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S. LEITENBERGER LA LUZERNE, REINE DES FOURRAGÈRES dossier LUZERNE 14

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LA LUZERNE, REINEDES FOURRAGÈRES

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Grande richesse en protéines, bon comportement en cas de sécheresse,des atouts agronomiques et environnementaux, et cerise sur le gâteau

une nouvelle aide de la PAC l’année de son implantation. La luzerne a denombreux atouts pour faire un grand retour dans les élevages.

La luzerne est une plante formidable. C’est d’abordune source inégalée de protéines, loin devant lesoja et le pois si l’on ramène à l’hectare leursperformances. La luzerne contient 15 à 25 % dematières azotées selon le stade et la coupe.

C’est aussi une légumineuse, capable de fixer l’azotede l’air, qui se passe d’engrais minéral azoté. Elle permetainsi des économies et améliore le bilan environne-mental par rapport à d’autres cultures fourragères. Laluzerne joue aussi un rôle important de couverture natu-relle du sol pendant plusieurs années, qui le préservedes problèmes d’érosion ou de ruissellement. Enfin, sesracines jouent le rôle d’un filtre à nitrates. Si le sol estriche en azote, la luzerne est capable de l’utiliser préfé-rentiellement au lieu de l’azote atmosphérique.Autre qualité qui se rappelle auxéleveurs de plus en plus depuisquelques années, la luzernesupporte très bien la sécheressedans la mesure où le sol est fissurépour permettre aux racines dedescendre. « Par rapport au chan-gement climatique, la luzerne est la plante qui semble lemieux tirer son épingle du jeu, quel que soit le scénarioenvisagé », selon Jean-Christophe Moreau de l’Institutde l’élevage.C’est aussi un très bon précédent cultural. La décom-position progressive des racines, porteuses de nodo-sités riches en protéines, fournit un apport d’azote quis’ajoute à la minéralisation normale de la matière orga-nique du sol. Cet apport peut représenter 30 à 50 unitésd’azote par hectare pour la première année. Il se faitsentir aussi la deuxième, voire la troisième année. Cetteculture s’avère excellente pour la structure profonde dusol. Son système racinaire très développé, avec un pivotet des racines secondaires, peut descendre très profon-dément.Par ailleurs, la luzerne n’est pas concernée par les avan-cées récentes en matière de biotechnologie et de produc-

tion d’organismes génétiquement modifiés. Elle est unmoyen de faciliter la traçabilité de l’alimentation desbovins.Et pour finir, une aide à l’implantation de nouvellessurfaces est mise en place en 2010 dans le cadre del’application du bilan de santé de la PAC. Les légumi-neuses fourragères éligibles sont les suivantes : trèfle,sainfoin et luzerne. Elles peuvent être implantées puresou en mélanges de légumineuses. Les associations deluzerne avec une graminée sont donc exclues de cedispositif. « L’enveloppe pour cette mesure est d’un milliond’euros par an et le montant s’élèvera au mieux à150 euros par hectare », explique l’APCA. Si l’enve-loppe réservée à cette mesure est dépensée, un stabili-sateur sera en effet appliqué. A l’inverse, si l’enveloppe

n’était pas dépensée, elle abonde-rait l’aide aux protéagineux. Pourpouvoir bénéficier de cette aide,la luzerne doit être implantée surune surface qui l’année précédenteétait déclarée en COP (céréalesoléo-protéagineux). La demande

d’aide est automatique par le biais de la déclaration desurfaces. L’aide est donnée uniquement l’année de l’im-plantation.Côté rationnement, la luzerne trouve facilement sa placedans l’alimentation des systèmes bovins viande. Elleest connue pour son appétence sous toutes ses formes :attention de faire en sorte que chacun ait bien sa placeà l’auge pour manger ! Elle apporte une combinaisonintéressante de minéraux et oligo-éléments. Elle est richeen vitamines B, C et E et en carotène provitamine A,favorable à la fertilité. La luzerne s’avère relativementpauvre en sucres et amidon. L’essentiel de l’énergiequ’elle apporte provient des parois cellulaires, struc-turée sous forme de fibres.Ce dossier rassemble les éléments de la conduite de laluzerne qui pourront vous aider à profiter pleinementde toutes ses qualités. ! Sophie Bourgeois

P16 Des progrèssur la résistanceaux maladies etla digestibilitéSélection

P18 Pasuniquementsur les argilo-calcairesImplantation de la luzerne

P22 Technicité etdélicatesse, gagesd’une récolte réussieCulture

P24 Cinq modesd’exploitationLes différentsconditionnements

P28 De la luzernedans toutes les rationsA l’EARL Le FlecheScheepers, dans le Cher

P32 Le foin deluzerne complètel’ensilage de maïsDans la Vienne àl’EARL Barbotin

La luzerne supporte très bien la sécheresse. Par rapport

au changement climatique, c’estla culture fourragère qui semble la

mieux à même de tirer son épingle du jeu.

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dossier luzerne16

Sélection

Des progrès sur la résistance aux maladies et la digestibilité

La résistance génétique aux maladies est toujours très importantepour le choix d’une variété de luzerne, étant donné la faiblessedes autres moyens de lutte. La teneur en protéines et ladigestibilité sont des voies importantes de progrès.

Le rendement annuel fait toujours partiedes objectifs de sélection de la luzerne,même si les marges de progrès ne sont

probablement pas très importantes »,explique Bernadette Julier, de l’Inra deLusignan. En effet, le rendement d’unefourragère est beaucoup plus difficile àfaire progresser que celui d’une céréale.Elle est le fait d’une production de tigeset de feuilles créées par photosynthèse defaçon proportionnelle au rayonnementintercepté, sur plusieurs cycles. La sélec-tion sur le rendement est beaucoup plusrapide quand on s’intéresse à des plantespour leur production de grains, commec’est le cas pour les céréales. « Le rende-ment de la luzerne en troisième année faitpartie des critères intéressants pris encompte en sélection. Il est associé à la péren-nité », précise Bernadette Julier. La répar-

tition du rendement dans l’année, en parti-culier entre le printemps et l’automne, estaussi travaillée.« La résistance à la verse a beaucoupprogressé sur la luzerne et on est arrivé àdes niveaux très satisfaisants. » Ladormance a fait aussi l’objet de beaucoupd’attention de la part des sélectionneurs.Le repos végétatif hivernal est en fait uneadaptation de la plante pour supporter lesfroids hivernaux. La dormance des variétésde luzerne utilisées en France varie de 3à 7, sachant que les notes 6 et 8 corres-pondent aux régions Sud et Ouest. Unenote faible correspond à une dormanceélevée, c’est-à-dire à un repos végétatifprécoce à l’automne et un redémarrage

tardif au printemps. Les variétés à faibledormance produisent un peu moins enpremier cycle et davantage sur les cyclessuivants, en été et à l’automne.« Aujourd’hui, la dormance n’est presqueplus un critère de sélection. Les semencierstravaillent au sein des gammes de dormancequ’ils ont obtenues », commente Berna-dette Julier. Le choix d’une variété àdormance adaptée aux conditions clima-tiques locales reste cependant important.« La première année, on ne voit pas de diffé-rence en terme de densité. Par contre, si labonne dormance n’est pas employée dansla bonne zone, des problèmes de pérennitéapparaissent dès la troisième. Avec leréchauffement climatique, la culture de cesluzernes moins dormantes remonte vers leNord », selon Dominique Noël, de Baren-brug Tourneur Recherches.

