine est le plus grand marché automobile de la planète, Envi-
ron 500 constructeurs de véhicules électriques y sont déjà pré-
sents. Des entreprises telles que Tesla et Daimler construisent
leurs propres usines de production de batteries. C’est pourquoi
les experts de l’Institut fédéral allemand des géosciences et des
ressources naturelles (Bundesanstalt für Geowissenschaften und
Rohstoffe) de Hanovre expriment les mêmes préoccupations que
leurs homologues américains. « D’un point de vue purement
géologique, l’approvisionnement en matières premières miné-
rales est largement assuré », relatent-ils. Mais à court ou moyen
terme, des goulots d’étranglement peuvent survenir en termes
d’approvisonnement. Quelle matière première viendra à man-
quer et quand ? Cette question hante des économistes comme
Roderick Eggert, professeur à la School of Mines dans le Colo-
rado et directeur adjoint du Critical Materials Institute. Le CMI
est un regroupement d’entreprises d’exploitation des matières
premières, d’universités et de laboratoires de recherche publics
sous l’égide du Ministère de l’énergie américain, dont l’objectif
est d’étudier les pénuries. « La raréfaction des ressources est un
thème courant dans les débats publics. Mais nous ne sommes pas
encore pressés par le temps au point de devoir prendre des déci-
sions dans l’urgence », rassure Eggert. « Je m’inquiète beaucoup
plus du fait que nous extrayons de plus en plus de ressources de
médiocre qualité. Nous déplaçons plus de roches et dépensons
pour cela de plus en plus d’eau et d’énergie. Cela entraîne d’im-
portants coûts économiques et écologiques – à moins que des
innovations technologiques ne permettent d’améliorer l’efficaci-
té dans les mines et dans l’extraction des minerais. C’est surtout
vrai pour les minor metals tels que les terres rares – un groupe
de 17 métaux présents dans l’enveloppe terrestre et qui doivent
tout d’abord en être extraits de manière coûteuse avant de pou-
Précieux nodules : Des bras robotisés
récoltent des nodules polymétalliques au large des côtes de la Papoua-
sie-Nouvelle-Guinée. Les dépôts accumulés
au cours des millénaires sont riches en cuivre et
en cobalt
PRODUCTION 2017 : mondiale 110 000 t ; Congo 64 000 t, Russie 5 600 t, Australie 5 000 t ABONDANCE : 225 ppm (32ème place en proportion de masse en ppm dans l’écorce terrestre), réserves mondiales : 7,1 millions tUTILISATION : Le cobalt est un produit secondaire de l’extraction du cuivre et du nickel. Ce métal lourd gris et ductile est ferromagnétique, résistant à la chaleur et insensible à la corrosion. Il est donc d’une importance cruciale pour les entreprises clés telles que les constructeurs aéronautiques ou l’industrie automobile. Environ 40 pour cent de la production mondiale sont utilisés pour la production de batteries, entre autres pour les véhicules électriques et les smartphones.ÉVOLUTION DES COURS : Après les fluctuations des prix dans les années 70 et 80, le prix du métal lourd est à nouveau monté en flèche ; depuis 2013, il est passé de 24 424 à 80 491 dollars la tonne (2018).
COBALT58,933
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Co Cobalt
Matériau utilisé pour la coloration en bleu de la céramique, du verre et de la peinture. Aujourd’hui indispensable pour des batteries performantes.
FOCUS MATIÈRES PREMIÈRES
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voir être traités. Les réserves sont concentrées en Chine. L’éco-
nomiste mentionne également les éléments rares tels que le néo-
dyme qui entre dans la composition des aimants permanents dans
les smartphones et les moteurs.
« La production de ce métal ne dépasse pas quelques centaines
ou milliers de tonnes par an » , explique Eggert. « Il suffit d’un seul
nouveau domaine d’utilisation pour provoquer rapidement une
poussée de la demande et faire monter les prix. Cette incertitude
peut inciter un constructeur à ne pas utiliser cette ressource. » En
d’autres termes, la force d’innovation d’une économie nationale
peut être affaiblie par des goulots d’étranglement réels ou sup-
posés, en s’abstenant de certains produits ou en se rabattant sur
d’autres matières premières. Pour éviter cela, des spécialistes tels
qu’Eggert gardent constamment un œil sur l’équilibre entre l’offre
et la demande. Ils essaient de classer les matières premières selon
leur concentration géographique, leur prévision de croissance et
l’évolution de leur prix. Un congrès d’experts américains a ainsi
publié en 2016 un hit-parade des « minéraux critiques ». A la fin,
17 éléments accusaient suffisamment de facteurs de risques pour
figurer sur la liste rouge – de l’yttrium au cobalt, en passant par le
mercure et le tungstène. Pour en tirer les bonnes conclusions et
chercher des solutions de remplacement, il convient tout d’abord
d’inventorier l’état actuel des connaissances. C’est pourquoi le
Ministère fédéral allemand de l’éducation et de la recherche
(Bundesministerium für Bildung und Forschung) a lancé un pro-
gramme de recherche et de développement axé sur les « matières
premières économiquement stratégiques pour la haute technolo-
gie allemande ». Les chercheurs allemands, en liaison avec leurs
collègues du monde entier doivent améliorer l’acceptation de l’ex-
traction des matières premières et renforcer l’éducation et la for-
mation. L’accent est mis sur les « métaux et minéraux dont la dis-
ponibilité doit être assurée pour nos technologies du futur, et qui
ont un fort effet de levier sur l’économie ». Ce qui est sûr, c’est
que la croissance constante de la population mondiale et la pro-
duction industrielle qui en découle nécessitent des approvisionne-
PRODUCTION 2017 : mondiale 19,7 millions t ; Chili 5,33 millions t, Pérou 2,39 millions t, Chine 1,86 millions t ABONDANCE : 60 ppm (26ème place en proportion de masse en ppm dans la croûte terrestre), réserves mondiales : 790 millions tUTILISATION : Avec l’or, l’argent et le zinc, le cuivre a été l’un des premiers métaux que l’humanité a appris à travailler. Ce métal ductile est utilisé pur ou en alliage pour des applications électriques ou électroniques. De par sa haute conductivité, il convient pour les échangeurs thermiques, les conducteurs et connecteurs électriques et les machines et moteurs électriques.ÉVOLUTION DES COURS : Le cuivre se distingue régulièrement depuis les années 1970 par des pics de prix. À l’automne 2018 , son prix tournait autour de 2 700 dollars la tonne alors qu’il était à 4 800 dollars en 2016.
LE CUIVRE
Ventilation : Un air respirable propre est la condition de base pour un travail sécurisé dans les mines, mais il devient vite un facteur de coût important. Plus la mine devient imposante et complexe, plus l’alimentation en air res-pirable doit être soigneusement planifiée et surveillée. Il faut pour cela mettre en œuvre des détecteurs de gaz mobiles, comme le X-am 8000, capable de mesurer simultanément jusqu’à sept types de gaz toxiques et inflammables, de vapeurs ainsi que l’oxygène.
63,55
29
Cu Cuprum
Sécurité dans les mines :
Évacuation : Plus une mine est étendue et profonde, plus le concept d’évacuation et de sauvetage est compliqué. Dräger propose de nombreuses solutions ; des dispositifs de sauvetage individuels jusqu’aux chambres de refuge et de sauvetage. Le MRC 5000 (à droite) offre une protection pour huit à 20 personnes (jusqu’à 96 heures).
Protection respiratoire : Lors de l’extraction et du traite-ment de minerais, des poussières, aérosols et gaz toxiques peuvent être libérés. Dräger propose aussi bien des protections respiratoires filtrantes que des systèmes d’adduction d’air comprimé pour les interventions dans les zones à risque (entre autres le demi-masque Dräger X-plore 3500).
Il a donné son nom au stade d’évolution de l’humanité de l’âge de cuivre, entre l’âge de pierre et l’âge du bronze.
13REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
ments sûrs et fiables, en particulier pour les matières premières
les plus importantes. Selon le World Economic Forum, la Chine
consomme à elle seule 57 pour cent du nickel et 50 pour cent de
l’acier et du cuivre produits dans le monde. Comme le cuivre est
très demandé pour un grand nombre de produits (des câbles aux
semi-conducteurs), les experts s’attendent à ce que dans dix ans,
la demande mondiale dépasse déjà l’offre.
Ce qui nous ramène au rôle des sociétés minières. Toutes,
de Rio Tinto, Codelco, BHP, à Glencore et Freeport-McMoRan,
sont confrontées aux mêmes défis : plus profond, plus loin, plus
coûteux. « Les mines vieillissent, sont de plus en plus profondes,
alors que la production et la concentration baissent », déclare
Rüdiger Leutz, directeur général de Porsche Consulting au Brésil.
L’entreprise de conseil travaille entre autres avec Codelco, le plus
grand producteur mondial de cuivre, qui exploite sept mines au
Chili et a produit en 2017 presque 2 mégatonnes de cuivre. Bien
que Codelco exploite la mine d’El Teniente, devenue depuis la plus
grande mine de cuivre au monde avec 3 000 kilomètres de galeries
souterraines, la qualité du minerai de cuivre baisse. Depuis 1990,
la qualité a presque baissé de moitié. En outre, il y a un déficit de
personnel qualifié, capable de travailler avec les dernières techno-
logies. Enfin, continue Leutz, les compagnies minières subissent
non seulement la pression économique, mais elles doivent de sur-
croît respecter des exigences plus strictes en matière de protec-
tion de l’environnement et de règles de sécurité. « La réponse à
ces défis est la numérisation, l’automatisation, l’intégration de
flux de données ainsi que l’optimisation des processus. » C’est
pourquoi Codelco, tout comme ses concurrentes, a mis en œuvre
un programme de modernisation. La priorité est également don-
née à l’intelligence artificielle et aux drones hérissés de capteurs.
Cela permet non seulement d’identifier de nouveaux gisements,
mais aussi d’extraire les minéraux existants avec moins d’énergie
et d’eau. Les intelligences artificielles permettent de surveiller
de gigantesques machines de forage souterraines et d’en assurer
l’entretien avant qu’elles ne tombent en panne. Ce développement
n’épargne pas les hommes. Dans certaines mines australiennes,
des casques intelligents sont déjà employés pour mesurer l’activi-
té cérébrale des conducteurs et les alerter en cas de fatigue exces-
sive. Avec les données collectées, il est possible de faire beaucoup
plus pour augmenter la productivité, explique Leutz. Les planifi-
Plus profond, plus loin, plus cher : Codelco, au Chili, est le plus important producteur de cuivre au monde. Les mines, comme celle du désert d’Atacama, sont excavées
toujours plus profond et plus loin et sont exploitées à l’aide de robots pour pouvoir satisfaire la demande mondiale
Des robots aident à
traquer le cuivre
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14 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
cateurs d’une mine peuvent identifier les points névralgiques sur
les voies et les rampes et corriger ainsi les pentes, courbes et croi-
sements dangereux.
De l’or dans la déchargeLa loi de l’offre et de la demande dispose d’une autre variable
d’ajustement importante : la gestion durable des appareils ayant
déjà atteint leur fin de vie. En collectant les vieux téléphones
portables, ordinateurs et batteries, en les triant et en les retraitant
de manière appropriée, il est possible d’éviter que des métaux,
métaux précieux et terres rares finissent à tout jamais dans une
décharge. Plus de 7 500 t d’argent et 320 t d’or sont utilisées chaque
année pour la production mondiale d’appareils électroniques.
Leur valeur totale représente environ 21 milliards de dollars. Si
les déchets électroniques sont exportés dans les pays en voie de
développement, seule la moitié de leurs précieux composants
sont généralement récupérés. Si au contraire ils sont recyclés
dans des économies nationales modernes, le taux de récupération
des matériaux, par exemple l’or, tourne autour de 95 pour cent.
Vu ainsi, il y a une petite mine dans chaque téléphone portable
moderne.
L’agence gouvernementale américaine pour l’environnement
(EPA) a fait le calcul : le recyclage d’un million de smartphones
permettrait de récupérer 16 t de cuivre, 359 kg d’argent, 34 kg
d’or et 15 kg de palladium. Selon l’organisation américaine de
l’industrie de la ferraille et du recyclage (ISRI), une tonne de
vieux ordinateurs contient autant d’or que 17 t de minerais. Ces
quantités s’additionnent vite, car les États-Unis produisent à eux
seuls 4,5 millions de tonnes de déchets électroniques chaque année.
Des recherches sont menées au niveau mondial pour remettre
les précieuses matières premières en circulation dans le circuit
économique. La société Fraunhofer par exemple travaille avec
plusieurs entreprises des domaines du recyclage, des batteries
et de la construction d’équipements à un nouvel procédé baptisé
NEW-BAT visant à améliorer le recyclage des composants de
batteries. Il consiste à pulvériser des batteries lithium-ion dans
un bain d’eau à l’aide d’ondes. Cela permet non seulement de
récupérer les métaux, mais également de scinder les matériaux
Des trésors sommeillent aussi dans les déchets électroniques
Problème chronique : Plus l’humanité utilise et met au rebut de l’électronique, plus les montagnes
de déchets électroniques s’accumulent, comme ici à Wuhan en Chine, ils peuvent être recyclés au lieu de finir à la décharge
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MATIÈRES PREMIÈRES FOCUS
15REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
composites sans contact à leurs limites – par exemple des liaisons
en lithium, nickel, cobalt ou manganèse, des composés carbonés
de qualité ainsi que des alliages de terres rares. Comme le nombre
de véhicules électriques va continuer à croître, des pays comme
le Japon et la Chine développent actuellement des concepts pour
leurs propres infrastructures, afin de construire un réseau de
stations de recyclage de batteries usagées couvrant autant que
possible l’ensemble du territoire. La République Populaire a
présenté en juillet 2018 une norme adaptée aux municipalités et
aux constructeurs de véhicules, et le Japon a inauguré en mars la
première usine de recyclage de batteries automobiles, non loin du
réacteur accidenté de Fukushima. Même les plastiques renferment
des trésors cachés. Un autre projet de l’Institut Fraunhofer pour les
techniques de fabrication et d’emballage (IVV - Fraunhofer-Institut
für Verfahrenstechnik und Verpackung) se consacre au problème
de la récupération des matériaux critiques (antimoine et titane)
d’anciens appareils avant qu’ils ne finissent à la décharge. Ils sont
tous deux contenus entre autres dans des additifs pour les boitiers
plastiques, principalement en tant qu’éléments ignifuges, ainsi
qu’en tant que pigment blanc. Le projet Add Resources a étudié la
possibilité de recyclage de métaux et est arrivé à la conclusion que
ce n’est en principe ni un problème technologique, ni un problème
de rentabilité. Le directeur du projet, le Dr Martin Schlummer, voit
comme principal obstacle un « déficit de transposition » , c’est à dire
un manque d’infrastructures de recyclage nécessaires, pour séparer
par exemple les plastiques ignifugés des autres plastiques. Plus les
décharges grandissent, plus le problème devient urgent. Alors que
la Chine et l’Inde traitent l’essentiel des déchets électroniques
du monde entier, il s’accumule, selon les estimations des Nations
Unies, près d’un million de tonnes de déchets électroniques
chaque année en Afrique de l’Ouest. Avec de faibles perspectives
de récupérer les composants précieux de manière durable. Comme
l’humanité produira en 2030 environ trois milliards de tonnes de
déchets, les spécialistes envisagent le urban mining, c’est-à-dire la
récupération de métaux précieux à partir des décharges urbaines.
La recherche des richesses du sous-sol ne s’arrête pas aux
terres émergées. Les géologues de l’USGS étudient depuis les
années 1970 les minéraux dans les fonds marins. Dès le 19e siècle,
les océanographes remontaient d’étranges nodules à la surface,
et les caméras sous-marines ne cessent de livrer des images
impressionnantes de sources hydrothermales jaillissant de failles
du fond de l’océan. Dès que les nuages noirs riches en minéraux
refroidissent, il se forme de gigantesques cheminées. Mais qui a le
droit de prospecter sous l’eau ? Selon une convention internationale
sur le droit de la mer, les nations peuvent revendiquer une « zone
économique exclusive » pour toutes les ressources situées à
moins de 200 milles marins (environ 316 kilomètres) de leurs
côtes, y compris les matières premières qui reposent à plusieurs
kilomètres de profondeur.
Mines sous-marines : des trésors au fond des mersLa gestion des immenses gisements de manganèse, cobalt,
nickel ou cuivre dans les eaux internationales a été confiée à
l’Autorité internationale des fonds marins, International Seabed
Authority (ISA), dont le siège se trouve en Jamaïque. Même si
elle continue encore de peaufiner les directives sur l’extraction,
« L’exploitation minière commerciale en haute mer commencera
dans les cinq prochaines années », affirme le Dr James R. Hein,
géologue californien dirigeant le projet Global Ocean Mineral
Resources de l’USGS. Les spécialistes de l’ISA ont défini trois
catégories principales de ressources sous-marines : les nodules
polymétalliques, les sulfures polymétalliques et les encroûtements
cobaltifères de ferromanganèse. Ces derniers sont produits par
l’activité volcanique et sont de ce fait riches en cobalt et en
nickel. Ils se trouvent dans les eaux peu profondes, à partir de
400 mètres, et sont de ce fait souvent dans la zone économique
exclusive revendiquée par un pays. « Il reste encore de nombreuses
questions ouvertes, mais il est cependant très probable que les
ressources des fonds marins soient plus importantes que les
gisements terrestres », explique Amy Gartman, océanologue et
adjoint de Hein, le directeur du projet de l’USGS. Les spécialistes
estiment que rien que dans la zone Clarion-Clipperton dans le
Pacifique, 21 milliards de tonnes de nodules polymétalliques
reposent au fond de l’océan. Ils peuvent avoir une taille allant de
PRODUCTION 2017 : mondiale 43 000 t; Australie 18 700 t, Chili 14 100 t, Argentine 5 600 tABONDANCE : 20 ppm (33ème place en proportion de masse en ppm dans l’écorce terrestre), réserves mondiales : 16 millions tUTILISATION : Sans ce métal ductile d’un blanc argenté, le développement moderne de l’électromobilité, des smartphones et autres appareils en réseau n’aurait pas été possible, car aujourd’hui (presque) plus rien ne fonctionne sans la technologie des batteries lithium-ion. De nombreux matériaux sont associés au lithium pour le rendre plus dur, élastique et durable.ÉVOLUTION DES COURS : le lithium est toujours plus coûteux ; le prix est passé de 1 550 dollars (2003) à 16 500 dollars la tonne (2018).
LE LITHIUM6,94
3
Li Lithium
Initialement utilisé uniquement comme lubrifiant, il est devenu de plus en plus important et accélère désormais le développement de l’électromobilité.
FOCUS MATIÈRES PREMIÈRES
16 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
deux à 20 centimètres et contiennent, outre du manganèse et du
fer, également des traces de métaux très recherchés, tels que le nic-
kel, le cuivre, le cobalt et les terres rares. Certains pays ont déjà
lancé des expérimentations d’extraction minière sous-marine. Le
Japon, très dépendant des importations, a fait les gros titres en sep-
tembre 2017 lorsqu’un véhicule à chenilles a plongé au large des
côtes d’Okinawa et a remonté plusieurs tonnes de minerai depuis
une profondeur de 1 600 mètres. Selon le gouvernement, ce charge-
ment contenait entre autres de l’or, du cuivre du plomb et du zinc.
L’exploitation commerciale dans le Pacifique devrait commencer
mi-2020, car des chercheurs japonais ont découvert six gisements
de minerai autour d’Okinawa et estiment que la quantité de zinc
présente dans l’un des gisements serait suffisante pour couvrir les
besoins de l’industrie japonaise pendant toute une année. Un deu-
xième projet, au large de la Papouasie-Nouvelle-Guinée progresse
moins bien. Des dragages tests à 1 600 mètres de profondeur dans
la mer de Bismarck ont révélé la présence de cuivre, d’or et d’ar-
gent. La société canadienne Nautilus, dont les investisseurs sont
russes et omanais, veut exploiter ces métaux. À Port Moresby, le gou-
vernement a délivré les licences nécessaires pour débuter l’exploi-
tation de la zone Solwara One fin 2019. Mais le projet s’est heur-
té aux protestations d’initiatives citoyennes locales. Ces dernières
craignent que l’extraction sous-marine ne soulève d’énormes quan-
tités de sédiments.
