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LA LÉGENDE DE SIEGFRIED D’APRÈS LE SEYFRID À LA PEAU DE CORNE « HÜRNEN SEYFRID » ET LA « ÞIÐREKSSAGA AF BERN »

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  • LA LÉGENDE DE SIEGFRIEDD’APRÈS

    LE SEYFRID À LA PEAU DE CORNE« HÜRNEN SEYFRID »

    ET LA« ÞIÐREKSSAGA AF BERN »

  • Claude Lecouteux

    LA LÉGENDE DE SIEGFRIEDD’APRÈS

    LE SEYFRID À LA PEAU DE CORNE« HÜRNEN SEYFRID »

    ET LA« ÞIÐREKSSAGA AF BERN »

    Traduction par Claude LecouteuxNouvelle édition revue et augmentée

    Éditions la VölvaCollection : Histoires des Peuples

    Première édition : © Le Porte-Glaive, 1995La Légende de Siegfried d’après le Seyfrid à la Peau de Corne et la saga de Thidrek de Vérone© Éditions la Völva, 201579 D rue Fontaine Écu 25000 BesançonTél : 06 31 08 84 26E-mail : [email protected] : 979-10-95451-00-6

    DU MÊME AUTEUR, CHEZ D’AUTRES ÉDITEURS

    Dictionnaire de mythologie germanique, Odin, Thor, Siegfried & Cie, Paris, Imago, 2014 ; trad. en italien, anglais (États-Unis), lituanien, roumain.Le Livre des grimoires : aspects de la magie au Moyen Âge, Paris, Imago, 2009 ; trad. en anglais (USA).Histoire des vampires, autopsie d’un mythe, Paris, Imago, 2013 ; trad. en allemand, roumain, coréen, chinois, portugais (Brésil), anglais (États-Unis).Les Monstres dans la pensée médiévale européenne, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, Paris, 1993 (Culture et Civilisation médiévales X).Fées, Sorcières et Loups-garous : histoire du double au Moyen Âge, préface de Régis Boyer, Paris, Imago, 3e éd. mise à jour, Paris, 2001 ; trad. entchèque, espagnol, anglais (USA).Petit dictionnaire de mythologie allemande, Paris, Entente, 1992 ; trad. en espagnol.Fantômes et Revenants au Moyen Âge, postface de Régis Boyer, Paris, Imago, 1986. 2e éd. Paris, 1996 ; trad. en espagnol, anglais (USA), tchèque.Mélusine et le Chevalier au Cygne, préface de Jacques Le Goff, Paris, 2e éd. mise à jour, Paris, Imago, 1997. Ouvrage couronné par l’Académie française. Traduit en italien.

    TraductionsLa Saga de Théodoric de Vérone, présentée et commentée, Paris, Champion, 2001.Dialogue avec un revenant (XVe siècle), Paris, Presses de l’Université de Pa-ris-Sorbonne, 1999.

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    introduction

    Par le canal des opéras de Richard Wagner, Siegfried est universellement connu ainsi que les principaux traits de la légende dont il est le héros. Les Français ont pu découvrir la Chanson des Nibelungen, rédigée outre-Rhin au début du XIIIe siècle et que l’on considère, toutes proportions gardées, comme l’Iliade allemande – grâce à la traduction de Maurice Colleville et Ernest Tonnelat1. Plus récemment, Régis Boyer nous a procuré celle des principaux textes de l’Edda sur Sigurðr, ainsi que celle de la Saga des Völsungiens écrite en Islande vers 12602. On dispose donc en France de la majeure partie du « légendaire » de celui que les textes nomment Sigfrid, Sîvrît, Seyfrid, Sewfried et Sigurðr. Les dernières pièces à apporter au dossier sont les chapitres de la Saga de Þiðrekr de Vérone qui traitent de Sigurðr, et un petit texte peu connu, le Seyfrid à la Peau de Corne (Der hürnen Seyfrid)3.

    La critique fut sans pitié pour cet opuscule, y voyant essentiellement une compilation sans unité,

    1. Paris, Aubier-Montaigne, 1945. Pour les textes originaux, cf. Das Nibelungenlied, Paralleldruck der Handschriften A, B und C, éd. par M.S. Batts, Tübingen, 1971.2. R. Boyer / E. Lot-Falck, Les Religions de l’Europe du Nord, Paris, 1974 ; R. Boyer, La Saga de Sigurðr ou la Parole donnée, Paris, 1989.