DES ACQUIS SUR LE FRONT DES MALADIESDe grands progrès ont été obtenus sur larésistance au verticillium. L’améliorationde la résistance à l’anthracnose a été plusrapide et a constitué une avancée impor-tante dans l’amélioration génétique de laluzerne. Concernant les nématodes destiges, une tolérance forte est aujourd’huiatteinte. « On peut craindre cependant l’ap-parition sur les luzernes françaises d’au-tres maladies. Par exemple l’aphanomycesdu pois attaque les luzernes aux USA. Maisla race française de ces parasites n’entrepas dans les luzernières. Nous avons aussiquelques témoignages de parcelles de luzernetouchées par le rhizoctone violet, unemaladie répandue sur carottes et asperges »,explique Bernadette Julier. « Mais sansvouloir être trop optimiste, à chaque foisqu’une résistance à une maladie a été cher-chée sur la luzerne, elle a été trouvée. »

Depuis 2009, un indicateur de la diges-tibilité fait partie des critères officiels d’ins-cription des variétés.

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grosses tiges pleines decellulose bien digestibles,et des tiges fines riches enlignine peu digestibles…La grosseur des tiges jouepar contre sur l’appétencepour les ovins et caprins -sachant que les bovins trou-vent toutes les luzernes trèsappétentes, sous toutes lesformes. « La taille des tigesagit aussi sur la facilité àréussir le foin. Il est intéres-sant d’avoir des tiges pastrop grosses qui sèchent àpeu près à la même vitesseque les feuilles », expliquePhilippe Gratadou de Jouf-fray Drillaud.Xavier Lacan, de RAGT,

estime qu’« une bonne variété doit aussine pas prendre trop de place dans le rumen,et pour ceci il faut des tiges fines. A cettecondition, la luzerne peut jouer les deuxrôles qu’on attend d’elle par rapport auxautres fourragères, l’apport de protéineset de fibres. »

INTÉRÊT DES MÉLANGES AVEC DES GRAMINÉESL’adaptation au pâturage n’est pas vrai-ment travaillée par les sélectionneurs fran-çais. Il existe cependant une variété detype pâture inscrite en 1993 par l’Inra(Luzelle), avec un port plus prostré et quisupporte mieux le piétinement.Il existe d’autre part un type de luzernes« Marais de l’Ouest » qui présente la parti-cularité d’être adapté aux sols hydromor-phes. Aucune variété de ce type ne figureau catalogue.Aux USA, la luzerne est sélec-tionnée pour s’adapter à des sols à pH« bas ». « En France, cela ne serait pas vrai-ment pertinent. Les sols sont moins acides

qu’ils n’étaient avec la pratique du chau-lage. D’autre part, il y a déjà des opportu-nités pour obtenir des luzernes rendant debons services aux éleveurs dans des zonesréputées à sols acides », estime BernadetteJulier.« La luzerne supporte très bien les fortestempératures. Et sur le plan de la toléranceà la sécheresse, elle est bien placée. Ce n’estdonc pas un aspect prioritaire de sa sélec-tion. Mais on pourrait chercher à améliorerla survie des plantes par le biais d’un enra-cinement encore plus profond, ainsi quel’efficacité de l’utilisation de l’eau pourproduire de la biomasse », selon Berna-dette Julier.« L’avenir est à la culture de la luzerne enmélange avec des graminées. On y travaillebeaucoup et ceci pourrait faire changer lesaxes de sélection », explique DominiqueNoël de Barenbrug Tourneur Recherches.La synergie entre espèces et variétés, larépartition du rendement dans l’année,…par exemple, pourraient être travailléesdifféremment. ! Sophie Bourgeois

La richesse en protéines de la luzerne estsélectionnée depuis longtemps. Elle neprogresse pas très rapidement,mais sachantqu’elle varie entre 15 et 25 % selon le stadede la plante, quand 1 % de progrès estacquis, cela représente de grosses quan-tités d’azote produites à l’hectare. Depuis2009, un indicateur de la digestibilité - lateneur en fibres ADF (acid detergent fiber),calculée par équations à partir d’analysesde la plante par spectrométrie dans leproche infra-rouge - est entré dans lescritères officiels d’inscription des variétés.« Ceci représente une voie intéressante etaccessible de progrès pour la luzerne »,estime Bernadatte Julier.Teneur en protéineset digestibilité vont généralement dans lemême sens, mais ce n’est pas systéma-tique. Cet effort de sélection doit se fairesans lâcher sur les acquis de la résistanceà la verse. « Nous avons montré aussi qu’iln’y a pas de lien direct entre la grosseurdes tiges et la digestibilité », précise aussiBernadette Julier. Il existe par exemple de

CONDUITE DES LUZERNES

La pérennité n’est pas que génétique

La pérennité fait l’objet d’une forte demande de la part deséleveurs, qui souhaitent conserver leurs luzernières cinq ans.La pérennité est un critère global dans lequel la résistanceaux maladies joue un rôle important. Le poids des engins qui passent plus tôt et plus souvent dansles parcelles peut conduire à tasser le sol et à altérer le fonc-tionnement des nodosités de la plante. La lutte contre lesadventices, qui se joue aussi par une bonne implantation, etla fertilisation potassique participent à la pérennité. Enfinune bonne exploitation - rythme et hauteur de coupe - estaussi très importante pour permettre aux plantes de redé-marrer après chaque récolte à partir des bourgeons en utili-sant les réserves reconstituées dans les racines.

Medicago sativaLa luzerne est une plante allogame (la fécon-dation se fait par du pollen issu d’une autreplante). Les variétés cultivées aujourd’huisont des populations synthétiques, au seindesquelles existe une grande diversité géné-tique, et elles sont tétraploïdes. Deuxespèces en sont à l’origine: Medicago sativaà fleurs violettes, originaire du Caucase, etMedicago falcata à fleurs jaunes, originairedes steppes d’Asie. La culture de la luzerneest très ancienne, elle remonterait à plusde 9 000 ans dans les hauts plateaux duMoyen Orient.

EN SAVOIR PLUS

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stagner en surface après un épisodepluvieux », souligne Hervé Feugère,responsable production fourragère à lachambre d’agriculture de la Creuse. Lesbactéries qui fixent l’azote de l’air et enfournissent ensuite à la luzerne ont besoind’oxygène. Une luzerne dans un sol aupH neutre mais avec les pieds dans l’eausouffrira davantage qu’une luzerne dansun sol très légèrement acide mais

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Implantation de la luzerne

Pas uniquement sur les argilo-calcaires

Avant d’envisager un semis de luzerne, il convient d’abord de sepencher sur les contraintes agronomiques de ses parcelles. PH ethydromophie sont à surveiller de près.

Pour mettre en place une luzernière,un bon argilo-calcaire profond estbien entendu l’idéal, mais la luzerne

est aussi en mesure de donner de bonsrésultats dans des parcelles à moindrepotentiel. La connaissance du pH estune première chose. A partir de 5,5 onpeut envisager cette culture à la seulecondition de mettre en œuvre des mesurescorrectives visant à faire remonter cechiffre à plus de 6. Mais c’est seulementà partir d’un pH de 6,2 à 6,5 que cetteplante sera véritablement à l’aise. L’autredonnée agronomique à ne sourtout pasocculter concerne le degré d’hydromo-phie des sols. « Il faut des terrains quidrainent énormément. L’eau ne doit pas

Avant un semis de fin d’été l’éventuellabour et la préparation du sol doivent êtreréalisés dans le laps de temps le plus courtpossible afin d’éviter les pertes d’humidité.

