la lettre des doctorants

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La lettre des élus Une publication mensuelle de l’UNEF et de l’APFEE N° de Commission Paritaire : 0108G82659 • ISSN : 1761-1547 // Directeur de publication : Sébastien Chaillou // Rédacteurs en chef : Yannis Burgat, Benoit Soulier // mail : [email protected] // tél : 01 42 02 25 55 // Impression : imprimerie Grenier RCS Créteil B 622.053.189 Actualité Le pilotage de la recherche par l’ANR vivement critiqué // IDEX de Toulouse Dossier Un statut national pour garantir les droits des doctorants Fiche pratique Améliorer la charte des thèses de son université Interview Frederic Marty, responsable de la FENEC Association pour la Formation des Elus Etudiants APFEE Bonjour à tous ! Cette année, la quasi-totalité des élus étudiants a été renou- velée dans les conseils des universités. La lettre des élus consacre ce mois-ci un numéro dédié à la recherche et aux études doctorales afin d’appuyer l’action des nouveaux élus doctorants au sein des conseils scientifiques. La recherche publique a subi de nombreux bouleversements tant sur les modes de financements que sur le déplacement des prises de décisions. L’attribution des financements se fait moins en fonction des besoins des universités et des organismes de recherche qu’en fonction de critères utili- taristes. Les moyens attribués à l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) ne cessent de progresser alors que son fonc- tionnement et son coût ne cessent d’être critiqués. Dans le même temps, la précarité progresse chez les doc- torants, et à l’image de tous les étudiants, les perspectives d’avenir s’assombrissent. 40% des thèses ne sont pas finan- cées et de nombreux doctorants, faute de moyens et d’en- cadrement, abandonnent leur thèse en cours de route. Les élus « UNEF et associations étudiantes » présenteront dans le dossier de ce mois-ci leur projet de statut national pour garantir les droits des doctorants. Enfin, nous donnerons la parole à Frédéric Marty, élu au conseil scientifique de l’université Tou- louse 2 le Mirail et responsable de la FENEC-UNEF. Il nous fera partager ses analyses sur la situation des étudiants chercheurs et les leviers à mettre en place pour démocratiser le doctorat. Bonne lecture ! William Martinet, Élu au CNESER #187 Avril 2012 Spéciale doctorants

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La lettre des doctorants

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La lettredes élus

Une publication mensuelle de l’UNEF et de l’APFEEN° de Commission Paritaire : 0108G82659 • ISSN : 1761-1547 // Directeur de publication : Sébastien Chaillou // Rédacteurs en chef : Yannis Burgat, Benoit Soulier // mail : [email protected] // tél : 01 42 02 25 55 // Impression : imprimerie Grenier RCS Créteil B 622.053.189

Actualité • Le pilotage de la recherche par l’ANR vivement critiqué // IDEX de Toulouse

Dossier • Un statut national pour garantir les droits des doctorants

Fiche pratique • Améliorer la charte des thèses de son université

Interview • Frederic Marty, responsable de la FENEC

Association pour la Formation des Elus Etudiants

APFEE

Bonjour à tous !

Cette année, la quasi-totalité des élus étudiants a été renou-velée dans les conseils des universités. La lettre des élus consacre ce mois-ci un numéro dédié à la recherche et aux études doctorales afin d’appuyer l’action des nouveaux élus doctorants au sein des conseils scientifiques.

La recherche publique a subi de nombreux bouleversements tant sur les modes de financements que sur le déplacement des prises de décisions. L’attribution des financements se fait moins en fonction des besoins des universités et des organismes de recherche qu’en fonction de critères utili-taristes. Les moyens attribués à l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) ne cessent de progresser alors que son fonc-tionnement et son coût ne cessent d’être critiqués.

Dans le même temps, la précarité progresse chez les doc-torants, et à l’image de tous les étudiants, les perspectives d’avenir s’assombrissent. 40% des thèses ne sont pas finan-cées et de nombreux doctorants, faute de moyens et d’en-cadrement, abandonnent leur thèse en cours de route. Les élus « UNEF et associations étudiantes » présenteront dans le dossier de ce mois-ci leur projet de statut national pour garantir les droits des doctorants.

Enfin, nous donnerons la parole à Frédéric Marty, élu au conseil scientifique de l’université Tou-louse 2 le Mirail et responsable de la FENEC-UNEF. Il nous fera partager ses analyses sur la situation des étudiants chercheurs et les leviers à mettre en place pour démocratiser le doctorat.

Bonne lecture !

