la lettre des doctorants
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La lettre des doctorantsTRANSCRIPT
La lettredes élus
Une publication mensuelle de l’UNEF et de l’APFEEN° de Commission Paritaire : 0108G82659 • ISSN : 1761-1547 // Directeur de publication : Sébastien Chaillou // Rédacteurs en chef : Yannis Burgat, Benoit Soulier // mail : [email protected] // tél : 01 42 02 25 55 // Impression : imprimerie Grenier RCS Créteil B 622.053.189
Actualité • Le pilotage de la recherche par l’ANR vivement critiqué // IDEX de Toulouse
Dossier • Un statut national pour garantir les droits des doctorants
Fiche pratique • Améliorer la charte des thèses de son université
Interview • Frederic Marty, responsable de la FENEC
Association pour la Formation des Elus Etudiants
APFEE
Bonjour à tous !
Cette année, la quasi-totalité des élus étudiants a été renou-velée dans les conseils des universités. La lettre des élus consacre ce mois-ci un numéro dédié à la recherche et aux études doctorales afin d’appuyer l’action des nouveaux élus doctorants au sein des conseils scientifiques.
La recherche publique a subi de nombreux bouleversements tant sur les modes de financements que sur le déplacement des prises de décisions. L’attribution des financements se fait moins en fonction des besoins des universités et des organismes de recherche qu’en fonction de critères utili-taristes. Les moyens attribués à l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) ne cessent de progresser alors que son fonc-tionnement et son coût ne cessent d’être critiqués.
Dans le même temps, la précarité progresse chez les doc-torants, et à l’image de tous les étudiants, les perspectives d’avenir s’assombrissent. 40% des thèses ne sont pas finan-cées et de nombreux doctorants, faute de moyens et d’en-cadrement, abandonnent leur thèse en cours de route. Les élus « UNEF et associations étudiantes » présenteront dans le dossier de ce mois-ci leur projet de statut national pour garantir les droits des doctorants.
Enfin, nous donnerons la parole à Frédéric Marty, élu au conseil scientifique de l’université Tou-louse 2 le Mirail et responsable de la FENEC-UNEF. Il nous fera partager ses analyses sur la situation des étudiants chercheurs et les leviers à mettre en place pour démocratiser le doctorat.
Bonne lecture !
William Martinet,Élu au CNESER
#187Avril 2012
Spéciale doctorants
Dans le cadre du Grand Emprunt le gouvernement
a lancé des appels à projets dans l’enseignement
supérieur dont l’appel à projet IDEX (Initiative
d’excellence). Un jury international a sélectionné
8 projets qui se partageront 7,7 milliards d’euros.
Les projets IDEX exacerbent la concurrence
entre les universités. Pour espérer être sélec-
tionnées et bénéficier des moyens supplémen-
taires du Grand Emprunt, les universités sont
obligées de se regrouper comme à Toulouse.
On passe ainsi de plusieurs établissements dont
les moyens sont fléchés par l’Etat à un masto-
donte universitaire dont les financements ne
seront plus garantis pour tous les laboratoires.
Bien que le gouvernement affiche 7,7 milliards
d’euros dans le cadre des IDEX, ce sont seule-
ment les intérêts de ces fonds qui seront attri-
bués aux projets. En ne sélectionnant que 8
projets le risque d’un enseignement supérieur à
plusieurs vitesses est de plus en plus grand.
L’IDEX fait reculer les droits des doctorants de ToulouseLe projet IDEX de Toulouse, appelé T-IDEX, com-
porte plusieurs points particulièrement inquié-
tants pour les doctorants. En premier lieu parce
qu’il prévoit une concentration des moyens sur
un « périmètre d’excellence » qui regroupe seu-
lement 40% des laboratoires. Pour les doctorants
en dehors de ce périmètre cela signifie des diffi-
cultés accrues pour accéder à un financement et
à des conditions de travail acceptables.
T-IDEX s’appuie sur la fusion des universités et
des écoles d’ingénieurs toulousaines. L’établis-
sement issu de la fusion, nommé « Université
de Toulouse » aura un statut de grand établisse-
ment. Ce statut ne garanti pas les mêmes règles
de gouvernance que les universités. Ainsi en cas
de réalisation de la fusion, « l’Université de Tou-
louse » sera dirigée par un comité exécutif qui
ne comprend aucun étudiant, alors qu’ils sont
aujourd’hui 5 dans les conseils d’administration
des universités.
