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La Gouvernance des banques coopératives françaises
Démocratie et Territoire1
Nadine Richez-BattestiCEFI, Université de la Méditerranée
Patrick Gianfaldoni
LBNC (Laboratoire Biens Normes Contrats), Université d’Avignon et des pays de Vaucluse [email protected] – UFR Sciences Juridiques, Politiques et Economiques,Université d’Avignon, 74 rue Louis Pasteur, 84029, Avignon – 04 90 16 26 38.
Résumé
En dépit du renforcement des contraintes qui pèsent sur les banques coopératives, elles tirentfondamentalement leurs spécificités de deux propriétés essentielles de leur mode degouvernance : leur caractère démocratique et leur ancrage territorial. Dans cette contribution,nous nous intéressons à la pertinence et à la validité de ces deux propriétés. En d’autrestermes, nous voulons interroger la gouvernance démocratique ainsi que la gouvernanceterritorialisée des banques coopératives. La finalité est double : montrer que ce mode degouvernance original traverse une crise de modèle, perçue comme une mutation, qui invite les
banques coopératives à rechercher un nouvel équilibre coopératif ; livrer deux interprétationsanalytiques qui soutiennent l’idée qu’il n’existe pas un mais plusieurs équilibres coopératifs,
par nature instables et dynamiques.
La méthodologie retenue croise une recension de la littérature en sciences économiques et degestion et les résultats et conclusions obtenus dans une recherche récente et les matériauxd’une étude en cours
Mots clés
Sociétariat – Equilibre coopératif – Identité – Légitimité – Proximité
1Cet article va faire l’objet d’une présentation dans le cadre du colloque de l’ISTEC, Coopératives et
Mutuelles : Impact du statut sur l’efficacité et l’organisation managériale, Paris, 20 septembre 2007.
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La Gouvernance des banques coopératives françaises
Démocratie et Territoire
Introduction
Partant d’une recherche aboutie2 et de travaux en cours3, notre contribution porte sur la
gouvernance démocratique et territorialisée des banques coopératives françaises.
Au cours des années 1960, les banques coopératives ont traversé une période de
réorganisation industrielle permettant de sauvegarder une coexistence entre des principes
d’intégration stratégique et des principes de décentralisation fonctionnelle et opérationnelle.
Dans les années 1980 et 1990, les banques coopératives ont été progressivement soumises aux
mêmes normes juridiques, financières et fiscales que les autres firmes du secteur. Aussi, laforme structurelle originelle de type « Bottom-up » s’est-elle transformée et hybridée en
acceptant des principes d’organisation de type « Top down ». Ces vingt dernières années, les
déréglementations sectorielles, l’intensification de la concurrence et la prééminence des
critères de compétitivité, tendances lourdes concomitantes à un puissant phénomène de
financiarisation de l’industrie bancaire, se sont accompagnées d’une diversification et d’une
concentration des groupes coopératifs. Les augmentations en capital (par croissance interne
avec ouverture de capital et par croissance externe avec création de société anonyme) ont pour autant permis d’emboîter intelligemment logiques coopératives et logiques capitalistes, le
réseau coopératif gardant jusqu’à aujourd’hui le contrôle financier sur l’ensemble du groupe.
Ces variables surdéterminantes permettent de comprendre pourquoi le modèle coopératif
bancaire connaît une crise au cœur de sa dualité structurelle Banque et Mouvement , crise qui
touche deux propriétés essentielles du mode de gouvernance : le caractère démocratique et
l’ancrage territorial. Dans un premier temps, le dépassement de cette crise nécessite
d’interroger, simultanément les dimensions économique et sociopolitique de la gouvernancedémocratique. Cette démarche nous amène à proposer deux pistes de réflexion sur les
fondements d’un nouvel équilibre coopératif (ou « nouveau paradigme coopératif »). Puis,
dans un second temps, en abordant la gouvernance territorialisée des banques coopératives, et
soutenant l’idée qu’il n’existe pas un mais plusieurs équilibres coopératifs, nous développons
deux interprétations analytiques :
2 Richez-Battesti N. et Gianfaldoni P. (dir.), 2006, Les banques coopératives en France. Le défi de la
performance et de la solidarité, L’Harmattan, Paris.3 Gianfaldoni P. et Richez-Battesti N. (dir.), 2007, La gouvernance partenariale des banques coopératives,Recherche commandée par la Délégation Interministérielle à I’Innovation, à l’Expérimentation Sociale et àl’Economie Sociale, Paris.
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- La première, à caractère holiste sur le plan méthodologique, repose sur des équilibres de
gouvernement d’entreprise, c’est-à-dire des arrangements structurels entre plusieurs types
de légitimités, auxquels répondent les parties prenantes des banques coopératives. Elle
débouche sur une grille de lecture en termes de rapports et d’effets de proximité.
- La seconde, à caractère individualiste méthodologique, donne la primauté aux logiques
d’action des parties prenantes dans la construction des équilibres, c’est-à-dire des
arrangements interactionnels entre parties prenantes influencées par les différentes
modalités d’un système de légitimité. Elle débouche sur une grille de lecture en termes de
principes de légitimité des actions, qui permet de questionner les mobiles d’action des
sociétaires des banques coopératives.
1. La Gouvernance démocratique des banques coopératives
Après avoir présenté les présupposés économiques et politiques des modèles de gouvernance,
la gouvernance démocratique des banques coopératives est analysée en deux étapes : les trois
problématiques ayant trait à la démocratie économique et sociopolitique ; les fondements d’un
nouvel équilibre coopératif.
1.1 Les présupposés économiques et politiques des modèles de gouvernance
La gouvernance s’est prêtée ces dernières années à diverses théorisations et modélisationsdisciplinaires et interdisciplinaires. En économie et gestion, c’est sur le gouvernement
d’entreprise que se sont portées les analyses et les controverses, alors que les sociologues et
les politistes ont élargi l’objet aux enjeux liés à l’action publique, aux caractéristiques
territoriales et aux principes démocratiques des organisations publiques et privées.
En économie et gestion, deux courants théoriques issus de l’appareillage microéconomique
sont couramment évoqués ou convoqués pour aborder le gouvernement d’entreprise : la
théorie des droits de propriété et la théorie de l’agence. En traitant de problèmes d’ incitation
et de coordination, c’est de la performance des firmes qu’il s’agit centralement.
