la logique, l'art de bien utiliser le mot donc

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L'art de bien utiliser les mots

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  • PHILOSOPHIE 1 1

    Luc de Brabandere Gabrielle Halpern

    La logique, l'art de bien utiliser le mot donc

    4"~ i....I 'V/JJ~ LOUVAIN Sc:hool of Management

    CENTRALE I' A R 1 S

    \ I 13

    EYR~LLES E-BOOKS

  • Sommaire

    Sommaire ........................................................................................................................ 3

    La logique, l'art de bien utiliser le mot donc. ............................ 5

    Copyright ........................................................................................................................ 7

    Du mme auteur ................................................................................................... 11

    Avant-propos ........................................................................................................... 15

    Introduction ............................................................................................................... 17

    Chapitre 1 : La logique classique Une pense dploye en trois temps ......................................................... 19

    Structurer le raisonnement. ................................................................................ 23

    Mathmatiser la logique ...................................................................................... 27

    Chapitre 2 : La logique en crise Le langage n'est pas logique .......................................................................... 29

    Les paradoxes ne sont pas insignifiants ................................................... 31

    Les catgories ne sont ni dcidables ni homognes ........................ 32

    Chapitre 3 : Une nouvelle logique Mme les mots simples sont compliqus ................................................. 35

    Rconcilier logique et langage ....................................................................... 37

    Traiter les paradoxes par la logique des classes ................................. 39

    Apparenter au lieu de catgoriser ................................................................ 4 1

    3

  • Solutions des exercices .............................................................................. 45

    Rfrences bibliographiques ................................................................. 47

    Eyrolles sur Twitter et Facebook ..................................................... ..49

    4

  • LA LOGIQUE, L'ART DE BIEN UTILISER LE MOT DONC

  • Copyright Groupe Eyrolles

    61, bd Saint-Germain 75240 Paris Cedex 05 www.editions-eyrolles.com

    En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intgralement ou partiellement le prsent ouvrage, sur quelque support que ce soit, sans autorisation de l'diteur ou du Centre Franais d'Exploitation du Droit de copie, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris.

    Groupe Eyrolles, 2013 ISBN: 978-2-212-86895-1

    7

  • Luc de Brabandere et Gabrielle Halpern

    LA LOGIQUE, L'ART DE BIEN UTILISER LE MOT

    DONC

    EYROLLES

  • Les auteurs :

    Luc de Brabandere est ingnieur civil en mathmatiques appliques et licenci en philosophie de l'Universit Catholique de Louvain. Spcialiste de la crath~t, il est l'auteur d'une douzaine de livres qui sont devenus une rfrence en la matire.Senior Advisor du Boston Consulting Group, il pratique la philosophie en entreprise et consacre une partie croissante de son temps l'enseignement, principalement la Louvain School of Manage-ment et l'cole Centrale Paris.

    Gabrielle Halpern est diplme de deux masters 2 en Histoire de la philosophie de l'F.cole Normale Suprieure de Lyon et en Stratgie des organisations de l'Universit Paris-Dauphine. Elle conseille des dirigeants d'entreprise.

  • Du mme auteur Les Infoducs, Duculot, 1985. Le Latroscope, La Renaissance du livre, 1990.

    Qilculus, Mardaga, 1994 Theforgotten half of change, Kaplan, 2007. Petite Philosophie des histoires drles, Eyrolles, 2009, 2 dition. Petite Philosophie des grandes trouvailles, Eyrolles, 2011.

    Les Mots et les Choses de l'entreprise, Mols, 2012.

    Avec Anne Mikolajczak : La Valeur des ides, Dunod, 2007.

    Le Plaisir des ides, Dunod, 2010, 4 dition. Petite Philosophie de nos erreurs quotidiennes, Eyrolles, 2011, 2dition.

    Avec Stanislas Deprez :

    Machiavel, Erasme et More, Pearson Education (Village Mondial), 2000. Le Sens des ides, Dunod, 2004.

    Balade dans le jardin de grands philosophes, Mols, 2009.

    Avec Christophe Ribesse :

    Petite philosophie des mathmatiques vagabondes, Eyrolles, 2011.

    Avec Alan Iny :

    Thinking in new boxes, Random House, Eyrolles, 2013.

    Luc de Brabandere - [email protected] Gabrielle Halpern - [email protected]

    11

  • L'exprience fait voir que sur mille jeunes gens qui apprennent la logique,

    il n'y en a pas dix qui en sachent quelque chose six mois aprs qu'ils ont achev leurs cours ! '

    Antoine Arnauld et Pierre Nicole, 1662.

    1. Antoile Arnauk::I et Pierre Nicole, La lo{iqoo ou l'art de p61)S6r, Galinard, 2001 .

    13

  • Avant-propos L'essence de l'homme est de penser. C'est ce qui le distingue des autres tres \>vants.

    C'est ce qui lui permet de construire, d'aimer, d'inventer ou encore de se dfendre. C'tait vrai du temps de Ramss II, c'est toujours vrai auj ourd'hui. Mais nous ne pensons pourtant pas comme nos anctres. L'Histoire de l'Homme est aussi celle de sa volont de penser mieux. Il a invent des outils et des machines et, plus fondamentalement encore, il a voulu rpondre une question : comment peut-on savoir si un raisonnement est correct ? Quand peut-on tre certain que la conclusion d'une rflexion est vraie? C'est ainsi qu'est ne dans la Grce antique une science qui semble plus que j amais d'actualit: la logique.

    L'histoire de cette thorie de ia pense est passionnante. De manire simpine, disons que la logique examine les conditions de l'utilisation correcte du mot donc. De grands gnies de l'humanit, depuis Aristote jusqu'aux plus brillants informaticiens d'au-jourd'hui, ont contribu aux progrs en la matire. Cette histoire est jalonne de trouvailles impressionnantes, mais on y trouve aussi des conflits ,folents et des moments de grande dception.

    Priodiquement, la possibilit mme de la lo&>ique est conteste ! Pour Protagoras, l'homme est la mesure de toute chose . Il n'y a pas de vrit indpendante de l'homme, l'esprit humain est insparable de la nature humaine. Ce refus de sparer l'homo du sapiens a t repris par Montaigne et Hume. Et les pragmatiques comme Peirce et James ont t jusqu' prtendre que ce qu i est vrai est ce qui est utile!

    Si le mot logique voque plutt l'abstraction formelle, son histoire reste donc avant tout une aventure humaine particulirement crative.

    En quarante pages accessibles aux non spcialistes, nous vous proposons d'en dcou-vrir les heures toiles, comme le disait Stefan Zweig, ces instants dcisifs, ces moments forts, qui sont autant de cadeaux reus de grands artistes de la pense que l'on appelle aussi philosophes.

    Nous vous en souhaitons bonne lecture.

    15

  • 1 ntrod uction En 1787, Emmanuel Kant crivait que la logique aristotlicienne sembl[ait] close

    et acheve .2

    Moins de deux sicles plus tard, en 1959, Bertrand Russell affirme exactement le contraire: Les doctrines d'Aristote que nous avons examines sont compltement fuusses, l'exception de la thorie formelle du syllogisme qui n'a aucune importance .3

    Que deux gnies incontestables aient pu s'opposer ce point montre d'emble quel point l'aventure de la logiqu e est polmique.

    Pour le philosophe Thomas S. Kuhn (1922-1996), !'Histoire des ides progresse de paradigme en paradigme et le passage de l'un l'autre provoque touj ours une crise. L'his-toire de la logique semble en tout cas lui donner raison.

    Le premier paradigme prend ses racines dans la Grce antique et s'incarne tra-vers le philosophe Aristote qui lui donna ses lettres de noblesse. La logique aristotlicienne s'impose alors comme modle de logique indpassable et universel. C'est le triomphe de la raison humaine. Si l'pistmologie se pose la question du fond de la connaissance, la logique analyse la forme qu'utilise l'entendement humain pour accder cette connais-sance.