« Patrimoine commun de l’humanité » Les conséquences écologiques en grande partie inconnues sont
l’une des nombreuses questions encore ouvertes sur la chasse aux
matières premières au fond des océans. « Les biologistes marins
ont commencé à s’intéresser à ce sujet. Ils veulent savoir quels
organismes vivent dans les profondeurs et quelles conséquences
les activités minières auraient pour eux » déclare Gartman,
océanologue de l’USGS. Si l’on collecte des encroûtements ou
des nodules métalliques à plusieurs kilomètres de profondeur et
qu’on les remonte en grande quantité à la surface, de considérables
quantités de boues seront soulevées. De plus, les chercheurs
viennent à peine de commencer à faire la liste des espèces, comme
les vers filtreurs, des poissons ou des escargots, qui ont élu domicile
dans des lieux tels que les sources hydrothermales. Lors d’une
expédition récente, Gartman a, en collaboration avec d’autres
océanographes, généré des nuages de sédiments artificiels dans le
Pacifique de San Diego, et observé à l’aide d’un sonar 3D comment
les particules se propagent sous l’eau et où elles se déposent au
fond de la mer. La science en est ici aussi à ses balbutiements. Une
autre conséquence de l’exploitation minière est déjà connue sur la
terre ferme : les terrils et les bassins de décantation dans lesquels
les métaux et les acides s’accumulent, avant de se retrouver dans
l’environnement. Gartman avertit que la même chose pourrait
se produire lors de la libération des sulfures sous l‘eau. Personne
ne sait quelles quantités supplémentaires d’acides les océans
sont encore capables d’absorber. « Cela dépend de l’importance
des activités d’exploitation sous-marines. » Que l’homme puisse
satisfaire son besoin constant de métaux dans les profondeurs des
océans dépend également de la rentabilité économique. Mais selon
les calculs de Richard Roth, professeur en science des matériaux
au Massachusetts Institute of Technology (MIT), elle est loin
d’être certaine. Il a présenté ses résultats lors d’une réunion de
la Seabed Authority en mars 2018 à la Jamaïque. Selon ses calculs,
les investissements initiaux pour une mine fictive en eau profonde
se situent entre trois et quatre milliards de dollars, auxquels il
faut ajouter 600 millions à 1,1 milliards de dollars par an pour les
coûts d’exploitation.
Selon les prévisions de Roth, les coûts les plus importants
ne seraient pas générés par une usine métallurgique flottante,
mais par une usine à terre dans laquelle le nickel, le cuivre le
cobalt et le manganèse seraient extraits avec difficulté. Ces quatre
minéraux ne représentent même pas 30 pour cent des nodules
ramenés à terre. Avec un rendement annuel de trois millions de
tonnes de nodules océaniques, on estime que l’on n’obtiendrait
au total que 6 375 tonnes de cobalt et 32 400 tonnes de cuivre.
PRODUCTION 2017 : Terres rares env. 130 000 t (dont seulement 7 000 tonnes de nédoyme); Chine 105 000 t, Australie 15 000 t, Russie 2 800 t ABONDANCE : 42 ppm (28ème place en proportion de masse en ppm dans l’écorce terrestre)UTILISATION : Le néodyme appartient au groupe des terres rares, que l’on ne trouve qu’en association avec d’autres métaux et dont l’extraction est liée à de considérables problèmes environnementaux. Ce métal est utilisé dans un alliage néodyme-fer-bore pour fabriquer de puissants aimants permanents, qui sont importants entre autres dans l’électronique des smartphones et des véhicules autonomes. C’est pourquoi les nations industrielles occidentales s’inquiètent de ce que 80 pour cent des terres rares soient extraites en Chine.ÉVOLUTION DES COURS : Le prix du néodyme n’a cessé d’augmenter fortement au cours des deux dernières décennies, il coûtait en 2009 environ 15 000 dollars la tonne, 250 000 dollars en 2011 ; il oscille depuis l’an dernier aux alentours de 95 000 dollars.
LE NEODYME144,242
60
Nd Neodymium
Le matériau des aimants extrêmement puissants, utilisés par exemple pour des installations éoliennes ultra performantes ou les disques durs.
17REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
Recyclage chez Dräger :Or, aluminium ou chaux sodée ; de nombreux appareils restent précieux à la fin de leur cycle de vie.www.draeger.com/19-17
Une telle exploitation minière générerait annuellement un chiffre
d’affaires d’à peine 2,4 milliards de dollars, ce qui au regard des
variations de prix pour de nombreux métaux ne constituerait
aucune garantie de bénéfices. La grande problématique pour
Roth est cependant la répartition équitable des bénéfices escomp-
tés entre les entreprises exploitantes, leurs investisseurs et les
nations à la juridiction desquelles ils sont soumis, ainsi que le
« patrimoine commun de l’humanité » Car contrairement aux
mines, les océans appartiennent à l’ensemble de l’humanité.
C’est pourquoi les spécialistes ne sont pas tous convaincus que
l’avenir se trouve au fond des mers. « Les obstacles techniques sont
effroyablement importants, et il est difficilement imaginable que
nous puissions jamais y exploiter des matières premières à grande
échelle – excepté peut-être des ressources de grande valeur », fait
remarquer l’économiste Roderick Eggert. « Cette question est
aussi passionnante qu’une histoire de science-fiction, mais il faut
toujours se rappeler qu’à la fin, seule une partie de la science fiction
se réalise vraiment. » Vu ainsi, il semble rassurant que l’humanité
ait déjà un autre objectif en vue : les astéroïdes, les lunes et autres
planètes. Des millions d’astéroïdes sont en orbite dans le système
solaire, au moins 1 000 d’entre eux intéressent des sociétés telles
que Deep Space Industries et Planetary Resources, car ils sont
suffisamment grands et proches de la Terre et contiennent de
précieuses matières premières. Le Luxembourg a déjà promulgué
une loi laissant la voie libre aux exploitants de futures mines dans
l’espace pour engranger leurs profits célestes. Planetary Resources
gère la base de données Asterank, dans laquelle sont répertoriés de
manière détaillée plus de 600 000 astéroïdes, avec les ressources
minières qu’ils renferment et leur intérêt économique. La NASA
prévoit d’envoyer en 2022 une sonde sur l’astéroïde Psyché qui
tourne autour du Soleil entre Mars et Jupiter. Il s’agit d’après les
astronomes du noyau d’une ancienne planète composé de nickel
et de fer. Il n’est donc pas étonnant que Chris Lewicky de Planetary
Resources ait récemment déclaré : « Le prochain âge du fer aura
lieu dans l’espace. »
L’espace aujourd’hui : Les scientifiques ont identifié environ 1 000 astéroïdes sur lesquels une exploi-tation minière serait rentable. La NASA étudie déjà sur Terre comment manipuler des blocs rocheux de plusieurs tonnes avec des bras manipulateurs
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Des robotsqui attrapent
des astéroïdes
227 ans
372 ans387 ans
1.200 ans
FOCUS MATIÈRES PREMIÈRES
REVUE DRÄGER 19 | 1 / 201918
Extraction Production annuelle des métaux les plus importants à partir du minerai (en milliers de tonnes, pendant l’année 2017). Certains font partie, dans le classement des éléments chimiques, des métalloïdes ou des métaux de transition.
Provenance Les cinq régions de production les plus importantes pour chaque métal ainsi que la part de la production mondiale.
Les métaux ont des propriétés fascinantes,
tant lors de l’usinage que lors de leur utilisa-
tion. Ils sont indispensables dans le monde
actuel. Ils donnent de la stabilité aux mai-
sons, de la légèreté aux avions et permettent
le développement de l’électronique ainsi que
de l’électromobilité. Les gisements de mine-
rais métalliques sont inégalement répartis
dans le monde. Quelques pays (souvent poli-
tiquement fragiles) ont un quasi-monopole
sur certains métaux stratégiquement impor-
tants pour l’avenir, tels le cobalt. Les gra-
phiques ci-après apportent des réponses à
des questions sur leur origine, le volume
d‘extraction ainsi que sur leur utilisation.
Les réserves disponibles en quantité limitée
obligent à une réflexion sur leur utilisation
ainsi que sur le recyclage, qui progresse par-
tout. Même si les réserves aujourd’hui éco-
nomiquement exploitables ainsi que les res-
sources existantes sont limitées, l’humanité
a toujours su s’adapter.
Des ressources raresElles permettent de fabriquer une multitude de produits : les métaux sont présents dans des produits aussi variés que les smartphones, les automobiles ou les emballages.
39 % CHN26 % AUS13 % BRA6 % IND3 % RUS
54 % CHN
Aluminium
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48 % RSA
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12 % PER9 % CHN6 % USA5 % AUS
39 % CHN
Zinc
11 % PER10 % IND8 % AUS6 % USA
51 % CHN
Plomb
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Nickel
11 % PHI10 % CAN10 % NCL9 % AUS
35 % CHN
Étain
18 % INA18 % MMR9 % BRA6 % BOL
45 % CHN
Molybdène
20 % CHI15 % USA9 % PER4 % MEX
73 % CHN
Antimoine
9 % TJK5 % RUS3 % AUS2 % TUR
58 % COD
Cobalt
5 % RUS5 % AUS4 % CAN4 % PHI
89 % BRA
Niobium
9 % CAN1 % RUS1 % COD
43 % AUS
Lithium
33 % CHI13 % ARG7 % CHN2 % ZWE
22 % MEX
Argent
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14 % CHN
Or
10 % AUS8 % RUS8 % USA6 % CAN
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290
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Minerai de fer
8 ans
11 ans
Étain
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Minerai de fer
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Aluminium
Aluminium
Chrome
Lithium
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Plomb
Zinc
Minerai de fer
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Ressources Temps qu’il faudra pour épuiser tous les gisements connus à ce jour. Ces estimations se basent sur des conditions constantes, d’utilisation et de recyclage.
UtilisationLes domaines d’utilisation les plus importants pour chacun des métaux.
RecyclageLa proportion de matériaux recyclés dans la production de métal.
51 %
33 %
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40 %
31 %
30 %
52 %
39 %
30 %
25 %
25 %
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20 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
La tradition
S’entrainer : Ausculter le cœur et les poumons, prendre la température : les stagiaires oublient vite qu’ils n’ont devant eux qu’un patient virtuel
21DRÄGERHEFT 404 | 2/ 2018
LLe chant rythmé et strident des cigales entre par la fenêtre
ouverte avec l’air frais du matin dont on pressent déjà qu’il devien-
dra tropical dans à peine quelques heures, à savoir 36 degrés Cel-
sius et une humidité de l’air supérieure à 60%. Le regard vaga-
bonde par-dessus les grands immeubles jusqu’aux montagnes
verdoyantes qui se perdent bientôt dans la brume. Des carreaux
de faïence muraux sont posés sur le sol. Un homme svelte entre
dans la salle de réunion. Depuis 20 ans, le Pr Wei Tiemin dirige
en qualité de président le plus grand hôpital de Lishui, une ville
de plus de 2,5 millions d’habitants dans la province de Zhejiang,
à environ trois heures en train express régional, au sud-ouest
de Shanghai. « Nous sommes un hôpital central communal, et
site universitaire pour l’université de Zhejiang », explique-t-il. Le
Municipal Central Hospital de Lishui est l’un des 30 000 hôpitaux
de République Populaire de Chine, et l’un des plus modernes.
Il règne en maître sur plus de 3 000 personnesL’établissement est très bien équipé : du service des urgences, tout
de suite à l’entrée, aux techniques d’imagerie moderne telles que
l’imagerie par résonance magnétique (IRM) ou la tomographie par
émission de positons (TEP). Une clinique dentaire y est également
rattachée, ainsi que de vastes locaux pour l’enseignement, les
formations continues et les congrès. Ce sexagénaire est fier de
ce qui a été réalisé : « Quand notre hôpital a été fondé en 1971,
rencontrela modernitéIl est rare de pouvoir se faire une idée des hôpitaux chinois, en particulier hors des métropoles de la côte Est. Et pourtant le Pr Wei Tiemin fait visiter avec fierté le LISHUI MUNICIPAL CENTRAL HOSPITAl – et permet justement d’avoir un aperçu de la gestion et du travail au quotidien.
Texte : Nils Schiffhauer Photos : Patrick Ohligschläger
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L’important, ce sont les hommes et les rapports entre eux
À hauteur des yeux : Des regards concentrés qui en disent plus que des mots – ils sont comme un exercice avant l’opération à venir que ces médecins sont sur le point de pratiquer
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23REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
ce n’était d’abord qu’une petite clinique qui fut mise en service
deux ans plus tard. Aujourd’hui nous avons 1 650 lits, et près de
18 000 personnes viennent chaque jour dans notre établissement »,
commente ce patron de plus de 3 000 employés, qui a en fait déjà
atteint l’âge de la retraite pour les médecins dans ce pays, mais qui
a prolongé son contrat, autant à sa demande qu’à celle de la ville et
de l’université. L’hôpital est passé à 45 services, de l’ophtalmologie
au centre de cancérologie, en passant par la chirurgie cardiaque,
la neurologie et la néphrologie, et ce pour deux raisons, explique
le Professeur Wei. « D’une part, notre ville a connu une explosion
démographique presque fulgurante, d’autre part, l’introduction
d’une assurance maladie en Chine a entraîné un afflux plus
important dans les établissements spécialisés. »
Le Professeur Wei ne vise pas seulement la croissance en
chiffres de son établissement. Il l’a amené à une position de
pointe grâce à ses équipements. Bien sûr, avant tout grâce aux
techniques de diagnostic (par exemple « l’un des systèmes de
laboratoire automatisés les plus modernes de toute l’Asie ») et
de thérapie. Il a aussi mis en place un programme de for-
mation ambitieux, qui comprend l’évaluation médicale
à l’aide de la réalité virtuelle. Ce qui frappe également, c’est
l’architecture intérieure pratique, dont le design et les couleurs
sont soigneusement assorties. « Oui », poursuit le Professeur Wei
en montrant les carreaux au sol, « j’ai d’abord étudié l’architecture
avant de me tourner pour des raisons de santé vers la médecine
et la cardiologie. » Un peu après, lors de la visite guidée de l’unité
pour VIP au 25ème étage, il montre une table de nuit développée par
lui et brevetée en Chine qui séduit particulièrement par sa forme et
sa fonctionnalité, comprenant un compartiment sur mesure pour
les bouteilles thermos d’eau chaude, incontournables dans ce pays.
« J’ai en outre fait ajouter un tiroir télescopique pour recueillir les
gouttes d’eau ». Ce n’est peut-être qu’un détail, mais c’est aussi un
exemple montrant avec quelle maestria il gère son établissement.
Plus de 4 000 dispositifs médicauxLe Pr Wei a compilé ses expériences et ses recommandations
dans un livre (« Detail-oriented Management of Hospitals »). Si
les plans quinquennaux en Chine définissent le cadre stratégique
et financier, le directeur de l’hôpital peut quant à lui se concentrer
au quotidien sur la gestion de ses collaborateurs. « Nous recrutons
la plupart d’entre eux dans le vivier de notre ville de 2,5 millions
d’habitants et ils continuent de se former ici », précise--il. Les
hommes et les relations entre eux sont un élément déterminant
pour la direction d’un hôpital. Parmi eux, des cardiologues.
Le Professeur Wei ouvre la porte d’un local dans lequel des
préparations d’organes humains sont alignées en rangs serrés
dans un compartiment spécial. Il montre la coupe transversale
d’un gros cœur calcifié. « L’homme auquel nous avons enlevé ce
cœur il y a des années, et implanté un autre, jouit jusqu’à ce jour
d’une excellente santé ! » Il doit aussi en être de même, au sens
figuré, pour les dispositifs médicaux. « Avec une équipe de dix
ingénieurs », explique-t-il, « je suis responsable du fonctionnement
sans interruption de plus de 4 000 appareils médicaux. » Ceux-
ci sont en effet de plus en plus performants, mais aussi plus
compliqués. Un service après-vente sans faille du fabricant joue de
ce fait un rôle important. Il n’est donc pas étonnant qu’il accueille
chaleureusement Ni Jianwei. Cet ingénieur était jusqu’à tout
récemment responsable de la maintenance des appareils Dräger
Une puissante sérénité : Le Professeur Dr Wei Tiemin a fait du Municipal Central Hospital de Lishui l’un des plus modernes de sa région. La compétence professionnelle du cardiologue, une bonne gestion et de bonnes relations inter-personnelles sont les secrets de sa réussite
Ordre et discipline font partie intégrante de l’aspiration chinoise à l’harmonie. Qu’il s’agisse des lits de l’unité de soins intensifs (ci-dessous) ou de la volute de la plante verte qui semble être le fruit du hasard, tout obéit à une harmonie naturelle (à gauche). L’homme en fait partie intégrante
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DRÄGERHEFT 404 | 2 / 20182424 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
dans cet hôpital et il a de toute évidence accompli ce travail à la
grande satisfaction de tous. « Nous les Chinois, nous n’aimons pas
non plus attendre », déclare Ni. « Lorsqu’ils ont besoin de nous, ils
contactent un centre d’appels, qui à son tour informe le technicien
responsable de Dräger. » Il prend alors contact immédiatement
pour cerner le problème et, si nécessaire, le résoudre encore dans
la nuit ou le week-end. Car « les appareils restent généralement sur
le lieu de travail, autrement dit dans la salle d’opération ou dans
l’unité de soins intensifs. »
Les machines à laver ont dû être enlevéesL’unité de soins intensifs est dirigée par le Dr. Xin Tian. « Nous
avons ici 29 lits, et encore huit autres dans une autre unité »,
explique ce médecin de 45 ans. Son unité est également équipée
de dispositifs médicaux modernes, mais elle se différencie dès le
premier coup d’œil des autres réanimations. Elle est nettement
plus claire et plus ouverte. En outre, les proches qui rendent visite
aux malades, et les réconfortent, véhiculent l’image d’un service
tout à fait normal. « Ici la technologie aide à sauver des vies »,
explique le médecin en désignant les respirateurs Dräger, « mais
en Chine non plus la technique ne fait pas tout. » La médecine
traditionnelle chinoise (MTC) joue également un grand rôle.
« Elle nous permet d’obtenir de bons résultats, par exemple en
cas de troubles abdominaux », précise le Dr Xin qui constate ici
une tendance croissante à l’utilisation des médecines douces
en constant renouvellement. Mais cette demande n’est pas la
seule à augmenter. « Le nombre total de nos patients devrait
aussi continuer d’augmenter au cours des prochaines années »,
prévoit le Professeur Wei. Nous y sommes préparés. Sur le vaste
site de l’hôpital, deux grands bâtiments annexes sont en cours de
construction et s’élèvent au rythme habituel dans ce pays de « trois
étages par mois ». Après cette visite, on se demande ce qui est à
vrai dire typiquement chinois dans cet hôpital. Outre la cafétéria,
c’est avant tout l’esprit : une bienveillante attention générale ainsi
qu’une certaine sérénité en dépit de toute la charge de travail. Et
la buanderie dans laquelle les patients ou leurs proches peuvent
nettoyer leurs vêtements dans un grand bassin. « Au début, nous
l’avions équipée de machines à laver, mais pour des raisons de
tradition, elles n’étaient ni utilisées, ni acceptées », se souvient
le Pro Wei. L’engagement des médecins dans la prévention est de
longue tradition en Chine. La légende voulait que les médecins ne
soient payé que tant que leurs patients allaient bien. Aujourd’hui,
des pathologies liées au mode de vie, telles que l’obésité et le diabète
sont de plus en plus répandues. « Nous faisons de l’information sur
ces risques, notamment dans les écoles. Pour un système de santé
efficace, nous devons déceler les maladies suffisamment tôt. En
outre, je conseille le gouvernement sur les mesures adéquates à
prendre », ajoute le Pr Wei, qui au demeurant n’est pas membre
du Parti communiste, mais de la société Jiusan. Lorsqu’en fin de
journée, on quitte l’hôpital, la chaleur vous frappe comme une
serviette humide. Et de nouveau, l’on entend le chant bruyant
des cigales.
