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1 “GUÉRIRONS-NOUS?” « La France autrefois, c’était un nom de pays, prenons garde que ce ne soit, en 1961, le nom d’une névrose », écrivait Jean-Paul Sartre dans la préface aux Damnés de la terre de Frantz Fanon. Il poursuivait son raisonnement par cette interrogation : « Guérirons-nous ? » Le philosophe avait raison de poser la question. C’est peu dire que, cinquante ans après, la guerre d’Algérie n’est pas encore entrée dans l’histoire. Dès que l’on évoque ce sujet, les passions reviennent, à coups de comptabilités macabres, de stèles, d’invectives et d’anathèmes. Les camps s’affrontent ou s’ignorent. Si la guerre d’Algérie a dressé une barrière entre l’Algérie et la France encore plus infranchissable que la Méditerranée, celle des mémoires parallèles et du ressentiment, des volontés d’apaisement existent sur les deux rives. Il n’y a pas une mais des guerres d’Algérie. Un appelé, un officier parachutiste, un militant du MNA, un militant de la Fédération de France du FLN, un maquisard de l’ALN, un enfant algérien, un juif d’Algérie, un pied-noir rapatrié, un activiste de l’OAS, un harki racontent chacun une histoire différente. Et pourtant, il y a bien eu une seule guerre en Algérie. On ne l’appelle comme ça officiellement que depuis 1999. Et ce fut une « sale guerre ». Elle a opposé une poignée de nationalistes à l’Etat français, tous gouvernements confondus, sûr du rôle positif de la colonisation et empêtré dans une injonction contradictoire : répondre au souhait d’indépendance des Algériens dans un contexte mondial de décolonisation et gérer le destin du million d’Européens vivant dans le pays depuis fort longtemps. Quand commémorer la fin de la guerre d’Algérie ? Encore faut-il savoir quelle date choisir… Celle des accords d’Evian, le 18 mars 1962, paraîtrait raisonnable. Côté français et côté algérien, c’est celle du cessez-le-feu qui intervient le lendemain. Mais cette date ne marque pas malheureusement la fin des hostilités, et c’est bien le problème. Suivront la folie meurtrière de l’OAS, la crise du FLN, l’exode dramatique des pieds-noirs et le massacre honteux des harkis abandonnés par la métropole. Sans repentance et sans amnésie, force est de reconnaître qu’il n’y a pas d’équivalence de la violence qui renverrait dos à dos les deux adversaires. Le prix humain payé par l’Algérie pour son indépendance est dix fois plus élevé que celui que la France a consenti pour tenter de maintenir son pouvoir sur la colonie. Alors, comment commémorer la fin de la guerre d’Algérie ? Si on se prend à rêver en cette année du cinquantenaire du cessez-le-feu en Algérie, on aurait aimé une « paix des braves », comme aurait dit le général de Gaulle. Une visite officielle du président de la République française à Alger marquée par une poignée de main avec son homologue algérien devant des vétérans des deux camps, des colloques, des échanges d’archives, pourquoi pas un monument franco-algérien à Alger et un autre à Paris, et ensuite, au 14-Juillet, un défilé des troupes algériennes aux côtés de leurs anciens adversaires français sur les Champs-Elysées ? La guerre des mémoires aurait fait place au temps de l’histoire. Mais soyons patients, le temps de la guérison approche. Michel Lefebvre Date de parution : février 2012.

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“GUÉRIRONS-NOUS?”

« La France autrefois, c’était un nom de pays, prenons garde que ce ne soit, en 1961, le nom d’une névrose », écrivait Jean-Paul Sartre dans la préface aux Damnés de la terre de Frantz Fanon. Il poursuivait son raisonnement par cette interrogation : « Guérirons-nous ? » Le philosophe avait raison de poser la question. C’est peu dire que, cinquante ans après, la guerre d’Algérie n’est pas encore entrée dans l’histoire. Dès que l’on évoque ce sujet, les passions reviennent, à coups de comptabilités macabres, de stèles, d’invectives et d’anathèmes. Les camps s’affrontent ou s’ignorent. Si la guerre d’Algérie a dressé une barrière entre l’Algérie et la France encore plus infranchissable que la Méditerranée, celle des mémoires parallèles et du

ressentiment, des volontés d’apaisement existent sur les deux rives.