    Aprs deux mille ans d'enrichissement, la logique connatra une crise qui r emettra en cause ses fondements. La logique aristotlicienne apparat limite car elle ne permet pas de rendre compte de toutes les ralits et de toutes les possibilits du raisonnement.

    Il faudra attendre le XIX sicle pour voir la naissance d'une nouvelle furme de logique symbolique. En se librant des controverses mtaphysiques ou linguistiques, la logique se constitue en une discipline non plus philosophique mais scientifique. On passe alors de la logique des propositions une logique des prdicats, axe sur les relations et les classes. Ce nouveau paradigme est inachev. Son laboration oscille toujours entre raisons d'esprer et priodes plus sombres.

    Dans les annes 1980 par exemple, les informaticiens parlaient de leur grand rve : l'intelligence artificielle. Des dizaines de congrs, des centaines de livres furent consacrs

    2. Prface de la seconde diUon de la Crlt.lque de la ralsol) pure, Aammarion, 2000. 3. Histoire de la ptilOsophle occkfentafe, Belles Lettres, 2011 .

    17

  • ce thme. La dception fut grande. La communaut scientifique mit des annes s'en remettre.

    Mais le 28 jam~er 2013, la Commission europenne a dcid d'investir 1, 19 milliard d'euros dans le Human Brain Project. Il s'agira de rassembler toutes les connaissances actuelles sur le cerveau afin de mieux le modliser et de dvelopper des technologies infur matiques et robotiques nouvelles ...

    Exercice 1 : Le diplomate, le menteur et l'homme sincre tes-vous logique ? Trois hommes au comportement diffrent doivent tre identifis. L'un d'entre eux est un homme sincre et dit donc toujours la vri t. Un autre, en revanche, est un menteur et tout ce qu' il dit est faux. Le dernier, enfin, est un diplomate ; tantt il dit vrai, tantt il ment. Pour p ouvoir reprer qui est qui, il leur est demand de se mettre l'un ct de l'au tre et, comme ils se connaissent bien, de dire lequel des trois se trouve au centre. La situation se prsente de la manire suiv ante. Alors, qui est qui ?

    L'homme sincre Cllt au milieu. >> Je suis le diplomaic. Au milieu se trOUvc le menteur.

    Solution page 45.

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  • Chapitre 1 : La logique classique L'Antiquit grecque a cru voir un aboutissement dans la philosophie idaliste platonicienne mais le Matre Platon sera remis en cause par ses disciples.

    Platon est un gomtre, il n e s'intresse pas la logique car, pour lui , les Ides sont inac-cessibles. Il n'y a pas de raisonnement possible ; les tres humains ne peuvent induire des vri ts partir des Ides et la vri t est elle-mme une Ide en soi.

    Aristote va rejeter cette conception de la pense, en affirmant que les Ides n'existent pas. Pour accder au rel, il fau t procder de manire analytique, par l'intermdiaire des cat-gories. Selon Aristote, les catgories sont dcidables et homognes et permettent donc de classer les lments du rel. Catgoriser a certes un cot : les nuances sont perdues au profit d'un label commun. Mais catgoriser offre un grand avantage. La simplification du rel permet Aristote de fonder une thorie du raisonnement.

    La logique est ne.

    Une pense dploye en trois temps

    Aristote dfend une mthode analytique. Il part du principe que la pense se dploie en trois temps :

    Leconpt (ou terme), c'est--dire ce quoi je pense. Le jugement (ou proposition), c'est--direcequej~n pense. Le raisonnement (ou syllogisme), c'est--dire ce quej~n dduis.

    Le concept Le concept est l'intgration mentale de plusieurs lments particuliers, observs ou non.

    Cette abstraction et cette gnralisation sont construites sur des caractristiques communes et ngligent les diffrences et les mesures. En logique, on parle de terme.

    On peut cerner le concept de deux manires diffrentes : La dnotation ou el\1ension : i Sane et l'Ardche sont des rivires.

    La connotation ou comprhension : Une cole est un endroit o des indh~dus acquirent des connaissances par l'intermdiaire d'autres in.di,~dus qui les dtiennent.

    La dfinition a pour obj et d'puiser la comprhension d'un concept. Il est recommand qu'elle soit neutre, positive, facile retenir, plus claire que le terme dfinir et qu'elle vite la circularit.

    19

  • Le concept peut galement tre caractris par plusieurs attributs: Essentiel, qui renvoie ce que l'on ne peut enlever au concept sans perdre ce concept.

    Propre, s'il souligne un caractre spcifique mais non ncessaire de l'espce. Accidentel, si l'absence ou la prsence de la caractristique ne modifie pas l'essence.

    Aristote illustre cette ide de la faon suivante: penser est l'es.-;ence de l'homme; le rire est le propre de l'homme et porter une barbe est accidentel.

    Le philosophe noplatonicien, Porphyre de Tyr (environ 234- 305 aprs l're chrtienne) propose un schma, l'arbre de Porphyre", qui ajoute deux autres caractristiques:

    Le genre proche, qui ren voie aux rapports du terme avec les termes infrieurs. Le genre animal par exemple renvoie des lments communs tous les animaux. La diffrence spcifique, si le terme caractrise une espce d 'une autre dans un genre. Par exemple, le chien appartient au genre animal, mais il a pour diffrence spcifique l'aboiement.

    4. Phi~ Thky, Notons da loglqie, DB Boock, 1993.

    20

  • Bien souvent, une dfinition est constitue d'un genre proche et d'une diffrence spci-fique : La cuisine est une pice (genre proche) dans laquelle on prpare le repas (diffrence spcifique).

    CONCEPT

    ACCIDENTEL ESSENTIEL

    ~ Constituant l'essence Effet de l'essence

    Totalement En partie

    Partie commune Partie qui

    avec d'autres espces relve de l'espce

    V V l V Accident Espce Genre Diffrence spcifique Propre

    Barbu Homme Animal Raisonnable Rit

    Le jugement Le j ugement est un nonc dclaratif grammaticalement correct susceptible d'tre vrai ou

    faux. Il s'agit du deuxime temps de la pense, dans lequel on affirme ce que l'on pense du concept. En logique, on parle de proposition.

    La notion de jugement est prsente ds la naissance de la philosophie et elle se prcisera tout au long de son histoire. Afin d'viter tout amalgame, Da,~d Hume distingue par exemple jugement defaitetjugemen t de valeur.

    Ce livre est disponible est un jugement de fait neutre et objectif tandis que ce livre est intressant est un jugement de valeur, subjecti(

    21

  • La question de la science se pose galement en termes de jugement. Cette fois, c'est sa lgitimit qui opposera les ph ilosophes. Peut-on affirmer que la '~tesse de chute d'un corps est indpendante de son poids en raisonnant a priori ou seulement aprs en avoir fuit trs souvent l'exprience?

    Le raisonnement Raisonner consiste enchaner de faon ncessaire et mthodique des jugements et

    en tirer une conclusion. Le raisonnement est ainsi le troisime tage du dploiement de la pense. Chez Aristote, il prend la forme du syllo&>isme, nous l'analyserons en dtail.

    Schmatiquement, on pourrait rsumer l'acth~t de l'esprit de la manire suivantes :

    tape d e la Concept J ugement Raisonnement p en se Activit de Je pense quelque J'en pense quelque J'en dduis quelque l'e sprit chos e. chose. chose. App ele Dfinition Prdication Dmonstration Ou galem e nt App rhension nonciation Preuve Traductio n dans Terme Proposition Syllogisme le langage Form e d e A Aest B. A est B. l'e xpression Best C,

    donc A est C. Critr e Utilit Vrit Validit d 'apprciatio n

    Aristote va fonder sa logique sur trois lois solidaires les unes des autres : Le principe d'identit: Une chose est ce qu'elleest.