    3. Der Hürnen Seyfrid, éd. par K.C. King, Manchester, 1958 ; Þiðreks saga af Bern, éd. par H. Bertelsen, 2 vol., Copenhague, 1905-1911.

  • La Légende de Siegfried

    une fabrication sans valeur esthétique, tout en reconnaissant son intérêt pour l’étude de l’évolution du goût du public à la charnière des XVe et XVIe siècles – sa fonction d’évasion et de

    compensation à une époque où tout n’allait pas pour le mieux outre-Rhin4. Le Seyfrid à la Peau de Corne dé-veloppe tout ce que l’auteur anonyme de la Chanson des Nibelungen s’est efforcé d’occulter, c’est-à-dire le merveilleux, les traits mythiques ou fabuleux s’attachant à la jeunesse de Siegfried. De ce fait, ce texte possède un important contenu légendaire té-moignant de l’existence de courants sublittéraires

    reposant sur une tradition essentiellement orale. En outre, il rapporte des traits absents de la Chanson – dont l’influence et le succès furent si considérables qu’ils exercèrent une fonc-tion normative sur toute la légende –, mais que l’on retrouve dans les poèmes que l’Edda consacre à Sigurðr, dans la Saga des Völsungiens, bien entendu, et dans celle de Þiðrekr de Vérone, écrite en Norvège au tournant des XIIIe et XIVe siècles et cen-trée sur Théodoric le Grand, roi des Ostrogots mort en 526, sur lequel court au Moyen Âge mainte légende.

    Table de concordance des noms propres :

    Norrois Allemand Anglais Latin SuédoisÁlfrikr, AndvariGernozGuðrún, GrímhildrGunnarrHögniNiflungarSigurðrÞiðrekr

    AlberîchGernotKriemhildGuntherHagenNibelungenSiegfriedDietrich

    Ælfric

    GudhereHögnia

    Deodric

    Albericus

    Gundaharius

    Theodoricus

    KriemhildGunnarHaghenNyfflinghaSeuuekenDirik, Didrik

    4. Cf. W. Hoffmann, Mittelhochdeutsche

    Heldendichtung, Berlin, 1974, pp. 95-107 ; H. Brunner, “Hürnen

    Seyfrid”, in : K. Ruh et alii, Die deutsche Literatur des

    Mittelalters. Verfasserlexikon, Berlin / New York, De Gruyter, T.

    IV, 1983, col. 317-326.

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    chapitre iLe Seyfrid à la Peau de Corne

    1. Le texte et son devenir

    Seyfrid à la Peau de Corne fut imprimé pour la première fois à Nuremberg, vers 1530, chez la célèbre Cunégonde Hergotin, et nous possédons aujourd’hui encore douze exemplaires du texte plusieurs fois réédité entre 1561 et 1642. En septembre 1557, Hans Sachs en tire une tragédie en sept actes ; en 1563, Thie-bold Berger, imprimeur strasbourgeois, publie le texte illustré de vingt-cinq gravures, première parution de ce qui devint un livre populaire, et Cyrus Spangenberg fait une adaptation de l’histoire en 1594. Tobiáš Mouřenín procure une tra-duction en tchèque5 qui est publiée à Prague en 1615. En 1641 paraît un livre populaire néerlandais qui est une adaptation assez libre du texte original accom-pagnée d’un changement du nom des personnages :

    « Agréable histoire du terrible et impavide géant Gilias, comment la très belle fille d’Helyce, roi d’Eylant, fut une nuit enlevée par un esprit et séques-trée enchaînée, et comment, dans ce même royaume,

    5. Chronique complète et très belle de Sayffryd à la Peau de Corne (Summovní kronyka velmi pěkná, o silném Rohovim Sayffrydovi), Prag, Mikuláš Pštros, 1615.

  • 1312

    La Légende de Siegfried Le Seyfrid à la Peau de Corne

    se trouva un apprenti forgeron, nommé Sie-vreedt, possédant la force de vingt-quatre hommes, qui fut envoyé affronter ce géant haut de douze coudées pour délivrer la princesse et l’épouser. »

    « Jamais imprimée jusqu’ici, plaisante à lire. Imprimée en l’an 1641 » :

    Genoechlijcke History Vanden schricklijcken ende onvervaerden Reus GILIAS, Hoe hy des grooten Conincx wonderschoone Dochter vant Eylant Helyce, van een Geest ‘snachts wegh-ghevoert langhen tijt in bewaringhe hadde ghesloten aen kettinghs: Ende hoe int selve Coninckrijck een Smeets-knecht Sie-vreedt genaemt gevonden wierde 24. Mans starckte hebbende, welck tegens desen Reus 12. Cubi-tus hooch ghesonden wierde om dese Dochter weder te ver-lossen ende voor sijn Bruyt te houden.