!"

SI LE PH EST SUPÉRIEUR À 6,5

Un chaulage d’entretien

La luzerne exporte 30 kg/ha/an de CaOpar tonne de matière sèche récoltée. Horssituation de chaulage de redressementpour un sol acide, il suffira de compenserles 200 à 300 kilos de CaO exportés. Si lepH est supérieur à 6,5, un chaulage d’en-tretien est suffisant.

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QUANTITÉ D’ÉLÉMENTS EXPORTÉSPOUR 1 T MS RÉCOLTÉE/HA

Le rôle clé de la potasse

CaO

K2O

P2O2Mgo 3,3 kg

6 kg

27 kg

30 kg

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n’assure pas pour autant la réussite del’implantation. Mieux vaut privilégier unbon travail du sol pour un beau lit desemences puis un retassement de cedernier après semis pour faciliter les

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remontées d’humidité et mettre toutesles chances de son côté.Dans le cas de semis de printemps souscouvert d’une orge, la dose évaluée pourla semence de luzerne est de 25 kg/ha etla densité pour la céréale est de 300grains/m2. Il est ensuite conseillé de semerles deux cultures le même jour, une foisla période de grand froid terminée. Si lacéréale doit être moissonnée, il est impé-ratif de ramasser la paille très rapidementaprès la récolte, car elle peut étouffer lesjeunes plantules de luzerne.Si elle est semée en mélange avec d’au-tres espèces fourragères, la dose est àaffiner suivant ce qui se pratique habi-tuellement dans la région. « Dans laCreuse, un mélange qui marche bien est15 kilos de luzerne associés à 3 kg detrèfle violet complétés par 10 kilos dedactyle ou de fétuque », souligne HervéFeugère. ! François d’Alteroche

parfaitement sain. « La nature dusous-sol doit aussi permettre à la plantede s’enraciner profondément. Le fait d’avoirun sol caillouteux n’est pas trop limitantà condition que la roche-mère soit suffi-samment fissurée pour permettre auxracines de descendre profondément »,ajoute Jean-Paul Coutard, responsablede la ferme expérimentale de Thorignéd’Anjou, dans le Maine-et-Loire.Les besoins en eau de la plante sontestimés à 50 mm pour élaborer une tonnede matière sèche par hectare. Certesréputée pour son aptitude à pousser partemps sec, les racines doivent malgré toutpouvoir descendre. Elles peuvent pros-pecter le sol jusqu’à au moins deux mètressi elles ne rencontrent pas d’obstacles surleur passage.Si toutes ces conditions sont remplies, iln’y a pas de contre-indications pour l’uti-liser en altitude jusqu’à 900 ou 1 000mètres. « A partir du moment où le pHconvient et où le sol est très drainant, ilne faut pas avoir d’œillères ! », souligneHervé Feugère. Plaine ou montagne, dansles sols qui n’ont jamais reçu de luzerneou légèrement acides, il est en revanchetoujours souhaitable d’inoculer lasemence.

FIN LIT DE SEMENCESPrintemps ou fin d’été, il existe ensuitecomme pour les prairies, deux saisonspossibles pour semer la luzerne. « L’im-plantation de printemps est souvent meil-leure qu’en fin d’été mais n’assurera alorsqu’une demi-production au cours del’année », explique une brochure du Gnis.Le semis d’été se fera sitôt la culture précé-dente levée afin de bénéficier de la fraî-cheur du sol. Il n’est cependant pasconseillé de semer au-delà du15 septembre de façon à ce que les jeunesplantules aient atteint le stade de deuxou trois feuilles trifoliées pour affronterl’arrivée des premiers froids. « Dans lesPays de la Loire, l’idéal c’est fin août débutseptembre. Il n’est pas non plus nécessairede semer dès la fin juillet juste après lamoisson. Si on sème trop tôt, les grainesvont lever, mais en août le risque de sèche-resse est encore élevé et risque de fairegriller les plantes avant l’arrivée des vraiespluies d’automne », estime Jean-PaulCoutard. Les semences de luzerne sontde petite taille (300 à 600graines/gramme). Il est important desemer en surface à 1 – 2 cm de profon-deur maximum sur un sol bien émiettéet en évitant les sols creux et les semellesde labour. Les doses préconisées s’éche-lonnent entre 22 et 28 kilos, et une forteaugmentation de la dose lors du semis

« Dans le cas du semis de printemps sous le couvertd’une céréale semée à faible densité, je préfère utiliserde l’avoine à de l’orge car avec cette dernière il fautattendre la moisson pour donner de la lumière à laluzerne. En effet, il n’est pas conseillé de faire du foind’orge fauché en vert à cause des barbes de l’épi.

Avec de l’avoine semée à 70-80 kilos par hectare si on juge que la céréaleconcurrence trop la luzerne en pleine période de végétation, il est possiblede la faucher au stade laiteux pâteux sans attendre la maturation desgrains. Cela permet d’obtenir un foin qui équivaut à peu près à celuirécolté sur une prairie naturelle. De cette façon il est possible de donnerde la lumière aux jeunes plantules de luzerne plus tôt que si elles avaientdû attendre que l’avoine arrive à maturité pour être moissonnée. »

Jean-Paul Coutard, responsable technique de laferme expérimentale de Thorigné d’Anjou, dans leMaine-et-Loire

FERTILISATION

Gourmande en potasse

Certes, la luzerne ne nécessite pas de fertilisation particulière en azotepour pousser. Elle est en revanche exigeante en potasse. Si la luzernièreest fauchée quatre fois par an, les exportations sont de l’ordre de 25 kgde K2O/tonne de matière sèche récoltée. Le niveau des apports doit doncêtre de l’ordre de 250 à 300 unités par an. Sur des fermes d’élevage, ilfaut d’abord travailler avec les fumures animales. Le fumier ou le compostne doit pas être épandu en période végétative mais l’hiver et seulementsi le sol est très portant. La luzerne déteste être matraquée en condi-tions trop humides.Pour bien compenser les exportations de potassium, Hervé Feugèreconseille aussi un apport systématique de 80 unités de potasse parhectare juste après la première coupe pour optimiser les suivantes. « Ilest souhaitable de raisonner la fertilisation potassique sous forme de chlo-rure de potassium presque de la même façon qu’une fertilisation azotéesur une prairie de graminées ! »

AVIS D’EXPERT

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Si la luzerne est semée en associationavec une graminée, il faut éviter le RGA, etpréférer le dactyle ou la fétuque.

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dossier luzerne22

Culture

Technicité et délicatesse,gages d’une récolte réussie

Plusieurs modes de récolte se combinent pour tirer le meilleurparti de la luzerne. Différentes clés sont à connaître pour assurerla qualité des stocks.

Ensilage, enrubannage, foin, affoura-gement en vert, pâturage… le choixest large. Selon Christelle Récopé,

conseillère fourrage à la chambre d’agri-culture de l’Oise, le mode d’exploitationest orienté en fonction de la décision del’exploitant d’être autonome en fibre (foin),en azote ou en protéine (ensilage) maisaussi suivant les conditions climatiques.Souvent il est observé qu’en culture pure,l’ensilage avec préfanage est préféré aufoin pour la première coupe, procurantainsi plus de sécurité sur les conditionsclimatiques de début de printemps. Ladeuxième et la troisième coupe sont géné-ralement en foin. La quatrième coupe,dont le rendement est plus faible, réaliséeà l’automne avec une météo souvent

instable, est exploitée en enrubannage. Lechoix de la date de la première coupe estdéterminé par la destination du fourrageet de l’utilisation des repousses. La meil-leure date de fauche est un compromis

entre rendement etqualité. Plus on récoltetard, plus le rendementen matière sècheaugmente et plus lavaleur alimentaire chute.« Le temps d’attenteentre deux coupes est

déterminé par les conditions pédoclimati-ques, mais un délai de quatre à cinqsemaines est nécessaire », précise DelphineBreton, con- seillère prairies de la chambred’agriculture de la Vendée.