William Martinet,Élu au CNESER

#187Avril 2012

Spéciale doctorants

Dans le cadre du Grand Emprunt le gouvernement

a lancé des appels à projets dans l’enseignement

supérieur dont l’appel à projet IDEX (Initiative

d’excellence). Un jury international a sélectionné

8 projets qui se partageront 7,7 milliards d’euros.

Les projets IDEX exacerbent la concurrence

entre les universités. Pour espérer être sélec-

tionnées et bénéficier des moyens supplémen-

taires du Grand Emprunt, les universités sont

obligées de se regrouper comme à Toulouse.

On passe ainsi de plusieurs établissements dont

les moyens sont fléchés par l’Etat à un masto-

donte universitaire dont les financements ne

seront plus garantis pour tous les laboratoires.

Bien que le gouvernement affiche 7,7 milliards

d’euros dans le cadre des IDEX, ce sont seule-

ment les intérêts de ces fonds qui seront attri-

bués aux projets. En ne sélectionnant que 8

projets le risque d’un enseignement supérieur à

plusieurs vitesses est de plus en plus grand.

L’IDEX fait reculer les droits des doctorants de ToulouseLe projet IDEX de Toulouse, appelé T-IDEX, com-

porte plusieurs points particulièrement inquié-

tants pour les doctorants. En premier lieu parce

qu’il prévoit une concentration des moyens sur

un « périmètre d’excellence » qui regroupe seu-

lement 40% des laboratoires. Pour les doctorants

en dehors de ce périmètre cela signifie des diffi-

cultés accrues pour accéder à un financement et

à des conditions de travail acceptables.

T-IDEX s’appuie sur la fusion des universités et

des écoles d’ingénieurs toulousaines. L’établis-

sement issu de la fusion, nommé « Université

de Toulouse » aura un statut de grand établisse-

ment. Ce statut ne garanti pas les mêmes règles

de gouvernance que les universités. Ainsi en cas

de réalisation de la fusion, « l’Université de Tou-

louse » sera dirigée par un comité exécutif qui

ne comprend aucun étudiant, alors qu’ils sont

aujourd’hui 5 dans les conseils d’administration

des universités.

Pour développer son attractivité internationale le

projet T-IDEX envisage de supprimer les recru-

tements internes jusqu’à 2018. Cela signifie qu’il

ne sera plus possible pour un doctorant de Tou-

louse de décrocher un poste de titulaire dans son

établissement. Cette décision va compromettre

l’avenir de plusieurs centaines de doctorants de

Toulouse.

Dans le futur grand établissement, les recrutement

« tenure track », c’est à dire des contrats précaires

de 3 ans adaptés aux financements sur projets,

deviendront la norme.

La mobilisation des élus « UNEF et associations étudiantes »Les élus « UNEF et associations étudiantes » ont

organisé plusieurs assemblées générales afin de

faire entendre les revendications des doctorants.

Ils réclament des garanties pour que la fusion des

universités et l’application du projet T-IDEX ne

fasse pas reculer leurs droits. Lors des éléctions

étudiantes à Toulouse, les étudiants ont largement

rejeté le projet de fusion en votant majoritairement

pour les listes « UNEF et associations étudiantes »

qui totalisent 35 élus dont 11 en CS. En s’appuyant

sur ce rapport de force renouvelé et en lien avec

les enseignants et les personnels, les élus « UNEF

et associations étudiantes » sont parvenus à faire

repousser la signature de la convention IDEX-Etat.

Ce report permet ainsi de pouvoir redéfinir le pro-

jet IDEX et d’obtenir des garanties pour les docto-

rants et le service public.

Frédéric Marty

Élu au conseil scienctifique de Toulouse 2

IDEX de Toulouse : la bataille des élus

GRAND EMPRUNT

Le 19 avril 2012, le gouvernement a accé-

léré le lancement des IDEX, en signant trois

nouvelles conventions IDEX-Etat : celles de

Paris Saclay, Sorbonne Universités et Paris

Sciences et Lettres.

Ces signatures de conventions viennent

s’ajouter à celles déjà signées à Bordeaux,

Strasbourg et Aix-Marseille. Une pétition a

été lancée pour demander à ce qu’aucune

convention ne soit signée avant les élec-

tions présidentielles.

La logique des IDEX ne fait en effet pas

l’unanimité au sein de la communauté uni-

versitaire. Les projets IDEX impulsent de

nombreux regroupements d’universités et

creusent les inégalités de financement entre

les établissements.