    Noyt voor desen in Druck geweest, vermaeckelick om te lesen. || Gedruckt int Iaer 1641.

    Le nom des personnages change : Gibich s’appelle Helyce, Seyfrid est Sie-vreedt, un apprenti forgeron, Kriemhild, Eulalis et elle est enlevée par un « esprit » (geest), le nain Eugel, devient le Bergmanneken Mesines, et Kuperan, Reus (géant) Gilias qui habite la montagne de Seltim, dans la province de Trinacria, peuplée d’ours et de lions. Le héros acquiert sa peau de corne en se baignant dans une rivière et meurt empoisonné ; son épouse décède peu après.

    En 1657, le Seyfrid est dérimé (mis en prose), augmenté de quelques épisodes et imprimé à Hambourg. En 1660, on lui adjoint une suite, Louhardus, l’histoire du fils de Seyfrid et de Kriemhild, qui s’appelle ici Florigunda. Devenu livre populaire, le Seyfrid est sans cesse réédité sous sa nouvelle forme.

    En 1726 paraît une nouvelle édition du texte allemand fortement remanié et illustré de trente-cinq gravures de grossière facture :

    « Une merveilleuse histoire de Siegfried à la Peau de Corne, quelles aventures connut ce valeureux che-valier, à lire avec plaisir et à retenir. Traduite du fran-çais en allemand et imprimée de nouveau. »

    Eine wunderschöne Historie von dem gehörnten Sieg-fried, was wunderliche Ebentheuer dieser theure Ritter aus-gestanden, sehr denkwürdig und mit Lust zu lesen. Aus dem Französischen ins Deutsche übersetzt und von neuem wieder aufgelegt, Frankfurt an der Oder und Berlin, Trowißsch und Sohn, 1726.

    Le héros, fils du roi Siegehardus, se transforme en chevalier et vit des aventures absentes de la rédaction la plus ancienne. Il rencontre, par exemple, un ours qu’il pend à un arbre, et un lion dont il arrache la mâchoire. Les noms de certains per-sonnages changent : le roi Gybich se nomme Gibaldus et sa fille Florigunda, alors qu’elle est anonyme dans le texte mais correspond à Kriemhild ; le géant Kuperan s’appelle désormais Wolfgrambähr, nom qui souligne sa férocité et son animalité, composé qu’il est de Wolf (loup), Bähr (ours) et Gram (furieux) ; Eugleyne devient Egwaldus. D’autre part, les illustrations montrent le héros portant deux petites cornes sur la tête, ce qui indique que l’illustrateur n’a pas compris que Seyfrid n’était pas « le cornu » mais « à la peau de corne ».

    Aux XIXe et XXe siècles enfin, divers auteurs font revivre le texte et les érudits le rééditent :

    Christian Wilhelm Kindleben, Der gehörnte Siegfried ein Volksroman. 2 Teile, s.l., 1783

    Gustav Schwab, Der gehörnte Siegfried. in: Buch der schönsten Geschichten und Sagen für Jung und Alt wieder erzählt. Stuttgart, Liesching, 1836.

    Guido Görres, Der hürnen Siegfried und sein Kampf mit dem Drachen, eine altdeutsche Sage, München, Kaiser, 1843.

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    La Légende de Siegfried Le Seyfrid à la Peau de Corne

    Otto Clemen (éd.): Das Lied vom Hürnen Sewfried. Zwickau, F. Ullmann, 1911. Zwickauer Facsimiledrucke Nr. 6.

    Peter Suchsland (Hrsg.): Deutsche Volksbücher in drei Bänden. 1. Band: Historie von dem gehörnten. Siegfried. Berlin & Weimar, Aufbau Verlag, 1975.

    Nous constatons donc que les jugements portés par la critique de celui-ci ne correspondent pas à la popularité du texte, qui n’a pas cessé de plaire à un large public pendant quatre cents ans, justement parce qu’il faisait la part belle au merveilleux.