    Le principe de non-contradiction : Une chose n'est pas ce qu'elle n'est pas. Le principe du tiers exclu : De deux propositions contradictoires, l'une est vraie et l'autre est fuusse.

    Ces lois doivent tre acceptes telles quelles pour Aristote, mme le principe du tiers exclu : Quelques philosophes demandent une dmonstration mme pour ce principe, mais c'est un effet de leur ignorance de la logique : c'est de l'ignorance en effet que de ne pas dis

    5. Luc de Brabafldere, P61)s/J6 magique. pel)s{Je IOglque, l:diUons Le Panmier, 2012.

    22

  • tinguer ce qui a besoin de dmonstration et ce qui n'en a pas besoin. Or il est absolument impossible de tout dmontrer: on irait l'infini. 6

    Exercice 2 : Le mariage Grard regarde Simone, mais Simone regarde Jacques.

    Grard est mari mais Jacques ne l'est pas. Est-ce qu'une personne marie en regarde une qui ne l'est pas?

    A: Oui. B: Non.

    C : Ne peut tre dtermin . Solution page 45.

    Structurer le raisonnement

    Le but de la logique est d e modliser la pense. Si le concept est la brique et le jugement est la poutre, le raisonnement sera alors le btiment dans lequel la rflexion se dveloppe. Et des gnrations d'architectes se succdent depuis deux mille cinq cents ans.

    Le syllogisme et ses variantes Aristote dcide d'analyser les propitions en les dcomposant en sujet, copule et prdi-

    cat. Cela lui permettra d 'tablir sa monumentale thorie du syllogisme.

    Le syllogisme est une art,'llmentation dans laquelle, de deux propositions simples appe-les prmisses, une troisim e, appele conclusion, dcoule ncessairement. Pour Aristote, savoir, c'est connatre par le moyen de la dmonstration .1

    Tous les l{!gumes sont bon~ pour la sant. Le radis est un lgume, donc le radis est bon pour la sant. La premire proposition est dite majeure. La seconde proposition est dite mineure. Le

    mot lgume est appel moyen terme car on ne le retrouve pas dans la conclus ion. Cela fera dire Aristote que la vivacit d'esprit est la facult de dcouvrir instantanment le moyen terme .8

    Les exemples de syllogismes sont trs nombreux. Le courant intellectuel de Port-Royal (lieu qui runissait de nombreux crivains et philophes au XVII' sicle) en a imagin de toutes sortes, comme en tmoigne l'exemple ci-dessous :

    s. Mlltaph)'Slc. r. 4. 1oosa s.11 . 7. L6:S Sec0t>dSAl)Wyt.lques, Vril, 1947, I, 2, 71 b 1719. 8. Les SecaMs Anaytlques, VM , 1947, 1, 34,89 b 10. 11 .

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  • La loi divine oblige d'honorer les roi.. Louis XIV est roi, donc la loi divine oblige d'honorer Louis XN.9 Le syllogisme peut varier de diffrentes manires, soit selon la place du moyen terme, soit

    selon le mode.

    Selon la place du moyen tenne Si dans la proposition Aest B , j'appelleA le sujet et B le prdicat, le moyen terme peut

    tre suj et ou prdicat dans la maj eure et dans la mineure. Quatre figures sont donc psibles. Selon le mode

    La scolastique mdivale a choisi de dsigner par quatre lettres, pour des raisons mnmo-techniques, les quatre classes possibles de propositions.

    A, l'universelle affirmative : Toutes les tables sont en bois. F., l'universelle ngative: Aucune table n'est en bois. I, la particulire affirmative: Certaines tables sont en bois. 0, la particulire ngative: Certaines tables ne sont pas en bois.

    Les lettres A, E, I, 0 peuvent tre combines pour dsigner des syllogismes. FERIO, dont la maj eure est F., la mineure est I et la conclusion est 0, est un exemple de combinaison valide:

    Aucun rve n'est rali.~ble. Quelques cauchemars sont des rves. Quelques cauchemars ne sont pas ralisables. Autre exemple correct, selon lemodeAII (DARIO: Tous les Italiens sont romantiques. Quelques Italien sont de grand peintres. Quelques tres romantiques sont de grand peintres. Un raisonnement qui dissimule une erreur est parfuis appel sophisme. Aristote a recens

    deux cent cinquante-six possibilits de syllogismes ... dont dixneuf seulement sont valides. Mais attention : la validit du raisonnement est funde sur sa furme uniquement. Un cheool dix euros est rare. Ce qui est rare est cher, donc un cheval dix euros est cher!

    9. Antdne Amauk::I, Pierre Nioole, La 1091q.ie ou l'art de p61)S6r, Gal imard, 2001 .

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  • Il s'agit pourtant d 'un syllogismeAAA (BARBARA) valide ! Les deuxime et troisime chapitres de ce livre montreront donc que le raisonnement est

    une dmarche beaucoup plus complexe que celle dont rvait le ph ilosophe grec.

    Dduction, induction, abduction Le syllogisme permet de distinguer trois types d'enchanements: la dduction, l'induction

    et l'abduction.

    Raisount'mtnt dfdorrtf Ra.bonnement iuduC'd!

    A. Tout es les ,illes de ce pays sollt belles. B. Oene ,ilJe est dans ce pays. B. Cene ville est dans ce pays. C. Celle ville es1 boc.-Ue. C. Cetie ,ille esl belle. A. T oui .. l vill! d et PY. som btllts.

    Raisonoemfnt abdn

  • donc il est italien. Le deuxime indmontrable est le modus tollen~ qui se dit de la manire suivante: Si le

    premier, le second. Or pas le second, donc pas le premier .

    Si le restaurant est sicilien, il est italien. Or le restaurant n'est pa.~ italien, Donc il n'est pas sicilien. Dans cet exemple de raisonnement, sicilien est appel l'antcdent et italien est

    appel le consquent.

    Le plus souvent, ce sont des chanes de propositions dont il faut pouvoir connatre la vrit. Les constructions logiques qui en rsultent sont elles aussi susceptibles d'tre vraies ou fuusses. Mais ce qui intresse la logique sto"cienne, ce sont les expressions qui sont tou-jours vraies, qu'on appelle pr incipe, loi logique ou encore tautologie.

    Exercice 3 : Le jeu de cartes Il y a un chiffre de l'au tre ct de chaque carte et il est dit : " Derrire un 2 se trouve toujours un 7 " Combien de cartes vous fau t-il retourner pour savoir si l 'affirmation est exacte?

    Il Il 1 1 Solution page 45.

    Les indmontrables semblent tellement simples que l'on pourrait douter de leur utilit. Et pourtant, on constate tous les jours des erreurs dans ces raisonnements lmentaires. Les deux plus courantes sont l'affirmation du consquent et la ngation de l'antcdent.

    L'affirmation du consquent peut conduire voir du vrai l o il n'y en a pas forcment.

    Si Thoma~ est amoureux de Constance, il va la rappeler. Thoma~ a rappel Constance, donc il est amoureux d'elle. Or, il peut y avoir d'autres raisons qui ont pouss Thomas rappeler Constance: il a un

    service lui demander, il a oubli son chargeur de tlphone chez elle, etc. La ngation de l'antcdent entrane parfuis un autre type d'erreur.

    26

  • Si Chri.tophefait de la plonge sou-marine, alors il est dans l'eau. Christophe ne fait pas de plonge sou-marine, donc il n'est pas dans l'eau ... Mais si, il a gliss et il est tomb dedans!

    Mathmatiser la logique

    La logique aristotlicienne parcourt de nombreux sicles sans tre vraiment remise en cause; nombreux sont ceux qui cherchent mme la pousser jusqu' son plus haut degr d'achvement, en tentant de la mathmatiser.