Les élus « UNEF et associations étudiantes »

demandent l’arrêt des signatures de conven-

tions IDEX-Etat et l’ouverture d’un débat

national. Ce débat doit permettre de garantir

une carte universitaire au service de la démo-

cratisation et de corriger les inégalités de fi-

nancement entre les universités.

Actualités des conseils

2

Le gouvernement accèlère la signature des IDEX

Alors que le gouvernement insiste sur sa

volonté de renforcer « l’attractivité inter-

nationale » de la recherche, le Ministère de

l’Intérieur met en place une politique discri-

minante à l’égard des étudiants étrangers. La

circulaire Guéant, vise à restreindre l’inser-

tion professionnelle en France des diplômés

étrangers. Suite à cette circulaire, de nom-

breux jeunes chercheurs ayant obtenus leur

doctorat se sont vu refuser l’attribution d’un

titre de séjour salarié alors même que des

entreprises étaient prêtes à les embaucher.

Les élus « UNEF et associations étudiantes

» réclament l’abrogation de la circulaire

Guéant et demande l’amélioration des

conditions d’accueil et de séjour des étu-

diants étrangers, avec la mise en place de

guichets uniques d’accueil et d’un titre de

séjour pluriannuel par cycle d’études...

Circulaire Guéant on continue !

Actualités des conseils

3

L’ANR joue un rôle central dans le pilotage de

la recherche publique et privée. Elle dispose

d’un budget annuel de 800 millions d’euros

qui lui permet de lancer des appels à projets

sur différentes thématiques scientifiques. Elle

pilote également la répartition des 18 milliards

d’euros du Grand Emprunt destinés à la re-

cherche. Alors que les universités et les orga-

nismes de recherche se retrouvent dans une

situation de pénurie budgétaire, la recherche

publique est de plus en plus dépendante des

appels à projets de l’ANR.

Une place incontournable dans le service public de rechercheAux moyens financiers que l’ANR mobilise

directement il faut ajouter les moyens des

organismes et laboratoires qu’elle mobilise

indirectement. La Cour des Comptes, dans

son rapport sur l’ANR de 2011, estime que sur

l’ensemble des projets impulsés par l’ANR seu-

lement 25% de leur coût réel est financé par

l’agence. Le reste est à la charge des labora-

toires. Ainsi l’ANR contrôle plus de 3 milliards

d’euros sur un budget de la recherche publique

de 13 milliards d’euros.

Une remise en cause du pilotage collégiale de la rechercheL’ANR est dirigée par un Conseil d’Adminis-

tration dont les membres sont nommés par

le ministère. Avec la montée en charge de

l’agence, on assiste à un déplacement des

centres de décisions pour la recherche pu-

blique qui s’organisait jusqu’à présent au sein

des organismes de recherche et des uni-

versités. Dans ces établissements publics, la

politique de recherche est décidée de façon

collégiale, à travers des comités scientifiques

composés de scientifiques élus par la commu-

nauté universitaire.

La précarisation du service public de rechercheLe système d’appel à projets accorde des fi-

nancements de courte durée aux laboratoires

de recherche, sans garantie de prolongement.

Ce mode de financement remet en cause la

pérennité du travail scientifique et donc son

efficacité, en particulier pour la recherche

fondamentale. Il a également des consé-

quences directes pour les personnels du ser-

vice public : la précarisation des financements

s’est traduite par une précarisation des statuts

et l’explosion de CDD. Le financement des

thèses s’en trouve aussi impactée, les besoins

de l’ANR passant avant les objets de recherche

des doctorants.

Une agence bureaucratiqueLa procédure d’appels à projet est une usine à

gaz. L’ANR dispose de 150 postes qui lui sont

Le pilotage de la recherche par l’ANR vivement critiqué

RECHERCHE

directement alloués. Chaque appel à pro-

jet mobilise les chercheurs durant un temps

considérable qui ne peut être utilisé pour le

travail scientifique. Par exemple un appel à

projet classique avec un comité de pilotage de

25 scientifiques. Il évaluera plus de 200 pro-

jets qui auront mobilisé plusieurs centaines

d’équipes scientifiques pour au final ne sélec-

tionner que 20 projets. Dans ce cas le coût des

heures de travail impliquées par la procédure

engouffre la majorité d’une subvention de

quelques centaines de milliers d’euros.

Ouvrir le débat sur le fonctionnement du service public de rechercheLa mise en place de l’ANR s’est faite sans

consultation et malgré les protestations de

la communauté universitaire. Les critiques se

font de plus en plus fortes au sein de la com-

munauté universitaire et de la part des uni-

versités. Pour les élus « UNEF et associations

étudiantes », il est indispensable de rouvrir

un débat sur l’organisation du service public

de recherche. Les élus « UNEF et associations

étudiantes sont attachés à une recherche pu-

blique forte, transparente et indépendante.