    Il est extrêmement difficile de dater avec précision le Seyfrid, mais on s’accorde sur le fait qu’au cours du XIIIe siècle, un auteur a réuni, assez maladroitement du reste, des traditions anciennes colportées en marge de la Chanson des Nibelungen. Tel qu’il nous est parvenu, le texte comporte cent soixante-dix-neuf strophes de huit vers courts, parmi lesquelles on distingue trois parties :

    — la première comprend les strophes 1 à 15 qui narrent la jeunesse du héros, nous délivrant des informations qui se re-coupent très exactement avec celles des textes scandinaves. D’un caractère indépendant, Seyfrid est élevé chez un forgeron qui cherche à s’en débarrasser. Il s’agit en fait d’un canevas narratif qui peut aussi être compris comme une rédaction courte de la Chanson ;

    — la deuxième partie, de loin la plus longue (str. 16-172), relate l’enlèvement de Kriemhild par un dragon et comment Seyfrid la retrouve et la délivre. Or cet épisode de la vie de Seyfrid est sans équivalent dans tous les textes connus actuel-lement. Pourtant, il est ici le dernier vestige d’une tradition légendaire allemande dont on relève d’infimes traces. Un manuscrit rédigé à Mayence vers 1400 comporte la table des ma-tières fragmentaire d’une œuvre qui n’est autre que la Chanson des Nibelungen, mais où ont été insérés, de façon chronologi-quement sensée, les exploits de jeunesse du héros – combat

    contre le dragon et acquisition du trésor, ce qui représente la première aventure dans cette tradition – et l’histoire du rapt de Kriemhild par le dragon, ce qui correspondait, selon cette table, aux aventures six à neuf.

    Dans un autre manuscrit de la Chanson des Nibelungen, écrit en 1449 par Johannes Lang et aujourd’hui conservé à Darmstadt, deux vers font une allusion directe à cet enlèvement. Kriemhild justifie ainsi son amour pour Siegfried :

    « [...] car il m’a tirée d’une terrifiante détresse, sur la montagne du dragon où j’aurais dû trouver la mort6. »

    Plus intéressant encore est le texte intitulé Le Jardin des Roses de Worms7, qui date peut-être de 1250 : il met en scène la rencontre de Siegfried et de ses preux avec Dietrich de Vérone et ses guerriers. Là, Kriemhild n’est encore que la fiancée de Siegfried, son personnage est démonisé et l’auteur en souligne l’as-pect guerrier : « Le jeu de Kriemhild est le combat », écrit l’anonyme poète qui nous la montre aussi riant à la vue du sang qui coule. Voici un court résumé du texte :

    À Worms règne Gibich ; ses trois fils sont Gunther, Gernot et Hagen. Sa fille Kriemhild organise une rencontre qui tourne au désavan-tage des Burgondes : tous sont vaincus, et Dietrich de Vérone terrasse Siegfried, ne l’épargne qu’à la demande

    6. J. Vorderstemann, „Eine unbekannte Handschrift des Nibelungenliedes, Zeitschrift für deutsches Altertum 105 (1976), p. 115-122, ici p. 121.7. Der Rosengarten zu Worms, éd. par G. Holz, Halle, 1893, str. 329-333.

    Combat de Dietrich von Bern (à gauche) qui crache le feu, et de Siegfried (à droite). Heidelberg, Bibliothèque universitaire, Cpg 359, folio 49 r°.

  • 57

    chapitre iiiLa Chanson de Seyfrid à la Peau de Corne

    Voici la belle chanson de Seyfrid à la Peau de Corne. Elle est composée sur le même rythme que celle de Hildebrand38. Je n’en ai jamais entendu de pareille et, si vous me permettez de la déclamer, vous me ferez plaisir.

    Seyfrid à la Peau de Corne, Livre des Héros, Strasbourg, vers 1483

    38. Version tardive du Hildebrandslied avec un heureux dénouement (cf. Þiðrekssaga chap. 419), comportant dix-neuf strophes de quatre vers longs et le même rythme que les strophes du Nibelungenlied.

  • 5958

    La Légende de Siegfried La Chanson de Seyfrid à la Peau de Corne

    Hierinn findt jr ein schönes LiedVon dem Hürnen Seyfrid,

    Vnd ist in des Hiltebrandes thon.Deßgleychen jch nie gehört han.

    Vnd wenn jr das leßt recht vnd eben,So werdt jr mir gewunnen geben.

    (1) En Néerlande vivait un roi bien connu, riche et très puissant, qui se nommait Sigmund. Son épouse lui avait donné un fils appelé Seyfrid. C’est de lui dont vous entendrez parler dans cette chanson.

    (2) C’était un enfant si difficile, si grand et si fort que ses parents s’en inquiétèrent39. II ne voulait être soumis à quiconque tant qu’il vivrait. Il n’as-pirait, en son cœur et en ses pensées, qu’à partir au loin.