Comme cela a été souligné dans un article récent (Alcaras, Gianfaldoni, Le Friant et Ogier-
Bernaud, 2006), la théorie des droits de propriété tend ainsi à justifier la supériorité
économique de la firme capitaliste sur la firme publique et sur la firme coopérative. Le
modèle de gouvernance actionnariale (« Shareholder model » où les dirigeants sont des
stockholders) s’évertue à montrer que l’efficacité d’un processus de décision doit être assujetti
à un objectif unique, la satisfaction des actionnaires, et ne peut accepter une multiplicité ethétérogénéité de parties prenantes dont la légitimité économique reste floue et les intérêts par
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nature contradictoires (Jensen, 2001 ; Sternberg, 1997). Les mécanismes d’incitation
marchande et monétaire, auxquels doivent se conformer les dirigeants salariés, servent le seul
intérêt des propriétaires-actionnaires, suivant une relation d’équivalence entre maximisation
de la valeur actionnariale (sous contraintes) et optimum économique de la firme (assimilé à
l’intérêt général). Les coûts de coordination engendrés par les rapports entre propriétaires-
actionnaires et managers-salariés sont justement les contraintes à minimiser et s’apparentent à
des coûts contractuels (coûts de transaction) ou des coûts d’agence (coûts de contrôle et de
surveillance, d’obligation, d’opportunité) (Jensen et Meckling, 1976). La grande firme
capitaliste semble donc la forme structurelle de propriété la mieux à même, dans le double
sens de l’ « ownership » (appropriation privée) et des « property rigths » (droits de jouissance
socialement reconnus), de contenir les coûts de coordination et de promouvoir de manière
concomitante les mécanismes d’incitation, sous l’effet conjugué d’une extension des marchés
concurrentiels et d’une adhésion généralisée au système de valeurs capitalistes.
Par opposition, la firme coopérative se réfère au modèle de gouvernance partenariale
(« stakeholders model »), qui privilégie la maximisation de la valeur partenariale entre parties
prenantes (Caby et Hirigoyen, 2005). Quatre parties prenantes entrent en contact et se
confrontent : les dirigeants administrateurs, les sociétaires clients, les dirigeants salariés et les
employés salariés. Les économistes libéraux avancent des arguments en défaveur de la firme
coopérative : d’une part, le manque supposé d’incitation des sociétaires (droits non-cessibles,
impartageabilité des réserves), des administrateurs (carences du bénévolat et faibles
indemnisations) et des managers (plus faible rémunération salariale et aucun revenu
patrimonial) ; d’autre part, des surcoûts de coordination liés à un accroissement des coûts de
transaction (complexification des structures de décision et augmentation des coûts de
négociation) et des coûts d’agence (en particulier des coûts supplémentaires de contrôle des
managers et des coûts d’opportunité découlant d’intérêts divergents entre propriétaires et
managers). Toutefois, Jaeger, Ory et Gurtner (2006 a) ont bien montré, dans le cas des
banques coopératives françaises, que les conflits d’agence sont assouplis du fait de droits
limités des sociétaires (qu’ils soient traduits en termes monétaires ou d’influence sur la
gestion) en contrepartie d’avantages économiques spécifiés (taux de crédit plus faibles,
individualisation des services, placements d’épargne liquides et non risqués). Dans le même
sens, le déficit de motivation des managers ne se vérifie pas car la forte concurrence
sectorielle, couplée aux fonctions pleinement assumées de direction politique et de contrôle
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par les administrateurs bancaires, impose une discipline dans l’intérêt des réseaux coopératifs
et des sociétaires.
Si nous prenons maintenant une perspective sociopolitique, les réflexions sur la notion de
gouvernance traversent l’espace public, se rapportant à la société civile et aux institutions del’Etat, et l’espace privé, en traitant des formes structurelles des organisations instituées
privées. La gouvernance peut prendre une signification à connotation territoriale quand elle
résulte d’une pluralité de systèmes locaux d’action publique. Les poly-gouvernances locales,
pour reprendre l’expression de Eme (2005), rassemblent au côté des élus et des
administrations publiques des acteurs forts de la « société locale » parmi lesquels les banques
coopératives, dont l’une des propriétés intrinsèques est justement l’ancrage dans des
territoires « révélés » par des relations de proximité tissées historiquement avec des petites etmoyennes entreprises, des coopératives agricoles ou de production, des associations et par des
rapports institués avec des collectivités locales. Dans une optique complémentaire, on peut
considérer avec Enjolras (2005) que la gouvernance recouvre « l’ensemble des modalités
institutionnelles régissant les interactions d’acteurs dont les activités contribuent à la
réalisation d’objectifs relevant de l’intérêt général » et qu’en conséquence tout régime de
gouvernance inclut l’ensemble des acteurs, publics ou privés, impliqués dans cette réalisation
en tenant compte de leur institutional forms. Aussi, en tenant compte des critères retenus par
cet auteur pour catégoriser les structures de gouvernance des for-profit firms, public
enterprises et nonprofit organizations, apparaît-il que la gouvernance interne des banques
coopératives repose sur un mode de démocratie économique et politique relevant des cinq
niveaux suivants : the distribution of property rights, the way decision making, the dominant
mechanism of coordination, the principles of accountability, the type of incentive. Cette
typologie doit nous conduire à interroger plus en profondeur les principes démocratiques des
banques coopératives.
1.2 La démocratie économique et sociopolitique
En repartant de la grille proposée par Enjolras, il ressort clairement que les banques
coopératives se réfèrent par principes (ou formellement) aux nonprofit organizations :
propriété collective des résultats réinvestis et aucune propriété individuelle de droits résiduels
(résidual claims) ; prises de décision politique par des administrateurs élus ; mécanisme de
coordination basée sur la réciprocité ; responsabilités économiques des dirigeants salariés
devant les sociétaires et administrateurs ; incitations et mobiles d’action dépassant la seuleaxiomatique de l’intérêt. Pour autant, la démocratie économique revendiquée par les firmes
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coopératives ne couvre pas les méta-valeurs qui fondent le projet politique de l’économie
sociale, mais fait partie intégrante du projet en tant qu’ensemble de conditions nécessaires à sa
réalisation. Dit autrement, le projet porté par les firmes coopératives ne peut se limiter à des
aménagements ou à des spécifications économiques, il se définit avant tout dans l’espace des
valeurs sociopolitiques.
La démocratie économique est amplement abordée par la théorie des parties prenantes
( stakeholders theory), qui stipule la participation de différentes catégories d’agents à la
création et à la répartition des ressources économiques. Les quatre principes précités peuvent
y être traités, en mettant en lumière les particularités des firmes coopératives du secteur
bancaire comme cas en part entière dans un cadre économique plus général. Par postulat, les
quatre catégories d’agents en présence endossent une rationalité de comportement, certeslimitée, mais qui ne se détache pas des logiques inhérentes à l’individualisme
méthodologique.
La démocratie sociale imbrique les cinq valeurs de démocratie, d’égalité, de solidarité, de
liberté et de responsabilité, qui renvoient aux principes de gestion démocratique, de non-
lucrativité, de libre-adhésion et de participation. Suivant cet optique, les parties prenantes
s’associent alors en ayant incorporé ces valeurs sociopolitiques, en adhérant librement aux
finalités de la firme coopérative, en souscrivant aux objectifs qu’elles contribuent à dessiner,en acceptant la stratégie qui en résulte. Sont mises en jeu non plus seulement des ressources
économiques mais aussi des ressources sociales et politiques dans les échanges entre acteurs
(par distinction des agents), la question de la participation démocratique devenant centrale -
par extension de la représentation démocratique – à la fois sur le plan institutionnel et
organisationnel. Ainsi, comme l’avait bien souligné Desroches (1976), les statuts juridiques
ne protègent en aucune manière les firmes coopératives – et donc les banques coopératives –
de déviances économiques (marchandisation et financiarisation des rapports d’échange) et deconflits politiques (rapports de pouvoirs créant des clivages et des tensions). La démocratie
sociale ne se décrète donc pas dans les organisations instituées de la coopération, elle repose
sur une participation effective et active des administrateurs et des sociétaires au
fonctionnement et aux décisions.