Toujours prêt ! Le Dr Xin Tian dirige l’unité de soins intensifs avec 29 lits équipée d’équipements biomédicaux modernes
« Les clients chinois veulent avoir ce qu’il y a de mieux »
Le monde se reflète dans l’homme :Comment la médecine traditionnelle chinoisese modernise et devient partie intégrante dela pensée des médecins et des patients.www.draeger.com/19-25
ASIE HÔPITAUX
25REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
Dräger est représenté en Chine depuis 1994. Dietmar Roethlinger dirige la filiale de Shanghai depuis 2015 : « La Chine est actuellement pour Dräger le troisième plus important marché après l’Allemagne et les États-Unis. Nous le desservons à partir de Shanghai et Pékin, avec un total de sept sociétés. Selon le Medical Equipment Magazin (2018), nous sommes même leaders sur le marché dans les domaines de l’anesthésie et de la ventilation. Nous occupons aussi cette place dans l’industrie minière, plus particulièrement dans le secteur du sauvetage minier. La Chine compte parmi les économies du monde connaissant la plus forte croissance. Nous sommes loin d’avoir épuisé ce potentiel. Les clients chinois veulent toujours avoir le meilleur pour, à leur tour, proposer le meilleur à leurs clients. Dräger en profite non seulement avec ses produits, mais aussi avec son service. Deux tendances vont façonner l’avenir : d’une part, une croissance qui s’accélère encore du fait des tendances à la privatisation. D’autre part, l’exigence de ce que l’on appelle ici « local content », à savoir des produits qui sont développés et fabriqués pour le marché propre. Sur ce point aussi, nous sommes bien préparés avec un site de production à Shangai. Nous ne travaillons le segment haut de gamme des hôpitaux chinois qu’à 40 %. Et quant au segment moyen, il reste encore suffisamment de potentiel dans les établissements plus petits. »
Le nombre des patients devrait augmenter au cours des prochaines années
Une équipe soudée : La santé d’un patient est entre leurs mains. Ils s’apprêtent à entrer en salle d’opération
Un œil sur tout :Pendant l’intervention, cet anesthésiste contrôle l’état du patient grâce aux équipements biomédicaux
Enthousiasmé par la Chine et Dräger: Dietmar Roethlinger, CEO
26 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
Loin, très loin de l’Écosse, jallissent les sept sources de la
Brasserie d’État badoise Rothaus. Car l’art du Single Malt Whisky
fleurit également ici, à 1 000 mètres d’altitude au cœur de la Forêt
Noire. Une idée farfelue ? Pour les experts, la transformation de
la bière est en tout cas proche de celle du whisky. Car le Single
Malt est produit à partir des mêmes ingrédients que la bière ou
presque. Les Écossais sont également presque aussi intransigeants
que le décret allemand sur la pureté de la bière (Reinheitsgebot).
La maische se compose d’eau de source pure et de malt d’orge, des
levures font fermenter le mélange et transforment le maltose en
alcool. Les distillateurs n’utilisent pas le houblon des brasseurs.
L Il n’est donc pas étonnant que le whisky allemand du pays de la
bière connaisse un essor. À elle seule, la Fédération allemande
des distillateurs de whisky (VDW, fondée en 2012), compte
actuellement comme membres quelque trois douzaines de
distilleries. Leurs sites vont de l’extrême sud (par exemple Slyrs
au Schliersee) à l’extrême nord (Hinricus Noyte’s à Wismar).
Depuis 2017, les entreprises membres du VDW participent chaque
été à la « Journée du whisky allemand ».
Double distillation dans des alambics de cuivreChez le producteur de bière Rothaus (entre autres :
« Tannenzäpfle »), l’invocation des bons esprits de la bouteille
De la bière au WHISKY SINGLE MALT – la brasserie d’État Rothaus a sauté le pas. Très prisées, les mises en bouteille spéciales, telles l’édition Highland Cask Finish.
Texte : Peter Thomas
Invocation des esprits
sur les hauts plateaux
du pays de Bade
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DENRÉES D’AGRÉMENT INDUSTRIE
a commencé début 2000. L’initiateur en a été le maître brasseur
de l’époque, Max Sachs. « La réalisation de cette vision n’a pas
été facile » se rappelle son successeur, Ralf Krieger. À l’époque, la
Brasserie de Bade ne disposait en effet plus du droit de distillation.
Remettre tout simplement en service les alambics qui se trouvent
actuellement au musée n’était donc pas une option. Et trouver
en Allemagne une distillerie pouvant et voulant réaliser la double
distillation dans les alambics de cuivre se révéla difficile. On la
trouva finalement à Karlsruhe. Car le Rothaus Black Forest Single Malt Whisky est distillé par la distillerie Kammer-Kirsch. Celle-ci
appartenait il y a un siècle au grand duché de Bade, tout comme la
brasserie qui est jusqu’à aujourd’hui la propriété du Land de Bade-
Wurtemberg. Rothaus a mis en bouteille et lancé sur le marché
son premier whisky en 2009. Depuis lors, le Single Malt élaboré
à partir de l’orge de brassage d’été malté du Bade-Wurtemberg et
des eaux douces de la Forêt-Noire a acquis une bonne réputation.
Les éditions limitées sont particulièrement appréciées, comme
l’édition Highland Cask Finish, qui doit son nom au haut-plateau
de la Forêt Noire, et non pas aux Highlands écossais, et qui mûrit
dans les caves voûtées de la brasserie. D’eau-de-vie presque insipide,
elle se transforme en whisky. Le processus de vieillissement est un
voyage dans le temps et les arômes. Le whisky passe chez Rothaus
tout d’abord deux ans dans des fûts à Bourbon américains. Pour
atteindre la perfection, l’édition Highland Cask Finish vieillit
ensuite dans d’autres fûts de chêne dits de « finition ».
Ralf Krieger plonge le siphon en verre dans l’un des fûts qui ont
été fabriqués par le tonnelier Christof Schlegel pour la brasserie
badoise. Le bois de chêne clair provient des forêts autour du lac tout
proche du Schluchsee. L’ingénieur, spécialisé dans les technique
de brasserie, prélève à l’aide d’une pipette un liquide de couleur
ambrée et le fait goutter dans un petit verre à pied en forme de
tulipe. Au nez : sucré, doux et chaleureux. En bouche : épicé, avec
des notes d’herbes et de caramel. Outre l’édition Highland Cask Finish, il existe d’autres mises en bouteilles spéciales. Le whisky
peut alors vieillir dans des fûts à vin rouge du domaine viticole
renommé Franz Keller.
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Les bonnes choses demandent du temps : le Whisky Single Malt de Rothaus mûrit dans les caves de la distillerie Kammer-Kirsch (à gauche). L’édition exclusive Highland Cask Finish est quant à elle stockée dans la vieille cave voûtée de la brasserie. Le maître brasseur Ralf Krieger (en haut) montre la différence entre la jeune eau-de-vie encore presque incolore et le whisky ambré
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La production de whisky est une activité qui repose sur la réciprocité.
Tout comme les spiritueux prennent les saveurs boisées des fûts en
réagissant avec la couche carbonisée de la face intérieure, le whisky
libère également de l’alcool dans l’environnement. Comme il est
impossible d’en contrôler le processus avec précision, les cuvées
spéciales qui sont mises en bouteilles directement depuis le fût ont
toujours une concentration en alcool légèrement différente. « La
part des anges » (« Angels’ Share »), ainsi nomme-t-on l’alcool qui
s’évapore dans la cave. Cela semble poétique, mais il n’en reste pas
moins que c’est une émission d’éthanol, pour laquelle une valeur
limite d’exposition professionnelle de 380 milligrammes par mètre
cube d’air (d’après les règles techniques relatives aux substances
dangereuses TRGS 900 du 7 juin 2018) est applicable. Thomas
Strecker, responsable de la sécurité du travail à la brasserie Rothaus,
se veut rassurant : « Les pompiers de l’usine ont mis en œuvre une
série de mesures depuis le début du stockage. La concentration
dans l’atmosphère a toujours été insignifiante ». Les pompiers de la
brasserie ont une histoire de plus de 100 ans. L’unité des pompiers de
l’usine a été fondée en 1904, après un incendie important déclenché
par la foudre. Il s’est alors avéré que le temps d’intervention des
pompiers en cas d’urgence pour arriver jusqu’à l’usine située
en plein milieu d’une forêt à 1 000 mètres d’altitude, était trop
important. Les risques ont changé depuis. L’orge par exemple
n’est plus maltée directement sur le site. Cela a fortement réduit la
formation de poussière, tout comme le risque d’explosion. On utilise
pour la même raison un moulin à malt humide, afin de concasser
le malt d’orge livré sans produire de poussière. Mais les pompiers
de l’usine (actuellement 24 hommes dont 13 équipés d’appareils
de protection respiratoire) restent toujours indispensables pour
la brasserie et ses 246 employés. Pour l’imposante technologie
de refroidissement utilisée pour la régulation de la température
des cuves de fermentation et de stockage, une grande quantité
d’ammoniac est stockée. Les pompiers de l’usine sont préparés
à toute éventuelle fuite de cette substance : des combinaisons
Hazmat bleues de Dräger sont accrochées à portée de main entre
les véhicules d’intervention. L’entretien des appareils de protection
respiratoire, également de Dräger, est effectué dans des ateliers
dédiés. Des exercices conjoints sont réalisés entre autres avec les
pompiers professionnels de Freiburg.
Un froid utile« Une technique du froid performante est décisive pour les
produits », explique Ralf Krieger. Car pour le brassage, Rothaus
mise sur des températures basses et un processus de longue
Les anges, partenaires silencieux dans les chais
Il y a environ 1 500 brasseries en Allemagne. Beaucoup d’entre elles font de bonnes affaires
dans leurs niches. Chez Rothaus également, l’on mise sur une technologie ultra moderne pour la production de bière et de whisky
Tradition de la bière et brasserie moderne : la brasserie badoise Rothaus, située à Grafenhausen dans la Haute Forêt Noire est détenue à 100 pour cent par le Land de Bade-Wurtemberg et elle est l’une des plus grandes brasseries du Sud-Ouest de l’Allemagne
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29REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
DENRÉES D’AGRÉMENT INDUSTRIE
durée. Pour les bières de fermentation basse, cela signifie une
fermentation sous pression atmosphérique, à 10 degrés Celsius
pendant plus d’une semaine, suivie d’un stockage de quatre à cinq
semaines au cours duquel la température doit être maintenue
entre 10 degrés Celsius et juste en dessous du point de congélation.
Lorsque l’on se retrouve dans la salle de brassage, on ressent
tout d’abord la chaleur qui règne malgré l’isolation importante
sous les coupoles de cuivre des cuves de maische, des cuves de
filtration et des cuves de brassage. La salle de brassage, mise
en service en 2005, a permis grâce sa technologie moderne,
de réduire d’un seul coup de vingt pour cent la consommation
d’énergie de la brasserie. Mais pourquoi a-t-elle besoin de cette
température élevée, qui est véhiculée vers les différentes cuves
via l’eau et la vapeur ? Lors de la trempe, les sucres et autres
substances sont extraits du malt égrugé avec de l’eau chaude. Lors
de la filtration, elle sert à séparer les matières solides du produit
intermédiaire liquide. Enfin, dans la cuve de brassage qui donne
son nom à la salle de brassage, la bière brute est chauffée par de la
vapeur jusqu’à ce qu’elle arrive presqu’à ébulition. Puis le houblon
aromatique de Tettnang est ajouté, ce qui contribue à donner à la
bière Rothaus son goût caractéristique. Après refroidissement, le
moût final est enfin mis en contact avec la levure. On utilise des
levures sélectionnées que la brasserie cultive en continu. Pour ce
faire, le brasseur prélève de chaque lot des levures actives pour
la production suivante. Deux souches propres sont utilisées. Une
levure de fermentation basse – pour les Pils, bières de mars et la
bière non-filtrée « Maidle » – est utilisée pour la plus grande partie
de la production. Rothaus utilise cette levure également pour le
whisky. Une levure de fermentation haute est utilisée pour la
production de Hefeweizen (bière blanche). Après la fermentation,
le produit fini est pompé vers les cuves de stockage. Il y mûrit
un bon mois avant d’être vendu. Rothaus dispose de 67 cuves de
stockage d’une capacité de 180 000 litres chacune. « Cela nous
permet de rester fidèle au long processus sans perdre en qualité
lors de périodes de forte demande », déclare le maître brasseur.
Le grand huit des bouteillesAprès le stockage, c’en est fini de la tranquillité pour les bières
Rothaus : les bouteilles sont alors acheminées automatiquement
du tri et du nettoyage à la mise en bouteille et au conditionnement.
L’entreprise d’État a investi environ 30 millions d’euros dans des
travaux récents, dont font partie les installations d’embouteillage
et de tri. Des centaines de millions de bouteilles de 0,33 et 0,5 litre
quittent la brasserie chaque année. La production de whisky avec
ses 10 000 bouteilles de 0,7 litre ne constitue en comparaison
qu’une infime fraction. L’esprit de la Forêt Noire ne se retrouve
cependant aussi concentré que dans le Rothaus Black Forest Single Malt Whisky. Sa version classique est diluée pour la vente
à 43 pour cent d’alcool – avec justement l’eau des sept sources
de Rothaus, avec laquelle la maische a été produite.
Les pompiers de l’usine sont bien équipés, déclare
Thomas Strecker, responsable de la sécurité du travail
Des centaines de millions de bouteilles sont remplies chaque année dans la brasserie. L’an passé, un chiffre d’affaires d’environ 74,8 millions d’euros a été réalisé par les 246 employés
POMPIERS ÉTRANGER
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CANADA
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ÉTATS-UNIS
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Piteraq« En cas de
Un monde joliment bigarré :Dans le nouveau quartier de Tasiilaq (à gauche), des maisons hautes en couleur s’alignent le long du fjord, qui est gelé huit mois par an. C’est pourquoi les Groenlandais utilisent souvent des traineaux à chiens ou des motoneiges pour se rendre au village de chasseurs de Tiniteqilaaq
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Tasiilaq
Qaqortoq
Nuuk
Ilulissat
GROENLAND
ISLANDETiniteqilaaq
personne ne met le nez dehors »
SSur le bâtiment rouge foncé est
accroché un panneau avec la devise
Arsaanneq Inerteqqutaavoqmit, suivi de
la traduction en danois : Boldspil Forbudt (« Interdiction de jouer à la balle ») !
Mais comme bien souvent avec de tels
panneaux d’interdiction, c’est justement
là que les jeunes de Tasiilaq aiment
particulièrement jouer. Lorsque la balle
frappe les grandes portes métalliques des
pompiers, cela produit un grand bruit de
ferraille. Et parce qu’ici, dans cette grande
et unique ville de l’Est du pays, avec ses
2 000 habitants, il y a peu d’endroits qui
s’y prêtent.
Hendrik Andreassen, le chef des
pompiers, est assis à son bureau à côté du
Dans le Groenland-Oriental, les services de pompiers fonctionnent bien. Mais lorsque la tempête souffle de l’inlandsis,
cela devient difficile.En 1970, elle a frappé la municipalité de 2 000 âmes de Tasiilaq avec une vitesse de vent de 324 km/h.
Texte et photos : Barbara Schaefer
garage. L’homme de 49 ans ne remarque
quasiment plus ce bruit. Il l’entend tous
les jours. Ce Groenlandais, cheveux noirs
hirsutes, uniforme bleu, est pompier
depuis 28 ans. Pourquoi ? Il farfouille
dans une pile de photos encadrées.
L’une d’elles représente une maison
réduite en cendres. « Cet homme avait
un cancer. Il a assassiné sa femme, mis
le feu à la maison et est mort carbonisé
avec son jeune fils ». Andreassen était à
l’époque accouru vers l’incendie, comme
la moitié de la ville. « Tous ont participé,
avec des seaux. J’ai pensé à l’époque, ça
devrait mieux marcher, de manière plus
organisée, plus professionnelle ». Un an
après, cet électricien de formation entre
chez les pompiers, une activité accessoire
et suit presque toutes les formations qui
s’offrent à lui. Lorsque son chef danois prit
sa retraite, il déclara : « Mon successeur
doit enfin être un Groenlandais et c’est
ainsi que je le suis devenu en 2001 ».
De l’eau dans le réservoirTassilaq et une poignée de villages épars
sont très éloignés les uns des autres. Il
n’existe pas de routes entre eux, les habi-
tants se déplacent avec des traineaux à
chiens ou des motoneiges. Des hélicop-
tères ravitaillent les villages. Depuis peu,
les Groenlandais ne sont plus les seuls à se
déplacer, des touristes viennent également
voir la nature sauvage immaculée. Les expé-
ditions voulant traverser l’inlandsis partent
généralement de la côte est. C’est normale-
ment à la police de gérer les accidents qui
se produisent inévitablement de temps en
POMPIERS ÉTRANGER
32 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
Un lieu d’échange d’information : Le point de ralliement est la butte à proximité
de la caserne des pompiers. Les jeunes y jouent au football ou tournent en
rond avec leurs vélos tout-terrain. Les adultes s’échangent les nouvelles
Ours blancs, mercure et Mère Nature
temps en pleine nature, mais Andreassen
a voulu former son équipe également à
cela. Les formations de perfectionnement
lui tiennent à cœur. Il déballe son sac
de trekking, empile matériel d’escalade,
cordes, sac de couchage, réchaud de cam-
ping et sondes. Un spécialiste outdoor
groenlandais, formé en Alaska, a entraîné
les pompiers. « Il nous a entre autres appris
comment rechercher des personnes ense-
velies sous une avalanche ». Le sac à
dos contient également de la nourriture
pour le trekking. Des sachets avec des
rations lyophilisées, et même du Labskaus.
Andreassen n’apprécie pas beaucoup. « Mes
hommes préfèrent emporter des repas
faits maison. Du poisson séché avec du
Mattak, le lard de la peau de baleine. C’est
plus nourrissant. » Un jour un homme de
Tasiilaq a voulu se rendre à scooter dans le
village de Tiniteqilaaq, mais il n’y est pas
arrivé. Sa femme a alors alerté Andreas-
sen. Il s’est avéré plus tard que de l’eau
était rentrée dans le réservoir. L’homme a
continué à pied. « Il a traversé un fjord
gelé. En se retournant, il vit un ours blanc.
Il courut alors aussi vite que possible vers
une cabane sur le rivage. » Cet homme
n’avait eu aucune chance, mais l’animal a
fait demi-tour. Trois touristes se trouvaient
dans la cabane. Ils lui ont offert du thé et il
put se réchauffer. « C’est là que nous l’avons
retrouvé. » Anticiper et être prêt. Cela sonne
comme un mantra lorsqu’Andreassen
raconte ses interventions, comme lors de
cet accident chimique dans une école. Les
enseignants n’avaient pas remarqué que
les élèves s’amusaient avec des billes de
mercure. Andreassen et Bianco Kallia, le
deuxième pompier à plein temps, alertèrent
leurs camarades. Ils ne disposaient d’aucun
équipement pour cela, ils renvoyèrent donc
tout le monde à la maison et évacuèrent le
mercure avec une pelle et une balayette.
Après cela, j’ai immédiatement comman-
dé deux combinaisons Hazmat de Dräger
auprès des collègues de Nuuk, la capitale. »
Sur de la glace minceLa caserne des pompiers, un bâtiment plat
sur la colline, a été construit en 1961. Elle
fut la première sur la côte Est, une région
isolée, qui s’appelle Tunu, en groenlandais :
« le dos ou l’arrière ». « Ce n’est que dans
les années 1890 que les Danois sont venus
s’installer ici, ce qui fait de notre ville l’une
des plus jeunes d’Europe. » La côte est
inaccessible pendant huit mois de l’année,
car prise par les glaces. Comment alors
s’approvisionner en eau en cas d’incendie ?
