la lutte pour les matières premières - draeger · un travail de rêve sur un bateau de rêve ?...

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Revue Dräger La technologie pour la vie 2019 Revue Dräger 19 1 er numéro 2019 Matières premières et ressources L’avenir de l’humanité dépend de ces ressources La lutte pour les matières premières Harmonie Comment tradition et modernité s‘allient dans un hôpital chinois p. 20 Froid glacial Au Groenland aussi, les pompiers interviennent lorsque la situation devient brûlante p. 30 Odeurs d’étable Des chercheurs suisses cherchent comment réduire les concentrations d’ammoniac p. 46

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Revue Dräger La technologie pour la vie 2019

Revue D

räger 19

1er num

éro 2019 M

atières prem

ières et ressources

L’avenir de l’humanité dépend de ces ressources

La lutte pour les matières premières

HarmonieComment tradition et modernité s‘allient dans un hôpital chinois p. 20

Froid glacialAu Groenland aussi, les pompiers interviennent lorsque la situation devient brûlante p. 30

Odeurs d’étableDes chercheurs suissescherchent comment réduire les concentrations d’ammoniac p. 46

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6 RUÉE SUR LES

MATIÈRES PREMIÈRES

Les terres rares permettent le développement de L’e-mobilité. Les

réserves de ces matières indispensables à notre avenir sont rares. L’effort pour se les

procurer est passionnant, voire créatif.

40 LES YEUX OUVERTS

Lorsqu’on parle de greffes d’organes, la plupart des gens pensent au cœur, au rein ou au foie. Mais en Allemagne, ce sont les greffes de cornées qui sont les plus fréquentes. Cette opération peut sauver la vue. L’un des grands centres pour ce traitement est le service d’ophtalmologie de l’hôpital universitaire de Mayence. Plusieurs centaines de cornées y sont greffées chaque année.

62 UN VRAI FLAIR

Sur bien des points, les chiens militaires sont nos meilleurs camarades. Aucun appareil au monde ne les surpasse pour détecter les dangers. Quel appareil serait capable de repérer à l’odeur les explosifs, d’aboyer fort et de mordre sur commande ? L’armée allemande élève ses propres chiens, ce qui lui permet d’éduquer les animaux dès leur plus jeune âge.

Environ 3 700 km : c’est la distance que le nuage de

cendres généré par le volcan Kilauea a parcouru vers le

sud-ouest après son éruption en 2018, depuis Hawaï jusqu’aux

îles Marshall – en lire plus à partir de la page 68.

Sommaire 19

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3REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

Les articles de la Revue Dräger

informent sur les produits et leurs

possibilités d’application en général.

Ils n’ont pas pour objet de garantir

certaines propriétés des produits ou

leur aptitude pour une utilisation

concrète. Il est demandé à tous les

spécialistes d’appliquer exclusivement

les connaissances acquises dans le

cadre de formations ainsi que leurs

expériences pratiques. Les opinions, avis et propos des

personnes citées nommément et des auteurs externes,

exprimés dans la présente revue, ne correspondent pas

nécessairement à l’opinion de Drägerwerk AG & Co.

KGaA. KGaA. Il s’agit uniquement de l’avis des personnes

concernées.

© Drägerwerk AG & Co. KGaA, 2019. Tous droits réservés.

Cette publication ne doit être reproduite, mémorisée dans

un système de données ou être cédée sous quelque forme

que ce soit, ni électroniquement, ni mécaniquement, par

photocopies, reproductions ou autres, entièrement ou en

partie, sans l’autorisation préalable de la Drägerwerk AG &

Co. KGaA.

Tous les produits, cités dans la présente revue, ne sont pas

disponibles partout dans le monde. Les confi gurations

d’équipements peuvent varier selon les pays. Sous réserve de

modifi cation des produits. Votre interlocuteur Dräger vous

fournira les informations actualisées.

Vous trouverez toutes les informations relatives au traite-

ment des données à caractère personnel conformément au

règlement général de l’UE sur la protection des données sur :

https://www.draeger.com/fr_fr/Home/Data-Protection

La société Dräger Safety AG & Co. KGaA, Lübeck, est le

fabricant du X-plore 3500, du MRC 5000, du X-am 8000

(tous page 12) ainsi que des combinaisons de protection

chimiques (p. 28, 32 f.), des respirateurs (p. 28) et du

capteur d’ammoniac (p. 46 ff.), du Polytron C300 (p. 51), de

l’Alcotest 5820 (p. 55), du X-am 5000 (p. 70) ainsi que du Pac

8500 (p. 72). La société Drägerwerk AG & Co. KGaA, Lübeck,

est le fabricant du Fabius Tiro (p. 24), de l’Oxylog 3000 plus

(p. 38 f.) et des Gas Management Systems (p. 58 f.) ainsi que

de l’unité d’alimentation au plafond Movita et de la lampe de

salle d’opération Polaris 600 (p. 58).

Classe des dispositifs médicaux Oxylog 3000 plus, Movita,

Fabius tiro : IIb

Organisme notifi é : TÜV SÜD Product Services GmbH

É D I T E U R : Drägerwerk AG & Co. KGaA,

Corporate Communications

A D R E S S E D E L A R É D A C T I O N : Moislinger Allee 53–55, 23558 Lübeck, Allemagne

[email protected]

R É D A C T I O N : Björn Wölke (rédaction en chef), Simone Binder

Tél. +49 451 882 2009, Fax +49 451 882 2080

C O N S E I L R É D A C T I O N N E L : Nils Schiffhauer

D I R E C T I O N A R T I S T I Q U E , P H O T O S , M A Q U E T T E E T C O O R D I N A T I O N :Redaktion 4 GmbH

T R A D U C T I O N : Lektornet GmbH

I M P R E S S I O N : Lehmann Offsetdruck GmbH

I S S N : 1869-7275

S A C H N U M M E R : 90 70 454

www.draeger.com

MENTIONS LÉGALES4Des gens qui nous touchentZhou Xujian travaille comme

infirmière en Chine, Yassine

Tajouaout est apprenti en Hesse.

6Des ressources convoitéesLes besoins en matières premières

augmentent, mais les réserves sont

limitées. L’économie mondiale est

devant une impasse. Quelles solutions

envisager ? Du retraitement à

l’exploitation minière des astéroïdes !

20La tradition rencontre la modernitéPhysiquement, tous les êtres humains

se ressemblent. Mais en Chine,

les choses sont un peu différentes.

26Invocation des espritsLes Allemands aussi distillent du whisky.

Et ce spiritueux du Bade-Wurtemberg

vaut vraiment la peine d’être dégusté.

30Tempête sur le Groenland Là où il y a de la glace, il y a aussi du

feu. Et là où il y a du feu, les pompiers

ne sont généralement pas loin,

cela vaut aussi pour cette commune

de 2 000 âmes à l’est de l’île.

36Consultations sur le deuxième pontUn travail de rêve sur un bateau de

rêve ? Peut-être, du moins un peu ! Au

quotidien, le métier de médecin de

bord est surtout accaparant et exigeant.

40Des couches ultra-mincesLorsque la cornée se trouble,

elle doit être remplacée. La technique

de transplantation requise

est fascinante.

46Un air pur dans l’étable des veauxL’ammoniac est une puanteur, pour le bétail

également. Il résulte de la décomposition

des excréments et de l’urine. La technique de

mesure des gaz aide à en réduire les effets.

52Régime secTravailler en mer exige une concentration

et une disponibilité maximale. L’alcool et

les drogues n’y ont pas leur place.

56La chasse aux records du Dr ReddyDans la métropole indienne d’Hyderabad,

doit naître le plus grand établissement

spécialisé en gastroentérologie au monde.

62Les meilleurs amisL’armée allemande entraîne ses chiens

dans ses propres écoles. Ils y apprennent à

agir de manière autonome et courageuse,

pour protéger les soldats.

68Vivre avec le feu sous les pieds À Hawaï, les volcans en activité font

partie du quotidien. Les sapeurs-pompiers

locaux utilisent depuis les récentes

éruptions la technique de mesure des

gaz de Dräger.

71Ce à quoi nous contribuonsLes produits Dräger évoqués dans ce

numéro.

72Pac 8500Cet appareil, qui signale les dangers par des

alarmes acoustiques, optiques et vibratoires,

mesure simultanément deux gaz.

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EXPÉRIENCES NOUVELLES DU MONDE

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Zhou Xujian, 30 ans, cadre infirmière en soins intensifs au Central Hospital à Lishui, province de Zhejiang/Chine

« Je travaille depuis plus de neuf ans dans cet hôpital, notre unité dispose de 29 lits. J’ai voulu devenir infirmière pour deux raisons : d’une part, il est facile dans ce métier de trouver un emploi partout dans le monde. D’autre part, ma formation me permet d’apporter aussi une aide qualifiée à d’autres personnes pendant mon temps libre, notamment à ma famille et mes amis. La formation de trois ans pour l’obtention du titre de « Bachelor »

fut difficile. À ma grande satisfaction, mes résultats me permirent de recevoir une bourse – y compris pendant le stage pratique d’un an qui a suivi les études. J’ai commencé ma carrière en soins intensifs un an plus tard, après avoir dû suivre au préalable une formation spéciale de trois mois. Les débuts furent particulièrement passionnants. Nous avions un patient de 90 ans qui était chez nous depuis un an. Lorsqu’il décéda peu après, je ne pus m’empêcher de pleurer. Aujourd’hui encore, le destin de mes patients continue de me toucher, même si désormais je garde une distance plus professionnelle. Sinon, il est impossible

de tenir le coup sur le long terme. Aider les gens qui sont dans des situations difficiles me procure chaque jour une joie nouvelle. J’ai déjà accompli beaucoup professionnellement, mais j’aimerais encore progresser. C’est pourquoi je continue de me perfectionner ici à l’hôpital et aussi pendant mon temps libre. J’aimerais bien suivre le programme ISPN*, travailler comme infirmière à l’international, écrire des articles et participer à des projets de recherche. Dans la vie privée, j’aime broder. Cela me permet de décompresser, et je peux en plus offrir ces réalisations en cadeau. »* International Standards for Professional Nurses

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Des gensqui

nous touchent

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5REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

Yassine Tajouaout, 21 ans, apprenti pour devenir agent qualifié en services industriels et de canalisation auprès des services municipaux de la ville de Raunheim Rüsselsheim AöR /Hesse/Allemagne

« La sécurité est pour nous une priorité. Nous entretenons un réseau de canalisations d’eaux usées d’environ 350 km, stations de pompage incluses. Les égoutiers doivent souvent visiter des installations souterraines. Ils sont alors équipés d’un détecteur de gaz mobile et d’un auto sauveteur. Un collègue les sécurise avec une corde. Je suis tout à fait conscient de l’importance de telles mesures de sécurité – contre les gaz de décomposition et autres substances dangereuses que nous pouvons rencontrer dans les égouts. Au centre de formation, nous apprenons également les bases physiques et chimiques de notre travail. C’est une tâche extrêmement variée et d’une haute technicité. Notre « hélicoptère » en est un exemple : un camion spécial à quatre essieux de couleur rouge orange pour les travaux de canalisation. Il a été surnommé ainsi parce que sa flèche peut être tournée autour de son propre axe à l’aide du tuyau de rinçage. Nous n’intervenons pas seulement pour des inspections, des travaux de maintenance et de nettoyage sous terre, mais nous nous occupons également dans la nature d’installations qui collectent et évacuent les eaux de surface. Ce que je trouve passionnant dans les réseaux d’égoûts de nos deux villes, c’est que l’on peut y lire le développement des communes. On y trouve des zones plus ou moins anciennes dont la réalisation technique est complètement différente et le développement se poursuit : le réseau d’égouts croît en parallèle avec les nouvelles zones industrielles et d’habitat – comme une ville sous la ville. »

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FOCUS MATIÈRES PREMIÈRES

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CHAL’insatiable demande en MATIÈRES PREMIÈRES de l’économie

mondiale oblige l’humanité à rester inventive – du recyclage intelligent en passant par des robots sous terre « dans les galeries des mines »

et jusqu’aux projets d’exploitation minière d’astéroïdes.Texte : Steffan Heuer

LA GRANDE

Mi-juillet 2018, le plus long et plus grand robot de la planète

s’est mis en mouvement dans le nord-ouest de l’Australie. Les

locomotives ont tiré un chargement de minerai de fer d’un

poids total de 28 000 tonnes des mines de Tom Prince jusqu’au

port de Cape Lambert. Le train de marchandises entièrement

automatisé du groupe minier Rio Tinto était surveillé depuis une

salle de contrôle située dans la ville de Perth, distante d’environ

1 500 kilomètres. Le train fantôme, à bord duquel ne se trouvait

pour la première fois aucun humain, était un test important

pour démontrer comment les ressources pourraient à l’avenir

être extraites et transportées de manière plus sûre, plus rapide

M et moins chère. Selon ses propres chiffres, Rio Tinto investit en

Australie presque un milliard de dollars dans l’automatisation

de son réseau ferroviaire dans la région de Pilbara, une vaste

région désertique de plusieurs milliers de kilomètres carrés.

200 locomotives y transportent les minerais métalliques extraits

de 16 mines vers quatre ports différents. Pour le programme

« AutoHaul », des trains et des passages à niveaux ont été équipés

de caméras et un logiciel de surveillance a été développé, grâce

auquel les employés du centre de contrôle n’ont plus qu’à jeter

un coup d’œil de temps en temps sur la situation extérieure. Les

robots de l’Outback ne sont qu’une pièce de la roulette mondiale

des matières premières. La population mondiale en augmentation

aspire au bien être matériel, ce qui nécessite toujours plus de

ressources. C’est également la raison pour laquelle un écart

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Train fantôme : Les hommes se contentent de commander depuis le centre

de contrôle – comme ici en Australie – les milliers de tonnes de minerai dans des trains

de marchandises entièrement automatisés vers les stations de déchargement sur les

côtes du Pacifique

7REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

SSE AU TRÉSOR

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FOCUS MATIÈRES PREMIÈRES

8 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

menace de se creuser à brève échéance entre l’offre et la

demande, ce qui fera monter durablement les prix et suscite des

craintes de pénuries d’approvisionnement. Il ne s’agit absolument

pas d’un véritable épuisement des matières premières dans un

avenir prévisible, mais bien plutôt où et comment les trouver en

qualité suffisante, comment les extraire, les traiter et enfin les

recycler de manière efficace. Durant le cycle de vie – de la mine à

la déchetterie – d’importants intérêts économiques, géopolitiques

et écologiques sont en jeu. L’Allemagne a importé à elle seule en

2016 pour 61,8 milliards d’euros de matières premières, et elle

est presque totalement tributaire de ses importations de métaux.

Aux États Unis en revanche, il a été produit en 2017 pour plus de

75 milliards de dollars de minéraux (chiffres sans les ressources

énergétiques telles que le pétrole, le gaz et le charbon).

Un exemple marquant de cette interaction imprévisible est le

cobalt, que les experts de l’Institut d’études géologiques des États-

Unis (USGS) ne sont pas les seuls à classer comme étant « d’une

importance critique » pour l’économie mondiale. Ce métal lourd

gris et malléable a entamé très tôt une carrière fulgurante :

longtemps avant que la chimie ne devienne une science exacte,

les minerais et autres composés de cobalt étaient déjà connus et

utilisés comme pigments résistants à la chaleur pour colorer en

bleu le verre, la céramique et la porcelaine. Les archéologues

en ont trouvé dans des statues égyptiennes, des bijoux perses ou

des vases chinois. Le cobalt doit son nom aux superstitions du

Moyen-âge, lorsqu’on pensait qu’il s’agissait de minerai d’argent

ou de cuivre, pour ensuite réaliser qu’il était difficile à travailler

et dégageait des vapeurs toxiques une fois chauffé. Quoi de plus

naturel que de soupçonner les kobolds d’avoir dévoré le précieux

argent supposé et de l’avoir ensorcelé ? Ce n’est qu’en 1735 qu’un

chimiste suédois étudia de plus près ce métal auquel il donna

son nom.

Aujourd’hui, les industries clés ne peuvent plus se passer du

cobalt, car il est ferromagnétique et résistant à la chaleur, ne

s’oxyde pas et conduit bien l’électricité et la chaleur. Son succès a

démarré au début des années 1990, lorsque les premières batteries

lithium-ion au dioxyde de cobalt sont arrivées sur le marché. Grâce

à une densité énergétique comparativement plus élevée, ces

batteries sont adaptées aux applications mobiles – des ordinateurs

portables aux véhicules électriques. En particulier le grand

nombre de nouvelles voitures électriques qui, avec des milliers

de cellules lithium-ion compactes, ont fait exploser la demande

de cobalt. Actuellement, 42 pour cent de la production mondiale

sont absorbés par la fabrication de batteries, principalement

pour l’industrie automobile. C’est ainsi que la nouvelle Tesla

modèle 3 contient environ 4,5 kg de cobalt, la première version

du modèle S en contenait 11. Bien que les ingénieurs deviennent

plus économes et que les chimistes travaillent au développement

de nouveaux types de batteries sans l’élément « ensorcelé », les

experts alertent depuis longtemps sur les risques de pénurie.

L’Agence Internationale de l’Energie (AIE) prévoit que le nombre

de véhicules électriques passera de trois millions aujourd’hui à au

moins 125 millions d’ici 2030.

La soif de matières premières devient un problème« L’avenir des véhicules électriques dépend de la demande en

ressources rares », jugent les experts de l’AIE dans leur rapport sur

l’électromobilité de mai 2018. « La transition vers les véhicules

électriques va renforcer la demande, tout particulièrement en co-

balt et en lithium. Lors du développement des batteries chimiques,

l’enjeu est de réduire la teneur en cobalt. « Mais même dans ce

cas, avertissent les experts, la demande dans le secteur automobile

devrait être multipliée par 25 d’ici 2030. Aujourd’hui déjà, la marge

de manœuvre entre production et demande est réduite. Selon une

étude, les besoins mondiaux en cobalt étaient d’environ 136 000 t

en 2017, et ils devraient doubler d’ici 2025 à plus de 272 00 t.

Ensemble, la production de « nouveau » cobalt et le recyclage

ont permis de fournir en 2017 entre 127 000 et 140 000 t, et

cela devrait augmenter d’ici 2025 à entre 250 000 et 265 000.

La demande en véhicules électriques constitue le plus grand

point d’interrogation. « Il y aura probablement suffisamment

de matériaux sur le marché jusqu’en 2025 . Mais si un scénario

de croissance agressive devait se réaliser, le cobalt pourrait déjà

se raréfier d’ici 2022 », préviennent les spécialistes. L’agence

PRODUCTION 2017 : mondiale 3 150 t ; Chine 440 t, Australie 300 t, USA 245 tABONDANCE : 0,004 ppm (72ème place en proportion de masse en ppm dans la croûte terrestre) – réserves mondiales : 54.000 tUTILISATION : L’or est l’un des premiers métaux à avoir été travaillé par l’homme. Il est depuis des milliers d’années une matière première très prisée pour les objets rituels ou les bijoux et il a été utilisé comme monnaie d’échange depuis le 6ème siècle avant Jésus-Christ. Ce métal précieux est mou et facilement ductile. Il suscite les convoitises jusqu’à ce jour.ÉVOLUTION DES COURS : Sa double fonction de matériau et de placement monétaire stable tire continuellement le prix de l’or vers le haut, à 1 355 dollars l’once d’or fin (2018).

L’OR196,967

79

Au Aurum

Le métal doté du plus grand pouvoir d’attraction – sur les prospecteurs, les faiseurs d’argentet des bijoutiers. Il est utilisé dans l’électronique pour de meilleurs contacts.

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9REVUE DRÄGER 19 | 1/ 2019

La mine Super Pit dans l’Outback australien mesure 3,5 km de long,

1,5 km de large et plus de 600 mètres de profondeur. Environ 28 tonnes d’or en

sont extraites chaque année

Quand le progrès

déplace des montagnes

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REVUE DRÄGER 19 | 1 / 201910

Au bout de la longue ligne : Des entreprises comme la Nautilus Minerals ont démontré avec de premiers essais dans le Pacifique qu’il est aujourd’hui possible de

récupérer de précieuses matières premières au fond des océans à l’aide de robots, comme par

exemple du cuivre ou de l’argent

Des trésors à quatre

kilomètres sous terre

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MATIÈRES PREMIÈRES FOCUS

11REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

allemande des matières premières se montre également inquiète.

Même si les chiffres exacts différent d’un expert à l’autre, la

tendance est la même pour l’ensemble des prévisions, qui sont

explosives pour deux raisons. Avec une aussi faible marge entre

offre et demande, le prix est soumis à des fluctuations sauvages.

Le prix du cobalt est ainsi passé d’environ 24 000 dollars la

tonne (2013) à 80 000 dollars (2018) – également à cause des

spéculateurs qui stockent la matière première dans l’attente d’un

boom durable, comme le font les épargnants avec leur or. Cela ne

veut pas dire pour autant que l’humanité va bientôt manquer de

cobalt. Les réserves mondiales connues de cobalt représentent

7,1 millions de tonnes.

Quelle matière première viendra à manquer, à quel moment ?Les géologues supposent l’existence de beaucoup plus de réserves

de cobalt dans la croûte terrestre au fond des océans Atlantique,

Pacifique, et Indien. En dehors des bulles spéculatives des élé-

ments cobalt et lithium, si importants pour les batteries, les géo-

logues sont également préoccupés par les autres ressources, mais

mettent également en garde contre tout alarmisme. Aujourd’hui,

environ 60 pour cent du cobalt extrait dans le monde proviennent

du Congo. Récemment, des compagnies minières chinoises se

sont assuré une participation majoritaire dans l’une des plus

importantes mines ainsi que des droits d’exploration pour un

autre gisement. Il s’agit là d’un investissement stratégique. La

Chine est le plus grand marché automobile de la planète, Envi-

ron 500 constructeurs de véhicules électriques y sont déjà pré-

sents. Des entreprises telles que Tesla et Daimler construisent

leurs propres usines de production de batteries. C’est pourquoi

les experts de l’Institut fédéral allemand des géosciences et des

ressources naturelles (Bundesanstalt für Geowissenschaften und

Rohstoffe) de Hanovre expriment les mêmes préoccupations que

leurs homologues américains. « D’un point de vue purement

géologique, l’approvisionnement en matières premières miné-

rales est largement assuré », relatent-ils. Mais à court ou moyen

terme, des goulots d’étranglement peuvent survenir en termes

d’approvisonnement. Quelle matière première viendra à man-

quer et quand ? Cette question hante des économistes comme

Roderick Eggert, professeur à la School of Mines dans le Colo-

rado et directeur adjoint du Critical Materials Institute. Le CMI

est un regroupement d’entreprises d’exploitation des matières

premières, d’universités et de laboratoires de recherche publics

sous l’égide du Ministère de l’énergie américain, dont l’objectif

est d’étudier les pénuries. « La raréfaction des ressources est un

thème courant dans les débats publics. Mais nous ne sommes pas

encore pressés par le temps au point de devoir prendre des déci-

sions dans l’urgence », rassure Eggert. « Je m’inquiète beaucoup

plus du fait que nous extrayons de plus en plus de ressources de

médiocre qualité. Nous déplaçons plus de roches et dépensons

pour cela de plus en plus d’eau et d’énergie. Cela entraîne d’im-

portants coûts économiques et écologiques – à moins que des

innovations technologiques ne permettent d’améliorer l’efficaci-

té dans les mines et dans l’extraction des minerais. C’est surtout

vrai pour les minor metals tels que les terres rares – un groupe

de 17 métaux présents dans l’enveloppe terrestre et qui doivent

tout d’abord en être extraits de manière coûteuse avant de pou-

Précieux nodules : Des bras robotisés

récoltent des nodules polymétalliques au large des côtes de la Papoua-

sie-Nouvelle-Guinée. Les dépôts accumulés

au cours des millénaires sont riches en cuivre et

en cobalt

PRODUCTION 2017 : mondiale 110 000 t ; Congo 64 000 t, Russie 5 600 t, Australie 5 000 t ABONDANCE : 225 ppm (32ème place en proportion de masse en ppm dans l’écorce terrestre), réserves mondiales : 7,1 millions tUTILISATION : Le cobalt est un produit secondaire de l’extraction du cuivre et du nickel. Ce métal lourd gris et ductile est ferromagnétique, résistant à la chaleur et insensible à la corrosion. Il est donc d’une importance cruciale pour les entreprises clés telles que les constructeurs aéronautiques ou l’industrie automobile. Environ 40 pour cent de la production mondiale sont utilisés pour la production de batteries, entre autres pour les véhicules électriques et les smartphones.ÉVOLUTION DES COURS : Après les fluctuations des prix dans les années 70 et 80, le prix du métal lourd est à nouveau monté en flèche ; depuis 2013, il est passé de 24 424 à 80 491 dollars la tonne (2018).