Pour développer son attractivité internationale le
projet T-IDEX envisage de supprimer les recru-
tements internes jusqu’à 2018. Cela signifie qu’il
ne sera plus possible pour un doctorant de Tou-
louse de décrocher un poste de titulaire dans son
établissement. Cette décision va compromettre
l’avenir de plusieurs centaines de doctorants de
Toulouse.
Dans le futur grand établissement, les recrutement
« tenure track », c’est à dire des contrats précaires
de 3 ans adaptés aux financements sur projets,
deviendront la norme.
La mobilisation des élus « UNEF et associations étudiantes »Les élus « UNEF et associations étudiantes » ont
organisé plusieurs assemblées générales afin de
faire entendre les revendications des doctorants.
Ils réclament des garanties pour que la fusion des
universités et l’application du projet T-IDEX ne
fasse pas reculer leurs droits. Lors des éléctions
étudiantes à Toulouse, les étudiants ont largement
rejeté le projet de fusion en votant majoritairement
pour les listes « UNEF et associations étudiantes »
qui totalisent 35 élus dont 11 en CS. En s’appuyant
sur ce rapport de force renouvelé et en lien avec
les enseignants et les personnels, les élus « UNEF
et associations étudiantes » sont parvenus à faire
repousser la signature de la convention IDEX-Etat.
Ce report permet ainsi de pouvoir redéfinir le pro-
jet IDEX et d’obtenir des garanties pour les docto-
rants et le service public.
Frédéric Marty
Élu au conseil scienctifique de Toulouse 2
IDEX de Toulouse : la bataille des élus
GRAND EMPRUNT
Le 19 avril 2012, le gouvernement a accé-
léré le lancement des IDEX, en signant trois
nouvelles conventions IDEX-Etat : celles de
Paris Saclay, Sorbonne Universités et Paris
Sciences et Lettres.
Ces signatures de conventions viennent
s’ajouter à celles déjà signées à Bordeaux,
Strasbourg et Aix-Marseille. Une pétition a
été lancée pour demander à ce qu’aucune
convention ne soit signée avant les élec-
tions présidentielles.
La logique des IDEX ne fait en effet pas
l’unanimité au sein de la communauté uni-
versitaire. Les projets IDEX impulsent de
nombreux regroupements d’universités et
creusent les inégalités de financement entre
les établissements.
Les élus « UNEF et associations étudiantes »
demandent l’arrêt des signatures de conven-
tions IDEX-Etat et l’ouverture d’un débat
national. Ce débat doit permettre de garantir
une carte universitaire au service de la démo-
cratisation et de corriger les inégalités de fi-
nancement entre les universités.
Actualités des conseils
2
Le gouvernement accèlère la signature des IDEX
Alors que le gouvernement insiste sur sa
volonté de renforcer « l’attractivité inter-
nationale » de la recherche, le Ministère de
l’Intérieur met en place une politique discri-
minante à l’égard des étudiants étrangers. La
circulaire Guéant, vise à restreindre l’inser-
tion professionnelle en France des diplômés
étrangers. Suite à cette circulaire, de nom-
breux jeunes chercheurs ayant obtenus leur
doctorat se sont vu refuser l’attribution d’un
titre de séjour salarié alors même que des
entreprises étaient prêtes à les embaucher.
Les élus « UNEF et associations étudiantes
» réclament l’abrogation de la circulaire
Guéant et demande l’amélioration des
conditions d’accueil et de séjour des étu-
diants étrangers, avec la mise en place de
guichets uniques d’accueil et d’un titre de
séjour pluriannuel par cycle d’études...
Circulaire Guéant on continue !
Actualités des conseils
3
L’ANR joue un rôle central dans le pilotage de
la recherche publique et privée. Elle dispose
d’un budget annuel de 800 millions d’euros
qui lui permet de lancer des appels à projets
sur différentes thématiques scientifiques. Elle
pilote également la répartition des 18 milliards
d’euros du Grand Emprunt destinés à la re-
cherche. Alors que les universités et les orga-
nismes de recherche se retrouvent dans une
situation de pénurie budgétaire, la recherche
publique est de plus en plus dépendante des
appels à projets de l’ANR.