PÉRENNITÉ« Lorsque l’on réalise la première coupe,une bonne observation des jeunes poussesde luzerne permet d’ajuster la hauteur decoupe de manière à ne pas imputer lesrepousses de la coupe suivante. Peu d’écartsde rendement doivent être constatés entreles deux premières coupes qui représentent70 % du rendement de l’année.Autrement,cela indique une mauvaise observation desjeunes pousses », explique ChristelleRécopé.Une luzernière possède une durée de viemoyenne de quatre ans. « C’est une culturetechnique à conduire, mais si on respectequelques conditions, on obtient un four-rage très intéressant, riche en matièresazotées totales et en protéines. Il faut laisserfleurir la luzerne au moins une fois dansl’année pour lui permettre de reconstituerses réserves et lui assurer ainsi une meil-leure productivité. La deuxième ou troi-sième repousse peut tout à fait monter à

Pour exploi-ter les quatrecoupes d’unecampagne,souvent plu-sieurs modesde récolte sontchoisis.

Kuhn propose un andaineur avec pick-upet tapis, permettant de respecter au mieux laluzerne. Il ramasse les feuilles sur un tapisavant de les poser au sol. Par contre, il repré-sente un coût important, il ne s’adresse doncpas à une exploitation individuelle.

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matériel de récolte pour la luzerne, il fautse renseigner sur les réglages existants desengins car tous ne possèdent pas deuxvitesses », prévient Pierre Lépée, conseillermachinisme à la chambre d’agriculture dela Creuse.Pour favoriser le séchage, Olivier Stutz-mann préconise de réaliser des andainslarges et, pour garder un maximum defeuilles dans le cas du foin, il est préférablede limiter la vitesse d’avancement et le

régime du conditionneur. L’idéal est defaucher juste après la disparition de larosée du matin entre dix heures et midi,à une hauteur de coupe d’au moins cinqcentimètres, idéalement de sept centimè-tres, favorisant ainsi une repousse rapide.« Plus la hauteur de coupe est élevée, plusle fanage et l’andainage sont aisés, leschaumes étant plus hauts, les risques derécolter des impuretés sont ainsi limités »,souligne Olivier Stutzmann. ! C. Delisle

floraison. Il est par ailleurs important dene pas implanter la luzerne sur des solshumides ou non-portants », prévient PascalePelletier, ingénieur régional fourrages d’Ar-valis-Institut du végétal à la ferme expéri-mentale des Bordes dans l’Indre.Pour assurer, une bonne repousse de laluzerne pour la campagne suivante, Chris-telle Récopé préconise de laisser sept centi-mètres de hauteur à la dernière coupe cequi laisse à la plante le temps de refaireses réserves avant les premiers froids. « Pourcela, la dernière récolte de luzerne doitavoir lieu au moins trois semaines avantles premières gelées », explique DelphineBreton. « Avec une culture de luzerne onpeut espérer obtenir 10 tMS/ha, voire 15tonnes pour un bon rendement », ajoute laconseillère.La luzerne est appréciée pour sa produc-tivité, mais redoutée pour les pertes enfeuilles qu’elle subit à la récolte. Pour unebonne qualité de fourrage, il est primor-dial à la récolte de garder le maximum defeuilles qui contiennent en effet près de70 % des protéines et 90 % des vitamineset minéraux. Les pertes sont principale-ment dues à la différence de vitesse deséchage entre les tiges et les feuilles. Plusle fourrage reste au sol avant condition-nement et plus les pertes peuvent êtreimportantes.

LIMITER LES PERTES DE FEUILLES« Pour la fauche, de nombreux matérielspeuvent convenir mais l’idéal est d’utiliserune faucheuse conditionneuse à rouleaux.La luzerne est une plante qui sèche lente-ment, l’utilisation d’une conditionneusepermet une dessiccation rapide et homo-gène des feuilles et des tiges. Ce matérielcomposé de rouleaux est peu agressif etpréserve ainsi les feuilles », explique OlivierStutzmann, responsable produits récoltesdes fourrages Kuhn.Ce type d’outil est intéressant, mais il repré-sente un coût plus important. En dessousde 20 à 30 % de luzerne dans la rationalimentaire, Kuhn recommande de resteren système de travail conventionnel. Lafaucheuse à rouleaux est plus adaptée auxsecteurs où il se fait beaucoup de luzerneet aux besoins des Cuma ou entrepreneurs.Moins coûteuse, l’utilisation d’unefaucheuse conditionneuse à doigts imposecertaines précautions : la vitesse de rota-tion du conditionneur doit être abaisséede l’ordre de 600 tr/min au lieu de 900à 1000 tr/min et l’intensité des tôles, régléeau minimum. « Bien souvent, une faucheusesans conditionneuse suffit pour la récoltedu foin, à condition d’avoir ensuite suffi-samment de jours de beau temps », préciseOlivier Stuzmann. « Lors de l’achat d’un

ÉVOLUTION DE LA CROISSANCE ET DES RÉSERVES RACINAIRES À LA PREMIÈREPOUSSE OU APRÈS UNE COUPE

Les réserves sont reconstituées au stade début floraison

Temps

Croissancede la plante

Luzerneà 30 cm

Bourgeonnement

Début floraison

Floraison

Réservesracinaires

Il est recom-mandé de lais-ser fleurir laluzerne aumoins une foisdans l’annéepour lui per-mettre dereconstituerses réserves etde s’assurerainsi d’unemeilleure pro-ductivité etpérennité de laculture.

LES PERTES À LA RÉCOLTE VARIENT EN FONCTION DU MODE DE CETTE DERNIÈRE

Variabilité des pertes en ensilage et foin

Pertes (en % du rendement sur pied)50

Humide Ressuyé Préfané

Ensilage

Mi-fané Foin

40

30

20

10

Pertes en cours de conservation

Teneuren MS %

Modede récolte

Pertes en cours de récolte

15

25

19

20

17

25

17

30

20

40

22

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27

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48

75

36

80

31

85

Du fourrage sur pied jusqu’à l’auge, les pertes de rendement sont variables et ceci pourdes conditions normales de récoltes. Source : Arvalis – Institut du Végétal

Source : Selon Demarly

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AP

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dossier luzerne24

Cinq modes d’exploitationObtenir un foin de qualité, une bonne conservation de l’ensilage et de l’enrubannage etéviter la météorisation des animaux au pâturage. Conseils pour bien récolter la luzerne.

LES DIFFÉRENTS CONDITIONNEMENTS

Le foin est le conditionnement de laluzerne le plus répandu en France,suivi de l’ensilage et de l’enruban-

nage. Le pâturage est possible moyen-nant quelques précautions. L’affourage-ment en vert est quant à lui en perte devitesse. « En luzerne, le travail du matinest à privilégier, et celui de l’après-midià éviter », souligne Pierre Lépée.