COBALT58,933

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Co Cobalt

Matériau utilisé pour la coloration en bleu de la céramique, du verre et de la peinture. Aujourd’hui indispensable pour des batteries performantes.

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FOCUS MATIÈRES PREMIÈRES

12 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

voir être traités. Les réserves sont concentrées en Chine. L’éco-

nomiste mentionne également les éléments rares tels que le néo-

dyme qui entre dans la composition des aimants permanents dans

les smartphones et les moteurs.

« La production de ce métal ne dépasse pas quelques centaines

ou milliers de tonnes par an » , explique Eggert. « Il suffit d’un seul

nouveau domaine d’utilisation pour provoquer rapidement une

poussée de la demande et faire monter les prix. Cette incertitude

peut inciter un constructeur à ne pas utiliser cette ressource. » En

d’autres termes, la force d’innovation d’une économie nationale

peut être affaiblie par des goulots d’étranglement réels ou sup-

posés, en s’abstenant de certains produits ou en se rabattant sur

d’autres matières premières. Pour éviter cela, des spécialistes tels

qu’Eggert gardent constamment un œil sur l’équilibre entre l’offre

et la demande. Ils essaient de classer les matières premières selon

leur concentration géographique, leur prévision de croissance et

l’évolution de leur prix. Un congrès d’experts américains a ainsi

publié en 2016 un hit-parade des « minéraux critiques ». A la fin,

17 éléments accusaient suffisamment de facteurs de risques pour

figurer sur la liste rouge – de l’yttrium au cobalt, en passant par le

mercure et le tungstène. Pour en tirer les bonnes conclusions et

chercher des solutions de remplacement, il convient tout d’abord

d’inventorier l’état actuel des connaissances. C’est pourquoi le

Ministère fédéral allemand de l’éducation et de la recherche

(Bundesministerium für Bildung und Forschung) a lancé un pro-

gramme de recherche et de développement axé sur les « matières

premières économiquement stratégiques pour la haute technolo-

gie allemande ». Les chercheurs allemands, en liaison avec leurs

collègues du monde entier doivent améliorer l’acceptation de l’ex-

traction des matières premières et renforcer l’éducation et la for-

mation. L’accent est mis sur les « métaux et minéraux dont la dis-

ponibilité doit être assurée pour nos technologies du futur, et qui

ont un fort effet de levier sur l’économie ». Ce qui est sûr, c’est

que la croissance constante de la population mondiale et la pro-

duction industrielle qui en découle nécessitent des approvisionne-

PRODUCTION 2017 : mondiale 19,7 millions t ; Chili 5,33 millions t, Pérou 2,39 millions t, Chine 1,86 millions t ABONDANCE : 60 ppm (26ème place en proportion de masse en ppm dans la croûte terrestre), réserves mondiales : 790 millions tUTILISATION : Avec l’or, l’argent et le zinc, le cuivre a été l’un des premiers métaux que l’humanité a appris à travailler. Ce métal ductile est utilisé pur ou en alliage pour des applications électriques ou électroniques. De par sa haute conductivité, il convient pour les échangeurs thermiques, les conducteurs et connecteurs électriques et les machines et moteurs électriques.ÉVOLUTION DES COURS : Le cuivre se distingue régulièrement depuis les années 1970 par des pics de prix. À l’automne 2018 , son prix tournait autour de 2 700 dollars la tonne alors qu’il était à 4 800 dollars en 2016.

LE CUIVRE

Ventilation : Un air respirable propre est la condition de base pour un travail sécurisé dans les mines, mais il devient vite un facteur de coût important. Plus la mine devient imposante et complexe, plus l’alimentation en air res-pirable doit être soigneusement planifiée et surveillée. Il faut pour cela mettre en œuvre des détecteurs de gaz mobiles, comme le X-am 8000, capable de mesurer simultanément jusqu’à sept types de gaz toxiques et inflammables, de vapeurs ainsi que l’oxygène.

63,55

29

Cu Cuprum

Sécurité dans les mines :

Évacuation : Plus une mine est étendue et profonde, plus le concept d’évacuation et de sauvetage est compliqué. Dräger propose de nombreuses solutions ; des dispositifs de sauvetage individuels jusqu’aux chambres de refuge et de sauvetage. Le MRC 5000 (à droite) offre une protection pour huit à 20 personnes (jusqu’à 96 heures).

Protection respiratoire : Lors de l’extraction et du traite-ment de minerais, des poussières, aérosols et gaz toxiques peuvent être libérés. Dräger propose aussi bien des protections respiratoires filtrantes que des systèmes d’adduction d’air comprimé pour les interventions dans les zones à risque (entre autres le demi-masque Dräger X-plore 3500).

Il a donné son nom au stade d’évolution de l’humanité de l’âge de cuivre, entre l’âge de pierre et l’âge du bronze.

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13REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

ments sûrs et fiables, en particulier pour les matières premières

les plus importantes. Selon le World Economic Forum, la Chine

consomme à elle seule 57 pour cent du nickel et 50 pour cent de

l’acier et du cuivre produits dans le monde. Comme le cuivre est

très demandé pour un grand nombre de produits (des câbles aux

semi-conducteurs), les experts s’attendent à ce que dans dix ans,

la demande mondiale dépasse déjà l’offre.

Ce qui nous ramène au rôle des sociétés minières. Toutes,

de Rio Tinto, Codelco, BHP, à Glencore et Freeport-McMoRan,

sont confrontées aux mêmes défis : plus profond, plus loin, plus

coûteux. « Les mines vieillissent, sont de plus en plus profondes,

alors que la production et la concentration baissent », déclare

Rüdiger Leutz, directeur général de Porsche Consulting au Brésil.

L’entreprise de conseil travaille entre autres avec Codelco, le plus

grand producteur mondial de cuivre, qui exploite sept mines au

Chili et a produit en 2017 presque 2 mégatonnes de cuivre. Bien

que Codelco exploite la mine d’El Teniente, devenue depuis la plus

grande mine de cuivre au monde avec 3 000 kilomètres de galeries

souterraines, la qualité du minerai de cuivre baisse. Depuis 1990,

la qualité a presque baissé de moitié. En outre, il y a un déficit de

personnel qualifié, capable de travailler avec les dernières techno-

logies. Enfin, continue Leutz, les compagnies minières subissent

non seulement la pression économique, mais elles doivent de sur-

croît respecter des exigences plus strictes en matière de protec-

tion de l’environnement et de règles de sécurité. « La réponse à

ces défis est la numérisation, l’automatisation, l’intégration de

flux de données ainsi que l’optimisation des processus. » C’est

pourquoi Codelco, tout comme ses concurrentes, a mis en œuvre

un programme de modernisation. La priorité est également don-

née à l’intelligence artificielle et aux drones hérissés de capteurs.

Cela permet non seulement d’identifier de nouveaux gisements,

mais aussi d’extraire les minéraux existants avec moins d’énergie

et d’eau. Les intelligences artificielles permettent de surveiller

de gigantesques machines de forage souterraines et d’en assurer

l’entretien avant qu’elles ne tombent en panne. Ce développement

n’épargne pas les hommes. Dans certaines mines australiennes,

des casques intelligents sont déjà employés pour mesurer l’activi-

té cérébrale des conducteurs et les alerter en cas de fatigue exces-

sive. Avec les données collectées, il est possible de faire beaucoup

plus pour augmenter la productivité, explique Leutz. Les planifi-

Plus profond, plus loin, plus cher : Codelco, au Chili, est le plus important producteur de cuivre au monde. Les mines, comme celle du désert d’Atacama, sont excavées

toujours plus profond et plus loin et sont exploitées à l’aide de robots pour pouvoir satisfaire la demande mondiale

Des robots aident à

traquer le cuivre

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14 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

cateurs d’une mine peuvent identifier les points névralgiques sur

les voies et les rampes et corriger ainsi les pentes, courbes et croi-

sements dangereux.

De l’or dans la déchargeLa loi de l’offre et de la demande dispose d’une autre variable

d’ajustement importante : la gestion durable des appareils ayant

déjà atteint leur fin de vie. En collectant les vieux téléphones

portables, ordinateurs et batteries, en les triant et en les retraitant

de manière appropriée, il est possible d’éviter que des métaux,

métaux précieux et terres rares finissent à tout jamais dans une

décharge. Plus de 7 500 t d’argent et 320 t d’or sont utilisées chaque

année pour la production mondiale d’appareils électroniques.

Leur valeur totale représente environ 21 milliards de dollars. Si

les déchets électroniques sont exportés dans les pays en voie de

développement, seule la moitié de leurs précieux composants

sont généralement récupérés. Si au contraire ils sont recyclés

dans des économies nationales modernes, le taux de récupération

des matériaux, par exemple l’or, tourne autour de 95 pour cent.

Vu ainsi, il y a une petite mine dans chaque téléphone portable

moderne.

L’agence gouvernementale américaine pour l’environnement

(EPA) a fait le calcul : le recyclage d’un million de smartphones

permettrait de récupérer 16 t de cuivre, 359 kg d’argent, 34 kg

d’or et 15 kg de palladium. Selon l’organisation américaine de

l’industrie de la ferraille et du recyclage (ISRI), une tonne de

vieux ordinateurs contient autant d’or que 17 t de minerais. Ces

quantités s’additionnent vite, car les États-Unis produisent à eux

seuls 4,5 millions de tonnes de déchets électroniques chaque année.

Des recherches sont menées au niveau mondial pour remettre

les précieuses matières premières en circulation dans le circuit

économique. La société Fraunhofer par exemple travaille avec

plusieurs entreprises des domaines du recyclage, des batteries

et de la construction d’équipements à un nouvel procédé baptisé

NEW-BAT visant à améliorer le recyclage des composants de

batteries. Il consiste à pulvériser des batteries lithium-ion dans

un bain d’eau à l’aide d’ondes. Cela permet non seulement de

récupérer les métaux, mais également de scinder les matériaux

Des trésors sommeillent aussi dans les déchets électroniques

Problème chronique : Plus l’humanité utilise et met au rebut de l’électronique, plus les montagnes

de déchets électroniques s’accumulent, comme ici à Wuhan en Chine, ils peuvent être recyclés au lieu de finir à la décharge

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MATIÈRES PREMIÈRES FOCUS

15REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

composites sans contact à leurs limites – par exemple des liaisons

en lithium, nickel, cobalt ou manganèse, des composés carbonés

de qualité ainsi que des alliages de terres rares. Comme le nombre

de véhicules électriques va continuer à croître, des pays comme

le Japon et la Chine développent actuellement des concepts pour

leurs propres infrastructures, afin de construire un réseau de

stations de recyclage de batteries usagées couvrant autant que

possible l’ensemble du territoire. La République Populaire a

présenté en juillet 2018 une norme adaptée aux municipalités et

aux constructeurs de véhicules, et le Japon a inauguré en mars la

première usine de recyclage de batteries automobiles, non loin du

réacteur accidenté de Fukushima. Même les plastiques renferment

des trésors cachés. Un autre projet de l’Institut Fraunhofer pour les

techniques de fabrication et d’emballage (IVV - Fraunhofer-Institut

für Verfahrenstechnik und Verpackung) se consacre au problème

de la récupération des matériaux critiques (antimoine et titane)

d’anciens appareils avant qu’ils ne finissent à la décharge. Ils sont

tous deux contenus entre autres dans des additifs pour les boitiers

plastiques, principalement en tant qu’éléments ignifuges, ainsi

qu’en tant que pigment blanc. Le projet Add Resources a étudié la

possibilité de recyclage de métaux et est arrivé à la conclusion que

ce n’est en principe ni un problème technologique, ni un problème

de rentabilité. Le directeur du projet, le Dr Martin Schlummer, voit

comme principal obstacle un « déficit de transposition » , c’est à dire

un manque d’infrastructures de recyclage nécessaires, pour séparer

par exemple les plastiques ignifugés des autres plastiques. Plus les

décharges grandissent, plus le problème devient urgent. Alors que

la Chine et l’Inde traitent l’essentiel des déchets électroniques

du monde entier, il s’accumule, selon les estimations des Nations

Unies, près d’un million de tonnes de déchets électroniques

chaque année en Afrique de l’Ouest. Avec de faibles perspectives

de récupérer les composants précieux de manière durable. Comme

l’humanité produira en 2030 environ trois milliards de tonnes de

déchets, les spécialistes envisagent le urban mining, c’est-à-dire la

récupération de métaux précieux à partir des décharges urbaines.

La recherche des richesses du sous-sol ne s’arrête pas aux

terres émergées. Les géologues de l’USGS étudient depuis les

années 1970 les minéraux dans les fonds marins. Dès le 19e siècle,

les océanographes remontaient d’étranges nodules à la surface,

et les caméras sous-marines ne cessent de livrer des images

impressionnantes de sources hydrothermales jaillissant de failles

du fond de l’océan. Dès que les nuages noirs riches en minéraux

refroidissent, il se forme de gigantesques cheminées. Mais qui a le

droit de prospecter sous l’eau ? Selon une convention internationale

sur le droit de la mer, les nations peuvent revendiquer une « zone

économique exclusive » pour toutes les ressources situées à

moins de 200 milles marins (environ 316 kilomètres) de leurs

côtes, y compris les matières premières qui reposent à plusieurs

kilomètres de profondeur.

Mines sous-marines : des trésors au fond des mersLa gestion des immenses gisements de manganèse, cobalt,

nickel ou cuivre dans les eaux internationales a été confiée à

l’Autorité internationale des fonds marins, International Seabed

Authority (ISA), dont le siège se trouve en Jamaïque. Même si

elle continue encore de peaufiner les directives sur l’extraction,

« L’exploitation minière commerciale en haute mer commencera

dans les cinq prochaines années », affirme le Dr James R. Hein,

géologue californien dirigeant le projet Global Ocean Mineral

Resources de l’USGS. Les spécialistes de l’ISA ont défini trois

catégories principales de ressources sous-marines : les nodules

polymétalliques, les sulfures polymétalliques et les encroûtements

cobaltifères de ferromanganèse. Ces derniers sont produits par

l’activité volcanique et sont de ce fait riches en cobalt et en

nickel. Ils se trouvent dans les eaux peu profondes, à partir de

400 mètres, et sont de ce fait souvent dans la zone économique

exclusive revendiquée par un pays. « Il reste encore de nombreuses

questions ouvertes, mais il est cependant très probable que les

ressources des fonds marins soient plus importantes que les

gisements terrestres », explique Amy Gartman, océanologue et

adjoint de Hein, le directeur du projet de l’USGS. Les spécialistes

estiment que rien que dans la zone Clarion-Clipperton dans le

Pacifique, 21 milliards de tonnes de nodules polymétalliques

reposent au fond de l’océan. Ils peuvent avoir une taille allant de

PRODUCTION 2017 : mondiale 43 000 t; Australie 18 700 t, Chili 14 100 t, Argentine 5 600 tABONDANCE : 20 ppm (33ème place en proportion de masse en ppm dans l’écorce terrestre), réserves mondiales : 16 millions tUTILISATION : Sans ce métal ductile d’un blanc argenté, le développement moderne de l’électromobilité, des smartphones et autres appareils en réseau n’aurait pas été possible, car aujourd’hui (presque) plus rien ne fonctionne sans la technologie des batteries lithium-ion. De nombreux matériaux sont associés au lithium pour le rendre plus dur, élastique et durable.ÉVOLUTION DES COURS : le lithium est toujours plus coûteux ; le prix est passé de 1 550 dollars (2003) à 16 500 dollars la tonne (2018).

LE LITHIUM6,94

3

Li Lithium

Initialement utilisé uniquement comme lubrifiant, il est devenu de plus en plus important et accélère désormais le développement de l’électromobilité.

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FOCUS MATIÈRES PREMIÈRES

16 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

deux à 20 centimètres et contiennent, outre du manganèse et du

fer, également des traces de métaux très recherchés, tels que le nic-

kel, le cuivre, le cobalt et les terres rares. Certains pays ont déjà

lancé des expérimentations d’extraction minière sous-marine. Le

Japon, très dépendant des importations, a fait les gros titres en sep-

tembre 2017 lorsqu’un véhicule à chenilles a plongé au large des

côtes d’Okinawa et a remonté plusieurs tonnes de minerai depuis

une profondeur de 1 600 mètres. Selon le gouvernement, ce charge-

ment contenait entre autres de l’or, du cuivre du plomb et du zinc.

L’exploitation commerciale dans le Pacifique devrait commencer

mi-2020, car des chercheurs japonais ont découvert six gisements

de minerai autour d’Okinawa et estiment que la quantité de zinc

présente dans l’un des gisements serait suffisante pour couvrir les

besoins de l’industrie japonaise pendant toute une année. Un deu-

xième projet, au large de la Papouasie-Nouvelle-Guinée progresse

moins bien. Des dragages tests à 1 600 mètres de profondeur dans

la mer de Bismarck ont révélé la présence de cuivre, d’or et d’ar-

gent. La société canadienne Nautilus, dont les investisseurs sont

russes et omanais, veut exploiter ces métaux. À Port Moresby, le gou-

vernement a délivré les licences nécessaires pour débuter l’exploi-

tation de la zone Solwara One fin 2019. Mais le projet s’est heur-

té aux protestations d’initiatives citoyennes locales. Ces dernières

craignent que l’extraction sous-marine ne soulève d’énormes quan-

tités de sédiments.

« Patrimoine commun de l’humanité » Les conséquences écologiques en grande partie inconnues sont

l’une des nombreuses questions encore ouvertes sur la chasse aux

matières premières au fond des océans. « Les biologistes marins

ont commencé à s’intéresser à ce sujet. Ils veulent savoir quels

organismes vivent dans les profondeurs et quelles conséquences

les activités minières auraient pour eux » déclare Gartman,

océanologue de l’USGS. Si l’on collecte des encroûtements ou

des nodules métalliques à plusieurs kilomètres de profondeur et

qu’on les remonte en grande quantité à la surface, de considérables

quantités de boues seront soulevées. De plus, les chercheurs

viennent à peine de commencer à faire la liste des espèces, comme

les vers filtreurs, des poissons ou des escargots, qui ont élu domicile

dans des lieux tels que les sources hydrothermales. Lors d’une

expédition récente, Gartman a, en collaboration avec d’autres

océanographes, généré des nuages de sédiments artificiels dans le

Pacifique de San Diego, et observé à l’aide d’un sonar 3D comment

les particules se propagent sous l’eau et où elles se déposent au

fond de la mer. La science en est ici aussi à ses balbutiements. Une

autre conséquence de l’exploitation minière est déjà connue sur la

terre ferme : les terrils et les bassins de décantation dans lesquels

les métaux et les acides s’accumulent, avant de se retrouver dans

l’environnement. Gartman avertit que la même chose pourrait

se produire lors de la libération des sulfures sous l‘eau. Personne

ne sait quelles quantités supplémentaires d’acides les océans

sont encore capables d’absorber. « Cela dépend de l’importance

des activités d’exploitation sous-marines. » Que l’homme puisse

satisfaire son besoin constant de métaux dans les profondeurs des

océans dépend également de la rentabilité économique. Mais selon

les calculs de Richard Roth, professeur en science des matériaux

au Massachusetts Institute of Technology (MIT), elle est loin

d’être certaine. Il a présenté ses résultats lors d’une réunion de

la Seabed Authority en mars 2018 à la Jamaïque. Selon ses calculs,

les investissements initiaux pour une mine fictive en eau profonde

se situent entre trois et quatre milliards de dollars, auxquels il

faut ajouter 600 millions à 1,1 milliards de dollars par an pour les

coûts d’exploitation.

Selon les prévisions de Roth, les coûts les plus importants

ne seraient pas générés par une usine métallurgique flottante,

mais par une usine à terre dans laquelle le nickel, le cuivre le

cobalt et le manganèse seraient extraits avec difficulté. Ces quatre

minéraux ne représentent même pas 30 pour cent des nodules

ramenés à terre. Avec un rendement annuel de trois millions de

tonnes de nodules océaniques, on estime que l’on n’obtiendrait

au total que 6 375 tonnes de cobalt et 32 400 tonnes de cuivre.

PRODUCTION 2017 : Terres rares env. 130 000 t (dont seulement 7 000 tonnes de nédoyme); Chine 105 000 t, Australie 15 000 t, Russie 2 800 t ABONDANCE : 42 ppm (28ème place en proportion de masse en ppm dans l’écorce terrestre)UTILISATION : Le néodyme appartient au groupe des terres rares, que l’on ne trouve qu’en association avec d’autres métaux et dont l’extraction est liée à de considérables problèmes environnementaux. Ce métal est utilisé dans un alliage néodyme-fer-bore pour fabriquer de puissants aimants permanents, qui sont importants entre autres dans l’électronique des smartphones et des véhicules autonomes. C’est pourquoi les nations industrielles occidentales s’inquiètent de ce que 80 pour cent des terres rares soient extraites en Chine.ÉVOLUTION DES COURS : Le prix du néodyme n’a cessé d’augmenter fortement au cours des deux dernières décennies, il coûtait en 2009 environ 15 000 dollars la tonne, 250 000 dollars en 2011 ; il oscille depuis l’an dernier aux alentours de 95 000 dollars.

LE NEODYME144,242

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Nd Neodymium

Le matériau des aimants extrêmement puissants, utilisés par exemple pour des installations éoliennes ultra performantes ou les disques durs.