Une place incontournable dans le service public de rechercheAux moyens financiers que l’ANR mobilise
directement il faut ajouter les moyens des
organismes et laboratoires qu’elle mobilise
indirectement. La Cour des Comptes, dans
son rapport sur l’ANR de 2011, estime que sur
l’ensemble des projets impulsés par l’ANR seu-
lement 25% de leur coût réel est financé par
l’agence. Le reste est à la charge des labora-
toires. Ainsi l’ANR contrôle plus de 3 milliards
d’euros sur un budget de la recherche publique
de 13 milliards d’euros.
Une remise en cause du pilotage collégiale de la rechercheL’ANR est dirigée par un Conseil d’Adminis-
tration dont les membres sont nommés par
le ministère. Avec la montée en charge de
l’agence, on assiste à un déplacement des
centres de décisions pour la recherche pu-
blique qui s’organisait jusqu’à présent au sein
des organismes de recherche et des uni-
versités. Dans ces établissements publics, la
politique de recherche est décidée de façon
collégiale, à travers des comités scientifiques
composés de scientifiques élus par la commu-
nauté universitaire.
La précarisation du service public de rechercheLe système d’appel à projets accorde des fi-
nancements de courte durée aux laboratoires
de recherche, sans garantie de prolongement.
Ce mode de financement remet en cause la
pérennité du travail scientifique et donc son
efficacité, en particulier pour la recherche
fondamentale. Il a également des consé-
quences directes pour les personnels du ser-
vice public : la précarisation des financements
s’est traduite par une précarisation des statuts
et l’explosion de CDD. Le financement des
thèses s’en trouve aussi impactée, les besoins
de l’ANR passant avant les objets de recherche
des doctorants.
Une agence bureaucratiqueLa procédure d’appels à projet est une usine à
gaz. L’ANR dispose de 150 postes qui lui sont
Le pilotage de la recherche par l’ANR vivement critiqué
RECHERCHE
directement alloués. Chaque appel à pro-
jet mobilise les chercheurs durant un temps
considérable qui ne peut être utilisé pour le
travail scientifique. Par exemple un appel à
projet classique avec un comité de pilotage de
25 scientifiques. Il évaluera plus de 200 pro-
jets qui auront mobilisé plusieurs centaines
d’équipes scientifiques pour au final ne sélec-
tionner que 20 projets. Dans ce cas le coût des
heures de travail impliquées par la procédure
engouffre la majorité d’une subvention de
quelques centaines de milliers d’euros.
Ouvrir le débat sur le fonctionnement du service public de rechercheLa mise en place de l’ANR s’est faite sans
consultation et malgré les protestations de
la communauté universitaire. Les critiques se
font de plus en plus fortes au sein de la com-
munauté universitaire et de la part des uni-
versités. Pour les élus « UNEF et associations
étudiantes », il est indispensable de rouvrir
un débat sur l’organisation du service public
de recherche. Les élus « UNEF et associations
étudiantes sont attachés à une recherche pu-
blique forte, transparente et indépendante.
William Martinet
élu au CNESER
l’ouverture sociale des études doctorales. C’est
un enjeu pour toute la société car cela permet
d’élever le niveau de qualification et également
de rattraper le retard de la France sur le nombre
de thèses soutenues chaque année. Cela ne
pourra pas se faire sans la mise en place d’un
statut national du doctorant. Ce statut natio-
nal doit protéger les doctorants de toutes les
difficultés responsables de l’abandon de thèse.
Il doit être constitué d’un ensemble de droits
: accès à un financement, à des conditions de
travail optimales et à une insertion profession-
nelle de qualité.
Financer l’ensemble des doctorants pour en finir avec la précaritéLe droit à un financement public ou privé doit
être le premier pilier du statut national du doc-
torant. Les doctorants sont indispensables au
fonctionnement des laboratoires. Pourtant 40%
d’entre eux ne sont pas rémunéré pour le tra-
vail scientifique qu’ils produisent. Ce chiffre est
variable selon les domaines de recherche (60%
de doctorants sans financement en sciences
humaine contre 15% en sciences dures) mais
il est responsable d’une part importante des
abandons de thèses.
Développer les financements publics
Les financements publics des thèses sont large-
ment insuffisants, en particulier en sciences hu-
maines où les financements sont les plus faibles.