Il n’y a pas une mais des guerres d’Algérie. Un appelé, un officier parachutiste, un militant du MNA, un militant de la Fédération de France du FLN, un maquisard de l’ALN, un enfant algérien, un juif d’Algérie, un pied-noir rapatrié, un activiste de l’OAS, un harki racontent chacun une histoire différente. Et pourtant, il y a bien eu une seule guerre en Algérie. On ne l’appelle comme ça officiellement que depuis 1999. Et ce fut une « sale guerre ». Elle a opposé une poignée de nationalistes à l’Etat français, tous gouvernements confondus, sûr du rôle positif de la colonisation et empêtré dans une injonction contradictoire : répondre au souhait d’indépendance des Algériens dans un contexte mondial de décolonisation et gérer le destin du million d’Européens vivant dans le pays depuis fort longtemps. Quand commémorer la fin de la guerre d’Algérie ? Encore faut-il savoir quelle date choisir… Celle des accords d’Evian, le 18 mars 1962, paraîtrait raisonnable. Côté français et côté algérien, c’est celle du cessez-le-feu qui intervient le lendemain. Mais cette date ne marque pas malheureusement la fin des hostilités, et c’est bien le problème. Suivront la folie meurtrière de l’OAS, la crise du FLN, l’exode dramatique des pieds-noirs et le massacre honteux des harkis abandonnés par la métropole. Sans repentance et sans amnésie, force est de reconnaître qu’il n’y a pas d’équivalence de la violence qui renverrait dos à dos les deux adversaires. Le prix humain payé par l’Algérie pour son indépendance est dix fois plus élevé que celui que la France a consenti pour tenter de maintenir son pouvoir sur la colonie.

Alors, comment commémorer la fin de la guerre d’Algérie ? Si on se prend à rêver en cette année du cinquantenaire du cessez-le-feu en Algérie, on aurait aimé une « paix des braves », comme aurait dit le général de Gaulle. Une visite officielle du président de la République française à Alger marquée par une poignée de main avec son homologue algérien devant des vétérans des deux camps, des colloques, des échanges d’archives, pourquoi pas un monument franco-algérien à Alger et un autre à Paris, et ensuite, au 14-Juillet, un défilé des troupes algériennes aux côtés de leurs anciens adversaires français sur les Champs-Elysées ? La guerre des mémoires aurait fait place au temps de l’histoire. Mais soyons patients, le temps de la guérison approche.

Michel Lefebvre

Date de parution : février 2012.

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1ère PARTIE : CHRONOLOGIE

La guerre commence en novembre 1954 et se termine officiellement en mars 1962. On peut diviser la guerre en 4 périodes. [Par shématisation, la division est faite en année pleine]

• La 1ère phase : les succès de la « guerre révolutionnaire » La « guerre révolutionnaire » est le terme utilisé pour qualifier le type de guerre choisi par le FLN. C’est une guerre de forme particulière, la guérilla, à visée révolutionnaire, mise au point par Mao contre Chang Kaï-chek et qu’ Hô Chi Minh reprendra contre les Français. Des militaires français étudieront cette doctrine et en feront une doctrine contre-révolutionnaire qui sera appliquée en Algérie par Massu, le colonel Trinquier….

L’idée principale est de dire que c’est une guerre qui implique beaucoup la population civile (le combattant doit être comme un poisson dans l’eau disait Mao). Cette guerre a aussi un but social : créer un nouveau système social avec plus de liberté, plus d’égalité...C’est le combat de toute une population.

Ces combattants nationalistes se heurtent à des armées de métier avec un armement sophistiqué. La meilleure tactique est le harcèlement car ils ne peuvent pas combattre à égalité.

De 1954 à 1962, les Français assistent à une guérilla qui se déroule à l’avantage des nationalistes de 54 à 55.

• La 2ème phase : la riposte française

Elle se déroule en 1957 et 1958. Salan, Massu… mettent au point la contre-guerre révolutionnaire. Elle a des effets rapides et positifs car la guérilla subit des revers : bataille d’Alger, électrification des frontières, regroupement des villages. Beaucoup d’Européens et militaires pensent que 57 est un tournant de la guerre et que la France a gagné non pas la guerre mais une bataille car elle n’a pas éradiqué les objectifs des nationalistes.