    Le penseur majorquin Raymond Lulle (1232-1315) construisit une machine lo&>ique , dans laquelle les termes, les propositions et les raisonnements taient reprsents sous forme de figures gomtriques (cercles, carrs, triangles). Si l'on action.nait des cadrans, des mani-velles et des leviers, une roue dplaait les figures pour les positionner en fonction de leur vrit ou de leur fausset. Cette machine, grce la lo&>ique gomtrique, voulait donc confir mer ou infirmer un postulat.

    La mthode combinatoire de Lulle attira l'attention de Leibniz (1646-1716) qui crh~t en 1703: Je tiens que l'invention de la furme des syllogismes est une des plus belles de l'esprit humain( ... ), qu'un art d'infiitillibilit y est contenu, pourvu qu'on sache et qu'on puisse bien s'en servir .' 0 Leibniz dveloppe une symbolique mathmatique, appele caractristique universelle qu'il souhaite appliquer tous les domaines, y compris la logique. Face une situation dlicate, Leibniz avait coutume de dire: Ne nous disputons pas, calculons !

    Celui qui a pouss le plus loin le rve de Leibniz est probablement George Boole (1815-1864). Le chercheur anglais aurait voulu qu'on puisse traiterunesuite de propositions comme on rsout un systme d'quations et il publia en 1857 une enqute sur Les lois de la pene.

    La thorie des ensembles lui semblait une passerelle adquate pour relier logique et mathmatiques. Six et y sont deux ensembles d'objets, appelollS x+y l'ensemble des objets qui appartiennent au moins un des deux ensembles (l'addition y tient lieu du ou logique), et xy l'ensemble des objets communs aux deux (la multiplication y tient lieu du et logique). Si de plus, on appelle o l'ensemble vide et 11 'ensemble de tous les objets, on peut alors crire l'quation x (t x) = o , car il n'y a pas d'objet qui, en mme temps, appartient x et n'ap-partient pas x (autrement dit, l'ensemble de ces objets est vide). Cette quation peut tre rcrite sous la forme x2 = x et Boole la considrait au centre de sa logique symbolique.

    Si l'on considre par ailleurs x comme une proposition qui vaut 1 quand elleest vraie, et o quand elle est fausse, dire x2 = x re,~ent alors dire que le vrai et le vrai donne le vrai. Et x (t x) = o de,~ent une forme algbrique du principe de non-contradiction. L'quation x2 = x n'a en mathmatiques que deux solutions, o et 1. Le calcul binaireest ainsi n cent ans avant l'infurmatique, comme un prix de consolation pour un rve jamais ralis.

    10. Nouveaux essais svrl'emer>deme1'1 humtin. IV, Flammarion, 1993.

    27

  • Ajoutons que l'approche algbrique de George Boole lui permit de dtecter quelques petites fautes dans la thorie aristotlicienne du syllogisme. Ce qui paradoxalement renfor ait une fois de plus le philosophe grec dans son statut incontest de Matre de la wgique ... pour quelques annes encore.

  • Chapitre 2: La logique en crise Pendant deux mille ans, de Porphyre Boole, en passant par la soolastique mdivale et Port-Royal, la logique aristotlicienne est perfectionne. Mais on a envie de dire, comme en mai 1968: " Plus a change, plus c'est la mme chose" Car chaque amlioration ou oorrec-tion renforce en fait son statut de thori e de rfrence. Tous, Aristote le premier, s'aocordent dire que la logique est imparfaite, mais personne ne parviendra avant la fin du XIX sicle proposer mieux.

    La logique aristotlicienne s'appuyait entre autres sur trois hypothses concernant le lan-gage, les paradoxes et les catgories. Mais toutes trois taient fragiles. Elles devaient cder un jour et entraner dans leur chute le monument du syllogisme.

    Le langage n'est pas logique

    Aristote avait d'une certaine manire vacu le problme du langage parce qu'il est logi-quement dfectueux. Cela se vrifie dans les trois temps du dploiement de la pense.

    II n'y a pas un mot pour une chose Des concepts diffrents peuvent tre dsigns parun mme mot; tout dpend du contex1e.

    Il s'agit d'homonymes. La cellule renvoie diffrentes choses selon que l'on est cancrologue, fabriquant de tlphone portable ou prisonnier. Un patron ne signifie pas la mme chose dans une entreprise ou dans un atelier de couture.

    Terrible n'a pas le mme sens dans une guerre est terrible et ce concert est terrible.

    Il peut y avoir un concept pour diffrents mots. Il s'agit de synonymes. Au restaurant, un Belge commande des chicons tandis qu'un Franais commande des endives. Livre et bouquin sont deux mots diffrents pour dsigner un mme objet.

    L'ambigut du langage s'tend galement aux verbes. Le verbe tre, par exemple, peut prendre des sens diffrents :

    L'existence: Je suis. L'quivalence: Je suis la fille de Muriel. L'appartenance : je suis une femme. L'inclusion : Je suis un tre humain.

    29

  • De plus, un rapport n'est pas marqu par une seule prposition et une prposition peut renvoyer plusieurs rapports. Le rapport de la situation gographique peut tre dit l'aide de plusieurs prpitions: j'habite en France, j 'habite dan~ une rgion sauvage, j'ha-bite l'ouest de la Sane . Une mme prposition marque divers rapports : j'habite en Espagne, j'arrive en voiture, je parle en chuchotant, etc.

    L'quivocit touche mme les articles dfinis. L'article la peut dsigner: Toute : La prairie est verte. Beaucoup: La Franaise aime la mode. Quelques : La montre peut tre mcanique. Une: La pice de thtre tait intressante.

    Toute proposition ne peut se mettre sous forme A est B ,, La proposition de forme A est B reprsente une partie seulement des propositions pos-

    sibles. Il y a de nombreuses situations dans lesquelles cette formalisation ne peut tre faite. Comment ex-primer en effet sous une furme A est B une pr-0position comme l'orange

    est plus beau que le vert ou Bruxelles est au nord de Paris ? Au nord n'est pas un attribut possible pour une ville.

    Ds lors que l'on veut exprimer un jugement plus labor, la forme A est B se rvle galement inadapte : un bon musicien est soit dou soit travailleur ne peut pas non plus se mettre sous la forme classique de la proposition aristotlicienne.

    Le raisonnement ne se rduit pas au syllogisme Aristote a labor la logique selon l'hypothse que raisonnement et syllogisme sont indis-

    sociables. Ce n'est videmment pas vrai. Illustrons trois situations qui montrent que les choses sont plus compliques.

    Premirement, parfois un raisonnement est correct, mais aucun syllogisme n'est dispo-nible pour le formaliser. Comme dans les deux exemples suivants.

    Une majorit de Belges sont bilingues. Une majorit de Belges partent en vacances l't, donc certains vacanciers belges sont bilingues.

    Et:

    Un oiseau est un animal. Donc une tte d'oiseau est une tte d'animal. Deuximement, parfois le syllo&>isme est formellement valide (car il fait partie des dix-

    neuf reconnus comme tels sur deux cent cinquante-six possibilits) mais les ambiguts du langage rendent ici le raisonnement incorrect. Souvenez-vous du cheval dix euros ...

    30

  • Plus srieusement, dans L'art d'awir toujours rai.'>On, Arthur Schopenhauer montre que par un jeu d'homonymie, on. peut aboutir des raisonnements absurdes" :

    Toute lumire peut tre teinte. Or l'intelligence est une lumire, donc l'intelligence peut tre teinte. Troisimement, pour compliquer le tout, les biais cognitifS peuvent s'en mler : il y a des

    syllogismes non valides que l'on va croire valides simplement parce que l'on sait la conclusion vraie ! Comparez les deux syllogismes suivants.

    Toutes les voitures ont quatre roues. La Porsche a quatre roues, donc la Porsche est une voiture. Et: Toutes les friteuses ont besoin d'huile. Ma voiture a besoin d'huile, donc ma voiture est une friteuse. On a le sentiment que la premire forme est correcte et que la seconde ne l'est pas alors

    qu'elles sont identiques ! Dans la premire partie, on a vu que les raisonnements inductif et abductif peuvent rencontrer le mme problme.