! Le FoinUn foin de luzerne de qualité, c’est unfoin appétent qui sent bon et qui a gardéses feuilles. Le premier objectif est doncde limiter la perte de ces dernières. Lesecond est de rentrer un foin sec qui nechauffe pas au tas pour ne pas pénalisersa valeur et son appétence. A digestibi-lité équivalente, il est mieux ingéré qu’unfoin de graminées.Disposer d’une plage de beau temps dequatre ou cinq jours est une première condi-tion pour la réussite du foin. « Une foisfauchée, la luzerne doit être le moins possiblemanipulée », conseille Christelle Récopée.Si les conditions climatiques le permet-

tent, l’absence de fanage estidéal. La plante étant fragile,il est délicat d’utiliser unefaneuse pour le foin. « L’idéalest de ne pas y avoir recours.On observe des pertes defeuilles de l’ordre de 18 à 35 %avec ce type de matériel. Dansle cas contraire, il est préfé-rable de réaliser le fanage lematin de bonne heure, quandla plante est encore humidepour éviter les pertes defeuilles, tout en limitant lavitesse de déplacement. Acontrario, l’andaineur est lematériel qui entraîne le moinsde pertes, de l’ordre de 3 à 5 %seulement », explique PierreLépée. Dans tous les cas « uneexploitation trop tardive de laluzerne en foin, surtout en

année humide est déconseillée. La coupepeut se faire à partir du stade où la floraisonest à 10 % de fleurs », indique DelphineBreton. Pour limiter les pertes de feuilles,Pierre Lépée préconise par ailleurs l’exé-cution de gros andains pour réaliser desballes rapidement, ainsi que l’utilisationde presses à chaînes et barettes, possédantde préférence un liage filet.

! L’enrubannage et l’ensilageL’ensilage et l’enrubannage ont égale-ment leurs atouts. Contrairement au foin,la problématique se pose plus en termede qualité de conservation qu’en termede récolte. Les risques de pertes de feuillessont beaucoup moins importants.L’enrubannage est une méthode complé-mentaire du foin. Cette technique permetd’avancer la date de la première coupepour obtenir un fourrage de bonne valeuralimentaire lorsqu’il est bien récolté etsuffisamment sec (50 % de MS auminimum) tout en favorisant les repousses.« L’enrubannage, en raison de son coût,est à mon avis une technique de rattra-page du foin. Elle permet de sauver unerécolte prévue en foin, si la météo estmauvaise. Par contre, si on souhaite effec-tivement faire de l’enrubannage, il

« La luzerne est cultivée depuis douze anssur aujourd’hui 20 à 25 ha. La premièrecoupe est partagée entre ensilage et foin.La deuxième et troisième, en foin. Laquatrième, s’il y a lieu, en ensilage. Celui-ci permet de ramener des protéines à bonmarché dans la ration, en avançant la datede première récolte. En ensilage, on fauchele matin, le lendemain on ensile, si le tempsle permet. L’ensilage est amené à unminimum de 30 à 40 % de matière sèche.S’il est de bonne qualité et le silo bien tassé,on n’utilise pas de conservateur. Pour larécolte du foin, le protocole est différent.Six semaines après la première coupe, cellede foin a lieu. La fauche est réalisée le matinmême pendant la rosée avec une faucheuse

conditionneuse à rouleaux qui n’abîmepas la luzerne et permet un gain de tempsau séchage. Dans les deux à trois heuresqui suivent, on fane. La luzerne n’est pastouchée jusqu’au lendemain où vers quatre-cinq heures, des andains sont réalisés etretournés le matin du troisième jour. Lesoir même, on presse. Si une plage de beautemps est annoncée, on peut reporter auquatrième jour ce travail. Par contre, il estpréférable de mettre en bottes le soir pouréviter l’humidité de la nuit. On possèdeun testeur d’humidité pour quantifierl’ajout de conservateur, si besoin. Sur unecampagne de récolte, on obtient un rende-ment de 15 voire 20 TMS contre 10 TMSen année sèche. »

« Du foin pour les deuxième et troisième coupes »Henri Piveteau, Gaec l’Amitié (Vendée)

AVIS D’ÉLEVEUR

La conservation de la luzerne en ensi-lage est plus délicate que celle du maïsmais un préfannage et un respect scrupu-leux des consignes classiques, tassement etherméticité du silo, permettent une bonneconservation.

S. B

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dossier luzerne26

« J’implante de laluzerne inoculée(25 kg/ha) en associa-tion avec un dactyle(4 à 5 kg/ha) autourdu 20 août après unecéréale. La première

coupe est réalisée en enrubannage, laseconde en foin. Pour la troisième, je faisdu foin si le temps le permet, sinon j’en-rubanne. La quatrième coupe est réservéeau pâturage des vaches taries. Je mets deslots de 20 vaches dans des parcelles detrois à quatre hectares. Avant de les laisserdans la luzernière, je leur donne du foingrossier pour qu’elles n’aient pas la panse

vide en arrivant dans la parcelle et j’endépose en permanence dans la pâture. Jene travaille pas avec un fil avant, lesanimaux piétinant le long et saccageantla luzerne. Par contre, j’utilise un fil arrièrepour que les bêtes n’ingèrent pas lesrepousses. Je mets les vaches débutoctobre, jusqu’à début novembre, mais letemps dicte les dates. Elles restent quinzejours à trois semaines sur une luzernière.L’idéal est d’avoir une petite repousse avantl’hiver pour que la luzerne reparte bien leprintemps suivant. Par contre, si lesparcelles sont trop humides, je retire lesanimaux. Je broie alors la luzerne pendantl’hiver après le gel. »

F. D

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« Les vaches pâturent la quatrième coupe »Bernard Olivier, EARL Olivier (Puy-de-Dôme).

AVIS D’ÉLEVEUR

VALEUR ALIMENTAIRE DE LA LUZERNE EN FONCTION DU MODE ET DU CYCLE DE RÉCOLTE (PAR KG DE MATIÈRE SÈCHE)Energie (UF/kg) Azote (g/kg)

% MS UFL UFV PDIA PDIN PDIE UEB

Foin

Fané au sol1er cycle bourgeonnement 85 0,67 0,58 46 110 89 1,011er cycle floraison 85 0,63 0,53 39 91 81 1,112e cycle bourgeonnementrepousses à tiges de 7 semaines

85 0,65 0,56 47 116 90 0,96

3e cycle repousses à tiges de 7 semaines 85 0,66 0,57 55 138 97 0,99

Ensi

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Brins courts avec conservateur1er cycle début bourgeonnement 18,7 0,82 0,74 27 115 70 1,03Préfané coupe fine1er cycle début bourgeonnement 33,5 0,78 0,70 31 127 72 0,97Mi-fané1er cycle début bourgeonnement 55,0 0,76 0,67 38 104 83 1,05

Four

rage

Ver

t

3e cycleRepousses à tiges de 5 semaines 21,0 0,83 0,76 42 153 92 0,95Repousses à tiges de 6 semaines 21,5 0,78 0,70 41 145 88 0,95Repousses à tiges de 7 semaines 20,5 0,78 0,78 40 142 88 0,964e cycleRepousses à tiges de 5 semaines 19,1 0,84 0,78 45 166 94 0,87Repousses à tiges de 6 semaines 20,2 0,83 0,76 44 162 93 0,89Repousses à tiges de 7 semaines 20,0 0,79 0,72 42 151 89 0,92