« Ce n’est pas un problème », répond le
pompier en chef. « Les villages disposent de
gigantesques réservoirs ainsi que de pompes
à main, et l’on trouve dans les villes des
bornes incendie à des distances régulières.
Nous disposons au total de 600 mètres de
tuyaux. » Pour les faire sécher, il nous a
fallu imaginer une solution. Il n’existe à
Tasiilaq que des maisons basses, personne
33REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
Prévoyant : lorsque Hendrik Andreassen, le chef des pompiers, se retrouva obligé, après un accident à l’école, d’éliminer du mercure à l’aide d’une pelle et d’une balayette, il commanda immédiatement ces combinaisons de protection chimique
Cordon ombilical : un hélicoptère relie Tasiilaq au reste du monde, amène des visiteurs, des natifs et des fruits frais, ou des commandes
en-ligne express. Par contre, ce qui peut attendre n’atteint la côte orientale du Groenland qu’en été
De manière analogique : Le réseau cellulaire est réputé non fiable. Voilà pourquoi les pompiers de Tasiilaq misent sur des avertisseurs d’incendie ; 500 d’entre eux sont installés dans la ville
Centre névralgique Tasiilaq se trouve au bord de la mer, où donc ailleurs ? L’intérieur des terres est recouvert d’un manteau de glace d’une épaisseur pouvant aller jusqu’à trois km. La plus grande localité de la côte Est compte plus de 2 000 habitants. Les premières tribus Inuits en provenance d’Alaska vinrent s’installer il y a 4 000 ans dans la région située juste au-dessous du cercle polaire. En raison des conditions climatiques qui se dégradaient, la contrée est longtemps restée inhabitée. Les hommes ne s’y établirent durablement qu’à partir du 14ème siècle. Ni les Vikings, ni plus tard les chasseurs de baleines européens n’accostèrent sur la côte Est. Ce n’est qu’incroyablement tard, en 1884, que le premier non-Groenlandais y mit les pieds. Le Danois Gustav Holm hiverna à proximité de la localité actuelle de Tasiilaq. Holm s’intéressait à la culture et aux coutumes, il fut suivi par des compagnies de marchands et des missionnaires. La vie commença à changer. Les maladies et l’alcool décimèrent les Inuits, mais une alimentation meilleure et en plus grande quantité a permis à la population de croître à nouveau.
ne construirait de tour en raison du climat.
Les tuyaux sont donc séchés à l’aide d’une
soufflerie dans une salle étroite, tout en
longueur. De là, on arrive dans le garage
avec les véhicules d’intervention. L’un des
véhicules est un robuste Unimog de 1972.
« Il n’a que 2 500 kilomètres au comp-
teur ; il n’y a que 16 kilomètres de routes
dans la ville. » Le Magirus-Deutz date en
revanche de 1989. Hendrik Andreassen
vient se mettre à côté et demande si nous ne
remarquons rien. Il nous donne immédia-
tement la réponse. « Il est trop grand pour
nous les Groenlandais. » Ils ont été obligés
d’aménager une échelle sur le côté pour que
les hommes et les deux femmes arrivent à
y monter. Il est lui-même grand pour un
Groenlandais, avec son 1,70 m. « Mais
même pour moi c’est déjà trop haut. »
Les tuyaux pèsent de plus 30 kg. « Nous
devons les sortir à hauteur d’épaule, ce
qui n’est pas sain à la longue. » Ils ont
besoin d’un nouveau véhicule qui soit
adapté au Groenland et à ses habitants. La
réglementation incendie du Danemark,
auquel l’île continue d’appartenir malgré
son statut d’autonomie, est insuffisante.
POMPIERS ÉTRANGER
34 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
112 personnes sont prêtes à intervenir.
Quels sont les causes d’incendie les
plus fréquentes ? « En tout cas, pas de
vieilles installations électriques », déclare
Andreassen. Des fumoirs non plus, il n’y en
a pas ici. Les poissons sont tout simplement
pendus dehors pour sécher à l’air sec de
l’Arctique. Les causes d’incendie sont de
ce fait les mêmes que partout ailleurs : un
repas oublié sur le feu ou la combinaison
d’alcool et de cigarette. Le Groenland est
un pays de fumeurs. Hommes et femmes,
jeunes ou vieux, presque tous fument dans
la rue. Il n’y a encore jamais eu de grands
incendies ici. Les maisons sont éloignées
les unes des autres et leur murs en bois sont
chaulés avec un revêtement de sécurité,
qui les protège pendant environ une heure
en cas d’incendie. Les maisons mitoyennes
modernes se composent de cellules
individuelles. Seule une cellule brûle en
cas d’incendie, et non l’ensemble. Les
détecteurs de fumée sont obligatoires dans
les bâtiments publics, dans les deux hôtels,
la pizzeria, le bar et les supermarchés.
L’héliport, le cordon ombilical de la région
pendant une grande partie de l’année,
dispose d’une petite unité de protection
contre les incendies. Répartis dans
toute la ville, des avertisseurs d’incendie
visuels sont présents sur les murs et les
lampadaires. Il y en a 500 au total. Nous
n’avons pas de numéro de téléphone
d’urgence, car le réseau de téléphonie
mobile n’est pas fiable, il passe par satellite
via Nuuk. Les bons vieux avertisseurs
d’incendie fonctionnent beaucoup mieux. »
En cas d’incendie, « nous intervenons en
15 minutes partout dans la ville, sauf en
cas de Piteraq ». Le Piteraq (« Celui qui
t’attaque ») est un vent catabatique venant
de l’inlandsis, qui descend vers le sud le
long de la côte Est. Il souffle jusqu’à 290
km/h, mais il peut dépasser les 300 km/h.
« Personne alors ne met le nez dehors. »
Un jour, le magasin de musique a pris feu,
personne n’est sorti. Andreassen a quatre
enfants, son fils aîné travaille dans la police.
Des entraînements plus intensifs ont
été effectués après le «11 Septembre»,
tout comme au Danemark. « Mais nos
problèmes n’ont rien à voir avec les gratte-
ciel et les avions de ligne. Nous devons savoir
par exemple comment sauver quelqu’un qui
est tombé à travers la glace. » C’est pourquoi
des combinaisons de protection contre le
froid, un traîneau de sauvetage flottant
ainsi que deux motoneiges font partie de
l’équipement. Une corde grosse comme
un bras est en outre suspendue au mur.
Un élément de l’équipement ? Andreassen
rit : « Non, des équipages de navires nous
rendent parfois visite en été, et nous nous
affrontons au tir à la corde ! »
112 personnes prêtes à intervenirÀ Tasiilaq et dans les sept villages
environnants, de Tiniteqilaaq en passant
par Kuummiit et enfin Sermiligaaq,
Uniquement pour l’entraînement : lors de légères chutes de neige, le véhicule de service remorque le véhicule d’intervention hors du garage. Les enfants vont devoir aller jouer au football ailleurs
Des orages ? Ici, les causes d’incendie sont différentes !
35
Attelés : le chasseur Salo conduit souvent des vacanciers à Tiniteqilaaq, à l’autre bout de la baie. Au retour, il ramène
souvent sur son traineau de la viande fraîche de phoque, à la fois de la nourriture pour les chiens et du ravitaillement
Direction le nord, puis toujours tout droit. À Tasiilaq, devant le bureau de
tourisme qui fait en même temps glacier, ces panneaux indiquent la direction
Chez les pompiers, il n’y a aucun problème
de relève. « J’ai fort heureusement une
longue liste d’attente ! » Il s’en occupe à
sa manière engagée. « Rares sont ceux que
je forme ici qui partent, ni vers Nuuk, ni
vers le Danemark. » Ceux qui sont doués,
il les exhorte à continuer à apprendre.
« Nous avons absolument besoin de plus
de formation. » C’est ainsi que Andreassen
a déjà aidé dix jeunes gens à suivre une
formation. « J’en suis très fier. »
On a rapporté récemment un grand
incendie de tourbière sur la côte Ouest.
Cela est-il déjà arrivé ici ? Andreassen se
rappelle une intervention dans les années
1990 à Kuummiit. « Nous y sommes allés en
hélicoptère. » Un feu de camp n’avait pas été
éteint correctement. « Il a brûlé sous terre
à cinquante centimètres de profondeur. » Il
n’a pas été possible de déterminer si c’était
la faute de touristes ou d’autochtones.
L’incendie aurait-il pu être déclenché par
un orage ? Andreassen ne peut s’empê-
cher de rire de bon cœur. Il peut exclure
cette possibilité avec certitude : « Il fait tout
simplement bien trop sec. De toute ma vie,
je n’ai encore jamais vu un seul orage. »
Des mots innombrables pour désigner la neigeTout le monde le sait, le vocabulaire des esquimaux comporte plus de 100 mots pour la neige. Mais c’est comme pour tout ce qu’on croit savoir, parfois ce n’est pas vrai. L’écrivaine Kathrin Passig l’a expliqué dans un récit pour lequel elle a reçu le prix Ingeborg-Bachmann en 2006 : « Les esquimaux ont un nombre incalculable de mots pour désigner la neige, une affirmation que des gens sans imagination aiment bien glisser dans la conversation. Cela a sans doute pour but de mettre en lumière la perception limitée que les citadins ont de la nature. » Passig déclare n’avoir aucune patience avec les gens qui répètent ces affirmations banales. « Les langues esquimaudes sont polysynthétiques, ce qui signifie que même des tournures rarement utilisées, comme « neige qui tombe sur un t-shirt rouge » peuvent se formuler en un seul mot. » Le groenlandais, qui dans la langue locale se dit « Kalaallisut », est une langue inuite et n’est pas apparentée à d’autres familles linguistiques. Celui qui apprend l’Inuktitut, la langue inuite du Canada, comprendra la langue parlée à Nuuk, la capitale du Groenland, à peu près aussi bien qu’un Portugais se trouvant en Roumanie. Dans le Groenland oriental, par contre, la langue parlée est un dialecte entièrement différent. Quelques mots importants : peut-être – uppa, oui – Iiiji, non – eeqqi (avec un « q » très guttural).
PH
OTO
: I
STO
CK
Nouveau bateau,marin expérimenté :
Le Dr Christian Ellendorff (à droite) exerce comme
médecin de bord sur le Mein Schiff 1 de TUI Cruises
pendant quelques semaines par an. À terre, il exerce comme médecin interne
36
Consultation
REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
Il n’a guère dormi la nuit passée : en mer, entre les îles
danoises de Bornholm et Møn, un passager gravement malade a
dû être hélitreuillé et ramené à terre. Et de bon matin, à Kiel, trois
ambulances attendaient déjà les croisiéristes que le médecin de
bord, le Dr Christian Ellendorff, a fait transférer dans un hôpital, à
la fin d’une croisière de 10 jours en mer Baltique, pour y poursuivre
un traitement. « Un cas tout à fait exceptionnel, précise le médecin
de 69 ans qui, peu après midi, prend place dans sa salle d’attente.
« Je vais former les nouveaux membres d’équipage sur la manière
d’éviter les contaminations avec des pansements pleins de sang ou
des seringues d’insuline usagées que certains passagers laissent
traîner dans leurs cabines. » Et le voilà parti. Pour la formation,
Ellendorff a recours à ses connaissances en anglais et en espagnol,
car l’équipage du Mein Schiff 1 vient de différents pays, pour la
plupart des Philippines. Une demi-heure plus tard, il est de retour.
Cabine avec vue« En moyenne 30 à 40 patients viennent chaque jour à la consultation
dans l’hôpital de bord. » Six heures par jour, 365 jours par an, la
lourde porte coupe-feu sur le deuxième pont est ouverte : de 8 à
11 heures, puis à nouveau de 17 à 20 heures. La première heure
est réservée à l’équipage, les autres heures aux passagers. Il faut
le temps qu’il faut. Car finalement ce sont jusqu’à 4 000 personnes
(env. 2 900 passagers et 1 100 membres d’équipage qui peuplent
ce nouveau fleuron de TUI Cruises lors de ses croisières en Mer
Baltique et dans les îles Canaries. « Il y a toujours deux médecins
à bord », explique le Dr Ellendorff. Nous alternons chaque jour et
assurons chacun notre tour le service d’urgence. » Il faut aimer cela.
Quasiment pas de jour de repos, une cabine plutôt petite sur un pont
plus bas, là où vit l’équipage, mais avec malgré tout un hublot avec
vue sur l’extérieur. Un métier de rêve sur un bateau de rêve ? Ce
n’est pas tout à fait la bonne question, car médecin de bord n’est pas
un métier, mais une fonction. À terre, Ellendorff est établi comme
médecin à Hambourg, mais au moins une fois par an, il faut qu’il
s’évade. Depuis 2010, il assure régulièrement les soins médicaux
I
37REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
Il n’y a plus de nouveaux continents à découvrir, et pourtant les passagers des bateaux de croisière sont plus nombreux que jamais à voyager. Des MÉDECINS DE BORD s’occupent de leur bien-être médical, comme par exemple sur le Mein Schiff 1 de TUI Cruises.
Texte : Olaf Krohn Photos : Patrick Ohligschläger
sur le deuxième pont
CROISIÈRES FORUM
Ventilation d’urgence :Un Dräger Oxylog 3000 plus
est disponible à bord pour les soins aux passagers en
état critique, ainsi que pour les transferts, par exemple en hélicoptère
Service des urgences : En cas d’accident à bord, la Stretcher Team, dotée de l’équipement indispensable, est responsable du transport rapide à l’hôpital de bord
sur les navires de TUI Cruises en tant que médecin indépendant
pendant plusieurs semaines. Déjà lorsqu’il était étudiant, Ellendorff
se passionnait pour les grands vaisseaux sur l’Elbe et se demandait
si ce ne serait quelque chose pour lui. Il a fini par répondre « oui »
à cette question à l’âge de 60 ans. Ellendorff, qui pourrait fort bien
prendre sa retraite, aime le changement et la diversité culturelle à
bord. En outre, avec ce changement de cap professionnel, il occupe
le rang d’officier, qui selon la hiérarchie de bord vient toute de suite
après le capitaine et son adjoint. Sur le plan médical, nul autre n’a
son mot à dire dans son hôpital de bord.
Cabinet de médecine générale et service d’urgencesPour être médecin de bord, il faut avoir une forma-
tion de médecin généraliste, d’interniste ou de chirur-
gien et de surcroît avoir une qualification de médecin
urgentiste – le profil exigé sur un bateau de croisière se
situe entre ces pôles. L’hôpital de bord fait d’une part
office de cabinet de médecin généraliste, qui chaque
année soigne les bobos quotidiens et les blessures
de plusieurs milliers de personnes. D’autre part, les
médecins et le personnel soignant doivent pouvoir
réagir 24 h sur 24 en cas d’infarctus du myocarde,
d’AVC, mais aussi d’accidents de travail de l’équipage.
Ceux qui réservent une croisière chez TUI Cruises le
font notamment parce qu’ils ont l’assurance qu’en cas
de nécessité, que ce soit en haute mer ou dans le port
de Montego Bay, ils bénéficieront de soins médicaux
selon les normes allemandes et en allemand. « Selon les
directives internationales, nous serions seulement tenus
d’avoir un seul médecin à bord, mais nous en avons
deux, précise Angelina Koehler. La responsable du département
médical de TUI Cruises a développé l’hôpital de bord depuis sa
création il y a dix ans. Elle avait auparavant géré des hôpitaux à
terre. « Les champs d’action sont tout autres qu’à terre, et nous
devons en outre respecter en mer de nombreuses règlementations
internationales. » Même si des gens de plus en plus jeunes prennent
la mer, les passagers de croisières sont traditionnellement plutôt
d’un certain âge parce que ce type de voyage permet aux personnes
âgées qui ne sont plus aussi à l’aise pour marcher, de voyager dans
des endroits exotiques. Cette clientèle qui vient avec des pathologies
chroniques existantes est particulièrement attentive au niveau des
soins médicaux à bord.
Le médecin de bord a aussi la clé de la pharmacie de bord bien
approvisionnée. « C’est un autre aspect de mon activité, car en
mer, j’ai non seulement l’autorisation d’exercer comme médecin,
mais aussi comme pharmacien », explique Ellendorff. « Cela ne
serait pas possible à terre. » On sent d’emblée combien ce médecin
expérimenté aime ce travail aux processus complexes. Il doit décider
rapidement si par exemple un patient victime d’un infarctus
À bord uniquement, le médecin est autorisé àêtre aussi pharmacien
FORUM CROISIÈRES
38 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
Sur ordonnance : La pharmacie de l’hôpital de bord est bien approvisionnée. Dans la mesure où l’espace est limité et où le prochain port est souvent très éloigné, le médecin de bord et son équipe doivent être prévoyants lors des commandes de réassortiments
L’appel de la mer : Julia Bauer, l’infirmière de bord, a troqué son travail dans un hôpital de Cologne contre l’hôpital de bord sur le Mein Schiff 1
Les 315,7 mètres de long du Mein Schiff 1 en ont fait, à l’été 2018, le bateau de croisière le plus long sur le marché allemand. Il a été construit en Finlande et navigue sous pavillon maltais.
1 100 personnes de plus de 40 nations travaillent à bord, les plus représentés : les Philippins, les Indonésiens et les Allemands.
Chaque jour, 30 à 40 passagers et membres d’équipage ont recours aux six heures de consultation qui sont proposées 365 jours par an à l’hôpital de bord.
2 200 000 citoyens d’Allemagne fédérale ont effectué une croisière en haute mer en 2017, ils étaient 283 000 en 1997.
peut être traité avec les moyens disponibles à bord, si l’admission
dans un hôpital peut attendre jusqu’au prochain port ou s’il faut
appeler immédiatement en mer un hélicoptère de sauvetage. En
cas d’urgence, il se concerte avec le capitaine pour décider s’il est
nécessaire de changer le cap ou la vitesse du bateau pour prendre
en charge le patient le mieux possible. Un transfert à terre s’impose
parfois parce qu’un hôpital de bord n’est généralement pas adapté
à des séjours de plusieurs jours. La petite unité de soins intensifs
est notamment équipée d’un ventilateur d’urgence de type Dräger
Oxylog 3000 plus et peut accueillir jusqu’à deux patients, la chambre
de patients disposant généralement de trois lits. « Notre objectif est
cependant que les clients malades puissent continuer leurs vacances
à bord », précise Angelina Koehler, responsable médicale de TUI
Cruises. Finalement, pour certaines fractures osseuses, une cabine
avec balcon fait très bien l’affaire comme chambre de malade.
L’équipe a reçu récemment du renfort. « Nous avons mis en place
une coopération avec l’hôpital universitaire d’Eppendorf », ajoute
Angelina Koehler. Les radiographies qui sont effectuées à bord du
Mein Schiff sont envoyées par Internet au service de radiologie
de l’hôpital. « Nos médecins de bord reçoivent un deuxième avis
dans les 30 minutes qui suivent. Nous augmentons ainsi la qualité
diagnostique ». C’est pourquoi TUI Cruises veut étendre à l’avenir
la télémédecine à d’autres domaines.
De nombreuses personnes travaillant dans un espace très réduitLe Doc, comme tout le monde l’appelle, s’éclipse déjà à nouveau. Il
y a beaucoup de choses à organiser avant que le bateau ne quitte de
nouveau le port de Kiel. Deux heures avant d’appareiller, Julia Bauer
prend en charge la réception à l’hôpital de bord. Depuis sa formation,
cette infirmière a travaillé dans un grand établissement de Cologne et
navigue désormais dans d’autres eaux, professionnellement parlant.
« Sur un bateau de croisière, beaucoup de personnes travaillent
dans un espace très restreint. Le monde entier y est représenté »,
dit la jeune femme de 28 ans. À la différence du médecin de bord
Ellendorff, elle a un contrat à durée déterminée de quatre mois. À
bord, elle peut du moins assouvir un peu sa soif de voyages. « Ici, on
apprend avant tout à improviser. » Au début, elle s’est souvent perdue
sur l’énorme bateau. Maintenant, Julia Bauer sait toujours où aller,
aussi en cas d’urgence : « Lorsque le Starcode est déclenché, nous
nous mettons tout de suite en route avec le First Response Bag. » Et
lorsqu’ils ont besoin de renfort, la Stretcher Team n’est pas loin. Ces
membres de l’équipage spécialement entraînés transportent les
blessés ou les malades le plus rapidement possible à l’hôpital de bord.