De cette double caractérisation économique et sociale de la gouvernance démocratique, trois
problématiques majeures se dégagent nettement dans les banques coopératives aujourd’hui :
les difficultés de matérialisation de la propriété collective dans sa concrétisation et dans sesimplications sur la réalité du sociétariat ; les potentialités et les limites associées à
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l’hybridation des ressources économiques et sociales ; l’effectivité démocratique repensée à
travers le principe de réciprocité.
Dans un premier temps, s’il est admis que la propriété privée et la propriété publique donnent
naissance peu ou prou à des structures de gouvernance marquées respectivement par des phénomènes ploutocratiques/technocratiques et des tendances bureaucratiques, la propriété
collective des banques coopératives ne les pousse pas à un exercice naturel de la démocratie
économique et sociale et ne les absout pas pour autant des logiques de concentration de
pouvoirs. Non seulement la démocratie représentative (à travers les assemblées générales pour
l’essentiel) est encadrée par des mécanismes formels maîtrisés et contrôlés par un « haut
encadrement », constitué par des administrateurs élus et épaulés par une technostructure, mais
de plus la démocratie participative n’a que peu de consistance sur les questions stratégiquesdans les conseils locaux ou régionaux. En d’autres termes, le droit de vote ne garantit pas en
soi l’expression démocratique, la délégation de compétences devant s’accompagner d’une
mise à niveau technique des sociétaires et des administrateurs locaux et régionaux (transferts
de connaissances) et d’une attribution de règles de contrôle de l’orientation stratégique
(liberté de pouvoirs). Aussi, peut-on s’interroger sur la double qualité de sociétaire : d’un
côté, le sociétaire a de fait un intérêt quasi-nul dans la valeur capitalisée et limité à « la
répartition au prorata de l’usage » (Bergeron et Lalancette, 1993), et de l’autre, il a eu et
continue à subir une réduction drastique de ses domaines de compétences et une perte de
contrôle direct sur les produit-services achetés (Soulage, 2003). Originellement construite sur
les deux composantes de propriétaire et d’usager, la figure du sociétaire tend à se morceler et
de la sorte à se réduire à une caution morale (administrateurs locaux) et une clientèle à
fidéliser (consommateurs avantagés). Cependant, il convient de mieux cerner les engagements
pris et l’implication des sociétaires en confrontant leurs mobiles d’action aux normes
institutionnelles et organisationnelles.
Dans un second temps, l’hybridation des ressources économiques et sociales – monétaires et
marchandes, monétaires et non marchandes, non monétaires – offre aux banques coopératives
un éventail de potentialités par rapport aux banques capitalistes, à la fois en termes
d’avantages compétitifs mais plus encore en réaffirmant leur identité historique. Sur le
premier point, le développement d’un bénévolat gestionnaire, illustré par la présence et
l’investissement humain des propriétaires-usagers dans les différentes instances décisionnelles
et de gestion, permet de limiter les prises de risque financier et d’abaisser les coûts d’agence
(rapports managers-propriétaires et propriétaires-clients moins teintés d’opportunisme au
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regard de la propriété actionnariale), de mieux satisfaire les besoins de la clientèle en
symbiose avec les tissus économiques et sociaux locaux. Sur le second point, les
combinaisons entre ressources monétaires et non monétaires traduisent, en pratiques
d’échange, l’articulation entre efficacité économique et efficacité sociale, entre performances
technico-économiques des banques et intérêts collectifs légitimes des sociétaires. Elles
renforcent de même les liens entre utilité économique (services marchands et valeurs captées)
et utilité sociale (services solidaires et valeurs redistribuées) à travers l’insertion locale des
bénévoles, leur implantation durable et le maillage relationnel qui en découle. Mais là encore,
de la place accordée aux bénévoles dans les entités politiques nationales, régionales ou locales
des banques coopératives dépend l’équilibrage des ressources et par voie de conséquence le
degré d’imbrication de rationalités utilitaristes avec des rationalités collectives (démarches
initiées et menées au nom de l’intérêt collectif ou de l’intérêt général).
Dans un troisième temps, les déficits démocratiques relevés dans les banques coopératives
(systèmes de cooptation et critères discutables de représentativité des administrateurs,
transmission sélective des informations et formation réduite) impliquent d’apporter des
réponses pragmatiques et techniques mais aussi conditionnée par une conception fondée sur
une impulsion réciprocitaire de l’activité. Les propositions du Rapport Pflimlin (2006) vont
dans ce sens : promotion sociale et indemnisations des administrateurs en fonction du temps
consacré, des capacités politiques et relationnelles éprouvées ; meilleure représentativité des
conseils par une transparence des critères, une sollicitation plus large des administrateurs ou
des salariés — directeurs et chargés de clientèle — et une prise en compte des candidatures
spontanées, un rajeunissement et une féminisation des CA ; identification des candidats et des
administrateurs par rapport à « l’intérêt de l’entreprise », aux statuts et à la déontologie, à leur
parcours mutualiste et professionnel. Dans cet esprit, les administrateurs doivent tendre à
combiner, dans leurs attributions et leurs motivations, des ressources marchandes, non-
marchandes et non monétaires, car « l’action n’est pas qu’instrumentale » comme le rappelle
Laville (1994). L’investissement et la créativité dans des fonctions d’administrateurs de
banques coopératives peuvent ainsi répondre à des incitations non marchandes et non
monétaires dans des espaces d’initiatives caractérisés par de la confiance mutuelle et de
l’intersubjectivité relationnelle, à la fois en direction des salariés managers et employés en
interne et par ramification en construisant des coopérations externes. En (re)vitalisant des
espaces de débats, de co-construction des choix ou d’intermédiations volontaires (Floris,
2003), la communication (interne et externe) ne se borne donc pas à de l’information et ne
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relève pas prioritairement de l’économique pour rendre effectif le projet démocratique. Elle se
développe, dans la dimension du politique, par la voie d’engagements citoyens (Dacheux et
Laville, 2003).
1.3 La recherche d’un nouvel équilibre coopératif
Confrontés à de multiples tensions dans leur gouvernance démocratique, les banques
coopératives sont à la recherche d’un nouvel équilibre qui ne peut se confondre avec la
conception microéconomique de l’équilibre de la firme et dont les problèmes émergeants ne
peuvent se poser et se résoudre dans le seul champ borné de la démocratie économique.
Dans les théories économiques standards et contractualistes (théories de l’agence et des droits
de propriété), l’équilibre est assimilé à l’optimisation des ressources considérées (matérielles,
monétaires ou informationnelles) dans le but de maximiser la valeur marchande mesurable.