    Les paradoxes ne sont pas insignif iants

    Contrairement ce que pensait Aristote, les paradoxes doive.nt tre pris en compte dans la construction de la logique car ils sont de nature logique. On ne peut pas douter du raison-nement qui conduit concllilre paradoxalement et il faut comprendre pourquoi on contredit logiquement l',~dence.

    La logique aristotlicienne a ignor des contradicteurs tels qu'Epimnide ou Znon d'le. Rappelons l'essentiel de leurs provocations intellectuelles.

    Au VI sicle, le Crtois pimnide affirme tous les Crtois sont des menteurs, ce qui ne peut donc tre ni vrai ni faux. En effet, s'il dit vrai, il dit faux; s'il dit faux, alors il dit vrai ! Depuis cette date, on sait qu'il existe des petits montages intellectuels qui s'autocontredisent et des illusions logiques qui d onnent le tournis. Il s'agit bien d'un paradoxe - un t rou noir de la pense - c'est--dire d'une impasse du raisonnement o la log.ique est mise l'preuve.

    Un sicle plus tard, toujours en Grce, Znon d'le imagine trois autres piges pour la logique et interpelle ses amis philosophes et mathmaticiens.

    11 . ArthtJ" Schj)Q'lhauer, L 'Nt d'avoir toujours raison, Ciro, 1990, p. 23.

    31

  • Dans le premier paradoxe, il leur explique qu'il est impossible de traverser une place car il faut d'abord en parcourir la premire moiti. Des 50 % restants, il fuut nouveau commencer par les 25 premiers. Quel que soit le chemin restant d'ailleurs, le promeneur devra d'abord en faire la premire moiti. Il n 'arrivera donc jamais l'autre ct de la place car il ne peut fuire un nombre infini de choses dans un temps fini !

    Le deuxime paradoxe de Znon, celui d'Achille et la tortue, est plus connu : les deux pro-tagonistes dcident de faire une course. Achille offre gnreusement la tortue une avance de cent mtres. Mais pour Znon, Achille commet l une erreur car il n'arrivera jamais rat-traper la tortue. Le temps en effet pour lui d'arriver au point de dpart de la tortue et elle est dj plus loin, et ainsi de suite ...

    Enfin, Znon ex-plique que le mouvement est impossible ! Voici son raisonnement : le temps se dcompose en instants indh~sibles. Une flche lance en l'air, par exemple, serait en mouvement si elle est un endroit au dbut d'un instant et un al.iltreendroit la fin du mme instant. Or, les instants sont indivisibles et la flche ne peut tre deux endroits diffrents au mme instant. Par consquent, la flche est immobile et le mouvement est impossible.

    Pendant deux mille ans, les paradoxes de Znon resteront sans vritable explication. Il faudra attendre le XVII sicle, avec les progrs des mathmatiqliles, pour trouver les clefs de l'nigme. Car le calcul infinitsimal permet de modliser l'acclration, la '~tesse et le mou-vement. Les paradoxes sont dissous grce l'algbre et la logique est sauve ... pour cette fuis !

    Car pour ce qui est de l'autre dfi, plus grand encore, pos par pimnide, les mathma-tiques seront impuissantes. La logique devra se sauver elle-mme.

    Les catgories ne sont ni dcidables ni homognes

    Classer peut signifier deux choses : utiliser des catgories existantes ou crer un nouvel ensemble de catgories.

    Apple nous aide comprendre ces deux niveaux de classification. Si l'iPhone a t fuci-lement rang dans la catgorie tlphone, l'iPad n'a pu, au dpart, tre rang dans aucune catgorie. Il a fallu en crer une : celle de la tablette.

    Pour dvelopper sa thorie, Aristote tait parti du principe QI.ile les catgories sont homo-gnes et dcidables. Par exemple, si l'on prend la catgorie du consultant, selon Aristote :

    On ne peut pas tre un peu ou beaucoup consultant. Il esttouj ours possible de dire si quelqu'un est consultant ou non.

    Or ce n'est \~demment pas vrai. Bien souvent, les frontires sont floues. Les boissons nergisantes sont-elles des mdica-

    ments? Le '~n est-il un jus de fruit ? Un coach est-il un thrapeute? La crme contre l'acn est-elle un mdicament ou un produit de beaut?

    Certaines choses sont donc difficilement dfinissables car elles obligent les catgories se superposer et se chevaucher. Leur homognit est mise mal et cela peut avoir de grandes

    32

  • consquences. Un logiciel est-il une invention ou une cration? Dans un cas, elle est protge pendant vingt ans; dans l'autre, pendant soixante-dix ans !

    Prenons un exemple de termes courants lis, de prs ou de loin, aux objets de la maison. Il vous est demand de les regrouper en sous-ensembles.

    Fer repasser Radio Dictaphone Aspirateur Machine crire Robot Tlphone Lampe Mixeur Four micro-ondes Epluche-lgumes Chane hi-fi PC Rasoir Mac E-book Encyclopdie Stylo Assiette Tasse Bouilloire Montre Agenda Lavabo Tlvision Ciseaux Tablette tactile

    Un survol rapide de la liste fait apparatre des liens logiques. On p eut par exemple regrouper tasse, assiette et bouilloire (objets lis l'alimentation) ou fer repasser et aspirateur (objets du mnage).

    Mais plusieurs remarques s'imposent immdiatement: Ces liens logiques sont de nature diffrente : PC et Mac sont des marques ; fer repasser, mixeur, chane hi-fi sont des appareils lectriques. L'pluche-lf,'llmes, le mixeur, l'assiette sont des objets que l'on trouve dans la cuisine. Le four micro-ondes est la fuis un appareil lectrique et un objet de la cuisine. Ces liens auraient pu tre autres: le fuur micro-ondes, l'pluche-lgumes ou la bouilloire permettent de modifier les caractristiques des lments solides ou liquides. Tlphone ou chane hi- fi peuvent tre considrs comme un sous-ensemble de Mac ou de PC. Des liens plus inattendus sont possibles : on peut mettre ensemble les mots qui sont identiques en anglais - comme radio, e-book et robot - ou ceux qui existaient dj il y a cent ans, comme assiette, lampe et rasoir. Des lments sont ambigus : le rasoir est-il lectrique ou manuel ? Le robot est-il un robot mnager? Mixe-t-on des aliments de la mme manire que de la musique? Le tlphone est-il plus un objet lectrique ou un objet lectronique? Et la subjectivit peut entrer en scne. Regroupons les objets utiles, ceux qui sont beaux ou encore ceux qui sont dangereux ...

    Il n'y a pas de mthode absolue pour classer. Une double frustration, correspondant aux deux sens du mot classer , est ncessairement au rendez-vous. Premirement, certains objets pourront tre mis dans plusieurs catgories et un choix. arbitraire devra tre fuit ... Deuximement, une invitable catgorie de divers sera cre !

    33

  • Chapitre 3 : Une nouvelle logique Kant s'est donc bien tromp. La logique n'est pas une "science acheve '" Bien au contraire, il est clair maintenant que tout reste faire, qu 'une nouvelle manire de thoriser le raison-nement devra tre tablie.

    Ce nouveau paradigme devra proposer des rapports plus prcis entre logique et langage et combler le v ide d aux hypothses simplistes d'Aristote. Il devra mme tre en mesure de trai ter logiquement du paradoxe. Si le plus fort de la crise semble pass, le nouveau paradigme reste encore dvelopper et renforcer. " Il est toujours ais d'tre logique. Il est presque impossible d'tre logique jusqu'au bout. ' crivait Albert Camus. Son intui tion semble se vrifier.

    Trois noms reviennent ncessairement quand il est question de la logique nouvelle : Frege, Russell et Wittgenstein. Leur uvre est immense et ils structureront ce troisime chapitre comme une rponse au deurxime.