William Martinet

élu au CNESER

l’ouverture sociale des études doctorales. C’est

un enjeu pour toute la société car cela permet

d’élever le niveau de qualification et également

de rattraper le retard de la France sur le nombre

de thèses soutenues chaque année. Cela ne

pourra pas se faire sans la mise en place d’un

statut national du doctorant. Ce statut natio-

nal doit protéger les doctorants de toutes les

difficultés responsables de l’abandon de thèse.

Il doit être constitué d’un ensemble de droits

: accès à un financement, à des conditions de

travail optimales et à une insertion profession-

nelle de qualité.

Financer l’ensemble des doctorants pour en finir avec la précaritéLe droit à un financement public ou privé doit

être le premier pilier du statut national du doc-

torant. Les doctorants sont indispensables au

fonctionnement des laboratoires. Pourtant 40%

d’entre eux ne sont pas rémunéré pour le tra-

vail scientifique qu’ils produisent. Ce chiffre est

variable selon les domaines de recherche (60%

de doctorants sans financement en sciences

humaine contre 15% en sciences dures) mais

il est responsable d’une part importante des

abandons de thèses.

Développer les financements publics

Les financements publics des thèses sont large-

ment insuffisants, en particulier en sciences hu-

maines où les financements sont les plus faibles.

Depuis la mise en place du contrat doctoral, les

financements publics ne sont plus répartis par le

ministère de l’enseignement supérieur et de la

recherche mais par les universités elles-mêmes.

Ce changement aggrave les inégalités entre les

secteurs de recherche et les doctorants.

Les élus « UNEF et associations étudiantes »

Un statut national pour garantir les droits des doctorants

ETUDES DOCTORALES

Dossier du mois

4

Une précarité qui progresse chez les doctorantsLes doctorants sont les premiers touchés par

ces réformes. Les 70 000 doctorants qui par-

ticipent à la production scientifique du pays

ont vu leurs conditions de travail et d’insertion

professionnelle se dégrader. Alors que l’aug-

mentation du nombre de doctorants est un

impératif économique pour toute la société,

les réformes ont produit l’effet inverse.

Le nombre de thèses soutenues a diminué de 15%

depuis 2002. La précarité des doctorants renforce

également la reproduction sociale : alors que les

enfants d’ouvriers représentent 12% des inscrits en

licence ils ne sont plus que 2% en doctorat.

Pour démocratiser l’accès au doctorat : un statut national !Démocratiser le doctorat, c’est augmenter

le nombre de thèses soutenues et permettre

C’est un statut national qui pourra garantir à l’ensemble des doctorants l’accès à un financement, l’amélioration de leurs conditions de travail et une insertion professionnelle à la hauteur de leurs qualifications. Les élus « UNEF et associations étudiantes » présentent leurs revendications.

Dossier du mois

5

réclament :

• Une dotation financière à destination des uni-

versités qui permette la contractualisation et le

financement de l’ensemble des thèses.

• La répartition des financements entre les la-

boratoires par le Conseil Scientifique (CS) pour

se prémunir du clientélisme et corriger les iné-

galités entre secteurs de recherche.

Multiplier les sources de financement en

garantissant la qualité de la thèse

Les collectivités territoriales, les entreprises et

les fondations privées constituent également

des sources de financement pour les thèses.

Elles doivent donc être exploitées. Ces finan-

cements peuvent se faire sous contrat doctoral

ou convention CIFRE (Convention Industrielle

de Formation pour la Recherche). Les CIFRE

doivent être développées et les universités

doivent empêcher les abus qui peuvent exister.

Une entreprise ou une collectivité ne doit pas

utiliser un doctorant pour remplacer un emploi

salarié au détriment de la pertinence scienti-

fique de la thèse en profitant du régime favo-

rable du contrat doctoral ou de la convention

CIFRE.

Les élus « UNEF et associations étudiantes »

revendiquent :

• L’obligation pour les écoles doctorale d’ac-

compagner individuellement les futurs docto-

rants dans leur recherche de financements.

• La définition précise du travail de recherche

effectué au sein de l’entreprise ou de la collec-

tivité territoriale et un contrôle par le CS de la

pertinence scientifique de ce travail.

Renforcer le contrat doctoral pour mieux

protéger les doctorants

Les doctorants qui ont accès à un financement

ne sont pas à l’abri de la précarité. Le contrat

doctoral, qui concerne 80% des financements,

n’apporte pas des garanties suffisantes sur les

ruptures de contrat et la durée du financement.