Depuis la mise en place du contrat doctoral, les
financements publics ne sont plus répartis par le
ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche mais par les universités elles-mêmes.
Ce changement aggrave les inégalités entre les
secteurs de recherche et les doctorants.
Les élus « UNEF et associations étudiantes »
Un statut national pour garantir les droits des doctorants
ETUDES DOCTORALES
Dossier du mois
4
Une précarité qui progresse chez les doctorantsLes doctorants sont les premiers touchés par
ces réformes. Les 70 000 doctorants qui par-
ticipent à la production scientifique du pays
ont vu leurs conditions de travail et d’insertion
professionnelle se dégrader. Alors que l’aug-
mentation du nombre de doctorants est un
impératif économique pour toute la société,
les réformes ont produit l’effet inverse.
Le nombre de thèses soutenues a diminué de 15%
depuis 2002. La précarité des doctorants renforce
également la reproduction sociale : alors que les
enfants d’ouvriers représentent 12% des inscrits en
licence ils ne sont plus que 2% en doctorat.
Pour démocratiser l’accès au doctorat : un statut national !Démocratiser le doctorat, c’est augmenter
le nombre de thèses soutenues et permettre
C’est un statut national qui pourra garantir à l’ensemble des doctorants l’accès à un financement, l’amélioration de leurs conditions de travail et une insertion professionnelle à la hauteur de leurs qualifications. Les élus « UNEF et associations étudiantes » présentent leurs revendications.
Dossier du mois
5
réclament :
• Une dotation financière à destination des uni-
versités qui permette la contractualisation et le
financement de l’ensemble des thèses.
• La répartition des financements entre les la-
boratoires par le Conseil Scientifique (CS) pour
se prémunir du clientélisme et corriger les iné-
galités entre secteurs de recherche.
Multiplier les sources de financement en
garantissant la qualité de la thèse
Les collectivités territoriales, les entreprises et
les fondations privées constituent également
des sources de financement pour les thèses.
Elles doivent donc être exploitées. Ces finan-
cements peuvent se faire sous contrat doctoral
ou convention CIFRE (Convention Industrielle
de Formation pour la Recherche). Les CIFRE
doivent être développées et les universités
doivent empêcher les abus qui peuvent exister.
Une entreprise ou une collectivité ne doit pas
utiliser un doctorant pour remplacer un emploi
salarié au détriment de la pertinence scienti-
fique de la thèse en profitant du régime favo-
rable du contrat doctoral ou de la convention
CIFRE.
Les élus « UNEF et associations étudiantes »
revendiquent :
• L’obligation pour les écoles doctorale d’ac-
compagner individuellement les futurs docto-
rants dans leur recherche de financements.
• La définition précise du travail de recherche
effectué au sein de l’entreprise ou de la collec-
tivité territoriale et un contrôle par le CS de la
pertinence scientifique de ce travail.
Renforcer le contrat doctoral pour mieux
protéger les doctorants
Les doctorants qui ont accès à un financement
ne sont pas à l’abri de la précarité. Le contrat
doctoral, qui concerne 80% des financements,
n’apporte pas des garanties suffisantes sur les
ruptures de contrat et la durée du financement.
Les élus « UNEF et associations étudiantes »
revendiquent :
• La suppression de la période d’essai de 2 mois
au début du contrat doctoral.
• Le prolongement automatique du contrat
doctoral pour la 4ème année de thèse.
Améliorer les conditions d’études et de recherche de tous les doctorants
Garantir un véritable encadrement pédagogique et
des conditions de travail dignes d’un chercheur ti-
tulaire doit être le second pilier d’un statut national
du doctorant. Les doctorants ne bénéficient pas
tous d’un encadrement pédagogique et du maté-
riel nécessaire pour effectuer leur thèse dans de
bonnes conditions. La charte des thèses qui existe
aujourd’hui et doit définir les droits des doctorants
durant leur thèse, est différente selon les établis-
sements et n’a souvent qu’une valeur symbolique.
Garantir l’encadrement des doctorants
Même si le constat varie fortement selon les
secteurs de recherche il n’est pas rare de voir
des directeurs de thèses encadrer plus d’une
dizaine de doctorants. L’encadrement se ré-
sume alors à sa plus simple expression et les
doctorants, qui sont pourtant des chercheurs
en formation, sont livrés à eux même.