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17REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

Recyclage chez Dräger :Or, aluminium ou chaux sodée ; de nombreux appareils restent précieux à la fin de leur cycle de vie.www.draeger.com/19-17

Une telle exploitation minière générerait annuellement un chiffre

d’affaires d’à peine 2,4 milliards de dollars, ce qui au regard des

variations de prix pour de nombreux métaux ne constituerait

aucune garantie de bénéfices. La grande problématique pour

Roth est cependant la répartition équitable des bénéfices escomp-

tés entre les entreprises exploitantes, leurs investisseurs et les

nations à la juridiction desquelles ils sont soumis, ainsi que le

« patrimoine commun de l’humanité » Car contrairement aux

mines, les océans appartiennent à l’ensemble de l’humanité.

C’est pourquoi les spécialistes ne sont pas tous convaincus que

l’avenir se trouve au fond des mers. « Les obstacles techniques sont

effroyablement importants, et il est difficilement imaginable que

nous puissions jamais y exploiter des matières premières à grande

échelle – excepté peut-être des ressources de grande valeur », fait

remarquer l’économiste Roderick Eggert. « Cette question est

aussi passionnante qu’une histoire de science-fiction, mais il faut

toujours se rappeler qu’à la fin, seule une partie de la science fiction

se réalise vraiment. » Vu ainsi, il semble rassurant que l’humanité

ait déjà un autre objectif en vue : les astéroïdes, les lunes et autres

planètes. Des millions d’astéroïdes sont en orbite dans le système

solaire, au moins 1 000 d’entre eux intéressent des sociétés telles

que Deep Space Industries et Planetary Resources, car ils sont

suffisamment grands et proches de la Terre et contiennent de

précieuses matières premières. Le Luxembourg a déjà promulgué

une loi laissant la voie libre aux exploitants de futures mines dans

l’espace pour engranger leurs profits célestes. Planetary Resources

gère la base de données Asterank, dans laquelle sont répertoriés de

manière détaillée plus de 600 000 astéroïdes, avec les ressources

minières qu’ils renferment et leur intérêt économique. La NASA

prévoit d’envoyer en 2022 une sonde sur l’astéroïde Psyché qui

tourne autour du Soleil entre Mars et Jupiter. Il s’agit d’après les

astronomes du noyau d’une ancienne planète composé de nickel

et de fer. Il n’est donc pas étonnant que Chris Lewicky de Planetary

Resources ait récemment déclaré : « Le prochain âge du fer aura

lieu dans l’espace. »

L’espace aujourd’hui : Les scientifiques ont identifié environ 1 000 astéroïdes sur lesquels une exploi-tation minière serait rentable. La NASA étudie déjà sur Terre comment manipuler des blocs rocheux de plusieurs tonnes avec des bras manipulateurs

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Des robotsqui attrapent

des astéroïdes

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227 ans

372 ans387 ans

1.200 ans

FOCUS MATIÈRES PREMIÈRES

REVUE DRÄGER 19 | 1 / 201918

Extraction Production annuelle des métaux les plus importants à partir du minerai (en milliers de tonnes, pendant l’année 2017). Certains font partie, dans le classement des éléments chimiques, des métalloïdes ou des métaux de transition.

Provenance Les cinq régions de production les plus importantes pour chaque métal ainsi que la part de la production mondiale.

Les métaux ont des propriétés fascinantes,

tant lors de l’usinage que lors de leur utilisa-

tion. Ils sont indispensables dans le monde

actuel. Ils donnent de la stabilité aux mai-

sons, de la légèreté aux avions et permettent

le développement de l’électronique ainsi que

de l’électromobilité. Les gisements de mine-

rais métalliques sont inégalement répartis

dans le monde. Quelques pays (souvent poli-

tiquement fragiles) ont un quasi-monopole

sur certains métaux stratégiquement impor-

tants pour l’avenir, tels le cobalt. Les gra-

phiques ci-après apportent des réponses à

des questions sur leur origine, le volume

d‘extraction ainsi que sur leur utilisation.

Les réserves disponibles en quantité limitée

obligent à une réflexion sur leur utilisation

ainsi que sur le recyclage, qui progresse par-

tout. Même si les réserves aujourd’hui éco-

nomiquement exploitables ainsi que les res-

sources existantes sont limitées, l’humanité

a toujours su s’adapter.

Des ressources raresElles permettent de fabriquer une multitude de produits : les métaux sont présents dans des produits aussi variés que les smartphones, les automobiles ou les emballages.

39 % CHN26 % AUS13 % BRA6 % IND3 % RUS

54 % CHN

Aluminium

6 % RUS5 % CAN5 % IND4 % UAE

48 % RSA

Chrome

17 % KAZ10 % IND9 % TUR3 % FIN

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Cuivre

12 % PER9 % CHN6 % USA5 % AUS

39 % CHN

Zinc

11 % PER10 % IND8 % AUS6 % USA

51 % CHN

Plomb

10 % AUS7 % USA6 % PER5 % RUS

19 % INA

Nickel

11 % PHI10 % CAN10 % NCL9 % AUS

35 % CHN

Étain

18 % INA18 % MMR9 % BRA6 % BOL

45 % CHN

Molybdène

20 % CHI15 % USA9 % PER4 % MEX

73 % CHN

Antimoine

9 % TJK5 % RUS3 % AUS2 % TUR

58 % COD

Cobalt

5 % RUS5 % AUS4 % CAN4 % PHI

89 % BRA

Niobium

9 % CAN1 % RUS1 % COD

43 % AUS

Lithium

33 % CHI13 % ARG7 % CHN2 % ZWE

22 % MEX

Argent

18 % PER10 % CHN6 % RUS5 % BOL

14 % CHN

Or

10 % AUS8 % RUS8 % USA6 % CAN

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5 00

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0

290

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150

110

64 43 3,15

25

Minerai de fer

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8 ans

11 ans

Étain

Antimoine

Or

Argent

Cuivre

Molybdène

Nickel

Niobium

Minerai de fer

Zinc

Plomb

Cobalt

Lithium

Chrome

Aluminium

Aluminium

Chrome

Lithium

Cobalt

Plomb

Zinc

Minerai de fer

Niobium

Nickel

Molybdène

Cuivre

Argent

Or

Antimoine

Étain

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90 ans

144 ans

174 ans

19REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

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Ressources Temps qu’il faudra pour épuiser tous les gisements connus à ce jour. Ces estimations se basent sur des conditions constantes, d’utilisation et de recyclage.

UtilisationLes domaines d’utilisation les plus importants pour chacun des métaux.

RecyclageLa proportion de matériaux recyclés dans la production de métal.

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20 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

La tradition

S’entrainer : Ausculter le cœur et les poumons, prendre la température : les stagiaires oublient vite qu’ils n’ont devant eux qu’un patient virtuel

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21DRÄGERHEFT 404 | 2/ 2018

LLe chant rythmé et strident des cigales entre par la fenêtre

ouverte avec l’air frais du matin dont on pressent déjà qu’il devien-

dra tropical dans à peine quelques heures, à savoir 36 degrés Cel-

sius et une humidité de l’air supérieure à 60%. Le regard vaga-

bonde par-dessus les grands immeubles jusqu’aux montagnes

verdoyantes qui se perdent bientôt dans la brume. Des carreaux

de faïence muraux sont posés sur le sol. Un homme svelte entre

dans la salle de réunion. Depuis 20 ans, le Pr Wei Tiemin dirige

en qualité de président le plus grand hôpital de Lishui, une ville

de plus de 2,5 millions d’habitants dans la province de Zhejiang,

à environ trois heures en train express régional, au sud-ouest

de Shanghai. « Nous sommes un hôpital central communal, et

site universitaire pour l’université de Zhejiang », explique-t-il. Le

Municipal Central Hospital de Lishui est l’un des 30 000 hôpitaux

de République Populaire de Chine, et l’un des plus modernes.

Il règne en maître sur plus de 3 000 personnesL’établissement est très bien équipé : du service des urgences, tout

de suite à l’entrée, aux techniques d’imagerie moderne telles que

l’imagerie par résonance magnétique (IRM) ou la tomographie par

émission de positons (TEP). Une clinique dentaire y est également

rattachée, ainsi que de vastes locaux pour l’enseignement, les

formations continues et les congrès. Ce sexagénaire est fier de

ce qui a été réalisé : « Quand notre hôpital a été fondé en 1971,

rencontrela modernitéIl est rare de pouvoir se faire une idée des hôpitaux chinois, en particulier hors des métropoles de la côte Est. Et pourtant le Pr Wei Tiemin fait visiter avec fierté le LISHUI MUNICIPAL CENTRAL HOSPITAl – et permet justement d’avoir un aperçu de la gestion et du travail au quotidien.

Texte : Nils Schiffhauer Photos : Patrick Ohligschläger

ASIE HÔPITAUX

REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

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22 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

L’important, ce sont les hommes et les rapports entre eux

À hauteur des yeux : Des regards concentrés qui en disent plus que des mots – ils sont comme un exercice avant l’opération à venir que ces médecins sont sur le point de pratiquer

22

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23REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

ce n’était d’abord qu’une petite clinique qui fut mise en service

deux ans plus tard. Aujourd’hui nous avons 1 650 lits, et près de

18 000 personnes viennent chaque jour dans notre établissement »,

commente ce patron de plus de 3 000 employés, qui a en fait déjà

atteint l’âge de la retraite pour les médecins dans ce pays, mais qui

a prolongé son contrat, autant à sa demande qu’à celle de la ville et

de l’université. L’hôpital est passé à 45 services, de l’ophtalmologie

au centre de cancérologie, en passant par la chirurgie cardiaque,

la neurologie et la néphrologie, et ce pour deux raisons, explique

le Professeur Wei. « D’une part, notre ville a connu une explosion

démographique presque fulgurante, d’autre part, l’introduction

d’une assurance maladie en Chine a entraîné un afflux plus

important dans les établissements spécialisés. »

Le Professeur Wei ne vise pas seulement la croissance en

chiffres de son établissement. Il l’a amené à une position de

pointe grâce à ses équipements. Bien sûr, avant tout grâce aux

techniques de diagnostic (par exemple « l’un des systèmes de

laboratoire automatisés les plus modernes de toute l’Asie ») et

de thérapie. Il a aussi mis en place un programme de for-

mation ambitieux, qui comprend l’évaluation médicale

à l’aide de la réalité virtuelle. Ce qui frappe également, c’est

l’architecture intérieure pratique, dont le design et les couleurs

sont soigneusement assorties. « Oui », poursuit le Professeur Wei

en montrant les carreaux au sol, « j’ai d’abord étudié l’architecture

avant de me tourner pour des raisons de santé vers la médecine

et la cardiologie. » Un peu après, lors de la visite guidée de l’unité

pour VIP au 25ème étage, il montre une table de nuit développée par

lui et brevetée en Chine qui séduit particulièrement par sa forme et

sa fonctionnalité, comprenant un compartiment sur mesure pour

les bouteilles thermos d’eau chaude, incontournables dans ce pays.

« J’ai en outre fait ajouter un tiroir télescopique pour recueillir les

gouttes d’eau ». Ce n’est peut-être qu’un détail, mais c’est aussi un

exemple montrant avec quelle maestria il gère son établissement.

Plus de 4 000 dispositifs médicauxLe Pr Wei a compilé ses expériences et ses recommandations

dans un livre (« Detail-oriented Management of Hospitals »). Si

les plans quinquennaux en Chine définissent le cadre stratégique

et financier, le directeur de l’hôpital peut quant à lui se concentrer

au quotidien sur la gestion de ses collaborateurs. « Nous recrutons

la plupart d’entre eux dans le vivier de notre ville de 2,5 millions

d’habitants et ils continuent de se former ici », précise--il. Les

hommes et les relations entre eux sont un élément déterminant

pour la direction d’un hôpital. Parmi eux, des cardiologues.

Le Professeur Wei ouvre la porte d’un local dans lequel des

préparations d’organes humains sont alignées en rangs serrés

dans un compartiment spécial. Il montre la coupe transversale

d’un gros cœur calcifié. « L’homme auquel nous avons enlevé ce

cœur il y a des années, et implanté un autre, jouit jusqu’à ce jour

d’une excellente santé ! » Il doit aussi en être de même, au sens

figuré, pour les dispositifs médicaux. « Avec une équipe de dix

ingénieurs », explique-t-il, « je suis responsable du fonctionnement

sans interruption de plus de 4 000 appareils médicaux. » Ceux-

ci sont en effet de plus en plus performants, mais aussi plus

compliqués. Un service après-vente sans faille du fabricant joue de

ce fait un rôle important. Il n’est donc pas étonnant qu’il accueille

chaleureusement Ni Jianwei. Cet ingénieur était jusqu’à tout

récemment responsable de la maintenance des appareils Dräger

Une puissante sérénité : Le Professeur Dr Wei Tiemin a fait du Municipal Central Hospital de Lishui l’un des plus modernes de sa région. La compétence professionnelle du cardiologue, une bonne gestion et de bonnes relations inter-personnelles sont les secrets de sa réussite

Ordre et discipline font partie intégrante de l’aspiration chinoise à l’harmonie. Qu’il s’agisse des lits de l’unité de soins intensifs (ci-dessous) ou de la volute de la plante verte qui semble être le fruit du hasard, tout obéit à une harmonie naturelle (à gauche). L’homme en fait partie intégrante

ASIE HÔPITAUX

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DRÄGERHEFT 404 | 2 / 20182424 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

dans cet hôpital et il a de toute évidence accompli ce travail à la

grande satisfaction de tous. « Nous les Chinois, nous n’aimons pas

non plus attendre », déclare Ni. « Lorsqu’ils ont besoin de nous, ils

contactent un centre d’appels, qui à son tour informe le technicien

responsable de Dräger. » Il prend alors contact immédiatement

pour cerner le problème et, si nécessaire, le résoudre encore dans

la nuit ou le week-end. Car « les appareils restent généralement sur

le lieu de travail, autrement dit dans la salle d’opération ou dans

l’unité de soins intensifs. »

Les machines à laver ont dû être enlevéesL’unité de soins intensifs est dirigée par le Dr. Xin Tian. « Nous

avons ici 29 lits, et encore huit autres dans une autre unité »,

explique ce médecin de 45 ans. Son unité est également équipée

de dispositifs médicaux modernes, mais elle se différencie dès le

premier coup d’œil des autres réanimations. Elle est nettement

plus claire et plus ouverte. En outre, les proches qui rendent visite

aux malades, et les réconfortent, véhiculent l’image d’un service

tout à fait normal. « Ici la technologie aide à sauver des vies »,

explique le médecin en désignant les respirateurs Dräger, « mais

en Chine non plus la technique ne fait pas tout. » La médecine

traditionnelle chinoise (MTC) joue également un grand rôle.

« Elle nous permet d’obtenir de bons résultats, par exemple en

cas de troubles abdominaux », précise le Dr Xin qui constate ici

une tendance croissante à l’utilisation des médecines douces

en constant renouvellement. Mais cette demande n’est pas la

seule à augmenter. « Le nombre total de nos patients devrait

aussi continuer d’augmenter au cours des prochaines années »,

prévoit le Professeur Wei. Nous y sommes préparés. Sur le vaste

site de l’hôpital, deux grands bâtiments annexes sont en cours de

construction et s’élèvent au rythme habituel dans ce pays de « trois

étages par mois ». Après cette visite, on se demande ce qui est à

vrai dire typiquement chinois dans cet hôpital. Outre la cafétéria,

c’est avant tout l’esprit : une bienveillante attention générale ainsi

qu’une certaine sérénité en dépit de toute la charge de travail. Et

la buanderie dans laquelle les patients ou leurs proches peuvent

nettoyer leurs vêtements dans un grand bassin. « Au début, nous

l’avions équipée de machines à laver, mais pour des raisons de

tradition, elles n’étaient ni utilisées, ni acceptées », se souvient

le Pro Wei. L’engagement des médecins dans la prévention est de

longue tradition en Chine. La légende voulait que les médecins ne

soient payé que tant que leurs patients allaient bien. Aujourd’hui,

des pathologies liées au mode de vie, telles que l’obésité et le diabète

sont de plus en plus répandues. « Nous faisons de l’information sur

ces risques, notamment dans les écoles. Pour un système de santé

efficace, nous devons déceler les maladies suffisamment tôt. En

outre, je conseille le gouvernement sur les mesures adéquates à

prendre », ajoute le Pr Wei, qui au demeurant n’est pas membre

du Parti communiste, mais de la société Jiusan. Lorsqu’en fin de

journée, on quitte l’hôpital, la chaleur vous frappe comme une

serviette humide. Et de nouveau, l’on entend le chant bruyant

des cigales.

Toujours prêt ! Le Dr Xin Tian dirige l’unité de soins intensifs avec 29 lits équipée d’équipements biomédicaux modernes

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« Les clients chinois veulent avoir ce qu’il y a de mieux »

Le monde se reflète dans l’homme :Comment la médecine traditionnelle chinoisese modernise et devient partie intégrante dela pensée des médecins et des patients.www.draeger.com/19-25

ASIE HÔPITAUX

25REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

Dräger est représenté en Chine depuis 1994. Dietmar Roethlinger dirige la filiale de Shanghai depuis 2015 : « La Chine est actuellement pour Dräger le troisième plus important marché après l’Allemagne et les États-Unis. Nous le desservons à partir de Shanghai et Pékin, avec un total de sept sociétés. Selon le Medical Equipment Magazin (2018), nous sommes même leaders sur le marché dans les domaines de l’anesthésie et de la ventilation. Nous occupons aussi cette place dans l’industrie minière, plus particulièrement dans le secteur du sauvetage minier. La Chine compte parmi les économies du monde connaissant la plus forte croissance. Nous sommes loin d’avoir épuisé ce potentiel. Les clients chinois veulent toujours avoir le meilleur pour, à leur tour, proposer le meilleur à leurs clients. Dräger en profite non seulement avec ses produits, mais aussi avec son service. Deux tendances vont façonner l’avenir : d’une part, une croissance qui s’accélère encore du fait des tendances à la privatisation. D’autre part, l’exigence de ce que l’on appelle ici « local content », à savoir des produits qui sont développés et fabriqués pour le marché propre. Sur ce point aussi, nous sommes bien préparés avec un site de production à Shangai. Nous ne travaillons le segment haut de gamme des hôpitaux chinois qu’à 40 %. Et quant au segment moyen, il reste encore suffisamment de potentiel dans les établissements plus petits. »

Le nombre des patients devrait augmenter au cours des prochaines années

Une équipe soudée : La santé d’un patient est entre leurs mains. Ils s’apprêtent à entrer en salle d’opération

Un œil sur tout :Pendant l’intervention, cet anesthésiste contrôle l’état du patient grâce aux équipements biomédicaux

Enthousiasmé par la Chine et Dräger: Dietmar Roethlinger, CEO

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26 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

Loin, très loin de l’Écosse, jallissent les sept sources de la

Brasserie d’État badoise Rothaus. Car l’art du Single Malt Whisky

fleurit également ici, à 1 000 mètres d’altitude au cœur de la Forêt

Noire. Une idée farfelue ? Pour les experts, la transformation de

la bière est en tout cas proche de celle du whisky. Car le Single

Malt est produit à partir des mêmes ingrédients que la bière ou

presque. Les Écossais sont également presque aussi intransigeants

que le décret allemand sur la pureté de la bière (Reinheitsgebot).

La maische se compose d’eau de source pure et de malt d’orge, des

levures font fermenter le mélange et transforment le maltose en

alcool. Les distillateurs n’utilisent pas le houblon des brasseurs.

L Il n’est donc pas étonnant que le whisky allemand du pays de la

bière connaisse un essor. À elle seule, la Fédération allemande

des distillateurs de whisky (VDW, fondée en 2012), compte

actuellement comme membres quelque trois douzaines de

distilleries. Leurs sites vont de l’extrême sud (par exemple Slyrs

au Schliersee) à l’extrême nord (Hinricus Noyte’s à Wismar).

Depuis 2017, les entreprises membres du VDW participent chaque

été à la « Journée du whisky allemand ».

Double distillation dans des alambics de cuivreChez le producteur de bière Rothaus (entre autres :

« Tannenzäpfle »), l’invocation des bons esprits de la bouteille

De la bière au WHISKY SINGLE MALT – la brasserie d’État Rothaus a sauté le pas. Très prisées, les mises en bouteille spéciales, telles l’édition Highland Cask Finish.

Texte : Peter Thomas

Invocation des esprits

sur les hauts plateaux

du pays de Bade

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27REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

DENRÉES D’AGRÉMENT INDUSTRIE

a commencé début 2000. L’initiateur en a été le maître brasseur

de l’époque, Max Sachs. « La réalisation de cette vision n’a pas

été facile » se rappelle son successeur, Ralf Krieger. À l’époque, la

Brasserie de Bade ne disposait en effet plus du droit de distillation.

Remettre tout simplement en service les alambics qui se trouvent

actuellement au musée n’était donc pas une option. Et trouver

en Allemagne une distillerie pouvant et voulant réaliser la double

distillation dans les alambics de cuivre se révéla difficile. On la

trouva finalement à Karlsruhe. Car le Rothaus Black Forest Single Malt Whisky est distillé par la distillerie Kammer-Kirsch. Celle-ci

appartenait il y a un siècle au grand duché de Bade, tout comme la

brasserie qui est jusqu’à aujourd’hui la propriété du Land de Bade-

Wurtemberg. Rothaus a mis en bouteille et lancé sur le marché

son premier whisky en 2009. Depuis lors, le Single Malt élaboré

à partir de l’orge de brassage d’été malté du Bade-Wurtemberg et

des eaux douces de la Forêt-Noire a acquis une bonne réputation.

Les éditions limitées sont particulièrement appréciées, comme

l’édition Highland Cask Finish, qui doit son nom au haut-plateau

de la Forêt Noire, et non pas aux Highlands écossais, et qui mûrit

dans les caves voûtées de la brasserie. D’eau-de-vie presque insipide,

elle se transforme en whisky. Le processus de vieillissement est un

voyage dans le temps et les arômes. Le whisky passe chez Rothaus

tout d’abord deux ans dans des fûts à Bourbon américains. Pour

atteindre la perfection, l’édition Highland Cask Finish vieillit

ensuite dans d’autres fûts de chêne dits de « finition ».

Ralf Krieger plonge le siphon en verre dans l’un des fûts qui ont

été fabriqués par le tonnelier Christof Schlegel pour la brasserie

badoise. Le bois de chêne clair provient des forêts autour du lac tout

proche du Schluchsee. L’ingénieur, spécialisé dans les technique

de brasserie, prélève à l’aide d’une pipette un liquide de couleur

ambrée et le fait goutter dans un petit verre à pied en forme de

tulipe. Au nez : sucré, doux et chaleureux. En bouche : épicé, avec

des notes d’herbes et de caramel. Outre l’édition Highland Cask Finish, il existe d’autres mises en bouteilles spéciales. Le whisky

peut alors vieillir dans des fûts à vin rouge du domaine viticole

renommé Franz Keller.