Au sein de firmes représentées comme des marchés internes, l’équilibre productif et/ou
contractuel est atteint par l’intermédiaire de calculs sur la meilleure ou la plus satisfaisante
allocation possible de ressources économiques, en utilisant des fonctions de production, de
décision, de contrôle et/ou d’incitation (Gianfaldoni, 2000 et 2004). Dans les banques
coopératives, la confrontation actuelle des logiques de shareholders value (maximisation de la
valeur économique pour la catégorie des actionnaires) et de stakeholders value (maximisation
de la valeur économique pour les différentes parties prenantes) entre pleinement dans ce cadre
théorique. C’est ce que mettent en lumière Jaeger, Ory, Gurtner (2006 b), quand ils traitent de
la mue du sociétaire, de coopérateur en stakeholder , et des changements en cours dans les
objectifs de création et de maximisation de la richesse économique, deux phénomènes liés aux
transformations de la coopérative bancaire en groupe bancaire coopératif incorporant des
sociétés capitalistes et se pliant partiellement à des logiques de shareholders value.
La mue du sociétaire des banques coopératives
Coopérative bancaire Groupe bancaire coopératif
Incitationsmonétaires
Incitations non marchandes :
• Intérêts sur parts sociales plafonnés(taux d’intérêt sur crédits bonifiés)
• Ristournes directes et indirectes
• Intérêts sur formule d’épargnedéfiscalisé
Incitations marchandes :
• Intérêts sur parts sociales plafonnés mais bénéficiant de l’avoir fiscal
• Rémunération variable sur des titres participatifsassimilables à des actions sans droits de vote
• Dividendes et plus-values éventuelles sur lesactions du groupe bancaire
Incitations nonmonétaires
Densité et décentralisation du réseau :
• Services différenciés et adaptés
• Autonomie et rapidité décisionnelle
Association à des missions d’intérêt général :
• Projets de développement social et local
• Mécénat et FondationsSource : D’après Jaeger, Ory, Gurtner (2006 b)
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Si le réseau coopératif contrôle formellement les filiales capitalistes (liens juridiques et
financiers), les logiques de structure de type shareholders value tendent pourtant à s’insinuer
ou à s’imposer progressivement : opérations de croissance externe et exigence de rentabilité
des actionnaires, nouvelle configuration de la chaîne de valeur avec une remontée de la valeur
créée vers les holding financières ou les entités cotées ; rationalisation de la production des
services bancaires en vue de performances évaluées en termes de baisses de coûts et de gains
de productivité ; légitimation de ces logiques, grâce aux normes juridiques édictées (loi
bancaire de 1984, modifications statutaires de 1992, règles prudentielles de Bâle 2) ou aux
évaluations financières publiées (agences de notation des résultats) par extériorité ; motivation
des dirigeants salariés et des dirigeants administrateurs de plus en plus tournée vers des
critères de performances financières.
Les déséquilibres économiques contemporains des banques coopératives résultent à la fois de
contraintes – déréglementation et intensification de la concurrence – et de choix stratégiques
assumés – croissance interne et externe, diversifications, capitalisation – qui les ont amenées à
interpénétrer des logiques capitalistes, marchandes et coopératives, rendant de moins en
moins lisible leur identité. C’est pourquoi la recherche d’un nouvel équilibre coopératif
nécessite d’interroger simultanément les dimensions économique et sociopolitique de la
gouvernance démocratique, car les symptômes de « démutualisation de l’intérieur » dont parle
Mottet (2002) sont concomitants au renforcement des technostructures managériales et
recèlent une double crise potentielle du modèle coopératif au cœur de sa dualité structurelle
Banque et Mouvement :
• « L’incorporation des mécanismes de marché au niveau du top management » (Mottet,
2002) se traduit non seulement par une banalisation de la gestion des risques et des coûts
mais aussi par un affaiblissement du caractère démocratique du fonctionnement. D’une
part, se trouve posé le problème de la coexistence entre la vocation de toute firme
coopérative à créer du lien social dans des « groupes d’appartenance » (identités
collectives et proximité idéologique) et la stratégie à privilégier les liens commerciaux et
financiers (utilités marchandes et minimisation des risques et des coûts). Les dirigeants
administrateurs sont plutôt enclins à adapter les « pratiques démocratiques » aux
« pratiques d’affaires » que le contraire. D’autre part, la moindre participation des
sociétaires, implication directe à la vie de l’institution (bénévolat) ou indirecte en tant
qu’usager (coproduction de services), peut nous questionner sur la clientélisation de la
relation de services. Les tendances affirmées à la rationalisation de la relation client et un
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contrôle hiérarchique appuyé sur les établissements et les opérationnels amenuisent
sérieusement la confiance relationnelle, symbolique et cognitive, entre employés salariés
et clients sociétaires sans que ces derniers puissent jouer un quelconque rôle de force de
rappel.
• La forme structurelle originelle de type « Bottom-up » évolue significativement vers une
forme de type « Top down » (Di Salvo, 2002) : passage d’une propriété, formelle et réelle,
des banques fédérales ou confédérales détenue par les fédérations ou les caisses régionales
à une centralisation des pouvoirs d’orientation et de contrôle stratégique au sein de
directions générales nationales ; diminution sensible des zones d’autonomie des niveaux
régionaux et locaux ; limitation des capacités démocratiques du sociétariat, par manque
d’informations, de communications et de formations. Exprimant en quelque sorte la
prédominance des forces marchandes-financières sur les forces coopératives-mutualistes,
cet effacement des principes de complémentarité devant les principes d’intégration
s’incarne dans la cimentation d’une division sociotechnique du travail entre un binôme
décisionnel [dirigeants administrateurs et dirigeants salariés] et un binôme exécutant
[clients sociétaires et employés salariés].
La perte de cohésion entre les membres de la coopérative, sociétaires et administrateurs, liée à
un fonctionnement démocratique réduit à sa plus simple expression formelle (CA et AG) et
sans consistance réelle, cantonne par voie de conséquence les sociétaires dans un statut de
clients (rationalité utilitariste et comportement consumériste) et octroie aux administrateurs
nationaux des pouvoirs concentrés (personnalisation de la fonction et cumul des mandats)
pouvant entraîner des dérives oligarchiques. En réponse à ce qu’il est convenu de qualifier
d’isomorphisme mimétique, et à la suite des travaux de Côté (2004, 2005, 2007), nous
avançons deux pistes de réflexion sur les fondements d’un nouvel équilibre coopératif (ou
« nouveau paradigme coopératif »), traversant les champs de la démocratie économique et
sociopolitique et questionnant les stratégies de refondation des banques coopératives.
Le renforcement de la loyauté (ou fidélisation) des employés et des clients sociétaires des
banques coopératives, dans un secteur effectivement marqué par une « difficulté grandissante
des entreprises à se différencier par la valeur économique (produits et services, qualité, prix) »
ainsi que par l’enseigne, devrait reposer en priorité sur une spécification des relations d’usage.