Les élus « UNEF et associations étudiantes »
revendiquent :
• La limitation du nombre de doctorants par
directeur de thèse.
• Une offre de formation adaptée à l’orientation
scientifique de chaque laboratoire
Offrir les conditions matérielles nécessaires à
un travail de recherche
Alors que les doctorants doivent effectuer un
travail de recherche, ils n’ont pas toujours les
moyens matériels qui sont mis à dispositions
des autres chercheurs.
Les élus « UNEF et associations étudiantes »
réclament :
• La mise à disposition d’un bureau avec du
matériel informatique pour chaque doctorant
• L’accès à toutes les ressources documentaires
nécessaire à leurs travaux de recherche
Assurer une insertion professionnelle de qualité aux doctorantsAssurer une insertion professionnelle de quali-
té, dans le privé comme dans le public, doit être
le dernier pilier du statut national du doctorant.
Alors que le doctorat est un diplôme très qua-
lifiant, il ne permet pas une insertion profes-
sionnelle à la hauteur d’un bac +8. Le taux de
chômage des doctorants est équivalent à celui
des étudiants en master et leur rémunération
lors de leur premier emploi est inférieure à celle
d’un ingénieur, pourtant diplômé à bac +5.
Professionnaliser le doctorat
Le contenu de la formation en doctorat est un outil
pour améliorer l’insertion professionnelle. Il est né-
cessaire de proposer à tous les doctorants des for-
mations qui donnent des qualifications transver-
sales indispensables sur le marché du travail. Ces
formations doivent également aider les doctorants
dans leur démarche pour chercher un emploi.
Les élus « UNEF et associations étudiantes »
réclament :
• Une offre de formation transversale en langue
étrangère, ressources humaines, etc. complé-
mentaires avec la formation qu’apporte la réali-
sation d’une thèse.
• Une formation pour la recherche d’emplois spé-
cifiques aux doctorants (valorisation du travail de
recherche pour une entreprise, connaissance des
débouchés sur le marché du travail, etc.)
Refaire du secteur public un débouché pour
les doctorants
Alors que la recherche publique était le dé-
bouché naturel des doctorants, les politiques
menés dans la fonction publiques, font qu’il ne
représente plus qu’un tiers de l’insertion profes-
sionnelle des jeunes docteurs.
Les élus « UNEF et associations étudiantes »
réclament :
• Une partie des places aux concours réservés
aux doctorants pour intégrer la fonction pu-
blique hors domaines de recherche
• La création de postes dans la recherche publique
Imposer aux entreprises la reconnaissance du
doctorat
Le doctorat n’est pas reconnu dans les conven-
tions collectives des entreprises ce qui leur
permet de ne pas rémunérer les doctorants à la
hauteur de leurs qualifications.
Les élus « UNEF et associations étudiantes »
réclament :
• Conditionner le versement des Crédits Impôt
Recherche aux entreprises à l’inscription du
doctorat dans les conventions collectives pour
une rémunération minimum à 2 fois le SMIC.
Yannis Burgat,
Elu au CNESER
En direct des universités
Quelle est l’ampleur de la précarité dans le service public de recherche, en particulier pour les jeunes doc-teurs ?
Le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de
la Recherche ne dispose d’aucun recensement
fiable de l’ensemble des personnels précaires
de l’enseignement supérieur et la recherche.
Une enquête intersyndicale a été lancée en
octobre 2009 auprès des précaires de l’ensei-
gnement supérieur et de la recherche. Les
4409 réponses obtenues, dont environ 1/3 de
docteurs, permettent d’estimer l’existence de
45 à 50 000 précaires dans l’enseignement su-
périeur et la recherche, et de décrire la popu-
lation.
Les ATER docteurs, un millier, sont au plus sur
un poste pendant une année universitaire, en
général dans l’attente d’un contrat post-doc
en France ou à l’étranger. En ce qui concerne
les docteurs sans poste, ils ont en moyenne
33,1 ans – 26,5% ont moins de trente ans, plus
du quart ont 35 ans ou plus.