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Les bonnes choses demandent du temps : le Whisky Single Malt de Rothaus mûrit dans les caves de la distillerie Kammer-Kirsch (à gauche). L’édition exclusive Highland Cask Finish est quant à elle stockée dans la vieille cave voûtée de la brasserie. Le maître brasseur Ralf Krieger (en haut) montre la différence entre la jeune eau-de-vie encore presque incolore et le whisky ambré

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28 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

La production de whisky est une activité qui repose sur la réciprocité.

Tout comme les spiritueux prennent les saveurs boisées des fûts en

réagissant avec la couche carbonisée de la face intérieure, le whisky

libère également de l’alcool dans l’environnement. Comme il est

impossible d’en contrôler le processus avec précision, les cuvées

spéciales qui sont mises en bouteilles directement depuis le fût ont

toujours une concentration en alcool légèrement différente. « La

part des anges » (« Angels’ Share »), ainsi nomme-t-on l’alcool qui

s’évapore dans la cave. Cela semble poétique, mais il n’en reste pas

moins que c’est une émission d’éthanol, pour laquelle une valeur

limite d’exposition professionnelle de 380 milligrammes par mètre

cube d’air (d’après les règles techniques relatives aux substances

dangereuses TRGS 900 du 7 juin 2018) est applicable. Thomas

Strecker, responsable de la sécurité du travail à la brasserie Rothaus,

se veut rassurant : « Les pompiers de l’usine ont mis en œuvre une

série de mesures depuis le début du stockage. La concentration

dans l’atmosphère a toujours été insignifiante ». Les pompiers de la

brasserie ont une histoire de plus de 100 ans. L’unité des pompiers de

l’usine a été fondée en 1904, après un incendie important déclenché

par la foudre. Il s’est alors avéré que le temps d’intervention des

pompiers en cas d’urgence pour arriver jusqu’à l’usine située

en plein milieu d’une forêt à 1 000 mètres d’altitude, était trop

important. Les risques ont changé depuis. L’orge par exemple

n’est plus maltée directement sur le site. Cela a fortement réduit la

formation de poussière, tout comme le risque d’explosion. On utilise

pour la même raison un moulin à malt humide, afin de concasser

le malt d’orge livré sans produire de poussière. Mais les pompiers

de l’usine (actuellement 24 hommes dont 13 équipés d’appareils

de protection respiratoire) restent toujours indispensables pour

la brasserie et ses 246 employés. Pour l’imposante technologie

de refroidissement utilisée pour la régulation de la température

des cuves de fermentation et de stockage, une grande quantité

d’ammoniac est stockée. Les pompiers de l’usine sont préparés

à toute éventuelle fuite de cette substance : des combinaisons

Hazmat bleues de Dräger sont accrochées à portée de main entre

les véhicules d’intervention. L’entretien des appareils de protection

respiratoire, également de Dräger, est effectué dans des ateliers

dédiés. Des exercices conjoints sont réalisés entre autres avec les

pompiers professionnels de Freiburg.

Un froid utile« Une technique du froid performante est décisive pour les

produits », explique Ralf Krieger. Car pour le brassage, Rothaus

mise sur des températures basses et un processus de longue

Les anges, partenaires silencieux dans les chais

Il y a environ 1 500 brasseries en Allemagne. Beaucoup d’entre elles font de bonnes affaires

dans leurs niches. Chez Rothaus également, l’on mise sur une technologie ultra moderne pour la production de bière et de whisky

Tradition de la bière et brasserie moderne : la brasserie badoise Rothaus, située à Grafenhausen dans la Haute Forêt Noire est détenue à 100 pour cent par le Land de Bade-Wurtemberg et elle est l’une des plus grandes brasseries du Sud-Ouest de l’Allemagne

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29REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

DENRÉES D’AGRÉMENT INDUSTRIE

durée. Pour les bières de fermentation basse, cela signifie une

fermentation sous pression atmosphérique, à 10 degrés Celsius

pendant plus d’une semaine, suivie d’un stockage de quatre à cinq

semaines au cours duquel la température doit être maintenue

entre 10 degrés Celsius et juste en dessous du point de congélation.

Lorsque l’on se retrouve dans la salle de brassage, on ressent

tout d’abord la chaleur qui règne malgré l’isolation importante

sous les coupoles de cuivre des cuves de maische, des cuves de

filtration et des cuves de brassage. La salle de brassage, mise

en service en 2005, a permis grâce sa technologie moderne,

de réduire d’un seul coup de vingt pour cent la consommation

d’énergie de la brasserie. Mais pourquoi a-t-elle besoin de cette

température élevée, qui est véhiculée vers les différentes cuves

via l’eau et la vapeur ? Lors de la trempe, les sucres et autres

substances sont extraits du malt égrugé avec de l’eau chaude. Lors

de la filtration, elle sert à séparer les matières solides du produit

intermédiaire liquide. Enfin, dans la cuve de brassage qui donne

son nom à la salle de brassage, la bière brute est chauffée par de la

vapeur jusqu’à ce qu’elle arrive presqu’à ébulition. Puis le houblon

aromatique de Tettnang est ajouté, ce qui contribue à donner à la

bière Rothaus son goût caractéristique. Après refroidissement, le

moût final est enfin mis en contact avec la levure. On utilise des

levures sélectionnées que la brasserie cultive en continu. Pour ce

faire, le brasseur prélève de chaque lot des levures actives pour

la production suivante. Deux souches propres sont utilisées. Une

levure de fermentation basse – pour les Pils, bières de mars et la

bière non-filtrée « Maidle » – est utilisée pour la plus grande partie

de la production. Rothaus utilise cette levure également pour le

whisky. Une levure de fermentation haute est utilisée pour la

production de Hefeweizen (bière blanche). Après la fermentation,

le produit fini est pompé vers les cuves de stockage. Il y mûrit

un bon mois avant d’être vendu. Rothaus dispose de 67 cuves de

stockage d’une capacité de 180 000 litres chacune. « Cela nous

permet de rester fidèle au long processus sans perdre en qualité

lors de périodes de forte demande », déclare le maître brasseur.

Le grand huit des bouteillesAprès le stockage, c’en est fini de la tranquillité pour les bières

Rothaus : les bouteilles sont alors acheminées automatiquement

du tri et du nettoyage à la mise en bouteille et au conditionnement.

L’entreprise d’État a investi environ 30 millions d’euros dans des

travaux récents, dont font partie les installations d’embouteillage

et de tri. Des centaines de millions de bouteilles de 0,33 et 0,5 litre

quittent la brasserie chaque année. La production de whisky avec

ses 10 000 bouteilles de 0,7 litre ne constitue en comparaison

qu’une infime fraction. L’esprit de la Forêt Noire ne se retrouve

cependant aussi concentré que dans le Rothaus Black Forest Single Malt Whisky. Sa version classique est diluée pour la vente

à 43 pour cent d’alcool – avec justement l’eau des sept sources

de Rothaus, avec laquelle la maische a été produite.

Les pompiers de l’usine sont bien équipés, déclare

Thomas Strecker, responsable de la sécurité du travail

Des centaines de millions de bouteilles sont remplies chaque année dans la brasserie. L’an passé, un chiffre d’affaires d’environ 74,8 millions d’euros a été réalisé par les 246 employés

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POMPIERS ÉTRANGER

30

CANADA

MEMEMEMEMEEEEEEMEMEMEEMEEMEEEXIXIXXIXIXIXIIIIIXXIIIIXX KKKKKKKOKOKOKOKOKOKKKKKKKKKKKKKKKKKKKKKKKKKKKOKKKKKKOOOKKKKKKKOKOOK

ÉTATS-UNIS

ALASKA/

Piteraq« En cas de

Un monde joliment bigarré :Dans le nouveau quartier de Tasiilaq (à gauche), des maisons hautes en couleur s’alignent le long du fjord, qui est gelé huit mois par an. C’est pourquoi les Groenlandais utilisent souvent des traineaux à chiens ou des motoneiges pour se rendre au village de chasseurs de Tiniteqilaaq

REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

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31REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

Tasiilaq

Qaqortoq

Nuuk

Ilulissat

GROENLAND

ISLANDETiniteqilaaq

personne ne met le nez dehors »

SSur le bâtiment rouge foncé est

accroché un panneau avec la devise

Arsaanneq Inerteqqutaavoqmit, suivi de

la traduction en danois : Boldspil Forbudt (« Interdiction de jouer à la balle ») !

Mais comme bien souvent avec de tels

panneaux d’interdiction, c’est justement

là que les jeunes de Tasiilaq aiment

particulièrement jouer. Lorsque la balle

frappe les grandes portes métalliques des

pompiers, cela produit un grand bruit de

ferraille. Et parce qu’ici, dans cette grande

et unique ville de l’Est du pays, avec ses

2 000 habitants, il y a peu d’endroits qui

s’y prêtent.

Hendrik Andreassen, le chef des

pompiers, est assis à son bureau à côté du

Dans le Groenland-Oriental, les services de pompiers fonctionnent bien. Mais lorsque la tempête souffle de l’inlandsis,

cela devient difficile.En 1970, elle a frappé la municipalité de 2 000 âmes de Tasiilaq avec une vitesse de vent de 324 km/h.

Texte et photos : Barbara Schaefer

garage. L’homme de 49 ans ne remarque

quasiment plus ce bruit. Il l’entend tous

les jours. Ce Groenlandais, cheveux noirs

hirsutes, uniforme bleu, est pompier

depuis 28 ans. Pourquoi ? Il farfouille

dans une pile de photos encadrées.

L’une d’elles représente une maison

réduite en cendres. « Cet homme avait

un cancer. Il a assassiné sa femme, mis

le feu à la maison et est mort carbonisé

avec son jeune fils ». Andreassen était à

l’époque accouru vers l’incendie, comme

la moitié de la ville. « Tous ont participé,

avec des seaux. J’ai pensé à l’époque, ça

devrait mieux marcher, de manière plus

organisée, plus professionnelle ». Un an

après, cet électricien de formation entre

chez les pompiers, une activité accessoire

et suit presque toutes les formations qui

s’offrent à lui. Lorsque son chef danois prit

sa retraite, il déclara : « Mon successeur

doit enfin être un Groenlandais et c’est

ainsi que je le suis devenu en 2001 ».

De l’eau dans le réservoirTassilaq et une poignée de villages épars

sont très éloignés les uns des autres. Il

n’existe pas de routes entre eux, les habi-

tants se déplacent avec des traineaux à

chiens ou des motoneiges. Des hélicop-

tères ravitaillent les villages. Depuis peu,

les Groenlandais ne sont plus les seuls à se

déplacer, des touristes viennent également

voir la nature sauvage immaculée. Les expé-

ditions voulant traverser l’inlandsis partent

généralement de la côte est. C’est normale-

ment à la police de gérer les accidents qui

se produisent inévitablement de temps en

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POMPIERS ÉTRANGER

32 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

Un lieu d’échange d’information : Le point de ralliement est la butte à proximité

de la caserne des pompiers. Les jeunes y jouent au football ou tournent en

rond avec leurs vélos tout-terrain. Les adultes s’échangent les nouvelles

Ours blancs, mercure et Mère Nature

temps en pleine nature, mais Andreassen

a voulu former son équipe également à

cela. Les formations de perfectionnement

lui tiennent à cœur. Il déballe son sac

de trekking, empile matériel d’escalade,

cordes, sac de couchage, réchaud de cam-

ping et sondes. Un spécialiste outdoor

groenlandais, formé en Alaska, a entraîné

les pompiers. « Il nous a entre autres appris

comment rechercher des personnes ense-

velies sous une avalanche ». Le sac à

dos contient également de la nourriture

pour le trekking. Des sachets avec des

rations lyophilisées, et même du Labskaus.

Andreassen n’apprécie pas beaucoup. « Mes

hommes préfèrent emporter des repas

faits maison. Du poisson séché avec du

Mattak, le lard de la peau de baleine. C’est

plus nourrissant. » Un jour un homme de

Tasiilaq a voulu se rendre à scooter dans le

village de Tiniteqilaaq, mais il n’y est pas

arrivé. Sa femme a alors alerté Andreas-

sen. Il s’est avéré plus tard que de l’eau

était rentrée dans le réservoir. L’homme a

continué à pied. « Il a traversé un fjord

gelé. En se retournant, il vit un ours blanc.

Il courut alors aussi vite que possible vers

une cabane sur le rivage. » Cet homme

n’avait eu aucune chance, mais l’animal a

fait demi-tour. Trois touristes se trouvaient

dans la cabane. Ils lui ont offert du thé et il

put se réchauffer. « C’est là que nous l’avons

retrouvé. » Anticiper et être prêt. Cela sonne

comme un mantra lorsqu’Andreassen

raconte ses interventions, comme lors de

cet accident chimique dans une école. Les

enseignants n’avaient pas remarqué que

les élèves s’amusaient avec des billes de

mercure. Andreassen et Bianco Kallia, le

deuxième pompier à plein temps, alertèrent

leurs camarades. Ils ne disposaient d’aucun

équipement pour cela, ils renvoyèrent donc

tout le monde à la maison et évacuèrent le

mercure avec une pelle et une balayette.

Après cela, j’ai immédiatement comman-

dé deux combinaisons Hazmat de Dräger

auprès des collègues de Nuuk, la capitale. »

Sur de la glace minceLa caserne des pompiers, un bâtiment plat

sur la colline, a été construit en 1961. Elle

fut la première sur la côte Est, une région

isolée, qui s’appelle Tunu, en groenlandais :

« le dos ou l’arrière ». « Ce n’est que dans

les années 1890 que les Danois sont venus

s’installer ici, ce qui fait de notre ville l’une

des plus jeunes d’Europe. » La côte est

inaccessible pendant huit mois de l’année,

car prise par les glaces. Comment alors

s’approvisionner en eau en cas d’incendie ?

« Ce n’est pas un problème », répond le

pompier en chef. « Les villages disposent de

gigantesques réservoirs ainsi que de pompes

à main, et l’on trouve dans les villes des

bornes incendie à des distances régulières.

Nous disposons au total de 600 mètres de

tuyaux. » Pour les faire sécher, il nous a

fallu imaginer une solution. Il n’existe à

Tasiilaq que des maisons basses, personne

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33REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

Prévoyant : lorsque Hendrik Andreassen, le chef des pompiers, se retrouva obligé, après un accident à l’école, d’éliminer du mercure à l’aide d’une pelle et d’une balayette, il commanda immédiatement ces combinaisons de protection chimique

Cordon ombilical : un hélicoptère relie Tasiilaq au reste du monde, amène des visiteurs, des natifs et des fruits frais, ou des commandes

en-ligne express. Par contre, ce qui peut attendre n’atteint la côte orientale du Groenland qu’en été

De manière analogique : Le réseau cellulaire est réputé non fiable. Voilà pourquoi les pompiers de Tasiilaq misent sur des avertisseurs d’incendie ; 500 d’entre eux sont installés dans la ville

Centre névralgique Tasiilaq se trouve au bord de la mer, où donc ailleurs ? L’intérieur des terres est recouvert d’un manteau de glace d’une épaisseur pouvant aller jusqu’à trois km. La plus grande localité de la côte Est compte plus de 2 000 habitants. Les premières tribus Inuits en provenance d’Alaska vinrent s’installer il y a 4 000 ans dans la région située juste au-dessous du cercle polaire. En raison des conditions climatiques qui se dégradaient, la contrée est longtemps restée inhabitée. Les hommes ne s’y établirent durablement qu’à partir du 14ème siècle. Ni les Vikings, ni plus tard les chasseurs de baleines européens n’accostèrent sur la côte Est. Ce n’est qu’incroyablement tard, en 1884, que le premier non-Groenlandais y mit les pieds. Le Danois Gustav Holm hiverna à proximité de la localité actuelle de Tasiilaq. Holm s’intéressait à la culture et aux coutumes, il fut suivi par des compagnies de marchands et des missionnaires. La vie commença à changer. Les maladies et l’alcool décimèrent les Inuits, mais une alimentation meilleure et en plus grande quantité a permis à la population de croître à nouveau.

ne construirait de tour en raison du climat.

Les tuyaux sont donc séchés à l’aide d’une

soufflerie dans une salle étroite, tout en

longueur. De là, on arrive dans le garage

avec les véhicules d’intervention. L’un des

véhicules est un robuste Unimog de 1972.

« Il n’a que 2 500 kilomètres au comp-

teur ; il n’y a que 16 kilomètres de routes

dans la ville. » Le Magirus-Deutz date en

revanche de 1989. Hendrik Andreassen

vient se mettre à côté et demande si nous ne

remarquons rien. Il nous donne immédia-

tement la réponse. « Il est trop grand pour

nous les Groenlandais. » Ils ont été obligés

d’aménager une échelle sur le côté pour que

les hommes et les deux femmes arrivent à

y monter. Il est lui-même grand pour un

Groenlandais, avec son 1,70 m. « Mais

même pour moi c’est déjà trop haut. »

Les tuyaux pèsent de plus 30 kg. « Nous

devons les sortir à hauteur d’épaule, ce

qui n’est pas sain à la longue. » Ils ont

besoin d’un nouveau véhicule qui soit

adapté au Groenland et à ses habitants. La

réglementation incendie du Danemark,

auquel l’île continue d’appartenir malgré

son statut d’autonomie, est insuffisante.

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POMPIERS ÉTRANGER

34 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

112 personnes sont prêtes à intervenir.

Quels sont les causes d’incendie les

plus fréquentes ? « En tout cas, pas de

vieilles installations électriques », déclare

Andreassen. Des fumoirs non plus, il n’y en

a pas ici. Les poissons sont tout simplement

pendus dehors pour sécher à l’air sec de

l’Arctique. Les causes d’incendie sont de

ce fait les mêmes que partout ailleurs : un

repas oublié sur le feu ou la combinaison

d’alcool et de cigarette. Le Groenland est

un pays de fumeurs. Hommes et femmes,

jeunes ou vieux, presque tous fument dans

la rue. Il n’y a encore jamais eu de grands

incendies ici. Les maisons sont éloignées

les unes des autres et leur murs en bois sont

chaulés avec un revêtement de sécurité,

qui les protège pendant environ une heure

en cas d’incendie. Les maisons mitoyennes

modernes se composent de cellules

individuelles. Seule une cellule brûle en

cas d’incendie, et non l’ensemble. Les

détecteurs de fumée sont obligatoires dans

les bâtiments publics, dans les deux hôtels,

la pizzeria, le bar et les supermarchés.

L’héliport, le cordon ombilical de la région

pendant une grande partie de l’année,

dispose d’une petite unité de protection

contre les incendies. Répartis dans

toute la ville, des avertisseurs d’incendie

visuels sont présents sur les murs et les

lampadaires. Il y en a 500 au total. Nous

n’avons pas de numéro de téléphone

d’urgence, car le réseau de téléphonie

mobile n’est pas fiable, il passe par satellite

via Nuuk. Les bons vieux avertisseurs

d’incendie fonctionnent beaucoup mieux. »

En cas d’incendie, « nous intervenons en

15 minutes partout dans la ville, sauf en

cas de Piteraq ». Le Piteraq (« Celui qui

t’attaque ») est un vent catabatique venant

de l’inlandsis, qui descend vers le sud le

long de la côte Est. Il souffle jusqu’à 290

km/h, mais il peut dépasser les 300 km/h.

« Personne alors ne met le nez dehors. »

Un jour, le magasin de musique a pris feu,

personne n’est sorti. Andreassen a quatre

enfants, son fils aîné travaille dans la police.

Des entraînements plus intensifs ont

été effectués après le «11 Septembre»,

tout comme au Danemark. « Mais nos

problèmes n’ont rien à voir avec les gratte-

ciel et les avions de ligne. Nous devons savoir

par exemple comment sauver quelqu’un qui

est tombé à travers la glace. » C’est pourquoi

des combinaisons de protection contre le

froid, un traîneau de sauvetage flottant

ainsi que deux motoneiges font partie de

l’équipement. Une corde grosse comme

un bras est en outre suspendue au mur.

Un élément de l’équipement ? Andreassen

rit : « Non, des équipages de navires nous

rendent parfois visite en été, et nous nous

affrontons au tir à la corde ! »

112 personnes prêtes à intervenirÀ Tasiilaq et dans les sept villages

environnants, de Tiniteqilaaq en passant

par Kuummiit et enfin Sermiligaaq,

Uniquement pour l’entraînement : lors de légères chutes de neige, le véhicule de service remorque le véhicule d’intervention hors du garage. Les enfants vont devoir aller jouer au football ailleurs

Des orages ? Ici, les causes d’incendie sont différentes !

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Attelés : le chasseur Salo conduit souvent des vacanciers à Tiniteqilaaq, à l’autre bout de la baie. Au retour, il ramène

souvent sur son traineau de la viande fraîche de phoque, à la fois de la nourriture pour les chiens et du ravitaillement

Direction le nord, puis toujours tout droit. À Tasiilaq, devant le bureau de

tourisme qui fait en même temps glacier, ces panneaux indiquent la direction

Chez les pompiers, il n’y a aucun problème

de relève. « J’ai fort heureusement une

longue liste d’attente ! » Il s’en occupe à

sa manière engagée. « Rares sont ceux que

je forme ici qui partent, ni vers Nuuk, ni

vers le Danemark. » Ceux qui sont doués,

il les exhorte à continuer à apprendre.

« Nous avons absolument besoin de plus

de formation. » C’est ainsi que Andreassen

a déjà aidé dix jeunes gens à suivre une

formation. « J’en suis très fier. »

On a rapporté récemment un grand

incendie de tourbière sur la côte Ouest.

Cela est-il déjà arrivé ici ? Andreassen se

rappelle une intervention dans les années

1990 à Kuummiit. « Nous y sommes allés en

hélicoptère. » Un feu de camp n’avait pas été

éteint correctement. « Il a brûlé sous terre

à cinquante centimètres de profondeur. » Il

n’a pas été possible de déterminer si c’était

la faute de touristes ou d’autochtones.

L’incendie aurait-il pu être déclenché par

un orage ? Andreassen ne peut s’empê-

cher de rire de bon cœur. Il peut exclure

cette possibilité avec certitude : « Il fait tout

simplement bien trop sec. De toute ma vie,

je n’ai encore jamais vu un seul orage. »

Des mots innombrables pour désigner la neigeTout le monde le sait, le vocabulaire des esquimaux comporte plus de 100 mots pour la neige. Mais c’est comme pour tout ce qu’on croit savoir, parfois ce n’est pas vrai. L’écrivaine Kathrin Passig l’a expliqué dans un récit pour lequel elle a reçu le prix Ingeborg-Bachmann en 2006 : « Les esquimaux ont un nombre incalculable de mots pour désigner la neige, une affirmation que des gens sans imagination aiment bien glisser dans la conversation. Cela a sans doute pour but de mettre en lumière la perception limitée que les citadins ont de la nature. » Passig déclare n’avoir aucune patience avec les gens qui répètent ces affirmations banales. « Les langues esquimaudes sont polysynthétiques, ce qui signifie que même des tournures rarement utilisées, comme « neige qui tombe sur un t-shirt rouge » peuvent se formuler en un seul mot. » Le groenlandais, qui dans la langue locale se dit « Kalaallisut », est une langue inuite et n’est pas apparentée à d’autres familles linguistiques. Celui qui apprend l’Inuktitut, la langue inuite du Canada, comprendra la langue parlée à Nuuk, la capitale du Groenland, à peu près aussi bien qu’un Portugais se trouvant en Roumanie. Dans le Groenland oriental, par contre, la langue parlée est un dialecte entièrement différent. Quelques mots importants : peut-être – uppa, oui – Iiiji, non – eeqqi (avec un « q » très guttural).