Les élus « UNEF et associations étudiantes »

revendiquent :

• La suppression de la période d’essai de 2 mois

au début du contrat doctoral.

• Le prolongement automatique du contrat

doctoral pour la 4ème année de thèse.

Améliorer les conditions d’études et de recherche de tous les doctorants

Garantir un véritable encadrement pédagogique et

des conditions de travail dignes d’un chercheur ti-

tulaire doit être le second pilier d’un statut national

du doctorant. Les doctorants ne bénéficient pas

tous d’un encadrement pédagogique et du maté-

riel nécessaire pour effectuer leur thèse dans de

bonnes conditions. La charte des thèses qui existe

aujourd’hui et doit définir les droits des doctorants

durant leur thèse, est différente selon les établis-

sements et n’a souvent qu’une valeur symbolique.

Garantir l’encadrement des doctorants

Même si le constat varie fortement selon les

secteurs de recherche il n’est pas rare de voir

des directeurs de thèses encadrer plus d’une

dizaine de doctorants. L’encadrement se ré-

sume alors à sa plus simple expression et les

doctorants, qui sont pourtant des chercheurs

en formation, sont livrés à eux même.

Les élus « UNEF et associations étudiantes »

revendiquent :

• La limitation du nombre de doctorants par

directeur de thèse.

• Une offre de formation adaptée à l’orientation

scientifique de chaque laboratoire

Offrir les conditions matérielles nécessaires à

un travail de recherche

Alors que les doctorants doivent effectuer un

travail de recherche, ils n’ont pas toujours les

moyens matériels qui sont mis à dispositions

des autres chercheurs.

Les élus « UNEF et associations étudiantes »

réclament :

• La mise à disposition d’un bureau avec du

matériel informatique pour chaque doctorant

• L’accès à toutes les ressources documentaires

nécessaire à leurs travaux de recherche

Assurer une insertion professionnelle de qualité aux doctorantsAssurer une insertion professionnelle de quali-

té, dans le privé comme dans le public, doit être

le dernier pilier du statut national du doctorant.

Alors que le doctorat est un diplôme très qua-

lifiant, il ne permet pas une insertion profes-

sionnelle à la hauteur d’un bac +8. Le taux de

chômage des doctorants est équivalent à celui

des étudiants en master et leur rémunération

lors de leur premier emploi est inférieure à celle

d’un ingénieur, pourtant diplômé à bac +5.

Professionnaliser le doctorat

Le contenu de la formation en doctorat est un outil

pour améliorer l’insertion professionnelle. Il est né-

cessaire de proposer à tous les doctorants des for-

mations qui donnent des qualifications transver-

sales indispensables sur le marché du travail. Ces

formations doivent également aider les doctorants

dans leur démarche pour chercher un emploi.

Les élus « UNEF et associations étudiantes »

réclament :

• Une offre de formation transversale en langue

étrangère, ressources humaines, etc. complé-

mentaires avec la formation qu’apporte la réali-

sation d’une thèse.

• Une formation pour la recherche d’emplois spé-

cifiques aux doctorants (valorisation du travail de

recherche pour une entreprise, connaissance des

débouchés sur le marché du travail, etc.)

Refaire du secteur public un débouché pour

les doctorants

Alors que la recherche publique était le dé-

bouché naturel des doctorants, les politiques

menés dans la fonction publiques, font qu’il ne

représente plus qu’un tiers de l’insertion profes-

sionnelle des jeunes docteurs.

Les élus « UNEF et associations étudiantes »

réclament :

• Une partie des places aux concours réservés

aux doctorants pour intégrer la fonction pu-

blique hors domaines de recherche

• La création de postes dans la recherche publique

Imposer aux entreprises la reconnaissance du

doctorat

Le doctorat n’est pas reconnu dans les conven-

tions collectives des entreprises ce qui leur

permet de ne pas rémunérer les doctorants à la

hauteur de leurs qualifications.

Les élus « UNEF et associations étudiantes »

réclament :

• Conditionner le versement des Crédits Impôt

Recherche aux entreprises à l’inscription du

doctorat dans les conventions collectives pour

une rémunération minimum à 2 fois le SMIC.

Yannis Burgat,

Elu au CNESER

En direct des universités

Quelle est l’ampleur de la précarité dans le service public de recherche, en particulier pour les jeunes doc-teurs ?

Le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de

la Recherche ne dispose d’aucun recensement

fiable de l’ensemble des personnels précaires

de l’enseignement supérieur et la recherche.