Source : table Inra 2007

faut alors s’orienter vers un choixde variétés à tiges fines, posant moins deproblèmes de perforation du plastique. Ilest tout de même nécessaire d’en ajouterdeux à trois tours de plus », préconiseChristelle Récopé. Il est aussi conseilléde décharger et stocker les balles vertica-lement là où l’épaisseur des couches defilm est la plus importante, réduisant ainsiles risques en cours de conservation.« L’utilisation d’un conservateur pourl’ensilage de luzerne dépend de la stra-tégie de l’éleveur mais elle est souventconseillée au moins en couverture du silo,car cette culture est pauvre en sucres utilesà l’acidification du fourrage pour seconserver », convient Delphine Breton.Les principales pertes liées à ce mode deconservation proviennent en effet du silo.Un préfanage est important pour éleverle taux de MS à au moins 30 %. Si letemps ne permet pas de le faire, il estalors recommandé d’ajouter un conser-vateur. Pour Christelle Récopé, il fautensuite s’assurer que le silo soit propre,que la luzerne contienne le moins d’im-puretés possibles et soit bien tassée. « Pourobtenir une bonne conservation, je faismettre l’ensilage de luzerne entre deuxcouches d’ensilage d’herbe de graminés. »

! Pâturage et affourage-ment en vertL’affouragement en vert, est une tech-nique en perte de vitesse car lourde enmécanisation (ensileuse à fléaux, remorque

distributrice, table d’alimentation) ettravail. Elle impose d’aller récolter le four-rage tous les jours, ce qui rend problé-matique l’ajustement de la ration en raisonde l’évolution de la valeur alimentaire decette légumineuse.Le pâturage, pratique peu courante enFrance principalement par crainte demétéorisation, est par ailleurs très utiliséeaux Etats-Unis et en Amérique du Sud.Moyennant quelques précautions, le pâtu-rage est pourtant possible. Par exemple,il faut éviter de faire pâturer les repoussesde moins de 5 semaines, phénomène

contrôlable par l’utilisation d’un fil arrière.« Le pâturage est à privilégier sur lesrepousses de fin d’été - début d’automne,période où les rendements sont plus faibles.Il est préférable de mettre les animaux surla parcelle de luzerne l’après-midi aprèsingestion de la ration du matin, ou d’herbesur une autre parcelle. On peut mettre,au moins les premiers jours, un fourragesec à disposition des animaux. Le pâtu-rage nécessite quelques précautions et dela surveillance et surtout de ne pas pâturerla luzerne en conditions humides »,explique Pascale Pelletier. ! C. D.

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dossier luzerne28

A l’EARL Le Fleche Scheepers, dans le Cher

De la luzerne danstoutes les rations

A Charenton du Cher, la luzerne s’est invitée depuis cinq ans dansl’assolement de l’EARL Le Fleche Scheepers. En ensilage pourl’élevage ou en foin pour les taurillons, elle est dans toutes les rations.

Récoltée sous forme de foin ou d’en-silage brin long, la luzerne estdevenue en quelques années l’un

des ingrédients de base des rations distri-buées aux Salers de l’EARL Le FlecheScheepers. Cette observation est vraiepour les animaux à l’engraissement commepour le cheptel reproducteur. Au départ,le choix de cette fourragère était lié à lavolonté de rendre l’exploitation plus auto-nome par rapport aux achats extérieursde matière protéique et aussi de profiterdes atouts de cette plante: économie d’en-grais azoté, amélioration de la structuredu sol, bon précédent cultural… Mais cesont aussi les bonnes performances obte-nues sur les animaux qui ont incité àaccroître l’importance des surfaces. De

plus, le prix actuel du soja les confortedans cette stratégie.

FOIN POUR L’ENGRAISSEMENTLorsqu’elle est récoltée en foin, la luzerneest réservée aux rations d’engraissement.

AntoineLe Fleche« Pour desbroutards,le foin deluzerneest le fourrage idéal pour faire une transitiondans de bonnes conditions. Très appétent, ilstimule l’activité de leur rumen avant de pas-ser à la ration d’engraissement. »

F. D

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- L’an dernier, les 324,8 ha de SAU de l’ex-ploitation étaient répartis entre 77,9 hade prairie temporaire, 59,5 ha de prairiepermanente, 58,3 ha de blé, 43,2 ha demaïs ensilage non irrigué, 27,2 ha de triti-cale, 25 ha de luzerne, 22 ha de colza et11,5 ha de maïs grain.- Les 250 Salers sont essentiellementconduites en race pure avec deux pics devêlages : début d’hiver puis début de prin-temps.Quelque 300 taurillons sont engraisséschaque année dont 50 % issus d’achatavec une majorité de Salers ou croisés.Avec un troupeau inscrit au herd-book,une partie des vaches et génisses pleinessont vendues pour la reproduction.

EN BREF

« La contrainte bâtiment fait que nous avonsdeux types de ration taurillons. Une rationsèche disponible en libre-service dans desnourrisseurs. Cette option concerne lesstabulations où nous ne pouvons pas entreravec la mélangeuse distributrice. Parallè-lement, nous réalisons aussi une rationhumide à base d’ensilage de maïs pour lesbâtiments plus récents où les cases sontplus faciles d’accès, avec à chaque fois uneration démarrage puis engraissement soitquatre rations différentes », explique AntoineLe Fleche, récemment installé avec sesparents Hervé et Anelies à Charenton,dans le sud du Cher.Le calcul et l’optimisation économique estréalisé avec Yan Mathioux, nutritionnisteindépendant dans un cabinet d’expertiseen ration mélangée qui compte deux autresassociés. Ce dernier vend seulement sesconseils. Il propose ce travail de formula-tion à la carte auprès d’éleveurs qui utili-sent une mélangeuse distributrice en travail-lant principalement à partir de matièrespremières.Les quantités de luzerne incorporées sontdéterminées en prenant d’abord en comptele niveau des stocks disponibles. « Nousavons aussi certaines contraintes pratiquesà ne pas oublier. Pour le mash en libre-service, l’objectif de formulation est 1,05UF/kg de MS et 17,2 % de protéine. Il n’yaurait pas de contre-indication sur le plan

Avec un gros ratio entre le nombre d’UGB et le nombred’UTH, les cases sur caillebotis contribuent à économiserles besoins en main-d’œuvre et en paille.

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29dossierluzerne

pales sources de protéines : un tourteau, laluzerne, mais aussi les drêches. On metaussi toujours deux céréales : maïs sousforme d’ensilage ou de grain humide broyécomplété actuellement par du triticale,toujours dans ce souci de diversification. »Le tourteau de colza est largement utilisé.Il ne serait pas non plus possible de misersur la seule luzerne comme source dematière azotée compte tenu du trop faiblestock disponible. Quant au soja, avec unprix jugé prohibitif comparativement auxautres protéines actuellement disponibles,il n’est pour l’instant pas envisagé de faireappel à lui. « Si on enlevait la luzerne pourla remplacer par du soja pour la protéineet par de la paille pour la fibre, cela nechangerait rien côté performances techni-ques. La ration serait juste un peu pluscouteuse. »Avec ce régime, les croissances oscillentautour de 1400 g pour les animaux néssur l’exploitation et 1300 g pour les JBissus d’achat avec une moyenne de poidscarcasses de 420 à 430 kg. A signalerqu’une partie des animaux sont engraissés

nutritionnel à augmenter le taux d’incor-poration du foin de luzerne. Il est actuel-lement de 11,2 % mais pour permettre aumélange de bien descendre dans les nour-risseurs, je préfère de toute façon ne pasdépasser les 15 %. Les brins de luzerne nedoivent pas non plus dépasser 3 centimè-tres de long », précise Yan Mathioux.Pour la ration « humide », le taux d’incor-poration de la luzerne est actuellement de4 %. « Dans ce type de ration, 100 % de lafibre est amenée par la luzerne. Lorsquel’on prend une poignée de la ration, il estnécessaire d’avoir ce côté un peu piquantdes tiges. Cela permet une ration aérée,stimule l’ingestion et favorise aussi le réflexede rumination.Avec un animal qui ruminebien et donc salive bien, nul besoin d’ap-porter du bicarbonate dans la ration. »