PH

OTO

: I

STO

CK

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Nouveau bateau,marin expérimenté :

Le Dr Christian Ellendorff (à droite) exerce comme

médecin de bord sur le Mein Schiff 1 de TUI Cruises

pendant quelques semaines par an. À terre, il exerce comme médecin interne

36

Consultation

REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

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Il n’a guère dormi la nuit passée : en mer, entre les îles

danoises de Bornholm et Møn, un passager gravement malade a

dû être hélitreuillé et ramené à terre. Et de bon matin, à Kiel, trois

ambulances attendaient déjà les croisiéristes que le médecin de

bord, le Dr Christian Ellendorff, a fait transférer dans un hôpital, à

la fin d’une croisière de 10 jours en mer Baltique, pour y poursuivre

un traitement. « Un cas tout à fait exceptionnel, précise le médecin

de 69 ans qui, peu après midi, prend place dans sa salle d’attente.

« Je vais former les nouveaux membres d’équipage sur la manière

d’éviter les contaminations avec des pansements pleins de sang ou

des seringues d’insuline usagées que certains passagers laissent

traîner dans leurs cabines. » Et le voilà parti. Pour la formation,

Ellendorff a recours à ses connaissances en anglais et en espagnol,

car l’équipage du Mein Schiff 1 vient de différents pays, pour la

plupart des Philippines. Une demi-heure plus tard, il est de retour.

Cabine avec vue« En moyenne 30 à 40 patients viennent chaque jour à la consultation

dans l’hôpital de bord. » Six heures par jour, 365 jours par an, la

lourde porte coupe-feu sur le deuxième pont est ouverte : de 8 à

11 heures, puis à nouveau de 17 à 20 heures. La première heure

est réservée à l’équipage, les autres heures aux passagers. Il faut

le temps qu’il faut. Car finalement ce sont jusqu’à 4 000 personnes

(env. 2 900 passagers et 1 100 membres d’équipage qui peuplent

ce nouveau fleuron de TUI Cruises lors de ses croisières en Mer

Baltique et dans les îles Canaries. « Il y a toujours deux médecins

à bord », explique le Dr Ellendorff. Nous alternons chaque jour et

assurons chacun notre tour le service d’urgence. » Il faut aimer cela.

Quasiment pas de jour de repos, une cabine plutôt petite sur un pont

plus bas, là où vit l’équipage, mais avec malgré tout un hublot avec

vue sur l’extérieur. Un métier de rêve sur un bateau de rêve ? Ce

n’est pas tout à fait la bonne question, car médecin de bord n’est pas

un métier, mais une fonction. À terre, Ellendorff est établi comme

médecin à Hambourg, mais au moins une fois par an, il faut qu’il

s’évade. Depuis 2010, il assure régulièrement les soins médicaux

I

37REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

Il n’y a plus de nouveaux continents à découvrir, et pourtant les passagers des bateaux de croisière sont plus nombreux que jamais à voyager. Des MÉDECINS DE BORD s’occupent de leur bien-être médical, comme par exemple sur le Mein Schiff 1 de TUI Cruises.

Texte : Olaf Krohn Photos : Patrick Ohligschläger

sur le deuxième pont

CROISIÈRES FORUM

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Ventilation d’urgence :Un Dräger Oxylog 3000 plus

est disponible à bord pour les soins aux passagers en

état critique, ainsi que pour les transferts, par exemple en hélicoptère

Service des urgences : En cas d’accident à bord, la Stretcher Team, dotée de l’équipement indispensable, est responsable du transport rapide à l’hôpital de bord

sur les navires de TUI Cruises en tant que médecin indépendant

pendant plusieurs semaines. Déjà lorsqu’il était étudiant, Ellendorff

se passionnait pour les grands vaisseaux sur l’Elbe et se demandait

si ce ne serait quelque chose pour lui. Il a fini par répondre « oui »

à cette question à l’âge de 60 ans. Ellendorff, qui pourrait fort bien

prendre sa retraite, aime le changement et la diversité culturelle à

bord. En outre, avec ce changement de cap professionnel, il occupe

le rang d’officier, qui selon la hiérarchie de bord vient toute de suite

après le capitaine et son adjoint. Sur le plan médical, nul autre n’a

son mot à dire dans son hôpital de bord.

Cabinet de médecine générale et service d’urgencesPour être médecin de bord, il faut avoir une forma-

tion de médecin généraliste, d’interniste ou de chirur-

gien et de surcroît avoir une qualification de médecin

urgentiste – le profil exigé sur un bateau de croisière se

situe entre ces pôles. L’hôpital de bord fait d’une part

office de cabinet de médecin généraliste, qui chaque

année soigne les bobos quotidiens et les blessures

de plusieurs milliers de personnes. D’autre part, les

médecins et le personnel soignant doivent pouvoir

réagir 24 h sur 24 en cas d’infarctus du myocarde,

d’AVC, mais aussi d’accidents de travail de l’équipage.

Ceux qui réservent une croisière chez TUI Cruises le

font notamment parce qu’ils ont l’assurance qu’en cas

de nécessité, que ce soit en haute mer ou dans le port

de Montego Bay, ils bénéficieront de soins médicaux

selon les normes allemandes et en allemand. « Selon les

directives internationales, nous serions seulement tenus

d’avoir un seul médecin à bord, mais nous en avons

deux, précise Angelina Koehler. La responsable du département

médical de TUI Cruises a développé l’hôpital de bord depuis sa

création il y a dix ans. Elle avait auparavant géré des hôpitaux à

terre. « Les champs d’action sont tout autres qu’à terre, et nous

devons en outre respecter en mer de nombreuses règlementations

internationales. » Même si des gens de plus en plus jeunes prennent

la mer, les passagers de croisières sont traditionnellement plutôt

d’un certain âge parce que ce type de voyage permet aux personnes

âgées qui ne sont plus aussi à l’aise pour marcher, de voyager dans

des endroits exotiques. Cette clientèle qui vient avec des pathologies

chroniques existantes est particulièrement attentive au niveau des

soins médicaux à bord.

Le médecin de bord a aussi la clé de la pharmacie de bord bien

approvisionnée. « C’est un autre aspect de mon activité, car en

mer, j’ai non seulement l’autorisation d’exercer comme médecin,

mais aussi comme pharmacien », explique Ellendorff. « Cela ne

serait pas possible à terre. » On sent d’emblée combien ce médecin

expérimenté aime ce travail aux processus complexes. Il doit décider

rapidement si par exemple un patient victime d’un infarctus

À bord uniquement, le médecin est autorisé àêtre aussi pharmacien

FORUM CROISIÈRES

38 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

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Sur ordonnance : La pharmacie de l’hôpital de bord est bien approvisionnée. Dans la mesure où l’espace est limité et où le prochain port est souvent très éloigné, le médecin de bord et son équipe doivent être prévoyants lors des commandes de réassortiments

L’appel de la mer : Julia Bauer, l’infirmière de bord, a troqué son travail dans un hôpital de Cologne contre l’hôpital de bord sur le Mein Schiff 1

Les 315,7 mètres de long du Mein Schiff 1 en ont fait, à l’été 2018, le bateau de croisière le plus long sur le marché allemand. Il a été construit en Finlande et navigue sous pavillon maltais.

1 100 personnes de plus de 40 nations travaillent à bord, les plus représentés : les Philippins, les Indonésiens et les Allemands.

Chaque jour, 30 à 40 passagers et membres d’équipage ont recours aux six heures de consultation qui sont proposées 365 jours par an à l’hôpital de bord.

2 200 000 citoyens d’Allemagne fédérale ont effectué une croisière en haute mer en 2017, ils étaient 283 000 en 1997.

peut être traité avec les moyens disponibles à bord, si l’admission

dans un hôpital peut attendre jusqu’au prochain port ou s’il faut

appeler immédiatement en mer un hélicoptère de sauvetage. En

cas d’urgence, il se concerte avec le capitaine pour décider s’il est

nécessaire de changer le cap ou la vitesse du bateau pour prendre

en charge le patient le mieux possible. Un transfert à terre s’impose

parfois parce qu’un hôpital de bord n’est généralement pas adapté

à des séjours de plusieurs jours. La petite unité de soins intensifs

est notamment équipée d’un ventilateur d’urgence de type Dräger

Oxylog 3000 plus et peut accueillir jusqu’à deux patients, la chambre

de patients disposant généralement de trois lits. « Notre objectif est

cependant que les clients malades puissent continuer leurs vacances

à bord », précise Angelina Koehler, responsable médicale de TUI

Cruises. Finalement, pour certaines fractures osseuses, une cabine

avec balcon fait très bien l’affaire comme chambre de malade.

L’équipe a reçu récemment du renfort. « Nous avons mis en place

une coopération avec l’hôpital universitaire d’Eppendorf », ajoute

Angelina Koehler. Les radiographies qui sont effectuées à bord du

Mein Schiff sont envoyées par Internet au service de radiologie

de l’hôpital. « Nos médecins de bord reçoivent un deuxième avis

dans les 30 minutes qui suivent. Nous augmentons ainsi la qualité

diagnostique ». C’est pourquoi TUI Cruises veut étendre à l’avenir

la télémédecine à d’autres domaines.

De nombreuses personnes travaillant dans un espace très réduitLe Doc, comme tout le monde l’appelle, s’éclipse déjà à nouveau. Il

y a beaucoup de choses à organiser avant que le bateau ne quitte de

nouveau le port de Kiel. Deux heures avant d’appareiller, Julia Bauer

prend en charge la réception à l’hôpital de bord. Depuis sa formation,

cette infirmière a travaillé dans un grand établissement de Cologne et

navigue désormais dans d’autres eaux, professionnellement parlant.

« Sur un bateau de croisière, beaucoup de personnes travaillent

dans un espace très restreint. Le monde entier y est représenté »,

dit la jeune femme de 28 ans. À la différence du médecin de bord

Ellendorff, elle a un contrat à durée déterminée de quatre mois. À

bord, elle peut du moins assouvir un peu sa soif de voyages. « Ici, on

apprend avant tout à improviser. » Au début, elle s’est souvent perdue

sur l’énorme bateau. Maintenant, Julia Bauer sait toujours où aller,

aussi en cas d’urgence : « Lorsque le Starcode est déclenché, nous

nous mettons tout de suite en route avec le First Response Bag. » Et

lorsqu’ils ont besoin de renfort, la Stretcher Team n’est pas loin. Ces

membres de l’équipage spécialement entraînés transportent les

blessés ou les malades le plus rapidement possible à l’hôpital de bord.

« Parfois », poursuit Julia Bauer, « j’oublie même quel jour de

la semaine nous sommes. » Il est vrai qu’avec les horaires de travail

décalés de l’équipe, le repère temporel hebdomadaire du week-end

n’existe plus pour elle. Dans l’hôpital de bord, il arrive aussi que

Christian Ellendorff et son équipe oublient s’il fait jour ou s’il fait

nuit. Mais le Doc connaît la solution : « J’allume alors l’un de nos

moniteurs qui montrent des images des caméras de proue et de

poupe. »

Quelques chiffres

39REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

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4040 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

Les hommes reçoivent l’essentiel de leurs impressions sensorielles via les yeux, la cornée joue le même rôle qu’un pare-brise. Si elle se trouble ou devient trop protubérante, bien souvent seule une TRANSPLANTATION peut permettre d’empêcher la cécité. Au lieu de transplanter intégralement la cornée, l’on se contente aujourd’hui souvent de transplanter des couches individuelles.

Texte : Dr. Hildegard Kaulen Photos : Patrick Ohligschläger

Des couches

Une merveille de la nature : transparent, résistant et stable. La cornée ne contient aucun vaisseau

sanguin – elle est alimentée par l’intermédiaire du liquide lacrymal

et de l’humeur aqueuse

SANTÉ CHIRURGIE OPHTALMIQUE

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4141REVUE DRÄGER 19 | 1/ 2019

Tout est prêt. L’œil malade de

Bernhard P. a été marqué au-dessus du

sourcil – de son visage, seuls ses yeux et son

nez sont encore visibles. Le Dr Gericke,

va implanter aujourd’hui un nouveau

cristallin à cet homme de 49 ans et

remplacer sa cornée malade par celle d’un

donneur. Le Dr Gericke est chef du service

d’ophtalmologie de l’hôpital universitaire

de Mayence, et il dirige l’unité des maladies

de la cornée. Chez Bernard P., les cellules

de la couche interne de la cornée meurent

progressivement. Le médecin opérera

l’autre œil dans quelques semaines, ce qui

est la routine à Mayence, un des plus grands

centres de transplantation de la cornée de

la République fédérale allemande. 245 dons

d’organe y ont été transplantés l’an dernier,

souvent par le Dr Gericke.

Il voulait en fait être cardiologue. Avec

sa dextérité et son sens de l’orientation

tridimensionnel, il lui aurait été facile de

guider avec sûreté un cathéter cardiaque

à travers le système vasculaire. Mais il

en advint autrement. Les tissus que le

Dr Gericke tient désormais entre les mains

ne comportent pas le moindre vaisseau

sanguin, car la cornée est alimentée par

l’intermédiaire du liquide lacrymal et

de l’humeur aqueuse. Son habileté et

son sens de l’orientation sont cependant

tout aussi utiles en ophtalmologie. Car la

transplantation d’une cornée demande

beaucoup de doigté, surtout lorsque l’organe

prélevé n’est pas utilisé en intégralité, mais

uniquement les deux couches les plus

internes de la cornée sur les cinq existantes.

Dans le cas de Bernard P. également, seule

la couche endothéliale malade la plus

interne et la membrane de Descemet

qui la recouvre seront remplacées.

Cette structure complexe composée de

l’endothélium et de la membrane a une

épaisseur d’env. 10 à 20 micromètres, soit à

peu près un tiers du diamètre d’un cheveu

de femme. « Cette couche est souvent la

seule responsable d’une opacification

de la cornée, c’est pourquoi nous ne

remplaçons que l’endothélium avec la

membrane de Descemet et nous laissons

le reste de la cornée intacte », explique

T

ultraminces

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42 REVUE DRÄGER 19 | 1/ 2019

SANTÉ CHIRURGIE OPHTALMIQUE

le Dr Gericke. La méthode s’appelle

DMEK. C’est l’abréviation de Descemet Membrane Endothelial Keratoplasty

(kératoplastie endothéliale de la membrane

de Descemet). « L’intervention est moins

invasive que le remplacement complet de

la cornée, car seules de petites incisions à

la périphérie de la cornée sont nécessaires,

via lesquelles les couches de cornée sont

remplacées dans le système fermé. Cela

présente moins de risques de complication,

car l’œil ne perd jamais sa pression interne

durant l’opération. L’intervention est en

outre plus courte et peut être réalisée sous

anesthésie locale. L’état de la cornée et

l’acuité visuelle s’améliorent aussi plus

rapidement qu’après un remplacement

complet de la cornée. »

Innovation tardive La transplantation de couches individuelles

de la cornée a été pour l’essentiel mise au

point entre 1998 et 2006 par le médecin

néerlandais Gerrit Melles et a connu un

succès fulgurant au cours des années

suivantes. Cela fut rendu possible par

le fait que les couches n’adhèrent que

faiblement entre elles et qu’elles peuvent

être séparées les unes des autres sans

provoquer de dommage. « Jusqu’à il y a

quelques années, nous avons opéré comme

l’ophtalmologue viennois Eduard Zirm au

début du 20ème siècle. Zirm a pratiqué

la première opération de transplantation

invasive en 1905 », raconte le Dr Gericke.

« Il aura fallu attendre presque un siècle

pour que cette intervention connaisse un

progrès décisif grâce à la transplantation

de couches individuelles de cornée. »

La vue est notre sens le plus important,

et c’est également celui que l’homme

s’approprie en dernier. L’ouïe, le toucher,

le goût et l’odorat sont déjà maîtrisés dans

l’utérus. Mais la vue ne s’apprend qu’après

la naissance. Ce sens ne fonctionne pas

sans la cornée. Elle fait l’interface entre

l’œil et le milieu extérieur, elle le protège

des infections et des blessures et participe

grâce à sa courbure, à une grande partie

de la réfraction nécessaire de la lumière.

Les propriétés de sa matière sont inégalées.

La cornée est transparente tout en

étant résistante et stable. Les éraflures

superficielles sont réparées en l’espace de

quelques jours grâce à la régénération de la

couche épithéliale supérieure. La couche

inférieure ne dispose cependant pas de

cette capacité de réparation. Lorsque les

cellules endothéliales dégénèrent, elle

sont perdues à tout jamais, comme c’est

le cas pour Bernhard P. La couche interne

déshydrate la couche intermédiaire (le

stroma cornéen) ; sans un endothélium

intact, un œdème se forme au niveau

de la couche intermédiaire et la cornée

s’opacifie. Bien que l’on travaille à des

Le personnel de la banque de cornées de Mayence contrôle la qualité des dons. Ils ne sont mis à disposition qu’après dix jours au plus tôt, une fois que tous les examens ont été effectués

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43REVUE DRÄGER 19 | 1/ 2019

« Les propriétés matérielles de la cornée sont

uniques »Le Dr Gericke, Chef du service d’ophtalmologie du

centre universitaire hospitalier de Mayence

Travail de précision : Lors d’une transplantation de cornée, on ne remplace souvent que la couche endo-théliale malade la plus interne avec la membrane de Descemet qui la recouvre. Cette structure complexe d’endothé-lium et de membrane ne fait même pas l’épaisseur d’un cheveu féminin

cornées artificielles depuis de longues

années et que nombre de produits en soient

à différents stades de développement, il

n’existe pas encore de substitut largement

reconnu qui rendrait les dons d’organes

superflus. Le Dr Gericke travaille

également à un produit en collaboration

avec le Dr Werner E.G. Müller, chercheur

en matériaux de l’Institut de chimie

physiologique de l’université de Mayence.

« La forme d’une cornée artificielle est

tout simplement une vitre bombée vers

l’extérieur », explique le Dr Gericke. « Le

problème, ce sont les propriétés. Nous

avons par exemple un problème avec la

résistance à la rupture. Un transplant

intégral doit être cousu. Si l’on renforce

le matériau avec des fils supplémentaires,

il devient moins transparent. C’est un

dilemme », poursuit l’ophtalmologue. « Il

est également important que le matériau

soit stable et ne se dissolve pas ou ne s’altère

pas à la longue. La cornée artificielle doit

assurer une étanchéité fiable de l’œil et

être conçue de façon à ce que la couche

épithéliale externe, qui se renouvelle

continuellement, puisse se développer

sur le matériau. Nous n’en sommes tout

simplement pas encore là ! »

Comme un minuscule rouleau de tapisserieQuand une transplantation de cornée

devient-elle nécessaire ? Ce sont souvent

des accidents, des inf lammations

chroniques, des maladies congénitales ou

une protubérance avec amincissement de

la cornée qui motivent une intervention.

Le Dr Gericke opère Bernhard P. sous

anesthésie générale. Il commence par

le remplacement du cristallin situé

derrière la cornée. Il fait pour cela

une petite incision en périphérie de la

cornée, ouvre la capsule du cristallin,

il fragmente son contenu et l’aspire. Il

glisse ensuite par cette petite incision un

cristallin artificiel dans la capsule vide.

Ce n’est qu’ensuite qu’il commence la

transplantation de l’endothélium et de la

membrane de Descemet qu’il a retirés de

la cornée du donneur avant l’opération. Le

Dr Gericke a également fait des marques

microscopiques lui permettant lors de

l’opération de différencier la face avant de

la face arrière. Les couches de cornée, qui

ressemblent à de minuscules rouleaux de

tapisserie, reposent maintenant dans un

liquide stérile sur la table des instruments.

Le chirurgien retire les couches malades de

cornée du receveur avant de dérouler les

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44 REVUE DRÄGER 19 | 1/ 2019

banque de cornées rattachée au service

d’ophtalmologie et dirigée depuis six ans par

le Dr Melissa Apel. Tout comme pour les

organes, la transplantation de cornées est

soumise à la loi sur la transplantation.

Selon cette loi, le prélèvement de cornée

n’est autorisé que si le donneur a lui-même

donné son consentement de son vivant,

ou si ses proches décident que sa

volonté présumée aurait été de le faire.

Contrairement à un organe vascularisé,

les cornées non-vascularisées peuvent

encore être prélevées jusqu’à 72 heures

après le décès. La réalité de la mort du

défunt est alors pleinement acceptée par

les proches. La seule mort cérébrale rend

difficile pour de nombreux proches la

décision d’un don d’organes, car ils voient

que, bien que le cerveau soit déjà mort, le

corps, lui, reste vivant grâce à la médecine

de soins intensifs. Ce problème ne se pose

pas dans le cas des cornées. C’est pourquoi

Le prélèvement est possible jusqu’à 72 heures après le décès

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nouvelles sur la face interne de la cornée

via les fines incisions. Une bulle d’air va

plaquer pendant quelques jours les couches

transplantées contre le reste de la cornée,

jusqu’à ce qu’elles adhèrent d’elles-mêmes.

Elles ne sont pas suturées. Un mélange

gazeux assure que la bulle ne se résorbe

pas trop rapidement.

Puis le Dr Gericke va transplanter une

cornée complète à une autre patiente,

Christina N. Cette femme de 69 ans souffre

d’une opacification de toutes les couches de

la cornée. Cette opération sera également

réalisée sous anesthésie générale. Lors

d’une transplantation complète, la partie

centrale de la cornée est transplantée avec

toutes ses couches. Le médecin découpe

pour cela au microscope une section

circulaire de la cornée du donneur et

répète l’opération sur la cornée malade.

Le fragment du donneur est ensuite placé

et suturé dans l’œil. Le Dr Gericke utilise

des fils qui sont également plus minces

qu’un cheveu de femme. Pour s’assurer

que le greffon a pris correctement, les fils

ne sont retirés au plus tôt qu’un an après.

De bons résultats à long terme Qu’en est-il des risques de rejet ? Du fait que

la cornée n’est pas vascularisée et n’entre

pas en contact avec beaucoup de cellules

immunitaires, ce risque est plutôt faible.

La plupart des patients doivent mettre

pendant un an dans les yeux des gouttes

contenant un agent immunosuppresseur.

Seuls les patients à risque peuvent

connaître une baisse générale des

défenses, mais dans la plupart des cas, qui

ne durera pas sur le long terme comme

après la greffe d’un organe vascularisé

(transplantation d’organes). « Nous ne

tenons en général pas compte non plus de

la compatibilité tissulaire, contrairement

à une transplantation d’organe », explique

le Dr Gericke. « Cela n’est que très

exceptionnellement nécessaire pour la

transplantation de cornées ».