« Parfois », poursuit Julia Bauer, « j’oublie même quel jour de
la semaine nous sommes. » Il est vrai qu’avec les horaires de travail
décalés de l’équipe, le repère temporel hebdomadaire du week-end
n’existe plus pour elle. Dans l’hôpital de bord, il arrive aussi que
Christian Ellendorff et son équipe oublient s’il fait jour ou s’il fait
nuit. Mais le Doc connaît la solution : « J’allume alors l’un de nos
moniteurs qui montrent des images des caméras de proue et de
poupe. »
Quelques chiffres
39REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
4040 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
Les hommes reçoivent l’essentiel de leurs impressions sensorielles via les yeux, la cornée joue le même rôle qu’un pare-brise. Si elle se trouble ou devient trop protubérante, bien souvent seule une TRANSPLANTATION peut permettre d’empêcher la cécité. Au lieu de transplanter intégralement la cornée, l’on se contente aujourd’hui souvent de transplanter des couches individuelles.
Texte : Dr. Hildegard Kaulen Photos : Patrick Ohligschläger
Des couches
Une merveille de la nature : transparent, résistant et stable. La cornée ne contient aucun vaisseau
sanguin – elle est alimentée par l’intermédiaire du liquide lacrymal
et de l’humeur aqueuse
SANTÉ CHIRURGIE OPHTALMIQUE
4141REVUE DRÄGER 19 | 1/ 2019
Tout est prêt. L’œil malade de
Bernhard P. a été marqué au-dessus du
sourcil – de son visage, seuls ses yeux et son
nez sont encore visibles. Le Dr Gericke,
va implanter aujourd’hui un nouveau
cristallin à cet homme de 49 ans et
remplacer sa cornée malade par celle d’un
donneur. Le Dr Gericke est chef du service
d’ophtalmologie de l’hôpital universitaire
de Mayence, et il dirige l’unité des maladies
de la cornée. Chez Bernard P., les cellules
de la couche interne de la cornée meurent
progressivement. Le médecin opérera
l’autre œil dans quelques semaines, ce qui
est la routine à Mayence, un des plus grands
centres de transplantation de la cornée de
la République fédérale allemande. 245 dons
d’organe y ont été transplantés l’an dernier,
souvent par le Dr Gericke.
Il voulait en fait être cardiologue. Avec
sa dextérité et son sens de l’orientation
tridimensionnel, il lui aurait été facile de
guider avec sûreté un cathéter cardiaque
à travers le système vasculaire. Mais il
en advint autrement. Les tissus que le
Dr Gericke tient désormais entre les mains
ne comportent pas le moindre vaisseau
sanguin, car la cornée est alimentée par
l’intermédiaire du liquide lacrymal et
de l’humeur aqueuse. Son habileté et
son sens de l’orientation sont cependant
tout aussi utiles en ophtalmologie. Car la
transplantation d’une cornée demande
beaucoup de doigté, surtout lorsque l’organe
prélevé n’est pas utilisé en intégralité, mais
uniquement les deux couches les plus
internes de la cornée sur les cinq existantes.
Dans le cas de Bernard P. également, seule
la couche endothéliale malade la plus
interne et la membrane de Descemet
qui la recouvre seront remplacées.
Cette structure complexe composée de
l’endothélium et de la membrane a une
épaisseur d’env. 10 à 20 micromètres, soit à
peu près un tiers du diamètre d’un cheveu
de femme. « Cette couche est souvent la
seule responsable d’une opacification
de la cornée, c’est pourquoi nous ne
remplaçons que l’endothélium avec la
membrane de Descemet et nous laissons
le reste de la cornée intacte », explique
T
ultraminces
42 REVUE DRÄGER 19 | 1/ 2019
SANTÉ CHIRURGIE OPHTALMIQUE
le Dr Gericke. La méthode s’appelle
DMEK. C’est l’abréviation de Descemet Membrane Endothelial Keratoplasty
(kératoplastie endothéliale de la membrane
de Descemet). « L’intervention est moins
invasive que le remplacement complet de
la cornée, car seules de petites incisions à
la périphérie de la cornée sont nécessaires,
via lesquelles les couches de cornée sont
remplacées dans le système fermé. Cela
présente moins de risques de complication,
car l’œil ne perd jamais sa pression interne
durant l’opération. L’intervention est en
outre plus courte et peut être réalisée sous
anesthésie locale. L’état de la cornée et
l’acuité visuelle s’améliorent aussi plus
rapidement qu’après un remplacement
complet de la cornée. »
Innovation tardive La transplantation de couches individuelles
de la cornée a été pour l’essentiel mise au
point entre 1998 et 2006 par le médecin
néerlandais Gerrit Melles et a connu un
succès fulgurant au cours des années
suivantes. Cela fut rendu possible par
le fait que les couches n’adhèrent que
faiblement entre elles et qu’elles peuvent
être séparées les unes des autres sans
provoquer de dommage. « Jusqu’à il y a
quelques années, nous avons opéré comme
l’ophtalmologue viennois Eduard Zirm au
début du 20ème siècle. Zirm a pratiqué
la première opération de transplantation
invasive en 1905 », raconte le Dr Gericke.
« Il aura fallu attendre presque un siècle
pour que cette intervention connaisse un
progrès décisif grâce à la transplantation
de couches individuelles de cornée. »
La vue est notre sens le plus important,
et c’est également celui que l’homme
s’approprie en dernier. L’ouïe, le toucher,
le goût et l’odorat sont déjà maîtrisés dans
l’utérus. Mais la vue ne s’apprend qu’après
la naissance. Ce sens ne fonctionne pas
sans la cornée. Elle fait l’interface entre
l’œil et le milieu extérieur, elle le protège
des infections et des blessures et participe
grâce à sa courbure, à une grande partie
de la réfraction nécessaire de la lumière.
Les propriétés de sa matière sont inégalées.
La cornée est transparente tout en
étant résistante et stable. Les éraflures
superficielles sont réparées en l’espace de
quelques jours grâce à la régénération de la
couche épithéliale supérieure. La couche
inférieure ne dispose cependant pas de
cette capacité de réparation. Lorsque les
cellules endothéliales dégénèrent, elle
sont perdues à tout jamais, comme c’est
le cas pour Bernhard P. La couche interne
déshydrate la couche intermédiaire (le
stroma cornéen) ; sans un endothélium
intact, un œdème se forme au niveau
de la couche intermédiaire et la cornée
s’opacifie. Bien que l’on travaille à des
Le personnel de la banque de cornées de Mayence contrôle la qualité des dons. Ils ne sont mis à disposition qu’après dix jours au plus tôt, une fois que tous les examens ont été effectués
43REVUE DRÄGER 19 | 1/ 2019
« Les propriétés matérielles de la cornée sont
uniques »Le Dr Gericke, Chef du service d’ophtalmologie du
centre universitaire hospitalier de Mayence
Travail de précision : Lors d’une transplantation de cornée, on ne remplace souvent que la couche endo-théliale malade la plus interne avec la membrane de Descemet qui la recouvre. Cette structure complexe d’endothé-lium et de membrane ne fait même pas l’épaisseur d’un cheveu féminin
cornées artificielles depuis de longues
années et que nombre de produits en soient
à différents stades de développement, il
n’existe pas encore de substitut largement
reconnu qui rendrait les dons d’organes
superflus. Le Dr Gericke travaille
également à un produit en collaboration
avec le Dr Werner E.G. Müller, chercheur
en matériaux de l’Institut de chimie
physiologique de l’université de Mayence.
« La forme d’une cornée artificielle est
tout simplement une vitre bombée vers
l’extérieur », explique le Dr Gericke. « Le
problème, ce sont les propriétés. Nous
avons par exemple un problème avec la
résistance à la rupture. Un transplant
intégral doit être cousu. Si l’on renforce
le matériau avec des fils supplémentaires,
il devient moins transparent. C’est un
dilemme », poursuit l’ophtalmologue. « Il
est également important que le matériau
soit stable et ne se dissolve pas ou ne s’altère
pas à la longue. La cornée artificielle doit
assurer une étanchéité fiable de l’œil et
être conçue de façon à ce que la couche
épithéliale externe, qui se renouvelle
continuellement, puisse se développer
sur le matériau. Nous n’en sommes tout
simplement pas encore là ! »
Comme un minuscule rouleau de tapisserieQuand une transplantation de cornée
devient-elle nécessaire ? Ce sont souvent
des accidents, des inf lammations
chroniques, des maladies congénitales ou
une protubérance avec amincissement de
la cornée qui motivent une intervention.
Le Dr Gericke opère Bernhard P. sous
anesthésie générale. Il commence par
le remplacement du cristallin situé
derrière la cornée. Il fait pour cela
une petite incision en périphérie de la
cornée, ouvre la capsule du cristallin,
il fragmente son contenu et l’aspire. Il
glisse ensuite par cette petite incision un
cristallin artificiel dans la capsule vide.
Ce n’est qu’ensuite qu’il commence la
transplantation de l’endothélium et de la
membrane de Descemet qu’il a retirés de
la cornée du donneur avant l’opération. Le
Dr Gericke a également fait des marques
microscopiques lui permettant lors de
l’opération de différencier la face avant de
la face arrière. Les couches de cornée, qui
ressemblent à de minuscules rouleaux de
tapisserie, reposent maintenant dans un
liquide stérile sur la table des instruments.
Le chirurgien retire les couches malades de
cornée du receveur avant de dérouler les
44 REVUE DRÄGER 19 | 1/ 2019
banque de cornées rattachée au service
d’ophtalmologie et dirigée depuis six ans par
le Dr Melissa Apel. Tout comme pour les
organes, la transplantation de cornées est
soumise à la loi sur la transplantation.
Selon cette loi, le prélèvement de cornée
n’est autorisé que si le donneur a lui-même
donné son consentement de son vivant,
ou si ses proches décident que sa
volonté présumée aurait été de le faire.
Contrairement à un organe vascularisé,
les cornées non-vascularisées peuvent
encore être prélevées jusqu’à 72 heures
après le décès. La réalité de la mort du
défunt est alors pleinement acceptée par
les proches. La seule mort cérébrale rend
difficile pour de nombreux proches la
décision d’un don d’organes, car ils voient
que, bien que le cerveau soit déjà mort, le
corps, lui, reste vivant grâce à la médecine
de soins intensifs. Ce problème ne se pose
pas dans le cas des cornées. C’est pourquoi
Le prélèvement est possible jusqu’à 72 heures après le décès
ILLU
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K
nouvelles sur la face interne de la cornée
via les fines incisions. Une bulle d’air va
plaquer pendant quelques jours les couches
transplantées contre le reste de la cornée,
jusqu’à ce qu’elles adhèrent d’elles-mêmes.
Elles ne sont pas suturées. Un mélange
gazeux assure que la bulle ne se résorbe
pas trop rapidement.
Puis le Dr Gericke va transplanter une
cornée complète à une autre patiente,
Christina N. Cette femme de 69 ans souffre
d’une opacification de toutes les couches de
la cornée. Cette opération sera également
réalisée sous anesthésie générale. Lors
d’une transplantation complète, la partie
centrale de la cornée est transplantée avec
toutes ses couches. Le médecin découpe
pour cela au microscope une section
circulaire de la cornée du donneur et
répète l’opération sur la cornée malade.
Le fragment du donneur est ensuite placé
et suturé dans l’œil. Le Dr Gericke utilise
des fils qui sont également plus minces
qu’un cheveu de femme. Pour s’assurer
que le greffon a pris correctement, les fils
ne sont retirés au plus tôt qu’un an après.
De bons résultats à long terme Qu’en est-il des risques de rejet ? Du fait que
la cornée n’est pas vascularisée et n’entre
pas en contact avec beaucoup de cellules
immunitaires, ce risque est plutôt faible.
La plupart des patients doivent mettre
pendant un an dans les yeux des gouttes
contenant un agent immunosuppresseur.
Seuls les patients à risque peuvent
connaître une baisse générale des
défenses, mais dans la plupart des cas, qui
ne durera pas sur le long terme comme
après la greffe d’un organe vascularisé
(transplantation d’organes). « Nous ne
tenons en général pas compte non plus de
la compatibilité tissulaire, contrairement
à une transplantation d’organe », explique
le Dr Gericke. « Cela n’est que très
exceptionnellement nécessaire pour la
transplantation de cornées ».
L’ophtalmologue et son équipe
reçoivent les cornées des donneurs via la
45REVUE DRÄGER 19 | 1/ 2019
CHIRURGIE OPHTALMIQUE SANTÉ
Dextérité indispensable :Avant que les couches les plus internes de la cornée ne puissent être transplantées, elles doivent être séparées du reste de la cornée. Les médecins sortent pour cela le tissu du conteneur de transport et le déposent face intérieure vers le haut dans un dispositif spécial, puis procèdent à un marquage pour l’orientation ultérieure et enfin séparent les couches
Comment une banque de cornée fonctionne-t-elle ?Comment trouve-t-on des donneurs, comment prélève-t-on les cornées, comment est contrôlée la qualité ?www.draeger.com/19-45
la situation du don est moins dramatique
dans ce cas. La cornée n’est pas un organe,
mais un tissu. Il s’agit donc d’un don de tis-
su, et non pas d’un don d’organe.
Par nature, toutes les cornées reçues
n’ont pas la qualité nécessaire. Le tissu
ne doit pas comporter de cicatrices, et
la couche endothéliale doit avoir au
minimum 2 000 cellules au millimètre
carré pour pouvoir être transplantée. Le
nombre de cellules est sinon insuffisant
pour obtenir une bonne acuité visuelle. Sur
les 715 cornées que la banque de cornées de
Rhénanie-Palatinat a reçu l’an dernier, 397
étaient transplantables. Les opérations ont
été réalisées soit à Mayence, soit dans l’un
des établissements hospitaliers partenaires
à travers l’Allemagne. Les besoins sont
cependant plus importants. Reste à voir si
les cornées artificielles seront une solution
dans un avenir proche.
La vision est un processus complexe : l’œil produit en principe une image dont l’intensité lumineuse est convertie en impulsions électriques (comme dans les appareils photos numériques), qui sont ensuite transformées en impressions sensorielles par le cerveau. Même si le cerveau est capable de corriger de nombreuses insuffisances de l’œil grâce à l’expérience, seul un œil sain permet une perception optimale. Et cela fonctionne ainsi : la lumière colorée filtrée par l’environnement et en grande partie réfléchie traverse la cornée protectrice (1) et la chambre antérieure de l’œil (2) (avec ses nutriments et ses anticorps) pour arriver sur le cristallin (3). La lumière passe d’abord au travers de l’iris (4). Celui-ci régule la quantité de lumière afin que l’œil ne soit pas ébloui. Le cristallin se déforme sous l’action du muscle ciliaire et des fibres zonulaires (5) de façon à ce qu’il projette une image nette sur la rétine (6) finement innervée. Les nerfs se rejoignent au niveau de la tache aveugle (7). Le nerf optique (8) transmet les informations de l’image, traduites en impulsions électriques par les bâtonnets et les cônes de la rétine, au cerveau (cortex visuel) qui effectue leur traitement. Le plus gros du volume du globe oculaire est occupé par le corps vitré (9), avec son rôle de maintien. La choroïde (10) alimente l’œil, entre autres en sang, et la sclérotique (11) le protège. La plage dynamique de l’œil est d’environ 20 IL (indice de lumination) Les meilleurs appareils photo n’arrivent qu’à douze. Dix à quinze clignements de paupière, d’une durée approximative de 350 millisecondes chacun, humidifient régulièrement la cornée avec du liquide lacrymal afin qu’elle ne se dessèche pas.
Imaginez-vous …
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AGRICULTURE ÉLEVAGE
Respirer dans
47REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
L
l’étable des veaux
Pour un air meilleur dans l’étable : Le Pr Samuel Kohler, responsable du
projet de recherche suisse, vérifie l’un des détecteurs de gaz portatif doté d’un
capteur d’ammoniac
L’air de la campagne est bon pour la
santé, dit-on, mais l’air de l’étable pourrait
être plus sain : il contient des gaz qui
peuvent être nocifs pour l’organisme. Ce
n’est pas un gros problème pour nous, les
hommes. Nous pouvons à tout moment
sortir et prendre un bol d’air à l’extérieur.
Les animaux y sont par contre à demeure.
Un bon climat dans l’étable est donc un
facteur décisif pour leur santé et leur bien-
être. Un capteur développé par Dräger aide
désormais les scientifiques suisses à mieux
comprendre la formation, la diffusion et les
effets du principal gaz nocif des étables :
L’ammoniac. C’est le gaz qui pique le nez
des visiteurs dans les étables ou dans les
toilettes publiques et qui fait pleurer les
yeux. L’ammoniac est la combinaison la plus
simple de l’azote et de l’hydrogène (NH3),
il joue un rôle important dans l’industrie
chimique, notamment dans la fabrication
d’engrais chimiques qui apportent aux
L’AMMONIAC est un gaz agressif qui se forme dans les étables et qui nuit à la santé des animaux. Équipés d’un capteur de Dräger,des scientifiques suisses veulent pour la première fois mesurer les concentrations directement sur l’animal et sur de longues périodes.
Texte : Tobias Hürter Photos : Patrick Ohligschläger
48 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
plantes cet élément nutritif qu’est l’azote.
Ce gaz se forme dans l’étable surtout
lorsque les excréments et l’urine se
mélangent et sont ensuite décomposés
par des microorganismes. Le problème
est moindre avec des vaches adultes,
ce sont des ruminants dont le système
digestif est complètement développé, ce
qui réduit la formation d’ammoniac. Les
veaux en revanche ne sont pas encore des
ruminants, chez eux, le rumen qui permet
aux vaches de digérer l’herbe et le foin
n’est pas encore formé. À cela s’ajoute
le fait qu’ils sont souvent couchés et que
leurs systèmes organique et immunitaire
ne sont pas encore pleinement développés.
De ce fait, ils souffrent particulièrement de
l’ammoniac qu’ils produisent eux-mêmes,
qui s’attaque aux voies respiratoires et aux
muqueuses. De nombreux animaux du
même âge, des germes et le stress, sont les
conditions réunies qui rendent les jeunes
animaux plus vulnérables aux maladies
infectieuses. « Lors de l’engraissement des
veaux, nous rencontrons très souvent des
problèmes pulmonaires », explique le Pr
Samuel Kohler, un vétérinaire qui enseigne
la santé animale et l’élevage à la Haute école
des sciences agronomiques, forestières et
alimentaires (BF-HAFL) de Berne. « C’est
ce qui explique aussi la consommation
importante d’antibiotiques. » Une meilleure
maîtrise de la formation d’ammoniac
dans les étables des veaux serait donc une
avancée importante.
Trop d’antibiotiquesEn outre, la présence d’ammoniac dans
l’air des étables constitue un risque qui
touche également les hommes y compris
les végétariens et les végétaliens : en
raison de l’administration préventive
d’antibiotiques à l’étable, de plus en plus
de bactéries deviennent résistantes aux
antibiotiques. Il en résulte ainsi le risque
que des patients se trouvent sans défense
face une infection. Selon l’estimation
de l’Organisation Mondiale de la Santé
(OMS), plusieurs centaines de milliers
de personnes meurent chaque année des
suites d’une résistance aux antibiotiques.
C’est pourquoi la Confédération suisse
a lancé en 2015 la Stratégie nationale Antibiorésistance (StAR), en collaboration
avec les diverses administrations et
institutions qui veulent ensemble lutter
contre l’apparition et la propagation de
nouvelles résistances.