Compte tenu du nombre, de
la disparité des établissements
et de l’autonomie des univer-
sités, il est difficile de prendre
en compte ceux qui n’ont
pas signé de Contrat à Durée
Déterminée (CDD) mais qui
exercent comme vacataires en
dehors de tout contrat, sans
protection sociale, voire même
en utilisant un prête-nom.
Certains effectuent des vaca-
tions gratuitement, car âgés de
plus de 28 ans et sans emploi
principal, ils ne peuvent être
payés. Certains occupent à la
fois des emplois administratifs
et d’enseignement. La pro-
portion de femmes précaires
est très importante, notamment en Sciences
Humaines et Sociales (68%). Une nouvelle aug-
mentation de l’emploi précaire a lieu avec no-
tamment le recrutement d’enseignants-cher-
cheurs contractuels.
Les organisations syndicales ont-elles été impliquées dans l’élabora-tion de la loi Sauvadet ? Leurs reven-dications ont-elles été entendues ?
La loi Sauvadet s’inscrit dans la suite du proto-
cole Précarité, discuté avec les organisations
syndicales. Celui-ci prévoit des possibilités de
CDIsation et de titularisation. Des revendica-
tions majeures portées par les organisations
syndicales n’ont pas été entendues, comme
la volonté de voir intégrer les précaires sur des
postes de titulaires des fonctions publiques. Ce
protocole n’a pas été signé par la FSU.
Pour le SNESUP, la loi, qui ne comporte aucune
création d’emplois, ne permet pas de prendre
en compte la majorité des personnels qui
pourraient être intégrés sur des postes d’ensei-
Interview de Michelle Lauton, secrétaire nationale du SNESUP
ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET RECHERCHE
gnants, de chercheurs ou d’ingénieurs. En effet,
les situations de vacataires ne permettent pas
d’accéder au nombre d’années nécessaires
; des collègues enseignant langues ou fran-
çais langue étrangère, ne peuvent accéder
aux concours d’enseignant du second degré
(inexistence de certaines spécialités, condi-
tions de nationalité), et le ministère refuse de
prendre en compte les années de préparation
de la thèse dans la durée passée dans l’emploi
précaire.
Quels changements les jeunes doc-teurs peuvent-ils espérer de cette loi ?
Depuis la signature du protocole, les orga-
nismes de recherche et les universités ont pro-
cédé à des non renouvellements de contrats de
CDD, excluant de fait des candidats potentiels
à la titularisation, notamment des docteurs.
Malgré nos demandes, rien dans la loi n’a inter-
dit ces non-renouvellements ou introduit des
amendements pour prendre en compte ces
collègues.
Dans les établissements, l’application de la loi
se met en place, sans qu’aucun recensement
exhaustif, dont les critères et l’organisation au-
raient été discutés avec les organisations syndi-
cales, n’ait été effectué. Des conditions restric-
tives, comme l’obligation d’avoir eu un même
employeur pour une même mission, excluent
encore plus de personnes de l’accès à la CDI-
sation et à la titularisation.
Quant aux jeunes préparant actuellement des
doctorats, sans créations d’emploi en nombre
suffisant, avec le maintien d’une politique de
recherche basée sur les réponses aux appels
d’offre et sans financements pérennes, la ga-
lère risque de se poursuivre.
Propos recueillis par Morand Perrin
Élu au CNESER
Suite à une forte mobilisation syndicale, le parlement a voté le 13 mars 2012 une loi relative à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels de la fonction publique. L’application de cette loi est un enjeu important pour résorber la précarité qui touche fortement les personnels du service public de recherche, en particulier les jeunes docteurs.
6
Fiche Pratique #187
7
L’arrêté du 3 septembre 1998 impose la mise en
place d’une charte des thèses dans chaque éta-
blissement public d’enseignement supérieur. Elle
doit être discutée dans chaque établissement et
comporte les droits et devoirs de tous les acteurs
impliqués dans la préparation d’une thèse : doc-
torant, directeur de thèse et directeur de labora-
toire. L’arrêté du 4 août 2006 régissant le fonc-
tionnement des études doctorales confirme le
rôle de la charte des thèses en imposant qu’elle
soit signée dès la première inscription en thèse.