    En s'interrogeant sur le signifiant et le signifi, Frege rapprochera logique et langage : une ide emprunte aux mathmatiques lui permettra de traiter enfin des relations comme " plus grand que " ou " gauche de" En corrigeant certaines erreurs et lacunes de Frege, Russell aidera entre autres traiter des rai sonnements paradoxaux. Enfin, Wittgenstein apportera sa contribution avec la notion de fami/y-resemblance.

    Mme les mots simples sont compliqus Parmi beaucoup d'autres exemples, et, ou, autour sont des mots que l'on utilise

    quotidiennement et qui peuvent pourtant entraner de nombreuses quivoques.

    Et ,, Le sens du mot de liaison et n'est pas toujours le mme que celui qu'il possde dans le

    langage naturel. Regardons les cinq situations suivantes. Marseille est en France et il fait beau est quivalent il fait beau et Marseille est en France.

    Elle a mis son pull et elle a enfil son manteau est aussi logiquement quivalent elle a enfil son manteau et elle a mis son pull. Ce qui montre que et peut signifier ensuite. Il est tomb et il s'est bless est aussi lo&>iquement quivalent il s'est bless et il est tomb. Or ici, et signifie par consquent, marql.ilant la causalit. Je suis entr au BCG en 2001 et le chiffre d'affaires a doubl depuis est une phrase ambige car la valeur du et n'est pas vidente: marque-t-il un simple enchanement d'ides? Met-il en vidence un lien de causalit?

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  • Les Anglais et les Franais aiment la Normandie : et peut tre remplac par ou. Mais dans les gens qui habitent en Angleterre et qlili connaissent le franais aiment la France, et ne peut tre remplac par ou et il faut associer les deux conditions.

    Ou Les ambiguts des mots peuvent tre rsolues par le contei.1e. La conjonction de coordi

    nation ou rencontre les mmes problmes d'quivocit que la conjonction de coordina-tion et.

    Quitte ou double: ou est ici unedi.'ifonction exclusive, c'est--dire que le choix d'une possibilit exclut celui de l'autre possibilit. Quand un homme est ivre ou dsespr, il peut devenir dangereux : ou est ici une di.~jonction inclusive, c'est--dire que la cohabitation des possibilits (ivresse, dsespoir) est envisageable.

    Un procd formel, les tables de vrit, permettent de symboliser les raisonnements et de lutter contre les ambiguts :

    Table de vrit du ou exclusif : Quitte Double Conclusion

    1 0 1

    0 1 1

    0 0 0

    1 1 0

    Table de vrit du ou inclusif: Ivre Dsespr Conclusion

    1 0 1

    0 1 1

    0 0 0

    1 1 1

    Autour,, Le philosophe et psycholOf,'Ue amricain William James ( 1842-19 10) dcrit un autre pige

    du langage.12

    Un cureuil est cramponn au tronc d'un arbre et veut se cacher. Un homme, qui se tient de l'autre ct, cherche l'apercevoir et tourne donc autour de l'arbre. Mais quelle que soit sa '~tesse, l'cureuil tourne aussi et l'homme ne pourra pas l'entrevoir. La question de James

    12. Le pragmatisme, Rammarion, 2007.

    36

  • est simple: aprs avoir fait le tour complet de l'arbre, l'homme a-t-il aussi fait le tour complet de l'cureuil ?

    S'il s'agit de passer par rapport l'cureuil, du nord l'est, puis l'ouest, puis de nouveau au nord, alors l'homme tourne autour de l'cureuil. Mais si autour implique de voir un moment son dos, alors l'homme ne tourne pas autour de lui.

    Avec cet exemple, James voulait montrer que la vrit n'est pas unique mais relative au point de vue pratique que l'on adopte. C'est ainsi qu'est n le pragmatisme, voqu dans l'avant-prop.

    Rconci lier log ique et langage

    Le langage met mal la logique aristotlicienne puisqu'il se rvle logiquement dfec-tueux. La logique ne peut pourtant pas s'en passer. Hegel, convaincu que toute tentative de penser sans l'aide des mots est absurde, relate dans Philosophie de l'esprit, l'histoire d'un certain Mesmer qui essaya d e penser sans mots et qui devint fuu !

    Logique et langage doivent tre rconcilis; c'est Frege que l'on doit l'ouverture de ce grand chantier.

    Du signifi au signifiant Dans une dfinition, il faut distinguer dnotation et sens, selon Frege. La dnotation est

    l'objet dsign par l'expression tandis que le sens est la manire dont elle le dsigne; manire objective, conventionnelle et partage.

    L'exemple clbre de Frege est le suivant : toile du matin. et toile du soir sont deux expressions diffrentes mais elles ont la mme dnotation, savoir la plante Vnus.

    Cette rflexion de la logique sur le langage se dveloppe paralllement une tude scientifique du langage, qui deviendra la linguistique moderne et la smiologie. la fin du XIX sicle, le linguiste suisse Ferdinand de Saussure (1857-1913) distingue le signifi, c'est--dire le concept, qui correspond la reprsentation mentale d'une chose et le signifiant, qui est la forme phonique du mot.

    Il a une approche systmatique du langage, dans laquelle le langage est un ensemble clos de signes dont l'histoire n'a que peu d'importance. Chaque signe se dfinit par rapport aux autres. La postrit fera de Saussure le pre du structuralisme.

    Bien que provenant de disciplines diffrentes, ces avances sur le langage demeurent proches. Elles s'inscrivent en effet dans la mme dmarche d'analyse du langage.

    La fonction logique Une autre grande trouvaille de Frege est d'avoir import en logique l'ide de fonction uti

    liseen mathmatiques. Si l'on prend f(x) = .>." + 1,Jvaudra 5six = 2ou10 001six=100. En tant que telle, on ne peut pas donner de valeur f

    37

  • Pour Frege, il faut faire La mme chose en logique. Appelons par exemple! le fait d'tre belge. En tant que telle,f n'est ni vraie ni fausse. En revanche,f(Luc) est vraie etf(Gabrielle) est fausse.

    Un grand avantage de cette approche est de pouvoir enfin traiter des relations entre deux arguments. Soit R la relation inventeur de . R (Gutenberg, imprimerie) est alors vraie mais R (Steve Jobs, eau chaude) est fausse.

    Le lien entre trois arf,'llments peut mme tre formalis, comme dans l'expression le Cta Rica est situ entre le Panama et le Nicaragua, qui se lit E (x, y, z). Et E (y, z, x) par exemple sera alors faux.

    Autre atout puissant de cette approche: le verbe tre n'apparatplus(et nous avons vu tout le flou qu'il peut provoquer). La mthode de Frege permet d'viter dornavant les sophismes tels que:

    Dieu est Dieu.

    Ce qui est, existe ;

    donc Dieu existe.

    Les quantificateurs Une troisime grande ide de Frege est l'introduction de deux quantificateurs pour les

    substituer aux mots tous et quelques. Le premier quantificateur est appel universel : lfx signifie pour tout x

    Le deuxime quantificateur est appel existentiel : 3x signifie il existe au moins un x tel que

    Leur utilisation permet de clarifier encore un peu plus le langage. Prenons l'nonc chaque homme aime un sport . Cela peut signifier que tous les

    hommes aiment le mme sport, ou bien qu' chaque homme correspond un sport fuvori. Frege permet de lever l'ambigut car :

    La premire interprtation s'crira (lfxX3yXx aime y). La seconde s'crira (3y}(lfx)(x aime y).

    La nuance '~ent de la squence diffrente des deux premires parenthses.

    38

  • Exercice4 Dcidons de symboliser le ET par " le OU par v et l'implication par =>. a) Comment cririez-vou s en langage logique la proposition suivante : " Le fils d'un musicien est un musicien . " b) Soit N(x) : x est un nombre. Soit G(y, x) : y est plus grand que x. Que signifie : l/x 3y {Nx => (Ny1>Gyx)] Solution page 45.