• La 3ème période : Le temps des ambiguïtés. Arrivée du général de Gaulle à partir du 13 mai 1958. De 1959 à 1960. Comment mettre fin à la colonisation ? Et dans quelles conditions ?

• La 4ème période : 1961 à mars 1962, vers l’indépendance.

Des négociations qui avaient été amorcées dès la période verte sous Guy Mollet sont menées.

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La 1ère phase : les succès de la « guerre révolutionnaire »

A- LE MONDE EN 1954

On n’est pas loin de la Seconde Guerre Mondiale. En France, il y a encore une Haute Cour de justice qui juge les collaborateurs qui ont fui en 45 mais qui veulent revenir.

La guerre froide divise le monde en 2 depuis 1947:

Il y a des périodes de tension intense où l’on imagine qu’une 3ème guerre mondiale va éclater, par exemple au moment de la guerre de Corée, ou au moment des crises de Berlin.

Eisenhower comme son prédecesseur Truman est très marqué par l’anticommunisme. Mac Carthy a voté pour lui. Il continue à tisser une toile d’araignée d’alliances contre le communisme. Le traité de l’Otan est signé en 1949, en 1954 est signé l’OTASE (Organisation de Traité de l’Asie du Sud-Est). Eisenhower donne le feu vert à la CIA pour des coups d’État en Amérique latine et pour mettre à la tête de ces états des personalités, souvent des militaires, proches des États-Unis.

Staline est mort en 1953. Depuis un an c’est la lutte entre Béria, éliminé en juin 53, Malenkov et Kroutchev. Ce dernier ne l’a pas encore emporté mais il a favorisé le « dégel ».

Mais un 3ème monde est en train de naître avec la décolonisation :

Le terme de tiers-monde a été crée par Alfred Sauvy, démographe économiste, dans un article paru en 1952. C’est l’ensemble des pays, en général pauvres, qui ne veulent pas s’intégrer dans un des 2 blocs. C’est ce que l’on appelera les « non-alignés » et qui se réuniront à Bandung en 1955. Le noyau actif est formé par les pays qui sont en train de se décoloniser :

D’un côté le « monde libre » avec les États-Unis et Ike Eisenhower depuis 2 ans et de l’autre l’Union Soviétique et le monde communiste.

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L’Indonésie qui acquiert son indépendance en 1945-1949

L’Inde en 1947

L’Indochine : En août 1945, Hô Chi Min proclame l’indépendance du Nord-VietNam. Cette indépendance va être contestée et sera l’objet d’une longue guerre coloniale entre le Viêt Minh et la France.

Le conflit vietnamien s’achève lors de la bataille de Diên Biên Phu en 1954.

Quand le conflit algérien commence à la Toussaint 1954, les Français ont dans leur mémoire, ce qui s’était passé en Indochine quelques mois plus tôt.

La guerre d’Indochine qui avait commencé en 1949 se poursuivait dans des conditions très difficiles avec un noria de gouvernements en France mais aussi de chefs militaires qui avaient des tactiques assez différentes et ne s’entendaient pas toujours entre eux. À peu près toutes les tactiques avaient été essayées pour faire face au Viêt Minh. Fin 53 et début 54 on essaie d’empêcher le Viêt Minh de faire du Laos une base de secours et de ravitaillement et de fixer à un endroit précis un camp retranché qui attirerait le Viêt Minh et ainsi éliminer le gros de ses troupes. Un premier essai avait été fait à Na San. On décide en 53 de faire la même chose à Diên Biên Phu qui se situe dans une plaine entourée de collines.

Tout permettait de penser que le Viêt Minh n’avait pas d’artillerie ou en tout cas n’était pas capable de transporter des canons en quantité à cette distance. On partait du principe que le Viêt Minh attaquerait mais sans artillerie lourde. Le Viêt Minh a décidé de transporter en grand secret à dos d’homme ou à dos de mulet après les avoir démontés les pièces d’artillerie pendant des semaines et des mois. Diên Biên Phu va être encerclé par une artillerie qui va coûter la vie

Dès le 5 février on met en place des hommes et du matériel. Il y avait même quelques chars. Le 7 mai 1954, Diên Biên Phu va tomber.

5 février – 7 mai 1954 2293 morts 11721 prisonniers dont 75% vont mourir de famine, épidémie… Quand la guerre d’Algérie va commencer, tous les officiers supérieurs étaient en Indochine.