Au delà de sa consommation (standardisation/quantification de services rendus) ou de sa
consumation (limitation temporelle des valeurs d’usage à chaque relation de service), il
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s’agirait de particulariser (par rapport aux banques capitalistes) et de singulariser (dans le sens
d’une coproduction de service) les relations de service bancaire.
La mobilisation, sur la base des finalités et des valeurs fondamentales, des quatre catégories
d’acteurs nécessiterait de revaloriser le « cœur idéologique » des banques coopératives. Cettequête de sens et de légitimité passerait par un questionnement/conditionnement des motifs et
incitatifs des managers et employés afin de promouvoir leur « capacité à développer un
modèle d’affaires distinct qui reflète la nature et la logique d’action propre à la coopérative »
(Côté, 2007), des sociétaires clients comme « membres dénaturés » à (r)amener à des postures
avant tout définies par l’utilité collective et sociale, des administrateurs dirigeants comme
garants de l’identité coopérative. Mais les logiques d’action inspirées par les valeurs, les
règles et les principes distincts des banques coopératives devraient se traduire au quotidiendans des pratiques démocratiques (Côté, 2004).
2. La gouvernance territorialisée des banques coopératives
Il n’existe pas un mais plusieurs équilibres coopératifs, par nature instables et dynamiques.
Cette pluralité s’explique par différentes combinaisons, envisageables et réalisables, de
rationalités collectives et organisationnelles, que l’on peut percevoir au sein des banques
coopératives. Dans le même sens, la gouvernance territorialisée exprime diverses formes de
proximité, plus ou moins conciliables et imbriquées, et diverses logiques d’actions qui
répondent à des problèmes de coordination entre parties prenantes.
2.1 Deux interprétations de l’équilibre coopératif
Reprenant le cadre analytique de Suchman (1995), il est possible de penser les équilibres
coopératifs comme des formes de rationalité organisationnelle issues de processus structurels
ou à travers la confrontation de rationalités, individuelles et collectives, attribuées à chacune
des quatre parties prenantes de la banque coopérative : les dirigeants administrateurs, les
sociétaires clients, les dirigeants salariés et les employés salariés.
Une firme construit son système de légitimité suivant trois modalités : une modalité
pragmatique entendue comme la satisfaction d’intérêts distincts des parties prenantes ; une
modalité cognitive qui passe par la compréhension des objectifs de la firme et l’acceptation-
valorisation de la procédure correspondante par les parties prenantes ; une modalité morale au
travers de laquelle la firme s’engage à se conformer, intentionnellement ou effectivement, à
des valeurs normatives, et à les faire respecter en interne (Suchman, 1995). Tout mode decoordination des parties prenantes implique ainsi la mise en œuvre de règles, juridiques,
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formelles, codifiées, tacites, qui guident l’action par le travail de la raison pratique, qu’elles
soient pragmatiques, cognitives ou morales. Aussi, les règles partagées peuvent-elles se
révéler des normes explicites ou conventionnelles, dans lesquelles se reconnaissent et
auxquelles adhèrent les acteurs en présence. La fonction de toute règle étant de contenir les
incertitudes et les indéterminations pour anticiper l’avenir, tout en permettant de faire
respecter les attentes légitimes des différents acteurs, les conflits d’intérêt, de compréhension
et de valeurs peuvent se réguler en établissant « des exigences de coopération » entre acteurs,
« tant au niveau de la justification des normes adoptées qu’au niveau de leur application dans
des contextes déterminés » (Coppens, 2007).
Sur ces bases théoriques, deux interprétations de l’équilibre coopératif peuvent alors être
construites. La première repose sur des équilibres de gouvernement d’entreprise (Morvan,Gabriel et Cadiou, 2005), c’est-à-dire des arrangements structurels entre plusieurs types de
légitimités, auxquels répondent les parties prenantes. Cette démarche, à caractère holiste,
rejoint celle plus large des économistes de la proximité qui établissent des rapports de
prédétermination des actions par le territoire complexe dans lequel elles s’inscrivent. La
seconde est plutôt centrée sur des équilibres entre logiques d’action des parties prenantes
(Cadiou, Régnard, Morvan, Rousseau, 2006), c’est-à-dire des arrangements interactionnels
entre parties prenantes influencées par les différentes modalités d’un système de légitimité.
Cette démarche, à caractère individualiste, rejoint celle plus large de deux théoriciens
conventionnalistes, Boltanski et Thévenot, mettant en lumière des principes de légitimité des
actions comme facteurs explicatifs des comportements individuels et collectifs. Ajoutons que
dans le cas de la banque coopérative, l’ubiquité des quatre parties prenantes dans leurs
rapports à la propriété et à la performance tend à rajouter de la difficulté pour atteindre ou
espérer l’équilibre. Ainsi, les administrateurs sont à la fois propriétaires, élus
démocratiquement et décisionnaires. Les sociétaires sont à la fois propriétaires, citoyens et
clients. Les managers sont à la fois salariés, recrutés sur leurs compétences et décisionnaires.
Les employés sont à la fois salariés, recrutés sur leurs qualifications et prestataires de
services.
Poursuivant la première interprétation de l’équilibre coopératif, il convient de caractériser ce
que l’on entend par territoire et de catégoriser les proximités avant d’élargir les conceptions
de la légitimité qui leur sont associées. Le territoire se structure à travers des résolutions de
problèmes auxquelles participent les parties prenantes concernées dans des situations de
coordination (territoire « révélé »). Il fait aussi référence à l’ancrage des banques coopératives
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à travers des liens marchands, non marchands et non monétaires, tissés en interne et en
externe, la production et le partage de normes, de représentations et de valeurs communes.
Leur territorialisation, comme processus, se construit sur (et élabore dans le même temps) un
« patrimoine » défini par « la mémoire de situations de coordination antérieures réussies, par
la confiance entre les acteurs qui en est le résultat, ainsi que par des ressources cognitives
spécifiques virtuellement complémentaires (susceptibles d’être combinées pour résoudre des
problèmes productifs à venir) » (Colletis, Gianfaldoni, Richez-Battesti, 2005). Enfin, la
gouvernance territorialisée des banques coopératives ne découle pas d’un emboîtement
d’espaces de gouvernance, le niveau inférieur n’étant pas déterminé par le supérieur et
l’espace local n’étant pas à l’image du plus général, mais relève d’un enchevêtrement de
proximités dont la géométrie n’est pas donnée a priori. Nous distinguons cinq proximités qui
éclairent les relations entre parties prenantes4 :
• La proximité géographique s’appréhende par la distance géographique qui sépare
différentes parties prenantes, en tenant compte des moyens de transport (temps/coûts) et
du jugement des acteurs sur la nature d’une telle distance (représentations). La proximité
géographique favorise ainsi les autres formes de proximité en raccourcissant les temps de
transaction et de production, en augmentant la fréquence relationnelle, en facilitant
indirectement les processus d’apprentissage et d’innovation, en créant les conditions de
communautés de pratiques et de valeurs culturelles. Toutefois, elle peut induire des
conflits et des déséconomies de coordination par une surintensité des rapports d’échange
et une surabondance d’informations.