Il y a deux ans, Dräger a fait son entrée
dans le domaine de l’agriculture avec
son nouveau capteur électrochimique
de surveillance du gaz en continu et
a présenté un nouvel appareil portatif
pour la mesure du taux d’ammoniac
dans l’étable. Auparavant, on utilisait
à cet effet des tubes de mesure. Ils ont
fait leurs preuves, mais ne fournissent
qu’un instantané, une valeur pour un
moment précis. Pour mieux comprendre
la formation et les effets de l’ammoniac,
il est nécessaire de pouvoir mesurer les
fluctuations tout au long de la journée,
mieux encore sur une période complète
d’engraissement de deux à trois mois. Et
pour ce faire, il n’existait pas jusqu’ici
de méthode de mesure fiable, facile à
mettre en oeuvre et financièrement
accessible. L’ammoniac était la grande
inconnue de l’étable. Markus Sax,
d’Agroscope, un centre d’expertise
suisse pour l’agriculture, fut l’un des
premiers à contacter Dräger il y a deux
ans. Il s’intéresse depuis longtemps au
problème de l’ammoniac dans les étables
où sont élevés des veaux. Qu’est-ce qui fait
augmenter la teneur ? Comment peut-on
l’abaisser ? Les moyens dont on disposait
il y a cinq ans ne permettaient pas de
répondre à ces questions. « C’est alors
que ce capteur est arrivé », se souvient
Sax, et avec lui, la chance de résoudre
enfin ces questions. L’objectif premier
du projet Ammoniac, sous la direction
du Pr Samuel Kohler, est de comprendre
à quelle charge d’ammoniac un veau
est exposé dans une étable : tout au long
d’une journée et au cours de sa vie.
Ensuite, il s’agit aussi de comprendre
les effets de l’ammoniac et de réduire sa
formation par une gestion optimisée de
l’étable. « Les veaux doivent grandir dans
un environnement dans lequel ils restent
en bonne santé », explique le Pr Kohler
Quelle est la valeur limite ?Les chercheurs collectent les données dans
une étable expérimentale à proximité de
Lenzbourg, une petite ville du canton d’Argovie. Elle appartient au producteur
d’aliments pour animaux UFA. Deux
groupes de veaux, de chacun 36 animaux,
y vivent en permanence. Ils sont élevés
dans l’étable, puis conduits à l’abattoir. Les
effets toxiques de l’ammoniac sur l’homme
et l’animal sont en principe connus depuis
longtemps. Dans l’industrie chimique,
il existe une valeur limite : 20 ppm
A l’air libre : dans l’élevage
expérimental, dans le canton suisse
d’Argovie, les veaux (ici âgés d’environ un mois) peuvent
sortir
49REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
ÉLEVAGE AGRICULTURE
Coopération : Dräger s’occupe de la technique de mesure dans l’étable
L’ammoniac était jusqu’ici le grand inconnu de l’étable
50 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
(parties par million). C’est la plus forte
concentration à laquelle les personnes
peuvent être exposées au travail, huit
heures par jour, cinq jours par semaine.
La même valeur limite a été fixée en
Allemagne pour les animaux. En Suisse, on
est plus strict, les autorités de surveillance
de ce pays recommandent une valeur limite
de 10 ppm dans les étables. Cependant les
chercheurs suisses critiquent le fait que
cette valeur soit fixée de manière arbitraire
et qu’elle ne soit en général applicable
qu’aux étables. Il n’est donc pas défini
quelle quantité d’ammoniac un veau peut
réellement inhaler sans problème, cela
n’ayant pas été vérifié jusqu’à présent. En
général, les agriculteurs et les contrôleurs
s’en remettent à leur odorat. Ce n’est
que lorsque l’odeur est perçue comme
particulièrement âcre et désagréable que
l’on a recours à une mesure. Cependant le
dispositif reste souvent dans les mains de
celui qui a fait la mesure et en dit peu sur
la dose qui pénètre dans les poumons d’un
veau lorsqu’il est couché dans l’étable, le
nez au-dessus du fumier.
Au printemps 2018, les chercheurs
suisses ont testé en coopération avec Dräger
la possibilité d’enregistrer à l’aide du
capteur, la quantité d’ammoniac réellement
inhalée par un veau dans l’étable. Il ont
passé autour du cou des animaux des
licols de poulains sur lesquels était fixé un
appareil de mesure, équipé d’un prototype
miniaturisé. Même si les données servent
d’abord à la préparation d’une étude
scientifique, il est déjà avéré que la charge
mesurée pour les veaux fluctuait fortement
alors que les taux d’ammoniac enregistrés
par les dispositifs de mesure fixes installés
dans l’étable restaient en dessous des valeurs
limites. Les appareils doivent aussi être
résistants. Les veaux se frottent entre eux,
les mordillent et les sucent. Les scientifiques
veulent effectuer les premières mesures fin
2018. Les animaux doivent encore porter
un deuxième capteur qui indique en conti-
nu le lieu où ils séjournent. L’animal est-il à
l’abreuvoir, dort-il dans un coin, ou est-
il dehors dans l’enclos ? Tout ceci a une
influence sur la charge d’ammoniac.
Apport régulier d’air fraisOn pourrait penser que le problème
d’ammoniac est facile à solutionner :
simplement faire des courants d’air en
ouvrant la fenêtre ! Mais ce n’est pas si
simple. Les veaux sont élevés généralement
en élevage clos, le plus possible à
l’abri de germes et d’autres influences
environnementales. En outre, en hiver,
les fenêtres ouvertes feraient trop baisser
la température, les animaux ont besoin de
chaleur pour grandir plus vite. Parallèlement,
ils se tiennent sur une couche de fumier de
plus en plus épaisse. On rajoute sans cesse
de la paille et le fumier n’est sorti que tous
les deux mois. Ce principe est appelé « litière
profonde ». D’autres élevages de veaux sont
équipés de sols perforés. Mais cela ne change
pas grand-chose à la charge d’ammoniac, car
le fumier n’est alors qu’un étage plus bas.
« Cela signifie que les émissions importantes
provenant de la fermentation du fumier
polluent l’air de l’étable », explique
Markus Sax. C’est pourquoi les animaux
ont constamment besoin d’un apport d’air
frais. Vue sous cet angle, la ventilation dans
l’étable des veaux est une question très
sensible. Le responsable de l’exploitation
veut y apporter une solution de manière
à ce que les animaux aient les meilleures
conditions de croissance possibles avec un
risque infectieux le plus faible possible. Le
standard depuis des années est l’utilisation de
systèmes d’aération informatisés hautement
sophistiqués qui prennent en compte dans
leurs routines de contrôle des paramètres
tels que la température, l’humidité de l’air
et la teneur en dioxyde de carbone. « Nous
voulons maintenant y intégrer également la
concentration d’ammoniac », poursuit Sax.
Ce serait déjà un premier succès si
le projet suisse pouvait aider à respecter
les valeurs limites actuelles d’ammoniac
dans les étables. Mais il peut encore faire
plus : permettre de mieux comprendre
l’impact de l’ammoniac sur l’organisme
des animaux. « Il est clair que l’ammoniac
est un facteur important en matière
de santé des veaux, mais on ne dispose
toujours pas de données claires sur les
effets et les interactions (en rapport avec
l’environnement dans l’étable) », déclare
Marion Zumbrunnen, l’agronome qui
participe au projet. Certains chercheurs
soupçonnent que des concentrations
nettement inférieures aux valeurs limites
en vigueur comportent déjà des risques
considérables pour la santé. C’est pourquoi
les mesures pourraient au final mener à
des valeurs limites plus pertinentes. Un
meilleur climat dans les élevages de veaux
serait ainsi profitable à tous, même à ceux
qui n’y mettent jamais les pieds.
La teneur en ammoniac fluctue bien plus fortement qu’on ne le pensait
Des germes rebelles :Qu’est-ce que des étables ont à voir avec les hôpitaux ? Plus que l’on ne pourrait l’imaginer. www.draeger.com/19-50
51REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
ÉLEVAGE AGRICULTURE
Bon pour l’homme et pour l’animal : Moins d’ammoniac dans l’étable signifie aussi une consommation moindre d’antibiotiques, et par conséquent moins de germes résistants
Derniers ajustements : les chercheurs testent comment bien fixer sur les veaux les détecteurs portables équipés de capteurs d’ammoniac (en haut et en bas) ; et où positionner au mieux dans l’étable les détecteurs fixes (de type Dräger Polytron C300, photo du milieu)
52 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
L’image du marin toujours saoul, comme le décrit Joachim Ringelnatz dans les poèmes, n’est plus d’actualité. La navigation est devenue une activité sobre, qui interdit généralement la CONSOMMATION D’ALCOOL ET DE DROGUE non seulement à bord mais également à terre. C’est l’armateur qui est responsable du contrôle de l’interdiction.
Texte : Constanze Sanders
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Avarie au large de la côte Ouest de l’Écosse : Ingestion d’un demi litre de rhum avant de prendre son quart sur le pont, selon le rapport d’enquête, le responsable de l’avarie de ce cargo en février 2015 était un marin en état d’ébriété
Lorsque le cargo britannique Lysblink Seaways, en route pour la Norvège, entre
en collision avec les falaises de la côte
Ouest de l’Écosse au premières lueurs
de l’aube du 18 février 2015, le premier
officier de quart est endormi. Après avoir
bu un demi-litre de rhum, il avait au début
de son quart oublié d’activer les systèmes
de sécurité de navigation. Le contrôle
d’alcoolémie prescrit par la compa-
gnie maritime et réalisé par le capitaine
donne trois heures plus tard une valeur de
2,71 mg/l. Le capitaine et le second offi-
cier sont sobres. L’officier de quart est
licencié, et le navire envoyé à la casse
après renflouement. L’erreur humaine est
à l’origine de 80 à 90 % des accidents en
mer. La consommation d’alcool fait certes
partie des causes, mais sa part est faible.
L
Régime sec
NAVIGATION PANORAMA
53REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
NAVIGATION PANORAMA
Et pourtant, si un officier était pris en
état d’ébriété, cela confirmait l’idée que
les marins se saoulent en mer. Il n’en va
souvent pas autrement qu’à terre, même
si l’on consomme volontiers de l’alcool
pendant le temps libre sur les navires de
commerce. La fameuse cérémonie du
passage de l’équateur ou les festivités dans
le mess appartiennent au passé.
Les marins ont un métier stressant, qui
reste encore risqué bien que les normes de
sécurité aient été significativement relevées
au cours des dernières décennies. En raison
de leur forte charge de travail, les équipages
font partie des groupes professionnels
présentant un risque élevé d’addiction.
« L’alcool adoucit rapidement la pénibilité
du travail et atténue la transition de la vie
professionnelle à la vie privée » explique
Cassandra Okechukwu, sociologue de
vention d’entreprise sur la consomma-
tion d’alcool et de drogue. L’armateur doit
veiller à ce que celle-ci soit respectée.
Toute personne voulant travailler sur un
navire doit posséder un certificat médi-
cal d’aptitude au travail des gens de mer.
Le comportement addictif fait partie inté-
grante du contrôle médical d’aptitude à la
mer auquel il faut se soumettre au moins
une fois tous les deux ans. Environ 20 000
marins ont été contrôlés entre 2009 et
2015, et en moyenne 3 % ont échoué. « Les
addictions n’y jouent cependant qu’un rôle
mineur » déclare le Dr. Philipp Langenbuch,
directeur du service de santé des gens de
mer du syndicat professionnel du trans-
port (BG Verkehr). « Nous avons eu 40 cas
d’addiction par an, dont 24 de dépendance
à l’alcool. » Ceux-ci représentent tout juste
0,12 % des personnes examinées. Au niveau
Harvard. La flotte de commerce mondiale
ne laisse cependant que peu de place à
cet égard. Certains fumoirs à bord sont
désormais devenus des pièces poussiéreuses,
car de plus en plus de compagnies maritimes
misent sur une Dry Ship Policy et interdisent
totalement l’alcool. Les marins sont
même condamnés au régime sec lors des
permissions à terre.
Des dizaines de milliers de bâtiments
naviguent sur les océans, plus ou moins
ignorés du reste du monde. Cependant,
aucun domaine n’est aussi fortement régle-
menté et surveillé que la vie à bord. Le code
de l’ISM (International Safety Manage-
ment) impose à tout propriétaire, gestion-
naire ou affréteur de navire d’utiliser
un Safety Management System (SMS),
pour une exploitation sécurisée des navi-
res. Cela comprend également une con-
54 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
mondial, près de deux millions de marins
veillent à ce que les équipages, les navires
et les chargements arrivent à leur port de
destination. Les pétroliers, vraquiers, car-
gos de marchandises et porte-conteneurs
transportent des marchandises à tra-
vers le monde à un rythme effréné. Sans
eux, il n’y aurait pas de biens de consom-
mation, de produits alimentaires ou de
matières premières bon marché. « Il y a
des règles de temps de travail, mais à cer-
tains moments, il m’est impossible de faire
de pause » explique le capitaine d’un navire
porte-conteneurs qui possède 40 ans d’ex-
périence. Cela vaut aussi pour l’équipage
Contrôles en mer et dans les portsDepuis le 1er janvier 2017, un taux d’alcool
de 0,25 mg/l d’air expiré, ce qui correspond
à 0,5 pour mille dans le sang, s’applique sur
toutes les mers du globe. Sur les pétroliers
et les navires de transport de matières
dangereuses, l’alcool est depuis longtemps
tabou. « La réglementation internationale
en vigueur exige une prévention efficace
avec des valeurs limites, des tolérances
et des appareils de tests obligatoires
clairement définis » explique le Dr. Stefan
Steinmeyer, responsable chez Dräger entre
autres du domaine de la détection de l’alcool
et de la drogue. « Des contrôles inopinés
doivent êtres prévus tout en préservant la
sphère intime des personnes testées. » Des
contrôles sont également effectués dans les
ports. Tous les navires de haute mer arrivant
à Hambourg reçoivent ainsi la visite de la
police maritime. « Nous montons aussi
vite que possible à bord, afin d’y trouver
encore l’état du moment de l’accostage »
explique Ulf Petereit, enquêteur principal
au commissariat 1 de la police maritime
(WSPK 1) de Hambourg-Waltershof.
Le contrôle visuel de consommation
d’alcool ou de drogue fait partie des
formalités de douane. Les fonctionnaires
proposent en outre, si nécessaire un
contrôle d’alcoolémie au moyen d’un
éthylomètre sur une base volontaire :
« Presque tous acceptent » déclare Petereilt.
En mer, c’est le contrôle social qui veille à ce
que chacun reste opérationnel. Là, tous les
bras sont nécessaires, comme par exemple
lorsque 20 marins doivent faire tenir son
cap à un porte-conteneurs de 300 mètres
avec un tirant d’eau de 14 mètres, c’est
une centrale trépidante avec des milliers
de chevaux-vapeur fonctionnant selon des
règles bien établies. « Nous voulons tous
rentrer sains et saufs à la maison » explique
un marin. « Lorsque quelqu’un abuse du
schnaps ou de la marijuana, ses collègues
lui font des observations. » La conscience de
faire partie d’une communauté de risque
imprègne la vie en mer. De nombreux
marins passent fréquemment six mois
d’affilée en mer ou plus. « En trois mois,
je suis peut-être descendu trois fois à terre
quelques heures » rapporte le capitaine
d’un autre porte-conteneurs qui circule
entre l’Europe du Nord et l’Amérique du
Sud. Il ne reste guère de temps libre pour
les permissions à terre. Un méga-porte-
conteneur est déchargé à Hambourg en
seulement 36 heures, et il a alors transbordé
environ 6 500 conteneurs standards.
Un tel navire est un lieu de travail
intensif dont on ne peut pas non plus
s’évader lors du temps libre. Il est peu
accueillant et chaque équipage est
différent : des nations, mentalités et
cultures sans cesse changeantes s’y
rencontrent. Tout cela est source de stress.
Devoir vivre ensemble pendant plusieurs
mois – dans un espace restreint et oscillant,
24 heures par jour – peut entraîner des
conflits, avec des symptômes de stress
comme l’insomnie, la frustration ou un
épuisement généralisé. « Le problème,
c’est l’isolement » explique Langenbuch,
du syndicat professionnel des transports.
« Les marins vivent sans contact avec leurs
familles, épouses et enfants. » Lorsque la
L’océan, un lieu de travail dangereux
Visite d’importance : Tout navire arrivant à Hambourg est contrôlé par la police maritime. Le contrôle visuel de consommation d’alcool ou de drogue fait partie des formalités de chaque accostage
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NAVIGATION PANORAMA
55REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
côte disparaît à l’horizon, c’en est souvent
fini du réseau de téléphonie mobile.
L’océan est une immense zone sans réseau
pour ceux qui ne peuvent pas se permettre
un téléphone satellite.
Lorsque les cargos étaient encore à
voile, les boissons réconfortantes forte-
ment alcoolisées coulaient à flots ; on buvait
par ennui, mais aussi pour des raisons de
santé. Le rhum a été pendant des siècles
la meilleure alternative à l’eau potable
qui croupissait dans les réservoirs avant
d’arriver à Madagascar. Il était de plus
considéré comme un remède contre le
scorbut. Cette maladie associée à la
nourriture avariée décimaient des
équipages entiers, jusqu’au moment où le
capitaine Cook, au 18ème siècle, servit de
la choucroute à ses hommes. La vitamine
C qu’elle contient permit de vaincre le fléau
des marins et rendit caduc cet alibi pour
la consommation de rhum. Mais « Kuttel
Daddeldu » du poète et marin expérimenté
Joachim Ringelnatz ne fut pas le seul à
rester éméché. Jusqu’au milieu du 20ème
siècle, « les marins ont continué à l’utiliser
pour atténuer leurs maux multiples », se
rappelle un autre capitaine. « Le vin, les
femmes et les chansons étaient pour ce
faire des remèdes éprouvés. Tant que
l’officier de quart sur le pont gardait l’esprit
à peu près clair, il n’existait pas de vrais
dangers sur la mer. » Les changements
rapides de la météo et la piraterie faisaient
cependant des océans le lieu de travail le
plus dangereux du monde. Chaque année,
plus de 2 000 marins perdent la vie en mer.
Il s’est produit l’an dernier 2 611 accidents
et 85 navires ont sombré. La majeure
partie des accidents a lieu par mauvais
temps. Grâce aux technologies de
communication modernes et aux services
de secours perfectionnés, l’aide arrive
relativement vite à bord.
Des marins modernes L’erreur humaine reste pour le moment
le risque le plus important. Les agences
de mise à disposition d’équipages, qui
recrutent des personnels pour l’ensemble
de la flotte marchande de la planète,
constitue en quelque sorte la première cible
de la lutte contre l’abus d’alcool en mer.
Manille compte, à elle seule, des centaines
de ce type d’agences de recrutement. Près
d’un demi-million de Philippins parcourent
les océans, environ le quart des marins de
la planète ; la plupart très loin de leur pays,
vers lequel ils envoient chaque année des
milliards de dollars à leur famille. Bien que
la consommation d’alcool joue le même
rôle dans leur pays que dans les autres pays,
les Philippins boivent souvent moins. Une
étude explique cette retenue par leur statut
socialement reconnu de soutiens de famille.
Dans leur salle d’équipage, il y a presque
toujours un appareil de karaoké, une
activité élevée au rang de sport national.
Ils chantent tout ce qui a un jour été au
hit-parade, parfois avec, mais aussi sans
alcool. « Il y a une nouvelle génération de
marins » observe Ulf Petereit et ses collègues
de la police maritime lors des contrôles
douaniers à la sortie du port, sans lesquels
aucun navire n’est autorisé à quitter le port
de Hambourg. « Cette génération pense
différemment et boit moins. » Son œil exercé
reconnaît immédiatement si quelqu’un
est alcoolisé. « Mais les problèmes sont
extrêmement rares » assure Petereit fort
de ses 20 ans d’expérience professionnelle.
Être marin est aujourd’hui un métier
solitaire. Qu’est-ce qui pourrait alors le
rendre heureux ? Avant tout un accès à
internet sur le navire pour garder le contact
avec la famille. L’industrie maritime a
identifié ce problème et a accru ses efforts
pour proposer des offres attractives de
loisirs et de sports. Des conversations et une
harmonie relaxantes ne sont plus un luxe
mais une nécessité, elles attirent en outre
des personnels qualifiés. Un lounge bien
équipé permet de souder l’équipage. Lors de
la pause café ou après le dîner, on regarde
des films ou on joue aux cartes ensemble.