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Sur le plan politique en France :

René COTY succède à Vincent Ariol comme Président de la République le 16 janvier 1954.

Sous la IIIe et IVe république, le rôle du Président de la République est un rôle très réduit mais il aura des responsabilités notamment au moment du 13 mai lorsqu’il fera appel à de Gaulle.

Les forces en présence sont :

En nombre, la principale force politique est le Parti Communiste Français. Aux 1ères élections après la guerre, il recueuille 25-26% des voix. Après sa participation au gouvernement d’union nationale de de Gaulle en 46, il se retirera et ne pourra pas participer aux autres gouvernements.

Les Gaullistes créent le RPF en 47 , puis le RPF se dissout et les Gaullistes vont « attendre » le moment.

Les gouvernements de la IVe République qui vont traiter la guerre d’Agérie entre 54 et 58 sont des gouvernements formés essentiellement du parti socialiste, la SFIO dont le leader à l’époque est Guy Mollet, les Radicaux qui font partie de tous les gouvernements mais qui sont divisés en gauche radicale représentée par Mendès-France et une partie plus à droite comme René Mayer par exemple.

Le MRP est le grand parti de droite après la Seconde Guerre Mondiale. C’est un nouveau parti qui rallie un certain nombre de forces de droite.

B- L’ALGERIE À L’AUTOMNE 1954 : naissance et rapide extension de la « rébellion »

Pour mémoire : le 9 septembre 1954, un tremblement de terre à Orléanville fait 1450 victimes.

Roger Léonard est nommé Gouverneur général pour succéder à Naegelen. C’est un Bordelais, préfet de police, homme d’ordre, sans imagination, sans ambition spéciale pour l’Algérie qui convient bien aux Européens d’Algérie. Quand les évènements de la Toussaint va éclater, il dira « c’est un complot du Caire ».

PMF

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La nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954

Quelques centaines d’hommes mal armés vont déclencher 70 attentats dans toute l’Algérie : incendies, coupures d’électricité et de lignes téléphoniques, des bombes notamment à Alger, des coup de feu et quelques assassinats en particulier les 2 que l’on a retenu :

Celui qui se passe dans le Constantinois dans les gorges de Tighanimine ( Haut Aurès) :

L’autobus qui va de Biskra à Arris est arrêté par une cinquantaine d’ hommes armés qui font descendre une partie des passagers et ils tuent un caïd, Ben Hadj Sadok et assassinent un instituteur de 23 ans Guy Monnerot, qui se tenait à ses côtés, qui arrivait en Algérie pour enseigner aux enfants du bled, sous les yeux de sa femme qui est grièvement blessée.

Au total, il y aura 8 morts et 4 blessés cette nuit-là.

Est diffusé un tract assez mal écrit, mal imprimé, qui apprend au monde et d’abord aux Algériens la naissance du FLN et son programme.

Le nombre des exactions va augmenter à une vitesse folle durant les années 1955 et surtout 1956.

Au printemps 55 on compte 200 exactions pour atteindre fin 1956 4000 exactions (courbe établie par les services français).

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L’activité des nationalistes est plus ou moins forte selon les régions. Cette carte (origine française) partage l’Algérie en douars (circonscriptions rurales) pourris, très fortement contaminés, contaminés par la rebellion, zones de ralliement et zones où des indices de ralliement ont été enregistrés. Les endroits où les nationalistes sont les plus nombreux sont le Constantinois, l’Aurès, la Kabylie peuplée de Berbères. Pourquoi ? Le terrain y est propice, il y a le souvenir de la répression de Sétif avec un ressentiment très profond contre les Français, il y a peu d’Européens. Il y a aussi la possibilité de repli vers la Tunisie.

En 2 ans, le FLN a réussi à s’enraciner dans une grande partie de l’Algérie en combinant une série de moyens.

C- Moyens et forces des Nationalistes

� La propagande

Très vite, le FLN fait appel à la solidarité religieuse, patriotique. Les combattants sont appelés les moudjahidines, les combattants de la guerre sainte, du djihad. Combattre les Français est un devoir sacré.

� Le terrorisme

Il vise à déshonorer tous ceux, les traitres, qui ne veulent pas combattre les Français, à intimider les hésitants.

� La provocation de représailles françaises :

On utilise des formes de terrorisme horribles qui provoquent nécessairement des représailles qui veulent être à la hauteur de l’horreur et qui dressent la population hésitante contre les Français. Cette forme de terrorisme sera beaucoup utilisée par le FLN.