L’ophtalmologue et son équipe

reçoivent les cornées des donneurs via la

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45REVUE DRÄGER 19 | 1/ 2019

CHIRURGIE OPHTALMIQUE SANTÉ

Dextérité indispensable :Avant que les couches les plus internes de la cornée ne puissent être transplantées, elles doivent être séparées du reste de la cornée. Les médecins sortent pour cela le tissu du conteneur de transport et le déposent face intérieure vers le haut dans un dispositif spécial, puis procèdent à un marquage pour l’orientation ultérieure et enfin séparent les couches

Comment une banque de cornée fonctionne-t-elle ?Comment trouve-t-on des donneurs, comment prélève-t-on les cornées, comment est contrôlée la qualité ?www.draeger.com/19-45

la situation du don est moins dramatique

dans ce cas. La cornée n’est pas un organe,

mais un tissu. Il s’agit donc d’un don de tis-

su, et non pas d’un don d’organe.

Par nature, toutes les cornées reçues

n’ont pas la qualité nécessaire. Le tissu

ne doit pas comporter de cicatrices, et

la couche endothéliale doit avoir au

minimum 2 000 cellules au millimètre

carré pour pouvoir être transplantée. Le

nombre de cellules est sinon insuffisant

pour obtenir une bonne acuité visuelle. Sur

les 715 cornées que la banque de cornées de

Rhénanie-Palatinat a reçu l’an dernier, 397

étaient transplantables. Les opérations ont

été réalisées soit à Mayence, soit dans l’un

des établissements hospitaliers partenaires

à travers l’Allemagne. Les besoins sont

cependant plus importants. Reste à voir si

les cornées artificielles seront une solution

dans un avenir proche.

La vision est un processus complexe : l’œil produit en principe une image dont l’intensité lumineuse est convertie en impulsions électriques (comme dans les appareils photos numériques), qui sont ensuite transformées en impressions sensorielles par le cerveau. Même si le cerveau est capable de corriger de nombreuses insuffisances de l’œil grâce à l’expérience, seul un œil sain permet une perception optimale. Et cela fonctionne ainsi : la lumière colorée filtrée par l’environnement et en grande partie réfléchie traverse la cornée protectrice (1) et la chambre antérieure de l’œil (2) (avec ses nutriments et ses anticorps) pour arriver sur le cristallin (3). La lumière passe d’abord au travers de l’iris (4). Celui-ci régule la quantité de lumière afin que l’œil ne soit pas ébloui. Le cristallin se déforme sous l’action du muscle ciliaire et des fibres zonulaires (5) de façon à ce qu’il projette une image nette sur la rétine (6) finement innervée. Les nerfs se rejoignent au niveau de la tache aveugle (7). Le nerf optique (8) transmet les informations de l’image, traduites en impulsions électriques par les bâtonnets et les cônes de la rétine, au cerveau (cortex visuel) qui effectue leur traitement. Le plus gros du volume du globe oculaire est occupé par le corps vitré (9), avec son rôle de maintien. La choroïde (10) alimente l’œil, entre autres en sang, et la sclérotique (11) le protège. La plage dynamique de l’œil est d’environ 20 IL (indice de lumination) Les meilleurs appareils photo n’arrivent qu’à douze. Dix à quinze clignements de paupière, d’une durée approximative de 350 millisecondes chacun, humidifient régulièrement la cornée avec du liquide lacrymal afin qu’elle ne se dessèche pas.

Imaginez-vous …

1

2

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4

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AGRICULTURE ÉLEVAGE

Respirer dans

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47REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

L

l’étable des veaux

Pour un air meilleur dans l’étable : Le Pr Samuel Kohler, responsable du

projet de recherche suisse, vérifie l’un des détecteurs de gaz portatif doté d’un

capteur d’ammoniac

L’air de la campagne est bon pour la

santé, dit-on, mais l’air de l’étable pourrait

être plus sain : il contient des gaz qui

peuvent être nocifs pour l’organisme. Ce

n’est pas un gros problème pour nous, les

hommes. Nous pouvons à tout moment

sortir et prendre un bol d’air à l’extérieur.

Les animaux y sont par contre à demeure.

Un bon climat dans l’étable est donc un

facteur décisif pour leur santé et leur bien-

être. Un capteur développé par Dräger aide

désormais les scientifiques suisses à mieux

comprendre la formation, la diffusion et les

effets du principal gaz nocif des étables :

L’ammoniac. C’est le gaz qui pique le nez

des visiteurs dans les étables ou dans les

toilettes publiques et qui fait pleurer les

yeux. L’ammoniac est la combinaison la plus

simple de l’azote et de l’hydrogène (NH3),

il joue un rôle important dans l’industrie

chimique, notamment dans la fabrication

d’engrais chimiques qui apportent aux

L’AMMONIAC est un gaz agressif qui se forme dans les étables et qui nuit à la santé des animaux. Équipés d’un capteur de Dräger,des scientifiques suisses veulent pour la première fois mesurer les concentrations directement sur l’animal et sur de longues périodes.

Texte : Tobias Hürter Photos : Patrick Ohligschläger

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48 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

plantes cet élément nutritif qu’est l’azote.

Ce gaz se forme dans l’étable surtout

lorsque les excréments et l’urine se

mélangent et sont ensuite décomposés

par des microorganismes. Le problème

est moindre avec des vaches adultes,

ce sont des ruminants dont le système

digestif est complètement développé, ce

qui réduit la formation d’ammoniac. Les

veaux en revanche ne sont pas encore des

ruminants, chez eux, le rumen qui permet

aux vaches de digérer l’herbe et le foin

n’est pas encore formé. À cela s’ajoute

le fait qu’ils sont souvent couchés et que

leurs systèmes organique et immunitaire

ne sont pas encore pleinement développés.

De ce fait, ils souffrent particulièrement de

l’ammoniac qu’ils produisent eux-mêmes,

qui s’attaque aux voies respiratoires et aux

muqueuses. De nombreux animaux du

même âge, des germes et le stress, sont les

conditions réunies qui rendent les jeunes

animaux plus vulnérables aux maladies

infectieuses. « Lors de l’engraissement des

veaux, nous rencontrons très souvent des

problèmes pulmonaires », explique le Pr

Samuel Kohler, un vétérinaire qui enseigne

la santé animale et l’élevage à la Haute école

des sciences agronomiques, forestières et

alimentaires (BF-HAFL) de Berne. « C’est

ce qui explique aussi la consommation

importante d’antibiotiques. » Une meilleure

maîtrise de la formation d’ammoniac

dans les étables des veaux serait donc une

avancée importante.

Trop d’antibiotiquesEn outre, la présence d’ammoniac dans

l’air des étables constitue un risque qui

touche également les hommes y compris

les végétariens et les végétaliens : en

raison de l’administration préventive

d’antibiotiques à l’étable, de plus en plus

de bactéries deviennent résistantes aux

antibiotiques. Il en résulte ainsi le risque

que des patients se trouvent sans défense

face une infection. Selon l’estimation

de l’Organisation Mondiale de la Santé

(OMS), plusieurs centaines de milliers

de personnes meurent chaque année des

suites d’une résistance aux antibiotiques.

C’est pourquoi la Confédération suisse

a lancé en 2015 la Stratégie nationale Antibiorésistance (StAR), en collaboration

avec les diverses administrations et

institutions qui veulent ensemble lutter

contre l’apparition et la propagation de

nouvelles résistances.

Il y a deux ans, Dräger a fait son entrée

dans le domaine de l’agriculture avec

son nouveau capteur électrochimique

de surveillance du gaz en continu et

a présenté un nouvel appareil portatif

pour la mesure du taux d’ammoniac

dans l’étable. Auparavant, on utilisait

à cet effet des tubes de mesure. Ils ont

fait leurs preuves, mais ne fournissent

qu’un instantané, une valeur pour un

moment précis. Pour mieux comprendre

la formation et les effets de l’ammoniac,

il est nécessaire de pouvoir mesurer les

fluctuations tout au long de la journée,

mieux encore sur une période complète

d’engraissement de deux à trois mois. Et

pour ce faire, il n’existait pas jusqu’ici

de méthode de mesure fiable, facile à

mettre en oeuvre et financièrement

accessible. L’ammoniac était la grande

inconnue de l’étable. Markus Sax,

d’Agroscope, un centre d’expertise

suisse pour l’agriculture, fut l’un des

premiers à contacter Dräger il y a deux

ans. Il s’intéresse depuis longtemps au

problème de l’ammoniac dans les étables

où sont élevés des veaux. Qu’est-ce qui fait

augmenter la teneur ? Comment peut-on

l’abaisser ? Les moyens dont on disposait

il y a cinq ans ne permettaient pas de

répondre à ces questions. « C’est alors

que ce capteur est arrivé », se souvient

Sax, et avec lui, la chance de résoudre

enfin ces questions. L’objectif premier

du projet Ammoniac, sous la direction

du Pr Samuel Kohler, est de comprendre

à quelle charge d’ammoniac un veau

est exposé dans une étable : tout au long

d’une journée et au cours de sa vie.

Ensuite, il s’agit aussi de comprendre

les effets de l’ammoniac et de réduire sa

formation par une gestion optimisée de

l’étable. « Les veaux doivent grandir dans

un environnement dans lequel ils restent

en bonne santé », explique le Pr Kohler

Quelle est la valeur limite ?Les chercheurs collectent les données dans

une étable expérimentale à proximité de

Lenzbourg, une petite ville du canton d’Argovie. Elle appartient au producteur

d’aliments pour animaux UFA. Deux

groupes de veaux, de chacun 36 animaux,

y vivent en permanence. Ils sont élevés

dans l’étable, puis conduits à l’abattoir. Les

effets toxiques de l’ammoniac sur l’homme

et l’animal sont en principe connus depuis

longtemps. Dans l’industrie chimique,

il existe une valeur limite : 20 ppm

A l’air libre : dans l’élevage

expérimental, dans le canton suisse

d’Argovie, les veaux (ici âgés d’environ un mois) peuvent

sortir

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49REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

ÉLEVAGE AGRICULTURE

Coopération : Dräger s’occupe de la technique de mesure dans l’étable

L’ammoniac était jusqu’ici le grand inconnu de l’étable

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50 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

(parties par million). C’est la plus forte

concentration à laquelle les personnes

peuvent être exposées au travail, huit

heures par jour, cinq jours par semaine.

La même valeur limite a été fixée en

Allemagne pour les animaux. En Suisse, on

est plus strict, les autorités de surveillance

de ce pays recommandent une valeur limite

de 10 ppm dans les étables. Cependant les

chercheurs suisses critiquent le fait que

cette valeur soit fixée de manière arbitraire

et qu’elle ne soit en général applicable

qu’aux étables. Il n’est donc pas défini

quelle quantité d’ammoniac un veau peut

réellement inhaler sans problème, cela

n’ayant pas été vérifié jusqu’à présent. En

général, les agriculteurs et les contrôleurs

s’en remettent à leur odorat. Ce n’est

que lorsque l’odeur est perçue comme

particulièrement âcre et désagréable que

l’on a recours à une mesure. Cependant le

dispositif reste souvent dans les mains de

celui qui a fait la mesure et en dit peu sur

la dose qui pénètre dans les poumons d’un

veau lorsqu’il est couché dans l’étable, le

nez au-dessus du fumier.

Au printemps 2018, les chercheurs

suisses ont testé en coopération avec Dräger

la possibilité d’enregistrer à l’aide du

capteur, la quantité d’ammoniac réellement

inhalée par un veau dans l’étable. Il ont

passé autour du cou des animaux des

licols de poulains sur lesquels était fixé un

appareil de mesure, équipé d’un prototype

miniaturisé. Même si les données servent

d’abord à la préparation d’une étude

scientifique, il est déjà avéré que la charge

mesurée pour les veaux fluctuait fortement

alors que les taux d’ammoniac enregistrés

par les dispositifs de mesure fixes installés

dans l’étable restaient en dessous des valeurs

limites. Les appareils doivent aussi être

résistants. Les veaux se frottent entre eux,

les mordillent et les sucent. Les scientifiques

veulent effectuer les premières mesures fin

2018. Les animaux doivent encore porter

un deuxième capteur qui indique en conti-

nu le lieu où ils séjournent. L’animal est-il à

l’abreuvoir, dort-il dans un coin, ou est-

il dehors dans l’enclos ? Tout ceci a une

influence sur la charge d’ammoniac.

Apport régulier d’air fraisOn pourrait penser que le problème

d’ammoniac est facile à solutionner :

simplement faire des courants d’air en

ouvrant la fenêtre ! Mais ce n’est pas si

simple. Les veaux sont élevés généralement

en élevage clos, le plus possible à

l’abri de germes et d’autres influences

environnementales. En outre, en hiver,

les fenêtres ouvertes feraient trop baisser

la température, les animaux ont besoin de

chaleur pour grandir plus vite. Parallèlement,

ils se tiennent sur une couche de fumier de

plus en plus épaisse. On rajoute sans cesse

de la paille et le fumier n’est sorti que tous

les deux mois. Ce principe est appelé « litière

profonde ». D’autres élevages de veaux sont

équipés de sols perforés. Mais cela ne change

pas grand-chose à la charge d’ammoniac, car

le fumier n’est alors qu’un étage plus bas.

« Cela signifie que les émissions importantes

provenant de la fermentation du fumier

polluent l’air de l’étable », explique

Markus Sax. C’est pourquoi les animaux

ont constamment besoin d’un apport d’air

frais. Vue sous cet angle, la ventilation dans

l’étable des veaux est une question très

sensible. Le responsable de l’exploitation

veut y apporter une solution de manière

à ce que les animaux aient les meilleures

conditions de croissance possibles avec un

risque infectieux le plus faible possible. Le

standard depuis des années est l’utilisation de

systèmes d’aération informatisés hautement

sophistiqués qui prennent en compte dans

leurs routines de contrôle des paramètres

tels que la température, l’humidité de l’air

et la teneur en dioxyde de carbone. « Nous

voulons maintenant y intégrer également la

concentration d’ammoniac », poursuit Sax.

Ce serait déjà un premier succès si

le projet suisse pouvait aider à respecter

les valeurs limites actuelles d’ammoniac

dans les étables. Mais il peut encore faire

plus : permettre de mieux comprendre

l’impact de l’ammoniac sur l’organisme

des animaux. « Il est clair que l’ammoniac

est un facteur important en matière

de santé des veaux, mais on ne dispose

toujours pas de données claires sur les

effets et les interactions (en rapport avec

l’environnement dans l’étable) », déclare

Marion Zumbrunnen, l’agronome qui

participe au projet. Certains chercheurs

soupçonnent que des concentrations

nettement inférieures aux valeurs limites

en vigueur comportent déjà des risques

considérables pour la santé. C’est pourquoi

les mesures pourraient au final mener à

des valeurs limites plus pertinentes. Un

meilleur climat dans les élevages de veaux

serait ainsi profitable à tous, même à ceux

qui n’y mettent jamais les pieds.

La teneur en ammoniac fluctue bien plus fortement qu’on ne le pensait

Des germes rebelles :Qu’est-ce que des étables ont à voir avec les hôpitaux ? Plus que l’on ne pourrait l’imaginer. www.draeger.com/19-50

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51REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

ÉLEVAGE AGRICULTURE

Bon pour l’homme et pour l’animal : Moins d’ammoniac dans l’étable signifie aussi une consommation moindre d’antibiotiques, et par conséquent moins de germes résistants

Derniers ajustements : les chercheurs testent comment bien fixer sur les veaux les détecteurs portables équipés de capteurs d’ammoniac (en haut et en bas) ; et où positionner au mieux dans l’étable les détecteurs fixes (de type Dräger Polytron C300, photo du milieu)

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52 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

L’image du marin toujours saoul, comme le décrit Joachim Ringelnatz dans les poèmes, n’est plus d’actualité. La navigation est devenue une activité sobre, qui interdit généralement la CONSOMMATION D’ALCOOL ET DE DROGUE non seulement à bord mais également à terre. C’est l’armateur qui est responsable du contrôle de l’interdiction.

Texte : Constanze Sanders

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Avarie au large de la côte Ouest de l’Écosse : Ingestion d’un demi litre de rhum avant de prendre son quart sur le pont, selon le rapport d’enquête, le responsable de l’avarie de ce cargo en février 2015 était un marin en état d’ébriété

Lorsque le cargo britannique Lysblink Seaways, en route pour la Norvège, entre

en collision avec les falaises de la côte

Ouest de l’Écosse au premières lueurs

de l’aube du 18 février 2015, le premier

officier de quart est endormi. Après avoir

bu un demi-litre de rhum, il avait au début

de son quart oublié d’activer les systèmes

de sécurité de navigation. Le contrôle

d’alcoolémie prescrit par la compa-

gnie maritime et réalisé par le capitaine

donne trois heures plus tard une valeur de

2,71 mg/l. Le capitaine et le second offi-

cier sont sobres. L’officier de quart est

licencié, et le navire envoyé à la casse

après renflouement. L’erreur humaine est

à l’origine de 80 à 90 % des accidents en

mer. La consommation d’alcool fait certes

partie des causes, mais sa part est faible.

L

Régime sec

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NAVIGATION PANORAMA

53REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

NAVIGATION PANORAMA

Et pourtant, si un officier était pris en

état d’ébriété, cela confirmait l’idée que

les marins se saoulent en mer. Il n’en va

souvent pas autrement qu’à terre, même

si l’on consomme volontiers de l’alcool

pendant le temps libre sur les navires de

commerce. La fameuse cérémonie du

passage de l’équateur ou les festivités dans

le mess appartiennent au passé.

Les marins ont un métier stressant, qui

reste encore risqué bien que les normes de

sécurité aient été significativement relevées

au cours des dernières décennies. En raison

de leur forte charge de travail, les équipages

font partie des groupes professionnels

présentant un risque élevé d’addiction.

« L’alcool adoucit rapidement la pénibilité

du travail et atténue la transition de la vie

professionnelle à la vie privée » explique

Cassandra Okechukwu, sociologue de

vention d’entreprise sur la consomma-

tion d’alcool et de drogue. L’armateur doit

veiller à ce que celle-ci soit respectée.

Toute personne voulant travailler sur un

navire doit posséder un certificat médi-

cal d’aptitude au travail des gens de mer.

Le comportement addictif fait partie inté-

grante du contrôle médical d’aptitude à la

mer auquel il faut se soumettre au moins

une fois tous les deux ans. Environ 20 000

marins ont été contrôlés entre 2009 et

2015, et en moyenne 3 % ont échoué. « Les

addictions n’y jouent cependant qu’un rôle

mineur » déclare le Dr. Philipp Langenbuch,

directeur du service de santé des gens de

mer du syndicat professionnel du trans-

port (BG Verkehr). « Nous avons eu 40 cas

d’addiction par an, dont 24 de dépendance

à l’alcool. » Ceux-ci représentent tout juste

0,12 % des personnes examinées. Au niveau

Harvard. La flotte de commerce mondiale

ne laisse cependant que peu de place à

cet égard. Certains fumoirs à bord sont

désormais devenus des pièces poussiéreuses,

car de plus en plus de compagnies maritimes

misent sur une Dry Ship Policy et interdisent

totalement l’alcool. Les marins sont

même condamnés au régime sec lors des

permissions à terre.

Des dizaines de milliers de bâtiments

naviguent sur les océans, plus ou moins

ignorés du reste du monde. Cependant,

aucun domaine n’est aussi fortement régle-

menté et surveillé que la vie à bord. Le code

de l’ISM (International Safety Manage-

ment) impose à tout propriétaire, gestion-

naire ou affréteur de navire d’utiliser

un Safety Management System (SMS),

pour une exploitation sécurisée des navi-

res. Cela comprend également une con-

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54 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

mondial, près de deux millions de marins

veillent à ce que les équipages, les navires

et les chargements arrivent à leur port de

destination. Les pétroliers, vraquiers, car-

gos de marchandises et porte-conteneurs

transportent des marchandises à tra-

vers le monde à un rythme effréné. Sans

eux, il n’y aurait pas de biens de consom-

mation, de produits alimentaires ou de

matières premières bon marché. « Il y a

des règles de temps de travail, mais à cer-

tains moments, il m’est impossible de faire

de pause » explique le capitaine d’un navire

porte-conteneurs qui possède 40 ans d’ex-

périence. Cela vaut aussi pour l’équipage

Contrôles en mer et dans les portsDepuis le 1er janvier 2017, un taux d’alcool

de 0,25 mg/l d’air expiré, ce qui correspond

à 0,5 pour mille dans le sang, s’applique sur

toutes les mers du globe. Sur les pétroliers

et les navires de transport de matières

dangereuses, l’alcool est depuis longtemps

tabou. « La réglementation internationale

en vigueur exige une prévention efficace

avec des valeurs limites, des tolérances

et des appareils de tests obligatoires

clairement définis » explique le Dr. Stefan

Steinmeyer, responsable chez Dräger entre

autres du domaine de la détection de l’alcool

et de la drogue. « Des contrôles inopinés

doivent êtres prévus tout en préservant la

sphère intime des personnes testées. » Des

contrôles sont également effectués dans les

ports. Tous les navires de haute mer arrivant

à Hambourg reçoivent ainsi la visite de la

police maritime. « Nous montons aussi

vite que possible à bord, afin d’y trouver

encore l’état du moment de l’accostage »

explique Ulf Petereit, enquêteur principal

au commissariat 1 de la police maritime

(WSPK 1) de Hambourg-Waltershof.

Le contrôle visuel de consommation

d’alcool ou de drogue fait partie des

formalités de douane. Les fonctionnaires

proposent en outre, si nécessaire un

contrôle d’alcoolémie au moyen d’un

éthylomètre sur une base volontaire :

« Presque tous acceptent » déclare Petereilt.

En mer, c’est le contrôle social qui veille à ce

que chacun reste opérationnel. Là, tous les

bras sont nécessaires, comme par exemple

lorsque 20 marins doivent faire tenir son

cap à un porte-conteneurs de 300 mètres

avec un tirant d’eau de 14 mètres, c’est

une centrale trépidante avec des milliers

de chevaux-vapeur fonctionnant selon des

règles bien établies. « Nous voulons tous

rentrer sains et saufs à la maison » explique

un marin. « Lorsque quelqu’un abuse du

schnaps ou de la marijuana, ses collègues

lui font des observations. » La conscience de

faire partie d’une communauté de risque

imprègne la vie en mer. De nombreux

marins passent fréquemment six mois

d’affilée en mer ou plus. « En trois mois,

je suis peut-être descendu trois fois à terre

quelques heures » rapporte le capitaine

d’un autre porte-conteneurs qui circule

entre l’Europe du Nord et l’Amérique du

Sud. Il ne reste guère de temps libre pour

les permissions à terre. Un méga-porte-

conteneur est déchargé à Hambourg en

seulement 36 heures, et il a alors transbordé

environ 6 500 conteneurs standards.