Le rôle des élus étudiantsLa charte des thèses, présentée dans l’arrêté du 3
septembre 1998, doit être complétée par chaque
établissement et votée au Conseil Scientifique
(CS). Les élus étudiants du CS ont donc un rôle
important pour que la charte des thèses de leur
établissement protège au mieux les droits des
doctorants. Si la charte des thèses d’un établisse-
ment n’est pas satisfaisante il ne faut pas hésiter à
demander sa modification en CS.
Faire respecter le contenu de la charte des
thèses
C’est le premier objectif des élus étudiants au
CS. La charte des thèses se limite souvent à des
déclarations de bonnes intentions qui ne sont
pas suivis d’effetsdans les laboratoires. Les élus
étudiants doivent exiger des engagements pré-
cis dans la charte des thèses et une évaluation
régulière de son application. Une commission
nommée par le CS (composée d’enseignant-
chercheurs et de doctorants) doit réguliè-
rement vérifier l’application de la charte des
thèses dans l’ensemble de l’établissement. En
cas de conflit entre un doctorant et un direc-
teur de thèse, le médiateur nommé par le CS,
doit s’appuyer sur le contenu de la charte des
thèses pour régler le différent.
Le financement des thèses
La partie concernant le financement de la
thèse doit être profondément remaniée suite à
la mise en place du contrat doctoral. Il faut se
battre pour que la charte de thèses définisse les
conditions d’accès au contrat, les niveaux et les
conditions de rémunération, ainsi que les mo-
dalités d’accès à l’enseignement. La charte des
thèses doit aussi donner à chaque école doc-
torale la responsabilité d’accompagnement les
doctorants dans la recherche de financement.
Les dépenses liées à l’activité de recherche (dé-
placement pour un colloque, achat de matériels,
etc.) doivent être clairement définis et donner le
droit à des remboursements par le laboratoire.
La qualité de l’encadrement
La charte doit définir précisément les moda-
lités de l’encadrement du doctorant. La pré-
sentation par le doctorant de l’avancement de
ses travaux de recherche devant son directeur
de thèses et son laboratoire doit être garantie
chaque année. Pour éviter les abus, la définition
des contours de la thèse doit être réalisée avant
la fin de la première année de doctorat.
Les moyens matériels
La charte des thèses doit placer sur un pied
d’égalité les doctorants et les enseignants
chercheurs titulaires dans l’accès aux moyens
matériels :
• chaque doctorant doit disposer d’un bureau
individuel avec les ressources informatiques
nécessaires.
Améliorer la charte des thèses de son université
CHARTE DES THESES
• les doctorants doivent avoir accès à tous les
centres de documentations de l’établissement, y
compris ceux réservés aux enseignants chercheurs.
Le contenu de la formation
La charte des thèses doit garantir la mise en place
d’un plan de formation commun à toutes les
écoles doctorales ainsi que des formations spéci-
fiques à l’orientation scientifique de chaque école
doctorale. Les écoles doctorales doivent infor-
mer les doctorants sur la tenue des colloques.
Les compétences transversales
Les doctorants doivent avoir accès à des for-
mations leur permettant de mener à bien leurs
travaux de recherche ou d’enseignement. Ainsi
chaque doctorant doit avoir droit à des forma-
tions informatiques, des formations en langue,
des formations à la pédagogie et des éléments
de préparation à l’insertion professionnelle.
Le directeur de thèse doit s’assurer que le tra-
vail de recherche réclamé aux doctorants est
compatible avec le rythme des formations
transversales. De la même façon les doctorants
contraints d’être salarié pour financer leur thèse
doivent pouvoir bénéficier d’aménagements et
de dispenses pour les formations.
William Martinet
Elu au CNESER
La charte des thèses a souvent une valeur symbolique au sein des universités. Son contenu peut varier d’un établissement à l’autre. L’investissement des élus doctorants au Conseil Scientifique est donc indispensable pour en faire un véritable outil au service des droits des doctorants.
3 questions à...
LDE : Pouvez-vous nous présenter ce qu’est la FENEC ?
La FENEC rassemble l’ensemble des docto-
rants qui souhaitent s’organiser collective-
ment pour défendre et construire un service
public d’enseignement supérieur soucieux de
se démocratiser et moteur d’une recherche
publique de qualité. Elle rassemble partout
en France des doctorants, à la fois étudiants
et chercheurs, financés ou non, français ou
étrangers, de tous niveaux et tous statuts.