• La proximité organisée s’appréhende par les règles prescrites et construites de manière
autonome, qui organisent un double espace de pratiques et de représentations entre parties
prenantes réunies autour d’un projet commun. La proximité organisée permet ainsi
l’émergence et le développement de liens d’appartenance dans l’interaction, à la fois à
travers « le faire ensemble » (obligations de mises en actes) et le « devoir faire ensemble »
(contraintes de mises en actes).
• La proximité institutionnelle s’appréhende par les principes et les valeurs qui fondent,
dans les dimensions du politique et de l’idéologique, l’adhésion des parties prenantes à un
projet commun. La proximité institutionnelle intègre ainsi des liens de similitude dans
l’interaction, prenant leur source dans des modèles de pensée (perceptibles dans
l’affichage et la mise en œuvre de normes juridiques, morales, culturelles, langagières) qui
4 Pour expliciter le contenu des proximités, nous nous somme référés à différentes contributions publiées dans lenuméro de le revue Economie et Institutions, 2005, consacré à « Proximité et Institutions ». Citons les articles deD. Talbot et T. Kirat, de V. Angeon et J.-M. de Callois, de G. Colletis et B. Pecqueur, et de R. Boschma.
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relèvent pour leur validité et leur application, en toute première instance, d’une volonté
stratégique de l’institution de référence.
• La proximité sociale s’appréhende, d’une part, à travers l’existence ou (l’adoption à) de
normes sociales similaires (ressemblance) entre (par) les parties prenantes, et d’autre part,
à travers leur insertion durable et effective dans des activités collectives (communautés
professionnelles ou techniques, réseaux sociaux). La proximité sociale promeut des
relations encastrées socialement ( socially embedded relations), qui place au cœur de
l’interaction la confiance basée sur des liens de parenté, d’amitié et d’expérience.
• La proximité cognitive s’appréhende par les capacités de communication, de
compréhension et d’innovation, mises en œuvre ou produites par les parties prenantes au
cours de leurs relations. La proximité cognitive donne de l’épaisseur à l’interaction par la
nécessité de partager (en tout ou partie) un savoir, des connaissances et des compétences,
ce qui suppose une base initiale peu éloignée (knowledge base) et des écarts faibles
(knowledge gap) pour favoriser des apprentissages interindividuels, collectifs, voire
organisationnels.
En recouvrant potentiellement les cinq proximités, la gouvernance territorialisée des banques
coopératives met en tension des forces complémentaires ou opposées, qui croisent quatre
formes de légitimité correspondant chacune à une catégorie spécifiée de proximité : légitimité pragmatique / proximité organisée ; légitimité idéologique et politique / proximité
institutionnelle ; légitimité sociale / proximité sociale ; légitimité cognitive / proximité
cognitive.
La seconde interprétation ne réduit pas la gouvernance territorialisée à un contexte d’interactions
entre agents intéressés mais la considère à la fois comme champ d’expression et produit
complexe des logiques d’action des parties prenantes. En d’autres termes, les principes de
légitimité de l’action des quatre parties prenantes de la banque coopérative ne se limitent pas àune axiomatique utilitariste (intérêt personnel ou de groupe) et ne découlent donc pas du seul
calcul de préférence. Au contraire, les principes de légitimité de l’action relèvent de jugements
de valeur ou de jugements de justice, la coordination des parties prenantes étant conditionnée par
des accords sur la justesse des actions (Rousseau, Régnard, 2006). Les rationalités d’action
renvoient aux interprétations du réel et par là même aux significations des acteurs en fonction
des situations dans lesquelles ils se trouvent. Ils doivent être en mesure de justifier leurs actions
(ou en d’autres termes les légitimer), en donnant leurs motifs et en explicitant ce qu’ils
recherchent à travers les interactions. Aussi, un principe de légitimité peut-il se définir comme
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un répertoire de valeurs homogènes, auquel se réfère les acteurs pour établir des équivalences
relationnelles et s’accorder sur le sens de l’action collective. En tant que référentiels d’action, les
six principes de légitimité retenus permettent ainsi de cerner les raisons qui conduisent à des
situations d’ententes ou de conflits entre les quatre parties prenantes des banques coopératives,
celles-ci étant traversés par différents principes de légitimité de l’action et les acteurs individuels
se rapportant à chacune d’entre elles abritant aussi une pluralité de valeurs (Gianfaldoni et
Richez-Battesti, 2001 et 2004) :
(1) Le principe civique tend à rendre préalable à toute interaction la recherche de l’intérêt
collectif (propre à l’économie sociale et solidaire) ou de l’intérêt général (propre à
l’économie publique), qui se traduit dans l’action par la prééminence de motifs socio-
politiques, et privilégie les valeurs de dévouement, de solidarité, d’équité sociale ou de
redistribution économique.
(2) Le principe domestique tend à rendre préalable à toute interaction la recherche de liens
interpersonnels (le milieu) et traditionnels (la famille), qui se traduit dans l’action par la
prééminence de motifs communautaires (trajectoire commune, proximité de désirs et/ou de
besoins), et privilégie les valeurs de confiance, d’honneur, de subordination, de devoir.
(3) Le principe cognitif tend à rendre préalable à toute interaction la recherche d’un partage d’un
savoir, de connaissances et de compétences, qui se traduit dans l’action par la prééminence
de motifs de communication et de compréhension, et privilégie à la fois les valeurs
d’apprentissage et d’innovation.
(4) Le principe marchand tend à rendre préalable à toute interaction la recherche de l’intérêt
individuel, qui se traduit dans l’action par la prééminence de motifs concurrentiels et de
profitabilité, et privilégie les valeurs individualistes d’opportunisme, de compétition, de
captation de valeur économique, de rapport de force économique.
(5) Le principe industriel tend à rendre préalable à toute interaction la recherche de la
standardisation des règles et des procédures, qui se traduit dans l’action par la prééminence
de motifs fonctionnalistes et technicistes, et privilégie les valeurs d’efficience et d’efficacité
technico-économique.
(6) Le principe connexionniste tend à rendre préalable à toute interaction la recherche d’un
engagement sur des projets, qui se traduit dans l’action par la prééminence de motifs de
collaboration et de coopération, et privilégie les valeurs relationnelles et
d’intercompréhension.
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2.2 Les formes structurelles d’organisation et les effets de proximité
Si l’on s’intéresse à la territorialisation des banques coopératives, deux formes structurelles
historiques émergent : un première forme déconcentrée et une seconde décentralisée
(Gianfaldoni, Richez-Battesti, 2006).
En tant que « Banque de mouvement », le Crédit Coopératif est l’illustration de la première
forme. Les grandes fédérations nationales de l’économie sociale appartiennent aux différents
niveaux d’administration en tant que « personnes morales ». Hormis les administrateurs élus
par les salariés et les représentants du comité d’entreprise, le conseil national d’administration
est constitué de représentants des différentes familles de l’économie sociale (mutuelles,
associations, coopératives). Aux plans régional et local, chaque directeur doit composer avec
une instance où se retrouvent des personnes qualifiées et des représentants des mouvements présents sur le territoire, considérés comme des sociétaires actifs. Cela semble se vérifier dans
les comités régionaux qui détiennent un pouvoir de décision, les conseils d’agence regroupant
des personnalités locales cooptées et n’ayant statutairement qu’un pouvoir consultatif.