Un tel navire est un lieu de travail

intensif dont on ne peut pas non plus

s’évader lors du temps libre. Il est peu

accueillant et chaque équipage est

différent : des nations, mentalités et

cultures sans cesse changeantes s’y

rencontrent. Tout cela est source de stress.

Devoir vivre ensemble pendant plusieurs

mois – dans un espace restreint et oscillant,

24 heures par jour – peut entraîner des

conflits, avec des symptômes de stress

comme l’insomnie, la frustration ou un

épuisement généralisé. « Le problème,

c’est l’isolement » explique Langenbuch,

du syndicat professionnel des transports.

« Les marins vivent sans contact avec leurs

familles, épouses et enfants. » Lorsque la

L’océan, un lieu de travail dangereux

Visite d’importance : Tout navire arrivant à Hambourg est contrôlé par la police maritime. Le contrôle visuel de consommation d’alcool ou de drogue fait partie des formalités de chaque accostage

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NAVIGATION PANORAMA

55REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

côte disparaît à l’horizon, c’en est souvent

fini du réseau de téléphonie mobile.

L’océan est une immense zone sans réseau

pour ceux qui ne peuvent pas se permettre

un téléphone satellite.

Lorsque les cargos étaient encore à

voile, les boissons réconfortantes forte-

ment alcoolisées coulaient à flots ; on buvait

par ennui, mais aussi pour des raisons de

santé. Le rhum a été pendant des siècles

la meilleure alternative à l’eau potable

qui croupissait dans les réservoirs avant

d’arriver à Madagascar. Il était de plus

considéré comme un remède contre le

scorbut. Cette maladie associée à la

nourriture avariée décimaient des

équipages entiers, jusqu’au moment où le

capitaine Cook, au 18ème siècle, servit de

la choucroute à ses hommes. La vitamine

C qu’elle contient permit de vaincre le fléau

des marins et rendit caduc cet alibi pour

la consommation de rhum. Mais « Kuttel

Daddeldu » du poète et marin expérimenté

Joachim Ringelnatz ne fut pas le seul à

rester éméché. Jusqu’au milieu du 20ème

siècle, « les marins ont continué à l’utiliser

pour atténuer leurs maux multiples », se

rappelle un autre capitaine. « Le vin, les

femmes et les chansons étaient pour ce

faire des remèdes éprouvés. Tant que

l’officier de quart sur le pont gardait l’esprit

à peu près clair, il n’existait pas de vrais

dangers sur la mer. » Les changements

rapides de la météo et la piraterie faisaient

cependant des océans le lieu de travail le

plus dangereux du monde. Chaque année,

plus de 2 000 marins perdent la vie en mer.

Il s’est produit l’an dernier 2 611 accidents

et 85 navires ont sombré. La majeure

partie des accidents a lieu par mauvais

temps. Grâce aux technologies de

communication modernes et aux services

de secours perfectionnés, l’aide arrive

relativement vite à bord.

Des marins modernes L’erreur humaine reste pour le moment

le risque le plus important. Les agences

de mise à disposition d’équipages, qui

recrutent des personnels pour l’ensemble

de la flotte marchande de la planète,

constitue en quelque sorte la première cible

de la lutte contre l’abus d’alcool en mer.

Manille compte, à elle seule, des centaines

de ce type d’agences de recrutement. Près

d’un demi-million de Philippins parcourent

les océans, environ le quart des marins de

la planète ; la plupart très loin de leur pays,

vers lequel ils envoient chaque année des

milliards de dollars à leur famille. Bien que

la consommation d’alcool joue le même

rôle dans leur pays que dans les autres pays,

les Philippins boivent souvent moins. Une

étude explique cette retenue par leur statut

socialement reconnu de soutiens de famille.

Dans leur salle d’équipage, il y a presque

toujours un appareil de karaoké, une

activité élevée au rang de sport national.

Ils chantent tout ce qui a un jour été au

hit-parade, parfois avec, mais aussi sans

alcool. « Il y a une nouvelle génération de

marins » observe Ulf Petereit et ses collègues

de la police maritime lors des contrôles

douaniers à la sortie du port, sans lesquels

aucun navire n’est autorisé à quitter le port

de Hambourg. « Cette génération pense

différemment et boit moins. » Son œil exercé

reconnaît immédiatement si quelqu’un

est alcoolisé. « Mais les problèmes sont

extrêmement rares » assure Petereit fort

de ses 20 ans d’expérience professionnelle.

Être marin est aujourd’hui un métier

solitaire. Qu’est-ce qui pourrait alors le

rendre heureux ? Avant tout un accès à

internet sur le navire pour garder le contact

avec la famille. L’industrie maritime a

identifié ce problème et a accru ses efforts

pour proposer des offres attractives de

loisirs et de sports. Des conversations et une

harmonie relaxantes ne sont plus un luxe

mais une nécessité, elles attirent en outre

des personnels qualifiés. Un lounge bien

équipé permet de souder l’équipage. Lors de

la pause café ou après le dîner, on regarde

des films ou on joue aux cartes ensemble.

Un navire qui dispose d’un bon cuisinier et

qui fête les anniversaires, Noël et le Nouvel

An est un bon navire. Lorsque la politique

de l’entreprise le permet, il y a alors aussi

de la bière, du vin ou des spiritueux. Quatre

heures avant le début du quart, on ne peut

cependant généralement servir que des

boissons non alcoolisées. La plupart des

navires sont équipés d’appareils de test

d’alcoolémie tels que le Dräger Alcotest

5820, de manière à ce que tous les membres

de l’équipage puissent être contrôlés à tout

moment. Sur de plus en plus de navires,

la limite est de 0,0 pour mille. Petereit,

le policier de la navigation sait que « les

capitaines ont l’obligation de procéder

à des contrôles inopinés ». « Le résultat

est documenté et envoyé à la compagnie

maritime, pour montrer quelles mesures

ont été prises à bord. » Mais c’est cependant

le capitaine qui a toujours le dernier mot. Il

peut interdire les boissons alcoolisées même

si la compagnie maritime les autorise.

0,0 pour mille : On trouve de nos jours sur de nombreux navires des appareils tel que celui-ci : Dräger Alcotest 5820. À bord, le problème de l’« alcool à la barre » est la plupart réglé par la « tolérance zéro »

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56 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

La métropole indienne d’Hyderabad doit devenir le plus grand HÔPITAL SPÉCIALISÉ EN GASTROENTÉROLOGIE au monde – et atténuer la pénurie de spécialistes dans le sous-continent.

Texte : Mathias Peer Photos : Harsha Vadlamani

Mehabub Halder* a fait un long voyage

pour se rendre à son rendez-vous. Cet

homme qui vient de Calcutta a fait un trajet

de 26 heures en train pour venir à Hyderabad.

C’est ici que travaille le Dr. Nageshwar

Reddy, l’un des médecins spécialisés les

plus demandés pour les problèmes gastro-

intestinaux et hépatiques. Halder a depuis

plusieurs années une grosseur étrange au

niveau de l’abdomen qu’il voudrait faire exa-

miner. Il en est sûr, ici, il trouvera de l’aide.

Mardi matin à Hitec City, un quartier

de Hyderabad où des entreprises

internationales telles que Amazon, IBM et

Deloitte se sont également installées. La

destination de Halder : le bâtiment gris

foncé de neuf étages à côté de l’autoroute

urbaine. À première vue, il pourrait s’agir

de l’un de ces centres commerciaux

modernes qui fleurissent de plus en plus

dans les métropoles indiennes à proximité

des classes moyennes prospères. À l’entrée,

une porte vitrée automatique coulisse et

son bagage est passé aux rayons X par

un vigile au poste de sécurité. Il arrive

ensuite dans un vaste hall avec un sol

de marbre et des escaliers mécaniques.

Le logo doré de l’institut brille à l’autre

extrémité : AIG. C’est l’acronyme de

M

La chasse aux records

du docteur Reddy

Asian Institute of Gastroenterology, un établissement spécialisé pour les patients

souffrant de problèmes du système digestif.

Le Dr Nageshwar Reddy, fondateur de

l’hôpital, nourrit des projets ambitieux

pour son établissement. La volonté de cet

homme de 62 ans est qu’il devienne non

seulement l’une des plus grandes cliniques

d’Inde, mais aussi le plus grand hôpital du

monde spécialisé en gastroentérologie.

Environ 70 000 endoscopiesLe Dr. Reddy a l’habitude de gérer un grand

nombre de patients, il exerce depuis plus

de trois décennies à Hyderabad. Sa bonne

Très prisé : Le Dr Nageshwar Reddy est l’un des gastroentérologues les plus demandés en Inde. Le délai d’attente pour avoir un rendez-vous avec lui est de plusieurs mois

Dimensions XXL : Dans le hall d’accueil, dans lequel une gare de taille moyenne pourrait tenir, on se sent un peu perdu

* nom changé

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57REVUE DRÄGER 19 | 1/ 2019

ASIE SOINS MÉDICAUX

réputation attire des patients de toute l’Inde

et des pays avoisinants. Dans sa première

clinique, située à proximité du lac Hussein

Sagar, en forme de cœur, il a soigné plus

de 100 000 patients par an avec son équipe,

et pratiqué dans ce contexte environ

70 000 endoscopies. Avec ce nombre annuel

de CPRE*, la clinique détient selon ses

sources, le record mondial. Et comme il n’y

a plus assez de place pour tous les patients,

le Dr Reddy essaie maintenant de passer au

niveau supérieur à Hitec City. Il veut ouvrir

l’œuvre de sa vie à une nouvelle dimension.

On pourrait traiter ici près d’un demi-

million de patients chaque année. En août

2018, la grande clinique n’est cependant pas

encore achevée, et des cartons non déballés

attendent toujours à côté de l’une des

entrées. Là où les suspensions plafonnières

devraient un jour se trouver, ne pendent

encore que des câbles électriques et le

vacarme des perceuses brise régulièrement

la tranquillité habituelle. Les salles

d’opération et les unités de soins intensifs

ne sont pas encore en service. Reddy ne veut

pas perdre de temps. Il reçoit les premiers

patients depuis quelques semaines. Avec

ce qu’il nomme le Soft-Launch, il veut

tester les procédures et s’assurer que son

hôpital sera en mesure de supporter l’afflux

attendu. Reddy, en blouse blanche, parcourt

les couloirs avec un groupe de visiteurs. On

entend quelques crissements, les chaussures

sont enveloppées dans des chaussons bleus

en plastique pour des raisons d’hygiène.

Reddy s‘arrête devant une fenêtre de la

façade et montre les travaux de terrassement

dans la cour intérieure : « Il y aura ici des

jardins suspendus. » Il tient beaucoup à ce

que les patients aient une vue sur la verdure

depuis leur chambre. La lumière du jour

est visible depuis presque tous les lits de

l’hôpital. « J’ai visité plus de 500 hôpitaux à

travers le monde, et je suis très satisfait de ce

nous avons réussi à faire ici », dit-il. « Nous

* CPRE : cholangiopancréatographie rétrograde endoscopique

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58 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

Opération « Bleu » : Les conditions d’éclairage dans les salles de soins aident les médecins à se concentrer sur les moniteurs. La température peut être contrôlée au moyen d’un système de reconnaissance vocale. Outre le système de gestion des gaz, une grande partie des équipements (ci-dessous) sont fournis par Dräger

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59REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

ASIE SOINS MÉDICAUX

avons créé une infrastructure qui compte

parmi les meilleures du monde. » 800 lits,

20 salles d’endoscopie, 16 salles d’opération,

d’après le Dr Reddy, aucune autre clinique

spécialisée dans ce domaine n’a une

capacité aussi grande. « La deuxième place

est occupée par un hôpital de 400 lits en

Chine. »

Médecin et entrepreneurLes équipements des salles ressemblent à

ceux de films de science fiction, pour entrer

les médecins présentent leur main devant

un capteur. La grande porte métallique

s’ouvre sans le moindre contact. La salle

d’endoscopie s’illumine en bleu ; elle doit

faciliter aux médecins la visualisation

des moniteurs pendant un examen. Les

médecins peuvent changer la luminosité

et la température par commande vocale.

Avec le terminal encastré dans le mur, doté

d’un écran tactile et d’une prise USB, il

est possible de passer de la musique sur le

système d’enceintes pendant l’opération. Le

système de gestion des gaz qui est, comme

la majorité des équipements, fourni par

Dräger, met à disposition les gaz médicaux.

Sur l’un des écrans plats, on peut voir

l’image d’une caméra endoscopique en

qualité 4K. Parallèlement, une caméra avec

un microphone intégré est braquée sur le

médecin. Les examens et opérations peuvent

ainsi être diffusés, pour des conférences

ou des étudiants dans la salle adjacente et

commentés en direct. Pour le Dr. Reddy, ce

projet représente le sommet de sa carrière,

faisant de lui non seulement un médecin

reconnu mais également un entrepreneur.

Cet homme, que l’on reconnait de loin à

sa moustache sombre et broussailleuse, a

grandi dans une famille de médecins. Son

grand-père et son père étaient professeurs

de pathologie. Reddy raconte qu’il a su dès

l’enfance qu’il voulait devenir médecin. Il

décida de se spécialiser dans le domaine

de l’endoscopie thérapeutique et vint à

Hambourg dans les années 1980 pour

approfondir ses connaissances. Il avait

beaucoup apprécié qu’en Allemagne, par

comparaison avec l’Inde, les rues soient

beaucoup plus tranquilles. Il ne détestait

que le week-end, car tous les magasins

étaient alors fermés. Il était impression-

né par la précision des médecins et par la

prise en charge médicale efficace. De

retour en Inde, il trouva une situation tout

autre. Il n’y avait à l’époque qu’à peine 100

gastroentérologues dans son pays. Reddy

vit dans cette insuffisance un problème

gigantesque, qui n’est à ce jour toujours

pas résolu. Il explique que le nombre de

spécialistes dans ce domaine est certes passé

à 3 000, mais que le Japon en a à lui seul dix

fois plus, bien que la population de ce pays ne

représente qu’un dixième de celle de l’Inde.

Les maladies du système digestif sont

très répandues en Inde. Les raisons en

sont multiples : eau potable contaminée,

nourriture préparée de manière non-

hygiénique, prédisposition génétique, sans

oublier le développement économique

du pays. Avec la classe moyenne en forte

croissance, les problèmes tels que le

surpoids sont en augmentation, ce qui peut

entraîner une cirrhose graisseuse. Reddy

estime qu’en Inde, 30 pour cent des gens

souffrent de maladies gastro-intestinales, ce

qui représente 400 millions de personnes.

« Pour arriver à tous les soigner, il nous

faudrait au moins 100 hôpitaux tels que

celui-ci » estime-t-il. Pour les patients

tels que Mehabub Halder, il est difficile

d’accéder à un traitement optimal en

raison du manque de spécialistes. Halder

arrive dans la clinique avec un pantalon

de toile grise, une chemise à manches

courtes et des sandales sans chaussettes. Il

est d’une maigreur frappante. Il tient son

dossier médical sous le bras. Dans le hall

d’accueil en grande partie vide, dans lequel

une gare de taille moyenne pourrait tenir,

les patients comme lui ont l’air perdus.

Les employées de l’admission des patients

essayent de réconforter ces nouveaux venus.

Elles quittent leur guichet et viennent

directement au contact du patient pour lui

expliquer comment cela se passe. Après un

premier examen, une prise de sang et des

tests de laboratoire, Halder arrive dans le

bureau de son médecin, le Dr Nagaraja Rao

Padaki, spécialiste du foie. Halder retire

ses sandales et sa chemise. Le médecin

palpe avec ses mains la grosseur qui

préoccupe Halder depuis longtemps. « Pas

de douleurs ? » demande-t-il. Halder fait

non de la tête. Dans le dossier médical, le

médecin prend connaissance de vaisseaux

obstrués, visiblement la raison de sa rate

Examen clinique approfondi :

Le Dr Nagaraja Rao Padaki examine

un patient se plaignant de douleurs

abdominales. Il prescrit un régime riche en protéines

Tester les procédures en mode Soft-Launch

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SOINS MÉDICAUX ASIE

60 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

hypertrophiée et de la frêle constitution

de son patient. Le Dr Padaki pense que la

situation est maîtrisable. Une opération

n’est selon lui pas nécessaire pour l’instant.

Il prescrit un régime riche en protéines

pour fortifier le patient et un examen de

suivi dans un an. « Ailleurs, on referait sans

doute un contrôle après six mois » dit-il. Il

doit cependant rester réaliste. « Les gens

d’ici ne peuvent pas traverser la moitié du

pays tous les six mois. »

Halder travaille dans une entreprise

d’externalisation à Calcutta, qui réalise

pour d’autres entreprises des projets

opérationnels tels que les ressources

humaines ou la logistique. C’est un bon

emploi qui lui permet de couvrir ses dépenses

de santé. Il a économisé 20 000 roupies, soit

250 euros, pour la consultation médicale

dans la ville d’Hyderabad située à 1 500

km, les frais de transport et les nuitées

à l’hôtel. C’est une somme importante.

À Calcutta, cela correspond à un mois

de salaire moyen dans sa branche. De

nombreux patients de l’hôpital AIG n’ont

pas d’assurance maladie couvrant leurs

frais médicaux. C’est pour cela que Reddy,

en tant que directeur de l’établissement,

n’accorde pas uniquement de l’importance

à une haute qualité. Les soins doivent

également être abordables. Cela doit être

rendu possible par un taux d’occupation

optimal de ce grand établissement. Comme

un très grand nombre de patients peut y

être soigné, cela fait baisser le coût moyen.

La clinique communique beaucoup sur

ses prix. Une affiche à côté de l’entrée

annonce que le coût d’un examen du

foie « n’est actuellement que de 2 500 au

lieu de 5 740 roupies ! » Pour une simple

consultation auprès d’un médecin,

l’hôpital ne demande que 300 roupies,

environ 3,80 euros, que le patient soit traité

par le directeur de la clinique ou par un

jeune médecin.

Les indigents sont soignés gratuitementLa consultation avec le chef de service est

donc très populaire. Sur des forums internet,

les patients demandent comment obtenir

un rendez-vous avec le Dr. Reddy. L’hôpital

les informe que le délai d’attente est de

trois mois. Les célébrités et les politiques

désirent aussi être traités par lui. Le vice-

président indien Venkaiah Naidu a été l’un

des premiers VIP à avoir été examiné par lui

dans les locaux flambant neuf de l’AIG. Il a

par la suite publié sur son compte Twitter

une photo de lui aux côtés de Reddy. « J’ai

déjà été dans de nombreux hôpitaux dans le

monde », écrit-il, « mais celui-ci les dépasse tous

avec son infrastructure ultra moderne. » Le

vice-président s’est rendu à la consultation

accompagné de plusieurs douzaines de

policiers. Afin de pouvoir plus facilement

répondre aux exigences de sécurité des

patients importants, une entrée dédiée sera

ultérieurement créée pour eux. Avoir des

patients aisés dans l’établissement est décisif

pour la réussite économique de l’hôpital ; ils

bénéficient exactement des mêmes services

médicaux que tout un chacun, mais ils

paient un supplément pour le confort. Cela

permet à la clinique de soigner les indigents

gratuitement, soit dans la clinique elle-

même, soit dans des centres de soins mobiles

que l’AIG envoie dans les villages défavorisés

en matière de soins de santé. Plus de dix

millions de patients ont déjà bénéficié de

soins gratuits de Reddy et de son équipe. Le

fondateur de la clinique se décrit lui-même

comme un homme de gauche, à tendance

légèrement socialiste. Il ne veut pas mesurer

le succès de son entreprise à l’aulne des

bénéfices, mais au nombre aussi important

que possible des gens qu’il touche. « Je préfère

soigner les pauvres que les riches » dit-il.

Les patients pauvres sont particulièrement

reconnaissants.

Il a ces derniers temps moins l’occasion

de travailler avec eux qu’il ne le voudrait.

Un assistant avec une pile de documents

l’arrête juste devant la porte de la salle

d’endoscopie. Il faut qu’ils soient signés.

Peu après, il reçoit entre deux rendez-vous

une jeune femme qui l’attend pour postuler

à un emploi. Le directeur de clinique

lui consacre un entretien d’embauche

improvisé. Tout le monde veut quelque-

chose de lui, mais il a rarement le temps

pour tout le monde. C’est pourquoi il

travaille depuis des années déjà 18 heures

par jour. Il a payé un lourd tribut pour son

engagement. Il n’a pu consacrer que très

peu de temps à sa famille. Sa femme, une

dermatologue et sa fille désormais adulte

l’ont toujours soutenu. Elles savent que :

« Pour obtenir quelque chose, il faut aussi

sacrifier quelque chose. »

Commu-nication sur les prix

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Nouveaux bâtiments modernes : L’Asian Institute of Gastroenterology (AIG) se trouve en bon voisinage. Le bâtiment de neuf étages se trouve au milieu des tours de bureaux de sociétés internationales dans le quartier de Hitec City à Hyderabad

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ASIE SOINS MÉDICAUX

61

Moments lumineux : la plupart des chambres bénéficient de la lumière

du jour. L’objectif est de rendre le séjour des patients plus agréable

Hyderabad se situe au cœur de l’Inde, à tous points de vue. Avec près de sept millions d’habitants, elle est la quatrième plus grande ville du pays. C’est l’un des centres de biotechnologie et d’industrie pharmaceutique. La partie nord-ouest est également appelée Cyberabad

REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

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* nom changé

62 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

DDeux heures de l’après-midi, à

proximité de Kaboul. L’été montre son côté

implacable : il fait 40 degrés et il souffle

un vent léger. C’est presque intenable

dans le véhicule de patrouille. 58,4 degrés

Celsius. Les quatre soldats allemands

sont calmes, mais on sent la tension qui

les habite. Ils observent depuis 10 bonnes

minutes le pickup délabré à une distance

de 100 mètres. Puis quelque-chose se

passe. Lorsque le vent tourne, le sergent-

chef Egon K.* entrouvre la fenêtre de son

véhicule spécial. Cloé ne peut pas encore

voir la personne cible, mais elle peut la

sentir. Clóe est un malinois, une variété

de berger belge à poil court. « Ils veulent

toujours travailler » explique le sergent-

chef. « C’est pourquoi on les préfère pour

les engagements dans les forces spéciales. »

Mustafa G.*, la personne cible, est connu

depuis longtemps des autorités afghanes. Il

est soupçonné d’être un djihadiste. G. s’est

rendu au Pakistan, il est resté trois mois

dans une école des talibans et a ensuite

séjourné dans un camp de formation en

Afghanistan. Il a appris dans ce camp à

fabriquer des explosifs et à manier des

armes.