COMPROMIS COÛT/EFFICACITÉL’objectif est bien entendu d’avoir d’abordun bon compromis coût/efficacité en utili-sant en priorité fourrages et céréalesproduits sur l’exploitation. « Dans toutesles rations, il y a au moins deux princi-

« Quand on regardele prix de revient dela luzerne sur cetteexploitation et enparticulier le coût derécolte, il serait inté-

ressant d’ accroître d’un bon tiers lessurfaces cultivées. On pourrait monter à15 à 16 %, le taux d’incorporation de foinde luzerne sur le mash JB en augmentantaussi légèrement le taux d’incorporationdans la ration «humide».

Yan Mathioux,nutritionisteindépendant

AVIS D’EXPERT

dans un bâtiment sur caillebotis de façonà économiser paille et main-d’œuvre.Avecdes Salers, comparativement à ceuxengraissés sur litière, cela ne pénalise pasles croissances grâce à la solidité desaplombs. ! François d’Alteroche

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Dans une poignée de mash prise dans lenourrisseur, les brins de luzerne sont claire-ment visibles.

Quatre coupes par an Les surfaces en luzerne sont gérées

comme des cultures à part entière etne sont jamais pâturées. « Nos terres

sont assez hétérogènes. L’été, quand toutest jaune et grillé, les seules parcellesencore vertes sont celles occupées par laluzerne ! Nous avons pour l’instantréservé cette culture à des sols argilo-calcaires, mais je pense que l’on pourraitaussi avoir de bons résultats sur certainesparcelles aux sols plus sableux », souligneHervé Le Fleche.Avec le fort chargement, un bon rende-ment est impératif. « L’objectif est de laisseren place trois ans les luzernières.Au-delà,la production diminue trop. Nous avonsaussi des problèmes de cuscute surcertaines parcelles. Cela tend à faire des« ronds » qui finissent par pénaliser lerendement. Nous avons laissé une parcelleen place 4 ans, mais cela n’a pas étéconcluant.Après une luzerne on sème soitdu blé, soit du maïs. »

13 TONNES MS PAR HECTARE Les semis de luzerne ont plutôt lieu enfin d’été après moisson en privilégiantles variétés à bonne finesse de tige. Lessemences sont systématiquement inno-culées et le prix de revient de la semence

avoisine les 100 !/hectare. L’an dernier,l’automne trop sec a pénalisé le démar-rage des plantules. La plupart des parcellesdevront être ressemées ce printemps sousle couvert d’une orge.

L’objectif est de quatre coupes par an.La première fin avril-début mai en ensi-lage brin long récolté à l’auto-chargeuseen visant 40 % de matière sèche, puisdeux coupes en foin et la dernière finseptembre à nouveau en ensilage. Lesrendements sont jugés corrects. Ils étaienten 2008 de 13 tonnes matière sèche parhectare, année considérée comme« normale » mais seulement 10 tonnesl’an dernier.Les repousses ont été pénalisées par lasécheresse de fin d’été. Dans ces condi-tions, réaliser une quatrième coupe neprésentait pas d’intérêt.

BONNE MAÎTRISE DES COÛTS DE RÉCOLTEPas question d’opter pour l’enrubannage.« Ramené au kilo de matière sèche stocké,cela nous reviendrait plus cher que l’en-silage brin long d’autant que l’autochar-geuse est à nous. Et puis utiliser de l’en-rubannage dans une mélangeusedistributrice c’est loin d’être l’idéal comptetenu du temps de mélange nécessaire. »Le point fort de l’exploitation est la trèsbonne maîtrise des coûts de récolte quipermet d’avoir un prix de revient de 53 "

la tonne, brut, pour le foin et 17,7 " latonne pour l’ensilage. ! F. A.

PRIX DES MATIÈRES PREMIÈRES UTILISÉES ET COMPOSITION DES RATIONS D’ENGRAISSEMENT EN % DE MS BRUTE/KGBRUT DE RATION

Prix d’achatou de cession des

matières premièresutilisées

(en euros/tonne deproduit brut)

Composition dela ration sèche

en phasede démarrage

(en % de matièrepremière brute parkilo brut de ration)

Composition de la ration sèche

en cours d’engraissement(en % de matière

première brute par kilobrut de ration)

Composition de laration humide en

phase de démarrage(en % de matière

première brute par kilobrut de ration)

Composition dela ration humide

en cours d’engraissement(en % de matière

première brute parkilo brut de ration)

Paille 5,02% 0% 0% 0%Foin de luzerne 53 5,86% 11,2% 4,37% 3,92%Pulpe de betterave déshydratée 113 7,53% 7,23% 4,05% 4,41%Tourteau de colza déshuilé 193 15,10% 10,4% 12% 7,35%Triticale 110 25,1% 32,1% 6,24% 7,35%Drêche de blé de distillerie déshydraté 200 10,9% 9,64% 6,86% 7,35%Maïs grain humide 105 29,3% 28,1% 9,36% 9,8%Lithotamne 327 0,837% 0,803% 0,468% 0,490%Ensilage de maïs 70 0% 0% 56,10% 58,8%Premix, oligo urée Lithotame 500 1,2% 1,2% 0,6% 0,6%Prix de revient de la ration en !/kilo de MS 0,127 0,122 0,137 0,131 Compte tenu de la composition des rations et du prix de revient des matières premières utilisées, pour des taurillons d’un poids vif d’environ500 kg consommant une moyenne de 25 kg bruts/tête de ration « humide », le coût journalier alimentaire est de 1,775 !/jour. Pour lesmêmes animaux en ration sèche consommant 12 kg de mash /jour, le coût journalier est à peine de 1,5 !/jour, en considérant comme négli-geable le coût de la paille alimentaire consommée au râtelier.Le fait que la ration humide soit plus coûteuse que le mash est lié aux rendements moyens pour l’ensilage de maïs (environ 12 tMS/ha en2009) mais surtout à la chute spectaculaire du prix des céréales et à des prix d’achat des matières premières dans l’ensemble assez biennégociés. « Dans le contexte actuel, pour que le maïs ensilage soit vraiment intéressant dans les rations, il faut un rendement qui franchisseallègrement le seuil des 10 tMS. A partir de 15 tonnes, il n’y a guère de discussion possible, mais en-deçà les chiffres méritent d’être analysésavec attention », souligne Yan Mathioux.

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dossier luzerne32

Dans la Vienne à l’EARL Barbotin

Le foin de luzerne complètel’ensilage de maïs

Avec un système fourrager basé sur le maïs ensilage, les huithectares de luzerne récoltés sous forme de foin apportent uncomplément très efficace pour conduire de façon intensive etéconomique le troupeau limousin.