Un navire qui dispose d’un bon cuisinier et
qui fête les anniversaires, Noël et le Nouvel
An est un bon navire. Lorsque la politique
de l’entreprise le permet, il y a alors aussi
de la bière, du vin ou des spiritueux. Quatre
heures avant le début du quart, on ne peut
cependant généralement servir que des
boissons non alcoolisées. La plupart des
navires sont équipés d’appareils de test
d’alcoolémie tels que le Dräger Alcotest
5820, de manière à ce que tous les membres
de l’équipage puissent être contrôlés à tout
moment. Sur de plus en plus de navires,
la limite est de 0,0 pour mille. Petereit,
le policier de la navigation sait que « les
capitaines ont l’obligation de procéder
à des contrôles inopinés ». « Le résultat
est documenté et envoyé à la compagnie
maritime, pour montrer quelles mesures
ont été prises à bord. » Mais c’est cependant
le capitaine qui a toujours le dernier mot. Il
peut interdire les boissons alcoolisées même
si la compagnie maritime les autorise.
0,0 pour mille : On trouve de nos jours sur de nombreux navires des appareils tel que celui-ci : Dräger Alcotest 5820. À bord, le problème de l’« alcool à la barre » est la plupart réglé par la « tolérance zéro »
56 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
La métropole indienne d’Hyderabad doit devenir le plus grand HÔPITAL SPÉCIALISÉ EN GASTROENTÉROLOGIE au monde – et atténuer la pénurie de spécialistes dans le sous-continent.
Texte : Mathias Peer Photos : Harsha Vadlamani
Mehabub Halder* a fait un long voyage
pour se rendre à son rendez-vous. Cet
homme qui vient de Calcutta a fait un trajet
de 26 heures en train pour venir à Hyderabad.
C’est ici que travaille le Dr. Nageshwar
Reddy, l’un des médecins spécialisés les
plus demandés pour les problèmes gastro-
intestinaux et hépatiques. Halder a depuis
plusieurs années une grosseur étrange au
niveau de l’abdomen qu’il voudrait faire exa-
miner. Il en est sûr, ici, il trouvera de l’aide.
Mardi matin à Hitec City, un quartier
de Hyderabad où des entreprises
internationales telles que Amazon, IBM et
Deloitte se sont également installées. La
destination de Halder : le bâtiment gris
foncé de neuf étages à côté de l’autoroute
urbaine. À première vue, il pourrait s’agir
de l’un de ces centres commerciaux
modernes qui fleurissent de plus en plus
dans les métropoles indiennes à proximité
des classes moyennes prospères. À l’entrée,
une porte vitrée automatique coulisse et
son bagage est passé aux rayons X par
un vigile au poste de sécurité. Il arrive
ensuite dans un vaste hall avec un sol
de marbre et des escaliers mécaniques.
Le logo doré de l’institut brille à l’autre
extrémité : AIG. C’est l’acronyme de
M
La chasse aux records
du docteur Reddy
Asian Institute of Gastroenterology, un établissement spécialisé pour les patients
souffrant de problèmes du système digestif.
Le Dr Nageshwar Reddy, fondateur de
l’hôpital, nourrit des projets ambitieux
pour son établissement. La volonté de cet
homme de 62 ans est qu’il devienne non
seulement l’une des plus grandes cliniques
d’Inde, mais aussi le plus grand hôpital du
monde spécialisé en gastroentérologie.
Environ 70 000 endoscopiesLe Dr. Reddy a l’habitude de gérer un grand
nombre de patients, il exerce depuis plus
de trois décennies à Hyderabad. Sa bonne
Très prisé : Le Dr Nageshwar Reddy est l’un des gastroentérologues les plus demandés en Inde. Le délai d’attente pour avoir un rendez-vous avec lui est de plusieurs mois
Dimensions XXL : Dans le hall d’accueil, dans lequel une gare de taille moyenne pourrait tenir, on se sent un peu perdu
* nom changé
57REVUE DRÄGER 19 | 1/ 2019
ASIE SOINS MÉDICAUX
réputation attire des patients de toute l’Inde
et des pays avoisinants. Dans sa première
clinique, située à proximité du lac Hussein
Sagar, en forme de cœur, il a soigné plus
de 100 000 patients par an avec son équipe,
et pratiqué dans ce contexte environ
70 000 endoscopies. Avec ce nombre annuel
de CPRE*, la clinique détient selon ses
sources, le record mondial. Et comme il n’y
a plus assez de place pour tous les patients,
le Dr Reddy essaie maintenant de passer au
niveau supérieur à Hitec City. Il veut ouvrir
l’œuvre de sa vie à une nouvelle dimension.
On pourrait traiter ici près d’un demi-
million de patients chaque année. En août
2018, la grande clinique n’est cependant pas
encore achevée, et des cartons non déballés
attendent toujours à côté de l’une des
entrées. Là où les suspensions plafonnières
devraient un jour se trouver, ne pendent
encore que des câbles électriques et le
vacarme des perceuses brise régulièrement
la tranquillité habituelle. Les salles
d’opération et les unités de soins intensifs
ne sont pas encore en service. Reddy ne veut
pas perdre de temps. Il reçoit les premiers
patients depuis quelques semaines. Avec
ce qu’il nomme le Soft-Launch, il veut
tester les procédures et s’assurer que son
hôpital sera en mesure de supporter l’afflux
attendu. Reddy, en blouse blanche, parcourt
les couloirs avec un groupe de visiteurs. On
entend quelques crissements, les chaussures
sont enveloppées dans des chaussons bleus
en plastique pour des raisons d’hygiène.
Reddy s‘arrête devant une fenêtre de la
façade et montre les travaux de terrassement
dans la cour intérieure : « Il y aura ici des
jardins suspendus. » Il tient beaucoup à ce
que les patients aient une vue sur la verdure
depuis leur chambre. La lumière du jour
est visible depuis presque tous les lits de
l’hôpital. « J’ai visité plus de 500 hôpitaux à
travers le monde, et je suis très satisfait de ce
nous avons réussi à faire ici », dit-il. « Nous
* CPRE : cholangiopancréatographie rétrograde endoscopique
58 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
Opération « Bleu » : Les conditions d’éclairage dans les salles de soins aident les médecins à se concentrer sur les moniteurs. La température peut être contrôlée au moyen d’un système de reconnaissance vocale. Outre le système de gestion des gaz, une grande partie des équipements (ci-dessous) sont fournis par Dräger
59REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
ASIE SOINS MÉDICAUX
avons créé une infrastructure qui compte
parmi les meilleures du monde. » 800 lits,
20 salles d’endoscopie, 16 salles d’opération,
d’après le Dr Reddy, aucune autre clinique
spécialisée dans ce domaine n’a une
capacité aussi grande. « La deuxième place
est occupée par un hôpital de 400 lits en
Chine. »
Médecin et entrepreneurLes équipements des salles ressemblent à
ceux de films de science fiction, pour entrer
les médecins présentent leur main devant
un capteur. La grande porte métallique
s’ouvre sans le moindre contact. La salle
d’endoscopie s’illumine en bleu ; elle doit
faciliter aux médecins la visualisation
des moniteurs pendant un examen. Les
médecins peuvent changer la luminosité
et la température par commande vocale.
Avec le terminal encastré dans le mur, doté
d’un écran tactile et d’une prise USB, il
est possible de passer de la musique sur le
système d’enceintes pendant l’opération. Le
système de gestion des gaz qui est, comme
la majorité des équipements, fourni par
Dräger, met à disposition les gaz médicaux.
Sur l’un des écrans plats, on peut voir
l’image d’une caméra endoscopique en
qualité 4K. Parallèlement, une caméra avec
un microphone intégré est braquée sur le
médecin. Les examens et opérations peuvent
ainsi être diffusés, pour des conférences
ou des étudiants dans la salle adjacente et
commentés en direct. Pour le Dr. Reddy, ce
projet représente le sommet de sa carrière,
faisant de lui non seulement un médecin
reconnu mais également un entrepreneur.
Cet homme, que l’on reconnait de loin à
sa moustache sombre et broussailleuse, a
grandi dans une famille de médecins. Son
grand-père et son père étaient professeurs
de pathologie. Reddy raconte qu’il a su dès
l’enfance qu’il voulait devenir médecin. Il
décida de se spécialiser dans le domaine
de l’endoscopie thérapeutique et vint à
Hambourg dans les années 1980 pour
approfondir ses connaissances. Il avait
beaucoup apprécié qu’en Allemagne, par
comparaison avec l’Inde, les rues soient
beaucoup plus tranquilles. Il ne détestait
que le week-end, car tous les magasins
étaient alors fermés. Il était impression-
né par la précision des médecins et par la
prise en charge médicale efficace. De
retour en Inde, il trouva une situation tout
autre. Il n’y avait à l’époque qu’à peine 100
gastroentérologues dans son pays. Reddy
vit dans cette insuffisance un problème
gigantesque, qui n’est à ce jour toujours
pas résolu. Il explique que le nombre de
spécialistes dans ce domaine est certes passé
à 3 000, mais que le Japon en a à lui seul dix
fois plus, bien que la population de ce pays ne
représente qu’un dixième de celle de l’Inde.
Les maladies du système digestif sont
très répandues en Inde. Les raisons en
sont multiples : eau potable contaminée,
nourriture préparée de manière non-
hygiénique, prédisposition génétique, sans
oublier le développement économique
du pays. Avec la classe moyenne en forte
croissance, les problèmes tels que le
surpoids sont en augmentation, ce qui peut
entraîner une cirrhose graisseuse. Reddy
estime qu’en Inde, 30 pour cent des gens
souffrent de maladies gastro-intestinales, ce
qui représente 400 millions de personnes.
« Pour arriver à tous les soigner, il nous
faudrait au moins 100 hôpitaux tels que
celui-ci » estime-t-il. Pour les patients
tels que Mehabub Halder, il est difficile
d’accéder à un traitement optimal en
raison du manque de spécialistes. Halder
arrive dans la clinique avec un pantalon
de toile grise, une chemise à manches
courtes et des sandales sans chaussettes. Il
est d’une maigreur frappante. Il tient son
dossier médical sous le bras. Dans le hall
d’accueil en grande partie vide, dans lequel
une gare de taille moyenne pourrait tenir,
les patients comme lui ont l’air perdus.
Les employées de l’admission des patients
essayent de réconforter ces nouveaux venus.
Elles quittent leur guichet et viennent
directement au contact du patient pour lui
expliquer comment cela se passe. Après un
premier examen, une prise de sang et des
tests de laboratoire, Halder arrive dans le
bureau de son médecin, le Dr Nagaraja Rao
Padaki, spécialiste du foie. Halder retire
ses sandales et sa chemise. Le médecin
palpe avec ses mains la grosseur qui
préoccupe Halder depuis longtemps. « Pas
de douleurs ? » demande-t-il. Halder fait
non de la tête. Dans le dossier médical, le
médecin prend connaissance de vaisseaux
obstrués, visiblement la raison de sa rate
Examen clinique approfondi :
Le Dr Nagaraja Rao Padaki examine
un patient se plaignant de douleurs
abdominales. Il prescrit un régime riche en protéines
Tester les procédures en mode Soft-Launch
SOINS MÉDICAUX ASIE
60 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
hypertrophiée et de la frêle constitution
de son patient. Le Dr Padaki pense que la
situation est maîtrisable. Une opération
n’est selon lui pas nécessaire pour l’instant.
Il prescrit un régime riche en protéines
pour fortifier le patient et un examen de
suivi dans un an. « Ailleurs, on referait sans
doute un contrôle après six mois » dit-il. Il
doit cependant rester réaliste. « Les gens
d’ici ne peuvent pas traverser la moitié du
pays tous les six mois. »
Halder travaille dans une entreprise
d’externalisation à Calcutta, qui réalise
pour d’autres entreprises des projets
opérationnels tels que les ressources
humaines ou la logistique. C’est un bon
emploi qui lui permet de couvrir ses dépenses
de santé. Il a économisé 20 000 roupies, soit
250 euros, pour la consultation médicale
dans la ville d’Hyderabad située à 1 500
km, les frais de transport et les nuitées
à l’hôtel. C’est une somme importante.
À Calcutta, cela correspond à un mois
de salaire moyen dans sa branche. De
nombreux patients de l’hôpital AIG n’ont
pas d’assurance maladie couvrant leurs
frais médicaux. C’est pour cela que Reddy,
en tant que directeur de l’établissement,
n’accorde pas uniquement de l’importance
à une haute qualité. Les soins doivent
également être abordables. Cela doit être
rendu possible par un taux d’occupation
optimal de ce grand établissement. Comme
un très grand nombre de patients peut y
être soigné, cela fait baisser le coût moyen.
La clinique communique beaucoup sur
ses prix. Une affiche à côté de l’entrée
annonce que le coût d’un examen du
foie « n’est actuellement que de 2 500 au
lieu de 5 740 roupies ! » Pour une simple
consultation auprès d’un médecin,
l’hôpital ne demande que 300 roupies,
environ 3,80 euros, que le patient soit traité
par le directeur de la clinique ou par un
jeune médecin.
Les indigents sont soignés gratuitementLa consultation avec le chef de service est
donc très populaire. Sur des forums internet,
les patients demandent comment obtenir
un rendez-vous avec le Dr. Reddy. L’hôpital
les informe que le délai d’attente est de
trois mois. Les célébrités et les politiques
désirent aussi être traités par lui. Le vice-
président indien Venkaiah Naidu a été l’un
des premiers VIP à avoir été examiné par lui
dans les locaux flambant neuf de l’AIG. Il a
par la suite publié sur son compte Twitter
une photo de lui aux côtés de Reddy. « J’ai
déjà été dans de nombreux hôpitaux dans le
monde », écrit-il, « mais celui-ci les dépasse tous
avec son infrastructure ultra moderne. » Le
vice-président s’est rendu à la consultation
accompagné de plusieurs douzaines de
policiers. Afin de pouvoir plus facilement
répondre aux exigences de sécurité des
patients importants, une entrée dédiée sera
ultérieurement créée pour eux. Avoir des
patients aisés dans l’établissement est décisif
pour la réussite économique de l’hôpital ; ils
bénéficient exactement des mêmes services
médicaux que tout un chacun, mais ils
paient un supplément pour le confort. Cela
permet à la clinique de soigner les indigents
gratuitement, soit dans la clinique elle-
même, soit dans des centres de soins mobiles
que l’AIG envoie dans les villages défavorisés
en matière de soins de santé. Plus de dix
millions de patients ont déjà bénéficié de
soins gratuits de Reddy et de son équipe. Le
fondateur de la clinique se décrit lui-même
comme un homme de gauche, à tendance
légèrement socialiste. Il ne veut pas mesurer
le succès de son entreprise à l’aulne des
bénéfices, mais au nombre aussi important
que possible des gens qu’il touche. « Je préfère
soigner les pauvres que les riches » dit-il.
Les patients pauvres sont particulièrement
reconnaissants.
Il a ces derniers temps moins l’occasion
de travailler avec eux qu’il ne le voudrait.
Un assistant avec une pile de documents
l’arrête juste devant la porte de la salle
d’endoscopie. Il faut qu’ils soient signés.
Peu après, il reçoit entre deux rendez-vous
une jeune femme qui l’attend pour postuler
à un emploi. Le directeur de clinique
lui consacre un entretien d’embauche
improvisé. Tout le monde veut quelque-
chose de lui, mais il a rarement le temps
pour tout le monde. C’est pourquoi il
travaille depuis des années déjà 18 heures
par jour. Il a payé un lourd tribut pour son
engagement. Il n’a pu consacrer que très
peu de temps à sa famille. Sa femme, une
dermatologue et sa fille désormais adulte
l’ont toujours soutenu. Elles savent que :
« Pour obtenir quelque chose, il faut aussi
sacrifier quelque chose. »
Commu-nication sur les prix
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(1)
Nouveaux bâtiments modernes : L’Asian Institute of Gastroenterology (AIG) se trouve en bon voisinage. Le bâtiment de neuf étages se trouve au milieu des tours de bureaux de sociétés internationales dans le quartier de Hitec City à Hyderabad
ASIE SOINS MÉDICAUX
61
Moments lumineux : la plupart des chambres bénéficient de la lumière
du jour. L’objectif est de rendre le séjour des patients plus agréable
Hyderabad se situe au cœur de l’Inde, à tous points de vue. Avec près de sept millions d’habitants, elle est la quatrième plus grande ville du pays. C’est l’un des centres de biotechnologie et d’industrie pharmaceutique. La partie nord-ouest est également appelée Cyberabad
REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
* nom changé
62 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
DDeux heures de l’après-midi, à
proximité de Kaboul. L’été montre son côté
implacable : il fait 40 degrés et il souffle
un vent léger. C’est presque intenable
dans le véhicule de patrouille. 58,4 degrés
Celsius. Les quatre soldats allemands
sont calmes, mais on sent la tension qui
les habite. Ils observent depuis 10 bonnes
minutes le pickup délabré à une distance
de 100 mètres. Puis quelque-chose se
passe. Lorsque le vent tourne, le sergent-
chef Egon K.* entrouvre la fenêtre de son
véhicule spécial. Cloé ne peut pas encore
voir la personne cible, mais elle peut la
sentir. Clóe est un malinois, une variété
de berger belge à poil court. « Ils veulent
toujours travailler » explique le sergent-
chef. « C’est pourquoi on les préfère pour
les engagements dans les forces spéciales. »
Mustafa G.*, la personne cible, est connu
depuis longtemps des autorités afghanes. Il
est soupçonné d’être un djihadiste. G. s’est
rendu au Pakistan, il est resté trois mois
dans une école des talibans et a ensuite
séjourné dans un camp de formation en
Afghanistan. Il a appris dans ce camp à
fabriquer des explosifs et à manier des
armes.
Des spécialistes à quatre pattes« Nous devons partir du principe qu’il
est armé et qu’il porte des explosifs sur
lui. C’est pourquoi Clóe est notre moyen
d’action préféré, avant même nos armes
à feu » déclare le sergent-chef K. Chacun
ici dans l’équipe a une fonction précise,
Clóe également. Ce chiens de service de
la Bundeswehr accompagne les troupes
dont la mission est d’appréhender
Mustafa G. dans une action éclair. Ils se
Les chiens sont parfois les meilleurs camarades des soldats. Ils détectent les explosifs à l’odeur, arrêtent des personnes ciblées ou montent la garde. La Bundeswehr entraîne ses RECRUES
À QUATRE PATTES ET LES MAÎTRES-CHIENS dans sa propre école, à partir de ce jour, ils sont ensemble contre vents et marées pendant de longues années.
Texte : Björn Wölke Photos : Matthias Schmittmann
PANORAMA CHIENS MILITAIRES
sont pour cela lourdement armés et se
sont postés sur cette route très fréquentée
à quelques kilomètres de Kaboul. Clóe
a été entraînée toute sa vie pour des
moments comme celui-ci. Cette chienne
de 5 ans et demi a tout d’abord suivi un
entraînement spécial de dix mois de
chien d’attaque à la Schule für Diensthundewesen der Bundeswehr (SDstHundeBw : centre de formation des
chiens de service de la Bundeswehr). Cela
ressemble à de l’allemand bureaucratique,
mais c’est le jargon habituel de la
Bundeswehr. Le SDstHundeBw est situé
Ulmen, en Rhénanie-Palatinat, à environ 60
kilomètres au sud-ouest de Cologne, au
milieu de la forêt. 50 à 70 chiens et autant
de maîtres-chiens sont formés chaque
année sur ce terrain d’une superficie
de 70 000 mètres carrés. On a pour cela
transformé un ancien dépôt de munitions
ainsi que 51 bunkers en un centre de
formation, et on a créé un parcours
d’entraînement reproduisant les sites
d’intervention potentiels : des voies
Les meilleurs amis
Inséparables :Le sergent-chef Egon K.*
et sa chienne Clóe pendant un entraînement sur le
terrain du centre de formation cynophyle de la Bundeswehr à Ulmen. Le soir, il emmène la
chienne berger belge chez lui, elle fait partie de la famille
63REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
Bien en main : mordre, cela s’apprend aussi ! La sélection des chiens militaires est, paraît-il, très stricte. Les animaux doivent être robustes, avoir un comportement social développé et être sûrs d’eux
Les chiens comme Clóe sont aujourd’hui plus
importants que jamais64 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
ferrées, une maison en ruine , un réseau
d’égouts ; il y a même un hall de gare et
une consigne de bagages. Les bunkers ne
servent pas seulement à l’entraînement
des bases. Des entraînements avancés
proches des conditions d’intervention,
le pilier de toute formation spécialisée,
doivent être réalisés dans autant
d’endroits différents que possible (villes,
gares, zones industrielles, centres
commerciaux, etc.) pour sensibiliser les
compagnons à quatre pattes de manière
pertinente aux divers types de situations,
y compris le vacarme des combats.