Le Crédit Mutuel se réfère à la seconde forme. Les mouvements de l’économie sociale sont
absents des instances nationales d’orientation et de décision. Le conseil d’administration de
l’organe central comprend des directeurs généraux, de fédérations régionales, des directeurs et
administrateurs régionaux, des directeurs de filiales. Le modèle décentralisé est caractérisé par
un découplage entre, d’un côté, un pilotage centralisé dévolu aux dirigeants administrateurs et
salariés et, de l’autre, des directions régionales où les directeurs et administrateurs tirent leur
légitimité de leur compétence socioprofessionnelle et de leur immersion sociale. Les Conseils
d’administration au niveau régional ou les caisses locales, constituées de représentants de la
société civile, sont composés de membres cooptés et possèdent formellement des pouvoirs
décisionnels.
Les banques coopératives possèdent donc des propriétés particulières en fonction de leur
inscription dans l’une des deux formes structurelles d’organisation. Si elles se distinguent par
une approche dissemblable de la proximité cognitive et de la proximité sociale, la perspective
de faire coïncider l’affirmation de valeurs identitaires et l’efficacité technico-économique
conduit aujourd’hui les banques coopératives à privilégier les proximités institutionnelle et
organisationnelle. Ainsi, elles recherchent avant tout des effets de proximité directs positifs,
qui résultent de dispositifs d’études, de formation, d’information ou d’animation.
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Cependant les effets de proximité directs peuvent être à double tranchant. Les instances de
participation introduites par le Crédit Coopératif, s’appuyant sur un sociétariat de personnes
morales, permettent bien d’associer de façon complémentaire les sociétaires dans le choix des
services et des produits offerts à l’échelle infra nationale. Mais sur un autre plan, la plus
grande difficulté à mobiliser des personnes morales que des personnes physiques ainsi que la
faiblesse de maillage local et infra-local de ce réseau bancaire (excellent maillage indirect par
les fédérations mais très peu d’agences en lien direct avec les individus usagers) ont un impact
négatif en termes socioéconomiques. Aussi, ne faut-il pas sous-estimer les effets attendus de
la proximité géographique : la force du Crédit Agricole, de la Caisse d’Epargne et du Crédit
mutuel réside dans leur implantation locale, à travers leur nombre d’établissements
opérationnels et de sociétaires. Parallèlement, un sociétariat actif apporte aux banques
coopératives, dans l’ordre des proximités sociales et cognitives, des avantages économiques,
en leur permettant non seulement de mieux maîtriser, et à moindre coût, l’information sur les
clients, mais aussi de mieux décoder les attentes des usagers-clients de produits bancaires
(baromètre local) (Pflimlin, 2006). Cette capacité supplémentaire d’évaluation des besoins et
de solvabilité de leurs clients procure aux banques coopératives des effets positifs tirés d’une
réduction du risque et d’une meilleure allocation de crédit.
Les proximités attachées à différentes dimensions de la gouvernance territorialisée des
banques coopératives engendrent aussi des effets induits, positifs ou négatifs, qui sont à
proprement parler des internalités.
D’une part, les internalités positives qui peuvent découler d’une confiance institutionnelle
entre dirigeants élus et dirigeants salariés présupposent l’adhésion à une matrice idéologique
ou à un projet politique, qui doit incorporer en tout ou partie des valeurs fondamentales du
mouvement coopératif (contrôle démocratique, liberté d’adhésion et d’égalité des membres,
acapitalisme, intercoopération et éducation coopérative des sociétaires) et peut composer avecdes principes non exclusifs du mouvement coopératif . A contrario, l’existence de clivages
portant sur les questions d’éthique et d’intégrité, de pouvoir démocratique et de participation
effective aux décisions, entraîne une perte de cohésion et une crise identitaire, source
d’internalités négatives. En complément, les structures d’organisation peuvent produire des
internalités positives, sur la base d’une communication active et une loyauté institutionnelle
entre administrateurs, sociétaires, managers et employés. En particulier, les dirigeants élus
doivent posséder une bonne connaissance des sociétaires, des partenaires politiques,
économiques et sociaux pour allier réseaux professionnels et réseaux sociaux et construire des
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compromis acceptables, permettant ainsi d’atténuer les effets du lock-in institutionnel qui peut
se manifester par de l’inertie et des rigidités institutionnelles.
D’autre part, les proximités géographique et sociale relèvent d’une approche contextuelle
fondée sur des pratiques relationnelles ancrées spatialement et encastrées socialement.L’implantation des banques coopératives sur un territoire géographique permet ainsi d’éviter
la diffraction économique et sociale induite par les logiques stratégiques des groupes
mondialisés : séparation entre agents producteurs et agents consommateurs, entre logique de
capitalisation (compétition et éclatement des espaces identitaires) et logique de
développement local (coopération et valorisation de « ressources cachées », potentielles ou
virtuelles). N’oublions pas que les banques coopératives ont été créées historiquement par des
communautés locales afin de compenser l’absence de services bancaires appropriés, de sortequ’elles se sont développées autour de ces communautés. Soulignons enfin le rôle joué par le
bénévolat gestionnaire. L’implication, la conviction, la motivation, l’engagement citoyen des
sociétaires au niveau local sont une réponse au problème de lock-in organisationnel, puisque
les modes de coordination déconcentrés ou décentralisés s’accompagnent d’une diminution
des coûts bureaucratiques et des effets économiques non monétarisés.
2.3. Les mobiles d’action des sociétaires
Schématiquement, et pour l’ensemble des réseaux bancaires coopératifs, deux dimensions
semblent particulièrement mobilisées dans les réflexions actuelles. D’un côté, l’accent est mis
sur le système de valeurs qui étaye les banques coopératives, de l’autre sur les sociétaires
comme acteurs centraux d’une gouvernance démocratique et territorialisée. Au sein de la
Caisse d’Epargne, des Banques Populaires, du Crédit Coopératif et du Crédit Mutuel, se sont
multipliés dans les années récentes des groupes de travail et autres commissions autour des
valeurs et du sociétariat.
Mais quels sont les différents moyens et lieux de participation offerts aux sociétaires ? Des
dispositifs techniques ont été mis en oeuvre pour augmenter la participation aux A.G. tout au
long d’une année civile5. L’ensemble des expériences est aujourd’hui relayé par une réflexion
plus globale sur les méthodes propices à revitaliser des espaces publics démocratiques
institutionnalisés. Dans cette perspective, il est intéressant de remarquer que le taux de
5 Certaines institutions ont prévu des lieux de débats avant l’A.G. nationale alors que d’autres convoquent aussides A.G. aux niveaux régional et local. Des « clubs sociétaires » et des « points sociétaires », des rencontres
d’informations et d’échanges, voire des postes salariés dédiés à l’animation du sociétariat commencent à sedévelopper. Les premiers exemples de vote électronique apparaissent et des sites Internet se créent en directionexclusive des sociétaires (avec informations sur les administrateurs et sur le déroulement des A.G.).