Elle est rattachée à l’UNEF, première organi-
sation étudiante et première organisation de
jeunesse, et dispose d’un réseau d’élu-e-s à
travers toute la France.
LDE : Aujourd’hui encore, on voit qu’un enfant de cadre a 13 fois plus de chance d’accéder au doctorat qu’un enfant d’ouvrier. Quels sont les leviers à mettre œuvre pour démocratiser les études docto-rales et faciliter l’accès aux finan-cements des thèses ?
Les révolutions pédagogiques et sociales
portées pour les niveaux L et M sont les pré-
alables à toute démocratisation du doctorat.
Il est donc important de permettre à tout
étudiant, quelle que soit l’université dans
laquelle il est inscrit, de se familiariser avec
la recherche. Par ailleurs, les conditions de
vie et d’études des doctorants doivent être
garanties par un statut protecteur facilitant
l’inscription en thèse et se réussite. La sous-
dotation chronique que connaissent les
Sciences Humaines et Sociales en terme de
bourses doctorales condamne les étudiants
issus des classes populaires à un faux choix :
celui de réaliser un doctorat dans des condi-
tions précaires, menant parfois à l’abandon
ou l’échec, ou de ne finalement pas s’inscrire
dans un parcours doctoral. Il est donc urgent
que la France investisse financièrement au
niveau doctoral.
En tant qu’étudiant, le doctorant doit béné-
ficier d’une réelle formation l’accompagnant
dans son projet de thèse et son projet d’in-
sertion professionnelle. De ce point de vue
là, les parcours de formation ne doivent pas
devenir des freins ou des obstacles supplé-
mentaires sur l’aventure doctorale, mais au
contraire un véritable levier au service de
la démocratisation. Ils ne doivent donc pas
être réservés aux seuls doctorants financés.
Enfin, l’information relative aux différents
financements du doctorat, doit être systé-
matisée au niveau Master. Il existe de nom-
breux financements (par les collectivités
territoriales, par les fondations, etc.) dont
les étudiants découvrent l’existence une fois
les délais d’inscription dépassés... Les CIFRE
(convention industrielles de formation par la
recherche) en sont un bel exemple.
LDE : La France souffre d’un retard important en termes de nombre de thèses soutenues chaque année. De nombreuses thèses sont aban-données en cours de route, faute de moyens ou d’encadrement. Quelles sont les solutions pour résoudre ces problèmes ?
En effet, le nombre de thèses soutenues est
nettement en deçà de celui de pays comme
l’Allemagne ou les Etats-Unis. On peut
notamment expliquer ce décalage par les
perspectives d’insertion professionnelle. La
valorisation du doctorat, dans les carrières
publiques comme privées, à travers sa re-
... Frederic Marty
connaissance dans les conventions collec-
tives, permettrait de rattraper le retard de la
France en la matière. La perspective tracée
par le développement des “tenure-track”
(titularisation conditionnelle), avec la mise
en place des IDEX, n’est pas de bon augure
quant à l’attrait des carrières post-docto-
rales.
La question de l’abandon est tout aussi
criante qu’en première année de Licence !
Plusieurs facteurs sont à mettre en évidence.
La précarité que vivent les doctorants en
est une des premières raisons. Il faut éga-
lement garantir un statut du doctorant, par
l’intermédiaire des Chartes des Thèses no-
tamment, afin d’offrir les meilleures condi-
tions d’études et de recherche possibles. On
peut citer pêle-mêle la question du nombre
maximum de doctorants par encadrant, ou
encore celle de l’intégration du doctorant
au sein de son laboratoire. En effet, en asso-
ciant un certain nombre de droits au doc-
torant, comme l’attribution d’un bureau, on
romprait avec l’isolement qui conduit de
nombreux doctorants à abandonner leur
thèse en fin de course.
Propos recueillis par Yannis Burgat
Elu au CNESER
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Qu’est ce que la FENEC-UNEF ?La FENEC (Fédération National des Etudiants Chercheurs) est une fédération de l’UNEF. Elle est constituée de doctorants qui s’organisent pour amélio-rer leurs conditions de travail et d’étude. Présente dans de nombreux laboratoires et écoles doctorales elle défend la mise en place d’un véritable statut du doctorant qui garantisse un financement, un encadrement pédagogique et un débouché professionnel.
// responsable de la FENEC-UNEF