Une enquête intersyndicale a été lancée en

octobre 2009 auprès des précaires de l’ensei-

gnement supérieur et de la recherche. Les

4409 réponses obtenues, dont environ 1/3 de

docteurs, permettent d’estimer l’existence de

45 à 50 000 précaires dans l’enseignement su-

périeur et la recherche, et de décrire la popu-

lation.

Les ATER docteurs, un millier, sont au plus sur

un poste pendant une année universitaire, en

général dans l’attente d’un contrat post-doc

en France ou à l’étranger. En ce qui concerne

les docteurs sans poste, ils ont en moyenne

33,1 ans – 26,5% ont moins de trente ans, plus

du quart ont 35 ans ou plus.

Compte tenu du nombre, de

la disparité des établissements

et de l’autonomie des univer-

sités, il est difficile de prendre

en compte ceux qui n’ont

pas signé de Contrat à Durée

Déterminée (CDD) mais qui

exercent comme vacataires en

dehors de tout contrat, sans

protection sociale, voire même

en utilisant un prête-nom.

Certains effectuent des vaca-

tions gratuitement, car âgés de

plus de 28 ans et sans emploi

principal, ils ne peuvent être

payés. Certains occupent à la

fois des emplois administratifs

et d’enseignement. La pro-

portion de femmes précaires

est très importante, notamment en Sciences

Humaines et Sociales (68%). Une nouvelle aug-

mentation de l’emploi précaire a lieu avec no-

tamment le recrutement d’enseignants-cher-

cheurs contractuels.

Les organisations syndicales ont-elles été impliquées dans l’élabora-tion de la loi Sauvadet ? Leurs reven-dications ont-elles été entendues ?

La loi Sauvadet s’inscrit dans la suite du proto-

cole Précarité, discuté avec les organisations

syndicales. Celui-ci prévoit des possibilités de

CDIsation et de titularisation. Des revendica-

tions majeures portées par les organisations

syndicales n’ont pas été entendues, comme

la volonté de voir intégrer les précaires sur des

postes de titulaires des fonctions publiques. Ce

protocole n’a pas été signé par la FSU.

Pour le SNESUP, la loi, qui ne comporte aucune

création d’emplois, ne permet pas de prendre

en compte la majorité des personnels qui

pourraient être intégrés sur des postes d’ensei-

Interview de Michelle Lauton, secrétaire nationale du SNESUP

ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET RECHERCHE

gnants, de chercheurs ou d’ingénieurs. En effet,

les situations de vacataires ne permettent pas

d’accéder au nombre d’années nécessaires

; des collègues enseignant langues ou fran-

çais langue étrangère, ne peuvent accéder

aux concours d’enseignant du second degré

(inexistence de certaines spécialités, condi-

tions de nationalité), et le ministère refuse de

prendre en compte les années de préparation

de la thèse dans la durée passée dans l’emploi

précaire.

Quels changements les jeunes doc-teurs peuvent-ils espérer de cette loi ?

Depuis la signature du protocole, les orga-

nismes de recherche et les universités ont pro-

cédé à des non renouvellements de contrats de

CDD, excluant de fait des candidats potentiels

à la titularisation, notamment des docteurs.

Malgré nos demandes, rien dans la loi n’a inter-

dit ces non-renouvellements ou introduit des

amendements pour prendre en compte ces

collègues.

Dans les établissements, l’application de la loi

se met en place, sans qu’aucun recensement

exhaustif, dont les critères et l’organisation au-

raient été discutés avec les organisations syndi-

cales, n’ait été effectué. Des conditions restric-

tives, comme l’obligation d’avoir eu un même

employeur pour une même mission, excluent

encore plus de personnes de l’accès à la CDI-

sation et à la titularisation.

Quant aux jeunes préparant actuellement des

doctorats, sans créations d’emploi en nombre

suffisant, avec le maintien d’une politique de

recherche basée sur les réponses aux appels

d’offre et sans financements pérennes, la ga-

lère risque de se poursuivre.

Propos recueillis par Morand Perrin

Élu au CNESER

Suite à une forte mobilisation syndicale, le parlement a voté le 13 mars 2012 une loi relative à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels de la fonction publique. L’application de cette loi est un enjeu important pour résorber la précarité qui touche fortement les personnels du service public de recherche, en particulier les jeunes docteurs.