Des gens comme Guy Mollet qui au départ sont sensibles à la cause nationaliste algérienne, et qui, à la suite en particulier des actes de terrorisme du mois d’août 1955, sont révoltés.

C’est aussi par ces actes de terrorisme que l’on justifie les actes de torture.

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� En 54-55, le FLN obtient le ralliement de certaines forces politiques algériennes :

Il y a scission au sein du MTLD (Le Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques) de Messali Hadj : Messali Hadj se retire en formant le MNA. L’autre partie du mouvement garde le nom de MTLD.

Messali Hadj a toujours eu une conception assez démocratique (trotskiste) de son parti même si c’est un parti de guerre. Les centralistes de Ben Kheda ont une conception léniniste, dictatoriale de l’organisation du parti. Ils rejoignent l’UDMA de Ferhat Abbas.

Le FLN malgré son nom de « Front » n’est formé que du MTLD et de l’UDMA. Le FLN combattra le MNA pendant toute la durée de la Guerre avec éliminations, tentatives d’élimination physique de Messali Hadj lui-même.

Le Parti Communiste algérien, surtout formé d’Européens, est dans une position difficile. Il est l’héritier du Parti Communiste Français qui est contre le colonialisme mais qui, en 54-55, est très proche des socialistes, de Guy Mollet qui considère que l’Algérie n’est pas un pays véritablement colonial. Les communistes sont en retrait et ne combattent pas jusqu’en juillet 1956 quoiqu’ils aient dit par la suite. À partir de juillet 1956, les communistes algériens vont soutenir le FLN. Certains vont entrer dans le FLN, d’autres resteront autonomes.

Les chefs historiques du FLN :

Rabah Bitat va être le premier responsable de la wilaya IV (Algérois).

Mostefa Ben Boulaïd : Il est à la direction des opérations du déclenchement de la Guerre d'Algérie du 1er novembre 1954 dans la région des Aurès.

Mourad Didouche est nommé responsable de la zone II (Wilaya II).

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Mohamed Boudiaf deviendra président de la République et sera assassiné en 1992.

Belkacem Krim est le responsable de la zone de Kabylie au moment du déclenchement de l'insurrection. (W III)

Mohamed Larbi Ben M'hidi est nommé premier chef de la Wilaya 5 ( la région d'Oran) . A un rôle moteur lors du congrès de la Summam en 56.

Les autres leaders :

Ahmed Ben Bella qui fera surtout connu par la suite

Abane Ramdane sera le leader le plus actif pendant cette période de 1954- 1956. C’est un kabyle qui va être assassiné en 1957 dans une ferme reculée par deux hommes qui l’étranglent sur ordre d’un colonel FLN Oussouf avec l’aval d’un certain nombre de chefs FLN. On lui reprochait de vouloir soutenir que le politique devait toujours l’emporter sur le militaire.

Sa mémoire va être occultée jusqu’il y a peu de temps. C’était un intellectuel, très intelligent. Il va jouer dans la résistance algérienne un peu le même rôle que Jean Moulin. C’est lui qui regroupe, qui unit, qui va aussi tracer la doctrine du mouvement révolutionnaire. En tant que Kabyle, il est pour le pluralisme politique et linguistique, à l’encontre de beaucoup de leaders du FLN.

Film : Abane Ramdane "tombé au champ d'honneur" l ... youtube.com Congrès du FLN dans la vallée de la Soummam (Bougie)

Il intervient de façon décisive au congrès de la Soummam au sud de Bougie, le 20 août 1956, où beaucoup de décisions sont prises comme une réorganisation du pays au niveau des structures.

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Ramdane fait créer 6 wilayas :

La I : l’Aurès

La II : le Constantinois La III : la Kabylie La IV : Alger et le sud La V : l’Oranais La VI : la partie saharienne La VII : le combat en France

Réorganisation de l’armée qui donne un statut pour l'armée de libération nationale et rationalise les structures.