Des spécialistes à quatre pattes« Nous devons partir du principe qu’il

est armé et qu’il porte des explosifs sur

lui. C’est pourquoi Clóe est notre moyen

d’action préféré, avant même nos armes

à feu » déclare le sergent-chef K. Chacun

ici dans l’équipe a une fonction précise,

Clóe également. Ce chiens de service de

la Bundeswehr accompagne les troupes

dont la mission est d’appréhender

Mustafa G. dans une action éclair. Ils se

Les chiens sont parfois les meilleurs camarades des soldats. Ils détectent les explosifs à l’odeur, arrêtent des personnes ciblées ou montent la garde. La Bundeswehr entraîne ses RECRUES

À QUATRE PATTES ET LES MAÎTRES-CHIENS dans sa propre école, à partir de ce jour, ils sont ensemble contre vents et marées pendant de longues années.

Texte : Björn Wölke Photos : Matthias Schmittmann

PANORAMA CHIENS MILITAIRES

sont pour cela lourdement armés et se

sont postés sur cette route très fréquentée

à quelques kilomètres de Kaboul. Clóe

a été entraînée toute sa vie pour des

moments comme celui-ci. Cette chienne

de 5 ans et demi a tout d’abord suivi un

entraînement spécial de dix mois de

chien d’attaque à la Schule für Diensthundewesen der Bundeswehr (SDstHundeBw : centre de formation des

chiens de service de la Bundeswehr). Cela

ressemble à de l’allemand bureaucratique,

mais c’est le jargon habituel de la

Bundeswehr. Le SDstHundeBw est situé

Ulmen, en Rhénanie-Palatinat, à environ 60

kilomètres au sud-ouest de Cologne, au

milieu de la forêt. 50 à 70 chiens et autant

de maîtres-chiens sont formés chaque

année sur ce terrain d’une superficie

de 70 000 mètres carrés. On a pour cela

transformé un ancien dépôt de munitions

ainsi que 51 bunkers en un centre de

formation, et on a créé un parcours

d’entraînement reproduisant les sites

d’intervention potentiels : des voies

Les meilleurs amis

Page 63: La lutte pour les matières premières - Draeger · Un travail de rêve sur un bateau de rêve ? Peut-être, du moins un peu ! Au quotidien, le métier de médecin de bord est surtout

Inséparables :Le sergent-chef Egon K.*

et sa chienne Clóe pendant un entraînement sur le

terrain du centre de formation cynophyle de la Bundeswehr à Ulmen. Le soir, il emmène la

chienne berger belge chez lui, elle fait partie de la famille

63REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

Page 64: La lutte pour les matières premières - Draeger · Un travail de rêve sur un bateau de rêve ? Peut-être, du moins un peu ! Au quotidien, le métier de médecin de bord est surtout

Bien en main : mordre, cela s’apprend aussi ! La sélection des chiens militaires est, paraît-il, très stricte. Les animaux doivent être robustes, avoir un comportement social développé et être sûrs d’eux

Les chiens comme Clóe sont aujourd’hui plus

importants que jamais64 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

ferrées, une maison en ruine , un réseau

d’égouts ; il y a même un hall de gare et

une consigne de bagages. Les bunkers ne

servent pas seulement à l’entraînement

des bases. Des entraînements avancés

proches des conditions d’intervention,

le pilier de toute formation spécialisée,

doivent être réalisés dans autant

d’endroits différents que possible (villes,

gares, zones industrielles, centres

commerciaux, etc.) pour sensibiliser les

compagnons à quatre pattes de manière

pertinente aux divers types de situations,

y compris le vacarme des combats.

Des chiens comme Clóe sont

aujourd’hui plus importants que jamais.

Dans les zones sensibles de la planète,

les adversaires ne sont souvent pas des

troupes régulières et bien visibles, mais

bien plutôt des rebelles ou des individus

isolés qui placent des pièges explosifs dans

des embuscades de tous types. « Nous

pouvons ainsi protéger efficacement

que la réalité du terrain ait montré que de

tels tandems sont efficaces, la priorité reste

toujours à la technologie, même si elle ne

peut pas tout résoudre » répond Hampel.

C’est pourquoi il souhaite une évolution

inverse à l’avenir.

Des animaux incroyablement efficacesLe lieutenant-colonel Hampel sait de quel

outil incroyablement efficace on dispose à

la fin d’une telle formation : des animaux

extrêmement concentrés, qui agissent à la

vitesse de l’éclair et exécutent les ordres

à la lettre. Un chien de déminage doit

être capable d’indiquer sans hésitation

de petites (quelques grammes) et grandes

quantités(100 kg et plus) des substances

les plus répandues. La relève des chiens

provient de recrues externes ou de l’élevage

interne. Une sélection minutieuse est

réalisée ici, dans le massif de l’Eifel,

car les exigences sont particulièrement

élevées pour ces chiens spécialisés. « Les

animaux doivent être robustes, avoir un

comportement social développé et être

sûrs d’eux » déclare Hampel. Des membres

nos camarades à toute heure du jour et

de la nuit » ajoute le Dr Stefan Hampel,

chirurgien vétérinaire et commandant du

centre de formation des chiens de service

d’Ulmen. « Aucune technologie au monde

ne surpasse les chiens pour identifier de

tels dangers. Quel appareil serait capable

de détecter des explosifs à l’odeur, d’aboyer

fort et de mordre sur commande ? La

Bundeswehr emploie plusieurs centaines

de ces animaux. Hampel ne veut cependant

pas révéler le nombre exact de ceux qui

se trouvent actuellement dans des zones

de crise. Seulement que : « Les sept types

de chiens que nous formons ici sont

engagés dans des opérations. » Depuis

que l’Allemagne participe elle aussi aux

interventions à l’étranger, les recrues à

quatre pattes doivent en effet être capables

de faire nettement plus de choses que

garder les casernes. Alors qu’on formait

auparavant presque exclusivement des

chiens sentinelle et de garde, les équipes

de chiens des services spéciaux ont

aujourd’hui la vedette. Pourquoi ne fait-

on pas appel à eux plus souvent ? « Bien

PANORAMA CHIENS MILITAIRES

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Exercice militaire avec chien d’attaque : À la fin de la formation, les chiens peuvent intervenir à la

vitesse de l’éclair et exécuter les ordres à la lettre

Dr Stefan Hampel, lieutenant-colonel vétérinaire, dirige depuis 2016 le centre d’entrainement des chiens de la Bundeswehr à Ulmen. 50 à 70 animaux sont formés ici chaque

65REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

de sociétés protectrices des animaux

voient cette obéissance inculquée avec

suspicion. Vous savez à quel point il est

difficile d’enseigner quelque chose à un

chien. Comment apprend-on alors à de

jeunes chiens à chercher et à trouver

des explosifs ? Ils sont principalement

motivés par le jeu. « C’est l’alpha et l’oméga »

poursuit Hampel. Il faut en outre

que chaque période de formation soit

conçue de manière à ce que les animaux

puissent réussir qu’ils en sortent en

quelque sorte vainqueurs et soient

toujours récompensés pour cela.

Le but est qu’à la fin de la formation

le maître-chien et le quadrupède forment

un tandem fiable qui puisse remplir les

missions qu’on lui confie. Il faut que les

chiens soient capables de trouver des

mines, des armes ou des munitions en

quelques secondes, même en situation

très stressante. Ils doivent pouvoir entrer

dans un bâtiment ou un véhicule pour y

neutraliser des adversaires. Les chiens

n’ont pas toujours le droit de mordre, un

simple aboiement suffit parfois. Il faut

une bonne dose de confiance pour arriver

à de tels résultats – des deux côtés : de la

part du chien comme du maître-chien.

Pour cela, ils affrontent ensemble vents

et marées jour après jour. « Je passe plus

Page 66: La lutte pour les matières premières - Draeger · Un travail de rêve sur un bateau de rêve ? Peut-être, du moins un peu ! Au quotidien, le métier de médecin de bord est surtout

« Avec nos sept types de chiens de service, nous

comptons aujourd’hui parmi les meilleurs du monde »

Le lieutenant-colonel vétérinaire Stefan Hampel, directeur du SDstHundeBw

Six d’un seul coup : Grâce à son propre élevage, la Bundeswehr peut former ses chiens de manière optimale depuis qu’ils sont petits

REVUE DRÄGER 19 | 1 / 201966

PANORAMA CHIENS MILITAIRES

La guerre dans la tête : de nombreux soldats qui souffrent de troubles post-traumatiques liés au stress rencontrent souvent des problèmes dans la vie quotidienne. Il existe cependant une thérapie efficace : elle aboie et a quatre pattes.www.draeger.com/19-66

de temps avec mon chien qu’avec ma

famille » déclare l’un des instructeurs du

SDstHundeBw. « Les nombreuses heures

d’entraînement quotidien les soudent

encore plus. » Les animaux vivent en

règle générale chez leur maître-chien et

font partie de la famille. La formation de

base d’un jeune chien dure plusieurs mois

durant desquels il est initié à ses futures

missions. Les animaux suivent ensuite

des cours de spécialisation de plusieurs

mois pour devenir des chiens policiers,

de déminage ou de détection de drogue,

dédiés à la protection des installations de

la Luftwaffe ainsi que des forces spéciales

ou encore chien détecteur de mines ou

de moyens de combat. La formation de

base et ces « formations spécialisées » sont

suivies d’épreuves de contrôle annuelles

régulières. Un chien est en règle générale

en service actif pendant cinq ans.

Les entraînements complexes et inten-

sifs sont payants. Le lieutenant-colonel

Hampel estime que son centre de formation

de chiens est en bonne place comparée

avec celles des autres pays. « Nous avons

développé ces dernières années différents

scénarios d‘intervention, et nous faisons

aujourd’hui partie des meilleurs au monde.

Ce n’est pas le nombre d’animaux qui

importe, mais leurs capacités. » Il n’y a pas de

temps mort pour lui. Tout est un processus

dynamique. « Nous avons des échanges

réguliers avec des unités d’autres pays et

nous développons les modèles sur cette

base. » Jusqu’ici aucun chien allemand n’est

mort en interventions, ajoute Hampel. S’il

devait arriver quelque chose, si un animal

devait par exemple se blesser, le centre de

formation est doté de sa propre clinique à

Ulmen. L’établissement est en charge du

suivi et des soins vétérinaires pour tous les

chiens de la Bundeswehr. Les vétérinaires

et les soigneurs animaliers s’occupent du

bien-être des animaux : de l’alimentation

à la préservation de la dentition et la

reconstruction dentaire (y compris des

couronnes !) jusqu’à des interventions

chirurgicales délicates. Divers produits

Dräger sont utilisés dans la salle

d’opération, notamment des lampes

opératoires et le système de gestion

des gaz vient de Lübeck. Lorsqu’un

chien de service a accompli son temps,

il passe souvent sa retraite chez son

maître-chien. Le lien qui s’est tissé entre

les deux pendant de longues années de

collaboration est si étroit et familier que

le maître-chien adopte son compagnon

dès qu’il est mis à la retraite pour des

raisons de santé ou d’âge. D’autres

reviennent au centre de formation, on y

continue de prendre soin d’eux ou ils

peuvent aussi être confiés à des civils.

D’excellents renifleursCloé, la jeune chienne de 5 ans, en est

encore loin. Son excellent nez lui permet

de sentir la personne cible à cent mètres de

distance. Elle possède environ 200 millions

de cellules olfactives, un nez humain n’en

possède qu’une infime partie. Lorsque

le sergent-chef K ouvre la portière de son

véhicule et donne l’ordre, tout va très vite :

Clóe fonce sur le pickup à 40 km/h. Quelques

mètres avant, elle saute d’un bond par la

fenêtre ouverte et plante ses dents dans

l’avant-bras de Mustafa G. Les soldats de la

Bundeswehr qui arrivent ont alors la partie

facile. Au fait, existe-t-il une décoration pour

les chiens de la Bundeswehr ? « Non, il n’y en

a pas pour le moment », répond le Dr Stefan

Hampel. « Mais nous y travaillons ». Clóe

l’aurait certainement méritée.

Page 67: La lutte pour les matières premières - Draeger · Un travail de rêve sur un bateau de rêve ? Peut-être, du moins un peu ! Au quotidien, le métier de médecin de bord est surtout

Entre de bonnes mains Les vétérinaires et les soigneurs animaliers s’occupent du bien-être

des chiens dans la clinique pour chiens : de l’alimentation à la préservation de la dentition et la reconstruction

dentaire (y compris des couronnes !) jusqu’à des interventions chirurgicales délicates

67REVUE DRÄGER 19 | 1/ 2019

Page 68: La lutte pour les matières premières - Draeger · Un travail de rêve sur un bateau de rêve ? Peut-être, du moins un peu ! Au quotidien, le métier de médecin de bord est surtout

68 REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

Depuis les dernières éruptions, les pompiers locaux misent aussi sur la TECHNOLOGIE DE DÉTECTION

MOBILE DE GAZ de Dräger.

Texte : Steffan Heuer

Toujours actif : peu de volcans de la planète sont aussi actifs que le Kilauea de Hawaï. Ses coulées de lave et les pluies de cendres ont déjà fait fuir des milliers de personnes cette année

HOTSPOT

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VOLCANS SÉCURITÉ AU TRAVAIL

69REVUE DRÄGER 19 | 1 / 2019

dans le Pacifique

Darwin Okinaka est né et a grandi sur l’île de Big Island dans

l’archipel de Hawaï. En tant qu’autochtone, il sait depuis tout petit

que le paradis sous les palmiers est en fait construit sur le feu.

« J’avais déjà compris dès l’école primaire qu’il y avait au moins

un volcan actif sur notre île » raconte Okinaka, dont l’activité à

plein temps en tant que pompier professionnel consiste à éteindre

tous types de foyers d’incendie. « Il peut à tout moment entrer en

éruption, mais nous n’étions pas préparés à une activité volcanique

aussi intense. »

Le chef des pompiers locaux parle ici de l’éruption du volcan

Kilauea, qui dure depuis mai 2018, et dont les flots de lave et les pluies

de cendres ont détruit plus de 700 maisons et fait fuir des milliers de

personnes. Le mot hawaiien kilauea signifie d’ailleurs « cracher »

ou « répandre beaucoup ». Malgré leurs séismographes modernes et

leurs modèles informatiques, les géologues et les vulcanologues ne

sont pas en mesure de prédire quelle sera la durée d’une éruption ni

quand elle reprendra en intensité (après une relative accalmie). Ils

savent cependant qu’ils doivent garder le Kilauea sous surveillance

avec un réseau serré de stations de mesure et de capteurs – car de

plus en plus de lotissements sont construits à proximité immédiate

du volcan et que des gaz jaillissent des anciennes et des nouvelles

failles. Avant tout, le dioxyde de souffre (SO2) qui est invisible. Les

gaz menacent également des localités plus éloignées. Mais sans ces

gigantesques éruptions volcaniques, Hawaï n’existerait pas. Les

huit îles principales (et de nombreux petits îlots) doivent leur

formation à la lave provenant du manteau magmatique, qui se fraye

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SÉCURITÉ AU TRAVAIL VOLCANS

70 REVUE DRÄGER 19 | 1/ 2019

Rester à distancePlus de 700 maisons ont été détruites par le volcan Kilauea depuis mai 2018. Les pompiers de Hawaï sont depuis lors équipés aussi de détecteurs de gaz portables Dräger lors de leurs interventions

un chemin vers la surface au niveau du point chaud permanent

situé sous la plaque pacifique qui se déplace lentement.

Un nuage de cendres a parcouru 3 700 kilomètres au sud-ouestLes volcans boucliers en sont le résultat : d’immenses montagnes

de lave solidifiée, qui se dressent vers le ciel depuis le plancher

océanique situé à des kilomètres de profondeur. Les sommets

d’Hawaï sont ainsi à strictement parler les plus hauts du monde.

Le volcan Mauna Kea situé au nord du Kilauea n’a certes qu’une

altitude de 4 205 mètres au-dessus du niveau de la mer, mais

depuis sa base au fond de l’océan, il atteint 10 200 mètres. Il fait

ainsi de l’ombre au mont Everest lui-même (8 848 mètres). De

tous les volcans du chapelet d’îles, aucun n’a cependant cau-

sé autant de dévastations que le Kilauea. Sa dernière grande

éruption, à la fin du 18ème siècle, avait coûté la vie à plusieurs

centaines de personnes. « Le Kilauea ne donne aucun signe de

vouloir se calmer dans un avenir proche et ses abords ne sont

plus inhabités depuis longtemps », fait remarquer Okinaka. Il

est d’autant plus important que les volcanologues, l’Agence de

protection de l’environnement et le Ministère de la Santé de

l’État de Hawaï aient installé tout autour du volcan des capteurs

qui mesurent la concentration de plusieurs gaz et en informent

la population. On peut par exemple suivre le Vog en temps réel

sur la page officielle du Hawaii Interagency Vog Information Dashboard : un smog volcanique toxique composé de vapeur

d‘eau, de dioxyde de carbone et de soufre. Lorsque du SO2 est

libéré dans l’atmosphère, il réagit avec l’oxygène, la vapeur d’eau

et la lumière solaire. Il se forme alors des particules fines qui,

selon la direction du vent, peuvent également atteindre d’autres

îles. Le smog volcanique de la dernière éruption à Hawaï a ainsi

atteint en un mois les îles Marshall distantes de 3 700 kilomètres.

Des scientifiques de l’université de Hawaï, située à Manoa, ont

mis en place le projet Vog Measurement and Prediction Project pour étudier les éruptions du Kilauea des années 1983 et 2008,

afin de prévoir aussi précisément que possible le mélange toxique.

L’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) ainsi

que le ministère de la Santé de Hawaï mettent à disposition sur

leurs sites web des données constamment actualisées sur la qualité

générale de l’air et la concentration de SO2. Bien que les stations

de mesure des autorités et des scientifiques soient importantes, les

secouristes comme Okinaka ont besoin d’informations précises et

fiables sur les gaz dangereux sur leurs lieux d’intervention. C’est

pourquoi les pompiers de l’île principale disposent depuis mai 2018

de dix détecteurs portables de gaz Dräger, de modèle X-am 5000.

Cet appareil étanche à l’eau et à la poussière, de la taille d‘un

téléphone portable, peut mesurer jusqu’à cinq gaz simultanément.

« Lors de la dernière éruption il y a dix ans, lorsque des pans

du cratère central se sont effondrés et qu’il y avait eu de forts taux

de SO2 dans l’air environnant, la protection civile nous avait prê-

té des appareil de mesure que nous leur avons depuis longtemps

rendus » se souvient Okinaka. « Maintenant, nous avons enfin

nos propres appareils portatifs, que l’on peut accrocher à la veste

de feu et ainsi l’avoir toujours avec soi. Ils émettent des alertes

visuelles acoustiques et haptiques (par des vibrations) en cas de

danger. C’est à la fois sécurisant et pratique. » Le plus important

pour les pompiers, c’est le détecteur de SO2 de l’appareil. Okina-

ka a réparti les dix appareils de mesure sur les dix casernes de

pompiers de Big Island qui sont, soit à proximité immédiate du

Kilauea ou qui sont les plus menacés par les gaz et le Vog en rai-

son de la direction des vents. Environ 60 pompiers se partagent

ainsi les appareils en trois équipes. « Personne ne sait combien de

temps le Kilauea restera actif. » dit Okinaka. « Mais nous devons

nous habituer à long terme à être prêts à tout. »

Les éruptions font ici partie de la vie quotidienne.

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INFOS SERVICE

71

Sur cette page, vous trouverez quelques PRODUITS DRÄGER de ce numéro regroupés dans l’ordre d’apparition dans la revue. Chaque produit porte un code QR que vous pourrez scanner avec votre smartphone ou votre tablette pour afficher la page correspondant au produit. Vous avez encore des questions concernant un produit ou la Revue Dräger ? Alors envoyez-nous un courriel avec le code à :[email protected]

En un coup d’œil

X-plore 3500Ce demi-masque est le choix per- tinent pour une utilisation prolon-gée et en conditions extrêmes.Page 12

X-am 8000Ce détecteur de gaz mesurejusqu’à sept types de gaz et vapeurs toxiques et inflammables ainsi que l’oxygène, en mode Pompe comme en mode Diffusion.Page 12

MRC 5000 Cette chambre de sauvetage et de refuge est dotée de systèmes d’alimentation en air redondants et garantit ainsi un apport en air respiratoire propre à l’intérieur de la mine.Page 12

Fabius Tiro Cette station d’anesthésie compacte convient particulièrement bien pour les espaces restreints (p. ex. salles d’induction).Page 24

Alcotest 5820 Cet appareil permet d’effectuer facilement des tests d’alcoolémie dans l’air expiré. Il peut aussi faire des mesures passives (sans embout buccal).Page 55

MovitaCe bras plafonnier offre diverses possibilités de positionnement pour le poste de travail en salle d’opération et en soins intensifs.Page 58

Polaris 600Cette lampe opératoire offre une commande intuitive, de multiples possibilités de réglages et tout simplement un bon éclairage.Page 58

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APERÇU DÉTECTION DE GAZ PORTABLE

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Sur certains lieux de travail, tels que

les hauts fourneaux, il y a non seulement

des dangers visibles, mais aussi des

dangers invisibles : par exemple le

monoxyde de carbone (CO). Non perçu

par l’homme, ce gaz empêche le trans-

port de l’oxygène dans le sang, ce qui

peut provoquer la perte de conscience et

même entraîner la mort. L’oxygène (O2)

peut de son côté avoir une concentration

trop basse dans l’air respiratoire. En

Deux protections

présence de ces deux dangers, ce

détecteur bigaz déclenche une alarme

visuelle à 360° 1 , acoustique avec

un signal sonore 2 (un son strident

d’une intensité de 90 dB(A)) et vibratoire.

Elément de l’équipement de protection

individuelle, le Dräger Pac 8500 se fi xe

à l’aide d’une pince crocodile ( 3 ; face

arrière) sur les vêtements de travail au

niveau de la poitrine. Après appui

sur la touche OK, 4 le capteur situé

derrière le fi ltre de protection 5

interchangeable, mesure les valeurs de

concentration d’O2 et de CO (ou – pour

une autre version du Pac 8500 – de

sulfure d’hydrogène et de CO). Les

surfaces de couleurs ( 6 et 7 )

indiquent de quelle version il s’agit – ainsi

que leur disponibilité opérationnelle de

principe 8 . Si les gaz cibles atteignent

l’une des deux (ou des quatre pour

l’ oxygène) valeurs seuil fi xées (ou

ajustées individuellement), la triple

alarme se déclenche. Le porteur doit

alors prendre les mesures appropriées.

L’écran 9 affi che le gaz détecté 10 ,

sa concentration 11 ainsi que l’état

de la pile 12 qui selon le modèle

d’appareil garantit un fonctionnement

d’un à deux ans. L’utilisation d’une

batterie haute performance remplaçable

par le client était l’une des exigences des

utilisateurs, qui considèrent que c’est

le seul moyen d’assurer la protection

contre les explosions. Le boîtier 13 est

étanche à la poussière et à l’eau (selon

la classe de protection IP68). Certains

affi chages et fonctions peuvent

être pilotés via la 14 touche Menu.

Impossible de ne pas le voir ou

l’entendre:Ce détecteur de gaz

envoie un signal visuel et acoustique à son

porteur en cas de taux d’oxygène trop faible ou de monoxyde de

carbone trop important dans l’air ambiant

valent mieux qu’une

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