6

Fiche Pratique #187

7

L’arrêté du 3 septembre 1998 impose la mise en

place d’une charte des thèses dans chaque éta-

blissement public d’enseignement supérieur. Elle

doit être discutée dans chaque établissement et

comporte les droits et devoirs de tous les acteurs

impliqués dans la préparation d’une thèse : doc-

torant, directeur de thèse et directeur de labora-

toire. L’arrêté du 4 août 2006 régissant le fonc-

tionnement des études doctorales confirme le

rôle de la charte des thèses en imposant qu’elle

soit signée dès la première inscription en thèse.

Le rôle des élus étudiantsLa charte des thèses, présentée dans l’arrêté du 3

septembre 1998, doit être complétée par chaque

établissement et votée au Conseil Scientifique

(CS). Les élus étudiants du CS ont donc un rôle

important pour que la charte des thèses de leur

établissement protège au mieux les droits des

doctorants. Si la charte des thèses d’un établisse-

ment n’est pas satisfaisante il ne faut pas hésiter à

demander sa modification en CS.

Faire respecter le contenu de la charte des

thèses

C’est le premier objectif des élus étudiants au

CS. La charte des thèses se limite souvent à des

déclarations de bonnes intentions qui ne sont

pas suivis d’effetsdans les laboratoires. Les élus

étudiants doivent exiger des engagements pré-

cis dans la charte des thèses et une évaluation

régulière de son application. Une commission

nommée par le CS (composée d’enseignant-

chercheurs et de doctorants) doit réguliè-

rement vérifier l’application de la charte des

thèses dans l’ensemble de l’établissement. En

cas de conflit entre un doctorant et un direc-

teur de thèse, le médiateur nommé par le CS,

doit s’appuyer sur le contenu de la charte des

thèses pour régler le différent.

Le financement des thèses

La partie concernant le financement de la

thèse doit être profondément remaniée suite à

la mise en place du contrat doctoral. Il faut se

battre pour que la charte de thèses définisse les

conditions d’accès au contrat, les niveaux et les

conditions de rémunération, ainsi que les mo-

dalités d’accès à l’enseignement. La charte des

thèses doit aussi donner à chaque école doc-

torale la responsabilité d’accompagnement les

doctorants dans la recherche de financement.

Les dépenses liées à l’activité de recherche (dé-

placement pour un colloque, achat de matériels,

etc.) doivent être clairement définis et donner le

droit à des remboursements par le laboratoire.

La qualité de l’encadrement

La charte doit définir précisément les moda-

lités de l’encadrement du doctorant. La pré-

sentation par le doctorant de l’avancement de

ses travaux de recherche devant son directeur

de thèses et son laboratoire doit être garantie

chaque année. Pour éviter les abus, la définition

des contours de la thèse doit être réalisée avant

la fin de la première année de doctorat.

Les moyens matériels

La charte des thèses doit placer sur un pied

d’égalité les doctorants et les enseignants

chercheurs titulaires dans l’accès aux moyens

matériels :

• chaque doctorant doit disposer d’un bureau

individuel avec les ressources informatiques

nécessaires.

Améliorer la charte des thèses de son université

CHARTE DES THESES

• les doctorants doivent avoir accès à tous les

centres de documentations de l’établissement, y

compris ceux réservés aux enseignants chercheurs.

Le contenu de la formation

La charte des thèses doit garantir la mise en place

d’un plan de formation commun à toutes les

écoles doctorales ainsi que des formations spéci-

fiques à l’orientation scientifique de chaque école

doctorale. Les écoles doctorales doivent infor-

mer les doctorants sur la tenue des colloques.

Les compétences transversales

Les doctorants doivent avoir accès à des for-

mations leur permettant de mener à bien leurs

travaux de recherche ou d’enseignement. Ainsi

chaque doctorant doit avoir droit à des forma-

tions informatiques, des formations en langue,

des formations à la pédagogie et des éléments

de préparation à l’insertion professionnelle.

Le directeur de thèse doit s’assurer que le tra-

vail de recherche réclamé aux doctorants est

compatible avec le rythme des formations

transversales. De la même façon les doctorants

contraints d’être salarié pour financer leur thèse

doivent pouvoir bénéficier d’aménagements et

de dispenses pour les formations.

William Martinet

Elu au CNESER

La charte des thèses a souvent une valeur symbolique au sein des universités. Son contenu peut varier d’un établissement à l’autre. L’investissement des élus doctorants au Conseil Scientifique est donc indispensable pour en faire un véritable outil au service des droits des doctorants.

3 questions à...

LDE : Pouvez-vous nous présenter ce qu’est la FENEC ?