Création de grades militaires et l'apparition de nouvelles unités opérationnelles comme les compagnies, les bataillons et les commandos. Après 1956, l'organisation se présente ainsi : Le demi-groupe se compose de 5 éléments ; Le faoudj (groupe) de 11 éléments dont . un sergent et deux caporaux ; La ferka (section) se compose de trois groupes et de deux cadres : 35 éléments ; La katiba (compagnie) de trois sections et cinq cadres : 110 hommes Les différents grades : Colonel, commandant, capitaine, lieutenant, sous-lieutenant, aspirant, adjudant-chef.

Sur le plan politique, Le CNR devient le CNRA, le Comité National de la Révolution Algérienne, avec une cinquantaine de membres.

C’est aussi lors de ce congrès qu’est défini le concept de guerre révolutionnaire comme vu précédemment.

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D- La stratégie française

• Les hésitations des « Politiques »

En 1954, le « Front républicain » est au pouvoir. C’est une coalition de centre gauche avec la SFIO, Les Radicaux et les Gaullistes.

Le Président du Conseil est Pierre Mendès France qui va très vite se heurter dans son propre parti à un groupuscule de droite mené par Roger Mayer.

18 juin 1954 – 5 février 1955

Il fut l’un des plus jeunes députés de l’entre-deux guerres. A déjà été ministre. Il choisira la Résistance gaulliste pendant la Second Guerre mondiale et sera dans l’aviation. C’est la grande figure de la gauche pendant cette période de la IVe République.

Il est nommé le 18 juin alors que Diên Biên Phu est tombé le 7 mai. En juillet 1954, à la conférence de Genève, il accepte la perte de l’Indochine où les Français étaient présents depuis 1856. Lors du discours de Carthage du 31 juillet 1954 il confirme l’autonomie future et l’indépendance immédiate pour la Tunisie et le Maroc.

Et arrive la Toussaint 1954 en Algérie.

Les premières paroles de Pierre Mendès France le 9 novembre : « L'Algérie, c'est la France, et non un pays étranger… On ne transige pas quand il s'agit de défendre la paix intérieure de la nation, l'unité et l'intégrité de la République . Primo il faut s'assurer que les mouvements de troupe ont été exécutés, secundo il faut au moins tripler les effectifs des troupes et des CRS envoyés en Algérie ».

Le 12, il dit : «il y a nécessité d'une coopération généreuse que la métropole doit créer pour une vie meilleure en Algérie, amélioration des terres incultes etc. » ( sous-entendu, il faut des réformes) Il va aussitôt être attaqué par son propre parti, harcelé par René Mayer. Si rajoute l’antisémitisme qui règne en France.

Il fait cette déclaration quelques jours avant que son gouvernement ne tombe : « il n’y a que 2 politiques possibles en Afrique du Nord: une politique de détente et de réformes ou une politique de répression ou de force avec toutes ses horribles conséquences. Le gouvernement a choisi la première ».

Le gouvernement tombe car la majorité refuse de continuer avec Mendès France.

Mendès France nomme avant de partir, en janvier, Jacques Soustelle Gouverneur général probablement pour faire un audit sérieux sur les besoins des populations algériennes.C’est un très grand intellectuel, ethnologue (il a travaillé notamment sur les Astèques) .

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Dans un premier temps il va être mal-aimé des Européens car il arrive avec des intellectuels gauchistes de haute volée. Il a dans son cabinet :

Jacques Juillet, un préfet mendésiste remarquable,

Guy Lamassoure qui était aussi un préfet remarquable,

Le commandant Vincent Monteil, arabisant, gaulliste, qui a publié de nombreux ouvrages, notamment L’Islam Noir,

Germaine Tillon, grande ethnologue.

Il y a une doctrine Soustelle avec l’intégration avec le respect des spécificités linguistiques, culturelles et religieuses.

Edgard Faure est nommé chef de gouvernement par René Coty, à la suite de Pierre Mendès France. C’est un radical, homme de consensus.

Lors des émeutes du 20 et 21 août 1955, des Français et des musulmans sont assassinés par le FLN à coup de hâches, de pioches, de serpes, de couteaux de façon horrible. Il y eut 123 morts dont 71 Européens dans ces massacres, hommes, femmes et enfants. La répression fit 1273 morts avoués (on pense sérieusement à plusieurs milliers de morts). Stade de Skikda - massacre de civils algériens - Août 1955

Soustelle sera traumatisé par ces massacres. C’est la 2ème période Soustelle. Il change de politique et se tourne vers l’armée.

Il sera acclamé lors de son départ lorsqu’il est rappelé par Guy Mollet.