    L'objectif de Frege tait similaire celui des logiciens des s icles passs, qui voulaient fonder les mathmatiques sur des bases purement logiques. Son rve sun~vra encore quelques dizaines d'annes mais Kurt Gdel dmontrera en 1931 qu'une thorie suffisante pour faire de l'arithmtique est ncessairement incomplte, c'est--dire qu'elle contient des noncs dont on ne peut dire ni qu'ils sont vrais ni qu'ils sont fuux.

    Traiter les paradoxes par la logique des classes

    La proposition cette phrase contient sept mots est fausse.

    La proposition contraire cette phrase ne contient pas sept mots est fausse galement ! Voil un cas flagrant o le principe du tiers exclu ne s'applique pas. Est-ce alors encore un

    principe? Pour Bertrand Russell, la rponse est non. Il avait d'ailleurs un malin plaisir provoquer ses interlocuteurs. Prenez par exemple les

    deux propositions suivantes: Tous les nombres premiers sont impairs sauf deux. Tous les nombres premiers sont impairs sauf un.

    Elles sont toutes les detLi.;; vraies, quoique logiquement incompatibles. La '~e est remplie de phrases paradoxales :

    J'aimerais '~vre centenaire parce qu'il y a trs peu de gens qui meurent cet ge-l. La seule excuse de Dieu, c'est qu'il n'existe pas.3 Cette phrase ne vous fait-elle pas penser un labrador ?

    13. Stend'lalcit par Friedrich Nietzsche dans Ecce homo, GamierF'lamnarion, 1999.

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  • Prenons par exemple cette dernire question. Il n'y avait somme toute aucune raison qu'elle vous fasse penser un labrador. Et pourtant, avouez que vous venez d'y penser, non?

    Bertrand Russell tait fascin par des paradoxes qu'il appelait puzzle, c'est--dire des propositions dont la valeur de vrit ou de fausset est impsible dterminer. Voici les trois pl us clbres :

    Pgase n'existe pas. Pgase relve des objets imaginaires. Or si ces objets sont inexistants, comment peut-on

    en dire quelque chose? Dire que la proposition Pgase n'existe pas est vraie ncessite en quelque sorte que Pgase existe !

    Scott est l'auteur de Waverley. Si cette proposition est vraie, alors on peut la remplacer par Scott est Scott, sans pour

    autant modifier le sens. Mais alors quelle est son utilit? Quelle est l'information qu'elle nous apporte?

    L'actuel roi de France est chauve. Pour ce dernier exemple, il n'y a pas de roi en France au moment o Russell propose cet

    exemple. On ne sait donc pas si cette proposition est vraie ou fausse. On ne peut pas dire que l'actuel roi de France est chauve est vraie car il n'y a pas de roi

    en France actuellement. On ne peut pas dire que l'actuel roi de France est chauve est fausse car cela implique-

    rait que sa ngation est vraie, c'est--dire que l'actuel roi de France n'est pas chauve est vraie.

    Une autre obsession de Russell tait le paradoxe d'pimnide, illustr par l'histoire du barbier.

    Le barbier d'un village rase toutes les personnes qui ne se rasent pas elles-mmes et seu-lement celles-l. Le barbier die ce village se rase-t-il lui-mme? S'il se rase lui-mme, en vertu de ce qui le dfinit, alors il ne se rase pas lui-mme, et s'il ne se rase pas lui-mme, alors, toujours en vertu de sa dfin.ition, il se rase lui-mme. Le barbier de ce village se rase et ne se rase pas lui-mme.

    En langage logique, si nous posons R i x) = y rase x, cet nonc paradoxal peut s'crire l>'x 3y R()i x) E 1 R(x, x).

    L symbole " signifie que ce qui est gauche est identique ce qui est droite. Le symbole 1 signifie non .

    Il est pour le moins dcevant que les logiciens d'aujourd'hlili ne se soient toujours pas accords sur une mme nomenclature. Pour certains par exemple, non s'crit - et pour d'autres encore-.

    Dans une lettre date du 16juin i 902, Russell dit Frege que sa thorie quoique trs nova-trice ne rsiste pas aux questions paradoxales, mme si l'criture qu'il a mise au point rsiste.

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  • Frege doit capituler: Votre dcouverte de la contradiction m'a caus la plus grande sur prise et, je pourrais presque dire, de la consternation. '4

    Bertrand Russell apportera une autre correction la dfinition des concepts de Frege. Dans la conception de ce dernier, sens et dnotation sont inei..tricablement lis puisque la notion de sens donne accs celle de dnotation. Bertrand Russell critique ces descriptions dfinies: on dfinit des mots avec des mots, que l'on dfinit par d'autres mots, etc.

    L'toile du matin est l'toile du soir est une dfinition circulaire puisqu'il faudra dfinir l'toile du soir. Dire que l'toile du matin est l'toile du matin, c'est--dire Vnus, est tautologique donc inutile.

    Russell montrera qu'une grande partie des paradoxes rsulte de l'autorfrence, ce qui est le cas des propositions qui parlent d'elles-mmes.

    Il de,~endra une grande source d'inspiration pour un groupe de thrapeutes form dans les annes 1960, sous le nom de !'cole de Palo Alto. Ils montreront que de nombreuses souf frances humaines sont dues des liens paradoxaux, des doubles contraintes, comme par exemple sois grand, mon petit ou il faut que vous soyez plus spontan.

    Apparenter au lieu de catgoriser

    Tout comme Frege a d capituler en partie devant Russell, ce dernier devra s'incliner son tour devant les rflexions de Wittgenstein. La nature du dsaccord entre le philosophe anglais et son lve autrichien dpasse de loin le cadre de ce petit essai. Nous nous limiterons ici deux de ses grandes ides.

    Family-resemblance L'hypothse de l'homogn it et de la dcidabilit des catgories ayant t mise en dfaut,

    est-il encore possible dedfinirou doit-on y renoncer? S'il n'y a plus ni genreni espce, si l'on ne peut plus dfinir le chien comme un mammifre qui aboie, qu'est-il alors?

    Pour \~ter de tomber dans les piges mis en \~dence par ses prdcesseurs, Wittgenstein im~te dfinir un mot par son usage, et donc son contei..1e. La question de l'absence de bijec-tion entre le concept et le mot ne peut tre rsolue qu'avec le contexte. La signification du mot dpend de la phrase dans laquelle il apparat:

    Cette personne est en pleine dpression.

    Les tats-Unis ont connu une grande dpression dans les annes 1930. La dpression a provoqu des prcipitations abondantes en Irlande.

    Pour apprendre parler, il faut apprendre les rgles du langage. Le philosophe autrichien donne l'exemple du jeu. Qu'est-ce qu'un jeu ? Pour rpondre cette question, il faut tudier

    14. R~nso do Frege dalo d

  • plusieurs exemples de jeux : le Monopoly, le ping-pong, le puzzle ou encore le jeu de sduc-tion. Qu'est-ce qui leur est commun? Autrement dit, quelle sera la diffrence spcifique qui fait de ces acth>its des jeux? Pour Wittgenstein, elle n'existe pas.

    S'ils participent de la mme catgorie des jeux, ce n'est pas en vertu d'une caractristique commune. C'est parce qu'il y a des analogies entre eux.

    Entre le Monopoly et le ping-pong, il y a des points communs : un support de jeu, un ou plusieurs adversaires et parfois des coquipiers, des lments (raquettes, j etons, etc.), la dimension d'acth>it de loisir, etc.

    Mais entre le ping-pong et le jeu de sduction apparatront d'autres analo&>ies: des techniques d'intimidation et de dstabilisation de l'adversair e, la ruse, la dissimulation, etc.