    (3) Les conseillers royaux dirent à Sigmund40 : « Laissez-le donc partir ! C’est la meilleure solution, puisqu’il ne veut pas rester, et si vous le laissez exercer ses capacités, il sera adroit, deviendra un intrépide guerrier et vivra longtemps. »

    (4) Le hardi jouvenceau quitta donc les lieux. Un village se dressait à l’orée d’une forêt ; il s’en approcha et arriva chez un forgeron41. Il voulait se mettre à son service et battre le fer comme tout autre compagnon.

    39. Trait récurrent des traditions allemandes et contredisant les poèmes norrois.

    40. Ceci est conforme au Nibelungenlied.41. Ce forgeron est appelé Reginn ou Mimir dans les textes scandinaves.

  • 6160

    La Légende de Siegfried La Chanson de Seyfrid à la Peau de Corne

    Wie Seyfrid zu eynem Schmid kam vnd den Ampoß in die erden schlug vnd das eysen entzwey, vnd den meyster vnd knecht

    schlug.

    (5) Il fendait le fer, enfonçait l’enclume dans la terre. Quand on le lui reprochait, il n’acceptait aucune leçon, frappait

    maître et compagnons, les malmenait42. Le forgeron réfléchissait souvent à la façon dont il s’en débar-rasserait.

    Hie schickt der meyster Seyfrid auß, in meinung, das er nit wider sol kummen.

    (6) Un énorme dragon venait sans cesse près d’un tilleul. Le forgeron y envoya Seyfrid afin qu’il périsse. Un charbon-nier habitait la forêt, et Seyfrid devait l’attendre derrière ce même tilleul43, il lui apporterait du charbon.

    42. Toute la tradition légendaire confirme ce point.

    43. Le tilleul est une invention tardive reposant sur un malentendu. Cet arbre se dit linde en moyen haut-allemand, et le dragon lintwurm, terme qui fut interprété comme linde + wurm.

  • 6362

    La Légende de Siegfried La Chanson de Seyfrid à la Peau de Corne

    Hie kam Seyfrid zu der Linden da der Trach lag vnd erschlug in zu todt

    (7) Le forgeron pensait qu’ainsi le dragon le tuerait. Quand Seyfrid arriva près du tilleul, il se heurta au dragon. L’intrépide jeune homme l’eut vite abattu. Il songea alors au charbonnier et s’enfonça dans la forêt de sapins pour aller à sa rencontre.

    Hie bedecket Seyfrid das gewürme mit baumen, vnd bringt ein fewr vom Koler, vnd wil sie all verbrennen.

    (8) II parvint dans une contrée sauvage, pleine de dragons, de reptiles, de serpents et de cra-pauds44. De toute sa vie, il n’en avait jamais vu autant. C’était dans un val encaissé ; iI arracha les arbres alentour et les rassembla45.

    (9) II les jeta sur les dragons, si bien qu’aucun ne put se dresser et qu’ils durent rester là, aussi nombreux qu’ils étaient. Seyfrid courut chez le charbonnier où il trouva du feu. Il mit le feu au bois et fit brûler les reptiles.

    44. Le crapaud est tenu pour maléfique et diabolique ; il se dit kröte, terme qui est aussi synonyme de « reptile ».45. Cette façon de faire est typique d’un géant.

  • appendice 2Édition de 1726

    1. Siegfried quitte son père.

    3. Siegfried arrive chez le roi Gibaldus.

    5. Siegfried affronte un ours et le pend à un arbre.

    2. Siegfried enfonce l’enclume dans la terre.

    4. Arrivée du dragon qui enlève Florigunda.

    6. Siegfried tue un sanglier à la chasse.

    Appendices

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  • À paraître aux éditions la Völva au printemps 2016 :

    LES MONSTRES DANS LA LITTÉRATURE ALLEMANDE DU MOYEN ÂGE

    Contribution à l’étude du merveilleux médiéval

    par Claude Lecouteux,Professeur émérite,

    Université Paris IV-Sorbonne

  • TABLE DES MATIÈRES

    Introduction

    CHAPITRE I : LE SEYFRID À LA PEAU DE CORNE1. Le texte et son devenir2. Les personnages3. Les géants4. Les nains5. Les dragons6. Le parcours initiatique7. Le trésor des Nibelungen

    CHAPITRE II : PERSPECTIVES CHAPITRE III : LA CHANSON DE SEYFRID À LA PEAU DE CORNE

    CHAPITRE IV : LA LÉGENDE DE SIGURÐR

    AppendicesBibliographie