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participation des sociétaires semble dépendre de leur identification professionnelle6, qu’il
varie en sens inverse de la taille des institutions (et donc du nombre de membres) et qu’il se
trouve en partie conditionné par la volonté des administrateurs d’en faire l’une de leurs
préoccupations prioritaires7. Toutefois les questions ayant trait aux mobiles d’action du
sociétariat restent entières, si l’on considère que ces dispositifs techniques servent plus
« d’appareillages » de concertation que d’outils d’incitation à la participation.
Il n’y a pas un profil-type de sociétaire. Le sociétariat peut être d’adhésion (rapports
d’« affectio societatis » ou d’« affectio mutualis ») : connexions politiques et idéologiques
(fortes attaches) ; sentiments d’appartenance (du groupe jusqu’au niveau institutionnel) liés à
des évènements historiques, à une trajectoire individuelle, à des liens sociaux tissés
localement. Dans ce cas, les sociétaires sont attachés à leur coopérative ou mutuelle, sans pour autant y consacrer beaucoup d’énergie. Le sociétariat peut être de pure forme (rapports
marchands) : consommateurs hasardeux (forte volatilité), relations de clientèle utilitaristes
(prix/services), faible conscience sociale. Dans ce second cas, les sociétaires n’ont pas les
convictions nécessaires pour se considérer comme des membres à part entière d’une
organisation de l’économie sociale. Le sociétariat peut être actif (rapports civiques et de
gestion) : investissement humain en temps et en connaissances ; ancrage localisé
géographiquement et « relations de terrain » ; position acquise dans des réseaux sociaux et
rôle d’intermédiaire. Dans ce dernier cas, les sociétaires prennent des responsabilités
d’administrateurs plus ou moins affirmées dans leur contenu (liées le plus souvent au niveau
d’administration) et dans la durée.
Toute la difficulté est alors de saisir les différents motifs qui maintiennent un sociétaire dans
la passivité ou dans l’indifférence, qui l’amènent à avoir un intérêt mesuré à s’informer, à
avancer dans la compréhension de son organisation, ou qui le conduisent à véritablement être
acteur de son institution.En premier lieu, si le sociétaire doit passer de la posture de sujet à acteur, ce n’est pas en
raison de ses droits contractuels mais en fonction de la convention d’usage qui le lie à
l’institution. Si le sociétaire cherche à satisfaire ses besoins à travers des services préférentiels
(droits d’accès ou de gratuité à certains services, prix favorables ou préférentiels,
ristournes) ou à souscrire de parts sociales pour conforter son épargne, le principe qui justifie
son action est marchand. S’il est disposé à une démarche d’association à la gestion et à
6 Par exemple dans les mutuelles de métier, d’entreprise ou sectorielle.7 Ils peuvent en effet tirer une plus grande légitimité grâce à un vote massif des sociétaires.
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l’orientation de l’entreprise ou s’il s’engage sur une épargne de conviction (intérêt collectif
dans le partage des réserves, financements solidaires), il fait preuve de civisme. Ces deux
principes qui guident son action ne sont pas exclusifs puisque le sociétaire peut se faire un
devoir de mettre ses relations proches ou tissés dans le tissu local au service de sa banque
[principe domestique]. Suivant d’autres voies, son investissement humain dans la gestion
d’une caisse ou d’une agence peut progressivement le conduire à revaloriser l’efficacité et
l’efficience [principe industriel], partager des connaissances et des compétences et apprécier
l’apprentissage collectif [principe cognitif], incorporer des valeurs relationnelle et
d’intercompréhension par l’engagement sur des projets [principe connexionniste].
En second lieu, la « double qualité » du sociétaire (propriétaire et client) prenait tout son sens
dans des organisations beaucoup moins centralisées et réglementées. Mais la compétitionaccrue sur des marchés de plus en plus trans-nationalisés entraîne, dans la période
contemporaine, une centralisation des pouvoirs d’orientation et de contrôle stratégique,
renforcée par les mouvements de capitalisation et d’harmonisation juridique au plan européen.
Dans ces conditions surdéterminantes, la place et le poids du sociétaire dans les processus de
décision deviennent paradoxaux. L’évolution des formes structurelles d’organisation des
banques coopératives tend à éloigner le sociétaire des prises de décision stratégiques avec la
relative perte d’autonomie des structures locales et régionales [éloignement institutionnel], et
la complexification technique l’empêche de participer en connaissance aux décisions
[éloignement cognitif]. Simultanément, l’impératif identitaire des banques coopératives les
oblige ou les contraint à imaginer une implication renouvelée du sociétariat. En termes
générationnel et de jeu de rôle, il s’agit non seulement de redorer l’image coopérative
[principe marchand], mais aussi d’instrumenter l’attachement des sociétaires à des valeurs
[principe civique] ou à une communauté [principe domestique] en dégageant des avantages
compétitifs [principe marchand]. Toutefois, cette utilisation cynique de la référence au
civisme et à l’authenticité n’est qu’un aspect, nous semble-t-il, d’une stratégie plus globale
des banques coopératives. Cette stratégie consiste à spécialiser les sociétaires sur des
fonctions sociales et de solidarité (solidarité entre membres et générations, développement
social et local, actions menées en faveur de populations ou de zones défavorisées), rendant
ainsi compatibles les logiques industrielles et marchandes actuelles des banques avec les
principes civique et domestique qui président à l’action des sociétaires.
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Conclusion
Les banques coopératives françaises se démarquent a priori des firmes capitalistes par leur
mode de gouvernance : les conseils d’administration se présentent toujours comme des
organes décisionnels formels et leur implantation locale/régionale leur assure des relations
privilégiées avec l’environnement économique et social ; l’engagement désintéressé des
sociétaires et des administrateurs continue à jouer en faveur d’une gestion démocratique et de
proximité. Cependant, les choix stratégiques résultent de plus en plus d’un processus de
décision où prédomine le « haut encadrement », avec d’un côté un pôle politique (les
dirigeants élus) et de l’autre un pôle managérial (les dirigeants salariés). Par conséquence, les
sociétaires se sentent en partie dépossédés de prérogatives liées à leur statut et les employésdoivent appliquer en priorité des directives industrielles et commerciales. C’est pourquoi nous
nous sommes focalisés sur le caractère démocratique et l’ancrage territorial de la gouvernance
des banques coopératives.
Si leur statut juridique spécifique préserve encore les banques coopératives d’une
transformation rapide en groupes marchands capitalistes, tout en leur octroyant des avantages
économiques, il leur impose aujourd’hui des obligations stratégiques qui les conduisent à faire
évoluer leurs structures de direction et leur fonctionnement en dessinant de nouvelles voies
démocratiques et de nouvelles formes de proximité. Notre ambition est d’ouvrir quelques
perspectives théoriques qui puissent enrichir l’ensemble des réflexions allant dans ce sens.
Bibliographie
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