    Contrairement aux autres jeux, le puzzle est une activit ludique solitaire; mais il partage avec le Monopoly et le jeu de sduction une dimension d'intuition, de tactique stra t&>iq ue, etc.

    Plutt que de classer les lments, on les apparente, selon des airs de famille. Cela permet de ne plus rpondre des questions telles que : le ping-pong est-il un sport ou un jeu? Le Monopoly est-il un jeu de socit, au mme titre que le jeu de sduction ?

    Quand on passe d'un ensemble un autre - pour autant qu'ils existent - , on retrouve des correspondances avec la classe prcdente, mais des traits communs apparaissent tandis que d'autres disparaissent. Pour caractriser ces analogies, Wittgenstein utilise l'expression defamily-resemblance ou air de fumille car c'est ainsi que s'entrecroisent et que s'en-veloppent les unes sur les autres les diffrentes ressemblances entre les diffrents membres d'une fumille : le '>isage, les yeux, les cheveux, etc. s

    Il de,>ient donc possible de dfinir les choses sans pour autant les classer dans des cat gories homognes et rigides. On passe du systme limit des catgories au rseau infini des classes, du processus maladroit et vain de classification au processus riche et cratif de l'ap-parentement .

    Pseudo-propositions Pour Wittgenstein, la question concernant la vrit ou la fausset des propositions n'tait

    pas la bonne. Il propose alors d 'valuer les propositions selon leur sens. Dans le Tractatus logico-philosophicu~. il va distinguer les propositions senses d es pseudo-propositions qui sont insenses ou hors du sens.

    Pour avoir un sens :

    Les composants de la proposition doivent avoir un sens (cela exclut les composants issus de la mtaphysique et de la fiction): Romo aime Juliette n'est pas une proposition sense car ces deux personnages sont issus d'un.e pice de thtre.

    15. Investigations philosophiques, 1936 (traduction de P. Kbsso.vsid, GaJMmard, 1961}.

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  • Il faut un usage correct des signes, c'est--dire que le signe d oit tre utilis dans un contexte o il peut apparatre (en vertu de sa furme) : la tasse a bu le chien n'est pas une proposition sense car la tasse ne peut pas boire. Il faut une connexion correcte des signes : bu la chien tasse a le n'est pas une connexion correcte des signes. Il faut que la proposition soit vrifiable : Hlne portait un pantalon vert il y a une semaine est une proposition vrifiable.

    Lorsque les propositions ne sont pas conformes ces critres, il faut parler de pseudo-proposition. Wittgenstein en distingue deux types :

    Les pseudo-propitions insenses : ce sont des propositions qui croient dire quelque chose sur le rel alors qu'elles ne le peuvent pas (propositions qui traitent de mtaphysique, de fiction , d'esthtique, d'thique). Ce ne sont pas ncessairement des propositions absurdes. Dieu est grand , aimer son pre et sa mre est bien, le Parthnon est beau sont des proposit ions insenses. Les pseudo-propitions hors du sens: ce sont des propositions formelles et sans contenu, qui ne donnent pas d'informations sur le rel, mais qui renvoient la forme de la pense. Les noncs mathmatiques comme 2 + 2 = 4 , les tautologies comme un chat est un chat ou les contradictions comme j e suis aller&>ique aux cacahutes donc j'en mange tous les j ours sont des propositions hors du sens.

    Wittgenstein va mme jusqu' affirmer que les problmes philosophiques - qui englobent ceux de la logique - sont des problmes linguistiques et grammaticaux.

    Dans ies expressions avoir mal ou avoir de i'argent , ie verbe avoir dcrit tantt une situation du monde intrieur, tantt une situation du mond e physique. D'un point de vue logique, avoir une dou leur n'est pas plus possder quelque chose qu'avoir un bus prendre !

    Dans la phrase je pense donc je suis, je ne se rfre pas toujours mon esprit. La preuve en est que lorsque je d clare j'ai mal aux dents, cela ne veut pas dire que c'est mon esprit qui a mal aux dents ...

    Wittgenstein nous laisse avec des questions troublantes. Un dernier exemple: quelle est la diffrence entre dire mon bras se lve et dire je lve mon bras ?

    L'avenir de la logique reste donc crire !

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  • Solutions des exercices 1. Le diplomate, le m enteur et l'homme sincr e. L'homme sincre n'est pas

    gauche car, s'il en tait ainsi, celui du milieu ne pourrait pas l'tre aussi. Mais l'homme sin-cre n'est pas non plus au milieu, sinon il serait oblig de le dire. Il est donc droite. tant donn qu'il affirme que le menteur est au milieu, il dit vrai et le menteur est effectivement au milieu. Pour ce qui est du diplomate, il est gauche.

    2 . Le mariage. On pense spontanment ne pas avoir assez d'lments pour rpondre la question et l'on est tent de rpondre C : Ne peut tre dtermin . Or l'nonc permet de rpondre A: Oui, car si Simone n'est pas marie, alors une personne marie, Grard, regarde bie.n une personne qui ne l'est pas, Simone; si Simone est marie, alors une personne marie, Simone, regarde bien une personne qui ne l'est pas, Jacques. Dans tous les cas, une personne marie regarde une personne qui ne l'est pas.

    3. Le j eu de cartes. On ne ralise pas immdiatement qu'en plus du 2, il faut retourner le 3 et le 4, car, si par hasard, on y trouvait un 2, l'affirmation de dpart se rvle-rait fausse. En revanche, il est inutile de retourner le 7, car, mme si l'on y dcouvrait un 5, cela ne contredirait en rien l'affirmation que l'on demande de vrifier. Pour rpondre la question, il faut donc retourner trois cartes.

    ,.a. Le fils d 'un musicien . Dfinissons F(x,y) comme y est le fils de x et M(x) comme x est musicien. La proposition s'crit alors: l>'y {3xFx:y11 Mx}=>My.

    4b. L'quation propose signifie : Pour tout nombre, il y a un nombre plus grand que lui.

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  • Rfrences bibliographiques Aristote, L'Analytique, textes choisis par PierreTrotignon, PUF, 1968. Antoine Arnauld, Pierre Nicole, La logique ou l'art de penser, Gallimard, 2001. Antoine Arnauld, Claude Lancelot, Grammaire gnrale et raisonne, Republica-

    tions Paulet, 1969.

    George Boole, Les lois de la pense, Vrin, 2002. Albert Camus, Le mythe de Sisyphe, Gallimard, 1942.

    Alain Cohen, Philippe Boulanger, Le Trsor des paradoxes, Belin, 2008. E. R. Dodds, Les Grecs et l'irrationnel, Flammarion, 1959 Gottlob Frege, crits logiques et philosophiques, Seuil, 1994 Georg W. F. Hegel, Encyclopdie des sciences philosophiques, Tome III: Philow-

    phie de l'esprlfrin, 2000. Douglas Hofstadter, Ma Thmagie, Interditions, 1997 William James, Le pragmati.~me, Flammarion, 2007. Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, Flammarion, 2006.

    Thomas S. Kuhn, La structure des rvolutions scientifiques, Flammarion, 2008. Gottfried W. Leibniz, Nouveaux essais sur l'entendement humain, Flammarion,

    1993 Bertrand Russell, Histoire de la philosophie occidentale, Belles Lettres, 201i. Bertrand Russell, Problmes de philosophie, Payot, 1989. Bertrand Russell, De la dnotation dans crits de logique philowphique, PUF,

    1989. Arthur Schopenhauer, L'art d'avoir toujours raiwn, Circ, 1990. Ludwig Wittgenstein, Investigations philowphiques, Gallimard, 1961. Ludwig Wittgenstein, Trac.tatus logico-philosophicus, Gallimard, 2001.

    Jacques Zabarella, Michel Bastit, Tables de logique, Sur l'introduction de Porphyre, les Catgories, le De l'interprtation et les Premiers Analytiques d'Aristote: Petite synopse introductive la logique aristotlicienne, L'Harmattan, 2003.

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