La FENEC rassemble l’ensemble des docto-

rants qui souhaitent s’organiser collective-

ment pour défendre et construire un service

public d’enseignement supérieur soucieux de

se démocratiser et moteur d’une recherche

publique de qualité. Elle rassemble partout

en France des doctorants, à la fois étudiants

et chercheurs, financés ou non, français ou

étrangers, de tous niveaux et tous statuts.

Elle est rattachée à l’UNEF, première organi-

sation étudiante et première organisation de

jeunesse, et dispose d’un réseau d’élu-e-s à

travers toute la France.

LDE : Aujourd’hui encore, on voit qu’un enfant de cadre a 13 fois plus de chance d’accéder au doctorat qu’un enfant d’ouvrier. Quels sont les leviers à mettre œuvre pour démocratiser les études docto-rales et faciliter l’accès aux finan-cements des thèses ?

Les révolutions pédagogiques et sociales

portées pour les niveaux L et M sont les pré-

alables à toute démocratisation du doctorat.

Il est donc important de permettre à tout

étudiant, quelle que soit l’université dans

laquelle il est inscrit, de se familiariser avec

la recherche. Par ailleurs, les conditions de

vie et d’études des doctorants doivent être

garanties par un statut protecteur facilitant

l’inscription en thèse et se réussite. La sous-

dotation chronique que connaissent les

Sciences Humaines et Sociales en terme de

bourses doctorales condamne les étudiants

issus des classes populaires à un faux choix :

celui de réaliser un doctorat dans des condi-

tions précaires, menant parfois à l’abandon

ou l’échec, ou de ne finalement pas s’inscrire

dans un parcours doctoral. Il est donc urgent

que la France investisse financièrement au

niveau doctoral.

En tant qu’étudiant, le doctorant doit béné-

ficier d’une réelle formation l’accompagnant

dans son projet de thèse et son projet d’in-

sertion professionnelle. De ce point de vue

là, les parcours de formation ne doivent pas

devenir des freins ou des obstacles supplé-

mentaires sur l’aventure doctorale, mais au

contraire un véritable levier au service de

la démocratisation. Ils ne doivent donc pas

être réservés aux seuls doctorants financés.

Enfin, l’information relative aux différents

financements du doctorat, doit être systé-

matisée au niveau Master. Il existe de nom-

breux financements (par les collectivités

territoriales, par les fondations, etc.) dont

les étudiants découvrent l’existence une fois

les délais d’inscription dépassés... Les CIFRE

(convention industrielles de formation par la

recherche) en sont un bel exemple.

LDE : La France souffre d’un retard important en termes de nombre de thèses soutenues chaque année. De nombreuses thèses sont aban-données en cours de route, faute de moyens ou d’encadrement. Quelles sont les solutions pour résoudre ces problèmes ?

En effet, le nombre de thèses soutenues est

nettement en deçà de celui de pays comme

l’Allemagne ou les Etats-Unis. On peut

notamment expliquer ce décalage par les

perspectives d’insertion professionnelle. La

valorisation du doctorat, dans les carrières

publiques comme privées, à travers sa re-

... Frederic Marty

connaissance dans les conventions collec-

tives, permettrait de rattraper le retard de la

France en la matière. La perspective tracée

par le développement des “tenure-track”

(titularisation conditionnelle), avec la mise

en place des IDEX, n’est pas de bon augure

quant à l’attrait des carrières post-docto-

rales.

La question de l’abandon est tout aussi

criante qu’en première année de Licence !

Plusieurs facteurs sont à mettre en évidence.

La précarité que vivent les doctorants en

est une des premières raisons. Il faut éga-

lement garantir un statut du doctorant, par

l’intermédiaire des Chartes des Thèses no-

tamment, afin d’offrir les meilleures condi-

tions d’études et de recherche possibles. On

peut citer pêle-mêle la question du nombre

maximum de doctorants par encadrant, ou

encore celle de l’intégration du doctorant

au sein de son laboratoire. En effet, en asso-

ciant un certain nombre de droits au doc-

torant, comme l’attribution d’un bureau, on

romprait avec l’isolement qui conduit de

nombreux doctorants à abandonner leur

thèse en fin de course.

Propos recueillis par Yannis Burgat

Elu au CNESER

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Qu’est ce que la FENEC-UNEF ?La FENEC (Fédération National des Etudiants Chercheurs) est une fédération de l’UNEF. Elle est constituée de doctorants qui s’organisent pour amélio-rer leurs conditions de travail et d’étude. Présente dans de nombreux laboratoires et écoles doctorales elle défend la mise en place d’un véritable statut du doctorant qui garantisse un financement, un encadrement pédagogique et un débouché professionnel.

// responsable de la FENEC-UNEF