Sur l’exploitation deNicolas Barbotin, àOrches dans la

Vienne, les sols argilo-calcaires se prêtent presquepartout à la culture de laluzerne. La légumineuseoccupe selon les années de 7 à 10 hectares,et fournit avec une récolte totale de 10 à12 tonnes de matière sèche, une part consé-quente de la complémentation azotée dumaïs ensilage, ration de base du troupeautoute l’année. Nicolas Barbotin ensile eneffet une vingtaine d’hectares de maïs surdes terres assez argileuses, non irriguées,rendant 15 à 16 tonnes de matière sèche.Le maïs constitue la ration de base desjeunes bovins à l’engraissement et lesvaches en consomment aussi toute l’année,

en complé-ment du pâtu-rage ou dufoin.

La luzerne est en rotation entre un blé etun maïs et les parcelles sont toujours conser-vées trois ans. « La quatrième année, lerendement est souvent en baisse et je préfèreles retourner », explique Nicolas Barbotin.La conduite de la luzerne est très simple.Elle est semée à l’automne. La premièreannée d’exploitation, l’éleveur obtient unepremière coupe peu fournie puis deuxcoupes correctes. Il n’y a pas besoin dechaulage et il se passe d’inoculation.Aucundésherbage n’est pratiqué. « Je travaille

en techniques culturales simplifiées pourla luzerne. C’est surtout les repousses deblé qui sont gênantes. Je passe faucher oubroyer début mars si la portance du sol lepermet », explique Nicolas Barbotin. Ilapporte seulement du super phospate, lesterres étant assez riches en potasse.

TROIS À QUATRE COUPES RÉCOLTÉES EN FOINLa luzerne est récoltée uniquement sousforme de foin. « J’ai fait le choix dem’équiper complètement pour la fenaison,avec du matériel permettant un grand débit.Cela représente un certain coût, mais c’estle moyen pour moi d’assurer la qualité desstocks de luzerne sans empiéter sur lesautres travaux d’été. Ce matériel dureraaussi un certain temps. » C’est ce point dequalité des stocks qui est le plus contrai-gnant de la conduite de la luzerne auxyeux de l’éleveur. « Pour éviter les pertesde feuilles en cours de fenaison, un créneaude trois ou quatre heures est adapté pourandainer ou presser sans qu’il ne fasse tropchaud ou trop humide. Je ne travaille pasla nuit car j’ai d’autres travaux à assurerle lendemain à cette période », expliqueNicolas Barbotin. Il n’a eu recours à l’en-rubannage qu’exceptionnellement cesdernières années.La première coupe, plus grossière, estréservée aux génisses de 2 ans qui restenten bâtiment toute l’année. Les animaux àforts besoins – génisses d’1 an et vachesà l’engrais – consomment en priorité lesdeuxième et troisième coupes.La première coupe est réalisée en mai, leplus tôt possible dans le mois en fonctionde la météo. Il faut avoir trois à quatrejours de beau temps devant soi. « Je passela conditionneuse à doigts pour cettepremière récolte seulement. Le lendemain,

NicolasBarbotin,éleveurdans laVienne.« Les vaches àl’engrais dis-posent àvolonté defoin deluzerne etd’ensilage de maïs. »

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! SAU: 186 ha: maïs: 33 ha dont une ving-taine sont ensilés ; blé dur : 23 ha ; blétendre : 62 ha ; melons : 24 ha ; luzerne :9 ha ; prairies naturelles pâturées : 18 ha ;prairies de fauche en fétuque : 17 ha! 80 Limousines en système naisseurengraisseur

CHIFFRES CLÉS

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RÉUSSIR BOVINS VIANDE • janvier 2010 • N° 167

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ou de foin de fétuque est apportée. Pourles génisses, plus nombreuses par case, lesbottes de foin sont par contre complète-ment déroulées devant les cornadis. L’en-silage de maïs est désilé tous les deux jours,sauf parfois en cas de grosse chaleur l’été,pour les jeunes bovins. Les génisses d’1 anreçoivent du foin de luzerne en alternanceavec de la paille ainsi que dix kilos d’ensi-lage de maïs, et 500 grammes de correc-teur azoté à 40 %. Les génisses de 2 ansconsomment 8 à 10 kilos d’ensilage demaïs, et en alternance du foin de luzerneet de la paille. Les vaches à l’engrais dispo-sent à volonté d’ensilage de maïs et de foinde luzerne, avec un concentré composé de4 kilos de céréales et 1,5 kilo de correcteurazoté. La luzerne entre aussi dans la ration

des jeunes bovins. Ils en consomment 500 gmélangés à 10 kilos d’ensilage de maïs. Lacomplémentation est ainsi composée de4 kilos de blé et 1,3 kilo de correcteur. Lesjeunes bovins réalisent des croissances de1350 grammes par jour, en moyenne, entrela naissance et l’abattage et sont abattus à14-15 mois (400 à 410 kilos de carcasse).Les primipares ont elles aussi du foin deluzerne en alternance avec du foin defétuque. L’ensilage de maïs entre dans leurration après vêlage. Par contre, il n’est paspossible de rationner correctement la luzerneen mode simplifié, à la cinquantaine demultipares, étant donné leur mode de loge-ment. Les mères sont donc après vêlageau régime ensilage de maïs et foin defétuque. ! Sophie Bourgeois

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Le foin de pre-mière coupe estconsommé principa-lement par les génis-ses de 2 ans. Lesdeuxième et troi-sième coupes sonten priorité distri-buées aux génissesd’1 an et aux vachesà l’engrais.

je passe un double andaineur et une doubletoupie à la fraicheur du matin. Les quatrepetits andains sont regoupés et pressés soitle jour suivant si le temps le permet, soitle même jour autour de midi. » Pour lesdeuxième et troisième coupes qui inter-viennent en deuxième quinzaine de juinet en août, la luzerne sèche deux jours. Letroisième jour, elle est andainée et elle estpressée le quatrième. « Cette année, j’aiutilisé un conservateur pour la premièrefois sur le foin de première coupe. Une cuveplacée devant le tracteur pulvérise de l’acidepropionique au moment du pressage. Cefoin s’est montré appétent. » NicolasBarbotin arrive à faire en foin une quatrièmecoupe pendant la première quinzaine deseptembre si la météo lui a permis de fairesuffisamment tôt dans le mois de mai, lapremière coupe.

DISTRIBUTION SIMPLIFIÉELa distribution du foin est simplifiée. Lesbottes sont tout simplement posées devantles cornadis, à peine déroulées, et les vachesviennent se servir. Le foin est repoussé dansla journée. Quand une botte de foin deluzerne est terminée, une botte de paille

« La charge alimentation est très bienmaîtrisée à 120 ! par UGB en 2008 avec une

valorisation importante des aliments produits sur l’exploitation(ensilage maïs, céréales, luzerne) et peu d’achats de concentrés(uniquement du complémentaire azoté pour les rations d’en-graissement). Ainsi, la production autonome de viande vive estde 86 %.La bonne gestion de la reproduction, des rations et la qualitégénétique du troupeau permettent de produire 392 kg de viandevive par UGB, un chiffre très supérieur aux références limousines.En système très intensif, le coût alimentaire (alimentation + chargesSFP) d’un kilo vif produit est de 0 ! 61 en 2008. Il se rapprochedes coûts généralement observés en système plutôt extensif. Parconséquent, ramené à l’hectare de SFP, le troupeau bovins dégageune marge brute exceptionnelle à plus de 1 500 !/ha en 2008 ! »

« La production autonome de viandevive est de 86 % »Sébastien Prades, Réseau d’élevages viandebovine de la Vienne.

AVIS D’EXPERT

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