Des chiens comme Clóe sont
aujourd’hui plus importants que jamais.
Dans les zones sensibles de la planète,
les adversaires ne sont souvent pas des
troupes régulières et bien visibles, mais
bien plutôt des rebelles ou des individus
isolés qui placent des pièges explosifs dans
des embuscades de tous types. « Nous
pouvons ainsi protéger efficacement
que la réalité du terrain ait montré que de
tels tandems sont efficaces, la priorité reste
toujours à la technologie, même si elle ne
peut pas tout résoudre » répond Hampel.
C’est pourquoi il souhaite une évolution
inverse à l’avenir.
Des animaux incroyablement efficacesLe lieutenant-colonel Hampel sait de quel
outil incroyablement efficace on dispose à
la fin d’une telle formation : des animaux
extrêmement concentrés, qui agissent à la
vitesse de l’éclair et exécutent les ordres
à la lettre. Un chien de déminage doit
être capable d’indiquer sans hésitation
de petites (quelques grammes) et grandes
quantités(100 kg et plus) des substances
les plus répandues. La relève des chiens
provient de recrues externes ou de l’élevage
interne. Une sélection minutieuse est
réalisée ici, dans le massif de l’Eifel,
car les exigences sont particulièrement
élevées pour ces chiens spécialisés. « Les
animaux doivent être robustes, avoir un
comportement social développé et être
sûrs d’eux » déclare Hampel. Des membres
nos camarades à toute heure du jour et
de la nuit » ajoute le Dr Stefan Hampel,
chirurgien vétérinaire et commandant du
centre de formation des chiens de service
d’Ulmen. « Aucune technologie au monde
ne surpasse les chiens pour identifier de
tels dangers. Quel appareil serait capable
de détecter des explosifs à l’odeur, d’aboyer
fort et de mordre sur commande ? La
Bundeswehr emploie plusieurs centaines
de ces animaux. Hampel ne veut cependant
pas révéler le nombre exact de ceux qui
se trouvent actuellement dans des zones
de crise. Seulement que : « Les sept types
de chiens que nous formons ici sont
engagés dans des opérations. » Depuis
que l’Allemagne participe elle aussi aux
interventions à l’étranger, les recrues à
quatre pattes doivent en effet être capables
de faire nettement plus de choses que
garder les casernes. Alors qu’on formait
auparavant presque exclusivement des
chiens sentinelle et de garde, les équipes
de chiens des services spéciaux ont
aujourd’hui la vedette. Pourquoi ne fait-
on pas appel à eux plus souvent ? « Bien
PANORAMA CHIENS MILITAIRES
Exercice militaire avec chien d’attaque : À la fin de la formation, les chiens peuvent intervenir à la
vitesse de l’éclair et exécuter les ordres à la lettre
Dr Stefan Hampel, lieutenant-colonel vétérinaire, dirige depuis 2016 le centre d’entrainement des chiens de la Bundeswehr à Ulmen. 50 à 70 animaux sont formés ici chaque
65REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019
de sociétés protectrices des animaux
voient cette obéissance inculquée avec
suspicion. Vous savez à quel point il est
difficile d’enseigner quelque chose à un
chien. Comment apprend-on alors à de
jeunes chiens à chercher et à trouver
des explosifs ? Ils sont principalement
motivés par le jeu. « C’est l’alpha et l’oméga »
poursuit Hampel. Il faut en outre
que chaque période de formation soit
conçue de manière à ce que les animaux
puissent réussir qu’ils en sortent en
quelque sorte vainqueurs et soient
toujours récompensés pour cela.
Le but est qu’à la fin de la formation
le maître-chien et le quadrupède forment
un tandem fiable qui puisse remplir les
missions qu’on lui confie. Il faut que les
chiens soient capables de trouver des
mines, des armes ou des munitions en
quelques secondes, même en situation
très stressante. Ils doivent pouvoir entrer
dans un bâtiment ou un véhicule pour y
neutraliser des adversaires. Les chiens
n’ont pas toujours le droit de mordre, un
simple aboiement suffit parfois. Il faut
une bonne dose de confiance pour arriver
à de tels résultats – des deux côtés : de la
part du chien comme du maître-chien.
Pour cela, ils affrontent ensemble vents
et marées jour après jour. « Je passe plus
« Avec nos sept types de chiens de service, nous
comptons aujourd’hui parmi les meilleurs du monde »
Le lieutenant-colonel vétérinaire Stefan Hampel, directeur du SDstHundeBw
Six d’un seul coup : Grâce à son propre élevage, la Bundeswehr peut former ses chiens de manière optimale depuis qu’ils sont petits
REVUE DRÄGER 19 | 1 / 201966
PANORAMA CHIENS MILITAIRES
La guerre dans la tête : de nombreux soldats qui souffrent de troubles post-traumatiques liés au stress rencontrent souvent des problèmes dans la vie quotidienne. Il existe cependant une thérapie efficace : elle aboie et a quatre pattes.www.draeger.com/19-66
de temps avec mon chien qu’avec ma
famille » déclare l’un des instructeurs du
SDstHundeBw. « Les nombreuses heures
d’entraînement quotidien les soudent
encore plus. » Les animaux vivent en
règle générale chez leur maître-chien et
font partie de la famille. La formation de
base d’un jeune chien dure plusieurs mois
durant desquels il est initié à ses futures
missions. Les animaux suivent ensuite
des cours de spécialisation de plusieurs
mois pour devenir des chiens policiers,
de déminage ou de détection de drogue,
dédiés à la protection des installations de
la Luftwaffe ainsi que des forces spéciales
ou encore chien détecteur de mines ou
de moyens de combat. La formation de
base et ces « formations spécialisées » sont
suivies d’épreuves de contrôle annuelles
régulières. Un chien est en règle générale
en service actif pendant cinq ans.
Les entraînements complexes et inten-
sifs sont payants. Le lieutenant-colonel
Hampel estime que son centre de formation
de chiens est en bonne place comparée
avec celles des autres pays. « Nous avons
développé ces dernières années différents
scénarios d‘intervention, et nous faisons
aujourd’hui partie des meilleurs au monde.
Ce n’est pas le nombre d’animaux qui
importe, mais leurs capacités. » Il n’y a pas de
temps mort pour lui. Tout est un processus
dynamique. « Nous avons des échanges
réguliers avec des unités d’autres pays et
nous développons les modèles sur cette
base. » Jusqu’ici aucun chien allemand n’est
mort en interventions, ajoute Hampel. S’il
devait arriver quelque chose, si un animal
devait par exemple se blesser, le centre de
formation est doté de sa propre clinique à
Ulmen. L’établissement est en charge du
suivi et des soins vétérinaires pour tous les
chiens de la Bundeswehr. Les vétérinaires
et les soigneurs animaliers s’occupent du
bien-être des animaux : de l’alimentation
à la préservation de la dentition et la
reconstruction dentaire (y compris des
couronnes !) jusqu’à des interventions
chirurgicales délicates. Divers produits
Dräger sont utilisés dans la salle
d’opération, notamment des lampes
opératoires et le système de gestion
des gaz vient de Lübeck. Lorsqu’un
chien de service a accompli son temps,
il passe souvent sa retraite chez son
maître-chien. Le lien qui s’est tissé entre
les deux pendant de longues années de
collaboration est si étroit et familier que
le maître-chien adopte son compagnon
dès qu’il est mis à la retraite pour des
raisons de santé ou d’âge. D’autres
reviennent au centre de formation, on y
continue de prendre soin d’eux ou ils
peuvent aussi être confiés à des civils.
D’excellents renifleursCloé, la jeune chienne de 5 ans, en est
encore loin. Son excellent nez lui permet
de sentir la personne cible à cent mètres de
distance. Elle possède environ 200 millions
de cellules olfactives, un nez humain n’en
possède qu’une infime partie. Lorsque
le sergent-chef K ouvre la portière de son
véhicule et donne l’ordre, tout va très vite :
Clóe fonce sur le pickup à 40 km/h. Quelques
mètres avant, elle saute d’un bond par la
fenêtre ouverte et plante ses dents dans
l’avant-bras de Mustafa G. Les soldats de la
Bundeswehr qui arrivent ont alors la partie
facile. Au fait, existe-t-il une décoration pour
les chiens de la Bundeswehr ? « Non, il n’y en
a pas pour le moment », répond le Dr Stefan
Hampel. « Mais nous y travaillons ». Clóe
l’aurait certainement méritée.
Entre de bonnes mains Les vétérinaires et les soigneurs animaliers s’occupent du bien-être
des chiens dans la clinique pour chiens : de l’alimentation à la préservation de la dentition et la reconstruction
dentaire (y compris des couronnes !) jusqu’à des interventions chirurgicales délicates
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Depuis les dernières éruptions, les pompiers locaux misent aussi sur la TECHNOLOGIE DE DÉTECTION
MOBILE DE GAZ de Dräger.
Texte : Steffan Heuer
Toujours actif : peu de volcans de la planète sont aussi actifs que le Kilauea de Hawaï. Ses coulées de lave et les pluies de cendres ont déjà fait fuir des milliers de personnes cette année
HOTSPOT
VOLCANS SÉCURITÉ AU TRAVAIL
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dans le Pacifique
Darwin Okinaka est né et a grandi sur l’île de Big Island dans
l’archipel de Hawaï. En tant qu’autochtone, il sait depuis tout petit
que le paradis sous les palmiers est en fait construit sur le feu.
« J’avais déjà compris dès l’école primaire qu’il y avait au moins
un volcan actif sur notre île » raconte Okinaka, dont l’activité à
plein temps en tant que pompier professionnel consiste à éteindre
tous types de foyers d’incendie. « Il peut à tout moment entrer en
éruption, mais nous n’étions pas préparés à une activité volcanique
aussi intense. »
Le chef des pompiers locaux parle ici de l’éruption du volcan
Kilauea, qui dure depuis mai 2018, et dont les flots de lave et les pluies
de cendres ont détruit plus de 700 maisons et fait fuir des milliers de
personnes. Le mot hawaiien kilauea signifie d’ailleurs « cracher »
ou « répandre beaucoup ». Malgré leurs séismographes modernes et
leurs modèles informatiques, les géologues et les vulcanologues ne
sont pas en mesure de prédire quelle sera la durée d’une éruption ni
quand elle reprendra en intensité (après une relative accalmie). Ils
savent cependant qu’ils doivent garder le Kilauea sous surveillance
avec un réseau serré de stations de mesure et de capteurs – car de
plus en plus de lotissements sont construits à proximité immédiate
du volcan et que des gaz jaillissent des anciennes et des nouvelles
failles. Avant tout, le dioxyde de souffre (SO2) qui est invisible. Les
gaz menacent également des localités plus éloignées. Mais sans ces
gigantesques éruptions volcaniques, Hawaï n’existerait pas. Les
huit îles principales (et de nombreux petits îlots) doivent leur
formation à la lave provenant du manteau magmatique, qui se fraye
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SÉCURITÉ AU TRAVAIL VOLCANS
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Rester à distancePlus de 700 maisons ont été détruites par le volcan Kilauea depuis mai 2018. Les pompiers de Hawaï sont depuis lors équipés aussi de détecteurs de gaz portables Dräger lors de leurs interventions
un chemin vers la surface au niveau du point chaud permanent
situé sous la plaque pacifique qui se déplace lentement.
Un nuage de cendres a parcouru 3 700 kilomètres au sud-ouestLes volcans boucliers en sont le résultat : d’immenses montagnes
de lave solidifiée, qui se dressent vers le ciel depuis le plancher
océanique situé à des kilomètres de profondeur. Les sommets
d’Hawaï sont ainsi à strictement parler les plus hauts du monde.
Le volcan Mauna Kea situé au nord du Kilauea n’a certes qu’une
altitude de 4 205 mètres au-dessus du niveau de la mer, mais
depuis sa base au fond de l’océan, il atteint 10 200 mètres. Il fait
ainsi de l’ombre au mont Everest lui-même (8 848 mètres). De
tous les volcans du chapelet d’îles, aucun n’a cependant cau-
sé autant de dévastations que le Kilauea. Sa dernière grande
éruption, à la fin du 18ème siècle, avait coûté la vie à plusieurs
centaines de personnes. « Le Kilauea ne donne aucun signe de
vouloir se calmer dans un avenir proche et ses abords ne sont
plus inhabités depuis longtemps », fait remarquer Okinaka. Il
est d’autant plus important que les volcanologues, l’Agence de
protection de l’environnement et le Ministère de la Santé de
l’État de Hawaï aient installé tout autour du volcan des capteurs
qui mesurent la concentration de plusieurs gaz et en informent
la population. On peut par exemple suivre le Vog en temps réel
sur la page officielle du Hawaii Interagency Vog Information Dashboard : un smog volcanique toxique composé de vapeur
d‘eau, de dioxyde de carbone et de soufre. Lorsque du SO2 est
libéré dans l’atmosphère, il réagit avec l’oxygène, la vapeur d’eau
et la lumière solaire. Il se forme alors des particules fines qui,
selon la direction du vent, peuvent également atteindre d’autres
îles. Le smog volcanique de la dernière éruption à Hawaï a ainsi
atteint en un mois les îles Marshall distantes de 3 700 kilomètres.
Des scientifiques de l’université de Hawaï, située à Manoa, ont
mis en place le projet Vog Measurement and Prediction Project pour étudier les éruptions du Kilauea des années 1983 et 2008,
afin de prévoir aussi précisément que possible le mélange toxique.
L’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) ainsi
que le ministère de la Santé de Hawaï mettent à disposition sur
leurs sites web des données constamment actualisées sur la qualité
générale de l’air et la concentration de SO2. Bien que les stations
de mesure des autorités et des scientifiques soient importantes, les
secouristes comme Okinaka ont besoin d’informations précises et
fiables sur les gaz dangereux sur leurs lieux d’intervention. C’est
pourquoi les pompiers de l’île principale disposent depuis mai 2018
de dix détecteurs portables de gaz Dräger, de modèle X-am 5000.
Cet appareil étanche à l’eau et à la poussière, de la taille d‘un
téléphone portable, peut mesurer jusqu’à cinq gaz simultanément.
« Lors de la dernière éruption il y a dix ans, lorsque des pans
du cratère central se sont effondrés et qu’il y avait eu de forts taux
de SO2 dans l’air environnant, la protection civile nous avait prê-
té des appareil de mesure que nous leur avons depuis longtemps
rendus » se souvient Okinaka. « Maintenant, nous avons enfin
nos propres appareils portatifs, que l’on peut accrocher à la veste
de feu et ainsi l’avoir toujours avec soi. Ils émettent des alertes
visuelles acoustiques et haptiques (par des vibrations) en cas de
danger. C’est à la fois sécurisant et pratique. » Le plus important
pour les pompiers, c’est le détecteur de SO2 de l’appareil. Okina-
ka a réparti les dix appareils de mesure sur les dix casernes de
pompiers de Big Island qui sont, soit à proximité immédiate du
Kilauea ou qui sont les plus menacés par les gaz et le Vog en rai-
son de la direction des vents. Environ 60 pompiers se partagent
ainsi les appareils en trois équipes. « Personne ne sait combien de
temps le Kilauea restera actif. » dit Okinaka. « Mais nous devons
nous habituer à long terme à être prêts à tout. »
Les éruptions font ici partie de la vie quotidienne.
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Sur cette page, vous trouverez quelques PRODUITS DRÄGER de ce numéro regroupés dans l’ordre d’apparition dans la revue. Chaque produit porte un code QR que vous pourrez scanner avec votre smartphone ou votre tablette pour afficher la page correspondant au produit. Vous avez encore des questions concernant un produit ou la Revue Dräger ? Alors envoyez-nous un courriel avec le code à :[email protected]
En un coup d’œil
X-plore 3500Ce demi-masque est le choix per- tinent pour une utilisation prolon-gée et en conditions extrêmes.Page 12
X-am 8000Ce détecteur de gaz mesurejusqu’à sept types de gaz et vapeurs toxiques et inflammables ainsi que l’oxygène, en mode Pompe comme en mode Diffusion.Page 12
MRC 5000 Cette chambre de sauvetage et de refuge est dotée de systèmes d’alimentation en air redondants et garantit ainsi un apport en air respiratoire propre à l’intérieur de la mine.Page 12
Fabius Tiro Cette station d’anesthésie compacte convient particulièrement bien pour les espaces restreints (p. ex. salles d’induction).Page 24
Alcotest 5820 Cet appareil permet d’effectuer facilement des tests d’alcoolémie dans l’air expiré. Il peut aussi faire des mesures passives (sans embout buccal).Page 55
MovitaCe bras plafonnier offre diverses possibilités de positionnement pour le poste de travail en salle d’opération et en soins intensifs.Page 58
Polaris 600Cette lampe opératoire offre une commande intuitive, de multiples possibilités de réglages et tout simplement un bon éclairage.Page 58
APERÇU DÉTECTION DE GAZ PORTABLE
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Sur certains lieux de travail, tels que
les hauts fourneaux, il y a non seulement
des dangers visibles, mais aussi des
dangers invisibles : par exemple le
monoxyde de carbone (CO). Non perçu
par l’homme, ce gaz empêche le trans-
port de l’oxygène dans le sang, ce qui
peut provoquer la perte de conscience et
même entraîner la mort. L’oxygène (O2)
peut de son côté avoir une concentration
trop basse dans l’air respiratoire. En
Deux protections
présence de ces deux dangers, ce
détecteur bigaz déclenche une alarme
visuelle à 360° 1 , acoustique avec
un signal sonore 2 (un son strident
d’une intensité de 90 dB(A)) et vibratoire.
Elément de l’équipement de protection
individuelle, le Dräger Pac 8500 se fi xe
à l’aide d’une pince crocodile ( 3 ; face
arrière) sur les vêtements de travail au
niveau de la poitrine. Après appui
sur la touche OK, 4 le capteur situé
derrière le fi ltre de protection 5
interchangeable, mesure les valeurs de
concentration d’O2 et de CO (ou – pour
une autre version du Pac 8500 – de
sulfure d’hydrogène et de CO). Les
surfaces de couleurs ( 6 et 7 )
indiquent de quelle version il s’agit – ainsi
que leur disponibilité opérationnelle de
principe 8 . Si les gaz cibles atteignent
l’une des deux (ou des quatre pour
l’ oxygène) valeurs seuil fi xées (ou
ajustées individuellement), la triple
alarme se déclenche. Le porteur doit
alors prendre les mesures appropriées.
L’écran 9 affi che le gaz détecté 10 ,
sa concentration 11 ainsi que l’état
de la pile 12 qui selon le modèle
d’appareil garantit un fonctionnement
d’un à deux ans. L’utilisation d’une
batterie haute performance remplaçable
par le client était l’une des exigences des
utilisateurs, qui considèrent que c’est
le seul moyen d’assurer la protection
contre les explosions. Le boîtier 13 est
étanche à la poussière et à l’eau (selon
la classe de protection IP68). Certains
affi chages et fonctions peuvent
être pilotés via la 14 touche Menu.
Impossible de ne pas le voir ou
l’entendre:Ce détecteur de gaz
envoie un signal visuel et acoustique à son
porteur en cas de taux d’oxygène trop faible ou de monoxyde de
carbone trop important dans l’air ambiant
valent mieux qu’une
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